tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/dopage-22374/articlesdopage – The Conversation2021-12-12T20:53:03Ztag:theconversation.com,2011:article/1735512021-12-12T20:53:03Z2021-12-12T20:53:03ZLa Chine, première puissance sportive de demain ?<p><a href="https://www.forbes.fr/business/de-plus-en-plus-de-pays-envisagent-un-boycott-diplomatique-des-jo-dhiver-de-pekin/">Critiquée de toutes parts</a> – à la fois pour le sort qu’elle réserve aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/la-chine-est-responsable-d-un-genocide-des-ouighours-estiment-des-experts-et-avocats_4876347.html">Ouïghours</a>, pour sa remise au pas de <a href="https://www.la-croix.com/Hongkong-Jimmy-Lai-deux-autres-militants-condamnes-veillee-Tiananmen-2021-12-09-1301189298">Hongkong</a>, pour la <a href="https://reporterre.net/Le-totalitarisme-numerique-de-la-Chine-menace-toute-la-planete">« dictature numérique »</a> qu’elle a instaurée à l’intérieur de ses frontières, ou encore pour l’inquiétante affaire de la tenniswoman <a href="https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/nicolas-mahut-sur-laffaire-peng-shuai-on-ne-peut-pas-tolerer-la-tenue-des-jo-de-pekin-20211211_YPHLUZWHCRF63KBZVLAIVEDGFI/">Peng Shuai</a> –, la République populaire de Chine s’apprête à accueillir à Pékin les JO d’hiver dans une ambiance délétère.</p>
<p>On sait déjà que ces Jeux seront boycottés diplomatiquement – pas sportivement – par les <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211207-jo-de-p%C3%A9kin-le-boycott-diplomatique-am%C3%A9ricain-divise-les-grandes-puissances">États-Unis</a>, l’<a href="https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20211207-l-australie-annonce-%C3%A0-son-tour-un-boycott-diplomatique-des-jo-d-hiver-de-p%C3%A9kin">Australie</a>, le <a href="https://www.rfi.fr/fr/sports/20211208-le-royaume-uni-annonce-%C3%A0-son-tour-un-boycott-diplomatique-des-jo-d-hiver-de-p%C3%A9kin">Royaume-Uni</a> et le <a href="https://www.laprovence.com/actu/en-direct/6588188/le-canada-annonce-a-son-tour-un-boycott-diplomatique-des-jo-de-pekin.html">Canada</a>. D’autres pays pourraient leur emboîter le pas. Malgré ces contrariétés, la Chine fait pourtant du sport un élément essentiel de son pouvoir.</p>
<p>Le pays a érigé tout au long du XX<sup>e</sup> siècle un système politico-économico-sportif total dont les objectifs à long terme sont d’élever la performance sportive à son plus haut niveau pour devenir la première puissance sportive mondiale d’ici à 2049, date du centenaire de la révolution maoïste.</p>
<p>Comment la Chine est-elle devenue une sérieuse candidate au titre de première puissance sportive de la planète ?</p>
<h2>Le sport pour s’émanciper du joug bourgeois</h2>
<p>L’histoire du sport moderne en Chine est avant tout celle d’une revanche. À la fin du XIX<sup>e</sup> et au début du XX<sup>e</sup> siècle, le mouvement sportif chinois est contrôlé par les États-Unis, par l’intermédiaire de la Young Men’s Christian Association (YMCA), <a href="https://www.persee.fr/doc/perch_1021-9013_2008_num_102_1_3606">qui organise les programmes sportifs scolaires et les compétitions locales</a>.</p>
<p>Grâce au sport, la YMCA cherche avant tout à « évangéliser » et « civiliser » « l’homme malade de l’Asie ». Mais avec le début de la guerre civile chinoise en 1927, les critiques contre l’impérialisme américain se font de plus en plus présentes.</p>
<p>Mao Zedong <a href="https://www.persee.fr/doc/perch_1021-9013_2008_num_102_1_3602">s’empare politiquement du domaine du sport</a> afin d’en faire un argument pour lier force nationale et éducation physique. L’objectif est de redresser le corps de la nation chinoise par le prisme du corps de la population. Entre 1927 et 1949, l’éducation physique et la discipline militaire font partie intégrante du programme du Parti communiste chinois.</p>
<p>Dès le lendemain de la révolution de 1949, Mao appelle « à développer le sport et la culture physique et à renforcer la condition physique du peuple ». Les autorités chinoises vont même plus loin. Si le sport est une arme de « l’anti-féodalisme », il est également une arme de « l’anti-impérialisme » : il s’oppose au modèle sportif américain jugé bourgeois.</p>
<p>Afin de s’en émanciper, Mao décide de prendre le meilleur des modèles sportifs des autres pays communistes, dont l’URSS est la tête de gondole. Dès lors, la Chine multiplie les échanges par l’intermédiaire de <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2019-3-page-69.htm">« tournées de bonne volonté »</a> à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire avec les « pays frères ».</p>
<p>Le système sportif chinois s’inspire grandement du modèle soviétique : les manuels sportifs de l’URSS sont traduits en mandarin, le système politico-économico-sportif chinois devient vertical et public, les associations et syndicats sportifs sont créés, l’apparition de classements favorise l’émergence des athlètes de haut niveau, qui disposent désormais de la possibilité de s’entraîner à temps plein dans des structures idoines.</p>
<h2>L’affaire des deux Chine : exister à l’échelle internationale</h2>
<p>Parallèlement, la RPC cherche à intégrer les grandes instances du sport mondial pour pouvoir exister sur la scène internationale. Dès 1952, Mao Zedong souhaite rejoindre le CIO <a href="https://www.persee.fr/doc/perch_1021-9013_2008_num_102_1_3603">pour pouvoir participer aux JO d’Helsinki</a>.</p>
<p>Problème, la Chine y est déjà représentée depuis 1922 par la République de Chine (ROC) et son Comité national olympique chinois (CNO) pré-existant à la révolution maoïste. En 1951, 19 des 25 membres du CNO chinois s’envolent pour Taïwan et participent à la création <em>de facto</em> de l’État de Taïwan. Ils demandent officiellement au CIO de prendre une position définitive.</p>
<p>Dans le même temps, la RPC formule la demande de participation aux JO. Cela a pour effet de créer deux entités politiques qui revendiquent un même territoire : c’est l’affaire des deux Chine. Pris entre deux feux, le CIO décide d’admettre des athlètes des deux territoires et d’éluder la question du statut de ces deux pays. La RPC envoie 38 hommes et 2 femmes à Helsinki. C’est la première fois de l’histoire olympique que le drapeau de la RPC flotte lors d’un événement sportif international. En réponse, Taïwan refuse d’envoyer ses représentants.</p>
<p>Deux ans plus tard, en 1954, le CIO est la première grande organisation internationale à officiellement reconnaître la RPC et son « Comité olympique de la République populaire de Chine ». Mais il continue aussi à reconnaître la Chine nationaliste présente à Taipei. Ainsi les deux délégations sont-elles présentes lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Melbourne en 1956.</p>
<p>En voyant le drapeau de la ROC flotter sur la ville australienne, <a href="https://www.jstor.org/stable/20192198">Mao demande à sa délégation d’athlètes de repartir à Pékin et de quitter les JO</a>. La Chine est donc <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-2-page-93.htm">exclue du mouvement olympique en 1958</a>, faute de solution.</p>
<h2>Le temps de l’ouverture</h2>
<p>À partir des années 1960, les dirigeants chinois font du sport un élément de la diplomatie du pays et le ping-pong est proclamé sport national. En 1959, le pongiste <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20210721-tragic-spy-who-sparked-china-s-table-tennis-domination">Rong Guotuan</a> remporte les championnats du monde de tennis de table et offre à la RPC son premier sacre sportif de premier plan. Pour Mao, cette victoire est <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/mav/170/PIRONET/61714">« une arme nucléaire spirituelle »</a> : « La balle de ping-pong représente la tête de l’ennemi capitaliste », la frapper avec la « raquette socialiste » permet de marquer « des points pour la mère patrie ».</p>
