tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/climat-20577/articlesclimat – The Conversation2024-03-28T08:58:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2204292024-03-28T08:58:50Z2024-03-28T08:58:50ZPeut-on être trop heureux pour se préoccuper du climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567573/original/file-20240102-29-1brw8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bien-être social participe à la prise de conscience climatique... mais seulement jusqu'à un certain point.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-couple-amour-femme-9750932/">Koolshooters / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Notre bien-être est-il toujours bon pour la planète ? Le <a href="https://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Trends/Trends-20_fr.pdf">bien-être social</a> est un concept qui englobe à la fois la santé mentale et physique, les relations interpersonnelles ainsi que le sentiment d'appartenance à la communauté. Il est essentiel pour que les individus se sentent capables et motivés à agir. À cet égard, il constitue donc un levier précieux pour agir contre le changement climatique.</p>
<p>Mais en excès, il peut aussi se transformer en frein : car si aucune limite n’est mise, la quête d’un bien-être absolu par quelques-uns peut entraver la quête de durabilité de tous. Où tracer la ligne ? À partir de quand cet excès de bien-être peut-il avoir des effets délétères ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-liens-sociaux-sont-essentiels-pour-le-bien-etre-voici-sept-manieres-deviter-lisolement-205466">Les liens sociaux sont essentiels pour le bien-être. Voici sept manières d’éviter l’isolement</a>
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<p>Pour le comprendre, il faut déjà en finir avec le mythe de l’humain purement rationnel : <em>Homo œconomicus</em> reste un <em>Homo sapiens</em> guidé par la chimie de son cerveau. Effet rebond, inégalités sociales et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bulle-de-filtre-23254">bulles de filtres</a> sur les réseaux sociaux renforcent nos comportements les plus dommageables au plan environnemental.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-au-changement-climatique-faire-de-la-peur-un-moteur-et-non-un-frein-200876">Face au changement climatique, faire de la peur un moteur et non un frein</a>
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<p>Surtout, il convient de réintégrer les inégalités socio-économiques dans notre approche du progrès social. Des politiques publiques visant à l’amélioration du bien-être pourraient faire partie de la solution, à condition de cibler les populations qui en ont le plus besoin. Comprendre : à condition de ne pas alimenter de nouveaux comportements incompatibles avec la crise climatique chez les autres.</p>
<h2>Le bien-être social, bon pour la planète… jusqu’à un certain point</h2>
<p>La capacité des citoyens à agir face aux crises climatique et environnementale va dépendre de leurs compétences, de leurs motivations et de leurs envies personnelles. Autant de facteurs <a href="https://www.mdpi.com/2673-8392/2/3/79">influencés par le bien-être social</a>. Et de fait, la littérature scientifique suggère que les pays qui ont un niveau de bien-être social élevé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148121000070">créent un environnement propice à l’engagement des citoyens</a> dans la lutte contre le changement climatique.</p>
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<p>En effet, les citoyens en bonne santé sont plus susceptibles de participer activement à des initiatives écologiques, tandis que ceux qui bénéficient d’un réseau social solide et d’un bon niveau d’éducation ont tendance à être mieux informés et à <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/livre/9780192893307-development-as-freedom-amartya-sen/">s’engager davantage dans des pratiques soutenables</a>. Le développement de la santé, de l’éducation ou de l’accès à Internet favorise aussi le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360544223011854">développement des énergies renouvelables</a>, par exemple.</p>
<h2>En finir avec <em>Homo œconomicus</em></h2>
<p>En 1992, l’économiste Manfred Max-Neef présentait une <a href="https://www.researchgate.net/figure/Matrix-of-Needs-and-Satisfiers-Max-Max-Neef-1992b-206-7_tbl2_237428304">matrice des neuf besoins humains fondamentaux</a>. On y retrouvait : l’affection, la compréhension, la créativité, l’identité, la liberté, les loisirs, la participation, la protection et la subsistance.</p>
<p>Pour répondre efficacement à ces besoins, Max-Neef identifiait quatre catégories existentielles, où se déclinent les neuf besoins précédents :</p>
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<li><p>l’être (soit des qualités comme le fait d’avoir une bonne santé physique ou mentale),</p></li>
<li><p>l’avoir (soit des choses telles que la nourriture, un logement…),</p></li>
<li><p>le faire (soit des actions, comme le fait de se reposer ou de travailler),</p></li>
<li><p>et enfin l’interaction (par exemple participer à la vie de la communauté)</p></li>
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<p>L’apport de Max-Neef a été de dépasser la vision qui prédominait jusqu’alors, consistant à considérer notre espèce comme <em>Homo œconomicus</em> – soit un individu rationnel jamais rassasié qui va privilégier l’accumulation de toujours plus de biens matériels, dont les besoins illimités ne seront jamais pleinement satisfaits.</p>
<p>Car au cœur de cette conception se trouve un dilemme crucial : une croissance illimitée du bien-être social de chacun est-elle souhaitable pour lutter contre le changement climatique ?</p>
<p>Les besoins fondamentaux tels que la subsistance, la protection, et la liberté sont globalement atteints dans de nombreux pays du monde, même si cela est encore loin d’être acquis partout : <a href="https://www.un.org/en/exhibits/page/sustainable-development-goals">selon les Nations unies</a>, 731 millions de personnes luttent encore pour satisfaire les besoins humains les plus élémentaires. En parallèle, dans des pays développés, de plus en plus d’individus ayant satisfait leurs besoins fondamentaux se tournent <a href="https://www.scirp.org/journal/paperinformation?paperid=108876">vers des expériences de consommation hédoniste</a>.</p>
<h2>Quand la recherche du plaisir atteint un point critique</h2>
<p>Le concept de Max-Neef se rapporte à des comportements observés dans le règne animal. Comme les humains, les autres mammifères adoptent des comportements qui leur procurent du plaisir, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3004012/">ce qui suggère des similitudes dans le circuit de la récompense du cerveau</a>.</p>
<p>Le lien entre le plaisir anticipé et les récompenses retardées, comme démontré par des expériences sur la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/animaux/systeme-nerveux-et-systeme-hormonal/le-circuit-de-la-recompense">réponse dopaminergique chez le singe</a>, met en évidence un mécanisme d’apprentissage et de motivation, qui existe chez l’homme comme chez le singe.</p>
<p>Le plaisir anticipé y est associé dans le cerveau à la libération de dopamine, <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique-2022-2-page-339.htm">ce qui nous motive biologiquement à obtenir la récompense</a> souhaitée. Les gains matériels peuvent ainsi contribuer à notre bien-être en nourrissant des émotions positives ainsi que notre satisfaction psychologique.</p>
<p>Chez l’homme, cette tendance à rechercher le plaisir a atteint un point critique à travers l’émergence de la <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/La-Societe-de-consommation">société de consommation</a>. Les sociétés qui ont internalisé les valeurs du consumérisme ont atteint un stade du développement où elles tirent tellement de plaisir de leurs modes de vie qu’elles ne se rendent pas toujours compte du mal qu’ils leur causent.</p>
<p>Elles sont prises dans un <a href="https://books.google.fr/books?id=FS6sDwAAQBAJ&printsec=copyright">cycle sans fin d’extraction, de transformation, de production, de transport, de consommation et d’élimination</a>, juste pour satisfaire un besoin de plaisir.</p>
<h2>Bulles de filtre et effet rebond</h2>
<p>À l’heure du numérique, cette recherche du plaisir se joue désormais sur le terrain des réseaux sociaux. Chaque notification, partage ou « like » peut déclencher une petite libération de dopamine, <a href="https://amplifyingcognition.com/the-neuroscience-behind-social-media-dependence-and-how-to-overcome-it/">activant notre circuit de la récompense et renforçant notre engagement</a> sur ces plates-formes. Les algorithmes qui régissent nos fils d’actualité ne font pas autre chose : ils nous fournissent un flux de contenu personnalisé qui correspond à nos comportements et intérêts antérieurs, <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Filter_Bubble.html?id=-FWO0puw3nYC">créant ainsi un effet de chambre d’écho</a>.</p>
<p>Par exemple, si votre activité sur les médias sociaux est centrée sur la « fast fashion », les voitures de luxe et les destinations de voyage exotiques, vous aurez moins de chances d’être exposés à des contenus sur les achats d’occasion, les véhicules électriques ou l’écotourisme local.</p>
<p>Cela illustre la manière dont les « bulles de filtre » peuvent renforcer les comportements préjudiciables à l’environnement. Elles nous permettent d’habiter un espace numérique réconfortant qui nous confronte rarement aux réalités inconfortables ou à l’urgence de la dégradation de l’environnement.</p>
<p>Il peut sembler contradictoire que l’amélioration du bien-être social entraîne une diminution de la sensibilisation du public. Mais il est facilement admis dans d’autres domaines, comme l’économie, qu’une amélioration technologique, en permettant une baisse des prix, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800914002055">stimule une hausse de la consommation dans un autre domaine</a> à travers un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666784321000267">effet rebond indirect</a>. Ainsi, les consommateurs peuvent dépenser les économies réalisées grâce à leur nouvelle chaudière plus économe en énergie pour partir plus loin en vacances à l’étranger – et émettre davantage de CO<sub>2</sub> du fait du voyage en avion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété</a>
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<p>Comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1462901104000371">l’a souligné la chercheuse Brenda Boardmann</a> dans des travaux sur l’efficacité énergétique dans les foyers britanniques, les gains d’efficacité réalisés ont été effacés par la multiplication des appareils et leur gain de taille et de puissance. « À un moment donné, la société devra reconnaître que des niveaux de vie toujours plus élevés menacent notre capacité à limiter le changement climatique et, par conséquent, réduisent notre qualité de vie future », écrivait-elle.</p>
<h2>Prioriser les personnes les plus défavorisées</h2>
<p>Tout ceci possède de fortes implications politiques. Il peut être éclairant de transposer ici le concept de « iatrogénie », terme médical où il s’agit des effets secondaires involontaires provoqués par un traitement ou une intervention médicale. Car si le traitement (dans ce cas, la recherche perpétuelle du bien-être) non seulement ne guérit pas (ou ne sensibilise pas à l’environnement) mais conduit en fait à de nouveaux problèmes (tels que l’aggravation des crises climatique et environnementale), peut-être devrions-nous arrêter ce traitement ?</p>
<p>C’est la question que nous posons, <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/accueil?id_declaration=10000000900241&titre_livre=Happy_End">inspirés par les réflexions de Nicolas Hazard</a>, qui traçait un parallèle entre croissance économique et traitement médical – et leurs effets indésirables pour la santé du patient ou pour celle de la planète.</p>
<p>Autrement dit, les gouvernements n’ont pas besoin d’accroître éternellement le bien-être social pour atténuer le changement climatique. Au contraire, une approche plus ciblée pourrait être adoptée en donnant la priorité aux groupes sociaux dont les niveaux de bien-être sont plus faibles. Cette stratégie garantirait une allocation plus efficace des ressources pour maximiser l’impact environnemental, tout en améliorant le développement social global et le bien-être individuel de ces populations.</p>
<p>Prenons un exemple concret. Le choix de passer d’un <a href="https://theconversation.com/stationnement-des-suv-nos-voitures-sont-elles-devenues-obeses-222547">SUV gourmand en essence à une voiture compacte et économe</a> en carburant est une décision écologique cohérente pour la planète, mais elle n’est peut-être pas à la portée de tout le monde, surtout si vous avez un budget serré et que vous dépendez de votre véhicule pour vos déplacements quotidiens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Changer de véhicule pour acquérir par exemple une voiture électrique n’est pas un geste écologique à la portée de tout le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rathaphon Nanthapreecha</span></span>
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<p>En réalité, il existe un lien direct entre le niveau de vie et la pression sur l’environnement. Plus une personne sera riche, plus elle aura tendance à polluer, <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">comme l’a montré un rapport publié en 2022</a>. Au niveau mondial, les 10 % de personnes les plus riches sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, alors que les 50 % les plus pauvres n’en sont responsables qu’à hauteur de 12 %.</p>
<p>Pour susciter un changement plus large, il est important de créer une vision convaincante de l’avenir qui incite les gens à prendre part au changement. Adopter un régime végétarien ou conduire un véhicule électrique sont des mesures importantes, mais insuffisantes si notre volume de consommation total reste inchangé. Et cela d’autant plus si ces options plus respectueuses de l’environnement ne sont accessibles qu’à quelques privilégiés.</p>
<p>Un changement de paradigme s’impose, qui nécessite des choix politiques forts et l’union des consommateurs autour des préoccupations écologiques. Nous devons construire un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-justice_environnementale_vers_de_nouvelles_injustices_sociales_damien_bazin-9782343176741-63583.html">cadre écologique inclusif qui reconnaisse les besoins de tous</a> sans marginaliser les comportements individuels ni ignorer nos différences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doctorante à l'Université Côte d'Azur, membre du Laboratoire GREDEG-CNRS et membre du laboratoire LEGI de l'Ecole Polytechnique de Tunisie, Université de Carthage. </span></em></p>Le concept de bien-être social permet de comprendre pourquoi, en dépit des progrès réalisés pour répondre aux besoins humains les plus fondamentaux, la crise climatique est toujours là.Abir Khribich, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211452024-03-24T17:52:32Z2024-03-24T17:52:32ZComment rendre l’électronique plus soutenable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583519/original/file-20240321-18-b6xkt4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=482%2C534%2C4604%2C2888&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la part de l’électronique dans nos déchets et nos émissions de carbone continue d’augmenter, il est urgent de diminuer l’impact de cette industrie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-carte-de-circuit-imprime-cassee-posee-sur-le-sol-BRLT_FHxAEs">Hans Ripa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’électronique n’est aujourd’hui pas soutenable au sens du rapport de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland">Brundtland</a> : elle ne répond pas « aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. »</p>
<p>Pour pouvoir atteindre les engagements fixés par les <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">accords de Paris pour 2050</a>, l’impact de toute l’industrie, y compris celle de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electronique-24110">électronique</a>, doit être fortement réduit. Des solutions existent, mais nécessitent une transformation globale de l’industrie électronique dont les impacts environnementaux augmentent rapidement, <a href="https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-pour-un-numerique-soutenable_dec2020.pdf">notamment de par son rôle dans la transformation numérique</a>.</p>
<p>En effet, le numérique représente <a href="https://infos.ademe.fr/magazine-avril-2022/faits-et-chiffres/numerique-quel-impact-environnemental/">2,5 % de l’empreinte carbone de la France</a> et jusqu’à <a href="https://joinup.ec.europa.eu/collection/rolling-plan-ict-standardisation/ict-environmental-impact-rp2023">4 % de l’empreinte carbone mondiale</a>. Or, le GIEC recommande de <a href="https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2022">diviser par sept</a> les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour limiter le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">réchauffement climatique</a> à un niveau acceptable.</p>
<p>Dans un tel monde décarboné, mais où la contribution du numérique resterait inchangée, sa part dans les émissions mondiales passerait de 4 % à 23 %. Cette projection est même plutôt optimiste puisque le secteur de l’électronique croît régulièrement. Par exemple, la fabrication des composants électroniques à base de semi-conducteurs, du type processeur ou mémoire, émet une <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-04112708/">quantité croissante</a> de gaz à effet de serre du fait de l’augmentation de leur complexité. En effet, leur miniaturisation fait appel à des matériaux toujours plus purs et divers, et à des processus extrêmement énergivores.</p>
<p>Au-delà des gaz à effet de serre, l’industrie électronique génère mondialement <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 mégatonnes</a> de déchets solides par an dans le monde, dont seulement 17 % sont collectés et recyclés. Pour le reste, on estime que <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/la-decharge-de-dechets-electroniques-dagbogbloshie-veritable-defi-economique-et-environnemental-pour-le-ghana_3863287.html">80 % des déchets non recyclés</a> sont transportés illégalement dans des pays en développement.</p>
<h2>Évaluer l’impact pour mieux agir</h2>
<p>Une première étape pour converger vers une filière plus soutenable est d’être capable d’évaluer l’impact des produits électroniques. L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/cycle-de-vie-21061">analyse de cycle de vie</a> (ACV) est l’outil standard permettant de mesurer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service. Elle intègre les impacts tout au long de la fabrication, de l’usage et de la fin de vie du produit ; par exemple les matières premières utilisées, le transport, les processus de transformation, l’énergie consommée, l’usage, le traitement, et le recyclage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les composants de l'ordinateur représente la majorité des émissions totales. Parmi les composants, la carte mère est la plus coûteuse en carbone, en particulier à cause du processeur." src="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581323/original/file-20240312-18-j4zf1n.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Émissions en CO2 équivalent d'un ordinateur Dell utilisé cinq ans. D'après Loubet et al.,</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-022-02131-z">Pierre Le Gargasson/INSA Rennes, d'après Loubet et al. 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans une ACV, l’impact des produits ou d’un service est quantifié selon <a href="https://environment.ec.europa.eu/publications/recommendation-use-environmental-footprint-methods_en">16 catégories</a> incluant les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’eau, la toxicité ou encore l’utilisation de ressources non renouvelables. En électronique, la fabrication des circuits intégrés nécessite notamment beaucoup d’eau et émet des gaz fluorés qui ont un fort impact sur l’effet de serre.</p>
<p>Le résultat d’une ACV permet d’identifier quelles parties du produit contribuent majoritairement à son impact, ce qui permet de guider une transformation vers un produit plus soutenable. Une ACV d’un téléphone portable a, par exemple, permis d’établir que celui-ci émet <a href="http://arxiv.org/abs/2011.02839">plus de 80 % de son CO₂</a> au moment de sa production. Elle permet de déduire qu’une augmentation de la durée de vie du téléphone pourrait engendrer une réduction significative de son impact carbone.</p>
<h2>Augmenter la durée de vie des appareils</h2>
<p>L’obsolescence programmée est souvent considérée comme responsable de la fin de vie prématurée des appareils du fait de dysfonctionnements introduits par le fabricant. Cependant, la réalité semble être plus nuancée.</p>
<p>Par exemple, un téléphone portable a aujourd’hui une <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">durée de vie moyenne de 2,8 ans</a>. Cette faible durée de vie s’explique davantage par un système économique qui pousse à un renouvellement régulier plutôt que par une panne de l’appareil, puisque la majorité des téléphones <a href="https://www.researchgate.net/profile/Tamar-Makov/publication/351912224_Submission_to_the_Journal_of_Cleaner_Production_SI_Investigating_Repair_Is_repairability_enough_big_data_insights_into_smartphone_obsolescence_and_consumer_interest_in_repair/links/60fd8b880c2bfa282afe209a/Submission-to-the-Journal-of-Cleaner-Production-SI-Investigating-Repair-Is-repairability-enough-big-data-insights-into-smartphone-obsolescence-and-consumer-interest-in-repair.pdf">restent fonctionnels bien au-delà de 3 ans</a>. Ainsi, l’obsolescence prématurée est un phénomène complexe qui, pour les produits destinés au grand public, s’explique principalement par des aspects sociaux (la pression à posséder un appareil récent) et psychologiques (la lenteur perçue de l’appareil).</p>
<p>Cela ne signifie pas pour autant que le produit n’est jamais en faute. Mais là encore, il s’agit probablement plus d’une <a href="https://ebooks.iospress.nl/volumearticle/47873">réduction des coûts de production engendrant une baisse de qualité</a> plutôt qu’une volonté délibérée des industriels de réduire la durée de vie.</p>
<p>Ainsi, une transformation des modes de consommation favorisant des produits de qualité avec une durée de vie plus longue est nécessaire. Celle-ci ne pourra cependant s’opérer que si des solutions alternatives existent sur le marché. Par exemple, les <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_1794">initiatives réglementaires</a> qui imposent la réparabilité vont dans ce sens en offrant la possibilité de prolonger la durée de vie d’un appareil au-delà de sa première panne. Finalement, la <a href="https://smaaart.fr/blog/barometre-smaaart-ifop-2023-sur-le-marche-du-reconditionne/">popularité grandissante du reconditionné</a> indique que des modes de consommations alternatifs peuvent exister s’ils s’accompagnent d’une garantie de qualité auprès du consommateur.</p>
<h2>Mieux recycler</h2>
<p>Lorsque la réparation et la réutilisation ne sont plus efficaces, le processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> doit permettre de <a href="https://theconversation.com/droit-a-la-reparation-leurope-sattaque-aux-millions-dappareils-electroniques-qui-dorment-dans-nos-tiroirs-225587">réutiliser les matières premières de l’électronique</a>. En 2021 en France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait que <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6555-equipements-electriques-et-electroniques-donnees-2021.html">seulement 49,8 %</a> des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) avaient été traités. Ce faible taux de traitement s’explique par un coût de gestion élevé de ces déchets. De plus, sur près d’une mégatonne de DEEE traités chaque année, 75,4 % sont recyclés et 1,8 % réutilisés. Le reste est incinéré (11,8 %) ou enfoui (11 %).</p>
<p>Cette nouvelle manne financière attire des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/espagne/une-mafia-du-dechet-electronique-tombe-aux-canaries-2310d4e6-8da8-11ed-9545-6a86069fe887">entreprises peu scrupuleuses</a> qui font disparaître les déchets à moindre coût en les envoyant illégalement dans d’autres pays ou bien en les <a href="https://www.sudouest.fr/france/pres-de-marseille-la-justice-frappe-la-mafia-des-dechets-10909274.php">incinérant dans la nature</a>.</p>
<p>Des solutions sont en développement pour valoriser ces déchets en extrayant leurs métaux pour les réinjecter dans la chaîne de production. Le <a href="https://www.apple.com/fr/newsroom/2019/04/apple-expands-global-recycling-programs/">robot Daisy d’Apple</a> permet déjà de désassembler des iPhones pour en récupérer les métaux.</p>
<p>Cependant, les métaux sont mélangés avec d’autres éléments moins valorisables (comme de la résine époxy et la fibre de verre des circuits imprimés) et les procédés actuellement utilisés pour les séparer nécessitent l’utilisation de composés polluants tels que l’acide sulfurique, allant à l’encontre de l’objectif initial de soutenabilité. De <a href="https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-mousses-pour-recuperer-proprement-les-metaux-des-e-dechets">nouveaux procédés</a> sont néanmoins à l’étude et pourraient permettre une extraction plus respectueuse de l’environnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-nouvelles-technologies-pour-recycler-les-dechets-electroniques-132530">De nouvelles technologies pour recycler les déchets électroniques</a>
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<h2>Former dans une industrie en mutation</h2>
<p>Une solution à plus long terme pour réduire l’impact de l’électronique sera de modifier en profondeur les processus de production en réponse aux analyses de cycle de vie. Le problème est que, en électronique plus que dans d’autres industries, les techniques de fabrication sont maintenues secrètes. Ainsi, si une entreprise souhaite améliorer la soutenabilité de sa chaîne de production, elle s’appuiera sur des compétences internes. Or, les formations d’ingénieurs n’incluent que rarement les <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/06/Manifeste-Climatsup-INSA-version-Print.pdf">enjeux climatiques</a>.</p>
<p>Le défi de l’adaptation de l’électronique aux contraintes environnementales est considérable, car il doit prendre en compte les aspects sociaux et économiques de la soutenabilité. À l’horizon 2050, la moitié des ingénieurs actuellement en poste le <a href="https://numeum.fr/les-ingenieurs-dans-le-numerique-en-2022">seront encore</a>. Il faut donc non seulement former les futurs professionnels aux méthodes permettant d’atteindre une électronique soutenable, mais également les professionnels déjà en exercice. <a href="https://esos.insa-rennes.fr">Le projet ESOS</a> (électronique soutenable, ouverte et souveraine) financé par France2030 de 2023 à 2028 vise à créer des formations permettant d’engager l’électronique sur une trajectoire soutenable.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-23-CMAS-0007">ESOS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221145/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Beuve a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine,
opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Pelcat a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Weppe a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Le Gargasson a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte and Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thibaut Marty a reçu des financements du projet France2030 ESOS - Electronique Soutenable, Ouverte et Souveraine, opéré par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). </span></em></p>L’électronique pèse lourd dans nos émissions de carbone et nos déchets. Quelles sont les voies pour diminuer l’impact de cette industrie cruciale pour la transition écologique ?Nicolas Beuve, Enseignant-Chercheur en modelisation et optimisation mathématiques, INSA Rennes, INSA RennesMaxime Pelcat, Maître de conférences, INSA RennesOlivier Weppe, Enseignant-Chercheur en électronique soutenable, INSA RennesPierre Le Gargasson, Enseignant-Chercheur spécialisé en électronique, INSA RennesThibaut Marty, Enseignant-Chercheur en électronique numérique, INSA RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246552024-03-04T16:59:23Z2024-03-04T16:59:23ZInjustice climatique : qu’est-on en droit d’exiger des pays du sud ?<p>Dans un papier publié dans <em>Finance Research Letters</em> en 2021 avec ma collègue Sana Ben Abdallah intitulé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1544612321000453">« African firm default risk and CSR »</a>, nous mettions en évidence un lien entre le risque de défaut de l’entreprise africaine et sa stratégie environnementale. La stabilité des entreprises africaines est tributaire de la mise en œuvre d’une approche de développement durable. Bref, la performance environnementale de l’entreprise africaine a un coût et un impact sur sa stabilité. Les conséquences des risques climatiques ne peuvent donc pas être neutres sur la stabilité des entreprises du continent.</p>
<p>Or les émissions de CO<sub>2</sub> des pays riches sont comme le nuage de Tchernobyl : elles ne s’arrêtent pas aux frontières. Elles atteignent les pays pauvres et ont un impact significatif sur leur territoire. C’est ce qu’on appelle l’injustice climatique : le fait que les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué.</p>
<p>L’Afrique, par exemple, contribue à <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?end=2020&locations=ZG&start=1990&view=chart">3 % des émissions mondiales de CO₂</a>. Et pourtant l’Afrique souffre de chaleurs extrêmes, de sécheresse, d’inondations, de cyclones, de tsunamis… dont elle n’est pas à l’origine. À cela s’ajoute que certaines zones, au Mali ou au Niger, sont <a href="https://www.criirad.org/wp-content/uploads/2017/08/uranium-criirad-bamako-fr.pdf">totalement irradiées</a>. Les maladies s’y étendent du fait des extractions massives d’uranium dans des conditions de sécurité précaires. La déforestation continue à défigurer le milieu naturel. À long terme, ces externalités négatives peuvent avoir un « effet boomerang » sur l’humanité entière.</p>
<p>Les États-Unis ont ainsi contribué à environ 17 % du réchauffement climatique entre 1850 et 2021. En revanche, l’Inde a contribué à hauteur de 5 % au réchauffement climatique au cours de cette période, bien que le pays ait une population bien plus nombreuse que les États-Unis. Au total, les pays du G20 ont contribué, jusqu’à présent, aux trois quarts environ du réchauffement climatique.</p>
<p><iframe id="JTuVP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JTuVP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces changements violents sont également en train d’affecter la trajectoire de croissance du continent africain. Une baisse de la productivité agricole de 30 % apparaît comme une hypothèse plausible. Chaque catastrophe en Afrique conduit immédiatement à une hausse estimée selon les sources à 20 % de l’insécurité alimentaire. Si on ne fait rien, c’est une <a href="https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties">baisse d’au moins 30 % du PIB</a> à laquelle il faut s’attendre d’ici à 2050 sur la base des données du Fonds monétaire international (FMI).</p>
<h2>Le choc du MACF pour l’Afrique</h2>
<p>L’impact environnemental ne peut donc pas se mesurer de la même façon dans les pays industrialisés et dans les pays émergents. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, on ne peut pas demander les mêmes efforts à la France et à l’Afrique du Sud, à l’Allemagne et au Brésil.</p>
<p>Or les pressions, les normes et les standards écologiques des pays riches sont fort contraignants pour les pays pauvres. Pourtant une transition écologique rapide est exigée comme en témoignent certaines conclusions de la COP 28 ou certaines directives et instruments réglementaires de l’Union européenne.</p>
<p>Prenons le cas du <a href="https://theconversation.com/concilier-ambition-climatique-et-concurrence-mondiale-quel-role-pour-le-mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-212927">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) adopté par le Conseil de l’Union européenne (UE) qui est entré dans une phase d’essai le 1<sup>er</sup> octobre 2023 pour un démarrage effectif en 2026 : il s’agit d’un véritable choc pour l’Afrique partenaire commercial des Vingt-Sept. Le MACF exige des entreprises européennes de déclarer la teneur en carbone de leurs importations (acier, fer, ciment, aluminium, engrais, hydrogène, etc.).</p>
<p>Ce mécanisme imposera donc une taxe sur le CO<sub>2</sub> émis pour leur fabrication hors UE. Le résultat attendu serait une moindre compétitivité des exportations africaines et donc un frein à la croissance. Ironie du sort, l’Afrique aura, au bilan, moins de moyens pour assurer le financement de sa transition écologique. Or, l’Afrique est aujourd’hui face à une équation difficile mais pas impossible à résoudre : elle doit encourager la croissance <a href="https://www.uneca.org/fr/stories/les-six-principales-priorit%C3%A9s-de-l%E2%80%99afrique-%C3%A0-la-cop28">sans alimenter les émissions de CO₂</a>.</p>
<h2>Le risque de l’ethnocentrisme</h2>
<p>Le <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnocentrisme/31406">dictionnaire Larousse</a> définit l’ethnocentrisme comme :</p>
<blockquote>
<p>« [La] tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. »</p>
</blockquote>
