tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/croissance-economique-21197/articlescroissance économique – The Conversation2024-03-28T09:16:11Ztag:theconversation.com,2011:article/2267522024-03-28T09:16:11Z2024-03-28T09:16:11ZMesurer le bonheur pour mieux penser l’avenir : l’initiative du Bonheur Réunionnais Brut<p>Pour qu’une réalité soit tangible, et pour pouvoir espérer, éventuellement la changer, encore faut-il pouvoir la mesurer. Mais que faire quand les indicateurs disponibles ne vous renseignent pas sur les paramètres que vous voudriez choisir comme moteurs de changements ?</p>
<p>Malgré de nombreuses critiques, le PIB reste, aujourd’hui encore, l’indicateur phare qui permet de jauger un territoire. Pourtant, la croissance économique qu’il indique n’est pas nécessairement synonyme de réduction des inégalités ou du bien-être de la population. Sur le plan environnemental, la quête de croissance économique semble également de plus en plus difficilement compatible avec un respect des limites planétaires.</p>
<p>Dès lors, il paraît nécessaire de ne pas se contenter de ce seul indicateur. Voici l’histoire, encore en cours d’écriture, d’une de ces alternatives, celle de la création de l’indicateur du bonheur réunionnais brut.</p>
<h2>La possibilité d’une île moins dépendante ?</h2>
<p>Ces dernières années, l’île de la Réunion a été traversée par diverses crises qui ont aggravé le sentiment de défiance envers le pouvoir centralisé en métropole et le monde de la recherche, tout en exacerbant, d’autre part le désir des Réunionnais de voir leur résilience territoriale renforcée, afin de rendre l’île moins dépendante des aléas extérieurs. Les prémisses de la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21642850.2023.2252902">pandémie de Covid-19 </a>ont ainsi été vécues avec une certaine absurdité par les habitants de l’île, confinés au même moment que la France hexagonale, sans pourtant que le virus ait sévèrement touché La Réunion. Avant cela, le mouvement social des gilets jaunes s’était incarné dans ce territoire d’outre-mer avec des revendications particulières, mais aussi de rudes conséquences, des routes bloquées qui ont pu paralyser toute l’île et ses commerces.</p>
<p>Sur les côtes, enfin, cette dernière décennie, ce que l’on a appelé « la crise des requins » a également durablement entaché la confiance des habitants envers les scientifiques et les pouvoirs publics qui pouvaient peiner à expliquer la recrudescence d’attaques de requins et à trouver des solutions à cela jugées convenables pour la population.</p>
<p>Si l’on prend maintenant les indicateurs classiques pour brosser un portrait de l’île de la Réunion, la réalité dressée n’est pas très optimiste. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4482473#:%7E:text=Au%201er%20janvier%202021,qu%E2%80%99entre%202010%20et%202015.">Insee</a>, seule une personne en âge de travailler sur deux occupe un emploi, et la moitié des Réunionnais ont un niveau de vie inférieur à 1 380 euros par mois, ce qui place l’île à la quinzième position sur dix-huit dans le classement évaluant la richesse des régions françaises.</p>
<p>Pourtant la vie sur l’île demeure bien chère, avec des prix jusqu’à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7647041#:%7E:text=En%202022%2C%20les%20prix%20%C3%A0,en%20Martinique%20et%20en%20Guyane.">37 % plus élevés</a> pour l’alimentation qu’en France hexagonale. Ces derniers mois, la crise du commerce international en mer Rouge, avec les attaques répétées de navires par les miliciens houthis, ont, une nouvelle fois rappelé combien les Réunionnais pouvaient pâtir d’aléas extérieurs.</p>
<p>Mais les Réunionnais, eux, justement qu’ont-ils à dire de tout cela ? C’est notamment pour répondre à cette question, et penser des modèles de développement partant de leurs préoccupations, qu’est né, en 2020, le <a href="https://www.isopolis.re/fr/7_24/5e91b41d0d49381f26713c4a/isopolis.html">projet ISOPOLIS</a>, à l’initiative de l’association réunionnaise ISOLIFE, de différents acteurs de la société civile (RISOM, le Réseau d’innovations sociales ouvertes mutualisées), et coordonné par l’IRD en partenariat avec le <a href="http://www.cnfpt.fr/se-former/suivre-formation/inscription-ligne/vos-interlocuteurs-formation-a-delegation-reunion/vos-contacts-a-delegation-reunion/reunion">CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale)</a>. Notre ambition commune était alors de créer un nouvel indicateur tourné autour du bonheur, afin d’évaluer les aspirations des sociétés réunionnaises. L’originalité de notre démarche réside entre cette nouvelle alliance entre différents acteurs de la société civile, de la science et de l’action publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Sur les traces du Bonheur National Brut</h2>
<p>Pour cela, notre inspiration a avant tout été l’indicateur du Bonheur National Brut créé au Bhoutan en 1972. Si, de prime abord, peu de choses semblent rapprocher ce royaume bouddhiste niché sur les contreforts de l’Himalaya, de l’île tropicale de la Réunion, lorsqu’on regarde de plus près, on peut néanmoins trouver quelques points de ressemblance. Une population de taille similaire par exemple, et une même ambition de moins dépendre des pays extérieurs, l’Inde et la Chine pour ce qui concerne le Bhoutan, coincé entre ces deux géants. </p>
<p>Enfin, la Réunion comme le Bhoutan disposent de territoires où les écosystèmes préservés sont encore importants, particularité à laquelle semblent tenir les populations. En 2007, 42 % de la surface de la Réunion ont ainsi été sanctuarisés sous la forme d’un parc national, tandis que la constitution bhoutanaise, elle, impose de conserver au moins 60 % du territoire sous couverture forestière. Les deux pays ayant, de ce fait, une superficie habitable limitée, ces ambitions environnementales, peuvent, pour certains, apparaître comme un frein aux développements de nouvelles activités et à la croissance économique.</p>
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<img alt="le temple de Paro Taktsang, niché à flanc de falaise, dans un paysage de reliefs forestiers typique du Bhoutan" src="https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">le temple de Paro Taktsang, niché à flanc de falaise, dans un paysage de reliefs forestiers typique du Bhoutan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/temple-de-paro-taktsang-au-bhoutan-vue-sur-la-montagne-sous-le-ciel-bleu-et-blanc-ZdwVvRdel8A">Aaron Santelices/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais le Bhoutan semble avoir décidé de ne plus privilégier celle-ci depuis la création, par son ancien roi Jigme Singye Wanchuck, de l’indicateur du Bonheur National Brut annoncé en 1972 et mis en place à la fin des années 1990. Inspiré par des valeurs spirituelles bouddhistes, le BNB est désormais un indicateur reconnu par l’OCDE et l’ONU et incorporé aux statistiques nationales du pays. Il a également été le moteur de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/le-bhoutan-seul-pays-au-monde-a-avoir-un-bilan-carbone-negatif_2631956.html">divers projets de grandes ampleurs</a> comme la quête de l’autonomie énergétique, et d’une empreinte carbone négative, et l’instauration d’une partie quotidienne du cursus scolaire des écoliers dédiés à l’éducation environnementale.</p>
<p>Concrètement, le BNB est le résultat de 250 questions posées sur neuf thématiques : le bien-être psychologique, la santé, l’éducation, l’utilisation du temps, la culture, la bonne gouvernance, la vitalité de la communauté, l’écologie et le niveau de vie.</p>
<p>Si nous avons conservé ces critères, nous avons néanmoins tâché de réduire le nombre de questions à 150, et fait en sorte d’adapter le questionnaire au cadre réunionnais, en ôtant par exemple, les interrogations liées au contexte bouddhiste bhoutanais, mais en ajoutant, à l’inverse, des questions sur l’impact de certains fléaux réunionnais, comme les cyclones présents du fait du climat tropical ou les embouteillages, omniprésents du fait de la quasi-absence de transports en commun sur l’île.</p>
<h2>L’environnement : une clef du bonheur ?</h2>
<p>Le questionnaire une fois établi, nous avons pu le tester auprès de 92 Réunionnais représentatifs de la société de l’île dans son ensemble (genre, âge, localisation géographique, niveau social…) à travers des séries d’entretiens d’une heure trente. Ce premier échantillon étant trop petit pour avoir une analyse quantitative représentative de la Réunion, il s’agissait pour nous avant tout, lors de cette première étape, de tester le questionnaire et d’avoir des éléments d’analyse qualitative.</p>
<p>Voici ce qu’il en est <a href="https://hal.science/hal-04493033">ressorti</a>. Si plus de la moitié des personnes interrogées ont atteint un score de bonheur global supérieur à 66 %, des disparités sont également apparues. Les répondants de plus de 55 ans sont ceux qui présentaient par exemple les scores de bonheur les plus élevés. Le niveau de qualification, lui, semble en revanche ne pas être déterminant du bonheur.</p>
<p>Égalemennt, l’écologie, malgré des scores moyens de satisfaction plutôt faible, fait partie des domaines les plus déterminants, quand le niveau de vie et la gouvernance, eux semblent parmi les domaines les moins impactants pour les citoyens interrogés.</p>
<p>Parmi les impacts de l’environnement sur le bonheur général, nous pouvons par exemple noter que les habitants des régions centrales de l’île demeuraient les plus heureux. Or ces territoires escarpés sont bien plus verdoyants que les côtes, elles sous la pression de l’urbanisation, du fait notamment de l’augmentation de la population générale, qui a doublé ces cinquante dernières années.</p>
<p>Dans une nouvelle étude sur le bonheur que nous avons depuis réalisé auprès des lycéens, nous avons retrouvé cette importance de la biodiversité avec des scores de bonheur plus bas au sein des établissements scolaires où l’on ne trouve pas d’arbres, et donc pas d’ombre.</p>
<h2>Les limites de l’exercice et les travaux futurs</h2>
<p>Si ce premier test nous a donc permis de faire de l’analyse qualitative, nous tâchons désormais de pouvoir transformer l’indicateur en outil d’analyse quantitative à travers une collaboration IRD-Insee. Notre but serait, ainsi, de pouvoir rejoindre le cahier des charges des statistiques publiques, qui manquent, de leur côté, d’indicateur sur le bonheur et le bien-être.</p>
<p>Nous travaillons pour cela à réduire considérablement notre premier questionnaire à 20 questions, afin de pouvoir multiplier les portées de nos études, et nous sommes également en train de travailler à deux nouvelles études du bonheur réunionnais brut qui porteront sur 2000 Réunionnais pour la première, et sur 3000 lycéens pour la deuxième.</p>
<h2>Le bonheur reste une idée neuve en statistique</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Bonheur Réunionnais Brut en Une du Quotidien de la Réunion, le journal le plus lu de l’île.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran de la Page Facebook du Quotidien de la Réunion</span></span>
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<p>« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » déclarait le révolutionnaire Saint-Just dans une allocution restée célèbre, prononcée en 1794 devant la Convention nationale. Si depuis lors, l’aspiration au bonheur est devenue une revendication plutôt consensuelle, le bonheur, reste cependant encore bien absent du domaine des statistiques. </p>
<p>Notre projet de Bonheur Réunionnais Brut demeure de fait le premier travail scientifique de reproduction du Bonheur National Brut en France. Et si dans d’autres pays comme le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1517758015300321#:%7E:text=According%20to%20this%20database%2C%20for,%2C%2033.6%25%20and%2035.4%25.">Brésil</a> ou la <a href="https://www.jstor.org/stable/48704906">Thaïlande</a>, ou à l’échelle d’une ville comme <a href="https://www.happycounts.org/uploads/2/4/4/6/24468989/seattle-happiness_report_card-2011.pdf">Seattle</a>, des travaux de chercheurs ont été réalisés pour tenter d’adapter cet indicateur, jamais cela n’a abouti à l’incorporation d’un Bonheur National Brut dans les statistiques officielles de ces deux pays. </p>
<p>Par ailleurs, si les indicateurs existants dans les statistiques publiques françaises sont généralement construits en France métropolitaine, puis adaptés aux outre-mer, notre démarche est la première à viser le contraire en proposant un indice né d’une expérimentation dans un territoire d’outre-mer, qui pourrait ensuite bénéficier à d’autres régions de France.</p>
<p>Mais travailler sur le bonheur n’est pas toujours aisé, en France notamment, où nous avons pu constater que le mot bonheur générait même un certain malaise, du fait notamment d’une certaine confusion entre bonheur et bien-être personnel. Considéré comme purement subjectif, le bonheur et toute étude statistique qui pourrait lui être consacré, ont dès lors tendance à pâtir d’un manque de sérieux. </p>
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<p>Pourtant, notre questionnaire, à l’instar de celui du Bhoutan, ne pose pas une seule fois la question « Êtes-vous heureux ? », mais s’échine à proposer une analyse multidimensionnelle reposant sur un ensemble de critères, pour certains subjectifs, comme la santé mentale, pour d’autres objectifs et extérieurs, comme le niveau de vie, l’éducation, l’utilisation du temps. Deux approches qu’il nous semble crucial de coupler pour jauger du bonheur d’un individu. « Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue », constatait avec humour l’homme politique américain Robert Kennedy. À travers l’indicateur du Bonheur, c’est bien le contraire que nous espérons faire.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louisiana Teixeira est économiste et membre du Think Tank BSI Economics et a bénéficié du fonds européen de développement regional (FEDER) dans le cadre du projet ISOPOLIS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amandine Payet-Junot est membre présidente de l'Association de Psychologie Positive de l'Océan Indien.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet ISOPOLIS a bénéficié de fonds européen de développement régional (FEDER)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jaëla Devakarne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur le modèle du Bonheur National Brut forgé au Bhoutan, des chercheurs nous racontent comment ils ont bâti l'indice de Bonheur Réunionais Brut, afin de mieux penser le développement futur de l'île.Louisiana Teixeira, Research associate (Economics), Institut de recherche pour le développement (IRD)Amandine Payet-Junot, Enseignante en sciences de l'environnement, Institut de recherche pour le développement (IRD)Jaëla Devakarne, Coordinatrice de projet, Institut de recherche pour le développement (IRD)Pascale Chabanet, Directrice de recherche, spécialiste des récifs coralliens, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216192024-03-05T16:02:52Z2024-03-05T16:02:52Z« Face au ralentissement économique, l’Europe doit porter l’effort sur l’éducation et la R&D »<p><em>L’année 2024 devrait être marquée par un essoufflement de la dynamique économique européenne liée notamment au resserrement de la politique monétaire. Dans ce contexte délicat, Céline Antonin, économiste à l’OFCE, plaide pour une politique d’investissements de long terme centrée sur l’innovation. Comme elle l’explique avec les économistes Philippe Aghion et Simon Bunel dans leur livre <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Le Pouvoir de la destruction créatrice</a> (Éditions Odile Jacob), l’écosystème américain pourrait servir de source d’inspiration.</em></p>
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<p><strong>L’économie mondiale devrait ralentir dans son ensemble en 2024, mais davantage en Europe. Pourquoi ce décrochage par rapport aux zones Amérique du Nord ou Asie ?</strong></p>
<p>L’économie mondiale devrait connaître un ralentissement global en 2024, qui sera plus marqué dans les pays développés, notamment en Europe et aux États-Unis. Cependant, ce qui compte, c’est l’évolution depuis 2019 : par rapport à une trajectoire où le PIB aurait progressé à la même vitesse que les tendances de croissance antérieures à 2020, les États-Unis ont presque effacé les crises sanitaire et énergétique. En revanche, certains pays européens, comme l’Allemagne, restent en retard. Ce rattrapage plus rapide aux États-Unis s’explique principalement par trois facteurs : d’abord, la crise énergétique de 2022 a relativement épargné le continent américain, qui produit du pétrole et du gaz. En outre, les plans de soutien depuis 2020 ont été plus massifs aux États-Unis. Enfin, un phénomène de désépargne a profité à la consommation outre-Atlantique, alors que les Européens ont moins puisé dans leurs réserves depuis la pandémie.</p>
<p><iframe id="BdOce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BdOce/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Peut-on parler de phase de normalisation après les politiques économiques exceptionnelles mises en place face à la crise économique liée à la pandémie ?</strong></p>
<p>Sur le plan monétaire, la normalisation est effectivement en cours avec la remontée des taux directeurs initiée en 2022 par la Réserve fédérale américaine (Fed) puis la Banque centrale européenne (BCE). Les deux banques centrales continuent d’ailleurs de privilégier la fermeté en raison des niveaux d’inflation, notamment sous-jacente (hors énergie et alimentation), qui restent élevés. On peut noter ici qu’il s’agit d’une normalisation qui intervient non pas après la crise de 2020, mais après plus d’une décennie de politiques monétaires expansionnistes entreprises pour préserver l’euro. Sur le plan budgétaire, une phase de normalisation progressive s’amorce, mais de façon graduelle. En 2024, il s’agit uniquement de la suppression progressive des mesures d’aides aux ménages et aux entreprises en réponse à la crise énergétique. La phase de consolidation budgétaire devrait devenir une réalité vers fin 2024-2025.</p>
<p><strong>Quel est le rôle du ralentissement de la locomotive allemande dans l’essoufflement de la croissance européenne ?</strong></p>
<p>L’Allemagne a notamment connu des difficultés en raison de sa dépendance au gaz russe. La crise énergétique a affecté sa production industrielle et a entraîné une inflation qui a atteint des pics proches de 10 %. Les retards dans la mise en place d’un bouclier énergétique ont en outre amplifié les effets négatifs. L’industrie allemande a ainsi perdu en compétitivité. Par ailleurs, les salaires ont crû moins vite que les prix, ce qui s’est traduit par une baisse du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages allemands. Comme le commerce extérieur allemand reste très lié à celui de ses partenaires européens, il existe un effet d’entraînement sur les économies des autres pays, déjà confrontés globalement aux mêmes crises que l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="z08RB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/z08RB/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Faut-il voir dans ce ralentissement économique un effet collatéral direct de la politique de remontée des taux directeurs enclenché par la Banque centrale européenne (BCE) à partir de mi-2022 ?</strong></p>
<p>Ce n’est pas la seule raison mais il s’agit effectivement d’une cause importante. Quand on estime la croissance de 2024, on prend la croissance spontanée (la croissance que l’on observerait en l’absence de choc) et on lui soustrait les différents chocs. Pour la France, l’OFCE estime cette croissance hors chocs à 1,7 % en 2024, mais 0,8 % avec les chocs. Parmi ces chocs, la hausse des taux a conduit à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/12-182OFCE.pdf">perte de 0,9 point de PIB</a>, un effet substantiel que l’on retrouve dans les autres pays de la zone euro. La remontée des taux pèse en effet aujourd’hui sur la consommation et l’investissement, avec des canaux de transmission multiples.</p>
<p><strong>Le chômage a connu une légère remontée fin 2023 qui devrait se poursuivre dans les prochains mois. Aux États-Unis, le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, avait expliqué en 2022 qu’il s’agissait d’un « mal nécessaire » dans la lutte contre l’inflation. Sommes-nous dans ce moment-là en Europe ?</strong></p>
<p>Faut-il en passer par la récession pour combattre l’inflation, comme nous l’a montré le cas américain au tournant des années 1980, lorsque le président de la Fed Paul Volker avait conduit une politique monétaire très restrictive ? Ce n’est pas certain. Certes, en théorie, la courbe de Phillips met en évidence une relation inverse entre inflation et chômage. Or, plusieurs épisodes historiques montrent que cette relation inverse <a href="https://theconversation.com/retour-sur-la-baisse-du-chomage-est-elle-encore-un-moteur-de-linflation-159972">ne s’observe pas toujours</a> et qu’elle dépend de la nature de l’inflation – importée ou interne. Par exemple, la forte hausse du chômage après la crise financière de 2008 n’a pas relancé l’inflation. Même Jerome Powell l’avait souligné peu de temps avant la déclaration que vous rappelez.</p>
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<p><strong>Quels sont, selon vous, les principaux risques liés au ralentissement de la croissance économique dans la zone euro ?</strong></p>
<p>La question prédominante concerne actuellement l’accroissement de la dette publique, qui a déjà connu une augmentation significative depuis 2008 et qui a été affectée plus récemment tant par la pandémie de Covid que par la crise énergétique, avec une réponse systématique par le recours à l’endettement. L’inflation a limité quelque peu la progression du ratio d’endettement mais son reflux, combiné à la hausse du taux d’intérêt sur la dette, expose à des risques. En particulier, même si les investisseurs conservent leur confiance dans la capacité de remboursement des États, ces derniers se voient privés de marges de manœuvre financières pour réaliser des investissements productifs cruciaux.</p>
<p><strong>Faut-il s’inquiéter des différences observées entre les niveaux d’endettement des pays membres ?</strong></p>
<p>De façon générale, plus les trajectoires entre pays membres sont divergentes, plus la conduite d’une politique commune est rendue difficile. Ce que révèle la montée de l’endettement en zone euro, c’est que les traités budgétaires sont souvent enfreints, avec des ajustements négociés. Au total, cela pose la question de la capacité de l’UE à imposer des politiques de réduction de l’endettement même en période de croissance, ce qui compromet le potentiel d’investissement à long terme.</p>
<p><strong>Dans ce contexte de ralentissement économique, la zone euro risque-t-elle de perdre du terrain dans le commerce international ? Des mesures comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou encore les nouvelles règlementations de l’économie numérique (Digital services Act) ne risquent-elles pas en outre d’isoler l’économie européenne ?</strong></p>
<p>En effet, ces initiatives peuvent entraîner, dans un premier temps, une détérioration de la compétitivité des entreprises européennes. C’est d’ailleurs ce que soulignaient les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz dans leur rapport de 2023 sur les <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf">« incidences économiques de l’action pour le climat »</a> en ce qui concerne le MACF. Toutefois, ce dispositif contient des mesures pour favoriser la localisation des activités en Europe, ce peut générer des gains de productivité et de la croissance. Mais tout cela reste hypothétique à l’heure actuelle.</p>
<p><strong>Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour stimuler la croissance économique dans la zone euro ? Que peut-on attendre des plans de relance ou des politiques industrielles européennes (en faveur des batteries ou des voitures électriques) ?</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Le Pouvoir de la destruction créatrice », Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Éditions Odile Jacob (2020)</a></span>
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<p>Il s’agit là d’initiatives positives mais l’échelle reste limitée et il est difficile d’en attendre des effets sur la productivité. Au nom de la politique de concurrence, la zone euro ne doit pas renoncer à une politique industrielle, avec de grands investissements sur le modèle de la DARPA (<em>Defense Advanced Research Projects Agency</em>) américaine. Par ailleurs, l’Europe semble avoir perdu de vue l’objectif de 3 % du PIB consacré à la R&D, contrairement aux États-Unis. Elle gagnerait pourtant à s’inspirer de l’écosystème d’innovation américain qui repose sur des universités bien dotées, un puissant réseau de financeurs – fondations, investisseurs institutionnels, capital-risqueurs –, et une synergie de financement public-privé de la R&D, qui explique largement la supériorité américaine en matière d’innovation et de croissance, comme nous l’écrivons dans le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">livre <em>Le pouvoir de la destruction créatrice</em> avec Philippe Aghion et Simon Bunel</a>.</p>
<p><strong>Comment évaluez-vous plus largement la coopération entre les pays de la zone euro pour faire face aux défis économiques actuels ?</strong></p>
<p>Certes, on a observé ces dernières années des cas de coopération approfondie entre les pays de la zone euro. Par exemple, les mécanismes de sauvetage budgétaire des années 2010 auraient été impensables quelques années plus tôt. Une politique d’innovation et de croissance, fondée sur l’investissement dans la R&D, et dans des grands projets coopératifs entre États, par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle, les technologies quantiques ou les semi-conducteurs, me semble un bon moyen de relancer le projet européen.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Antonin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Vingt-Sept doivent activer de nouvelles politiques pour répondre au décrochage actuel par rapport aux autres grandes zones économiques mondiales, estime Céline Antonin, économiste à l’OFCE.Céline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191512024-02-07T15:42:30Z2024-02-07T15:42:30ZUne croissance moins polluante ? Encore faut-il savoir ce que l'on entend par croissance…<p>À mesure que le changement climatique se fait une place dans le débat politique et économique, les discussions se polarisent de plus en plus autour de la possibilité ou non d’un « découplage ». Derrière ce terme, une question simple : la réduction des impacts environnementaux peut-elle avoir lieu en même temps que l’on continue à faire croître les systèmes économiques ? Un récent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">article de Gregor Semieniuk</a>, économiste à la Banque mondiale en aborde un aspect crucial et sous-discuté : mesurons-nous correctement l’activité économique ?</p>
<p>Le « découplage » est celui de deux courbes, dont on veut savoir si elles peuvent se séparer, voire évoluer, de manière contraire : celle des <a href="https://theconversation.com/topics/emissions-de-co2-63765">émissions de gaz à effet de serre</a>, et celle de la croissance économique, c’est-à-dire la variation du <a href="https://theconversation.com/topics/produit-interieur-brut-pib-48857">produit intérieur brut</a> (PIB) réel : peut-on voir croître la courbe du PIB réel dans le temps, tandis que celle des émissions augmente moins vite (« découplage relatif »), voire baisse (« découplage absolu ») ? On considère ici le PIB réel car il rend les différentes années comparables en tenant compte de l’inflation (contrairement au PIB nominal). C’est toujours le PIB réel dont il est question lorsque l’on manipule des séries temporelles.</p>
<p>Le plus souvent dans le débat sur le découplage, la focale est portée sur la question des émissions de gaz à effet de serre (EGES) ou de l’énergie et donc sur le seul problème climatique. Or, il ne s’agit que d’une seule des <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">neuf limites planétaires</a> identifiées aujourd’hui par la communauté scientifique. Il y a théoriquement autant de débats sur le « découplage » que d’indicateurs environnementaux dont on regarde l’évolution dans le temps : consommation d’énergie, extraction de matière première, empreinte environnementale générale, etc.</p>
<p>Chacun de ces indicateurs environnementaux, il faut le souligner, fait l’objet de questionnements sur la pertinence de la mesure, sur sa fiabilité, sur sa construction. Les scientifiques cherchent à savoir si l’on mesure bien ce que l’on espère mesurer et si les phénomènes sont bien captés par la statistique. Entend-on, par exemple, par émissions d’un pays celles liées à ce qui est produit sur son territoire ou bien à ce qui est consommé par ses habitants, ce qui inclut les émissions liées aux biens importés ?</p>
<p>Le PIB, lui, est à l’inverse toujours pris comme allant de soi. L’usage de cet indicateur reste <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/928">rarement interrogé</a>. Or, à quel point les séries de PIB donnent-elles une représentation « juste » de nos économies ? Le fait est que lorsque l’on prend en compte l’incertitude statistique liée à la « bonne » mesure de l’activité économique, la marge d’erreur sur l’identification d’un « découplage » augmente. Et avec elle, l’incertitude ou la prise de risque, liée aux stratégies de « croissance verte », par opposition aux <a href="https://www.dila.premier-ministre.gouv.fr/actualites/presse/communiques/faut-il-attendre-la-croissance-1500">paradigmes de sobriété, de post-croissance ou de décroissance</a>. L’article récemment publié par Gregor Semieniuk aborde justement la question de cette manière : mesure-t-on correctement l’activité économique ou, dit autrement, le PIB est-il un indicateur fiable pour cela ?</p>
<h2>Des conventions et des erreurs qui se cumulent</h2>
<p>On peut identifier différentes étapes critiques dans le calcul du PIB, qui pourraient mener à une incertitude quant à sa valeur dans le cadre du débat sur le découplage. Premièrement se pose la question du périmètre. Au fil du temps, les conventions comptables ont <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_nouveaux_indicateurs_de_richesse-9782707190635">élargi les domaines d’activités dans le calcul</a>, pour des raisons souvent techniques mais aussi sociopolitiques. Par exemple, les activités financières n’ont été ajoutées qu’en 1968 aux recommandations de calcul de comptabilité nationale. Avant cela, elles ne « comptaient » pas dans l’indicateur, car considérées comme improductives. De même en 1977, ce sont les services rendus par les administrations publiques qui ont été incluses au périmètre du PIB, témoignant de changements importants, en particulier dans l’idée que les activités publiques produisent des richesses.</p>
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<p>Deuxièmement, certaines productions n’ont pas de prix de marché, et leur valeur est, par convention, associée à leur coût de production. C’est le cas précisément de ces services non marchands fournis par les administrations publiques. Une production assurée par un service public vaut ainsi en général moins que la même production assurée par une entreprise privée, le coût de production étant inférieur au prix de marché, qui intègre, quant à lui, le profit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Troisièmement, et c’est une étape absolument décisive, on calcule le PIB « réel », aussi appelé « en volume », en le corrigeant de l’évolution des prix pour permettre une analyse dans le temps. En France, l’Insee reste relativement <a href="https://laviedesidees.fr/Derriere-les-chiffres-de-l-inflation">discret sur ses méthodes de calcul de l’inflation</a>. Les biens et services composant le panier sur lequel l’indicateur des prix est construit sont, par exemple, toujours secrets. Cela est notamment l’héritage d’enjeux et de pressions politiques très fortes sur sa valeur : le lecteur ou la lectrice imagineront sans peine l’intérêt que pourrait avoir un gouvernement à mesurer une inflation faible quand les prestations sociales, les pensions ou autres salaires minimums y sont indexés.</p>
<p>La philosophie elle-même du calcul de l’inflation a drastiquement évolué dans le temps, passant d’un indicateur représentatif d’une famille ouvrière « type » de la région parisienne, à un indicateur qui ambitionne de représenter le coût de la vie pour un consommateur « moyen » théorique. Ces conventions ont chacune leur légitimité, mais il faut avoir conscience que l’inflation dans sa définition actuelle mesure une sorte de coût de la vie qui n’est ressenti par personne <em>stricto sensu</em>.</p>
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<p>Outre la composition du panier de biens et services, le calcul de l’inflation fait aussi l’objet de conventions quant à la manière de tenir compte de variations dans la composition du panier de biens et services, en particulier les variations de qualité. Les débats sont toujours actifs autour de sa « bonne » mesure, et certaines estimations varient, au niveau international, du simple au double, souvent à la baisse.</p>
<p>Imaginons bien ce que cela représente : si l’inflation est plus forte ou plus basse de X points de pourcentage, alors le PIB déflaté, celui que l’on manipule tous les jours et pour toutes les comparaisons historiques, accuse une erreur dans les mêmes proportions chaque année, et donc de manière cumulative ! Sans même mentionner le <a href="https://www.researchgate.net/publication/332798819_Real_GDP_The_Flawed_Metric_at_the_Heart_of_Macroeconomics">problème des prix relatifs</a> qui changent dans le temps et qui modifient sensiblement les valeurs des séries historiques selon le point de référence.</p>
<h2>Découplage ou recouplage ? Cela dépend en partie de la définition</h2>
<p>Dans cette discussion sur la confiance que l’on peut accorder au PIB dans le débat sur le découplage, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">travaux</a> de Gregor Semieniuk sont les premiers, à notre connaissance, à regarder l’impact des différentes définitions du PIB, élaborées au fil du temps, sur les résultats de découplage. L’auteur retrace ainsi les différentes séries de PIB proposées au fil du temps et les « révisions structurelles » adoptées, et qui concernent la méthode de calcul, son périmètre ou l’année de référence pour l’inflation.</p>
