tag:theconversation.com,2011:/es/topics/e-sante-25939/articlese-santé – The Conversation2024-01-10T18:58:10Ztag:theconversation.com,2011:article/2184682024-01-10T18:58:10Z2024-01-10T18:58:10ZPourquoi les sites qui proposent des calculs d’indemnisations après un accident ne sont pas forcément fiables<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562692/original/file-20231130-25-655bi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8805%2C5852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes utilisant de tels services s’exposent à une exploitation indue de leurs données personnelles, notamment à des fins de démarchage.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelque temps se multiplient des sites Internet proposant aux victimes d’accidents la possibilité de calculer les indemnisations auxquelles elles pourraient prétendre. Ces calculateurs sont à fuir. Ils donnent des résultats bien peu sérieux, sont à la limite de la légalité, et risquent de conduire les victimes à faire de mauvais choix.</p>
<p>La victime d’un accident, d’une infraction, de certaines maladies a le droit à une indemnisation de ses préjudices, de la part du responsable, de son assureur, ou d’un organisme d’indemnisation. Le montant de celle-ci se détermine au terme d’un processus dont le déroulement suppose le concours de plusieurs acteurs spécifiquement formés. Un médecin expert examine d’abord la victime, indique – ce qui est primordial – si l’état de la victime est ou non consolidé, et évalue certains paramètres médico-légaux, comme le taux d’incapacité ou le degré des souffrances. Ensuite, le juriste, selon une <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_groupe_de_travail_nomenclature_des_prejudices_corporels_de_Jean-Pierre_Dintilhac.pdf">nomenclature précise</a> et aidé par des référentiels chiffrés, traduit les atteintes telles que décrites par le médecin ou attestées par les preuves fournies par la victime en une somme d’argent.</p>
<p>L’ensemble du processus ressemble à un <a href="https://aurelienbamde.com/2022/03/23/la-reparation-algorithmique-du-dommage-corporel-binaire-ou-ternaire/">grand algorithme</a>. Des sites Internet prétendent pouvoir indiquer l’indemnisation possible en fonction de quelques éléments saisis par la victime, ce qui semble très critiquable – cette critique ne concerne pas les logiciels destinés à être utilisés seulement par des professionnels formés, notamment des avocats, comme <a href="https://www.norma.software/">Norma</a> ou <a href="https://juri-solutions.fr/quantum/">Quantum</a>, qui ne sont que des aides au calcul, et non des prédictions d’un montant indemnitaire.</p>
<h2>Des résultats peu sérieux</h2>
<p>Le caractère algorithmique du calcul de l’indemnisation en cas de dommage corporel peut laisser penser que l’indemnisation des victimes est prévisible, une fois renseignées quelques informations, comme la perte de revenus, les frais médicaux, le taux d’incapacité, le degré de souffrances, l’âge de la victime…</p>
<p>Or, la victime, à moins d’avoir déjà été examinée par un médecin expert, ne peut renseigner convenablement le formulaire – l’expertise médicale est une spécialité pointue. Les formulaires soumis par les sites qui proposent des calculs d’indemnités en ligne sont frustes et négligent nombre de paramètres, à commencer par la date de consolidation (autrement dit, la date à laquelle l’état de la victime se stabilise), qui est <a href="https://www.labase-lextenso.fr/gazette-du-palais/GPL323q4">absolument cruciale</a>. Ils ne prennent pas en compte le fait que certaines sommes, notamment versées par la Sécurité sociale, doivent être déduites des montants indemnitaires. Les résultats ne peuvent donc être sérieux.</p>
<p>En outre, des <a href="https://shs.hal.science/CENTRE-FAVRE/hal-03246155v1">recherches</a> démontrent qu’à atteinte corporelle comparable, les conséquences indemnitaires peuvent varier dans des proportions très importantes (du simple au décuple). Chacun peut comprendre que l’amputation d’une main a des conséquences particulières pour le travailleur manuel, le pianiste, le parent de jeunes enfants, la personne malentendante s’exprimant en langue des signes, le paraplégique se déplaçant en fauteuil roulant manuel… Chiffrer convenablement les conséquences d’un dommage corporel suppose de prendre en compte la victime non seulement à hauteur de son atteinte physiologique, mais dans la globalité de sa personne, et dans l’écosystème que constitue son environnement.</p>
<p>La réparation des dommages obéit au respect du principe de <a href="https://www.lgdj.fr/le-principe-de-reparation-integrale-du-prejudice-9782731411867.html">la réparation intégrale</a>, qui a pour corollaire celui de l’individualisation de la réparation. Prétendre atteindre le degré de subjectivité requis à partir de quelques éléments objectifs recueillis dans un formulaire relève de la pensée magique.</p>
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<h2>Des sites à la limite de la légalité</h2>
<p>Certains de ces sites sont proposés par des cabinets d’avocat, d’autres par des officines d’experts d’assurés, encore appelées mandataires de victimes, qui sont des personnes qui, sans être avocats, se proposent d’accompagner les victimes dans leurs démarches indemnitaires. Le but réel de ces formulaires n’est absolument pas de fournir de l’information, mais de récupérer les coordonnées de victimes, avec d’autres données personnelles, afin de les démarcher activement pour qu’elles deviennent clientes.</p>
<p>Lorsque des avocats sont dans une telle démarche, ils sont à la frontière de ce que permet leur déontologie. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000047774060">Un décret du 30 juin 2023</a> a créé un Code de déontologie des avocats. Au titre des principes essentiels de la profession se trouvent la conscience, la probité, la compétence, la prudence… qui semblent bien peu compatibles avec la création de logiciels à visée publicitaire, qui ne peuvent pas donner de résultats fiables. Si l’article 15 de ce décret prévoit que « la publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l’avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession », il semble que les courriels envoyés ne respectent pas les conditions posées.</p>
<p>Les sites qui ne sont pas tenus par des avocats pourraient enfreindre les règles posées par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000508793">loi du 31 décembre 1971</a>. Celle-ci prévoit, en ses articles 54 et suivants, une restriction de l’activité de consultation juridique aux membres de certaines professions (avocats, notaires, professeurs de droit…) ; les mandataires de victimes ou experts d’assurés n’en font pas partie.</p>
<p>Certes, l’article 66-1 de la même loi dispose que la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire est libre. La frontière entre l’information et la consultation réside essentiellement dans la personnalisation de la réponse apportée à une question posée. Il ne fait nul doute que l’évaluation d’une indemnisation par ces sites est personnalisée, de telle sorte qu’il s’agit d’une consultation, non d’une information documentaire. Dès lors, si elle n’est pas exercée par une personne autorisée, elle est constitutive d’une usurpation de titre, réprimée par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021342951">l’article 433-17 du code pénal</a>.</p>
<p>En outre, des informations sensibles sont collectées par ces sites : non seulement des données à caractère personnel (âge, adresse de courriel…) mais aussi des données sensibles, car relatives à la santé (taux d’incapacité, évaluation des souffrances…). Or, nombre de calculateurs testés ne répondent pas aux exigences du RGPD (<a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">règlement général sur la protection des données</a>) ou à celles de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000886460">loi informatique et liberté</a>, ne serait-ce que sur le consentement à la collecte des données.</p>
<h2>Les risques pour les victimes</h2>
<p>Les personnes utilisant de tels services s’exposent ainsi à une exploitation indue de leurs données personnelles, notamment à des fins de démarchage. Il y a plus grave : les résultats envoyés, qui sont nécessairement fantaisistes, peuvent ancrer dans l’esprit de la victime de faux ordres de grandeur quant à l’étendue de ses droits.</p>
<p>Or, c’est en principe l’assureur du responsable d’un accident qui réalise une première estimation des dommages et intérêts, pour faire une offre d’indemnisation – il s’agit même d’une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006839463">obligation en cas d’accident de la circulation</a>. La victime risque dès lors, si la simulation est inférieure à l’offre, d’accepter témérairement celle-ci alors même qu’elle serait insuffisante, ce qui vaut transaction et lui interdit de demander une indemnisation complémentaire une fois repentie de son erreur. À l’inverse, si la simulation est supérieure à l’offre, la victime sera incitée à refuser cette dernière, alors même qu’elle serait pleinement satisfaisante, pour s’engager dans un contentieux dont l’issue pourrait lui être défavorable.</p>
<p>Favoriser le règlement amiable et protéger les droits des victimes suppose que l’évaluation des dommages et intérêts soit réalisée par un professionnel formé et compétent, qui prendra le temps nécessaire pour individualiser son estimation, et donner un conseil avisé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218468/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Quézel-Ambrunaz a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France. Son équipe a un partenariat de recherche rémunéré avec la société Norma, citée dans l'article, sans qu'il n'en tire de profit personnel. </span></em></p>Les formulaires de renseignement des sites qui proposent des calculs d’indemnités en ligne négligent nombre de paramètres.Christophe Quézel-Ambrunaz, Professeur de droit privé, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177072023-11-15T21:18:55Z2023-11-15T21:18:55ZApplis de suivi menstruel et autres innovations « FemTech » : quels enjeux éthiques et sociétaux ?<p><a href="https://theconversation.com/fiabilite-securite-ethique-quels-risques-derriere-les-failles-des-applications-de-suivi-menstruel-190115">Applications de suivi menstruel</a> ou de grossesse, solutions digitales pour accompagner les femmes atteintes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endometriose-105698">endométriose</a>… Depuis une dizaine d’années, des technologies numériques dédiées à la <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=sant%C3%A9+des+femmes">santé des femmes</a> se développent. </p>
<p>Ces « FemTech » (pour <em>female technologies</em>) ont pour objectif de proposer des services aux femmes en matière de santé et de bien-être, en s’appuyant sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-technologies-20827">nouvelles technologies</a> (applications santé, appareils connectés, télémédecine, intelligence artificielle, etc.). </p>
<p>Mais elles peuvent aussi interroger quant à l'utilisation qui est faite des données et la protection de la vie privée des femmes qui y ont recours. </p>
<h2>Des failles dans la protection des données personnelles</h2>
<p>La grande majorité des entreprises de la FemTech ont ainsi pour point commun de <a href="https://www.consumerreports.org/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">partager leurs données avec des « tierces parties »</a> (sociétés partenaires extérieures telles que Google, Facebook, Amazon, Apple, etc.), le <a href="https://www.consumerreports.org/electronics-computers/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">plus souvent à l’insu des usagères</a>.</p>
<p>C’est en particulier le cas des applications de suivi menstruel dont les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">failles</a> dans les procédures de protection des données personnelles ont été dénoncées. Aux États-Unis, les associations se sont ainsi mobilisées pour inciter les Américaines à désinstaller leurs apps, face au risque de voir utilisées, par les autorités judiciaires, les données des calendriers menstruels pour repérer les femmes qui ont avorté ou qui souhaitent le faire.</p>
<p>Des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8786118">publications</a> alertent aussi sur ce que l’on appelle l’Internet des objets connectés (IoT). Elles mettent en garde contre les risques de vols des données personnelles ou de manipulations d’objets depuis l’extérieur (hacking), avec des conséquences pour la santé quand ces objets touchent à l’intégrité physique et mentale.</p>
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<h2>Des technologies qui répondent à une demande des femmes</h2>
<p>Les entreprises de la FemTech sont en plein essor, ce qui rend ces questions autour de la protection des données personnelles et du respect de la vie privée et intime des femmes d'autant plus criantes. </p>
<p>Ainsi, le <a href="https://analytics.dkv.global/FemTech/Teaser-Q2-2022.pdf">marché global des FemTech</a>, estimé à 25 milliards de dollars en 2021, pourrait avoisiner les 100 milliards en 2030. En 2021, on comptait 1 400 start-up de FemTech dans le monde, dont 51 % aux États-Unis, 27 % en Europe et 9 % en Asie. En France, l’association FemTech France, créée en 2022, a répertorié <a href="https://www.femtechfrance.org/cartographie-start-up">115 start-up françaises de FemTech</a>.</p>
<p>Les entreprises de la FemTech visent en effet des domaines propres aux femmes (santé reproductive, périnéale, sexuelle, contraception, stérilité, ménopause, bien-être sexuel, endométriose, maternité/postpartum…) et aussi des pathologies plus générales mais qui affectent les femmes de façon différenciée (cancer, dépression, etc.).</p>
<p>À l’évidence, l’essor de ce marché correspond à une demande des femmes pour diverses raisons.</p>
<p>D’abord, ce marché se développe dans un contexte de <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190409911.html">pénurie de gynécologues médicaux</a> – qui entraîne des errances thérapeutiques et diagnostiques – et de prise de conscience des expériences de <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2021-5-page-629.html">violences gynécologiques et obstétricales</a>.</p>
<p>De plus, les acteurs de la Femtech répondent aux préoccupations et aspirations actuelles des femmes. Ils conçoivent des services personnalisés dédiés à la santé et au bien-être intime (douleurs menstruelles, vulvaires, rééducation périnéale, libido, ménopause, etc.), des sujets peu ou pas considérés par la médecine classique.</p>
<h2>Des applis dédiées à la santé sexuelle et reproductive</h2>
<p>La grande majorité des services proposés sont des applications sur téléphone mobile : gestion des donnés personnelles liées à la santé, conseils d’expert, téléconsultations, documentation, forums de discussion, etc. Les applications les plus populaires concernent la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13691058.2014.920528">santé sexuelle et reproductive</a> : <a href="https://estsjournal.org/index.php/ests/article/view/655">suivi menstruel</a>, grossesse, ménopause, endométriose…</p>
<p>Ces entreprises bénéficient aussi du fait que l’usage des technologies numériques est perçu comme un vecteur d’autonomisation des femmes dans le contrôle de leur corps et de leur vécu intime, avec l’avantage d’une commodité d’utilisation et d’un coût minimal.</p>
<p>Cependant, on notera que tous les sites d’aide et de conseils personnalisés aux utilisatrices, ou patientes, proposent systématiquement des offres commerciales : huiles essentielles, compléments alimentaires, produits cosmétiques, stages de fitness, yoga, méditation, sophrologie, etc.</p>
<h2>En entreprise, gérer les congés maternité ou les arrêts maladie</h2>
<p>Ces plates-formes numériques s’adressent aussi aux entreprises dans le but de gérer au mieux la santé des employé·e·s, réduire l’absentéisme, les coûts de santé et augmenter la productivité. Les femmes sont les plus concernées, car <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/assets/barometre-absenteisme-malakoff-humanis-2023-presse-a834-63a59.html">leur taux d’absentéisme est supérieur à celui des hommes</a> (du fait des charges domestiques et familiales, de la santé reproductive…). Les domaines ciblés sont la gestion des congés maternité, le retour au travail et la prévention pour réduire les arrêts maladie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sexisme-en-entreprise-comment-les-hommes-peuvent-sallier-aux-femmes-pour-changer-les-choses-202561">Sexisme en entreprise : comment les hommes peuvent s’allier aux femmes pour changer les choses</a>
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<p>Ces offres sont surtout développées aux États-Unis où la plupart des grandes sociétés assument une majeure partie des primes de santé versées aux assureurs. C’est le cas de la <a href="https://www.mavenclinic.com/">« Maven Clinic »</a>, une plate-forme virtuelle qui permet aux entreprises d’offrir à leurs employées un vaste réseau de services en ligne dans différents domaines : la procréation (fertilité, congélation d’ovocytes, procréation médicalement assistée ou PMA, gestation pour autrui ou GPA – une pratique non autorisée en France -), la grossesse et le suivi postpartum, la parentalité, la maternité et la pédiatrie, ou encore la ménopause.</p>
<p>En France, les plates-formes numériques dédiées à la santé des femmes en entreprise sont encore au stade de projets. Il est probable qu’elles devront dans un proche avenir affronter la concurrence américaine qui dispose de gros moyens pour se développer en Europe. La Maven Clinic a déjà des partenariats avec de nombreuses entreprises internationales, dont Amazon, Microsoft et l’Oréal, réparties dans 175 pays sur tous les continents.</p>
<h2>Une vigilance qui concerne la santé numérique en général</h2>
<p>En France, le sujet de la protection des données personnelles dans les FemTech, rejoint les <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2023-05/CCNE-CNPEN_GT-PDS_avis_final27032023.pdf">questions éthiques posées par la santé numérique en général</a> (e-santé). De plus, des questions spécifiques se posent concernant les données de santé sexuelle et reproductive, notamment dans le cadre de leur exploitation en entreprise.</p>
<p>Le fait que des informations intimes (projets de grossesse, PMA, endométriose, règles douloureuses…) puissent être portées à la connaissance de l’employeur pose un problème éthique face au risque de discriminations, à l’embauche et durant l’ensemble du parcours professionnel. Les <a href="https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl22-537-expose.html">débats contradictoires sur la pertinence d’instaurer un congé menstruel</a> en sont l’illustration.</p>
<p>A noter aussi que depuis mars 2023, le <a href="https://www.legifrance.gouv.dfr/jorf/id/JORFTEXT000043884445">dossier médical en santé au travail</a> (DMST) qui doit être constitué pour chaque travailleur, est créé obligatoirement sous format numérique sécurisé. L’objectif est de faciliter le partage d’informations issues notamment du <a href="https://www.ameli.fr/paris/medecin/sante-prevention/dossier-medical-partage/dmp-en-pratique">dossier médical partagé</a> (DMP). Celui-ci comprendra à terme un volet santé au travail accessible via <a href="https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/mon-espace-sante/mon-espace-sante-carnet-sante-numerique">Mon espace santé</a>, l’espace numérique personnel mis en place par l’Assurance maladie et le ministère de la Santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/conges-menstruels-neuroatypisme-maladies-chroniques-et-si-lentreprise-tenait-compte-de-nos-differences-biologiques-206321">Congés menstruels, neuroatypisme, maladies chroniques : et si l’entreprise tenait compte de nos différences biologiques ?</a>
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<p>Le croisement de ces données entre professionnels de santé pose question, en termes de protection de la vie privée et de respect des droits du salarié·e. Par exemple, en cas de projets de maternité, le fait que le médecin traitant bénéficie d’informations sur la santé au travail peut contribuer à un meilleur suivi médical vis-à-vis de risques professionnels susceptibles d’interférer avec la grossesse.</p>
<p>Mais réciproquement, la possibilité d’accès du médecin du travail (non choisi, imposé par l’employeur) à des informations de santé que la femme salariée veut tenir confidentielles, appelle à la vigilance concernant le respect du secret médical.</p>
<h2>Les menaces sur la vie privée sous-estimées par les femmes</h2>
<p>Depuis 2022, le groupe « Genre et recherches en santé » du Comité d’éthique de l’Inserm alerte sur les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">enjeux éthiques des technologies numériques des FemTech</a>, concernant notamment le manque de validation scientifique et les failles dans la protection des données.</p>
<p>Il s’avère que les usagères ne sont pas toutes conscientes que leurs données de santé sont gérées par des services extérieurs et peuvent être exploitées par des tiers. Pour celles qui le sont, <a href="https://www.jmir.org/2019/6/e12505/">le bénéfice qu’elles déclarent tirer des outils numériques</a> l’emporte sur leur perception des menaces pour la vie privée.</p>
<p>Ce constat renvoie au besoin urgent de mettre en place des programmes d’éducation au numérique qui permettent au plus grand nombre de femmes (et d’hommes) d’en <a href="https://academic.oup.com/medlaw/article/30/3/410/6575319">évaluer les bénéfices et les risques</a>. Pour nombre de femmes, les conditions socio-économiques défavorables font obstacle à la possibilité d’opérer des arbitrages en connaissance de cause dans les services numériques qui leur sont proposés.</p>
<h2>Un programme sur la santé des femmes et des couples</h2>
<p>Pour répondre à ce besoin d’informations, fiables et accessibles, l’Inserm est potentiellement un levier de poids, notamment à travers le <a href="https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/deuxieme-comite-de-pilotage-de-la-strategie-nationale-de-lutte-contre-l">programme national prioritaire de recherche (PEPR 2023) intitulé « Santé des femmes, santé des couples »</a>. L’objectif est de <a href="https://presse.inserm.fr/cest-dans-lair/semaine-europeenne-de-prevention-et-dinformation-sur-lendometriose-6-12-mars-2023/">développer les connaissances sur l’endométriose</a>, la fertilité, l’assistance médicale à la procréation (AMP) et les effets de l’exposition in utero aux antiépileptiques.</p>
<p>Le projet vise aussi à mieux communiquer, former et informer sur la santé des femmes via des campagnes de formation et d’information destinées aux professionnels de santé et au grand public. Ce programme pourrait inclure un volet d’information sur l’usage et le mésusage des outils numériques dédiés à la santé sexuelle et reproductive des femmes, et la protection des données personnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Vidal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les FemTech, ces technologies numériques dédiées à la santé des femmes, sont en plein essor. Mais les utilisatrices sous-estiment parfois les menaces qu’elles peuvent faire peser sur leur vie privée.Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1817262022-04-25T21:27:48Z2022-04-25T21:27:48ZDois-je divulguer mes données médicales pour être mieux pris en charge ?<p>Les nouvelles technologies centrées sur la santé sont souvent présentées comme un moyen d’améliorer la qualité de la prise en charge médicale, tant du point de vue du patient que du point de vue des services publics. À titre d’exemple, durant la crise sanitaire, l’application TousAntiCovid figurait parmi le top trois des applications gratuites les plus téléchargées en 2021. Selon le secrétaire d’État à la Transition numérique, Cédric O, plus <a href="https://twitter.com/cedric_o/status/1475760134815199235">d’un million de notifications</a> ont été envoyées par l’application à des cas contacts, permettant ainsi une meilleure gestion de la crise sanitaire.</p>
<p>Dans le même ordre d’idée, le dossier médical partagé (DMP) constitue une autre innovation technologique dont la mise en place a engagé des efforts considérables de la part des autorités sanitaires dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni, l’Australie ou encore la France. Ce DMP peut être défini comme un dispositif gratuit et sécurisé, proposé par l’État et la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM), qui permet de collecter les différentes informations de santé et données médicales d’une personne (maladie chronique, traitements suivis, allergies, etc.).</p>
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<p>Le DMP a pour but d’améliorer l’efficacité de la prise en charge et des soins du patient, car il sera accessible aux professionnels de son choix. Seul le médecin traitant du patient peut avoir accès à la totalité des informations, après que ce dernier lui donne son accord. Ensuite, chaque patient peut définir et autoriser (ou non) les accès aux autres professionnels de santé (médecin traitant uniquement ou tous les professionnels de santé).</p>
<h2>Données sensibles</h2>
<p>Les patients sont ainsi censés bénéficier d’une qualité accrue des soins délivrés ainsi qu’une personnalisation de l’expérience de soins. Les organisations sanitaires peuvent quant à elles mettre en place des alternatives moins coûteuses que les pratiques de prise en charge traditionnelles, en impliquant par exemple les patients dans les régions éloignées dans le processus de prévention et du suivi médical, surmontant ainsi les déserts médicaux et les inconvénients logistiques.</p>
<p>Les données médicales collectées via ces technologies permettent aussi aux professionnels de santé d’améliorer les diagnostics dans des délais limités, de fournir des traitements efficients en temps réel quel que soit le lieu et de mieux gérer les relations avec les patients.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du dossier médical partagé (Santé Pratique Paris, 2018).</span></figcaption>
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<p>Malgré ces intérêts, la sensibilité des données médicales soulève d’importantes préoccupations et craintes de la part des patients par rapport à la confidentialité de leurs données. Certains y voient même les prémices d’une certaine forme de surveillance et de discrimination qui pourraient donner lieu à des dérives d’utilisation (utilisation des données médicales par la médecine du travail, ou modulation des tarifs des mutuelles).</p>
<p>Différents risques sont perçus par le patient, comme l’incertitude associée au fait de divulguer ses informations de santé personnelles, l’exposition à de nombreux problèmes inattendus, ou encore un potentiel élevé de perte associée au fait de divulguer des renseignements personnels sur sa santé dans le DMP.</p>
<p>Les résultats de notre dernière <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953621004780?via%3Dihub">recherche</a> confirment d’ailleurs que la réticence des patients à l’égard de l’adoption du DMP reste étroitement liée à leurs préoccupations personnelles en matière de confidentialité. Ils s’accordent cependant bien sur le gain en rapidité et l’utilité dans l’accomplissement des formalités de suivi de santé, l’amélioration de l’efficacité du suivi de santé et de la performance du patient en matière de surveillance de la santé.</p>
<h2>Renforcer la confiance</h2>
<p>La confiance envers les professionnels de santé joue donc un rôle clé dans la diffusion du DMP, ce qui souligne l’importance d’impliquer toutes les parties prenantes dans le processus de mise en œuvre. D’ailleurs, les professionnels de santé jouent aussi un rôle décisif dans l’adoption du DMP par les patients. La confiance mutuelle entre les professionnels de santé et les patients permet de les rassurer quant à l’utilisation de leurs données médicales et contribue ainsi à réduire leurs préoccupations et renforcer l’adoption du DMP. La gestion des données médicales n’est en effet pas anodine et représente des enjeux importants du fait de leur caractère spécifique et sensible.</p>
<p>Par ailleurs, il a été observé que la sensibilisation des patients aux risques pour la santé motive fortement l’adoption du DMP. Les pouvoirs publics seraient donc en mesure de dissiper ces réticences si la communication était axée sur les avantages de l’utilisation du DMP (supports visuels disponibles dans les salles d’attente des professionnels de santé, pharmacies, etc.) et la rigueur du cadre réglementaire.</p>
<p>Sur ce point, l’Union européenne pourrait définir le périmètre légal des dispositifs médicaux (application, objet connecté, logiciel, etc.) sur la base de son <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-06/criteres_de_qualite_du_contenu_medical_referencement_mhealth_ens_2021-06-30_10-58-28_773.pdf">règlement de 2017 relatif aux dispositifs médicaux</a>. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pourrait communiquer davantage autour de son rôle de <a href="https://www.cnil.fr/fr/publication-de-lavis-de-la-cnil-sur-le-projet-dapplication-mobile-stopcovid">garant de la conformité</a> des technologies à travers le Règlement général sur la protection des données (RGPD).</p>
<p>Néanmoins, le recours aux nouvelles technologies dans le domaine de la santé ne doit pas être considéré comme une solution isolée pour un système plus efficient. Il doit être intégré dans le processus existant impliquant les différentes parties prenantes. Ainsi, une interaction collaborative avec les prestataires de soins pourrait justement être encouragée par l’intermédiaire du téléchargement et de l’utilisation de l’application mobile du DMP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181726/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emna Cherif a reçu un financement dans le cadre de l'AAP Emergence I-Site CAP 20-25 de l'Université Clermont Auvergne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manel Mzoughi et Nora Bezaz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Selon un travail de recherche, les patients reconnaissent les bénéfices dossier médical partagé (DMP) mais restent réticent à son adoption en raison du caractère sensible des données de santé.Emna Cherif, Maître de conférences en Sciences de gestion et marketing, Université Clermont Auvergne (UCA)Manel Mzoughi, Professeure associée en marketing, PropediaNora Bezaz, Enseignante-Chercheuse spécialisée en marketing, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1618342021-06-09T18:46:12Z2021-06-09T18:46:12ZLiving labs, clusters, incubateurs… Un rôle de plus en plus important dans l’innovation en santé<p>La crise du Covid a largement mis en lumière l’importance de l’innovation dans le domaine de la santé. Cela vaut tant pour la recherche clinique (trouver des vaccins, des traitements) que pour l’architecture du système de soin dont la transformation pourrait reposer notamment sur l’intelligence artificielle.</p>
<p>Pour répondre aux attentes toujours plus grandes de la part de la société civile, les écosystèmes d’innovation doivent continuellement s’adapter. Il s’agit en particulier d’élargir le spectre des parties prenantes impliquées dans les projets, de favoriser la coopération entre acteurs publics et privés, et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EJIM-08-2013-0081/full/html">intégrer des approches d’innovation centrées sur les usages</a>. Celles-ci viennent compléter les modèles de gestion de projets plus traditionnels qui se fondent, eux, sur les apports de la science (une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048733309001899">approche dite « science-push » ou « techno-push »</a>.</p>
<p>Face aux défis contemporains, nous avons montré dans une <a href="http://www.newpic.fr/02proj2018genopole.html">étude récente</a> que les écosystèmes d’innovation du secteur de la santé s’appuient de plus en plus sur des organisations intermédiaires. Celles-ci permettent de mettre en relation une grande hétérogénéité d’acteurs et les aident à intégrer de nouveaux modes de travail collaboratifs. Elles fournissent également des services pour accélérer les projets d’innovation comme du conseil pour la certification ou de l’expertise technique et économique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405359/original/file-20210609-14804-xi3t6t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces intermédiaires sont de natures très diverses. On retrouve des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1080/00420980410001675814">bio-clusters</a> comme <a href="https://www.genopole.com/">Genopole</a>, des incubateurs comme <a href="https://www.wilco-start-up.com/">Wilco</a>, des <a href="https://www.montreal-invivo.com/wp-content/uploads/2019/12/livre-blanc-ll-umvelt-final-mai-2014.pdf">living labs</a> comme <a href="https://www.chu-angers.fr/recherche-et-innovation-en-sante/recherche-clinique/living-lab-allegro-79533.kjsp">Allegro</a>, des <a href="http://www.lequattrocento.com/">« company builders » comme Quattrocentro</a> et, enfin, des <a href="https://lapaillasse.org/">bio-hackerspaces comme la Paillasse</a>. L’hétérogénéité des acteurs se manifeste à travers trois critères présentés dans la figure ci-contre : les thématiques couvertes, le portefeuille de services et la nature de l’interaction avec le territoire.</p>
<h2>Des aiguilleurs</h2>
<p>Cette diversité complique souvent la compréhension de la contribution de ces organisations intermédiaires à la transformation des écosystèmes en santé. Pour la mettre en évidence, nous nous sommes concentrés sur l’importance de deux fonctions.</p>
<p>Les organisations intermédiaires jouent, en premier lieu, toutes un rôle majeur dans la dynamique des acteurs qui concourent à l’innovation. Les sciences de gestion désignent cette fonction comme <a href="https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/S1363919613500072"><strong>l’intermédiation de réseau (ou « network brokerage »)</strong></a>. Elles ont une position d’intermédiaires dans la construction des stratégies collectives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405374/original/file-20210609-14704-18el7b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’association Lab Santé Île-de-France est née en 2016 d’une collaboration entre L’ARS Île-de-France, la Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France et Medicen Paris Region.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CP Lab Santé Île-de-France</span></span>
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<p>Nous avons montré que ce rôle prend des <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2021-2-page-49.htm">formes variées</a> dans le secteur de la santé. Quand elles se font « médiateurs de relation », les organisations identifient les acteurs pertinents pour construire de nouvelles collaborations, puis les aident à aligner leurs stratégies et visions.</p>
<p>Le <a href="https://www.labsante-idf.fr/">Lab Santé Île-de-France</a>, par exemple, anime un réseau de start-up franciliennes du digital et les aide à « pitcher » leurs solutions en e-santé devant les professionnels du secteur. Il aide ensuite ces acteurs à expérimenter ces solutions en grandeur réelle. Il se présente ainsi en quelque sorte comme un « aiguilleur ».</p>
<p>Les organisations intermédiaires animent aussi des communautés qui s’emparent de sujets plus spécifiques comme des handicaps ou des maladies particulières. Elles y proposent des solutions originales par rapport aux logiques existantes. C’est le cas de <a href="http://i-carecluster.org/?lang=en">I-Care cluster</a>, avec le chapitre <a href="https://www.hhlyon.org/">Hacking Health de Lyon</a>. À travers d’une série d’évènements (ateliers thématiques, hackhathons, bootcamps), I-Care Cluster aide médecins, infirmières, geeks de technologies, designers, spécialistes des technologies médicales, étudiants, et entrepreneurs à « hacker » la santé en travaillant en équipes multidisciplinaires pour tester de nouvelles idées.</p>
<h2>Agilité et rapidité</h2>
<p>Seconde fonction sur laquelle ont porté nos recherches, les organisations intermédiaires apportent de nouveaux services qui sont autant de briques manquantes pour accélérer les projets d’innovation. Les chercheurs désignent cette fonction comme <strong>l’intermédiation de contenu (ou « content brokerage »)</strong>.</p>
<p>Le <a href="https://institutducerveau-icm.org/fr/living-lab-cllaps/">living lab cLLAPS de l’ICM</a> illustre cette démarche : au sein de l’hôpital de la Pitié de la Salpêtrière, il propose de gérer des projets d’expérimentation de solutions pour améliorer la prise en charge des maladies de la moelle épinière ou du cerveau. Dans la même logique, <a href="https://www.biovalley-france.com/fr/">Biovalley France</a>, pôle de compétitivité en santé de la région Grand-Est, contribue au développement de <a href="https://www.ticsante.com/story/4526/grand-est-une-plateforme-regionale-en-e-sante-pour-experimenter-et-stimuler-linnovation.html">PRIeSM</a>, plate-forme de test, d’expérimentation et de gestion de données en santé.</p>
<p><a href="http://www.lequattrocento.com/">Quattrocento</a> aide, lui, à transformer les idées de l’innovation en entreprises viables dans le secteur des « med techs ». L’entreprise détecte les inventions clés dans les laboratoires de recherche académique, puis construit le processus de maturation technologique en même temps qu’elle structure progressivement un business chargé d’une future commercialisation.</p>