<p>Il s’agit bien entendu de renforcer l’image de la Chine dans le monde, dans un contexte d’isolement vis-à-vis des puissances occidentales et de tensions croissantes avec l’URSS.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le sport en Chine selon Mao, Archive INA du 2 septembre 1974.</span></figcaption>
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<p>Si le sport permet au pouvoir chinois de signifier une intention négative, il devient un vecteur diplomatique positif à partir des années 1970. En effet, entre 1971 et 1972, le slogan chinois « L’amitié d’abord, la compétition après » se traduit par l’émergence de la célèbre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/713675951">« diplomatie du ping-pong »</a>, qui voit des échanges de pongistes américains et chinois participer au renouveau des relations entre les deux pays.</p>
<p>Suite aux <a href="https://www.cairn.info/economie-de-la-chine--9782130575610-page-39.htm?contenu=article">réformes de Deng Xiaoping</a>, après la mort de Mao, le système sportif chinois s’inspire des moyens occidentaux pour croître.</p>
<p>En 1979, lors d’une conférence à Pékin, il est décidé que la politique sportive, qui s’inscrivait jusqu’ici dans le cadre de la lutte des classes, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9781315857053/sport-nationalism-china-zhouxiang-lu-fan-hong">devait être abolie au profit d’une nouvelle politique sportive</a> destinée à servir les « Quatre modernisations ». L’objectif est de s’éloigner de la Révolution culturelle et de ses conséquences : le déclin du sport de haut niveau au profit de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2016.1188082?journalCode=fhsp20">l’hygiénisation du peuple</a>.</p>
<p>En 1980, Wang Meng, le ministre des Sports, affirme que la Chine est une puissance pauvre qui doit concentrer ses efforts sur le sport de haut niveau afin d’améliorer l’image du pays dans le monde et augmenter la fierté et le patriotisme chinois. Le sport doit désormais servir à renforcer la fierté nationale à travers les victoires sur d’autres nations. Le nouveau slogan, « Compétition ! », est sans équivoque.</p>
<p>Signe de l’importance du sport pour le PCC, et alors que le CIO continue de reconnaître Taïwan, la Chine <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/11/28/la-republique-populaire-de-chine-sera-a-lake-placid-et-a-moscou-en-1980_2764249_1819218.html">réintègre le CIO en 1979</a> et envoie pour la première fois depuis 1952 une délégation de 24 athlètes aux JO d’hiver de 1980 à Lake Placid. La même année, le PCC juge que l’invasion soviétique en Afghanistan met en péril les frontières chinoises et s’allie avec les États-Unis pour <a href="http://www.slate.fr/sports/83001/jo-moscou-1980">boycotter les JO de Moscou</a>.</p>
<p>Quatre ans plus tard, en 1984, 216 athlètes chinois participent aux JO de Los Angeles, alors que l’URSS refuse de s’y rendre. Principale représentante du monde communiste, la Chine finit à la quatrième place en remportant pas moins de 32 médailles, dont 15 en or. À leur retour au pays, les athlètes reçoivent un message officiel du Conseil d’État : « Vous avez réalisé de grands succès aux Jeux olympiques. La victoire aux JO va aider à construire la confiance et l’esprit chinois ».</p>
<p>L’engouement est tel que les médias de la RPC parlent alors d’« événement historique » et de « nouveau chapitre dans l’émergence de la Chine en tant que grande puissance du sport ».</p>
<h2>Le « Juguo Tizhi » : tout pour le sport de haut niveau</h2>
<p>C’est le début de la mutation du système sportif chinois concernant le haut niveau. L’objectif ? « Sportiviser » l’ensemble de la population chinoise dès le plus jeune âge afin de performer sur la scène internationale.</p>
<p>Pour ce faire, le budget dédié au sport est augmenté afin d’<a href="https://www.persee.fr/doc/perch_1021-9013_2008_num_102_1_3602">attirer les experts du sport international</a>. Au lendemain des JO de Los Angeles, le slogan « Développer l’élite du sport et faire de la Chine une superpuissance dans le monde » a pignon sur rue.</p>
<p>Il devient clair pour les dirigeants chinois que le sport sera le reflet des échecs et des succès du régime à l’étranger. C’est ainsi que le PCC adopte un projet de réforme du système sportif le 15 avril 1986. Dès lors, le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/16184742.2017.1304433">« Juguo Tizhi »</a>, à savoir « le soutien de l’ensemble du pays au système sportif de haut niveau », devient la norme en Chine.</p>
<p>Concrètement, un système pyramidal à trois niveaux est mis en place afin de créer et faire émerger le champion de la masse des sportifs.</p>
<p>Le premier niveau est constitué de la masse des pratiquants présents dans les écoles primaires et secondaires. Dès leur plus jeune âge, les enfants et adolescents sont chaperonnés par une commission locale des sports qui les repère, les teste et les entraîne « scientifiquement ». L’État opère un écrémage chez les enfants entre 6 et 9 ans, suite à quoi les meilleurs sont envoyés dans des écoles du sport spécialisées où ils s’entraîneront 10 heures par jour. Le programme sportif est composé d’un savant mélange du meilleur des méthodes d’entraînement soviétique et capitaliste.</p>
<p>Ensuite, au deuxième niveau, les athlètes sont répartis dans des équipes de province et des clubs professionnels pour faire leurs classes. Dès lors, l’objectif est de tirer le meilleur de chacun d’eux.</p>
<p>Enfin, et c’est le troisième niveau, les meilleurs acquièrent le droit d’intégrer les équipes nationales puis, si leur niveau le permet, l’équipe olympique. Grâce à ce système, qui perdure encore aujourd’hui, c’est toute la société chinoise qui est mise en branle pour performer vite et bien.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’entraînement des jeunes gymnastes chinoises, Archive INA du 11 octobre 2004.</span></figcaption>
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<h2>Le temps des records et des polémiques</h2>
<p>En dépit de ce renouveau systémique, les JO de 1988 sont un relatif échec compte tenu du retour des Soviétiques et des autres pays du bloc communiste. La RPC n’obtient que la onzième place au classement des médailles.</p>
<p>Dans la foulée, quelques critiques commencent à apparaître à l’égard du « Juguo Tizhi ». Certaines pointent notamment du doigt l’incapacité pour les athlètes à prendre du plaisir dans un contexte d’ultra-performance, le fait que l’omniprésence de l’État empêche une certaine forme d’innovation ou encore la mauvaise santé des athlètes de haut niveau.</p>
<p>De manière générale, les acteurs du mouvement sportif chinois – managers, athlètes et entraîneurs – font tout pour améliorer le niveau de performance. Les sportifs de haut niveau sont soumis par les autorités à un régime semi-militaire strict. Les campus sportifs sont organisés de façon à améliorer au maximum les performances et les lieux de vie des athlètes sont situés sur ceux-ci, les séparant ainsi de la vie civile.</p>
<p>À l’intérieur, les hommes et les femmes vivent séparément et n’ont pas le droit d’avoir de relations intimes. Il est d’ailleurs vivement conseillé aux athlètes de ne pas tomber amoureux ou de fonder une famille.</p>
<p>En outre, certaines méthodes illicites sont également employées pour améliorer les performances des sportifs. Parfois, les autorités mentent sur l’âge des athlètes qu’ils chapeautent afin qu’ils puissent se confronter rapidement à leurs pairs plus âgés et ainsi connaître le haut niveau plus tôt. Par ailleurs, l’usage de produits dopants devient <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/jeux-olympiques/actualites/dopage-en-chine-plus-de-10000-athletes-positifs-entre-1980-90-881607">courant en Chine dans les années 1980</a>. Herbes, décoctions traditionnelles, ou encore « pilules miracles », les techniques sont aussi variées qu’originales.</p>