<p>Or la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale des entreprises</a> (RSE) et plus généralement la transition écologique sont souvent lues sous le prisme des pays riches qui semblent en détenir les clés et les stratégies. Les centres de décision en la matière sont encore situés dans l’hémisphère nord. Ces enjeux ne peuvent pourtant pas se conjuguer au singulier mais doivent être abordés de manière ouverte sur un monde pluriel.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> de fin 2023 à Dubaï devait être l’élément correcteur de cet ethnocentrisme par une écoute plus attentive des pays les plus vulnérables. L’annonce très espérée d’un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres pourrait être un pas positif et certainement décisif pour une meilleure compréhension mutuelle et une correction de l’injustice climatique.</p>
<p>Or, depuis 2009, le Nord fait patienter le Sud. Rien n’est réglé pour l’heure. Seules des promesses de financement sont annoncées. Comment éviter alors la <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">fracture du monde entre l’Occident et les pays du Sud</a> ?</p>
<h2>La piste des obligations vertes</h2>
<p>En attendant les fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres, une partie de la solution à la crise climatique dans les pays émergents pourrait être les <a href="https://theconversation.com/comment-les-obligations-vertes-peuvent-elles-gagner-en-legitimite-162707">obligations vertes</a>. Cette finance s’appuie sur une levée de fonds pour des projets respectueux de l’environnement, comme les énergies renouvelables ou les transports propres.</p>
<p>La plupart des obligations vertes de l’Afrique ont été <a href="https://www.afdb.org/fr/news-keywords/green-bonds-program">émises par la Banque africaine de développement</a> (BAD). Le Maroc, l’Égypte, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud sont parmi les plus dynamiques. Les fonds collectés visent à se protéger notamment de la montée du niveau de la mer ou encore soutenir des projets d’énergie solaire.</p>
<p>Pour le moment les obligations vertes émises en Afrique ne représentent qu’une petite partie du marché obligataire mondial et 0,17 % du total des émissions mondiales sur la période 2014-2022, l’équivalent de 2 136 milliards de dollars. En Amérique latine, cette part ne représente que 1,76 % sur la même période. Les émissions mondiales sont dominées par l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord à plus de 70 %. Elles présentent un réel potentiel pour aider les pays en développement à évoluer vers des économies plus vertes et plus égalitaires mais la profondeur du marché reste faible.</p>
<p><iframe id="S1zzD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S1zzD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les autres solutions financières peuvent concerner les fonds de la diaspora africaine qui s’élèvent à <a href="https://www-statista-com.skema.idm.oclc.org/statistics/962857/remittances-to-sub-saharan-african-countries/">presque 100 milliards de dollars</a> US en 2021. Il s’agit d’une opportunité pour les banquiers africains. Le montage serait le suivant. Les banques collectent et transforment une partie de cette manne en crédits verts financés par des encouragements des États grâce aux Fonds de compensation des pays riches.</p>
<h2>La solution n’est pas que financière</h2>
<p>À moyen et long terme, la transition écologique exige tout un écosystème à mettre en place dans les pays pauvres concernés. Il passe par trois éléments clés.</p>
<p>L’éducation et la certification en économie et finance verte et durable. Cela consiste à former de vrais spécialistes des risques climatiques et de la transition écologique et numérique dans des programmes spécialisés au sein des universités en relation avec la recherche en cours.</p>
<p>L’implication de la société civile, des ONG, des think tanks. En Afrique, par exemple, un Observatoire africain de la finance durable semble plus qu’utile pour unifier et adapter les réglementations internationales en cours. De même que des Conseils nationaux de la RSE réunissant toutes les parties prenantes semblent plus qu’utiles pour accompagner et dessiner des stratégies nationales cohérentes face aux exigences de l’Europe.</p>
<p>La recherche d’instruments de mesure d’impact à l’adresse des entreprises, des banques et des organisations afin de mesurer les progrès en matière de développement durable. Cette métrique mérite d’être adaptée aux entreprises des pays émergents afin que la transition E-S-G (environnement-social-gouvernance) évite tout ethnocentrisme et toute injustice. Cette contextualisation devrait en effet <a href="http://spiscore.com/home">tenir compte du S et du G</a> dans des pays qui subissent des impacts sur le E, sans en être véritablement responsables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dhafer Saidane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué depuis 1850.Dhafer Saidane, Full Professor - Head of the Msc Corprate Financial Management - Lille and Suzhou, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230232024-02-29T16:22:31Z2024-02-29T16:22:31ZUne brève histoire de la prévision du temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577993/original/file-20240226-24-fmdjvg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C32%2C2987%2C2412&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vilhem Bjerknes est le père des équations primitives, qui modèlisent l'évolution de l'atmosphère et ont fondé les prédictions météorologiques et climatologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://groven.no/rolf/bilder/vilhem_bjerknes/">Rolf Groven</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 1904, le scientifique norvégien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Bjerknes">Wilhelm Bjerknes</a> proposa un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/modelisation-26666">modèle mathématique</a> destiné à prévoir l’évolution des océans et de l’atmosphère. Il posa ainsi les bases à la fois de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/meteorologie-65555">météorologie</a> (prévisions à court terme) et de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">climatologie</a> (prévisions à long terme).</p>
<p>Ce modèle a cependant longtemps attendu son heure de gloire. En cause : sa complexité mathématique et le challenge que représente le calcul effectif de ses solutions. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le développement de l’informatique permit enfin de calculer les premières prévisions météorologiques convaincantes. Les théorèmes se feront cependant encore attendre, car c’est seulement entre 1992 et 2007 que fut montré que ce modèle a bien une et une seule solution. Un résultat rassurant pour un modèle prédictif dont on ne sait que calculer des solutions approchées, faute de formule explicite pour la solution exacte. C’est l’histoire de ce modèle mathématique, de son origine physique, de son utilisation numérique et de sa justification mathématique en tant que modèle prédictif que nous allons raconter.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Photographie de Vilhem Bjerknes" src="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vilhem Bjerknes, professeur de météorologie dynamique à l’université de Bergen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://marcus.uib.no/instance/photograph/ubb-bs-q-00364.html">Bibliothèque universitaire de Bergen</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Mettre l’atmosphère en équations</h2>
<p>Au début du vingtième siècle, Wilhelm Bjerknes, alors professeur de mécanique appliquée et de mathématiques à l’université de Stockholm, conçoit un plan d’attaque pour prévoir l’évolution du temps. D’abord, obtenir une connaissance suffisamment précise de l’état de l’atmosphère. Ensuite, utiliser les lois les plus pertinentes de l’hydrodynamique et de la thermodynamique pour déterminer la dynamique de sept quantités cruciales : la pression, la température, la densité, l’humidité et la vitesse de l’air dans les trois directions de l’espace. Comme s’il avait eu l’intuition que notre environnement était à soigner, Bjerknes utilisa les termes « diagnostique » et « pronostique » pour désigner ces deux étapes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cinq lignes d’équations reliant vitesse du fluide, pression, densité, température et salinité" src="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les cinq équations primitives décrivant les mouvements océaniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Sueur/Université de Bordeaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les équations en jeu, appelées équations primitives, sont des équations aux dérivées partielles. Cela signifie qu’elles font intervenir l’évolution dans le temps et dans l’espace des sept grandeurs physiques clés. Ces équations sont déterministes, ce qui signifie qu’elles ne contiennent pas d’aléatoire. Elles sont de plus non linéaires. Ainsi, une petite imprécision anodine à un instant donné dans les mesures peut s’amplifier terriblement par la suite et fausser complètement les prévisions. C’est là que réside la difficulté de faire des prévisions pertinentes à long terme.</p>
<p>Bjerknes, qui fonda ensuite l’Institut de géophysique de Bergen, fit de nombreux émules et fut sollicité par l’armée norvégienne pour fournir des prévisions météorologiques stratégiques lors de la Première Guerre mondiale.</p>
<h2>Comment réussir à faire des prédictions ? L’arrivée de l’informatique</h2>
<p>Mais à cette époque, l’informatique n’était pas suffisamment développée pour permettre des prévisions météorologiques efficaces. Ce n’est qu’en 1947 que, sous l’impulsion du mathématicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_von_Neumann">John von Neumann</a>, le premier superordinateur développé aux États-Unis nommé ENIAC, réalisa les premières prévisions météorologiques convaincantes.</p>
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<img alt="Deux personnes travaillent debout dans une grande pièce hébergeant les nombreux composants de l’ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Glen Beck et Betty Snyder programment l’ENIAC dans le bâtiment du Laboratoire de recherche balistique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Glen_Beck_and_Betty_Snyder_program_the_ENIAC_in_building_328_at_the_Ballistic_Research_Laboratory.jpg">U.S. Army Photo/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mathématiquement, l’étude de ce problème a débuté au début des années 1990, grâce à une série d’articles des mathématiciens <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Louis_Lions">Jacques-Louis Lions</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Temam">Roger Temam</a> et <a href="https://math.indiana.edu/about/faculty/wang-shouhong.html">Schouhong Wang</a>. L’enjeu est simple : prouver que ces équations d’évolution ont bien une et une seule solution, définie pour un temps que l’on souhaite le plus long possible, pour le plus grand nombre de données initiales possibles. Dans le cas contraire, cela signifierait qu’un calcul numérique pourrait fournir aussi bien une approximation de la solution pertinente physiquement qu’une solution qui n’aurait rien à voir avec la réalité des faits ! Les simulations informatiques ne seraient alors pas toujours fiables, quelle que soit la puissance de la machine utilisée.</p>
<p>La rotation de la Terre, les aspects thermodynamiques, le transport et la diffusion de la salinité dans les océans sont autant de phénomènes à prendre en compte dans l’analyse mathématique. En revanche, la faible profondeur des océans ainsi que la faible hauteur de l’atmosphère par rapport au rayon de la Terre conduisent à négliger le mouvement vertical de l’eau ou de l’air, ce qui permet de simplifier le modèle mathématique.</p>
<h2>S’assurer de la pertinence du modèle</h2>
<p>Les équations primitives se situent ainsi en quelque sorte entre les dimensions deux et trois ! Cette observation permit en 2007 à deux mathématiciens, <a href="https://faculty.fiu.edu/%7Ecaoc/">Chongsheng Cao</a> et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Edriss_Titi">Edriss Titi</a>, de <a href="https://annals.math.princeton.edu/2007/166-1/p07">prouver</a> qu’à une donnée initiale régulière, c’est-à-dire sans variation brutale, est associée une unique solution régulière, bien définie pour tous les instants. De plus, le résultat montre aussi que la sensibilité au moindre changement des conditions initiales, si elle est bien réelle, ne conduit pas, par la suite, à des sauts brutaux, de température ou d’humidité par exemple, au cours du temps. Ce dernier point est particulièrement appréciable compte tenu de ce que l’on ne peut bien sûr pas espérer connaître exactement l’état du système à un instant précis. La viabilité du modèle comme outil prédictif est ainsi, théoriquement, bien assurée.</p>
<p>Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés pour étendre ce résultat marquant à des modèles plus sophistiqués, de plus en plus proche de la réalité. Une autre problématique d’actualité est la comparaison des différents modèles, en fonction des paramètres physiques qu’il modélise. Le but est pour le chercheur de pouvoir choisir en conscience à quel modèle se fier, arbitrant, en fonction de sa puissance de calcul, entre complexité et pertinence.</p>
<p>Enfin, un doux rêve est d’explorer, au moins théoriquement, la possibilité d’agir sur de tels systèmes. D’ailleurs, on attribue, lors d’une de ses conférences, les propos suivants à John von Neumann : « Le climat est peut-être plus facile à contrôler qu’à prédire ». La théorie mathématique de la contrôlabilité, qui explore justement les possibilités de modifier les systèmes d’évolution par une action ciblée, est pourtant encore loin, aujourd’hui, de couvrir le cas des équations primitives.</p>
<p>Bien qu’âgées de 120 ans, et amplement utilisées dans des simulations informatiques depuis quatre-vingts ans, les équations primitives sont ainsi encore dans leur adolescence du point de vue de leur compréhension mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Sueur a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche Project BOURGEONS ANR-23-CE40-0014-01.</span></em></p>Si la climatologie et la météorologie reposent aujourd’hui sur la simulation informatique de modèles complexes, la mise en équation de l’atmosphère est vieille de plus d’un siècle.Franck Sueur, Professeur en Mathématiques, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241172024-02-28T15:33:06Z2024-02-28T15:33:06ZClimat : nos systèmes alimentaires peuvent devenir plus efficaces, plus résilients et plus justes<p>À Paris, l’édition 2024 du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/salon-de-lagriculture-25013">Salon de l’Agriculture</a> se déroule dans un contexte particulier, entre <a href="https://theconversation.com/la-fnsea-syndicat-radical-derriere-le-mal-etre-des-agriculteurs-des-tensions-plus-profondes-222438">grogne des syndicats agricoles</a> et <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">colère des agriculteurs</a>.</p>
<p>Pendant ce temps, le réchauffement planétaire continue de s’accentuer, et expose la production agricole à une augmentation des dommages dus à ses conséquences : intensification des <a href="https://theconversation.com/des-temperatures-extremes-statistiquement-impossibles-quelles-sont-les-regions-les-plus-a-risque-210342">vagues de chaleurs</a>, sécheresses, <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-pluies-extremes-ce-que-dit-la-science-103660">pluies extrêmes</a>…</p>
<p>Comment y faire face ? Dans un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">récent rapport du Haut conseil pour le climat</a>, nous montrons qu’il est possible d’accélérer la réduction des émissions de l’alimentation et de la production agricole, en protégeant l’avenir des agriculteurs et des consommateurs, notamment les plus vulnérables. Autrement dit, un cercle plus vertueux est possible.</p>
<h2>L’agriculture en première ligne des défis climatiques</h2>
<p>Chaque dixième de degré compte et expose la production agricole à une augmentation des dommages dus aux <a href="https://theconversation.com/les-risques-de-temperatures-extremes-en-europe-de-louest-sont-sous-estimes-213015">événements météorologiques extrêmes</a>.</p>
<p>On les observe déjà en France, à travers l’intensification des <a href="https://theconversation.com/secheresse-2022-un-manque-de-pluies-presque-ordinaire-aux-effets-exceptionnels-191323">sécheresses</a> à l’origine de <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">baisses de rendements</a> pour les cultures (dont le blé, le maïs, et les fourrages). D’autant plus que les vagues de chaleur induisent un <a href="https://theconversation.com/chaleur-et-humidite-leurs-effets-sur-notre-corps-se-font-sentir-plus-tot-que-prevu-212041">stress thermique</a> et hydrique néfastes tant pour les cultures que pour les animaux.</p>
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<p>Le réchauffement rend également les semis et les récoltes plus précoces, ce qui les expose davantage aux gelées printanières ainsi qu’à certaines maladies, par exemple les <a href="https://www.inrae.fr/actualites/laccave-10-ans-recherche-partenariat-ladaptation-viticulture-au-changement-climatique">maladies cryptogamiques (liées au développement de champignons) dans les vignobles</a>. De la même façon, plusieurs maladies touchant les animaux d’élevage <a href="https://www.anses.fr/fr/content/maladie-hemorragique-epizootique">risquent de se développer à cause du réchauffement</a>.</p>
<p>Les inondations, plus fréquentes du fait de l’élévation des températures, entraînent elles aussi de lourds dégâts, tant pour pour les sols, les cultures que le matériel agricole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hersage sur un terrain inondé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Irri Photos/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Les dommages liés au changement climatique représentent déjà des surcoûts pour les agriculteurs et les <a href="https://theconversation.com/risques-climatiques-les-tarifs-des-assurances-sont-ils-condamnes-a-augmenter-191216">assureurs</a> qui ont des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">répercussions sur les prix et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire</a>.</p>
<p>Et ce n’est que le début : les conséquences du changement climatique sur les rendements des cultures et de l’élevage continueront de s’amplifier avec chaque incrément de réchauffement supplémentaire. Pour y faire face, il convient de combiner plusieurs transformations pour renforcer la résilience du système alimentaire et réduire son <a href="https://theconversation.com/une-alimentation-bonne-pour-moi-et-la-planete-tout-depend-de-la-ou-jhabite-153330">empreinte carbone</a>.</p>
<h2>Des systèmes alimentaires à transformer</h2>
<p>Car pour l’heure, l’adaptation des activités agricoles aux effets négatifs du changement climatique est surtout réactive. Elle intervient en réponse à des sécheresses ou des inondations, mais n’anticipe pas les transformations des systèmes agricoles et alimentaires qui seront nécessaires au cours des prochaines décennies du fait de la hausse de la température planétaire. Par exemple, le déplacement des aires de production agroclimatiques et les conséquences de l’accélération de la montée du niveau de la mer.</p>
<p>Pour autant, les interventions pour répondre au changement climatique ne doivent pas cibler seulement l’agriculture, mais l’ensemble du système alimentaire. En effet, l’alimentation représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">22 % de l’empreinte carbone des Français</a>, et cette empreinte carbone ne diminue <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">qu’insuffisamment au regard des objectifs climatiques</a>.</p>
<p>Bien que l’agriculture en France, comme dans les autres pays, représente <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/779-empreinte-energetique-et-carbone-de-l-alimentation-en-france.html">60 % de cette empreinte carbone</a>, d’autres activités y contribuent de manière significative principalement par des émissions de CO<sub>2</sub> :</p>
<ul>
<li><p>la transformation des aliments est à l’origine de 6 à 18 % des émissions <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">selon les méthodes</a>,</p></li>
<li><p>le commerce et la restauration de 12 %,</p></li>
<li><p>le transport notamment routier de 6 à 14 %.</p></li>
</ul>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les bovins sont de grands émetteurs de méthane, un gaz à effet de serre notoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Pour limiter l’escalade des impacts climatiques, il est indispensable d’atteindre l’objectif de zéro émission nette de CO<sub>2</sub> d’ici 2050 tous secteurs confondus.</p>
<p>Et cela, tout en réduisant fortement les émissions des autres gaz à effet de serre, comme le méthane, émis par l’élevage et la riziculture et le protoxyde d’azote émis par les sols fertilisés.</p>
<p>Cela implique de réduire l’ensemble des émissions du système alimentaire, dont l’agriculture, tout en renforçant le <a href="https://theconversation.com/pour-sauver-nos-systemes-alimentaires-restaurer-nos-sols-en-sequestrant-le-carbone-212820">stockage de carbone dans les sols</a> et dans la <a href="https://theconversation.com/mesurer-linvisible-la-dure-tache-de-calculer-le-stock-et-le-flux-de-carbone-dune-foret-212810">biomasse agroforestière</a>.</p>
<h2>Des freins systémiques à surpasser</h2>
<p>Le problème, c’est que la structure et le fonctionnement du système alimentaire actuel freinent l’adoption de pratiques agricoles et alimentaires bas carbone. Cela limite aussi la possibilité de changements transformationnels, tant du côté agricole que du côté de l’évolution de l’alimentation des consommateurs.</p>
<p>D’un côté, la transformation des pratiques agricoles se heurte aux <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100979080">difficultés économiques des agriculteurs</a> (pertes de production, inégalités et faiblesse des revenus de l’agriculture) et aux besoins de transferts de compétences (formation, accompagnement technique).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">Agriculture : pourquoi la bio marque-t-elle le pas en France ?</a>
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</p>
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<p>De l’autre, les changements de régimes alimentaires sont fortement contraints par les environnements alimentaires proposés aux consommateurs, puisque les offres bas-carbone (par exemple, riches en protéines végétales) sont peu nombreuses, <a href="https://theconversation.com/affichage-environnemental-bio-ou-pas-comment-evaluer-limpact-ecologique-des-aliments-216505">peu visibles</a> et peu accessibles économiquement. Cela demande donc des efforts concertés des filières agricoles, des industries agroalimentaires et de la distribution.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certains produits importés, comme la viande, contribuent fortement à ce qu’on appelle la déforestation importée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ted Eytan/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, une partie de cette offre alimentaire concerne des produits animaux importés, qui contribuent fortement à l’empreinte carbone de l’alimentation française, notamment via la <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-la-deforestation-importee-en-europe-quelles-consequences-pour-des-millions-dafricains-187952">déforestation importée</a>.</p>
<p>Pour faciliter les changements, il est important de mobiliser l’ensemble du système alimentaire, des agriculteurs aux consommateurs, en passant aussi par l’agrofourniture, le conseil agricole, la formation, les coopératives, la transformation, la distribution et la restauration.</p>
<p>Or, les nombreuses interdépendances entre les maillons du système alimentaire, mais aussi la situation socio-économique du secteur (<a href="https://theconversation.com/comment-la-grande-distribution-sadapte-aux-tensions-sur-le-pouvoir-dachat-197146">inflation alimentaire</a>) et son organisation institutionnelle constituent d’importants freins au changement.</p>
<p>Cela concerne notamment les formes inégales du partage de la valeur au sein des filières, la concurrence internationale, la faiblesse des revenus agricoles, la structuration autour d’un nombre restreint de cultures et d’animaux et la concentration des acteurs de l’aval (industries agroalimentaires, distribution).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">Les producteurs, principaux perdants de la répartition des gains de productivité de l’agriculture depuis 1959</a>
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<p>Des options existent pourtant pour s’adapter au changement climatique tout en réduisant les gaz à effet de serre. Par exemple, la diversification des cultures permet de limiter les dommages en cas de sécheresse et cette diversification permet d’introduire des <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-pilier-pour-des-systemes-agroalimentaires-plus-durables-en-europe-193186">légumineuses</a> (lentilles, pois…) qui <a href="https://theconversation.com/cultiver-des-legumineuses-pour-utiliser-moins-dengrais-mineraux-et-nourrir-la-planete-197256">ne nécessitent pas d’engrais azotés</a> (moins de gaz à effet de serre émis) et qui renforcent l’offre de protéines végétales.</p>
<p>Toutefois, cette diversification nécessite le développement de <a href="https://theconversation.com/legumineuses-insectes-nouvelles-cultures-les-scientifiques-au-defi-des-futurs-systemes-alimentaires-184512">nouvelles filières végétales</a>, avec leurs silos et leurs usines de transformation. Elle implique aussi des changements en aval de la production pour mieux transformer et valoriser ces produits dans l’offre en matière d’alimentation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-bonnes-pour-notre-sante-et-celle-de-la-planete-216845">Les légumineuses : bonnes pour notre santé et celle de la planète</a>
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<p>Un autre obstacle concerne la forte spécialisation des bassins de production. Dans les régions spécialisées en grandes cultures, les sols ne reçoivent pas assez d’azote organique issu de l’élevage et consomment beaucoup d’engrais de synthèse, alors que dans d’autres régions les élevages peinent à épandre leurs excédents d’azote organique. Ces déséquilibres régionaux contribuent aux pertes d’azote et aux émissions de <a href="https://theconversation.com/agroforesterie-intrants-labour-comment-ameliorer-le-bilan-carbone-de-lagriculture-165403">protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre</a>.</p>
<p>Enfin, le changement climatique comme les politiques de transition risquent de faire augmenter encore le <a href="https://www.i4ce.org/publication/alimentation-durable-budget-consommateurs-climat/">coût de l’alimentation</a> et d’accroître le risque de <a href="https://theconversation.com/insecurite-alimentaire-au-dela-du-prix-des-aliments-il-faut-sattaquer-aux-obstacles-systemiques-202933">précarité alimentaire</a>.</p>
<p>Par conséquent, on ne peut réduire les émissions de l’alimentation et de la production agricole sans protéger agriculteurs et consommateurs. Cela nécessite des mesures qui portent sur l’ensemble du système alimentaire dans un esprit de transition juste.</p>
<h2>Des solutions agroécologiques à portée de main</h2>
<p>Ces freins et verrous pourraient pourtant être levés. Il faudrait notamment :</p>
<ul>
<li><p>revaloriser les revenus des agriculteurs et des éleveurs en difficulté pour soutenir et accompagner leurs changements de pratiques,</p></li>
<li><p>réorienter les dispositifs de soutien vers un cap à long terme de résilience au changement climatique, et de baisse des émissions nettes de gaz à effet de serre,</p></li>
<li><p>mobiliser les acteurs de la transformation, du stockage, du transport, de la distribution et de la restauration, afin de maîtriser l’empreinte carbone de l’alimentation.</p></li>
</ul>
<p>De nombreuses options pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique peuvent être déployées de manière élargie dans toutes les composantes du système alimentaire. Elles concernent :</p>
<ul>
<li><p>la gestion des terres (<a href="https://www.inrae.fr/actualites/stocker-4-1-000-carbone-sols-potentiel-france">stockage de carbone dans les sols</a>),</p></li>
<li><p>l’<a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/plus-vieux/agroforesterie-et-coefficients-carbone-du-giec">agroforesterie</a>,</p></li>
<li><p>les productions végétales (gestion adaptative de l’eau, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/ble-tendre-secheresse-nouvelles-varietes-venir">tolérance à la sécheresse et à la chaleur</a>, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/quelle-contribution-lagriculture-francaise-reduction-emissions-gaz-effet-serre">réduction des pertes d’azote et de la fertilisation minérale</a>,</p></li>
<li><p>et les productions animales (<a href="https://gabi.jouy.hub.inrae.fr/actualites/etude-de-l-adaptation-des-bovins-au-changement-climatique">tolérance à la chaleur</a>, santé animale, additifs alimentaires et <a href="https://www.inrae.fr/actualites/methane-2030-demarche-collective-francaise-focalisee-methane-enterique">sélection pour réduire les émissions de méthane</a>).</p></li>
</ul>
<p>Ces options peuvent être déployées dans le cadre de la transition <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agro-ecologie-33625">agroécologique</a> afin de mobiliser les <a href="https://www.inrae.fr/dossiers/lagriculture-va-t-elle-manquer-deau/lagroecologie-source-solutions">régulations écologiques</a> (conservation des sols, renforcement de l’agrobiodiversité, complémentarités agriculture-élevage) au bénéfice de la production agricole, tout en bénéficiant <a href="https://www.inrae.fr/evenements/lancement-pepr-agroecologie-numerique">d’approches technologiques</a> (numérique, services climatiques)</p>
<p>La transformation des environnements alimentaires (l’environnement des consommateurs qui détermine les choix possibles), notamment la substitution de protéines animales par des protéines végétales, et la réduction du gaspillage à chaque étape sont nécessaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-trois-bonnes-raisons-de-consommer-des-proteines-dorigine-vegetale-176097">Voici trois bonnes raisons de consommer des protéines d’origine végétale</a>
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<p>Ces actions combinées auraient des effets vertueux, en permettant de diminuer la consommation de produits alimentaires intensifs en émissions, de réduire l’empreinte carbone de la production agricole tout en évitant l’importation de produits alimentaires avec des effets d’augmentation de l’empreinte carbone importée.</p>
<p>Enfin, une importante difficulté tient au fait que les politiques agricoles et alimentaires sont aujourd’hui peu mobilisées en appui aux politiques climatiques.</p>
<h2>Un besoin de politiques plus engagées</h2>
<p>Il est clair que seule une coordination des politiques concernant l’agriculture, l’alimentation, la santé publique, le climat, la qualité de l’eau et de l’air, et la biodiversité, permettra de mener ces transformations.</p>
<p>Celles-ci doivent être menées tout en protégeant les agriculteurs français d’une forte augmentation des dommages causés par le changement climatique, en minimisant les coûts de la transition et en réduisant les risques économiques pour les acteurs du système alimentaire les plus vulnérables. Enfin, elles doivent garantir l’accès à une alimentation durable et saine pour tous les consommateurs.</p>
<p>Avec une vision partagée de l’agriculture et de l’alimentation bas carbone, adaptée au climat de demain, la France pourrait porter la réforme de la Politique agricole commune de l’Union européenne de 2028. Elle pourrait également, grâce à des lois d’orientation nationale, permettre la réduction des émissions du secteur agricole par au moins un facteur deux d’ici à 2050, <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">comme le montre notre rapport</a>. De quoi se rapprocher le plus possible de la neutralité carbone pour le secteur agricole, en augmentant fortement le stockage de carbone dans les sols agricoles et dans la biomasse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-sont-les-puits-de-carbone-et-comment-peuvent-ils-contribuer-a-la-neutralite-carbone-en-france-201420">Que sont les « puits de carbone » et comment peuvent-ils contribuer à la neutralité carbone en France ?</a>
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<p>Ceci réduirait la dépendance aux <a href="https://www.academie-sciences.fr/fr/Communiques-de-presse/communique-de-presse-foret-et-changement-climatique-menace-sur-le-puits-forestier-francais.html">puits de carbone forestiers</a>
qui sont fragilisés par le changement climatique, et à la capture et au <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">stockage de carbone technologique</a>, qui sont des options <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/avis-sur-la-strategie-de-capture-du-carbone-son-utilisation-et-son-stockage-ccus/">plus coûteuses, limitées et risquées</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Financements publics reçus par l'INRAE pour des projets que j'ai coordonné : de l'Agence Nationale de la Recherche (France) ; du programme de recherche Horizon de la Commission Européenne ; du programme KIC Climat de l'Institut Européen de Technologie ; de l'ADEME (France).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Le Quéré préside le Haut conseil français pour le climat. Corinne Le Quéré a reçu des financements du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention n° 821003 (4C), du Conseil de recherche sur l'environnement naturel du Royaume-Uni sous la subvention NE/V011103/1 (Frontiers), de la Royal Society du Royaume-Uni sous subvention RP\R1\191063 (Professeur de recherche), et a reçu un don pour financer ses recherches de l'Institut virtuel de recherche sur le système terrestre (VESRI), une initiative de Schmidt Futures. Corinne Le Quéré est également membre du Comité britannique sur le changement climatique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Guillou est actuellement présidente de l’Académie d’agriculture de France et membre du Haut conseil pour le Climat.