<p>La tendance est claire : plus les définitions sont récentes, plus le PIB actuel est élevé, et plus la croissance passée est forte (le graphique présenté plus haut dans l’article, tiré de l’étude de Semieniuk, en donne une illustration pour les définitions de 1978 et de 2018). Cela pose cependant la question redoutable de la « bonne » définition pour se représenter notre histoire économique : celle de 1950 ou celle de 2020 ? Celle de 1950 était assurément jugée plus pertinente à l’époque pour décrire l’économie. Chaque version est heuristique au moment où elle a été élaborée.</p>
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<p>Or, les résultats de « découplage » ou de « recouplage » varient grandement selon les séries de PIB utilisées. Avec les définitions récentes, la croissance historique est plus forte qu’avec une définition plus « industrielle » du PIB, et il est donc plus aisé pour la courbe associée de s’écarter de celle des impacts environnementaux. Ce second graphique, tiré aussi de l’étude de Semieniuk, illustre cela avec l’énergie : dans un cas, les statistiques renvoient l’image d’une économie qui a besoin de 50 % de moins d’énergie pour produire une unité de richesse. Dans l’autre, le progrès n’a été que de 30 %. Le seul changement est la définition de l’indicateur de mesure de l’économie – le PIB.</p>
<p>On peut ainsi comparer les différents résultats de « découplage » selon les définitions du PIB dans le temps. En changeant simplement la mesure de l’activité économique, que l’on prend d’habitude pour évidente, Semieniuk transforme pour certains pays des découplages en recouplages, et vice-versa (!). Plus la définition est ancienne, plus les pays passant à la situation de découplage sont nombreux, mais en moyenne ce sont 10 à 30 pays qui passent d’une situation à son opposé en termes de découplage lorsque l’on change la définition du PIB, alors qu’on peut considérer qu’il s’agit là d’un artefact statistique.</p>
<h2>Comparer dans le temps et dans l’espace</h2>
<p>Un degré supplémentaire de confusion s’ajoute lorsque l’on souhaite comparer différents pays. Idéalement, les séries de PIB doivent être comparables d’un pays à l’autre et ne pas dépendre des différences induites par les monnaies nationales. L’idée est qu’un même PIB par habitant représente un même niveau de vie, c’est-à-dire l’accès à un même ensemble de biens et services « types ». Pour cela, on recourt aux données en « parité de pouvoir d’achat » (PPA), dont la méthodologie est encore plus délicate que celle de la mesure de l’inflation : comment comparer rigoureusement les « pouvoirs d’achat » dans tous les pays du monde, alors que les cultures de consommation sont peu comparables ?</p>
<p>À nouveau, on retrouvera différentes mesures dont les conventions ont évolué au fil du temps. Et lorsque l’on analyse les données pour un même pays, les taux de croissance et la valeur du PIB en PPA dans leurs différentes versions produisent des résultats parfois sensiblement éloignés. A priori, le principe de la PPA est plus juste pour les comparaisons internationales qu’une simple conversion des monnaies nationales en dollar car les taux de change varient selon les années et pour des raisons parfois simplement spéculatives. Cependant, il demande un certain numéro d’équilibrisme méthodologique.</p>
<p>Cela nous amène à une autre conséquence, notamment pour les pays où les statistiques sont fragiles : si les taux de croissance des pays du Sud sont sur ou sous-estimés, cela implique des changements majeurs dans la crédibilité des réductions d’émissions qu’on leur demande dans les scénarii de lutte contre le changement climatique. Un PIB surévalué porte un regard très optimiste sur les tendances passées de performance environnementale comparée à la performance économique, et les tendances vont être prolongées dans les modèles de transition, utilisés notamment par le GIEC.</p>
<p>Rappelons, pour finir, que l’étude de Gregor Semieniuk ne regarde qu’un seul des différents aspects de la définition du PIB (celui des prix relatifs). Mettre sur la table la question de la crédibilité du calcul du PIB et, surtout, celle de sa nécessaire et si délaissée interprétation, ouvre la porte à davantage de remises en question de la manière dont on se représente le chemin parcouru par nos économies, et celui qui nous reste à parcourir vers l’atténuation du changement climatique. Sa signification, si souvent présentée comme évidente, est en réalité un délicat problème. Plus généralement encore se pose la question de ce que la croissance du PIB peut réellement dire sur la santé et l’évolution de l’activité économique. Dans quelle mesure nous racontons-nous des histoires ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Que les émissions de CO₂ ne suivent plus l’évolution du PIB, pourquoi pas ? Les conclusions en la matière varient néanmoins du tout au tout selon la façon dont on appréhende cet indicateur économique.Albert Bouffange, Doctorant en économie, Sciences Po LyonBaptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Florence Jany-Catrice, Professeur d'économie à l'Université de Lille, co-titulaire de la chaire Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales du Collège d'études mondiales, FMSH., Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Pierre-Yves Longaretti, Chercheur CNRS dans l'équipe "Soutenabilité, Territoires, Environnement, Économie et Politique", InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
<p><iframe id="nOnDW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nOnDW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141682023-09-27T20:14:45Z2023-09-27T20:14:45ZQuel développement pour les territoires exposés aux risques côtiers ?<p>Dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/the-world-economy_9789264022621-en">PIB mondial a été multipliée par six</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">tourisme</a> qui s’est développé en parallèle, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/topics/peche-21609">pêche</a>, l’énergie, l’exploitation minière et l’agriculture ont eu un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-012-0168-2">impact particulièrement important</a> sur les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-06/20210607_Rapport_The-Climate-Change-Effect-In-The-Mediterranean-Six-stories-from-an-overheating-sea_WWF-min.pdf">écosystèmes côtiers</a>. Le tourisme a été l’une des industries qui a connu la croissance la plus rapide au monde, avec une multiplication par <a href="https://photo.capital.fr/les-chiffres-fous-du-tourisme-mondial-30549#le-nombre-de-touristes-en-augmentation-ininterrompue-depuis-7-ans-527215">27 du nombre de touristes</a>.</p>
<p>Or, la dégradation de ces <a href="https://theconversation.com/topics/ecosystemes-35522">écosystèmes</a> n’est pas sans <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/15e0af5e-fr/index.html?itemId=/content/component/15e0af5e-fr">aggraver les risques</a> pour les populations proches des mers et océans. L’aménagement des littoraux a, par exemple, souvent conduit à faire disparaître des zones humides qui étaient autant de zones d’atténuation des perturbations. Sans ces dernières, les ondes de tempête peuvent déferler à plus grande vitesse vers les terres et atteindre des hauteurs plus importantes.</p>
<p>En 2015, plus de <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-014/r15-0143.html">20 % de la population mondiale</a> vivait déjà à moins de 30 km des côtes et, si l’on en croit les projections démographiques, ces résidents seront toujours plus nombreux. Une question majeure qui se pose alors est de comprendre comment ces aires géographiques peuvent trouver un équilibre entre développement humain et conservation des écosystèmes. Comment articuler développement humain et pression anthropique croissante, qu’il importe de limiter sur des écosystèmes qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique ?</p>
<p>Pour y répondre, encore faut-il avoir bien identifié les déterminants du développement humain – estimé par la croissance économique – des pays exposés aux risques côtiers. Tel a été l’enjeu d’un travail de recherche qui a analysé le modèle économique de <a href="https://www.conservationgateway.org/ConservationPractices/Marine/crr/library/Pages/coastsatrisk.aspx">54 de ces territoires</a> sur la période 1960-2009, mis en regard de 83 autres.</p>
<h2>Prisonniers d’un cercle vicieux ?</h2>
<p>Plusieurs modèles théoriques de croissance ont été mobilisés afin d’identifier celui correspondant au mieux à l’économie des pays concernés. Le premier constat que nous en avons tiré semble plutôt inquiétant. Parce que leur croissance dépend fortement des ressources naturelles et d’un taux de fécondité élevé, ces pays pourraient être tentés de rechercher des gains économiques à court terme au détriment du moyen terme et de la viabilité de leurs écosystèmes.</p>
<p>Le fort poids des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a> dans l’économie et la dépendance aux exportations pénalise pourtant la croissance de ces pays, ce que des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1766385">travaux antérieurs</a> avaient déjà bien identifié. En effet, la liste des pays qui n’ont pas réussi à utiliser leurs abondantes ressources naturelles pour favoriser le progrès économique et social est longue.</p>
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<p>C’est un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles ». Au moins <a href="https://www.hks.harvard.edu/centers/cid/publications/faculty-working-papers/natural-resource-curse">quatre facteurs</a> contribuent à l’expliquer : la volatilité des prix internationaux de ces ressources, l’éviction permanente du secteur manufacturier (ou <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-le-syndrome-hollandais-7349314">syndrome hollandais</a>), les institutions autocratiques ou oligarchiques et les institutions anarchiques ».</p>
<p>Ces facteurs ne sont pas circonscrits au pays en voie de développement. Le « syndrome néerlandais » était une <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-021-00177-w">explication populaire</a> du processus de désindustrialisation vécu par plusieurs pays développés riches en ressources dans les années 1970 et 1980. Ce syndrome se produit lorsqu’un boom des ressources réduit les incitations à produire localement d’autres biens échangeables non liés aux ressources. Or, dépendre des exportations d’une telle ressource conduit à une appréciation de la monnaie qui pénalise les autres branches de l’économie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496440241321918467"}"></div></p>
<p><em>In fine</em>, lorsque l’exploitation des ressources naturelles n’est pas bien gérée, en faveur du bien commun, les revenus élevés, en provenance des devises liées aux exportations, ne se transforment pas en sources de richesse durable pour les pays. Les incitations sont néanmoins fortes à court terme.</p>
<p>Alors que les bénéfices économiques ne se répercutent pas sur la population, les ressources sont souvent surexploitées ou tout simplement épuisées. Cela met en évidence les pressions anthropiques supplémentaires potentielles auxquelles pourraient être confrontées ces zones côtières : conversion des terres à l’agriculture ou à l’aquaculture, construction, travaux publics requis par les exportations de ressources naturelles…</p>
<p>Nous montrons également l’importance particulière dans ces pays du <a href="https://theconversation.com/topics/fecondite-20850">taux de fécondité</a> élevé, qui stimule la croissance. Ce résultat est tout aussi inquiétant car il suggère que la dégradation des écosystèmes côtiers risque de s’accélérer : une population plus nombreuse, c’est davantage de pression à l’exploitation des ressources naturelles et d’urbanisation des littoraux. Il y a par exemple un risque de surpêche : pêcher trop de poissons et surtout trop de poissons qui n’ont pas atteint l’âge de reproduction, menaçant la pérennité de cette population de poissons.</p>
<h2>Des atouts néanmoins</h2>
<p>Il apparaît cependant que ces pays peuvent avoir des caractéristiques propices à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup de pays confrontés à des risques côtiers sont par exemple d’anciennes colonies britanniques, caractérisées par un <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">cadre juridique</a> de <em>common law</em>, un système politique parlementaire, un degré élevé d’ouverture au commerce international, un faible fractionnement linguistique et ethnique et un faible niveau de corruption dans le secteur public. Ces anciennes colonies britanniques sont généralement considérées comme ayant de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257%2Faer.91.5.1369&ref=marionomics-economia-y-ciencia-de-datos">meilleures institutions politiques et économiques</a> que les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, essentiellement parce que la Grande-Bretagne a colonisé des régions où se sont installés plus de colons, ce qui a poussé à mettre en place un système plus respectueux des droits des individus.</p>
<p>Si en termes des choix politiques, les gains à court terme sont souvent préférés à une bonne gestion locale des écosystèmes, cette préférence est plus faible lorsque les institutions sont de bonne qualité. Certaines <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0908012107">études</a> montrent que des institutions stables et légitimes permettent aux pays d’améliorer l’état des écosystèmes coralliens, notamment grâce à des réglementations de pêche et à des zones marines protégées mieux respectées.</p>
<p>Les pays fortement exposés aux risques côtiers se caractérisent également par une moindre <a href="https://theconversation.com/topics/ethnicite-86483">fragmentation linguistique et ethnique</a>, ce qui peut <a href="https://ourarchive.otago.ac.nz/handle/10523/3676">favoriser la qualité des écosystèmes côtiers</a>. Un fractionnement ethnique moindre peut se traduire par de meilleures performances environnementales, car il conduit en moyenne à une plus grande cohésion et à une meilleure communication. Une diversité des intérêts des communautés locales, de leurs structures sociales, culturelles, a souvent conduit à l’échec des projets de conservation de l’environnement marin.</p>
<p>Si la forte dépendance du développement humain à l’exportation des ressources naturelles et à un taux de fécondité élevé peut exacerber la dégradation de ces écosystèmes côtiers, l’amélioration de la qualité de leurs institutions serait ainsi propice à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farid Gasmi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche: Programme "Investissements d'Avenir".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet et Laura Recuero Virto ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les pays côtiers font face à la double contrainte d’une dépendance aux ressources naturelles et de la nécessaire protection de leurs écosystèmes.Laura Recuero Virto, Pôle Léonard de VinciDenis Couvet, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Farid Gasmi, Toulouse School of Economics – École d'Économie de ToulouseLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122682023-08-29T16:31:36Z2023-08-29T16:31:36ZÉconomie mondiale : 2024, année de toutes les reconfigurations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544749/original/file-20230825-15-lhyfct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C46%2C1147%2C626&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle de croissance nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé apparaît à bout de souffle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/world-map-illustration-money-dollars-euros-studio-shot-black-background-wallpaper-qxddo">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">« L’économie mondiale 2024 »</a> publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 7 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation France : L’économie mondiale est confrontée à des chocs de grande ampleur. Quelles en sont les conséquences ?</strong></p>
<p>Dans un contexte des plus difficiles, à la fois de crise énergétique et de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté. La croissance a certes été divisée par presque deux, de <a href="https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2022/04/19/world-economic-outlook-april-2022">6,1 % en 2021 à 3,4 % en 2022</a>, mais, dans ces conditions, l’atterrissage aurait pu être bien plus brutal.</p>
<p>Sur le front de l’inflation, la hausse observée depuis fin 2021 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est repliée en octobre 2022, lorsque les tensions sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées.</p>
<p><iframe id="rkhp9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rkhp9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois les pressions inflationnistes restent fortes, notamment en zone euro. Si, entre début 2022 et début 2023, l’inflation importée a largement contribué, pour 40 %, à celle des prix à la consommation en zone euro (plus précisément du déflateur de la consommation), la contribution de l’augmentation des profits a été plus forte encore, à hauteur de 45 %, d’après le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673287590865412096"}"></div></p>
<p>Pour faire face à la persistance de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a>, les banques centrales ont <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">très fortement resserré leur politique monétaire</a> en 2022 et en 2023. Ces resserrements n’allaient pas de soi, notamment en zone euro, où l’inflation ne résultait pas d’une surchauffe de l’économie. Leurs conséquences ont commencé à se manifester avec notamment des tensions dans le secteur bancaire, se traduisant par des faillites de plusieurs <a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">banques régionales aux États-Unis</a> et du <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> sur le continent européen.</p>
<p>Avec les fortes hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce sont aussi les dettes publiques des pays en développement qui ont été affectées. Le niveau record de défauts souverains dans ces pays en atteste : <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/sovereign-defaults-are-at-record-high-29-03-2023">9 entre début 2020 et début 2023</a>, contre 13 entre 2000 et 2019.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-principal-creancier-mondial-une-fragilite-de-plus-pour-les-pays-emergents-et-en-developpement-209983">La Chine principal créancier mondial, une fragilité de plus pour les pays émergents et en développement</a>
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<p>Le durcissement des politiques monétaires a également conduit à un retournement du cycle immobilier dans les pays de l’OCDE et en Chine. C’est un moteur de la croissance qui se grippe, avec des conséquences d’autant plus fortes que la dépendance de l’économie au secteur de la construction l’est aussi.</p>
<p>Mais au-delà, c’est tout un modèle de croissance, fondé sur la demande et nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé, qui apparaît à bout de souffle. La priorité est désormais donnée à la réindustrialisation pour regagner en autonomie et inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation. Il n’est pas simple cependant de rétablir le tissu productif dans un modèle de croissance qui a déformé la structure de production en faveur des services et au détriment du secteur manufacturier. Ce redéploiement de l’industrie ne sera possible qu’en changeant de modèle et que s’il s’inscrit dans un plan de décarbonation indispensable face à la menace existentielle que constitue le dérèglement climatique.</p>
<p><strong>TCF : Des reconfigurations annonciatrices d’un changement plus ou moins profond sont-elles à l’œuvre ?</strong></p>
<p>Il nous semble que oui. C’est même le fil directeur de cette édition 2024 de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">l’ouvrage annuel</a> du CEPII : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, pour laquelle un changement de paradigme s’observe. Et en la matière, Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine montrent dans leur contribution que ce sont les États-Unis qui ont donné le ton.</p>
<p>Certes les différents épisodes qui se sont succédé – l’après-crise financière, la crise sanitaire, les ruptures d’approvisionnement post-crise sanitaire et la guerre en Ukraine – ont tous conduit à faire de la sécurité une nouvelle priorité. Mais c’est bien la décision des États-Unis de changer de logiciel, pour faire de la réindustrialisation et de la lutte contre le changement climatique leurs priorités, et pour cela d’avoir recours à des subventions massives et des mesures protectionnistes, dans le cadre de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> notamment, qui ont mis un terme à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mondialisation-22572">mondialisation</a> telle qu’on l’a connue depuis quatre décennies.</p>
<p>C’est aussi en proposant un <a href="https://www.ft.com/content/42922712-cd33-4de0-8763-1cc271331a32">nouveau consensus de Washington</a> en avril 2023, dont la politique industrielle est le pilier, où le retour des États dans la gestion économique est consacré, et où la promotion du libre-échange n’est plus en vogue, mais remplacée par la recherche d’alliances <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">avec ceux qui partagent les mêmes valeurs</a>, le <em>friendshoring</em>, que les Américains ont rompu avec l’ancien consensus qui reposait sur le retrait des États et la recherche d’une libéralisation toujours plus poussée des forces du marché.</p>
<p><strong>TCF : S’il est un domaine où les questions de sécurité et de recompositions ont dû s’observer cette année c’est bien celui de l’énergie ?</strong></p>
<p>Tout à fait. Et c’est un domaine où les recompositions ont dû se faire dans l’urgence, en faisant appel aux alliés ou « amis », comme on veut bien les appeler. Que ce soit les États-Unis pour le gaz liquéfié ou la Norvège et l’Algérie pour le gaz.</p>
<p>Pour Anna Creti et Patrice Geoffron, les conséquences de la guerre en Ukraine ont dépassé les frontières de l’Union européenne, en perturbant les routes mondiales d’acheminement des hydrocarbures, ainsi que le niveau et les mécanismes de prix (prix plafond, rabais forcés), avec pour conséquence un monde énergétique qui tend à se recomposer entre un « marché russe », regroupant les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », avec des passerelles comme l’Inde qui raffine du brut russe et le réachemine en partie en Europe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1549262053084471297"}"></div></p>
<p>Toutefois la vulnérabilité des approvisionnements européens, que la guerre en Ukraine a mis au jour, a surtout eu pour conséquence de faire s’envoler les prix du gaz et par contagion ceux de l’électricité, les craintes de rupture ayant pu être limitées par les recompositions. Si début 2023 les prix n’étaient plus aussi délirants qu’à la mi-2022, l’approche de l’hiver pourrait les faire à nouveau augmenter, ce qui réclame que la <a href="https://theconversation.com/union-europeenne-et-marche-de-lelectricite-des-principes-a-revoir-pour-rester-competitive-210503">réforme du marché de l’électricité</a>, pour le rendre moins dépendant des fluctuations des prix du gaz, soit rapidement opérationnelle.</p>
<p><strong>TCF : Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène, le nouveau consensus de Washington en fait son pilier, mais pourquoi un tel retournement ?</strong></p>
<p>Dans leur présentation du nouveau consensus de Washington, les Américains ont été très clairs : tous les modèles de croissance ne se valent pas et celui qui a conduit à atrophier la capacité industrielle dans des secteurs essentiels comme les semi-conducteurs, a fait, de leur point de vue, trop de dégâts pour être poursuivi : dégâts en matière d’indépendance, dégâts sociaux, dégâts politiques.</p>
<p>C’est un nouveau paradigme, où, selon Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, la primeur donnée aux baisses de prix, que la libéralisation commerciale a permis, pour favoriser le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale, n’est plus de mise.</p>
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<p>La politique industrielle est aussi une condition nécessaire pour réussir la transition écologique. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’engage, dont l’enjeu pour les grandes puissances est de ne pas la rater. Et pour cela, l’histoire nous l’enseigne, l’État doit intervenir : protection des industries naissantes et révolutions industrielles sont allées de pair.</p>
<p>Si les raisons pour légitimer les politiques industrielles sont nombreuses, il n’en reste pas moins qu’elles posent de sacrés défis en économie ouverte. Car réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où la consommation intérieure reste le moteur de la croissance économique et où la désindustrialisation est avancée.</p>
<p>Dans ce cadre, les politiques de relance pour soutenir la demande tendent à réduire la part du secteur manufacturier alors que ce qui est recherché par les politiques industrielles, c’est justement l’inverse. Se pose alors inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation.</p>
<p><strong>TCF : Dans ce contexte, quelle place pour les politiques commerciales, dont l’objet était avant tout de favoriser la libéralisation ?</strong></p>
<p>C’est effectivement le rôle qui leur a été dévolu au tournant des années 1970-1980 et que les années 1990-2000 ont semblé entériner. Les politiques commerciales recherchaient alors avant tout l’efficacité économique par l’exploitation des avantages comparatifs, la minimisation des coûts ou l’optimisation des chaînes de valeurs mondiales. Mais de nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier.</p>
<p>Pour Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionnements redessinent les contours des politiques commerciales. Ce faisant, ces politiques vont se trouver de plus en plus étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce liés à la militarisation des politiques commerciales et la rivalité sino-américaine.</p>
<p>Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque cependant dans ce monde qui se polarise est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va alors falloir trouver comment restaurer un minimum de multilatéralisme. Une entreprise dont le succès est loin d’être assuré !</p>
<p><strong>TCF : La mondialisation commerciale se recompose, les impératifs climatiques et la sécurité économique prennent le pas sur la libéralisation, mais qu’en est-il de la mondialisation financière ?</strong></p>
<p>Là encore, des mutations s’opèrent. L’encensement de la liberté des flux de capitaux et de la flexibilité des taux de changes a fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau.</p>
<p>Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur de grandes institutions financières internationales telles que le FMI.</p>
<p>La question se pose de ce qui va advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international. Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes, et notamment le renminbi, seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux et géopolitiques.</p>
<p><strong>TCF : Ces reconfigurations qui émergent, avec un rôle plus résolu de la puissance publique, sauront-elles relever le défi de la transition écologique ?</strong></p>
<p>À l’heure où la plupart des limites planétaires, ces seuils que l’humanité n’aurait pas dû dépasser pour ne pas compromettre la viabilité de l’espèce, ont déjà été franchies, pour Michel Aglietta et Étienne Espagne, la planification écologique constitue le seul rempart face au capitalocène, cette ère dans laquelle non seulement l’activité humaine mais aussi le système d’accumulation dans lequel elle se déploie ont conduit à un tel désastre. Et qui dit planification, dit retour des États.</p>
<p>Donc oui ces reconfigurations, bien que très partielles encore, vont dans le bon sens, que ce soit le <em>Green New Deal</em> américain avec la loi IRA – <em>Inflation Reduction Act</em>, le_ <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20200618STO81513/le-pacte-vert-pour-une-ue-durable-et-climatiquement-neutre">Green Deal européen</a> et son <em>Net Zero Industry Act</em> ou la promotion d’une Civilisation écologique en Chine.</p>
<p>Deux écueils toutefois à ces avancées : primo, le cadre de conflictualité géopolitique dans lequel elles s’organisent et les limites que cela produit pour bâtir une planification écologique à l’échelle mondiale, la seule valable pour répondre à la crise écologique ; secundo, la difficulté pour les pays du Sud de trouver leur place dans ce nouveau contexte, sachant que leurs leviers économiques sont bien en deçà de ceux que la Chine, les États-Unis et l’Union européenne peuvent mobiliser.</p>
<p>Dès lors, les stratégies que ces pays peuvent développer sont forcément subordonnées à celles de ces trois blocs, avec plusieurs menaces liées à la concurrence accrue pour les ressources minérales ou à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur des technologies vertes. Aussi pour éviter que la planification écologique ne soit réservée à un club restreint, la coopération internationale, moteur fondamental et aujourd’hui manquant, doit être vigoureusement réactivée.</p>
<p><strong>TCF : Une planification écologique se met en place, avec certes encore des limites, mais la plus importante d’entre elles n’est-elle pas l’insuffisance des investissements qui y sont consacrés ?</strong></p>
<p>Les évaluations sont désormais nombreuses des besoins d’investissement pour la transformation écologique. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font effectivement état d’un manque d’investissement. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il n’y a pas là un problème de financement.</p>
<p>C’est à première vue assez paradoxal puisqu’il existe une masse énorme d’actifs financiers. De quoi se demander s’il ne suffirait pas de mieux les orienter : vers le financement de la transition. Mais pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux.</p>
<p>D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité́ de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns, et pour un temps au moins ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles.</p>
<p>Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables, or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous.</p>
<p>La part non rentable réclame des financements publics adaptés, protégés de la pression du marché, gratuits voire même sans exigence de retour financier. De nouvelles formes sont en ce sens envisageables sous la forme de <a href="https://theconversation.com/faut-il-sinquieter-des-pertes-des-banques-centrales-193876">dons de monnaie centrale</a>, plus ou moins compatibles avec les cadres institutionnels actuels, selon qu’ils feraient intervenir directement la banque centrale ou des sociétés financières publiques. Nonobstant ces obstacles institutionnels que le débat démocratique pourrait lever, le chemin existe !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La succession de crises a conduit au retour des politiques industrielles pour gagner en autonomie, inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation et réussir la transition écologique.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur du CEPII, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104812023-08-09T19:23:44Z2023-08-09T19:23:44ZLes cornucopiens sont parmi nous ! Mais qui sont-ils ?<p>Dans les colonnes des journaux, à la tête de nombreuses entreprises, parmi les instances gouvernementales, au sein de nombreux syndicats, sur les plateaux de télévision : les cornucopiens sont là, parmi nous. Partout.</p>
<p>Mais si vous l’ignorez, ce n’est pas à cause d’un quelconque complot de leur part. D’ailleurs, la plupart des cornucopiens ignorent qu’ils le sont et, qui sait, peut-être l’êtes-vous vous-même sans le savoir ! Car ce terme, qui ne date pourtant pas d’hier, est très peu utilisé dans le monde francophone. De quoi s’agit-il ?</p>
<p>Tirant son étymologie du mythe de la <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/corne_d%E2%80%99abondance#:%7E:text=Locution%20nominale,-Singulier&text=(Sens%20figur%C3%A9) %%2020Source %20d%E2%80%99abondantes %20richesses.&text=Il %20nous %20 %C3 %A9tait %20impossible %20de,%20nous %20une %20corne %20d%E2%80%99abondance.">corne d’abondance</a> (cornucopia en latin), le cornucopianisme se construit autour de cette idée centrale, merveilleusement résumée par l’économiste Julian Simon (1932-1998), l’un des principaux auteurs cornucopiens, pour qui toutes les limites naturelles peuvent être repoussées en mobilisant une <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Ultimate_Resource">ressource ultime et inépuisable</a> : le génie humain. Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent <a href="https://aoc.media/analyse/2021/06/16/comment-lecologie-pourrait-recomposer-lassemblee-nationale/">à droite et à gauche de l’échiquier politique</a>, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivres" src="https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539746/original/file-20230727-27-sgy7dy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/marble-statue-greek-god-zeus-cornucopia-459125665">Shutterstock</a></span>
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<p>Que ce soit Elon Musk, qui envisage de <a href="https://theconversation.com/etes-vous-terriens-ou-martiens-plaidoyer-pour-une-economie-permacirculaire-85165">coloniser Mars</a> pour quitter une planète devenue invivable, en passant par le prince saoudien Mohammed Ben Salmane, pour qui les technologies de stockage du CO<sub>2</sub> permettront à sa monarchie pétrolière d’atteindre la neutralité carbone, jusqu’à <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/30/pour-emmanuel-macron-la-transition-ecologique-est-avant-tout-une-transition-technologique_6100407_3232.html">Emmanuel Macron</a> investissant des milliards dans la pour l’instant très chimérique <a href="https://theconversation.com/debat-decarbonation-quotas-que-faire-de-lavion-privilege-dune-minorite-210072">aviation décarbonée</a>, les exemples de propos cornucopiens ne manquent pas dans l’actualité. Mais où trouvent-ils leurs racines ?</p>
<h2>Un courant de pensée qui prospère chez les économistes</h2>
<p>On prête généralement à l’économiste américain <a href="https://www.goodreads.com/quotes/399387-anyone-who-believes-in-indefinite-growth-in-anything-physical-on">Kenneth Boulding</a> (1910-1993) cette citation célèbre : </p>
<blockquote>