<p>À travers ces deux fonctions, les organisations intermédiaires apportent de l’agilité à un environnement qui en manque. Généralement fondées sur des équipes de petite taille, elles savent adapter assez rapidement leurs services en fonction des besoins de l’écosystème.</p>
<p>Progressivement, elles aident l’ensemble des acteurs à changer, à adapter leur culture d’innovation et leurs pratiques pour identifier et tester les solutions innovantes en lien avec la santé. À voir à l’avenir si elles seront encore plus sollicitées pour accompagner les nécessaires transformations du secteur…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mérindol a reçu des financements de la part de Genopole pour contribuer à ce projet de recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandra Le Chaffotec a reçu des financements de Genopole pour contribuer à ce projet de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce projet de recherche confié à la chaire newPIC de Paris School of Business a été en partie financé par Genopole. </span></em></p>Ces organisations intermédiaires se distinguent notamment par leur capacité à animer des réseaux réunissant des acteurs variés.Valérie Mérindol, Enseignant chercheur en management de l'innovation et de la créativité, PSB Paris School of BusinessAlexandra Le Chaffotec, Enseignant chercheur en économie des organisations et économie de la santé, PSB Paris School of BusinessDavid W. Versailles, Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1597572021-05-06T18:23:45Z2021-05-06T18:23:45ZSanté : la confiance et le prix, freins à l’adoption des objets connectés chez les générations Y et Z<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399151/original/file-20210506-13-8n20ax.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=65%2C0%2C911%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La taille du marché de l’utilisation de l’IdO dans les soins de santé devrait passer de 55,5&nbsp;milliards de dollars en 2019 à 188&nbsp;milliards de dollars d’ici 2024.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Internet des objets (IdO) est un paradigme technologique disruptif moderne qui consiste à connecter des appareils et des personnes de manière intelligente à tout moment et en tout lieu. Par exemple, il peut s’agir de matériel médical (imagerie, machine à rayons X, etc.) ou de maison connectée.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/industry-reports/iiot-industrial-internet-of-things-technology-market-100383">étude</a>, le marché mondial de l’IdO était estimé à 190 milliards de dollars en 2018 et devrait atteindre 1 102,6 milliards de dollars d’ici 2026. Le développement de l’IdO devrait générer une valeur économique élevée, améliorer l’efficacité des processus de fonctionnement des entreprises et profiter à la vie personnelle et professionnelle de ses utilisateurs finaux.</p>
<p>Nous avons constaté que ce nouveau modèle d’interaction entre l’homme et la technologie fait l’objet de peu de recherches, notamment en ce qui concerne les soins de santé en ligne alors que ces derniers sont considérés comme un secteur vedette pour l’adoption de l’IdO ! La taille du marché de l’utilisation de l’IdO dans les soins de santé devrait passer de 55,5 milliards de dollars en 2019 à 188 milliards de dollars d’ici 2024.</p>
<p>Dans notre dernier <a href="https://www.researchgate.net/publication/345907428_Understanding_acceptance_of_eHealthcare_by_IoT_natives_and_IoT_immigrants_An_integrated_model_of_UTAUT_perceived_risk_and_financial_cost">article de recherche</a>, nous nous concentrons sur l’étude de l’adoption de l’IdO dans les soins de santé en ligne du point de vue du client. Nous avons démontré que les principaux obstacles à l’adoption de l’IdO dans les soins de santé en ligne sont le coût financier perçu et la confiance.</p>
<h2>Des différences d’usage selon l’âge</h2>
<p>En outre, l’adoption de l’IdO dans divers groupes d’âge s’est avérée différente. Nous avons identifié deux groupes distincts de consommateurs et les avons nommés « natifs de l’IdO » (personnes de moins de 40 ans) et « immigrants de l’IdO » (personnes de plus de 40 ans).</p>
<p>La population cible est essentiellement constituée d’hommes et de femmes français âgés de seize à soixante-cinq ans. Le questionnaire a reçu 268 réponses, dont 60 ont indiqué qu’elles n’utilisaient pas de dispositifs basés sur l’IdO (portables, dispositifs médicaux, etc.) et ont donc été retirées de l’échantillon. L’échantillon est représenté par plus de 50 % de jeunes entre seize et vingt ans et 23 % entre vingt et trente ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397530/original/file-20210428-19-1i5990n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les natifs de l’IdO possèdent pour la majorité au moins un objet connecté, le smartphone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/beautiful-young-people-different-nationalities-using-428460970">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Les résultats montrent que les deux groupes diffèrent significativement dans les contributions de l’influence sociale et des conditions facilitantes à leurs intentions comportementales. Ces contributions sont prédominantes pour les immigrants de l’IdO et non pour les natifs de l’IdO.</p>
<p>Cela signifie que les immigrants de l’IdO se concentrent essentiellement sur l’effort perçu et l’utilité perçue pour définir leurs intentions d’usage alors que, pour les natifs de l’IdO, l’influence sociale et les conditions facilitatrices jouent un rôle aussi important que les facteurs précédents dans leur prise de décision. Ce résultat révèle que les natifs de l’IdO ont tendance à se comporter de manière opposée à ce que leur environnement social recommande.</p>
<p>Conformément aux résultats empiriques, plusieurs implications pratiques peuvent être proposées. C’est pourquoi les responsables du marketing et des politiques doivent mieux comprendre les freins et les facteurs qui favorisent l’adoption de l’IdO dans le secteur médical. À ce dessein, cet article apporte des clarifications pertinentes soutenues par des résultats de terrain.</p>
<h2>Des appareils adaptés à chaque groupe</h2>
<p>L’usage des appareils connectés dans un contexte médical doit tenir compte des différences individuelles et des profils des consommateurs : de ceux considérés comme des natifs de l’IdO et/ou d’immigrants de l’IdO. Compte tenu de ces deux profils d’adoptants de l’IdO de santé, les designers et les praticiens doivent adapter leurs dispositifs médicaux.</p>
<p>Pour les natifs de l’IdO, les designers doivent proposer des appareils connectés attractifs notamment pour leurs prix. Ils doivent également garantir les performances des appareils connectés et réduire l’effort requis à leur utilisation. En ce qui concerne les immigrants de l’IdO, la promotion via des prescripteurs et des experts (médecins, infirmiers, pharmaciens, etc.) parait être la stratégie la plus appropriée pour la diffusion de l’IdO de santé auprès de ces usagers.</p>
<p>Comme ces consommateurs ne sont pas familiers avec les appareils connectés, leur acceptation sera influencée par leurs amis, les membres de leur famille, etc. Outre cela, ils ont besoin d’informations supplémentaires sur la manière de manipuler ces appareils. Une stratégie de customer-education_ sera la plus bénéfique à ce stade.</p>
<p>Par ailleurs, certains facteurs peuvent freiner l’adoption de ces technologies disruptives auprès des immigrants de l’IdO pour la santé. Ceux-ci sont sensibles au risque perçu pour la santé. Ils craignent que ces dispositifs ne soient pas en mesure de respecter leur vie privée et leurs informations personnelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1062527252381028352"}"></div></p>
<p>Cependant, leur décision d’adopter ces technologies n’est pas conditionnée par le coût financier. Les immigrants de l’IdO sont prêts à payer cher pour utiliser des objets connectés du moment qu’ils les considèrent comme sûrs et sécurisés.</p>
<p>L’adoption de l’Internet des objets pour la santé par la génération Z et les générations X et Y introduira potentiellement un changement social significatif. Alors que la majorité des gens commencent à utiliser des appareils connectés pour suivre leur état de santé, l’administration publique dans le secteur médical peut gagner en efficacité en fournissant des services de soins adaptés aux citoyens qui utilisent déjà l’IdO pour le monitoring (suivi) de leur état de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude dégage deux groupes de consommateurs, les « natifs de l’IdO » et les « immigrants de l’IdO », pour lesquels les gestionnaires et les praticiens doivent adapter leurs dispositifs médicaux.Tatiana Khvatova, innovation management, EM Lyon Business SchoolImed Ben Nasr, Enseignant-Chercheur en Marketing, ExceliaWissal Ben Arfi, Associate Professor in Strategy and Innovation, EDC Paris Business SchoolYounes Ben Zaied, Associate Professor in Finance, EDC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524082021-02-07T17:24:31Z2021-02-07T17:24:31ZLes objets connectés modifient-ils nos rapports à la santé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382871/original/file-20210207-21-pcqb27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5955%2C3368&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les objets ne sont pas uniquement des biens matériels, ils ont aussi des dimensions identitaires, affectives, patrimoniales…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/fr%C3%A9quence-cardiaque-temps-surveiller-1842062/">Apichit / Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>L’anthropologie étudie de longue date le rôle constitutif des objets dans la fabrique de nos mondes sociaux et de nos cultures matérielles. Investis de sens, ils prennent part à l’<a href="https://books.openedition.org/editionsehess/9831?lang=fr">élaboration de nos connaissances sur le monde comme sur nous-mêmes</a>. Or depuis quelques décennies, nos environnements s’organisent, de manière prégnante, avec des objets qui se parent d’une dimension inédite par l’amplitude de son déploiement dans nos activités quotidiennes : ils sont « connectés ».</p>
<p>Cette caractéristique fait écho à la place qu’occupe le numérique dans nos sociétés dites hyperconnectées. Nos contextes de vie se renouvellent, informés par les technologies de l’information et de la communication (TCI), les réseaux sociaux, les applications et bien sûr les objets qui supportent et matérialisent ces dimensions connectées de nos existences et de nos relations sociales. De sorte que nos environnements sont aujourd’hui en partie construits par ces objets qui les médiatisent et dans un même mouvement, encadrent et façonnent nos perceptions de ce qui nous entoure.</p>
<p>On comprend alors l’intérêt que lui portent les sciences sociales, en s’attachant à rendre compte de leur part dans les transformations de nos manières d’habiter ce nouveau monde, pleinement tendu vers la <a href="https://www.cairn.info/culture-numerique--9782724623659.htm">« culture numérique »</a>. La santé n’échappe pas à cette dynamique, nous invitant à interroger les changements qui y sont potentiellement associés.</p>
<h2>Objets connectés et santé</h2>
<p>Le domaine de la santé est aujourd’hui traversé par le numérique sous de multiples formes, de la gestion numérisée des dossiers de patients à la consultation à distance en passant par l’usage d’applications et d’objets connectés. On parle d’ailleurs d’« e-santé » (ou santé numérique), un mot-valise pour signifier cette réalité qui englobe une hétérogénéité de situations, d’acteurs et de pratiques tout en échappant à une véritable forme d’organisation centralisatrice.</p>
<p>L’une des caractéristiques de cette santé numérique tient à la production d’une multitude de données qui circulent et s’échangent, en se transformant en informations au service d’activités de prévention ou de soins. Ces données reposent notamment sur des applications et des objets : téléphones, montres, appareils individuels de mesure tels que les glucomètres, tensiomètres. Des objets connectés et mobiles dont l’idée communément admise est qu’ils offrent de nouvelles possibilités – mais les données manquent pour apprécier pleinement leur efficacité – en termes de prévention, de surveillance de variables physiques, de <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2016-1-page-5.htm">dysfonctionnements physiologiques</a> et de prise en charge de problèmes de santé pour les soignants comme pour les personnes souffrant de maladies, en particulier chroniques.</p>
<p>Parce qu’ils prennent part à la production et à la circulation d’informations autour de variables biologiques et comportementales, ces objets sont ainsi crédités de bénéfices tels qu’une meilleure observance thérapeutique, ou une autonomie accrue des patients face à leurs problèmes de santé. Derrière leur conception, puis leur mise en circulation, il y a l’idée de permettre à chacun de se comporter de manière plus responsable, en acteur de sa santé et de son bien-être – voire en « patient expert » sous l’effet de réactions quasi instantanées à des quantifications que médiatisent ces objets censés objectiver des risques. Proposer par exemple un inhalateur qui, par géolocalisation des prises de médicaments croisées à des données météorologiques, ou de pollution, indiquerait des zones allergènes à risque aux personnes atteintes d’asthme illustre ce type de projet.</p>
<p>Des recherches anthropologiques sont en cours pour analyser le rôle de ces objets dans les expériences corporelles et de santé qui se dessinent avec ce XXI<sup>e</sup> siècle. Par exemple, dans la <a href="http://www.theses.fr/s203588">prise en charge de crises chroniques liées à l’asthme</a>, en rendant compte de manières dont se prennent des « habitudes », dont se ritualisent de nouveaux usages tout en questionnant, dans un même mouvement, ces attentes éminemment culturelles et sociales qui normalisent la nécessité de contrôle de soi au quotidien à partir de données techniques et chiffrées.</p>
<h2>Ce que les objets « font » avec et aux personnes</h2>
<p>Les objets ne sont jamais seulement de la matière entre nos mains. Porteurs de significations, de désirs, d’attentes, de fonctions par les personnes qui les fabriquent puis par celles qui les utilisent, ils recouvrent diverses dimensions (patrimoniales, identitaires, affectives, médiatrices, etc.) au cours de leur « vie sociale ».</p>
<p>De fétiches en biens culturels, d’éléments décoratifs en ustensiles, les objets permettent des manipulations complexes et ce faisant, occupent des statuts distincts, de manière successive ou simultanée au regard des trajectoires qu’ils suivent, des interactions et des significations qu’ils médiatisent. Ils sont en ce sens des éléments actifs dans les relations entre les individus et leur environnement.</p>
<p>L’anthropologie et la sociologie, en particulier des <a href="https://journals.openedition.org/tc/4999">techniques</a>, ont de longue date souligné l’intérêt de penser les objets non seulement à partir de leur création, mais aussi au prisme de ce qu’ils « font » avec les personnes et aux personnes. Car l’objet n’est pas inerte dans l’action : il opère sur la relation et les interactions, ce qui conduit le philosophe et anthropologue Bruno Latour à parler d’une rupture épistémologique entre une approche intersubjective et une <a href="https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1994_num_36_4_2196">approche interobjective des mondes sociaux</a>.</p>
<p>Les objets connectés de santé n’échappent pas à ces dynamiques. Si chacun de nous n’est pas qu’utilisateur·trice d’objets aux fonctions pensées pour nous, il faut alors rendre compte des manières dont ces objets prennent part à nos expériences quotidiennes de santé : dans quelle mesure peuvent-ils faire de nous des individus différents ?</p>
<h2>Des rapports renouvelés au corps ? À la santé ?</h2>
<p>Nous manquons de recherches qualitatives qui se distinguent de retours d’expériences et de procédures d’évaluation quantitative d’usages de ces objets connectés de santé, pour appréhender les processus par lesquels ils deviennent constitutifs de nos savoirs (sur le corps, les risques et maladies qui le fragilisent), notamment par les expériences intimes et empiriques que nous faisons de ces corps mesurés, traduits en chiffres et courbes.</p>
<p>Malgré des programmes de recherches interdisciplinaires en cours, nous manquons aussi de matériaux qualitatifs pour saisir dans toute leur complexité comment les usages routiniers de ces objets connectés prennent part à des changements plus paradigmatiques concernant nos représentations de nos corps dans leur interrelation avec nos comportements et <em>in fine</em>, comment ces objets interfèrent dans la relation de soin avec les professionnels de santé. Car, utilisés au quotidien, ils délivrent des informations parfois en dehors de la temporalité de l’interaction avec le soignant. En ce sens, l’objet peut renforcer le rôle des individus dans la gestion de leur corps objectivé au-delà – voire en dehors ? – de la relation médecin-patient.</p>
<p>Soulignons aussi que nombre d’objets et d’applications n’ont pas de finalité médicale déclarée. Ils ne font pas partie des dispositifs médicaux pour lesquels les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2681915/fr/referentiel-de-bonnes-pratiques-sur-les-applications-et-les-objets-connectes-en-sante-mobile-health-ou-mhealth">autorités sanitaires définissent de « bonnes pratiques »</a> qui garantissent leur sécurité et leur qualité, en cadrant leur utilisation. Pourtant, ils peuvent avoir des effets sur la santé, ne serait-ce que par les significations qui leur sont attribuées en la matière, lesquelles induiront ces effets. Comment ces objets sont-ils concrètement mis en résonance avec des questions de prévention, d’exposition à des risques ? Les réponses à ces interrogations gagneront à reposer sur des recherches pluridisciplinaires en sciences sociales et en santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jason KOMAN a reçu un financement CIFRE dans le cadre de sa thèse par la société Kap-Code, fabriquant d'objets connectés en santé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Gobatto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les objets connectés sont omniprésents dans nos vies et s’imposent dans nos manières d’être et nos interactions sociales. Quel rôle peuvent-ils jouer dans nos rapports au bien-être et à la santé ?Isabelle Gobatto, Maître de conférences en anthropologie, Université de BordeauxJason KOMAN, Doctorant en anthropologie sociale et culturelle, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1435672020-08-03T15:45:23Z2020-08-03T15:45:23ZLes outils digitaux, partenaires du bien-vieillir des seniors<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/350178/original/file-20200729-27-13pwfjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C30%2C6689%2C4436&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les «&nbsp;Engagés&nbsp;» constituent une catégorie de seniors particulièrement adeptes du digital pour les accompagner dans leur pratique sportive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/mature-woman-lying-on-floor-600w-1735552685.jpg">AnnaStills / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Viens voir ! Encore un joggeur ! » Durant le confinement lié au Covid-19, la pratique d’une <a href="https://theconversation.com/alimentation-activite-physique-les-bons-reflexes-en-periode-de-confinement-134430">activité physique</a> était l’un des cinq motifs autorisés pour quitter son domicile.</p>
<p>Si certains ont saisi cette opportunité pour sortir de chez eux tout en bougeant, d’autres ont préféré « jouer à domicile » et se sont tournés vers les outils digitaux pour les guider et les accompagner dans la pratique d’une activité physique. Ils ont eu recours à des moyens variés : cours en ligne, challenges individuels ou de groupe, applications fitness, groupes publics ou privés, communautés, etc.</p>
<p>Sur le réseau social Instagram, le nombre de commentaires liés au sport a augmenté de <a href="https://blog.gymlib.com/sujets-rh/sante/Infographie-le-sport-en-periode-de-confinement">266 % suite au confinement</a>. Au final, les Français ont en moyenne maintenu leur <a href="https://www.emerton-data.com/mobilite-et-confinement-en-france/">nombre de pas quotidiens</a>.</p>
<p>Mais qu’en est-il des seniors ? Ont-ils bénéficié comme le reste de la population des outils digitaux pour pratiquer régulièrement une activité physique ?</p>
<h2>Rester actif pour mieux vieillir</h2>
<p>Les seniors, qui sont-ils ? Les personnes de plus de 50 ans pour les recherches en marketing, de plus 45 ans dans le monde de l’entreprise ou encore de plus de 65 ans pour le corps médical. Nous faisons le choix d’employer le terme « senior » pour les personnes de 60 ans et plus car cet âge correspond au passage à la retraite qui va considérablement restructurer leur quotidien.</p>
<p>Certaines initiatives ont été menées pour permettre aux seniors de <a href="https://www.youtube.com/channel/UCi9AzW3WdQ4_wxKtvjjC5eg/videos">pratiquer une activité physique adaptée</a> et éviter l’écueil d’une sédentarité qui peut très rapidement s’installer.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ICBiry8Awlg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cours de sport en ligne sur la chaîne YouTube de la Fédération française de la retraite sportive.</span></figcaption>
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<p>Soulignons une initiative qui dénote : les courtes vidéos de Véronique Villèle (@VillleDe) diffusées sur RTLsoir et annoncées sur Twitter.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350391/original/file-20200730-13-1gkye0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du compte Twitter de Véronique de Villèle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/villlede?lang=en">@VillleDe</a></span>
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<p>L’enjeu était de taille : lutter contre les effets néfastes du vieillissement, potentiellement accélérés par l’isolement et une baisse d’activité physique.</p>
<p>En effet, il est largement admis que la pratique régulière d’une activité physique adaptée est un important levier du « <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0767370118775719">bien-vieillir</a> », c’est-à-dire de l’adaptation continue des objectifs personnels et des comportements visant à minimiser les pertes et à maximiser les gains liés à l’avancée en âge.</p>
<p>La façon dont les seniors <a href="https://www.credoc.fr/publications/bien-vieillir-avant-tout-etre-au-maximum-de-ses-capacites-intellectuelles">abordent et souhaitent vivre leur vieillissement</a> dépend de la manière dont ils perçoivent leur niveau de vieillissement, de leur santé objective, de leur situation familiale et professionnelle ou encore de leur situation financière.</p>
<p>Toutefois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de pratiquer au moins <a href="https://www.who.int/dietphysicalactivity/factsheet_olderadults/fr/">150 minutes d’activité physique d’intensité modérée</a> par semaine pour les 65 ans et plus.</p>
<p>Diminution du risque de chute, amélioration des capacités cognitives ou encore diminution du risque de <a href="https://theconversation.com/lactivite-physique-soigne-aussi-les-maladies-chroniques-110397">développer une maladie chronique</a>, les bénéfices sont présents <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-meilleur-moment-pour-commencer-a-faire-de-lactivite-physique-maintenant-123840">quel que soit l’âge du début de la pratique</a>.</p>
<h2>Le digital, un allié pour la santé</h2>
<p><a href="https://www.silveralliance.com/conseils/applications-mobiles-seniors/">Les outils digitaux ont leur place dans le bien-vieillir</a> en contribuant à lutter contre les pertes liées au vieillissement comme les déficits sensoriels et cognitifs, la diminution de la mobilité ou encore la réduction des interactions sociales.</p>
<p>L’installation de détecteurs de chute au sein du domicile, l’utilisation d’outils de surveillance de la santé (tension, glycémie, télémédecine, etc.), mais aussi le maintien des liens avec les proches ou avec des associations constituent des aides efficaces.</p>
<p>Outre les réseaux sociaux classiques, type Facebook ou Twitter, de nouveaux réseaux font leur apparition en étant dédiés aux seniors. C’est le cas de <a href="http://appliserv.fr/wp-content/uploads/2016/03/Journal-du-domicile-mars-2016-JDD78-newtech.pdf">« Ammy »</a> qui permet de communiquer non seulement avec ses proches mais aussi avec des professionnels de santé ou encore des bénévoles de diverses associations. <a href="https://www.independanceroyale.com/fr/papoti-une-application-mobile-pour-rapprocher-les-generations">L’application « Papoti »</a> permet également aux seniors de rester en contact facilement avec leurs petits-enfants.</p>
<p>Par ailleurs, certains outils digitaux peuvent accompagner les seniors dans leurs programmes d’activité physique grâce à des fonctionnalités telles que la définition d’objectifs personnalisés, les retours d’information sur l’activité réalisée, des contenus adaptés, le partage d’expériences, etc. <a href="https://www.capretraite.fr/blog/style-de-vie/top-5-applications-mobiles-seniors/">L’application « Qalyo »</a> permet ainsi grâce à une interface adaptée de suivre sa santé en contrôlant différents paramètres : poids, tension ou encore activité physique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-rester-en-forme-apres-60-ans-126465">Comment rester en forme après 60 ans</a>
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<p>En dépit des bénéfices avérés de l’activité physique sur le bien-vieillir, et du <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s40798-018-0157-9">potentiel démontré des outils digitaux</a> pour favoriser la pratique régulière de l’activité physique, les initiatives digitales ciblant spécifiquement les seniors restent parcellaires.</p>
<p>De plus, malgré les bénéfices mis en avant par les offreurs, l’acceptation et l’utilisation des outils digitaux ne peuvent se faire que si ces derniers répondent aux besoins de cette partie de la population.</p>
<p>Ainsi, cibler les consommateurs seniors nécessite avant tout d’analyser en détail ce marché plus disparate qu’il n’y parait.</p>
<h2>3 segments de consommateurs seniors</h2>
<p>Le vieillissement est un <a href="https://www.cairn.info/les-techniques-de-lutte-contre-le-vieillissement--9782130606642-page-31.htm">processus hétérogène</a>, tant sur le plan physique que psychologique ou social. En raison de sa multidimensionnalité, les <a href="https://www.jstor.org/stable/40592695?seq=1">critères de segmentation classiques</a> comme l’âge chronologique ou encore le fait d’être à la retraite ou non s’avèrent peu opérants.</p>
<p>Il convient d’intégrer des dimensions d’ordre social, familial, professionnel ou physique. C’est ce que montre une <a href="https://www.editions-ems.fr/revues-editions-ems/decisions-marketing/numerorevue/321-d%C3%A9cisions-marketing-n%C2%B098.html">étude publiée récemment</a> en mettant en lumière trois profils de seniors indépendamment de leur âge chronologique fondés sur leur pratique d’activité physique ainsi que sur leur rapport aux outils digitaux (tablettes, domotique, GPS, montres connectées, etc.).</p>
<ul>
<li><strong>Les « Engagés »</strong> qui pratiquent régulièrement et parfois même de façon intensive une activité physique utilisent largement les outils digitaux dans leur pratique sportive. Ils se sentent compétents et affirment les maîtriser : ils s’appuient sur le suivi des performances, les retours d’information, les notifications et les suggestions d’activités pour soutenir ou renforcer leur activité physique.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350194/original/file-20200729-15-mvl11l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certains outils permettent d’adapter les programmes sportifs aux envies et besoins précis de chaque personne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/senior-man-gym-using-digital-600w-1113328157.jpg">Mladen Zivkovic/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p><strong>Les « Attentifs »</strong> qui montrent davantage de méfiance envers les outils digitaux auxquels ils reconnaissent une grande utilité notamment dans leur pratique d’activité physique. Ils peuvent parfois être dépassés et avoir le sentiment de ne pas les maîtriser. Un accompagnement humain à leur utilisation permettrait d’engager ces seniors dans une activité physique régulière.</p></li>
<li><p><strong>Les « Contraints »</strong> qui pratiquent peu d’activité physique et ne reconnaissent pas forcément l’utilité des outils digitaux ou ne se sentent pas compétents pour les utiliser, constituent la troisième catégorie. Une des solutions pour les sensibiliser aux bienfaits d’une activité physique régulière sur leur bien-vieillir, est de leur montrer les avantages que procurent des outils digitaux simples d’utilisation et personnalisables.</p></li>
</ul>
<p>Cette segmentation permet de comprendre comment s’adresser aux différents profils de consommateurs seniors. Elle permet également d’identifier les améliorations à apporter aux outils digitaux pour correspondre à la diversité des besoins et usages et faire progresser le taux d’équipement en outils digitaux des seniors, notamment les plus âgés.</p>
<h2>Les 60-69 ans globalement mieux équipés</h2>
<p>En France, le taux de pénétration (proportion de consommateurs ayant acheté un produit digital sur une période et un marché donnés) dépend de l’outil considéré et de l’âge.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350459/original/file-20200730-13-10c1aem.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le sentiment d’intégration à la société digitale marque un vrai décrochage à 70 ans.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tns-sofres.com/publications/barometre-55-avril-2016-les-seniors-et-le-digital">Baromètre les seniors et le digital TNS Sofres</a></span>
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<p>Ainsi, plus de 80 % des 60-69 ans ont un <a href="https://observatoire-des-seniors.com/105-millions-des-internautes-francais-sont-des-seniors/">téléphone mobile</a> contre 66 % des 70 ans et plus ; la proportion de smartphones diminuant avec l’âge. Pour ce qui est des <a href="https://www.cjoint.com/doc/19_10/IJlilr0X1I2_Cahier-Silvers-et-outils-num%C3%A9riques.pdf">tablettes tactiles</a> le taux d’équipement est de 41 % des 60-69 ans contre 29 % des 70 ans et plus.</p>
<p>Une étude <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10447318.2017.1328024?scroll=top&needAccess=true">publiée en 2018</a> montre que les seniors sont enclins à accepter et utiliser des technologies liées à la santé si celles-ci respectent certains critères comme : leur procurer indépendance et sécurité, leur donner la possibilité de gérer de façon autonome leur santé ou encore de maintenir des liens sociaux avec leurs proches.</p>
<p>En revanche, l’atteinte à la vie privée ou le manque de sécurité quant à leurs données personnelles constituent d’importants freins à leur adoption.</p>
<p>Ainsi, alors que les seniors s’approprient de plus en plus les technologies, il revient aux entreprises de développer les meilleurs outils digitaux permettant d’aider ces catégories spécifiques de consommateurs à se maintenir en bonne santé.</p>
<p>À l’heure où des robots deviennent des <a href="https://buddytherobot.com/fr/buddy-robot-seniors-isoles-personnes-ages-seules/">compagnons des personnes les plus âgées</a> ou ayant des difficultés de santé majeures en prenant soin d’elles, pourquoi ne pas imaginer qu’ils deviennent aussi des compagnons d’activité physique au quotidien ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143567/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les nouvelles technologies contribuent à se maintenir en bonne santé, certaines personnes âgées hésitent encore à les utiliser, par méfiance ou manque de maîtrise.Agnès Helme-Guizon, Professeure des Universités, Marketing social, Grenoble IAE Graduate School of ManagementRomain Debru, Doctorant en marketing, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1296372020-01-09T20:43:38Z2020-01-09T20:43:38Z« Les troubles anxieux sont fréquents, il faut les diagnostiquer »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309307/original/file-20200109-80169-170w9n7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C4256%2C2739&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les troubles anxieux isolent souvent ceux qui en sont victimes</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/personnes-%C3%A9motion-dramatiques-1492052/">1388843 / Pixabay</a></span></figcaption></figure><p><em>Antoine Pelissolo est professeur de psychiatrie à l’Université Paris Est Créteil et chef du service de psychiatrie sectorisée au CHU Henri-Mondor. Auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation, il est spécialiste des troubles anxieux sévères.</em></p>
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<h2>Qu’est-ce qui caractérise les troubles anxieux ?</h2>
<p>Tous les troubles anxieux ont en commun la peur et les produits dérivés de la peur que sont l’angoisse et l’anxiété. C’est l’objet sur lequel se fixent ces émotions de peur qui détermine à quelle catégorie de trouble anxieux on a affaire. On en distingue trois types : les phobies, le trouble panique et l’anxiété généralisée.</p>
<p>Dans le cas des phobies, les émotions de peur se fixent soit sur des objets, soit sur des situations. On distingue les phobies simples, ou spécifiques, dans lesquelles la peur concerne un seul objet (par exemple un animal ou une situation particulière), des phobies plus complexes et plus invalidantes que sont l’<a href="https://www.doctissimo.fr/html/psychologie/stress_angoisse/articles/15914-agoraphobie-agoraphobe.htm">agoraphobie</a> (la peur des lieux d’où il serait difficile de s’échapper ou d’être secouru) et les phobies sociales.</p>
<p>Le trouble panique se traduit quant à lui par la survenue d’attaques de paniques. Si les premières fois, ces crises d’angoisse surviennent sans aucun déclencheur, elles deviennent ensuite en elle-même le motif de la peur. Autrement dit le trouble panique, c’est la peur d’avoir peur.</p>
<p>Enfin, l’anxiété généralisée concerne plutôt la peur de l’avenir en général, de tout ce qui peut arriver dans la vie : problèmes de santé, d’argent, d’accident, etc. Ces inquiétudes peuvent porter sur soi ou sur les autres, la famille, les proches… Il est question d’événements qui peuvent effectivement se produire dans la vie courante. Cependant les personnes ont tendance à ne plus pouvoir relativiser leur risque de survenue ou leur gravité.</p>
<h2>Quels sont les symptômes des troubles anxieux ?</h2>
<p>Les symptômes dépendent du type de trouble. Dans les phobies, il s’agit de comportements d’évitement des situations. Ils sont liés à la peur anticipatoire : craignent de se confronter à une situation perçue comme dangereuse et adoptent des stratégies de contournement.</p>
<p>Dans le trouble panique, les personnes subissent au moment des crises d’angoisse tous les symptômes du stress, mais de façon extrêmement intense : leur cœur s’emballe, leur respiration se bloque ou s’accélère, ils ont des troubles de l’équilibre, des bouffées de chaleur… Le fait d’avoir tendance à avoir peur de la survenue de ces symptômes les aggrave, c’est un cercle vicieux.</p>
<p>L’anxiété généralisée s’accompagne quant à elle des mêmes signes physiques que le trouble panique, mais ils sont moins « explosifs ». Les patients ressassent, ruminent, sont tendus tout le temps, hypervigilants. Ils ont des problèmes de concentration, éventuellement des douleurs, et surtout du mal à s’endormir à cause de la tension nerveuse : lors des consultations, l’insomnie est souvent leur plainte principale.</p>
<h2>Ces troubles sont-ils fréquents ? Qui concernent-ils ?</h2>
<p>On considère qu’environ 10 % de la population sera touchée par un trouble anxieux à un moment de sa vie. Celui-ci peut durer quelques mois ou quelques années. Les femmes sont environ deux fois plus concernées que les hommes. Les formes graves, sources de handicap et qui requièrent un traitement médicamenteux, concernent quant à elles environ 15 à 20 % des patients.</p>
<p>La plupart des phobies surviennent généralement au début de la vie, soit durant l’enfance soit à l’adolescence. Les attaques de panique, qui peuvent se transformer en trouble panique, se produisent plutôt vers 20 ou 30 ans. Enfin, l’anxiété généralisée se développe habituellement plus tard, vers 30 et même 40 ans, chez des gens qui étaient plutôt d’un tempérament un peu anxieux mais arrivaient à gérer jusque-là.</p>
<p>Ces troubles sont tellement fréquents qu’ils peuvent concerner tous les profils de la population, même si souvent les personnes qui en sont victimes présentent une émotivité et une sensibilité un peu plus forte que les autres, sans qu’elle soit toutefois anormale. Il pourrait y avoir des facteurs biologiques qui favorisent l’émergence d’un trouble ou d’un autre, mais on ne les connaît pas bien. Aucun facteur génétique n’a par exemple pu être clairement mis en évidence.</p>
<h2>Quelles conséquences les troubles anxieux ont-ils sur la santé et la vie des patients ?</h2>
<p>Les conséquences varient selon le degré de l’atteinte. Elles peuvent être importantes, même s’il n’y a pas de risque immédiat pour la santé. Les conséquences physiques surviennent en effet plutôt à long terme. Dans le cas de l’anxiété généralisée, par exemple, le fait d’avoir du mal à dormir peut mener à un épuisement. La dépression est aussi souvent associée aux troubles anxieux : elle concerne une personne sur deux, ce qui est plus élevé que dans la population générale. La consommation de drogues ou d’anxiolytiques est aussi un problème.</p>
