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Deux rangées de plants de coton séparées par un sol rabougri.
Des plants de coton poussent dans un champ sans labour en Arkansas, aux États-Unis. Bill Barksdale/Design Pics Inc/Alamy Stock Photo

En cessant de labourer les sols, on pourrait réduire l’impact de l’agriculture sur le climat de 30 %

Les exploitations agricoles ne crachent pas de fumée. Cela porte à croire que leur contribution aux changements climatiques est négligeable. Pourtant, l’agriculture est responsable de 26 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre.

Les tracteurs qui fonctionnent au diesel rejettent du dioxyde de carbone (CO2) dans leurs gaz d’échappement. Les engrais épandus dans les champs produisent de l’oxyde nitreux. Et les microbes présents dans les intestins du bétail génèrent du méthane.

Le simple fait de travailler la terre – en l’ameublissant avec des charrues et d’autres machines – expose le carbone enfoui dans le sol à l’oxygène de l’air, ce qui permet aux microbes de le convertir en CO2. C’est ce que font habituellement les agriculteurs avant de procéder aux semis, mais que se passerait-il s’ils laissaient tomber cette étape ?

Dans une étude publiée récemment et menée dans des exploitations agricoles du Royaume-Uni, nous avons découvert qu’une approche appelée « agriculture sans labour », qui consiste à placer les semences dans des trous dans le sol plutôt que de travailler la terre, pourrait réduire de près d’un tiers les émissions de gaz à effet de serre liées à la production agricole et augmenter la quantité de carbone stocké dans les sols.

Un tracteur vert tire une remorque pour labourer le sol derrière lui
Et s’il existait une meilleure façon de préparer les sols pour les semis ? GLF Media/Shutterstock

Les jolis rangs de terre surélevée dans les champs labourés peuvent sembler faire partie intégrante de l’agriculture, mais la pratique sans labour est déjà très populaire dans différentes parties du monde, en particulier aux États-Unis.

Une seule machine est nécessaire pour creuser de petits trous pour les semis et elle ne parcourt le champ qu’une fois. Avec les méthodes traditionnelles, les agriculteurs utilisent plusieurs équipements pour labourer, herser, semer et enfouir les semences, alors que l’agriculture sans labour ne remue qu’une très faible quantité de terre.

Un tracteur avec un semoir mécanisé en remorque prépare un champ pour l’ensemencement
Le semis direct laisse intact le chaume des récoltes précédentes. Philippe Montigny/Shutterstock

Le labourage du sol dans l’agriculture traditionnelle crée de gros trous d’air qui se remplissent d’oxygène, entraînant la transformation du carbone présent dans le sol en CO2 par les microbes. Nous avons comparé le sol de champs labourés avec celui préparé selon l’approche sans labour en les passant aux rayons X, la même technique dont on se sert dans les hôpitaux pour examiner des os cassés.

Les champs non labourés comportaient moins de trous d’air, et ceux-ci étaient plus petits, c’est pourquoi ils généraient moins de CO2. La plupart de ces poches avaient été créées par des vers de terre et des racines qui avaient proliféré en l’absence de charrue et d’autres outils utilisés pour travailler la terre. Il y avait encore suffisamment de pores pour permettre au sol de bien se drainer et aux racines de descendre assez profondément à la recherche d’eau – un avantage important à une époque où la fréquence des sécheresses augmente à cause des changements climatiques.

Images à rayon X comparant une carotte de sol provenant d’un champ avec labourage conventionnel, par rapport à un champ sans labourage
Les sols labourés de manière traditionnelle ont davantage de trous d’air, où le CO₂ est généré. Cooper et al. (2021), Author provided

En empêchant le surplus d’oxygène de pénétrer dans le sol et d’atteindre les microbes qui y vivent, l’agriculture sans labour fait en sorte que le carbone qui s’accumule lorsque les plantes meurent et se décomposent reste enfoui sous terre. Les exploitations que nous avons étudiées et qui pratiquaient le semis direct ont emmagasiné davantage de carbone dans leur sol au fil du temps, et plus cela faisait longtemps que les sols n’avaient pas été travaillés, plus la quantité de carbone stockée était importante.

Il est clair que les sols non remués rejettent moins de CO2 dans l’atmosphère. Mais les microbes présents dans les sols agricoles peuvent générer du méthane et de l’oxyde nitreux, et ces gaz ont un effet encore plus désastreux pour le climat. Le méthane est plus de 20 fois plus efficace que le CO2 pour emprisonner la chaleur dans l’atmosphère, et l’oxyde nitreux l’est environ 300 fois.

Dans notre étude, nous avons combiné les mesures des trois gaz à effet de serre provenant de sols labourés traditionnellement et de champs où l’on pratique le semis direct. Nous avons constaté que les émissions de ces derniers étaient de 30 % inférieures au total, les réductions les plus importantes étant observées dans les exploitations qui avaient recours au semis direct depuis plus longtemps – soit environ 15 ans.

Le fait de ne pas avoir à labourer le sol présente d’autres avantages pour les agriculteurs. Ils ont moins de préparation à faire, ont besoin de moins de diesel, grâce à une réduction de la machinerie lourde, et le tout se traduit par une diminution des coûts.

Un agriculteur tient des graines au-dessus d’un trou dans le sol qu’il vient de creuser avec une perche
Ce n’est pas d’hier que l’on creuse des trous dans le sol pour y semer des graines. Jayjay Adventures/Shutterstock

Malgré ces avantages, les agriculteurs du Royaume-Uni et de toute l’Europe sont lents à adopter l’agriculture sans labour. Selon une étude récente, seulement 7 % des terres arables sont cultivées de cette manière en Angleterre. Lorsque nous avons interrogé les agriculteurs, ils ont été nombreux à dire que le coût d’une machine de semis direct les en avait découragés. D’autres craignaient que ce changement n’entraîne une baisse de rendement par rapport à leurs méthodes éprouvées.

Les exploitations qui utilisent la méthode sans labour pourraient voir leur production diminuer au début si les graines ont du mal à germer dans un sol non travaillé, plus dur et moins oxygéné. Cela peut constituer un problème dans les premières années. Mais les données montrent que les vers de terre et les racines finissent par contribuer à rétablir une structure naturelle du sol, réduisant le problème au fil du temps.

Selon une étude de l’Université Cambridge, il n’y aurait pas de différences de rendement sur les dix premières années suivant la conversion d’une exploitation à l’agriculture sans labour.

Le passage au semis direct est à la portée du secteur agricole européen, où la pratique du semis direct est encore marginale, puisque la technologie a été testée ailleurs. Si les gouvernements parviennent à inciter les agriculteurs à procéder à ce virage, nos sols pourront retrouver leur fonction naturelle et emprisonner le carbone pour des décennies.

This article was originally published in English

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