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Enseignement supérieur : 30 ans de réformes, toujours trop d’inégalités

Dès le début des études supérieures, les inégalités scolaires se cumulent avec les inégalités sociales et de genre. Shutterstock

Depuis les années 80, la notion d’égalité des chances est au cœur de toutes les réformes éducatives et la lutte contre les disparités, qu’elles soient de genre ou sociales, est devenue une priorité politique. C’est d’ailleurs l’un des objectifs affichés de la réforme LMD (2002-2006) et du processus de Bologne, inscrit dans le code de l’éducation, qui a harmonisé l’organisation des études supérieures au niveau européen.

Pourtant force est de constater que malgré les nombreuses réformes politiques, « les dispositifs successifs sont venus s’empiler, perdant peu à peu en efficacité » (Ministère de l’Éducation nationale, 2015). Et selon l’OCDE et son enquête PISA (2012), la France est d’ailleurs le pays où le milieu social influence le plus les résultats scolaires.

Une hiérarchie des filières

En premier lieu, dans l’accès aux différents parcours de l’enseignement supérieur, et notamment aux filières dites « prestigieuses », on observe des différences notables entre les étudiants et les étudiantes, selon leur origine sociale. Les différentes réformes n’ont pas assez pris en considération les écarts de moyens entre la masse d’étudiants en premier cycle universitaire et le petit nombre d’étudiants favorisés des grandes écoles (Maurin, 2013). Ainsi, entre 1998 et 2010, on constate que les enfants de cadre ont toujours deux fois plus chance que les enfants d’ouvriers de suivre une classe préparatoire aux Grandes Écoles plutôt qu’une formation universitaire.

Ensuite, ces inégalités observées au stade des inscriptions se retrouvent au niveau du type de diplôme obtenu. Ainsi, malgré l’ouverture des grandes écoles aux filles au cours des années 1970, les écoles d’ingénieurs ne comptent aujourd’hui qu’un quart de filles. En 2010 les garçons avaient 2,5 fois plus de chance qu’elles d’être diplômés d’une école d’ingénieur plutôt que d’une école de commerce.

De manière générale, de fortes inégalités marquent encore l’enseignement supérieur français. Le bac possédé, le fait d’avoir ou non une année d’avance, et les spécialités suivies au lycée restent des facteurs différenciants en termes d’orientation. Mais, au-delà de ces inégalités scolaires, ce sont encore et surtout les inégalités de genre, les inégalités sociales et les inégalités culturelles qui persistent.

La comparaison entre le devenir de la génération ayant quitté l’enseignement supérieur en 1992 et celle ayant terminé ses études en 2004 montre que les inégalités dites « injustes » (c’est-à-dire les inégalités dues à des facteurs que l’individu ne peut pas contrôler comme son sexe ou son milieu social, contrairement à ses performances scolaires sur lesquelles il a un minimum de contrôle) n’ont pas baissé.

En effet, malgré la mise en place de la réforme LMD et les objectifs affichés d’équité, il apparaît que, pour prétendre faire des études longues, il vaut mieux être un fils de cadre qu’une fille d’ouvrier…

Un effet de cumul

Malheureusement, les inégalités ont tendance à se cumuler. Lorsqu’on dresse le profil des étudiants qui poursuivent ou arrêtent leurs études, on met en évidence, dès le début de leur parcours dans l’enseignement supérieur, un cumul des inégalités scolaires et des inégalités sociales et de genre. Ce phénomène met l’accent sur le fait que l’école, non seulement ne corrige pas les inégalités, mais au contraire, les amplifie, impliquant ce qu’il est commun d’appeler un « effet Mathieu » (mécanisme par lequel les individus issus de milieux favorisés vont avoir tendance à accroître leur avantage sur les autres individus).

Au fur et à mesure que l’individu avance dans son parcours scolaire, les inégalités scolaires et sociales agrègent leurs effets – positifs ou négatifs- et déterminent ainsi des profils – favorables et défavorables- à la réussite des individus.

Avec la réforme LMD seuls les diplômes de niveau bac+3, bac+5 et bac+8 (Licence-Master-Doctorat) sont reconnus ; le niveau bac+4 (anciennement la maîtrise) n’est plus diplômant. Ainsi, plus d’individus, quelle que soit leur origine, poursuivent leurs études au-delà de ce palier : en 1998, 12,6 % des étudiants arrêtaient leurs études après la quatrième année et 15 % après la cinquième année ; en 2010, ces taux sont de 5,7 % et 26,1 %. Un progrès ? En réalité, en augmentant la durée des études sanctionnant le premier diplôme reconnu – la licence – d’une part, et le coût des études ensuite, cette réforme a contribué à augmenter les inégalités sociales.

La comparaison des profils de poursuite d’études longues entre 1998 et 2007 souligne, d’une part, une persistance des profils favorables et défavorables à la poursuite d’études et, d’autre part, une persistance des effets cumulatifs des inégalités tout au long de l’enseignement supérieur. Les remèdes restent à trouver…

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