Encore un French paradox ! Dans un vieux pays qui souhaite résolument se tourner vers l’innovation et devenir une « start-up nation », nous vivons l’étrange situation de cumuler des taux records de chômage et une pénurie structurelle dans certains secteurs comme le numérique. Pour la seule région Auvergne-Rhônes-Alpes, on estime que pas moins de 7 000 emplois sont aujourd’hui non pourvus. D’où vient cette situation ? Comment résoudre ce paradoxe qui pénalise nos entreprises ?
Le syndrome du BTS informatique
Pour bien comprendre, petit retour en arrière. Dans les années 80, la France découvre la micro-informatique. Fidèle à sa vieille logique planificatrice, l’État se met alors à pondre des formations de courte durée pour répondre au plus vite à la demande. Mais, une fois en poste, ces « OS de la micro-informatique » ont beaucoup de mal a évoluer au gré des développements technologiques, ne possédant pas les bagages suffisants pour s’adapter. Trente ans plus tard, même punition ! En pleine mutation numérique, la France se découvre en pénurie de cadres. Certains de ses « talents divergents », à l’image de Xavier Niel, sont obligés de monter leurs propre école pour répondre à leurs besoins. Les modèles retenus restent certes critiquables mais l’on doit reconnaître qu’ils sont assez disruptifs et donnent de vrais résultats.
Des compétences transversales et une connaissance de l’entreprise
Autre travers bien français : former des férus de code informatique un peu hors-sol, incapables de gérer la relation avec un client ou de superviser un projet dans son ensemble. Car au-delà des compétences indispensables en programmation, la révolution numérique requiert aussi tout un ensemble de compétences transversales : savoir s’exprimer, apprendre à apprendre, se cultiver, être agile, ou encore s’adapter à des situations complexes. Enfin, ces cadres de la révolution numérique doivent bien connaître l’entreprise, sa culture, ses codes et ses règles.
Former des ingénieurs numériques
Pour encadrer la révolution numérique, il faut donc de véritables ingénieurs numériques possédant la double compétence d’ingénierie et de codage informatique à haut niveau. Partant de l’adage qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le Medef Auvergne Rhône-Alpes lance en novembre prochain une nouvelle formation, Ingésnum, qui vise à répondre à ces différents besoins en relevant un double défi : délivrer en une année un Mastère spécialisé dans le digital à des ingénieurs diplômés ou à des Bac+5 issus de filières scientifiques, et offrir un contrat d’apprentissage permettant de s’intégrer dans une entreprise. Une initiative encore isolée mais qui démontre l’urgence qui anime les entreprises face à cette pénurie de cadres dans le digital.
Un gisement pour des reconversions
Mais cette pénurie ne saurait être comblée en volume par la seule formation initiale. L’offre est en effet encore trop faible malgré les Mastères spécialisés proposés par les grandes écoles ou d’autres établissements désormais réputés comme Epitech et Epita. Il s’agit donc de s’intéresser aujourd’hui au gisement de talents que constituent les cadres en reconversion. Ces cadres pourraient tout à fait ajouter à leur parcours un volet digital en formation continue. En plus des compétences acquises, ils auraient l’avantage de l’expérience ainsi que la connaissance de l’entreprise et de leur secteur d’activité. Une perspective qui devrait donner des idées aux nombreux organismes de formation !