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Avec cette approche, le traditionnel cours descendant va, par exemple, laisser place à des mises en situation issues de cas réels.

Développer les compétences des managers : un tour sur le « Grand 8 » plutôt qu’une formation

Manager, aujourd’hui, c’est un métier à part entière qui consiste à réaliser dans une organisation au moins trois fonctions : être un relais d’informations entre le haut et le bas de la hiérarchie, coordonner les activités depuis la mise au point des produits et services jusqu’à leur accueil par le marché et activer les énergies des salariés au service du projet commun.

Révolution digitale, mondialisation et bouleversements sociétaux et environnementaux… Dans un monde incertain, le rôle devient plus difficile à exercer et exige un haut niveau de professionnalisme. Or traditionnellement les managers sont des experts techniques qui ont appris le management sur le tas.

Afin de développer leurs compétences, de nombreuses entreprises ont recours à des formations en gestion. Pourtant celles-ci présentent en général des limites fortes. Entre autres, elle est rarement en lien avec la culture spécifique de l’entreprise ou le travail réel et son impact reste difficile à évaluer.

Une autre façon de faire consiste à accompagner collectivement et simultanément les managers d’une même organisation dans leur montée en compétences. Nous avons mis au point une démarche de ce type.

Testée, améliorée et validée dans plusieurs grandes entreprises, elle présente trois autres caractéristiques originales qui ont fait son succès. Elle est focalisée sur un entraînement des managers à des comportements concrets liés au travail réel ; son impact est mesurable ; sa conception intègre quatre dynamiques clés de changement : la vision qui donne le cap, l’acquisition des nouveaux comportements cibles, leur mise en action pratique accompagnée et leur intégration par la prise de recul individuelle et en groupe.

Décider de ses objectifs de progrès

Chacune de ces quatre dynamiques est mise en œuvre concrètement grâce à des outils qui sont au nombre de huit et qui ont donné son nom à la démarche, « le Grand 8 », en référence au célèbre manège et de façon à mettre également l’accent sur les émotions vécues par les participants.

La première dynamique consiste donc pour les managers à orienter leurs efforts vers une vision, c’est-à-dire un ensemble de buts qu’on souhaite réaliser. Deux composantes sont mises en cohérence : organisationnelle et individuelle.

L’entreprise définit d’abord un modèle cible, un ensemble de compétences clés que les managers doivent maîtriser pour réaliser leur travail. Il est mis en cohérence avec la stratégie de l’entreprise et avec son modèle managérial réel actuel. Capgemini, par exemple, leader dans le domaine du conseil et des services informatiques, a fait le choix de se focaliser sur la capacité à conquérir de nouveaux marchés. Les compétences définies visaient le développement d’un collectif humain solidaire afin de construire de nouvelles activités créatrices de valeur.

Est donné ainsi un cadre au sein duquel les managers eux-mêmes définiront leur vision personnelle. Ils ont le choix de donner la priorité aux compétences qui leur semblent les plus adaptées à leurs besoins de développement. Ce choix s’opère concrètement à l’aide de deux outils. Il y tout d’abord un questionnaire confidentiel réalisé sur mesure et impliquant les personnes qui travaillent avec chaque manager au quotidien. Ses résultats lui permettent d’évaluer ses compétences par rapport au modèle cible. Est ensuite organisée une convention de lancement qui réunit pendant une journée l’ensemble des managers de l’entreprise. C’est lors de celle-ci que chacun décide de ses objectifs.

Se mettre en action

La seconde dynamique a pour objectif l’acquisition de nouvelles façons de se comporter, au-delà d’une compréhension cognitive ou d’un affichage de valeurs. Les managers développent les comportements concrets qui déclinent les compétences définies dans le modèle managérial au sein d’ateliers de pratique accompagnée en groupes de dix environ autour d’un coach. Chez Murex, leader mondial du logiciel financier, c’est au travers de simulations et de jeux de rôles issus de situations réelles que les managers se sont entraînés à ces comportements et ont fait évoluer leurs pratiques sur le fondement des remarques bienveillantes de leurs pairs et de leur coach.

