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Unité de formation et de recherche de droit, d’économie et des sciences sociales (Université de Tours) Guillaume70/Wikimedia, CC BY-SA

Devenir professeur des universités en sciences de gestion : retour sur quatre années de qualifications

Depuis 2015, les voies d’accès aux postes de professeur des universités en sciences de gestion ont évolué. Jusqu’à cette date 3 voies d’accès principales étaient proposées : l’agrégation du supérieur (interne ou externe), le recrutement sur des postes 46.3 appelée également « voie longue » (avec des conditions d’âge et d’ancienneté) et le recrutement sur des postes 46.4 appelée aussi « voie professionnelle » (plus rare, avec des conditions d’expérience professionnelle), ces recrutements sont soumis à un avis du conseil national des universités.

Le Conseil national des universités (CNU), est composé de 18 professeurs et 18 maîtres de conférences, il se prononce sur les mesures individuelles relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences.

L’agrégation devait représenter jusqu’en 2015 au moins la moitié du nombre total de postes de professeurs, ce qu’on appelle « le contingentement », la répartition des postes ouverts entre les différentes voies de recrutement étaient donc contrainte.

Désormais les sciences de gestion (mais également les sciences économiques et le droit) peuvent recruter leurs professeurs par la voie de la qualification (postes dits 46.1) à l’image des autres sections qui n’ont pas de concours d’agrégation du supérieur et le contingentement a été supprimé jusqu’en 2020 dans notre discipline.

Cette nouvelle voie prend une importance croissante alors que le concours de l’agrégation est toujours présent (cette année dépôt des candidatures possible jusqu’au 30 mars 2018). La concurrence entre les voies d’accès est vive pour les universités et les candidats.

Les universités doivent décider du type de recrutement pour leurs futurs professeurs en sciences de gestion et les présidents d’université sont réticents vis-à-vis d’un concours qui constitue pour eux une entorse à leur autonomie de recrutement. De leur côté, les candidats se posent la question de construire un dossier exigeant qui sera soumis à une qualification par le CNU ou de préparer un concours pendant de longs mois sans savoir à l’avance dans quelle université ce concours pourrait les conduire.

Il n’est pas question ici de rappeler les critères choisis par le CNU pour qualifier les candidats, ces éléments peuvent être consultés dans le dernier rapport de la session que l’on trouve sur le site Internet de la section sciences de gestion du CNU. Les titulaires d’une habilitation à diriger des recherches, qualifiés aux fonctions de professeur des universités ont montré qu’ils étaient des chercheurs de très grande qualité, et fortement investis dans la communauté scientifique, capables d’assumer les responsabilités attendues d’un professeur en sciences de gestion.

Quatre années après la mise en place de cette qualification, quelques chiffres peuvent être cités : 167 personnes ont été qualifiées depuis 2015 **(61 en 2015, 37 en 2016, 44 en 2017, 25 en 2018) **sur 533 candidatures examinées sur ces quatre années (plus de 200 en 2015 et seulement 95 en 2018, dont certains ont candidaté plusieurs fois), soit 32 % (ce taux est équivalent au taux moyen des sections du CNU ayant un concours de l’agrégation – groupes 1 et 2).

Deux questions peuvent être soulevées : que sont devenus les candidats qualifiés aux fonctions de professeur des universités par le CNU et comment l’offre de postes et la demande de postes se rencontrent elles ?

Que sont devenus ces candidats qualifiés par le CNU aux fonctions de professeur ?

Un graphique présente, par année de qualification, la proportion de qualifiés devenus professeurs au fil des années ainsi que le nombre de qualifiés restant encore sans poste de professeur des universités en ce début d’année 2018. Le nombre de candidats recrutés au sein de leur propre université (endo-recrutement) est précisé.

Les chiffres sont issus des statistiques publiées par le ministère et par un suivi du parcours professionnel de chacun des 167 qualifiés. Author provided

Le graphique a été construit à partir d’un suivi individuel des qualifiés depuis 2015. La suite logique d’une qualification 46.1 prononcée par la section sciences de gestion, section 06 du CNU, étant une candidature à un recrutement à un poste de professeur des universités en section 06, certains qualifiés ayant choisi des carrières hors université ou hors section 06 ont été distingués des autres qualifiés pour chacune des années.

On constate ainsi que plus de 25 % des qualifiés de la première vague de qualification n’a pas de poste de professeur début 2018. Or si la qualification est valable jusqu’au 31 décembre de la 4e année, laissant aux candidats le temps de choisir au mieux le poste de leur choix, les 16 candidats qualifiés depuis 2015 mais toujours maîtres de conférences se doivent d’obtenir un poste cette année ou l’an prochain sous peine de devoir demander un renouvellement de leur qualification.