<p>« Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste. » </p>
</blockquote>
<p>De fait, si les cornucopiens ne sont pas forcément fous, la genèse de leur pensée doit beaucoup aux théoriciens de l’économie moderne.</p>
<p>Lorsque, dans un célèbre essai de 1798, l’économiste et homme d’église Thomas Malthus émet l’idée que les ressources naturelles constituent un facteur limitant de l’expansion, la réaction de ses confrères économistes est immédiate. Pour eux, ce ne sont pas les ressources qui sont limitées, mais notre capacité à les exploiter. <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/144/esquisse-dune-critique-de-leconomie-politique">Friedrich Engels</a>, futur théoricien du communisme, écrit par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« La productivité du sol peut être indéfiniment accrue par la mobilisation du capital, du travail et de la science. » </p>
</blockquote>
<p>Car après tout, se demande Engels, « qu’est-ce qui est impossible à la science ? »</p>
<p>Cette manière de penser, <a href="https://www.jstor.org/stable/10.1086/675081">déjà largement présente chez certains philosophes des Lumières</a> comme René Descartes ou Francis Bacon, va être développée et affinée par les économistes tout au long du 19ème et du 20ème siècle. Ceux-ci se persuadent en effet rapidement que les deux principaux facteurs de production, à savoir le capital et le travail, sont substituables.</p>
<p>Grâce au progrès technique, il est par exemple possible de remplacer le travail humain par du capital technique, c’est-à-dire par des machines. Dans l’esprit des économistes, qui ont peu à peu réduit la nature à une sous-catégorie du capital, le même raisonnement peut s’appliquer au capital naturel : il « suffit » de le substituer par du capital artificiel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration de la révolution industrielle anglaise réalisée par Samuel Griffiths en 1873. Cette période est considéré à la fois comme celle de l’expansion des idées cornucopianistes, mais aussi, pour certains, comme les débuts de l’Anthropocène.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Industrial_Revolution#/media/File:Griffiths'_Guide_to_the_iron_trade_of_Great_Britain_an_elaborate_review_of_the_iron_(and)_coal_trades_for_last_year,_addresses_and_names_of_all_ironmasters,_with_a_list_of_blast_furnaces,_iron_(14761790294).jpg">Samuel Griffiths/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>La magie de la substitution : ou comment la croissance pourrait devenir éternelle</h2>
<p>Cette idée apparaît d’autant plus séduisante aux yeux des économistes qu’elle permet, sur le papier, de rendre la croissance éternelle. Après tout, si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital « total » peut indéfiniment s’accroître. C’est mathématique. Mais dans la vraie vie, comment opérer une telle substitution ?</p>
<p>Comme le pressentait Engels, il faut introduire dans les équations économiques un facteur supplémentaire : la technologie. Deux types de leviers sont principalement envisagés pour repousser les limites naturelles.</p>
<p>Le premier consiste à intensifier l’exploitation des ressources afin d’accroître leur disponibilité. C’est typiquement ce qui est advenu dans les années 2000 avec l’émergence de la fracturation hydraulique, dont l’usage a permis d’accéder à des énergies fossiles (les gaz et pétroles de schiste) jusque-là inexploitables. Grâce à la technologie, la quantité de ressources accessibles a donc augmenté. Qu’il s’agisse des énergies fossiles, des ressources minérales ou encore de la biomasse, les exemples d’intensification de ce type sont légion depuis les débuts de la révolution industrielle.</p>
<p>Le second levier consiste à remplacer une ressource par une autre. Pour reprendre l’exemple des énergies fossiles, chacun comprend que, quel que soit le degré d’intensification de leur exploitation, celles-ci finiront par s’épuiser. La substitution consiste dès lors à prendre le relais en remplaçant les énergies fossiles par une autre forme d’énergie qui, entre temps, aura été rendue plus facilement accessible grâce, là encore, au progrès technique. <a href="https://www.jstor.org/stable/2534202">Les économistes dominants des années 1970</a> comptaient par exemple beaucoup sur des technologies de rupture comme la fission nucléaire pour remplacer les énergies fossiles.</p>
<p>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>De la théorie à la pratique : quelques failles du raisonnement cornucopien</h2>
<p>Les cornucopiens ont-ils raison ?</p>
<p>D’un côté, il faut leur reconnaître certaines réussites. L’épuisement des ressources naturelles tant redouté dès le début du 19ème siècle n’est pas advenu au cours des deux cents ans qui ont suivi. Comme ils le prédisaient, une partie de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles a été investie dans la recherche et le développement, permettant d’accroître considérablement notre capacité à exploiter la nature.</p>
<p>En revanche, si le levier de l’intensification a formidablement fonctionné, celui du « remplacement » a jusqu’à présent échoué. Comme le remarquent <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/histoire-techniques/energie-et-matieres-premieres-le-mythe-de-la-transition-23715.php">certains historiens de l’environnement</a>, loin de se substituer, les ressources nouvellement exploitées se sont en réalité toujours additionnées aux précédentes. Et rien ne prouve qu’une telle substitution puisse un jour advenir, en particulier concernant les énergies fossiles. Le nucléaire, que les économistes des années 1970 imaginaient pouvoir se substituer aux fossiles dans la première moitié du 21ème siècle, ne représente que <a href="https://ourworldindata.org/energy-overview">4 % de l’énergie primaire consommée dans le monde, et sa part baisse depuis une trentaine d’années</a>.</p>
<p>Enfin, le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite. En intensifiant la production des ressources naturelles, la civilisation industrielle a généré des flux de matière et d’énergie qui se sont souvent avérés très supérieurs à ce que les écosystèmes pouvaient assimiler. Le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans, l’omniprésence des polluants toxiques dans notre environnement, le bouleversement des cycles biogéochimiques sont autant de conséquences directes de l’intensification de l’exploitation de la nature.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">La Terre à l’époque de l’anthropocène : comment en est-on arrivé là ? Peut-on en limiter les dégâts ?</a>
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<hr>
<p>Or, pour faire face au défi sans précédent posé par ces nouvelles <a href="https://theconversation.com/jusqua-quand-pourrons-nous-depasser-les-limites-planetaires-183781">limites planétaires</a>, les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique. La substitution consisterait cette fois-ci à réparer ou remplacer des services écologiques que la nature ne parvient plus à maintenir. Qu’il s’agisse de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/des-mini-drones-pollinisateurs-a-la-rescousse-des-abeilles_110479">remplacer les insectes polinisateurs par des robots</a>, <a href="https://climate-intervention-research-letter.org/">d’opacifier l’atmosphère pour contrebalancer le réchauffement climatique</a> ou encore de <a href="https://www.newscientist.com/article/2336018-most-major-carbon-capture-and-storage-projects-havent-met-targets/">capter le carbone atmosphérique afin de le réinjecter dans la lithosphère</a>, les cornucopiens ne manquent pas d’idées. Même si, jusqu’à présent, elles restent très hypothétiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant que sur 9 variables du système Terre monitorées, au moinssur les 9 variables du système Terre, 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire." src="https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=505&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541965/original/file-20230809-30-99vked.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=635&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">Stockholm Resilience Centre,</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une nouvelle forme de « conservatisme technologique » ?</h2>
<p>A l’heure de l’urgence écologique et climatique, la pensée cornucopienne est-elle encore pertinente ? On peut en douter. Mais alors, pourquoi est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?</p>
<p>Peut-être tout simplement parce que la pensée cornucopienne a ce mérite immense : en prétendant prolonger la domination de l’humain sur la nature grâce à la technologie, elle permet à ses défenseurs de ne pas débattre des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques qui permettraient de nous réconcilier avec les limites planétaires. Cet optimisme technologique est d’ailleurs l’une des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/global-sustainability/article/discourses-of-climate-delay/7B11B722E3E3454BB6212378E32985A7">douze excuses listées par l’Université de Cambridge</a> pour repousser à plus tard l’action face au dérèglement climatique. Pour paraphraser et détourner un <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2010-3-page-47.htm">slogan écologiste</a>, il semble bien que le plus important pour les cornucopiens soit en effet là : « ne pas changer le système, quitte à changer le climat ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Natacha Gondran est membre de la composante Mines Saint-Etienne de l'UMR 5600 Environnement Ville Société. Ses travaux de recherche peuvent recevoir des financements de différentes organisations publiques et privées. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélien Boutaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Convaincus de la possibilité d'une croissance infinie dans un monde fini les cornucopiens
considèrent que l'intelligence humaine et les innovations technologiques pourront palier la rareté des ressources et le dérèglement climatique.Aurélien Boutaud, Chercheur associé à l'UMR 5600 EVS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Natacha Gondran, Professeur en évaluation environnementale, UMR 5600 Environnement Ville Société, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087062023-07-02T16:11:43Z2023-07-02T16:11:43ZMalgré la hausse des taux, le crédit ne se tarit pas (encore) en France<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>, qui s’est invitée durablement dans nos vies depuis la sortie de la crise sanitaire et a été aggravée par la guerre en Ukraine, a amené les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires pour tenter de la contenir. En zone euro, face à un taux d’inflation annuel <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/16965667/2-16062023-AP-FR.pdf/5d7f5b61-fada-fae6-533c-5e888540c845">à 6,1 % en mai 2023</a>, en baisse mais encore très éloigné de l’objectif de 2 %, les hausses de taux directeurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE) se sont ainsi enchaînées à un rythme effréné, avec huit augmentations consécutives depuis juillet 2022. Sur cette période, le principal taux de la BCE est passé de 0 à 4 % depuis début juin.</p>
<p><iframe id="UbdDO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UbdDO/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces taux directeurs désignent les taux auxquels la banque centrale prête aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banques commerciales</a> lorsqu’elles demandent des financements pour leurs clients. Cette hausse est donc répercutée sur le coût du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/credit-62431">crédit</a>, le rendant moins accessible aux agents économiques, ce qui peut entraver leur activité et leurs projets d’investissement. En bout de chaîne, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance économique</a> risque de s’en trouver affectée.</p>
<h2>Un ralentissement moins marqué en France</h2>
<p>La dernière enquête de la BCE sur les prêts bancaires, publiée en mai 2023, montre que ce relèvement des taux directeurs commence à peser significativement sur la demande de crédits, tant pour les entreprises que les ménages, dans l’ensemble de la zone euro.</p>
<p><iframe id="x2zOb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/x2zOb/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="p5ymL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p5ymL/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien qu’ils restent inférieurs à la moyenne de la zone euro, les taux d’intérêt des crédits accordés aux entreprises en France ont en effet sensiblement progressé, passant pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 1,42 % à fin décembre 2021 à 4 % en avril 2023.</p>
<p><iframe id="JjOpW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JjOpW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la croissance des crédits bancaires aux entreprises continue d’être soutenue en France et parmi les plus dynamiques de la zone euro, elle montre donc un net ralentissement : l’encours progresse de 5,3 % sur un an en avril, contre 7,4 % en décembre 2022.</p>
<p><iframe id="CGWTi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CGWTi/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, en dépit d’un durcissement des conditions de financement, le taux d’obtention de crédits se maintient à un niveau élevé. L’enquête trimestrielle de la Banque de France auprès d’entreprises sur leur accès au financement bancaire montre qu’au premier trimestre 2023, 96 % des PME ont obtenu en totalité ou à plus de 75 % des crédits d’investissement demandés et 86 % les crédits de trésorerie souhaités.</p>
<p><iframe id="0lHx3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0lHx3/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour les particuliers, la hausse des taux des crédits immobiliers s’élève à 2,22 points sur la période décembre 2021 – avril 2023.</p>
<p><iframe id="TT8gB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TT8gB/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Face à cette tendance, la baisse de la production des nouveaux crédits à l’habitat reste relativement limitée : elle atteint encore 15 milliards d’euros en avril 2023, après des moyennes mensuelles de plus de 20 milliards d’euros depuis 2019.</p>
<p><iframe id="Ao68j" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Ao68j/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans ce contexte, les autorités commencent à procéder à de premiers ajustements d’ordre technique.</p>
<h2>Critères assouplis</h2>
<p>Depuis le début de l’année, la <a href="https://www.journaldunet.com/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1500063-taux-d-usure-les-plafonds-pour-emprunter-en-avril-2023/">revalorisation mensuelle et non plus trimestrielle</a> du taux d’usure calculé par la Banque de France, qui correspond au taux d’intérêt maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt, permet d’ajuster plus rapidement les taux et de fluidifier la production de crédit.</p>
<p>De son côté, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), l’autorité macroprudentielle française, a ajusté le 13 juin à la marge les <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/hcsf/HCSF_20230613_CP.pdf">critères d’octroi du crédit immobilier</a> qui s’imposent à tous les prêteurs depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022. Les règles limitent le taux d’effort des emprunteurs à 35 % et la durée des prêts à 25 ans, avec une marge de flexibilité, c’est-à-dire la possibilité pour les prêteurs de déroger à ces règles sur un maximum de 20 % de la production trimestrielle de crédit <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a>.</p>
<p>Désormais, le Haut conseil demande au superviseur, en l’occurrence l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de pas engager de procédure contre un établissement en cas de dépassement, sur un trimestre, de ce seuil maximum de flexibilité de 20 %, mais d’attendre les deux trimestres suivants pour apprécier la conformité de la politique de crédit.</p>
<h2>Achever l’Union des marchés des capitaux ?</h2>
<p>Ces mesures reposent sur le lien théorique entre évolution de la demande de crédit et la croissance économique. En effet, si le financement peut soutenir l’activité économique, la croissance augmente elle aussi à son tour les besoins à financer (l’investissement et la consommation), améliore la solvabilité des agences économiques et accroît la demande de crédit. L’estimation empirique n’est pourtant pas aisée. Pour certains économistes, une expansion du crédit augmente en effet aussi l’endettement, ce qui affaiblit les institutions financières et <a href="https://www.jstor.org/stable/2729790">peut aboutir à une importante récession économique</a>.</p>
<p>Au-delà de ces enjeux de croissance, un tarissement du crédit compliquerait les réponses urgentes à apporter aux défis actuels. La transformation verte ou encore le vieillissement de nos sociétés nécessitent par exemple des investissements massifs, avec des financements essentiellement privés. Ce contexte pourrait inciter à finaliser le projet européen <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/capital-markets-union/">d’Union des marchés de capitaux</a>, lancée par la Commission européenne en 2015 pour ouvrir l’accès des entreprises aux financements et compléter l’offre bancaire existante.</p>
<p>C’est grâce au développement d’une base solide d’investisseurs européens que la résilience des marchés financiers augmentera en cas de ralentissement ou de crise du financement bancaire. Il s’agit donc ici d’un véritable enjeu de souveraineté et de stabilité financière pour l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Waxin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des mesures ont été prises pour que les entreprises et les particuliers puissent continuer à se financer auprès des banques et qu’un assèchement des financements ne provoque pas une récession.Timothée Waxin, Responsable du département Finance, Data & Performance, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065232023-06-01T10:42:43Z2023-06-01T10:42:43ZLa Terre à l’époque de l’anthropocène : comment en est-on arrivé là ? Peut-on en limiter les dégâts ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529471/original/file-20230531-21796-ooshjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un monde aux ressources finies, les effets des activités humaines sur l’environnement hypothèquent gravement le futur des générations à venir. </span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En 2000, <a href="http://www.igbp.net/publications/globalchangemagazine/globalchangemagazine/globalchangenewslettersno4159.5.5831d9ad13275d51c098000309.html">deux scientifiques</a> proposèrent pour la première fois l’hypothèse que l’époque de l’Holocène, amorcée il y a 11 700 ans, était révolue.</p>
<p>L’emprise de l’humanité sur le système terrestre serait devenue si profonde qu’elle rivaliserait avec certaines des grandes forces de la nature, au point d’avoir fait bifurquer la trajectoire géologique et écologique de la Terre.</p>
<p>Il faudrait désormais utiliser le terme d’<em>anthropocène</em> pour désigner avec plus de justesse l’époque géologique actuelle. Cette annonce <a href="https://theconversation.com/sortir-du-capitalisme-condition-necessaire-mais-non-suffisante-face-a-la-crise-ecologique-193568">a ouvert des débats considérables</a>.</p>
<h2>La machine à vapeur comme marqueur clé</h2>
<p>Parmi les nombreuses polémiques soulevées par ce nouveau concept, la plus évidente porte encore aujourd’hui sur la date du début de l’anthropocène.</p>
<p>La proposition initiale portait symboliquement sur 1784, l’année du dépôt du brevet de James Watt pour sa machine à vapeur, véritable emblème de l’amorce de la révolution industrielle. Ce choix coïncide en effet avec l’augmentation significative des concentrations atmosphériques de plusieurs gaz à effet de serre, comme en témoignent les données extraites des carottes de glace.</p>
<hr>
<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/bientot-sur-la-terre">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://player.ausha.co/index.html?showId=oZwgYF0xqdKE&color=%2350d819&v=3&playerId=ausha-6ilQ" width="100%"></iframe>
<hr>
<p>Des chercheurs d’autres disciplines, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213305414000265">archéologie</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213305413000052">archéobiologie</a> en l’occurrence, avancèrent ensuite l’idée que l’anthropocène et l’Holocène devraient être considérés comme une même époque géologique.</p>
<p>Dans la perspective de ces disciplines, c’est la fin de la dernière période glaciaire, il y a plus de 10 000 ans, qui aurait favorisé une augmentation sans précédent de la population humaine (grâce à l’apparition progressive de l’agriculture) et, donc, l’émergence de son rôle de force géoécologique.</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379120303486">autre approche</a> défend une idée assez similaire, mais en ajoutant quelques milliers d’années à la date du début de l’anthropocène. Il aurait fallu attendre que la domestication des plantes et des animaux soit suffisamment développée pour que les répercussions environnementales des sociétés agraires – en particulier les rejets de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) dus à la déforestation – soient assez importantes pour faire sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>La « Grande Accélération » des années 1950</h2>
<p>À l’opposé, certains membres de la communauté scientifique penchent pour une date plus récente que celle initialement avancée.</p>
<p>La course de l’humanité semble en effet suivre dans sa partie la plus contemporaine une trajectoire particulière qu’on a qualifiée de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2053019614564785">« Grande Accélération »</a>. C’est autour de 1950 que les principaux indicateurs du système socioéconomique mondial et du système Terre se sont mis à avoir une tendance réellement exponentielle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"855017191426719744"}"></div></p>
<p>L’empreinte écologique de l’humanité prend des formes diverses <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">et interconnectées</a> qui ne cessent de s’aggraver depuis cette date : une modification du climat sans précédent, par sa vitesse et son intensité ; une dégradation généralisée du tissu de la vie, par l’artificialisation des écosystèmes et les rejets de substances entièrement nouvelles (comme les produits de la chimie de synthèse, les plastiques, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les radionucléides et les gaz fluorés) ; un effondrement de la biodiversité d’une ampleur et d’une rapidité inédites (signe pour certains d’une sixième grande extinction, la cinquième étant celle qui vit disparaître les dinosaures, il y a 66 millions d’années) ; et de multiples perturbations des cycles biogéochimiques (notamment ceux de l’eau, de l’azote et du phosphore).</p>
<h2>À qui la faute ?</h2>
<p>En parallèle avec cette question sur la date du début de l’anthropocène, d’autres débats ont émergé autour de ce concept. Le plus important a été porté par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2053019613516291">Andreas Malm et Alf Hornborg</a>, tous deux membres du département de géographie humaine de l’Université de Lund (Suède).</p>
<p>Ces deux chercheurs ont remarqué que le concept d’anthropocène suggère que <em>toute</em> l’espèce humaine serait responsable des bouleversements planétaires. C’est pour cette raison que de nombreux auteurs ont tendance, même lorsqu’ils font remonter l’anthropocène au moment du décollage industriel de quelques nations, à affirmer que la cause ultime de l’émergence de sociétés reposant sur les énergies fossiles correspondrait à un processus évolutif long, donc naturel, qui aurait commencé avec la maîtrise du feu par nos ancêtres (il y a au moins 400 000 ans).</p>
<p>Malm et Hornborg affirment que parler de l’anthropocène en utilisant des catégories généralisantes, comme « l’espèce humaine », « les humains » ou « l’humanité », revient à naturaliser ce phénomène, c’est-à-dire à supposer qu’il était inéluctable, car découlant d’une propension naturelle de notre espèce à exploiter un maximum de ressources dès qu’elle en a l’occasion.</p>
<p>Pour les deux chercheurs, cette naturalisation occulte la dimension sociale du régime fossile des 200 dernières années.</p>
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<p>L’adoption de la machine à vapeur alimentée par le charbon, puis des technologies reposant sur le pétrole et le gaz, n’a pas été réalisée à la suite d’une décision unanime de tous les membres de l’humanité, et ce ne sont pas non plus quelques représentants de cette dernière – qui auraient été élus sur la base de caractéristiques naturelles – qui ont décidé de la trajectoire empruntée par notre espèce.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’exploitation des énergies fossiles émet du CO₂, première cause du réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/GrmwVnVSSdU">Zbynek Burival/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Malm et Hornborg, ce sont au contraire des conditions sociales et politiques particulières qui ont, chaque fois, créé la possibilité d’un investissement lucratif pour quelques détenteurs de capitaux, quasi systématiquement des hommes blancs, bourgeois ou aristocrates.</p>
<p>Par exemple, la possibilité d’exploiter les travailleurs britanniques dans les mines de charbon a été déterminante dans le cas de la machine à vapeur aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles ; tout comme le soutien de plusieurs gouvernements occidentaux l’a été en ce qui concerne la mise en place des infrastructures nécessaires à l’exploitation du pétrole depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Qui émet quoi ?</h2>
<p>L’anthropocène perçu à l’échelle de la totalité de l’humanité occulte un autre fait majeur : l’inégalité intraespèce dans la responsabilité des bouleversements climatiques et écologiques.</p>
<p>À l’heure actuelle, parmi tous les habitants du monde, les <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-022-00955-z">10 % qui émettent le plus de gaz à effet de serre (GES) sont responsables de 48 % du total des émissions mondiales</a>, alors que les 50 % qui en émettent le moins sont responsables d’à peine 12 % des émissions globales. Parmi les plus gros émetteurs individuels de la planète, les estimations mettent en avant le <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf">1 % le plus riche</a> (composé majoritairement d’Américains, de Luxembourgeois, de Singapouriens, de Saoudiens, etc.), avec des émissions par personne supérieures à 200 tonnes d’équivalent CO<sub>2</sub> par année.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre des émetteurs, on trouve les individus les plus pauvres du Honduras, du Mozambique, du Rwanda et du Malawi, avec des émissions 2000 fois plus faibles, proches de 0,1 tonne d’équivalent CO<sub>2</sub> par personne et par an.</p>
<p>Ce lien étroit entre richesse et empreinte carbone implique une responsabilité commune, mais différenciée, qui sied mal à la catégorisation englobante de l’anthropocène.</p>
<h2>L’Empire britannique et le charbon, les États-Unis et le pétrole</h2>
<p>Par ailleurs, cette critique prend encore plus de sens dans une perspective historique puisque le dérèglement climatique dépend du <em>cumul</em> des émissions de GES. À titre d’exemple, on peut se dire que le Royaume-Uni n’a pas à être à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique, car il ne représente actuellement qu’environ 1 % des émissions mondiales de carbone… C’est oublier un peu vite que ce pays a contribué à 4,5 % des émissions globales depuis 1850, ce qui le place au <a href="https://www.carbonbrief.org/analysis-which-countries-are-historically-responsible-for-climate-change/">huitième rang des plus gros pollueurs de l’histoire</a>.</p>
<p>Les nations du monde, et les individus au sein de chacune d’entre elles, n’ont pas contribué de façon équivalente à la trajectoire exponentielle du système Terre depuis 200 ans. L’Europe et l’Amérique du Nord sont historiquement les régions les plus polluantes de l’histoire. Le Royaume-Uni et les États-Unis, chefs d’orchestre respectifs du développement économique mondialisé du XIX<sup>e</sup> et du XX<sup>e</sup> siècle, ont une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(20)30196-0/fulltext">dette écologique</a> particulièrement colossale envers les autres nations. Le charbon a été le carburant du projet de domination impériale britannique, alors que c’est le pétrole qui a joué ce rôle pour les États-Unis.</p>
<h2>Une question de survie ou pas</h2>
<p>Pour garder les idées claires sur ce sujet épineux de la contribution historique de chaque nation à la dérive climatique, il peut être avisé de toujours garder en tête que les émissions de GES, et plus généralement l’empreinte environnementale d’un pays ou d’une personne donnée, sont déterminées au premier ordre par leur niveau de consommation de biens et de services.</p>
<p>Habiter dans un pays riche et penser être « écolo » n’a généralement aucun rapport avec la réalité. De plus, toutes les données quantitatives en notre possession ne disent rien de la nécessité vitale – ou, au contraire, de la futilité la plus extrême – à l’origine de l’émission d’un même kilogramme de dioxyde de carbone !</p>
<p>Pour certains, émettre un peu plus de gaz à effet de serre est une question de survie : cela peut représenter une ration de riz ou l’installation d’une toiture. Pour d’autres, il ne s’agit que d’acheter un gadget de plus pour se divertir quelques heures. À ceux qui avancent qu’il faudrait réduire la taille de la population mondiale pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique (et toutes les autres perturbations environnementales), on répondra qu’il suffirait plutôt d’empêcher les plus riches de continuer de mener leur train de vie indécent et climaticide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yachts dans le port Cannes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/614085">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Parce qu’il fabrique une humanité abstraite qui est uniformément concernée, le discours dominant sur l’anthropocène suggère une responsabilité tout aussi uniformisée. Les Yanomami et les Achuar d’Amazonie, qui vivent sans recourir à un gramme d’énergie fossile et se contentent de ce qu’ils retirent de la chasse, de la pêche, de la cueillette et d’une agriculture vivrière, devraient-ils donc se sentir aussi responsables du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité que les plus riches industriels, banquiers et autres avocats d’affaires ?</p>
<p>Si la Terre est vraiment entrée dans une nouvelle époque géologique, les responsabilités de chaque nation et de chaque individu sont trop différentes dans l’espace et dans le temps pour qu’on puisse considérer que « l’espèce humaine » est une abstraction satisfaisante pour endosser le fardeau de la culpabilité.</p>
<p>Au-delà de ces nombreux débats et controverses, le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité réclament des actions massives, concrètes, sans délai. Les efforts et les initiatives, dont certaines conduites à un niveau global, ne semblent pas manquer… Mais lesquelles fonctionnent véritablement ?</p>
<h2>Quelle efficacité réelle pour l’Accord de Paris ?</h2>
<p>Prenons par exemple la 21<sup>e</sup> Conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, qui s’est tenue à Paris en 2015.</p>
<p>Celle-ci a débouché sur un accord qualifié d’historique puisque, pour la première fois, 196 pays se sont engagés à décarboner l’économie mondiale. En pratique, cet accord laisse à chaque État le soin de définir sa stratégie nationale de transition énergétique. Chaque pays membre doit ensuite présenter aux autres signataires sa « contribution déterminée au niveau national » (CDN). L’addition des CDN forme la trajectoire attendue des émissions mondiales de gaz à effet de serre.</p>
<p>Le problème d’une telle stratégie (si tant est qu’elle soit effectivement appliquée), c’est que le compte n’y est pas : même si toutes les promesses annoncées étaient réalisées, les émissions de GES d’origine humaine nous conduiraient à un réchauffement climatique d’environ 2,7 °C d’ici la fin du siècle.</p>
<p>En 2030, il y aura déjà un <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/40932/EGR2022_ESFR.pdf">écart de 12 milliards de tonnes d’équivalent CO₂ par an (Gtéq-CO₂/an) par rapport au plafond requis pour limiter la hausse des températures à 2 °C</a>. Cet écart grimpe à 20 Gtéq-CO<sub>2</sub>/an si on considère un réchauffement maximal de 1,5 °C.</p>
<p>Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, les États peuvent théoriquement amender leurs engagements tous les cinq ans pour renforcer leurs ambitions. Dans les faits, rappelons que les émissions continuent d’augmenter pour quasiment tous les pays signataires (lorsqu’elles sont comptabilisées selon la consommation et non selon la production).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Laurent Fabius acte l’adoption de l’accord de Paris, lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cop Paris/Flickr</span></span>
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<p>Comment pourrait-il en être autrement puisque l’Accord de Paris n’incorpore aucun mécanisme de sanction pour les États qui ne respectent pas leurs engagements ? Seule la pression internationale et populaire est censée les contraindre. Mais quel intérêt peut avoir une stratégie de dénonciation si tous les acteurs sont en faute ?</p>
<p>Bien que l’Accord de Paris ait été présenté comme un succès diplomatique, il faut bien admettre qu’il constitue une coquille vide de plus dans la grande liste des engagements inefficaces pour lutter contre le dérèglement climatique. On aurait d’ailleurs pu s’en douter dès la ratification de ce texte puisque les mots « énergie fossile » n’y apparaissent pas une seule fois… Tout a donc été fait pour ne froisser aucun acteur (public ou privé) et pour qu’ainsi un maximum d’États en viennent à signer un accord qui n’apportera aucune solution au problème le plus urgent de l’humanité.</p>
<p>Arriver à se féliciter du contenu de l’Accord de Paris comme l’ont fait de nombreux représentants politiques montre à quel point ces derniers – et les médias relayant complaisamment leurs idées – n’ont pas du tout saisi l’ampleur du problème.</p>