<p>En outre, à long terme, le risque de maladies cardiovasculaires est accru par le stress. En effet, même s’il n’est pas suffisant pour déclencher à lui seul des infarctus ou des troubles du rythme cardiaque, il s’ajoute aux autres facteurs de risques.</p>
<p>Enfin, le handicap social peut également être important. On sait notamment que les personnes atteintes de troubles anxieux graves sont socialement moins insérées. Elles sont moins souvent en couple, atteignent des niveaux socio-économiques inférieurs à ceux des autres, etc. D’après une étude suédoise récente portant sur plus de 15 000 enfants, le fait de <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/1E0D728FDAF1049CDD77721EB84A8724/S0033291719003908a.pdf/much_more_than_just_shyness_the_impact_of_social_anxiety_disorder_on_educational_performance_across_the_lifespan.pdf">souffrir de phobie sociale réduit de 50 à 75 %</a> les chances de réussir sa scolarité et ses études supérieures. </p>
<p>Ce genre de trouble est souvent vécu avec honte. Les gens n’en parlent pas, par peur de ne pas être compris. En effet, si on n’est pas soi-même concerné, la première tendance peut être de banaliser les choses, de penser qu’on a tous connu quelques peurs et qu’on les a surmontées, que ce n’est pas si grave. Ces réactions isolent encore davantage les patients.</p>
<h2>Comment soigne-t-on les troubles anxieux ?</h2>
<p>On essaie généralement d’intervenir le plus tôt possible, pour éviter que le trouble ne s’aggrave.</p>
<p>Il s’agit d’appliquer des mesures dites « comportementales », qui visent à apprendre aux patients à combattre les évitements, à ne pas changer leur mode de vie parce qu’ils ont peur de certaines situations. Basées sur l’analyse des peurs et les changements des réactions émotionnelles, les thérapies comportementales et cognitives sont efficaces pour soigner la plupart des troubles anxieux sur des durées relativement courtes. D’autres formes de thérapies ou de psychothérapies peuvent y être associées. Ces méthodes permettent d’accomplir des changements en profondeur, à long terme et sans risque d’effet secondaire. Elles demandent juste un peu d’investissement.</p>
<p>Pour les patients atteints par des formes sévères, un traitement médicamenteux peut être envisagé. Il s’agit de traitements au long cours, qui ne se décident pas pour des symptômes passagers. Ils sont basés sur des antidépresseurs. Les anxiolytiques (Xanax, Temesta, Lexomil…) sont déconseillés, car s’ils soulagent sur le moment, ils n’ont pas d’effet bénéfique à long terme et peuvent entraîner des dépendances. Généralement la prise en charge se fait en médecine de ville. Il n’existe que peu de structures spécialisées dans notre pays. On peut le regretter, car il peut être bénéfique pour les patients d’avoir affaire à des professionnels spécialisés.</p>
<p>Les troubles anxieux sont fréquents, c’est pourquoi il est important de les diagnostiquer. Il faut que tout le monde sache qu’ils existent, afin de ne pas stigmatiser les personnes qui en sont atteintes, en particulier dans le milieu professionnel. Nous avons tout à gagner à aider ceux qui en souffrent. D’autant plus qu’il peut s’agir de soutiens simples, tels que des incitations à entamer des démarches de soin.</p>
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<p><em>Pour aller plus loin : Antoine Pelissolo (2017), <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/psychologie-et-developpement-personnel/vous-etes-votre-meilleur-psy">« Vous êtes votre meilleur psy ! »</a>, Flammarion.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Phobie, trouble panique, anxiété généralisée : les troubles anxieux se manifestent de diverses façons. Qui concernent-ils ? Comment les soigner ? Le point sur le sujet avec le Pr Antoine Pelissolo.Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1256952019-11-06T20:15:44Z2019-11-06T20:15:44ZErreurs médicales, stress des soignants : comment éviter les pièges de lʼinformatisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300450/original/file-20191106-12487-7up8rh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C4506%2C3080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les logiciels médicaux ne facilitent pas toujours la tâche des praticiens, au contraire…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/male-doctor-office-working-computer-317573582?src=e9723e13-ae23-4863-93d3-89ddaa1dcd46-1-8">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>De nombreuses <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2676098">études</a> ont mis en évidence les <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2676098">ergonomies défaillantes</a> des <a href="https://www.caducee.net/DossierSpecialises/systeme-information-sante/dmi.asp">dossiers patients informatisés (DPI)</a>, qui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31189203">engendrent des erreurs médicales</a> ainsi <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2748054">qu’un stress et une surcharge de travail chez les médecins</a>.</p>
<p>Alors que le plan « Ma santé 2022 » prévoit de faire du <a href="https://www.dmp.fr/">dossier médical partagé</a> et de l’<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A13525">Espace numérique de santé</a> deux piliers des futures transformations numériques du secteur de la santé, il est important de tirer les leçons des problèmes posés par ces technologies de l’information plus anciennes afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/telemedecine-e-sante-pourquoi-ca-coince-109047">Télémédecine, e-santé : pourquoi ça coince ?</a>
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<h2>Que sont les dossiers patients informatisés ?</h2>
<p>Les DPI sont des logiciels transversaux permettant de saisir, stocker et transmettre les données liées aux processus des soins des patients. Généralement, ils intègrent des modules de prescription médicale et d’administration des soins (par les infirmiers). Contrairement aux solutions développées sur mesure, ces logiciels sont généralement « sur étagère », c’est-à-dire qu’ils sont développés et commercialisés par un éditeur spécialisé, et non développés pour chaque contexte ou projet particulier.</p>
<p>Lancé en 2011 par la Direction générale de l’offre de soins, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/e-sante/sih/hopital-numerique/Hopital-Numerique">programme français Hôpital Numérique</a> visait à moderniser les systèmes d’information hospitaliers. Les politiques d’incitation à la généralisation des DPI se sont appuyées sur de multiples promesses, telles que traçabilité des informations de soin ou réduction du temps de saisie des données dans un seul logiciel (grâce à une base de données unique, complétant ou se substituant aux divers logiciels métiers ou pour chaque spécialité médicale).</p>
<p>En théorie, le DPI était séduisant et aurait dû reléguer les dossiers patients « papier » au rang d’antiquités. Malheureusement, les logiciels support du DPI ont été conçus et implémentés <a href="https://www.cegid.com/fr/faq/quest-quun-erp/">sur le modèle des progiciels de gestion intégrés</a>, à savoir une vision standardisée des processus de soin, qui s’est heurtée à la réalité diversifiée des contextes locaux et des différentes spécialités.</p>
<h2>Quand les logiciels ont des effets indésirables</h2>
<p>Les effets indésirables des DPI sont connus dans la littérature depuis de nombreuses années. Dès 2005, une <a href="https://pediatrics.aappublications.org/content/116/6/1506.short">étude</a> mettait en évidence l’augmentation inattendue de la mortalité des patients après l’implémentation d’un logiciel de prescription des médicaments. Par la suite, de nombreuses études ont révélé les conséquences négatives de l’implémentation et de l’usage des <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/07/10/20936-erreurs-medicales-logiciels-sante-mis-lindex">logiciels de prescription</a>, puis des dossiers patients informatisés.</p>
<p>Un article récent <a href="https://www.healthaffairs.org/doi/full/10.1377/hlthaff.2018.0699">« Identifying electronic health record usability and safety challenges in pediatric settings »</a> montre par exemple que que 36 % des rapports de sécurité liés à un DPI sont imputables à un manque d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Utilisabilit%C3%A9"><em>utilisabilité</em></a> de ces logiciels. Autrement dit, en situation de travail l’ergonomie de ces logiciels s’est avérée défaillante, résultant dans 18,8 % des cas en un préjudice pour le patient.</p>
<h2>Des problèmes de conception doublés de problèmes techniques</h2>
<p>Cette utilisabilité insuffisante entraîne une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31189203">augmentation du temps de documentation par les professionnels de santé</a>. Ceux-ci passent de plus en plus de temps à saisir, vérifier ou consulter les données du DPI. Qui plus est, ces logiciels peu intuitifs exigent une formation supplémentaire, et surtout une adaptation. Il faut en effet <a href="https://www.ticsante.com/story/4747/une-erreur-de-configuration-a-bloque-l-acces-au-dossier-patient-informatise-au-gh%C2%A0paris-sud.html">paramétrer ces logiciels standards</a> en fonction des processus et des services existant dans chaque hôpital et chaque service clinique.</p>
<p>Outre ces problèmes d’utilisabilité, des problèmes plus techniques persistent, entravant le travail des professionnels : défaillances techniques (<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26732996">pannes allant jusqu’aux blocages de la prise en charge des patients</a> ; pertes de données ; bugs répétés ; temps de réponse longs ; failles de sécurité à la base de plusieurs attaques récentes, dont celle qui a <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2017/05/13/nhs-cyber-attack-everything-need-know-biggest-ransomware-offensive/">paralysé le système de santé britannique en 2017</a>.</p>
<p>Ainsi, plus de 20 ans après les premières études et l’accumulation des preuves et des connaissances sur les problèmes engendrés par les dossiers patients informatisés, les médias continuent à régulièrement rendre compte des difficultés d’usage <a href="https://www.politico.com/story/2019/06/06/epic-denmark-health-1510223">contribuant au stress des médecins et aux erreurs médicales</a>.</p>
<h2>En France, on manque de données</h2>
<p>Qu’en est-il en France ? Les études françaises sur l’usage du DPI sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S138650561200175X">peu nombreuses</a>. On peut citer ici l’étude de Frédéric Kletz, menée sur une cinquantaine d’établissements, qui visait à évaluer les apports du DPI pour les professionnels de santé. Elle dresse un <a href="https://www.ticsante.com/story.php?story=3786&mjeton=alWUytSXA2ULDAKFXRvXGsdwY2FgjswWsPq3KakpoRU1xXl3KF61rWcsjeaQOPFR1MEh9wO_%20lr3SuDLKun1l_IVPgcOto02e&owner=4060332">bilan mitigé du dossier patient informatisé</a>. <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02305513/document">Une thèse de doctorat</a> très récente permet également de documenter et d’analyser les conséquences du DPI dans un hôpital français.</p>
<p>À défaut d’études et évaluations scientifiques, ainsi que de bases de données publiques et ouvertes sur les incidents liés aux DPI, on constate que divers <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/montpellier-que-on-ne-s-etonne-pas-si-deces-survient-calvaire-du-chu-face-aux-bugs-informatiques-1674323.html">articles</a> de presse relatent des <a href="https://www.bienpublic.com/faits-divers-justice/2019/08/14/120-cliniques-privees-victimes-d-une-cyberattaque">problèmes similaires</a>) à ceux identifiés par la littérature internationale depuis longtemps.</p>
<p>Si le retard pris par notre pays en matière de documentation de ces dysfonctionnements ne permet pas de conclusion définitive, il est permis de penser que les problèmes existants sont les mêmes que chez nos voisins. Cependant, l’absence de collecte d’information sur les problèmes d’usage des DPI (alors qu’elle existe pour les médicaments et le matériel médical) empêche de capitaliser sur ces expériences pour améliorer et fiabiliser l’usage des technologies de l’information en santé, et améliorer les processus de conception.</p>
<p>Diverses études ont néanmoins proposé de <a href="https://bmcmedinformdecismak.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12911-018-0615-9">bonnes pratiques</a> pour améliorer le fonctionnement, l’ergonomie et l’usage des DPI, dont il faudrait s’en inspirer.</p>
<h2>Des solutions peu appliquées</h2>
<p>Côté éditeurs, l’évaluation et la certification technique peuvent s’appuyer sur des normes internationales (par exemple les normes ISO pour la sécurité informatique – <a href="https://www.iso.org/fr/isoiec-27001-information-security.html">ISO 27000</a> – ou de qualité de service de l’information – <a href="https://www.iso.org/fr/standard/51986.html">ISO 20000</a>), le développement en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_agile">mode agile</a> avec la prise en compte des spécificités des utilisateurs (<a href="https://www.iso.org/standard/52075.html">norme ISO 9241-210</a>) et la certification de l’<a href="http://nosobase.chu-lyon.fr/Reglementation/2017/reglement/05042017.pdf"><em>utilisabilité</em> des dispositifs médicaux</a>. Cependant, ces normes ne sont pas obligatoires. La Haute Autorité de Santé propose une <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_989142/fr/certification-des-logiciels-des-professionnels-de-sante">certification facultative</a> pour les logiciels d’aide à la prescription et, par extension, des DPI intégrant une aide à la prescription. D’autres <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2681915/fr/referentiel-de-bonnes-pratiques-sur-les-applications-et-les-objets-connectes-en-sante-mobile-health-ou-mhealth">recommandations portent sur les bonnes pratiques</a> liées au développement des logiciels et applications mobiles en santé.</p>
<p>Côté organisations de santé, l’adaptation des processus de soin, doublée d’un paramétrage fin des DPI, exigent des compétences internes dans les organisations, l’accompagnement au changement et la formation des professionnels de santé. Le premier Conseil du numérique en santé a d’ailleurs a mis en avant l’<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/190425_dossier_presse_masante2022_ok.pdf">importance de l’accompagnement des acteurs</a> afin de réaliser les transformations numériques de la santé prévues par le plan « Ma Santé 2022 ».</p>
<p>Mais qu’elles concernent les éditeurs de logiciels ou les organisations de santé, ces bonnes pratiques exigent du temps, des ressources humaines et des dépenses supplémentaires, lesquelles ne sont pas toujours considérés comme prioritaires. Une solution pourrait être de favoriser les collaborations entre établissements de soins, éditeurs de logiciels et chercheurs en informatique et en sciences humaines et sociales (ergonomie, sciences de gestion, sociologie…).</p>
<p>La France devrait également se doter d’une base de report d’incidents liés aux DPI et autres logiciels de santé qui soit publique et exploitable à des fins de recherche. Certes, dans le cadre du <a href="https://www.ars.sante.fr/securite-informatique-signaler-un-incident">dispositif national de signalement des incidents informatiques dans les organisations de santé</a> mis en place en 2017, 140 incidents ont été répertoriés un an après. Cependant, aucune communication n’a été faite sur la nature et la portée de ces incidents. L’information sur les incidents liés aux logiciels de santé devrait être plus transparente pour favoriser les améliorations à la fois des logiciels et des processus de soin dans lesquels l’usage de ces logiciels s’insère.</p>
<p>Aux États-Unis, même si la <a href="https://www.fda.gov/medical-devices/mandatory-reporting-requirements-manufacturers-importers-and-device-user-facilities/manufacturer-and-user-facility-device-experience-database-maude">base MAUDE</a> n’est pas supposée recevoir des incidents sur les DPI (elle ne vise que les dispositifs médicaux dont les DPI américains sont exclus), elle regorge de nombreuses et précieuses informations sur les problèmes d’<em>utilisabilité</em>, d’implémentation, ou encore <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31189203">sur les mésusages et les erreurs d’utilisation des dossiers patients informatisés</a>.</p>
<h2>Passer des recommandations aux certifications obligatoires</h2>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62016CJ0329">justice européenne</a> a récemment reconnu qu’un « logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre‑indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical ».</p>
<p>Ce jugement explicite le fait que les fonctionnalités d’aide à la prescription et de vérification des prescriptions des médicaments sont des <a href="https://www.ansm.sante.fr/Activites/Mise-sur-le-marche-des-dispositifs-medicaux-et-dispositifs-medicaux-de-diagnostic-in-vitro-DM-DMIA-DMDIV/Logiciels-et-applications-mobiles-en-sante/(offset)/2">dispositifs médicaux</a>, donc aussi les DPI qui intègrent ces fonctionnalités. À ce titre, ces logiciels doivent répondre à de nombreuses exigences, dont certaines d’ergonomie (<em>utilisabilité</em>), pour être certifiés, recevoir le <a href="https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Dispositifs-medicaux/La-mise-sur-le-marche-d-un-dispositif-medical/(offset)/1">marquage CE</a> et être mis sur le marché. Ces exigences ne sont cependant pas évidentes à satisfaire pour des fonctionnalités aussi complexes que la prescription.</p>
<p>Par ailleurs, ces certifications sont chères et prennent du temps. Leur mise en place risque donc de favoriser les grandes entreprises au détriment des start-up. Pour pallier ce problème, on peut envisager un fléchage de financements publics afin de prendre en charge ces coûts, puisque l’objectif est in fine de construire des services de santé sécurisés pour les patients. Quoi qu’il en soit, normes et certifications doivent être imposées par le régulateur. Imaginerions-nous, dans le secteur aéronautique ou nucléaire, des logiciels qui soient laissés au seul bon vouloir des acteurs ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire des dossiers patients informatisés montre qu’une mauvaise conception des logiciels utilisés par les soignants peut se traduire par une surcharge de travail et des erreurs médicales.Roxana Ologeanu-Taddei, Maitre de conférence habilitée à diriger des recherches en Management des systèmes d'information, Polytech Montpellier, Université de Montpellier, Université de MontpellierRomaric Marcilly, Chargé de mission Recherche, Centre hospitalier régional universitaire de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1245202019-10-08T20:40:39Z2019-10-08T20:40:39Z« Médecine personnalisée » : attention à la collecte massive des données<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295021/original/file-20191001-173347-1vm9p80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=278%2C17%2C5667%2C3458&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La collecte massive de données de santé offre la perspective d’une médecine sur mesure.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2OTk2MjM1OSwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMzI2MzA1OTY0IiwiayI6InBob3RvLzMyNjMwNTk2NC9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiU3JnNnlDZ1huVzF6R0lMZ25Pa3pzMzBHWlA4Il0%2Fshutterstock_326305964.jpg&ir=true&pi=11079995&m=326305964&src=TTcrEcyA-wwJSCRrqKYbRQ-1-17">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Pas une semaine ne passe sans que la collecte et l’analyse des données personnelles ne fasse l’objet d’un article dans la presse. Après le scandale <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/03/20/l-affaire-cambridge-analytica-plonge-facebook-dans-une-crise-historique_5273376_4408996.html">Cambridge Analytica</a>, c’est le sort réservé aux données personnelles collectées par la <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/03/20/alain-michel-ceretti-restons-calmes-aujourd-hui-doctolib-n-a-pas-acces-a-mon-dossier_1716457">plateforme Doctolib</a> qui s’est trouvé au cœur des débats.</p>
<p>Collecter des données par le biais d’un site Internet de mise en relation avec des professionnels de la santé est classique : cela permet notamment de connaître le nom ou l’adresse d’une personne. Mais via ce procédé, d’autres éléments relatifs à la prise de rendez-vous sont recueillis (spécialité du professionnel, fréquence des rendez-vous). Autant d’éléments qui peuvent informer sur l’état de santé d’une personne.</p>
<p>De telles données personnelles présentent une utilité pour la recherche en santé mais leur usage risque aussi d’être détourné à des fins moins nobles.</p>
<h2>Vers une médecine personnalisée</h2>
<p>Mieux connaître la santé d’une population ou de patients, leur environnement ou leurs habitudes de vie grâce à leurs données personnelles, doit en effet permettre de développer une <a href="http://www.senat.fr/rap/r13-306/r13-3061.pdf">médecine personnalisée</a>.</p>
<p>On résume celle-ci par la classique formule des « quatre P » pour désigner une médecine de précision, prédictive, préventive et participative. Cette formule est utilisée par son promoteur le biologiste américain, Leroy Hood, qui a participé à la mise au point d’instruments de séquençage de l’ADN pour la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2945014/">récolte de données biologiques</a> à haut débit. Présentée comme une véritable révolution qui changerait les pratiques médicales, elle vise à proposer des thérapies sur-mesure ciblant des sous-groupes de la population, voire, à terme, des individus en fonction de leurs caractéristiques propres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1062527252381028352"}"></div></p>
<p>L’idée de médecine personnalisée est née à la fin des années 1990. Les avancées en matière de séquençage du génome humain offraient alors leurs premières promesses dans le domaine médical, notamment pour prédire certaines maladies, comme le cancer. L’intérêt pour ce concept est aujourd’hui ravivé par le champ de possibilités qu’ouvre la collecte massive de données.</p>
<p>L’objectif est d’analyser l’ensemble de ces données à l’aide d’algorithmes sophistiqués qui peuvent opérer en <a href="https://www.senat.fr/rap/r18-401/r18-401.html">intelligence artificielle</a> afin de suivre la progression d’une maladie chronique, ou bien détecter des déterminants de pathologie, des facteurs de risque, ou les liens entre une pathologie et un comportement, par exemple un comportement alimentaire. Ces mêmes outils numériques sont aussi utilisés pour assister les médecins dans certaines pratiques, comme l’analyse des images issues des examens radiologiques.</p>
<h2>Une myriade d’acteurs impliqués</h2>
<p>Les acteurs impliqués dans ces projets de collecte et d’analyse des données en masse sont nombreux. Des instituts publics, tout d’abord, comme des organismes de soin et de recherche – certains centres hospitaliers ont ainsi lancé la création <a href="https://www.chu-nantes.fr/se-reinventer-pour-anticiper-la-medecine-de-demain--79258.kjsp">d’entrepôts des données de santé</a> afin de conserver dans un seul lieu et sous format numérique toutes les informations sur leurs patients. L’État français a lui aussi investi dans le domaine avec le lancement en 2018 du <a href="https://www.health-data-hub.fr/"><em>Health data hub</em></a>, mais aussi avec la réforme du Système national des données de santé intervenue en juillet 2019 – laquelle a remplacé l’Institut national des données de santé par la Plateforme des données de santé.</p>
<p>Ce <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000038124322&type=general&typeLoi=proj&legislature=15">programme ambitieux</a> s’attache à regrouper l’accès à des données très diverses : par exemple celles collectées dans le cadre du soin (public ou privé) pris en charge par l’assurance maladie, les données sur les remboursements de ces soins, ou encore sur les causes de décès.</p>
<p>À ce mouvement de fond dans le public s’ajoute celui des acteurs privés : des plates-formes de services en ligne ont vu le jour, comme celles qui proposent d’archiver pour vous vos données personnelles de santé. Parmi ces acteurs privés émergent aussi des fabricants de dispositifs connectés en santé, parfois ludiques, dont les mesures permettent de sonder l’état de santé d’une personne. Sans oublier les hébergeurs de données de santé chargés de conserver, pour des tiers, des données de santé. Ce sont ces marchés croissants qui suscitent les inquiétudes les plus vives autour de la protection de la vie privée des individus.</p>
<h2>Le risque d’un traitement intrusif des données</h2>
<p>Ces données collectées et analysées sont bien souvent personnelles, c’est-à-dire qu’elles permettent d’identifier ou de rendre identifiable un individu. Comme évoqué précédemment, elles sont recueillies de diverses façons : dans le cadre des soins courants (par exemple lors de la prise en charge à l’hôpital), des tests et dépistages (notamment génétiques), ou encore par des dispositifs médicaux (tel qu’un pacemaker connecté) ou des objets plus ludiques comme la balance connectée.</p>
<p>Du fait de la multiplicité de ces modes de collecte, les données ne sont ni centralisées ni d’égale fiabilité. Mais elles sont surtout extrêmement variées : données de soin, de recherche en santé, sur les habitudes sportives, les comportements alimentaires, la sédentarité, la situation géographique et, plus généralement, le mode de vie.</p>
<p>Leur combinaison fournit aussi des informations sur d’autres personnes que les individus eux-mêmes, à l’instar de leurs proches. Le traitement de ces données personnelles peut donc s’avérer très intrusif et produire des impératifs thérapeutiques ou des formes de culpabilisation morale sur les manières de s’alimenter, de bouger, de dormir, de s’exposer à des toxiques ou encore des facteurs de stress.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"902011795724001280"}"></div></p>
<h2>Le risque du contrôle sur nos comportements</h2>
<p>En permettant une connaissance plus précise et actualisée de l’état de santé des patients et des assurés, cette collecte massive présente également, à terme, le risque d’un contrôle des comportements qui affectent la santé.</p>
<p>Les données peuvent en effet devenir des instruments de preuve pour démontrer que l’hygiène de vie du patient ou de l’assuré n’est pas suffisamment saine. Plane alors la menace de leur utilisation à des fins de contrôle social et sanitaire. <a href="https://petra.generali.fr/sites/default/files/brochure%20vitality%20nov%202016.pdf">Certaines complémentaires santé</a> proposent ainsi des objets connectés en santé aux assurés, et leur fournissent des bons d’achat en contrepartie de leur bonne utilisation.</p>
<p>Si la récupération et l’analyse des données en santé n’est pas un fait nouveau, la variété des acteurs concernés et la quantité d’informations collectées interrogent. Outre la question de l’autonomie professionnelle et de la place laissée à la décision individuelle des soignants face aux algorithmes, les risques d’atteintes à la vie privée des personnes sont réels.</p>
<p>Dans un système où les comportements sont soumis aux contrôles, quelle place sera laissée au principe de solidarité dans la répartition du coût des soins alors même que les individus ont inégalement accès aux « bonnes pratiques » ?</p>
<p>Si le traitement des données massives entend prévenir les risques sociaux et sanitaires par une médecine personnalisée, ces derniers pourraient bien être utilisés à l’encontre des individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adeline Perrot a reçu des financements de la Fondation maladies rares.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Margo Bernelin, Mauro Turrini et Émilie Bovet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Si elle apparaît prometteuse, la médecine personnalisée induit aussi une collecte des données dont les dérives seront difficiles à contenir.Margo Bernelin, Docteur en droit privé, Université de NantesAdeline Perrot, Docteure en sociologie, Université de NantesÉmilie Bovet, Maître d'enseignement à la Haute Ecole de Santé Vaud, Lausanne et post-doctorante à l'Université de Nantes, Université de NantesMauro Turrini, Docteur en sociologie, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1188772019-09-17T19:02:22Z2019-09-17T19:02:22ZPourquoi les professionnels de santé doivent se former à la « santé connectée »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292805/original/file-20190917-19068-imabiz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4792%2C2700&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après des premiers tests encourageants, la réalité virtuelle pourrait envahir demain les blocs opératoires</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/surgeons-wearing-virtual-reality-glasses-perform-1152709370?src=Eb3Z636ccUnwe4zoV3k_Sg-1-23">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Qu’il s’agisse d’améliorer le parcours de soin, de fournir une assistance à distance à un chirurgien, de mieux surveiller les maladies chroniques ou, d’une façon générale, d’optimiser les parcours de soin, la santé connectée est en train de bouleverser l’organisation du système de santé.</p>
<p>Au cours des dernières années, la santé connectée est aussi devenue une nouvelle discipline de recherche, ce qui s’est naturellement accompagné d’un besoin de formations diplômantes.</p>
<h2>Qu’est-ce que la « santé connectée » ?</h2>
<p>Dans son <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/edition/lu5yh9/medecins-sante-connectee.pdf">acception la plus large</a>, l’expression « santé connectée » recouvre la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/la-telemedecine">télémédecine</a> (acte médical à distance tel que défini par la loi) et le télésoin (acte à distance réalisé un pharmacien d’officine ou un professionnel de santé), les objets connectés en santé, les applications de télésuivi (échanges de données à distance permettant de suivre un patient) et d’e-coaching (programme d’aide au changement de comportement qu’il soit ou non automatisé), l’intelligence artificielle ainsi que toutes les solutions diagnostiques et autres outils numériques en rapport avec la santé et le bien-être.</p>
<p>L’espoir suscité par ces nouvelles technologies dans le domaine médical est d’apporter des solutions dans la prise en charge des patients et dans l’organisation du système de soins, aussi bien en terme de prévention que pour le traitement des maladies. À l’heure actuelle, l’intérêt de la plupart de ces outils numériques n’est pas scientifiquement avéré. La preuve de leur efficacité reste souvent encore à apporter. Cependant, on ne peut s’en désintéresser.</p>
<p>En effet, certains objets connectés et, surtout, leur utilisation dans le cadre d’un parcours de soin bien structurés, ont montré leur intérêt médical. C’est par exemple le cas dans le domaine du traitement de l’<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2701733">hypertension artérielle</a> et <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1002098">du diabète</a> : l’utilisation d’un auto-tensiomètre ou d’un lecteur d’auto-surveillance de la glycémie, avec envoi des données aux soignants pour qu’ils puissent optimiser le traitement à distance, ont déjà fait la preuve de leur efficacité.</p>
<p>Des publications scientifiques de qualité commencent à faire émerger des solutions prometteuses dans d’autres domaines, comme celui de l’insuffisance cardiaque ou du cancer. Ainsi en France, la télésurveillance médicale de l’insuffisance cardiaque (ainsi que du diabète) est prise en charge dans le cadre d’une expérimentation à grande échelle, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/etapes-experimentations-de-telemedecine-pour-l-amelioration-des-parcours-en">programme ETAPES</a>.</p>
<p>Les nouvelles applications de l’intelligence artificielle (IA) doivent aussi être surveillées de près : en dermatologie, des travaux récents ont par exemple démontré la performance d’une technique basée sur l’intelligence artificielle <a href="https://doi.org/10.1093/annonc/mdy166">pour le diagnostic de mélanome</a>.</p>
<h2>Principaux domaines d’application</h2>
<p>En terme de nouvelles technologies appliquées à la santé, trois grands axes se dessinent depuis quelques années :</p>
<ul>
<li><p><strong>Le parcours de soins à distance</strong> avec le développement de la téléconsultation (consultation médicale à distance), de la télésurveillance (surveillance à distance d’un patient et de sa pathologie), de la téléexpertise (expertise apportée à un soignant par un spécialiste sur un problème particulier) et du télésoin (pratique de soins à distance utilisée par un soignant non médecin). Les objets connectés et applications diverses s’intègrent dans ces parcours de soin, à condition d’être correctement prescrites et utilisées par les soignants et les patients. Former les prescripteurs et les développeurs devient une priorité.</p></li>
<li><p><strong>L’intelligence artificielle</strong> est en train de révolutionner la prise en charge des malades, en particulier en raison de la création d’algorithmes permettant améliorer le diagnostic. Ici encore, fournir des connaissance aux étudiants et professionnels pour comprendre en quoi consistent vraiment les techniques recourant à l’IA sera une des missions des universités.</p></li>
<li><p><strong>La réalité augmentée et virtuelle</strong> et ses applications en médecine <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/premiere-mondiale-une-operation-en-realite-augmentee_117099">ainsi qu’en chirurgie</a> ouvrent également de nouvelles perspectives. La réalité virtuelle est par exemple utilisable dans le traitement des troubles phobiques en psychiatrie : l’immersion de patients dans un univers virtuel évoquant les situations phobiques <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28540594">fait régresser leurs symptômes</a>. Elle pourrait aussi devenir un outil pédagogique pour l’enseignement de la médecine et des techniques chirurgicales.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xUVMeib0qek?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une opération collaborative de l’épaule, assistée par réalité augmentée, réalisée en 2017 dans un hôpital de l’AP-HP (cette vidéo contient des images de chirurgie qui peuvent heurter certaines sensibilités).</span></figcaption>
</figure>
<p>Preuve s’il en est de l’intérêt suscité par ces nouvelles technologies : après l’apparition de quelques revues pionnières, en particulier le <a href="https://www.jmir.org/"><em>Journal of Medical Internet Research</em></a>, les grands journaux scientifiques se sont également positionnés sur ce créneau. Ils ont ainsi créé des revues dédiées, telles que <a href="https://www.thelancet.com/journals/landig/home"><em>The Lancet digital Health</em></a> ou <a href="https://www.nature.com/npjdigitalmed/"><em>Nature Digital Medicine</em></a>. Les universités, elles aussi, se positionnent, même si l’offre de formation n’en est encore qu’à ses débuts.</p>
<h2>Un manque d’offre de formation</h2>
<p>Si, dans les écoles d’ingénieurs et de commerce, de nouveaux enseignements dédiés à la santé connectée sont apparus il y a moins de cinq ans, la situation est différente dans les facultés de médecine. Jusqu’à très récemment, la santé connectée n’était pas enseignée au cours des études médicales, ni dans les cursus de formation du personnel paramédical et administratif.</p>
<p>Les choses sont cependant en train d’évoluer, et des formations universitaires ont récemment vu le jour un peu partout en France, tel que le diplôme interuniversitaire (DIU) de la <a href="https://www.sf-telemed.org/qui-sommes-nous.html">Société française de télémédecine</a>. Ces formations proposent des diplômes apportant des connaissances théoriques sur des volets spécifiques de la santé connectée (juridiques, éthiques, télémédecine…).</p>
<p>Pour compléter cette offre de formation, un enseignement pratique, pluridisciplinaire et généraliste <a href="http://www.medecine-connectee.fr/">sur la santé connectée</a> a été créé en 2018 <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pTRBQRM1Zu4&feature=youtu.be">à l’université Paris-Diderot</a>. Celui-ci insiste particulièrement sur la mise en situation, au travers de la conception d’un projet d’e-santé. Sa particularité est de regrouper, au sein d’une même promotion, des étudiants et professionnels d’horizons divers (ingénieurs, juristes, soignants…). Cette pluridisciplinarité vise à favoriser non seulement l’acquisition des connaissances, mais aussi les retours d’expérience, positifs comme négatifs, qui font parfois défaut pour mener à bien les projets de santé connectée.</p>
<p>La mise en place de formations de haut niveau est indispensable si l’on veut négocier correctement le virage numérique qui s’annonce en santé. C’est d’autant plus important que dans notre pays, les débouchés en santé connectée promettent d’être nombreux : le marché français de la santé connectée pèserait selon la direction générale des entreprises 3 milliards d’euros, et 410 milliards d’euros <a href="https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/e-health-market">pourraient être investis d’ici 2022</a> dans le secteur de la santé, sur les services numériques et les objets connectés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Hansel est associé de la société IRIADE.
Boris Hansel reçoit des financements de la fondation de l'AP-HP et de l'association de recherche Robert Debré pour la recherche dans le cadre des travaux de recherche.