Elle fait partie de plusieurs conseils d’administration privés et publics qui ne tirent aucun bénéfice des sujets traités dans cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sophie Dubuisson-Quellier est directrice de recherche au CNRS et directrice du Centre de sociologie des organisations (CNRS-Sciences Po), membre du Haut conseil pour le climat. Dans le cadre de ses activités de recherche, elle a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche pour le projet ANR-18-CE26-0016 sur les politiques alimentaires.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherches au CEA, et a été co-présidente du groupe I du GIEC de 2015 à 2023. Elle a reçu des financements de l'European Research Council pour le projet ERC Synergy AWACA sur le cycle de l'eau en Antarctique.</span></em></p>Nos systèmes agricoles et alimentaires sont en première ligne du changement climatique. Ils pourraient être transformés pour gagner en résilience et équité, et contribuer à la stabilisation du climat.Jean-François Soussana, Directeur de Recherche, InraeCorinne Le Quéré, Royal Society Research Professor of Climate Change Science, University of East AngliaMarion Guillou, Retired scientist, InraeSophie Dubuisson-Quellier, Directrice de recherche CNRS, Sciences Po Valérie Masson-Delmotte, Chercheuse en sciences du climat, coprésidente du groupe de travail I du GIEC, directrice de recherche au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235052024-02-26T15:53:39Z2024-02-26T15:53:39ZNorthvolt : les citoyens peuvent-ils encore s’opposer à un projet fait au nom de la transition énergétique ?<p>Le 8 février, lors d’un point de presse, le premier ministre François Legault invitait la population québécoise <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/08/les-quebecois-doivent-changer-dattitude-a-legard-des-grands-projets-dit-legault">à « changer d’attitude » par rapport aux grands projets</a> liés à la transition vers une économie axée sur des technologies à faible émission de GES. </p>
<p>Bien que cette exhortation fasse référence à la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2015219/northvolt-usine-projet-seance-information">mobilisation citoyenne contre le projet d’usine de batteries Northvolt</a>, elle reflète une tendance plus large du gouvernement caquiste voulant que le territoire québécois soit mis au service du développement d’une <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/economie/publications/developpement-filiere-batterie/a-propos#:%7E:text=Le%20Qu%C3%A9bec%20a%20tout%20ce,approvisionnement%20de%20la%20fili%C3%A8re%20batterie.">« filière batterie »</a>. </p>
<p>Le premier ministre a-t-il raison de rappeler ainsi à l’ordre la société québécoise ? Est-il moralement et politiquement problématique de s’opposer aux projets qui visent à contribuer à la transition énergétique mondiale ?</p>
<p>Dans une récente étude, « Par-delà l’obligation d’exploiter le territoire. Autodétermination des communautés locales et transition énergétique au Québec », à paraître sous peu dans la Revue canadienne de science politique, nous avons étudié et comparé les arguments en faveur et contre des projets d’exploitation du territoire québécois aux fins de la transition énergétique. Notre objectif était d’évaluer dans quelle mesure une opposition citoyenne pouvait être considérée comme légitime dans ce contexte.</p>
<h2>Le Québec, riche en ressources nécessaires à la transition énergétique mondiale</h2>
<p>Si la filière batterie occupe une aussi grande place dans le <a href="https://coalitionavenirquebec.org/fr/blog/2023/09/05/developpement-de-la-filiere-batterie-quebecoise/">plan de développement économique de la Coalition Avenir Québec</a>, c’est notamment parce que le Québec dispose de toutes les ressources pour jouer un rôle de premier plan dans la transition énergétique mondiale. Non seulement est-il possible d’y développer tout l’écosystème économique nécessaire à la production de véhicules électriques, mais son sous-sol minier regorge des <a href="https://www.canada.ca/fr/campagne/mineraux-critiques-au-canada/les-mineraux-critiques-une-occasion-pour-le-canada.html">minéraux critiques</a> pour cette transition, telle que le nickel, le cobalt, le cuivre, le lithium, le graphite et le zinc.</p>
<p>Le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/799142/filiere-batteries-nationalisme-vert-legault">« nationalisme vert »</a> du gouvernement Legault s’inscrit en outre dans une logique de réappropriation collective du territoire dont les bénéfices seraient redirigés vers des programmes sociaux, en faisant une forme de <a href="https://iris-recherche.qc.ca/blogue/environnement-ressources-et-energie/quest-ce-que-lextractivisme/#:%7E:text=Le%20n%C3%A9o%2Dextractivisme%20est%20fonctionnel,enclaves%20d%E2%80%99exploitation%2Fexportation.">« néoextractivisme »</a> à teneur environnementale. Le « néoextractivisme », tout comme l’extractivisme classique, est un modèle de développement économique fondé sur l’extraction de ressources sur un territoire, mais avec la particularité d’inscrire cette exploitation dans un discours politique aux prétentions progressistes.</p>
<h2>La frilosité québécoise à l’égard de la filière batterie</h2>
<p>Bien avant l’arrivée de Northvolt, la question de l’adhésion de la population québécoise se posait déjà en lien avec la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1906119/claims-mines-laurentides-lanaudiere-graphite-lithium">prolifération des titres miniers au Québec</a>. </p>
<p>Plusieurs groupes décrient depuis plusieurs années l’importante perte d’habitats (et <a href="https://snapquebec.org/quand-le-regime-minier-devient-un-champ-de-mines/">ses effets sur la biodiversité</a>) occasionnée par ce néoextractivisme québécois. On s’inquiète aussi du fait que les <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-04-20/demandes-d-exclusion-d-activites-minieres/les-villes-se-heurtent-a-quebec.php">communautés locales n’aient pas leur mot à dire</a> dans l’approbation des projets. </p>
<p>Le Québec a récemment connu une <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-10-06/sud-du-quebec/la-hausse-de-claims-miniers-preoccupe-les-citoyens.php">prolifération des titres miniers</a> détenus sur son territoire, hausse qui a suscité une vague de résistance. Et certains projets miniers – comme le projet de <a href="https://lomiko.com/fr/projets/projet-la-loutre/#:%7E:text=Le%20plan%20minier%20pr%C3%A9voit%2021,aux%20exigences%20locales%20du%20site.">mine de graphite La Loutre</a> – ont du même coup provoqué d’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2001689/manifestation-projet-minier-la-loutre-outaouais">importantes mobilisations citoyennes</a>.</p>
<p>Manifestement, que ce soit pour des projets comme Northvolt ou des projets miniers, les développements en lien avec la filière batterie font systématiquement face à de la résistance de la part des communautés locales.</p>
<h2>Le Québec aurait un devoir moral de contribuer à la transition</h2>
<p>À une époque où l’électrification de l’économie est vue <a href="https://www.economist.com/leaders/2023/04/05/the-case-for-an-environmentalism-that-builds">comme une panacée</a>, toute opposition citoyenne aux projets en lien avec la transition énergétique risque d’être dépeinte comme un phénomène de <a href="https://www.iedm.org/sites/default/files/pub_files/note0308_fr.pdf">« pas dans ma cour »</a>. Cette accusation morale attribue aux mouvements d’opposition des motivations égocentriques s’opposant au bien commun. </p>
<p>C’est à cet argumentaire que recourt François Legault : l’opposition aux mines ou aux usines de batteries priverait l’humanité des ressources nécessaires à la transition énergétique. Or, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/2024-02-12/energies-renouvelables/le-quebec-ne-peut-pas-se-reposer-sur-ses-lauriers.php?sharing=true">cet argument n’est pas sans fondement</a> : de telles oppositions risquent d’encourager l’<a href="https://multinationales.org/fr/enquetes/cac40-et-climat-au-dela-des-effets-d-annonces/comment-l-europe-et-ses-entreprises-delocalisent-leurs-emissions-de-gaz-a-effet">externalisation de ces industries</a>, exposant davantage des communautés déjà vulnérables aux effets de la crise environnementale.</p>
<p>Selon cette vision, l’exploitation du territoire québécois serait une chose doublement noble, répondant autant aux besoins québécois en matière de financement des services publics qu’aux impératifs planétaires de la lutte contre les changements climatiques. </p>
<p>Doit-on pour autant conclure que les communautés locales n’ont pas la légitimité de s’opposer aux projets liés à la transition énergétique ? </p>
<h2>Les collectivités locales doivent jouir d’une certaine autonomie territoriale</h2>
<p>Les <a href="https://plato.stanford.edu/entries/territorial-rights/">droits sur le territoire</a> sont centraux à l’autonomie des communautés. Les devoirs qu’entretiennent les collectivités locales à l’égard de la crise climatique n’invalident pas complètement leurs revendications légitimes en lien avec les lieux qu’elles habitent. De tels pouvoirs permettent de promouvoir certains besoins et certaines valeurs sociales et de penser leur rapport au territoire d’une manière qui les reflète.</p>
<p>Ces droits ne sont certainement pas absolus, en particulier face à la crise environnementale actuelle. L’imposition de certains projets au nom de la justice sociale et environnementale est parfois tout à fait légitime. Il n’empêche que le fardeau de la justification revient à ceux voulant priver les communautés locales de leur droit de s’opposer aux projets qui dénaturent leur milieu de vie. </p>
<h2>L’« attitude » de la population québécoise en lien avec la filière batterie demeure légitime</h2>
<p>Le paradigme de la transition énergétique présuppose que, par le développement de technologies dites « vertes », l’humanité puisse sortir de la crise climatique sans remettre en question le principe de développement économique. </p>
<p>Mais cette hypothèse est loin de faire consensus. </p>
<p>Parmi les <a href="https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique">nombreuses raisons</a> mettant en doute ce postulat, il y a notamment le fait que l’accroissement de la demande finit toujours par rattraper les gains en (éco)efficience (l’ <a href="https://www.pourleco.com/le-dico-de-l-eco/leffet-rebond-paradoxe-de-jevons">« effet rebond »</a>). À ceci s’ajoute la <a href="https://www.systext.org/node/1785">quantité astronomique de déchets</a> générée par l’exploitation des minéraux critiques, venant plomber l’empreinte environnementale de la ruée vers les technologies « vertes ».</p>
<p>Mais surtout, le modèle de la transition énergétique ne remet aucunement en question certaines causes profondes de la crise environnementale. Pensons seulement ici à l’importance de l’automobile dans nos habitudes de vie et nos aménagements urbains. La supériorité du modèle de la transition énergétique – par rapport à d’autres solutions passant par une refonte plus substantielle du modèle de développement économique et territorial québécois – reste donc à démontrer.</p>
<p>La filière batterie se présente certes comme une solution aux inégalités environnementales et à la crise climatique. Mais pour justifier une limite au droit d’une communauté de dire non à un mégaprojet venant perturber son milieu de vie, il faut faire la démonstration que cette stratégie est pleinement crédible, ce à quoi les tenants de la transition énergétique ne sont pas encore parvenus.</p>
<p>La société québécoise peut ainsi conserver en toute légitimité son « attitude » réfractaire – n’en déplaise au premier ministre. L’horizon moral et politique dans lequel s’inscrit la filière batterie devra tôt ou tard faire l’objet d’une véritable délibération publique au Québec.</p>
<p>Le gouvernement Legault a manqué à cette obligation en modifiant les critères d’assujettissement pour éviter un BAPE dans le dossier Northvolt. Il est aussi impératif que la Loi sur les mines soit révisée, comme <a href="https://www.ledroit.com/actualites/politique/2023/05/07/claims-miniers-maite-blanchette-vezina-envisage-de-modifier-la-loi-sur-les-mines-3B2ZLBZ6TFAKZHRHNB65VCCCLU/">semblait l’envisager la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina</a>, en mai 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223505/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Gosselin-Tapp a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le CRSNG, le FRQSC, le CSBQ et le Fonds François-et-Rachel-Routhier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédérique Jean a reçu des financements des organismes subventionnaires suivants : le CRSH et le FRQSC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léonard Bédard a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le FRQSC, le Groupe de recherche interuniversitaire sur normativité (GRIN) et l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sacha-Emmanuel Mossu a reçu des financements du Fonds François-et-Rachel-Routhier, de Mitacs, du Groupe interuniversitaire sur la normativité (GRIN) et de l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA). </span></em></p>Les communautés locales n’ont guère leur mot à dire dans le développement de projets comme les usines de batteries pour voitures électriques, qui visent à favoriser la transition énergétique mondiale.Jérôme Gosselin-Tapp, Professeur adjoint, Université LavalFrédérique Jean, Candidate à la maîtrise en philosophie, Université LavalLéonard Bédard, Candidat à la maîtrise en philosophie, Université LavalSacha-Emmanuel Mossu, Doctorant en philosophie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2198592023-12-13T20:44:05Z2023-12-13T20:44:05ZAprès la COP28, fin de partie pour les énergies fossiles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565489/original/file-20231213-14492-yeiyph.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La COP28 s'achève à Dubaï sur un compromis historique, mais n'a pas réussi à totalement évacuer l'éléphant dans la pièce : l'avenir des énergies fossiles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Chris LeBoutillier / unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, les <a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-cop-une-breve-histoire-de-la-negociation-climatique-218366">négociations des COP sur le climat</a> se déroulent un peu plus sous pression. Année la <a href="https://theconversation.com/on-a-depasse-1-5-fin-de-partie-pour-le-climat-213791">plus chaude</a> jamais connue par l’humanité, 2023 a battu les records. Loin d’avoir commencé à décroître, nos émissions de gaz à effet de serre n’ont même pas encore atteint leur plafond. Comme l’a montré une étude publiée pendant le sommet, les émissions mondiales de dioxyde de carbone d’origine fossile (CO<sub>2</sub>) ont à nouveau augmenté de <a href="https://theconversation.com/les-emissions-de-co-dorigine-fossile-ont-atteint-un-nouveau-record-en-2023-219133">1,1 % en 2023</a>…</p>
<p>Et même si certains scénarios du pire s’éloignent peu à peu, les résultats des négociations climatiques tardent à être au rendez-vous. Les politiques mises en œuvre par les États sont loin de nous placer sur une trajectoire conforme à l’accord de Paris, comme l’a confirmé le <a href="https://unfccc.int/documents/632334">rapport annuel de l’ONU</a>.</p>
<p>Un sommet sous haute tension donc, d’autant plus qu’il se déroulait dans l’ombre de l’industrie fossile, notamment par le choix de son président, Sultan al-Jaber, ministre de l’Industrie et des Technologies avancées des Émirats arabes unis mais aussi <a href="https://theconversation.com/vu-des-emirats-arabes-unis-une-cop28-sous-le-signe-du-petrole-218880">dirigeant de la compagnie pétrolière nationale, Adnoc</a>. Méfiance renforcée par une <a href="https://www.bbc.com/news/science-environment-67508331">fuite de documents révélée par la BBC</a>, témoignant d’un mélange des genres dans la préparation de la COP, mais aussi par la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/05/cop28-a-dubai-presence-massive-des-lobbyistes-des-energies-fossiles_6203988_3244.html">présence record de lobbyistes en faveur d’énergies fossiles</a>.</p>
<p>Pourtant, après une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop/cop-27-une-edition-decevante-et-sans-ambition_5488956.html">COP27 largement décevante</a>, contre toute attente, cette COP28 est plutôt à ranger parmi les COP « à succès ».</p>
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<li><p>D’abord parce que le fonds sur les pertes et préjudices (« loss and damages » en anglais) est enfin opérationnel.</p></li>
<li><p>Mais aussi – et c’est probablement la vraie nouveauté – parce que dans le cadre du « bilan mondial » de l’accord de Paris, les pays se sont (enfin) entendus sur une perspective de sortie des combustibles fossiles.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-echapper-a-la-malediction-de-la-rente-fossile-218546">Comment échapper à la malédiction de la rente fossile ?</a>
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<h2>Un succès dès le premier jour</h2>
<p>Dès le 30 novembre – le premier jour du sommet – un accord a été trouvé sur l’opérationnalisation du <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">fonds international sur les pertes et préjudices</a> créé un an plus tôt lors de la COP27 à Charm-el-Cheikh. C’était une revendication de longue date des pays du Sud et, depuis plusieurs années, l’un des principaux points de crispation le long de l’axe Nord-Sud.</p>
<p>Son objectif est d’aider financièrement les pays vulnérables à faire face aux <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/5acc2318-fr/index.html?itemId=/content/component/5acc2318-fr">conséquences dommageables des changements climatiques</a>, qu’elles soient d’ordre économique ou non, qu’il s’agisse de catastrophes à l’image des <a href="https://theconversation.com/face-au-rechauffement-climatique-des-initiatives-pour-construire-une-nouvelle-science-des-risques-198748">événements météorologiques extrêmes</a> (tempêtes, cyclones…) ou de ceux dont l’évolution est plus lente (<a href="https://theconversation.com/elevation-du-niveau-de-la-mer-quels-littoraux-voulons-nous-pour-demain-180711">élévation du niveau de la mer</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/secheresse-24478">sécheresse</a>…).</p>
<p>Le fonds est vu par les pays du Sud comme un <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-ce-nouveau-front-ouvert-par-les-petits-etats-insulaires-a-lonu-203135">instrument de justice climatique</a>, en ce qu’il doit permettre des transferts financiers des pays les plus émetteurs et historiquement les plus responsables des changements climatiques vers les pays en développement, qui sont souvent à la fois particulièrement vulnérables aux changements climatiques et mal armés pour y faire face.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-coulisses-des-negociations-de-la-cop28-vues-par-un-enseignant-chercheur-219422">Les coulisses des négociations de la COP28 vues par un enseignant-chercheur</a>
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<h2>Un fonds sur fond de compromis</h2>
<p>Un « comité de transition » composé d’une vingtaine de pays avait été chargé d’en définir les détails et s’était mis d’accord peu de temps avant la COP. Il n’est donc pas complètement surprenant que l’accord ait été acté dès le début de la conférence. De quoi se concentrer ensuite sur les autres questions importantes, sans être parasité par celle-ci.</p>
<p>Malgré tout, le <em>design</em> du fonds reste un compromis. Les pays du Nord ont obtenu qu’il soit hébergé par la Banque mondiale, les pays du Sud que ce ne soit que provisoire (pour quatre ans) et qu’il soit doté de sa propre gouvernance. En particulier, son secrétariat sera indépendant et son conseil (son « board ») composé en majorité de pays en développement, puisqu’il ne comprendra que douze représentants de pays développés sur 26. Sa première réunion devrait se tenir avant le 31 janvier 2024. Il aura la délicate charge d’élaborer les critères d’octroi des financements.</p>
<p>Les bénéficiaires seront les pays en développement les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques. Mais il est d’ores et déjà acquis que les financements seront accessibles non seulement à des États, mais aussi à des régions, des villes, ou directement aux communautés locales affectées.</p>
<p>Quant aux donateurs, la décision distingue, comme l’accord de Paris, les « pays développés », qui sont exhortés à continuer de fournir un appui, et les « autres Parties » qui ne sont qu’encouragées à le faire, sur une base volontaire. La décision insiste aussi sur le besoin urgent et immédiat de ressources financières nouvelles, supplémentaires, prévisibles et adéquates, selon une formule habituelle dans les instruments internationaux de protection de l’environnement.</p>
<h2>Trop de fonds, pas assez de financements</h2>
<p>Mais le montant des financements dépendra du bon vouloir des pays donateurs qui déterminent leur contribution de manière discrétionnaire. Plusieurs pays (Émirats arabes unis, Union européenne, États-Unis, Royaume-Uni, Japon…) ont d’ores et déjà fait des promesses de financement qui vont permettre au fonds de démarrer rapidement, avec une mise de départ de 792 millions de dollars.</p>
<p>Cette somme reste toutefois loin du compte, car les pertes et préjudices liés au climat pourraient atteindre 150 à 300 milliards de dollars d’ici 2030, comme le montrait un <a href="https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/wp-content/uploads/2022/11/IHLEG-Finance-for-Climate-Action-1.pdf">rapport de 2022</a>). Les besoins devraient aller <em>crescendo</em> avec l’intensification des effets des changements climatiques, et même si les estimations sont sujettes à des incertitudes méthodologiques.</p>
<p>Les pays concernés souhaiteraient de surcroît recevoir des dons plutôt que des prêts, souvent à des taux peu avantageux et qui viennent alourdir leur charge de la dette et les fragiliser, comme l’a encore récemment mis en évidence un <a href="https://policy-practice.oxfam.org/resources/climate-finance-shadow-report-2023-621500/">rapport d’OXFAM</a>. En l’occurrence, la décision reste assez floue et évoque la fourniture « de subventions et de prêts à des conditions très favorables ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">COP28 : un an après la percée sur les « pertes et dommages » en Egypte, pays riches et pays pauvres toujours divisés</a>
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<h2>Un manque de lisibilité de la finance climat</h2>
<p>Celle-ci précise aussi que le fonds doit fonctionner de manière à promouvoir la cohérence et la complémentarité avec les autres instruments internationaux de financement préexistants. Or, il existe déjà de nombreux mécanismes de financement : Fonds pour l’environnement mondial, Fonds spécial pour les changements climatiques, Fonds pour les pays les moins avancés, Fonds d’adaptation et bien sûr le Fonds vert pour le climat), dans et hors du régime climatique onusien instauré par la Convention-cadre des Nations unies contre le changement climatique.</p>
<p>Alors que les États sont censés se mettre d’accord l’an prochain sur un nouvel objectif plus ambitieux, l’objectif de 100 milliards de dollars annuels pour la finance climat <a href="https://www.oecd.org/environment/growth-accelerated-in-the-climate-finance-provided-and-mobilised-in-2021-but-developed-countries-remain-short.htm">a probablement été atteint en 2022, mais avec du retard</a> par rapport aux engagements pris à Copenhague en 2009 – et confirmés à Paris en 2015 – qui avaient fixé la date de 2020.</p>
<p>Pour ajouter à la complexité, la présidence émiratie de la COP28 a annoncé la création d’un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/13/cop28-la-presidence-emiratie-propose-un-compromis-historique-sur-les-energies-fossiles_6205509_3244.html">nouveau fonds doté de 30 milliards de dollars</a>, basé cette fois sur des financements privés et orienté vers les solutions technologiques et la transition énergétique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">Climat : l’épineuse question de la responsabilité historique des pays industrialisés</a>
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<h2>Le premier « bilan mondial », exercice perfectible</h2>
<p>Dès la COP21, il était clair qu’il fallait prévoir des mécanismes pour pousser les États à relever le niveau d’ambition de leurs contributions nationales. Parmi ceux prévus par l’accord de Paris figure le <a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-cop-une-breve-histoire-de-la-negociation-climatique-218366">« bilan mondial »</a> (<em>Global Stocktake</em> en anglais).</p>
<p>Réalisé tous les cinq ans, c’est un exercice d’évaluation des progrès collectifs – et non individuels – des États parties, qu’il s’agisse de l’atténuation (la réduction de nos émissions), de l’adaptation aux conséquences des changements climatiques ou encore des financements.</p>
<p>La COP28 a ainsi marqué la clôture du premier bilan mondial, qui a duré plusieurs mois et a été l’occasion de l’occasion de synthétiser les <a href="https://unfccc.int/topics/global-stocktake/information-portal">informations soumises par les États</a> et diverses autres sources, alternant des temps de discussion techniques et politiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565515/original/file-20231213-27-yrjtrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Evaluation du premier bilan mondial de l’accord de Paris, en date de septembre 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UNFCC</span></span>
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<p>L’exercice pouvait sembler un peu rhétorique : nous savions déjà que les trajectoires actuelles ne sont pas les bonnes. De ce point de vue, l’organisation même du processus sera sans doute à revoir. La longue partie technique pourrait être raccourcie et mieux articulée à la discussion politique. Dans un contexte où on « sait », c’est bien cette dernière qui importe le plus.</p>
<p>Le fait que le bilan porte à la fois sur l’atténuation, l’adaptation et les financements a permis une discussion globale très utile, connectant différents volets, mécanismes et programmes de l’accord de Paris habituellement déconnectés. Mais c’est aussi ce caractère global qui a rendu la négociation délicate.</p>
<h2>Les conclusions du bilan mondial</h2>
<p>Au final, <a href="https://unfccc.int/documents/636608">l’accord final sur le bilan mondial</a> est plutôt ambitieux et en phase avec les connaissances scientifiques, faisant explicitement référence aux <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat</a> (GIEC). Il rappelle à plusieurs reprises l’importance de l’objectif de 1,5 °C, dont le président de la COP avait fait son « étoile polaire » et la nécessité d’accélérer l’action ainsi que le caractère critique de la décennie à venir.</p>
<p>Il reconnaît que des progrès ont été accomplis, conduisant le monde vers une hausse non pas de 4 °C, mais comprise entre 2,1 et 2,8 °C si les contributions nationales des États sont toutes mises en œuvre. Mais il admet qu’il est urgent de combler le fossé en matière d’ambition climatique. Il rappelle aussi que la fenêtre pour atteindre le 1,5° se réduit rapidement, <a href="https://theconversation.com/combien-de-tonnes-demissions-de-co-pouvons-nous-encore-nous-permettre-171227">avec un « budget carbone » presque entièrement consommé</a>.</p>
<p>En foi de quoi, il est demandé aux Parties de revoir et mettre en œuvre leurs contributions nationales s’agissant des réductions d’émission, mais aussi d’aider les pays du Sud à le faire, soulignant que leurs besoins sont ici estimés à près de 6 milliards de milliards de dollars d’ici à 2030…</p>
<h2>Les énergies fossiles, l’« éléphant dans la pièce »</h2>
<p>Ce bilan a aussi permis de poser la question de la sortie des énergies fossiles, qui s’est retrouvée au cœur de l’agenda de la COP. Celles-ci sont bien évidemment au cœur du problème, puisqu’elles représentent la principale source d’émissions de gaz à effet de serre. Le GIEC avait conclu que cette sortie était indispensable et devait être rapide, si l’on veut se donner une chance d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris.</p>
<p>Il a pourtant fallu attendre la COP26 à Glasgow, pour que soit enfin <a href="https://www.reuters.com/business/cop/business-usual-global-fossil-fuel-firms-now-after-un-climate-deal-2021-11-15/">évoquée frontalement la question du charbon</a>. La décision adoptée proposait timidement d’« accélérer les efforts destinés à cesser progressivement de produire de l’électricité à partir de charbon sans dispositif d’atténuation et à supprimer graduellement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles ».</p>
<p>Toutefois l’année suivante, la COP27 a délaissé le sujet, et a précisément été critiquée pour cette raison, qui s’est donc retrouvée au menu de la COP 28. La formule choisie dans le texte final est même devenue <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop-dictionnaire-portatif-des-negociations-climatiques-a-duba-219339">l’un des principaux sujets de la COP</a> à l’aune à laquelle évaluer son succès ou son échec.</p>
<p>Après un premier texte laissant toutes les options ouvertes, y compris la possibilité de ne pas mentionner les fossiles du tout, la présidence émiratie a fait une proposition lundi après-midi qui a été jugée très molle et déséquilibrée. Elle offrait un « menu à la carte » aux États les laissant entièrement libres.</p>
<p>Les discussions ont repris à huis clos, la COP se prolongeant comme à son habitude bien au-delà de l’heure prévue, alors que Sultan Al Jaber avait promis le contraire. Un accord a finalement été trouvé dans la nuit.</p>
<p>S’il n’évoque pas explicitement la sortie des fossiles – ligne rouge pour plusieurs pays conduits par l’Arabie saoudite –, le texte évoque une transition vers l’abandon des énergies fossiles. Ce qui est symboliquement moins fort, mais constitue malgré tout un énorme pas en avant. Il ne vise toutefois que les combustibles, et pas le pétrole utilisé pour la fabrication du plastique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1734900985217057103"}"></div></p>
<p>Le texte indique que cette transition doit s’accomplir « d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, de manière à atteindre l’objectif de zéro net d’ici à 2050, conformément aux données scientifiques ».</p>
<p>Enfin, les COP entrent « dans le dur », discutant de manière très concrète des voies et moyens d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris. La COP28 s’achève ainsi sur un compromis historique qui conforte le processus multilatéral onusien, qui bien qu’imparfait et désespérément lent, permet à l’ensemble des États de surmonter leurs divergences de vues et d’intérêts pour construire peu à peu des compromis indispensables.</p>
<h2>L’équilibre des pouvoirs à venir</h2>
<p>Devant la lenteur des négociations internationales, les <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-comment-de-jeunes-portugais-mobilisent-les-droits-de-lhomme-devant-la-cour-europeenne-214420">contentieux climatiques</a> se multiplient dans de nombreux États. En quelques mois, trois cours internationales ont été saisies d’une demande d’avis consultatif destinée à clarifier les obligations internationales des États en matière climatique :</p>
<ul>
<li><p>le Tribunal international du droit de la mer par la Commission des petits États insulaires en décembre 2022,</p></li>
<li><p>la Cour interaméricaine des droits de l’homme par la Colombie et le Chili en janvier 2023</p></li>
<li><p>et la <a href="https://theconversation.com/justice-climatique-ce-nouveau-front-ouvert-par-les-petits-etats-insulaires-a-lonu-203135">Cour internationale de Justice par l’Assemblée générale des Nations unies en mars 2023</a>.</p></li>
</ul>
<p>Ce dernier avis, par la formulation large des questions et par l’autorité dont jouit la Cour internationale, pourrait notamment contribuer à mettre un peu plus les États, en particulier industrialisés, sous pression, et alimenter de futurs contentieux à l’échelle nationale mais également internationale. Il pourrait – ou non – modifier l’équilibre des forces en présence lors des prochaines COP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Maljean-Dubois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La COP28 s’achève sur un compromis historique. Même si la sortie des énergies fossiles n’est pas entièrement réglée, enfin, les COP entrent « dans le dur » des négociations.Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2194332023-12-11T20:42:51Z2023-12-11T20:42:51ZCoopérer pour le climat entre pays, c’est aussi une affaire de management<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564290/original/file-20231207-27-37apct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1077&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des dirigeants du monde entier se retrouvent à Dubaï pour la COP28 du 30&nbsp;novembre au 12&nbsp;décembre.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ministerio para la Transición Ecológica - España / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les chefs d’État et de gouvernement se retrouvent à la <a href="https://theconversation.com/topics/cop28-147549">COP28</a> à Dubaï, avec pour ambition, 8 ans après l’Accord de Paris sur le climat, de dresser un premier bilan mondial des engagements pris par les États afin de limiter le <a href="https://theconversation.com/topics/climat-20577">réchauffement climatique</a>. Au-delà de la polémique sur l’<a href="https://theconversation.com/vu-des-emirats-arabes-unis-une-cop28-sous-le-signe-du-petrole-218880">hôte de ces rencontres</a> – la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/cop28-a-dubai-vers-un-record-demissions-de-co2-2038320">cohérence</a> entre l’objectif affiché de la conférence et la dépendance aux énergies fossiles des Émirats arabes unis n’allant pas de soi – une question essentielle est celle de la collaboration nécessaire pour pouvoir effectivement adresser la question du réchauffement climatique.</p>
<p>Parmi les 17 <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/2015/09/25/les-etats-membres-de-lonu-adoptent-un-nouveau-programme-de-developpement-audacieux/">Objectifs du développement durable (ODD) des Nations unies</a>, la lutte contre les changements climatiques figure aux côtés d’autres grands défis économiques, sociaux et environnementaux : lutte contre la pauvreté, lutte contre la faim dans le monde, égalité des sexes, mais aussi préservation de la vie aquatique et de la vie terrestre.</p>
<p>Comme le montre le <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">Stockholm Resilience Centre</a>, bien connu pour avoir développé le concept de limites planétaires, il semble exister une hiérarchie entre ces ODD : la biosphère (ODD 6, 13, 14 et 15) « porte » les ODD qui concernent directement la société (ODD 1, 2, 3, 4, 5, 7, 11 et 16), sur lesquels reposent les ODD liés à l’économie (ODD 8, 9, 10, 12). Tout en haut de cette <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/research-news/2016-06-14-the-sdgs-wedding-cake.html">« pièce montée »</a>, nom donné par les auteurs, on retrouve l’ODD 17, intitulé <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/globalpartnerships/">« partenariats pour la réalisation des objectifs »</a>. Sous ce titre simple, réside en fait toute la complexité de l’atteinte des ODD.</p>
<h2>Travailler ensemble ne se décrète pas</h2>
<p>La littérature académique s’est emparée, depuis plusieurs années déjà, de la notion de « grands défis » (« Grand Challenges » ou « wicked problems », en anglais), définis comme des problèmes complexes aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux majeurs qui impactent des populations importantes et nécessitent la collaboration de plusieurs acteurs, car impossibles à résoudre seul.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1731431812793012681"}"></div></p>
<p>Relever de tels défis nécessite une prise de conscience de la part des différentes parties prenantes, qui ont des attentes variées, voire opposées sur le sujet. Les pays du Sud mettent en avant leurs besoins de consommation d’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/cop-28-relance-par-la-crise-de-lenergie-le-charbon-est-loin-davoir-tire-sa-reverence-2038646">énergies fossiles</a> afin de permettre le développement de leurs économies. À cela s’ajoute la nécessité de lever des barrières sociales, mais aussi des <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2016.4007">contraintes organisationnelles et institutionnelles</a>. Une des grandes difficultés, dans l’atteinte de ces objectifs ambitieux, est ainsi de bousculer les modèles et croyances établis, en adoptant une démarche plus critique pour pouvoir explorer des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1052562916674465">solutions régénératives</a>.</p>
<p>Travailler ensemble ne se décrète pas. La variété des parties prenantes impliquées dans ces grands défis nécessite un effort certain de leur part pour identifier un objectif partagé, dénominateur commun constituant un début de possible collaboration. Et, forcément, des <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2015.0890">tensions émergent</a>.</p>
<h2>Collaborer sous la contrainte</h2>
<p>La recherche académique a tenté de mieux comprendre les enjeux d’une collaboration entre acteurs multiples et pourquoi l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joms.12273">échec est souvent au rendez-vous</a>. La <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-015-2756-4">variété des acteurs présents</a>, regroupés en trois grandes catégories (secteur public, secteur privé, société civile), pose deux types de questions.</p>
<p>Tout d’abord, celle de la sélection des partenaires, qui s’avère être une étape cruciale, quel que soit le projet. Mais le choix est-il vraiment possible ? La COP28 nous prouve, si besoin il y avait, que la négociation se joue parfois avec des partenaires imposés, qui sont en l’occurrence les gouvernements des autres pays.</p>
<p>La seconde question est celle de la compatibilité entre partenaires : sont-ils en capacité de se mettre d’accord sur l’objectif recherché d’une part, et quels types de complémentarité de ressources et de compétences apportent-ils d’autre part ? Là aussi, <a href="https://reporterre.net/La-COP28-sera-une-lutte-acharnee-entre-pays-du-Nord-et-du-Sud">l’opposition est évidente</a> entre les attentes des pays du Sud, en termes de développement économique et social, et celles des pays du Nord qui tentent d’enrayer ce qui peut encore l’être en matière climatique. Mais la lutte contre le réchauffement climatique est-elle vraiment un « problème de riches » ?</p>
<p>En tout état de cause, l’ODD 17, souvent passé sous silence, s’avère être une clé essentielle dans la quête – nécessairement longue et sans garantie de succès – de l’atteinte des autres ODD, grâce à une démarche participative, intégrant toutes les parties prenantes utiles à l’atteinte de ces objectifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’objectif de développement durable des Nations unies n°17 insiste sur la constitution de partenariats pour relever les défis du XXIe siècle.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR en management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAngéline Pinglot, Enseignante-chercheuse en Management, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2193392023-12-08T16:29:31Z2023-12-08T16:29:31ZLes mots de la COP : dictionnaire portatif des négociations climatiques à Dubaï<p>La ville de Dubaï est l’une des principales places financières contemporaines ainsi qu’un lieu emblématique de la production d’énergies fossiles. Elle accueille, du 30 novembre au 12 décembre 2023, la COP28. Ce rendez-vous, qui réunit représentants des États, lobbyistes et autres acteurs de la société civile, est consacré à la discussion de la menace climatique à laquelle est exposée l’humanité.</p>