<p>Si la Chine remporte les Jeux asiatiques de Séoul en 1986, 11 athlètes sont testés positifs dans la foulée, laissant planer l’ombre d’un doute sur l’ensemble des performances chinoises. Pour le ministère des Sports chinois, il est hors de question que l’image du pays en pâtisse à l’étranger. En 1989, après quelques balbutiements, le premier centre de test antidopage chinois est reconnu par le CIO et les autorités promeuvent les « trois sérieux principes » : tests antidopage sérieux, interdiction de l’usage de produits dopants dans le sport et punitions pour ceux qui utilisent ces produits. Mais, dans un premier temps, cela ne suffira pas.</p>
<p>En 1993, « l’armée de Ma » – du nom de l’entraîneur chinois Ma Junren – fait sensation aux championnats du monde d’athlétisme de Stuttgart en remportant victoire sur victoire et en pulvérisant record sur record. Symbole du succès du « Juguo Tizhi », les Chinoises Qu Yunxia, Zhang Linli et Zhang Lirong réalisent un triplé retentissant en finale du 3000 mètres féminin. Mais épuisées par la dureté des conditions qui leur sont imposées, neuf femmes de l’équipe écrivent une lettre (révélée seulement en 2015) où elles dénoncent les pratiques de leur entraîneur, <a href="https://www.liberation.fr/sports/2016/02/06/athletisme-les-soldates-de-ma-ne-carburaient-pas-qu-au-sang-de-tortue_1431538/">qui les forçait à prendre des produits dopants</a>.</p>
<p>En dépit de ces déclarations, le sport chinois continue sa marche en avant.</p>
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<figcaption><span class="caption">La finale du triplé chinois aux Mondiaux d’athlétisme de Stuttgart en 1993.</span></figcaption>
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<h2>Une montée en puissance irrésistible ?</h2>
<p>Il faut attendre les années 1990 et la chute de l’URSS pour voir la Chine grappiller année après année des places au classement olympique des médailles. Elle est quatrième en 1992 et 1996 puis franchit un cap en 2000, finissant troisième, avant d’atteindre la deuxième place en 2004. À mesure que la Russie baisse le pied, la Chine se positionne comme une puissance sportive incontournable.</p>
<p>Le 13 juillet 2001, le CIO <a href="https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.olympic.org%2Ffr%2Fgames%2Fbeijing%2Felection_fr.asp#">attribue l’organisation des JO d’été 2008 à Pékin</a>. Pour les autorités chinoises, la victoire est totale. Un sondage d’opinion à l’époque montre que <a href="https://www.pewresearch.org/2008/08/05/an-enthusiastic-china-welcomes-the-olympics/">96 % de la population chinoise soutient cette initiative</a>. C’est fait, la Chine va accueillir les JO pour la première fois de son histoire. Mieux : elle va même les remporter au classement des médailles.</p>
<p>En dépit de cet indéniable succès, l’événement est marqué par de nombreuses <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/03/24/01003-20080324ARTFIG00279-la-flamme-des-jo-pekin-a-ete-allumee.php">protestations</a> à l’égard du régime chinois. La chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre britannique Gordon Brown, ou encore le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon, décident de ne pas assister à la cérémonie d’ouverture pour dénoncer les atteintes de Pékin aux droits humains. Dès lors, l’événement sportif est un projecteur qui éclaire la RDC pour le meilleur et pour le pire.</p>
<p>Depuis, le sport reste un enjeu majeur pour la Chine, qui cherche à atteindre le premier rang des superpuissances sportives. Pourtant, les boycotts annoncés aux JO d’hiver de Pékin 2022 laissent penser que les puissances occidentales ne la laisseront pas faire. À suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les JO d'hiver de Pékin à venir suscitent de nombreuses critiques, retour sur les ambitions sportives historiques de la puissance chinoise.Lukas Aubin, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresJean-Baptiste Guégan, Enseignant en géopolitique du sport, Institut libre d'étude des relations internationales (ILERI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1684332021-10-28T18:53:42Z2021-10-28T18:53:42ZLes « fake performances » en sport : un fléau ou une aubaine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/429103/original/file-20211028-13-ffzlpw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3000%2C1989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cyclisme fait régulièrement l'objet de soupçons de dopage.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/SJWPKMb9u-k">Maico Amorim / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La société contemporaine est de plus en plus aspirée par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-QDk6zNHSj0">le culte de la performance</a>. Partout dans le monde, les organisations et les individus sont fortement influencés par cette norme puissante et la performance prônée génère une sérieuse concurrence à tous les niveaux.</p>
<p>Dans cette course effrénée à l’atteinte des résultats et à l’amélioration continue, toutes les performances ne se valent pas et ce, en dépit des apparences. Le milieu sportif représente un laboratoire vivant exceptionnel pour étudier le côté lumineux – performances intègres – et le côté sombre – <a href="https://theconversation.com/dopage-pourquoi-plutot-raisonner-a-partir-du-concept-de-fake-perfs-111387">fake perfs</a> – des performances humaines. En bref, être performant soit en respectant les règles du jeu soit en trichant. Le milieu sportif est effectivement encadré par un <a href="https://www.wada-ama.org/fr/nos-activites/le-code">règlement clair</a> où les contrôles sont omniprésents, et rares sont les autres milieux à être contrôlés de la sorte. </p>
<p>Malgré tout l’arsenal mis en place, les soupçons de fake perfs et celles avérées y sont légion. Face à ce paradoxe persistant, il convient de se demander si elles sont un fléau comme on le prétend ou bien une aubaine comme on n’oserait le penser. Une fois exploité, cet impensé offrirait en effet de grandes opportunités à ceux qui enfreignent les règles à la dérobée. </p>
<p>Pour se positionner sur la question, il est judicieux de parcourir successivement trois oppositions.</p>
<h2>La scène versus les coulisses</h2>
<p>Sur le devant de la scène, les fake perfs en sport sont présentées comme un <a href="https://www.rts.ch/archives/dossiers/7248053-un-fleau-nomme-dopage.html">fléau</a>. Tout concourt donc à les combattre avec fermeté. Bon nombre d’athlètes s’affichent publiquement comme d’ardents défenseurs du sport intègre. La <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/06/24/jean-pascal-bel-et-bien-dope-selon-les-tests">déclaration</a> du boxeur canadien Jean Pascal “Je ne prendrais jamais de substances illégales. Je me suis toujours battu pour un sport propre et je continuerai de le faire” est monnaie courante. Il martela ce refrain durant toute sa carrière jusqu'au jour où <a href="https://www.lapresse.ca/sports/sports-de-combat/2021-07-10/boxe/jean-pascal-je-suis-tellement-embarrasse.php">il fut contrôlé positif</a>.</p>
<p>Les médias exposent les actions fortes déployées. À titre d’exemples, des enquêtes préliminaires ont été ouvertes et des perquisitions ont été effectuées sur le Tour de France <a href="https://www.ouest-france.fr/tour-de-france/affaire-arkea-samsic-nairo-quintana-n-a-rien-a-cacher-les-deux-gardes-a-vue-toujours-en-cours-6985424">en 2020</a> et <a href="https://www.lequipe.fr/Cyclisme-sur-route/Actualites/Bahrain-victorious-visee-par-une-enquete-preliminaire-pour-suspicion-de-dopage/1270607">en 2021</a>, sans aucun résultat probant pour le moment. Depuis 2015, la Grande Boucle rend une copie parfaite puisqu’<a href="https://www.francetvinfo.fr/tour-de-france/dossier-dopage-comment-fonctionne-la-lutte-antidopage-sur-le-tour-de-france-2021_4695687.html">aucun</a> fake performeur n’y a été recensé. Dans la même veine, les entraîneurs de chevaux de course irlandais se sont enorgueillis de l’<a href="https://www.irishtimes.com/sport/racing/trainers-body-says-doping-is-not-a-major-problem-in-irish-horseracing-1.4592283">absence</a> de tests positifs parmi leurs chevaux ce qui prouve, selon eux, que les fake perfs ne sont pas un problème en Irlande.</p>