Boris Hansel est co-directeur du diplôme universitaire "Enseignement pratique pluridisciplinaire de la santé connectée", Université de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Nataf est co-directeur du diplôme universitaire "Enseignement pratique pluridisciplinaire de la santé connectée", Université de Paris.</span></em></p>La santé connectée pourrait transformer les pratiques, et représenter un marché de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les années à venir.Boris Hansel, Médecin, Maître de conférences des universités-praticien hospitalier, Inserm U1138, Université Paris CitéPatrick Nataf, Chair professor, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1136752019-03-19T21:18:40Z2019-03-19T21:18:40ZVidéo : Les transformations de la santé numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264202/original/file-20190316-28468-1j02aqp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C611%2C344&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Johanna Habib sur le plateau de Xerfi canal.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dans cette lettre <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%40ZH%2B5jg61gM3H4W7grYZHALvo6QlBFuKRCmbtg8CMmNc%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=FG160319">« Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a>, datée du 16 mars, Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la faculté Jean Monnet de l’Université Paris-Sud et rédacteur en chef de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue Française de Gestion</a>, reçoit Johanna Habib, professeur agrégé des Universités en sciences de gestion à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, pour parler des transformations de la santé numérique.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/289652622" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a> peuvent être consultées sur Xerfi canal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Denis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La santé numérique est déjà une réalité, qui révèle une étonnante variété de pratiques et d’usages.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1102342019-01-21T19:43:34Z2019-01-21T19:43:34ZAutour de l’informatique : Les robots à l’hôpital<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254756/original/file-20190121-100273-98kp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Système chirurgical robotisé, William Beaumont Army Medical Center;</span> <span class="attribution"><span class="source">Marcy Sanchez, Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p><em>Jocelyne Troccaz est Directrice de recherche CNRS au Laboratoire « Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité – informatique, mathématiques et applications » de l’Université de Grenoble. Ses travaux concernent principalement la robotique et l’imagerie médicales et sont appliqués à des domaines cliniques variés. Ainsi, ses recherches sur l’aide à la biopsie de la prostate permettent le guidage plus précis de la ponction, améliorant la prise en charge du cancer de la prostate, de loin le plus fréquent chez l’homme. Ses travaux sont au cœur des activités de plusieurs start-up valorisant les travaux du laboratoire. Cet article est co-publié avec le <a href="http://binaire.blog.lemonde.fr/">Blog Binaire</a>.</em></p>
<hr>
<p><strong>Binaire : Jocelyne, pourrais-tu nous parler de ton domaine de recherche ?</strong></p>
<p><strong>Jocelyne Troccaz :</strong> Je travaille en informatique et en robotique, au service des gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur. Il s’agit de concevoir, développer des systèmes, inventer des dispositifs pour aider les cliniciens lors de leurs interventions, pour le diagnostic, ou la thérapie. C’est prioritairement guidé par les besoins cliniques. On a les pieds dans la clinique et on espère aider les cliniciens à résoudre de vrais problèmes qu’ils rencontrent. Les domaines de l’informatique qui sont les plus pertinents dans mon travail sont le traitement d’images, du signal la robotique vue du côté de la programmation et de la modélisation et l’IHM. L’IA aussi.</p>
<p><strong>Comment en es-tu arrivée là ?</strong></p>
<p>J’ai suivi une licence, une maîtrise et un DEA d’informatique. J’ai étudié l’intelligence artificielle avec Jean‑Claude Latombe et Christian Laugier en particulier, le raisonnement géométrique pour comprendre et reproduire le mécanisme de la préhension d’objets par des robots. Il n’y avait là rien de médical. Après avoir soutenu ma thèse en 1986, je suis entrée au CNRS en 1988. En 1990, je me suis réorientée en rejoignant un laboratoire CNRS de Technologies pour la Santé à l’Université de Grenoble, TIMC, physiquement implanté à l’intérieur du CHU. C’est là que j’ai rencontré le domaine médical et j’ai découvert que c’était à cela que je désirais consacrer mon énergie et ma créativité. Je me suis même posé la question d’entreprendre des études de médecine. Je ne l’ai pas fait, mais j’en ai appris suffisamment pour comprendre les problèmes cliniques et essayer de trouver des solutions.</p>
<p><strong>Qu’est ce qui est spécifique à la robotique médicale ?</strong></p>
<p>Les êtres humains. Pendant ma thèse, quand on mettait des robots en marche, tout le monde se tenait à distance car c’était potentiellement dangereux. À TIMC, l’une des premières interventions que j’ai vues, c’était un bras robotisé qui passait à dix centimètres de la tête d’un patient, j’étais effarée. Le robot est à côté, voire à l’intérieur du patient. Les cliniciens sont tout proches. De plus, les tâches qu’on va faire faire au robot ne sont pas stéréotypées comme dans une ligne d’assemblage. Chaque patient est un cas particulier ; parfois aussi, les organes bougent ou se déforment, et le robot doit s’adapter en permanence. Et puis, un bloc opératoire est un environnement très contraint en termes d’espace, avec des contraintes de propreté, des contraintes électromagnétiques, etc., et toute une batterie de règlements auxquels il faut obéir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254749/original/file-20190121-100285-1edzzh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Utilisation de la fusion d’images en urologie pour les biopsies de prostate : visualisation per-opératoire d’une zone cible (en rouge) et de la forme de la prostate (maillage) issues de l’IRM préopératoire ainsi que des biopsies déjà réalisées (cylindres verts, jaunes et rouges).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Koelis</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>Ce sont toutes ces contraintes qui guident les comportements des robots ?</strong></p>
<p>Les images du patient sont à la base des décisions. Il faut être capable d’y lier la planification des gestes. Il faut fusionner des informations provenant de plusieurs sources, modéliser des processus de déformation des organes sur lesquels on agit. On utilise des capteurs, mais on utilise aussi des modèles statistiques, biomécaniques, ou mixtes. Il faut également gérer les interactions entre l’utilisateur et le robot.</p>
<p>Et d’autres problématiques peuvent intervenir. Par exemple, pour des minirobots qui vont dans le corps du patient et peuvent y demeurer, on a la question des sources d’énergie. On travaille sur un tel robot et on se propose de lui fournir de l’énergie en utilisant les ressources du corps humain (sucre, ions, etc.). On fait coexister biologie et robotique.</p>
<p>C’est par exemple, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11852828">M2A</a>, un objet autonome à peu près de la taille d’un gros antibiotique. Le patient l’avale ; dedans il y a une caméra, de la lumière, des batteries ; ce dispositif prend des images de l’intérieur du tractus digestif, et périodiquement les envoie à un boîtier qui se trouve à la ceinture du patient. C’est utile pour des examens endoscopiques, en particulier pour la zone médiane de l’intestin qu’il est difficile à atteindre par moyen classique. Ce type de système est passif et de nombreuses équipes cherchent à pouvoir en contrôler la trajectoire.</p>
<p><strong>Quels sont les grands défis de ta discipline ?</strong></p>
<p>Un défi est la question de l’autonomie décisionnelle des robots. Par exemple, en radiothérapie, on délivre des rayons X sur une tumeur, et plus il y a des incidences nombreuses avec des petits faisceaux, plus vous pouvez être précis. C’est comme faire de la peinture avec un rouleau ou avec un pinceau fin. Un robot nommé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberknife">Cyberknife</a> existe actuellement en radiothérapie, et il porte un système d’irradiation. À ce robot, les chercheurs ont ajouté la capacité de suivre la respiration du patient. Quand on respire, la tumeur bouge. Ils ont développé un modèle qui corrèle le mouvement facilement détectable de la cage thoracique avec celui de la tumeur, et le robot utilise cela pendant le traitement pour mieux diriger les radiations vers celle-ci. Avec une telle autonomie de prise de décision, il faut garantir la sécurité ; le partage des prises de décision avec un opérateur humain devient un défi important. Aujourd’hui, l’homme décide, le robot réalise. Mais on assiste à un début de glissement : le robot décide certaines choses. Plus on aura des robots qui agissent de manière un peu autonome sur des tissus mous où tout n’est pas modélisable a priori, plus ces questions se poseront.</p>
<p>Un autre défi, qui n’est pas spécifiquement lié à la robotique, c’est de pouvoir démontrer une valeur ajoutée clinique. Qu’on développe un dispositif, un robot, ou une méthode de traitement d’images médicales, il faut en faire une évaluation technique : cela doit être correct, répétable, et conforme à ce qu’on devrait avoir. Mais il faut aussi démontrer un bénéfice clinique : par exemple, il y a moins d’effets secondaires, ou le patient passe moins de temps à l’hôpital, ou ça coûte moins cher, etc. Ce n’est pas toujours simple. Par exemple on parle beaucoup du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Da_Vinci_(chirurgie)">robot médical Da Vinci</a>, mais il coûte très cher et en ce qui concerne son bénéfice clinique pour les patients, les études sont contradictoires. Par contre, il est certain que la formation des cliniciens à la technique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C5%93lioscopie">laparoscopie</a> est beaucoup plus simple et rapide avec ce robot.</p>
<p>Il y a des difficultés spécifiques au travail avec des cliniciens. Quand on travaille avec des gens d’un domaine différent du sien, il peut être difficile de se comprendre. Déjà, il y a le problème du vocabulaire : la première année, je ne comprenais rien au jargon médical. On finit par apprendre et on découvre alors le plaisir d’interagir avec des personnes d’une culture très différente. C’est une chance et une richesse d’avoir un labo si proche des cliniciens du CHU.</p>
<p><strong>N’y a-t-il pas un risque, pour l’humain, d’être dessaisi du pouvoir décisionnel, de se retrouver juste là à admirer ce que fait le robot ?</strong></p>
<p>De mon point de vue, l’idée n’est pas de remplacer le clinicien. Pour les choses que nous faisons bien, ce n’est pas la peine de remplacer l’humain par une machine ; il y a beaucoup de choses que l’humain fait mieux que le robot. Pour la dextérité, les gestes fins de l’humain peuvent être excellents grâce à sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Haptique">perception haptique</a>. Pour l’intelligence, l’humain est très bon en ses capacités d’analyse et de prise de décision surtout dans des conditions critiques. Il faut voir ces dispositifs comme le moyen de faire faire aux robots des choses que nous ne faisons pas bien nous-mêmes ou avec des moyens non robotisés. Aujourd’hui, si on confie des tâches à un robot qui travaille de manière autonome, ce sont des tâches encore limitées ; par exemple, quand le robot se synchronise sur la respiration du patient pour la radiothérapie.</p>
<p>Évidemment, je parle de la situation actuelle, mais avec le <em>deep learning</em> et les évolutions futures, il y aura sans doute de plus en plus de tâches et des tâches de plus en plus complexes qui seront déléguées à des machines. En tout cas, ce qui me semble fondamental, c’est que si un robot prend des décisions, il puisse les expliquer aux humains qui l’accompagne et que ces méthodes permettent l’interaction et la prise de décision conjointe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254752/original/file-20190121-100273-9qo88a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Utilisation d’un robot porte-endoscope contrôlé par commande vocale. Le dispositif développé au laboratoire TIMC a été industrialisé par la société Endocontrol Medical.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CHU Grenoble Alpes</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p><strong>De ta formation initiale, qu’est ce qui t’a été utile pour ta recherche ?</strong></p>
<p>À l’époque, en informatique, on apprenait surtout à programmer, à faire de l’algorithmique. Ça apprend à réfléchir de manière méthodique, et structurée c’est extrêmement important. On enseignait aussi les algorithmes numériques, qui ne me passionnaient pas, mais je le regrette un peu, car ça m’est utile tous les jours. Mes cours d’électronique, je ne suis pas sûre que ça m’ait servi à grand-chose. Globalement, je crois que ma formation m’a assez bien préparée. Et puis, on apprend beaucoup « sur le tas » : la robotique, je l’ai apprise en faisant ma recherche parce qu’elle n’était pas encore enseignée. Par contre, les mathématiques de base, les manipulations de matrices par exemple, c’est évidemment indispensable et ça, il vaut mieux l’avoir appris dans ses études. Peut-être une chose qui m’a manquée, c’est d’apprendre une méthodologie expérimentale, pour concevoir une expérience, analyser ses résultats, comprendre ce qui ne marche pas. J’ai surtout appris cela « sur le tas ».</p>
<p><strong>Apprendre « la robotique », qu’est-ce que ça veut dire ?</strong></p>
<p>Dans mon premier laboratoire, on travaillait sur les aspects algorithmiques de la robotique, la modélisation géométrique, la prise de décision. En arrivant à TIMC, je m’imaginais connaître la robotique, mais j’y ai découvert d’autres aspects indispensables : la calibration de robot, la préparation de manips, le contrôle de plus bas niveau du robot et bien évidemment l’imagerie qui nourrit la planification du robot. Ce que j’aime dans la robotique, c’est la diversité des tâches et des disciplines concernées. Nous écrivons beaucoup de programmes informatiques. Mais, il nous arrive aussi de concevoir des robots, c’est-à-dire d’inventer des dispositifs nouveaux d’un point de vue architectural, d’un point de vue physique, introduisant de nouvelles formes d’interactions avec les humains. On va jusqu’à la réalisation de ces dispositifs, y compris leur mise en œuvre clinique.</p>
<p><strong>Quelles sont des choses que tu as faites et dont tu es particulièrement fière ?</strong></p>
<p>Je suis fière de travaux sur la « co-manipulation » réalisés dans les années 1990 que j’appelais « robotique synergique » et qui étaient très innovants. L’outil est porté par le robot mais tenu également par l’opérateur humain. Ainsi le robot peut « filtrer » les mouvements proposés par l’opérateur. Cela permet de faire cohabiter planification globale et ajustement local, assistance robotisée et sécurité car le clinicien est « dans la boucle ». Cette approche intéresse beaucoup les cliniciens.</p>
<p>Les autres choses dont je suis le plus fière sont les systèmes qu’on est arrivé à amener jusqu’à une utilisation clinique. Il n’y a rien de plus gratifiant que de voir son propre système utilisé sur des patients en routine clinique. Par exemple, je travaille avec le CHU de Grenoble et la Pitié-Salpêtrière sur le cancer de la prostate depuis longtemps, du point de vue à la fois du diagnostic et du traitement.</p>
<p>Côté diagnostic, pour faire une biopsie de la prostate, il y a des carottes de tissu qui sont prélevées puis examinées au microscope. Ces biopsies sont faites sous contrôle échographique, avec une sonde mise dans le rectum du patient. Or la prostate est un peu comme une châtaigne, et quand on bouge la sonde ça bouge la prostate ; du coup ce n’est pas très facile de savoir où est faite la biopsie. En cas de cancer, la recommandation en France, c’est de faire 12 biopsies, les « mieux réparties possibles » dans la prostate. Comment vous faites pour bien les répartir ? L’idée qui a germé a été de développer des méthodes de fusion de données ultrasonores, échographie et IRM. On travaille en 3D. On a développé des méthodes de recalage d’image pour s’orienter dans l’espace. J’ai eu la chance d’avoir deux étudiants en thèse brillants, l’un urologue et l’autre d’une école d’ingénieur sur ce thème. Les méthodes de recalage en trois dimensions se sont avérées robustes et complètement automatiques. Cela a débouché sur un dispositif industriel de la société KOELIS. Plus de 250 000 patients ont maintenant eu des biopsies avec ce dispositif, dans 20 pays, sur 4 continents.</p>
<p>Au début, certains urologues disaient que ça ne servait à rien, qu’ils se débrouillaient bien sans, mais leur point de vue a évolué. La chirurgie peut avoir des effets secondaires graves d’incontinence ou d’impuissance, et les gens se posent donc beaucoup de questions sur la décision de traitement et son type, alors si on sait mieux faire les biopsies, on peut faire un traitement plus adapté. Les gens ont commencé à dire qu’au lieu d’enlever la prostate toute entière, si on localise mieux le cancer, on peut n’enlever qu’une partie de la prostate. On était dans une phase d’évolution de la pratique clinique et l’outil développé allait dans le sens de cette évolution. Il est maintenant très bien accueilli.</p>
<p>L’informatique s’est rendue indispensable à la médecine. On a construit les premiers scanners il y a cinquante ans. Le scanner n’existerait pas sans l’informatique. Les dispositifs d’imagerie qui sont capables de reconstruire une image en trois dimensions à partir de radios n’auraient pas d’existence s’il n’y avait pas de tomographie.</p>
<p><strong>Comment vois-tu une bonne formation d’étudiants ?</strong></p>
<p>Pour ce qui est de l’informatique, ce serait bien si les élèves avec un master d’informatique avaient une formation un peu plus homogène. C’est génial de picorer des choses à droite à gauche, mais ça rend leur intégration plus difficile pour nous, car les étudiants peuvent avoir le diplôme et avoir des lacunes importantes sur des aspects basiques de l’informatique.</p>
<p>Pour ce qui est de la formation en médecine, on voit se développer des simulateurs informatisés pour la médecine et la chirurgie. Les étudiants ne pratiquent plus une opération la première fois directement sur un corps vivant ou sur un cadavre, ils s’entraînent sur des simulateurs. L’informatique est utile pour cela aussi.</p>
<p>On a développé un simulateur de biopsie, pour enseigner aux étudiants à faire des biopsies sur simulateurs avant de les leur faire réaliser sur des patients. Pour la biopsie de la prostate, il y a eu une expérimentation avec deux groupes d’étudiants en médecine, un groupe avec une formation traditionnelle sur cadavre, et un groupe formé sur le simulateur. Le groupe formé avec simulateur était vraiment meilleur.</p>
<p>La recherche à l’interface entre santé et informatique est passionnante. La plupart de nos étudiants attrapent très vite la fibre. Même si parfois, les challenges posés à l’informatique sont hyper intéressants et que cela peut conduire à des résultats fondamentaux, nous sommes également très motivés par la résolution de questions posées par la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Entretien avec Jocelyne Troccaz, spécialiste de robotique médicale. Ses recherches sur l’aide à la biopsie de la prostate améliorent la prise en charge de ce cancer masculin.Serge Abiteboul, Directeur de recherche à Inria, membre de l'Académie des Sciences, École normale supérieure (ENS) – PSLClaire Mathieu, Directrice de recherche CNRS, Paris, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1090472019-01-10T18:56:53Z2019-01-10T18:56:53ZTélémédecine, e-santé : pourquoi ça coince ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253223/original/file-20190110-32127-18yjw8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C171%2C5979%2C3836&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="http://thesesante.ups-tlse.fr/2282/1/2018TOU31105.pdf">Objets connectés</a> et Internet des objets, <a href="https://www.lesechos.fr/31/08/2018/lesechos.fr/0302189761881_comment-une-ia-a-ete-autorisee-a-poser-un-diagnostic.htm">algorithmes de diagnostic</a> liés à l’essor de l’Intelligence artificielle (IA), <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-blockchain-une-technologie-a-fort-potentiel-dans-la-sante.N673619">blockchain</a>… Dans le secteur de la santé comme ailleurs, les nouvelles technologies se multiplient, ouvrant des perspectives prometteuses pour la télémédecine et l’e-santé.</p>
<p>Cette nouvelle vague technologique suscite de nouveaux espoirs, pourtant les avancées promises par la précédente peinent encore à se concrétiser. Comment expliquer ces blocages ? Et comment amener patients et professionnels de santé vers ces nouveaux usages ?</p>
<h2>Les technologies n’existent que dans l’usage</h2>
<p>Développés depuis de nombreuses années, les systèmes d’information cliniques tels le <a href="https://www.caducee.net/DossierSpecialises/systeme-information-sante/dmi.asp">dossier patient informatisé</a> ou les nombreux systèmes spécialisés de télémédecine, tels que ceux destinés à assurer le suivi des patients à domicile (en <a href="http://comparatif-logiciels-medicaux.fr/actualite/telemedecine-les-cardiologues-se-lancent-dans-la-telesurveillance-par-etapes">cardiologie par exemple</a>) ne donnent pas encore lieux à des usages pérennes. Pas plus qu’ils n’ont permis l’émergence de nouveaux modèles d’affaires pour les entreprises qui les proposent.</p>
<p>Il en va de même pour le <a href="https://www.dmp.fr/">dossier médical partagé</a> (DMP). Si ce dernier a constitué une <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/le-dossier-medical-partage-dmp-c-est-pas-gagne-797777.html">des actualités chaudes de la fin d’année 2018</a>, c’est avant tout en termes d’usages proposés aux professionnels de santé et aux patients. Car du point de vue technique, il s’agit d’un projet qui évolue depuis plus de 10 ans… Comment expliquer cette lenteur ? Tout est question d’usage, justement.</p>
<p>Les technologies n’existent que dans l’usage : si innovation il y a, elle ne provient pas tant de la technologie en elle-même que de son usage. Une erreur courante, bien connue dans le secteur des technologies de l’information, consiste à penser qu’il suffit de construire une technologie pour attirer des utilisateurs (« build it and they will come »). Cependant la réalité est bien différente.</p>
<p>Aujourd’hui comme hier, l’erreur à éviter est de se concentrer sur le potentiel d’innovation technique des nouvelles technologies, sans chercher à lever les barrières identifiées de longue date, mises en évidence lors de l’introduction des avancées technologiques plus anciennes. Le risque le plus important que fait courir cette attitude est de perdre les utilisateurs, et notamment le patient.</p>
<h2>Une interopérabilité limitée</h2>
<p>Une première barrière, qui existe en France et dans d’autres pays, est celle de l’absence d’interopérabilité, à savoir l’absence de partage de données entre les différents logiciels existants, basées sur des normes telles les normes ISO. Concrètement, si un professionnel de santé choisit un logiciel pour le suivi de ses patients à domicile par exemple, les données saisies, stockées et traités par ce logiciel ne pourront pas être partagées avec les utilisateurs d’autres logiciels concurrents sans passer par le développement d’une interface spécifique.</p>
<p>Or l’offre de logiciels est pléthorique et fragmentée, non seulement par spécialité, mais aussi selon les pays (rien qu’en France, il existe par exemple actuellement plus de 50 applications pour le suivi du diabète). Cette situation est bien évidemment un frein au développement de l’utilisation de ces logiciels comme je l'ai souligné dans un <a href="https://theconversation.com/la-telemedecine-pour-tous-cest-pour-demain-ou-apres-demain-86071">article précédent</a> : si le patient est suivi par un professionnel A avec le logiciel X et par le professionnel Y avec un autre logiciel et que les données le concernant ne peuvent être partagées pour sa prise en charge globale, l’utilité est limitée…</p>
<h2>Un retour sur investissement difficile à évaluer</h2>
<p>Une seconde barrière est tout simplement liée aux coûts de ces logiciels, alors que les établissements de santé sont soumis à des réductions de budgets importants. En outre, les gains apportés par leur acquisition sont difficiles à estimer, en raison du <a href="https://cs.stanford.edu/people/eroberts/cs201/projects/productivity-paradox/background.html">paradoxe de la productivité des technologies de l’information</a> : les logiciels n’étant pas assimilables à des machines de production, il est difficile de mesurer les retours sur investissements associés, malgré les promesses des éditeurs qui les promeuvent.</p>
<p>Une <a href="https://www.comptia.org/resources/it-industry-trends-analysis">étude récente</a> identifie plusieurs facteurs considérés par les entreprises clientes, tous secteurs confondus, comme des barrières à la réalisation des retours sur investissements : les coûts exponentiels de la maintenance ; l’intégration des évolutions et nouvelles versions ; le besoin en temps humain pour la gestion et la maintenance ; les coûts trop élevés par rapport aux bénéfices réalisés ; la complexité de l’usage.</p>
<p>Cela veut-il dire que ces logiciels et applications sont voués à l’échec ? Pas nécessairement. Il faudrait surtout moins se focaliser sur les retours sur investissements et les remplacer par de nouvelles propositions de valeur pour le client. Par exemple, dans le secteur de la santé, les progrès des technologies de l’information ouvrent la perspective de pouvoir suivre les patients à domicile de façon efficace et sécurisée, en limitant les séjours hospitaliers.</p>
<h2>L’importance de la qualité des données</h2>
<p>Une troisième barrière est liée à l’importance de l’information et de la donnée dans l’usage de ces logiciels. Afin d’assurer la qualité des données, il est nécessaire d’élaborer une architecture de l’information rigoureuse, qui permettra de classer correctement les informations. Il faut aussi s’assurer de la qualité des données saisies ou captées (par exemple, est-ce que les informations concernant l’historique santé du patient ont été saisies dans le champ adéquat, au sein du formulaire de saisie, et indexées dans la bonne rubrique dans la base de données ?), ce qui requiert de compléter et « nettoyer » les bases de données pour y inclure les données manquantes, rectifier celles qui ont été mal saisies ou supprimer celles qui sont redondantes.</p>
<p>Ce travail nécessite du temps humain, et c’est une tâche récurrente. Les établissements de santé et les professionnels de santé, qui sont par ailleurs en surcharge de travail, doivent la prendre en compte.</p>
<p>Enfin, une dernière barrière est liée tout simplement à la disponibilité d’un réseau Internet fiable et performant sur l’ensemble du territoire. C’est en effet dans les territoires ruraux et les déserts médicaux <a href="https://theconversation.com/transformation-numerique-uberisation-menaces-ou-opportunites-pour-le-secteur-de-la-sante-60075">que l’accès à Internet pose problème</a>, précisément là où ces technologies pourraient être le plus utile…</p>
<h2>Des technologies peu connues des patients</h2>
<p>Au-delà de ces barrières, il est nécessaire de ne pas oublier le principal intéressé : l’utilisateur final, à savoir le patient ! Or, justement, les <a href="https://www.carteblanchepartenaires.fr/sites/default/files/img-contenus/enquete_les_francais_et_la_telemedecine.pdf">résultats d’une enquête récente</a> menée par Carte Blanche Partenaires, la Société française de télémédecine (SFT) et le laboratoire MRM de l’université de Montpellier, en partenariat avec France Assos Santé et Formatic Santé, révèlent que presque la moitié des personnes interrogées (45 % des 8050 répondants) ne connaissent pas la télémédecine.</p>
<p>Le taux des personnes ayant expérimenté la téléconsultation ou la télésurveillance est très faible : en dessous de 1 %, alors que la télémédecine intègre l’utilisation de logiciels « anciens » et que les pratiques de télémédecine sont encadrées légalement depuis plusieurs années. Cette méconnaissance semble être comblée par un repli sur la relation de confiance avec le médecin de famille, dans le traditionnel <a href="https://www.legeneraliste.fr/fmc/article/2010/06/11/le-colloque-singulier_154571">colloque singulier</a>.</p>
<h2>La peur de la perte de contact, et d’une médecine à deux vitesses</h2>
<p>Le frein le plus fréquemment évoqué à l’adoption de ces usages est le risque de perte du contact humain (61 % des répondants), bien avant le risque de partage des données personnelles (27,7 %). Les réponses à la question ouverte permettant d’apporter des commentaires et points de vue sont révélatrices. L’occurrence la plus fréquente concerne le mot « contact », en lien donc avec la crainte de la perte du contact humain ainsi que la crainte d’un diagnostic de moindre qualité en l’absence de l’auscultation.</p>
<p>La crainte de remplacer l’humain par la technologie en aboutissant à une « médecine pour les pauvres » est également exprimée par de nombreux répondants. Ceux-ci se disent pourtant prêts à expérimenter la télémédecine, à condition que cela soit fait avec leur médecin traitant, qu’ils connaissent déjà, et dans certaines situations spécifiques (renouvellement d’ordonnance, interprétation de tests de laboratoire).</p>
<p>Il me semble également intéressant de noter que les seuls commentaires très positifs sur la télémédecine proviennent des personnes qui l’ont expérimentée.</p>
<h2>Informer, pour établir la confiance</h2>
<p>Ce résultat n’est pas sans évoquer les <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1995_num_45_5_403583">travaux du sociologue Anthony Giddens</a>, pour qui le concept de confiance est le concept clé pour comprendre les changements liés à la technologie dans les sociétés contemporaines. Des <a href="https://www.wiley.com/en-us/Re+Thinking+Science%3A+Knowledge+and+the+Public+in+an+Age+of+Uncertainty-p-9780745626086">auteurs en sciences sociales</a> ont montré que le manque de confiance des individus dans la technologie est dû au manque d’information ou au manque de compréhension de cette information.</p>
<p>Ce constat vaut d’autant plus pour les nouvelles technologies présentées au début de cet article : celles-ci placent en effet le patient au cœur de modèles d’affaires des plus innovants. C’est notamment le cas des projets <a href="http://www.myhealthmydata.eu/">My Health My Data</a> en Europe et <a href="https://hu-manity.co/">Hu-manity</a> aux États-Unis, qui promeuvent la gestion par les patients de leurs propres données de santé, de façon sécurisée, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9JZxIE5Ts9A">grâce à la blockchain</a>.</p>
<p>Dans un tel contexte, un travail important d’information doit être fait pour expliquer aux patients non seulement le fonctionnement de la télémédecine, mais aussi les bénéfices que les technologies de l’information en santé peuvent leur apporter, tout en les rassurant sur la transparence de la gestion de leurs données.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109047/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roxana Ologeanu-Taddei ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Régulièrement promise à un bel avenir depuis déjà plusieurs années, l’e-santé peine pourtant à prendre son essor. Retour sur les blocages qui empêchent son développement.Roxana Ologeanu-Taddei, Maitre de conférence habilitée à diriger des recherches en Sciences de gestion à Polytech Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064972018-11-13T23:02:43Z2018-11-13T23:02:43ZSanté et objets connectés : le risque de piratage, fantasme ou réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245370/original/file-20181113-194513-fxc1am.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C0%2C6689%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Demain, nos données, déjà menacées, circuleront probablement encore plus qu'aujourd'hui.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la ministre de la Santé Agnès Buzyn invite tous les Français à se faire ouvrir un carnet de santé numérique (appelé <a href="https://www.dmp.fr/">DMP</a> – dossier médical partagé), la question de la sécurité des données de santé est largement ignorée. Pourtant, s’il est une catégorie de données à caractère personnel particulièrement sensible, c’est bien celle-ci. Or, les risques de piratage des objets connectés, de santé, de bien-être, ou d’ailleurs de toute nature sont bien réels. Quels sont ces risques ? Est-il possible de s’en prémunir ?</p>
<h2>Les objects connectés, une tendance en pleine croissance</h2>
<p>Quel gadget trouverez-vous sous le sapin de Noël cette année ? Une montre connectée ? Une balance numérique ? Une <a href="https://www.santemagazine.fr/actualites/une-fourchette-intelligente-pour-vous-aider-a-maigrir-196796">fourchette intelligente minceur</a> ? Un testeur d’haleine ? Ou peut-être allez-vous craquer pour une <a href="https://www.objetconnecte.net/sante-connectee/">bague analysant votre fréquence cardiaque</a> ? Le tout piloté par un assistant vocal ? Et, en 2025, pourquoi pas un robot domestique qui fera votre bilan de santé ? Et bien d’autres choses encore…</p>
<p>Le nombre d’objets connectés de santé explose, tant du côté des professionnels de santé que pour le grand public, à des fins de prévention et d’amélioration de la qualité des soins. La Cour de cassation a bien saisi l’intérêt des technologies de santé en imposant leur utilisation dans le cadre d’un diagnostic prénatal (Cass. 1<sup>re</sup> civ. 27 novembre 2008, Bull. civ. I n°273, v. Nathalie Devillier Ferraud-Ciandet, <a href="https://www.lgdj.fr/droit-de-la-telesante-et-de-la-telemedecine-9782853853187.html">Droit de la télémédecine et de l’e-santé</a>, Heures de France, 2011, p.83). Dans cette affaire, ou malgré cinq échographies l’agénésie d’un fœtus n’avait pas été détectée, le radiologue vit sa responsabilité engagée pour ne pas avoir utilisé les méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, les concours appropriés, tels que la télé-expertise (seconde interprétation à distance par un confrère).</p>
<p>Les opportunités offertent par les <em>health techs</em> ne doivent pas faire oublier les risques inhérents à l’hyper connectivité. Des risques qui, dans le domaine sanitaire, sont particulièrement graves.</p>
<h2>Des objets « intelligents », mais vulnérables aux cyber-attaques</h2>
<p>Entre les erreurs médicales et les cyber-attaques globales touchant les infrastructures sanitaires (comme celle dont a été victime le <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2017/05/12/hacking-nhs-easy-ransomware-freely-available-dark-net/">NHS en 2017 avec le virus WannaCry</a>), le piratage de votre montre <em>tracker</em> d’activité physique n’est qu’un risque supplémentaire dans le monde en réseau de la santé connectée.</p>
<p>Le développement de l’e-santé, de la télémédecine, des méga-données de santé (<em>big data</em>), de l’intelligence artificielle et de la <em>blockchain</em> s’accompagne d’une prolifération de ces objets : balance, <a href="https://theconversation.com/le-numerique-et-lintelligence-artificielle-bouleversent-la-recherche-medicale-sur-le-diabete-105767">lecteur de glycémie</a>, <a href="https://www.topsante.com/medecine/maladies-chroniques/diabete/diabete-des-lentilles-de-contact-pour-mesurer-la-glycemie-617057">lentilles qui mesurent le taux de sucre dans le sang</a>, <a href="https://theconversation.com/medicament-connecte-qui-a-demande-le-consentement-du-patient-87702">médicament connecté</a>, moniteur cardiaque, pompe à insuline, pacemaker réglable à distance, patch électronique implanté sous la peau pour la mesure des signes vitaux, tensiomètre…</p>
<p>Cette hyperconnectivité multiplie les points d’entrée et devient synonyme de vulnérabilité. Bien évidemment, la question de la cybersécurité est transverse aux nouvelles technologies, on pense notamment aux véhicules autonomes, mais elle revêt ici une dimension critique plus forte en raison son impact direct sur la vie des personnes. Tous connectés à Internet, ces objets de santé ne comporteraient qu’un niveau faible de sécurité avec, par exemple, <a href="http://blog.whitescope.io/2017/05/understanding-pacemaker-systems.html">8 000 failles recensées pour les pacemakers</a>. Vulnérabilités, menaces, intrusions, exposition, attaques toute la panoplie de la cyber sécurité se décline dans ce domaine tant sur les objets eux-mêmes que sur leurs services.</p>