<p>Au moment de la signature de l’accord en 2015, le volume cumulé de CO<sub>2</sub> que l’humanité pouvait se permettre d’émettre pour conserver une chance raisonnable de limiter le réchauffement climatique à 2 °C n’était plus que de 1000 Gt. Compte tenu des émissions des cinq dernières années, ce <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa98c9">budget carbone</a> n’est déjà plus que de 800 Gt. Cela correspond donc au tiers des 2420 Gt de CO<sub>2</sub> émises jusqu’à présent, de 1850 à 2020, dont 1680 Gt par la combustion des énergies fossiles (et la production de ciment) et 740 Gt par l’usage des sols (principalement la déforestation).</p>
<p>Et à raison d’environ 40 Gt d’émissions annuelles, ce budget carbone se réduit comme peau de chagrin : il sera épuisé d’ici 20 ans si rien ne change.</p>
<h2>La solution par un traité de non-prolifération des énergies fossiles ?</h2>
<p>Pour atteindre ces objectifs de réduction, les humains, et en particulier les plus riches d’entre eux, doivent consentir à ne plus utiliser ce qui a historiquement représenté la source de leur opulence matérielle.</p>
<p>Les réserves de combustibles fossiles correspondent en effet à des émissions potentielles colossales : au niveau mondial, un <a href="https://www.nature.com/articles/nature14016">tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % des réserves de charbon</a> doivent rester inutilisés. Dans ce cadre, l’augmentation de la production d’hydrocarbures, que ce soit au travers de mines de charbon ou de gisements de pétroles et de gaz déjà connus, ou par l’exploitation de nouvelles ressources fossiles (par exemple en Arctique), vont à contresens des efforts nécessaires pour limiter le dérèglement du climat.</p>
<p>Par ailleurs, plus nous retardons le moment où nous amorcerons réellement la décarbonation de l’économie mondiale, <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2017/12/note_danalyse_les_indc_et_le_budget_carbone_the_shift_project_0.pdf">plus les efforts nécessaires deviendront draconiens</a>. Si la réduction des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> avait été engagée en 2018, l’humanité aurait pu se contenter d’une baisse annuelle de 5 % jusqu’en 2100 pour limiter le réchauffement à 2 °C. Amorcer ce travail colossal en 2020 aurait demandé une réduction annuelle de 6 %. Patienter jusqu’en 2025, c’est s’obliger à une réduction de 10 % par an.</p>
<p>Face à l’urgence, certains en appellent depuis quelques années à un <a href="https://fossilfueltreaty.org/cop27">traité de non-prolifération des combustibles fossiles</a>.</p>
<p>Il « suffirait », en somme, que tout le monde s’engage à ne plus utiliser ce qui active l’économie mondiale depuis 150 ans !</p>
<p>À ce jour, seuls les pays insulaires les plus vulnérables (comme le Vanuatu, les Fidji ou encore les îles Salomon) ont signé ce traité, pas les pays producteurs d’hydrocarbures ni les grands pays importateurs. Il est facile de comprendre pourquoi : cette initiative ne comporte aucun mécanisme financier pour compenser les gouvernements détenteurs de ressources d’hydrocarbures qui accepteraient de laisser sous leurs pieds ce PIB potentiel.</p>
<p>Or, pour que les réserves de combustibles fossiles ne soient pas exploitées, c’est bien une compensation de ce type qu’il faudrait mettre en place pour qu’un accord international puisse aboutir à des résultats significatifs.</p>
<h2>La finance, cet acteur clé</h2>
<p>Alors, tout est foutu ? Pas forcément !</p>
<p>Une <a href="https://hbswk.hbs.edu/item/what-happens-when-banks-divest-from-coal-climate-change">étude</a> a récemment apporté une lueur d’espoir. Deux chercheurs de la <em>Harvard Business School</em> ont montré que le choix de certaines banques de ne plus investir dans le secteur du charbon semble porter leurs fruits.</p>
<p>Les données étudiées (de 2009 à 2021), montrent que les entreprises charbonnières confrontées à de fortes politiques de désinvestissement de la part de leurs bailleurs de fonds réduisent leurs emprunts d’un quart par rapport à leurs homologues non affectés. Ce rationnement du capital semble bien entraîner une réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, car les entreprises « désinvesties » sont plus susceptibles de fermer certaines de leurs installations.</p>
<p>Pourrait-on envisager la même approche avec le secteur du pétrole et du gaz ? En théorie, oui, mais cela serait plus difficile à mettre en œuvre.</p>
<p>Les acteurs du charbon disposent d’un nombre limité d’options pour obtenir un financement alternatif de leur dette si une source existante disparaît. En effet, le nombre de banques qui facilitent les transactions liées au charbon est si faible – et les relations si profondément ancrées – que, par défaut, les banquiers exercent une grande influence sur ce qui est financé dans ce secteur. Ce n’est pas le cas dans le secteur du pétrole et du gaz, où les possibilités de financement sont plus diversifiées. Néanmoins, tout cela montre que le secteur de la finance a bel et bien un rôle à jouer dans la transition bas carbone.</p>
<p>Mais croire que le secteur financier va rediriger l’économie mondiale vers une voie plus écologique, comme par enchantement, serait un leurre.</p>
<p>Le capitalisme impose un impératif de croissance qui n’a tout simplement aucun sens dans un monde aux ressources finies. Ne plus dépasser les <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">limites écologiques du système Terre</a> demande de redéfinir entièrement <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ce_a_quoi_nous_tenons-9782348054792">ce à quoi nous tenons</a> et ce à quoi nous sommes prêts à <a href="https://www.editionsdivergences.com/livre/politiser-le-renoncement">renoncer</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme <a href="https://ejc.net/news/the-second-group-selected-in-the-solutions-journalism-accelerator-programme">« Solutions Journalism Accelerator »</a> soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>L’empreinte écologique de l’humanité prend des formes diverses et interconnectées qui ne cessent de s’aggraver.Victor Court, Économiste, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056172023-05-16T18:40:41Z2023-05-16T18:40:41ZCroissance chinoise : les chaînes de valeur dynamisent les voisins asiatiques<p>Avec sa réouverture post-Covid, la <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">Chine</a> connaît une période de reprise économique soutenue. Les dernières projections de croissance de l’Asian Development Bank Institute (ADBI) sont de 5 % pour 2023, 4,5 % pour 2024, après 3 % en 2022, 8,4 % en 2021 et 2,3 % en 2020. Dans son dernier <a href="https://www.adb.org/outlook">rapport <em>Asian Development Outlook</em></a> publié en avril, le think tank asiatique indique que l’économie de l’empire du Milieu devrait entraîner avec elle la <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">croissance</a> régionale à travers la demande de biens et de services, autant qu’à travers les <a href="https://theconversation.com/topics/chaines-dapprovisionnement-85385">chaînes d’approvisionnement</a> mondiales ou <em>global value chains</em> (GVCs). En <a href="https://theconversation.com/topics/asie-22182">Asie</a>, 40 % des exportations (chiffre de 2015) sont liés à ces circuits. Cela fait de la région l’aire géographique la plus intégrée après l’Europe.</p>
<p>La mondialisation du commerce s’est traduite, depuis des décennies, par la fragmentation de la production des biens en différentes tâches, réalisées dans divers pays. Un pays va produire des biens intermédiaires qui seront ensuite utilisés par d’autres pays où ils seront améliorés ou assemblés pour aboutir au bien final. À chaque étape de la production, un pays apporte de la valeur au bien, jusqu’à ce qu’il soit mis à disposition des consommateurs.</p>
<p>Plusieurs données sont habituellement produites, notamment par l’<a href="https://www.oecd.org/fr/industrie/ind/mesurerlecommerceenvaleurajoutee.htm">Organisation de coopération et de développement économiques</a> (OCDE), pour mesurer l’implication d’un pays dans la chaîne de valeur mondiale d’un bien. La participation amont (<em>backward</em>) d’un pays aux GVCs mesure la part de la valeur ajoutée étrangère, soit des produits intermédiaires étrangers importés, dans les exportations du pays. Elle peut se décomposer selon l’origine géographique de la valeur ajoutée. La participation aval (<em>forward</em>), quant à elle, mesure la part de la valeur ajoutée locale dans les exportations d’un pays tiers.</p>
<p>Ce processus de production a beaucoup bénéficié aux pays émergents, notamment en Asie. Ils se sont spécialisés dans des tâches à forte intensité de main-d’œuvre depuis les années 1990, en parallèle de la signature d’accords de libre-échange dans la région. Ce que l’on observe est que tous les pays de notre échantillon voient leur participation amont avec la Chine augmenter depuis les années 2000, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’avenir.</p>
<h2>Chaînes de valeur, chaînes de transmission</h2>
<p>Les pays asiatiques affichent la plus forte participation amont avec la Chine, aux côtés d’autres grands pays émergents comme l’Afrique du Sud ou le Mexique : la teneur en produits intermédiaires provenant de Chine est particulièrement élevée dans leurs exportations. Les pays asiatiques ont aussi une participation aval importante, tout comme l’Afrique du Sud et certains pays d’Amérique latine. La teneur en intrants de ces pays dans les exportations de la Chine est la plus forte parmi les pays de notre échantillon.</p>
<p><iframe id="GNnxX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GNnxX/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="UtNX2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UtNX2/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La plupart des pays émergents sont ainsi très intégrés aux chaînes de valeur avec la Chine. Pour les pays émergents d’Asie, cela s’apparente à des chaînes de valeur régionales. Cela implique une forme de dépendance.</p>
<p>Une <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=91">étude récente</a> des économistes Adrian Mendoza et James Villafuerta, toujours pour l’<em>Asian Development Bank Institute</em>, décrit leurs calculs des effets de report (<em>spillovers</em> en anglais) sur les dix pays membres de l’<a href="https://asean.org/">Association des nations de l’Asie du Sud-Est</a> (Asean) de chocs provenant de leurs principaux partenaires dans les GVCs. Ils observent que la sensibilité aux chocs américains a baissé durant la décennie 2000 quand celle touchant aux événements sur le marché chinois s’est accentuée. Un choc positif de 1 % sur la production chinoise avait un impact de 1,7 % sur celle de l’Asean en 2000, de 4,9 % en 2010 et de 6,3 % en 2020.</p>
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<p>Une <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=94">autre de leur analyse</a> montre que le commerce de l’Asean lié aux GVCs a augmenté de 27,8 % en 2021. Cette forte hausse incombe pour les auteurs à la reprise de la croissance chinoise. La Chine est ainsi devenue la source de chocs positifs la plus importante pour ces pays, mettant alors en valeur le rôle des chaînes de valeur régionales plutôt que mondiales.</p>
<p>À l’inverse, sans pouvoir encore le quantifier sur les pays de l’Asean, les auteurs indiquent que la transmission du choc de la pandémie liée au coronavirus a été amplifiée pour les pays participants aux GVCs.</p>
<p><iframe id="6ps8g" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6ps8g/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les confinements sont intervenus dans les trois grandes zones au centre du système : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie avec une très forte intensité en Chine. Dans les pays durement touchés par le Covid-19, la baisse de la demande en bien final ou en intrants intermédiaires a affecté les producteurs locaux ainsi que leurs fournisseurs nationaux et étrangers. Cela a aussi augmenté le chômage et baissé les revenus et la croissance, générant en retour de nouvelles tensions sur les activités impliquées dans les GVCs. Les perturbations sur les transports, notamment maritimes, et leurs coûts, en ont exacerbé les premiers effets néfastes.</p>
<h2>Comment la reprise peut-elle être durable ?</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=23">article</a> paru au sein du même rapport, Mia Mikic, économiste spécialiste de la zone, propose un état des lieux des différents enjeux relatifs à la participation des pays émergents d’Asie dans le processus des chaînes de valeur pour garantir une implication durable, porteuse de croissance et de résilience.</p>
<p>Dans un contexte d’incertitude et de tensions commerciales, présent avant même la pandémie, elle considère que les pays doivent intensifier l’intégration régionale en Asie continentale, et plus largement encourager un régionalisme ouvert vers le Japon et les pays du Pacifique. Cela se ferait à travers des accords à l’image du Partenariat régional économique global (<a href="https://theconversation.com/la-chine-au-coeur-de-la-plus-grande-zone-de-libre-echange-de-la-planete-150313">RCEP</a>) qui unit quinze pays de la zone Asie-Pacifique.</p>
<p>Comme les découvertes techniques et scientifiques sont régulières et provoquent la montée en gamme des productions, par exemple dans l’électronique et l’automobile, secteurs dépendant des GVCs, l’avantage comparatif des pays émergents d’Asie sur des tâches à forte intensité de main-d’œuvre non qualifiée risque de diminuer. Les États et les entreprises doivent donc travailler à renouveler les compétences des travailleurs, à créer des emplois : dans l’Asean, <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=37">plus d’un emploi sur quatre</a> est lié aux GVCs. Cela passe aussi par la promotion de l’innovation.</p>
<p>Les investisseurs de long terme privilégiant de plus en plus les pays à croissance durable et verte, il sera aussi important que les entreprises des pays d’Asie « verdissent » ou « décarbonent » les chaînes de valeur pour répondre à ces attentes : par exemple, par la promotion du commerce de biens et de services respectueux de l’environnement, la numérisation des procédures de commerce et de transport ainsi que par l’augmentation des investissements dans les énergies renouvelables. Enfin, l’étude considère que les chaînes de valeur doivent être simplifiées et raccourcies, c’est-à-dire repensées pour intégrer moins de pays et des pays « environment-friendly ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Lahet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les liens entre la Chine et les pays d’Asie se sont renforcés ces dernières années et, avec eux, la dépendance de ces derniers aux chocs qui affectent l’empire du Milieu.Delphine Lahet, Professeur en sciences économiques, BSE, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042262023-05-01T17:14:40Z2023-05-01T17:14:40ZUne économie de guerre sera-t-elle nécessaire pour respecter l’Accord de Paris sur le climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quels impacts macroéconomiques peut-on anticiper dans la mise en œuvre des objectifs de l’accord de Paris&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">COP Paris / Flickr</span></span></figcaption></figure><p>Voilà maintenant 3 ans que la pandémie liée au coronavirus est venue bouleverser le monde. Depuis, nous avons connu en Occident des conditions macroéconomiques qui n’avaient plus été observées en plusieurs décennies. La reprise économique post-Covid et la désorganisation des chaînes de valeur ont engendré un déséquilibre entre offre et demande et une <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importante. À cela se sont ajoutées les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation. À ainsi été atteint un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-taux-d-inflation-en-europe/">taux d’inflation jamais vu en zone euro</a> depuis la création de la monnaie unique. En parallèle, de nombreux pays, à la tête desquels les États-Unis et le Royaume-Uni, ont connu une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/dec/04/why-are-so-many-people-leaving-the-workforce-amid-a-uk-cost-of-living-crisis">pénurie de travailleurs</a>, et on observe dans de nombreux pays européens une <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/totalenergies-maillon-faible/00104762">réémergence du conflit social</a> lié à la répartition des richesses entre travail et capital.</p>
<p>Et la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a> dans tout cela ? Et si au lieu de contribuer à apaiser ces tensions, celle-ci venait rajouter de l’huile sur le feu et renforçait les différentes dynamiques inflationnistes ? C’est ce qu’a étudié en détail notre collectif d’ingénieurs et d’économistes de l’UCLouvain, de l’Agence française de développement, du <em>Shift Project</em>, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Inria. Dans un <a href="https://authors.elsevier.com/sd/article/S0921-8009(23)00095-2">article</a> récemment publié dans la revue <em>Ecological Economics</em>, nous tentons de répondre à la question suivante : « quelles dynamiques macroéconomiques seraient engendrées par une transition énergétique mondiale rapide, compatible avec l’accord de Paris ? »</p>
<p>Alors que nombre d’économistes abordent cette question en parlant d’un « capital brun » qu’il faudrait remplacer par du « capital vert », notions relativement abstraites, nous avons pris soin de fonder notre modèle sur les caractéristiques techniques des énergies <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261919316551?via%3Dihub">solaire</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261917313673">éolienne</a> au niveau mondial pour déterminer de manière précise leur potentiel global.</p>
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<p>Ces deux types d’énergie seront vraisemblablement <a href="https://www.mdpi.com/1996-1073/13/21/5543">largement majoritaires</a> à l’avenir, quel que soit le mix énergétique décarboné envisagé. Le modèle que nous avons développé, baptisé Temple, représente de manière unifiée les interactions entre système énergétique, économie réelle et sphère financière. La nouveauté réside notamment dans l’utilisation de projections détaillées de l’évolution de différentes caractéristiques du système énergie-économie au cours de la transition. Sont ainsi incluses l’évolution des besoins en capital du secteur énergétique, fondée sur des calculs de Taux de Retour Énergétique (abrégé <a href="https://reporterre.net/La-dure-loi-de-l-Eroi-l-energie-va-devenir-plus-rare-et-plus-chere">EROI</a> en anglais), l’évolution de l’intensité énergétique des différents secteurs économiques et les changements démographiques globaux.</p>
<p>Temple permet donc de modéliser une économie mondiale qui, tout en continuant à croître, réaliserait une transition énergétique à marche forcée jusqu’à 2050. Il nous amène à six conclusions essentielles.</p>
<h2>Des besoins, de la croissance mais un effet d’éviction</h2>
<ul>
<li><p>La transition énergétique implique une multiplication par 10 des <strong>besoins en capitaux</strong> du secteur énergétique. Autrement dit, répondre à une demande énergétique mondiale donnée à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes, en prenant en compte les moyens de stockage d’énergie et le renforcement des réseaux associés, demande 10 fois plus de machines et d’équipement que leur équivalent en puits de pétrole, gaz, mines de charbon, centrales thermiques et réseaux actuels.</p></li>
<li><p>Du fait des investissements massifs dans le secteur énergétique, la transition induit un <strong>rebond de croissance économique</strong>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="ezlAX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ezlAX/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<ul>
<li>Contrairement à l’intuition keynésienne, les contraintes d’offre s’avèrent déterminantes dans la transition. Ce n’est pas la disponibilité physique en énergie renouvelable qui fait défaut, mais plutôt la capacité productive de l’économie. En d’autres termes, la demande en investissements dans le secteur énergétique est telle que l’appareil productif ne peut pas répondre à la fois à cette nouvelle demande et à la demande en biens de consommation des ménages. Un phénomène de <strong><em>crowding-out</em> de la production industrielle</strong> apparaît dès le début de la transition (en français, on parle d’effet d’éviction). Notons que Temple modélise aussi bien la sphère réelle que financière de l’économie : la contrainte soulignée ci-dessus concerne bien l’économie réelle, la transition ne semblant pas rencontrer d’obstacle majeur d’un point de vue financier.</li>
</ul>
<h2>Épargne, pénurie de travailleurs et inflation</h2>
<ul>
<li>Selon notre modèle, le <strong>taux d’investissement</strong> de l’économie mondiale (c’est-à-dire la fraction du PIB non dédiée à la consommation des ménages et du gouvernement) devrait augmenter de 26 % aujourd’hui à plus de 40 % au pic de la transition.</li>
</ul>
<p><iframe id="1K0Vo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1K0Vo/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une telle situation n’a plus été observée dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis. C’est dire que les simulations du modèle correspondent à une économie de guerre où la production de tanks, obus et bombardiers serait remplacée par celle de panneaux solaires, éoliennes et réseaux électriques. Tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les ménages seraient forcés d’épargner une partie significative de leur revenu, afin de contribuer au financement de ces investissements.</p>
<ul>
<li>Le dynamisme économique provoqué par la transition ne vient pas seulement saturer le capital productif, il cause aussi d’importantes <strong>tensions sur le marché du travail</strong>. Dans le scénario principal étudié avec Temple, le taux d’emploi augmente ainsi de 20 % entre aujourd’hui et 2050.</li>
</ul>
<p><iframe id="3Gh25" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Gh25/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme <a href="https://jwmason.org/slackwire/climate-policy-from-a-keynesian-perspective/">envisagé par J. W. Mason</a>, professeur d’économie au John Jay College de New York, cela induit une pénurie de travailleurs et augmente par-là considérablement leur pouvoir de négociation salariale. Un effet indirect d’une telle transition serait de faire ré-augmenter la part des salaires dans le PIB, de l’ordre de 10 points, alors que celle-ci <a href="https://academic.oup.com/cje/article-abstract/40/6/1517/2875714?redirectedFrom=fulltext">n’a cessé de diminuer depuis 40 ans</a> dans l’ensemble des économies occidentales.</p>
<ul>
<li>Enfin, la démultiplication des coûts en capitaux des entreprises énergétiques, le déséquilibre persistant entre demande en capital et biens de consommation d’une part, et production industrielle de l’autre, ainsi que l’augmentation des salaires, rendent la transition énergétique <strong>fortement inflationniste</strong>. Dans le scénario étudié avec Temple, on observe une inflation soutenue de 10 % en moyenne pour l’économie mondiale.</li>
</ul>
<p><iframe id="Mrld4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mrld4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un tel niveau d’inflation est similaire à ce qu’ont connu les pays de l’Union européenne dans les mois qui ont suivi l’invasion russe de l’Ukraine.</p>
<h2>Une nécessaire restructuration de l’économie en profondeur</h2>
<p>Bien sûr, un tel scénario de transition énergétique a peu de chances de se matérialiser en pratique, tant il implique de sacrifices. Les résultats présentés ci-dessus tranchent avec ce qui peut être observé aujourd’hui dans certains pays européens à la pointe de la transition énergétique tels que le Danemark, où celle-ci semble se dérouler comme un processus relativement fluide. Ces quelques pays ne sont cependant, dans l’absolu, encore qu’au début de la décarbonisation de leur système énergétique. De plus, les panneaux solaires et les éoliennes qui y sont installés sont principalement manufacturés dans d’autres pays, qui eux reposent sur un mix énergétique fossile : les contraintes de capacité productive sont donc invisibilisées.</p>
<p>Grâce à la combinaison des points de vue d’ingénieurs et d’économistes sur la transition, les simulations réalisées avec Temple permettent ainsi de mettre en lumière les fortes perturbations économiques qui seraient engendrées par une transition énergétique ambitieuse. Nous n’en concluons pas pour autant qu’un système énergétique 100 % renouvelable soit inatteignable. En effet, le scénario proposé ci-dessus peut être nuancé de diverses manières, notamment en questionnant la croissance de l’économie mondiale.</p>
<p>Notre but est plutôt de souligner la restructuration profonde de l’économie qu’implique une transition vers un système énergétique décarboné. Une telle transition est fortement inflationniste et fait réémerger au premier plan la question de la répartition de la richesse entre capital et travail. Elle requiert l’adoption de nouvelles formes de gouvernance écologique, à la fois pour gérer cette conflictualité sociale et pour assurer une bonne allocation du capital productif vers les secteurs clés de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Delannoy a reçu des financements de l'INRIA Grenoble. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Andrieu est financé par le think tank The Shift Project. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Jeanmart a reçu des financements de l'UCLouvain pour travailler sur cette thématique. Il a également reçu le prix Bauchau permettant de financer la suite des travaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Pierre Jacques est financé par Hervé Jeanmart grâce au prix Bauchau. Pierre Jacques est par ailleurs membre du think tank l'Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Godin et Sakir Devrim Yilmaz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Besoin en investissement, en travailleurs, conséquences sur la croissance et l’inflation : une équipe pluridisciplinaire a modélisé les conséquences sur l’économie réelle de la transition énergétique.Louis Delannoy, Doctorant en mathématiques appliquées, InriaAntoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Baptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Hervé Jeanmart, Professor, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Sakir Devrim Yilmaz, Modélisateur macroeconomique, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030252023-04-05T19:17:40Z2023-04-05T19:17:40ZPourquoi le système de retraite ne bénéficie-t-il pas aujourd’hui d’importantes réserves ?<p>La rencontre entre Élisabeth Borne et les représentants syndicaux, la première depuis la présentation de la <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> le 10 janvier, a tourné court ce mercredi 5 avril. À la veille de la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/transports-energie-ecoles-a-quoi-s-attendre-pour-la-greve-du-6-avril_AV-202304050385.html">onzième journée de mobilisation</a> contre le projet gouvernemental de relèvement de l’âge de départ de 62 à 64 ans, la Première ministre espérait un « apaisement ». La réunion aura été <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/direct-retraites-elisabeth-borne-doit-rencontrer-l-intersyndicale-qui-reclame-le-retrait-de-la-reforme_5753093.html">« inutile »</a> selon Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT. « Nous lui avons redit combien sa réforme était injuste et brutale », ajoute pour sa part Cyril Chabanier, président de la CFTC, qui prendra part aux défilés demain en attendant que l’intersyndicale soit reçue par <a href="https://theconversation.com/topics/emmanuel-macron-30514">Emmanuel Macron</a> une fois rendue la décision du Conseil Constitutionnel.</p>
<p>Au cours des dernières journées de manifestations, les syndicats ont pu se réjouir de la présence de plus en plus massive dans les cortèges de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/reforme-des-retraites-la-mobilisation-des-jeunes-se-durcit_5737799.html">lycéens, étudiants et jeunes actifs</a>. La retraite paraît pour eux bien lointaine, même hypothétique, craignent certains.</p>
<p>Semble en tout cas se dessiner pour eux un système de <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-retraite-sera-t-il-aussi-genereux-avec-les-generations-futures-quavec-les-retraites-actuels-202060">moins en moins généreux</a> par rapport à celui appliqué aux retraités actuels. Comment en est-on arrivé là ? Il ne s’agit pas ici de débattre de l’opportunité actuelle d’une réforme et de sa dimension ou non impérative. De nos <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2022-3-page-429.htm">recherches</a> émane un questionnement en particulier : pourquoi le régime n’est-il pas aujourd’hui doté de réserves importantes ?</p>
<p>Dans un système par répartition, les pensions des retraités actuels sont financées avec les cotisations payées par les travailleurs actuels. Le mécanisme, également appelé « pay as you go », s’avère ainsi, par construction, vulnérable aux chocs démographiques, qu’il s’agisse d’une baisse de la natalité ou de l’allongement de l’espérance de vie. Cela a justifié des réformes dans <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/reforme-des-retraites-qu-en-est-il-dans-les-autres-pays-europeens-339f2b50-a0ae-11ed-be8f-4d2939631a03">plusieurs pays d’Europe</a> ces dernières années.</p>
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<p>Il ne faudrait cependant pas confondre équilibre à chaque date et soutenabilité. Cette dernière est le critère essentiel. Le dispositif est dit soutenable si les ressources disponibles (les réserves et les cotisations actuelles et futures) sont suffisantes pour faire face aux engagements pris vis-à-vis des retraités actuels et futurs. Un système de retraite ne doit ainsi pas nécessairement présenter un équilibre financier chaque année. Il pourrait présenter des déficits dans les années ou décennies futures, à condition que le niveau actuel des réserves soit suffisant à satisfaire la condition de soutenabilité, c’est-à-dire, que le taux de croissance de l’endettement soit inférieur au taux d’intérêt.</p>
<p>Or, cette variable d’ajustement que sont les réserves semble bien avoir été oubliée par les politiques publiques.</p>
<h2>Considérer les bons indicateurs</h2>
<p>Le débat public se focalise généralement sur le taux de remplacement, c’est-à-dire le ratio entre la première retraite et le dernier salaire pour un individu. Ce n’est cependant pas la variable qui renseigne quant à la soutenabilité ou à l’équité d’un système. Il s’agit du taux de rendement implicite des cotisations (TRI).</p>
<p>Le TRI est le taux de rendement qui permet d’égaliser la valeur des cotisations versées avec les retraites perçues, en tenant compte de la probabilité de survie. Pour être équitable, le système de retraite devrait garantir le même TRI à tous les individus. Considérons deux individus qui ont exercé la même profession, cotisé exactement les mêmes montants pendant 40 ans, mais l’un entre 22 ans et 62 ans et l’autre de 25 ans à 65 ans. Ils devraient ainsi percevoir une retraite différente du fait que l’un restera moins longtemps à la retraite. Leur taux de remplacement ne serait ainsi pas le même, mais leur TRI identique.</p>
<p>En voulant équilibrer le système à chaque période, les décideurs politiques ont en fait permis à des générations de bénéficier d’un TRI très élevé, quand celles et ceux qui partiront dans les décennies à venir obtiendront des TRI très faibles. Cela semble problématique du point de vue de l’équité entre les générations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641180236099321857"}"></div></p>
<p>Concilier équité et soutenabilité n’est pourtant pas impossible. Telle est la leçon que nous tirons d’un modèle théorique que nous avons construit à partir d’hypothèses macroéconomiques standards (pour les initiés, il s’agit d’un modèle à générations imbriquées avec une fonction de production Cobb-Douglas, où les retraites sont calculées avec des règles actuarielles). Une règle en découle : si le TRI de chaque individu était fixé au niveau du taux de croissance de la masse salariale, alors le système de retraite serait soutenable et donc capable de faire face aux différents chocs démographiques, tout en permettant de garantir une équité entre les générations.</p>
<p>Avec cette règle, le système de retraite aurait pu accumuler des réserves importantes pendant le baby-boom, utilisables pour financer les déficits générés pendant la période de vieillissement démographique.</p>
<h2>Pas besoin d’être devin</h2>
<p>Certes, on pourrait objecter que pour calibrer le tout, il faudrait pouvoir anticiper les <a href="https://theconversation.com/topics/demographie-20955">évolutions démographiques</a> futures, ce qui paraît bien délicat. Une prédiction parfaite est même irréalisable.</p>
<p>A cette objection, on peut répondre d’abord en considérant que le problème du vieillissement démographique était connu depuis longtemps : à la page 60 (49 dans la version anglaise) du <a href="https://digitallibrary.un.org/record/722922?ln=fr#record-files-collapse-header">rapport de la World Population Conference</a> organisée par les Nations unies à Bucarest en août 1974, on peut ainsi lire :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les erreurs de prédiction restaient néanmoins importantes, peut-on rétorquer. Par exemple, en <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/lifeexpectancies/articles/howhaslifeexpectancychangedovertime/2015-09-09">Angleterre et au Pays de Galles</a>, on estimait en 1980 une augmentation de l’espérance de vie à la naissance de 2,4 ans pour chaque sexe à l’horizon 2012. Elle a, dans les faits, été de 6,1 ans pour les femmes et 8,4 ans pour les hommes.</p>
<p>Nos simulations numériques montrent que pour garantir la soutenabilité du système, prédire partiellement les évolutions démographiques suffit : anticiper seulement 20 % de l’augmentation future de l’espérance de vie aurait permis de générer des réserves suffisantes pendant le baby-boom.</p>
<h2>Payer des erreurs passées ?</h2>
<p>Le cadre que nous avons déployé n’est sans doute pas parfait et demande des développements futurs. Il n’intègre par exemple pas une variable démographique importante que constituent les flux migratoires. Il suggère néanmoins que quelque chose a été manqué par le passé : les pays dotés de systèmes par répartition ne semblent ainsi pas avoir accumulé de réserves suffisantes pour faire face au problème du vieillissement démographique.</p>
