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Le remplacement des lampes à incandescence, très énergivores, par des LED, est un exemple d’efficacité énergétique. Shutterstock

Efficacité énergétique : est-il vraiment possible de faire mieux avec moins ?

Bien isoler sa maison, utiliser des ampoules basse consommation, investir dans des appareils électroménagers performants : autant de façons pour les particuliers de réduire leur consommation d’énergie. On parle ici de mesures d’« efficacité énergétique ». Portée au niveau d’un pays, cette efficacité se mesure via l’intensité énergétique, soit le rapport entre la consommation énergétique nationale et le produit intérieur brut.

L’efficacité énergétique joue un rôle clé dans la transition écologique, qui vise un recours moindre aux énergies fossiles : elle rendrait possible, selon le scénario « développement durable » de l’Agence internationale de l’énergie de novembre 2017, 44 % de réduction des émissions de CO2 en 2040 – contre 36 % pour les énergies renouvelables et 6 % pour le nucléaire.

Un tel scénario permettrait ainsi de limiter la hausse des températures à +2 °C d’ici la fin du siècle et d’atteindre les objectifs de développement durable adoptés par les Nations unies, parmi lesquels figure l’accès universel à l’électricité.

Conscients de ce potentiel de l’efficacité énergétique, les États européens se sont fixés des objectifs pour diminuer leur consommation énergétique et leur empreinte carbone. La directive européenne sur l’efficacité énergétique établit un cadre commun de mesures pour sa promotion dans l’Union. L’objectif étant de l’accroître de 20 % d’ici 2020.

Mais qu’en est-il réellement ?

Facteurs de réduction des émissions de CO₂ entre le scénario « nouvelles politiques et développement durable ». Perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook) 2017 de l’AIE (Figure 3.15).

« Faire mieux avec moins »

Grâce aux politiques incitatives – comme le crédit d’impôt à la transition énergétique – ou réglementaires – comme la réglementation thermique –, mises en œuvre depuis plus de vingt ans, cette efficacité est devenue l’un des principaux facteurs influençant notre consommation énergétique.

Mais d’autres déterminants sont aussi à l’œuvre : citons l’activité économique qui, si elle est florissante, booste la consommation (et inversement en période de crise). Il y a également l’évolution démographique et la composition des ménages qui entrent en ligne de compte.

Les comportements individuels peuvent également initier une baisse de la consommation, que ce soit dans une démarche de sobriété volontaire, ou une situation subie de précarité. Si les structures économiques se modifient, par la tertiarisation par exemple, la consommation diminuera également. Enfin, les aléas climatiques ont un impact, notamment sur le chauffage en hiver ou la climatisation en été.

Entre 2000 et 2016, l’efficacité énergétique a permis d’économiser en France 307 TWh, selon Odyssee, l’outil européen de mesure de cette efficacité. Autrement dit, sans ces efforts, le niveau de consommation de 2016 aurait été 18 % plus élevé.

Malheureusement, ces gains ont quasiment été compensés par les autres effets évoqués, comme la démographie et l’augmentation du nombre de ménages, les niveaux de vie et d’activité, impliquant une réduction réelle de consommation énergétique de 2 % seulement au cours de cette période.

Variation de la consommation d’énergie finale en France entre 2000 et 2016 (en TWh). Odyssee

Un instrument tous secteurs

Les mesures d’efficacité énergétique peuvent se décliner dans nombre de secteurs d’activité.

Dans l’industrie, où les moteurs électriques utilisés pour transformer de l’énergie électrique en énergie mécanique, consomment jusqu’à 70 % de l’électricité du secteur, élaborer des normes permettant d’imposer des classes d’efficacité énergétique minimale, peut rendre possible d’importantes économies.

Pour les transports, différentes actions ont été mises en place pour les secteurs routier (de marchandises ou de particuliers), ferroviaire, fluvial et aérien. Parmi les mesures les plus emblématiques en France, on peut citer la prime à la conversion, accordée lorsque l’on remplace un ancien véhicule (diesel ou essence) par l’achat ou la location d’un véhicule peu polluant.

Dans le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire), l’efficacité énergétique cible différents usages : promouvoir des chaudières plus performantes, une meilleure isolation thermique du logement, l’usage de chauffe-eau pour l’eau chaude, ou encore le remplacement d’appareils électriques peu performants (éclairage, réfrigérateur, lave-linge, etc.).

Si l’on évoque moins souvent les sites de production d’électricité, ils sont toutefois très consommateurs et peuvent avoir des rendements très variables – de 100 % de rendement pour la production d’électricité à partir de renouvelable à 30-40 % de rendement pour les centrales thermiques conventionnelles (fonctionnant au charbon, par exemple). Parmi les mesures mises en œuvre dans ce secteur, on peut citer la conversion de centrales thermiques conventionnelles vers des technologies plus performantes, ou l’évolution du mix électrique vers une plus forte concentration de renouvelables.

Réduire la consommation (pas le confort)

On entend souvent dire que l’énergie la moins chère est celle que nous ne consommons pas. Mais à niveau de service égal, est-ce vrai ?

En cas de remplacement d’un équipement peu onéreux, l’achat de la nouvelle technologie performante est rapidement amorti grâce aux économies d’énergie engendrées. C’est le cas lorsqu’on privilégie des lampes fluorescentes ou même mieux, des LED, aux lampes à incandescence très énergivores.

Dans d’autres cas, l’investissement est freiné par un coût fixe très élevé, que l’on ne rentabilisera qu’à long terme. L’isolation thermique ou le changement de chaudière permettent une réduction significative de la consommation énergétique à niveau de confort égal, mais à un prix très conséquent. Par exemple, le coût d’une chaudière à condensation gaz varie entre 3 000 et 7 000 euros ; les travaux d’isolation thermique entre 40 et 120 euros par m2.

Dans les situations les plus extrêmes, certains ménages n’ont plus les moyens de payer leur facture énergétique : ils sont alors contraints de moins chauffer leur logement, au risque de tomber dans la précarité énergétique.

L’enjeu est donc de proposer des mesures d’accompagnement permettant de surmonter ces contraintes et de réduire la consommation sans modifier le niveau de confort des ménages. Bien pilotée, l’efficacité énergétique peut alors générer d’importantes réductions d’émissions de CO2 à faibles coûts.

Un potentiel important d’économies

Si beaucoup s’accordent à dire que l’efficacité énergétique représente un fort potentiel d’économies d’énergie, et qu’elle doit être à ce titre « la première énergie », les résultats sont plutôt décevants. Les progrès enregistrés jusqu’à présent sont loin d’être à la hauteur des attentes et les objectifs européens d’efficacité énergétique de 2020 – qui pour rappel sont d’accroître d’au moins 20 % l’efficacité énergétique – seront difficilement atteignables.

Consommation d’énergie primaire et finale de l’UE et tendance linéaire jusqu’à l’objectif de 2020. Eurostat

Depuis la reprise économique en 2014 au niveau de l’Union européenne, on observe une augmentation de la consommation énergétique. Elle demeure donc très sensible au niveau d’activité économique.

Aujourd’hui, nous ne parvenons pas encore à « découpler » la croissance économique de notre niveau de consommation énergétique. En plus de l’adoption de comportements plus vertueux, économes en énergie, et avec le déploiement des énergies décarbonées, l’efficacité énergétique doit prendre plus de place dans la transition énergétique.

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