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Fact check : Y-a-t-il trop de postes administratifs dans les hôpitaux ?

Dans les hopitaux français, le personnel soignant accomplit également une part importante de tâches administratives, ici à Paris, hôpital Lariboisière, le 27 avril 2020. JOEL SAGET / AFP

Il s’agit d’une question qui revient souvent dans le débat public : en France les hôpitaux publics pâtiraient d’un trop-plein de postes administratifs ? Cet énoncé a été récemment appuyé par de récents graphiques de l’OCDE publiés par le think-tank libéral IREF, montrant que « dans les hôpitaux français, 405 600 personnes (ETP) œuvrent à des tâches autres que médicales, soit 54 % de plus qu’en Allemagne, dont la population est pourtant près de 25 % supérieure à celle de la France ».

Y a-t-il vraiment trop de bureaucratie et de dépenses administratives dans les hôpitaux français ?

La santé publique manque-t-elle d’argent ?

À première vue, ni la santé publique dans son ensemble, ni l’hôpital français ne semblent manquer d’argent : par rapport au PIB, la France est le pays d’Europe où les dépenses de santé sont les plus élevées (11,5 %, contre 11,1 % en Allemagne), alors qu’avec 20 % de sa population âgée de 65 ans et plus, contre 16,5 % seulement pour la France, l’Allemagne devrait dépenser plus. L’Allemagne avait cinq fois plus de lits en réanimation que la France avant la crise du coronavirus.

Avec 500 000 lits, l’Allemagne affiche l’une des densités en lits les plus élevées de l’OCDE : 8,3 lits pour 1 000 habitants contre 6,4 seulement en France.

Et la durée de séjour des patients à l’hôpital est nettement plus courte en France qu’en Allemagne : 5,6 jours en France, contre 9,7 jours outre-Rhin. Plus de 180 000 patients français en urgence ont passé une nuit dans un couloir faute de lit disponible en 2018, phénomène inouï outre-Rhin.

Selon une étude de l’Institut Thomas More le Français dépense exactement 50 % de plus pour son hôpital que son voisin d’outre-Rhin (1229 euros par habitant en France, contre 819 euros en Allemagne). Sachant que l’hôpital français dépense moitié moins que son voisin sur les équipements, et que les salaires des personnels soignants français sont inférieurs de 38,5 % à ceux d’outre-Rhin, la promesse d’un gain de 26 milliards sur les frais administratifs de l’hôpital français est-elle réaliste ?

Des coûts administratifs difficiles à calculer

Un constat s’impose : il n’existe pas aujourd’hui de véritable étude micro-économique sur les frais administratifs des hôpitaux. La fameuse étude de l’OCDE sur les coûts administratifs fréquemment reprise dans la presse et citée plus haut est en fait une étude macro-économique portant sur les coûts d’administration globaux, hors les coûts administratifs des hôpitaux eux-mêmes, comme le précise une étude du NHS britannique.

Si l’étude pointe des frais administratifs « très élevés » dans le système français (4,1 % du PIB, contre 1,5 % au Royaume-Uni), rien n’indique dans cette étude que les coûts administratifs des hôpitaux français soient réellement 280 % ceux de nos voisins.

De même, il paraît pour le moins hasardeux de proposer comme benchmark une entreprise comme Ford, dont les frais administratifs, (G&A pour general and administrative en anglais) sont de 4 % – ni toute autre entreprise du secteur marchand, où le G&A tourne en général entre 3 et 5 %.

La seule étude englobant l’ensemble des coûts administratifs du secteur de la Santé est à ce jour celle de David Himmelstein, Terry Campbell et Steffie Woolhandler (2017). Cette étude se base sur le continent nord-américain. Elle recense des frais administratifs globaux, administration centrale et hôpitaux inclus, de 16,7 % pour le Canada.

L’étude micro-économique : un secteur encore en chantier

En comptabilité analytique et selon les normes International Financial Reporting Standards (IFRS) pour le secteur privé et les International Public Sector Accounting Standard (IPSA), pour les hôpitaux publics, il est recommandé de recenser en frais généraux et administratifs, (G&A), le coût des postes des fonctions générales et administratives, additionné du coût des tâches administratives performées par les personnels non administratifs.

L’hôpital public français ne tenant pas de comptabilité analytique, il est extrêmement difficile d’estimer ses coûts administratifs. L’OCDE relève cependant que 35,22 % des emplois hospitaliers en France ne sont ni médicaux ni paramédicaux, contre 24,3 % en Allemagne.

Dans le cadre d’un plan de transformation digitale, le CHRU de Nancy a par ailleurs estimé les tâches administratives des médecins à 30 % d’une journée de travail

Sachant qu’environ 20 % des personnels administratifs des hôpitaux français sont en fait des personnels soignants détachés à plein temps à des travaux administratifs, selon les recherches de l’auteur basées sur un échantillon d’une trentaine d’établissements hospitaliers – chose inconnue en Allemagne – les coûts généraux et administratifs de l’hôpital français représenteraient un peu plus de la moitié des services rendus.

Il y a donc à la fois trop de postes administratifs, déclarés ou non en tant que tels et trop de tâches administratives déléguées au personnel soignant et coûtant trop cher.

Alors que le personnel hospitalier multiplie les cris d’alarme et les mobilisations, ce chiffre devrait alerter. L’hôpital français souffre d’une sur-administration et l’absence d’outils de gestion modernes devrait interpeller.

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