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Éthique : les salariés notent des progrès, mais font moins confiance à leurs managers pour résoudre les problèmes

Les résultats de la récente enquête Ethics at Work invitent les entreprises françaises à renforcer la culture éthique au sein de leur organisation. Shutterstock

La nouvelle étude internationale « Ethics at Work 2021 » publiée le 4 novembre par l’Institute of Business Ethics (IBE) fournit des données encourageantes mais aussi, une fois encore, des résultats inquiétants sur l’évolution de l’éthique dans le monde des affaires.

Commençons par les résultats positifs : en 2021, 86 % des employés interrogés (environ 10 000 personnes dans 13 pays, dont les principales économies européennes, les États-Unis, l’Australie et l’Afrique du Sud) affirment que l’honnêteté est toujours ou fréquemment pratiquée au sein de leur organisation. Un chiffre encourageant notamment parce qu’il est en hausse par rapport aux résultats de 2018 dans de nombreux pays. En France, par exemple, où l’IÉSEG School of Management était le partenaire national de l’IBE pour cette enquête, ce chiffre est ainsi passé à 89 % contre 71 % en 2018.

Un autre résultat très encourageant, en particulier pour la France, est la réduction générale des pressions signalées par les employés qui (11 % en moyenne) se sentent parfois obligés de compromettre les normes éthiques que leur propre organisation promeut, soit par manque de temps, soit pour respecter des délais irréalistes, soit, pire encore, contraints ou encouragés par leurs propres supérieurs à prendre des « raccourcis éthiques ».

Comme nous l’écrivions en 2018, en France, cet aspect était particulièrement préoccupant (un salarié sur 5 avait dénoncé de pressions pour agir contrairement à son éthique). En 2021, nous pouvons être très rassurés de voir une amélioration très significative : seuls 9 % disent avoir subi des pressions non éthiques.

La crise, un révélateur ?

« Dans votre organisation, diriez-vous que les pratiques sont honnêtes ? » (pourcentage de déclarants répondant « toujours » ou « fréquemment »). IBE (2021)

Ces résultats apparaissent surprenants à certains égards. Comme il s’agit de la première enquête réalisée depuis la crise du Covid-19, l’IBE a voulu tester l’impact que la pandémie a pu avoir sur le comportement éthique au sein des entreprises.

Sur ce point, plus d’un tiers (37 %) des employés estiment que les normes éthiques dans leur entreprise se sont améliorées dans la manière dont l’entreprise a réagi à la pandémie (30 % en France). Seulement 8 % des salariés (en France comme dans le reste du monde) remarquent une détérioration du comportement éthique à la suite de Covid-19. Se pourrait-il que la pandémie ait rendu nos entreprises plus éthiques ? Il convient peut-être de se demander si une crise de cette ampleur, touchant à quelque chose d’aussi éthiquement sensible que la santé des gens, n’a pas, d’une certaine manière, permis de redécouvrir le côté humain des affaires.

Néanmoins, comme en 2018, cette nouvelle édition de l’enquête nous confronte à des résultats inquiétants sur l’évolution de l’éthique dans nos entreprises. Le chiffre qui saute le plus aux yeux plus est le suivant : 43 % des employés disent avoir subi des formes de représailles au sein de leur entreprise après avoir soulevé des préoccupations ou signalé d’éventuelles violations de l’éthique des affaires.

« Après avoir fait part de vos préoccupations, avez-vous eu le sentiment de subir des formes de représailles ? ». IBE (2021)

Ce chiffre apparaît particulièrement alarmant en France, où il atteint 60 % : en d’autres termes, trois employés sur cinq affirment avoir eu des problèmes pour avoir signalé des violations éthiques. Cette situation est d’autant plus sérieuse que les premiers « gardiens de l’éthique » d’une entreprise sont ses propres employés.

En effet, ce sont les employés qui, par leurs relations quotidiennes avec les dirigeants, les autres membres du personnel, les clients, les fournisseurs et les autres parties prenantes de l’entreprise, prennent le pouls de la culture éthique d’une organisation. C’est pourquoi, ces dernières années, de nombreux efforts ont été déployés pour favoriser une culture propice à l’implication, à la participation et au dialogue au sein des entreprises. Ces initiatives visent en outre à encourager la culture dite Speak Up (élever la voix), précisément parce qu’elles comprennent sa fonction positive dans la promotion du comportement éthique et la réduction des violations.

L’IA redoutée

Cependant, malgré le fait que la majorité (57 %) des personnes interrogées déclarent que leurs organisations fournissent des mécanismes spécifiques pour signaler les violations éthiques de manière confidentielle (à noter que seuls 43 % des employés en France sont conscients de l’existence de tels mécanismes), il est évident que l’utilisation de ces outils restera limitée s’il existe un manque de confiance sur la manière dont les managers (responsable de l’éthique ou autre responsable) traiteront ces objections concernant le comportement éthique de l’entreprise.

À cet égard, l’enquête fournit d’autres données qui soulignent l’importance de travailler à la création d’une culture d’entreprise plus propice à la prise de parole : les salariés français qui ne signalent pas les violations de l’éthique au travail choisissent de garder le silence parce qu’ils ne pensent pas qu’une action corrective serait prise (33 %) ou, pire, parce qu’ils pensent justement que cela mettrait leur emploi en danger (32 %).

L’enquête 2021 sur l’éthique au travail offre une multitude d’autres données, accessibles au public sur le site du IBE, pays par pays, qui peuvent fournir d’autres éléments de réflexion. En ce qui concerne plus particulièrement les salariés français, une dernière considération intéressante reste toutefois que la plus grande préoccupation, si l’on considère l’avenir du travail, concerne l’utilisation – et l’éventuel mauvais usage – de l’intelligence artificielle : 40 % des salariés français estiment en effet qu’il est important de discuter des aspects éthiques de l’introduction de l’IA dans l’entreprise, notamment ses effets sur l’emploi, les éventuelles discriminations et les violations de la vie privée.

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