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Éducation : bilan du quinquennat et enjeux pour demain

110 rue de Grenelle à Paris, le ministère de l'Education nationale, (hôtel de Rochechouart, construit en 1776 par Mathurin Cherpitel, remanié à partir de 1839 par Alphonse de Gisors pour le ministère). Patrick Janicek/Flickr, CC BY

« Quand on ne fait pas de communication c’est rare qu’on la fasse pour vous », c’est ce que déclarait François Hollande lors des Journées de la Refondation le 2 mai 2016. Et il ajoutait, toujours sur le ton de la plaisanterie : « si on attend que les compliments, on est pas toujours satisfait, si on attend les critiques, on peut avoir son lot… ». C’était il y a longtemps, très longtemps, en 2016…

Depuis François Hollande a renoncé à être candidat. Et la refondation de l’École semble bien loin dans la campagne présidentielle. Peu de candidats en tiennent compte, or le bilan devrait pourtant en être fait. On peut aussi se demander si les promesses des candidats sont à la hauteur des enjeux pour l’école de demain.

Les mots de la refondation

« Refondation », le terme choisi par Vincent Peillon était habile. Il permettait à la fois de rassurer puisqu’il renvoyait à un passé glorifié et d’envoyer aussi un signal à ceux qui pensent que l’École doit évoluer et s’adapter. Mais si le terme était porteur de beaucoup d’espérances, il a aussi généré des déceptions devant les compromis et le manque de lisibilité des réformes.

Car il a manqué un slogan à cette refondation. La finalité de tout cet ensemble de dispositifs décrits dans la loi de 2013 n’apparaissait pas assez clairement. Si la loi d’orientation de 89 se résume à « l’élève au centre du système » et celle de 2005 au socle commun, il n’y a pas le même mot d’ordre pour la refondation. À tel point que les journées de la refondation le reconnaissaient implicitement tout comme le 1er rapport du comité de suivi de la refondation : il y a eu un manque de lisibilité des réformes alors que la lutte contre les inégalités aurait pu être ce mot d’ordre mobilisateur.

On notera aussi que les créations de postes absorbées par une forte démographie non anticipée, par la reconstruction de la formation initiale et d’un vivier de remplaçants ont été, elles aussi, peu visibles pour les enseignants comme dans l’opinion.

Les maux des réformes

Après la grandiloquence des premiers mois, on est passé assez vite de la refondation aux « réformes »…

Or, le terme est ambigu et génère pas mal de difficultés. Il y a évidemment la crainte du changement. Mais il serait trop facile de voir les mouvements sociaux qui ont accompagné les principales réformes comme relevant uniquement de la « résistance au changement ». Il y a aussi l’idée implicite mais très vivement ressentie que tout ce qui précède peut être « mis à la réforme ».

Avec des enseignants qui mettent beaucoup d’eux-mêmes dans leur travail, il y a une tendance à prendre comme une critique de son propre travail ce qui se situe au niveau de l’ensemble du système. Or on peut pourtant faire son métier du mieux que l’on peut dans un système qui dysfonctionne…

La réforme est aussi une décision prise d’en haut par un pouvoir politique et appliquée ensuite par une technostructure. Cela se heurte à une culture antihiérarchique des enseignants et des pratiques de management qui restent bureaucratiques dans l’encadrement.

La concordance des temps

La gestion du temps a été un des problèmes de ce quinquennat. Pour l’éducation, il y a eu d’abord du retard à l’allumage. La loi sur la refondation dont Vincent Peillon prévoyait le vote en décembre 2012, n’a été publiée au JO que le 8 juillet 2013. La période d’« état de grâce » a été occupée par des discussions et concertations qui, au final, n’ont abouti qu’à faire ressurgir les tensions qui avaient été mises de côté au moment des présidentielles et législatives.

Le problème du temps s’est posé aussi avec la réforme des rythmes. Celle-ci semblait acquise puisque sous le précédent ministre (Chatel) une large commission avait conclu à sa nécessité. Ensuite, l’attentisme a abouti au télescopage avec les élections municipales et les enjeux syndicaux. Autre retard : celui de l’élaboration des programmes avec la mise en place laborieuse du Conseil supérieur des programmes et la démission de son premier président. Enfin, la plus belle illustration est donnée par la conjonction de la réforme des programmes et du collège et en plus pour tous les niveaux, une année avant la fin du quinquennat. On y trouve la conjonction du retard et de la précipitation. D’une manière générale, les retards pris dans l’application de la loi ont accentué l’absence de lisibilité.

Mais, plus que tout, tout cela nous rappelle que le temps de l’éducation n’est pas celui du politique. Ministre de l’éducation n’est pas le poste plus facile, car il est difficile de voir les effets de son action. Les enfants qui sont rentrés au cours préparatoire en 2012 seront évalués dans l’année 2021 par le système PISA. Pas facile pour un personnel politique et des Français qui veulent des résultats immédiats…

De haut en bas

Et si la refondation était la dernière réforme de ce genre ? Car la question qui est posée par la refondation est aussi celle de la méthode utilisée pour la conduite du changement.

Dans notre pays centralisé et bureaucratique, nous fonctionnons toujours avec l’illusion d’une décision prise d’en haut et qui descendrait impeccablement jusque dans chaque salle de classe.

La réforme du Collège a combiné cette illusion avec l’autoritarisme. Le fait de publier le décret le lendemain d’une manifestation a été un handicap certain pour la suite.

Le paradoxe de cette réforme est qu’elle a donc été vécue comme l’expression d’une « prescription verticale » qui s’impose à tous alors que son enjeu était de redonner du pouvoir aux équipes dans les établissements.

Or, on le sait bien, beaucoup de changements se font « à bas bruit », loin du tintamarre des annonces ministérielles et des déclarations syndicales. L’enjeu pour l’avenir sera de (re)donner du pouvoir d’agir aux enseignants dans un cadre aux objectifs clairs.

Quels enjeux pour demain ?

Cette question de la gouvernance de l’Éducation nationale est peu abordée. Elle est pourtant essentielle. Car c’est toute la question de la conduite du changement et de la confiance envers les acteurs du système qui est posée.

Dans la campagne on s’est focalisé sur le mot très ambigu d’« autonomie ». Derrière beaucoup y voient la remise en cause de l’égalité républicaine et dénoncent tout ce qui pourrait accroître le pouvoir du chef d’établissement comme une « caporalisation » insupportable, une dérive managériale et une mise en concurrence

Toutefois on voit bien aussi que le système éducatif est trop bureaucratique. Ce système génère ses effets pervers : force d’inertie, faible adaptabilité aux situations locales, lourdeur des contrôles… Il contribue aussi à l’infantilisation et la déresponsabilisation des acteurs…

L’École gagnerait à être plus efficace. C’est un chantier difficile car il faut naviguer entre deux écueils, celui du conservatisme sclérosant et celui d’un libéralisme destructeur.

Le service public d’éducation est-il mortel ? Cette question pouvait paraître saugrenue il y a quelques années. Elle ne l’est plus. Le développement des écoles privées hors-contrat et le rôle croissant des fondations, l’idée du chèque-éducation, tout cela nous montre que ce qu’on croyait immuable peut demain être remis en question. Il faut bien sûr s’inquiéter et dénoncer la marchandisation de l’École. Mais on doit aussi comprendre que tout cela prospère sur la difficulté de l’École à s’adapter et à tenir ses promesses.

Pour rendre l’école plus juste, on ne peut pas se contenter de rafistolages sur un grand corps malade. Changer le pansement ou penser le changement ?

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