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Et si on mettait les enjeux de la ville en jeu ?

Et si le jeu nous permettait de mieux comprendre les enjeux de la ville ? (Image par philm1310 de Pixabay )

Dans le cadre du cinquième anniversaire de The Conversation France, nous vous invitons à réfléchir à l’opposition traditionnelle entre villes et campagnes… En attendant d’évoquer plus largement la question des différentes façons de vivre la ville lors de notre rencontre du 8 octobre prochain à Grenoble.


Un petit encouragement ludique pour jeter un papier : ça fait sourire. Pouvoir découvrir une ville en s’amusant en famille : ça fait plaisir. Et si le jeu pouvait nous accompagner encore plus loin pour réinventer la ville ?

Ludisme et civisme

A Lille mais également au Havre des poubelles se sont vues transformées là en marelles, ici en panier de baskets. L’objectif ? Donner envie aux citoyens d’aller jusqu’à elles pour y jeter leurs déchets. Dans ce type d’installation il s’agit de gamifier la ville. Helene Michel, professeure à Grenoble École de Management explique que grâce à ces mécanismes ludiques tout simples, il est possible d’inciter quelqu’un à aller au bout d’une tache, à faire le dernier pas, parfois le plus coûteux. C’est aussi une manière, selon la spécialiste, de partager la responsabilité entre la ville et le citoyen.

Jeu et civisme à Lille.

(Re)découvrir la ville

La fontaine des éléphants de Chambéry est un des symboles de la ville. Aussi, quand l’office du tourisme a souhaité faire (re)découvrir la ville de façon décalée, il a fixé de petits éléphants au sol un peu partout dans la ville. Ces médaillons de métal proposent aux promeneurs, touristes, étudiants ou habitants de les suivre dans un parcours au travers des ruelles les plus secrètes de la ville. Les éléphants permettent au promeneur de changer de regard sur la ville. Ce n’est plus lui qui décide de son parcours, il se laisse guider. Le passant accepte de rentrer dans le jeu, de ne plus suivre ses habitudes ou le livret touristique classique mais de suivre cette règle toute simple : suivez les éléphants comme Alice suivant le lapin blanc.

Suivez les éléphants de Chambéry !

Pour aller encore plus loin, certaines villes organisent des chasses au trésor. Cette fois-ci il s’agit de mêler dans le jeu des éléments de fiction (des personnages, des énigmes) et des éléments historiques réels.

Le fait de mêler fiction et connaissance est un véritable moteur à l’immersion et à l’apprentissage. Hamdi-Kidar et Maubisson (2012) soulignent en effet que le « cadre narratif » est un des huit facteurs favorisant l’immersion et de l’implication des joueurs. L’histoire et les interactions possibles avec elle renforcent l’impression du joueur de prendre part à l’expérience et il de s’y immerger. La mise en contexte permet également une meilleure compréhension des éléments (connaissances) qui y sont mis en jeu. Ainsi le jeu et la fiction sont utilisés dans des cours de sciences dites dures telle que la physique ou la physique expérimentale. Des enseignants tels que Mélanie Fenaert ou Julien Bobroff l’incluent dans leur cours. Le fait de contextualiser des éléments permet aux élèves ou étudiants de mieux s’approprier ces éléments en en comprenant les tenants et les aboutissements.

Intri-guiers : une enquête interactive ludique et fictionnelle pour comprendre l’histoire de Pont de Beauvoisn.

Dans les villes, le recours à la fiction, associé, au jeu permet donc de capter l’attention, de créer de l’envie voire de l’engagement et de mener au bout de l’aventure et donc du savoir (anecdotes historiques, géographiques ou architecturales) dissimulé sous les énigmes de la chasse au trésor. Les villes d’Annecy et de Pont de Beauvoisin s’en sont déjà emparées proposant ainsi aux chalands de découvrir là les secrets du lac et ici les mystères de cette ville qui se trouve à la fois en Savoie et en Isère.

Comprendre les enjeux de la ville en jeu ?

Le jeu peut mener encore plus loin la rencontre du citoyen avec sa ville. Pour ce faire, il faut qu’il soit conçu avec des experts de chacune des parties prenantes. Il doit être aussi bien conçu par des experts du sujet dont la ville veut traiter que par des témoins, des relais terrain du sujet en question ainsi que des game designers.

Pour accompagner les habitants sur des sujets sensibles, le jeu doit remplir certaines conditions. Il doit par exemple permettre aux citoyens-joueurs de changer de point de vue en incarnant un personnage, développant ainsi leur empathie. C’est le cas de La Track qui traite du difficile sujet du harcèlement et du sexisme ou encore de Uber Game qui permet de se mettre à la place des chauffeurs Uber.

Le jeu doit aussi laisser ses joueurs essayer, se tromper, réussir et faire des choix. Dans tous les cas, il faut que chacun des coups joués ait une conséquence dans le jeu qui révélera par exemple les équilibres et déséquilibres qui relient chaque membre d’un écosystème.

Ainsi dans le jeu de plateau Terrabilis ou encore dans le jeu de Juliette Cerceau réalisé avec l’UR Green du CIRAD de Montpellier, les conséquences des choix d’une partie prenante sur les autres sont mises en évidence de manière concrète. Des initiatives de ce types, dédiées au sujet de la ville, existent, certaines sont recensées sur ce site.

Comprendre les équilibres et déséquilibres qu’entretiennent différentes parties prenantes grâce au jeu.

Le jeu permet de visualiser les enjeux, de mieux les comprendre et de les expérimenter. Ainsi, jouer avec la ville, c’est en comprendre les interactions, se l’approprier, s’y attacher et imaginer les changements qu’on souhaite lui faire vivre en vrai.

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