<p>Il suffit d’acheter un rançongiciel (logiciel d’extorsion qui prend en otage les données) sur le <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/09/26/dark-web-deep-web-ou-user-interface-ont-desormais-leur-traduction-francaise-officielle_5191801_4408996.html">Dark Web</a> et le tour est joué ; la tâche est rendue plus aisée en raison de l’absence de sécurité de l’infrastructure IoT (<em>Internet of Things</em>, l’<a href="https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/Internet-Internet-objets-15158/">Internet des Objets</a>). Qu’il s’agisse d’une simple montre, d’un dispositif médical, voire d’un pacemaker, le piratage est rendu possible par leurs fabricants qui ne prennent pas la peine de les protéger : les codes de déverrouillage sont souvent 1234 ou 000000. Pire encore, l’utilisateur n’a pas la main sur la sécurité de l’objet connecté et ne peut pallier cette hérésie en installant son propre code, comme tout un chacun le fait pour son téléphone mobile.</p>
<h2>Des attaques qui vont augmenter</h2>
<p>La situation est très alarmante avec un nombre d’attaques par rançongiciel qui pourrait <a href="http://www.wbiw.com/state/archive/2018/10/21-terrifying-cyber-crime-statistics.php">quadrupler dans le secteur de la santé d’ici 2020</a>. Les plus grandes entreprises ne sont pas à l’abri d’un scandale résultant d’un piratage. Quand bien même l’hébergement des données de santé des Français reste soumis à une procédure d’approbation de l’entreprise par le ministère de la Santé, cela ne garantit nullement la réactivité de celle-ci face à un bug voire à une attaque.</p>
<p>Microsoft vient d’obtenir le précieux sésame <a href="http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/11/06/32001-20181106ARTFIG00083-microsoft-peut-desormais-heberger-des-donnees-de-sante-en-france.php">d’hébergeur des données de santé</a> en France, et touchera ainsi les hôpitaux, les <em>start-up</em>, mais aussi les assureurs et les mutuelles. Faut-il pour autant s’en féliciter ? Rien n’est moins sûr puisque la société vient d’être épinglée pour avoir <a href="https://www.zeebiz.com/india/news-data-breach-microsoft-shared-indian-bank-customers-financial-details-with-us-intelligence-agencies-69336">partagé des données bancaires de clients avec les services de renseignement</a> et qu’elle patche difficilement des vulnérabilités dans <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/microsoft-a-manque-son-patch-pour-jet-39875015.htm">ses outils Windows</a>, ce qui permet à un attaquant de <a href="https://www.mag-securs.com/alertes/artmid/1894/articleid/16311/certfr-2018-avi-484--multiples-vuln%C3%A9rabilit%C3%A9s-dans-microsoft-windows-10-octobre-2018.aspx">provoquer une atteinte à la confidentialité des données</a>, une élévation de privilèges, une exécution de code à distance et un contournement de la fonctionnalité.</p>
<p>Vous doutez encore du risque ? Demandez donc leur avis au 78,8 millions de clients de la <a href="https://www.thinkadvisor.com/2018/10/16/anthem-to-pay-16-million-hipaa-case-resolution-amo/?slreturn=20181006102344">mutuelle étasunienne Anthem</a>, victime d’une cyber-attaque massive du 2 décembre 2014 au 27 janvier 2015. La société devra verser 16 millions de dollars alors que les dirigeants avaient signalé l’incident de sécurité au FBI : une décision motivée par l’absence d’évaluation des risques, l’absence de révision de l’activité des systèmes d’information, l’absence de gestion de la violation de sécurité et par l’incapacité de la société à prévenir l’accès non autorisé aux données médicales informatisées.</p>
<p>Les usagers (individus, professionnels de santé, infrastructures de soin) n’ont par ailleurs aucune obligation de télécharger des mises à jour et donc se passent de ces investissements pourtant nécessaires en termes de sécurité. (<a href="https://theconversation.com/cyber-crime-sante-et-big-data-pirates-aujourdhui-corsaires-ou-flibustiers-demain-56699">Tel fut le cas pour le NHS précité</a>). Pourtant, achèteriez-vous un véhicule dont le premier geek venu pourrait prendre le contrôle d’un simple clic ? Quel paradoxe n’est-ce pas ? C’est l’ignorance, trop courante, de ces risques qu’il faut dénoncer.</p>
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<p>Au final, les cyber-risques liés aux objets de santé connectés résultent de la convergence de plusieurs facteurs : mauvaises pratiques, méthodes d’industriels peu scrupuleux (qui mettent sur le marché des produits n’offrant pas la sécurité que l’on est en droit d’attendre), manque de moyens des hôpitaux (qui n’ont pas les budgets nécessaires pour s’équiper en matériel fiable, le renouveler ou encore former leur personnel à la cybersécurité en santé) et enfin absence de contrôle de la sécurité des objets connectés, malgré les <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/medecins-sante-connectee.pdf">mises en garde répétées du Conseil national de l’ordre des médecins</a>.</p>
<h2>Des risques biens réels</h2>
<p>Loin d’être purement théoriques, les risques liés au manque de cybersécurité touchent aussi bien les patients, les individus, les professionnels de santé, les infrastructures, les entreprises que les États.</p>
<p>De l’erreur de mesure à l’erreur de diagnostic, en passant par l’absence d’une fonctionnalité, les risques résultant du piratage sont aujourd’hui <a href="https://www.riverpublishers.com/journal/journal_articles/RP_Journal_2245-1439_414.pdf">bien documentés</a>. Les risques individuels touchent à l’intimité de la vie privée : écoute de conversations, révélation publique d’un état de santé par nature privé, réutilisation des données de santé à des fins secondaires non consenties, notamment à des fins marketing ou de géolocalisation, vol d’identité, <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Phishing-hameconnage-ou-filoutage">phishing</a> et spams (messages électroniques non sollicités), discriminations fondées sur l’état de santé de la part d’employeurs (voir l’<a href="https://www.theguardian.com/us-news/2015/jul/04/deanna-fei-aol-distressed-baby-healthcare-privacy">affaire du bébé Fei</a>, AOL, 2015), de banques ou d’assureurs (voir également, en France, l’<a href="https://www.lesechos.fr/07/09/2016/LesEchos/22271-027-ECH_l-assurance-et-le-prix-de-la-sante.htm">initiative de Generali contestée par le ministère de la Santé</a>).</p>
<p>La technologie fait aussi émerger de nouveaux risques, tels que le cyber-harcèlement. Un jour d’août 2015, un père de famille reçut un appel de son épouse terrifiée depuis leur domicile où elle se trouvait avec leur fille de 2 ans. Une chanson <a href="https://ca.news.yahoo.com/video/baby-monitor-hacker-sends-family-125021519.html">tournait en boucle sur l’écoute bébé</a> (babyphone) : la chanson du groupe Police « Every Breath You Take ». Le moniteur que possédait le couple était un modèle permettant aux parents de parler à leur enfant à distance, via Internet. Il avait été hacké par un pirate malicieux et les paroles de la chanson prirent une dimension inquiétante : « Every game you play, every night you stay, I’ll be watching you » (« Chaque jeu auquel tu joueras, chaque nuit où tu resteras, je te regarderai »).</p>
<p>Plus insidieuse est l’amplification des violences domestiques via un objet connecté détourné, pour <a href="https://theconversation.com/quand-les-objets-connectes-sont-utilises-comme-des-armes-contre-leurs-proprietaires-99093">surveiller ou harceler des personnes</a>. Les services d’urgence dénoncent la technologie comme LA nouvelle arme des harceleurs, car même après le départ du domicile conjugal, ces objets restent actionnables via une application mobile ! Les victimes et les services d’urgence sont d’autant plus démunis que ces situations se trouvent aggravées par le manque de connaissances sur le fonctionnement de ces technologies « intelligentes » et de leur maîtrise des appareils. Car quand il s’agit d’installer à la maison une caméra de vidéosurveillance, et donc de configurer son mot de passe, c’est rarement Madame qui « s’y colle », donnant ainsi à Monsieur le contrôle du dispositif. Au passage, si vous disposez d’une telle caméra, je vous invite à consulter le site <a href="https://www.insecam.org/en/byrating/">insecam.org</a>, répertoire mondial des caméras, y compris installées dans la chambre de bébé… Car oui, les images sont visibles en direct sur le Web ! CQFD.</p>
<p>Autre exemple, alors que le data mining permet à l’attaquant de découvrir des informations absentes de la base de données, le cyberespionnage permettra au concurrent d’accéder au système ou d’obtenir des informations de la part d’individus, d’organisations ou de gouvernements.</p>
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<p>Les risques du piratage sont donc bien une <a href="https://theconversation.com/les-paradoxes-du-big-data-en-sante-65124etdoncunrisquepourlesentreprises">réalité</a>. Ces données sont très recherchées par les cybercriminels, en raison de leur valeur : un dossier médical se revend 20 euros sur le dark web, alors que votre carte bancaire n’en vaut que 2. Du côté des auteurs des infractions, les motivations sont variées : argent pour le rançongiciel ou, plus rarement, commission d’un acte criminel (sauf dans un épisode de la série <em>NCIS</em> ou un témoin clé porteur d’un pacemaker est assassiné sur les marches du palais de justice du fait de son piratage). Enfin, les objets connectés peuvent aussi être utilisés comme vecteurs d’attaque (<a href="http://www.leaders.com.tn/article/24919-la-nouvelle-strategie-digitale-des-cybers-terroristes-du-web-social-au-web-objets">cyberterroriste</a>).</p>
<h2>Mieux former les utilisateurs</h2>
<p>Le renforcement de la réglementation n’est qu’une partie de la réponse à cet enjeu. L’entrée en application du <a href="https://theconversation.com/rgpd-lunion-europeenne-entre-de-plain-pied-dans-lere-du-numerique-98179">Réglement Général sur la Protection des Données</a> (RGPD) et la <a href="https://www.ssi.gouv.fr/actualite/publication-du-decret-dapplication-pour-la-directive-europeenne-network-and-information-security-nis/">transposition de la directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (NIS)</a> favoriseront la prise en compte de cette dimension, mais il faut aller bien au-delà et prôner une approche de la sécurité dès la conception et par défaut, tout comme c’est déjà le cas pour la protection de la vie privée.</p>
<p>Les autres initiatives qui devraient être prises concernent l’éducation à la cybersécurité, les bonnes pratiques des acteurs des <em>health tech</em> et, bien sûr, la prise en compte du risque au niveau de la stratégie étatique.</p>
<p>Ces multiples risques illustrent le besoin pour les consommateurs d’être mieux informés et plus vigilants concernant la cybersécurité. Le <a href="https://www.cnil.fr/fr/objets-connectes-noubliez-pas-de-les-securiser">site de la CNIL</a> peut constituer une première approche du sujet pour le grand public.</p>
<p>Depuis 2017 aux États-Unis, <a href="https://www.consumerreports.org/privacy/consumer-reports-to-begin-evaluating-products-services-for-privacy-and-data-security/"><em>Consumer Reports</em></a> a mis en place un standard industriel en open source en vue de rendre le monde de l’Internet des objets plus sûr pour les consommateurs. Partant du principe qu’on ne crée pas de compte d’utilisateur dans le secteur bancaire sans identifiant spécifique et mot de passe fort, la revue américaine propose que les objets connectés soient régis de la même manière. Si cette norme ne mettra pas fin aux actions malicieuses voire criminelles, les clients ont droit à un service où la sécurité reste essentielle.</p>
<p>Offrir une formation à la cybersécurité dans le domaine de la santé est d’autant plus vital avec le développement de l’<a href="https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf#page=203">intelligence artificielle en santé</a>, car bien que le numérique s’intègre parfaitement à notre quotidien, nous sommes loin d’en maîtriser les fonctionnalités, qu’il s’agisse de la protection des données à caractère personnel, de la confidentialité des données de santé ou de leur sécurité.</p>
<p>Cette formation doit s’adresser prioritairement aux cadres des lieux de soin et être maintenue tout au long de la vie, par exemple par l’obtention d’un certificat qui serait à créer sur les technologies de santé.</p>
<h2>Transformer la cybersécurité en avantage compétitif</h2>
<p>Du côté de l’entreprise, conserver une approche réactive est aux antipodes de l’action stratégique. Les entreprises pionnières qui parviendront à faire de la cyber sécurité de leurs objets connectés de santé et des services qui y sont rattachés un avantage comparatif éviteront non seulement les coûts d’une cyber- attaque et conserveront la confiance de leurs clients.</p>
<p>La donnée, élément stratégique de l’entreprise de plus en plus centrale dans son <em>business model</em>, doit s’accompagner par l’insertion de <a href="https://www.orange-business.com/fr/magazine/data-scientist-chief-data-officer-cil-qui-fait-quoi">nouveaux métiers</a> : <em>data scientists</em>, <em>chief data officer</em>, en plus du DPO (<em>data protection officer</em>) et du RSSI (responsable sécurité des systèmes d’information), mais aussi des « white hats », hackers éthiques qui cherchent à pirater les systèmes systèmes des entreprises pour alerter de l’existence de failles et les sécuriser. Cette dernière profession fait l’objet de deux certificats : le <em>Certified Ethical Hacker</em> et l’<em>OffensiveSecurity Certified Professional</em>, qui ont beaucoup de valeur dans les entreprises du secteur de la sécurité informatique.</p>
<p>Dans le domaine de la santé, identifier les bonnes pratiques sur l’Internet des Objets, avec l’adoption d’un Code de conduite sectoriel, permettrait de mutualiser les ressources engagées par les acteurs du marché. Un tel <a href="https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/privacy-code-conduct-mobile-health-apps">code de conduite</a> a été adopté concernant la vie privée des applications mobiles de santé par la Commission européenne en 2016.</p>
<p>Enfin, mettre en place un comité stratégique national de la santé connectée devient urgent : comment la France peut-elle prétendre devenir la championne de l’intelligence artificielle, et simultanément ne pas garantir aux données de santé de ses citoyens une protection adaptée, alors même que les géants du web se battent pour accéder à la mine d’or que ces données représentent ?</p>
<p>Pour construire cet « écosystème de la donnée » qui alimentera l’<a href="https://theconversation.com/quelle-ethique-pour-lintelligence-artificielle-en-sante-94852">intelligence artificielle</a>, l’État, premier client de la transformation numérique, est en effet largement tributaire de la production de données de santé et de bien-être issues de ses citoyens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les opportunités offertes par les « health techs » ne doivent pas faire oublier les risques inhérents à l’hyperconnectivité. Des risques qui, dans le domaine sanitaire, sont particulièrement graves.Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1022282018-10-02T15:47:26Z2018-10-02T15:47:26ZGrâce au numérique, tout le pouvoir est aux patients ! Enfin, pas tout à fait…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238678/original/file-20181001-195272-92vltc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Montre ta santé !</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo by Artur Łuczka on Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le numérique peut-il, va-t-il, donner du pouvoir aux malades ? Le déploiement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le domaine de la santé, individuelle et publique, a permis un renouveau des pratiques et des relations entre les acteurs. L’accent est mis sur la recherche d’informations, la communication et la collaboration entre les individus grâce à ces nouveaux outils. Ils permettent par exemple un dialogue « en ligne » entre usagers de la médecine, qui se soutiennent au travers de forums. Mais aussi, plus profondément, un processus d’autonomie des malades. Au point de considérer que le patient d’aujourd’hui connaît mieux sa maladie que le médecin.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238680/original/file-20181001-195282-laheg7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Télémédecine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pxhere</span></span>
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<p>Le contexte général actuel, par exemple le fait que les médecins spécialistes ne soient pas disponibles sur tout le territoire, pousse les individus à utiliser certaines technologies pour « autogérer » leur santé. Ces plates-formes en ligne et applications mobiles (qu’on nomme dispositifs numériques) exploitent les données de santé de leurs utilisateurs et leur proposent un contenu et des activités leur permettant d’en savoir plus sur le domaine de la santé, de communiquer entre eux et de bénéficier de certains services.</p>
<p>La recherche d’information est souvent la <a href="https://www.cairn.info/la-prevention-toujours-en-re-creation--9782749252346-p-155.htm">première</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12919447">porte</a> d’accès au dispositif numérique de santé. Elle peut avoir comme but de mieux comprendre une pathologie, se documenter sur un problème de santé, améliorer son bien-être, etc. Cette pratique suscite plusieurs questions, notamment la qualité des informations collectées qui constitue une <a href="https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante-2010-4-page-41.htm">préoccupation</a> pour les usagers. Cette <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0014118">qualité diffère</a> selon les plates-formes consultées et les problématiques de santé soulevées, étant donné que la popularité de la thématique santé sur le web est à l’origine de la prolifération de divers services dont les activités sont <a href="https://books.google.fr/books?id=Hl3diVqaqPMC&pg=PA221&lpg=PA221&dq=Red%C3%A9finition+du+rapport+individuel+%C3%A0+l%E2%80%99expertise+et+au+m%C3%A9dicament.+Le+cas+des+pharmacies+en+ligne&source=bl&ots=07KIBwBiND&sig=iFE4GcJLNlKzCFtEomwSRuADuLE&hl=fr&sa=">déontologiquement peu encadrées</a>.</p>
<p>L’échange d’expériences entre usagers sur des questions de santé a toujours existé dans la sphère privée, mais les dispositifs numériques rendent ces échanges (à caractère intime) visibles et accessibles à tout le monde. D’un point de vue sociologique, il s’agit d’une nouvelle forme de lien social, une nouvelle manière de créer des liens et de construire un réseau d’appartenance externe aux réseaux traditionnels familiaux ou sociaux de l’usager.</p>
<h2>Apprentissage social</h2>
<p><a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00397215/document">Différents</a> <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01483000/document">travaux</a> qui se sont intéressés aux communautés d’usagers montrent que le partage d’expérience et d’informations entre ces derniers participe à l’apprentissage social par la (co)construction de savoirs liés aux expériences de différents individus. Il s’agit ici d’une situation où la parole des usagers, combinée à l’innovation technologique, rend possible une collaboration dynamique entre membres d’un réseau, dans l’objectif d’offrir une information utile et pertinente pour la communauté des usagers.</p>
<p>Néanmoins, malgré le fait que ces dispositifs offrent un environnement de discussion, il existe une inégale distribution de la parole au sein des dispositifs. En effet, peu d’usagers sont <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00397215/document">loquaces</a>, la majorité d’entre eux se contentant de <a href="http://www.pewinternet.org/2013/01/15/health-online-2013/">visualiser</a> du contenu. Cette pratique a ouvert la porte aux usagers timides ou réticents à discuter des <a href="http://www.pewinternet.org/2013/01/15/health-online-2013/"> </a><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14681811.2011.627739">sujets intimes</a>. En outre, cet usage vient <a href="https://books.openedition.org/pressesenssib/808">modifier leurs modalités d’interaction</a> avec les professionnels de santé tout en leur permettant de mieux communiquer avec leur entourage. Ces dispositifs permettent ainsi à l’usager de devenir partenaire « actif » de sa propre santé. Il apparaît comme <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00397215/document">expert</a> de son cas particulier, de sa propre maladie, sans être ni spécialiste d’un type de pathologie, ni praticien de la médecine.</p>
<p>Cette situation constitue un facteur d’émancipation pour les usagers. <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1499267115004967">Certains</a> <a href="https://www.gaitposture.com/article/S0966-6362(14)00287-2/fulltext">chercheurs</a> ont montré que cet usage a des effets significatifs et positifs sur l’usager, notamment sur sa gestion de soins de santé. Ce qui nous mène à considérer l’usager comme un <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01694020v2/document">« soi augmenté »</a>, étant donné que ces applications présentent la double particularité d’être portées par (et on peut dire « sur ») les individus, et de produire des données d’un nouveau genre, formant une trace numérique (ou empreinte du corps), se situant ainsi à la frontière du bien-être et de la vie privée.</p>
<h2>Vie privée</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238683/original/file-20181001-195263-179vpps.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En Amérique du Nord, ce réseau social sur Internet permet à des personnes atteintes de certaines maladies d’échanger des informations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">PLM</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cependant, ces différentes pratiques, ainsi que le chevauchement entre sphère publique et intime, mènent les usagers à s’inquiéter sur leur vie privée. Dans ce contexte, la méfiance sur le fait de partager leurs données en ligne est en augmentation. Par exemple : quel que soit leur âge, la majorité des usagers américains et européens se montre plus précautionneuse quant au partage des données personnelles en ligne. Pour ce qui est des données collectées, les sensibilités diffèrent : les usagers sont réticents au partage de leurs données personnelles familiales (sur les enfants et les conjoints), financières, statistiques d’usage et numéros de téléphone, comme le montre une <a href="http://image-src.bcg.com/Images/BCG-Leveraging-GDPR-Become-Trusted-Data-Steward-Mar-2018-r_tcm9-186754.pdf">étude</a> comparative de l’indice de confiance des usagers américains et européens pour le traitement de leurs données personnelles entre 2014 et 2016.</p>
<p>De plus, une <a href="http://www.pewinternet.org/2015/05/20/americans-attitudes-about-privacy-security-and-surveillance/">étude</a> qui s’intéresse aux attitudes des Américains à propos de leur vie privée, de la sécurité et de la surveillance de leurs données personnelles souligne deux choses importantes. D’une part, les Américains estiment qu’il est raisonnable que les entreprises stockent leurs données de façon assez longue pour bénéficier de certains services numériques. D’autre part, la majorité d’entre eux estime qu’il est important de préserver leur vie privée et la confidentialité de leurs activités courantes. Certains usagers pensent même qu’ils sont toujours <a href="http://www.pewinternet.org/2015/05/20/americans-attitudes-about-privacy-security-and-surveillance/">surveillés</a> et par conséquent, deviennent plus <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0368231511003292">méfiants</a> vis-à-vis des dispositifs utilisés.</p>
<p>La généralisation des smartphones a radicalement changé l’interaction des usagers avec les appareils mobiles et les informations qu’ils échangent en matière de santé. Ce changement a été amplifié par l’existence de capteurs exploités par les développeurs pour fournir à leurs applications des fonctionnalités contextuelles. En pratique, ces applications traitent des données implicites ou explicites provenant à la fois des utilisateurs et de leur environnement. De plus, grâce aux capacités de traitement avancées des applications, ces dernières sont capables de détecter les changements dans les mesures de l’environnement et du corps humain afin d’évaluer la santé des utilisateurs et de générer des alertes pertinentes à leur état.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.cnil.fr/sites/default/files/typo/document/CNIL_34e_Rapport_annuel_2013.pdf">CNIL</a>, ces pratiques se révèlent « critiques » étant donné qu’elles « se fondent sur des modes de capture de données de plus en plus automatisés et induisent la circulation de grandes masses de données personnelles ». Pour ce qui est des données produites par les usagers, elles touchent principalement à leur intimité et sont souvent destinées à être partagées. Notons qu’un <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/archives/ebs/ebs_431_en.pdf">rapport</a> de la Commission européenne sur la protection des données des citoyens dans les 28 États membres de l’UE affirme que plus de la moitié des personnes interrogées dans 16 des pays étudiés se sont déclarés préoccupés par l’enregistrement de leurs activités quotidiennes via l’utilisation du téléphone mobile ou des applications mobiles.</p>
<p>De surcroît, 80 % des applications de santé évaluées dans une <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8272037/">étude</a> européenne ont transmis des données relatives à la santé des usagers à des sociétés tierces, la moitié seulement d’entre elles le faisant via des connexions sécurisées (HTTPS). La plupart des applications ne respectaient pas les exigences légales ou les normes visant à empêcher l’utilisation et la divulgation inappropriées et incontrôlées des données par les utilisateurs à des sociétés tierces. Dans la même étude qui s’intéresse aux applications qui gèrent, stockent et suivent les données de santé des usagers, les chercheurs ont découvert que seulement 20 % des applications stockaient des données sur les smartphones des utilisateurs, et une application sur deux demandait et gérait les mots de passe de connexion des utilisateurs sans utiliser de connexion sécurisée. Les chercheurs ont également souligné que la moitié des applications partageaient des données personnelles avec des tiers, et plus de la moitié des applications transmettaient les données de santé des utilisateurs via des liens URL, rendant ainsi les données accessibles à toute personne ayant accès à ces liens. En outre, certaines applications nécessitaient l’accès à la géolocalisation, aux microphones, à l’appareil photo, à la liste de contacts, à la carte de stockage externe ou au Bluetooth des utilisateurs, bien que la fonctionnalité appropriée des applications n’en dépende pas.</p>
<p>On peut donc dire que la popularité de ces applications santé ne garantit ni la confidentialité ni la sécurité d’usage. À cet égard, nous tous, usagers de la santé, commençons à penser les dispositifs numériques sous leurs différentes facettes, positives et négatives : menace sur l’intimité, indispensables pour s’informer, utiles pour communiquer, outils d’apprentissage, etc.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102228/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hatim Boumhaouad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nous sommes tous devenus des patients connectés, à la recherche d’infos sur le web et les applis. De nouveaux liens sociaux se créent, pas sans conséquence sur notre vie privée.Hatim Boumhaouad, Doctorant en sciences de l'information et de la communication au Centre de recherche sur les médiations (Crem), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/971272018-05-24T20:11:01Z2018-05-24T20:11:01ZLa crise sans fin du système de santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220284/original/file-20180524-51095-1o3m5v4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4687%2C2797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelle vision porter sur le progrès médical ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/vu-DaZVeny0">Ani Kolleshi/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Pendant près de quarante ans, l’idée d’un progrès médical infini était une certitude partagée autant par les décideurs politiques, les élites administratives, l’élite médicale et, au-delà, par le corps social tout entier. Cela ne faisait aucun doute : nous allions vaincre la maladie.</p>
<h2>Médecine toute puissante</h2>
<p>Par exemple, le président américain Richard Nixon croyait, <a href="https://www.amazon.com/Cancer-Crusade-Story-National-1971/dp/0595358470">au début des années 1970</a>, vaincre le cancer en quelques années après lui avoir mené une guerre totale. Quinze ans auparavant, les hauts fonctionnaires français s’accommodaient de la forte progression des dépenses de soins, dès lors que celle-ci apparaissait comme une simple transition : une fois que tous les assurés sociaux auraient eu accès aux soins grâce à la nouvelle Sécurité sociale, alors ces dépenses connaîtraient inéluctablement une stabilisation, voire même une baisse.</p>
<p>Oui, vous avez bien lu : nos élites administratives ont un moment pensé que les <a href="https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_2003_num_22_2_2322_t1_0302_0000_4">dépenses de santé pouvaient baisser</a>, une fois les principaux fléaux de santé publique vaincus ! Au cours des trente glorieuses, la médecine triomphait aussi dans les journaux et à la télévision : « L’homme en blanc » était l’objet d’un culte dans les émissions médicales d’<a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/igor-barrere/">Igor Barrère</a>.</p>
<p>Il faut dire qu’il y avait de quoi être optimiste : la découverte de la pénicilline et des antibiotiques suivie de leur diffusion après la Seconde Guerre mondiale ont permis d’éradiquer des « fléaux » que l’on croyait éternels, comme les maladies infectieuses et transmissibles comme la tuberculose ; après la <a href="https://www.chu-nantes.fr/lois-hospitalieres-loi-du-30-decembre-1958-26250.kjsp">réforme de 1958</a> créant les CHU, hauts lieux de la médecine de pointe, la vieille et prestigieuse clinique française s’est alliée aux sciences de laboratoire, puis aux technosciences, sur le modèle états-unien : la <a href="https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/419">biomédecine française était née</a>.</p>
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<p><br></p>
<p>La médecine hospitalière s’est de plus en plus spécialisée, voire hyperspécialisée ; le recours à des plateaux techniques de plus en plus denses s’est banalisé ; l’industrie pharmaceutique y est allée de son flux de <em>blockbusters</em>, ces médicaments à succès qui rapportent chacun un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard de dollars…</p>
<p>On a même pensé un moment que le décodage du génome humain allait permettre de réparer les gènes et ainsi en <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Histoire_de_la_biologie_mol__culaire-9782707140579.html">finir avec des maladies</a> face auxquelles la science médicale restait impuissante. Cet enthousiasme scientiste a eu des répercussions budgétaires bien tangibles : à compter des années 1960, on a « modernisé » et « humanisé » les vieux hôpitaux et on a bâti sur tout le territoire de nouvelles « usines à guérir ».</p>
<p>La Nation n’a cessé d’augmenter le budget de la recherche biomédicale. Et, dernière chose mais non des moindres, la forte progression des dépenses de la Sécurité sociale a inscrit la médecine dans l’univers quotidien des Français-e-s, faisant de celle-ci un bien de consommation de masse. Permettre à toutes et tous d’accéder presque gratuitement aux bienfaits de l’innovation médicale a été l’un des axes directeurs de l’État social français.</p>
<h2>Un système remis en cause</h2>
<p>Et puis… Les premiers doutes commencent à apparaître, les premières anomalies s’accumulent à compter des années 1970. Et si cette ferveur à l’endroit des potentialités du « progrès médical » relevait plus d’une forme de religion laïque que de la pensée scientifique ?</p>
<p>Ainsi, alors même que l’épidémie de sida n’a pas encore bouleversé le paysage sanitaire et politique français, plusieurs experts commencent à tirer la sonnette d’alarme.</p>
<p><a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1999/03/ILLICH/2855">Ivan Illich s’inquiète, dès 1975</a>, dans des articles puis dans un ouvrage de la « Némésis médicale » : la démesure biomédicale serait entrée dans l’ère de la « contre-productivité » (pensons par exemple aux maladies nosocomiales, celles contractées lors d’un séjour à l’hôpital) et exproprierait les individus de la maîtrise de leur propre santé ; nos vies seraient colonisées par une science médicale travaillée par la pulsion d’emprise sur les corps. À la même époque, l’un des collaborateurs de Illich, Jean‑Pierre Dupuy, et un sociologue dénoncent <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3333854c.texteImage">« l’invasion pharmaceutique »</a>.</p>
<p>Sur le plan plus économique, certains se demandent jusqu’à quel point les budgets de l’État peuvent soutenir la forte progression des dépenses d’assurance maladie. D’un côté, la médecine ne cesse d’étendre son territoire d’intervention – ce que les sociologues appellent le processus de « médicalisation » – mais, hélas, de l’autre, l’intendance ne suit plus puisque la croissance économique ne cesse de montrer des signes d’essoufflement. Selon ces économistes de la santé, nous irions inéluctablement vers la « santé rationnée » : la collectivité va devoir procéder à des choix tragiques consistant à tracer la frontière entre ce qu’elle veut prendre en charge de façon solidaire et ce qui relève de la responsabilité individuelle et du marché.</p>
<h2>La médecine ne peut pas tout</h2>
<p>Mais il y a plus inquiétant encore. Certes, la médecine a triomphé des maladies infectieuses. Hélas, cette victoire est une victoire à la Pyrrhus car, transition épidémiologique aidant, les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/medecine/medecine-generale/maladies-chroniques_9782738135261.php">maladies chroniques prennent le relais</a>. Les maladies chroniques sont ces maladies que la médecine ne parvient pas à guérir : maladies neurodégénératives et psychiatriques, maladies de société comme le diabète, l’hypertension, l’asthme. Elle réussit seulement à prolonger la vie de celles et ceux qui en sont atteints, souvent à un coût très élevé.</p>
<p>Avec l’épidémie de maladies chroniques, la biomédecine est confrontée à ses propres limites. Par ailleurs, même les <a href="https://www.puf.com/content/Le_retour_des_%C3%A9pid%C3%A9mies">épidémies que l’on imaginait appartenir au passé reviennent sur le devant de la scène politique et médiatique</a> : l’épidémie de sida ne fut que le prélude aux maladies émergentes ou réémergentes qui secouèrent la vie du pays très régulièrement.</p>
<p>On commence à s’inquiéter des phénomènes d’antibiorésistance, conséquences d’une surconsommation d’antibiotiques. Certaines pistes de recherche que l’on pensait très prometteuses se soldent par des douches froides : ainsi, on a séquencé le génome humain, mais l’on découvre qu’en dehors de quelques pathologies très spécifiques, l’<a href="http://www.academie-sciences.fr/fr/Membres-a-la-une/programme-mais-libre-les-malentendus-de-la-genetique-un-livre-d-arnold-munnich.html">affaire est beaucoup plus compliquée que « réparer » des gènes défectueux</a>.</p>
<p>Paradoxe amusant : au bout de l’infiniment petit, ce qu’on appelle « la molécularisation du vivant », on retrouve l’infiniment grand, c’est-à-dire l’environnement. Il s’agit de l’interaction complexe gène/environnement qui « déclenche » certaines maladies. Le réductionnisme et le déterminisme de la biomédecine sont en échec. On a bâti d’immenses et coûteuses bases de données sur le gène humain, mais comme les informations sur les conditions de vie et l’environnement des individus « séquencés » n’ont pas été intégrées, on ne peut rien en faire !</p>
<p>Plus troublant encore : alors que la société française consacre désormais plus de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/09/la-france-ne-depense-pas-beaucoup-plus-que-les-autres-pour-sa-sante-comme-le-dit-agnes-buzyn_5254549_4355770.html">11 % de sa richesse au système de santé</a>, les inégalités sociales et de genre devant la maladie et la mort stagnent, quand elles ne se creusent pas. Dans certains pays, l’espérance de vie en bonne santé tend même à reculer, comme aux États-Unis ou en Allemagne. Le progrès sanitaire semble de moins en moins soluble dans le progrès médical dès lors que les pays ont atteint un certain stade de développement économique et social.</p>
