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Dessiner un arbre généalogique avec son enfant : ce qu’en dit la psychologie

La construction d'un arbre généalogique encourage le partage de l’histoire familiale. Shutterstock

Les technologies numériques n’ont pas renvoyé la généalogie au rayon des loisirs désuets, bien au contraire. Cette pratique connaît aujourd’hui un regain d’intérêt à tel point que des logiciels spécialisés sont disponibles pour réaliser son arbre généalogique et qu’on parle de « généanautes », pour désigner ceux qui naviguent sur la toile à la recherche des traces de leur passé.

On observe aussi qu’une fois devenus grands, les enfants qui ont été adoptés, ceux qui sont nés par assistance médicale et, de manière générale, toutes les personnes confrontées à un secret sur leurs origines cherchent également par la réalisation de l’arbre généalogique, à éclairer les ombres de leur filiation.

Par conséquent, les psychologues se sont eux aussi intéressés à cet outil dans leurs échanges avec les familles. C’est un psychiatre américain, Bowen (1961), qui a fait entrer l’arbre généalogique dans le cadre de la thérapie familiale systémique en parlant de « génogramme » et en imposant un code graphique conventionnel pour le réaliser.

Histoire familiale

Par la suite, en France, plusieurs travaux dans le champ de la psychanalyse ont invité à utiliser l’arbre généalogique mais en laissant le sujet réaliser spontanément son arbre, sans consigne particulière. Le principe est de recueillir une production libre, projective, qui renseigne alors sur l’arbre imaginaire porté en soi et sur les liens affectifs inconscients noués avec sa famille.

On observe, alors, quelles sont les personnes inscrites, celles qui sont omises, les ratures, les oublis, les hésitations, les liens qui attirent l’attention par un tracé renforcé, les blancs, les répétitions de prénoms, les flous, les originalités, le code personnel inventé par le sujet pour construire son arbre, etc. Et, ce qui importe surtout, c’est qu’ensuite l’arbre est commenté par la personne qui l’a réalisé.

Cette méthode à visée thérapeutique peut s’utiliser en famille, en couple, avec les adolescents et avec les enfants. Elle permet d’accéder à l’histoire familiale, de travailler la question des traumatismes, deuils non faits, non dits et secrets dont le sujet hérite à son insu. D’ailleurs on constate que plus les enfants sont jeunes et plus il est complexe pour eux de produire une version schématique de l’arbre, avec des flèches indiquant symboliquement les liens…

Ils tendent alors, à dessiner une version végétalisée de leur arbre généalogique, avec un tronc, des branches, des feuilles, des racines, ajoutant même par exemple des animaux (oiseaux, écureuils) auxquels se mêlent noms et prénoms.

Les enfants montrent beaucoup plus de fantaisie et s’affranchissent des codes normatifs socioculturels de la réalisation de l’arbre au profit d’une logique essentiellement psychoaffective.

Miroir graphique

On peut bien sûr aussi proposer à un enfant de réaliser son arbre généalogique hors d’un cadre thérapeutique. Cela peut se faire dans le cadre scolaire, ou dans le cadre familial, avec parents ou grands-parents. Cette initiative n’est jamais neutre car elle conduit à rouvrir les archives familiales, à plonger dans les souvenirs et cela réveille bien souvent des émotions.

C’est l’occasion de partager l’histoire de la famille, de parler à l’enfant de ses origines, des personnes qu’il n’a pas connues, décédées avant sa naissance, en évoquant souvenirs, anecdotes et en répondant aux questions qu’ils se posent.

On retrouve des codes graphiques communs d’un arbre généalogique à l’autre, d’une époque à l’autre. Shutterstock

Dans ce contexte, le plus souvent, on donne des consignes à l’enfant, on lui propose un code graphique à suivre pour l’aider dans sa réalisation. Le plus simple est qu’il écrive son nom et prénom sur une grande feuille, et qu’il parte donc de lui pour se relier ensuite graphiquement aux autres membres de sa famille.

Sur le plan horizontal, on le guide pour qu’il note sa fratrie éventuelle, puis de façon ascendante, on l’encourage ensuite à remonter, étage par étage, à ses parents, grands-parents et ancêtres. On peut aussi lui proposer de différencier les sexes, avec un « rond » pour les filles et « carré » pour les garçons, comme le propose la technique du « génogramme ».

Réaliser un arbre généalogique suppose d’être capable de bien se repérer dans le temps et dans l’espace, d’avoir intégré, sur le plan psychique, le principe de la différence des sexes et des générations, de maîtriser l’écriture et la lecture, autrement dit cela suppose une certaine maturité psycho-affective et intellectuelle.

Au-dessous de 6 ou 7 ans – soit l’entrée au CP –, on est donc contraint de construire un arbre qui introduit plutôt des images – avec des photos à coller, par exemple, avec une architecture graphique déjà prête (on trouve d’ailleurs en ligne des supports de ce type).

L’arbre généalogique a l’avantage de proposer un miroir graphique où l’ensemble de la famille peut se refléter, ce qui renvoie un effet d’unité et renforce le sentiment d’appartenance. L’enfant peut ainsi se repérer dans la filiation et mieux comprendre l’organisation des liens familiaux, dont la complexité peut être renforcée, parfois, par la recomposition familiale.

C’est une médiation ludico-éducative qui répond au besoin de connaître ses racines pour grandir, pour construire son identité et qui encourage le récit partagé de l’histoire familiale.

Discuter avec son enfant ou son petit-enfant à partir d’un arbre généalogique, c’est assurer une mission de transmission, leur permettre d’apprendre à mieux connaître les membres de leur famille. En somme, c’est se donner l’occasion de partager avec lui un moment affectif privilégié.

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