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Éclipse de Lune de 2018: on voit l'ombre de la Terre sur la Lune. Maxime Raynal, Flickr, CC BY

Éclipses de Lune : pourquoi on ne les observe pas chaque mois

Une éclipse de Lune, c’est un bon moment pour se demander pourquoi on voit ce qu’on voit, car c’est précisément un moment où on ne voit pas ce qu’on voit d’habitude.

D’habitude, on ne s’interroge pas sur ce qu’on voit dans le ciel, on ne se demande pas si le soleil va se lever demain matin. On se prépare comme d’habitude aux tâches à venir. Si par quelque hasard un enfant vous demande, en vous regardant droit dans les yeux comme ils savent le faire : « est-ce que le soleil va se lever demain matin ? », vous lui dites, rassurant : « tu sais, le soleil se lève tous les jours, souviens-toi, il s’est levé hier, avant-hier, et encore avant avant-hier ». Évidemment, ce n’est pas une explication, c’est l’observation d’une régularité passée qu’on prolonge dans le futur.

Mais une régularité demande explication, ce n’est pas une explication par soi-même.

La Lune ne se lève pas toujours à la même heure

Pour avancer dans la compréhension du pourquoi le soleil va se lever demain, on peut remarquer que les étoiles aussi se lèvent, la nuit, quand on peut les observer, et la Lune aussi, de jour comme de nuit. Il suffit de rester une ou deux heures dehors, et on voit bien que tout ce petit monde se déplace d’est en ouest en décrivant des petits arcs de cercle. Si l’on prolonge ces arcs de cercle pour reconstituer mentalement les cercles entiers dont ils font partie, on constate assez facilement qu’ils ont tous le même axe, et que cet axe est identique à la ligne des pôles, l’axe nord-sud, et qu’il pointe bien vers d’étoile polaire. Et si nous voyons tout ce monde céleste décrire des cercles de l’est vers l’ouest, c’est qu’en fait la Terre tourne sur elle-même en sens inverse, donc de l’ouest vers l’est, et qu’en chaque lieu de la surface on découvre un ciel nouveau venant de l’Est. C’est ainsi, d’ailleurs, que le soleil, comme les autres astres, se lève à l’est.

Une longue exposition photographique montre que les étoiles décrivent des arcs de cercle dans le ciel à mesure que le temps passe. ChristiaN/Flickr, CC BY-NC-ND

La vitesse de déplacement apparent des objets célestes sur leurs cercles respectifs est facile à calculer. La Terre effectue une rotation complète de 360 degrés en 24h, l’angle parcouru en une heure par une étoile quelconque est donc égal à 360 degrés divisés par 24, soit 15 degrés par heure, valeur facilement vérifiable en pointant la même étoile, ou même la Lune, à une heure d’intervalle. Mais la Lune a ceci de particulier qu’elle tourne vraiment autour de la Terre, ce qui n’est pas le cas des étoiles, par conséquent elle se déplace par rapport au fond du ciel, alors que les étoiles occupent des positions fixes les unes par rapport aux autres.

Autrement dit, la Lune ne se lève pas toujours à la même heure. De combien est ce décalage ? Eh bien, puisqu’elle fait un tour de Terre en 28 jours environ, elle parcourt 360 degrés en 28 jours, soit un peu plus de 12 degrés par jour. Voilà pourquoi la Lune est visible aussi bien de jour que de nuit. Comme un terrien découvre, nous venons de le voir, 15 degrés de ciel chaque heure, d’un jour au suivant il faut de l’ordre d’une heure pour rattraper le déplacement de la Lune sur son orbite. En fait, ce décalage n’est pas constant, il varie entre une demi-heure – ce qui est le cas ces jours-ci – et une heure et demie. Cette variation est due à ce que l’axe de rotation de la Terre sur elle-même n’est pas perpendiculaire au plan de sa trajectoire (on appelle cela l’« obliquité de l’axe de rotation »), et au fait que la trajectoire de la Lune elle-même ne se situe pas exactement dans le plan de la trajectoire de la Terre.