<p>Les sources de progrès sanitaire, nous disent par exemple les épidémiologistes sociaux, sont ailleurs : la lutte contre les inégalités socio-économiques, l’action sur l’éducation, l’amélioration de l’alimentation, des conditions de vie et de travail, le développement du capital social des individus, entre autres. Autant de facteurs qui échappent au territoire de la médecine pour relever des sciences sociales et du débat politique.</p>
<p>Le temps présent est donc profondément ambivalent et donc source de désorientation. D’un côté, la fascination pour la technologie et la biomédecine reste puissante, que l’on pense à la théologie de l’innovation qui irrigue les discours des décideurs, aux promesses des GAFA, aux rêves de l’e-santé et des objets connectés, voire aux délires d’un « transhumanisme » promettant ni plus ni moins que « la mort de la mort ».</p>
<p>De l’autre, on s’alarme d’un système de santé désormais en crise permanente, du « fardeau » des dépenses d’assurance maladie ; on s’enthousiasme pour les médecines alternatives et naturelles, on voit monter les réticences (infondées) à la vaccination… La presse se fait de plus en plus l’écho de la déshumanisation d’un hôpital sous pression budgétaire croissante, tant pour les patients que pour les soignants. Des experts se font entrepreneurs de cause pour réorienter le système de soins français vers la prévention, non seulement individuelle, mais collective, en agissant résolument sur l’environnement.</p>
<p>Au fond, le secteur de la santé n’est qu’un cas particulier d’un phénomène beaucoup plus général et fondamental : l’idée même d’un « progrès » linéaire et inéluctable, fondé sur la foi en la science et la technique, issue de la Modernité des Lumières, est de plus en plus questionnée.</p>
<p>« La crise n’est donc pas un accident contingent, encore moins une maladie : elle est constitutive de l’expérience moderne du temps » écrit la <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-sans-fin-myriam-revault-d-allonnes/9782021054040">philosophe Myriam Revault d’Allones</a>. Pour certains, comme Peter Wagner, la mauvaise posture de la notion de progrès devrait conduire à une opération de sauvetage à condition bien évidemment de redéfinir celui-ci afin de le <a href="https://journals.openedition.org/lectures/21650">« rendre à nouveau désirable »</a>.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, la « crise » est devenue l’horizon indépassable des systèmes de santé contemporains, en ce sens qu’ils ne sont plus soutenus par un consensus scientiste et la croyance dans un progrès indéfini. La conscience de plus en plus aiguë des tensions entre finalités des politiques publiques (égalité et qualité des soins, accessibilité territoriale, soutenabilité financière, etc.) et ambivalences de la technique, la mobilisation des patients et des usagers ont fait entrer la santé dans le débat politique. Le « progrès sanitaire » ne se donne plus comme une évidence : son contenu doit être désormais collectivement débattu. Et ce débat ne saurait être escamoté ni par la technophilie, ni par l’ingénierie managériale.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre du cycle de conférences <a href="http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/animations-spectacles/conferences/le-progres-a-t-il-un-avenir/">Le progrès a-t-il un avenir ?</a>, organisé par la Cité des sciences et de l’industrie, du mardi 15 au 26 mai 2018. Durant deux semaines, des groupes d’étudiants, un panel de citoyens et des scientifiques, historiens et philosophes, livrent leurs réflexions et débattent.</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97127/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Pierru ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le progrès médical est-il infini ? Connaîtrons-nous un jour un monde débarrassé de la maladie ? La médecine connaît-elle des limites ?Frédéric Pierru, Chargé de recherche 1ere classe en sociologie au CERAPS, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/948522018-04-17T20:28:53Z2018-04-17T20:28:53ZQuelle éthique pour l’intelligence artificielle en santé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215033/original/file-20180416-560-1atwteq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C56%2C2500%2C1556&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'ordinateur et ses algorithmes deviendra t-il un outil de médecine comme un autre ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/9K_tJ7dxYSU">Rawpixel/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La santé a été identifiée comme un des secteurs prioritaires du développement de l’IA par le <a href="https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf">rapport Villani</a>. La course aux données de santé et donc lancée. Le caractère sensible de ces données pose des questions éthiques quant à leur collecte et leur traitement par les algorithmes. La numérisation irréversible des corps dépasse pourtant la manière d’exploiter ces données dans un parcours de soin <em>stricto sensu</em>. Si la France souhaite réellement se démarquer, elle devra garantir que les considérations éthiques et déontologiques sont intégrées dès la conception des outils jusqu’après la phase de déploiement et aussi s’inscrire dans une perspective mondiale plutôt que nationale.</p>
<h2>Un écosystème des données de santé qui peine à voir le jour</h2>
<p>D’ici 2019, notre système national des données de santé (SNDS) rassemblera 450 téraoctets (10<sup>12</sup> octets) d’informations stratégiques rassemblées dans une seule base, alors qu’aux États-Unis ce volume s’élève déjà à 150 exaoctets (10<sup>18</sup> octets). Cette avancée permettra d’analyser et améliorer la santé de la population notamment en ce qui concerne les patients souffrant de maladies chroniques (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id">loi sur la Modernisation de notre système de santé</a>).</p>
<p>C’est une véritable mine d’or tant pour les chercheurs que pour les sociétés privées mais la récente mise en demeure de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés par la <a href="https://www.cnil.fr/fr/sniiram-la-cnamts-mise-en-demeure-pour-des-manquements-la-securite-des-donnees">CNIL</a> pour une sécurisation insuffisante de son système national inter-régimes montre que ce dispositif est trop fragile : la pseudonymisation des données des assurés sociaux est pointée du doigt tout comme les procédures de sauvegarde des données de santé et ce malgré un cadre juridique très solide encadrant aussi bien la collecte, que le traitement et l’hébergement de ces données. Faut-il rappeler que le DMP (Dossier médical partagé) n’est toujours pas en place après 14 ans d’errance et que le SNDS est bien loin de rassembler les informations émises par l’ensemble des équipes médicales rencontrées par le patient…</p>
<p>L’État, premier client de la transformation numérique, est donc largement tributaire de la production de données de santé et de bien-être issues de ses citoyens pour construire cet « écosystème de la donnée » qui alimentera l’intelligence artificielle. Le rapport Villani envisage donc que chacun, dans une logique citoyenne, permette à l’État et aux collectivités territoriales de récupérer toutes ses données pour développer des applications en IA à des fins de politique publique qu’il s’agisse de données liées à un compte d’utilisateur ou à ses objets connectés.</p>
<p>C’est là un détournement pur et simple du droit à la portabilité des données à caractère personnel reconnu aux personnes par le règlement européen qui sera applicable en mai prochain (art.20). Même si la finalité d’un tel partage semble louable en ce qu’il contribue à l’intérêt général (protection de la santé publique), les conséquences devront en être clarifiées : quelles seront les contreparties pour les citoyens ? Sera-t-il possible de refuser ce partage de données ultrasensibles avec l’État sans encourir la moindre conséquence en termes de remboursement par exemple, voire d’accès aux soins ?</p>
<p>Plus la collecte sera massive, plus la sécurité et la confidentialité devront être assurées face à un mésusage par les banques, assureurs et employeurs, mais aussi vu les risques de piratage. Les <a href="https://www.reuters.com/article/us-anthem-cyber-settlement/anthem-to-pay-record-115-million-to-settle-u-s-lawsuits-over-data-breach-idUSKBN19E2ML">115 millions de dollars d’amende</a> prononcée suite à la violation de sécurité des données de santé de 78 millions d’Américains clients de la mutuelle de santé Anthem doit donner à réfléchir. Pourtant, cette dimension est passée sous silence dans le rapport sur l’intelligence artificielle…</p>
<p>Autre point d’achoppement, si les données de santé bénéficient d’un régime de protection juridique spécifique en raison de leur caractère sensible, tel n’est pas le cas pour les données de bien-être générées par les objets connectés (<em>Internet of things</em>, ou IoT). Il est pour le moins surprenant que ce rapport fasse l’économie d’une telle réflexion : c’est précisément l’analyse de ces données qui offriront une personnalisation des soins car elles sont bien plus précises qu’un dossier médical et sont de surcroît collectées en permanence (voir en ce sens les travaux du <a href="http://www.ccne-ethique.fr">Comité consultatif national d’éthique</a>).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/cambridge-analytica-et-facebook-le-respect-de-votre-vie-privee-nous-tient-a-coeur-oupas-93755">Le scandale Cambridge Analytica</a> a « vacciné » les internautes sur les risques de collecte déloyale de leurs données à caractère sensible et des abus qui peuvent en résulter pour leurs droits et libertés fondamentales, la vigilance sera donc plus que de mise quant aux partenariats envisagés avec les géants du web (DeepMind de Google, et Facebook AI).</p>
<h2>La méthode du « bac à sable » enfin retenue par la France</h2>
<p>Présente à l’étranger notamment pour réguler la technologie de la chaîne de blocs, cette méthode basée sur le « testes et apprends » est issue des systèmes d’information où elle désigne un environnement dans lequel un code potentiellement non sécurisé se développe. Transposée au domaine réglementaire, elle permet aux entrepreneurs de tester leurs services et modèles économiques dans un environnement réel (patients, professionnels et hôpitaux) sans avoir à suivre certaines contraintes juridiques levées par le régulateur. L’expérience est limitée dans le temps et en nombre de clients ce qui minimise l’incertitude juridique tout en favorisant l’investissement.</p>
<p>Cette méthode peut aussi s’appliquer au régulateur qui se met en mode start-up : la flexibilité ainsi mise en place permet de limiter les risques tout en soutenant l’innovation. Elle est employée dans les pays de <em>common law</em>, mais aussi en Russie, en Inde et aux Emirats arabes unis (voir <a href="http://www.docs-crids.eu/index.php?lvl=notice_display&id=28511">« Jouer dans le “bac à sable” réglementaire pour réguler l’innovation disruptive : le cas de la technologie de la chaîne de blocs »</a>).</p>
<p>Le « bac à sable » permettra de tester le potentiel de l’IA pour le diagnostic, le traitement, mais aussi les essais cliniques, la traçabilité des médicaments, le remboursement des soins et le financement de projets d’e-santé. Sur les plans éthique, déontologique et réglementaire, cette méthode devra clarifier les responsabilités engagées en cas d’erreur médicale et cartographier les multiples hypothèses de risques juridiques encourus par le recours à l’IA en santé. L’ouverture du « bac à sable » à davantage de joueurs c’est-à-dire d’acteurs européens ou internationaux n’en sera que plus bénéfique pour une approche globale et non strictement nationale.</p>
<h2>Vers plus de transparence algorithmique</h2>
<p>Autre enjeu majeur de l’IA en santé : la transparence des algorithmes et l’explication de leur fonctionnement.</p>
<p>La forme d’IA la plus courante est l’apprentissage profond (<em>deep learning</em>), elle est dirigée par les données et purement statistique. Elle est très pratique pour l’analyse de formes, d’images, de textes lorsque la base de données qui l’alimente est suffisamment riche. Pour le moment, les champions tricolores de l’imagerie médicale alimentent leur IA avec des bases de données… américaines !</p>
<p>Or, dans un secteur aussi critique que celui de la santé, non seulement il faut rassembler un maximum de données, mais il est aussi nécessaire d’introduire de la rationalité pour expliquer la pertinence des résultats proposés par l’IA. C’est d’ailleurs ce manque de transparence qui est souvent reproché concernant le dilemme éthique des véhicules autonomes (faut-il sauver le piéton qui traverse au rouge au risque de mettre en danger le passager du véhicule ? CNIL, <a href="https://www.cnil.fr/fr/comment-permettre-lhomme-de-garder-la-main-rapport-sur-les-enjeux-ethiques-des-algorithmes-et-de">« Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Rapport sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle »</a>).</p>
<p>Le rapport Villani préconise la création d’un comité d’éthique qui fera l’audit de ces technologies numériques et de l’IA. Lorsqu’il s’agira de prendre une décision pour un patient impliquant de manipuler des données critiques, confidentielles et ultra-protégées, l’algorithme aura été audité avant le déploiement du service. Plus précisément, l’éthique devra être respectée au stade de la collecte des données de santé et de bien-être (loyauté), puis au cœur de l’algorithme en tant que valeur de gestion des données pendant tout leur cycle de vie et enfin dans les pratiques de l’IA en santé en expliquant les résultats produits en adéquation avec la finalité de la collecte (protection de la santé).</p>
<p>La difficulté sera de projeter l’algorithme dans son fonctionnement en relation avec d’autres machines (qui actuellement ne se parlent pas) autrement dit de gérer les conséquences de ses futures performances qui seront rendues possibles par les ordinateurs quantiques.</p>
<p>Cette transparence, synonyme de confiance en l’algorithme, est un enjeu stratégique majeur pour l’entreprise. Elle mettra en lumière le jugement de valeur de son concepteur, et donc de la société qui l’exploite, lui offrant un avantage compétitif de taille sur un marché où la loyauté envers le client est devenue un <em>must</em>.</p>
<h2>Éthique et obligation de rendre des comptes</h2>
<p>Sur le plan juridique, la question est déjà posée par le <a href="https://theconversation.com/taxer-le-travail-des-robots-quand-leurope-rejoint-hamon-sur-le-revenu-universel-71544">Parlement européen</a> de doter, ou pas, les robots de personnalité juridique. La réflexion plus large sur la responsabilité de l’IA n’en est qu’à ses débuts. La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A31985L0374">directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux</a> (n°85/374/CEE) fixe des règles qui ne sont pas adaptées dans le contexte de l’IoT et de la robotique. Elle doit donc être clarifiée pour relever les défis de l’IA, de la cybersécurité et de l’IoT afin de garantir un marché intérieur protecteur des intérêts des consommateurs et propice à la concurrence. Cette révision devra intégrer l’autonomie croissante des systèmes (capteurs, logiciels), les droits numériques issus du RGPD et du <a href="https://tvnewsroom.consilium.europa.eu/event/transport-telecommunications-and-energy-council-december-201-18c91">règlement e-Privacy</a>.</p>
<p>Ce travail est en cours au sein de la Commission européenne avec l’examen à mi-parcours de la Stratégie pour un marché unique numérique et au Parlement européen avec la préparation d’un rapport sur « The cost of non-Europe on robotics & AI ». Les droits de l’homme seraient aussi appelés à s’enrichir avec un <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/transhumanisme-comment-l-individu-augmente-se-niche-dans-nos-tetes-a3493.html">droit à l’intégrité cérébrale et un droit à l’intimité cérébrale</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
L’analyse éthique des algorithmes de l’IA en santé profitera aux entreprises qui offriront cette transparence aux patients.Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/929502018-04-04T19:58:51Z2018-04-04T19:58:51ZDébat : Les données de notre santé doivent rester confidentielles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211241/original/file-20180320-80634-1w6em7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C521%2C5607%2C3203&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accès aux données de l'Assurance maladie ou des hôpitaux, même rendues anonymes, fait courir un risque pour la protection de la vie privée. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/patient-paying-medical-consultation-141930811?src=yTAqCcNT2dzQ_TjCcDqzSQ-1-24">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Où vont les données que nous produisons lorsque nous nous soignons ? Les noms et la quantité des médicaments que nous prenons à la pharmacie, les actes réalisés par l’infirmier ou le médecin lorsque nous nous rendons aux urgences ? Qui les utilise, et de quelle façon ?</p>
<p>Le mouvement général en faveur de l’ouverture des données, ou <em>open data</em>, se renforce, dans un objectif de transparence et surtout d’avancées pour la recherche en santé publique. Il vise notamment à mieux prévenir les crises sanitaires, par exemple en repérant le plus tôt possible les effets indésirables liés à un médicament.</p>
<p>Le système actuel rend public un grand nombre de données de santé, après les avoir rendues anonymes. Se pose néanmoins la question de leur réelle confidentialité. C’est l’un des sujets actuellement débattu dans les États généraux de la bioéthique, notamment à travers la consultation en ligne ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai. « Comment concilier des objectifs, antinomiques en apparence, de protection de la vie privée et de contribution à l’intérêt collectif ? » : tout citoyen peut <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/project/intelligence-artificielle-et-donnees-de-sante/presentation/presentation-9">y poster ses propositions sur ce thème</a>.</p>
<h2>Les soins remboursés via la carte Vitale, les actes réalisés à l’hôpital</h2>
<p>Le principe de l’ouverture des données consiste à mettre à la disposition de tous les citoyens des données relevant de la vie publique. Celles sur la santé en font partie. Beaucoup sont issues des remboursements de soins via la carte Vitale et du codage des actes réalisés à l’hôpital. Elles sont d’ores et déjà regroupées en totalité dans un seul système, le Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM). Un autre système, le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), offre également un fichier très étoffé, contenant des données sur les ressources et l’activité des établissements de soins.</p>
<p>Il en existe un troisième, plus récent, le Système national des données de santé (SNDS). Créé en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, c’est un métafichier, autrement dit un fichier de fichiers, institué pour mettre à la disposition des chercheurs un certain nombre de données de santé. Celles-ci sont rendues anonymes, le but affiché étant de ne pas nuire aux personnes dont il est question. Elles peuvent aussi être réutilisées par des établissements publics ou des entreprises privées, à l’exception de celles relevant du commerce d’assurance et de l’industrie pharmaceutique.</p>
<p>En pratique, cela revient à regrouper en un seul lieu les informations émanant des feuilles de soins gérées par l’Assurance maladie, des données hospitalières, des données liées au handicap et un échantillon des données provenant des organismes de garantie complémentaire (les mutuelles), ainsi que des actes de décès.</p>
<h2>Le respect de la confidentialité de nos données personnelles de santé</h2>
<p>Dans un tel système, la confidentialité de nos données personnelles de santé est-elle assurée ? Le principe d’un contrôle <em>a posteriori</em> du respect de cette confidentialité a été retenu par le législateur. La Cour des comptes a publié en mai 2016, après la loi de modernisation, un <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-donnees-personnelles-de-sante-gerees-par-lassurance-maladie">rapport</a> sur les données personnelles de santé gérées par l’Assurance maladie. Elle se disait favorable à ce mode de contrôle « s’appuyant sur des sanctions renforcées et faisant notamment l’objet d’un rapport annuel au Parlement de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ».</p>
<p>Le 27 février, la <a href="https://www.cnil.fr/fr/sniiram-la-cnamts-mise-en-demeure-pour-des-manquements-la-securite-des-donnees">CNIL</a> a mis en demeure l’Assurance maladie de « renforcer la sécurisation » de la base SNIIRAM dans les trois mois, en raison de ses insuffisances. Un mois plus tôt, cependant, la présidente de la CNIL, Isabelle Falque-Pierrotinelle, regrettait le <a href="http://premium.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/01/22/32001-20180122ARTFIG00326-isabelle-falque-pierrotin-la-cnil-manque-de-moyens-face-a-ses-nouvelles-missions.php">manque de moyens</a> pour faire face aux missions qui lui étaient confiées.</p>
<p>Aujourd’hui, l’anonymat apparaît difficile à garantir, dans les faits, au citoyen. Pour l’élaboration de la loi créant le SNDS, l’inspecteur général des affaires sociales (IGAS) Pierre-Louis Bras avait rendu en 2013 <a href="http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-donnees-de-sante-2013.pdf">son rapport sur les données de santé</a>. Il remarquait qu’« en croisant certaines informations, on peut identifier des personnes connues par ailleurs ». Et insistait sur le fait que, dès lors que les données présentaient un risque pour les patients d’être ré-identifiés, l’accès devait en être restreint. Il écrivait ainsi (page 29) :</p>
<p>« Même si le risque de réidentification ne doit pas être majoré, il est indéniable que ce risque existe et ne permet pas d’envisager un accès libre à l’ensemble des données du système d’information. Il ne fait aucun doute en particulier […] aux dires des experts rencontrés par la mission IGAS, que les données individuelles exhaustives du système d’information, associant soins hospitaliers et ambulatoires [NDLR : c’est-à-dire les soins avec des nuits passées à l’hôpital et les soins sans], permettent d’identifier une grande proportion des personnes présentes dans la base pour qui en connaît – même approximativement – l’âge, l’adresse, la nature et la date de certains soins et éventuellement la date du décès. De sorte qu’un tiers disposant de ces informations peut apprendre pour quelles maladies ces personnes ont reçu des soins. »</p>
<p>La commission <em>open data</em> en santé avait à son tour, en 2014, remis <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000397.pdf">son rapport</a> à la ministre de l’époque, Marisol Touraine. Celui-ci était favorable au « principe d’ouverture par défaut des données anonymes, sauf exception motivée ». À propos des possibilités de ré-identification, la commission concluait : « Le risque de mésusage n’est pas considéré comme un motif de non-publication ». Et par là-même, reconnaissait l’existence de ce risque.</p>
<h2>Eviter des scandales comme celui du Mediator</h2>
<p>Les promoteurs de l’<em>open data</em> défendent, non sans raison, une certaine idée de la santé publique, promettant que l’analyse des données permettra d’éviter des scandales comme celui du Médiator. L’accès aux « données administratives de l’Assurance maladie » était déjà, en 2014, une recommandation de la <a href="http://www.prescrire.org/fr/3/31/49374/0/NewsDetails.aspx">revue médicale indépendante <em>Prescrire</em></a> pour que les victimes du médicament puisse étayer leur action en justice. En outre, cet accès aux données permettrait de mieux mesurer le poids de chaque pathologie dans la population et son coût pour le système de santé.</p>
<p>Robert Madelin, alors conseiller spécial sur les questions d’innovation à la Commission européenne, se demandait en 2015 s’il était éthique de refuser de partager des données personnelles dans des domaines comme la recherche médicale. <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/news/l-inquietude-sur-les-donnees-personnelles-est-elle-excessive/">Sur le site du média européen Euractiv</a>, il affirmait : « Si le stockage des mégadonnées, plus mon génome, plus le génome de tout le monde peut sauver des vies, ai-je le droit de dire “Non, je ne veux pas partager mon génome avec la société” ? »</p>
<p>En revanche, il faudrait, toujours selon lui, imposer des limites aux variations de primes d’assurance que l’accès aux données de santé ne manquera pas d’entraîner. Ainsi, pour Robert Madelin, il est acquis que les assureurs connaîtront nos données de santé et que certaines personnes en pâtiront.</p>
<h2>Des remboursements modulés selon les citoyens</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses questions se posent. Les données de santé issues du SNDS peuvent être recoupées avec celles de nombreuses autres sources, par exemple des smartphones ou des pèse-personnes connectés. Qui peut garantir que ces mégadonnées ne serviront pas, un jour, à moduler les remboursements des citoyens par l’Assurance maladie ou des mutuelles ?</p>
<p>Le danger est que des critères actuariels, c’est-à-dire tenant compte du risque individuel, soient appliqués, à la place de la solidarité collective qui prévaut actuellement. Et que le modèle mutualiste, dans lequel les plus vulnérables sont pris en charge de la même manière que les autres, soit remis en cause.</p>
<p>Ces mégadonnées vont-elles permettre, à terme, de contrôler la conduite des personnes malades, en les remboursant seulement si elles adoptent un comportement jugé responsable, par exemple en arrêtant de fumer ? En trouvant les bons algorithmes, l’ensemble des données issues des objets connectés et des réseaux sociaux peut permettre de connaître assez précisément les comportements des individus. Si une personne diabétique poste des photos de sucreries sur Instagram, que pourra en conclure sa mutuelle ?</p>
<p>Le même type d’interrogation surgit concernant les assureurs. Le groupe Axa, par exemple, a lancé <a href="https://www.lesechos.fr/19/11/2015/LesEchos/22069-150-ECH_axa-investit-les-big-data.htm">dès 2015</a> son chantier pour produire et exploiter des mégadonnées ou <em>big data</em>. Projetons-nous dans un futur peut-être pas si lointain : si l’assureur connaissait le génome de l’assuré, avec ses prédispositions à telle ou telle maladie, ne serait-il pas tenté de calculer un risque spécifique le concernant ?</p>
<h2>Quel secret médical dans une période où l’échange d’information domine ?</h2>
<p>Nous nous trouvons actuellement dans une forme d’injonction paradoxale. D’une part, l’accès plus grand à des données de santé massives est un réel service rendu à la population, qui bénéficie à la santé publique ; de l’autre, ses enjeux économiques risquent de mettre à mal la cohésion sociale. L’objet du débat, c’est au fond notre capacité à continuer à supporter ensemble, à l’échelle du pays, un risque commun, afin de protéger les plus vulnérables au sein de la population.</p>
<p>Le secret professionnel des médecins participe de cela en évitant que soient stigmatisés les plus malades. D’une certaine manière, il protège la possibilité de vivre ensemble. Quel sens donner à ce secret dans une période où le principe de l’échange d’information et de l’accès généralisé aux données domine ? Le médecin que je suis, soucieuse de le voir respecté, s’interroge.</p>
<p>Entre protection de la vie privée et sécurité sanitaire, la question se pose de ce que chacun veut vraiment. À l’échelle de la société, notre capacité de faire n’excède-t-elle pas, actuellement, notre capacité à penser ce que nous faisons ?</p>
<p><em>Ce texte a été republié dans le cadre d'une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.auf.org/asie-pacifique/nouvelles/agenda/colloque-annuel-de-lauf-sante-publique/">« Santé publique</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Lécu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’accès aux données de l’Assurance maladie ou des hôpitaux doit permettre d’éviter des crises sanitaires comme celle du Mediator. Mais il faut mettre en balance le respect de la vie privée.Anne Lécu, Médecin, co-directrice du département d’éthique biomédicale, pôle de recherche, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/933322018-03-28T18:58:18Z2018-03-28T18:58:18ZComment évaluer l’éthique d’un algorithme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212287/original/file-20180327-109204-qnzc7c.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C78%2C1274%2C764&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ethique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.tameyourassets.com/tag/professional-ethics/">Tameyourassets.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les algorithmes ? Le mot est entré dans le débat public sans que son objet ne soit forcément bien défini. Nouvelles Technologies de l’Information et la Communication, Cloud Computing, objets connectés, intelligence artificielle, blockchain… Il est mis à toutes les sauces. D’où une sensation de flou. Et des interrogations teintées d’inquiétudes autour de la manipulation et de l’exploitation des données numériques, entre confidentialité et transparence, entre intérêt personnel et collectif.</p>
<p>Dans le domaine de la santé, cette nouvelle science qui utilise les outils mathématiques pour traiter la montagne de données des big data est particulièrement cruciale. On en espère une meilleure compréhension d’évènements telles que les maladies, une prise de décision optimale, et une activité prédictive. Voici quelques exemples de l’utilisation des algorithmes.</p>
<p>L’exploitation des big data peut identifier un danger sanitaire, un risque pour la santé, et parfois le prévenir. Par exemple, l’actrice américaine Angélina Jolie a su, suite au séquençage de son génome, qu’elle était porteuse d’une mutation dans le gène BRCA1 entraînant un risque de plus de 90 % de développer un cancer dans la dizaine d’années à venir. Elle a décidé de subir des opérations en conséquence.</p>
<p>Dans le traitement du cancer, des systèmes experts peuvent traiter en un temps record environ 10 000 milliards de données d’un séquençage d’ADN provenant d’une tumeur d’un patient donné, une tâche impossible aux médecins les plus chevronnés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212283/original/file-20180327-109193-59pb9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ordinateur Watson traite le big data de la santé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IBM España</span></span>
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</figure>
<h2>Puissance des prédictions</h2>
<p>L’outil <a href="https://www.google.org/flutrends/about/">« Google Flu Trends »</a>, prend en compte toutes les recherches effectuées sur Google et mesure combien de fois le terme « grippe », « gastro-entérite » ou « varicelle » a été recherché partout dans le monde. L’idée est que les individus ont tendance à rechercher des informations sur la grippe ou sur une autre maladie quand ils pensent en avoir les symptômes. Et, dans la grande majorité des cas, ils les ont… Quand Google annonce une augmentation des recherches sur une épidémie grippale, on y a généralement droit deux semaines plus tard.</p>
<p>Les algorithmes contribuent également à lutter contre la propagation des épidémies. En Afrique, les données de géolocalisation du téléphone mobile se révèlent très précieuses afin de suivre les mouvements de la population via des flux réels de déplacement, et ainsi anticiper le développement de maladies dans un pays. Ce qui a permis notamment de prédire la propagation du virus Ebola.</p>
<p>Enfin, les « données massives » impliquant une large cohorte de patients a le potentiel d’accélérer la recherche scientifique et les protocoles expérimentaux sur de nombreuses pathologies et traitements. Par exemple, le réseau social Facebook a été utilisé par des chercheurs pour établir une cartographie des Américains les plus à risque d’obésité. Une telle recherche prendrait, sans ces outils, un temps considérable et coûterait une fortune à l’échelle de millions d’individus.</p>
<p>Ce nouveau monde autour des algorithmes et des big data étudie en permanence le monde réel dans l’objectif de créer de la prévisibilité et de la prédictibilité. Et soulève une question majeure : comment s’assurer qu’un algorithme soit éthique ?</p>
<p>Une réflexion sur l’évaluation éthique des algorithmes s’impose donc à nous. L’objectif est de donner du sens, de la transparence, de la sécurité et de la confiance autour de ces outils afin de mieux les concevoir, les exploiter et les contrôler.</p>
<h2>L’éthique appliquée au numérique</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212284/original/file-20180327-109199-177boo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Protection des données.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TheDigitalWay/Pixabay</span></span>
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<p>L’action éthique constitue avant tout une réponse (du latin respondere, « répondre de, répondre à, d’où responsabilité ») à une situation limite et complexe. Généralement, l’éthique du numérique se traduit par des questionnements, premièrement, sur le comportement et l’usage des individus face aux NTIC ; et deuxièmement, sur le comportement de plus en plus autonome des outils technologiques. Dans ce cadre, l’éthique, en tant que telle constitue un mode de régulation des comportements basé sur le respect de valeurs que l’on juge essentielles, et apporter un cadre à l’utilisation des algorithmes de traitement. Il ne faut pas oublier la dimension temporelle (actions à long terme) et très souvent l’irréversibilité. La responsabilité des humains se retrouve au centre de l’éthique : ainsi, la responsabilité d’une entreprise c’est de savoir comment bien gérer, éthiquement, parlant ses actions numériques.</p>
<p>Les questions éthiques doivent faire partie intégrante de leur mission et ainsi construire une réflexion morale orientée. Dès lors, on ne parle plus d’une approche interdisciplinaire mais plutôt d’une fusion aboutissant à une véritable éthique du numérique où la question des implications sociales et morales s’intègre dans les NTIC. Dans ces conditions, il devient essentiel d’établir des attentes et des préconisations éthiques spécifiques au monde numérique, en gardant toujours en tête cette question : est-ce que le numérique peut induire un risque de mésusages de nos comportements éthiques qui va à l’encontre de la personne ?</p>
<h2>Evaluation de l’éthique des systèmes algorithmiques</h2>
<p>Il est dès lors essentiel d’évaluer le numérique comme un système continu sans vouloir cloisonner les différents éléments qui le constituent. De fait, l’étude autour du traitement algorithmique se découpe selon trois catégories interdépendantes entre elles, à savoir :</p>
<p>.L’éthique des données (valeur intrinsèque) : identification, construction, nature et caractéristique des données traitées par l’algorithme et les échanges de ces données ;</p>
<ul>
<li><p>L’éthique des algorithmes (valeur de gestion) : fonctionnement, opérations et processus associés à l’algorithme durant tout le long du cycle de vie des données ;</p></li>
<li><p>L’éthique des pratiques (valeur d’usage) : explication sur la qualité des finalités et des résultats de l’algorithme.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212450/original/file-20180328-109179-1xqaocg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Systèmes algorithmiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ADEL</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La société que j’ai co-fondée, ADEL (<em>algorithm data ethics label</em>) se veut être le premier label éthique à vocation mondiale autour des données numériques et des algorithmes de traitement. Il s’agit de fournir un cadre de réflexions et de bonnes pratiques éthiques sur l’élaboration, la mise en place et l’usage des systèmes algorithmiques, intelligence artificielle et projets big data afin de mieux les concevoir, les encadrer, les contrôler et les suivre au sein des entreprises.</p>
<p>Ce label a été créé pour apporter du sens, de la sécurité, de la transparence et de la confiance aux traitements de données numériques des entreprises auprès des citoyens.</p>
<p>En voici plusieurs aspects :</p>
<p>.La confiance dans la protection et l’usage des données ;</p>
<ul>
<li><p>La confiance dans la fiabilité, l’intégrité, et l’exactitude des données échangées ;</p></li>
<li><p>La confiance dans le contrôle effectif sur les données ;</p></li>
<li><p>La confiance dans la finalité, le fonctionnement et l’usage des algorithmes ;</p></li>