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Ces nouveaux comportements sont ensuite appliqués au quotidien. Deux outils sont ici mobilisés : les actions pratiques et les projets. Le premier consiste en des « nudges », des coups de pouce qui sont des mails envoyés chaque lundi matin pour faciliter la mise en pratique d’un comportement auparavant travaillé en atelier.

Dans une direction régionale de Groupama, par exemple, les managers ont amélioré leur empathie et leur capacité à fournir des explications claires à leurs collaborateurs en atelier. Les actions pratiques qu’ils ont reçues leur ont rappelé la manière de s’y prendre. Ils ont alors su réaliser ces comportements avec chaleur et professionnalisme. Cela a remotivé leurs équipes dans une situation de charge de travail accrue du fait de nombreux sinistres liés à des intempéries exceptionnelles.

Quant aux projets, ils sont aussi une occasion de réaliser les nouveaux comportements acquis. Ils sont le plus souvent réalisés en équipes de cinq ou six managers. Chez Atos, leader dans l’accompagnement à la digitalisation des entreprises, les équipes de managers ont ainsi mené des actions transversales afin de mettre au point de nouvelles méthodes favorisant l’innovation, le recrutement de jeunes ingénieurs ou le management d’équipes interculturelles.

Intégrer durablement les apprentissages

La dernière dynamique consiste pour les participants à prendre du recul afin d’intégrer de façon durable les nouveaux comportements acquis et mis en pratique dans les étapes précédentes. Trois outils sont utilisés à cette fin : le groupe de pairs, le carnet de bord et la convention d’envol.

Le Grand 8 de la gestion. Fourni par l'auteur

Le groupe de pairs offre l’une des sources d’énergie les plus importantes d’un programme de transformation. Nous sommes en effet des êtres hypersociaux et la dynamique de groupe est l’un des meilleurs catalyseurs du changement. C’est le lieu où les participants échangent en confiance sur leurs succès et leurs échecs après avoir mis en pratique au travail les comportements acquis.

Le Crédit Agricole d’Île-de-France a jugé cet outil tellement important pour le soutien moral des managers que les rendez-vous réguliers des groupes de pairs avec leurs coachs ont été maintenus pendant le premier confinement, alors même que tous les autres outils du programme avaient été mis en attente.

Le carnet de bord est un outil d’intégration complémentaire individuel et confidentiel. Chaque participant y écrit ses objectifs de progrès, ses difficultés, ses réussites, ce qu’il a appris, ce qu’il pratique différemment et ce qui lui reste à faire pour continuer à évoluer. Des managers de plusieurs entreprises ont témoigné continuer à se référer à leur carnet de bord longtemps après la fin du programme.

Un « Grand 8 » se clôt avec la journée de convention d’envol au cours de laquelle chacun fait le bilan des apprentissages réalisés. Il présente à ses collègues le nouveau manager qu’il/elle est devenu·e mais aussi que le chemin qui lui reste à parcourir.

Mesurer l’impact du programme

Dans la mise en œuvre pratique d’un « Grand 8 » », ces quatre dynamiques opèrent ensemble. Les aller-retour sont permanents entre vision, acquisition, mise en action et prise de recul.

Leurs effets sont en outre mesurables. En plus des indicateurs classiques de satisfaction est opérée une évaluation du changement comportemental des managers par leur entourage professionnel grâce au même questionnaire confidentiel utilisé au lancement du programme. Les progrès réalisés sont ainsi calculés pour chaque participant ainsi que pour l’ensemble de la communauté managériale.

Des managers qui maîtrisent les compétences et les comportements clés de leur métier, en cohérence avec la vision de l’entreprise et avec leurs objectifs personnels, sont davantage à même de favoriser l’épanouissement et l’engagement de chaque salarié. Dans un environnement en constant bouleversement, cela permet à l’entreprise de se développer en répondant plus durablement aux besoins de ses clients et de ses parties prenantes.

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