<p>D’après l’<a href="https://doi.org/10.1787/data-00519-fr">OCDE</a>, en 2008, seuls le Japon, la Corée et la Suède possédaient des réserves excédant 20 % du PIB. Ailleurs, le montant élevé des cotisations a été utilisé pour payer les pensions avec un taux de rendement des cotisations élevé.</p>
<p>Peut-être les économistes avaient-ils eux aussi sous-estimé le rôle des réserves. La littérature semble davantage les considérer comme une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-246X.2009.01327.x">option</a>, au mieux comme une <a href="https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/978-0-8213-9478-6">politique utile</a>.</p>
<p>Ainsi est-il, légitime de se demander s’il est juste que les générations futures, non représentées dans les prises de décision antérieures, aient à payer pour les erreurs économiques des politiques passées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Riccardo Magnani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Accumuler des réserves lorsqu’il y avait beaucoup d’actifs par rapport aux retraités aurait été un bon moyen de garantir à la fois la soutenabilité financière et l’équité entre les générations.Riccardo Magnani, Maître de Conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2001272023-03-01T19:55:54Z2023-03-01T19:55:54ZComment expliquer que l’on paie toujours en espèces ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510623/original/file-20230216-16-6ysgoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1109&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré le développement des paiements sans contact et des applications téléphoniques, l'argent liquide reste fréquemment utilisé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moerschy / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lydia, PayPal, Pumpkin, cartes bancaires sur téléphones… Ces dernières années ont vu l’avènement de moyens de paiement toujours plus sûrs et toujours plus rapides. Et pourtant, si l’on en croit la Banque centrale européenne, la demande d’espèces tend à <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ecb.spacereport202012%7Ebb2038bbb6.en.pdf">persister</a>. En France, pour les particuliers, près de <a href="https://www.banque-france.fr/billets/analyser-et-anticiper/lutilisation-des-especes-en-france-et-dans-la-zone-euro#:%7E:text=Selon%20SPACE%2C%20les%20esp%C3%A8ces%20restent,24%20%25%20en%20zone%20euro">60 % des paiements</a> en volume et 25 % en valeur se faisaient encore par ce biais en 2019.</p>
<p>Le cash remplit théoriquement un certain nombre de <a href="https://elibrary.duncker-humblot.com/article/8087/pros-and-cons-of-cash-the-state-of-the-debate">fonctions</a>. Il permet d’effectuer des transactions, il est une réserve de valeur, notamment pour un motif de précaution (on parle bien des « billets gardés sous le matelas »), et reste mobilisable à tout moment. Il présente aussi l’atout de permettre l’acquittement immédiat d’une dette et de préserver l’anonymat. Sur tous ces services, néanmoins pièces et billets s’avèrent concurrencés par d’autres instruments.</p>
<p>Comprendre ce qui motive la demande d’espèces et ce qui l’influence permet d’éclairer cette compétition entre moyens de paiements. En prenant de la hauteur et en se projetant au niveau européen, il apparaît que les motifs d’utilisation et de détention des espèces sont loin des reproches que l’on peut leur attribuer. Nos <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10645-021-09384-3">travaux</a> mettent ainsi en évidence des différences au sein de l’Union européenne entre pays de l’Est et de l’Ouest.</p>
<h2>Quelques similarités</h2>
<p>Malgré les avancements technologiques et une <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pubbydate/2019/html/ecb.cardpaymentsineu_currentlandscapeandfutureprospects201904%7E30d4de2fc4.en.html">volonté d’harmoniser la législation</a> appliquée aux moyens de paiements électroniques à l’échelle de l’Europe, des <a href="https://www.ijcb.org/journal/ijcb16q4a1.pdf">disparités d’usage</a> du paiement en espèce persistent parmi les pays européens. Le phénomène a pu être documenté tant grâce à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999317301670">enquêtes auprès des consommateurs</a>, qu’à partir d’un <a href="https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1803g.htm">cadre macroéconomique</a>. La Banque centrale européenne avait, elle, mené une vaste étude sur le sujet dans la zone euro en 2019.</p>
<p><iframe id="JR2zB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JR2zB/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous avons, pour notre part, étudié l’usage du cash au sein d’un échantillon de pays de l’Union européenne sur une période allant de 2003 à 2016.</p>
<p>Il n’est pas toujours évident de disposer d’informations sur ce type de paiements puisque la plupart des transactions ne sont pas enregistrées. Nous avons alors eu recours à une approche combinant à la fois les retraits au guichet et au distributeur et une méthode de <em>clustering</em> permettant de déduire les données manquantes. L’idée était ensuite d’identifier des déterminants macroéconomiques (socio-économiques, technologiques et institutionnels) qui permettent d’expliquer différentes demandes d’espèces entre les pays.</p>
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<p>Sur quelques points, on observe des comportements identiques. Partout l’usage des espèces varie avec le nombre de distributeurs disponibles et selon la possibilité pour les consommateurs de payer par carte. Partout également, le niveau d’éducation s’avère un déterminant significatif : en moyenne, les populations plus instruites vont davantage privilégier les moyens de paiement électroniques.</p>
<p>Au-delà, cependant, nous avons mis en évidence comment les comportements dans les anciens blocs de l’Ouest et de l’Est se distinguent avec des facteurs spécifiques.</p>
<h2>Des disparités s’affirment entre l’Est et l’Ouest</h2>
<p>Nos résultats montrent que la demande d’espèces s’avère positivement corrélée avec la croissance du PIB dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Cela s’explique principalement par un effet richesse : plus de revenus, c’est plus de transactions que l’on peut effectuer et donc une demande supplémentaire de pièces et billets. Elle augmente de 2,2 % quand le PIB augmente de 1 %.</p>
<p>En Europe de l’Ouest, un effet de substitution des espèces par les moyens de paiement alternatifs l’emporte cependant sur cet effet richesse : 1 % de PIB en plus y est associé en moyenne à 2,3 % de pièces et billets en moins. Dans ce dernier cas, l’usage des moyens modernes reste toutefois assez marqué par les inégalités de revenus : là où elles sont les plus prononcées, les espèces sont moins demandées. Cela s’explique par une demande de transaction moindre des plus pauvres et, potentiellement, par le fait que les <a href="https://www.voced.edu.au/content/ngv:80681">innovations technologiques</a> sont plutôt accessibles et adoptées par des personnes instruites.</p>
<p><iframe id="9csoz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9csoz/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par ailleurs, l’Europe centrale et de l’Est fait montre d’une demande de cash négativement corrélée avec le niveau de confiance des consommateurs. Lorsque la <a href="https://econpapers.repec.org/paper/zbwiccp17/162911.htm">confiance</a> dans les banques s’effondre, on préférera faire usage de pièces et de billets plutôt que de sa carte de crédit. Cela a été particulièrement visible en <a href="https://www.ijcb.org/journal/ijcb20q2a7.htm">2008</a> et pendant la crise des dettes souveraines. L’effet de la confiance des consommateurs est en revanche bien moins significatif chez leurs partenaires de l’Ouest, même si l’incertitude issue de la crise financière de 2008 semble aussi avoir favorisé la demande d’espèces.</p>
<p>Dans les pays du centre et de l’Est, on observe enfin que ce sont les tranches d’âge extrêmes (les plus jeunes et les plus âgés) qui privilégient l’usage des espèces. Ce peut être par <a href="https://www.mnb.hu/letoltes/cash-or-card.pdf">dépendance financière</a> ou par <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2756996">habitude</a>.</p>
<h2>Un nouveau paradigme qui fait place aux espèces</h2>
<p>En Europe de l’Ouest, une relation singulière, et sans doute contre-intuitive, relie positivement couverture Internet et demande d’espèces : plus les réseaux sont développés et plus pièces et billets sont utilisés. Cela peut néanmoins être lié à une méfiance provisoire pour la nouveauté au cours de la période sur laquelle porte notre étude. Il faut aussi prendre en compte que le cash reste privilégié par les utilisateurs des nouvelles plates-formes d’échange comme leboncoin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1594027969231691779"}"></div></p>
<p>La période analysée dans cette étude précède la pandémie liée au coronavirus et les <a href="https://www.bis.org/publ/bisbull03.htm">changements de comportements</a> qu’elle a engendrés. Reste que ces éléments permettent de nourrir le débat sur l’avenir des espèces en Europe et leur fin sans cesse annoncée.</p>
<p>La Suède avait mis en place des <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/232596/1/no393.pdf">mesures</a> visant à décourager l’utilisation d’argent liquide, avant de voter finalement une <a href="https://www.letemps.ch/societe/suede-revient-largent-liquide">loi</a> qui oblige les établissements bancaires à assurer un accès aux pièces et billets à tous les habitants. Des <a href="https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/rsa-cashing-out.pdf">études récentes</a> montrent ainsi que, malgré une substitution progressive des espèces par les paiements électroniques, le paradigme évolue pour envisager, non plus une société sans cash, mais une société avec moins de cash. Il s’agit de trouver un équilibre qui tienne compte des coûts des moyens de paiement mais aussi d’un <a href="https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/rsa-cashing-out.pdf">risque social</a>. Si les banques centrales tarissaient leur offre de cash, sans doute les agents chercheraient-ils des alternatives échappant aux autorités telles que les cryptomonnaies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200127/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les pays européens, les raisons diffèrent : à l’Est, l’accroissement des richesses et un manque de confiance dans les banques y participent ; à l’Ouest, Internet semble jouer un rôle paradoxal.Yulia Titova, Professeur Assistant, IÉSEG School of ManagementDelia Cornea, Assistant Professor of Finance, EBS Paris Sébastien Lemeunier, Professeur associé en finance, EBS Paris Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995282023-02-17T15:30:30Z2023-02-17T15:30:30ZUn an après l’invasion de l’Ukraine, une insolente résilience de l’économie russe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510882/original/file-20230217-28-taoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C2353%2C1718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un supermarché de Moscou, le 12 décembre 2022. En 2022, l'économie russe ne s'est pas effondrée, mais elle a été en récession et le pouvoir d'achat des ménages a baissé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Oxana A/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Début 2022, l’économie de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Fédération de Russie</a> comptait parmi les grandes économies du monde et affichait le <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?most_recent_value_desc=true">11ᵉ PIB mondial en 2021</a>. Mais voilà que Moscou prit la décision de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/22/reconnaissance-des-separatistes-par-poutine-ce-n-est-sans-doute-qu-une-etape-car-c-est-toute-l-ukraine-qui-est-dans-le-viseur-du-kremlin_6114684_3210.html">reconnaître l’indépendance des régions séparatistes du Donbass</a> le 21 février puis de lancer l’invasion de l’Ukraine quelques jours plus tard, au <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/13/large-condamnation-par-lonu-des-annexions-illegales-russes-en-ukraine">mépris du droit international</a>.</p>
<p>La réponse des pays occidentaux ne s’est pas fait attendre et s’est intensifiée tout au long de l’année. Sans se positionner comme cobelligérants, beaucoup de pays de l’OTAN ont misé sur une riposte économique : exclusion du <a href="https://www.tf1info.fr/economie/guerre-en-ukraine-en-quoi-consiste-le-systeme-de-reciprocite-du-commerce-mondial-dont-la-russie-va-etre-exclue-2213294.html">système de réciprocité</a> du commerce mondial, du <a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-lexclusion-de-la-plate-forme-swift-est-elle-une-arme-nucleaire-financiere-178217">réseau Swift</a> et multiplication des sanctions jusqu’à la mise en place le 5 février dernier d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/05/sanctions-sur-le-petrole-la-russie-entre-baisse-contrainte-de-ses-prix-et-contournement_6160579_3234.html">embargo sur l’ensemble des produits pétroliers raffinés russes</a> par l’Union européenne. Avec l’objectif, comme l’annonçait Emmanuel Macron dans son allocution du 2 mars 2022, que « les dirigeants russes entendent que le choix de la guerre mettrait leur pays au ban des peuples et de l’Histoire ».</p>
<p>Relativement fragilisée, l’économie russe a néanmoins présenté une certaine résilience en 2022. Loin de la situation catastrophique d’un recul de 8,5 % anticipée en avril par le FMI, sa croissance n’a connu qu’une <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/en-2024-la-croissance-economique-de-la-russie-devrait-depasser-celle-de-la-zone-euro-selon-le-fmi-949946.html">récession de 2,2 %</a>. Est même anticipée une légère croissance de 0,3 % en 2023. L’économie russe est-elle ainsi vraiment au plus mal ?</p>
<h2>Une apparente résistance</h2>
<p>Malgré ce contexte difficile lié aux sanctions des pays occidentaux, l’économie russe présente une certaine résilience. Elle s’appuie tout d’abord sur les mesures de protection prises par les autorités monétaires qui ont fait le choix de limiter l’augmentation du taux d’intérêt directeur pour le maintenir <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/russie-la-banque-centrale-abaisse-son-taux-directeur-a-7-50-20220916#:%7E:text=La%20Banque%20centrale%20russe%20a,plusieurs%20jours%20une%20telle%20baisse.">autour de 7,5 %</a> et ce malgré une inflation qui a flirté avec les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/impact-sanctions-russian-economy/#:%7E:text=%C3%89volution%20de%20l%E2%80%99inflation%20de%20la%20Russie%20de%202019%20%C3%A0%202023&text=Le%20taux%20d%E2%80%99inflation%20augmente,%25%20d%E2%80%99apr%C3%A8s%20le%20FMI.">14 %</a> en 2022.</p>
<p>Les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prix-des-produits-petroliers">hauts historiques</a> au printemps et à l’été atteints par les prix des hydrocarbures sur le marché mondial a également permis à l’économie russe de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/06/20/russie-le-rouble-qui-cache-la-foret#:%7E:text=Sur%20le%20plan%20%C3%A9conomique%2C%20la,la%20Banque%20Nationale%20de%20Russie.">résister</a> temporairement aux sanctions, compensant en valeur la baisse des volumes exportés.</p>
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<p>Un autre secteur économique non moins négligeable qui présente également les résultats favorables est celui de la Tech. Les géants russes VK et Yandex ont enregistré des <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-russe-VK-annonce-un-chiffre-d-affaires-en-forte-hausse-au-3e-trimestre--42265429/">chiffres d’affaires</a> en <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/russie-yandex-annonce-un-chiffre-d-affaires-en-forte-hausse-au-troisieme-trimestre-20221103#:%7E:text=Le%20chiffre%20d%E2%80%99affaires%20de,de%20dollars%20au%20taux%20actuel">hausse</a> et ont pu renforcer leur positionnement sur le marché local après le départ des géants mondiaux du secteur.</p>
<p>Sur l’ensemble de l’année, l’économie russe a ainsi enregistré un <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russias-current-account-surplus-almost-doubled-2022-central-bank-2023-01-17/">excédent courant</a> de plus de 227 milliards de dollars (plus de 12 % du PIB), une hausse significative de 86 % par rapport à 2021. Même si une partie du résultat s’explique par de moindres importations depuis les pays occidentaux en raison des sanctions, Moscou a aussi pu compter sur des échanges commerciaux <a href="https://www.rfi.fr/fr/%C3%A9conomie/20221225-chine-russie-une-relation-plus-forte-%C3%A9conomiquement-mais-qui-reste-imparfaite">toujours au plus haut</a> avec Pékin.</p>
<p>Le tout a pu empêcher une crise financière et la faillite du système bancaire russe que l’exclusion du réseau Swift devait mettre à mal.</p>
<p>En matière de chômage, si l’on en croit l’agence statistique nationale Rosstat, l’économie russe est toujours considérée comme étant au plein emploi avec un taux de chômage qui s’est établi <a href="https://tass.com/economy/1557039">autour de 4 %</a>.</p>
<h2>Une bonne santé en trompe-l’œil ?</h2>
<p>Les perspectives d’avenir ne sont cependant pas rassurantes pour l’ancien pays des tsars. Certes, les prévisions de croissance du FMI sont très légèrement positives pour 2023, mais l’économie se trouve plus que jamais structurellement dépendante des ressources énergétiques, qui représentent <a href="https://www.statista.com/statistics/1322102/gdp-share-oil-gas-sector-russia/">entre 15 et 20 % du PIB</a> et <a href="https://reporterre.net/IMG/pdf/advance_financing_putin_s_war_fossil_fuel_exports_from_russia_in_the_first_six_months_of_the_invasion_of_ukraine.pdf">40 % du budget de l’État</a>. La variation des cours a ainsi contribué au <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-deficit-budgetaire-de-la-Russie-en-janvier-se-creuse-en-raison-de-la-chute-des-revenus-de-l-energ--42910790/">creusement du déficit public</a> au mois de janvier.</p>
<p>L’entrée en vigueur le 5 février de l’embargo sur les produits pétroliers raffinés russes, complétant le plafonnement du prix du baril de brut en place depuis décembre, a vocation à peser toujours plus sur les revenus de Moscou. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, entend « faire payer Poutine pour sa guerre atroce » et renvoyer l’économie russe « une génération en arrière » avec des mesures coûtant « <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/produits-petroliers-russes-lue-et-le-g7-saccordent-sur-un-plafonnement-des-prix-1903688">160 millions d’euros par jour</a> à la Russie ».</p>
<p>Pendant que Bruxelles réfléchit à un <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lue-annonce-de-nouvelles-sanctions-contre-la-russie-un-an-apres-linvasion-de-lukraine-1459146">dixième paquet de sanctions</a>, les difficultés rencontrées par l’économie russe pour exporter ses marchandises vers les pays occidentaux, mais aussi à importer les produits en provenance de ces pays, ne devraient pas cesser. Elles pèsent en particulier sur le secteur industriel, la construction mécanique et la métallurgie. L’industrie automobile <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/russie-les-ventes-de-voitures-neuves-se-sont-effondrees-de-59-suite-a-la-guerre-en-ukraine-947767.html">souffre</a> par exemple de l’arrêt des envois de pièces détachées depuis l’Europe, au point que Moscou autorise désormais leur importation sans l’accord des détenteurs de la propriété intellectuelle.</p>
<p>Outre les pénuries de consommations intermédiaires, la branche souffre également d’un manque de travailleurs avec la mobilisation de près de <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/29/la-russie-a-acheve-la-mobilisation-de-300-000-reservistes#:%7E:text=Selon%20Moscou%2C%2082%20000%20soldats,dans%20des%20bases%20militaires%20russes.">300 000 soldats réservistes</a>. Car c’est bien avant tout la guerre en Ukraine qui se trouve à la racine de ces difficultés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199528/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albert Lessoua ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance de l'économie russe se maintient mieux que prévu mais la dépendance structurelle aux produits énergétiques fragilise les perspectives de ces prochains mois.Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1986362023-01-30T19:06:52Z2023-01-30T19:06:52ZLes grèves en France : un impact limité sur l’économie depuis 50 ans<p>Le 19 janvier dernier, entre <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/greve/un-acquis-a-defendre-partout-en-france-manifestations-d-ampleur-contre-la-reforme-des-retraites-94017fbe-982c-11ed-ab80-3e6a8899576a">1,12 et 2 millions de Français ont manifesté</a> sur tout le territoire contre le projet de réforme des retraites du gouvernement et une nouvelle journée d’action est prévue le <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/ecoles-transports-raffineries-qui-fera-greve-le-31-janvier-prochain_AN-202301240319.html">mardi 31 janvier</a>. Ces grèves auront-elles des répercussions sur l’économie en général et les entreprises en particulier dans un contexte déjà marqué par une inflation élevée et une croissance en berne ?</p>
<p>Dans une perspective historique, la recherche montre que, si l’économie peut enregistrer des pertes à court terme, les grèves nuisent peu à la croissance à long terme.</p>
<p>Déjà, il faut noter que le nombre de jours de grèves pour 1 000 salariés a drastiquement diminué depuis 1970 et que la croissance a connu des trajectoires bien distinctes, comme l’illustrent les figures ci-dessous :</p>
<p><iframe id="Vyy8L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Vyy8L/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="ofK9V" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ofK9V/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au global, l’impact économique des grèves reste donc le plus souvent circonscrit à la période de mobilisation et les pertes enregistrées sont généralement vite compensées les mois suivants. D’un point de vue macro-économique, l’impact va en réalité dépendre de l’ampleur et de la durée des conflits.</p>
<p>À titre illustratif, l’impact des grèves de novembre 1995 contre le plan Juppé et sa réforme des retraites a été inférieur à <a href="https://data.oecd.org/fr/gdp/pib-trimestriel.htm">0,2 point de perte de croissance du PIB au niveau national sur le quatrième trimestre</a> de l’année alors que le mouvement social a duré trois semaines.</p>
<p><iframe id="2cRvq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2cRvq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Quant au mouvement social de novembre 2007 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, il a mobilisé <a href="https://www.lexpress.fr/economie/mobilisation-massive-contre-la-reforme-des-regimes-speciaux_1414088.html">davantage de personnes qu’en 1995</a> mais n’a duré que 10 jours, engendrant un recul d’environ 0,2 point de PIB totalement compensé par la suite.</p>
<p><iframe id="1yyN5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1yyN5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autrement dit, si l’on constate un recul de la consommation des ménages et un ralentissement de l’activité de certaines entreprises au moment de la grève, cet effet n’est pas durable dans le temps.</p>
<h2>Les investisseurs étrangers toujours aussi présents</h2>
<p>Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les mouvements sociaux ne nuisent en outre que très peu à l’attractivité de la France aux yeux des investisseurs étrangers. L’observation simultanée de l’évolution des grèves et des flux d’IDE entrants (investissements directs étrangers) sur de longues périodes montre que les montants ne sont pas proportionnément plus faibles que ceux observés dans des pays dix ou vingt fois moins enclins à la grève comme l’Allemagne ou l’Espagne.</p>
<p>Par exemple, la forte mobilisation de 2010 contre la réforme des retraites portée par Éric Woerth qui avait conduit plus d’un million de personnes dans la rue ne s’est pas traduite par un recul durable de l’investissement étranger en France, comme en témoignent les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : les flux entrants d’investissements étrangers s’élevaient à environ 14 milliards de dollars en 2010 pour atteindre près de <a href="https://data.oecd.org/fr/fdi/flux-d-ide.htm">32 milliards l’année suivante et 34 milliards en 2012</a>.</p>
<p><iframe id="6bt5C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6bt5C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En revanche, les effets des grèves se ressentent plus fortement au niveau des entreprises qui peuvent subir des pertes sèches lorsque ces grèves les concernent directement, comme c’est le cas parfois dans l’industrie et le transport. Mais qu’en est-il exactement ? Quelles sont les répercussions des grèves sur les entreprises, notamment sur leurs résultats économiques ?</p>
<h2>Les entreprises fragilisées</h2>
<p>Les grèves peuvent fragiliser les performances économiques des entreprises de plusieurs façons. Tout d’abord, les grèves entraînent directement des perturbations dans les entreprises qui y sont confrontées. En effet, les cessations concertées du travail par les salariés d’une entreprise ont des répercussions directes sur sa production et par conséquent sur ses résultats économiques. Les entreprises du transport, par exemple, subissent régulièrement des mouvements de grèves qui affectent directement leurs résultats économiques. En octobre 2018, par exemple, les grèves qui ont touché les secteurs du rail et de l’aérien, ont réduit de presque <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/datalab-essentiel-154-conjoncture-transports-2018-t2-octobre2018.pdf">2 % le volume de la production marchande de transport</a> et notamment le transport de voyageurs (-6,5 %).</p>
<p>Plus spécifiquement, les 15 jours de grève à Air France ont coûté près de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/greve-a-air-france/les-greves-du-printemps-ont-coute-335-millions-d-euros-a-air-france_2876331.html">335 millions d’euros</a> à la compagnie aérienne. Par ailleurs, les grèves peuvent également perturber certaines infrastructures comme les dépôts de carburants, le réseau ferroviaire ou encore les ports provoquant des difficultés d’approvisionnement et affectant indirectement toutes les entreprises.</p>
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<p>Les grèves dans les raffineries, au mois d’octobre dernier, ont fait <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010537946">chuter la production industrielle de 2,1 %</a> selon les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Tous les secteurs d’activité ont d’ailleurs parallèlement enregistré un recul de leur activité. Au-delà du secteur industriel, les mouvements sociaux dans le secteur du transport (SNCF, RATP, Air France…) <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-greves-ont-mis-sous-pression-lhotellerie-restauration-parisienne-1160136">fragilisent souvent l’ensemble des activités liées au tourisme</a> comme l’hôtellerie-restauration, l’artisanat et le commerce.</p>
<p>Enfin, l’activité des entreprises peut être affectée par la mise en place de pratiques de travail plus restrictives ou à des revalorisations salariales en réponse aux revendications portées par les grévistes. C’est le cas lorsque la grève aboutit à des accords finançant des frais de personnel qui ne sont pas toujours compensés par des gains de productivité.</p>
<p>Dans un contexte marqué par une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> élevée, on assiste d’ailleurs depuis plusieurs mois à une montée des revendications salariales dans de nombreuses entreprises. En octobre dernier, par exemple, la confédération générale du travail (CGT) a lancé un appel à la grève chez Geodis (une filiale de la SNCF) afin d’exiger un meilleur partage des richesses en réclamant une <a href="https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/mobilisation/les-mouvements-de-greves-pour-les-salaires-setendent">hausse des salaires</a>, une revalorisation des primes ainsi qu’un rattrapage pour les bas revenus. Un <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/plateforme-geodis-a-gennevilliers-la-greve-levee-apres-un-accord-avec-la-direction-20221118">accord</a> a finalement été trouvé avec la direction.</p>
<p>Le recours à la grève s’est toutefois beaucoup affaibli ces dernières années et ses effets sont certainement moins marquants qu’auparavant. Les spécialistes avancent plusieurs explications. La stabilisation du <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/infographies-la-france-est-l-un-des-pays-les-moins-syndiques-de-l-union-europeenne_AN-201912040124.html">taux de syndicalisation</a> à l’un des plus bas niveaux en Europe, les transformations du monde du travail avec la tertiarisation puis l’ubérisation de l’économie, la montée du chômage, le coût financier que cela peut représenter pour les grévistes et… le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/reforme-des-retraites-le-teletravail-va-t-il-attenuer-les-effets-de-la-greve-948243.html">télétravail</a>, qui évite notamment les désagréments dans les transports et réduit de facto l’impact de la grève sur l’opinion.</p>
<p>Cependant, le politologue Tristan Haute nuance cette idée : en effet, si les télétravailleurs peuvent être régulièrement isolés de leur collectif de travail, il n’en demeure pas moins qu’ils <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2021-2-page-63.htm">participent autant que les autres aux actions collectives</a> lorsqu’elles se présentent.</p>
<h2>La grève rend-elle plus productif ?</h2>
<p>Cela étant, la grève peut aussi être considérée comme une forme d’expression visible d’un manque de coopération. Les grèves seraient des manifestations extérieures d’un malaise qui se traduirait dans l’entreprise par un faible moral des salariés, des taux élevés d’absentéisme, des refus de coopérer volontairement avec l’employeur, etc. Dans cette perspective, la grève peut présenter un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8543.1989.tb00345.x">effet positif sur la productivité du travail</a> en permettant de résoudre certains conflits, ce qui permettrait d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/001979399204600112">améliorer le moral des salariés et leur coopération</a>.</p>
<p>Contrairement aux options d’« exit » temporaire (absentéisme, sabotage, indiscipline, etc.) ou permanent (démissions), l’expression des salariés serait associée à des niveaux plus élevés de satisfaction et d’investissement dans le travail.</p>
<p>L’économiste Jérémy Tanguy constate ainsi un <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2015-6-page-857.htm">effet non linéaire</a> des grèves sur la productivité du travail : en France, les mouvement sociaux ont d’abord un effet positif puis décroissant, voire négatif, au-delà d’un certain nombre de grèves dans l’entreprise (qu’il évalue à 5 par an). Selon le chercheur :</p>
<blockquote>
<p>« Cet effet positif d’une fréquence modérée des grèves sur la productivité du travail peut s’interpréter à travers leur rôle dans l’apport d’un mécanisme d’expression collective, supposé bénéfique pour la coopération et l’effort des salariés dans l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>Ces premiers résultats dans le contexte français, rares dans la littérature scientifique, nécessiteraient à présent d’être approfondis et analysés dans un temps plus long.</p>
<p>En définitive, les grèves ont des effets limités sur la croissance économique car l’activité perdue est rattrapée rapidement dans les mois qui suivent les cessations de travail. La situation est différente au niveau microéconomique où certaines entreprises peuvent subir des pertes économiques sérieuses. Cependant, contrairement aux idées reçues, les conséquences des grèves sur la productivité des entreprises ne sont pas systématiquement négatives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le nombre de journées non travaillées a globalement évolué de manière indépendante de la croissance ou du volume d’investissements étrangers en France depuis les années 1970.Patrice Laroche, Professeur des Universités en sciences de gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980472023-01-18T18:07:14Z2023-01-18T18:07:14ZQuelles perspectives pour l’économie africaine en 2023 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505001/original/file-20230117-14-rjjvcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4899%2C3268&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lagos (Nigeria), septembre 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/jumia-delivery-dispatch-spotted-traffic-lagos-2200564313">Tolu Owoeye/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’Afrique a réussi à retrouver un rythme de croissance similaire à celui observé avant la pandémie plus rapidement que d’autres économies régionales, y compris certaines économies en développement. Pour autant, les défis restent nombreux, à commencer par le niveau élevé de la dette publique et privée. Les besoins de financement extérieur restent prégnants.</p>
<h2>Les ressorts de la reprise</h2>
<p>Après une récession inédite en 2020 (-1,3 %), la croissance réelle pour 2021 a été finalement évaluée à +4,3 %, en nette révision à la hausse par rapport aux premières estimations. Une partie de la croissance en 2021 s’explique mécaniquement par le rattrapage de la récession enregistrée en 2020 dans le contexte de la pandémie mondiale (rebond technique).</p>
<p>En dehors de cet effet rebond, la croissance africaine en 2021 est en fait très proche de celle observée en moyenne avant la pandémie (+3,0 %, contre +3,2 % de taux de croissance annuelle moyen pour la période 2015-2019). Elle s’accélère en 2022 pour atteindre 4,0 % selon les <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2022/October">estimations du FMI</a> (à noter que les chiffres annoncés pour 2022 et 2023 dans cet article reposent sur des prévisions et sont donc amenés à être révisés).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504971/original/file-20230117-3086-vd6p2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1. Croissance par grandes régions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FMI, World Economic Outlook Database, octobre 2022 ; calculs AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La forte remontée des cours des matières premières a été favorable aux économies extractives africaines : stimulés par la hausse de la demande énergétique, en particulier depuis la Chine, les cours du pétrole et les prix des métaux de base avaient déjà connu une progression sensible en 2021, progression qui s’est <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/29/matieres-premieres-energie-2022-l-annee-de-tous-les-emballements_6155948_3234.html">amplifiée en 2022</a> dans le contexte du conflit en Ukraine et de ses conséquences inflationnistes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/envol-des-prix-insecurite-alimentaire-les-lourdes-consequences-pour-lafrique-de-la-guerre-en-ukraine-181193">Envol des prix, insécurité alimentaire… les lourdes conséquences pour l’Afrique de la guerre en Ukraine</a>