<p>Cela conduit des personnalités telles que la reine Silvia de Suède à affirmer <a href="https://royalcentral.co.uk/europe/sweden/queen-silvia-of-sweden-opens-a-webinar-on-doping-and-public-health-161034/">solennellement</a> lors d'un séminaire organisé par le prestigieux Institut Karolinska que “l’objectif d’avoir des sports propres et équitables a été largement atteint”.</p>
<p>Le grand public perçoit ainsi chaque discipline sportive comme étant plus ou moins immunisée contre les fake perfs, conformément aux <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2021/08/05/russia-and-kenya-take-the-podium-in-the-athletics-doping-contest">classements communiqués</a>. </p>
<p>Dans les coulisses, les fake perfs en sport s’assimilent à une aubaine. À l’abri des regards indiscrets, beaucoup d'athlètes trichent. Des <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/sportsnews/article-9533383/Former-heavyweight-boxer-Larry-Olubamiwo-slams-totally-incompetent-UK-Anti-Doping-agency.html">témoignages</a> et des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40279-014-0247-x">études</a> le prouvent. En guise d’<a href="https://www.economist.com/science-and-technology/2021/07/14/sport-is-still-rife-with-doping">illustration</a>, il a été estimé qu’ “entre 10 et 40% des athlètes à Tokyo pourraient tricher”. Même confondus, les fake performeurs perdent rarement leurs titres et leurs gains glanés auparavant et certains d’entre eux se permettent de récidiver après leur suspension.</p>
<p>En outre, certaines substances interdites bénéficient, de manière <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3892473/">fondée</a>, <a href="https://www.spe15.fr/dopage-lhormone-de-croissance-efficace-et-indetectable/">longtemps</a> et <a href="https://www.bbc.com/sport/athletics/29510575">très longtemps</a>, à leurs utilisateurs après les avoir consommées sans pouvoir les détecter.</p>
<p>Après leur carrière sportive, plusieurs fake performeurs dont les cyclistes <a href="https://www.liberation.fr/sports/2015/07/21/michael-rasmussenmon-fils-de-10-ans-a-le-potentiel-pour-gagner-le-tour-de-france_1351656/">Michael Rasmussen</a>, <a href="https://www.news24.com/sport/othersport/cycling/international/di-luca-regrets-nothing-about-doping-20160505">Danilo Di Luca</a> et <a href="https://www.foxnews.com/sports/lance-armstrong-no-regrets-doping-tour-de-france">Lance Armstrong</a> ont avoué ne rien regretter et qu’ils réitéreraient leurs actes passés pour gagner. D’ailleurs, nombre d’anciens fake performeurs restent dans le circuit en y occupant diverses responsabilités.</p>
<p>Pour tricher, il est aisé de s’approvisionner abondamment sur le <a href="https://www.sportsintegrityinitiative.com/spanish-police-dismantle-major-steroid-laboratory/">marché noir</a> et le <a href="https://www.dovepress.com/doping-knowledge-attitude-and-practice-of-pharmacists-in-dessie-northe-peer-reviewed-fulltext-article-IPRP">marché légal</a> de façon plus ou moins dissimulée.</p>
<p>Les fake perfs représentent aussi un business florissant pour les avocats qui sont mobilisés pour tenter de réduire ou d’annuler les sanctions encourues par leurs clients. La défense de certains sportifs va beaucoup plus loin en attaquant directement l’Agence mondiale antidopage (AMA) et en requérant par exemple <a href="https://www.lequipe.fr/Lutte-libre/Actualites/Le-tas-rejette-l-appel-de-zelimkhan-khadjiev-suspendu-quatre-ans-pour-dopage/1249604">un million</a> d’euros en raison du préjudice causé à leur client.</p>
<p>Globalement, l’industrie du sport s’élève à plus de <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Le-sport-business-mondial,-c-est-plus-de-800-milliards-!_3747390.html">800 milliards</a> de dollars. Dans ce vaste ensemble hyperconcurrentiel, chaque fédération sportive met tout en oeuvre pour améliorer ou préserver sa réputation, et certaines fédérations entretiennent une relation <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/dopage/pressions-politiques-manoeuvres-des-federations-coups-tordus-des-champions-les-coulisses-de-la-lutte-antidopage-dans-le-sport_4366825.html">pour le moins</a> ambiguë avec leurs fake performeurs. </p>
<p>La justice sportive fait preuve d’indulgence, y compris dans les affaires gravissimes telles que les fake perfs industrielles en <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/17/sports/olympics/russia-doping-wada.html">Russie</a>. La justice traditionnelle, quant à elle, ne facilite pas toujours la découverte de la vérité en s’opposant par exemple à l’identification des propriétaires de plus de 100 poches de sang congelé dans <a href="https://www.theguardian.com/sport/2013/apr/30/doping-doctor-eufemiano-fuentes-sentence-shock">l’affaire Puerto</a>.</p>
<h2>La régulation versus l’innovation</h2>
<p>La mission du <a href="https://www.wada-ama.org/fr/a-propos">régulateur</a> est de réduire à néant les fake perfs vu qu’elles représentent un fléau pour l’intégrité du sport. Sa responsabilité est énorme pour garantir ce que les anglophones nomment un ‘level playing field’, c'est-à-dire que les conditions d'une compétition sont équitables pour tous les sportifs. En effet, les <a href="https://www.ski-nordique.net/les-chambres-hypoxiques-autorisees-en-norvege.6390722-72348.html">athlètes</a> et leurs <a href="https://www.lequipe.fr/Cyclisme-sur-route/Article/-les-equipes-doivent-faire-le-choix-strategique-de-la-performance-d-apres-frederic-grappe/1269793">employeurs</a> cherchent constamment à améliorer les performances sportives d'une manière ou d'une autre.</p>
<p>Pour tenir tête aux fake performeurs, les moyens du régulateur sont extrêmement faibles. Fin 2019 juste avant sa nomination, l’actuel président de l’AMA avait <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1376393/dopage-ama-budget-witold-banka-montreal">déclaré</a> “Je trouve ridicule qu’une organisation avec un statut de régulateur mondial dispose d’un budget inférieur à 40 millions de dollars. Un club moyen de football a un budget plus important”. </p>
<p>Pour visualiser cette réalité à l’échelle d’<a href="https://theconversation.com/doping-has-become-inevitable-at-the-olympics-and-who-wins-gold-in-tokyo-might-not-be-certain-until-2031-163881">un seul pays</a>, le budget de l’organisation nationale antidopage australienne indique 20,2 millions de dollars alors que l’industrie du sport en Australie pèse 14,5 milliards de dollars. Il est ainsi délicat pour l’AMA d’avoir gain de cause surtout quand le budget de l’employeur de <a href="https://www.lemonde.fr/tour-de-france/article/2018/07/03/la-couteuse-victoire-de-christopher-froome_5324955_1616918.html">l’athlète incriminé</a> est supérieur au sien. De surcroît, les règles en vigueur sont appliquées de manière disparate selon les fédérations et les pays concernés.</p>
<p>Sur le terrain, la détection des fake performeurs s’apparente à un sport de haut niveau qui requiert <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20210705-cas-upholds-doping-ban-on-russian-high-jumper-lysenko">une approche chirurgicale</a> et, en fin de compte, très peu de fake performeurs sont détectés. <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/dopage/dopage-l-agence-francaise-antidopage-devoile-son-rapport-le-mma-et-le-cyclisme-mauvais-eleves-8b5f718c-c861-11eb-8f1f-3b7d990d69f5">En 2020</a>, 0.5% des 9676 échantillons analysés par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) se sont révélés positifs. <a href="https://www.uefa.com/returntoplay/news/026b-12de8d91740c-f6010faf47e2-1000--no-anti-doping-rule-violations-at-uefa-euro-2020/">En 2021</a>, aucun des 1616 échantillons prélevés dans le cadre du championnat d’Europe masculin de football ne s'est révélé positif. Tous sports confondus, le régulateur se trouve donc dans l’obligation de grandement s’améliorer.</p>