<li><p>La confiance dans la performance, la sécurité et la résilience des nouvelles technologies de l’information et de la communication et leurs réseaux de supports.</p></li>
</ul>
<p>En conclusion, une gouvernance contraignante et stricte de sanctions autour des acteurs du numérique ne me paraît pas pertinente. L’aspect réglementaire illustré par les CNIL européennes ne devrait représenter qu’un dernier recours, en tant que régulation <em>ex-post</em>. Au préalable, il devient essentiel d’examiner la dimension éthique des traitements algorithmiques <em>ex-ante</em>. La gouvernance et l’encadrement des NTIC doivent largement dépasser la dimension rigide purement technologique et normative pour embrasser la dimension transversale, flexible, mouvante et évolutive de l’éthique algorithmique.</p>
<p>Cette éthique algorithmique basée sur le principe de l’<a href="http://www.yume-studio.fr/ethicsbydesign/">« ethics by design »</a> doit s’imposer dans les années à venir comme pierre angulaire de la relation de confiance à construire avec le marché qui s’autorégule. Cela contribuera à rendre plus vigilants les utilisateurs et les instances publiques sur l’exploitation des big data, et se demander jusqu’où l’on peut échanger sa vie privée pour des services numériques.</p>
<hr>
<p><em>Jérôme Béranger participera à la <a href="http://les-rendez-vous-inspiration.brains-agency.com/la-matinee/">table ronde « Intelligences »</a> organisée par la société Brain’s Agency jeudi 29 mars à Paris</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Béranger est le co-fondateur du label d'évaluation ADEL.</span></em></p>Un algorithme peut-il être éthique ? Explicationset discussion du concept à propos des big data de la santé.Jérôme Béranger, Chercheur à l’Inserm - Université de Toulouse et expert de l’éthique du numérique, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/874522018-02-12T21:23:21Z2018-02-12T21:23:21ZSanté : pourquoi certains objets connectés sont un succès et d’autres font un flop<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203453/original/file-20180125-102711-1vqnpb2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C117%2C4896%2C3136&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La montre connectée : pratique mais pas essentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/cvw2Zx86IaQ">Crew/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En portant nuit et jour la <a href="http://www.leblogdomotique.fr/wearable/bague-connectee-oura-3606">bague connectée Oura</a> à son doigt, chacun peut savoir si son sommeil est de qualité. Grâce à un <a href="http://webdesobjets.fr/objets-connectes/freestyle-libre-le-lecteur-de-glycemie-sans-fil-de-abbott/">patch connecté</a> fixé sur le bras, les personnes diabétiques peuvent connaître leur taux de sucre dans le sang sans avoir à piquer le bout de leur doigt. Ces deux objets ont reçu, le 9 février, l’un des <a href="http://www.trophees-sante-mobile.com/trophees.php">trophées de la santé mobile</a> remis à l’IUT Paris-Diderot et décernés <a href="http://www.whatsupdoc-lemag.fr/actualites-article.asp?id=24299">par un jury d’experts</a>, attestant de leur réelle valeur ajoutée pour l’utilisateur.</p>
<p>Ces derniers temps, les fabricants de montres, bracelets, lunettes et autres <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=objets+connect%C3%A9s">objets connectés</a> promettent beaucoup. Trop, à en juger par le décalage entre l’explosion de l’offre, et la place très modeste qu’occupent ces appareils dans notre quotidien. La plupart font office de gadgets, achetés sur un coup de tête et vite oubliés au fond d’un tiroir. L’heure n’est pas encore venue, où ces appareils nous seront aussi familiers et vitaux que notre smartphone.</p>
<p>Tandis que les objets connectés relevant du bien-être peinent à convaincre de leur utilité, d’autres appartenant à la catégorie des <a href="http://ansm.sante.fr/Produits-de-sante/Dispositifs-medicaux">dispositifs médicaux</a> ont su se rendre indispensables auprès des patients. Ils servent principalement à des fins de diagnostic, de prévention ou de traitement d’une maladie, tels les lecteurs de glycémie dans le cas du diabète. Et amènent à s’interroger sur la manière dont leurs utilisateurs se les approprient.</p>
<h2>Plus d’objets connectés que d’humains sur notre planète</h2>
<p>Pour la première fois, en 2017, le nombre d’objets connectés a dépassé le nombre d’humains sur notre planète. Il existe 8,4 milliards de ces appareils qui captent, stockent, traitent et transmettent des données, <a href="https://www.gartner.com/newsroom/id/3598917">selon la société de conseil en technologies Gartner</a>. Et d’après ses prévisions, il en existera plus de 20 milliards à la fin de l’année 2020.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/206004/original/file-20180212-58331-6iftwp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lecteur de glycémie connecté Freestyle Libre (Abbott).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BGM_twopart.JPG">Wikimedia commons/Sjo</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur le créneau de la santé et du bien-être, la progression annoncée est tout aussi fulgurante. Le nombre d’appareils devrait passer de 73 millions dans le monde en 2016 à 161 millions en 2020, <a href="http://www.businessinsider.fr/us/the-global-market-for-iot-healthcare-tech-will-top-400-billion-in-2022-2016-5/">selon la société d’études Grand View Research</a>.</p>
<p>Mais qu’en pensent les utilisateurs ? Ils restent encore… dubitatifs. Même si 73 % des Français pensent que les objets connectés peuvent être utiles pour leur santé, selon le <a href="https://www.objetconnecte.com/objets-connectes-opinion-way-etude/">sondage réalisé par Opinion Way en mars 2017</a>, ils ne sont que 35 % à percevoir l’intérêt de tels produits pour suivre leur état de santé ; 11 % seulement déclarent posséder une montre connectée.</p>
<h2>Des prix élevés, un risque de dépendance, des mesures manquant de fiabilité</h2>
<p>Quelles sont donc les explications au manque d’enthousiasme des utilisateurs ? Les deux associations regroupant les principaux fabricants d’objets connectés, l’<a href="http://www.acsel.asso.fr/qui-sommes-nous/">Acsel</a> et le <a href="https://www.carrefourdelinternetdesobjets.com/">Carrefour de l’Internet des objets</a>, ont publié en 2017 un <a href="http://www.acsel.asso.fr/observatoire-de-vie-connectee-2017-2018-lere-de-cobotique/">Observatoire de la vie connectée</a>. Leur étude fait ressortir plusieurs freins vis-à-vis de ces appareils : des prix trop élevés, la crainte de voir ses données utilisées sans un consentement éclairé, un risque de dépendance, des problèmes de fiabilité de la mesure et de sécurité.</p>
<p>Au-delà de ces inquiétudes, il semble que les fabricants aient cru, un peu vite, que ces objets révolutionnaires feraient rêver leurs concitoyens. Résultat : certains consommateurs les ont « adoptés », mais très peu se les sont « appropriés ».</p>
<p>Il existe une différence majeure entre les deux, que les fabricants commencent seulement à découvrir. Un produit ou un service est « adopté » par le consommateur quand celui-ci se décide à l’essayer, ou à l’acheter. L’appropriation, elle, implique un processus plus long. Elle est effective lorsque l’individu a fait de la technologie un objet de sa vie quotidienne.</p>
<h2>Un objet physique, doublé d’un service pour l’individu</h2>
<p>S’approprier un objet connecté, c’est en effet s’approprier l’une après l’autre ses quatre spécificités.</p>
<p>Il s’agit d’abord de s’approprier le produit lui-même, dans sa dimension physique. Une montre connectée, par exemple, est d’abord une montre, c’est-à-dire un objet qui s’accroche au poignet et donne l’heure.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/206000/original/file-20180212-58322-1qs5azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La bague connectée Oura enregistre la qualité du sommeil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://meltwater.pressify.io/publications/59ddc06f17da7a0e00af5cfe?oura-ring-pressroom">Ouraring.com</a></span>
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<p>Ensuite, il faut s’approprier le service fourni par l’objet, sa dimension intangible – bien souvent via une application mobile. Ce service consiste à présenter les données collectées sous forme de courbes ou de graphiques et généralement, à proposer une action ou un programme de <em>coaching</em> adapté pour améliorer sa santé. Par exemple, le pèse-personne connecté va transmettre les mesures du poids et de la part de masse grasse à une appli. Laquelle va formuler des recommandations pour nous aider à les stabiliser.</p>
<p>L’objet est lui-même connecté à un ou plusieurs autres objets. Il transmet des données à un smartphone, à d’autres objets connectés ou à une plateforme de données. Cette dimension dépasse l’objet lui-même et doit, elle aussi, être intégrée par l’individu dans son quotidien.</p>
<p>Enfin, l’objet offre la possibilité de communiquer avec d’autres personnes, en partageant par exemple le nombre de pas qu’on a réalisés dans la journée avec un groupe d’amis qui relèvent le même défi. Cette connectivité sociale, d’humain à humain, ne devient familière qu’au cours du processus d’appropriation.</p>
<h2>Quatre étapes avant de s’approprier l’objet connecté</h2>
<p>Avant d’intégrer un objet connecté à notre quotidien, nous passons sans le savoir par quatre étapes. Les études menées ces dernières années dans notre équipe au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), auprès de personnes possédant de tels appareils, ont en effet permis de caractériser chacune d’entre elles.</p>
<p>La première phase est l’appropriation symbolique. Elle se passe soit dans le rayon du magasin avant l’achat, soit la première fois que l’individu voit l’objet connecté – si c’est un cadeau. Les interactions sont principalement sensorielles : elles passent par la vue, le toucher, l’ouïe. Pour certains, on constate un effet dit « waouh » : cette réaction de l’utilisateur traduit son étonnement voire sa fascination envers un objet perçu comme « intelligent ». Dans cette phase, il projette sur l’objet et le service lié une valeur imaginée.</p>
<p>Ensuite, l’utilisateur peut passer à la deuxième étape, nommée « exploration ». Celle-ci repose sur des manipulations physiques de l’objet afin de découvrir l’appareil et son application ; des interactions suscitant un processus cognitif de l’utilisateur pour en comprendre le fonctionnement ; et des interactions d’objet à objet, l’objet interagissant avec le téléphone mobile pour transférer les données collectées et permettre à l’application de fournir le service. Au cours de cette phase, l’usage permet la création d’une valeur réelle aux yeux de l’utilisateur.</p>
<h2>Mesurer sa fréquence cardiaque, pour muscler son cœur</h2>
<p>La troisième phase de l’appropriation va définir la fonction de l’objet pour son utilisateur. Chacun utilise en effet l’objet pour une fonction spécifique, parmi toutes celles proposées, comme mesurer son activité physique, sa fréquence cardiaque et son poids. Cette phase s’accompagne d’une coproduction de valeur entre l’objet et l’utilisateur : c’est l’individu qui définit et paramètre la fonction qu’il vise. Par exemple, telle personne qui veut muscler son cœur va décider de suivre jour par jour sa fréquence cardiaque.</p>
<p>Enfin, la dernière phase nommée « stabilisation » se caractérise par le fait que l’utilisateur intègre l’objet dans ses pratiques quotidiennes. Ses interactions avec l’appareil deviennent alors passives. Par exemple, il porte un bracelet connecté mais l’oublie, tandis que l’objet, lui, capte des données en continu et les envoie automatiquement à l’application mobile sur le smartphone de l’utilisateur. Cette phase génère également des réactions affectives à l’origine d’un lien relationnel entre l’individu et l’objet.</p>
<p>Lors de cette phase, la valeur perçue de l’objet est « transformative », c’est-à-dire que grâce à lui, l’individu a transformé ses habitudes. Par exemple il a désormais le réflexe de descendre deux stations de métro avant son lieu de travail pour marcher davantage, ou il a cessé de prendre l’ascenseur pour lui préférer les escaliers.</p>
<h2>Des usages différents de ceux prévus par les fabricants</h2>
<p>Ainsi, c’est en étudiant davantage le phénomène d’appropriation et en plaçant l’utilisateur au centre de leur stratégie que les fabricants pourront anticiper les usages des objets connectés, et donc, leur donner de la valeur. Dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui, il est paradoxal de constater à quel point les fabricants se sont « déconnectés » des utilisateurs. Cette distance contribue à un faible usage des objets connectés, voire à leur abandon au bout d’un certain temps.</p>
<p>La plupart des entreprises intègrent pourtant, au cours du développement des objets, des « scénarios d’utilisation » ou <em>use cases</em>. Mais ces stratégies consistent à penser à la place de l’utilisateur quel sera son comportement. Or il s’avère que dans la vie réelle, les individus, dans le cadre d’objets <a href="https://theconversation.com/fr/topics/smart-homes-8606">connectés à la maison</a>, ne les utilisent pas comme les entreprises l’ont imaginé ! C’est le <a href="https://postsocialgwu.files.wordpress.com/2015/08/hoffman-and-novak-2015-emergent-experience-in-the-iot.pdf">constat</a> fait en 2015 par les chercheurs américains Donna Hoffman et Thomas Novak.</p>
<p>Pour que les individus se servent vraiment de leurs objets connectés, les fabricants doivent développer des technologies responsables, à savoir sécurisées, fiables, respectueuses de la vie privée, tant dans la collecte des données que dans les algorithmes permettant leur traitement. Surtout, ces appareils doivent acquérir une réelle valeur aux yeux de l’utilisateur. Pour cela, les entreprises doivent encore apprendre à étudier son comportement dans son véritable contexte d’utilisation, et la manière dont il s’approprie l’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Balagué a reçu des financements de la fondation Mines Telecom. </span></em></p>La montre qui compte les pas, la bague qui enregistre la qualité du sommeil : les appareils analysant des données pour améliorer le bien-être font rêver. Mais beaucoup font encore office de gadgets.Christine Balagué, Professeur, titulaire de la chaire objets connectés et réseaux sociaux, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/895112018-02-07T22:48:51Z2018-02-07T22:48:51ZQui est le propriétaire des données de ma santé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204461/original/file-20180201-123849-884pi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C467%2C6000%2C3520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mesure de la tension à la maison. Les informations sur notre santé sont de plus en plus disponibles sous forme numérique, et partagées avec des tiers. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-checking-blood-pressure-home-260764628">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Chacun d’entre nous produit une grande quantité de données sur sa santé, parfois même sans le savoir. Ce peut être un taux de cholestérol, après s’être rendu pour une prise de sang dans un laboratoire d’analyses ; un diagnostic de trouble du rythme cardiaque, suite à un bilan réalisé par le cardiologue ; un nombre de pas faits durant la journée, enregistré automatiquement par le smartphone.</p>
<p>La plupart de ces informations restent sur le papier, dans un dossier à notre nom à l’hôpital, ou dans une chemise cartonnée à la maison. Mais elles se présentent, de plus en plus, sous forme numérique. Elles peuvent être stockées sur notre ordinateur personnel ou notre smartphone mais aussi… ailleurs.</p>
<p>Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de me déplacer au laboratoire d’analyses ou d’attendre le courrier pour connaître mes résultats. Il me suffit d’aller sur son site et de les télécharger. Pratique ! Seulement, mon taux de cholestérol ou de fer reste stocké sur le serveur du laboratoire. Quand je consulte un médecin dans son cabinet, le remboursement de la Sécurité sociale tombe automatiquement sur mon compte en banque, grâce à la carte Vitale. Pratique, là aussi. Mais des informations comme le nom du médecin que j’ai vu ou sa spécialité sont conservées par l’Assurance-maladie.</p>
<p>Ainsi, le citoyen produit des données lorsqu’il se soigne, demande un remboursement à l’Assurance-maladie ou à sa mutuelle, s’inscrit sur un groupe Facebook de patients ou se confie sur les réseaux sociaux, utilise un bracelet tracker d’activité ou un <a href="https://www.cnil.fr/fr/quantified-self-m-sante-le-corps-est-il-un-nouvel-objet-connecte">autre objet connecté pour sa santé</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204060/original/file-20180130-107697-kevv18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsque le patient donne sa carte Vitale au médecin à la fin de la consultation, l’Assurance-maladie enregistre des données personnelles concernant sa santé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/patient-paying-medical-consultation-141930811?src=yTAqCcNT2dzQ_TjCcDqzSQ-1-24">shutterstock</a></span>
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<p>Certains d’entre nous expriment une crainte, légitime, celle d’être fichés voire dépossédés de leurs données de santé. Comment <a href="https://theconversation.com/les-paradoxes-du-big-data-en-sante-65124">partager ces informations très personnelles</a> pour bénéficier de services profitables à notre bien-être ou encore faire avancer la recherche médicale, tout en évitant qu’elles nous échappent ? C’est l’un des sujets dont les citoyens débattent actuellement <a href="http://www.europe1.fr/sante/etats-generaux-de-la-bioethique-que-faire-des-donnees-de-sante-des-patients-3549365">à travers les États généraux de la bioéthique</a>.</p>
<h2>Un « déluge » de données</h2>
<p>Les moindres actes de notre existence s’accompagnent aujourd’hui d’une captation automatique des données, provoquant un « déluge » de données liées à notre personne. Grâce aux nouvelles technologies de l’information, combinées avec les sciences cognitives et l’intelligence artificielle, ces <em>big data</em> peuvent être organisées de manière à nous être utiles.</p>
<p>En ce qui concerne notre santé, les médecins et les établissements de soins ne sont plus seuls à récolter nos données. Les nouveaux acteurs, désignés comme des « collecteurs » de données, comptent notamment les géants du web comme Google, Apple, Facebook, Amazon – surnommés les Gafa. Dans la chaîne de traitement des données viennent ensuite les « hébergeurs », c’est-à-dire les entreprises détenant des parcs de serveurs informatiques pour les stocker. Enfin interviennent les <em>data scientists</em>, ou scientifiques de données, qui identifient dans la masse de données celles qui présentent un intérêt et dessinent des modèles ou algorithmes prédictifs.</p>
<p>Améliorer sa santé par le traitement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/big-data-23298">mégadonnées</a> : les promesses sont immenses. Le PDG de Facebook les avait d’ailleurs évoquées en 2017, alors qu’il faisait face à des critiques sur l’aspect trop commercial de son réseau social. Dans un discours <a href="https://www.letemps.ch/opinions/2017/05/29/mark-zuckerberg-ensemble-redefinissons-legalite-chances">prononcé à l’université de Harvard</a>, Marc Zuckerberg suggérait : « Pourquoi ne pas guérir toutes les maladies et demander aux bénévoles de collecter leurs informations médicales et de partager leurs génomes ? » L’idée peut paraître séduisante… mais aussi terrifiante.</p>
<h2>Notre santé, des données personnelles « sensibles »</h2>
<p>Au regard du droit français, les données de santé constituent des données personnelles dites « sensibles ». C’est-à-dire qu’elles méritent une protection accrue eut égard à leur nature, touchant au plus intime de l’individu. Elles sont ainsi régies par le droit commun des données personnelles, assorti d’un surplus de protections spécifiques.</p>
<p>Nous ne sommes pas « propriétaires » de nos données personnelles. Ce principe a été juridiquement exclu, et ce à plusieurs reprises. Ainsi, leur indisponibilité de principe a été consacrée par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460">loi informatique et liberté de 1978</a>. Autrement dit, la personne ne peut en aucun cas disposer librement de ses données ni les vendre. Elle ne peut en être qu’usufruitière. En effet, la propriété est constituée de l’usus (droit d’user librement de l’objet du droit de propriété), le fructus (le droit de récolter les fruits générés par l’objet du droit de propriété) et l’abusus (le droit d’abuser de l’objet du droit de propriété, c’est-à-dire le droit de le vendre).</p>
<p>Plusieurs arguments juridiques sous-tendent cette position. D’abord, reconnaître à la personne « fichée » la propriété de ses données donnerait à ce droit une composante patrimoniale. Elle aurait alors la possibilité de monnayer l’accès d’un tiers à cet élément de sa personnalité. Or les données de santé, produits du corps humain, ne peuvent pas être commercialisées par la personne. Par contre, un « collecteur » peut, lui, commercialiser un fichier de données, à condition que celles-ci soient anonymes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204056/original/file-20180130-107694-q66adg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Données vitales d’un patient sur l’écran d’un appareil de surveillance cardiaque, à l’hôpital.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/vital-sign-ekg-monitor-1009230514?src=KzJYkkkNtCPzj1G3-UsB1A-2-41">shutterstock</a></span>
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<p>Ensuite, donner un droit de la propriété à la personne fichée reviendrait à la reconnaître comme acteur principal de sa protection. Dans cette logique, elle serait la plus à même d’opérer des choix rationnels et de veiller à son propre intérêt. Ce postulat libéral est celui de la législation américaine. Mais cette position n’est pas partagée par le droit français, ni par celui de l’Union européenne.</p>
<p>L’un comme l’autre considèrent que la personne fichée ne peut opérer des choix pleinement éclairés. Car bien souvent elle n’est pas informée de la manière dont sera traitée l’information, ou alors de manière incomplète. Le risque est grand qu’elle sacrifie la protection de ses données personnelles pour pouvoir accéder à un service désirable. À titre d’exemple, si je veux mieux surveiller ma ligne en utilisant l’application liée à ma balance connectée, je vais entrer des données relatives à mon âge, mon poids, ma taille et bien d’autres paramètres. Et tant pis si je ne sais pas grand-chose de la manière dont celles-ci seront utilisées…</p>
<h2>Le respect de la vie privée, mais aussi le lancement de services utiles</h2>
<p>Les législations européenne et française ont cherché à ménager le respect des droits et libertés fondamentaux des individus, sans bloquer le flux des données à caractère personnel et les services utiles qui pourraient découler de son traitement. Elles ont institué pour cela une liberté de traitement de principe, assortie d’une police administrative spéciale.</p>
<p>Il s’agit à la fois de protéger les intérêts privés, autrement dit de respecter la vie privée, et de poursuivre un objectif d’intérêt général. Ce dernier consiste à pouvoir développer de nouveaux services, basés par exemple sur l’analyse de nos navigations sur le web. Des chercheurs ont ainsi proposé, dans une étude publiée en 2017 <a href="https://epjdatascience.springeropen.com/articles/10.1140/epjds/s13688-017-0110-z">dans la revue <em>EPJ data science</em></a>, de diagnostiquer la dépression à partir des photos postées par la personne <a href="https://blogs.letemps.ch/dr-jean-gabriel-jeannot/2017/10/12/la-depression-mieux-diagnostiquee-par-instagram-que-par-les-medecins/">sur le réseau social Instagram</a>.</p>
<p>Afin de défendre cette liberté de prestation de services, la communauté internationale a consacré la notion de « société d’information ». Celle-ci est issue du principe de libre circulation de l’information adopté aussi bien par l’Organisation des Nations unies (ONU), le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’UIT (Organisation internationale des télécommunications), l’Union européenne, que par le Conseil de l’Europe.</p>
<h2>Le consentement, un droit fondamental</h2>
<p>Toutefois, le traitement des données personnelles est conditionné <a href="http://blog.cnam.fr/technologie/innovation/quand-nos-donnees-personnelles-sont-en-peril-sur-le-web-971601.kjsp?RH=1479718129770">à l’obtention du consentement de la personne concernée</a>. Ce point figure dans la <a href="http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf">Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne</a>, adoptée en 2000, ainsi que dans une <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31995L0046&from=en">directive européenne de 1995</a>.</p>
<p>Au sein de l’Union, le <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-sur-la-protection-des-donnees-ce-qui-change-pour-les-professionnels">règlement général sur la protection des données</a> (RGPD), signé en 2016, poursuit cet objectif d’équilibre. Il entrera en vigueur en France le 25 mai 2018. Il renforce les droits des personnes fichées en leur offrant un certain <em>empowerment</em>, mot que l’on peut traduire par la capacité à agir sur son propre destin.</p>
<p>L’<em>empowerment</em> passe par la libre disposition des données personnelles pour les individus, dans l’idée que chacun devienne véritablement acteur de la protection de ses droits. Aussi, les partisans du principe de libre disposition le présentent comme un rempart face à la consécration d’un droit de propriété d’acteurs extérieurs sur les données personnelles.</p>
<p>En France, l’adoption en 2016 de <a href="https://www.economie.gouv.fr/projet-loi-pour-republique-numerique-definitivement-adopte">la loi pour une république numérique</a> a anticipé sur l’entrée en vigueur du RGPD. Cette loi consacre le principe de la libre disposition. Cette dernière s’est traduite concrètement par l’assurance, par exemple, de la confidentialité des correspondances électroniques – sauf si l’usager a donné son consentement pour leur traitement automatisé.</p>
<p>Dans cet esprit, les individus disposent aussi d’un droit à la « portabilité » de leurs données personnelles. Celui-ci permet aux individus de récupérer celles qui sont récoltées par un prestataire de services. Ils peuvent aussi décider de les transférer à d’autres prestataires. Le but de la portabilité est de redonner aux personnes à l’origine des données un certain pouvoir sur l’usage qui en est fait. Sans pour autant qu’elles puissent les vendre.</p>
<p>Qui est, aujourd’hui, le propriétaire des données de ma santé ? Ni tout à fait moi-même, ni tout à fait l’organisme ou l’entreprise qui les collecte. Le législateur s’efforce de maintenir, dans la durée, un subtil équilibre entre les deux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kim Boyer effectue sa thèse CIFRE à la Fondation d'entreprise MGEN pour la santé publique. Elle intervient lors du cycle de séminaires "les Big data en santé" organisé par l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (Université Paris 1), en collaboration avec MGEN, sur la période 2017-2020.</span></em></p>Lorsqu’une personne passe un examen médical ou donne sa carte Vitale, elle produit des informations personnelles. A l’occasion des États généraux de la bioéthique, le point sur leur devenir.Kim Boyer, Doctorante en droit de la protection sociale, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/876292017-11-23T21:32:30Z2017-11-23T21:32:30ZVers un décollage des systèmes d’information santé et de l’e-santé en Afrique de l’Ouest<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195831/original/file-20171122-6044-sgop8w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le CHU, hôpital national à Ouagadougou.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://burkina24.com/wp-content/uploads/2015/02/Hopital-national-Blaise-Compaore3.jpg">Burkina24.com</a></span></figcaption></figure><p>L’objet de cet article est de faire le point sur le décollage – encore balbutiant <a href="http://afrique.lepoint.fr/economie/e-sante-l-afrique-se-met-sur-orbite-03-07-2017-2140190_2258.php">mais déjà notable</a> – des systèmes d’information orientés santé (SIS) – <a href="https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-57.htm">parfois nommés e-santé</a> – qui se déploient en Afrique de l’Ouest. Il sera donc question des SIS, de leurs caractéristiques, de leurs diversités et de leur contextualisation</p>
<h2>Focus sur une des « priorités des priorités »</h2>
<p>Ce déploiement est en totale cohérence avec une des « priorité des priorités » relevées parmi les <a href="http://www.un.org/fr/millenniumgoals/">Objectifs du millénaire pour le développement</a> (OMD) c’est-à-dire l’amélioration de l’accès aux soins. Il s’agit d’une question cruciale pour un grand nombre de pays d’Afrique subsaharienne. Il s’agit aussi d’insister sur le paradoxe d’une Afrique montrant une <a href="http://afrique.latribune.fr/entreprises/les-nouveaux-champions-du-sud/2017-10-04/cnuced-l-afrique-terre-promise-de-l-economie-numerique-752731.html">forte pénétration numérique</a> et une faible performance sanitaire alors que les deux dimensions pourraient allègrement devenir complémentaires via les technologies mobiles. La santé en Afrique et la santé des Africains se placent au cœur de cette réflexion.</p>
<h2>Les systèmes de santé face à de nombreux défis</h2>
<p>L’hôpital africain est au cœur du système de santé. Il est donc confronté à de <a href="http://www.santemondiale.org/2014/05/22/defis-perspectives-hopital-de-district-afrique-sub-saharienne-viewpoint-eric-de-roodenbeke/">multiples défis</a>. Il s’agit par exemple de relever les défis liés à la formation et à la compétence des personnels, à la légitimité des intervenants dans la chaîne de soins, à la qualité de la prise en charge du patient et de son parcours de soins, à la logistique des centres de soins et des <a href="http://fr.calameo.com/read/000541236d94ae599ae55">hôpitaux de districts</a>, à l’accompagnement des familles et des ayants droit, à la relation difficile <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jean%E2%80%91Pierre_Olivier_de_Sardan2/publication/260041356_Une_medecine_inhospitaliere_Les_difficiles_relations_entre_soignants_et_soignes_dans_cinq_capitales_d%27Afrique_de_l%27Ouest/links/56bc422f08ae3f9793155c7b/Une-medecine-inhospitaliere-Les-difficiles-relations-entre-soignants-et-soignes-dans-cinq-capitales-dAfrique-de-lOuest.pdf">entre soignants et soignés</a>, etc. Il s’agit globalement de relever le défi de la performance organisationnelle de l’hôpital africain et en particulier ouest-africain.</p>
<p>Ces défis sont classiques et bien connus des acteurs économiques et politiques dans les pays émergents. Certaines approches sont <a href="http://www.irenees.net/bdf_fiche-defis-286_fr.html">bienveillantes</a> et d’autres sont plus alarmantes. Nous insisterons néanmoins sur une approche liée à la dimension numérique qui est moins souvent appréhendée dans ces contextes fragilisés.</p>
<p>Il s’agit d’insister sur le défi d’un pilotage informatisé du parcours du patient et finalement sur l’impératif d’une meilleure circulation, fiabilité et accessibilité de l’information médicale et non médicale concernant ce que nous nommerons son « dossier ».</p>
<h2>Le défi de l’e-santé</h2>
<p>Nous nous intéresserons ainsi au défi, beaucoup plus rarement abordé dans le cas des économies en développement, d’un système d’information de santé (SIS) qui serait simplement un peu plus adapté, un peu mieux déployé et correctement <a href="http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RFG_173_0145">aligné (au sens de l’alignement stratégique).</a></p>
<p>L’ensemble de ces défis à relever se traduit aussi bien en termes de coûts structurels et financiers qu’en termes sanitaires, techniques et organisationnels voire bien évidemment en termes sociopolitiques, économiques et de santé publique. À ce titre, il convient de constater que les tentatives de réformes hospitalières amorcées depuis les années 1990 (détaillées notamment <a href="http://siteresources.worldbank.org/HNPLP/Resources/461053-1111419747762/DakarseminarGuide.pdf">à Dakar en 2004</a>) pour moderniser l’hôpital n’ont pas profondément affecté les stratégies organisationnelles.</p>
<p>Certes, les modélisations successivement proposées ont impacté l’organisation structurelle et hiérarchique du moins à la marge. C’est-à-dire que ces projets de modernisations ont bien réussi à toucher le <a href="https://gh.ambafrance.org/Inauguration-du-projet-d-extension-de-l-hopital-Ridge-a-Accra">« comment ? » de l’organisation des établissements</a> mais ils n’ont encore que peu affecté le « pourquoi ? ». Le déploiement de systèmes e-santé peut être l’opportunité de s’attaquer à la question du pourquoi et notamment de replacer le patient au cœur du dispositif.</p>
<h2>L’hôpital africain comme vecteur de changement organisationnel</h2>
<p>L’hôpital est de facto la structure pivot du système de santé. Dans une logique de modernisation, il devrait pouvoir « montrer l’exemple » vers une meilleure performance organisationnelle en définissant, délimitant et déployant de nouvelles formes organisationnelles… plus souples et plus agiles.</p>
<p>Il s’agit d’oser un certain type de <a href="http://www.revuesim.org/sim/article/view/394/180">transformation organisationnelle</a>. Il s’agit notamment d’insister sur la recherche de nouvelles relations soignant/soigné en se basant sur l’implémentation de technologies de l’information et de la communication – téléphonie, Internet, cloud computing, etc. – dont le « monde extérieur » est à la fois consommateur, animateur, facilitateur et, parfois même, producteur</p>
<p>En cohérence avec la plupart des pays occidentaux, dont les systèmes de santé sont certes très différents en termes de moyens et résultats mais assez peu en terme d’objectifs, ne faudrait-il pas aborder ici de nouvelles pistes liées à la gouvernance des SI de Santé ? Notons les nombreux projets types dossier communicant en cancérologie (DCC), dossier personnel médicalisé (DPM), <a href="http://www.dmp.gouv.fr/">dossier médical partagé</a> (DMP), dossier pharmaceutique (DP), e-patient, etc. qui parsèment les revues scientifiques et professionnelles en santé, sciences politiques, sociologie, économie ou gestion. Il en effet regrettable ici que la modernisation du système de santé n’intègre pas suffisamment la question de l’e-santé. Il s’agit de prendre en compte la problématique de l’utilisation, de l’appropriation et de l’intégration de TI simples, abordables et robustes (<a href="http://www.latribune.fr/technos-medias/l-afrique-a-l-avant-garde-de-l-e-sante-mais-a-court-d-investisseurs-584169.html">via la téléphonie mobile par exemple</a>) à l’hôpital <em>par et pour</em> le personnel soignant et administratif en premier lieu mais aussi <em>par et pour</em> le patient et sa famille car il est – lui aussi – utilisateur.</p>
<h2>La question des résistances au(x) changement(s)</h2>
<p>Au contexte économique, politique et social expliquant partiellement le <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ticetsystemesdesanteenafrique.pdf">difficile décollage des technologies de l’information</a> en milieu hospitalier (inadaptation des applications, coupures électriques, <a href="http://www.jeuneafrique.com/478865/economie/les-coupures-dinternet-decidees-par-les-gouvernements-africains-coutent-cher-aux-economies-nationales/">coupures Internet</a>, difficulté d’accès aux données et aux réseaux, formation insuffisante des utilisateurs finaux, maintenance complexe et/ou coûteuse, manque d’implication des acteurs, sous-bancarisation, détériorations, etc.) il faut ajouter la réalité de certaines résistances aux changements.</p>
<p>Ces résistances paraissent intrinsèques aux structures bureaucratiques. Elles sont liées d’une part à des <a href="http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2010-4-page-129.html">facteurs socioculturels, structurels et organisationnels</a> assez prégnants et d’autre part à des facteurs liés à la réalité organisationnelle de l’hôpital basée sur une gouvernance verticale de type hierarchico-fonctionnelle qui :</p>
<ul>
<li><p>fige les <a href="http://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/DMT/TI-TC-49/tc49.pdf">compétences, les rôles et les taches</a> ;</p></li>
<li><p>fait craindre la perte de pouvoir en cas d’implémentation de systèmes informatisés et la redéfinition d’une corruption agissant par capillarité.</p></li>
</ul>