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<p>De manière plus structurelle, les économies les plus diversifiées du continent ont bénéficié d’un environnement international plus porteur au sortir de la pandémie, suite à l’accroissement de la demande mondiale.</p>
<p>En raison de la <a href="https://www.macrotrends.net/countries/AFR/africa/population-growth-rate#:%7E:text=The%20current%20population%20of%20Africa,a%202.43%25%20increase%20from%202020.">croissance démographique</a>, qui reste rapide sur le continent (+2,5 % de croissance annuelle moyenne entre 2015 et 2020, contre +1,1 % au niveau mondial), le rattrapage en termes de PIB par habitant y est bien plus lent. Pour cette raison, l’Afrique ne retrouvera son niveau de PIB par habitant antérieur à la pandémie qu’en 2023 (graphique 2), quand la plupart des autres régions ont pu le recouvrer dès 2021.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504972/original/file-20230117-26-us8w77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2. PIB par habitant par grande région du monde (indice base 100 en 2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">FMI, World Economic Outlook Database, octobre 2022 ; calculs AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les économies diversifiées plus résilientes</h2>
<p>Au sein du continent, la reprise à partir de 2021 a été surtout portée par les économies les plus diversifiées, structurellement plus à même de rebondir en cas de chocs externes.</p>
<p>Elles présentent des taux de croissance plus élevés et plus stables sur longue période que les économies plus spécialisées, car elles sont moins soumises aux fluctuations des marchés des matières premières ou des flux touristiques. Ces économies étaient d’ailleurs parvenues à maintenir un certain dynamisme au plus fort de la pandémie (+1,8 % de croissance réelle en 2020), a contrario de la récession enregistrée partout ailleurs.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/n-4Ne5xvs1M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation par les auteurs du chapitre qu'ils ont rédigé dans « L’Économie africaine 2023 », éditions La Découverte.</span></figcaption>
</figure>
<p>Elles ont renoué en 2021 avec un rythme de croissance assez soutenu (+4,4 %), qui continue à s’accroître en 2022. Estimée à +5,1 %, la croissance des économies africaines diversifiées retrouve quasiment en 2022 son niveau moyen d’avant crise, et elle est annoncée à +4,8 % en 2023. Six de ces économies diversifiées comptent ainsi parmi les dix économies les plus dynamiques d’Afrique sur la période récente : le Sénégal, le Niger, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504973/original/file-20230117-25-q3li7q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 3. Évolution du PIB réel par catégorie de pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FMI, World Economic Outlook Database, octobre 2022 ; calculs AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entre 2015 et 2019, la croissance des pays exportateurs de ressources extractives est relativement atone et ne permet même plus de couvrir la croissance démographique. Bénéficiant de la hausse des cours des matières premières dans le contexte de la reprise mondiale, la croissance moyenne pour les pays pétroliers africains s’est établie à +3,1 % en 2021, et accélère légèrement en 2022.</p>
<p>Enfin, en Afrique comme ailleurs, les pays dont l’activité économique est fortement dépendante du tourisme ont été les <a href="https://www.policycenter.ma/opinion/Covid-19-l-impact-de-la-crise-sur-le-tourisme-en-afrique">plus impactés par la crise sanitaire</a>, en intensité (-7,7 % en 2020) comme en durée : après le rebond technique de 2021, la croissance est restée ténue en 2022, à +1,4 %, elle ne devrait s’accélérer qu’en 2023, à +3,4 % selon les projections actuelles du FMI.</p>
<h2>Des situations d’endettement dégradées et des marges de manœuvre globalement réduites pour les États</h2>
<p>Le rythme de la reprise observée en Afrique depuis 2021 n’est pas suffisamment marqué pour gommer les conséquences profondes des crises successives enregistrées par le passé, comme la baisse du revenu par tête dans de nombreux pays, la hausse de la <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/atlas-de-lafrique-afd-au-fil-des-annees-lextreme-pauvrete-se-concentre-en-afrique">pauvreté</a> et du <a href="https://fr.tradingeconomics.com/country-list/unemployment-rate?continent=africa">chômage</a>, etc.</p>
<p>Les fragilités structurelles qui affectent profondément le continent préexistaient, mais se sont amplifiées dans la période récente. Au regard de l’important dynamisme démographique que connaît encore la région, le rythme de croissance s’avère insuffisant pour permettre d’améliorer substantiellement l’accès aux denrées alimentaires et aux services de base, de financer les infrastructures publiques nécessaires et de créer en nombre les emplois permettant d’absorber la main-d’œuvre arrivant sur le marché du travail. On relève dans ce contexte une <a href="https://report.hdr.undp.org/fr/">diminution de l’indicateur de développement humain</a> (IDH) en 2020 puis encore en 2021, et il est fort probable que les fermetures des écoles et la <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1117332">déscolarisation</a> d’un grand nombre d’enfants observées pendant la pandémie auront un impact supplémentaire sur le volet « éducation » de l’IDH dans les années à venir.</p>
<p>Face à ces enjeux bien identifiés, la capacité des gouvernements à agir est désormais pour partie obérée du fait d’un endettement qui s’est rapidement accru et de conditions financières nettement resserrées pour les pays qui ont accès aux financements externes. Plus aucun des 36 pays africains couverts par une <a href="https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf">analyse de viabilité de la dette</a> (ces analyses, conduites par le FMI et la Banque mondiale, couvrent les pays en développement à faible revenu, et éligibles au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance) n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dette-des-pays-en-developpement-la-covid-19-change-la-donne-145844">Dette des pays en développement : la Covid-19 change la donne</a>
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<p>De plus, la structure de l’endettement a évolué dans un sens qui rend les restructurations de dette beaucoup plus difficiles : en 2022, plus de la moitié de la dette publique est domestique, devant les obligations externes, la part des créanciers bilatéraux et multilatéraux ne représentant moins d’un cinquième de la dette publique.</p>
<h2>Des besoins de financement élevés</h2>
<p>Dans un contexte marqué par l’inflation et le durcissement des conditions de financement sur les marchés internationaux, les besoins de financement du continent restent substantiels.</p>
<p>En 2021, le FMI chiffrait à plus de 400 milliards de dollars pour la période 2021-2025 les besoins de financement du continent africain, un chiffre sans doute <a href="https://www.jeuneafrique.com/1315167/economie/kristalina-georgieva-fmi-les-defis-a-relever-restent-enormes-2-2/">largement sous-estimé</a> dans la mesure où l’inflation se poursuit et où les dépenses « d’urgence », telles que celles visant à limiter les effets de l’insécurité alimentaire ont augmenté depuis. Les coûts croissants liés à l’adaptation au changement climatique <a href="https://www.imf.org/fr/Publications/REO/SSA/Issues/2022/10/14/regional-economic-outlook-for-sub-saharan-africa-october-2022">s’ajouteront à ces estimations</a> (jusqu’à 50 milliards de dollars par an a minima seront nécessaires).</p>
<p>Le FMI souligne en outre que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne peineront à simplement répondre aux besoins essentiels de leur population s’ils ne peuvent compter sur un important surcroît d’aide financière internationale. Et pourtant, les décaissements d’aide publique au développement (APD) ont diminué significativement selon l’OCDE, passant d’un niveau de 4,5 % en pourcentage du PIB des pays bénéficiaires dans les années 1990 à moins de 3 % plus récemment.</p>
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<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_africaine_2023-9782348077654">« L’économie africaine 2023 »</a>, paru aux éditions La Découverte en janvier 2023.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198047/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2022, l’Afrique a connu une reprise plus marquée qu’anticipé, mais aussi une accentuation des fragilités structurelles de ses économies.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966082022-12-15T18:22:25Z2022-12-15T18:22:25ZPodcast « Défis climatiques » : Trouver de nouvelles boussoles économiques pour permettre le changement<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/639747b628c3c90011776fa3" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Sécheresse et canicules inédites, montée des eaux, biodiversité en chute libre… Partout dans le monde, les effets de la crise climatique se font sentir, de plus en plus intensément. Face à ce constat, documenté par les scientifiques dans les fameux rapports du GIEC, certains vivent dans la crainte qu’un point de non-retour soit atteint.</p>
<p>Et si, au-delà des chiffres et des situations effrayantes, on s’intéressait aux initiatives qui portent leurs fruits ? C’est l’objet de « Défis climatiques : ces initiatives qui font bouger les lignes » une série de podcasts réalisée en partenariat avec l’Institut des hautes études pour la science et la technologie. Objectif : appréhender les mobilisations et les actions qui permettent de faire face à la crise climatique et qui donnent de l’espoir.</p>
<p>Dans ce nouvel épisode, on s’intéresse aux enjeux économiques et à leur rôle dans la crise climatique. Notre obsession pour la croissance est-elle responsable de la crise climatique et plus généralement des dérèglements environnementaux ? Sur quels nouveaux indicateurs économiques s’appuyer pour assurer la survie de la biosphère ? Après la pandémie de Covid, pourquoi la question de la santé et du bien-être est devenue incontournable pour envisager l’avenir ?</p>
<p>Autant de questions que nous abordons avec Éloi Laurent, enseignant à Sciences Po et à l’Université de Stanford, économiste senior à l’Observatoire français des conjonctures économiques (<a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/#">OFCE</a>). Ses travaux portent sur les questions de bien-être et de soutenabilité environnementale. On peut retrouver ses deux derniers ouvrages aux éditions Les liens qui libèrent, <em><a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Sortir_de_la_croissance-9791020909824-1-1-0-1.html">Sortir de la croissance, mode d’emploi</a></em>, <em><a href="https://bit.ly/3BzFSgD">Et si la santé guidait le monde ?</a></em>, en édition de poche.</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p>Épisode #1 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-a-quelle-echelle-agir-192868">À quelle échelle agir ?</a><br>
Épisode #2 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-la-justice-un-outil-de-plus-en-plus-efficace-193344">La justice, un outil de plus en plus efficace ?</a><br>
Épisode #3 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-que-peuvent-les-scientifiques-face-a-un-climat-toujours-plus-contraste-193602">Que peuvent les scientifiques face à un climat toujours plus contrasté ?</a> </p>
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<p><em>Crédits, conception et animation, Françoise Mamouyet & Jennifer Gallé. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni. Musique, « Night », Kosmorider, 2022</em>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Ce podcast prolonge une intervention tenue dans le cadre du cycle de formation 2021-2022 de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (<a href="https://www.ihest.fr/">IHEST</a>), intitulé « Mobiliser les ressources pour les transitions : transformations, ruptures, métamorphoses »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196608/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’obsession pour la croissance économique nourrit la crise climatique. Une situation qui nous engage à explorer les potentialités de la décroissance, souligne l’économiste Éloi Laurent.Éloi Laurent, Enseignant à Sciences Po et à l’Université de Stanford, économiste senior à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963482022-12-15T18:17:24Z2022-12-15T18:17:24ZLe régime péroniste, racine du déclin économique de l’Argentine<p>Il y a un peu plus de 50 ans, le 17 novembre 1972, Juan Domingo Perón débarque à la surprise générale d’un vol Alitalia sur le tarmac de Buenos Aires. Mis au défi de fouler à nouveau le sol argentin par le général Alejandro Agustín Lanusse alors à la tête du pays, et ce afin de se présenter aux élections à venir, l’ancien chef d’État (1946-1955), contraint à l’exil mais profitant des relatives marques d’ouverture du clan rival, faisait son grand retour, objet d’un <a href="https://www.clarin.com/politica/libro-revelaciones-regreso-juan-domingo-peron-1972_0_iOGdN5RW45.html">livre récent</a> du journaliste Pablo Mendelevitch. Il retrouvera la présidence du pays le 12 octobre 1973, qu’il laisse à sa mort quelque mois plus tard le 1<sup>er</sup> juillet 1974.</p>
<p>Récemment, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/argentine-45194">Argentine</a> a célébré, comme chaque 17 novembre le « Día de la militancia », jour de la militance, en mémoire de l’« opération retour » par laquelle les militants ont permis la réapparition au pays de ce personnage toujours autant influent que clivant. Preuve en est la <a href="https://www.clarin.com/politica/alberto-fernandez-respondio-maximo-kirchner-cita-peron-companero-empieza-criticar-deja-peronista-_0_SwC2qif16f.html">sortie</a> de l’actuel président, Alberto Fernandez, qui, pris dans une polémique avec le fils de sa vice-présidente du même camp, Cristina Kirchner, répond :</p>
<blockquote>
<p>« Perón nous apprend que lorsqu’un camarade parle mal d’un autre, il cesse d’être péroniste ».</p>
</blockquote>
<p>Les passages au pouvoir de cette dernière et de son mari Nestor ont pu d’ailleurs volontiers être qualifiés de <a href="https://www.abebooks.fr/%C3%BAltimo-peronista-cara-oculta-Kirchner.---Ensayo/16032909695/bd">« néo-péronisme »</a>. Sa <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/07/argentine-condamnation-historique-de-cristina-kirchner-a-six-ans-de-prison_6153358_3210.html">condamnation</a> le 6 décembre à six années de prison assorties d’une interdiction à vie d’exercer un emploi public n’en finit pas d’animer le débat public. Le Président lui-même dénonce ce qu’il considère comme la condamnation d’une innocente.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1600275973068722176"}"></div></p>
<p>Personnage majeur de l’histoire politique auquel on continue de se référer en bien ou en mal, instigateur du « justicialisme », celui que ses opposants avaient fini par surnommer <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/07/02/il-y-a-quinze-ans-la-mort-du-general-juan-domingo-peron_4142159_1819218.html">« Pocho »</a> semble également avoir laissé une trace indélébile dans l’histoire économique du pays. Pas forcément pour le mieux. Pour le dire avec des mots d’économistes, il s’agirait d’un « moment critique » toujours influent par un phénomène de « dépendance de sentier ». C’est la conclusion que nous tirons d’un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-022-00193-4">papier de recherche</a> publié récemment.</p>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, l’avenir de l’Argentine semblait radieux. On parlait même de « miracle argentin » et l’on prête cette phrase, sans doute <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-022-00193-4#ref-CR27">apocryphe</a>, au prix « Nobel » d’économie Simon Kuznets : « dans le monde, il y a quatre types de pays : les pays développés, les pays sous-développés, le Japon et l’Argentine ». Pays bien intégré à l’économie mondiale, aux avantages comparatifs certains, où la démocratie semble relativement solide, à la politique d’éducation jugée exemplaire par une <a href="https://www.oecd.org/fr/dev/ameriques/etudesducentrededeveloppementlargentineauXXesieclechroniquedunecroissanceannoncee-resume.htm">note de l’OCDE</a> et aux investissements pertinents, il suit, au moins jusqu’à la crise des années 1930, une dynamique de croissance remarquable.</p>
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<p>Aujourd’hui, les difficultés sont légion et le pays peine à renouer avec les promesses passées. Il y a notamment eu, au début des années 2000, une terrible crise économique. Plus proche de nous, la crise du Covid a davantage impacté l’Argentine que ses voisins, avec un taux de pauvreté passant de 35,5 à 42 % au cours de l’année 2020 selon l’institut national des statistiques et une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/28/on-travaille-davantage-et-on-gagne-moins-en-argentine-les-travailleurs-de-l-economie-informelle-frappes-par-l-inflation_6124056_3234.html">inflation</a> en 2021 de l’ordre de 50 %.</p>
<p>La question de savoir ce qui en un siècle a mal tourné fait l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs : les causes de ce déclin et les explications à ce paradoxe argentin restent un sujet de débat intense.</p>
<h2>Changements institutionnels</h2>
<p>Une source majeure, si ce n’est la principale, pour expliquer la dynamique économique d’un pays réside dans la qualité de ses institutions. C’est une des leçons que l’on peut tirer des travaux du « Nobel » Douglas North, repris ensuite par <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/B:JOEG.0000031425.72248.85">Dani Rodrik</a> encore Daron Acemoglu et James Robinson. Ces deux derniers, professeurs respectivement au MIT et à l’université de Chicago, mettent notamment en évidence les destinées différentes des anciennes colonies selon le modèle imposé par les métropoles, qu’il repose ou non sur <a href="https://ens-paris-saclay.fr/lecole/prix-et-distinctions/docteur-honoris-causa/daron-acemoglu">l’extraction de ressources naturelles</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500155/original/file-20221210-58047-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Juan Bautista Alberdi, père de la Constitution de 1853.</span>
<span class="attribution"><span class="source">William George Helsby</span></span>
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<p>C’est par les institutions que nous tentons donc de comprendre l’histoire économique de l’Argentine. Pour se débarrasser de l’héritage de la colonisation espagnole et après une longue période de violence et d’instabilité, l’Argentine finit par adopter en 1853 une Constitution largement inspirée de celle des États-Unis. Celui qui en est à l’origine avec son <a href="https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/bases-y-puntos-de-partida-para-la-organizacion-politica-de-la-republica-argentina--0/html/ff3a8800-82b1-11df-acc7-002185ce6064_8.html">ouvrage</a> <em>Bases y puntos de partida para la organización politica de la republica argentina</em> publié un an auparavant, Juan Bautista Alberdi, a voulu penser un modèle libéral, imprégné de libertés économique et de la <em>rule of law</em>, élément considéré <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/261555">nécessaire</a> au développement.</p>
<p>Elle reste l’épicentre de la vie du pays, jusqu’au moins aux années 1930. Durant la crise qui frappe le monde entier, le pays subit un premier coup d’État militaire, celui du général José Félix Uriburu, initiant une « décennie infâme ». Le cadre propice à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance</a> s’en trouve <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/016001799761012334">fragilisé</a>, en particulier du fait de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165176507004272?via%3Dihub">l’instabilité politique</a> qui en résulte pour près d’un demi-siècle.</p>
<p>Une date ressort néanmoins particulièrement dans nos travaux : 1943. Cette année-là, un nouveau coup d’État ouvre le chapitre suivant de l’histoire argentine. Le colonel Juan Domingo Perón, 48 ans, devient alors secrétaire au Travail et à la Prévoyance, fonction qu’il cumule ensuite avec celle de ministre de la Guerre. Proche des syndicats, il met en place toute une série de réformes lui conférant une grande popularité qui le propulse bientôt Président en 1946. L’économie devient petit à petit subordonnée à son projet politique avec notamment la nationalisation de la banque centrale et de grandes industries privées et une politique commerciale particulièrement protectionniste.</p>
<h2>Au niveau de l’Espagne</h2>
<p>Une nouvelle Constitution a été approuvée en 1949 et prend véritablement à contrepied le modèle alberdien. Elle n’est que la concrétisation de réformes déjà entreprises par celui qui sera renversé en 1955. La Constitution est alors abrogée mais une rupture durable semble bien avoir eu lieu. L’<a href="https://leyes-ar.com/constitucion_nacional/14%20bis.htm">article 14 bis</a> sur les droits des travailleurs du texte lui succédant reste, par exemple, un héritage direct de l’époque Perón.</p>
<p>Dans nos travaux nous faisons apparaître cette rupture grâce à la méthode de la double différence. Elle vise à répondre à la question : que serait devenue l’Argentine sans les réformes menées par Juan Perón ? Comme on ne peut l’observer directement, nous avons construit ce que l’on appelle un <a href="https://business.baylor.edu/scott_cunningham/teaching/abadie-and-gardeazabal-2003.pdf">contrefactuel</a>. En combinant plusieurs variables et 58 pays, nous avons construit une sorte d’« Argentine bis », qui suit une trajectoire parallèle à la « vraie Argentine » jusqu’en 1943.</p>
<p><iframe id="7iDr9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7iDr9/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En simulant la suite, nous observons un véritable décrochage à partir de cette date, à tel point que le PIB par habitant de l’Argentine à la fin de notre période d’échantillonnage est inférieur d’environ 30 %. L’Argentine aurait été en 2015, même s’il faut rester prudent avec les simulations, au niveau de pays de l’Union européenne tels que l’Espagne ou de la Slovénie. L’impact ne semble en effet pas cantonné simplement à la période péroniste ni ne s’achève avec le putsch des généraux de 1976, renversant Isabel Perón qui avait pris la suite de son défunt époux.</p>
<p>Les résultats restent solides lorsque l’on utilise différente « Argentine bis » et survivent à une batterie de contrôles placebo dans l’espace et dans le temps. Bien que les épisodes de gouvernance populiste puissent être de courte durée, les dommages économiques à long terme infligés par les politiques économiques et les réformes institutionnelles populistes peuvent ainsi bel et bien s’avérer élevés et durables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maximiliano Marzetti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les passages au pouvoir de Juan Domingo Perón ont été accompagnés d’une série de réformes populistes dont les effets sur l’économie se font encore sentir aujourd’hui.Maximiliano Marzetti, Assistant Professor of Law, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958342022-12-04T17:45:55Z2022-12-04T17:45:55ZÀ quoi ressemblerait l’économie française sans bouclier tarifaire ?<p>En 2021, les prévisions de croissance étaient de <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021">6,2 % pour 2022 et de 3,7 % pour 2023</a>, selon la Banque de France. En 2022, ces prévisions de croissance ne sont plus que de 2,85 % et 1 % pour ces deux mêmes années (<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0273_projet-loi">prévisions inscrites dans la loi de finances 2023</a>).</p>
<p>Cette forte réduction de la croissance est due principalement à la guerre en Ukraine qui a induit des problèmes d’approvisionnement énergétique. Dans ce contexte où faible croissance et inflation coexistent, le pouvoir d’achat est alors doublement réduit, par la hausse des prix à la consommation et par une activité, au ralenti, évinçant les progressions salariales.</p>
<p>Dès la fin de l’année 2021, le gouvernement français avait mis en place un bouclier tarifaire qui réduit le prix d’achat des produits énergétiques. En 2022, avec 6,4 %, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> française est en conséquence significativement plus faible qu’en Italie (8 %), en Allemagne (8,3 %), en Belgique (10,3 %) et aux Pays-Bas (12 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inflation-pourquoi-la-france-resiste-pour-linstant-mieux-que-ses-voisins-191597">Inflation : pourquoi la France résiste (pour l’instant) mieux que ses voisins</a>
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<p>Cette exception française ne conduit pas son économie à croître moins que celle de ces voisins, une plus faible inflation pouvant en effet révéler une demande en berne. Ainsi, la croissance allemande est prévue à <a href="https://issuu.com/oecd.publishing/docs/allemagne-projection-ocde-perspectives-economiques">1,8 % pour 2022 et 0,3 % pour 2023</a>, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).</p>
<h2>Il y aurait eu moins de croissance</h2>
<p>Afin d’évaluer la contribution du bouclier tarifaire dans l’explication de ces performances économiques, on doit répondre à deux questions : (<em>i</em>) que se serait-il passé si le bouclier tarifaire n’avait pas été mis en place en 2022 et en 2023 ? ; <em>(ii)</em> que se passera-t-il s’il n’est pas reconduit en 2023, sachant qu’il s’est appliqué en 2022 ?</p>
<p>Pour un coût budgétaire que nous évaluons à 58 milliards pour 2022 et 52 milliards pour 2023, le gain de croissance serait de 1,75 point pour 2022 et de 0,08 point pour 2023. Ce surplus de croissance induit par le bouclier tarifaire est obtenu dans un contexte d’inflation « contenue » : cette mesure aurait réduit l’inflation de 1,1 point en 2022 et de 1,8 point en 2023.</p>
<p><iframe id="H6UaZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H6UaZ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Notre <a href="https://www.cepremap.fr/2022/11/loi-de-finance-2023-quel-impact-a-eu-le-bouclier-tarifaire-sur-la-croissance-linflation-la-dette-publique-et-les-inegalites/">évaluation de l’impact du bouclier tarifaire</a> sur l’inflation, publié dans une récente note du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) est donc plus faible que celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6524161">Insee</a>). En effet, les reports de consommation qui contractent la demande courante et donc réduisent les tensions inflationnistes sont ici pris en compte, ainsi que des baisses de marges concédées par les entreprises dans ce contexte de forte hausse des coûts.</p>
<h2>La boucle prix-salaires se serait activée</h2>
<p>Le succès du bouclier tarifaire tient à son rôle de frein dans la boucle prix-salaire. Sans cette mesure, les plus fortes tensions inflationnistes engendreraient de plus forts accroissements de salaires et une fragilisation de la croissance, les coûts plus élevés du travail réduisant l’emploi. De plus, même si l’inflation française ne représente qu’une fraction de l’inflation européenne, ce surcroît d’inflation induira à terme une plus forte hausse des taux directeurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> qui viendront aussi <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">freiner l’activité économique</a>.</p>
<p>Si le bouclier tarifaire, en application en 2022, n’était pas reconduit en 2023, et ce de façon non anticipée, alors les prévisions pour 2022 ne seraient pas modifiées mais celles pour l’année 2023 seraient dégradées : la croissance serait presque divisée par deux (passage de 1 % à 0,55 %) et il y aurait 0,4 point d’inflation en plus.</p>
<p>Ce surcroît d’inflation induit par la non-reconduction du bouclier tarifaire en 2023 peut sembler modeste. En effet, l’effet mécanique de l’arrêt du bouclier est inflationniste, les prix « subventionnés » devenant les prix « effectifs ». Toutefois, comme le bouclier de 2022 a permis de ne pas enclencher une boucle prix-salaire qui était au maximum de sa puissante au moment de la forte hausse des prix de l’énergie (c’est-à-dire en 2022), l’inflation s’accroît modestement par rapport au scénario avec un bouclier sur deux années.</p>
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<p>Concernant la trajectoire de la dette publique, le coût du bouclier est en partie absorbé par le surplus de croissance et donc de recettes fiscales qu’il crée : la hausse de la dette est de 2,2 points de PIB alors que le coût ex ante est de l’ordre de 3 points de PIB. La moins forte hausse des taux d’intérêt qu’il assure permet aussi de modérer les accroissements de la charge de la dette.</p>
<h2>Il y aurait eu davantage d’inégalités</h2>
<p>Le bouclier tarifaire a également permis de réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a>. En effet, les ménages les moins favorisés sont les plus touchés par les hausses de prix de l’énergie car ils y consacrent une part plus importante de leurs revenus.</p>
<p>Avec le bouclier, un ménage favorisé (revenu parmi les 10 % des plus élevés) consomme 2,4 fois plus qu’un ménage modeste (revenu parmi les 10 % des plus bas). Sans le bouclier, les inégalités se seraient davantage accrues, un ménage favorisé pouvant consommer jusqu’à 2,5 fois plus qu’un ménage modeste. Sans le bouclier tarifaire, la crise énergétique est plus inflationniste et réduit plus fortement les possibilités de consommation de ceux pour qui le travail est la principale source de revenus, c’est-à-dire les ménages modestes.</p>
<p>Le bouclier tarifaire, en sauvant des emplois et en contenant l’inflation, aide donc davantage les ménages fortement dépendants des revenus du travail.</p>
<h2>L’indexation des salaires est-elle souhaitable ?</h2>
<p>Dans ce contexte inflationniste, certains ont défendu l’idée d’accompagner le bouclier tarifaire par une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/14/indexation-des-salaires-sur-les-prix-privilegier-la-creativite-plutot-que-l-ideologie_6149707_3232.html">indexation plus rapide des salaires sur les prix</a>. Nos estimations montrent qu’une telle indexation permet effectivement aux employés de voir leurs salaires réels horaire croître. Cependant, le nombre d’heures travaillées chute ce qui <em>in fine</em> réduit la masse salariale et la croissance. La perte de croissance est ainsi de 0,63 point en 2022 alors que le gain en 2023 est minime, 0,03 point. L’inflation est accrue de 1,1 point en 2022 et 0,2 point en 2023.</p>
<p>Ce contexte inflationniste provoque à moyen terme une hausse plus forte des taux d’intérêt, alourdissant la charge de la dette : le ratio dette sur PIB augmente de 1,6 point par rapport au scénario sans indexation. Enfin, comme l’indexation s’applique à tous salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités, ne faisant que réduire les heures travaillées de tous les employés, et donc le pouvoir d’achat de toute la population.</p>
<p>Enfin, comme l’indexation s’applique à tous les salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités.</p>
<h2>Quid d’une politique redistributive de relance ?</h2>
<p>Une alternative au bouclier tarifaire aurait été de distribuer un « chèque » à tous les ménages d’un montant correspondant à une dépense incompressible d’énergie. Nous supposons que cette dépense incompressible correspond à 20 % de la consommation d’énergie du consommateur médian, soit approximativement 500 euros par ménage pour un coût budgétaire de 15 milliards (25 % du coût du bouclier tarifaire).</p>
<p>Cette politique de relance est aussi redistributive car ce transfert identique pour tous représente une part plus grande de budget pour les plus modestes : 31 % de la consommation d’énergie pour les 10 % les plus pauvres, contre 14 % pour les 10 % le plus riches.</p>
<p>Nos estimations indiquent alors que cette politique augmente le taux d’inflation de 1,4 point en 2022 et 1,9 point en 2023, celui-ci étant même supérieur qu’en l’absence de bouclier car au choc d’offre inflationniste, vient s’ajouter la hausse des prix liée au supplément de demande des ménages.</p>
<p><iframe id="QFCrw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QFCrw/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce soutien par la demande permet toutefois un certain maintien de la croissance : 0,44 point de croissance est gagné en 2022 et 0,35 en 2023, par rapport à une économie sans bouclier tarifaire. Mais si l’on fait maintenant le bilan de cette politique en la comparant au bouclier tarifaire, elle enregistre un déficit de croissance de 0,85 point en 2022 et un gain de 0,27 point pour 2023, soit un 0,45 point de croissance annuelle perdu en moyenne sur ces deux années.</p>
<p>Le bilan financier du gouvernement est aussi dégradé : même avec une réforme moins coûteuse, la croissance perdue et la plus forte hausse des taux d’intérêt, induite par le surcroît d’inflation, conduisent à une hausse de 6,8 points le ratio dette sur PIB.</p>
<p>Du côté des inégalités, cette politique redistributive permet de les réduire plus fortement puisqu’un ménage favorisé ne consommerait plus que 2,05 fois plus qu’un ménage défavorisé. Toutefois, cette réduction des inégalités se produirait dans une économie où tous les ménages consommeraient moins que dans l’économie avec bouclier tarifaire.</p>