<p>Fort heureusement, il bénéficie de la proactivité de quelques individus et de quelques organisations pour combattre ce fléau. Qui a dévoilé les fake perfs industrielles russes <a href="https://www.liberation.fr/sports/2014/12/04/le-dopage-sport-national-en-russie_1156553/">en 2014</a> et les fake perfs couvertes par la fédération internationale d’haltérophilie <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/L-ancien-president-de-la-federation-internationale-d-halterophilie-inculpe-de-complicite-et-falsification/1265533">en 2020</a> ? Le journaliste allemand Hajo Seppelt et la chaîne allemande ARD. Malgré tout, le régulateur mondial (<a href="https://www.france24.com/en/live-news/20210622-increased-doping-in-pandemic-not-a-particular-worry-says-wada-chief">AMA</a>), l’autorité de contrôle internationale (<a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/tokyo-2020/jo-2021-plus-de-30-des-athletes-ont-ete-testes-contre-le-dopage-pendant-ces-jeux-indique-valerie-fourneyron_4731365.html">ITA</a>) et les fédérations sportives dont l’<a href="https://www.20minutes.fr/sport/tour-de-france/3087235-20210720-tour-france-2021-dopage-sanguin-technologique-tadej-pogacar-selon-president-uci">UCI</a> se montrent confiants en toutes circonstances.</p>
<p>La société a pour maître-mot l’<a href="https://www.franceculture.fr/emissions/ce-qui-nous-arrive-sur-la-toile/si-reflechissait-5mn-ce-que-innover-veut-dire">innovation</a> et les fake perfs représentent une <a href="https://www.cairn.info/les-processus-strategiques--9782376871224-page-133.htm">aubaine</a> pour se développer coûte que coûte. Dans le milieu sportif, les fake perfs sont d’origine physiologique et/ou d’origine technologique. La tricherie physiologique peut augmenter artificiellement la performance d’<a href="https://www.spe15.fr/la-cera-le-dopage-a-lepo-haut-de-gamme/">environ 10%</a> et la tricherie technologique peut aussi améliorer <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202107/27/WS60ff74bea310efa1bd664adb.html">significativement</a> la performance sportive. De façon combinée ou non, cela change radicalement la donne là où tout se joue généralement dans un mouchoir de poche.</p>
<p>Dans le monde des affaires, l’innovation est vitale et certaines entreprises telles que Nike connaissent peu de limites pour booster les performances sportives. Le récent documentaire intitulé <a href="https://www.outside.fr/nike-la-victoire-a-tout-prix-le-doc-inedit-sur-laffaire-salazar-ou-lhistoire-du-coach-suspendu-pour-dopage/">« Nike, la victoire à tout prix »</a> explicite comment procède le leader mondial de l'équipement sportif pour ce faire. Depuis sa diffusion, la situation s'est aggravée pour l'entraîneur Alberto Salazar et, dans une moindre mesure, pour la firme Nike. Concernant l'homme, sa suspension pour violation de plusieurs règles antidopage <a href="https://www.wsj.com/articles/alberto-salazar-doping-ban-nike-11631810981">a été confirmée</a> par le Tribunal Arbitral du Sport. De plus, il vient d'être <a href="https://www.si.com/olympics/2021/07/26/alberto-salazar-permanently-ineligible-safesport-investigation-sexual-emotional-misconduct">suspendu à vie</a> de ses fonctions de coach pour abus physiques et émotionnels sur ses protégées par une institution états-unienne. Concernant l'entreprise, la marque à la virgule s'est finalement résolue à <a href="https://www.nytimes.com/2021/08/17/sports/nike-alberto-salazar-building.html">renommer son bâtiment</a> ‘The Alberto Salazar Building’ en ‘Next%’. En faisant référence à sa nouvelle ligne de chaussures de running, Nike mise tout sur la technologie après avoir mis fin à <a href="https://www.nytimes.com/2019/10/10/sports/nike-oregon-project-salazar.html">‘NOP’</a>, son groupe d'entraînement d'élite.</p>
<p>Du côté du marché noir, l’innovation <a href="https://www.paulickreport.com/news/the-biz/defendant-in-federal-doping-case-sentenced-to-12-months-of-home-detention/">délictueuse</a> se sophistique et prospère. En amont, la recherche scientifique évolue rapidement et certaines avancées en <a href="https://www.thesundaily.my/home/advances-in-gene-technology-set-to-haunt-anti-doping-efforts-EG7945161">génétique</a> par exemple profitent, même avant l’heure, aux fake performeurs sans que quasiment personne s’en aperçoive.</p>
<p>Dans ces conditions, on as siste à deux phénomènes disruptifs. Tout d'abord, une surmédicalisation des <a href="https://www.liberation.fr/sports/cyclisme/tour-de-france-2021-la-difficile-lutte-contre-le-dopage-et-la-surmedicalisation-20210626_KW2G3BILGVEQ5EDPZXZWPJXFSE/">sportifs</a> et des <a href="https://www.bloomberg.com/news/features/2021-07-01/inside-the-doping-scandal-that-rocked-horse-racing">animaux</a> pour vaincre jusqu’à parfois en mourir. Celle-ci peut d'ailleurs difficilement se faire sans le concours de médecins et de vétérinaires peu scrupuleux. Ensuite, une surenchère technologique terriblement sous-estimée. Lorsque l'on associe les deux, les cartes sont brouillées et la confusion atteint son apogée.</p>
<h2>La raison versus les émotions</h2>
<p>L’approche raisonnable distingue les invraisemblances et laisse ainsi peu de place aux fake perfs, synonymes pour elle de <a href="https://www.ukad.org.uk/news/new-survey-shows-doping-causing-parents-consider-if-sport-safe-kids">fléau</a>. L’histoire du sport se répète inlassablement et offre un enseignement robuste aux esprits avides de savoir <a href="https://vimeo.com/503612840">vraiment</a>. Pour comprendre le pourquoi du comment, il existe des experts qui analysent chaque jour depuis des années les performances sportives. Lors du dernier Tour de France, Antoine Vayer (pourfendeur du dopage aux multiples casquettes) <a href="https://www.francebleu.fr/sports/cyclisme/tour-de-france-antoine-vayer-ancien-entraineur-mayennais-de-festina-doute-des-performances-de-1625369439">a contesté</a> le bien-fondé des performances du vainqueur Tadej Pogačar en s’appuyant principalement sur le calcul indirect de la puissance développée <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/07/19/pour-tout-comprendre-sur-le-calcul-des-watts_3450148_3242.html">en watts</a>. Au niveau physiologique, Pierre Sallet (docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives) a mis en place le programme <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1172735/dopage-programme-quartz-suspicion-athletes-agence-mondiale-antidopage">Quartz</a>. Il s’agit d’un suivi médical permanent et complet qui garantit la probité des performances et la surveillance de la santé sur la base du volontariat.</p>
<p>Les experts intègres refusent de cautionner les performances incroyables et le font savoir ouvertement. Prenons deux cas caractéristiques pour étayer ce point : Christopher Froome puis Taoufik Makhloufi. Lors de la quinzième étape du Tour de France 2013, l’expert Cédric Vasseur (ancien coureur professionnel et à l'époque consultant) est consterné par la vitesse et le comportement du cycliste Christopher Froome en pleine montagne. Ses nombreux commentaires remettent en cause cette performance <a href="https://www.youtube.com/watch?v=D79V5h81WF4">“surréaliste”</a>. Lors des Jeux olympiques de Londres 2012, les experts en athlétisme Bernard Faure et Stéphane Diagana sont tellement indignés par la vitesse et le comportement du coureur Taoufik Makhloufi en finale du 1500 mètres qu’ils répètent plus de dix fois <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vvrp3ygA5Ew">“non”</a>. Sérieusement inquiétés à plusieurs reprises, ces deux sportifs restent à ce jour innocents.</p>