On remarque également l’importance des endo-recrutements. Ces recrutements endogènes bénéficient en premier lieu aux candidats qualifiés l’année précédant le recrutement laissant supposer qu’un certain nombre d’universités sont encouragées à ouvrir au recrutement des postes dès lors qu’elles ont des candidats qu’elles savent qualifiés.

A contrario l’année de la qualification le candidat a plus de chances de bénéficier d’un recrutement exogène. Si cet endo-recrutement était équivalent aux autres sections du CNU les premières années de la période analysée (de l’ordre de 30 %) il a été particulièrement important en 2017, les universités choisissant les excellents candidats dont ils connaissent les qualités et qui ont pour seul défaut d’être locaux…

Le filtre imposé par les critères mis en place par le CNU permet aux équipes en place de se consolider avec des collègues dont les compétences sont reconnues tant au niveau national qu’au niveau local. Cet endo-recrutement est consubstantiel à la qualification 46.1 toutes sections confondues mais peut soulever des difficultés pour des collègues dont les universités présentent peu de perspectives de postes de professeur.

Après les premières années d’ajustement dans cette voie de recrutement, on devrait retrouver des pratiques d’endo-recrutement proches des autres sections pour les 46.1, voie à laquelle nous n’étions pas habitués du fait de la place du concours de l’agrégation jusque-là importante.

Comment l’offre de postes et la demande de postes se rencontrent elles ?

Le devenir des 46.1 est à mettre en perspective avec les postes ouverts au recrutement et le nombre de candidats en attente d’un poste de professeur par une analyse de l’offre et de la demande au sein des universités.

2015 n’a vu l’ouverture que de 11 postes spécifiquement 46.1 (pour mémoire, 61 qualifiés en 2015…), mais les candidats pouvaient également présenter l’agrégation ou candidater sur un poste 46.3, ce qui a permis à 14 qualifiés de devenir professeur (dont 2 agrégés).

2016 a été une année importante avec 54 postes proposés (et 37 nouveaux qualifiés), les années suivantes voient l’offre diminuer avec 44 postes en 2017 (année de concours d’agrégation avec 7 places) et seulement 34 en 2018.

On constate que le nombre de qualifiés en attente d’un poste est toujours important et que le nombre de candidats potentiels par poste augmente de 2016 à 2018 (passant de 1,46 à 2,14 candidats par poste).

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Malgré ces chiffres, les postes de professeur ne sont pas tous pourvus (3 en 2015, 19 en 2016 et 10 en 2017 sont restés vacants) ce nombre est particulièrement important dans notre section sciences de gestion (dans les autres sections de l’ordre de 15 % des postes non pourvus).

Deux raisons peuvent être notamment invoquées pour expliquer qu’il reste des qualifiés sans postes de professeur malgré des postes vacants : des disciplines ou des champs spécifiques qui ont un trop faible nombre de qualifiés au regard des besoins des universités, des candidats qui espèrent un poste dans leur université ou une université donnée ou qui ont défini une zone géographique très précise pour leurs candidatures.

Sur les 142 qualifiés des sessions 2015, 2016 et 2017 qui sont donc susceptibles d’être professeur, 48 sont encore maîtres de conférences en 2018 (soit 33 %), et 25 personnes ont été qualifiées en 2018 augmentant ainsi le nombre de candidats potentiels à 73 personnes en 2018 pour les 34 postes annoncés 46.1 (soit au mieux 46 % des candidats maîtres de conférences susceptibles d’être candidats deviendront cette année professeur).

On peut penser que, si les tendances précédentes persistent, un certain nombre de qualifiés de 2017 seront recrutés cette année, et pour beaucoup dans leur université, mais les qualifiés des années précédentes doivent élargir leur cible de candidatures.

Quelques conséquences pour les universités et les enseignants-chercheurs

Quels autres enseignements peut-on retirer de ces quelques données : d’abord une évidence, que certains ont oublié lors de leur candidature auprès du CNU : la qualification 46.1 ne garantit pas un poste de professeur (contrairement à l’agrégation qui est un concours de recrutement), elle n’est donc pas incompatible avec une candidature à l’agrégation.

Second enseignement, contrairement à l’agrégation le recrutement par la voie du 46.1 n’encourage pas la mobilité. Cette mobilité, parfois redoutée, est pourtant riche pour les enseignants-chercheurs et pour l’équipe qui accueille un nouveau collègue, car elle permet un renouvellement des pratiques pédagogiques et des échanges nourris en matière de recherche.

Ces chiffres montrent également qu’il est important que l’ensemble des voies de recrutement demeurent, 46.1, 46.3, agrégation, voire 46.4 et qu’elles assurent la diversité des profils des collègues au sein d’une équipe.

Si le 46.1 a pu créer des frustrations et des déceptions chez certains collègues, il apporte également beaucoup d’espoir pour de nombreux collègues et est un stimulant pour la production de recherches de qualité et la prise de responsabilités collectives.

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