<p>Ces analyses indiquent donc clairement que, face à un choc d’offre tel que le choc énergétique, une politique de demande redistributive telle que celle que nous avons testée est « naturellement » dominée par une politique d’offre telle que le bouclier tarifaire. Elles indiquent aussi que l’indexation des salaires fragilise la croissance et l’emploi. Le bouclier tarifaire serait donc un bon compromis entre inflation, croissance, pouvoir d’achat mais aussi inégalités, dont le creusement a également pu être limité par cette mesure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les estimations du Cepremap, la mesure gouvernementale de protection du pouvoir d’achat engendrera des gains de croissance respectifs de 1,75 et de 0,08 point en 2022 et 2023.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéFabien Tripier, Professeur d'économie et chercheur à l'observatoire macro du CEPREMAP, Université Paris Dauphine – PSLJean-Olivier Hairault, Professeur d'économie et Directeur Scientifique de l'Observatoire Macro du Cepremap, Paris School of Economics – École d'économie de ParisSelma Malmberg, Doctorante en macroéconomie au CEPREMAP, Chargée d'enseignement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1894342022-10-31T13:35:11Z2022-10-31T13:35:11ZLa densification des villes est bonne pour l’environnement… et l’économie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483077/original/file-20220906-18-gf26dg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C998%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu'elle s'inscrit dans une stratégie de développement urbain et régional plus large, la densification des espaces déjà urbanisés devient un vecteur de développement économique et de qualité de vie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est payant pour une ville de se densifier, à condition que cette densification soit planifiée et adaptée à chaque contexte territorial.</p>
<p>La transformation des milieux urbains en espaces plus compacts de vie, de travail et de loisirs peut suivre des trajectoires très différentes d’une ville et d’un quartier à l’autre – en fonction de leurs caractéristiques actuelles, leur rythme de croissance démographique et leurs ambitions. Il existe de nombreux exemples innovants de densification pour des <a href="https://www.oecd.org/regional/greening-cities-regions/compact-city.htm">grandes villes</a> comme Québec et Montréal, mais aussi pour des <a href="https://vivreenville.org/media/739997/Petites-et-moyennes-collectivites-viables.pdf">villes de taille moyenne et de petites villes</a> avec des choix d’aménagement, de design et d’architecture potentiels de grande qualité très diversifiés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/densifier-la-ville-oui-mais-de-maniere-verte-et-socialement-acceptable-184122">Densifier la ville ? Oui, mais de manière verte et socialement acceptable</a>
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<p>Les arguments les plus populaires en faveur des villes plus compactes sont généralement environnementaux : <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter_08.pdf">soutenir des mesures de densification serait une façon efficace pour les États d’accélérer la réduction des émissions de GES sur leur territoire</a>. En effet, les villes étalées, peu denses et compartimentées seraient propices à une consommation individuelle élevée de ressources, d’énergie et d’espaces menant à un niveau élevé d’émissions de GES nationales.</p>
<p>Mais à ces arguments environnementaux en faveur de la densification s’ajoute une série d’arguments économiques, que l’on attribue entre autres aux <a href="https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/49330120.pdf">économies d’agglomération</a>. On parle ici des profits et des gains de productivité dont les entreprises, les commerces et les consommateurs bénéficient en étant regroupés dans un même lieu.</p>
<p>Professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, mes recherches portent entre autres sur les indicateurs de développement durable des villes et des régions.</p>
<h2>Des sources de revenus plus diversifiées et pérennes pour les villes</h2>
<p>D’abord, contrairement à la construction de simples tours à logements sur un terrain aléatoire en périphérie de la ville, le développement de quartiers mixtes de haute qualité contribue à <a href="http://eprints.lse.ac.uk/83638/1/sercdp0215.pdf">rendre la ville plus attractive auprès de futurs citoyens</a>. Ces derniers sont en effet prêts à payer plus cher pour bénéficier de localisations centrales caractérisées par la qualité des espaces de bureaux, des cafés, des commerces et des services, par exemple. Et cette attraction permet à la ville de bénéficier d’un bassin plus important de contribuables.</p>
<p>Ensuite, lorsqu’elle est bien planifiée, la densification suivant une approche axée sur la mixité <a href="http://eprints.lse.ac.uk/83638/1/sercdp0215.pdf">rend également la ville plus attractive à des entreprises et des commerces</a> de biens et de services spécialisés et de meilleure qualité. Ceci permet à la ville de bénéficier de revenus fiscaux provenant de diverses sources directes (bureaux, commerces) et indirectes (utilisation plus fréquente des services publics). La densification pourrait ainsi faire partie d’un cocktail de solutions <a href="https://www.lesoleil.com/2022/05/20/le-monde-municipal-plaide-lequite-b53ad13d1a02cc4b309f30aaca2c5965">au besoin manifesté par de nombreuses villes de trouver de nouvelles sources de revenus</a>.</p>
<p>Finalement, comme la majorité de la croissance démographique dans le monde se produira dans les villes de petite et moyenne taille selon les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter_08.pdf">estimations du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC)</a>, ces milieux urbains de plus en plus convoités seront un jour inévitablement saturés. Ce n’est qu’une question de temps.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="immeubles en construction" src="https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483079/original/file-20220906-20-k2fu8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsqu’elle est bien planifiée, la densification suivant une approche axée sur la mixité rend la ville plus attractive à des entreprises et des commerces.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>En commençant à mieux organiser et préparer le territoire dès maintenant, les villes éviteront de subir ce flux démographique et pourront plutôt planifier une offre urbaine continue en fonction de la demande sur un horizon de long terme. En d’autres termes, elles bénéficieront de nouvelles opportunités de revenu sur une plus longue période de temps qu’une ville qui aura rapidement atteint son niveau de saturation par manque de planification de l’occupation future du territoire.</p>
<h2>Diminution des dépenses publiques</h2>
<p>En étant plus compactes, les villes économisent sur leurs dépenses. Il est certain qu’il est plus facile de construire sur des territoires encore vierges pour les promoteurs immobiliers. Mais pour les villes, ce type de construction implique <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2010-1-page-34.htm">l’ajout d’infrastructures, d’équipements et de services qu’elles auraient pu épargner en encourageant la densification des espaces déjà desservis par de tels dispositifs</a>. Ces dépenses additionnelles peuvent atteindre <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/9789264189881-en/1/2/3/1/index.html?itemId=/content/publication/9789264189881-en&_csp_=0058662d2c0fd533a9440ec1d9687cb9&itemIGO=oecd&itemContentType=book#chap00004">jusqu’à 60 % des coûts d’opération des services existants dans les pays industrialisés</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-favoriser-la-mixite-sociale-il-faut-construire-des-ecoles-dans-les-centres-villes-mais-differemment-177014">Pour favoriser la mixité sociale, il faut construire des écoles dans les centres-villes. Mais différemment</a>
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<p>Il s’en suit alors un cercle vicieux : les logements construits à l’extérieur de la ville finiront à long terme par créer une plus grande demande en transport, qui générera à son tour plus de congestion urbaine, obligeant la construction de nouvelles routes dont le potentiel sera rapidement atteint. Et c’est sans parler de la prise en charge de nouvelles dépenses d’entretien et d’opération des services municipaux, qui crée une augmentation inévitable des frais et des taxes afin de couvrir ces nouvelles dépenses.</p>
<h2>Soutien au développement économique local et régional</h2>
<p>Finalement, lorsqu’elle s’inscrit dans une stratégie de développement urbain et régional plus large, la <a href="https://www.oecd.org/regional/greening-cities-regions/compact-city.htm">densification des espaces déjà urbanisés devient un vecteur de développement économique et de qualité de vie</a>.</p>
<p>De nombreuses municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal peuvent en témoigner, avec des <a href="https://cmm.qc.ca/wp-content/uploads/2019/02/cahiersMetropolitains_no07.pdf">développements de quartiers mixtes autour des stations de transport collectif</a>. En devenant plus denses, elles comptent davantage d’entreprises et de commerces qui pourront bénéficier d’un bassin plus large de consommateurs potentiels. Ces entreprises et ces commerces créent à leur tour des emplois pour la main-d’œuvre locale ou en attirent sur leur territoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="nouveau développement au bord de l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483080/original/file-20220906-24-g025vs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le développement de quartiers mixtes de haute qualité contribue à rendre la ville plus attractive auprès de futurs citoyens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Plus d’emplois diversifiés signifient plus de possibilités pour les jeunes aux compétences et aux ambitions variées de trouver du travail à une distance raisonnable de leur domicile, ce qui leur permet de participer activement à l’économie locale.</p>
<p>Le cycle se poursuit, puisqu’avec plus de contribuables et d’entreprises sur leur territoire, les villes bénéficient de revenus plus substantiels provenant des taxes pour financer les travaux publics, les infrastructures et les services. Elles deviennent aussi susceptibles de disposer d’un plus large éventail d’offres culturelles, ce qui attire à la fois les touristes et des résidents potentiels.</p>
<p>En somme, densifier ne signifie pas condenser plus de personnes dans un espace plus restreint. Il s’agit plutôt de tirer parti de tout l’espace urbain déjà disponible et de l’utiliser de façon créative et innovante en anticipant les besoins sociaux et économiques ainsi que les préoccupations environnementales à court, moyen et long terme.</p>
<p>C’est aussi ça, un développement urbain durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189434/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juste Rajaonson a reçu du financement des Fonds de recherche du Québec pour étudier les stratégies de développement durable des municipalités du Québec.</span></em></p>La densification urbaine permet de générer des sources de revenus plus diversifiées et pérennes pour la ville, de diminuer les dépenses publiques et de soutenir le développement économique local.Juste Rajaonson, Professeur en études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926942022-10-18T16:41:57Z2022-10-18T16:41:57ZXXᵉ congrès du PCC : le modèle économique chinois est-il compatible avec les ambitions de puissance et de modernité ?<p>C’est devant un public acquis à sa cause que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xi-jinping-40074">Xi Jinping</a>, 69 ans, a ouvert ce dimanche 16 octobre le XX<sup>e</sup> Congrès du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parti-communiste-chinois-45164">Parti communiste chinois</a>. Briguant samedi prochain un troisième mandat à la tête du pays, ce qui ferait de lui le dirigeant le plus puissant depuis Mao, il s’adressait à quelque 2 300 délégués d’un appareil politique qui met tout en œuvre pour <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221016-chine-au-congr%C3%A8s-du-pcc-le-pr%C3%A9sident-xi-jinping-pr%C3%B4ne-l-unit%C3%A9-derri%C3%A8re-lui">montrer son unité</a>.</p>
<p>Il a souligné ses objectifs de faire de la Chine une puissance de premier plan au niveau mondial ainsi qu’un grand pays moderne. Son économie peut-elle seulement relever ce défi ?</p>
<p>La question de l’évolution du modèle de développement semble aujourd’hui cruciale pour Pékin. La politique économique actuelle est-elle soutenable ? Le régime peut-il accepter une plus faible croissance ? On constate en fait d’importantes faiblesses structurelles : ralentissement économique, contraintes démographiques, inégalités, problèmes environnementaux. Elles existaient avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir mais ses méthodes autoritaires en ont aggravé les conséquences.</p>
<p>Pour maintenir le cap d’une croissance élevée, les autorités ont, ces dernières années, fait le choix de continuer de soutenir les investissements mais souvent dans des secteurs peu productifs comme l’immobilier. Elles ne pourront cependant pas pallier éternellement une demande en berne pour des raisons tant démographiques que sociales. Le modèle économique chinois, sujet de nos <a href="https://journals.openedition.org/lectures/51163">recherches</a>, semble se trouver donc face à un impératif de réformes qu’il repousse depuis presque deux décennies.</p>
<h2>L’investissement, indispensable moteur de l’économie</h2>
<p>Repartons quelques années en arrière. À la mort de Mao en 1976, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> reste un pays très pauvre, souffrant de sous-investissement. Deng Xiaoping, leader réformiste, accède bientôt au pouvoir et lance toute une série de mesures à partir de 1978 visant à construire une « économie socialiste de marché ».</p>
<p>La stratégie d’ouverture et d’attraction des capitaux étrangers, aidée par l’abondance de main-d’œuvre bon marché, a permis de soutenir de forts taux de croissance. Ils reposent ainsi principalement sur l’investissement et le commerce extérieur, mais très peu sur la consommation des ménages qui reste à un niveau assez faible. En effet, le taux d’épargne est très élevé en raison de la faiblesse de la protection sociale et donc de la nécessité de constituer une épargne de précaution.</p>
<p><iframe id="64X9E" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/64X9E/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les investissements sont devenus de moins en moins rentables. Au début des années 2000, une réorientation semblait déjà impérative. Dès 2004, le premier ministre Wen Jabao annonce le nécessaire ré-équilibrage de la croissance afin d’améliorer l’efficacité de ces investissements et d’accroître la consommation. Si la Chine veut éviter de tomber dans « la trappe des pays à revenu intermédiaire », il faudrait augmenter les revenus des ménages, mais aussi permettre une <a href="http://faculty.econ.ucdavis.edu/faculty/woo/Woo-Articles%20from%202012/Woo.China-Middle%20Income%20Trap.JCEBS%202012.pdf">croissance plus qualitative</a> en s’appuyant sur des technologies de production d’un niveau supérieur. <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_de_la_chine-9782707192127">Peu de mesures cependant voient le jour</a>, reportées un peu plus par la crise financière de 2007.</p>
<p>Pékin a, de fait, continué d’ériger la croissance en objectif premier. L’une des particularités de l’économie de la Chine est que le taux d’évolution de la production d’une année sur l’autre n’est pas tant quelque chose de mesuré à la fin d’une année ou même une prévision anticipée, qu’un objectif à tenir, fixé par le gouvernement. Pour atteindre les cibles qu’elles se donnaient elles-mêmes, les autorités ont poursuivi leur soutien massif à l’investissement, au détriment d’une évolution du modèle économique.</p>
<h2>L’immobilier plutôt que la productivité</h2>
<p>Le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/05e0fbe4-fcdb-4041-94a0-420076567622/files/730ca0e9-0cf4-4478-9fdb-4341bfad6b81">secteur immobilier</a> a alors progressivement endossé un rôle central. L’urbanisation et la nécessité sociale d’être propriétaire pour pouvoir se marier stimulaient la demande : les gouvernements locaux en ont profité pour s’enrichir grâce aux ventes de terrains.</p>
<p>Non seulement l’activité de ce secteur permet d’atteindre le taux de croissance fixé par le gouvernement, mais il permet aussi de lisser les cycles liés à la conjoncture. Lorsqu’il y a un risque de surchauffe, la décision est prise de contraindre l’activité du secteur, via par exemple une hausse des taux d’intérêt ou en demandant un apport minimum élevé. Au contraire, tout est fait pour la soutenir lorsque la croissance faiblit.</p>
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<p>L’importance de la demande a cependant également entraîné une hausse des prix, surtout dans les plus grandes villes, ce qui a incité à la spéculation. Face aux possibilités de profits rapides, il y a alors eu un phénomène en chaîne qui a, en quelque sorte, dirigé vers ce secteur des investissements qui auraient été plus productifs ailleurs.</p>
<p>Le secteur immobilier au sens strict représente aujourd’hui 14 % du PIB, 30 % si on inclut les secteurs concernés en amont (le ciment ou l’acier par exemple) et en aval (la décoration, l’ameublement). On observe, de fait, une très forte interdépendance entre ces secteurs, ce qui les fragilise en cas de difficultés. Or, c’est précisément ce qui arrive aujourd’hui.</p>
<h2>Des menaces qui planent sur le secteur financier</h2>
<p>Cette course à la croissance et aux investissements s’est en effet faite au prix d’un fort endettement, à tel point qu’en 2020, le gouvernement a décidé de durcir la réglementation. Ont été définies <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/immobilier-cette-crise-rampante-qui-menace-la-chine-1870011">« trois lignes rouges »</a> qui limitent le niveau d’endettement des entreprises.</p>
<p>Si cette décision vise à assainir, à juste titre, un marché en surchauffe, elle a néanmoins accru les problèmes d’entreprises déjà pénalisées par la crise liée au coronavirus. Le gouvernement doit donc relâcher un peu les contraintes et retarder une fois de plus des réformes de fond.</p>
<p>Le risque de transmission de la crise à d’autres secteurs est d’autant plus important qu’une partie des emprunts s’est fait grâce au « shadow banking », cette finance de l’ombre qui, bien que plus contrôlée que par le passé, n’en demeure pas moins réelle. À la différence des grandes banques qui ont la capacité de surmonter une crise de liquidité, nombre de petites banques s’avèrent fragiles et ne résisteraient pas à un défaut des entreprises auxquelles elles ont prêté.</p>
<p>Au risque de défaut des promoteurs s’ajoute d’ailleurs le risque de boycott des acheteurs, qui ne veulent plus payer pour des appartements dont la construction se trouve souvent suspendue. La plupart des logements sont en effet vendus sur plan et l’évolution des travaux dépend de l’état des finances du promoteur.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont les gouvernements locaux qui assurent la solidité de l’ensemble et qui soutiennent le marché en achetant un très grand nombre de logements. Les autorités de la ville de Suzhou (agglomération de plus de quatre millions d’habitants située dans la province de Jiangsu au sud du pays) ont, par exemple acheté <a href="https://www.scmp.com/business/china-business/article/3195883/local-chinese-governments-snap-new-homes-bid-buoy-battered">5000 appartements</a> en septembre. Cela correspond à la moitié des appartements vendus dans le mois.</p>
<p>Pareille politique peut permettre aux promoteurs immobiliers d’honorer leurs engagements en terminant les appartements et en payant les fournisseurs, mais ce n’est qu’une solution provisoire.</p>
<h2>Une démographie pénalisante</h2>
<p>Cette crise de l’immobilier a été aggravée par la <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/briefings-de-lifri/vieille-detre-riche-chine-face-defi-de-demographie">situation démographique</a>. La population chinoise vieillit. Dès le début des années 1970, des restrictions des naissances ont été mises en place, augurant la politique de l’enfant unique décidée en 1979.</p>
<p>Des assouplissements récents ont tenté d’initier un virage avec le droit à un 2<sup>e</sup> enfant en 2015 et l’incitation à avoir un 3<sup>e</sup> enfant en 2021. Mais les tentatives du gouvernement pour relancer la natalité sont des échecs pour des raisons financières et sociales. En l’absence d’une véritable politique de redistribution et d’une hausse des salaires, avoir un enfant voire deux enfants supplémentaires s’avère trop coûteux en termes d’éducation, de santé et de logement. De plus, la société évolue et les jeunes couples se sont habitués à l’idée de n’avoir qu’un enfant et de lui offrir la meilleure éducation possible.</p>
<p>Le taux de fécondité est ainsi de <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SP.DYN.TFRT.IN?locations=CN">1,7 enfant par femme</a> alors qu’un taux de 2,1 est nécessaire au renouvellement de la population. La Chine non seulement perdra donc à l’avenir les avantages d’une population jeune en termes de dynamisme, de capacité d’innovation… mais elle devra également assumer la charge d’une population âgée. Elle connait en fait les problèmes de transition démographique des pays riches alors qu’elle ne se situe en 2020, qu’au 72<sup>e</sup> rang mondial en termes de PIB par habitant, selon les données du FMI.</p>
<p>La montée du chômage (18 % chez les 18-24 ans), ne peut en outre que pénaliser une relance de la démographie. Tous ces éléments pèsent sur la demande de nouveaux logements.</p>
<h2>Ce que le parti semble devoir concéder</h2>
<p>Trois éléments paraissent donc indispensables pour permettre une croissance chinoise plus qualitative : éviter les investissements non rentables, ceux qui ne visent qu’à soutenir artificiellement le taux de croissance ; augmenter les revenus des ménages afin de faire de la consommation intérieure le moteur de la croissance ; et poursuivre l’amélioration du niveau technologique de la production.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Or, ce dernier point se heurte à la dépendance vis-à-vis de la technologie américaine et à l’impact de l’interdiction de certaines exportations des États-Unis vers la Chine. D’une façon générale, le climat des affaires se trouve très dégradé par la brutalité et l’imprévisibilité des décisions de Xi Jinping. Le renforcement du contrôle sur le secteur du numérique ou l’interdiction de l’important secteur des entreprises donnant des cours particuliers par exemple, ont instauré une méfiance qui pourrait à l’avenir peser non seulement sur les investissements étrangers mais aussi sur la prise de risque des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Dans un contexte où l’application d’une politique zéro Covid très stricte et contraignante entraîne de nombreuses critiques de la part de la population, l’objectif du gouvernement reste d’assurer le maintien du parti communiste au pouvoir, sans que les pays étrangers puissent mettre des obstacles au développement du pays. C’est le sens du projet « Une ceinture, une route », mais aussi de l’activisme de la Chine au plan international. Sur ce point encore, après des années de discrétion de la part des dirigeants, les méthodes agressives de Xi Jinping entament la crédibilité de la Chine.</p>
<p>En résumé, les problèmes économiques ne seront surmontés que si le gouvernement et donc le parti communiste acceptent un taux de croissance plus faible et une politique de redistribution. Celle-ci, même si elle reste conforme à l’idéal communiste, n’en reste pas moins à l’état de projet incertain, les déclarations de Xi Jinping sur la prospérité commune restant très générales.</p>
<p>Le dirigeant chinois, comme ses prédécesseurs, reste profondément marqué par l’éclatement de l’URSS, attribué à un affaiblissement du Parti communiste soviétique. Tout est donc fait aujourd’hui pour que le Parti communiste chinois renforce son influence et son contrôle. La question est de savoir si cela sera à l’avenir compatible avec la poursuite du développement économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192694/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary-Françoise Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance chinoise, qui repose sur des investissements de moins en moins rentables, dépend aujourd’hui de la mise en œuvre de réformes repoussées depuis presque deux décennies.Mary-Françoise Renard, Professeur d’économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891132022-08-22T18:24:54Z2022-08-22T18:24:54ZQue nous réserve l’économie mondiale en 2023 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480187/original/file-20220821-40834-9t0pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C16%2C1185%2C740&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2022, l’inflation atteignait 9,1&nbsp;% aux États-Unis et 8,6&nbsp;% dans la zone euro en rythme annuel.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/59937401@N07/5856660723">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2023-9782348075773"><em>collectif « L’économie mondiale 2023 » publié aux Éditions La Découverte</em></a> (collection Repères), à paraître le 8 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : Il y a un an, on pouvait espérer que l’économie mondiale allait se relever de la crise sanitaire sans trop de séquelles. L’inflation qui pointait ne devait être que transitoire et les chaînes d’approvisionnement devaient se remettre des confinements. Des espoirs qui ont été balayés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dès lors, quelles perspectives ?</strong></p>
<p>Des perspectives sombres. Car, effectivement, les crises, même si elles sont de natures très différentes, s’enchaînent, et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> vient conforter ceux qui pensaient que l’inflation était là pour durer, accentuer les pressions sur les prix des matières premières, créer de nouveaux dysfonctionnements dans les chaînes de valeur mondiales et confronter l’Europe à une crise énergétique sans précédent.</p>
<p>De quoi mettre l’économie mondiale au bord du précipice, selon Thomas Grjebine, avec des risques de crises alimentaire, financière et de la dette. Un scénario bien différent de celui qui prévalait l’an dernier. Résultat, la reprise n’est plus au rendez-vous. Les prévisions de croissance sont régulièrement revues à la baisse et les resserrements monétaires pour lutter contre l’inflation, qui atteignait <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/13/l-inflation-americaine-atteint-9-1-en-juin-sur-un-an_6134690_3234.html">9,1 % aux États-Unis</a> et <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/14644638/2-19072022-AP-FR.pdf/dc6137e1-da3e-b462-f85c-f40aee42cb7b?t=1658145354282">8,6 % dans la zone euro</a> en juin 2022, risquent de plonger l’économie mondiale dans la stagnation, sinon la récession, sans pour autant parvenir à juguler une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> dont les causes structurelles s’amoncellent (mondialisation moins dynamique, transition écologique et rattrapage salarial).</p>
<p>À cela s’ajoute un moteur chinois qui se grippe. Pas seulement à cause de la politique zéro-Covid, mais là aussi pour des raisons plus structurelles, liées au vieillissement de la population chinoise et au ralentissement de la productivité que le développement économique du pays occasionne.</p>
<p><strong>TCF : Ne risque-t-on pas, à devoir gérer les urgences provoquées par les conséquences de la guerre, d’avoir à reléguer au second plan l’urgence ultime qu’est la transition écologique ?</strong></p>
<p>À court terme, les décideurs sont confrontés à des choix délicats car, en voulant juguler l’inflation, c’est la croissance qu’ils pourraient plomber ; en voulant faire face à la crise énergétique, c’est la transition écologique qu’ils menacent ; sans compter un cadre international qui s’effrite avec des tensions géopolitiques qui prennent le pas sur les questions économiques. Sur la transition écologique, le risque de ralentir le pas quand il faudrait l’accélérer est au plus haut.</p>
<p>La guerre en Ukraine contraint en effet les Européens, mais aussi les Américains, à prendre des décisions qui vont à l’encontre des priorités qu’ils s’étaient fixés. <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/face-au-risque-de-crise-energetique-le-charbon-fait-son-grand-retour-chez-les-menages-allemands-928148.html">L’Allemagne va recourir davantage au charbon</a> pour faire face aux pénuries de gaz. <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/04/aux-etats-unis-la-relance-de-la-production-de-petrole-et-de-gaz-fortement-contestee_6124715_3244.html">Les États-Unis relancent leur production de pétrole et de gaz</a>. En outre, le retour de l’inflation menace lui aussi la transition écologique car les tensions sociales risquent de s’exacerber avec pour conséquences des difficultés plus grandes à mettre en œuvre des mesures comme les taxes sur les émissions de CO<sub>2</sub> dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat.</p>
<p><strong>TCF : Ces perspectives sombres remettent-elles en cause les <a href="https://theconversation.com/le-plan-de-relance-de-joe-biden-va-t-il-faire-surchauffer-leconomie-americaine-154959">plans de relance</a> décidés pour lutter contre la pandémie ? A-t-on été trop loin ?</strong></p>
<p>Après coup, il est toujours facile de se dire que c’était trop et que l’inflation en fait les frais. Mais, au moment où ces plans ont été décidés, la Russie n’avait pas envahi l’Ukraine et il faut se rappeler que les réponses à la crise financière avaient été jugées insuffisantes. Au moment de la crise sanitaire, les autorités ont tiré les leçons de ces insuffisances et force est de constater que, face à un choc d’une telle brutalité, elles n’ont pas démérité. Pour Jérôme Héricourt, leur effort budgétaire a été bien plus important qu’au moment de la crise financière et bien mieux combiné à l’action des banques centrales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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<p>Même les pays de l’Union européenne ont su, le temps de la crise, s’affranchir de leur dogmatisme budgétaire. Certes, il y aurait à redire sur la destination des aides, qui sont allées bien plus aux entreprises qu’aux ménages, et à l’urgence plus qu’à la préparation de l’avenir. Mais, globalement, ces plans de soutien ont réussi à préserver l’emploi et, même s’ils se sont évidemment traduits par une forte hausse des dépenses publiques, sans eux, les finances publiques se seraient bien plus dégradées. Ce qu’ils n’ont pas évité en revanche, c’est la hausse des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> sur laquelle la crise sanitaire semble bien avoir débouché.</p>
<p><strong>TCF : Mais, tout de même, ces plans ne sont-ils pas à l’origine de la résurgence de l’inflation ?</strong></p>
<p>Pour les pays qui ont très fortement soutenu la demande, comme les États-Unis, peut-être, mais comme on l’a souligné juste avant, c’est en priorité à l’offre que sont allées les aides. Quant au soutien monétaire des banques centrales, c’est au secteur bancaire et financier qu’il a surtout profité. Le surcroît de monnaie a bien plus inondé la sphère financière que la sphère réelle. Alors, l’inflation actuelle a peut-être une composante monétaire, mais ce n’est assurément pas la seule ni la principale.</p>
<p>D’après Thomas Grjebine, il y a des facteurs plus profonds, plus structurels et plus inquiétants aussi car ce sont eux qui pourraient rendre l’inflation durable et récalcitrante au tour de vis monétaire des banques centrales. C’en est ainsi peut-être fini du régime de basse inflation dans lequel les pays occidentaux s’étaient installés depuis une trentaine d’années.</p>
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<p>Il faut s’attendre à plus de conflits de répartition et à de sacrés dilemmes macroéconomiques pour nos gouvernants. Il leur faut sauvegarder le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> sans réduire la compétitivité ni nourrir l’inflation. Il leur faut aussi limiter les hausses des prix des matières premières et de l’énergie mais ne pas freiner les incitations à la transition écologique. Quant à la <a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">remontée des taux d’intérêt</a> décidée par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, il ne faudrait pas qu’elle débouche sur une crise de la dette, en particulier dans la zone euro. Car ce sont à n’en pas douter les investissements dans la transition écologique qui en pâtiraient.</p>
<p><strong>TCF : La transition écologique peut-elle malgré tout accélérer ?</strong></p>
<p>À ce stade, c’est difficile à dire. Le risque est grand que la transition continue de patiner. Ce serait dramatique, car il y a tant à faire. Les éclairages ne manquent d’ailleurs pas pour guider l’action publique et privée en ce domaine. Car, pour Michel Aglietta et Renaud du Tertre, il faut impérativement articuler les deux. Faire interagir une action publique volontariste et cohérente pilotée par une planification stratégique avec l’action des entreprises qui, à leur niveau, peuvent limiter les inégalités, l’exclusion sociale et les injustices, et participer à la lutte contre le changement climatique, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité.</p>
<p>Mais, pour cela, elles vont devoir faire évoluer leur gouvernance en profondeur, ne plus être gérées dans le seul intérêt de leurs actionnaires et s’ouvrir à celui de l’ensemble de leurs parties prenantes en tenant compte des objectifs d’un développement durable. La <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/27/la-planification-ecologique-doit-disposer-d-un-instrument-financier-la-double-valorisation-du-carbone_6127887_3232.html">double valorisation du carbone</a>, consistant à donner un prix au carbone « incorporé » aux biens polluants, mais aussi au carbone « évité », constitue à cet égard une proposition intéressante pour inciter les entreprises à se détourner des investissements les plus émissifs en gaz à effet de serre et à s’aligner sur les objectifs bas carbone.</p>
<p><strong>TCF : Et les politiques commerciales qui n’ont longtemps fait aucun cas du climat, commencent-elles à s’en soucier ?</strong></p>
<p>Assurément, car même s’il est encore impossible, faute de données suffisamment détaillées, de savoir si les effets négatifs du commerce sur le changement climatique (comme les transports internationaux ou l’augmentation de la production) l’emportent sur ses effets positifs (comme les transferts technologiques ou le développement de productions moins polluantes que le jeu des avantages comparatifs peut stimuler), il serait irresponsable, pour Cecilia Bellora, de continuer de mener des politiques commerciales déconnectées des préoccupations climatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-eviter-que-les-politiques-climatiques-europeennes-ne-favorisent-les-delocalisations-175691">Comment éviter que les politiques climatiques européennes ne favorisent les délocalisations ?</a>