<p>L’approche émotionnelle privilégie les sensations fortes et accorde ainsi de l’espace aux fake perfs, synonymes pour elle d’aubaine. Pour les médias, les émotions sont un ingrédient de choix parce qu’elles captivent l’<a href="https://www.arretsurimages.net/articles/dopage-et-tour-de-france-les-medias-tournent-autour-du-pot">intérêt</a> et font <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-9569053/Australian-swimmer-Shayna-Jack-pool-two-year-doping-ban.html">vendre</a>. Pour les personnes juges et parties, les émotions priment le reste. Par conséquent, poser des questions au directeur du Tour de France sur les fake perfs n’a aucun sens et <a href="https://www.ouest-france.fr/tour-de-france/video-le-dopage-sur-le-tour-de-france-gardons-la-lumiere-allumee-lance-christian-prudhomme-e662b336-cf4c-11eb-a53e-cc3087557efe">aucune valeur</a>. Pour le grand public, les fake performeurs <a href="https://www.letribunaldunet.fr/sport/sportifs-dopage-carriere-tennis-cyclisme-athletisme.html">demeurent</a> avant tout des champions.</p>
<p>Pour les pays, les émotions éclipsent les signaux contraires. Lorsque Marcell Jacobs est récemment devenu champion olympique du 100 mètres à la surprise générale, un vent de <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/jeux-olympiques/jo-2021-athletisme-l-ancien-nutritionniste-de-marcell-jacobs-vise-par-une-enquete-liee-au-dopage_AV-202108070022.html">suspicion</a> se propagea. Néanmoins, les <a href="https://www.rte.ie/sport/athletics/2021/0803/1238840-tokyo-2020-italy-chief-blasts-jacobs-doping-suspicions/">autorités sportives</a> et la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-ditalie-dopage-chaussures-laissez-marcell-jacobs-tranquille">presse</a> en Italie prirent fait et cause pour leur champion national.</p>
<p>Pour les fake performeurs, les émotions structurent leur défense avec <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/athletisme/actualites/ophelie-claude-boxberger-je-risquais-huit-ans-donc-je-pourrais-etre-contente-mais-non-car-j-ai-toujours-demande-la-relaxe-1039664">plus</a> ou <a href="https://olympics.nbcsports.com/2021/07/04/brianna-mcneal-suspension-olympics/">moins</a> de réussite. Pour la justice sportive, les émotions rendent les sanctions plus clémentes. À titre d’exemple, Ophélie Claude-Boxberger risquait une suspension de huit ans suite à un contrôle positif à l’EPO et sa sanction non définitive a été ramenée à <a href="https://www.spe15.fr/lafld-fait-appel-de-la-suspension-dophelie-claude-boxberger/">deux ans</a>. Une décision qui a poussé l'AFLD à faire appel de la sanction décidée par la Commission des sanctions devant le Conseil d'État. Pour la justice traditionnelle, les émotions peuvent quelquefois se montrer plus convaincantes que les preuves les plus solides. En guise d'illustration, un juge italien <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/L-agence-mondiale-antidopage-se-defend-a-nouveau-dans-l-affaire-alex-schwazer/1245430">a innocenté</a> l'athlète italien Alex Schwazer en dépit d'un dossier scientifique accablant et de son passé de fake performeur.</p>
<h2>Le triptyque ‘coulisses/innovation/émotions’ dame le pion au triptyque ‘scène/régulation/raison’</h2>
<p>Après avoir parcouru ces trois oppositions, on constate que les intérêts des uns ne sont pas les intérêts des autres et que les fake perfs en tant qu’aubaine remportent le rapport de force haut la main. La priorité désormais serait de ne plus (se) mentir de façon éhontée ou alors de changer radicalement l’état actuel des choses. Pour la seconde possibilité, pourquoi ne pas mesurer et récompenser l’intégrité sportive ? La société contemporaine valorise quasiment tout en termes monétaires. Pourquoi les athlètes qui respectent les règles du jeu ne seraient-ils pas également valorisés ? Le jour où les fake perfs deviendront un véritable fléau, le milieu sportif se transfigurera. Assisterons-nous à sa transfiguration un jour ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La triche en sport devrait être éliminée car elle nuit à son intégrité, mais la recherche constante d'amélioration des performances a tendance à la favoriser.Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1584412021-04-26T17:34:15Z2021-04-26T17:34:15ZLe syndrome de « l’excusite aiguë » dans le milieu sportif<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397057/original/file-20210426-15-r4m9t5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3500%2C2331&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour performer, certains sportifs peuvent basculer dans la triche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/SQvRd2EVqLM"> Philip Strong / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’excuse est consubstantielle à la nature humaine et reste tolérable jusqu’à un certain point. Au-delà se développe une culture de l’excuse où l’irresponsabilité prévaut.</p>
<p>Dans le milieu sportif, le syndrome de l’excusite aiguë a pris racine. Ce mal chronique affecte tout particulièrement les parties prenantes de l’entreprise du raccourci. Par cette expression, il faut entendre un processus dévoyé permettant la production de résultats sportifs plus rapidement ou hors d’atteinte naturellement. Son objet consiste à préparer les fake performeurs à <a href="https://theconversation.com/quelle-est-la-formule-gagnante-pour-produire-des-fake-performances-en-sport-145801">délivrer des fake perfs</a>. Cette entreprise rarement unipersonnelle implique la tricherie en employant des moyens physiologiques et/ou technologiques interdits pour être artificiellement <a href="https://www.cyclismactu.net/news-dopage-danilo-di-luca-je-voulais-gagner-des-courses-tout-prix-96164.html">plus performant</a> toutes disciplines sportives confondues.</p>
<p>Bien que ce syndrome touche un grand nombre d’individus et d’organisations dans le milieu sportif à l’échelle mondiale, il demeure non formalisé à ce jour et nécessite donc une introduction explicite. L’adoption irréfléchie et l’emploi inconditionnel des termes dopage, dopé et leurs dérivés dénaturent la réalité et bloquent toute avancée. La mise à disposition d’un nouveau lexique incluant les concepts de <a href="https://theconversation.com/dopage-pourquoi-plutot-raisonner-a-partir-du-concept-de-fake-perfs-111387">fake perfs</a>, <a href="https://theconversation.com/dope-un-qualificatif-trouble-vehiculant-le-bien-et-le-mal-129383">fake performeur</a>, producteur de fake performeurs et entreprise du raccourci ouvre la voie à la formalisation de phénomènes inconnus au bénéfice de l’intégrité sportive.</p>
<h2>Des symptômes reconnaissables</h2>
<p>Dès que la plupart des fake performeurs sont formellement confondus de <a href="https://www.sowetanlive.co.za/sport/2021-02-06-kenyas-kibet-gets-four-year-ban-for-violating-anti-doping-rules/">manière directe</a> ou <a href="https://citizentv.co.ke/sports/2020-review-no-respite-as-doping-cases-plague-kenyan-athletes-3343397/">indirecte</a>, ils nient l’évidence et se trouvent une ou plusieurs <a href="https://www.news.com.au/sport/olympics/shayna-jacks-bizarre-blender-defence-for-failed-doping-test/news-story/e882b335e1a169491e4781dc351a2b68">excuses</a> pour justifier l’état de fait.</p>
<p>Dans le domaine, il existe deux types d’excuses : l’excuse improvisée et l’excuse préméditée.</p>
<p>La première nommée représente une tentative de couverture ex post et la seconde, une tentative de couverture ex ante. Les excuses sont si courantes dans le milieu sportif qu’un ouvrage vient d’en publier un <a href="https://www.estrepublicain.fr/insolite/2020/10/31/sexe-mensonge-et-epo-les-plus-belles-excuses-du-dopage-rassemblees-dans-un-livre">recueil</a>. Ensuite, ces tricheurs prennent généralement la posture de <a href="https://sports.yahoo.com/david-moore-central-michigan-ncaa-suspension-drug-test-203838119.html">victime</a> en mobilisant le registre émotionnel de manière plus ou moins spectaculaire. Enfin, ils peuvent faire appel à un ou plusieurs <a href="https://sport.francetvinfo.fr/auto-moto/moto/motogp-le-pilote-andrea-iannone-suspendu-4-ans-pour-dopage-par-le-tribunal-arbitral">avocats</a> pour viser l’annulation totale ou partielle des sanctions qu’ils encourent.</p>
<p>Comment expliquer leurs comportements mimétiques ?</p>
<h2>Un diagnostic saisissant</h2>
