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Élections : candidats et doctorat, encore un effort ?

Une école doctorale (à Polytechnique) pour le concours Ma Thèse en 180 secondes. Ecole polytechnique Université Paris-Saclay / Flickr, CC BY-SA

Il y a un an nous écrivions un article, une tribune diraient certains (et nous pourrions même l’avouer !) autour d’une question centrale : la valorisation du doctorat et l’enjeu qu’elle représente pour le développement socio-économique de notre pays, alors qu’il demeure moins reconnu que dans bien d’autres.

Un an après, force est de dire que bien peu de choses ont évolué, même si la réforme du doctorat a eu lieu avec des évolutions réglementaires intervenues depuis. Mais comme l’écrivait le sociologue Michel Crozier, « on ne change pas la société par décret » : suffit-il de prendre des mesures législatives ou réglementaires pour qu’elles soient appliquées ?

Le député Jean-Yves le Déaut, par ailleurs Président de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix scientifiques et technologiques, en a fait le constat amer : « on ne peut pas accepter que la loi ne soit pas respectée » (dépêche AEF n°556682 du 28 février 2017). Venant d’un parlementaire, le propos n’est pas neutre… La loi à laquelle se réfère Jean-Yves le Déaut est celle de juillet 2013 qui prévoyait de faire reconnaître (Article L411-4 du code de la Recherche) le doctorat dans les conventions collectives et dans la haute fonction publique (Article L412-1). Nous en sommes loin, alors que la loi le prévoit et, de fait, l’exige…

Les compétences des docteurs

Au-delà de l’application de la loi, le monde associatif s’est mobilisé, puisque la Confédération des Jeunes Chercheurs et l’Association Nationale des Docteurs ont par exemple rédigé et publié, en septembre 2016, une proposition de fiche décrivant les compétences des docteurs : cette fiche constitue un support de proposition pour inscrire le diplôme de doctorat au Répertoire national des Certifications professionnelles. La lecture de cette fiche permet d’ailleurs de voir que les compétences des docteurs peuvent profiter aussi bien au secteur public qu’au secteur privé, par exemple avec des compétences comme le fait d’être capable (extraits) :

  • d’élaborer et de mettre en œuvre un protocole de recherche dans des conditions maximales de sécurité et de maîtrise des aléas"

  • de gérer son temps et entretenir son enthousiasme quels que soient les aléas appréhendés étape par étape pour faire progresser le projet

  • de travailler en équipe

  • de développer des qualités personnelles au service de son engagement professionnel

L’utilité des docteurs (et de la recherche)

Quatrième page de la fiche « compétences des docteur(e)s », proposée par la CJC et l’ANDès. Source : sites Internet de la CJC et de l’ANDès

Mais il ne suffit pas non plus d’objectiver les compétences des uns et des autres pour faire la preuve de l’utilité socio-économique du PhD. Jean-Yves le Déaut évoque notamment certains conservatismes, dans le public comme dans le privé, conduisant à n’y faire reconnaître les docteurs qu’au compte-gouttes. D’ailleurs, on aimerait bien les entendre, ces pourfendeurs du Doctorat : on nous dit qu’ils existent, qu’ils s’agitent en coulisse, mais pourraient-ils prendre la parole pour dire clairement ce qu’ils en pensent ?

Enfin, depuis un an, il y aussi eu la montée des alternative facts, du climato-scepticisme, et un contexte de défiance croissante à l’égard de la science qui conduit à la préparation d’une « science march » qui aura lieu le 22 avril 2017, soit la veille du premier tour des élections présidentielles. Alors, verrons-nous un jour la France élaborer ses politiques publiques en s’intéressant au préalable aux enseignements issus de la recherche ? Ou la télévision cesser de traiter des pseudosciences ou pseudomédecines comme des pratiques reconnues ? L’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté une « Résolution sur les sciences et le progrès dans la République » dont le contenu nous invite aussi à voir dans la reconnaissance du Doctorat un enjeu pour une meilleure appropriation de la recherche par la société.

Bref, le sujet reste d’actualité à la fois parce que l’enjeu l’est toujours (et va même croissant), mais aussi parce que les difficultés persistent. En plus de cela, nous sommes en période d’élection : c’est là une bonne occasion de remettre le sujet sur le tapis.

Le Doctorat peu présent dans les programmes électoraux

Entre deux affaires, nous avons consulté les sites de quelques-uns des candidats à la magistrature suprême (merci au blog Doctrix qui nous a grandement aidés). Il en ressort que le Doctorat ne passionnera pas particulièrement les foules (en tous cas, jusqu’à la date du 6 mars 2017…).

Le candidat (à cette heure en tous cas) François Fillon propose de valoriser le doctorat comme « marqueur de la très haute qualité scientifique ». Il nous semblait que c’était déjà le cas, mais la proposition vise aussi à permettre l’accès aux docteurs aux plus hautes responsabilités dans le privé comme dans l’administration. Mais comment fera-t-il, alors que la loi n’a pas permis de faire changer les choses à cette heure ?

Marine Le Pen, dans ses 144 propositions ne parle pas de doctorat mais un communiqué nous permet de voir qu’un des cadres frontistes souhaite que le doctorat continue d’exceller et qu’il importerait d’arrêter sa professionnalisation. Rien n’est évoqué quant aux poursuites de carrière et au rôle que le doctorat pourrait jouer dans l’économie. Disons-le franchement : cette conception du Doctorat n’est pas celle que nous défendons.

Emmanuel Macron a présenté son programme le 2 mars même et le mot doctorat n’y apparaît pas explicitement, ce qui n’interdit cependant pas au candidat d’en faire l’un des leviers du reste de son programme, et d’autant plus qu’il a eu l’occasion d’aborder le sujet devant les membres de la Conférence des Présidents d’Université, regrettant (cité par l’agence AEF, dépêche n°544796) que

« les entreprises françaises [soient] obsédées par la culture de l’ingénieur ou du diplômé de grande école [même si cela a] ses vertus, ses avantages, [mais que cela ne devrait pas] correspondre à toutes les fonctions managériales. (Il reconnaît ainsi aux docteurs) « l’excellence académique [mais aussi] leur capacité à aller vite, à travailler en projet […] travailler en architecture ouverte ».

Le blog Doctrix rappelle qu’il avait été peu question du Doctorat lors de la Primaire socialiste. Le site de Benoît Hamon, pour l’heure, ne mentionne que peu de choses explicites sur le doctorat. S’il souhaite mieux doter en moyen les universités, le doctorat n’apparaît pas en tant que tel dans son programme en ligne : la présentation détaillée de son projet le 16 mars a néanmoins permis à B. Hamon d’évoquer son souhait de réduire le nombre de thèses non financées, ce qui pourrait passer par le dispositif CIFRE.

Jean-Luc Mélenchon propose quant à lui un nouveau statut du doctorat et une reconnaissance dans les conventions collectives des années d’études, ce qui est confirmé par certains de ses soutiens, tout comme le fait de ne réserver le Crédit d’Impôt recherche (CIR) qu’aux entreprises embauchant des docteurs. Ceci dit, comment fera le Président Mélenchon pour faire appliquer la reconnaissance du Doctorat dans les conventions collectives, déjà inscrite dans la loi, mais peu mise en œuvre à cette heure ? Le CIR est peut-être un levier, mais est-ce le seul ?

Bref, rendez-vous dans un an pour voir si, au-delà des programmes et des bonnes intentions, les choses auront réellement changé…


Suivez les réponses des candidats aux demandes de prises de positions des acteurs français de la recherche à la Conférence des Présidents d’Université et à l’initiative « Questions de science et de technologie ».

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