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<p>Pourtant, aujourd’hui, nous n’en sommes parfois qu’au stade des pistes. C’est le cas de celle qui consisterait à relever les droits de douane sur les biens les plus polluants et à les baisser sur ceux qui le sont moins. Un peu moins de celle d’utiliser le commerce comme levier pour inciter nos partenaires commerciaux à être plus ambitieux dans leurs politiques climatiques, comme en témoigne l’accord de libre-échange récemment signé par l’UE avec la Nouvelle-Zélande.</p>
<p>Une troisième piste, la plus avancée, est d’agir sur les flux commerciaux pour mettre sur un pied d’égalité, en matière de droits à émettre des gaz à effet de serre, les producteurs des pays vertueux en matière climatique et leurs concurrents étrangers sur leur marché national. Cette dernière option est celle que l’Europe cherche à mettre en place avec <a href="https://theconversation.com/comment-eviter-que-les-politiques-climatiques-europeennes-ne-favorisent-les-delocalisations-175691">son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> qui, si elle se concrétisait, serait une première au niveau mondial.</p>
<p><strong>TCF : L’Europe avance un peu sur le climat, mais qu’en est-il de son ambition de bâtir sa souveraineté vis-à-vis de pays dont elle dépend trop aujourd’hui ?</strong></p>
<p>En la matière, l’Europe avance aussi. Il faut dire que la crise sanitaire et maintenant la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur les vulnérabilités que nos interdépendances occasionnent. Pour Vincent Vicard et Pauline Wibaux, c’est autour du concept d’autonomie stratégique ouverte que s’articule la mise en cohérence des instruments de politique économique, tant internes qu’externes, que l’UE mobilise pour bâtir sa souveraineté économique, tout en préservant l’ouverture économique.</p>
<p>Processus en cours, il est déjà relativement avancé sur certains dossiers, comme les projets importants d’intérêt européen commun qui autorisent les aides d’État à des investissements privés dans des domaines stratégiques (microélectronique, batteries électriques, hydrogène ou semi-conducteurs). Mais il est encore au stade des négociations sur d’autres, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou l’instrument antisubvention. Quoi qu’il en soit, le processus est engagé pour redessiner les contours de l’insertion internationale de l’UE, qui ne peut plus désormais être accusée de naïveté.</p>
<p><strong>TCF : L’opinion publique s’empare-t-elle désormais de tous ces sujets ?</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=950&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480183/original/file-20220821-14190-aayy38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1194&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’économie mondiale 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_mondiale_2023-9782348075773">Éditions La Découverte</a></span>
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<p>Pas assez et, de ce point de vue là, on espère utiles à toutes et tous des ouvrages comme <em>L’Économie mondiale</em>. Car, dans le climat d’incertitude et face à la souffrance économique et sociale que cet enchaînement incessant de crises engendre, c’est le repli sur soi et la recherche de boucs émissaires qui pourraient l’emporter. Pour sûr alors, c’est de l’immigration bien plus que du changement climatique que l’on entendra parler. Les médias ont une responsabilité majeure, un rôle crucial à jouer pour faire en sorte que le débat sur l’immigration soit bien informé. Et il nous faut collectivement prendre garde à ce que cette mission d’information ne soit pas dévoyée. Quand on rassemble les résultats des recherches en sciences sociales consacrées à l’immigration, comme le montre Anthony Edo, on se rend compte du <a href="https://theconversation.com/la-france-est-elle-aujourdhui-un-grand-pays-dimmigration-170309">décalage entre les représentations du phénomène et la réalité</a>. Décalage dont il est clairement démontré qu’il influence les opinions politiques et le vote. Donc, sur l’immigration comme sur tous les autres sujets, faisons œuvre de pédagogie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189113/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est conseillère scientifique auprès de l'Institut Veblen et membre de la Chaire énergie et prospérité. Elle a reçu des financements de l'Institut Veblen et de la Chaire énergie et prospérité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les perspectives de croissance post-Covid ont notamment été balayées par la guerre en Ukraine et la forte poussée inflationniste, ce qui confronte les décideurs à des choix délicats.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1872312022-07-26T21:19:57Z2022-07-26T21:19:57ZLes réglementations commerciales, un levier de croissance durable dans le Sud<p>Ces dernières décennies, l’essor du commerce international a apporté la diversité alimentaire dans nos cuisines mais aussi un risque accru de transport d’agents pathogènes. Le commerce illégal d’animaux vivants, <a href="https://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2014/May/wildlife-crime-worth-8-10-billion-annually.html">qui représenterait entre 8 à 10 milliards de dollars par an</a>, <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/72953">exacerbe encore plus cette menace</a>.</p>
<p>En parallèle, le changement climatique, à l’origine de vagues de chaleur, d’inondations ou d’ouragans, met les cultures à l’épreuve. La hausse des températures offre en effet des conditions idéales pour la <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate1990">reproduction des parasites</a> qui s’attaquent aux plantes et au bétail. Par exemple, les <a href="https://theconversation.com/explainer-whats-behind-the-locust-swarms-damaging-crops-in-southern-africa-147129">invasions de criquets pèlerins</a> qui ont notamment touché l’est de l’Afrique en 2020 et 2021 trouvent leur origine dans des précipitations inhabituellement élevées et des inondations dans des zones précédemment épargnées par le parasite.</p>
<h2>40 % de la production agricole perdue</h2>
<p>L’an dernier aux États-Unis, les propriétaires et les agriculteurs du Nord-est, du Midwest, du Sud et du Sud-ouest ont également assisté avec horreur à une <a href="https://theconversation.com/the-fall-armyworm-invasion-is-fierce-this-year-and-scientists-are-researching-how-to-stop-its-destruction-of-lawns-football-fields-and-crops-167098">invasion sans précédent de <em>Spodoptera frugiperda</em>, ou légionnaires d’automne</a>. Ces chenilles ont dévasté les champs de riz, de soja, de luzerne et d’autres cultures.</p>
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<img alt="Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya. » source=" src="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473627/original/file-20220712-32189-srk4pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des criquets pèlerins se nourrissent de maïs dans un champ à Meru, dans le centre du Kenya.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yasuyoshi Chiba/AFP</span></span>
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<p>Les Nations unies estiment qu’environ <a href="https://news.un.org/en/story/2021/06/1093202">40 % de la production agricole mondiale est actuellement perdue à cause des parasites</a>, tandis que les maladies des plantes coûtent à l’économie mondiale plus de 220 milliards de dollars par an.</p>
<p>Or, nous ne sommes pas égaux face à ce problème. Les pays riches comme les États-Unis, le Canada, le Japon et une grande partie de l’Europe occidentale, qui portent une grande responsabilité dans le changement climatique car ils ont émis <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/11/12/climate/cop26-emissions-compensation.html">50 % de tous les gaz à effet de serre</a> depuis la révolution industrielle, ont développé de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.20201539">meilleures stratégies</a> pour limiter la propagation d’agents pathogènes. Par exemple, en améliorant la production, avec la sélection génétique de variétés résistantes, ou en contrôlant le transport transfrontalier à l’aide de réglementations commerciales, de normes et d’accords internationaux.</p>
<h2>Plus de qualité et de croissance</h2>
<p>Parmi ceux-ci, l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/spsund_f.htm">mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)</a>, négocié lors du cycle d’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et entré en vigueur en 1995, réglemente aujourd’hui le commerce des produits vulnérables aux parasites et aux agents pathogènes.</p>
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<p>Leur objectif est de protéger la vie ou la santé humaine, animale ou végétale grâce à des normes de sécurité. Le texte définit les règles de base que les gouvernements sont tenus de suivre pour fournir des aliments sûrs aux consommateurs tout en évitant toute forme de protectionnisme des producteurs nationaux.</p>
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<img alt="L’ambassadeur américain Michael Froman, assis devant un panneau aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est" src="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473632/original/file-20220712-15-popz5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ambassadeur américain Michael Froman signe l’accord de coopération entre la Communauté d’Afrique de l’Est et les États-Unis sur la facilitation des échanges, les mesures sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce, aux côtés de représentants de la Communauté d’Afrique de l’Est à Washington, en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Saul Loeb/AFP</span></span>
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<p>Les pays du Sud représentant la majeure partie de la production agricole brute (par exemple, la valeur ajoutée de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-20572">agriculture</a> représentait <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.AGR.TOTL.ZS?view=chart">17,2 % du produit intérieur brut de l’Afrique subsaharienne en 2021</a>), nous avons cherché à mesurer l’impact de ces réglementations sur les économies nationales et le commerce mondial. Notre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/twec.13256">recherche</a> apporte des nouvelles largement positives : les pays qui avaient les moyens de se conformer à ces nouvelles normes de sécurité ont bénéficié d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance économique</a> accrue et d’aliments plus sûrs.</p>
<p>Le renforcement des normes de sécurité a en effet permis d’améliorer les technologies et les pratiques de production, notamment en remplaçant les engrais chimiques par des engrais organiques, avec des effets positifs en termes de qualité des aliments. Les normes de sécurité ont également contribué à la création et à l’expansion des routes commerciales <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1093/aepp/ppx063">bénéfiques aux pays du Sud</a>. Le commerce agricole entre le Nord et le Sud tend ainsi à augmenter de 30 % lorsque ces normes s’appliquent.</p>
<h2>Renforcer la coopération</h2>
<p>Nous avons observé que ces effets positifs se renforcent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">si les acteurs économiques coopèrent</a> non seulement de manière formelle (par exemple, en employant un groupe d’experts traitant des questions de sécurité) mais aussi de manière substantielle (par exemple, en fixant des règles techniques pour coopérer sur les questions de sécurité).</p>
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<img alt="Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation" src="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474251/original/file-20220715-495-ypz4lj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retombées positives des mesures SPS et de la cooptation – Effets sur le commerce agricole entre le Nord et le Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Authors’ elaboration</span></span>
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<p>Contrairement à ce que prétend le <a href="https://www.jasonhickel.org/less-is-more">mouvement de la décroissance</a>, nos recherches montrent donc que les réglementations peuvent rendre possible une croissance durable. Des évaluations minutieuses de l’impact environnemental des accords commerciaux démontrent d’ailleurs que les accords entravent les plus gros pollueurs et <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.2202/1538-0637.1330/html">contribuent au contraire à une croissance durable</a>.</p>
<p>L’harmonisation des normes apparaît également essentielle pour instaurer un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/aepp.13276">environnement coopératif</a> car les accords commerciaux réduisent les frictions dans le commerce et le temps nécessaire pour résoudre les différends. En bref, ils favorisent à la fois la coopération et la croissance.</p>
<h2>Une croissance durable est-elle possible ?</h2>
<p>Aujourd’hui, plusieurs institutions internationales, comme <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC), soulignent la <a href="https://www.wto.org/english/tratop_e/envir_e/climate_measures_e.htm">nécessité d’agir</a> et encouragent les politiques commerciales <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abo4207">plus favorables au climat</a>. L’OMC s’accorde également avec le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale (BM) sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en tant que stratégie principale pour <a href="https://thedocs.worldbank.org/en/doc/0534eca53121c137d3766a02320d0310-0430012022/original/Subsidies-Trade-and-International-Cooperation-April-19-ci.pdf">faire face aux problèmes du changement climatique</a>. Néanmoins, les relations internationales tendent à évoluer à l’inverse vers une <a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-entre-amis-ou-la-grande-fragmentation-de-lespace-mondial-186766">fragmentation de l’espace mondial</a>…</p>
<p>Si l’impact conjoint du changement climatique et du commerce international favorise l’émergence et la propagation d’agents pathogènes, les efforts visant à les surveiller et à contrôler leur transport transfrontalier deviendront essentiels pour relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale.</p>
<p>Les politiques commerciales pourraient alors constituer une stratégie efficace mais <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/136/2/831/6039348">leur harmonisation reste à ce jour essentielle</a>, en particulier avec des économies caractérisées par une réactivité hétérogène aux impacts du changement climatique et par des capacités différentes à modifier les termes de l’échange.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds AXA pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site AXA Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude souligne les effets positifs des accords internationaux à la fois en termes de protection du consommateur et d’ouverture commerciale.Emilia Lamonaca, AXA Research Fellow, Università di FoggiaFabio Gaetano Santeramo, Associate Professor, Università di FoggiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855202022-06-22T21:05:12Z2022-06-22T21:05:12ZL’économie italienne est aussi malade de ses élites<p>C’est l’une des conséquences du premier <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">relèvement des taux directeurs</a> de la banque centrale européenne (BCE) depuis une décennie, annoncé le 9 juin dernier : le taux obligataire italien à 10 ans a bondi à plus de 4 %, soit environ un <a href="https://fr.tradingeconomics.com/italy/government-bond-yield">point et demi de plus qu’un mois plus tôt</a>. Cette hausse subite a réactivé la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/16/en-italie-le-grand-retour-de-la-peur-du-spread_6130552_3234.html">peur du « spread »</a>, à savoir l’écart des taux auxquels se financent les différents pays de la zone euro qui avait conduit à la crise de 2011. Si bien que la BCE s’est réunie en urgence, le 15 juin, pour annoncer la mise en place d’un « <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220615/bce-annonce-mesures-anti-fragmentation-a-l-issue-345744">nouvel outil anti-fragmentation</a> », sans donner plus de précision. Cette communication a rassuré les marchés en contribuant à resserrer le « spread », mais le taux obligataire italien restait encore à des niveaux élevés une semaine plus tard (3,70 le lundi 20 juin) illustrant les inquiétudes marchés quant à la solvabilité du pays.</p>
<p>À près de 156 % du PIB, l’endettement public italien est près de deux fois plus lourd que celui de la moyenne des pays de la zone euro. La dette pèse sur l’économie pour trois raisons. La première raison est liée à la politique anticyclique : il devient impossible de recourir à des manœuvres de déficit budgétaire pour stimuler la croissance des revenus. Les deux autres raisons sont structurelles. Un excédent primaire élevé oblige (à dépenses égales) à maintenir un prélèvement fiscal élevé et déprime donc le rendement net du capital investi.</p>
<p><iframe id="50LbR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/50LbR/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’autres facteurs entravent la croissance italienne : une économie souterraine qui perdure, de fortes disparités socio-économiques territoriales entre le Nord et le Sud, des mécanismes de décision complexes ou encore <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/tableau-de-bord-de-lemploi-public-0">l’inefficience de l’État</a>. Comme l’a montré une étude récente comparative de France Stratégie, l’Italie est, avec le Japon, un des pays les moins administrés du monde, autrement dit un des pays où l’emploi public est le plus faible.</p>
<h2>« Absence de méritocratie »</h2>
<p>Plus largement, une <a href="https://voxeu.org/print/62336">étude de 2014</a>, mise à jour en octobre 2017, signée par deux économistes, Bruno Pellegrino, de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et Luigi Zingales, de l’université de Chicago, a mis en avant « l’absence de méritocratie comme principale cause du problème de productivité en Italie ». Pour les deux auteurs, la gestion des firmes italiennes repose principalement sur un modèle fondé sur la loyauté plutôt que sur le mérite.</p>
<p>Ici, loyauté signifie clientélisme, copinage et prévalence des arrangements de famille ou de clan (avec une réalité variable du Nord au Sud). Ces 20 dernières années, les entreprises italiennes ont massivement sous-investi : le volume de leur investissement n’a progressé que de 40 % contre 90 % en France et en Allemagne et 150 % en Espagne. La crainte de se développer principalement parce que les actionnaires <a href="https://www.oecd.org/economy/growth/Italy-country-note-going-for-growth-2021.pdf">redoutent de perdre le contrôle</a> de l’entreprise reste très présente dans le pays.</p>
<p>Les grands groupes restent eux protégés par un capital verrouillé, familial et des participations croisées, bénéficiant du soutien direct ou indirect de l’État grâce à la dépense publique et à des dévaluations régulières. En outre, les corporations du pays sont nombreuses, puissantes et courtisées : des chauffeurs de taxi aux contrôleurs aériens, de nombreux secteurs de l’administration publique aux camionneurs, des notaires aux producteurs de lait en passant par les agents immobiliers. Ajoutons-y la recherche de rente dans des secteurs protégés : la construction ou les services publics privatisés (électricité, téléphonie, autoroutes) ; l’évitement de la concurrence globale, sur les marchés internationaux ; le refus de se focaliser sur des secteurs émergents nouveaux et risqués (bio-ingénierie, industrie de l’hydrogène), etc.</p>
<p>La crise de l’économie italienne est donc également une crise des élites italiennes. Autrement dit, la grande difficulté pour sortir l’économie italienne de sa situation réside dans le fait que les cadres organisateurs du pays sont conditionnés par la rente et la loyauté, à l’opposé de l’innovation et du mérite qui <a href="https://www.einaudi.it/catalogo-libri/problemi-contemporanei/declino-italia-andrea-capussela-9788806247386/">favorisent la croissance</a>.</p>
<p>L’économie italienne a d’ailleurs davantage souffert en 2020 que la moyenne des pays de la zone euro (-9 % contre -6 %). Les pertes ont été conséquentes, notamment dans le tourisme (-60 % de touristes étrangers en 2020, revenus passés de 44 à 17 milliards), un secteur qui encore en 2019 représentait le 13 % du PIB italien. La récession a toutefois pu être relativement contenue par la résilience de l’industrie.</p>
<p><iframe id="TWq7C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TWq7C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’Italie conserve en effet une base industrielle bien plus importante que celle de la France : la deuxième en Europe après celle de l’Allemagne. La péninsule a ainsi conservé des qualifications et des savoir-faire importants. L’Italie reste un pays d’entreprise, qui peut se targuer de compter de nombreuses sociétés de premier plan dans le monde entier. Mais le système ne fonctionne plus et a un besoin urgent de renouvellement.</p>
<h2>Effondrement démographique</h2>
<p>Or, l’Italie reste aujourd’hui prisonnière de son déclin démographique. La natalité du pays s’est effondrée avec une population qui est passée sous la barre des 59 millions d’habitants, avec moins de 400 000 naissances par an. Si rien n’est fait, la péninsule perdra entre 5 et 8 millions d’habitants d’ici 2050.</p>
<p>Sur près de 59 millions d’habitants, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/litalie-prisonniere-de-son-declin-demographique-1406889">10,5 millions ont moins de vingt ans</a>, tandis que près de 20 millions ont 60 ans ou plus. Un peu plus de la moitié de la population seulement (52 %) sera bientôt en âge de travailler, tandis que 32 % aura cessé toute activité. L’âge moyen, en augmentation rapide, est de 45,7 ans (+2,3 ans depuis 2010). L’âge médian – le plus élevé de l’Union européenne – est de 43,1 ans, 23 % des Italiens ayant 65 ans et plus. Ce vieillissement pèsera sur la compétitivité et la soutenabilité des finances publiques.</p>
<p><iframe id="ddS9S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ddS9S/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’un des aspects qui suscitent le plus de préoccupations est le nombre de jeunes de 15 à 29 ans faisant partie de la catégorie NEET (Not in Education, Employment or Training). Ce groupe représente en Italie désormais 2,1 millions de personnes, soit une augmentation de presque 100 000 par rapport à 2019, ce qui équivaut à 23 % de la population de cette tranche d’âge et constitue le pire résultat de tous les pays de l’Union européenne (moyenne UE : 14 %).</p>
<p>Dans ce contexte, l’Italie est la <a href="https://www.governo.it/sites/governo.it/files/PNRR_0.pdf">principale bénéficiaire</a>, avec l’Espagne, du plan de relance européen post-Covid <em>Next Generation</em>. Des 807 milliards d’euros mobilisés par l’Union européenne pour les années 2021-2027, plus de 190 sont destinés à l’Italie, dont 65 sous la forme de subventions (le reste sous forme de prêts), soit l’équivalent de près de 11 % du PIB réparti sur sept ans.</p>
<p>Cependant, ces dernières années, les administrations centrales et régionales n’ont pas utilisé tous les fonds européens à disposition pour l’investissement public en raison de la préparation déficiente des projets et de la lenteur de leur exécution. Des centaines de millions d’euros n’ont ainsi pas été mobilisés, en particulier dans le sud de l’Italie, faute de capacité à concevoir et à gérer des projets.</p>
<p>Aujourd’hui encore, l’Italie éprouve des difficultés mêmes à trouver des projets à financer. Le président du Conseil, Mario Draghi, et ses ministres savent que le pays jouera une bonne partie de sa crédibilité en Europe sur la conduite des travaux et le respect des échéances. En outre, ils sont conscients du fait que – à moyen terme – la mise en œuvre rapide et effective des réformes structurelles sera la seule garantie de crédibilité afin d’attirer des investissements étrangers et éviter une envolée des « spread », qui avaient contribué au <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/hausse-des-taux-la-bce-tente-d-eviter-le-scenario-de-la-crise-de-l-euro-de-2011-922009.html">déclenchement de la crise de la zone euro</a> en 2011.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Tiran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle économique de la péninsule, dont la solvabilité inquiète aujourd’hui les marchés, freine la méritocratie, l’innovation et la croissance.André Tiran, Professeur émérite de sciences économiques, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837382022-05-27T15:50:56Z2022-05-27T15:50:56ZQuel « monde d’après » pour le tourisme ?<p><a href="https://www.lefigaro.fr/societes/tourisme-l-ete-s-annonce-radieux-en-france-20220426">52 000 arrivées</a> en avion à Paris pour le week-end de Pâques, annoncées sept fois plus nombreuses qu’en 2021 pour la période de mai à juillet… la reprise du tourisme semble réelle. Au niveau mondial, elle est observée depuis quelque temps par l’Organisation mondiale du tourisme. Les voyageurs étaient en janvier déjà <a href="https://www.unwto.org/fr/taxonomy/term/347">2,3 fois plus nombreux</a> qu’au même mois un an plus tôt.</p>
<p>Pour certains professionnels, ce retour laisse <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/24/a-paris-le-retour-du-tourisme-du-monde-d-avant-covid_6123415_3234.html">entrevoir un été radieux</a>. Il est estimé qu’en 2022 les fréquentations atteindront des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/tourisme-la-france-se-prepare-au-grand-retour-des-vacanciers-1402285">records</a> et apporteront des recettes tant attendues après des mois de pandémie. En 2021, à l’échelle du monde, le nombre de touristes internationaux a baissé de <a href="https://www.unwto.org/tourism-data/global-and-regional-tourism-performance">71 %</a> par rapport à 2019 (de 1 468 millions à 421 millions) et en <a href="https://www.unwto.org/tourism-data/international-tourism-and-covid-19">France de 72 %</a>.</p>
<p>Cette reprise du tourisme de masse suscite l’intérêt des chercheurs. Deux scénarios, correspondant à deux champs de recherche, semblent d’ailleurs émerger. D’une part, celui de la reprise du tourisme poursuivant une logique de croissance ; d’autre part, sa redéfinition.</p>
<h2>Relance ou « détouristification » ?</h2>
<p>Certains universitaires encouragent ainsi l’élaboration de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/epub/10.1080/02508281.2020.1805933">stratégies de relance</a> pour permettre au secteur de retrouver le « business as usual » dès que possible. Des <a href="https://mdpi-res.com/d_attachment/tourismhosp/tourismhosp-03-00026/article_deploy/tourismhosp-03-00026.pdf?version=1651148659%20">travaux récents</a> concluent d’ailleurs au retour et au maintien du tourisme tel qu’il existait dans le « monde d’avant ». </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465008/original/file-20220524-16-kxrxgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Venise, un tag réclame le retour des touristes.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette perspective surfe également sur la propagation d’un « <em><a href="https://www.researchgate.net/profile/Girish-Vg/publication/356086459_COVID-19_pandemic_and_the_emergence_of_revenge_travel/links/618b97723068c54fa5c88b59/COVID-19-pandemic-and-the-emergence-of-revenge-travel.pdf%20">revenge travel</a></em> ». Par cette expression sont désignés les effets qui résultent de la combinaison des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S016073832100150X">désirs de rencontres et de déplacements</a> déclenchés par la distanciation sociale et le confinement imposés par la pandémie. D’autant que nombre de ménages ont pu se constituer une épargne durant les mois de confinement.</p>
<p>Le risque d’un surtourisme, chargé en externalités négatives, apparaît cependant. Dégradations de l’environnement, du cadre de vie des résidents, nuisances et pollutions aérienne, visuelle ou sonore… Avant la pandémie, le tourisme avait déjà fait l’objet de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-36342-0_34">rejets</a>. Des mouvements « <a href="https://theconversation.com/chers-touristes-cassez-vous-cette-contagion-sociale-a-lorigine-de-la-tourismophobie-122556">tourismophobes</a> » ont été initiés par des habitants de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/espagne-tourismophobie-quand-les-vacanciers-derangent">Barcelone</a>, de Venise ou d’Amsterdam, obligeant les autorités à implémenter de nouvelles régulations. Leur <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/leurope-se-mobilise-contre-le-surtourisme-1041097">enjeu</a> : maintenir la qualité de la vie et, pour cela aussi, la manne financière issue du tourisme.</p>
<p>C’est pourquoi d’autres recherches invitent à rejeter le modèle du tourisme de masse qui valorise l’exploitation des ressources naturelles, humaines ou culturelles comme moteur de la croissance. Leurs auteurs plaident pour une réinvention du tourisme afin de sortir de la logique du « toujours plus », <a href="https://editionsdufaubourg.fr/livre/reinventer-le-tourisme">incompatible avec le besoin de durabilité</a>.</p>
<p>Il s’agit, dans un souci d’écologie, de privilégier la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-temps-de-reinventer-le-tourisme-138447">proximité plutôt que l’ailleurs</a> et de placer les habitants au cœur du système touristique afin qu’ils bénéficient d’interactions positives. Des travaux exposent même l’idée d’une décroissance du tourisme ou « <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/09669582.2019.1679822">détouristification</a> ». Ils encouragent le développement d’un tourisme alternatif proposant des offres compatibles avec les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-36342-0_34">valeurs environnementales et sociétales</a> de la région d’accueil, ce tourisme devant être « <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/14616688.2020.1768434">régénérateur</a> ».</p>
<h2>Trois systèmes</h2>
<p>D’un point de vue théorique, ce modèle alternatif peut reposer sur le concept d’ « <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/14616688.2020.1768434?download=true">économie diversifiée</a> ». Il a été introduit en 1996 par les géographes économistes féministes Katherine Gibson et Julie Graham dans leur ouvrage <em>The End of Capitalism (As We Knew It)</em>, en réaction notamment à la valorisation du capitalisme néolibéral. Celle-ci se fait au détriment d’autres systèmes existants de production, d’échanges et de distribution. Nos travaux en cours, fondés sur nos <a href="https://hal-univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/hal-01882972">précédentes publications</a> liant tourisme et bien-être, transposent la notion à ce secteur.</p>
<p>Selon cette théorie, le paysage économique serait composé d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0309132508090821">multitude de pratiques et d’organisations cachées</a> qui exercent un impact potentiellement plus élevé sur le bien-être social que le capitalisme et qui peuvent contribuer à la régénération environnementale au sens large. Très schématiquement, cette théorie s’intéresse à cinq types de relations développés dans le cadre du capitalisme, du capitalisme alternatif et du non-capitalisme.</p>
<p><iframe id="EPivl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/EPivl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/14616688.2020.1768434">Dans le cadre du tourisme</a>, on observe une coexistence de systèmes alternatifs et non capitalistes avec le système capitaliste dominant, celui des tour-opérateurs. En France, plusieurs initiatives peuvent être mentionnées. Pour ce qui est des pratiques alternatives, <a href="https://www.terresdesandes.org">Terres des Andes</a> est, par exemple, une société coopérative et participative qui propose un tourisme en immersion, co-construit avec les habitants locaux et assurant une juste rémunération aux guides et aux familles d’accueil. </p>
<p>Pour ce qui est des pratiques non capitalistes, outre le <a href="https://wwoof.fr/fr/">WWOOFing</a>, l’association des <a href="https://internationalgreeter.org/fr">greeters</a> regroupent des guides locaux bénévoles proposant des visites aux touristes. Pour sa part, la plate-forme coopérative de voyages <a href="https://lesoiseauxdepassage.coop/">Les oiseaux de passage</a> réunit les deux pratiques précédentes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465009/original/file-20220524-16-38ix0v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Venise toujours, des drapeaux sont aussi de sortie contre certaines formes de tourisme.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Prendre en compte cette théorie peut ainsi permettre d’identifier de nouvelles formes de tourisme. Cela suggère notamment de développer des initiatives valorisant les collaborations entre parties prenantes pour penser des offres touristiques impliquant des pratiques économiques diversifiées. Elle peut aussi aider à élaborer des offres combinant de façon équilibrée le marchand, le marchand alternatif, voire même le non marchand.</p>
<p>Ces recherches pourraient d’ailleurs intégrer les apports des travaux consacrés à l’« <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782743651367-l-abondance-frugale-comme-art-de-vivre-bonheur-gastronomie-et-decroissance-serge-latouche/">abondance frugale</a> » pour proposer des solutions permettant de faire, de vivre et de (faire) voyager mieux avec moins. Il s’agirait de privilégier l’eudémonisme et moins l’hédonisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183738/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Graillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Relancer le secteur pour qu’il retrouve une dynamique de croissance ou bien saisir l’opportunité offerte par la crise pour le repenser autrement, à partir de concepts économiques hétérodoxes ?Laurence Graillot, Maître de conférences en Sciences de gestion (marketing) - HDR, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.