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« École et République » : l'épreuve statistique (3)

Les statistiques montrent le lien entre la qualité de l'enseignement d'un pays et son PIB par habitant. Frederick Florin / AFP

Cet article est co-écrit par Sacha Varin, docteur en Sciences de l’éducation, intervenant externe à la Haute école pédagogique de Lausanne, membre du séminaire de recherche « École et République » du Collège des Bernardins.


Comment les statistiques peuvent-elles permettre de mieux éclairer et de mieux mesurer la qualité d’un système éducatif ?

Dans un premier temps, nous mettons à l’épreuve statistique l’indicateur synthétique élaboré afin d’approcher la notion holistique et complexe de qualité d’un système éducatif.

Dans un deuxième temps, en référence à notre cadre théorique (Stratégie de Lisbonne, « Europe 2020 », Varin (sous presse)), en tenant compte du score en compétitivité de l’IMD Business School de Lausanne et du score en innovation du Global Innovation Index, nous confrontons notre indicateur synthétique de qualité à la croissance économique avec comme question centrale : quel est l’impact de la qualité du système éducatif – telle que nous l’avons définie – sur la croissance du pays mesurée par le PIB par habitant ?

Au sujet des statistiques

Notre échantillon constitué de 34 pays de l’OCDE est non probabiliste. Nous avons travaillé sur les données brutes de 2012. Une analyse de redondance robuste a été réalisée afin d’éviter une grande partie des problèmes liés à la (multi)colinéarité.

Au vu des valeurs extrêmes, les corrélations (semi-partielles) calculées sont celles de Spearman et les modèles économétriques sont robustes (MM-estimateur).

Sur les critères étudiés dans le cadre du séminaire de recherche « École et République », l’efficience contribue à 28,1 % à expliquer le score en qualité, quant à l’engagement, il contribue à hauteur de 20,9 %, l’efficacité à 5,5 % et l’équité à 1,3 %.

Il est très intéressant de constater que le critère pédagogique « d’engagement » intervient de manière considérable dans la constitution du score de notre indicateur de qualité, car, ce critère n’est pas souvent pris en compte dans la notion de qualité d’un système éducatif dans la littérature scientifique existante à ce sujet.

Équité, engagement et croissance

Par ailleurs, on s’aperçoit que les critères qui contribuent le plus à expliquer la croissance sont l’équité et l’engagement, toutefois la corrélation est négative.

En d’autres termes, plus le score en équité et en engagement d’un pays augmente, plus le PIB par habitant diminue. Plus précisément, « l’équité » contribue à expliquer 25,3 % de la variabilité du PIB par habitant.

« L’engagement » quant à lui explique 15,3 % du PIB par habitant. Ensemble le critère social d’« équité » et celui pédagogique d’« engagement » expliquent de manière négative plus de 40 % du PIB par habitant.

En gardant constant le score en compétitivité et en innovation, on s’aperçoit qu’en augmentant d’un point le score en qualité, en moyenne le PIB par habitant augmente de 20 USD.

Nous constatons que la qualité n’a pas beaucoup d’effet sur la croissance ; il faudrait en effet augmenter le score de qualité de 50 points pour qu’en moyenne le PIB par habitant augmente de 1 000 USD.

Alors qu’à titre comparatif, une augmentation d’un seul point dans le score en innovation augmente en moyenne le PIB par habitant de 938,1 USD !

Impact considérable des critères

En gardant constant le score en efficacité, en efficience et en équité, on s’aperçoit qu’en augmentant d’un point le score en engagement, en moyenne le PIB par habitant diminue de 1340,6 USD.

Il en va de même pour l’équité, un point de plus diminuerait en moyenne le PIB par habitant de 2146,9 USD, alors qu’un point de plus en efficience augmenterait en moyenne le PIB par habitant de 2 184,9 USD et un point de plus en efficacité augmenterait en moyenne le PIB par habitant de 134,5 USD.

Force est de constater que l’engagement et l’équité ont un impact considérable et négatif sur le PIB par habitant.

On s’aperçoit que si le score en qualité augmente d’un point, le PIB par habitant augmente de 0,016 % en gardant constants les scores en compétitivité et en innovation.

À titre de comparaison, un point de plus dans le score en compétitivité augmente le PIB par habitant de 1,3 % et un point de plus dans le score en innovation augmente le PIB par habitant de 4,1 %. Il faudrait augmenter le score en qualité de 100 points pour que le PIB par habitant augmente seulement de 1,68 % !

Une fois encore, nous constatons que le score en qualité a un impact certes positif sur la croissance économique, mais cet impact est très faible pour ne pas dire quasi inexistant.

Conclusion

Notre indicateur synthétique de qualité est intéressant, mais également ambigu par les résultats qu’il délivre. Celui-ci mérite toutefois d’être encore perfectionné en lui ajoutant des statistiques dans les différents critères qui le composent et nous proposons d’ajouter d’autres critères qui peuvent expliquer la qualité d’un système éducatif tels que l’équilibre (Gerard, 2001, 2015) ou encore la durabilité (Bouchard & Plante, 2002).

Encore faut-il que les statistiques soient disponibles et comparables. Nous pourrons alors envisager d’élargir notre échantillon de pays et surtout tenir compte d’un facteur clé dans ce type d’analyses économétriques : le temps.

Pour terminer, précisons que les discussions relatives à l’interprétation des résultats présentés et à l’amélioration de notre indicateur synthétique se poursuivent au séminaire « École et République » du Collège des Bernardins et dans d’autres lieux.


Ce texte est issu du colloque conclusif « Scénarios pour une nouvelle école » organisé le 23 juin 2016, suite à deux années de réflexion du séminaire « École et République » du Collège des Bernardins qui se proposait d’analyser la relation entre l’école et la République. Le colloque était organisé par Bernard Hugonnier et de Gemma Serrano, co directeurs du séminaire. Nous allons publier une série de huit articles sur le sujet.

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