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Doudous et tétines : nos enfants s’attachent-ils trop aux objets ?

Le pédiatre Donald Winnicott a montré en quoi les doudous et peluches pouvaient aider les enfants à se sentir en sécurité. Shutterstock

Si leur enfant de 5 ans ne peut pas dormir sans sa peluche favorite ou si leur adolescent refuse de jeter la couverture en lambeaux qu’il a depuis qu’il est bébé, il y a des chances que les parents s’inquiètent. La question de l’attachement à ces doudous de la petite enfance est très controversée, certains arguant qu’il s’agit d’une réaction puérile, inutile, voire nuisible.

Alors quand faut-il vraiment se préoccuper de cette dépendance ? Et comment encourager l’enfant à se détacher de ces objets qui le réconfortent ?

Reconnaissons d’abord que les adultes manifestent eux aussi ce genre d’attachement matériel. Combien ne se rassurent-ils pas en portant un pull « préféré » ? Ou en accumulant des souvenirs de leurs proches ? Un tiers des adultes admettent qu’ils ne supporteraient pas de se séparer de tel ou tel jouet d’enfance, même rongé par les mites.

Le besoin de réconfort est humain, et ces objets nous rappellent des moments où nous nous sommes sentis sereins, aimés et en sécurité. Les bébés aiment être tenus dans les bras de leurs parents. Ils passent des mois à se faire câliner et bercer, sachant que quelqu’un répondra toujours à leurs besoins. Cela les aide à développer un sentiment d’attachement sécurisant, qui leur donnera ensuite la confiance d’explorer leur environnement.


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Et, un jour, ils prendront leur envol – que ce soit pour aller à la garderie, à l’école, ou tout simplement pour traverser une pièce quand ils commencent à ramper. Un parent ne peut pas toujours être auprès de son bébé pour le réconforter, et donc un objet qui rappelle leur présence peut être rassurant – un doudou ou, en termes scientifiques, un objet transitionnel qui maintient le lien entre une nouvelle situation et le confort de la maison.

Souvenir ou besoin ?

Si des recherches menées dans les années 1940 ont considéré que de tels objets étaient le signe d’un trouble de l’attachement, le pédiatre et psychanalyste Donald Winicott a montré plus tard qu’ils étaient tout le contraire. Loin d’être des objets vers lesquels on se tournerait faute de soins et d’amour, ils seraient en fait des souvenirs d’amour et de sécurité.

Même si la plupart des enfants se séparent de ces objets réconfortants à partir de 4 ans, des recherches ultérieures sont venues appuyer les résultats de Winnicot. Une étude a notamment montré que les enfants très attachés à des objets transitionnels avaient des liens plus forts avec leurs parents et étaient plus heureux.


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Mais cet effet s’inverse à mesure que les enfants grandissent. La même étude montre que les adolescents qui sont très attachés à un objet transitionnel ont une santé mentale plus fragile. S’il n’y a rien de mal à garder en souvenir une vieille couverture d’enfance, en avoir besoin au quotidien une fois passé le cap de l’adolescent peut signifier que quelque chose ne va pas.

Tétines et biberons

Certains objets fétiches sont préférables à d’autres. Le bien-fondé de l’utilisation des tétines ou biberons après douze mois est moins évident. De même, si l’on sait que les bébés sucent déjà leur pouce dans le ventre de leur mère, cette habitude peut devenir source de problèmes au-delà d’un an.

Les bébés naissent avec un besoin naturel de téter. Quand ils sont allaités, la succion les nourrit, les calme et augmente la production de lait de la mère. Les tétines peuvent aider les bébés nourris au biberon à se calmer. Parfois, les mères qui allaitent les utilisent aussi, mais le bébé aura peut-être moins besoin ensuite de téter au sein, ce qui peut réduire la production de lait. Leur usage n’est donc pas recommandé les six premières semaines.

La question de savoir s’il faut donner ou non une tétine à un bébé peut diviser. Utilisées avec précaution, elles peuvent faire du bien aux nourrissons, notamment quand ils souffrent de coliques.

Mais les spécialistes de la petite enfance recommandent de sevrer les bébés de ces tétines passé le cap des six mois. Au-delà de la difficulté à sevrer un enfant plus âgé, la raison est que cela peut introduire des bactéries dans leur bouche. Cela peut aussi augmenter le risque d’infections du canal auditif, et même avoir un impact sur la poussée des dents. Elles pourraient aussi retarder la parole en gênant l’enfant dans la prononciation des mots.

Jusqu’à quel âge laisser un enfant utiliser une tétine ? La question préoccupe les parents et professionnels de la petite enfance. Shutterstock

Autoriser les bébés à garder leur biberon quand ils ont besoin de se rassurer n’est pas non plus une bonne idée. Symbole de nourriture et de proximité, cet objet est naturellement associé au réconfort. Mais les bébés devraient en être lentement sevrés à mesure qu’ils commencent à manger de la nourriture solide. Quand un bébé tète un biberon, le lait a tendance à rester plus longtemps autour des dents ce qui peut provoquer des caries. Un problème qui ne se pose pas lorsqu’ils sont nourris au sein maternel. L’impact sur le développement du langage est aussi le même que pour les tétines.

Il est préférable de ne pas laisser tétines et biberons s’inviter trop longtemps dans les habitudes des enfants. Mieux vaut commencer le sevrage en journée et les rassurer par des câlins, des histoires ou des jeux s’ils sont contrariés. La nuit peut être la période la plus difficile, essayez d’adopter alors une nouvelle routine pour que le changement se fasse plus en douceur.

En bref, il est courant que des tout-petits (et même des adultes) aient des objets fétiches qui les rassurent, et il n’y a pas lieu de chercher à les en priver. Mais une fois qu’ils sont capables de marcher et de parler, préférez une peluche ou une petite voiture à une tétine ou un biberon – cela vous évitera d’ailleurs de traverser en famille les affres de la période de sevrage.

This article was originally published in English

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