<p>Les fake performeurs incarnent le dernier maillon de la chaîne de l’entreprise du raccourci donc ils subissent inévitablement l’influence des autres maillons en amont. Leur entourage direct composé de conseillers occultes, de médecins ou d’entraîneurs joue un rôle déterminant dans <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/sport-et-sante/sportifs-amateurs-attention-au-dopage_3719539.html">leurs faits et gestes</a>. Ces derniers endossent le costume de professeur et initient progressivement les apprentis tricheurs à la production de fake perfs. Durant cette (dé)formation, les producteurs de fake performeurs veillent à ce que leurs élèves connaissent par cœur le chapitre consacré à l’anticipation.</p>
<p>Pour entrer dans le vif du sujet, voici une pièce à conviction rarissime et accablante. Bernard Sainz, alias « Docteur Mabuse », est un conseiller occulte de renom opérant dans le monde des <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/dopage/cyclisme-dopage-peine-confirmee-pour-bernard-sainz-6959295">courses cyclistes et hippiques</a>. Déjà condamné dans le passé, il s’est fait prendre la main dans le sac durant ses cours individuels de manière irréfutable. Dans l’émission de télévision <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uvxR36ScTis"><em>Cash Investigation</em></a>, ce personnage sulfureux enseigne discrètement à un fake performeur muni d’une caméra cachée comment maquiller la prise d’une substance interdite au moyen d’une prescription médicale parfaitement légale en cas de contrôle positif. Il lui sert ainsi sur un plateau un argumentaire crédible pour échapper totalement ou partiellement à ses responsabilités si jamais les choses tournent mal.</p>
<p>De même, le docteur Richard Freeman vient d’être condamné et <a href="https://www.theguardian.com/sport/2021/mar/19/former-british-cycling-and-team-sky-chief-doctor-richard-freeman-struck-off">radié de sa profession le 19 mars 2021</a> par l’Ordre des médecins Britannique (GMC) pour fautes graves lorsqu’il occupait les fonctions de médecin de la fédération cycliste britannique (BC) et de l’équipe cycliste Sky.</p>
<p>Ce producteur de fake performeurs n’a pas hésité lors des audiences à mentir sur tous les points liés aux fake perfs. À titre d’exemple, il a soutenu qu’il ne connaissait pas les effets positifs de la testostérone <a href="https://www.cyclismactu.net/news-dopage-l-ex-medecin-de-sky-ignorait-effets-de-testosterone-96673.html">sur la performance sportive</a>. Pour ne pas être démasqué, ce médecin a même fait <a href="https://www.skysports.com/more-sports/cycling/news/21683/12131838/dr-richard-freeman-denies-putting-his-own-ambition-before-the-safety-of-riders">disparaître les preuves</a> en sa possession en prétextant diverses raisons (premier ordinateur soi-disant volé, deuxième ordinateur détruit par lui-même pour cause de mal-être, troisième ordinateur inaccessible et messages supprimés sur son téléphone portable pour cause de cession).</p>
<p>Enfin, le coach <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NLfbqqAEKwo">Alberto Salazar</a> associé au docteur Jeffrey Brown ont été suspendus quatre ans par l’agence antidopage états-unienne (USADA), le 30 septembre 2019, pour avoir enfreint plusieurs règles contre les <a href="https://www.usada.org/sanction/aaa-panel-4-year-sanctions-alberto-salazar-jeffrey-brown/">fake perfs</a>. Ce scandale éclaboussa <a href="https://fortune.com/longform/nike-running-win-at-all-costs-book-matt-hart/">Nike</a>, le premier équipementier sportif au monde, et son PDG de l’époque Mark Parker. Plusieurs expériences interdites à visée performative sur des athlètes ont été réalisées dans leur centre d’entraînement (NOP) ce qui provoqua la <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/10/11/athletisme-nike-arrete-l-oregon-project-apres-la-suspension-pour-dopage-de-salazar_6015086_3242.html">fermeture de celui-ci</a>. Acculés, le coach et le PDG affirmèrent que leurs essais avaient été menés pour éviter qu’une personne malintentionnée ne contamine <a href="https://www.lalsace.fr/sport/2019/10/02/affaire-salazar-pourquoi-nike-est-eclabousse-par-le-scandale">leurs propres athlètes</a>.</p>
<p>Résultat des courses, le retour sur investissement des excuses du docteur Richard Freeman et du coach Alberto Salazar et consorts s’avère mirifique. Effectivement, aucun de leurs protégés n’a été déclaré <a href="https://www.spe15.fr/salazar-et-freeman-dopeurs-dathletes-fantomes/">fake performeur à ce jour</a>.</p>
<h2>Un traitement inopérant</h2>
<p>La sous-estimation des fake performeurs et des producteurs de fake performeurs est une <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-sport/20121209.RUE4102/un-sportif-de-tres-haut-niveau-est-forcement-intelligent.html">grave erreur d’appréciation</a>.</p>
<p>Trois membres de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en ont fait <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/flash/diffamation-deux-ans-apres-faits-j-ai-un-sentiment-d-une-tres-grande-violence#.YDEUo-gzbIU">l’amère expérience</a> lors du contrôle inopiné de l’athlète Clémence Calvin au Maroc qui s’est soldé par <a href="https://sport.francetvinfo.fr/antidopage-clemence-calvin-definitivement-deboutee-par-le-conseil-detat">sa fuite puis sa condamnation</a>. Quand un contrôle intervient dans la fenêtre de détection, les fake performeurs savent sur-le-champ que leur carrière sportive est en grand danger donc ils ne lésineront sur aucun moyen pour la sauvegarder.</p>
<p>Dans ce contexte, la force anticipatrice de leurs excuses crédibilise leurs mensonges et désarçonne le plus grand nombre au bénéfice du doute. Avec un grand sang-froid, certains d’entre eux atteignent les <a href="https://psycnet.apa.org/record/1976-27199-001">sommets de l’escalade de l’engagement</a>. Paradoxalement, cela peut leur rapporter plus ou moins gros en obtenant l’annulation ou la réduction de leurs sanctions.</p>
<p>Deux réalités consternantes révèlent l’incapacité de traiter le syndrome de l’excusite aiguë dans le milieu sportif. Premièrement, les nombreuses exceptions aux règles tuent les règles. <a href="https://www.wada-ama.org/fr/ressources/le-code/code-mondial-antidopage">En théorie</a>, </p>
<blockquote>
<p>« Il incombe personnellement aux sportifs de s’assurer qu’aucune substance interdite ne pénètre dans leur organisme. Les sportifs sont responsables de toute substance interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dont la présence est décelée dans leurs échantillons. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de faire la preuve de l’intention, de la faute, de la négligence ou de l’usage conscient de la part du sportif pour établir une violation des règles antidopage en vertu de l’article 2.1. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les faits, combien de décisions ont scrupuleusement respecté cette règle fondamentale ? Deuxièmement, le pourcentage de fake performeurs effectivement sanctionnés <a href="https://www.wada-ama.org/sites/default/files/resources/files/2017_adrv_report.pdf">(entre 0 % et 1 %)</a> par rapport au pourcentage de fake performeurs dans la nature <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40279-014-0247-x">(entre 14 % et 39 %)</a> met en évidence un écart abyssal.</p>
<h2>Comment le soigner autrement ?</h2>
<p>Le syndrome de l’excusite aiguë dans le milieu sportif perdure parce qu’il bénéficie de conditions propices à son développement. Ne jamais perdre de vue qu’il faut être deux pour danser le tango.</p>
<p>Jusqu’à preuve du contraire, l’entreprise du raccourci est présente dans <a href="https://www.europe1.fr/emissions/linterview-de-5h40/dopage-il-y-a-une-omerta-dans-le-football-assure-jean-pierre-verdy-4036511">tous les sports</a> et partout dans le monde. La sophistication des fake performeurs et des producteurs de fake performeurs exige que la lutte contre les fake perfs soit également <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00207727008920220">sophistiquée</a> et ce n’est pas le cas.</p>