<p>Les termes employés au cours de ce sommet et les <a href="https://www.carbonbrief.org/interactive-tracking-negotiating-texts-at-cop28-climate-summit/">énoncés qui figureront dans la résolution finale</a> – âprement discutée par les diplomates chaque année – ne manqueront pas d’être parfois techniques. Et en réalité, les bras de fer se jouent sur des subtilités de langage moins anodines qu’elles n’y paraissent, qui échappent souvent au grand public.</p>
<p>Ce très bref dictionnaire vise à apporter un éclairage sur le sens des « mots de la COP » et sur la réalité qui se cache derrière ces derniers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-climat-30-mots-pour-comprendre-et-agir-189843">Bonnes feuilles : « Climat, 30 mots pour comprendre et agir »</a>
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<h2>Accord de Paris</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">Accord international adopté lors de la COP21</a> en 2015, visant à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C (et si possible 1,5 °C) par rapport aux niveaux préindustriels.</p>
<p>Cet accord impose aux pays signataires de formuler à intervalles réguliers des prévisions concernant leurs trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (voir NDC, ci-dessous).</p>
<p>Il ne les engage en revanche nullement à faire converger ces trajectoires vers des niveaux compatibles avec l’objectif des 2 °C – jugé désormais inatteignable par une <a href="https://media.nature.com/original/magazine-assets/d41586-021-02990-w/19817644">majorité d’experts interrogés à ce sujet en 2021</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/accord-de-paris-cinq-ans-apres-ou-en-sommes-nous-151555">Accord de Paris : cinq ans après, où en sommes-nous ?</a>
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<h2>Adaptation</h2>
<p>Ensemble des actions mises en œuvre pour faire face aux conséquences inévitables du changement climatique. L’ONU a estimé dans son dernier rapport consacré à ce sujet que le financement de l’adaptation au changement climatique est actuellement <a href="https://www.unep.org/fr/resources/rapport-2023-sur-le-deficit-de-ladaptation-au-climat">10 à 18 fois inférieur à ce qu’il devrait être</a> pour que cette dernière soit efficace.</p>
<p>Les financements actuels sont par ailleurs souvent orientés vers des <a href="https://theconversation.com/climate-adaptation-projects-sometimes-exacerbate-the-problems-they-try-to-solve-a-new-tool-hopes-to-correct-that-213969">projets de « maladaptation »</a>, dont les <a href="https://theconversation.com/barrages-et-reservoirs-leurs-effets-pervers-en-cas-de-secheresses-longues-111583">mégabassines</a> sont un exemple emblématique. Ces dernières permettent aux agriculteurs de faire face aux sécheresses à court terme, mais contribuent à l’épuisement rapide des nappes phréatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-a-lurgence-climatique-ladaptation-cest-des-maintenant-159870">Face à l’urgence climatique, l’adaptation, c’est dès maintenant !</a>
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<h2>AOSIS (<em>Alliance of Small Island States</em>)</h2>
<p>Regroupement des <a href="https://theconversation.com/1-5-c-un-objectif-irrealiste-52190">petits États insulaires menacés par la montée du niveau de la mer</a>. Il est peu probable que ces États soient entièrement engloutis par la montée des eaux dès le XXI<sup>e</sup> siècle. Bon nombre d’entre eux pourraient néanmoins <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aap9741">devenir inhabitables</a> en raison de l’incursion progressive de l’eau de mer dans les aquifères, dont l’intégrité est indispensable à la survie des espèces et de la population locale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">Climat : l’épineuse question de la responsabilité historique des pays industrialisés</a>
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<h2>Atténuation</h2>
<p>Actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour ralentir le changement climatique. Malgré les nombreux engagements pris en ce sens depuis les années 1990, les efforts actuels n’ont pas permis d’endiguer la hausse des émissions. <a href="https://ieep.eu/news/more-than-half-of-all-co2-emissions-since-1751-emitted-in-the-last-30-years/">Plus de la moitié</a> des gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère par les êtres humains ont ainsi été émis entre 1990 et 2020.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-emissions-de-co-dorigine-fossile-ont-atteint-un-nouveau-record-en-2023-219133">Les émissions de CO₂ d’origine fossile ont atteint un nouveau record en 2023</a>
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<h2>Biocarburants</h2>
<p>Carburants de substitution produits à partir de sources biologiques (matière première d’origine végétale, animale ou encore issue de déchets). Les biocarburants représentent aujourd’hui environ <a href="https://www.iea.org/reports/renewables-2022/transport-biofuels">5 % des carburants employés dans les transports</a>.</p>
<p>Leur production requiert cependant la <a href="https://theconversation.com/pour-une-huile-de-palme-durable-soutenir-les-petits-producteurs-et-encadrer-les-grandes-plantations-75653">mobilisation d’espaces agricoles extrêmement étendus</a>, ce qui conduit parfois les producteurs à <a href="https://reporterre.net/La-demande-en-biocarburants-va-fortement-pousser-la-deforestation">contribuer à la déforestation</a> et limite drastiquement la croissance de leur usage.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/carburants-de-synthese-biocarburants-kerosene-vert-de-quoi-parle-t-on-exactement-125391">Carburants de synthèse, biocarburants, kérosène vert… De quoi parle-t-on exactement ?</a>
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<h2>Bouquet énergétique (ou mix énergétique)</h2>
<p>Composition des différentes sources d’énergie utilisées dans un pays ou une zone géographique définie. Les énergies fossiles représentaient dans les années 1990 environ 80 % du bouquet énergétique mondial – un chiffre <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/08/en-2020-les-energies-fossiles-occupaient-80-du-mix-energetique-soit-la-meme-part-que-trente-ans-auparavant_6129392_3232.html">resté stable</a> au cours des 30 dernières années.</p>
<p>Le bouquet énergétique ne doit pas être confondu avec le bouquet électrique, qui concerne uniquement les sources d’énergie destinées à la production d’électricité. En France, l’énergie nucléaire représente ainsi environ 70 % du bouquet électrique, mais <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/quelle-est-la-part-du-nucleaire-dans-le-mix-energetique-des-principaux-pays-du-monde-97ca60e6-2c23-11ec-8e7d-0373d7df7446">moins de 40 % du bouquet énergétique</a>, encore largement dominé par les énergies fossiles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nucleaire-eolien-quelle-evolution-du-discours-mediatique-en-france-208259">Nucléaire, éolien : quelle évolution du discours médiatique en France ?</a>
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<h2>COP (Conférence des Parties)</h2>
<p>Réunion annuelle des pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (voir UNFCCC, ou CCNUCC) consacrée aux discussions climatiques internationales. Les COP accueillent ainsi les chefs d’État et leurs représentants, un certain nombre d’associations ainsi que divers lobbys – notamment issus du secteur des énergies fossiles.</p>
<p>Entre la COP1 organisée à Berlin en 1995 et la COP 28, actuellement organisée à Dubaï et présidée par Sultan Al-Jaber, PDG de la principale entreprise pétrolière émiratie, les émissions annuelles de CO<sub>2</sub> ont augmenté de <a href="https://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/climat-les-emissions-mondiales-de-co2-ont-augmente-de-55-en-vingt-ans-20190419">plus de 50 %</a> au niveau mondial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-cop-une-breve-histoire-de-la-negociation-climatique-218366">À quoi servent les COP ? Une brève histoire de la négociation climatique</a>
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<h2>Compensation carbone</h2>
<p>Mécanisme visant à compenser les émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets censés permettre la réduction de la quantité de CO<sub>2</sub> présente dans l’atmosphère.</p>
<p>Les entreprises les plus émettrices peuvent ainsi se procurer auprès d’organismes agréés des « crédits carbone », investis par exemple dans des initiatives de reforestation. Mais plus de 90 % des certificats délivrés n’auraient aucune valeur et n’ont <a href="https://www.courrierinternational.com/une/une-du-jour-le-marche-des-compensations-carbone-est-un-scandale-climatique">donné lieu à aucune initiative</a> permettant d’assurer une réelle diminution du CO<sub>2</sub> présent dans l’atmosphère.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/histoire-des-credits-carbone-vie-et-mort-dune-fausse-bonne-idee-212903">Histoire des crédits carbone : vie et mort d'une fausse bonne idée ?</a>
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<h2>Développement durable</h2>
<p>Concept développé dans les années 1970 renvoyant à un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». De nombreuses entreprises se réclament aujourd’hui d’une démarche de développement durable, par exemple <a href="https://www.liberation.fr/environnement/climat/greenwashing-totalenergies-vise-par-une-enquete-pour-pratiques-commerciales-trompeuses-20230126_TI3N74TWMNFHXMINYW3Z5FWIUM/">Total</a> ou <a href="https://lesjours.fr/obsessions/pollutions-locales/ep13-lafarge/">Lafarge</a> en France.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mesurer-le-developpement-durable-est-ce-possible-195992">Mesurer le développement durable, est-ce possible ?</a>
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<h2>Extinction de masse</h2>
<p>Événement bref – à l’échelle des temps géologique tout du moins – au cours duquel une grande partie des espèces vivant sur Terre disparaissent. La planète a déjà connu <a href="https://theconversation.com/extinctions-de-masse-comment-la-vie-rebondit-48271">cinq grandes extinctions de masse</a>.</p>
<p>Une <a href="https://www.mnhn.fr/fr/actualites/sixieme-extinction-de-masse-la-disparition-des-especes-a-ete-largement-sous-estimee">sixième extinction de masse</a> est actuellement en cours selon les scientifiques, notamment sous l’effet du réchauffement climatique – mais aussi de la déforestation et de la pollution. Cette extinction étant d’origine anthropique, elle est parfois décrite comme la <a href="https://issues.fr/aurelien-barrau-et-les-chiffres-de-leffondrement/">première extermination de masse du vivant</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-propos-des-grandes-crises-dextinction-81531">À propos des grandes crises d’extinction</a>
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<h2>GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)</h2>
<p>Organisation scientifique chargée de produire à intervalles réguliers un état des lieux concernant les connaissances sur le changement climatique. Le GIEC a joué un rôle décisif dans la diffusion des informations relatives au climat au cours des trois dernières décennies.</p>
<p>Ses résumés pour les décideurs, principale source d’information pour les dirigeants tout comme pour la société civile, sont cependant <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/20/le-rapport-de-synthese-du-giec-un-guide-pratique-pour-desamorcer-la-bombe-a-retardement-climatique_6166256_3244.html">relus et amendés</a> par les représentants des États, qui exercent donc une influence importante sur le choix des formulations retenues et des données présentées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">Nouveau rapport du GIEC : toujours plus documenté, plus précis et plus alarmant</a>
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<h2>Finance verte</h2>
<p>Financements destinés à soutenir des projets contribuant à la lutte contre le changement climatique. De nombreuses structures se sont ainsi engagées dans le « désinvestissement », mouvement qui consiste à se retirer de tout investissement dans les énergies fossiles.</p>
<p>Ces dernières ont pourtant été financées à hauteur de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/infographies-crise-climatique-en-2022-les-grandes-banques-ont-verse-673-milliards-de-dollars-aux-producteurs-d-energies-fossiles_5764847.html">673 milliards de dollars</a> par les banques en 2022.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/energies-fossiles-le-desinvestissement-naffecte-pas-encore-negativement-la-rentabilite-boursiere-185417">Énergies fossiles : le désinvestissement n’affecte pas (encore) négativement la rentabilité boursière</a>
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<h2>Fonds vert pour le climat</h2>
<p>Mécanisme financier rattaché à l’ONU et destiné à aider les pays les moins riches à faire face aux conséquences du changement climatique. La décision de créer ce Fonds date de la COP15, qui a eu lieu en 2009 à Copenhague. Ce Fonds devait atteindre 100 milliards de dollars en 2020 – un objectif qui n’a pas été atteint.</p>
<p>L’essentiel des sommes accordées a par ailleurs <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/25/climat-l-objectif-de-100-milliards-de-dollars-pour-les-pays-du-sud-atteignable-en-2023_6099859_3244.html">pris la forme de prêts</a> et non de dons réels et contribue donc à accroître l’endettement des pays les moins fortunés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fonds-vert-pour-le-climat-des-projets-malgre-tout-105356">Fonds vert pour le climat, des projets malgré tout</a>
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<h2>Géo-ingénierie</h2>
<p>Ensemble de techniques visant à modifier délibérément le climat de la Terre pour contrer les effets du changement climatique. Les projets de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/geo-ingenierie-40114">géo-ingénierie</a> incluent par exemple la fertilisation des océans par injection de sulfates de fer (qui pourrait conduire à la <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/oceanographie-geoingenierie-fertiliser-oceans-fer-idee-toxique-23060/">disparition de l’essentiel de la vie marine</a>), l’injection d’aérosols sulfatés dans l’atmosphère (qui pourrait entraîner un <a href="https://climate.envsci.rutgers.edu/pdf/2008JD010050small.pdf">hiver volcanique à l’échelle mondiale</a>), ou encore <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/la-geoingenierie-pour-sauver-la-planete-deployer-des-ombrelles-solaires-dans-l-espace-150022.html">l’installation d’un parasol géant dans l’espace</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-ils-voulaient-refroidir-la-terre-160317">Bonnes feuilles : « Ils voulaient refroidir la Terre »</a>
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<h2>NDC ou CDN (Contributions déterminées au niveau national)</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/contributions-nationales-50286">Engagements individuels pris par chaque pays signataire</a> de l’accord de Paris pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Une partie de ces contributions sont conditionnelles : elles ne seront mises en œuvre qu’à condition que soit accordé un soutien financier international – qui fait pour l’instant <a href="https://www.un.org/fr/climatechange/raising-ambition/climate-finance">largement défaut</a>.</p>
<p>La mise en œuvre des seules NDC inconditionnelle – c’est-à-dire financées directement par les États eux-mêmes – devrait <a href="https://fr.euronews.com/green/2023/11/20/le-monde-sur-une-trajectoire-de-rechauffement-catastrophique-29-c-alerte-lonu">conduire à un réchauffement de 2,9 °C</a>. Il existe cependant un écart important entre les engagements formulés par les États et les politiques publiques qu’ils implémentent effectivement : le niveau de réchauffement dépassera donc largement les 3 °C au cours du XXI<sup>e</sup> siècle en l’absence de changement de cap.</p>
<h2>Pertes et dommages</h2>
<p>Destructions engendrées par le dérèglement du climat. Un fonds de compensation des pertes et dommages à destination des pays vulnérables a été adopté dans les premiers jours de la COP28 – ce qui représente un immense progrès.</p>
<p>L’OMS prévoit cependant qu’<a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/climate-change-and-health">au moins 250 000 personnes périront chaque année</a> entre 2030 et 2050 en raison du dérèglement climatique, dont elle n’a pris en compte que les effets les plus directs.</p>
<p>Ces vies étant sacrifiées en toute connaissance de cause par les États les plus émetteurs, certains vont jusqu’à penser que l’inaction climatique à l’origine de ces « pertes et dommages » devrait en fait être considérée comme un <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/maxime-combes/maxime-combes-la-procrastination-des-gouvernements-est-un-crime-climatique-715188">crime climatique</a> – voire comme une forme d’atrocité de masse, étant donné l’ampleur des destructions auxquelles elle ne peut manquer de conduire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">COP28 : un an après la percée sur les « pertes et dommages » en Egypte, pays riches et pays pauvres toujours divisés</a>
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<h2>« Phase out », « phase down », « unabated »</h2>
<p>Processus visant à éliminer progressivement l’usage de combustibles fossiles – tout l’enjeu étant de s’accorder sur ce que peut ici signifier le terme « progressivement ».</p>
<p>Plutôt qu’une élimination progressive (« phase out ») du charbon, la COP26 avait retenu, à la suite d’une <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20211114-cop26-charbon-pertes-et-pr%C3%A9judices-d%C3%A9forestation-que-contient-le-pacte-de-glasgow">intervention conjointe</a> de la Chine, de l’Inde et de l’Arabie saoudite, la formule plus prudente de « phase down ». Cette expression renvoie à la simple réduction – progressive, cela va sans dire – de la consommation d’énergies fossiles.</p>
<p>Les États pourraient cependant s’entendre prochainement sur le <em>phasing out of unabated fossil fuel</em>, le terme « unabated » renvoyant aux seules énergies fossiles dont la production n’inclut aucun procédé de capture ou de destruction du carbone. Le choix d’une telle formulation permettrait donc aux producteurs de poursuivre leurs activités extractives tout en s’engageant à recourir à des technologies dont le déploiement à grande échelle est pourtant des <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6076305_1652612.html">plus incertains</a>.</p>
<h2>Protocole de Kyoto</h2>
<p>Accord international signé en 1997 pour assurer la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Le protocole prévoyait une baisse des émissions de ces pays de l’ordre de 5 % en une quinzaine d’années – là où le GIEC avait recommandé dès son premier rapport une diminution d’au moins 60 %.</p>
<p>Le Canada et les États-Unis ont cependant jugé le protocole de Kyoto trop ambitieux, et s’en sont donc finalement retirés.</p>
<h2>Puits de carbone</h2>
<p>Écosystèmes naturels (océans et forêts par exemple) ou technologies capables d’absorber le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. Les capacités d’absorption des puits naturels sont limitées. Certains d’entre eux pourraient même devenir, une fois dépassés les niveaux de saturation, des sources d’émissions additionnelles.</p>
<p>Les incendies canadiens de 2023 ont ainsi conduit à l’émission d’un <a href="https://www.liberation.fr/environnement/climat/canada-les-incendies-de-foret-de-cet-ete-ont-emis-lequivalent-de-plus-dun-milliard-de-tonnes-de-co2-20230812_LUJG5EK54JFCDHH4CIU5PV2PWA/">milliard de tonnes de CO<sub>2</sub></a> dans l’atmosphère – soit autant que les émissions annuelles du Japon, cinquième plus grand émetteur mondial. Quant aux puits artificiels, ils n’existent pour l’instant qu’au stade expérimental, et ne devraient donc pouvoir être déployés à large échelle au cours des décennies à venir.</p>
<h2>Résilience</h2>
<p>Capacité d’un système à absorber un choc puis à trouver un nouvel état d’équilibre. De nombreux pays ambitionnent d’atteindre une forme de « résilience climatique » qui leur permettrait de faire face aux destructions engendrées par la multiplication des catastrophes climatiques.</p>
<p>Ce discours est parfois dénoncé comme cynique par certaines victimes des destructions climatiques. Une survivante de l’ouragan Katrina avait ainsi déclaré <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-07301-4_1">plusieurs années après le sinistre</a> : « Cessez de dire que je suis résiliente – car à chaque fois que vous affirmez « Oh, ils sont résilients », vous vous donnez la possibilité de continuer à me faire subir quelque chose d’autre ».</p>
<h2>UNFCCC ou CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques)</h2>
<p>Accord international signé lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, visant à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Après plus de 30 années de hausse constante des émissions de gaz à effet de serre, une écrasante majorité des pays producteurs d’énergies fossiles prévoit de <a href="https://www.citepa.org/fr/2023_11_a02/">continuer à augmenter sa production</a> au moins jusqu’en 2030.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-echapper-a-la-malediction-de-la-rente-fossile-218546">Comment échapper à la malédiction de la rente fossile ?</a>
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<h2>Zéro émissions nettes</h2>
<p>Objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à un niveau suffisamment bas pour qu’elles soient entièrement compensées par les mécanismes naturels ou technologiques d’absorption de carbone. La plupart des scénarios censés permettre la limitation du réchauffement à 2 °C reposent sur cette idée et supposent ainsi sur le déploiement massif et rapide de techniques de <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">capture et de stockage du carbone</a>, bien que leur développement soit hautement incertain (voir Puits de carbone).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">Une France zéro carbone en 2050 : pourquoi le débat sur la sobriété est incontournable</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/219339/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaspard Lemaire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les négociations climatiques s’appuient sur un jargon parfois technique, qu’il est indispensable de connaître pour cerner les enjeux de la COP28. Un bref abécédaire des mots les plus importants.Gaspard Lemaire, Doctorant au sein de la Chaire Earth du Centre Jean Bodin, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184112023-12-03T16:29:40Z2023-12-03T16:29:40ZDe Rio à Dubaï : les rivalités entre les États-Unis et la Chine dans les négociations climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562959/original/file-20231201-19-nxz548.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis ne sont pas toujours simples, y compris en matière de négociations climat.</span> <span class="attribution"><span class="source">Flickr / US Department of Africulture</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-cop-une-breve-histoire-de-la-negociation-climatique-218366">COP sur le climat se succèdent</a>, et parfois se ressemblent. Depuis le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 et la signature de la <a href="https://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques</a>, jusqu’à la COP28 qui se déroule jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la communauté internationale cherche à construire une politique globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Avec une constante dans les négociations : la prévalence des enjeux géopolitiques et géoéconomiques entre puissances, avec des passions qui se sont exacerbées, un <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">ressentiment des pays du Sud</a>, et des <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-et-destruction-de-lenvironnement-que-peut-le-droit-international-183774">guerres meurtrières</a> qui ne pourront que fragiliser une diplomatie déjà bien compliquée.</p>
<h2>Un monde divisé en deux blocs</h2>
<p>En 1992, la Convention a officiellement scindé le monde en deux, une première sous les auspices onusiens. D’un côté, les pays industrialisés, dits <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">« Annexe 1 »</a>, tenus pour responsables du changement climatique. D’un autre côté, les pays en développement, Chine comprise, dits « non-Annexe 1 ».</p>
<p>Cette partition sera érigée comme principe conducteur des futures négociations. La Convention a gravé dans le marbre le <a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">« principe des responsabilités communes mais différenciées »</a>, au titre duquel seuls les pays du Nord devaient initialement s’engager à réduire leurs émissions. Ce principe n’est pas tombé du ciel : il est le résultat d’une lutte de longue haleine du Sud, avec un <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/199419/1/die-dp-2014-06.pdf">leadership fort de la Chine</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À peine signée, les États-Unis manifestaient déjà leur profonde réticence à son égard. Ils ont fait inscrire noir sur blanc dans le rapport officiel de Rio qu’ils s’en désolidariseraient s’il venait à être interprété comme une reconnaissance d’obligations internationales de leur part et, de surcroît, impliquer une quelconque <a href="https://digitallibrary.un.org/record/168679">« diminution des responsabilités des pays en développement »</a>.</p>
<p>À la COP1 de Berlin en 1995, alors que débutaient les pourparlers pour un protocole – ce sera <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protocole-de-kyoto-22542">celui de Kyoto deux ans plus tard</a> –, on a pourtant réaffirmé le <a href="https://unfccc.int/resource/docs/cop1/07a01.pdf">partage du globe en deux blocs étanches</a>.</p>
<h2>La polarisation entre les États-Unis et la Chine</h2>
<p>En <a href="https://www.congress.gov/bill/105th-congress/senate-resolution/98/all-info">juillet 1997</a>, Joe Biden, alors sénateur de l’État du Delaware, votera, comme tous ses collègues démocrates et républicains, contre le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protocole-de-kyoto-22542">protocole de Kyoto</a> qui s’annonçait. L’argument invoqué : le risque qu’un tel accord n’affaiblisse l’économie américaine, absolument rien n’étant imposé aux grands émergents. La première puissance qui luttait pour maintenir son rang ne pouvait accepter une contrainte, si celle qui était en train de resserrer l’écart – la Chine – en était exemptée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop28-les-negociations-climatiques-sont-elles-entrees-dans-lere-du-pur-spectacle-218757">COP28 : les négociations climatiques sont-elles entrées dans l'ère du pur spectacle ?</a>
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<p>Les <a href="https://nsarchive2.gwu.edu/">câbles diplomatiques</a> américains échangés durant les négociations pour le protocole ont été déclassifiés en 2015. La synthèse des positions à défendre par Clinton en date du 22 octobre 1997, un mois avant la tenue de la COP3 à Kyoto, est <a href="https://1997-2001.state.gov/global/global_issues/climate/background.html">sans ambiguïté</a> : </p>
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<p>« Les États-Unis refuseront tout engagement contraignant jusqu’à ce que les pays en développement acceptent de participer significativement à la lutte contre le changement climatique. »</p>
</blockquote>
<p>Le président américain ne l’exprimera jamais publiquement ainsi, mais telle a toujours été la position de la première puissance mondiale.</p>
<h2>Vers un multilatéralisme a minima avec l’accord de Paris</h2>
<p>La COP15 de Copenhague en 2009 devait accoucher – s’était-on imaginé – d’un accord élargi, avec enfin de premiers engagements des États-Unis et des grands émergents. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2009/dec/22/copenhagen-climate-change-mark-lynas">Ces derniers, Chine en tête, s’y refuseront</a>. L’échec fut retentissant.</p>
<p>La politique climat était mise en péril par la conflictualité des relations entre les deux grandes puissances et leur incapacité à s’accorder sur des cibles ambitieuses, qui seules auraient pu entraîner les autres. Dans un accord de dernière minute conclu à huis clos, les deux grands entérineront l’abandon de Kyoto au profit d’une politique désormais <a href="https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/wp-content/uploads/2016/10/Falkner_2016_TheParisAgreement.pdf">fondée sur un système d’engagements volontaires</a>.</p>
<p>Il n’y avait en effet qu’un seul compromis possible pour assurer la survie du multilatéralisme climat, celui d’un nivellement par le bas. Ce sera le tournant de l’accord de Paris en 2015, avant tout <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2014/11/11/us-china-joint-announcement-climate-change">construit à partir des conditions du tandem sino-américain</a> : des engagements contraignants de réduction des émissions pour personne, et rien d’autre que des promesses pour tout le monde.</p>
<p>Les États, selon leur bon vouloir, se contenteront dorénavant de communiquer leurs ambitions – les <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs">« NDC »</a>, ou Contributions déterminées au niveau national dans le jargon onusien.</p>
<h2>Les grands émergents à la manœuvre</h2>
<p>Le groupe des BRICS, un club de discussion réunissant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a été créé en 2011. Ils ont été rejoints cette année par l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ensemble, ils contrôlent 54 % de la production mondiale de pétrole et 23 % des ventes agricoles. La Chine concentre, à elle seule, les <a href="https://fr.statista.com/infographie/26793/evolution-production-miniere-terres-rares-dans-le-monde-par-pays/">deux tiers de la production mondiale de terres rares</a>.</p>
<p>Avec l’Égypte, ils détiennent aussi la clé du canal de Suez, route vitale du commerce international. <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BULARD/66162">Un groupe au poids certain, et qui entend bien s’affirmer</a>.</p>
<p>Il ne s’agit toutefois pas d’un front uni. Nombre d’entre eux sont même dans des rapports rivalitaires tenaces, la <a href="https://theconversation.com/contre-linde-la-chine-joue-la-carte-nepalaise-152442">Chine et l’Inde en premier</a>. Tous font cependant bloc. Face à un <a href="https://ihedn.fr/2022/12/16/le-multilateralisme-est-aujourdhui-en-crise/">multilatéralisme en crise</a> et à une Amérique qui ne peut plus diriger seule un monde devenu multipolaire, ils aspirent à infléchir l’ordre international : « Leurs différences voire leurs divergences ne suffisent pas à anéantir leur volonté d’agir ensemble pour imaginer une nouvelle configuration mondiale. », <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BULARD/66162">écrivait le <em>Monde Diplomatique</em> cet automne</a>.</p>
<p>Les BRICS ont un agenda climatique dont la ligne directrice n’a jamais dévié. 30 ans après la Convention, et dans un tout autre monde que celui de 1992, ils insistent toujours sur la <a href="http://brics2022.mfa.gov.cn/eng/hywj/ODMM/202205/t20220529_10694182.html">responsabilité historique des pays occidentaux</a>, et les rappellent à leurs engagements pris devant la communauté internationale à réduire leurs émissions, à financer la politique climat au bénéfice des pays du Sud, ainsi que du droit au développement de ces derniers.</p>
<p>Tous accusent le Nord de tenir un double discours, et il est vilipendé pour cela. Kenneth Rogoff, professeur d’économie à l’Université Harvard, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/climat-les-pays-du-nord-doivent-cesser-leur-hypocrisie-vis-a-vis-du-sud-1961565">écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis trop longtemps, les pays riches ont donné des leçons aux économies en développement sur le changement climatique sans se les appliquer à eux-mêmes. »</p>
</blockquote>
<p>La rancœur d’une partie de la planète à l’égard de l’Occident ne faiblit pas et pourrait attiser les tensions à Dubaï.</p>
<h2>Les dérèglements climatiques rattrapés par la guerre</h2>
<p>Par delà les réticences, sinon blocages de certains, et les ambitions de quelques autres, la session de Dubaï promettait de se dérouler dans un contexte lourd. Car la menace est réelle que les discussions pour la préservation du climat soient – pour un temps que nul ne peut prévoir – plombées par l’irruption de la guerre.</p>
<p>Celle entre la Russie et l’Ukraine a déjà entraîné une <a href="https://theconversation.com/sobriete-pour-lukraine-sobriete-pour-le-climat-quelles-sont-nos-marges-de-manoeuvre-190016">augmentation des coûts de l’énergie</a> et une spirale inflationniste. Celle entre Israël et le Hamas, si elle débordait au Moyen-Orient, pourrait engendrer une nouvelle crise pétrolière.</p>
<p>La Banque mondiale <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/10/26/commodity-markets-outlook-october-2023-press-release">prévient</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Si le conflit devait s’aggraver, l’économie mondiale serait soumise à un double choc énergétique pour la première fois depuis des décennies, non seulement à cause de la guerre en Ukraine, mais aussi à cause de la situation au Moyen-Orient. »</p>
</blockquote>
<p>Le prix du pétrole pourrait alors dépasser les 150 dollars le baril, contre 90 actuellement.</p>
<p>Autant dire que l’ambiance ne sera pas à la fête à Dubaï.</p>
<h2>Les deux grands au chevet de la COP28 ?</h2>
<p>Joe Biden et Xi Jinping ont eu une entrevue le 15 novembre en Californie. Leur objectif : rassurer et montrer que leur rivalité reste sous contrôle. <a href="https://www.nytimes.com/live/2023/11/15/world/biden-xi-apec-summit">Les deux dirigeants n’ont pas évoqué</a> l’accord conclu quelques jours auparavant par leurs envoyés spéciaux pour le climat. L’un comme l’autre souhaitent pourtant éviter que Dubaï ne vire au fiasco.</p>
<p>John Kerry et Xie Zhenhua, les deux négociateurs, se sont en effet rencontrés du 4 au 7 novembre. Leur <a href="https://www.state.gov/sunnylands-statement-on-enhancing-cooperation-to-address-the-climate-Crisis/">déclaration</a> veut témoigner d’une reprise du dialogue, mais ne contient cependant aucun engagement. Elle se contente de rappeler leur volonté de maintenir le réchauffement sous la barre des 2 °C, multiplier par trois les capacités des renouvelables, et réduire les émissions pour tous les gaz à effet de serre, en particulier de méthane. Celles-ci s’envolent, et pourraient remettre en cause, à elles seules, les <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2018GB006009">objectifs de Paris</a>. </p>
<p>Leur déclaration reste muette sur le grand dossier : la sortie des fossiles et surtout du charbon, qui représente à lui seul 40 % des émissions mondiales de carbone.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quelques dirigeants et négociateurs réunis à la COP28 de Dubaï.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paul Kagame/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’espérer finalement de Dubaï ? Sans aucun doute des promesses et quelques compromis. La diplomatie est aussi l’art de masquer les tensions insurmontables.</p>
<p>La tâche ne sera pas aisée. La COP doit dresser le <a href="https://www.wri.org/insights/explaining-global-stocktake-paris-agreement">premier bilan mondial de l’action climatique depuis Paris</a> : l’échec est patent, <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/sb2023_09F.pdf">admettent les Nations unies</a>.</p>
<p>Quant au charbon, difficile d’imaginer autre chose qu’une vague formule sur la diminution de ses usages.</p>
<p>La compensation des <a href="https://theconversation.com/pertes-prejudices-et-perlimpinpin-comment-mettre-en-oeuvre-la-justice-climatique-197812">pertes et dommages</a> subis par les pays vulnérables promettait d’électriser les débats. Dès son ouverture, la COP a entériné la création d’un fonds dédié. Sur les premières promesses, totalisant 500 millions de dollars, la plus modeste est celle des États-Unis : 17,4 millions. Les pays en développement réclamaient, eux, 100 <em>milliards</em> par an pour commencer.</p>
<h2>Un nouvel âge de la question du climat ?</h2>
<p>On est entré dans le monde du <a href="https://www.overshootcommission.org/_files/ugd/0c3b70_bab3b3c1cd394745b387a594c9a68e2b.pdf"><em>dépassement climatique</em></a>. La température moyenne à la surface du globe a augmenté de 1,2 °C depuis la révolution industrielle. Le seuil de 1,5 °C devrait être dépassé, au moins temporairement, dans les <a href="https://library.wmo.int/fr/records/item/66224-wmo-global-annual-to-decadal-climate-update?offset=96">cinq prochaines années</a>.</p>
<p>À la veille de l’ouverture de la COP, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) alertait : les engagements des États placent la planète sur une trajectoire de réchauffement qui pourrait aller <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/nations-must-go-further-current-paris-pledges-or-face-global-warming">jusqu’à 2,9 °C d’ici la fin du siècle</a>. Les seules stratégies de diminution des émissions du dernier tiers de siècle ne suffisent plus. L’adaptation au réchauffement, avec des <a href="https://www.unep.org/fr/resources/rapport-2023-sur-le-deficit-de-ladaptation-au-climat">chiffres vertigineux quant à son coût</a>, est notre avenir.</p>
<p>Le multilatéralisme climat dont on hérite était aux mains de l’Occident. Celui qui vient pourrait bien être emmené par la Chine et le <a href="https://theconversation.com/the-global-south-is-on-the-rise-but-what-exactly-is-the-global-south-207959">Sud global</a>, qui représentent 80 % de la population mondiale. Tous ces pays plébiscitent l'ambition de la <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/10/SR15_Glossary_french.pdf">neutralité carbone</a>. Tous demeurent cependant accrochés à l’objectif de développement, compris comme un <em>droit</em> à émettre encore des gaz à effet de serre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La compétition entre les États-Unis, la Chine et les grands émergents a toujours rythmé les négociations climatiques. La COP28 n’y fait pas exception. Le climat, c’est avant tout de l’économie et des rivalités inexpugnables.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Nathalie Rousset, Docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan BleuLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2176452023-12-01T14:17:39Z2023-12-01T14:17:39ZCOP28 : la crise climatique est aussi un enjeu de santé publique<p>Le sommet sur les changements climatiques (COP28) a débuté jeudi dernier aux Émirats arabes unis et se poursuit jusqu’au 12 décembre. Avant même son lancement, ce sommet a fait l’objet de nombreuses critiques. Pourquoi ? Notamment parce que <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/802652/environnement-elephant-petrolier-salle-cop28">son organisation a été confiée à un PDG d’une compagnie pétrolière</a>. </p>
