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D’où viennent les recherches critiques sur l’idéologie managériale ?

Une vision critique de l'idéologie managériale. h.koppdelaney via Visual hunt, CC BY-ND

Le courant critique en management ou critical management studies (CMS) s’est institutionnalisé dans les années 90 avec notamment l’ouvrage d’Alvesson et Willmott (1992). Il s’est même constitué en sous-discipline des sciences de gestion avec son propre réseau académique, ses congrès et ses participants nommés « Critters ».

Le contexte politique et idéologique

Plusieurs éléments de contexte peuvent expliquer l’apparition des CMS en UK : le « New Right » et la « managerialisation » ; la crise interne du management ; l’évolution des sciences sociales ; le contexte politique en UK (Grey et Fournier, 2000).

Le « New Right » a initié une « seconde révolution managériale » en favorisant une baisse du syndicalisme, une modernisation du secteur public dans une logique néo-libérale. Cette modernisation passe par une managérialisation avec recherche de rentabilité, d’efficience pour le secteur public afin d’en contrôler les coûts.

L’idéologie véhiculée est de faire prendre en compte la réalité du marché dans le secteur public pour une meilleure qualité de service public. Ceci a provoqué une légitimation du management. De technique, le management a été érigé en « valeur ».

Rendue plus visible, l’idéologie managériale a permis l’émergence d’une critique plus forte à travers les CMS.

La crise de la discipline « sciences de gestion »

Par ailleurs, le management a vécu une crise interne entre 1980 et 1990 à cause de son manque de statut scientifique. Le positivisme dans les sciences sociales a été remis en cause notamment en UK (cf Berger et Luckmann « The Social Construction of Reality », 1966) au profit du postmodernisme (constructivisme).

Le contexte de coupe budgétaire pour les sciences sociales dans les universités a généré un mouvement de migration des chercheurs en sciences sociales (notamment sociologues) vers les business school.

Ces mêmes chercheurs s’investissent alors dans les recherches en management avec leur background à orientation critique propre aux universitaires en sciences sociales. Ils vont alors faire émerger de nouvelles communautés grâce à ses croisements.

Des théories contre l’idéologie managériale

Les CMS sont venus combler un vide : nous avions les théories pour le management (les recherches fonctionnalistes), les théories du management (les recherches interprétativistes), il manquait les théories contre le management (Spicer et coll., 2007). Le courant des CMS se pose la question de la transformation effective des pratiques dans les organisations.

Les recherches critiques sur le management ont pour principale finalité de dévoiler les ressorts cachés, les valeurs implicites qui sous-tendent les pratiques et dispositifs de management considérés trop souvent comme universels. Elles permettent de prendre en compte la complexité des situations, de réintroduire les rapports de force, les contradictions, la pluralité des rationalités dans la façon d’aborder les problèmes en management.

Diversité versus rapports d’exploitation : un ancrage sociétal

Par exemple, le management de la diversité donne l’illusion qu’il peut apporter une réponse aux problèmes de la discrimination au travail et des inégalités. Mais les CMS montre que ce courant idéologique analyse l’inégalité comme une conséquence de nos préjugés plutôt que de notre système social (Michaels, 2009), ainsi, il gomme les rapports de force liés aux rapports d’exploitation.

Autrement dit, les CMS ancrent les politiques et pratiques de management dans l’histoire et les valeurs perçues comme légitimes dans une société à un moment donné. Par exemple les valeurs de justice sociale sur lesquelles reposent certaines pratiques de management ne sont pas les mêmes d’une société à l’autre, d’une période à l’autre : égalité ou équité ? Ce point renvoie à des questions philosophiques de choix de société et de choix d’organisation.

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