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Éteindre le gène fautif : une approche aussi innovante que prometteuse contre le cholestérol

Fiole avec seringue préparée pour une injection.
Deux injections par an d'inclisiran seraient efficaces contre un taux de cholestérol trop élevé chez de nombreux patients. Robert Avgustin / Shutterstock

Faire baisser, en une injection, la quantité de cholestérol sanguin chez plus de 300 000 malades : voilà le traitement hypocholestérolémiant novateur que viennent d’approuver les autorités de santé britanniques (National Health Service, ou NHS), dans le cadre d’un accord avec le laboratoire pharmaceutique Novartis sur trois ans.

Le traitement concerné – l’inclisiran – sera administré par injection sous-cutanée aux personnes sélectionnées deux fois par an au cours des trois prochaines années (la durée de l’accord). Il sera principalement prescrit aux patients qui souffrent d’une maladie génétique entraînant un taux de cholestérol élevé, mais pas seulement. Sont également concernés ceux qui ont déjà été victimes d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral, ou encore les malades qui répondent mal aux traitements hypocholestérolémiants classiques, tels que les statines, qui bloquent la production du cholestérol.

Cette approbation par le NHS a suscité beaucoup d’enthousiasme, à la fois en raison des résultats que ce traitement pourrait permettre d’obtenir et parce qu’il utilise une technique thérapeutique émergente connue sous le nom de « silençage génique » : elle cible un gène impliqué dans une affection et l’empêche de fabriquer la protéine pour laquelle il code. En d’autres termes, on « réduit au silence » le gène fautif identifié. Ce faisant, on vise directement les causes sous-jacentes de la maladie, plutôt que les symptômes qu’elle provoque.

Jusqu’à présent, la plupart des traitements utilisant la neutralisation de gènes ont été mis en œuvre contre des maladies génétiques rares. Cela signifie que ce « vaccin » contre le cholestérol sera l’un des premiers médicaments capables d’éteindre un gène utilisés pour traiter des patients à grande échelle. Et ce ne serait qu’un début : des équipes étudient actuellement la possibilité d’utiliser ce type de technologie dans le cadre d’un large éventail de problèmes de santé, notamment la maladie d’Alzheimer ou les cancers.

Éteindre les gènes que l’on veut

Les médicaments « suppresseurs » de gènes agissent en ciblant dans l’organisme un type spécifique d’ARN (acide ribonucléique, cousin de l’ADN - l’acide désoxyribonucléique), appelé ARN messager. Les ARN sont présents dans toutes les cellules de notre corps et jouent un rôle important dans la circulation de l’information génétique. Mais l’ARN messager (ARNm) est l’un des types d’ARN les plus importants, car il copie et transporte les instructions présentes sur notre ADN, dans les gènes notamment, lesquelles servent à fabriquer des protéines spécifiques.

Dans le cas de l’injection d’inclisiran, le silençage génique vise à empêcher la production d’une protéine appelée PCSK9. Celle-ci participe normalement à la régulation du cholestérol dans notre organisme, mais elle est produite en excès chez les personnes présentant un taux élevé de cholestérol LDL (le « mauvais » cholestérol). En empêchant sa production, on va réduire le taux de cholestérol.

Une LDL et ses différents constituants, dont le cholestérol.
Les LDL (lipoprotéines de basse densité) sont produites par le foie et ont pour fonction de capturer et transporter le cholestérol dans le sang. En limitant cette capacité, la protéine PCSK9 contribue à faire augmenter le taux cholestérol sanguin. C’est elle qui est visée par le traitement. Juan Gaertner / Shutterstock

Afin de cibler l’ARNm porteur des informations nécessaires à la synthèse de cette protéine, les chercheurs doivent créer en laboratoire un autre ARN, très petit, dit « interférent » : cet ARNsi (« si » pour small interferent) est capable de cibler spécifiquement un ARNm donné et ainsi d’interférer avec son bon fonctionnement. Dans notre cas, l’ARNsi est conçu pour venir se coller à l’ARNm qui porte les instructions pour la protéine PCSK9. Il se lie à lui et rend illisibles les instructions qu’il contient… ce qui réduit considérablement la quantité de ces protéines générées.

