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Le Half Dome en Californie est composé de granit, une roche avec une densité relativement faible. Shutterstock

Des comparaisons rocheuses entre le Canada et l’Australie offrent des indices sur l’origine de la vie

Les roches à la surface de la Terre sont principalement divisées en deux types : felsiques et mafiques. Les roches felsiques sont généralement d’une densité relativement faible — pour une roche — et de couleur claire, étant constituées de minéraux blanchâtres riches en silicium et en aluminium. Le Half Dome en Californie est en granit, une roche felsique. Les roches mafiques sont plus denses et sombres, car elles contiennent des minéraux riches en fer et en magnésium. La Chaussée des Géants, en Irlande du Nord, est faite de basalte, une roche mafique.

La différence de densité fait en sorte que les roches felsiques sont plus flottantes et qu’elles se retrouvent à des altitudes plus élevées au-dessus du manteau terrestre (la couche à l’intérieur de la Terre entre la croûte et le noyau). Ainsi, les roches felsiques constituent les continents alors que la croûte terrestre située sous les océans est mafique.

Les mécanismes qui ont séparé en deux groupes les roches à la surface de la Terre peuvent également avoir créé l’environnement propice au développement de la vie il y a 4,3 milliards d’années, très tôt dans l’histoire de la Terre.

La Chaussée des Géants en Irlande du Nord est une formation rocheuse inhabituelle composée de roches mafiques. Shutterstock

La séparation en deux types de roches est le résultat de la tectonique des plaques : là où les plaques se séparent et s’éloignent, les roches qui se trouvent dessous se dépressurisent, fondent et comblent l’espace entre elles, comme dans la dorsale médio-atlantique. La roche qui remplit l’espace entre les plaques est mafique.

Lorsqu’une plaque glisse sous une autre, les fluides libérés par la plaque inférieure provoquent la fusion du manteau. Le magma ainsi créé doit passer par la plaque supérieure pour atteindre la surface. Sur son chemin vers la surface, il subit une série de processus appelés cristallisation fractionnée qui peuvent transformer les masses mafiques en masses felsiques.

Chronologiquement parlant

L’époque où cette séparation s’est produite donne lieu à de grands débats parmi les géoscientifiques, car en la connaissant, on pourrait déterminer quand notre planète est devenue habitable. De nombreux chercheurs pensent que l’altération de la croûte continentale a pu fournir les nutriments nécessaires à la vie. Ainsi, en découvrant le moment de la formation des premiers continents, on aurait une indication de l’époque où la vie a pu naître.

Les géoscientifiques cherchent également à savoir si les processus anciens des plaques tectoniques étaient les mêmes que ceux d’aujourd’hui et s’ils ont permis la formation de la croûte continentale. La première croûte continentale pourrait avoir été créée par l’interaction entre la croûte océanique et les panaches mantelliques provenant du noyau terrestre. Selon une autre théorie, ce serait un bombardement de météorites qui aurait causé la formation de la croûte continentale.

En connaissant ce mécanisme, on peut mieux comprendre l’histoire et l’évolution de la Terre, ainsi que les processus qui pourraient se produire sur d’autres planètes.

Analyse des données

Notre étude récente a porté sur les plus anciens matériaux géologiques de la Terre. Les résultats suggèrent que la Terre possédait déjà les deux mêmes deux types de roches il y a 4,3 milliards d’années — en fait, depuis le début de l’histoire géologique de la Terre. Nos données ont également apporté un nouvel éclairage sur les processus tectoniques qui ont pu se produire à cette époque.

L’origine de la croûte continentale est sujet de débat en partie parce que plus on remonte dans le temps, moins on trouve de roches à étudier. On a évalué que des échantillons du complexe gneissique d’Acasta, dans le nord du Canada, seraient les plus anciennes roches découvertes sur Terre avec leurs quatre milliards d’années. Elles sont felsiques et de type tonalite-trondhjémite-granodiorite.

Parmi les très rares échantillons plus anciens que nous possédons, les plus célèbres sont les zircons de Jack Hills, qui ont près de 4,3 milliards d’années, soit 300 millions d’années de plus que le gneiss d’Acasta. Il s’agit de minuscules grains de zircon érodés de leur roche mère (la roche dans laquelle ils se sont initialement cristallisés).

Ces zircons se trouvent en Australie dans des sédiments beaucoup plus jeunes, ce qui rend difficile de déterminer de quel type de roche ils sont issus et ne permet pas de conclure s’il y avait une croûte continentale au cours de la première période de l’histoire de la Terre.

D’un continent à l’autre

Dans notre étude, nous avons comparé tous les aspects chimiques des cristaux de zircon des roches d’Acasta et des zircons de Jack Hills pour voir s’il est possible qu’ils se soient formés dans un environnement similaire.

Une image satellite en couleurs (Landsat 5) des Jack Hills en Australie-Occidentale. Gretarsson, CC BY

Nous avons découvert que ces grains de zircon sont tous chimiquement identiques, ce qui suggère qu’ils se sont créés à partir des mêmes types de roches et probablement dans des contextes tectoniques semblables. Cela signifie que la Terre pourrait avoir commencé à posséder une croûte de type continental très peu de temps après sa formation.

La composition chimique de ces cristaux de zircon suggère qu’ils se sont créés dans des magmas issus d’une grande profondeur de la Terre. De tels magmas sont un signe de subduction sur la Terre contemporaine.

Nous avons comparé la quantité d’uranium dans les cristaux à celle d’ytterbium, un élément rare. Lorsqu’un magma se forme à une grande profondeur, on y trouve souvent du grenat minéral qui collecte l’ytterbium. Les cristaux de zircon en contiennent alors moins, ce qui permet de conclure qu’une faible présence d’ytterbium indique qu’un magma s’est formé à une grande profondeur.

On sait que les zircons de Jack Hills se sont cristallisés à des températures relativement basses. Nous avons constaté que les températures des zircons d’Acasta correspondaient exactement à celles des zircons de Jack Hills, ce qui démontre encore plus leur similitude.

À la recherche des débuts

En conclusion, nos résultats indiquent que les processus tectoniques du début du profil géologique ne diffèrent peut-être pas tellement des processus ultérieurs. En démontrant que les conditions n’étaient pas si différentes alors de celles de la Terre contemporaine, on offre un éclairage intéressant du potentiel d’habitabilité de la Terre primitive, laissant croire que la vie a pu être présente très tôt dans l’histoire de notre planète.

This article was originally published in English

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