<p>Néanmoins, le calendrier dévoilé nous donne plusieurs raisons d’entrevoir une lueur d’espoir. L’une d’entre elles provient du fait qu’une journée (le 3 décembre) sera consacrée à des discussions quant aux effets des changements climatiques sur la santé. Une première mondiale. </p>
<p>Mais pourquoi devrions-nous donc nous intéresser à la dimension santé du problème ? </p>
<p>Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent sur la construction sociale des problèmes publics. Je m’intéresse notamment aux effets de cadrage de la crise climatique et leur rôle dans l’apport de changements de politique publique.</p>
<h2>Quels effets sur notre santé ?</h2>
<p>Si les liens entre santé et environnement ne sont pas nouveaux, les liens entre santé et changements climatiques relèvent quant à eux d’un phénomène plus récent. </p>
<p>Dans les années 80, on parlait déjà de supposés <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1524-4725.1988.tb03589.x">problèmes dermatologiques causés par le trou dans la couche d’ozone</a>. </p>
<p>Le lien avec les changements climatiques s’est toutefois fait plus tard, à la fin des années 2010. C’est à ce moment que le prestigieux journal médical <em>The Lancet</em> a publié un <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60935-1/fulltext">rapport</a> indiquant que le réchauffement climatique constituait « la plus grande menace sanitaire mondiale du XXI<sup>e</sup> siècle ».</p>
<p>D’après ce même rapport, on souligne que le réchauffement climatique entraîne une intensification et une multiplication des évènements météorologiques extrêmes, lesquels peuvent être en retour dangereux pour notre santé. </p>
<p>Les inondations peuvent entraîner l’apparition de maladies transmises par l’eau, telles que le choléra ou la malaria. </p>
<p>Les sécheresses, en réduisant la productivité agricole, mènent quant à elles à de graves cas de malnutrition et de déshydratation. </p>
<p>Les vagues de chaleur ainsi que les feux de forêt endommagent notre système cardiorespiratoire et entraînent un ralentissement du rythme de travail ainsi que de la pratique de loisirs en extérieur. </p>
<p>Plus généralement, la hausse des températures nous expose davantage à des maladies transmises par des rongeurs ou à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme ou la dengue, car elle permet à certaines espèces animales d’étendre leur zone d’habitat dans des latitudes plus au nord du globe. </p>
<p>Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces risques sont inégalement répartis sur les territoires et peuvent se superposer les uns avec les autres. De telles expériences ont aussi des conséquences sur le plan psychologique, en entraînant notamment l’apparition du syndrome de stress post-traumatique.</p>
<h2>Parler de santé : une opération de communication efficace ?</h2>
<p>Depuis leur apparition sur l’agenda public et politique, les changements climatiques ont été essentiellement définis comme un problème environnemental ou économique. Or, la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1982-30300-001">façon dont on cadre un problème détermine souvent les solutions</a> mises sur la table pour y répondre. </p>
<p>Aujourd’hui, on constate que les cadrages dominants montrent des signes d’essoufflement. À ce sujet, le <a href="https://www.ulaval.ca/developpement-durable/actualites/4e-editions-du-barometre-de-laction-climatique">Baromètre de l’action climatique</a> (constats du Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval) indique par exemple qu’un écart persiste entre les intentions de la population québécoise à en faire plus pour la crise climatique et sa prise d’actions concrètes. La mise en place de politiques climatiques efficaces soulève également encore des controverses et l’on constate la <a href="https://www.ouranos.ca/fr/projets-publications/communiquer-et-favoriser-engagement">présence d’une fatigue informationnelle sur l’enjeu</a>.</p>
<p>Plusieurs études, dont <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-023-15105-z">certaines réalisées au Canada</a>, montrent que le cadrage santé pourrait aider à contourner cette problématique. </p>
<p>La population étant déjà familière avec ces risques sanitaires dans d’autres contextes, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">elle se sentirait plus concernée par la crise climatique</a> que lorsqu’elle est confrontée à une image d’un ours polaire sur une banquise qui fond. </p>
<p>Parler des cobénéfices santé – comme celui de prendre le vélo pour aller travailler parce que c’est bon pour la santé et la planète – permettrait aussi un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-012-0513-6">discours plus optimiste</a>. </p>
<p>De plus, des experts montrent que le cadrage santé rejoint une plus grande proportion de la population, <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-10-299">y compris les personnes considérées comme climatosceptiques</a>. </p>
<h2>Quels objectifs santé à la COP28 ?</h2>
<p>D’une part, les discussions du 3 décembre auront pour but d’élaborer des stratégies de financement pour décarboniser les systèmes de santé à travers le monde. À titre d’exemple, un <a href="https://aspq.org/app/uploads/2023/11/dunsky_decarbonation-sante_rapport_21-novembre-2023.pdf">récent rapport de l’Association pour la Santé publique du Québec</a> indique que le réseau de la santé est responsable de 3,6 % des émissions de gaz à effet de serre de la province (en particulier en raison du chauffage de l’air et de l’eau chaude sanitaire, de l’usage de gaz médicaux, mais aussi des transports de patients par ambulances, navettes et avions). On nous dit qu’il faudrait investir près de 3,8 milliards de dollars d’ici 2040 pour atteindre l’objectif zéro-émission dans le secteur. De ce fait, il existe une réelle nécessité de rendre les systèmes de santé moins énergivores. </p>
<p>D’autre part, on peut s’attendre à ce que les acteurs présents à la COP28 insistent pour une plus grande reconnaissance des effets des changements climatiques sur la santé afin que ceux-ci soient davantage pris en considération dans les plans gouvernementaux d’adaptation et autres initiatives. En 2021, un <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240038509">sondage de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)</a> montrait que seulement 52 % des pays répondants possédaient un plan d’adaptation en santé et que 25 % étaient en train d’en développer un. </p>
<p>Le Canada, quant à lui, faisait partie des 23 % restants n’ayant aucun plan.</p>
<p>Cependant, il se pourrait bien que le vent soit en train de tourner, tant au niveau national qu’international. </p>
<p>Au pays, le <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/corporate/publications/chief-public-health-officer-reports-state-public-health-canada/state-public-health-canada-2022/report.html">rapport 2022 de l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada</a> était par exemple dédié aux effets des changements climatiques.</p>
<p>De plus, les <a href="https://natural-resources.canada.ca/simply-science/canadas-record-breaking-wildfires-2023-fiery-wake-call/25303">feux de forêt sans précédent</a> durant l’été 2023 et la toxicité dans l’air qui s’en est suivie, ont possiblement engendré un changement de mentalité.</p>
<p>Dans les dernières années, les <a href="https://www.thelancet.com/countdown-health-climate">rapports du <em>Lancet Countdown</em></a> dénotent une hausse de la visibilité de l’enjeu dans les médias ainsi qu’une présence plus récurrente dans les débats à l’Assemblée générale des Nations unies. </p>
<p>Le fait que la COP28 fasse de la santé une de ses thématiques centrales est, somme toute, un pas dans la bonne direction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217645/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Pillod est affiliée au Centre d'Études et de Recherches Internationales de l'UdeM (CERIUM), au Centre de recherche sur les Politiques et le Développement Social (CPDS) et au Centre pour l'Étude de la citoyenneté démocratique (CECD). Ses recherches sont subventionnées par les Fonds de Recherche du Québec (FRQ). Alizée a aussi obtenu la Bourse départementale de recrutement en politiques publiques (2021) ainsi que la Bourse d'excellence Rosdev (2023). Elle a également été la coordonnatrice pour un projet financé par Ouranos et le MELCCFP sur la communication climatique en contexte pandémique.</span></em></p>Le 3 décembre, la COP28 aura une journée consacrée aux discussions sur les effets des changements climatiques sur la santé, soit une première mondiale. En quoi est-ce important ? À quoi s’attendre ?Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965302023-11-22T14:17:17Z2023-11-22T14:17:17ZAu Québec, les feuillus pourraient se déplacer vers le nord. Voici les conséquences potentielles sur le paysage forestier boréal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557106/original/file-20231101-23-x790gm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C994%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'impact combiné de l'augmentation des températures (de 2 à 8°C d'ici 2100) et de l'aménagement forestier dans la forêt boréale mixte pourrait modifier la croissance et la distribution des espèces tempérées.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Au Québec, on retrouve deux types de forêt distincts : la forêt tempérée nordique au sud et la forêt boréale au nord. </p>
<p>Ces écosystèmes forestiers fournissent une <a href="https://doi.org/10.1126/science.abf3903">diversité de services importants</a> au fonctionnement global de la planète et de notre économie. On peut par exemple penser au stockage de grandes quantités de carbone atmosphérique, aux habitats pour de nombreuses espèces, ainsi qu’à la fourniture de matière première pour l’industrie du bois, qui est un pilier de l’économie québécoise et canadienne.</p>
<p>Étudiant au doctorat à l’UQAT, je travaille sur le potentiel de colonisation de l’érable à sucre, du bouleau jaune et de l’érable rouge au nord de leur aire de répartition, dans la forêt boréale mixte. Ces trois espèces emblématiques des forêts d’Amérique du Nord sont d’une importance capitale au niveau économique (bois d’œuvre, fabrication de contreplaqué, pâte, ou sirop d’érable pour l’érable à sucre) et contribuent à la diversité des forêts québécoises.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<h2>La forêt mixte, entre biome tempéré et boréal</h2>
<p>La forêt mixte est située au niveau de la zone de transition (écotone) entre les forêts boréale et tempérée. </p>
<p>Elle désigne la région où ces deux forêts se rencontrent, créant une zone dans laquelle les <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/nos-publications/zones-vegetation-domaines-bioclimatiques/">caractéristiques de ces deux types de forêts s’entremêlent</a>. Cet amalgame se caractérise par une coexistence complexe entre les espèces feuillues tempérées et les conifères typiques de la forêt boréale. </p>
<p>C’est dans cet écotone que les feuillus tempérés atteignent la limite nord de leur répartition. </p>
<h2>Un futur incertain pour la forêt boréale mixte</h2>
<p>L’impact combiné de l’augmentation des températures (de 2 à 8 °C d’ici 2100) et de l’aménagement forestier dans la forêt boréale mixte pourrait <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.16014">modifier la croissance et la distribution des espèces tempérées</a>. Les services écosystémiques fournis par ces espèces pourraient être alors altérés.</p>
<p>Cette transformation pourrait être profonde. Car les espèces de feuillus tempérés pourraient migrer vers le nord et même devenir des <a href="https://doi.org/10.1111/ecog.06525">espèces dominantes au sein des peuplements de la forêt boréale mixte</a>.</p>
<p>Un tel changement dans la composition forestière de la forêt boréale mixte pourrait avoir des conséquences majeures pour l’industrie forestière, les régimes de perturbations naturelles et la biodiversité associée aux espèces d’arbres dominantes dans les forêts. Cependant, l’incertitude entourant l’implication des facteurs qui influencent le succès de l’établissement et de la croissance des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte reste considérable. </p>
<p>Il est essentiel de comprendre comment la croissance et la capacité d’établissement des feuillus tempérés au sein des peuplements de la forêt mixte sont influencées par des facteurs tels que le climat, les caractéristiques du sol et les interactions de compétition entre les arbres pour obtenir une vision complète de l’avenir de la forêt boréale mixte.</p>
<h2>Des feuillus dans la forêt boréale mixte ?</h2>
<p>Dans le cadre de mes travaux de doctorat, nous avons tenté de modéliser les interactions de compétition entre les arbres en tenant en compte des effets des changements climatiques sur leur croissance. Ce modèle simule chaque arbre dans un peuplement. Chaque année, les arbres croissent, se reproduisent et peuvent éventuellement mourir. La croissance de chaque arbre dépend de la lumière que l’arbre reçoit, de la compétition pour les nutriments et pour l’espace, et du climat. </p>
<p>Dans notre étude, <a href="https://doi.org/10.1111/ecog.06525">publiée dans la revue <em>Ecography</em></a>, nous avons exploité ce modèle pour évaluer la capacité des feuillus tempérés à s’établir au sein de peuplements de la forêt boréale mixte. Pour ce faire, nous avons procédé à la modélisation de peuplements typiques de la forêt boréale mixte, auxquels nous avons intégré des espèces de feuillus tempérés, offrant l’opportunité de coloniser ces peuplements. </p>
<p>Nous avons montré que les trois espèces de feuillus tempérés pouvaient coloniser le peuplement. Le bouleau jaune avait une meilleure capacité de colonisation, avec ses graines plus nombreuses et plus légères qui peuvent se disperser plus loin. L’érable rouge et l’érable à sucre présentaient quant à eux des capacités similaires pour coloniser les peuplements mixtes boréaux. Cependant, l’érable à sucre montrait une meilleure capacité à coloniser les forêts plus vieilles, en raison de sa croissance supérieure sous une canopée fermée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="forêt enneigée" src="https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557904/original/file-20231106-27-ukk16g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les espèces de feuillus tempérés pourraient migrer vers le nord et même devenir des espèces dominantes au sein des peuplements de la forêt boréale mixte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La capacité d’établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte était plus élevée dans les peuplements les plus jeunes, ainsi que dans les peuplements après une coupe totale. Par conséquent, l’aménagement forestier et les feux de forêts, en rajeunissant les paysages de la forêt mixte boréale, pourraient accélérer la migration des espèces d’arbres tempérés vers le nord. </p>
<p>L’augmentation des températures due aux changements climatiques ne devrait pas augmenter la capacité des feuillus tempérés à coloniser les peuplements de la forêt boréale mixte, que ce soit dans le climat actuel ou dans des scénarios de forçage climatique élevé. Cela signifie que le climat ne serait pas un facteur influençant la limite nord de répartition des espèces de feuillus tempérés, et que les changements climatiques ne devraient pas avoir d’effet immédiat sur la distribution nordique des feuillus tempérés.</p>
<p>Les types de sols de la forêt boréale mixte pourraient cependant être une limite à la croissance des feuillus tempérés. Dans des sols argileux, la croissance de l’érable rouge et de l’érable à sucre serait faible et ne leur permettrait pas d’être compétitifs avec les espèces déjà présentes, qui tolèrent très bien l’argile. </p>
<p>Les facteurs régissant la croissance des arbres tels que le climat, le sol et la compétition interagissent ensemble et peuvent <a href="https://doi.org/10.1139/cjfr-2019-0319">rendre les prédictions concernant la distribution future des différentes espèces d’arbres très complexes</a>. </p>
<h2>Des effets tant positifs que négatifs</h2>
<p>L’établissement des feuillus tempérés dans la forêt boréale mixte pourrait accroître la complexité et la diversité dans les peuplements. Cela pourrait renforcer la <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2435.13257">résistance et la résilience de la forêt boréale mixte face aux perturbations</a>. </p>
<p>La présence des feuillus tempérés en forêt boréale mixte pourrait notamment atténuer les épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette, car la proportion de sapins et d’épinettes serait plus faible et ces espèces seraient <a href="http://link.springer.com/10.1007/s004420050441">davantage dispersées dans les peuplements</a>. </p>
<p>L’établissement des feuillus tempérés provoquera une augmentation de la proportion de feuillus dans le paysage. Ce phénomène, connu sous le nom « d’enfeuillement », est observé dans la forêt boréale mixte depuis les 100 dernières années et est principalement dû à l’aménagement forestier. Cet enfeuillement pourrait rendre les épidémies de <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/protection-milieu-forestier/protection-forets-insectes-maladies/fiches-insectes/livree-forets/">livrée des forêts</a> plus sévères. Cet insecte défoliateur s’attaque aux feuillus et spécialement au peuplier faux-tremble, au bouleau à papier et à l’érable à sucre.</p>
<p>Enfin, les régimes de feux de forêt pourraient être modifiés par les différences d’inflammabilité des feuillus et des conifères. La présence de feuillus tempérés, qui sont moins inflammables que les conifères, pourrait rallonger les cycles de feu. Cet effet positif sera cependant associé à un défi majeur pour l’industrie forestière qui aménage la forêt boréale mixte, puisque la filiale est actuellement tournée majoritairement vers les conifères.</p>
<h2>On ne peut s’arrêter là</h2>
<p>D’autres études de modélisation sont nécessaires pour explorer l’impact d’autres facteurs susceptibles d’influencer la capacité des feuillus tempérés à coloniser la forêt boréale mixte. </p>
<p>On peut notamment penser à l’impact du sol et des mycorhizes (symbiose entre les racines des plantes et des champignons) sur la germination et la croissance des arbres. Mais aussi à la prise en compte des phénomènes météorologiques, tels que les gelées tardives, qui peuvent affecter la survie et la croissance des jeunes arbres tempérés. </p>
<p>De plus, une modélisation à l’échelle du paysage serait bénéfique pour prendre en considération la topographie du terrain, un facteur potentiellement influent sur la capacité des feuillus tempérés à s’établir plus au nord.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196530/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gennaretti Fabio a reçu des financements grâce à la Chaire de Recherche du Canada en dendroécologie et dendroclimatologie (CRC-2021-00368) et par le ministère des Ressources Naturelles et des Forêts (contrat no. 142332177-D), et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (Subvention à la Découverte no. RGPIN-2021-03553 et Subvention Alliance no. ALLRP 557148-20, obtenue en partenariat avec le MRNF et Produits forestiers Résolu).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxence Soubeyrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des recherches montrent que la distribution des feuillus tempérés (érable à sucre, érable rouge et bouleau jaune) pourrait se décaler vers le nord, entraînant de lourdes conséquences sur la forêt boréale.Maxence Soubeyrand, Doctorant en écologie forestière, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Fabio Gennaretti, Professeur en sciences forestière, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167712023-11-06T17:02:20Z2023-11-06T17:02:20ZDéfendre la cause climatique, une affaire (aussi) bureaucratique<p>L’inaction de l’État français en matière <a href="https://theconversation.com/topics/action-climatique-120520">climatique</a> est régulièrement <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-grand-public-2023/">dénoncée par de nombreux observateurs</a>. Militants écologistes ou membres d’institutions évaluant les progrès réalisés dans ce domaine mettent en avant les décalages entre les discours des gouvernants et la réalité des politiques publiques, rarement au rendez-vous des défis à relever.</p>
<p>Cette posture critique, indispensable pour dresser un diagnostic sans concession de la situation, gagne à être complétée par une analyse prenant le parti de regarder l’<a href="https://theconversation.com/topics/etat-24388">État</a> « de l’intérieur », d’observer la construction de ses décisions stratégiques et ordinaires, et ce qu’elles nous disent sur son aptitude à impulser des chantiers à la hauteur des enjeux. Car le climat est aussi une affaire <a href="https://theconversation.com/topics/bureaucratie-87083">bureaucratique</a>, qui interroge la capacité de l’<a href="https://theconversation.com/topics/administration-27868">administration</a> qui le « défend » à se faire entendre au sein de l’État. Tel est notamment l’objet d’un <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/9511?lang=fr">ouvrage</a> que nous avons récemment publié aux Presses des Mines de Paris.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graham Allison, théoricien des « bureaucratic politics ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Graham_T._Allison#/media/Fichier:Graham_T._Allison,_Jr.jpg">Domaine public</a></span>
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<p>Pour urgente soit-elle, cette cause ne fait pas en effet l’objet d’une adhésion « naturelle » de tous les ministères. Elle doit trouver sa place dans un champ fragmenté, traversé de logiques souvent contradictoires, qui donnent lieu à des conflits de territoires et des luttes de pouvoir que Graham Allison, chercheur en sciences politiques à Harvard, a conceptualisés dans son étude sur la crise des missiles de Cuba sous le terme de « <em><a href="https://ils.unc.edu/courses/2013_spring/inls285_001/materials/Allison.1971.Essence_of_Decision.pdf">bureaucratic politics</a></em> ». Observer ces rapports de force, tels qu’ils sont apparus lors de l’élaboration de la dernière <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-strategie-francaise-lenergie-et-climat-france-confirme-engagement-vers-societe-neutre-en">Stratégie nationale bas-carbone</a> (SNBC), permet d’identifier une autre facette de l’(in)action de l’État : la difficulté à faire exister les enjeux climatiques dans l’espace politico-administratif.</p>
<h2>Agir sans vrai levier juridique et financier</h2>
<p>Cette incapacité est, en premier lieu, instrumentale. La SNBC jouit d’un statut juridique qui en fait un outil de faible portée. Conçue au moment de la <a href="https://www.loir-et-cher.gouv.fr/Actions-de-l-%C3%89tat/Developpement-durable-et-cadre-de-vie/Transition-energetique-pour-la-croissance-verte">loi Transition énergétique pour la croissance verte</a> de 2015, elle a été en grande partie vidée de tout contenu trop prescriptif. Elle ne vise que l’État et les collectivités territoriales, les entreprises ou les citoyens n’étant pas tenus d’en respecter les orientations. </p>
<p>Son degré de normativité est, par ailleurs, très relatif. Y sont employés des termes comme « prise en compte » ou « compatibilité », inférieurs dans la hiérarchie des normes à celui de « conformité », autorisant un jeu interprétatif et, partant, un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2021/06/Rapport-HCC-Outils-juridiques-de-la-neutralite%CC%81-carbone-23-juin.pdf">degré de contrainte limité</a>.</p>
<p>De plus, si la SNBC conforte juridiquement la référence aux budgets carbone, l’État ne peut se saisir d’eux pour en faire de vrais instruments de pilotage. Le droit précise que leur répartition par secteurs (transports, agriculture, logement, industrie, etc.) est indicative. Et le suivi des quotas alloués n’est pas contraignant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1671255689077858304"}"></div></p>
<p>Limitée dans sa portée normative, la SNBC l’est aussi en matière financière. Les leviers budgétaires et économiques restent contrôlés par les administrations sectorielles. La taxe carbone, en particulier, outil sur lequel elle pourrait s’appuyer, est largement paramétrée par le ministère des Finances et son produit n’est <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-fiscalite-environnementale-au-defi-de-lurgence-climatique">qu’en partie orienté vers l’accompagnement des mesures que la SNBC préconise</a>. C’est notamment ce qu’a montré l’épisode des « Gilets jaunes ». Ce faisant, la SNBC est un instrument sans moyens d’action dédiés.</p>
<h2>Négocier en position de faiblesse</h2>
<p>Par ailleurs, l’administration en charge d’élaborer la stratégie climat occupe une position structurellement marginale au sein de l’État. Contrairement à d’autres pays, qui ont opté pour la placer sous la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">responsabilité directe des services du Premier Ministre</a>, elle est située au sein du ministère de la Transition écologique, où elle occupe un rang périphérique. En termes de statut tout d’abord car elle n’est qu’un simple service au moment de la SNBC 2 (elle est devenue depuis une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/060923_DGEC-Organigramme.pdf">direction de la Direction générale de l’énergie et du climat</a>, mais sans jouir encore d’un fort prestige). En termes de moyens humains et d’expertise également.</p>
<p>Ce choix de ministère de tutelle peut se comprendre par le souci de mieux lier climat et énergie (qui représente 80 % des émissions de gaz à effet de serre). Il a néanmoins pour effet de la priver d’un leadership interministériel et de l’obliger à composer avec des administrations sectorielles en position de force.</p>
<p>Dans l’agriculture, domaine qui reste hors du périmètre de l’Écologie, la fixation des objectifs climatiques est, de fait, déléguée au ministère éponyme, afin de ne pas risquer de bloquer le processus. Dans les autres secteurs, gérés au sein de l’Écologie ou en cotutelle avec elle, la collaboration n’est pas pour autant aisée, les administrations se montrant très prudentes à nouer des engagements. Elles gardent en effet en tête les potentiels effets jugés négatifs sur les « ressortissants » de leurs politiques publiques. Conscientes que la SNBC n’est assortie d’aucun levier garantissant des mesures d’accompagnement, elles usent de leur légitimité pour obtenir des arbitrages intra-ministériels minimisant les efforts exigés ou dont elles savent qu’ils n’auront aucune valeur contraignante.</p>
<p>Dans ce contexte, l’administration en charge de la stratégie climat doit se chercher des alliés et des solutions pour fixer des objectifs crédibles et les ventiler par secteur. Le recours à une forte électrification des usages, voie privilégiée par la France, en est une, qui évite de trop perturber l’ordre bureaucratique, alors que la filière nucléaire y voit une opportunité pour regagner en légitimité.</p>
<h2>Se rendre visible auprès des gouvernants</h2>
<p>Cette administration a d’autant plus de difficultés à peser dans le champ bureaucratique qu’elle ne dispose pas d’un accès facilité au sommet de l’État, gage d’un soutien politique potentiel. Contrairement à la <a href="https://reseaux-chaleur.cerema.fr/espace-documentaire/la-programmation-pluriannuelle-energie-2020#:%7E:text=En%20France%20en%202020%2C%20selon,cette%20date%20%C3%A9tait%20de%2023%20%25%20.">programmation pluriannuelle de l’énergie</a> (PPE), autre volet de la stratégie climat, la SNBC publiée en 2020 a donné lieu à de rares arbitrages à ce niveau. Les services du Premier Ministre n’ont pas suivi de près son élaboration et ne se sont que peu intéressés à un document jugé trop lointain dans ses perspectives et faible dans sa portée normative. Leurs priorités se situaient ailleurs, dans la recherche de solutions aux problèmes et conflits de court terme animant leur quotidien.</p>
<p>Cet accès limité résulte en partie du choix organisationnel évoqué plus haut, qui « invisibilise » à ce niveau les conflits autour des orientations climatiques. Délégués à certains ministères ou traités de manière intra-ministérielle, ceux-ci sont le plus souvent « résolus » en amont, ce qui enlève à l’administration en charge de la SNBC la possibilité de solliciter des arbitrages. Ceux-ci sont d’autant plus difficiles à obtenir que, contrairement à ses homologues, elle ne dispose pas de réseaux interpersonnels suffisamment forts pour relayer ses demandes.</p>
<p>Si elle ne règle pas tout, la création récente, auprès des services du Premier Ministre, d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046026058">Secrétariat général à la planification écologique</a>, censé mieux coordonner les ministères autour des enjeux climatiques, pallie en partie ce problème d’accès. La pérennité de cette structure à vocation interministérielle n’est cependant pas acquise.</p>
<h2>Vers une plus grande capacité d’action ?</h2>
<p>Les difficultés que nous venons d’évoquer ne sont pas sans rappeler de vieux débats, classiques en science politique, sur la manière de « faire exister » des questions globales et transversales dans le champ bureaucratique, comme l’environnement ou le développement durable. Elles apparaissent à la fois comme conséquences et causes d’un manque de volontarisme de l’État en matière climatique.</p>
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<p>Conséquences car elles témoignent – au mieux – des hésitations des gouvernants à faire de ce nouvel impératif un élément structurant des politiques publiques, au regard des craintes et problèmes qu’ils éprouvent à transformer un modèle de société traversé par des intérêts suscitant de très fortes réticences, et qui nécessitent souvent de trouver des solutions à d’autres échelles, dont celle de l’Union européenne.</p>
<p>Causes d’inertie également car ces difficultés ne peuvent, en retour, qu’entraver la cohérence et les ambitions de l’intervention publique, à l’heure où un <a href="https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/289488_1.pdf">effort de mobilisation collective sans précédent serait nécessaire</a>.</p>
<p>Doter l’administration en charge du climat d’une plus grande capacité d’action pour faire bouger l’État et, à travers lui, l’ensemble de la société ? Une piste à étudier pour lutter contre l’inaction climatique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Mathieu Poupeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les politiques climatiques restent insuffisantes, c’est aussi, comme le suggère un ouvrage récent, car les administrations portant le sujet peinent à se faire entendre au milieu des autres.François-Mathieu Poupeau, Directeur de recherche au CNRS (LATTS, UMR 8134), Professeur de l'École des Ponts ParisTech, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2170162023-11-06T11:16:30Z2023-11-06T11:16:30ZDémissionner pour l’environnement : songez-vous aussi au « climate quitting » ?<p>Êtes-vous frustré par le manque d’engagement de votre employeur en matière de développement durable ? Peut-être songez-vous à une « démission climatique » ou « <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2023-01-05/how-to-quit-your-job-to-fight-climate-change">climate quitting</a> » en anglais : quitter votre emploi parce que vous vous inquiétez de l’impact de votre employeur sur l’environnement ou parce que vous voulez travailler directement sur les questions climatiques.</p>
<p>Si tel est le cas, vous n’êtes pas seul : la moitié des employés de la génération Z (personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) au Royaume-Uni ont <a href="https://www.paulpolman.com/wp-content/uploads/2023/02/MC_Paul-Polman_Net-Positive-Employee-Barometer_Final_web.pdf">déjà démissionné</a> en raison d’un conflit de valeurs. 48 % des personnes âgées de 18 à 41 ans se disent prêtes à <a href="https://www.paulpolman.com/wp-content/uploads/2023/02/MC_Paul-Polman_Net-Positive-Employee-Barometer_Final_web.pdf">accepter une baisse de salaire</a> pour travailler dans une entreprise qui s’aligne sur leurs valeurs en matière de développement durable.</p>
<p>Une enquête menée l’an passé montre que les salariés français du secteur ne sont <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/80-des-jeunes-salaries-du-secteur-petrolier-et-gazier-prets-a-se-reconvertir-1391870">pas moins préoccupés</a>. Les compagnies pétrolières et gazières, en particulier, <a href="https://www.wsj.com/articles/big-oils-talent-crisis-high-salaries-are-no-longer-enough-194545be">peinent par ailleurs à attirer de nouveaux talents</a>, en partie parce qu’elles ont <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/may/24/do-not-work-for-climate-wreckers-un-head-tells-graduates-antonio-guterres">perdu de leur superbe</a> avec la montée des enjeux climatiques, accusées de nourrir la crise. Et ce malgré leurs efforts pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2590332221002335">minimiser leur rôle perçu</a> dans le réchauffement climatique : la responsabilité reposerait parfois selon leur rhétorique sur les consommateurs, les entreprises ne faisant que répondre à la demande.</p>
<p>Au cours de nos recherches, nous avons interrogé plusieurs dizaines de personnes – dont beaucoup encore en début de carrière – qui ont quitté ce secteur en raison de leurs préoccupations environnementales. Quitter son emploi n’est jamais une décision facile, et les démissionnaires que nous avons interrogés ont révélé qu’ils avaient en fait apprécié de nombreux aspects de leur travail. Ils étaient bien payés, trouvaient leur travail intellectuellement gratifiant et avaient des possibilités d’évolution de carrière et de voyage. Quelles ont été leurs motivations pour passer à l’acte ?</p>
<h2>Urgence climatique</h2>
<p>D’après les résultats d’une <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/wellbeing/articles/worriesaboutclimatechangegreatbritain/septembertooctober2022#:%7E:text=Those%20most%20likely%20to%20report,with%20no%20qualifications%20(62%25)">enquête</a> réalisée en Grande-Bretagne en 2022, les personnes âgées de 16 à 29 ans constituent le groupe d’âge le plus enclin à se sentir « très inquiet » au sujet du changement climatique. Nos entretiens menés dans le cadre de recherches en cours ont confirmé cette tendance. La plupart des personnes interrogées ont parlé de l’accélération du rythme du changement climatique et de l’urgence de la lutte contre la crise environnementale. Beaucoup ont mentionné le <a href="https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2021">rapport 2021 de l’Agence internationale de l’énergie</a>, qui affirme que les nouvelles explorations pétrolières et gazières doivent cesser immédiatement si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de climat.</p>
<p>Les enquêtés ont également indiqué que les actions et les priorités de leurs employeurs ne correspondaient pas à cette urgence de la transition. Certains ont indiqué que leurs directions ne tenaient pas compte de ces avertissements et qu’ils <a href="https://www.theguardian.com/business/2023/jun/14/shell-drops-target-to-cut-oil-production-as-ceo-guns-for-higher-profits">revenaient même sur leurs engagements</a> antérieurs en matière de climat. L’une des personnes interrogées témoigne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne voulais vraiment pas avoir sur la conscience que j’aggravais la situation dans le monde, que j’utilisais les talents et les compétences que j’avais acquis pendant de nombreuses années d’études pour nous amener à la catastrophe climatique. »</p>
</blockquote>
<h2>Hypocrisie organisationnelle</h2>
<p>L’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840617736938">étude</a> que nous avons menée en 2021 a révélé que de nombreuses entreprises du secteur de l’énergie optent pour une rhétorique verte sans que les actes ne suivent et diluent leur responsabilité en matière d’action climatique. Les personnes que nous avons interrogées ont également constaté une forme d’hypocrisie, ou du moins une différence entre ce que leurs employeurs ont annoncé publiquement concernant la transition vers l’énergie propre et ce à quoi ils accordent la priorité en interne.</p>
<p>Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629622003036">recherches</a> ont montré que les employés du secteur pétrolier et gazier ont pu, il y a quelques années, s’accommoder de cette dissonance. Les personnes que nous avons interrogées néanmoins ont fait état d’un sentiment croissant de malaise et de conflit de valeurs au travail, qui les ont amenées à envisager de partir.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<p>Déjà en 2012, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-012-1489-x">étude</a> montrait que lorsque les employés de l’industrie pétrolière et gazière avaient l’impression que leur employeur n’entreprenait des actions ou des déclarations environnementales que pour présenter une image publique favorable au climat, ils perdaient confiance en lui et s’y identifiaient moins.</p>
<h2>Incapacité à impulser un changement en interne</h2>
<p>Nos <a href="https://researchportal.bath.ac.uk/en/publications/from-movements-to-managers-crossing-organizational-boundaries-in-">travaux</a> antérieurs montrent que les personnes rejoignent souvent des organisations dans le but spécifique d’amener leur employeur à mieux prendre en compte le changement climatique et le développement durable. Elles choisissent alors d’assumer de <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.2020.1423">nouvelles fonctions</a> telles que celles de responsable du développement durable.</p>
<p>Cependant, de nombreuses personnes interrogées dans le cadre de notre étude non publiée encore ont finalement décidé de démissionner à la suite de l’échec de leurs tentatives de changer les choses de l’intérieur. Certaines ont rejoint des groupes de travail sur le développement durable au travail, tandis que d’autres ont essayé d’occuper des postes axés sur la transition vers l’énergie propre. Mais, dans l’ensemble, ils n’ont pas eu l’impression d’avoir l’impact qu’ils souhaitaient.</p>
<p>Cela s’explique probablement par le fait que la plupart des compagnies pétrolières et gazières ne consacrent qu’une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0263596">petite partie</a> de leurs investissements et de leurs activités aux alternatives aux combustibles fossiles. Il existe peu d’opportunités internes pour les employés soucieux du climat.</p>
<h2>L’attrait du renouvelable</h2>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629622003036">recherches</a> montrent qu’il est souvent plus facile pour les employés du secteur pétrolier et gazier préoccupés par le climat de surmonter leur sentiment de conflit de valeurs et de dissonance en changeant d’avis plutôt qu’en changeant d’emploi. Les nouvelles possibilités offertes par le secteur des énergies renouvelables où les experts en énergie ont de plus en plus leur place redessinent toutefois le paysage.</p>
<p>Les trajectoires professionnelles des personnes que nous avons interrogées sont conformes aux prédictions concernant les talents dans l’industrie des combustibles fossiles. Une enquête menée cette année auprès de 10 000 professionnels de l’énergie de plus de 160 pays a révélé que <a href="https://3277184.fs1.hubspotusercontent-na1.net/hubfs/3277184/Gated%20PDFS/GETI-report-2023-web-version.pdf?__hstc=53004663.4b059c94676a52a24eac251cb5084e17.1699008701365.1699008701365.1699008701365.1&__hssc=53004663.1.1699008701366&__hsfp=3751449663&hsCtaTracking=4cd1fd69-0f4e-4f38-aa77-3494f0fe501a%7C2ca7229d-52ef-40e0-a0e8-9ef5951803fb#page=31">85 %</a> des personnes interrogées envisageraient de changer de poste : la moitié de ces personnes ont déclaré qu’elles espéraient se tourner vers les énergies renouvelables.</p>
