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Le grand nuage de Magellan observé grâce au télescope Hubble. NASA, CC BY-SA

En rêvant dans le grand nuage de Magellan

Les aborigènes sont en avance sur nous pour la simple raison qu’ils ont découvert les créatures extraterrestres « intelligentes » qui ne sont d’autres que nous-mêmes, les envahisseurs, tandis que nous les cherchons toujours.

Je voudrai leur rendre hommage en évoquant le ciel de l’hémisphère sud et notamment le Grand Nuage de Magellan, en quelques images prises au télescope européen du Chili (VLT)

Bébés-galaxies et nébuleuses

L’image indique l’existence de deux bébés-galaxies, républiques d’étoiles captives de notre Voie lactée laquelle abrite le sage Soleil, étoile de la majorité silencieuse. Le petit nuage compte 3 milliards d’étoiles et le grand, 30 milliards. Nous les voyons comme des petites taches mais ce sont de vastes sociétés.

En 924, Al soufi philosophe persan dans son Livre des étoiles fixes, l’appelle Al Bakr, le bœuf blanc. Antonio Pigafetta dans son journal du premier tour du monde en fait une description éblouissante :

« Le pôle antarctique n’est pas tant étoilé comme est l’Arctique. Car on y voit plusieurs étoiles petites congréées ensemble, qui sont en guise de deux nues un peu séparées l’une de l’autre, et un peu offusquées, au milieu desquelles sont deux étoiles non trop grandes ni moult reluisantes et qui petitement se meuvent. »

Quand on s’en rapproche, on se rend compte, en effet, qu’il s’agit de ce que les anciens appelaient nébuleuse, sorte de nuage poétique et diffus. Mais en fait ce sont des parties de notre Galaxie qui semblent s’en être détachées, comme si un démiurge avait découpé aux ciseaux la Voie Lactée et lancé en ciel deux morceaux.

Il s’agit là du grand nuage de Magellan et ce point rouge est la région peut-être la plus fertile de l’univers proche, c’est une véritable pouponnière d’étoiles. Les étoiles naissent comme les rats, les chats ou les souris : par lignée. Cette goutte de sang, à peine perceptible est appelée nébuleuse de la Dorade ou de la Tarentule selon l’humeur du moment.

Les couleurs de la matière

Quand je vois rouge, ce rouge particulier, je dis hydrogène. Les atomes sont comme des violons, ils émettent des notes de lumières et ce rouge est spécifiquement le rouge de l’hydrogène chaud. D’autres couleurs émanent des nuages si bien que nous arrivons à discerner leur composition sans mettre les pieds. Pourquoi se déplacer puisque la lumière vient à nous ? Nous sommes des astronomes de fauteuil.

L’hydrogène, l’hélium, le carbone, l’azote, l’oxygène, tous les éléments qui sont dans votre corps existent dans ce nuage, il y a donc une sorte de généalogie de la matière. L’étoile est la mère du nuage et la mère de nos atomes. L’effervescence nuageuse et le chaos de la naissance stellaire ont du bon. Il émerge des étoiles massives et celles-ci jouent dans l’économie générale de l’univers le rôle d’artisan consciencieux. Les étoiles comme les abeilles travaillent. Elles ouvrent à la vie nous leur devons grand respect.

Dans le ciel du sud, en 1987, est apparu une étoile nouvelle et transitoire visible à l’œil nu, une supernova. Tycho Brahé en 1572 et Kepler, son élève en 1604, ont chacun eu le bonheur d’en voir une. Les astronomes de la renaissance ont donc vu une nouvelle étoile apparaître dans le ciel réputé immuable et d’un simple regard ont fait exploser les sphères cristallines d’Aristote et avec elles la cosmologie qui régnait depuis l’antiquité. Le ciel devenait le site de l’évolution, de la mutation et donc de la mort.

Les supernovæ fleurissaient dans les télescopes, mais depuis la renaissance le ciel était pour l’œil muet comme une carpe. Entre-temps a été inventé le télescope en 1610 par Galilée, troisième fondateur de l’astrophysique, mariage du ciel et de la terre dans la pensée humaine, il a vu des montagnes sur la lune alors qu’elle désignait la frontière entre le monde sublunaire (mortel) et le monde supralunaire (éternel). Le premier monde étant centré sur la terre où règnent la corruption et la mort, le second, présumé fait d’une quintessence, ni eau, ni terre, ni air, ni feu mais d’une cinquième essence incréée et éternelle donnait substance aux étoiles.

En 1610, Galilée observant des montagnes sur la lune, en avait déduit que la lune est terreuse. Nous avons inversé l’argument et disons que la terre est céleste. La première équation en astrophysique c’est terre égale ciel.

Vestiges d’étoile

En l’an 1987, tous les télescopes du monde, du visible et de l’invisible, radio, infrarouge, UV, X et gamma, y compris ceux à neutrinos furent braqués vers la supernova, comme si le globe de la planète Terre se tourne vers elle comme un œil et la belle a été observée sous toutes les coutures et lumières et tels des poètes nous avons décalqué l’invisible.

Nous voyons aujourd’hui le vestige étrange de l’étoile explosée, son cadavre encore chaud. Étrange image de mort, mais en fait de vie : l’explosion dans le ciel est créatrice et lorsqu’on analyse la lumière cette région, on se rend compte que sa matière regorge de carbone, d’azote, d’oxygène, de magnésium, de silicium, de soufre et fer, autant d’éléments favorables à la vie, les humanités à naître sont là, dans les cendres des étoiles défuntes.

Cette histoire ne sera pas jouée par éternellement parce qu’elle aura une fin, il y a des cadavres qui s’appellent les trous noirs ou les étoiles à neutrons ou les naines blanches, véritablement exclues de l’évolution.

Voilà ce que disent les Warlpiris comme le reporte l’anthropologue Barbara Glowczewski :

« Quand quelqu’un meurt de vieillesse, seulement de vieillesse homme ou femme, au moment de son agonie tous ses proches chantent. Ils savent que la personne est en train de quitter la vie… du dessus. Ils chantent une piste rêve qui était sa piste rêve, à laquelle il a été initié, pour que quelque chose de la personne se dissolve sur les chemins parcourus pendant sa vie. Mais, il y a deux autres parties de la personne qui restent. Qu’est-ce qu’on fait avec ? L’esprit enfant qui attrapait sa mère, son père pour naître, en fait chaque personne est l’incarnation d’un vers de chant. C’est condensé avec des sonnets par un de ces peuples ancestraux de rêve dans un lieu particulier. Donc, à la mort cela retourne au même endroit pour se réincarner dans une nouvelle personne. »

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