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Les microbes ont de multiples rôles. MilletStudio/Shutterstock

Des microbes peuvent-ils être utiles ?

Nous vivons sur une planète de microbes. Peut-on les qualifier d’utiles ou d’inutiles ? Tout dépend du point de vue. Prenons quelques exemples autour de la nutrition, de maladies et de plantes pour y voir plus clair.


Les microbes peuvent être utiles, certes, mais utiles à qui ? À l’organisme qui l’héberge ? À lui seul ou, dans une vision anthropocentrée, par « cascades successives » à l’humain ? Et puis de quel microbe parle-t-on ? Virus ? Bactérie ? Champignon… ? Et doit-on considérer un microbe isolé ou toute une communauté ? Si, par exemple, on analyse le contenu de l’intestin d’un animal, on a toutes les chances d’y trouver un mélange de microbes interagissant à la fois entre eux et avec leur « hôte » dans des interactions de toutes sortes, qu’elles soient bénéfiques, défavorables et neutres. Nous vivons sur une planète de microbes. Il y a un milliard de bactéries dans un gramme de sol, un million de virus dans un litre d’eau de mer, ou encore entre 1000 et 20000 spores de champignons dans chaque mètre cube d’air. Les animaux et les plantes sont donc entourés en permanence de microbes, interagissent avec eux, et nombre de ces microbes sont très utiles.

Des microbes indispensables pour une bonne nutrition

Un premier exemple illustrant l’importance et l’effet bénéfique des bactéries sur la santé est lié à la dénutrition chez les enfants. On pourrait penser que la dénutrition est simplement due à un manque de nourriture. Et, en effet, pendant de nombreuses années, la seule réponse apportée à la dénutrition a été de donner de la nourriture aux personnes touchées. Jusqu’à ce que des recherches sur des jumeaux en Afrique révèlent une chose surprenante : certains enfants souffraient de malnutrition, alors que leurs frères et sœurs restaient en bonne santé, bien qu’ayant reçu la même quantité de nourriture. Plus surprenant encore, si l’on transfère des bactéries provenant des excréments d’enfants dénutris à des souris dépourvues de bactéries dans leur tractus intestinal, ces souris présentent à leur tour rapidement des signes de malnutrition.

Aujourd’hui, le rôle des bactéries dans la compréhension des causes de la malnutrition est encore mal compris. Cependant, il apparaît qu’une flore microbienne intestinale normale est nécessaire pour rester en bonne santé. Les enfants qui subissent une malnutrition présentent une diversité bactérienne moindre (appelée dysbiose) et souvent une flore intestinale (appelée microbiote) immature (avec une diversité très réduite). Se limiter à leur redonner de la nourriture n’est pas suffisant pour qu’ils retrouvent une bonne santé, il faut que leur microbiote redevienne également « normal ». Une meilleure connaissance de l’influence du microbiote sur l’état nutritionnel des enfants nous aidera à concevoir de meilleurs traitements contre la malnutrition en utilisant ces communautés de microbes bénéfiques à l’être humain.


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Des bactéries utiles et néfastes (selon le point de vue)

Parfois, les relations peuvent être extrêmement complexes, et des bactéries peuvent être utiles ou néfastes selon le point de vue où on se place. La maladie du sommeil est une maladie tropicale, causée par un parasite (un trypanosome) transmis par un vecteur, la glossine (ou mouche tsé-tsé). La glossine absorbe le parasite lorsqu’elle se nourrit du sang d’un animal infecté, et le retransmet à un autre hôte (homme ou animal) lors d’un nouveau repas de sang.

Le bactériome (communauté des bactéries) de cette glossine comprend_Wigglesworthia glossinidia_, symbionte primaire indispensable à la survie de la mouche, et Sodalis glossinidius, un symbionte secondaire qui favorise l’infection de la mouche par le trypanosome qui s’y multiplie avant d’être transmis lors d’une autre piqûre. Sodalis peut être lysogène (c’est-à-dire qu’elle a intégré le génome d’un virus nommé « bactériophage » dans son propre génome ;le génome viral ainsi intégré est appelé prophage). Par un mécanisme dont on ignore la nature, le prophage peut se libérer du génome de Sodalis ; il utilise alors la machinerie cellulaire de la bactérie pour reconstituer le bactériophage actif qui se multiplie puis dégrade la paroi de la bactérie dont les résidus stimulent des mécanismes de défense de la glossine.

La bactérie Sodalis est alors moins présente dans l’intestin de tsétsé, réduisant sa capacité à être infectée et donc à transmettre le parasite. Ainsi, Wigglesworthia, utile à la glossine, vecteur de la maladie, est défavorable à l’homme. Sodalis est utile au parasite donc défavorable à l’homme alors que le bactériophage, tueur de Sodalis, est défavorable au parasite, donc favorable à l’homme ! Et ce ne sont là que deux bactéries et un virus quand bien d’autres bactéries identifiées pourraient également jouer un rôle sur la glossine, la transmission du parasite et donc la maladie humaine ou animale.

Des symbioses entre plantes et microbes

Les plantes ne sont pas en reste dans ces interactions utiles avec les microbes. On sait maintenant que la sortie des eaux, c’est-à-dire la colonisation de la terre par les végétaux vivant dans l’eau s’est faite il y a environ 500 millions d’années grâce à l’association bénéfique entre ces végétaux et des champignons, ces derniers leur permettant de puiser de l’eau dans le sol alors qu’elles ne possédaient pas encore de racines. Exemple plus actuel, les légumineuses, grand groupe d’espèces de plantes incluant le haricot ou le soja, hébergent dans des structures racinaires des bactéries (appelées rhizobium) qui ont la capacité de capter l’azote présent dans l’air pour le redonner aux plantes, leur fournissant ainsi un engrais naturel inépuisable qui leur permet de pousser dans des sols extrêmement pauvres.

Enfin, depuis plusieurs années, de nombreuses études montrent que les plantes possèdent sur leurs feuilles, dans leurs tiges ou autour des racines toute une communauté de microorganismes dont la présence induit une meilleure croissance, une meilleure résistance aux maladies et à des stress abiotiques, via de nombreux mécanismes physiologiques et moléculaires. Ainsi l’espèce Capsicum annuum (à laquelle appartiennent les poivrons et les piments cultivés) résiste mieux à la sécheresse en présence de souches bactériennes des genres Acinetobacter et Sphingobacterium.

Actuellement, les chercheurs testent l’hypothèse de « l’appel à l’aide », où des plantes subissant par exemple l’attaque d’un pathogène arriveraient à attirer vers elle des microbes lui permettant de mieux lutter contre ce pathogène. La plante modèle Arabidopsis thaliana, attaquée sur ses feuilles par la bactérie pathogène Pseudomonas syringae, arrive, en sécrétant par ses racines de l’acide malique, à attirer une autre bactérie, Bacillus subtilis, qui l’aide à résister à la bactérie pathogène. Comprendre et utiliser ces micro-organismes en agriculture est actuellement l’une des pistes les plus prometteuses pour diminuer l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques.

Les microbes entourent et colonisent tous les êtres vivants. Certains sont pathogènes, beaucoup n’ont aucun effet, mais beaucoup d’autres jouent un rôle crucial dans la survie et le développement des animaux et des plantes. Comprendre ces interactions bénéfiques est une clé majeure dans notre compréhension du vivant, de son évolution et finalement sa survie.

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