<p>Il existe en parallèle une communauté croissante d’organisations dont la mission est de promouvoir le « climate quitting » – notamment <a href="https://workonclimate.org/">Work on Climate</a>, <a href="https://terra.do/">Terra.do</a> et <a href="https://www.mcjcollective.com/">My Climate Journey</a>. Ces organisations proposent des services de mentorat, des réseaux de soutien, des répertoires d’offres d’emploi et des formations pour aider les personnes à trouver un poste dans le domaine du climat. Il est peut-être également temps pour les entreprises pétrolières et gazières de reconsidérer enfin leurs décisions commerciales à la suite des préoccupations des employés concernant la crise climatique et en recherchant l’alignement des valeurs dans leur travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grace Augustine a reçu des financements du British Academy and Leverhulme Trust. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Birthe Soppe a reçu des financements du Norwegian Research Council via le centre de recherche INTRANSIT.</span></em></p>Impuissants devant l’impact de leur entreprise sur le climat et attirés par les opportunités d’emploi dans les énergies vertes, des salariés du pétrole et du gaz choisissent de démissionner.Grace Augustine, Associate Professor in Business & Society, University of BathBirthe Soppe, Associate Professor of Organisation Studies, University of InnsbruckLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166552023-10-30T19:06:42Z2023-10-30T19:06:42ZComment le magnat du pétrole qui préside la COP28 compte porter les ambitions des pays du Sud<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556583/original/file-20231012-21-7d5266.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5472%2C3637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le sultan Ahmed al Jaber, PDG de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, dirigera la conférence des Nations unies sur le climat COP28.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/sultan-al-jaber-chief-executive-of-the-uaes-abu-dhabi-news-photo/1529645349">Francois Walschaerts/AFP via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>En décembre 2023, les négociateurs des pays du monde entier se réuniront aux Émirats arabes unis pour le prochain cycle de <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVII-7&chapter=27&Temp=mtdsg3&clang=_en">négociations internationales sur le climat</a>. Alors que ces négociations sont <a href="https://theconversation.com/solidarite-nord-sud-financements-debats-sur-le-1-5-c-methane-ce-quil-faut-retenir-de-la-cop27-194988">considérées comme essentielles pour obtenir les accords mondiaux nécessaires</a> pour éviter d’atteindre un changement climatique dangereux, la <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-06-15/climate-talks-ahead-of-cop28-raise-concerns-of-weak-outcome">confiance dans le sommet, connu sous le nom de COP28, est au plus bas</a>. L’une des raisons tient à la personne qui est aux commandes.</p>
<p>Les Émirats arabes unis ont mis le feu aux poudres en janvier 2023 en annonçant que le sultan Ahmed al Jaber, PDG de l’entreprise publique Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc), serait le président désigné du sommet sur le climat, ce qui lui donnerait un large contrôle sur l’ordre du jour de la réunion.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p><a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-05-23/us-eu-lawmakers-want-al-jaber-out-as-cop28-president?leadSource=uverify%20wall">Des hommes politiques américains et européens</a> ont exigé la démission de M. al-Jaber. L’ancien vice-président américain Al Gore <a href="https://www.ft.com/content/65423811-7c7e-4ae5-876d-ffbed29cefcf">a affirmé</a> que les intérêts des industries fossiles avaient « capturé le processus des Nations unies à un degré inquiétant, allant jusqu’à nommer le PDG de l’une des plus grandes compagnies pétrolières du monde à la présidence de la COP28 ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="John Kerry à côté de Ahmed al Jaber" src="https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553512/original/file-20231012-25-d9xkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’envoyé présidentiel des États-Unis pour le climat, John Kerry, a échangé avec le sultan Ahmed al Jaber lors du Forum mondial de l’énergie de l’Atlantic Council à Abu Dhabi le 14 janvier 2023. John Kerry a apporté son soutien à M. al-Jaber lorsqu’il a été choisi pour diriger la COP28.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/united-arab-emirates-minister-of-state-and-ceo-of-the-abu-news-photo/1246218348?adppopup=true">Karim Sahib/AFP</a></span>
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<p>Les inquiétudes quant à l’obstruction des politiques proclimat par les industries fossiles sont tout à fait légitimes, à mon avis. Il existe de <a href="https://doi.org/10.1002/wcc.809">nombreuses preuves</a> que les plus grandes industries fossiles savaient déjà depuis des décennies que leurs produits provoqueraient le changement climatique, et qu’elles ont délibérément tenté de nier les sciences du climat et de s’opposer à l’évolution des politiques climatiques.</p>
<p>Cependant, je pense que les appels à <a href="https://www.lemonde.fr/en/opinion/article/2023/09/30/boycott-cop28-holding-a-climate-conference-in-dubai-is-absurd-and-dangerous_6142129_23.html">boycotter la COP28</a> et à bannir le choix de la région pour la diriger sapent la crédibilité des négociations des Nations unies et négligent le potentiel du programme de la COP28.</p>
<p>J’ai été conseiller du <a href="https://www.unep.org/">Programme des Nations unies pour l’environnement</a> et je suis <a href="https://www.clarku.edu/faculty/profiles/ibrahim-ozdemir/">spécialiste de l’éthique environnementale</a>. Mes propres préoccupations sur cette question m’ont amené à faire équipe avec six collègues du Sud pour mener une <a href="https://cdn.uha.com.tr/content/files/cop-presidencies-comparative-analysis-tracked7073-230927011708.pdf">analyse comparative détaillée</a> des objectifs et du comportement des cinq dernières présidences de la COP sur le climat.</p>
<p>Nous avons conclu, à notre grande surprise, que le programme politique promu par la présidence des Émirats arabes unis à la COP28 pourrait largement contribuer à accélérer la transition vers la sortie des énergies fossiles. Nous avons également constaté que de nombreuses critiques formulées à l’encontre de la présidence des Émirats arabes unis étaient infondées.</p>
<h2>Comment Ahmed al Jaber a été choisi</h2>
<p>Tout d’abord, il est utile de comprendre comment les présidents des COP sont choisis.</p>
<p>Le choix du pays qui accueille le sommet de la COP est géré par un <a href="https://unfccc.int/process-and-meetings/conferences/the-big-picture/what-are-united-nations-climate-change-conferences/how-cops-are-organized-questions-and-answers#Host-country-and-presidency">processus des Nations unies</a> qui fait l’objet d’une alternance démocratique <a href="https://unfccc.int/process-and-meetings/conferences/the-big-picture/what-are-united-nations-climate-change-conferences/how-cops-are-organized-questions-and-answers#Host-country-and-presidency">entre six régions</a>. Les pays de chaque région se consultent pour savoir qui représentera leur région, et ce pays fait une proposition, qui est évaluée et finalisée par le secrétariat qui gère la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.</p>
<p>Pour la COP28, la région Asie-Pacifique, qui se compose d’un ensemble diversifié de pays en développement, a choisi les Émirats arabes unis et Ahmed al Jaber.</p>
<h2>Les préoccupations énergétiques des pays du Sud</h2>
<p>Pour certains pays du Sud, la perspective d’une <a href="https://theconversation.com/cop-27-une-decision-historique-et-un-terrible-statu-quo-194151">élimination progressive des énergies fossiles</a> – demandée par de nombreux groupes militants et pays à l’approche de la COP28 – semble non seulement décourageante, mais aussi une <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/312441468197382126/pdf/104866-v1-REVISED-PUBLIC-Main-report.pdf">menace pour le développement économique</a>.</p>
<p>Sur les dizaines de pays producteurs de pétrole dans le monde, environ la <a href="https://www.wri.org/insights/just-transition-developing-countries-shift-oil-gas">moitié sont des pays en développement à revenu intermédiaire</a> dont les économies sont très vulnérables face à la volatilité des prix du pétrole et du gaz. Des études ont suggéré qu’une élimination rapide des énergies fossiles pourrait entraîner des <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-018-0182-1">milliers de milliards de dollars de pertes</a> dues aux investissements dans les infrastructures des pays producteurs de pétrole, s’ils n’y sont pas préparés.</p>
<p><iframe id="m97kW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/m97kW/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En même temps, de nombreux États du Sud sont confrontés aux <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">conséquences démesurées du changement climatique</a>, qu’il s’agisse de phénomènes météorologiques extrêmes ou de l’élévation du niveau de la mer qui peuvent <a href="https://www.pbs.org/newshour/world/amid-rising-seas-island-nations-push-for-legal-protection">menacer l’existence même</a> de leurs communautés.</p>
<p>Ahmed Al Jaber a qualifié l’élimination progressive des combustibles fossiles d’<a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jul/13/phase-down-of-fossil-fuel-inevitable-and-essential-says-cop28-president">« inévitable » et d’« essentielle »</a>, mais il a aussi déclaré que le système énergétique et les pays du Sud <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/5/10/world-not-ready-to-switch-off-fossil-fuels-uae-says">n’étaient pas prêts pour une élimination rapide du fossile</a> tant que les énergies renouvelables n’augmenteront pas, et que le sommet devrait <a href="https://www.argusmedia.com/en//news/2496902-uaes-aljaber-says-cop-28-must-focus-on-adaptation">se concentrer sur l’adaptation</a>. Ce point de vue, bien que soutenu par certains pays du Sud, a suscité de vives critiques.</p>
<h2>Al Jaber, Masdar et l’Adnoc</h2>
<p>La présidence de la COP28 par Ahmed Al-Jaber a été décrite par certains comme une <a href="https://www.cnn.com/2023/07/18/middleeast/cop-28-dubai-greenwashing-climate/index.html">tentative des Émirats arabes unis de « verdir »</a> les plans d’expansion pétrolière et gazière d’Adnoc, l’une des plus grandes compagnies pétrolières au monde.</p>
<p>Bien que je sois sensible à cette préoccupation, mes collègues et moi-même l’avons trouvée beaucoup trop simpliste. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/oct/07/meet-the-oil-man-tasked-with-saving-the-planet-cop28">Al-Jaber</a> a passé l’essentiel de sa carrière dans le secteur des énergies renouvelables. En 2006, il a <a href="https://masdar.ae/en/About-Us/Management/History-and-Legacy">fondé et dirigé</a> la société d’État des Émirats arabes unis spécialisée dans les énergies renouvelables, Masdar, qu’il a aidée à devenir le <a href="https://www.energyglobal.com/wind/07062023/uae-and-egypt-advance-development-of-africas-biggest-wind-farm/">plus grand opérateur d’énergies renouvelables en Afrique</a>.</p>
<p>Il a été nommé PDG de l’Adnoc en 2016, dans le cadre du lancement officiel par les Émirats arabes unis d’une <a href="https://doi.org/10.1111/polp.12457">stratégie nationale pour l’après-pétrole</a>. L’année précédente, le prince héritier Mohammed bin Zayed avait prononcé un discours <a href="https://www.thenationalnews.com/uae/abu-dhabi-s-journey-towards-celebrating-the-last-barrel-of-oil-gathers-pace-1.737529">déclarant</a> que les Émirats arabes unis célébreraient « le dernier baril de pétrole » d’ici le milieu du siècle.</p>
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<img alt="Trois hommes en train de discuter." src="https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553513/original/file-20231012-23-fxf8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le sultan Ahmed al-Jaber a rencontré les responsables de plusieurs pays en développement, dont le ministre indien de l’environnement, des forêts et du changement climatique, Bhupender Yadav (à droite).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/bhupender-yadav-indias-minister-for-environment-forest-and-news-photo/1559090143">R.Satish Babu/AFP</a></span>
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</figure>
<p>L’Adnoc a été fortement critiquée pour avoir prévu d’investir 150 milliards de dollars dans l’expansion de ses capacités pétrolières et gazières au cours de cette décennie. Je partage ces inquiétudes. Pour rester dans les limites de 1,5 °C de réchauffement climatique adoptées dans le cadre de l’accord de Paris, le monde pourrait devoir <a href="https://climatechangenews.com/2023/09/27/new-iea-net-zero-report-leaves-big-polluters-less-room-to-hide/">cesser les nouveaux investissements dans les combustibles fossiles</a>, comme l’a préconisé l’Agence internationale de l’énergie, et aussi <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ac6228">déclasser quelque 40 %</a> des réserves de combustibles fossiles déjà exploitées.</p>
<p>Cependant, je pense également qu’il faut replacer cette question dans un contexte mondial lorsque l’on discute de la présidence de la COP28 : des <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/sep/12/us-behind-more-than-a-third-of-global-oil-and-gas-expansion-plans-report-finds">plans de croissance des énergies fossiles bien plus importants</a> que ceux des Émirats arabes unis sont menés par les États-Unis, le Canada, la Russie, l’Iran, la Chine et le Brésil. La majeure partie du financement des énergies fossiles dans le monde provient de <a href="https://reclaimfinance.org/site/wp-content/uploads/2023/04/2023.04.13_Report_Banking-On-Climate-Chaos-2023.pdf">banques des États-Unis, du Canada et du Japon</a>. Et depuis 2015, les banques européennes ont <a href="https://reclaimfinance.org/site/en/2023/04/13/european-banks-are-among-the-biggest-drivers-of-fossil-fuel-expansion/">versé un montant colossal de 1,3 billion de dollars dans les combustibles fossiles</a>, dont 130 milliards de dollars pour la seule année 2022.</p>
<h2>Le programme de la COP28</h2>
<p>Dans notre évaluation, nous avons constaté que les Émirats arabes unis font déjà preuve d’un leadership qui va au-delà des présidences précédentes de la COP.</p>
<p><a href="https://cdn.uha.com.tr/content/files/cop-presidencies-comparative-analysis-tracked7073-230927011708.pdf">Notre rapport</a> a révélé que la valeur totale des projets d’énergie renouvelable prévus par les Émirats arabes unis avec divers partenaires au cours de la décennie s’élève à plus de 300 milliards de dollars. Selon notre analyse, ce montant est considérablement plus élevé que les investissements dans les énergies propres mobilisés par les présidences précédentes de la COP.</p>
<p>Le programme de la COP28 que les <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jul/13/what-is-the-uae-cop28-plan-of-climate-action">Émirats arabes unis promeuvent</a> offre également une voie prometteuse pour accélérer la transition vers l’abandon des énergies fossiles.</p>
<p>Il prévoit de tripler la capacité des énergies renouvelables au cours des sept prochaines années, en réduisant encore les coûts pour <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/sites/default/files/2023-05/Impact-on-solar-energy-costs-of-tripling-renewables-capacity-by-2030.pdf?ref=ageoftransformation.org">concurrencer rapidement les combustibles fossiles</a>, potentiellement au cours des <a href="https://doi.org/10.1016/j.joule.2022.08.009">20 prochaines années</a>.</p>
<p>Il demande également aux pays d’accepter de cesser la production d’énergies fossiles lorsque les émissions de CO<sub>2</sub> ne sont pas capturées d’ici au milieu du siècle, ce qui pourrait accélérer le développement <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">de la capture, de l'utilisation et du stockage du CO2</a> à des fins commerciales.</p>
<p>Enfin, la restructuration du financement de la lutte contre le changement climatique pour le rendre moins coûteux et réduire le fardeau de la dette, comme le propose la présidence des Émirats arabes unis, pourrait <a href="https://fortune.com/2023/09/19/cop28-president-unga-transform-climate-finance-bridge-trillion-gap-environment-politics-sultan-al-jaber/">débloquer les milliers de milliards de dollars</a> dont le monde en développement a désespérément besoin pour soutenir ses transitions énergétiques tout en s’industrialisant. Étant donné que le manque de financement est le <a href="https://doi.org/10.1016/j.joule.2021.06.024">principal obstacle à la transition énergétique dans les pays en développement</a>, il est essentiel que la COP28 se concentre sur ce point.</p>
<p>Certes, le fait qu’un PDG du secteur pétrolier dirige un sommet sur le climat est inquiétant pour tous ceux qui prônent une réduction progressive et rapide des combustibles fossiles, et il reste à voir dans quelle mesure les Émirats arabes unis sont attachés à ces politiques. Mais mes coauteurs et moi-même <a href="https://cdn.uha.com.tr/content/files/cop-presidencies-comparative-analysis-tracked7073-230927011708.pdf">avons conclu</a> que si le sommet de la COP28 parvient à conclure des accords historiques sur les questions susmentionnées, il s’agira d’une avancée significative dans l’accélération d’une transition juste vers l’abandon des énergies fossiles. Mais aussi d’une amélioration considérable par rapport à ce qui a été proposé lors des précédents sommets de la COP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>İbrahim Özdemir a précédemment été directeur général du département des affaires étrangères au sein du ministère de l'Éducation nationale en Turquie. Il a également été membre du Conseil de la Commission turque de l'UNESCO entre 2005 et 2010, de Turk Felsefe Dernegi (Association philosophique turque) entre 2001 et 2009, et de la Fondation turque pour la lutte contre l'érosion des sols, le reboisement et la protection des habitats naturels entre 2000 et 2004.</span></em></p>Une analyse des précédentes présidences des COP suggère que le programme des Émirats arabes unis pourrait apporter une contribution inédite à la sortie des énergies fossiles.Ibrahim Ozdemir, Professor of Philosophy, Uskudar University; Visiting Professor, Clark UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138172023-10-19T13:21:38Z2023-10-19T13:21:38ZChangements climatiques, pandémie : les scientifiques devraient pouvoir informer le public librement<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/06/l-ete-2023-le-plus-chaud-jamais-mesure-marque-par-une-litanie-impressionnante-d-evenements-climatiques-extremes_6188157_3244.html">Les évènements climatiques récents</a> et la pandémie ont mis en lumière le besoin de mettre en œuvre des politiques préventives et d’adaptation. Comment s’y prendre ? Notamment, en s’appuyant sur les preuves scientifiques disponibles. L’annonce par Québec le 11 septembre dernier de la création d’un comité d’experts sur l’adaptation aux changements climatiques <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">s’inscrit dans un tel objectif</a>.</p>
<p>Toutefois, plusieurs obstacles empêchent une meilleure contribution des scientifiques à la formulation de ces politiques. S’il va de soi que la science se doit d’informer l’assentiment populaire sans toutefois le remplacer, celle-ci devrait toutefois disposer d’une place de choix dans le débat politique. Pourtant, la science est souvent subordonnée à la parole politique, voire instrumentalisée. <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">La pandémie</a>, les <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">changements climatiques</a>, ou les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">récents déboires du gouvernement Ford en Ontario le démontrent</a>.</p>
<p>L’absence d’institutions scientifiques publiques autonomes en est l’une des raisons principales. En effet, le modèle démocratique de contrôle de l’administration implique dans la pratique que les organisations scientifiques publiques agissent sous le contrôle des représentants élus. Concrètement, cela signifie que des institutions comme l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ne peuvent pas librement communiquer leurs recommandations au public, et donc participer pleinement au débat politique.</p>
<p>Doctorants en science politique, nos recherches portent sur l’utilisation de la science dans les politiques publiques. Dans cet article, nous apportons un éclairage sur les conséquences découlant de l’absence d’autonomie de la part des institutions scientifiques publiques, tant au Québec qu’aux États-Unis. Nous argumentons en conséquence pour la mise en place de procédures simples qui pourraient y remédier.</p>
<h2>L’influence de l’organisation du conseil scientifique sur les choix politiques</h2>
<p>Dans un premier temps, nos recherches sur la pandémie démontrent que l’organisation du conseil scientifique – c’est-à-dire la sélection des experts, leurs disciplines, et leur niveau de transparence et d’autonomie – a des implications concrètes sur la formulation des politiques publiques. En effet, une discipline scientifique dispose d’une vision encadrée par les méthodes, et les valeurs, de cette discipline. Et il en va de même pour les scientifiques. </p>
<p>Par exemple, durant la pandémie, le conseil scientifique suédois a été organisé autour de l’agence de santé publique, laquelle disposait d’une forte autonomie dans la formulation des politiques sanitaires. Or, le chef épidémiologiste de l’agence, A. Tegnell, avait lui-même participé à des publications, plusieurs années auparavant, dans lesquelles il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19628172/">reconnaissait les incertitudes entourant des mesures sévères comme la fermeture des écoles dans un contexte de pandémie</a>.</p>
<p>L’approche d’A. Tegnell consistait à trouver un équilibre, en termes de santé publique, entre les effets délétères de politiques extrêmes, et ceux du virus sur la population ; ce qui a impliqué des mesures moins sévères qu’ailleurs dans le monde. <a href="https://www.cirst.uqam.ca/nouvelles/2021/ecouter-la-science-dans-la-conception-des-politiques-publiques-de-lutte-contre-la-Covid-19-le-cas-de-la-fermeture-des-ecoles-au-quebec-et-en-suede/">Pour Tegnell, davantage de preuves scientifiques étaient nécessaires pour justifier une telle sévérité</a>. On voit ici que l’organisation du conseil scientifique autour de Tegnell, et l’autonomie dont jouissait son agence, n’a pas été sans conséquence sur le choix politique. </p>
<p>Or, la création d’un groupe d’experts au Québec sur les changements climatiques pourrait avoir des implications similaires. D’une part, qui seront ces scientifiques ? On parle des « meilleurs experts reconnus en la matière », alors que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">l’identité de ces derniers n’est pas encore connue</a>. Et d’autre part, quel niveau d’autonomie caractérisera ce groupe ? Pourra-t-il communiquer librement au grand public ? Ces points méritent d’être éclaircis.</p>
<p>Dans les faits, le secret politique pèse lourd. L’Ontario a par exemple été récemment accusé d’avoir passé sous silence un rapport scientifique sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">conséquences des changements climatiques</a>. Durant la pandémie, les recommandations de la Santé publique du Québec ont manqué de transparence, et ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1851196/msss-revue-editeur-predateur-publication-scientifique">parfois difficilement justifié certaines mesures comme le couvre-feu</a>. Ceci implique de repenser nos institutions. </p>
<h2>L’utilisation de la science au service des intérêts privés</h2>
<p>Du côté des États-Unis, nos recherches soulignent l’impact des intérêts économiques sur les politiques d’adaptation. En Louisiane, un état républicain et conservateur, les dirigeants politiques au Sénat et à la Chambre des représentants se gardent de reconnaître l’existence des changements climatiques et leur impact sur l’immense perte de territoire et l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, incendies de forêt). </p>
<p>Les politiques actuelles visent plutôt à rétablir les processus naturels de sédimentation pour ralentir l’érosion des côtes de <a href="https://climatoscope.ca/article/reconstruire-ou-partir-les-defis-de-ladaptation-en-louisiane/">manière à préserver leur capacité à soutenir la production de pétrole et de gaz</a>. La légitimation de cette stratégie d’adaptation – la <a href="https://revuelespritlibre.org/le-controle-de-leau-en-louisiane-entre-repere-identitaire-et-menace-existentielle">restauration</a> – se fait par l’utilisation d’un discours scientifique et technique axé exclusivement sur les processus naturels du delta. Par ce biais, on ignore la science climatique et ses causes, en particulier le rôle des énergies fossiles dans l’accélération des dérèglements environnementaux et climatiques. </p>
<p>Cette sélectivité scientifique empêche l’évocation <a href="https://www.wwno.org/coastal-desk/2022-03-03/climate-change-could-prove-more-deadly-in-louisiana-without-immediate-action-report-says">d’autres options</a> d’adaptation, comme la relocalisation des populations côtières ou l’atténuation des changements climatiques. La compréhension du public quant aux effets à long terme des changements climatiques se voit ainsi brimée. </p>
<h2>Un déni partisan</h2>
<p>En argumentant que « la science » est de leur côté, même si elle ignore celle des changements climatiques, les décideurs empêchent le questionnement de leurs politiques. « La science montre que c’est la seule manière de nous sauver », proclame régulièrement le président de l’agence environnementale louisianaise. </p>
<p>Cette agence utilise un discours scientifique biaisé de manière à obtenir le soutien des républicains climatosceptiques au Sénat et à la Chambre des représentants. En évitant de contester l’influence des énergies fossiles dans le problème climatique, l’objectif est de dépolitiser l’adaptation et de la soustraire du débat public en brandissant le caractère rationnel de leurs politiques. </p>
<p>La recherche montre que le déni du changement climatique aux États-Unis <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1111/j.1533-8525.2011.01198.x">est fortement partisan</a> et qu’il s’appuie sur une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2016.1189233">« chambre d’écho » antiréflexive</a> d’outils politico-culturels conservateurs et néolibéraux. L’anti-réflexivité est <a href="https://doi.org/10.1177/0263276409356001">définie par les chercheurs Aaron McCright et Riley Dunlap</a> comme un contre-mouvement des républicains et conservateurs américains visant à préserver le système capitaliste productiviste de sa remise en question par la science climatique et les mouvements environnementaux.</p>
<p>Ces discours scientifiques antiréflexifs entretiennent l’ambiguïté sur la science climatique et sur l’impact de la production des énergies fossiles. Pire encore, ils encouragent l’ignorance et l’inaction et provoquent une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03623319.2020.1848294">« adaptation agnostique »</a>, à savoir une adaptation dénuée de toute croyance dans les changements climatiques. </p>
<h2>Pour la création d’institutions scientifiques publiques autonomes</h2>
<p>Le public devrait pouvoir être librement informé par les scientifiques.</p>
<p>Or, l’inexistence dans le paysage politique d’institutions scientifiques publiques autonomes l’en empêche, et non sans conséquences. Durant la pandémie, elle a eu un <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">effet négatif sur l’adhésion de la population, qui a commencé à questionner la légitimité des experts</a>. Dans le cas des changements climatiques, l’instrumentalisation du discours scientifique restreint le débat public, et dépolitise les enjeux climatiques au profit de la satisfaction d’intérêts privés. </p>
<p>Nous proposons donc d’étendre l’autonomie d’institutions scientifiques publiques comme l’INSPQ. D’une part, en instaurant la possibilité de communiquer librement leurs recommandations au public, en dehors de toute tutelle. Et d’autre part, en permettant la formulation de demandes citoyennes de rapports ou de recommandations scientifiques de la part du public sous la forme de pétitions. </p>
<p>Ceci permettrait d’ajouter une « troisième voix » au débat politique, qui informerait le débat en permettant au public de faire un choix libre et éclairé. Mais cela permettrait également d’apporter un discours alternatif au discours partisan et à la polarisation, sans pour autant le remplacer. </p>
<p>Des auteurs comme Zynep Pamuk proposent également la création de <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691218939/politics-and-expertise">« tribunaux scientifiques » composés d’experts et de citoyens</a>. Ces tribunaux saisis par initiative citoyenne statueraient sur des problèmes publics mobilisant des connaissances scientifiques, comme la pandémie ou les changements climatiques. Suivant le modèle judiciaire, un jury composé de citoyens voterait sur une proposition de politiques publiques – par exemple, devrions-nous interdire la voiture à essence en ville ? – au terme d’une procédure contradictoire impliquant des vues opposées d’experts dans le domaine. </p>
<p>Si ces solutions ne sont pas à écarter, bâtir sur des institutions préexistantes et leurs solides expertises en leur offrant une place plus importante dans le débat apparaît une solution réalisable à court terme, et qui étendrait à la science le principe démocratique. </p>
<p>Une solution qui tirerait les leçons des crises récentes, dont la pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213817/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Lemor a reçu un financement du Fond de recherche du Québec société et culture (FRQSC) dans le cadre de sa thèse de doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’existe pas d’institution scientifique publique autonome dans le débat politique. Quelles en sont les conséquences, en contexte de pandémie et de changements climatiques ?Antoine Lemor, Candidat au doctorat en science politique et chargé de cours / Political science PhD candidate and lecturer, Université de MontréalSarah M. Munoz, Doctoral researcher in political science / Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147792023-10-04T18:39:57Z2023-10-04T18:39:57ZMaladies transmises par les moustiques, météo et climat : des liaisons dangereuses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551419/original/file-20231002-17-o3uqig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1024%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aedes aegypti est une espèce d'insectes diptères, un moustique qui est le vecteur principal de la dengue, de l'infection à virus Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune.</span> <span class="attribution"><span class="source">U.S. NAVY </span></span></figcaption></figure><p>Lors de la crise sanitaire liée au SARS-CoV-2, nos sociétés ont pris conscience de l’importance et de l’utilité des outils mathématiques et statistiques pour <a href="https://theconversation.com/comment-estimer-levolution-du-Covid-19-malgre-des-donnees-de-contaminations-de-qualite-limitee-177777">caractériser la propagation d’une maladie</a> dans la population générale, prévoir ses conséquences en termes de santé publique et anticiper les répercussions économiques à court terme. Au-delà du Covid-19, les maladies propagées par les moustiques, dont <a href="https://theconversation.com/podcast-zootopique-des-maladies-qui-sacclimatent-208678">l’aire de répartition s’élargit régulièrement</a> sous l’influence du changement climatique, représentent aujourd’hui une menace émergente. </p>
<p>Dans notre dernier travail, récemment publié dans la revue <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adf7202"><em>Science Advances</em></a>, nous avons revisité l’analyse des liens entre maladies transmises par des moustiques, météorologie et climat. À la clé, un enjeu de santé publique : la mise en place de systèmes d’alerte précoce aiderait à mieux se préparer à ces épidémies.</p>
<h2>Dengue et chikungunya de plus en plus au nord</h2>
<p>Avec le réchauffement climatique et la survenue <a href="https://theconversation.com/el-nino-quest-ce-que-cest-47645">d’évènements El Niño</a> plus fréquents, l’augmentation des cas de <a href="https://theconversation.com/les-changements-globaux-aggravent-le-risque-dexpansion-du-paludisme-115951">maladies transmises par des moustiques</a> devient un sujet brûlant. Longtemps cantonnées dans les régions tropicales ou équatoriales, elles commencent à pointer leur nez sous des latitudes plus tempérées.</p>
<p>Quelques exemples :</p>
<ul>
<li><p>Épidémie de chikungunya <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/chikungunya">dans le nord de l’Italie en 2007 et en 2017</a></p></li>
<li><p>Flambée de <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/dengue">dengue en 2012 sur l’archipel de Madère</a> avec de nombreux cas de dengue importés en Europe</p></li>
<li><p><a href="https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Invasion du sud de la France</a> par <em>Aedes Albopictus</em>, le célèbre moustique tigre, connu pour transmettre des <a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=arbovirose">arboviroses</a> c’est-à-dire des maladies, transmises par des arthropodes dont les moustiques, comme la dengue, Zika ou le chikungunya.</p></li>
</ul>
<p>Tous ces exemples témoignent d’une montée de risques sanitaires qui nous étaient jusque-là étrangers. En 2022, Santé Publique France, a recensé <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/dengue/documents/article/surveillance-des-arboviroses-en-france-metropolitaine-nette-augmentation-des-cas-de-dengue-autochtone-en-2022">près de 70 cas autochtones de dengue dans le sud de la France</a>.</p>
<p>Il y a quelques jours à peine, les Parisiens du 15<sup>e</sup> ont eu dû faire face à une <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/cas-de-dengue-a-paris-une-operation-de-demoustication-prevue-dans-la-nuit_60085898.html">démoustication en règle de leur arrondissement</a> pour réduire les risques de transmission, du virus de la dengue importé, par les nombreux moustiques tigres qui ont colonisé cet arrondissement. </p>
<h2>Climat, météo, facteurs socio-économiques… des épidémies complexes</h2>
<p>Pour anticiper les épidémies de maladies propagées par les moustiques et mettre en place des systèmes d’alerte précoce efficaces, nous devons comprendre le rôle que jouent les principaux facteurs environnementaux dans les épidémies passées, notamment celles qui ont été observées dans les pays où ces maladies sont endémiques.</p>
<p>Or, la dynamique de ces maladies résulte de relations complexes entre vecteurs (moustiques), humains, leur statut immunitaire, les facteurs socio-économiques, les effets de l’environnement sur les moustiques… Malgré cette complexité, il existe un consensus dans la communauté scientifique sur le fait que les facteurs climatiques, la température, l’humidité et les précipitations sont des déterminants importants de ces épidémies. </p>
<ul>
<li><p>Les précipitations sont nécessaires pour créer des habitats propices aux larves de moustiques. </p></li>
<li><p>Une humidité adéquate permet une activité élevée des moustiques adultes et améliore les taux de survie.</p></li>
<li><p>La température affecte aussi le taux de piqûre et le développement du pathogène dans les populations de moustiques, ce qui va influencer le taux de transmission de la maladie.</p></li>
</ul>
<p>En plus de ces variables climatiques locales, le climat global, notamment les oscillations à grande échelle de type El Niño, influence aussi la dynamique de ces maladies.</p>
<h2>Des maladies cycliques</h2>
<p>Pour mieux comprendre les dynamiques épidémiques de ces maladies, l’approche méthodologique consiste à suivre dans le temps l’évolution du nombre d’individus atteints, ce qui est souvent fait par les systèmes de santé. Cela permet, dans un second temps, d’analyser les motifs temporels récurrents. </p>
<p>Et de fait, l’étude de nombreuses séries temporelles a montré que ces dynamiques sont marquées par une forte saisonnalité : on observe une épidémie chaque année, plus ou moins au même moment de l’année, mais d’intensité variable. De manière tout aussi systématique, des composantes multiannuelles de deux à quatre ans ont été mises en évidence.</p>
<p>Une fois ces composantes périodiques estimées, des approches statistiques vont permettre de déterminer la présence de corrélations avec les composantes trouvées sur les séries temporelles météorologiques et/ou climatiques.</p>
<h2>Quand la corrélation ne suffit pas</h2>
<p>Au cours de notre recherche, nous avons été confrontés à deux problèmes méthodologiques. Le premier est qu’il n’est pas toujours simple de quantifier ces liens, notamment parce qu’ils peuvent fortement évoluer dans le temps. Par exemple, en utilisant les données mensuelles de cas de dengue en Thaïlande sur 34 années, nous n’avons pas détecté de corrélations significatives entre le nombre de cas et les oscillations El Niño, car ces corrélations apparaissent seulement lors des évènements El Niño de forte ampleur. </p>
<p>Pour pallier ce problème, des outils statistiques appropriés sont nécessaires. Nous avons proposé d’utiliser la <a href="https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/apprentissage-face-la-malediction-de-la-grande-dimension/transformees-et-bases-ondelettes">décomposition en ondelettes</a>, qui permet de déterminer quelles sont les composantes récurrentes dans un signal et surtout comment ces composantes évoluent dans le temps. L’approche peut se généraliser avec deux signaux, et permet de déterminer quelles composantes et quelle récurrence temporelles ils partagent, <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.0020106">comme l’expliquait notre article paru en 2005</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphe de gauche : Incidence de la dengue en Thaïlande entre 1982 et 2016. Graphe de Droite : Composantes périodiques obtenues. Ce graphe représente le spectre d’ondelette, c’est-à-dire la répartition de la variance simultanément dans le domaine temporel (axes des abscisses) et dans le domaine des périodes (axe des ordonnées). Les fortes variances sont codées en rouge et les faibles en blanc. Les valeurs statistiquement significatives sont à l’intérieur des courbes pointillées. Cette figure montre qu’il y a une forte composante périodique à 1 an, la composante saisonnière, présente pendant quasiment toute la période d’observation, mais aussi des composantes temporelles récurrentes à 2-3 ans et à 3-4 ans qui sont elles plus discontinues.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second problème est que l’analyse d’ondelette met en évidence des liens aussi bien avec les variables climatiques locales qu’avec les variables climatiques globales, sans pouvoir distinguer le rôle de chacune. Il est bien connu en statistiques que si A est corrélé à B et si A est corrélé à C, alors B et C sont corrélés, du fait qu’ils sont tous les deux corrélés à A. Pour regarder le véritable lien entre B et C, il faut donc corriger l’effet de A en faisant appel à la « corrélation partielle ».</p>
