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Essais cliniques : pratiques et réglementation en France

Ragesoss/Wikimedia, CC BY-SA

Peu connus du grand public, les essais de médicaments sur l’homme sont sur le devant de la scène depuis le drame de Rennes où un volontaire est mort et cinq autres hospitalisés. Contrairement à d’autres pays de l’Union européenne (l’essai Te Genero de mars 2006 au Royaume-Uni), la France n’avait pas connu à ce jour d’accidents majeurs lors d’essais cliniques médicamenteux.

Dans notre pays, l’encadrement réglementaire depuis la loi dite Huriet-Sérusclat jusqu’à la loi dite Jardé a été suivi très sérieusement par les différents acteurs de cette recherche. Reste qu’il faut aujourd’hui préciser qui sont les acteurs d’une étude clinique et quelles sont les étapes de la recherche clinique appliquée à un médicament : c’est ce que nous allons tenter de décrire dans cet article.

Qui sont les acteurs de ces essais ?

Toute recherche biomédicale implique au départ trois partenaires dont les rôles et responsabilités sont définis par la loi : le promoteur, l’investigateur et le participant, patient ou volontaire sain.

Le promoteur : c’est une personne physique ou morale, qui prend l’initiative d’une recherche et en assure son bon déroulement. La première étape est la rédaction d’un protocole de recherche et le choix d’où des équipes médicales qui seront à même d’appliquer ce protocole, ainsi que la souscription d’une assurance pour protéger les participants à la recherche.

Site de l’ANSM. ANSM

Puis vient pour le promoteur l’étape de soumission du protocole de recherche : pour les aspects réglementaires à l’autorité compétente, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), pour les aspects éthiques au Comité de protection des personnes (CPP).

Une fois le feu vert donné par l’Ansm, le promoteur s’assure du suivi de cette recherche (ou « monitoring »), qui consiste à collecter toutes les données liées à la recherche : évènements prévus (constantes biologiques par exemple) mais aussi éventuels évènements inattendus qui doivent être signalés à l’Ansm (qui peut les répercuter au CPP), selon une procédure très définie.

Toutes ces données sont consignées dans des cahiers d’observation propres à chaque participant à la recherche, par des personnels formés et ces données seront contrôlées par des auditeurs extérieurs à l’équipe de recherche. Enfin le promoteur doit assurer l’archivage des données (15 ans) et des échantillons biologiques éventuellement prélevés lors de la recherche (durée variant selon le type de matériel).

L’investigateur est une personne physique qualifiée (en général un médecin inscrit à l’ordre des médecins et justifiant d’une expérience appropriée en recherche clinique) qui peut être ou non à l’initiative d’une étude par la rédaction du protocole de recherche. Dans tous les cas (étude initiée par un promoteur ou par lui-même), l’investigateur met en œuvre l’étude et la réalise.

Il doit s’assurer que la recherche se déroulera dans des lieux de recherche appropriés, avec une équipe parfaitement informée du protocole de recherche. L’investigateur est également responsable de l’information donnée au participant à la recherche par la rédaction d’une feuille d’information et d’un formulaire de consentement qui seront remis au participant avant son inclusion éventuelle dans un protocole. Toute inclusion est conditionnée par la signature du formulaire de consentement. L’investigateur doit informer le promoteur de tout évènement indésirable se produisant au cours de la recherche.

Pixabay

Le participant à la recherche peut être un sujet sain ou malade devant bénéficier d’un régime d’assurance maladie. Tout participant doit être en capacité de consentir de façon « libre et éclairée » (il existe cependant des catégories de participants dits vulnérables : mineurs, adultes sous tutelle ou curatelle ou privés de liberté, personnes plongées dans le coma, et dans ces situations le consentement peut être recueilli auprès d’un tiers de confiance).

La fiche de consentement sera signée une fois le participant informé par l’investigateur après un temps de réflexion. Il est important de souligner que le participant à la recherche est libre de mettre fin à sa participation à l’étude à tout moment, sans avoir à le justifier et sans conséquence pour ses rapports avec l’équipe soignante. Il peut aller jusqu’à demander la destruction de ses données et de ses échantillons biologiques déjà collectés.

Tout volontaire sain sera obligatoirement inscrit par l’investigateur au fichier des Volontaires pour la Recherche Biomédicale afin d’éviter qu’il ne participe à plusieurs études à la fois. Les volontaires sains peuvent percevoir une indemnité de participation ainsi que le remboursement des éventuels frais liés à leur participation, contrairement aux patients participants à la recherche qui eux ne perçoivent qu’un défraiement lié à leur participation.

Les étapes du développement d’un médicament

Pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM), un médicament doit être soumis à plusieurs étapes de validation :

• Phase I : il s’agit de la première administration du médicament chez l’humain. Elle ne sert en général pas à tester l’efficacité du médicament, mais à évaluer sa tolérance, son action sur le métabolisme humain, sa pharmacocinétique, son dosage et ses effets secondaires. La phase I est en général effectuée sur volontaires sains (il existe une phase dite I/II à laquelle ne peuvent participer que des patients, par exemple l’étude d’une nouvelle chimiothérapie anticancéreuse). Des doses faibles du médicament sont administrées au départ, puis progressivement augmentées afin de déterminer la dose maximum tolérée.

Ces études de phase I doivent être obligatoirement réalisées dans des « lieux de recherche » agréés par l’autorité compétente, qui doivent être équipés pour faire face à tout problème de santé inattendue pouvant mettre en cause l’intégrité physique ou mentale du participant. C’est au cours d’un essai de phase un que l’accident de Rennes a eu lieu.

• Phase II : elle porte sur un nombre limité de participants pour étudier l’efficacité du nouveau médicament, sa posologie et sa pharmacodynamique.

• Phase III : elle porte sur un plus grand nombre de malades pour évaluer l’efficacité d’un nouveau traitement par comparaison à un traitement de référence ou à un placebo (un placebo contient des substances inertes, c’est-à-dire sans effet pharmacologique démontré dans la pathologie considérée).

C’est au terme de ces trois phases qu’une demande d’AMM pourra être déposée et que le médicament qui a obtenu cette AMM pourra être administré.

Les médicaments sont surveillés après commercialisation. Wikimedia, CC BY-SA

• Phase IV : après commercialisation, cette phase permet de tester le médicament sur une population encore plus large ou dans un sous-groupe spécifique. Elle a pour objectif de mieux cerner les conditions d’utilisation, de déceler les effets indésirables rares (ce qui est dénommé pharmaco-vigilance).

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