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Carotte au bout d'un baton.
La motivation peut être intrinsèque (intérêt, plaisir obtenu par la pratique, etc.) ou extrinsèque (pression sociale, contrainte d’une tierce personne, etc.). Alan O'Rourke/Flickr, CC BY-SA

D’où vient la motivation ? Pourquoi certaines personnes en ont-elles plus que d’autres ?

« Motivation » vient du mot « motif », lui-même emprunté au latin « motivus » qui veut dire « mobile » et « movere » dont l’équivalent en français est mouvoir. Il signifiait en ancien français « ce qui met en mouvement ». Être motivé est donc cette capacité à se mettre en mouvement.

Mais d’où vient cette motivation, au travail ou pour un sportif de haut niveau ? Selon Thierry Paulmier, inventeur du modèle d’intelligence émotionnelle homo emoticus, la motivation procéderait de nos émotions – notons que les mots émotion et motivation possèdent la même étymologie. Ce dernier en identifie particulièrement quatre, plus ou moins positives et associées à des facteurs endogènes et exogènes entremêlés :

  • La peur

  • L’envie

  • L’admiration

  • La gratitude

Comme l’ajoute l’universitaire, ces quatre émotions font naître un certain état d’esprit au travail qui correspond à une certaine figure de l’homme au travail :

« L’esclave pour la peur, le mercenaire pour l’envie, l’artisan pour l’admiration et le volontaire pour la gratitude ».

Notons au travers de ces émotions que la motivation est liée à des facteurs qui nous sont endogènes, exogènes, et parfois même les deux. La motivation par la peur diffère ainsi de la motivation par l’envie, qui elle-même diffère de la motivation par l’admiration et la gratitude.

Être stressé pour être motivé ?

Parmi les autres modèles de la motivation, celui de la théorie de la conservation des ressources, proposé par le psychologue américain Stevan E. Hobfoll en 1989, est particulièrement intéressant : il y décrit la motivation comme un élan pour équilibrer le tandem ressources-contraintes. Selon Hobfoll, toute menace sur les ressources d’un individu entraîne une réaction de stress, elle-même provoquant un élan pour le réduire grâce à la mise en place de différentes stratégies.

Le stress pourrait donc être vu comme l’élément moteur de la motivation. À ce titre, le sport de compétition en est une illustration exemplaire : la pratique est conditionnée, la plupart du temps (sauf douance, génétique hors-norme, etc.), par le fait d’augmenter ses capacités de performances initiales afin de se positionner comme un concurrent effectif au regard de celles produites par ses adversaires.

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L’augmentation de toutes capacités de performances va nécessiter de mettre l’organisme dans un état de stress suffisamment contrôlé afin de générer une adaptation adéquate au sens de ce qui est souhaité. C’est ce que l’on appelle des unités d’entraînement. Celles-ci devront être suffisamment nombreuses, qualitatives et cumulatives, « obligeant » ainsi le sportif à avoir recours et de tenir un engagement sans équivoque.

Pour remplir et tenir ces conditions, la motivation est cruciale. Dans l’idéal, elle est intrinsèque, c’est-à-dire qu’elle est liée au plaisir personnel de l’effort, par exemple. Dans la plupart des cas, cependant, elle doit être extrinsèque et soutenue par des facteurs externes, comme se discipliner pour respecter le cadre imposé par l’entraîneur.

Stabilité émotionnelle

L’une des études menées en 1997 par Albert Bandura, docteur en psychologie et enseignant à l’université de Stanford (Californie), suggère l’existence d’une « auto-efficacité » qui « influence la quantité d’effort que les athlètes déploieront ainsi que leur niveau de persévérance ». Selon le chercheur :

« Les personnes présentant des niveaux élevés d’auto-efficacité travaillent généralement plus dur, persistent dans la tâche plus longtemps et réussissent à un niveau supérieur au-dessus de la personne. »

Les émotions que nous avons évoquées au début de notre article, à savoir la peur, l’envie, l’admiration et la gratitude, ne sont donc pas exhaustives et suffisantes pour une pleine compréhension de la motivation.

Nous pouvons notamment émettre l’hypothèse que certaines émotions « secondaires » ne sont pas neutres : la fierté et le bonheur peuvent par exemple renforcer les croyances dans son autocapacité en cas de réussite. À l’inverse, la honte ou la tristesse peuvent apparaître et altérer ses croyances en cas de contre-performance par rapport aux objectifs fixés…

La nécessité alors des apports exogènes susceptibles d’éviter un abaissement voire un effondrement de ses croyances dans son auto-efficacité nous semble un élément important garantissant une stabilité émotionnelle pour accompagner les succès (ne pas « prendre la grosse tête ») comme les échecs (les surmonter paisiblement).

« C’est la dose qui fait le poison »

La compréhension actuelle de la motivation est encore enrichie grâce à la théorie de l’autodétermination proposée par les chercheurs américains Richard M. Ryan et Edward L. Deci en 1985. Il s’agit ici de considérer la motivation non plus sur un plan linéaire unique (plus ou moins de motivation) mais comme une construction multifactorielle entraînant une modulation qui va décrire le niveau d’engagement.

Ici, la motivation intrinsèque (intérêt, plaisir obtenu par sa pratique, etc.) et la motivation extrinsèque (pression sociale, contrainte d’une tierce personne, etc.) vont agir par interdépendance et former une sorte de continuum de croissance constante, comme une capacité d’autoactualisation. Ce continuum peut varier d’une absence totale de motivation à une motivation intrinsèque considérée comme l’état d’excellence de l’autodétermination, en ce sens où l’engagement va générer du plaisir. Entre ces deux extrêmes, nous retrouvons des variabilités de l’engagement motivées par des éléments extérieurs introjetés (notion d’utilité) et intégrés (constat de bénéfices). Au regard du modèle de l’autodétermination, si nous prenons l’exemple du sportif de haut niveau – dans sa quête d’accroître constamment ses capacités de performances – il peut ainsi être considéré comme l’archétype de l’individu acteur de sa propre existence.

Si l’on se réfère aux études que nous avons citées et aux théories que nous avons rappelées, avoir un coach, une vision extérieure professionnelle des capacités du sportif, représente un atout, lui permettant d’évaluer ses aptitudes afin de se fixer des objectifs « S.M.A.R.T » (pour spécifiques, mesurables, acceptables, réalistes et temporellement définis). Quelles que soient les croyances que l’individu a dans son potentiel, voire, quel que soit son potentiel réel, l’entraîneur va aussi l’aider à monter en puissance à une cadence raisonnable et ne pas l’exposer à un effondrement de confiance pour avoir brûlé les étapes.

Là aussi, rappelons ce que nous avons dit plus tôt : amener une contrainte pour obtenir une réponse adaptative représente le cheminement vers l’atteinte des objectifs. En sport comme en management, comme le soulignait fort justement Paracelse (1493-1541) médecin, philosophe et alchimiste :

« Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ou l’hormèse (l’effet positif) ».

C’est ce principe qui va éviter à un athlète de se « cramer » ou à un salarié de foncer tout droit vers le burn-out.


Cyrille Cuny, professeur de culture physique diplômé d’État, a participé à la rédaction de cet article.

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