<h2>Distinguer l’influence locale et globale du climat</h2>
<p>Nous avons généralisé cette démarche en utilisant la « cohérence partielle », calculée avec les ondelettes. Cela nous a permis de quantifier les liens non stationnaires (c’est-à-dire, évoluant dans le temps) entre le nombre de malades observés et une variable climatique locale donnée, en contrôlant les effets des variables climatiques globales. Et inversement, de quantifier les liens non stationnaires entre le nombre de malades et une variable climatique globale en contrôlant les effets des variables climatiques locales.</p>
<p>Une fois ces deux problèmes techniques résolus, nous avons appliqué notre méthodologie à plus de 200 séries temporelles de dengue et de malaria observées à travers le monde (Asie, Amérique Centrale, Amérique du Sud, Afrique subsaharienne). Nous avons ainsi analysé les composantes temporelles de ces séries, que nous avons comparées avec les facteurs climatiques globaux et locaux. Et nous montrons que le climat local (température, précipitations ou humidité) influence seulement la composante saisonnière de la maladie, alors que les composantes multiannuelles sont, quant à elles, associées au climat global (El Niño par exemple).</p>
<p>Ce résultat est très général : il se vérifie quel que soit la maladie étudiée (dengue, malaria), quel que soit le continent considéré, quel que soit l’échelle géographique utilisée (ville, sous-provinces, provinces, sous-régions, régions, pays) et reste vrai pour quasi tous les nombreux couples de variables climatiques locale-globale analysés.</p>
<p>En plus d’une approche méthodologique originale, ce travail met en lumière qu’il y a des informations complémentaires dans les variables climatiques locales et les variables climatiques globales comme El Niño. Ces informations devront être prises en considération dans l’amélioration des systèmes d’alerte précoce. Par exemple, avec nos résultats, nous nous attendons à ce que la température ait des effets différents lors d’une année El Niño par rapport à une année La Niña.</p>
<p>Bien sûr, il faut garder à l’esprit que ces facteurs climatiques ne sont pas les seuls à fortement influencer ces épidémies. Les facteurs socio-économiques comme la disponibilité de l’eau courante et l’urbanisation, ainsi que le statut immunitaire de la population sont importants. Toutes ces informations devront être prises en considération pour l’amélioration des systèmes d’alerte précoce.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Cazelles a reçu des financements de l'Agence National de la Recherche (ANR). </span></em></p>Les maladies transmises par les moustiques progressent sous l’influence du climat. Des analyses statistiques poussées des données épidémiologiques permettraient de mieux prévoir les flambées.Bernard Cazelles, Ecologie, Epidemiologie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134182023-10-04T13:37:12Z2023-10-04T13:37:12ZComprendre le rôle du couvert de neige en forêt pour mieux prédire le risque d’inondation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550430/original/file-20230926-17-3adew2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C5%2C3914%2C2964&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Benjamin Bouchard)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un couvert de neige tapisse la forêt boréale du Québec pendant plus de six mois par année. Bien qu’il soit essentiel pour l’équilibre de nos écosystèmes, il peut cependant représenter une véritable épée de Damoclès pour les populations en aval des bassins versants forestiers.</p>
<p>Les inondations majeures du printemps 2023 dans la région de Charlevoix en sont un bon exemple. </p>
<p>L’hiver dernier, le bassin versant de la rivière du Gouffre, <a href="https://charlevoixmontmorency.ca/l-obv-cm/territoire/">recouvert à près de 75 % de forêts</a>, a accumulé pendant tout l’hiver une quantité importante de neige. Combinée à un événement de pluie extrêmement intense, la fonte de ce couvert de neige a contribué à faire sortir la rivière de son lit, causant des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-05-03/baie-saint-paul/inondes-en-un-temps-record.php">inondations sans précédent à Baie-Saint-Paul</a>.</p>
<p>Dans le cadre de mon doctorat à l’Université Laval, en collaboration avec <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/">Sentinelle Nord</a>, je m’intéresse à l’impact des propriétés du couvert de neige sur l’hydrologie des bassins versants en forêt boréale.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<h2>La pluie comme vecteur d’énergie</h2>
<p>Comme nous l’avons vu au printemps 2023, les épisodes de pluie en présence d’un couvert de neige peuvent mener à une augmentation soudaine du niveau d’eau des rivières. Une raison expliquant ce phénomène est que l’eau de pluie transfère de la chaleur vers la neige. </p>
<p>Un échange de chaleur survient entre la pluie et la neige lorsque leur température est différente. La neige se réchauffe alors, et la pluie se refroidit. Une fois que la neige a atteint une température de 0 °C, toute chaleur additionnelle provenant de la pluie provoque de la fonte.</p>
<p>Ainsi, un couvert de neige près de 0 °C, fréquent au printemps, et une forte pluie à température élevée sont des conditions propices à ce que l’eau de fonte et l’eau de pluie contribuent à augmenter le débit ainsi la probabilité d’une inondation. Ceci ne peut toutefois survenir que si l’eau ainsi produite peut s’écouler facilement dans le couvert de neige. </p>
<p>Au contraire, un couvert de neige froid combiné à une faible pluie à basse température peut mener au gel de l’eau de pluie dans la neige. Cette eau restera donc piégée dans la neige et ne présentera pas un risque d’inondation. </p>
<p>Après tout, les échanges de chaleur vont dans les deux sens !</p>
<h2>Le couvert de neige, un milieu à la structure complexe</h2>
<p>Le couvert de neige est un milieu poreux loin d’avoir des propriétés physiques uniformes. Celui-ci correspond plutôt à un empilement de couches de neige qui représentent l’historique des événements météorologiques de l’hiver. L’eau de pluie doit percoler à travers toutes les couches de neige pour se rendre au sol, et éventuellement atteindre le cours d’eau.</p>
<p>Certaines couches limitent l’écoulement d’eau dans la neige, comme les couches de grains fins ou les couches de glace. En revanche, les couches de grains grossiers facilitent l’écoulement en raison de la présence de pores plus gros. Ils permettent ainsi à l’eau de pluie et de fonte d’atteindre rapidement le sol.</p>
<h2>Le rôle de la forêt</h2>
<p>La structure du couvert neigeux influence le risque d’inondation. Mais quel est l’effet de la forêt sur la structure de la neige ? </p>
<p>En interceptant une partie des précipitations solides, les arbres limitent l’accumulation de neige au sol, ce qui contribue à la <a href="https://doi.org/10.1029/JC088iC09p05475">croissance des grains et des pores du couvert neigeux au sol</a> par flux de vapeur d’eau. De plus, la décharge de neige interceptée par les arbres sous forme solide ou liquide <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2019.01.052">augmente l’hétérogénéité du couvert neigeux</a>. Ces processus favorisent un écoulement rapide de l’eau dans le couvert de neige se formant sous les arbres.</p>
<h2>Partout pareil ?</h2>
<p>Or, la couverture forestière est loin d’être uniforme en forêt boréale. Elle s’apparente davantage à une végétation clairsemée avec des zones dépourvues d’arbres que l’on nomme trouées. Dans ces trouées, la structure du couvert neigeux est fortement contrastée à ce que l’on retrouve sous les arbres.</p>
<p>Une accumulation de neige plus importante dans les trouées favorise le tassement des couches de neige et la formation de grains fins. De plus, des cycles journaliers de regel en surface mènent à la formation de couches de glace peu perméables. </p>
<p>Le couvert neigeux dans les trouées est donc moins favorable <a href="https://doi.org/10.1002/hyp.14681">que celui sous les arbres</a> à la percolation d’eau vers le sol.</p>
<p>Mais cela signifie-t-il pour autant que la présence de trouées réduit le risque d’inondations ? Pas tout à fait.</p>
<h2>La neige fond plus vite dans les trouées</h2>
<p>La structure du couvert de neige est un facteur parmi d’autres qui influent sur les inondations. Un sol gelé, qui limite l’infiltration, ainsi qu’une fonte rapide de la neige, contribuent également à augmenter le risque d’inondation. </p>
<p>Dans les forêts boréales du Québec, bien que le sol ne gèle pas dans les trouées en raison du caractère isolant du couvert de neige, le <a href="https://doi.org/10.5194/hess-2023-191">taux de fonte y est largement supérieur</a> car le rayonnement solaire y est plus fort que sous les arbres, particulièrement au printemps. </p>
<p>Malgré qu’il y ait davantage de neige qui s’accumule dans les trouées, celle-ci prendrait donc moins de temps à fondre et atteindrait le cours d’eau plus rapidement que celle sous les arbres, ce qui augmente le débit de crue et donc… le risque d’inondation.</p>
<p>Un couvert neigeux plus épais dans les trouées, et des couches de neige plus perméables sous les arbres ont donc contribué à ce que la rivière du Gouffre inonde Baie-Saint-Paul lors de la pluie extrême du printemps 2023.</p>
<p>Les épisodes de pluie comme celui-ci <a href="https://www.ouranos.ca/fr/precipitations-changements-projetes">continueront d’augmenter en fréquence avec le réchauffement climatique</a>. Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213418/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Bouchard a reçu des financements du Fonds de recherche Nature et technologie du Québec (FRQNT), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) ainsi que de Sentinelle Nord.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Nadeau a reçu des financements d'Environnement et Changement Climatique Canada, ainsi que du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florent Domine a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada</span></em></p>Mieux comprendre les interactions entre la forêt boréale et la neige permet d’améliorer les modèles hydrologiques assurant ainsi une gestion optimale de la ressource.Benjamin Bouchard, Étudiant-chercheur au doctorat en génie des eaux, Université LavalDaniel Nadeau, Professeur titulaire en hydrologie des régions froides, Université LavalFlorent Domine, Professeur, chimie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142062023-09-27T14:41:12Z2023-09-27T14:41:12ZVoici comment Elon Musk favorise la désinformation sur X<p>La prise de contrôle de Twitter par Elon Musk en octobre dernier a suscité de nombreux questionnements quant à la promotion de la haine en ligne, la liberté d’expression et le contrôle que les médias sociaux peuvent – et veulent – imposer sur leurs plates-formes. </p>
<p>Depuis, une <a href="https://www.latimes.com/business/technology/story/2023-04-27/hate-speech-twitter-surged-since-elon-musk-takeover">étude réalisée par des chercheurs américains</a> a documenté une hausse des messages haineux et de la désinformation circulant sur la plate-forme Twitter, depuis rebaptisée X. </p>
<p>À la lumière de cette étude, nous avons également décidé de nous prêter à l’exercice. D’après nos observations, nous pouvons confirmer que la désinformation niant la réalité des changements climatiques et du réchauffement climatique dans la région arctique a augmenté de manière significative. Cette augmentation s’est fait ressentir dès le mois suivant le début du processus d’acquisition, en mai 2022. La région arctique est au centre de la recherche sur les changements climatiques et en représente un symbole fort, tant pour les activistes du climat que pour ceux qui veulent nier l’ampleur du phénomène. </p>
<p>Nous sommes spécialistes en politiques publiques et nous nous intéressons aux impacts de la diffusion de désinformation dans les médias sociaux. Dans cet article, nous proposons d’apporter un éclairage sur les causes de l’évolution récente de la désinformation sur X, notamment celle qui touche aux changements climatiques dans la région arctique. </p>
<h2>De plus en plus de climatoscepticisme</h2>
<p>En analysant les 500 gazouillis en français les plus relayés à chaque mois portant sur l’Arctique, nous pouvons observer qu’il y a eu 3,5 fois plus de gazouillis relayant de la désinformation portant sur l’Arctique de mai 2022 à mai 2023 comparativement à l’année précédant l’acquisition (mai 2021 à avril 2022). Ces données sont disponibles publiquement dans notre <a href="https://labovirtuel.enap.ca/shiny/demo_arctic/fr.html">application web d’analyse de données</a>. Cette proportion passe à 4 fois plus si nous nous concentrons uniquement sur les 100 gazouillis les plus relayés par les utilisateurs pendant cette même période. </p>
<p>Une part importante de cette désinformation portait sur les changements climatiques – les gazouillis cherchaient soit à minimiser leur ampleur, soit à nier leur existence. Dans un mois typique, <a href="https://cirricq.org/wp-content/uploads/2021/10/Twitter_ao%C3%BBt-2022.pdf">environ 90 % des messages</a> véhiculant de la désinformation sur X (Twitter) à propos de l’Arctique tentaient de nier ou minimiser le réchauffement climatique. </p>
<p>Nous sommes depuis restés sur un plateau élevé qui ne semble pas redescendre, à l’exception du mois de février 2023. Ce dernier ressemble davantage à une anomalie en regard de cette tendance haussière qu’à un changement significatif. Cette désinformation a même atteint des sommets en avril et en mai 2023, en avoisinant les 20 %.</p>
<h2>Une hausse qui n’est pas due au hasard</h2>
<p>L’augmentation de la désinformation liée aux changements climatiques s’explique principalement par la réadmission opérée par Musk de comptes <a href="https://www.forbes.com/sites/roberthart/2022/11/25/elon-musk-is-restoring-banned-twitter-accounts-heres-why-the-most-controversial-users-were-suspended-and-whos-already-back/?sh=7b3fdb83385b">précédemment bannis</a> par l’ancienne administration de Twitter. </p>
<p>Cependant, nous croyons que la diffusion de la désinformation est également amplifiée par une stratégie qui consiste à faire taire les critiques. Cette stratégie est savamment fondée sur deux techniques bien connues dans le monde des communications publiques et politiques : <a href="https://press.princeton.edu/books/ebook/9781400836819/the-blame-game">détourner le blâme pour mieux menacer</a> et couper l’accès à l’information. </p>
<h2>L’arroseur arrosé</h2>
<p>En effet, <a href="https://www.npr.org/2023/08/01/1191318468/elon-musk-sues-disinformation-researchers-claiming-they-are-driving-away-adverti">dans un texte publié en août dernier</a>, le média public américain NPR (<em>National Public Radio</em>) explique comment le PDG de X accuse une firme de recherche britannique sur la désinformation – le <a href="https://counterhate.com/our-work/">Centre for Countering Digital Hate (CCDH)</a> – de contribuer à une perte de revenus publicitaires en colportant elle-même de la désinformation. En effet, il accuse CCDH de faire de l’échantillonnage sélectif et de ne montrer que les gazouillis qui prônent un discours haineux. Selon Musk, ces derniers ne sont pas représentatifs de l’ensemble des gazouillis et sont utilisés pour lui faire perdre du revenu publicitaire. Il accuse également la firme de râteler le web (technique de collecte d’information sur le web appelé en anglais <em>web scrapping</em>) de façon illégale et poursuit donc CCDH en justice.</p>
<p><a href="https://www.cnn.com/2023/09/05/tech/elon-musk-adl-lawsuit/index.html">Dans un autre texte publié sur son site web</a>, CNN rapporte qu’Elon Musk menace également un autre groupe de recherche, l’Anti-Defamation League (ADL), de les poursuivre pour… diffamation. Tout comme pour le cas de CCDH, il accuse ADL d’être la cause d’une perte de revenu de 60 %. Ces accusations constituent clairement une autre tentative de détourner le blâme, pour justifier des menaces de poursuites à l’égard d’ADL, afin de faire taire le groupe de recherche. </p>
<p>Évidemment, cette première technique ne concerne pas uniquement ces deux organisations de recherche. C’est un message fort que lance Musk à l’ensemble de la communauté de recherche : taisez-vous ou subissez les conséquences de vos actes.</p>
<h2>Faire taire la recherche</h2>
<p>L’autre stratégie pour faire taire la communauté de la recherche a peut-être fait moins de bruit, mais n’est pas nécessairement moins violente. En effet, avant la prise de contrôle de Twitter par Musk, le réseau social avait ouvert des accès API, soit des accès à un serveur qui permettent d’ajouter de l’information ou d’en extraire. </p>
<p>L’un de ces accès était réservé aux groupes et aux organisations de recherche afin qu’ils puissent extraire diverses données permettant d’analyser ce qui se passait et ce qui se disait dans Twitter. Or, depuis sa prise de contrôle du réseau social, <a href="https://www.nextinpact.com/lebrief/71218/lapi-twitter-couterait-42-000-dollars-par-mois-pour-acceder-a-03-tweets-seulement">Musk a fait modifier plusieurs des accès API pour limiter les accès et les rendre plus chers</a>, et <a href="https://iphonesoft.fr/2023/04/07/twitter-coupe-api-gratuite-tue-nombreuses-apps">a fait fermer l’API gratuit</a> ainsi que celui <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/02/22/les-nouvelles-regles-de-twitter-inquietent-la-recherche_6162847_1650684.html">réservé à la recherche</a>. </p>
<p>Le patron de X a justifié cette décision en affirmant qu’il voulait modifier ces accès, afin de mieux les monnayer et de rendre le réseau plus rentable. Un argument qui se défend mal en ce qui a trait à la recherche, puisque depuis sa fermeture, aucun nouvel accès API n’a été proposé aux chercheurs. Il semble plutôt ici que Musk ait coupé les vivres à celles et ceux qui utilisaient ces données dans le but de brosser un portrait fidèle de la désinformation dans son réseau social. </p>
<p>Cela dit, Musk n’est pas le seul à avoir fermé ses accès API. En effet, après le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1090159/facebook-cambridge-analytica-donnees-personnelles-election-politique-campagne-marketing-politique">scandale de Cambridge-Analytica</a> – cette firme de consultants avait utilisé et vendu des données personnelles collectées grâce à l’API de Facebook sans le consentement explicite des usagers, Facebook avait aussi procédé à une fermeture de ces accès API. La compagnie, devenue Meta depuis, a ensuite rouvert un accès aux chercheurs à travers son service <a href="https://www.crowdtangle.com/">CrowdTangle</a>. </p>
<p>Or, dans une correspondance que nous avons reçue de ce service en août dernier, CrowdTangle a mis sur la glace toute nouvelle demande. Cette mesure bloque ainsi l’accès à de nombreux groupes et nombreuses organisations de recherche à des données essentielles permettant de comprendre la désinformation dans les réseaux sociaux.</p>
<p>Ainsi, la prolifération de la désinformation à l’égard des changements climatiques dans l’Arctique ne s’explique pas uniquement par une augmentation du volume de messages postés dans les réseaux sociaux ou du nombre d’usagers colportant cette désinformation. Elle s’explique également par une stratégie que nous qualifions d’irresponsable de la part du grand patron de X pour faire taire la recherche légitime dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214206/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Savard est directeur de l'Observatoire des administrations publiques autochtones (OAPA). Il a reçu des financements du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes et du programme MINDS du Ministère de la défense nationale du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathieu Landriault est coordonateur avec le Réseau sur la défense et la sécurité nord-américaines et arctiques et est le directeur de l'Observatoire de la politique et la sécurité de l'Arctique (OPSA). Il a reçu des financements du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes et du programme MINDS du Ministère de la défense nationale du Canada.</span></em></p>L’augmentation de la désinformation sur X est notamment attribuable à une stratégie d’Elon Musk qui vise à museler les chercheurs qui tentent de l’étaler au grand jour.Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Mathieu Landriault, Part-time professor, Political Studies, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2135692023-09-21T16:29:28Z2023-09-21T16:29:28ZDébat Jean Jouzel – Patrick Pouyanné : la « vie réelle » du changement climatique<p>La scène se déroule lors d’une table ronde de <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/j-ai-recu-un-accueil-glacial-le-climatologue-jean-jouzel-revient-sur-son-passage-a-l-universite-d-ete-du-medef-et-tacle-le-patron-de-total_6042311.html">l’université d’été du Medef</a>, le 30 août dernier : le climatologue Jean Jouzel rappelle, devant un parterre de chefs d’entreprises, que, pour la communauté scientifique, les Nations unies et l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il est nécessaire d’arrêter immédiatement tous les nouveaux projets dans les combustibles fossiles pour contenir le changement climatique sous les deux degrés.</p>
<p>Patrick Pouyanné, le président-directeur général de TotalEnergies, prend alors la parole :</p>
<blockquote>
<p>« Je connais et je respecte l’avis des scientifiques, le problème c’est qu’il y a la “vie réelle”. […] Cette transition, je suis désolé Jean, elle prendra du temps. […] Je dois assurer la sécurité d’approvisionnement au coût le plus efficace. »</p>
</blockquote>
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<figcaption><span class="caption">#LaREF23 : « Quelle lumière au bout du tunnel ? » (Medef, 29 août 2023).</span></figcaption>
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<p>Revenant sur l’incident quelques jours plus tard, sur France Info, Patrick Martin, nouveau président du Medef, rappelait « l’engagement total du Medef de respecter l’Accord de Paris et d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », abondait dans le même sens :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut que nous soyons réalistes, pas sur les finalités, pas sur les calendriers, mais sur les modalités. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4O7cNiyUQLY?wmode=transparent&start=1095" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Patrick Martin, président du Medef, réagit à la polémique sur France Info (5 septembre 2023).</span></figcaption>
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<p>Cet épisode met en jeu deux visions orthogonales en matière de climat. Dans leur essai récent <a href="https://www.phenomenalworld.org/analysis/global-boiling/">« Global boiling »</a> (accessible et traduit en français par le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/08/lere-de-lebullition-mondiale/">Grand Continent)</a>, le physicien Tim Sahay et la consultante Kate Mackenzie soulignent que de nombreuses confusions proviennent d’une représentation erronée du problème climatique. En effet, le climat est souvent envisagé comme un problème de flux, alors que le problème fondamental est un problème de stock.</p>
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<p>À ce titre, l’échange entre Jean Jouzel et Patrick Pouyanné, semble constituer une illustration parfaite de cette tension entre une vision flux vs stock du changement climatique.</p>
<h2>Le climat, un problème de stock</h2>
<p>D’un côté, le climatologue Jean Jouzel sait bien qu’en matière de climat nous sommes confrontés à un problème de stocks : le stock de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (contribuant au réchauffement) mais aussi dans les océans (phénomène d’acidification). Du fait de l’inertie du carbone dans l’atmosphère, celui-ci va contribuer au changement climatique sur des siècles. Même si on réduisait ces émissions (<a href="https://www.iea.org/news/global-co2-emissions-rebounded-to-their-highest-level-in-history-in-2021">c’est malheureusement l’inverse qui se produit à l’échelle planétaire</a>), l’effet ne serait pas de réduire la température… mais de ralentir le réchauffement. La différence est fondamentale.</p>
<p>Pour illustrer cette problématique du climat comme stock, on peut se représenter l’atmosphère comme une baignoire de CO<sub>2</sub>. Le robinet, ce sont les émissions annuelles de gaz à effet de serre, liées en grande partie à notre utilisation des énergies fossiles – pétrole, charbon, gaz naturel. La baignoire se remplit beaucoup plus vite qu’elle ne se vide.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549532/original/file-20230921-21-rlmaoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En effet, environ la moitié de nos émissions n’est pas évacuée par le « siphon », qui inclut les puits de carbone (photosynthèse, sols et océans). Elle vient donc s’ajouter au stock, et contribue au changement climatique durant des siècles. Le niveau de remplissage de notre « baignoire atmosphérique » est ainsi lié au cumul historique des émissions, qui influe directement sur la concentration du CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549533/original/file-20230921-15-e5pam1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le volume total de la baignoire (son « seuil de débordement ») correspond à un certain seuil de réchauffement global. C’est le concept de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/budget-carbone-64998">budget carbone</a>, qui mesure le volume total de gaz à effet de serre que l’humanité peut encore émettre avant de franchir certains seuils de réchauffement. Comme l’indique Jean Jouzel, au rythme actuel de remplissage de la baignoire, elle débordera dans 5 ans environ si le seuil est calibré pour 1,5 degré de réchauffement, et 15 à 20 ans si le seuil est fixé à 2 degrés.</p>
<p>Or, réduire les émissions ne garantit absolument pas de stopper le changement climatique, mais seulement – et c’est déjà beaucoup – de limiter l’ampleur et la rapidité du réchauffement. En effet, ralentir le rythme de remplissage de la baignoire en fermant un peu le robinet n’est pas forcément suffisant pour faire baisser son niveau.</p>
<p>Stabiliser le climat nécessiterait d’atteindre la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neutralite-carbone-63119">neutralité carbone</a>, c’est-à-dire une situation – largement hypothétique aujourd’hui – où, par son action, l’homme retirerait autant de gaz à effet de serre de l’atmosphère qu’il n’en émet. La neutralité carbone ne permettra donc pas de réduire la température moyenne, mais seulement de stabiliser le climat après une phase de réchauffement anthropique : c’est en quelque sorte un point d’arrivée et de stabilisation du niveau de la baignoire, dans lequel les flux entrants (émissions) seraient équivalents aux flux sortants (dispositifs de capture et de séquestration, restauration des forêts, etc.).</p>
<p>Pour réduire la température moyenne, il faudrait aller au-delà de la neutralité carbone, avec des émissions nettes négatives… Dans l’attente d’un tel scénario, le changement climatique est un processus irréversible et le réchauffement est appelé à se poursuivre. Comme le souligne le climatologue Christophe Cassou :</p>
<blockquote>
<p>« Nous sommes embarqués dans un <a href="https://www.humanite.fr/societe/rapport-du-giec/catastrophes-climatiques-nous-entamons-un-voyage-sans-retour-715670">voyage sans retour</a>, vers un territoire inconnu. »</p>
</blockquote>
<h2>Regarder le « robinet » n’est pas suffisant</h2>
<p>Lors de la table ronde du Medef, Patrick Pouyanné semble évacuer cette approche en termes de stock et adopter une approche uniquement sous l’angle d’un flux. Si le PDG de TotalEnergies ne conteste pas l’importance de réduire – à terme – le débit du robinet, ce processus doit se faire de manière graduelle, progressive et acceptable. Autrement, les conséquences économiques et sociales – par exemple en termes d’inflation – seraient désastreuses.</p>
<p>Dans cette perspective, une transition « réussie » doit être socialement acceptable, désirable et non punitive, mais aussi favorable à la compétitivité économique. Il s’agit donc de réduire et substituer graduellement des énergies renouvelables aux énergies fossiles, pour basculer progressivement vers des technologies propres. À terme, et par le biais de la montée en puissance des innovations disponibles, on aura substitué des énergies « propres » aux énergies fossiles. La neutralité carbone est alors pensée comme le point d’aboutissement de ce processus, point auquel le problème climatique serait résolu (puisqu’après tout, notre impact serait alors « neutre » comme tend à le suggérer le concept).</p>
<p>Sous des apparences de bon sens et de pragmatisme, le problème est que cette vision néglige la « vraie vie » des contraintes physiques et biologiques qui pèsent sur la vie humaine et le reste de la biosphère. Paradoxalement, tout fonctionne ainsi comme si les contraintes et les risques physiques, pourtant à l’origine de la décarbonation, étaient finalement évacués de l’analyse.</p>
<p>Ainsi, en se focalisant sur les flux et le point d’arrivée, cette approche néglige les stocks et la trajectoire de décarbonation. Pourtant, ce n’est pas seulement la date d’atteinte d’une hypothétique neutralité carbone qui compte : la trajectoire est tout aussi importante.</p>
<p>Comme l’indiquent les deux trajectoires de neutralité carbone représentées ci-dessous, l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 sera bien plus réchauffante si les émissions croissent continuellement jusqu’en 2040 pour baisser brutalement sur les dernières années (scénario 1) que si l’on observe une diminution constante au fil du temps (scénario 2). Si les deux points d’arrivée sont identiques (neutralité carbone en 2050), elles diffèrent considérablement en termes de réchauffement, dans la mesure où la trajectoire n°1 émet trois fois plus de CO<sub>2</sub> que la trajectoire n°2.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549534/original/file-20230921-23-6am6si.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Plutôt que la neutralité carbone, les débats devraient donc se focaliser sur la notion de « budget carbone restant », qui comporte un immense avantage : au-delà du point d’arrivée (la neutralité carbone), elle tient compte de la trajectoire de réduction qui y mène.</p>
<p>En corollaire, on peut noter que cette vision « flux » évacue les dommages liés au réchauffement présent et futur. Ainsi, le bouleversement des conditions de vie induit par le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/changement-climatique-21171">changement climatique</a> et l’existence de seuils rendant impossible l’adaptation restent des points aveugles. Alors que le climat ne s’est jusqu’ici réchauffé « que » de 1,2 degré depuis l’ère préindustrielle, l’année 2023 a été marquée par la <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/aug/28/crazy-off-the-charts-records-has-humanity-finally-broken-the-climate">multiplication des catastrophes climatiques</a> à travers le monde, des incendies au Canada (où l’équivalent de la superficie de la Grèce a brûlé durant les 6 derniers mois) aux inondations ayant fait des milliers de morts en Libye.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1696222943074734383"}"></div></p>
<p>L’accélération de ces catastrophes et l’ampleur de notre vulnérabilité devraient nous alerter. Ces éléments font bel et bien partie de la « vie réelle », telle que dictée par la physique et la dynamique de la biosphère. Existe-t-il une écologie plus punitive et contraignante qu’une situation où l’on franchit des seuils de non-retour, et où ce sont les contraintes physiques et biologiques qui régulent nos vies ?</p>
<h2>Penser conjointement l’atténuation et l’adaptation</h2>
<p>L’évolution future du climat générera de nouveaux risques pour nos écosystèmes et bouleversera nos manières de vivre, de nous déplacer, de nous loger, de nous nourrir, de nous soigner, de produire, de nous instruire, etc. Tout cela devrait nous obliger, en plus des stratégies de réduction, à mettre au centre des débats la question de l’exposition et de la vulnérabilité accrue induite par chaque trajectoire de réchauffement. Avec à la clé la mise en place de stratégies d’adaptation face à ces dommages inévitables, dans un cadre d’équité et de justice sociale.</p>
<p>On comprend ainsi le dialogue de sourds qui s’est déroulé entre les protagonistes. En faisant l’hypothèse de leur bonne foi, cet épisode révèle sans doute un problème persistant de formation et de compréhension des élites politiques et économiques, mais aussi du grand public en matière de changement climatique. Il est donc indispensable de promouvoir dans le débat public une vision du climat comme un problème de stock. Si cette approche avait eu sa place lors des échanges entre les protagonistes, nul doute que les discussions auraient été d’une autre nature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Acquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi le débat entre le climatologue et le PDG de TotalEnergies à l’université d’été du Medef a-t-il viré au dialogue de sourds ? Décryptage.Aurélien Acquier, Professeur - Sustainability, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130152023-09-10T14:56:21Z2023-09-10T14:56:21ZLes risques de températures extrêmes en Europe de l’Ouest sont sous-estimés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546954/original/file-20230907-15-l25cig.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C152%2C2312%2C1841&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La température de surface lors de la vague de chaleur de fin juillet 2019 sur l’Europe de l’Ouest.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2019/07/Extreme_heatwave">Données (Copernicus Sentinel, 2019), processé par l'ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 juillet 2019, la station météo centenaire de Paris Montsouris a battu son record datant de 1947 en enregistrant une température de 42,6 °C. De son côté, la station de la petite ville de Lytton dans l’ouest canadien a enregistré une température record de 49,6 °C le 30 juin 2021. Dans les deux cas, les précédents records de températures locaux ont été largement battus, respectivement de <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/acf679">2 et 5 °C</a>, <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1689/2022/esd-13-1689-2022-discussion.html">ce qui aurait été très improbable sans changement climatique d’origine humaine</a>.</p>
<p>Atteindre des températures aussi élevées a des conséquences importantes sur les êtres vivants — sur les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30189362/">humains</a> notamment. Par exemple, les <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/nph.17348">plantes</a>, dont les <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abf004">cultures</a>, peuvent se déshydrater très rapidement, produisant des conditions favorables à des incendies. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652614013754">infrastructures</a>, rails ou bâtiments, sont aussi touchées car elles ne sont pas toujours conçues pour résister à ces températures.</p>
<p>Une méthode classique pour estimer les risques d’occurrence de températures très intenses est statistique. Elle repose sur la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_valeurs_extr%C3%AAmes">« théorie des valeurs extrêmes »</a> qui permet d’estimer une <em>température maximale atteignable</em> à partir de données de température passées, et donc de définir un « worst-case scenario » auquel se préparer. Les scénarios du pire actuellement utilisés sont souvent basés sur cette méthode statistique, qui prend mal en compte les mécanismes physiques des vagues de chaleur. </p>
<p>Une autre façon d’aborder le problème des températures extrêmes est de considérer les mécanismes physiques atmosphériques qui empêchent cette température d’augmenter indéfiniment. Dans une étude parue récemment dans <em>Environmental Research Letters</em>, nous montrons ainsi <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/acf679">qu’il n’est pas possible d’écarter la possibilité d’atteindre les 50 °C à Paris</a> – y compris à l’heure actuelle – et que les estimations statistiques des valeurs maximales sont probablement sous-estimées de plusieurs degrés en Europe de l’Ouest.</p>
<h2>Comment évalue-t-on les températures maximales atteignables ?</h2>
<p>La vague de chaleur canadienne de 2021 était tellement intense que les <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1689/2022/esd-13-1689-2022-discussion.html">températures qui ont été atteintes étaient jugées impossibles par les méthodes <em>statistiques</em></a>. </p>
<p>Suite à ces observations, la communauté des sciences du climat a commencé à donner plus de crédit à ses simulations informatiques qui montraient bien que de tels événements très intenses étaient <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-021-01092-9">possibles</a>, mais qui avaient été jugées peu réalistes jusqu’alors, voire comme des artefacts des modèles de climat. Ainsi, après l’événement canadien, plusieurs études ont notamment montré que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-40112-4">événements aussi intenses</a> étaient pourtant <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/acab77/pdf">simulés correctement</a> par les modèles, ce qui est en un sens rassurant quant à notre compréhension du système climatique. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-pourraient-battre-des-records-au-cours-des-prochains-mois-210935">Pourquoi les températures pourraient battre des records au cours des prochains mois</a>
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<p>Mais pour évaluer les températures maximales atteignables et préparer nos sociétés à ces extrêmes, il reste que l’application simpliste de la « théorie des valeurs extrêmes » est mise en défaut. </p>
<p>Récemment, une <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2215278120">nouvelle théorie, basée sur la physique cette fois</a>, a été proposée pour estimer les températures maximales théoriques atteignables à nos latitudes. Dans notre étude, nous l’utilisons pour montrer que des bornes maximales supérieures de 5 à 10 °C aux estimations statistiques traditionnelles du <em>worst case scenario</em> pour les grandes villes européennes étudiées sont possibles.</p>
<p>Par exemple, la méthode statistique traditionnelle donne une température maximale pour Paris de 40,8 °C, qui a été dépassée pendant l’événement de 2019 (42,6 °C), tandis que notre estimation donne 46,6 °C. Rappelons que nous parlons ici des températures mesurées à 2 mètres du sol, à l’ombre, sous abri et selon un protocole météorologique précis. Localement les températures peuvent être plus — ou moins — fortes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison entre la température maximale enregistrée en juillet 2019, avec la température maximale théorique calculée avec la méthode statistique (troisième colonne) et avec la méthode physique (quatrième colonne). Le tableau donne la valeur médiane estimée et les fourchettes l’incertitude sur cette valeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Robin Noyelle</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les ingrédients indispensables pour générer des vagues de chaleur</h2>
<p>Pour générer une vague de chaleur très intense, il faut principalement deux éléments. Le premier est un printemps ou début d’été peu pluvieux qui rend les sols anormalement secs. </p>