<p>Par exemple, dans le cas du Burkina Faso, les informations sanitaires issues des projets pilotes – parfois ambitieux comme <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2013-3-page-73.htm">ceux liés à la gratuité des soins</a> – n’ont pas produit l’impact attendu sur l’amélioration de la qualité du système de santé en raison notamment du manque de fiabilité des données collectées et de l’insuffisance d’informatisation des processus. Ces projets se résument souvent à des initiatives isolées, fragmentées et centrées sur la gestion comptable et administrative plutôt que sur la gestion globale du dossier e-santé. De fait, cela induit des organismes – <a href="http://www.sersap.org/suivi-evaluations-des-projets-et-programmes">comme le SERSAP</a> – à réfléchir au suivi et l’évaluation de mécanismes et de stratégie visant à limiter les freins culturels et à mettre en place des infrastructures adaptées <a href="http://www.sersap.org/reformes-des-systemes-de-sante-en-afrique-a-l-epreuve-de-l-evolution-des-contextes"><em>à l’évolution des contextes.</em></a></p>
<p>Néanmoins, des initiatives, même embryonnaires et circonscrites géographiquement, sont développées dans les différents pays africains.</p>
<h2>Des projets e-santé au Mali, au Burkina Faso et ailleurs</h2>
<p>Nous pourrons ici détailler certains projets e-santé sur des pays de la sous-région proches géographiquement et économiquement.</p>
<p><strong>1. Au Mali</strong></p>
<p>Nous pouvons citer le cas de la République du Mali, des travaux et <a href="http://www.certesmali.org/page/nos-projets-en-cours">projets du CERTES</a> et de plusieurs établissements, dont « le Luxembourg » situé à Bamako. En effet, cet établissement <a href="http://www.maliweb.net/sante/hopital-mere-enfant-luxembourg-modele-1980852.html">pionnier et symbolique</a>, conscient du rôle des TIC dans l’amélioration du suivi, de l’évaluation et du pilotage des politiques de santé, est centré sur la relation Mère-Enfant et se positionne comme moteur du développement d’un web 2.0 interactif et médical. </p>
<p>Sous l’impulsion de son directeur cardiologue, le Pr Diarra, il a notamment déployé une application, Cinz@n, centrée sur les processus de soins et qui fut bien décryptée via la thèse de doctorat de C. Bagayoko en 2010. Cette technologie participe aussi à la planification du projet d’établissement, au suivi de la qualité des soins, à la mise en place de pratiques collaboratives et à une meilleure productivité des ressources mobilisées. Certes, son <a href="http://www.certesmali.org/actualite/atelier-de-pr%C3%A9sentation-des-r%C3%A9sultats-du-projet-pilote-d%E2%80%99informatisation-de-centre-de-sant">évaluation est en cours</a> mais sa mise en place est déjà largement saluée comme élément du <em>développement et de la mise en œuvre des systèmes d’information sanitaires et hospitaliers</em>.</p>
<p>D’ailleurs, le 1 avril 2015, l’hôtel Mandé a hébergé un atelier placé sous la tutelle du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique où furent présentés des résultats du projet pilote d’informatisation de centre de santé porté par le Centre d’Expertise et de Recherche en Télémédecine et E-Santé (CERTES) et aidé par la Fédération nationale des Associations de Santé communautaire (FENASCOM) intervenant sur deux sites pilotes – Tingolé (région de Koulikoro) et Sirbala (région de Ségou).</p>
<p><strong>2. Au Burkina Faso</strong></p>
<p>Nous pouvons aussi décrypter le cas du Burkina Faso. En effet, même s’il n’existe véritablement pas de SI totalement informatisés dans les structures hospitalières, le <a href="http://www.hnbc-bf.org/">récent Hôpital National Blaise COMPAORE (HN-BC)</a> constitue peu ou prou un modèle d’implémentation et d’usage de certaines TI voire pratiques assez novatrices. Nous pouvons commencer par citer les <a href="http://www.hnbc-bf.org/droit-du-patient/">droits et devoirs</a> du patient accessibles via plate forme Internet et continuer en soulignant les données médicales informatisées qui sont présentées – à juste titre – comme faisant partie du portefeuille <a href="http://www.hnbc-bf.org/infrastuctures/">d’infrastructures</a> de cet hôpital.</p>
<p>En cohérence avec les différentes couches métiers au sein de la structure hospitalière, le SI a été conçu et mis en œuvre à partir d’un <em>logiciel maison</em> baptisé HNBC Door. Ce logiciel a permis la mise en place d’un dossier patient informatisé, la création du bulletin électronique et de l’ordonnance électronique. Ces tentatives d’intégration des sous-systèmes d’information de santé en un seul système d’information de santé <em>centré sur la qualité de la prise en charge du patient</em> sont à souligner et à encourager. Elles visent en effet clairement la question de l’évaluation de <a href="http://www.sersap.org/conception-d-un-processus-d-evaluation-de-la-performance-des-systemes-de-sante-de-districts-au-burkina-faso">la performance</a></p>
<p><strong>3. Dans la sous-région</strong></p>
<p>Nous aurions pu mobiliser et détailler des projets e-santé émergeant actuellement au Niger, en <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/en-direct-du-monde/en-direct-du-monde-la-cote-d-ivoire-developpe-son-systeme-de-e-sante-avec-un-carnet-de-vaccination-electronique_2256797.html">Côte d’Ivoire</a>, <a href="https://lanouvelletribune.info/2017/10/benin-plateforme-medias-sante-obtient-soutien-seidou/">au Bénin</a>, au Togo, etc. tant l’effervescence est grande, tant la jeune population est demandeuse et tant les espoirs de modernité sont manifestes.</p>
<p>Comme le note par exemple les visiteurs d’un grand hôpital de la capitale malienne : </p>
<blockquote>
<p>« Ici au Luxembourg où il y a seulement trois ans, c’était la désolation, c’est désormais la bienveillance, le respect et la propreté qui accueillent le patient ».</p>
</blockquote>
<h2>De nombreuses pistes à envisager</h2>
<p>Malgré les limites que nous devons souligner notamment la question de l’implication des acteurs, d’une gouvernance trop <em>top down</em> et d’un système trop étanche, le SI de l’HNBC, fournit quand même à la structure et aux professionnels l’opportunité de meilleurs résultats. En particulier, une meilleure traçabilité du parcours patient en interne avec la prise en charge relativement sécurisée du patient, une meilleure collaboration entre professionnels des soins, une meilleure lisibilité des coûts de production des soins et une réduction des sources de non-valeur. Il reste à travailler la qualité de la relation soignant/soigné notamment en permettant aux soignés d’intervenir sur le système d’information avec un portefeuille d’habilitations – un profil – qui reste à définir en concertation avec la DSI.</p>
<p>Gageons à ce propos que le <a href="http://lefaso.net/spip.php?article62391">livret d’accueil</a> puisse être cette interface soignant/soigné qui fera tendre vers la qualité relationnelle recherchée. Gageons aussi qu’un projet comme <em>e-toile</em> fondé sur certaines dimensions du SI (dimension technologique, dimension cadre/activité, dimension humaine) doit pouvoir (1) permettre l’évaluation de la pertinence des processus décisionnels et (2) collecter des données pour proposer quelques pistes d’améliorations. Gageons enfin que l’inventivité des start-up africaines de la téléphonie sera bien utile <a href="http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/08/10/32001-20170810ARTFIG00234-en-afrique-les-telephones-portables-se-mettent-au-service-de-la-sante-et-de-l-education.php">à tous les acteurs de santé</a>.</p>
<h2>Ouvrir la porte…</h2>
<p>Un enjeu important se situe donc au travers de la rencontre d’outils « technologiques » et de « nouvelles capacités collectives » au sein des structures de santé – ou ailleurs <a href="https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/tiers-lieux-libres-et-open-source-en-afrique-franc_8286#5/10.941/10.020">dans les tiers lieux</a> – nécessaire pour aborder les inerties organisationnelles caractéristiques des grandes bureaucraties (Hôpitaux, Universités, Forces armées, etc.) pour permettre à tous les acteurs d’apprendre ensemble</p>
<p>N’oublions pas à ce propos que les acteurs de <em>l’extérieur</em> peut être parfois vecteur d’innovation technologiques, d’algorithmes et <a href="http://startupbrics.com/africatech-nigeria-aajoh-sante-algorithme/#.WhMLUHl77IU">d’applications e-santé comme Aajoh</a> qui pourraient s’avérer bien utiles aux acteurs de <em>l’intérieur</em> et enfin pénétrer l’hôpital et son écosystème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87629/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdoulaye SEMDÉ ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse du décollage, balbutiant mais notable, des systèmes d’information orientés santé – ou e-santé – qui se déploient actuellement en Afrique de l’Ouest.Abdoulaye SEMDÉ, Doctorant en Sciences de Gestion, Université Aube NouvelleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/877022017-11-20T20:51:59Z2017-11-20T20:51:59ZMédicament connecté : qui a demandé le consentement du patient ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195504/original/file-20171120-18525-f0axeh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier médicament connecté au monde est un antipsychotique. Il contient à la fois la substance active et un capteur (photo d'illustration).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-taking-pill-cropped-image-young-368015510?src=Zm9RGhAKuYbZ-cE7vzqIsQ-1-26">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le premier comprimé connecté au monde, Abilify MyCite, sera disponible aux États-Unis en janvier prochain. Ce médicament antipsychotique a été approuvé <a href="https://www.fda.gov/NewsEvents/Newsroom/PressAnnouncements/ucm584933.htm">par l’autorité sanitaire américaine, la Food and Drug Administration</a> (FDA) le 13 novembre. Meilleure observance du traitement par le malade, suivi en direct du patient par le médecin, importantes économies générées pour les assurances santé, cette version numérique d’un médicament existant, l’aripiprazole, semble présenter de nombreux avantages. Quels en sont les enjeux éthiques ?</p>
<h2>Plus qu’un médicament connecté : un système de traitement intelligent</h2>
<p>Présenter Abilify MyCite comme un médicament « connecté » est un raccourci pratique qui désigne une réalité bien plus complexe. Selon la <a href="https://www.otsuka-us.com/media/static/ABILIFY-MYCITE-MEDGUIDE.pdf">notice disponible</a> sur le site du laboratoire pharmaceutique Otsuka, le système comporte quatre éléments : le comprimé et son marqueur d’ingestion, le patch (capteur externe) qui détecte le signal du marqueur et envoie l’information au téléphone mobile, l’application mobile qui montre que le médicament a été ingéré et le portail Internet pour les professionnels de santé. L’application mobile doit être téléchargée avant la première prise et le patient doit suivre ses instructions lorsqu’il utilise ce système de traitement, qu’il s’agisse de la mise en place du patch ou de la prise du médicament. Le médecin prescripteur doit montrer au patient le fonctionnement du système avant qu’il puisse l’utiliser seul.</p>
<p>Plus précisément, le patient avale son comprimé entier, sans le couper, ni le mâcher. Ce comprimé intègre un capteur qui déclenche un signal électrique lors du contact avec les sucs gastriques ; celui-ci est capté et enregistré dans le « MyCite patch » (à changer toutes les semaines) porté par le patient sur la partie supérieure gauche de l’abdomen ; il est ensuite transmis par liaison Bluetooth à l’application mobile « MyCite App ». La collecte de données comprend la date et l’heure d’ingestion du médicament, mais aussi son niveau d’activité. Le patient peut ajouter via l’application son état d’humeur et son nombre d’heures de sommeil. L’ensemble de ces informations soulève des craintes quant à la surveillance qui pourrait ainsi être exercée sur les patients.</p>
<p>En effet, les fonctions de l’application permettant la traçabilité de l’ingestion du médicament sont les seules à avoir été approuvées par la FDA. Or le site de la société de médecine numérique Proteus, co-développeur du médicament, mentionne que le patch détecte et enregistre <a href="http://www.proteus.com/press-releases/otsuka-and-proteus-announce-the-first-us-fda-approval-of-a-digital-medicine-system-abilify-mycite/">« certaines données physiologiques telles que le niveau d’activité »</a> et les transmet à l’application mobile. Il existe un manque de transparence sur la nature des données de santé collectées, leur fréquence mais aussi la finalité de leur transmission. Cette discrétion ne peut qu’éveiller la suspicion, notamment sur la réutilisation des données à des fins secondaires qui ne seraient pas explicitement approuvées par le patient.</p>
<p>Le <a href="https://www.abilifymycite.com/">site Internet</a> dédié à cette solution explique son fonctionnement <a href="https://www.abilifymycite.com/media/Infographic.pdf">dans une infographie détaillée</a>. Mais il n’apporte aucun élément concernant l’intégrité et la sécurité offertes pour le stockage des données médicales, ni les droits des patients afférents à ces données. Or, ces éléments sont indispensables pour éviter tout <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-international-de-bioethique-2017-3-p-51.htm">mésusage des méga-données de santé</a>, notamment à des fins de <a href="https://theconversation.com/les-paradoxes-du-big-data-en-sante-65124">marketing ciblé</a>. La préservation de l’intimité et de la vie privée du patient doit rester un préalable.</p>
<h2>Un bénéfice thérapeutique pour le patient non démontré</h2>
<p>Le patient doit être clairement informé du fonctionnement du dispositif mais aussi de la collecte opérée sur ses données de santé, qualifiées de « sensibles » sur le plan juridique. Le choix d’un tel traitement doit par ailleurs rester volontaire. Si Alibify MyCite devait être autorisé par la suite en France, le consentement libre et éclairé devrait être recueilli par écrit par le médecin et comporter la liste des personnes habilitées à accéder à ses données. Ici, le patient peut approuver l’accès à cinq personnes telles que les membres de la famille et le médecin prescripteur. Le patient peut supprimer cet accès à des tiers à tout moment via son application mobile. Mais dans ce cas, la technologie n’a plus aucune utilité… puisque son intérêt est dans le partage des données !</p>
<p>À qui est prescrit, d’ordinaire, l’aripiprazole ? Ce médicament est destiné à des patients souffrant de <a href="http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Depression">dépression</a> sévère, à des personnes <a href="http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Schizophrenie-s">schizophrènes</a> et des personnes atteintes de <a href="http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Trouble-bipolaire">troubles bipolaires de type 1</a>, anciennement connue sous le nom de psychose maniaco-dépressive. Ces maladies peuvent s’accompagner de fortes angoisses, d’idées délirantes impliquant, entre autres, le sentiment <a href="https://theconversation.com/quand-un-proche-fait-une-crise-de-parano-82741">d’être épié et surveillé</a>. Or, on parle ici d’un cachet qui envoie, en quelque sorte, des SMS depuis l’intérieur du corps. L’idée d’ingérer un tel « mouchard » peut ainsi faire écho, chez certains patients, à leurs propres tourments. De plus, pour l’ensemble des patients concernés, le fait que la prise du comprimé puisse être contrôlée en direct par leur médecin peut être vécu comme une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/030871598382-les-etats-unis-autorisent-le-premier-medicament-connecte-2130115.php">forme de pression psychologique</a> à suivre le traitement.</p>
<p>Il est surprenant que le premier médicament connecté au monde soit proposé dans le domaine de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sante-mentale-22629">la santé mentale</a> et pour une catégorie de patients particulièrement fragiles, qui plus est susceptibles d’être soignés d’office, c’est-à-dire de recevoir des soins contre leur gré. Parmi les symptômes possibles dans les maladies concernées figurent une désorganisation de la pensée, des difficultés de concentration, une perception erronée de la réalité, un déni des troubles entraînant un refus du traitement.</p>
<p>Dès lors, comment s’assurer que le patient est pleinement conscient des implications de son choix thérapeutique, s’agissant d’un dispositif inédit et relativement complexe ? Et si le consentement est donné, comment être certain que l’état du patient lui permettra, par la suite, de gérer correctement l’application mobile et ses multiples paramètres ? Il appartiendra au médecin prescripteur de s’assurer que son patient est apte, tout d’abord à prendre une telle décision, et ensuite, à utiliser le système sans risque pour lui-même.</p>
<h2>Le patient n’est pas un consommateur comme les autres</h2>
<p>Le PDG de Proteus, Andrew Thomson, <a href="http://www.proteus.com/press-releases/otsuka-and-proteus-announce-the-first-us-fda-approval-of-a-digital-medicine-system-abilify-mycite/">a estimé dans le communiqué à la presse</a> que « Otsuka permet aux personnes souffrant de maladies mentales sévères de s’impliquer avec leur équipe de soin dans leur traitement d’une nouvelle façon ».</p>
<p>Ce « mouchard » médical paraîtra sans doute un progrès et une solution positive aux yeux de quelques geeks sous le charme du côté ingénieux du dispositif. Mais pour le patient atteint de troubles psychiques, censé en être le bénéficiaire, il évoquera avant tout un outil de coercition. Certains patients présentant des délires de persécution se méfient même de leur médecin. Le risque existe qu’ils s’inquiètent : « Le gouvernement peut-il utiliser ces données pour me surveiller ? » D’où une question importante, à laquelle les concepteurs du système n’apportent pas de réponse : le remède ne va-t-il pas entretenir le mal qu’il est censé traiter ?</p>
<p>Par ailleurs, le fait qu’aux États-Unis, les assureurs encouragent l’utilisation de ce système par un meilleur remboursement pose lui aussi question. Le consentement du patient peut-il être considéré comme libre et éclairé, dans de telles conditions ? Enfin l’acceptation du médicament connecté ne doit pas non plus devenir une condition pour la sortie de l’établissement psychiatrique, voire pénitentiaire, et encore moins pour accéder à un emploi – autant d’utilisations potentielles problématiques.</p>
<h2>Une amélioration de l’observance du traitement non démontrée à ce jour</h2>
<p>La molécule contenue dans Abilify MyCite, l’aripiprazole, est devenue récemment accessible aux fabricants de médicaments génériques. Mais le fabricant Otsuka conserve des droits exclusifs sur sa version numérique créée grâce à la technologie de Proteus. Le patient pourrait donc légitimement s’attendre à un service médical supplémentaire en vertu de cette avancée technologique. En effet, une prise régulière du médicament limite le risque de rechute et d’hospitalisation, avec prise d’un traitement sous forme d’injection. Le <a href="https://www.nytimes.com/2017/11/13/health/digital-pill-fda.html">coût de ces hospitaliations est estimé entre 100 et 300 milliards de dollars</a> par an aux États-Unis. Pourtant, l’amélioration de l’observance du traitement n’est absolument pas prouvée pour le moment, bien que cet argument soit le principal utilisé par ses concepteurs.</p>
<p>La technologie de Proteus, financée par Novartis et Medtronic pour un total de 400 millions de dollars, ne semble pas tenir toutes ses promesses. En effet, le comprimé est en principe détecté dans les trente minutes suivant la prise, mais il peut s’écouler jusqu’à deux heures avant que l’application mobile et le portail Internet ne reçoivent le signal du capteur interne ; voire que le signal ne soit pas du tout reçu comme l’indique la notice du médicament.</p>
<p>Celle-ci prévoit d’ailleurs <a href="https://www.otsuka-us.com/media/static/ABILIFY-MYCITE-MEDGUIDE.pdf">que si le médicament n’est pas détecté</a>, il ne faut pas reprendre de médicament et qu’en cas de surdose le patient appelle de toute urgence le centre antipoison. Enfin, son efficacité et sa sécurité sur les patients mineurs sont inconnues.</p>
<p>En fonction des résultats obtenus avec Abilify MyCite, d’autres médicaments courants pourraient être proposés sous forme connectée. Des versions embarquées de capteurs de pression artérielle pourraient équiper le lisipronil, utilisé dans la prise en charge de l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’infarctus du myocarde ; ou encore la metformine, utilisée dans le diabète.</p>
<h2>Le consentement : un défi majeur pour les technologies de santé</h2>
<p>L’arrivée de ce médicament connecté est l’occasion de s’interroger, à l’ère du numérique, sur l’autonomie du patient et sur son consentement, deux notions intrinsèquement liées si l’on vise son autodétermination. L’aptitude du patient à comprendre l’information délivrée par le médecin a des répercussions sur sa conscience de faire ou ne pas faire un choix, et donc sur la réalité de sa volonté. Or, le traitement des données de masse est si vaste et si complexe que cela rend impossible, pour les citoyens, une véritable prise de décision sur tous les usages de leurs données à caractère personnel.</p>
<p>Cela conduit à une perte d’autonomie avec pour conséquence une perte de contrôle et de liberté quant aux décisions prises par l’environnement technologique (intelligence artificielle) ou les processus automatisés (algorithmes). L’usage secondaire possible de ces données peut d’autant moins être anticipé qu’il implique le rapprochement de données provenant de sources variables (objets connectés, applications mobiles, réseaux sociaux), dont la nature peut être médicale ou non. Pourtant, un consentement spécifique est nécessaire pour un traitement secondaire de ces données : c’est là un principe essentiel pour garantir leur confidentialité.</p>
<p>Le consentement est devenu une question problématique en particulier dans le domaine des applications mobiles, y compris de santé, et dans celui des réseaux sociaux. L’information délivrée à l’usager/patient apparaît en petits caractères sur nos téléphones mobiles, parfois sans réelle alternative au refus pur et simple. Le procédé consistant à recueillir un consentement sur ce support numérique (et non sur un format papier) mène souvent l’usager à un clic immédiat, sans avoir pris le temps de faire un choix éclairé. Les « conditions d’utilisation » sont trop longues et difficiles à comprendre pour la plupart d’entre nous et sont rarement lues jusqu’au bout.</p>
<p>L’entrée en vigueur prochaine du règlement européen sur la protection des données à caractère personnel devrait corriger ce déséquilibre, notamment par l’introduction du principe de protection de la vie privée dès la conception de la technologie. Les développeurs d’applications mobiles et objets connectés de santé auront à standardiser leurs procédures afin d’intégrer cette dimension dès le départ. La confiance des usagers, clients, patients, n’est pas infinie… Aussi les entreprises devraient d’ores et déjà reconsidérer les processus de collecte et traitement déjà en place, car ils devront de toute façon en rendre compte à l’avenir.</p>
<p>La nécessité d’un consentement éclairé laisse penser que le médicament connecté proposé par le laboratoire pharmaceutique Otsuka serait plus utile – et plus éthique – dans d’autres domaines que la santé mentale. On pourrait tout à fait l’imaginer pour la surveillance du dosage des médicaments postopératoires comme les antidouleurs les plus forts à base d’opiacés, par exemple la morphine ; ou pour mieux contrôler les essais cliniques. S’agissant de patients atteints de maladies psychiatriques en quête d’autonomie, la pilule restera toujours difficile à avaler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87702/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Un cachet qui envoie des SMS depuis l’intérieur du corps, pourquoi pas ? Mais quelle idée de proposer cette solution à des personnes ayant des troubles psychiatriques…Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/860712017-11-12T20:06:59Z2017-11-12T20:06:59ZLa télémédecine pour tous, c’est pour demain… ou après-demain !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/193780/original/file-20171108-14215-4cgvea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Radio du torse d'un patient reçue sur une tablette numérique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/doctor-looking-digital-chest-xray-report-636333149?src=dEoABI7Yb_lqM98yFoGaPg-2-50">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les initiatives de télémédecine se multiplient un peu partout en France. Elles donnent lieu, chaque fois, à une large médiatisation. Ces derniers jours, on a célébré la <a href="http://www.sudouest.fr/2017/11/06/telemedecine-sante-landes-a-invente-un-modele-3924025-4696.php">plate-forme Santé Landes installée à Mont-de-Marsan</a> ou encore <a href="http://www.lechorepublicain.fr/chartres/sante/2017/11/07/la-telemedecine-se-pratique-deja-a-chartres_12620058.html">l'équipement dont s’est dotée une maison de retraite médicalisée à Chartres</a>. En dépit de cet effort généralisé, les promesses du soin à distance tardent à se concrétiser.</p>
<p>Le premier ministre a pourtant mis en avant les bienfaits de la télémédecine lors de la présentation de son <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/edouard-philippe-presente-son-plan-contre-les-deserts-medicaux-78562">plan de lutte contre les déserts médicaux</a>, le 13 octobre. En septembre déjà, la Cour des comptes rappelait <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/media/39693">dans son rapport sur le sujet</a> les nombreux bénéfices escomptés de cette nouvelle pratique de la médecine par écrans interposés : la modernisation du système de santé, les économies à travers la mise en place de la télésurveillance des patients, l’amélioration de la prise en charge <a href="https://theconversation.com/un-meilleur-acces-aux-soins-durgence-grace-aux-ambulances-connectees-83322">des personnes vivant dans des territoires isolés</a> ou en situation de détention. La Cour soulignait toutefois le fait que les expérimentations menées ces dernières années constituaient des initiatives hétérogènes, aboutissant à « des résultats modestes ».</p>
<p>D’où viennent ces résultats décevants, et surtout, comment les améliorer ? Nous pensons qu’un facteur clé tient à une vision trop idyllique de la télémédecine. Le recours à cette pratique est invoqué à la façon d’une « pensée magique », niant les problèmes qui jaillissent face à tout changement à la fois technique et organisationnel.</p>
<h2>La vision simpliste d’une pratique inchangée mais à distance</h2>
<p>La définition de la télémédecine retenue par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000020891327&dateTexte=&categorieLien=cid">article L6361-1 du code de la santé publique</a>, qu’on retrouve dans beaucoup d’articles scientifiques, est éloquente. Il s’agit « d’une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Ces termes entretiennent la vision simpliste d’une pratique clinique inchangée qui se passerait juste « à distance ». Ils sous-estiment la transformation de la pratique elle-même par son informatisation. Cet obstacle se dresse immanquablement au moment où l’expérimentation réussie doit être transformée en un système pérenne. Il faut alors s’attaquer à des aspects pragmatiques moins valorisants et plus fastidieux.</p>
<p>Le nouveau logiciel de télémédecine adopté par un établissement, par exemple, doit s’insérer dans l’écosystème technologique existant. On rêve en effet d’une médecine « dématérialisée » mais celle-ci pose en réalité des problèmes tout à fait matériels : la capacité de mémoire nécessaire, la compatibilité avec les programmes déjà installés (système d’exploitation, versions du navigateur et autres applicatifs pour la bureautique), le débit nécessaire pour le transfert des données, la sécurité des transmissions de données, la procédure de sauvegarde et l’hébergement des données.</p>
<p>Lors de l’annonce du plan contre les déserts médicaux, le premier ministre a d’ailleurs relevé l’importance de la connexion Internet, affirmant que le problème serait résolu par la future couverture totale du territoire.</p>
<h2>12 logiciels différents pour la prise en charge de l’AVC</h2>
<p>Le choix du logiciel est une autre question pragmatique qui se pose quand on décide de se lancer dans la télémédecine. L’observatoire du référencement <a href="http://www.atih.sante.fr/autres/relims">des Éditeurs de logiciels et intégrateurs du marché de la santé (RELIMS)</a> rapporte une grande diversité dans le secteur de la santé, avec 301 sociétés inscrites et 840 logiciels disponibles déclarés sur le marché français. Pas moins de 135 éditeurs proposent, par exemple, des logiciels pour l’hospitalisation à domicile ! Et si l’on regarde un segment très spécifique comme les dispositifs de télémédecine dans la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral (AVC), il existe actuellement <a href="http://www.telemedecine-360.com/latlas-2015-des-sih-denombre-peu-de-logiciels-pour-la-telemedecine/">12 logiciels différents</a>… Cette multiplicité pose la question de leur pérennité et des conséquences pour les clients en cas de faillite de l’éditeur – comment récupérer les données, par exemple.</p>
<p>Quels peuvent être les critères de choix objectifs ? L’un pourrait être la certification selon une des normes internationales de qualité (ISO), comme dans d’autres secteurs économiques. Il existe même des normes ISO spécifiques pour les logiciels de santé. Mais les éditeurs ne s’y intéressent pas beaucoup, ou pas encore – et cela est valable partout dans le monde. <a href="https://www.internationalsos.com/newsroom/news-releases/first-company-to-be-certified-in-delivery-of-telehealth-services-oct-12-2015">La plate-forme britannique de télémédecine SOS</a> se targue ainsi d’avoir été, en 2015, la première entreprise certifiée dans le monde selon la <a href="https://www.iso.org/standard/53052.html">norme ISO pour la qualité du service dans la télémédecine</a>.</p>
<p>En France, la Haute Autorité de santé (HAS) n’a pas mis en place de certification spécifique pour les applications et logiciels de télémédecine. Aucune obligation réglementaire n’existe, à l’exception des logiciels visant à être certifiés comme dispositifs médicaux, ce qui ouvre droit au remboursement par l’Assurance Maladie. Actuellement, <a href="https://theconversation.com/mon-appli-sante-bientot-remboursee-par-la-secu-80171">seule une application dédiée au diabète, Diabeo, a obtenu cette certification</a>. La HAS a publié récemment un référentiel de bonnes pratiques pour les <a href="https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-11/has_ref_apps_oc.pdf">logiciels et applications dans la « santé mobile »</a>, mais elles n’ont pas de caractère obligatoire. À la lecture de ce guide, les clients et utilisateurs potentiels apprennent que l’évaluation de la fiabilité, de la sécurité et du service rendu deviennent indispensables pour ces logiciels. Or, la documentation des éditeurs fournit peu de garanties sur ces critères.</p>
<p>L’ergonomie et la facilité d’usage figurent parmi les exigences qui devraient s’appliquer à tous les logiciels, comme le rappelle d’ailleurs le guide de la HAS. Il s’agit d’éviter les risques d’erreur associés à une mauvaise utilisation, ou simplement la perte de temps liée à un nombre important de clics. En 2012 déjà, une <a href="http://www.jacionline.org/article/S1386-5056(12)00176-1/pdf">étude internationale</a> avait montré que 17 % des incidents liés à la sécurité de la prise en charge des patients étaient imputables à des problèmes d’ergonomie du logiciel utilisé. De nombreux articles insistent sur les « erreurs silencieuses » engendrées par la ressaisie d’informations, l’ergonomie défaillante ou le contournement par les soignants de logiciels inadaptés aux processus de travail.</p>
<h2>Des logiciels incompatibles entre eux</h2>
<p>Un dernier aspect très pragmatique qui compromet l’essor de la télémédecine tient aux incompatibilités entre des logiciels incapables d’échanger automatiquement des données entre eux. Ce défaut d’interopérabilité technique et <a href="http://esante.gouv.fr/le-mag-numero-7/l-interoperabilite-la-cle-de-voute-de-la-e-sante">sémantique</a> (signification de l’information) entre logiciels pose un problème croissant avec leur multiplication dans des buts et sur des supports différents, depuis le dossier informatisé du patient jusqu’aux logiciels liés à des appareils médicaux. Ces logiciels s’accumulent en mille-feuilles, entraînant une <a href="http://thehealthcareblog.com/blog/tag/chronic-emr-fatigue-syndrome/">surcharge de travail</a> pour les professionnels de santé.</p>
<p>Au Québec, l’absence d’interopérabilité entre les différents logiciels servant de support au dossier informatisé du patient a posé de gros problèmes. Le ministre de la Santé a donc décidé il y a deux ans que tous les hôpitaux de la province doivent <a href="http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201512/17/01-4932465-dossier-clinique-informatise-barrette-choisit-un-modele-unique.php">migrer vers un logiciel unique</a>. En France, une telle décision à l’échelle nationale n’est pas possible en raison de la <a href="http://www.atih.sante.fr/sites/default/files/public/content/990/Cir_6-1-89.pdf">circulaire de 1989 sur l’informatisation des hôpitaux publics</a> laissant la possibilité aux établissements de choisir leur fournisseur informatique.</p>
<p>Aujourd’hui, il y a deux solutions pour faciliter l’échange de données entre les logiciels : soit imposer une norme à l’ensemble des éditeurs, ce que la HAS pourrait décider de faire, soit imposer un logiciel unique sur tout le territoire, ce qui paraît difficile en raison de la circulaire évoquée plus haut.</p>
<h2>Quelle responsabilité pour les éditeurs de logiciels, en cas de problème chez un patient ?</h2>
<p>Une autre question se pose, avec la généralisation attendue de la télémédecine. En cas de problème chez un patient lié à un défaut de l’informatique, qui est responsable : les professionnels de santé, les éditeurs du logiciel ? Jusqu’où les éditeurs peuvent-ils être mis en cause si leur logiciel tombe en panne ou ne fonctionne pas comme prévu ? Rappelons qu’en 2011, le <a href="http://www.ticsante.com/Polemique-sur-les-logiciels-d-aide-a-la-prescription-hospitaliers-suite-a-un-deces-NS_1538.html">décès d’une patiente a potentiellement été imputé à une erreur logicielle</a>. Le représentant des éditeurs, le délégué de l'association “Les entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux” (LESIS), avait remis en question la formation et les bonnes pratiques dans l’utilisation de ces logiciels. Cet accident a cependant abouti, à partir de 2014, à la certification par la HAS des <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1751516/fr/logiciels-d-aide-a-la-prescription-hospitaliers-certifies-selon-le-referentiel-de-la-has">logiciels d’aide à la prescription</a>.</p>
<p>Pour l’implémentation de la télémédecine, là encore, un <a href="https://www.occitanie.ars.sante.fr/system/files/2017-06/3_tlm_anap_guide_construire_projet_telemedecine_2016.pdf">guide de bonnes pratiques existe</a>. Loin d’en donner une vision idyllique, il laisse entrevoir le parcours de saut d’obstacles qu’un tel projet représente. Il souligne l’importance de prendre en compte les ressources humaines pour la maintenance et l’assistance technique, ainsi que pour la coordination entre les professionnels. Car la plus grande erreur consiste à imaginer que la technologie, par l’automatisation du traitement de données, répondrait à elle seule à tous ces besoins.</p>
<p>Le premier ministre a cité, dans son plan de lutte contre les déserts médicaux, l’exemple du diagnostic à distance d’un grain de beauté, ou télédermatologie. Pour le rendre possible, il reste à concevoir des logiciels fiables, mettre en place des « entrepôts » pour stocker les photos de grains de beauté des patients, définir un protocole technico-médical basé sur des études cliniques – par exemple définir la résolution minimale pour que la photo soit exploitable – et coordonner des professionnels à même de réaliser le diagnostic.</p>
<p>Ainsi, les miracles de la télémédecine ne vont pas s’accomplir sous nos yeux comme par magie. Ils impliquent des changements techniques et organisationnels. Et dans ces domaines là, tout reste à construire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les expérimentations se multiplient pour faire de la médecine à distance. Mais avant d’être pratiqué en routine, ce mode d’exercice devra surmonter nombre d’obstacles techniques.Roxana Ologeanu-Taddei, Maitre de conférence habilitée à diriger des recherches en Sciences de gestion à Polytech Montpellier, Université de MontpellierDavid Morquin, Praticien hospitalier au CHU de Montpellier, doctorant en Gestion des Systemes d'information, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.