Comment faire parvenir les ARNsi dans les cellules où ils sont censés agir ?

Dans le cas de la thérapie génique, qui consiste à apporter à des cellules malades une version saine d’un gène déficient, on utilise généralement un vecteur viral pour administrer le traitement. Il s’agit d’un virus rendu inoffensif, qui est utilisé comme « véhicule » pour introduire dans la cellule la version saine des gènes, de la même manière qu’un virus qui les infecterait y ferait entrer ses propres gènes. Jusqu’à présent, de telles thérapies par vecteur viral ont été utilisées pour traiter des maladies génétiques du sang, des cécités génétiques et des atrophies musculaires spinales rares.

Cependant, bien que les vecteurs viraux soient très efficaces pour les traitements ne nécessitant qu’une dose, il s’avère parfois impossible d’en administrer une seconde, même si cela s’avérait nécessaire, en raison de réactions immunitaires indésirables. Ils sont de plus extrêmement coûteux.

Pour ces raisons, un grand nombre des traitements visant à réduire les gènes au silence actuellement à l’étude sont administrés au moyen d’une technique différente, faisant appel à des vecteurs non viraux. Dans ce cas, le médicament est délivré l’aide via des nanoparticules dans lequel il est inclus. Celles-ci le protègent de la dégradation dans le sang, afin qu’il puisse être délivré à la cible (le foie, dans le cas qui nous intéresse).

Ces thérapies d’extinction de gènes délivrées par vecteurs non viraux semblent plus prometteuses, car elles peuvent être administrées plusieurs fois, tout en limitant les effets secondaires. Elles sont déjà utilisées pour traiter une maladie génétique rare appelée amyloïdose héréditaire à transthyrétine (ATTR), ainsi que dans les vaccins à ARNm, tels que BionTech-Pfizer et Moderna.

Dans le cadre de cette nouvelle approche contre le cholestérol, il est intéressant de noter que le produit de l’injection, l’ARNsi, n’a pas besoin d’être enrobé dans une nanoparticule protectrice : il est directement conçu de façon à résister temporairement à la dégradation dans le sang, et pouvoir atteindre ses cellules cibles, celles du foie. Et il reconnaît spécifiquement ces dernières grâce à un ligand, une molécule (en l’occurrence, de sucre) qui fonctionne un peu comme un crochet.

Futurs traitements

Plusieurs autres médicaments de « gene silencing » font actuellement l’objet d’études pour traiter divers autres troubles : dans le domaine rénal (pour prévenir les réactions indésirables après une transplantation), de la peau (cicatrices), du cancer (mélanome, tumeurs de la prostate, du pancréas, du cerveau, etc.) et des troubles oculaires (notamment la dégénérescence maculaire liée à l’âge et le glaucome). Les chercheurs tentent également de déterminer si cette approche pourrait être utile contre les troubles neurologiques et cérébraux, tels que les maladies de Huntington et d’Alzheimer.

Un point intéressant est qu’il ne serait pas nécessaire de tout réinventer : chacun de ces traitements utiliserait des techniques similaires à celles sur lesquelles reposent des médicaments existants (qui ciblent un gène - ou une protéine - donnée et le – ou la – désactivant). Dans le cas des cancers, particulièrement complexe, il pourrait toutefois être nécessaire de cibler plusieurs protéines différentes.

Avant qu’elles ne puissent être utilisées à grande échelle, l’efficacité de ces technologies d’extinction des gènes devra bien entendu être démontrée par de nouveaux essais cliniques. Un autre défi important consistera à veiller à ce que le coût de ces médicaments reste abordable, afin qu’une majorité de patients puissent y avoir accès.

Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, ces développements sont très prometteurs – ne serait-ce que du fait que les médicaments qui réduisent les gènes au silence sont plus spécialisés que les autres, car ils ciblent des protéines spécifiques de nos cellules. Pour cette raison, ils pourraient s’avérer plus efficaces que les traitements actuels pour soigner certaines maladies.

This article was originally published in English

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