<p>Le deuxième est une bulle de haute pression centrée sur la région de la vague de chaleur. Ces hautes pressions dévient vers le Nord les perturbations qui traversent l’Atlantique et nous amènent habituellement de la fraîcheur et de l’humidité océaniques : on parle d’« anticyclone de blocage », habituellement associé à un ciel ensoleillé et sans nuage. </p>
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<p>La combinaison de sols secs et de l’absence de nuages implique que l’énergie reçue du soleil atteint directement le sol. Cette énergie est ensuite transférée : soit pour faire évaporer de l’eau (majoritairement par la transpiration des plantes), ce qui fait diminuer localement la température ; soit pour réchauffer les basses couches de l’atmosphère (inférieures à 1500 mètres d’altitude). </p>
<p>Ainsi, quand les sols sont déjà très secs, la majorité de l’énergie reçue du soleil est utilisée pour augmenter la température de l’air proche du sol. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Organisation schématique et simplifiée de l’atmosphère pendant une vague de chaleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00371-z">Adapté et traduit par Robin Noyelle et Elsa Couderc</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’humidité du sol limite l’augmentation des températures</h2>
<p>Une particule d’air très chaud est moins dense qu’une particule d’air froid : elle a tendance à s’élever. Comme ce sont les basses couches de l’atmosphère qui sont réchauffées par le Soleil, l’air chaud au niveau du sol monte : on parle de convection. Si la convection est suffisamment intense, l’air chaud peut s’élever très haut dans l’atmosphère (plusieurs kilomètres) ce qui le refroidit du fait de la diminution de sa pression. <a href="https://meteofrance.com/comprendre-la-meteo/nuages/comment-se-forme-un-nuage">Dans certaines conditions</a>, ce refroidissement fait condenser la vapeur d’eau contenue dans l’air : un nuage apparaît.</p>
<p>Mais en se condensant, la vapeur d’eau réchauffe l’air dans laquelle elle est contenue, ce qui peut entretenir son mouvement ascendant. Si le mouvement ascendant est suffisamment fort, un orage se déclenche. La pluie refroidit le sol et stoppe l’augmentation des températures.</p>
<p>Plus il y a de vapeur d’eau dans la particule d’air au départ, plus la condensation est facile : le mouvement ascendant et les chances de précipitations orageuses sont renforcés. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cumulonimbus sont des nuages d’orage qui peuvent monter en panache.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cumulonimbus_varois.jpg">Brigitte Alliot</a></span>
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</figure>
<p>L’humidité au niveau du sol joue donc un double rôle pour limiter l’augmentation des températures : elle permet de rafraîchir l’air localement en s’évaporant, et elle limite les augmentations de température en favorisant la convection.</p>
<h2>Pourquoi les orages ne se déclenchent pas systématiquement pendant les vagues de chaleur</h2>
<p>Mais la convection ne se déclenche pas systématiquement. En effet, pendant les vagues de chaleur les plus intenses, une bulle de haute pression et d’air chaud se trouve au-dessus des régions touchées, à une altitude d’environ 5 à 6 kilomètres, c’est le fameux anticyclone de blocage, qui peut atteindre quelques milliers de kilomètres de large. Un tel anticyclone bloque la condensation de la vapeur d’eau et empêche le déclenchement de la convection profonde et des orages.</p>
<p>C’est donc la combinaison des caractéristiques physiques de cet anticyclone et de l’humidité du sol qui définit les températures maximales atteignables pendant une vague de chaleur.</p>
<p>Dans notre étude, nous montrons que la température maximale définie par les caractéristiques de l’anticyclone de blocage change assez peu entre des conditions anticycloniques passées (entre 1940 et 1980) et présentes (entre 1981 et 2021), alors que les températures maximales observées au sol augmentent fortement, entre 2 et 3 °C selon les régions. Cette augmentation est probablement principalement due à des phénomènes d’assèchement des sols liés au réchauffement climatique d’origine anthropique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-temperatures-extremes-statistiquement-impossibles-quelles-sont-les-regions-les-plus-a-risque-210342">Des températures extrêmes « statistiquement impossibles », quelles sont les régions les plus à risque ?</a>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE01-0008">Simuler des Evenements Climatiques Rares – SAMPRACE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs de l'étude parue dans ERL ont été soutenus par la subvention ANR-20-CE01-0008-01426 (SAMPRACE : Pascal Yiou). Ce travail a également reçu le soutien du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention n°101003469 (XAIDA) et par la convention de subvention Marie Sklodowska-Curie No.956396 (EDIPI). Robin Noyelle a bénéficié d'une bourse doctorale du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Davide Faranda et Yi Zhang ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Quelle pourrait être les températures maximales en Europe ? Comment se forment les vagues de chaleur ?Robin Noyelle, Doctorant en sciences du climat au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-CEA-IPSL), Université Paris-SaclayDavide Faranda, Senior Researcher, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Yi Zhang, Postdoctoral scholar, University of California, BerkeleyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2077492023-09-05T13:21:26Z2023-09-05T13:21:26ZLes canicules engendrent des coûts. Voici pourquoi il est important de les quantifier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542402/original/file-20230811-19-98uwkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C983%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les impacts sanitaires et économiques de la chaleur sont souvent invisibles et silencieux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Parmi les différents événements météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes, feux de forêt), ce sont les canicules qui causent les impacts les plus importants sur la santé humaine.</p>
<p>Pour preuve, l’événement météorologique le plus meurtrier de l’histoire du Canada est un dôme de chaleur, c’est-à-dire des températures anormalement chaudes qui durent plusieurs jours, qui a touché la Colombie-Britannique en 2021 et qui a causé <a href="https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/birth-adoption-death-marriage-and-divorce/deaths/coroners-service/statistical/heat_related_deaths_in_bc_knowledge_update.pdf">au moins 600 décès</a>. En plus d’une augmentation de la mortalité, les chaleurs extrêmes causent davantage de consultations à l’urgence, de transports en ambulance, d’hospitalisations, d’appels aux lignes d’informations de santé, d’accidents de travail, ainsi qu’une mobilisation accrue des équipes d’intervention. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anomalies de températures pendant le dôme de chaleur en Colombie-Britannique en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>Les changements climatiques rendront les canicules de <a href="https://doi.org/10.1126/science.1098704">plus en plus longues et de plus en plus intenses</a>. Leurs impacts futurs seront d’ailleurs exacerbés par le <a href="https://doi.org/10.1016/j.amepre.2008.08.021">vieillissement de la population et par l’urbanisation croissante</a>. </p>
<p>Dans ce contexte, il est primordial de pouvoir évaluer le fardeau sanitaire et économique que représentent les canicules d’aujourd’hui, mais aussi celles de demain. Or, à ce jour, on n’en connaît encore que très peu sur les impacts économiques de la chaleur extrême.</p>
<h2>Pourquoi en savons-nous si peu ?</h2>
<p>Les catastrophes naturelles comme les inondations, les ouragans ou les feux de forêt causent des dommages matériels aux résidences, aux entreprises et aux cultures agricoles. Comme ces pertes sont souvent remboursées par les assureurs ou par les gouvernements en cas de catastrophe, les données financières associées à ces événements sont plus facilement accessibles et connues. </p>
<p>À l’inverse, les chaleurs extrêmes affectent plutôt la santé de la population. Ces coûts sont donc enfouis dans les dépenses du système de santé ou assumés par l’ensemble de la société, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à quantifier. D’ailleurs, on rapporte souvent que la <a href="https://doi.org/10.1289%2Fehp.1206025">chaleur extrême est un « tueur silencieux »</a>, tellement ses impacts sont méconnus et invisibles par rapport aux autres catastrophes naturelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="inondation dans la rue" src="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les autres catastrophes naturelles, comme les inondations, causent des dommages matériels plus facilement quantifiables.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les dernières années, de plus en plus d’études ont tenté d’estimer les coûts associés à la chaleur extrême au Canada et ailleurs dans le monde. Par exemple, les prévisions des coûts annuels des décès prématurés liés à la chaleur ont été estimés à <a href="https://climatechoices.ca/wp-content/uploads/2021/06/ClimateChoices_Health-report_Final_June2021.pdf">3,0 à 3,9 milliards de dollars par année d’ici 2050 et de 5,2 à 8,5 milliards d’ici 2080 au Canada</a>. </p>
<p>Bien qu’importantes et pertinentes, les recherches existantes ne s’intéressent souvent qu’à un seul impact de la chaleur sur la santé, soit la mortalité. Or, ses impacts sont divers et nombreux. De plus, l’échelle spatiale de l’analyse est souvent très grande (pays ou province), ce qui limite la possibilité d’effectuer des analyses coûts-bénéfices à des échelles plus locales. Finalement, les approches méthodologiques utilisées dans les études existantes pourraient être améliorées. </p>
<p>Possédant des expertises multidisciplinaires (science des données, hydrométéorologie, santé publique, actuariat), nous cherchons à évaluer les coûts de santé de la chaleur au Québec et au Canada avec des approches novatrices. Par exemple, nous avons récemment utilisé l’intelligence artificielle (IA) pour traiter les grandes bases de données météorologiques et médico-administratives, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969723032837">dans l’optique de mieux modéliser les impacts sanitaires de la chaleur</a>. Ces travaux seront mis à profit et poursuivis pour quantifier le fardeau économique de la chaleur.</p>
<h2>Pourquoi est-ce si important ?</h2>
<p>Estimer les coûts de santé historiques et futurs de la chaleur extrême s’avère essentiel pour la mise en place de mesures efficientes et cohérentes dans la lutte climatique. </p>
<p>Du côté de l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), des projections fiables des coûts de santé de la chaleur extrême permettraient d’exposer ce que doivent s’attendre à payer les autorités de santé ou la société en général si les émissions de GES continuent d’augmenter. Ainsi, la réduction des émissions polluantes pourrait être convertie en coûts de santé évités, et donc, en économies potentielles pour les gouvernements et la société. Un argument supplémentaire en faveur de la diminution des GES.</p>
<p>Du côté de l’adaptation, soit les actions à entreprendre pour limiter les conséquences des changements climatiques, les estimations des coûts de santé de la chaleur peuvent servir d’entrées pour des analyses coûts-bénéfices de mesures d’adaptation à mettre en place comme le verdissement ou la lutte aux îlots de chaleur. Dans ces analyses, les bénéfices seraient quantifiés par les coûts de santé de la chaleur évités grâce à ces mesures. D’ailleurs, comme ces actions sont souvent mises en place à l’échelle des quartiers ou des municipalités, des estimations de coûts aussi locales que possible sont nécessaires. À la clé, l’adaptation permettra de réduire les coûts maintenant, mais aussi dans le futur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un parc aménagé en ville comme mesure de lutte contre la chaleur urbaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’estimation des coûts de santé des canicules est d’une grande importance, mais a souvent été négligée dans le passé en comparaison aux autres catastrophes naturelles. De nouvelles recherches multidisciplinaires, basées sur des approches méthodologiques avancées, permettront de fournir des données plus complètes et précises sur les impacts économiques de la chaleur extrême. </p>
<p>Ces chiffres représentent une manière efficace de convaincre les décideurs. Comme nos gouvernements comprennent généralement très bien le langage économique, il est impératif d’adapter notre discours afin d’influencer les politiques publiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207749/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremie Boudreault a reçu des financements de la part du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du consortium sur la climatologie régionale (Ouranos) ainsi que de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Celine Campagna et Fateh Chebana ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nouvelles recherches doivent être menées afin de quantifier adéquatement les coûts de la chaleur extrême afin de réduire ses effets délétères actuels et futurs.Jérémie Boudreault, Étudiant-chercheur au doctorat en science des données et santé environnementale, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Celine Campagna, Adjunct professor, Institut national de santé publique du Québec, Université LavalFateh Chebana, Professor in Data Science applied to the Environment and Environmental Health, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119612023-09-03T14:23:39Z2023-09-03T14:23:39ZClimat et biodiversité, les deux jambes de la transition écologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544213/original/file-20230823-17-fvjmxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C16%2C1115%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La déforestation entraîne une perte de l’absorption du CO<sub>2</sub> en raison de la disparition de puits de carbone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/3326154/free-photo-image-garden-reforestation-asheville-field-office">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Du fait de ses impacts croissants sur les sociétés, le réchauffement climatique s’est imposé au cœur du débat public. Si la majorité des citoyens n’a pas lu les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/">rapports</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les vagues de chaleur, l’intensification des tempêtes, la multiplication des évènements extrêmes se chargent de leur rappeler l’ampleur des dérèglements climatiques et l’urgence de l’action.</p>
<p>Malgré sa documentation par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> et les services écosystémiques (<a href="https://www.ipbes.net/about">IPBES</a>), l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, les risques induits par l’érosion de la biodiversité restent de leur côté moins bien perçus. Leurs liens avec les changements climatiques sont sous-estimés, comme si climat et biodiversité pouvaient faire l’objet de traitements séparés. Cette vision dichotomique est trompeuse. On ne peut agir efficacement face au réchauffement climatique sans s’occuper de biodiversité, et vice-versa.</p>
<h2>Carbone fossile, carbone vivant</h2>
<p>Les scientifiques du GIEC nous l’expliquent depuis leur <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/ipcc_90_92_assessments_far_full_report_fr.pdf">premier rapport d’évaluation</a> (1990). Le climat est un problème de stock. Pour enrayer le réchauffement de la planète, il ne suffit pas d’abaisser les émissions de gaz à effet de serre. Il faut stabiliser leur stock dans l’atmosphère. Autrement dit, atteindre la <a href="https://christiandeperthuis.fr/n-comme-neutralite-climatique/">neutralité climatique</a> en réduisant les émissions – le flux entrant dans le stock – jusqu’au niveau du flux sortant, constitué de l’absorption du CO<sub>2</sub> par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/puits-de-carbone-24700">puits de carbone</a> (forêts et océans) et de l’élimination des autres gaz à effet de serre en fin de vie.</p>
<p>Pour nos sociétés, cette marche vers la neutralité implique une double transformation :</p>
<ul>
<li><p>Selon les données du GIEC, environ <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter02.pdf">70 % des rejets de gaz à effet de serre</a> dans le monde proviennent de l’usage de trois produits : le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Il n’y a pas de chemin possible vers la neutralité sans une transformation profonde de nos sociétés consistant à nous affranchir en quelques décennies de cette dépendance au carbone fossile. C’est l’enjeu de ce qu’on appelle la <a href="https://www.iea.org/topics/global-energy-transitions-stocktake">transition énergétique</a>.</p></li>
<li><p>Pour un quart, les rejets de gaz à effet de serre proviennent du « carbone vivant », principalement du fait des émissions spécifiques agricoles (non liées à l’usage des énergies fossiles) et de la déforestation tropicale et autres usages des sols qui érodent le puits de carbone continental. Il n’y a pas non plus de chemin vers la neutralité sans une transformation profonde de l’usage des ressources vivantes assurant le reflux des émissions agricoles et une meilleure protection des puits de carbone. C’est l’enjeu de ce qu’on peut appeler la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2021.709401/full">transition agroclimatique</a>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="Opoba" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Opoba/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’une des difficultés majeures de la transition est de mener de front ces deux transformations qui renvoient à des mécanismes économiques distincts. Pour le carbone fossile, il faut introduire de la rareté en réduisant à la portion congrue l’usage du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Pour le carbone vivant, il faut réinvestir dans la diversité des écosystèmes pour réduire les émissions agricoles et protéger les puits de carbone dans une logique de bioéconomie.</p>
<h2>De l’addition à la soustraction</h2>
<p>Depuis le début de la révolution industrielle, les transitions énergétiques se sont succédé. Elles ont toutes consisté à ajouter de nouvelles sources énergétiques à un système reposant initialement sur l’usage de la biomasse. Il en a résulté un accroissement massif de l’énergie utilisée dans le monde.</p>
<p>Le climat nous contraint à rompre avec cette logique. Ce qui fait baisser les émissions, ce n’est pas d’ajouter des sources décarbonées au système énergétique. C’est de retirer des sources fossiles : il faut basculer d’une logique de l’addition à une logique de soustraction.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tracteur soviétique dans un champ en Éthiopie" src="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La déforestation et l’agriculture sont à l’origine des émissions de carbone « vivant ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ifpri/14328252948">Ifpri/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous l’angle économique, cela implique de reconvertir massivement les actifs « bruns » liés à la production ou à l’utilisation d’énergie fossile, par un double mouvement d’investissement dans le vert et de désinvestissement dans le brun. Le coût le plus lourd pour le système économique n’est pas celui des centaines de milliards investis dans les parcs éoliens ou solaires, les giga-usines de batteries ou les électrolyseurs fabricant l’hydrogène. C’est le coût du désinvestissement qui contraint à déclasser ou reconvertir les actifs bruns : les actifs financiers, bien sûr, mais aussi les actifs physiques et surtout les actifs humains sur lesquels repose avant tout la transition énergétique.</p>
<p>De multiples instruments devront être mobilisés pour opérer une telle transformation. Parmi eux, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/taxe-carbone-23007">taxation du carbone fossile</a> n’a pas d’équivalent. Qu’elle soit obtenue par l’impôt ou par un mécanisme d’échange de quotas, cette taxation renchérit le coût d’usage de l’énergie fossile sans restituer à ses producteurs les rentes en résultant comme le font par exemple les envolées du prix du pétrole sur les marchés énergétiques. Du côté de la demande, elle constitue un puissant stimulant à la sobriété énergétique ; du côté de l’offre, elle incite à se détourner des actifs carbonés.</p>
<p>La difficulté principale de la taxation du carbone fossile réside dans la maîtrise de ses impacts distributifs. Comme l’a montré l’épisode des « gilets jaunes » en France, une taxation du carbone fossile sans redistribution vers les plus vulnérables pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Seule une <a href="https://theconversation.com/comment-reconcilier-taxe-carbone-et-pouvoir-dachat-111019">taxation carbone redistributive</a> sera acceptée socialement. De même, pour élargir la tarification carbone à l’échelle internationale, il convient de procéder à une restitution massive de son produit aux pays du Sud.</p>
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<img alt="Yellow vests protest in Paris in January 2019" src="https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yellow vests’ protest in Paris in January 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/Paris%2C_Gilets_Jaunes_-_Acte_IX_%2846724068321%29.jpg/1024px-Paris%2C_Gilets_Jaunes_-_Acte_IX_%2846724068321%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>De même, si la taxation du carbone fossile accélère la transition énergétique, les taxes carbone négatives, autrement dit les <a href="https://www.iea.org/reports/fossil-fuels-consumption-subsidies-2022">subventions aux énergies fossiles</a>, la retardent. Or, à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, ces subventions ont atteint un niveau inédit dans l’Union européenne avec la multiplication des « boucliers tarifaires » érigés en urgence pour éviter la casse sociale. Pour contrer ces effets indésirables, il convient de changer de méthode pour protéger les plus vulnérables face aux chocs énergétiques.</p>
<p>Autre forme pernicieuse de subvention aux énergies fossiles : la distribution gratuite de quotas de CO<sub>2</sub> dans le système d’échange européen, ce qui freine l’émergence d’une industrie verte, levier de la compétitivité de l’Europe de demain.</p>
<h2>Investir dans la diversité du vivant</h2>
<p>Imaginons un instant que le monde ait éradiqué tout recours aux énergies fossiles en 2050. Serions-nous automatiquement en situation de neutralité climatique ? Tout dépend de ce qui aura été réalisé sur le deuxième front de la transition, celui du carbone vivant, à l’origine du quart des rejets mondiaux de gaz à effet de serre.</p>
<p>La taxation du carbone fossile n’est guère utile pour la transition agroclimatique. Pire, elle pourrait même s’avérer contreproductive : en utilisant un prix du CO<sub>2</sub> basé sur des critères énergétiques, il deviendrait rentable de transformer la forêt amazonienne (ou les chênes séculaires de la forêt du Tronçay) en taillis à courte rotation pour produire de l’énergie ! La raison en est simple. La transformation agroclimatique consiste à trouver les voies du réinvestissement dans la diversité biologique, autrement dit l’abondance du vivant. Or le prix du CO<sub>2</sub> ne reflète pas la valeur de cette diversité. Il faut donc utiliser d’autres instruments, plus complexes à mettre en œuvre.</p>
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<p>Sur les continents, les forêts constituent le principal puits de carbone. Leur capacité à stocker le CO<sub>2</sub> atmosphérique est affaiblie par une combinaison de facteurs climatiques et anthropiques. En <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf">France</a>, la capacité de stockage du CO<sub>2</sub> des forêts a par exemple été divisée par trois depuis 2005, principalement à cause du facteur climatique. Il y a donc urgence à adapter les modes de gestion forestière en anticipant la sévérité des climats de demain. Dans le monde, la principale empreinte anthropique sur la forêt concerne la déforestation tropicale. Sa cause majeure est l’extension des terres pour la culture et l’élevage. C’est pourquoi la clef de l’arrêt de la déforestation, en zone sèche comme en zone humide, réside dans les changements de pratiques agricoles.</p>
<h2>Les enjeux clefs de l’agriculture et de l’alimentation</h2>
<p>L’impact des systèmes agricoles sur le bilan net des émissions de gaz à effet de serre ne se limite pas à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deforestation-23274">déforestation</a>. Suivant les techniques retenues, les systèmes agricoles peuvent eux-mêmes rejeter du carbone dans l’atmosphère (labours profonds, drainages de sols humides, etc.) ou au contraire en stocker dans les sols vivants (agriculture de conservation, agroforesterie, etc.). Les premiers érodent la biodiversité en spécialisant les agriculteurs suivant des logiques de type industriel. Les seconds utilisent la diversité du vivant pour intensifier les productions et régénérer le milieu naturel.</p>
<p>Ces techniques agroécologiques permettent également de mieux résister au durcissement des conditions climatiques tout en réduisant les émissions de méthane et de protoxyde d’azote d’origine agricole. Au plan économique, leur promotion passe par un investissement en recherche et développement, par la mise en place de réseaux dédiés de conseil agricole et surtout par la valorisation par les agriculteurs des services écosystémiques apportés à la société. Cette valorisation ne s’opère pas spontanément sur les marchés. Elle requiert des interventions publiques et des financements dédiés.</p>
<p>Comme pour l’énergie, la transition agroclimatique implique, côté demande, une transformation des comportements vers plus de sobriété. Les aliments composant notre assiette ont des empreintes climatiques contrastées. Les produits transformés de façon industrielle, plus encore les produits animaux, surtout ceux issus des ruminants, ont une empreinte particulièrement élevée. Il n’y aura pas de transition agroclimatique réussie sans une limitation de ces produits dans les rations alimentaires, ce que recommandent par ailleurs toutes les autorités sanitaires dans le monde.</p>
<h2>L’océan, ce grand oublié</h2>
<p>La transition agroclimatique devra enfin intégrer la question de la gestion des océans et de la biodiversité marine, aujourd’hui véritables angles morts des politiques climatiques. Le réchauffement global comme certaines pratiques anthropiques (surpêche, écoulement des polluants, etc.) altèrent la biodiversité marine, composante cruciale du stockage du CO<sub>2</sub> par les océans. La protection des puits océaniques est primordiale pour stabiliser les climats de demain : on estime que la biosphère continentale contient <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter05.pdf">4 fois plus de carbone que l’atmosphère</a>. Pour les océans, c’est 47 fois.</p>
<hr>
<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroulera du 6 au 8 septembre 2023 et qui aura pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour viser la neutralité climatique, il faut simultanément sortir des énergies fossiles et investir dans la biodiversité pour protéger les puits de carbone et réduire les émissions agricoles.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLÉdouard Civel, Chercheur au Square Research Center et à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2054172023-09-03T14:18:17Z2023-09-03T14:18:17ZÉcologie, jeunes et diplômés des grandes écoles : le grand tournant, vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525915/original/file-20230512-18344-4cs0n6.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C2118%2C1322&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors de la remise des diplômes de l’école d’agronomie l’Ensat à Toulouse en juin 2022, de jeunes diplômés ont exprimé leur refus de contribuer à l’agro-industrie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=lmgIpum4QOc">Bifurquer ne veut pas dire fuir - Remise des diplômes ENSAT (Juin 2022) / Capture d’écran YouTube</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, les médias se sont largement fait l’écho des prises de position engagées des élèves des grandes écoles : ceux de Polytechnique qui refusaient récemment que <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/24/apres-totalenergies-lvmh-fait-volte-face-a-polytechnique-sur-le-plateau-de-saclay_6159076_3234.html">TotalEnergies et LVMH</a> deviennent mécènes de leur prestigieuse école, ou <a href="https://theconversation.com/reveil-ecologique-des-grandes-ecoles-ce-que-nous-ont-appris-les-discours-de-jeunes-diplomes-196263">ceux de Paris AgroTech</a> dénonçant en pleine cérémonie de remise des diplômes leur formation qui ne tiendrait pas assez compte de la crise écologique en cours.</p>
<p>Ces mobilisations de jeunes diplômés se traduisent par des initiatives telles que l’association « <a href="https://theconversation.com/climat-une-initiative-pour-former-les-futurs-employes-et-faire-pression-sur-les-entreprises-117329">Pour un réveil écologique</a> » qui réunit plus de 30 000 étudiants signataires exprimant ainsi leur « volonté de prendre leur avenir en main » en intégrant dans leur quotidien et leurs métiers les enjeux écologiques et en appelant au réveil la société ».</p>
<p>Tous ces signaux largement relayés seraient la traduction d’attentes fortes de la <a href="https://theconversation.com/face-a-lurgence-ecologique-comment-transformer-les-programmes-des-ecoles-et-universites-190090">nouvelle génération de diplômés</a> pour des entreprises toujours plus engagées en faveur de l’environnement.</p>
<p>Si le <em>story telling</em> est agréable à entendre, la perception qu’ont les médias de ce que les jeunes (et en particulier les jeunes diplômés) pensent, n’est peut-être pas tout à fait conforme à la réalité.</p>
<h2>La RSE en 26ᵉ position pour l’emploi</h2>
<p>L’entreprise Universum qui sonde chaque année en France plus de 31 000 étudiants de grandes écoles de commerce et d’ingénieur (niveau master 2, soit bac +5), <a href="https://universumglobal.com/fr/blog/les-enjeux-rse-meritent-mieux-que-des-idees-recues/">aboutit en effet</a> quasiment aux mêmes résultats sur les deux profils. En 2022, sur 40 critères étudiés, les premiers cités sont l’intérêt du poste et la perspective de revenus futurs élevés, l’ambiance, la possibilité d’avoir un travail ambitieux et un salaire de base compétitif.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La politique de responsabilité sociale de l’entreprise apparaît, quant à elle, en 26<sup>e</sup> position parmi les critères pour l’ensemble des étudiants interrogés. Un résultat cependant variable selon le type d’études. Pour les futurs ingénieurs, ce sujet semble être une préoccupation relativement croissante passant de la 35<sup>e</sup> position à la 25<sup>e</sup> position entre 2020 et 2022. En revanche pour les étudiants en étude commerciale, il reste à la 31<sup>e</sup> position depuis 2020.</p>
<p>Autre surprise de cette étude Universum, le sujet de l’engagement de l’entreprise pour la diversité et l’inclusion est à la 38<sup>e</sup> position (sur 40 critères testés), quelle que soit la population sondée, étudiants d’écoles d’ingénieur ou de commerce.</p>
<p>Pire, <a href="https://universumglobal.com/fr/blog/index-rse-universum-2022-la-rse-est-elle-si-importante-pour-les-jeunes-en-recherche-demploi/">l’Index RSE Universum</a> réalisé en octobre 2022, montrait que 59 % des étudiants interrogés étaient prêts à travailler dans une entreprise non conforme à leurs valeurs, si le salaire était plus élevé (contre 27 % qui à l’inverse seraient prêts à refuser un emploi si celui-ci n’était pas conforme à leurs valeurs).</p>
<h2>Chez les jeunes en général, la rémunération reste en tête !</h2>
<p>En mars dernier, une enquête menée par l’institut Viavoice intitulée <a href="https://www.institut-viavoice.com/les-nouvelles-transitions-sociales-et-ecologiques-vues-par-les-francais-udes-aesio-mutuelle-upcoop-mars-2023/">« Les nouvelles transitions sociales et écologiques vues par les Français »</a> permettait de constater que l’aspect économique restait bien le critère numéro un chez les jeunes en général pour ce qui concerne l’emploi.</p>
<p>À la question « Que signifie pour vous un travail qui a du sens ? », la réponse « un travail qui a un impact positif sur l’environnement » arrivait en 6<sup>e</sup> position chez les 18-24 ans et en 11<sup>e</sup> position chez les 25-34 ans, derrière l’enjeu de la qualité de vie au travail ou de la rémunération.</p>
<p>Le salaire, suivi par l’intérêt pour le poste, reste de loin les deux éléments qui rendent un emploi attractif, tant auprès des 18-24 ans que des 25-34 ans.</p>
<h2>Attention aux bulles cognitives et biais de confirmation</h2>
<p>Mais alors d’où vient cette distorsion ? Depuis de nombreuses années, les sociologues américains se sont penchés sur les multiples biais cognitifs qui viennent modifier nos perceptions. <a href="https://impact.economist.com/projects/deliver-change/article/what-is-confirmation-bias-and-how-to-reduce-it/">L’un des plus fréquents est sans doute le biais de confirmation…</a></p>
<p>Quand nous prévoyons d’acquérir une voiture verte, nous ne voyons plus que des voitures vertes partout (cela confirme donc notre choix). Si je pense que cette jeune génération est particulièrement sensible aux enjeux RSE, voilà que je mets en avant les évènements qui vont dans ce sens ; et cela vient confirmer ma croyance – certains pourront arguer à l’inverse que j’ai sélectionné les études qui valident mon point de vue…</p>
<p>Les réseaux sociaux et les <a href="https://www.ted.com/talks/eli_pariser_beware_online_filter_bubbles?language=fr">bulles cognitives qu’ils créent</a> confirmeront cela auprès de journalistes qui achètent volontiers cette histoire sympathique – la jeune génération est engagée – mais pas tout à fait exacte. Certes certains jeunes sont engagés… mais est-ce généralisé ? Rien n’est moins sûr.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525903/original/file-20230512-17-nenfew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Polytechnique : Voies/voix d’X face à l’urgence écologique et sociale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=0DkVf39KxSM">Capture d’écran/Youtube</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ainsi, par exemple, le succès de marques de fast fashion telle que <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/05/a-paris-la-foule-se-presse-devant-shein-et-sa-boutique-ephemere-en-depit-des-controverses_6172248_3234.html">Shein</a> auprès des jeunes vient contredire de façon assez directe cette image d’Épinal.</p>
<h2>Des comportements qui nuancent les déclarations des jeunes</h2>
<p>Les sondages qui nous affirment que <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/j-ai-le-sentiment-que-c-est-trop-tard-90-des-jeunes-sont-inquiets-a-l-egard-du-changement-climatique_9e0e03f8-6c01-11ed-81de-b79832c7425e/">90 % des jeunes sont inquiets à l’égard du réchauffement climatique</a> seraient-ils alors faux ? Bien sûr que non.</p>
<p>Mais tout dépend comment est posée la question… Demandez à quelqu’un, qu’il soit jeune ou non, si le réchauffement climatique l’inquiète : il y a fort à parier qu’il répondra par l’affirmative. Qui en effet oserait dire non ? Dès lors que cette interrogation est mise en balance avec d’autres critères (comme le salaire), l’enjeu devient en revanche moins prioritaire.</p>
<p>Prenons les voyages, par exemple. Une étude réalisée en mai dernier par Ipsos pour l’AFT (Alliance France Tourisme) intitulée <a href="https://www.alliance-france-tourisme.fr/posts/le-rapport-des-jeunes-francais-au-tourisme-dans-lere-post-Covid">« Les jeunes et le tourisme »</a> met en avant que le mode de transport privilégié des jeunes pour les vacances reste de loin la voiture (65 % des cas), suivi de l’avion (64 % des cas) et enfin du train (35 % des réponses).</p>
<p>Cette étude va même un peu plus loin dans l’analyse en interrogeant ces jeunes sur l’attention qu’ils portent à l’impact écologique de leur mode de transport. La réponse est sans appel : 53 % indiquent considérer toujours (17 %) ou souvent (36 %) ce paramètre, quitte à ce que le voyage dure plus longtemps. Mais lorsqu’il leur est proposé un billet d’avion gratuit pour un week-end dans une capitale européenne, ils sont 87 % à l’accepter (seuls 2 % assurent le refuser).</p>
<p>On est loin de l’image d’une génération soucieuse en permanence de son impact écologique, touchée par le phénomène du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Honte_de_prendre_l%27avion"><em>flygskam</em></a>, ou honte de prendre l’avion, à chaque voyage aérien.</p>
<h2>Sortir des perceptions pour la réalité : une nécessité</h2>
<p>Ce biais généralisé serait amusant s’il n’était pas économiquement et politiquement dangereux. Aveuglés par ces perceptions « évidentes » et ces « grandes tendances sociétales » qui sont pour la plupart largement moins partagées qu’annoncé, des décisionsmajeures sont en effet prises par les entreprises et l’État, qui parfois s’avèrent bien loin des préoccupations réelles des personnes auxquelles elles s’adressent.</p>
<p>Faut-il pour autant que les entreprises abandonnent toute politique RSE et engagement en faveur de l’environnement ? Évidemment non. Mais il est cependant essentiel de ne pas confondre les désirs des directeurs RSE ou de quelques jeunes très impliqués avec la réalité des attentes d’une génération sous peine d’engendrer une incompréhension croissante.</p>
<p>En effet, l’aboutissement de ce grand écart croissant entre réalité et perception peut s’avérer économiquement dramatique pour les entreprises. Ainsi, à l’heure où les grandes <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/emploi-plus-de-la-moitie-des-entreprises-ont-des-difficultes-a-recruter-958062.html">entreprises ont de plus en plus de mal à recruter</a>, il est urgent de répondre aux principales préoccupations de ces jeunes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/07/pretendre-analyser-le-rapport-au-travail-au-prisme-de-l-age-ou-des-generations-est-tres-discutable_6164511_3232.html">plutôt qu’à celles qu’on leur attribue</a>, parfois à tort.</p>
<p>Les enjeux environnementaux et sociaux ne pourront être correctement traités que si les décisions politiques et économiques sont prises sur des faits et non des perceptions. Il en va de la légitimité du politique, de l’acceptation de la décision et, au final, du fondement de notre vie démocratique. Des points essentiels à l’heure où la <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Barometre%20de%20la%20confiance%20en%20politique%20-%20vague%2014%20-%20Fevrier%202023%20-%20vFR.pdf%20(1).pdf">défiance ne cesse de progresser en France</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Bloch est directeur responsabilité d’entreprise chez Thales.</span></em></p>L’idée que les jeunes tourneraient massivement le dos aux grandes entreprises polluantes et adopteraient des comportements vertueux n’est pas vraiment confirmée par certaines études.Emmanuel Bloch, Professeur associé en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.