La Lune nous renvoie la lumière du Soleil

Cône d’ombre de la Terre et passage de la Lune dans cette zone d’ombre. SuperManu

Venons-en à l’éclipse de Lune. S’éclipser, dans la vie quotidienne, c’est mettre un obstacle visuel entre soi et les autres, ce qui fait que nous disparaissons de leur vue. Mais la Lune procède autrement pour s’éclipser. Comme la Terre intercepte la lumière du soleil, se crée dans l’espace à l’opposé du soleil une zone d’ombre de forme conique. Or nous ne voyons que les objets qui nous envoient de la lumière. La Lune ne possédant pas de source lumineuse propre, elle nous envoie la lumière réfléchie du soleil.

Il suffit donc qu’elle se situe dans l’ombre de la Terre pour qu’elle cesse, en principe, d’être visible. Remarquons ici que la trace de l’ombre sur la surface lunaire est circulaire, puisque c’est l’intersection du cône d’ombre avec cette surface. D’ailleurs, quiconque, comme Aristote, interprète l’éclipse de Lune comme l’interposition de la Terre entre le soleil et la Lune en déduit immédiatement que la Terre est ronde.

Mais poursuivons. La veille de l’éclipse, la Lune se trouve proche de l’ombre, elle est donc à l’opposé du soleil, c’est la pleine Lune. Mais… puisque la Lune fait le tour de la Terre en 28 jours, on devrait observer une éclipse tous les 28 jours ! Ce serait vrai si les plans des trajectoires de la Lune et de la Terre étaient les mêmes. Or celui de la Lune fait un angle d’environ 5 degrés avec celui de la Terre. Par conséquent, le plus souvent, la Lune pleine « rate » l’ombre terrestre, et le nombre d’éclipses lunaires varie entre deux et cinq par an.

Combien de temps dure une éclipse de Lune ?

Ce 16 mai, la configuration est bonne pour observer une éclipse totale… à condition de se lever tôt : il faut être sur le pont à partir de 3h30 du matin, disons 4h pour les retardataires. Quant à la durée de l’éclipse, c’est l’intervalle de temps qu’il lui faut pour parcourir l’ombre terrestre. Cela peut être court, si la Lune attaque le bord de l’ombre, et la durée est maximale quand la Lune attaque l’ombre selon son diamètre.

Comme la distance Terre-Soleil est très grande devant la distance Terre-Lune, l’ombre de la Terre, à l’endroit où se situe la Lune, a la forme d’un cercle de diamètre quasiment égal au diamètre terrestre, soit environ 13000 kilomètres. La Lune décrit une trajectoire qu’on peut ici assimiler à un cercle de 380 000 kilomètres de rayon, en 28 jours, nous l’avons déjà dit. Sa vitesse horaire s’obtient en divisant le périmètre du cercle par le nombre d’heures dans 28 jours, ce qui donne environ 3500 km/h. La durée maximale d’une éclipse est donc le temps qu’il faut pour parcourir 13 000 kilomètres, soit un peu moins de 4 heures. Le 16 mai, la fin de l’éclipse aura lieu alors qu’il fera jour.

D’où vient la couleur rouge de la Lune ?

Dernière interrogation : pourquoi, lors de l’éclipse, la Lune prend-elle une couleur rouge-brun au lieu de disparaitre complètement ? Pour la même raison qu’un coucher de soleil, sur Terre, est rouge. Notre atmosphère diffuse la lumière du soleil dans toutes les directions, mais elle diffuse plus efficacement le bleu que le rouge. Lors d’un coucher de soleil, la lumière rasante traverse une plus grande épaisseur d’atmosphère, elle contient donc moins de bleu et plus de rouge. Vue de la surface lunaire, l’éclipse s’apparente à un coucher de soleil, car la lumière du soleil est diffusée et diffractée par son passage rasant à travers l’atmosphère terrestre, et la Lune nous renvoie une partie de cette lumière, appauvrie en bleu.

Éclipse de Lune de 2019 vue du Canada. Shayne Kaye/Wikipedia, CC BY

Il convient de bien profiter de ces événements particuliers. Car dans quelques millions d’années, ils n’auront plus lieu : la Lune, en effet, s’éloigne de la Terre inexorablement à raison de presque 4 cm par an. Viendra donc un moment où la Lune sera au-delà de la position du sommet du cône d’ombre. Au-delà, jamais plus la Terre ne fera de l’ombre à la Lune, et l’observation des éclipses ne se fera plus que dans des livres !

En attendant, la prochaine éclipse aura lieu le 8 novembre 2022.

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