<p><a href="https://lequotidien.lu/sport-national/dopage-aucun-athlete-licencie-au-luxembourg-controle-positif-en-2020/">Le laxisme ambiant</a>, la non-indépendance de l’agence mondiale antidopage <a href="https://www.insidethegames.biz/articles/1103313/michael-ask-guest-blog">(AMA)</a>, la fracture actée de la <a href="https://www.sportsintegrityinitiative.com/will-roda-replace-wada-in-2021/">gouvernance mondiale</a> et la corruption de <a href="https://www.20minutes.fr/sport/2964011-20210128-dopage-prostituees-parties-chasse-pots-vin-comment-russie-achete-ancien-president-federation-biathlon">fédérations sportives internationales</a> entre autres permettent de saisir pourquoi le rapport de force entre le côté lumineux et le côté obscur tend irrémédiablement vers le sacro-saint statu quo.</p>
<p>Comment faire alors ? Dans le domaine des fake perfs, les beaux mots sont vides donc il convient de se fier aux actions effectivement menées dans la durée pour croire encore en quelque chose. Depuis 2017, l’unité d’intégrité de l’athlétisme (AIU) combat en son sein les dérives dont les fake perfs, indépendamment de la fédération internationale d’athlétisme (WA).</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/sport/blog/2021/jan/18/athletics-66-doping-bans-showcase-a-winning-way-other-sports-should-follow">Le remarquable tableau de chasse</a> de cette petite unité aux moyens financiers limités s’explique par le fait qu’ils emploient des <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Brett-clothier-directeur-de-l-agence-antidopage-athletics-integrity-unit-nous-avons-carte-blanche/1224556">moyens sophistiqués</a> pour lutter d’égal à égal. Si tous les sports se dotaient d’une telle structure indépendante, on pourrait commencer à comparer le comparable et le grand public découvrirait médusé le véritable paysage des fake perfs <a href="https://www.cyclingweekly.com/news/racing/cycling-moves-down-sports-doping-list-three-places-to-8th-with-18-recorded-cases-in-2020-489189">par sport et par pays</a>. Finalement, qui sont les premières victimes du syndrome de l’excusite aiguë ? Non pas les personnes atteintes de cette pathologie mais les athlètes intègres, une majorité silencieuse et négligée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand un sportif est pris la main dans le sac de la tricherie, il est forcé de s’excuser, mais comment peut-il faire ?Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1458012020-10-14T18:57:53Z2020-10-14T18:57:53ZQuelle est la formule gagnante pour produire des « fake performances » en sport ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363447/original/file-20201014-19-x7mnpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">josh nuttall uNQ TTg qNY unsplash</span> </figcaption></figure><p>Il est communément admis que les voleurs ont toujours un temps d’avance sur les forces de l’ordre. Le sport ne déroge pas à cette réalité puisque les <a href="https://theconversation.com/dope-un-qualificatif-trouble-vehiculant-le-bien-et-le-mal-129383">fake performeurs</a> ont toujours un coup d’avance sur la lutte antidopage.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dope-un-qualificatif-trouble-vehiculant-le-bien-et-le-mal-129383">Dopé : un qualificatif trouble véhiculant le bien et le mal</a>
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<p>Habituellement, on concentre notre attention sur les moyens déployés pour confondre les tricheurs. Dans cet article, j’adopte un raisonnement inverse en conceptualisant la manière dont les fake performeurs et leur entourage procèdent pour mener l’entreprise du raccourci. L’expression signifie un processus dévoyé permettant la production de résultats sportifs plus rapidement ou hors d’atteinte naturellement. Cette contribution remet en question les moyens traditionnels utilisés par la lutte antidopage et valorise l’approche indirecte à sa juste valeur pour démasquer les plus aguerris d’entre eux.</p>
<h2>Premier composant de la formule : le détournement</h2>
<p><a href="https://www.wada-ama.org/sites/default/files/resources/files/wada_anti-doping_code_2019_french_final_revised_v1_linked.pdf">Le Code mondial antidopage</a> stipule une règle de base fondamentale. « Il incombe à chaque sportif de faire en sorte qu’aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme et qu’aucune méthode interdite ne soit utilisée ». La <a href="https://www.wada-ama.org/sites/default/files/wada_2020_french_prohibited_list.pdf">liste des interdictions</a> répertorie les substances concernées de S0 à S9 et les méthodes concernées de M1 à M3. Ces substances pharmacologiques sont littéralement accessibles dans les médicaments humains et vétérinaires.</p>
<p>Le TLFi (Trésor de la langue française informatisé) définit le terme <em>médicament</em> de manière explicite : « Substance employée à des fins thérapeutiques pour rétablir l’équilibre dans un organisme perturbé ». Les tricheurs emploient ces médicaments et/ou ces méthodes (manipulation sanguine, manipulation chimique et physique, dopage génétique et cellulaire) à des fins performatives pour booster artificiellement leur système.</p>
<p>Agir de la sorte est strictement défendu excepté dans le cadre spécifique d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT). En somme, les fake performeurs détournent des moyens thérapeutiques et les utilisent illégalement. Quelques substances sont si répandues parmi les tricheurs qu’on les associe directement à un <a href="https://innovationorigins.com/epo-doping-drug-appears-to-ease-severe-cases-of-covid-19/">usage interdit</a> alors qu’à la base elles servent à soigner des pathologies. Par exemple, l’érythropoïétine (EPO) de synthèse est prisée pour augmenter l’oxygénation du sang de certains athlètes alors qu’elle est destinée à traiter l’anémie de certains malades.</p>
<p>Le détournement de médicaments est un <a href="https://www.lci.fr/population/une-fois-qu-on-a-commence-c-est-dur-de-s-en-passer-quand-le-dopage-gangrene-le-sport-amateur-2157490.html">phénomène massif</a>, savamment camouflé, tant chez les sportifs amateurs que chez les professionnels. Récemment, plusieurs individus dont un médecin ont poussé le vice jusqu’à vouloir se faire rembourser par l’assurance maladie les <a href="https://www.24heures.ch/la-justice-punit-des-achats-de-dopants-sur-ordonnance-360902670928">médicaments détournés</a>.</p>
<p>En complément des moyens physiologiques, les fake performeurs peuvent aussi détourner des moyens technologiques à leur profit, ce qui complexifie grandement la préservation du sport intègre. Par exemple, des cyclistes ont déjà été pris en flagrant délit de fake perfs d’origine mécanique. Cela consiste à détourner une assistance électrique pour motoriser un vélo et bénéficier ainsi d’un avantage écrasant, interdit en compétition. Le spectre de la fraude technologique plane toujours sur les pelotons <a href="https://www.velonews.com/news/technological-doping-department-cut-at-uci/">aujourd’hui</a>.</p>
<h2>Second composant de la formule : le contournement</h2>
<p>Les fake performeurs tentent de contourner la lutte antidopage pour ne pas se faire démasquer. Ceux qui y parviennent dans la durée connaissent les règles en vigueur sur le bout des doigts. Le contournement se déroule principalement avant les contrôles.</p>
<p>De nos jours, le constat est sans appel : la lutte antidopage traditionnelle s’avère <a href="https://spe15.fr/des-controles-anti-dopage-chers-et-pas-efficaces/">inefficace et coûteuse</a>. En effet, très peu de tricheurs se font attraper par rapport au nombre d’échantillons analysés. Plus précisément, les <a href="https://www.wada-ama.org/sites/default/files/resources/files/2017_adrv_report.pdf">rapports de la lutte antidopage</a> déclarent que les cas positifs oscillent entre 1 % et 2 % et que les cas effectivement sanctionnés varient entre 0 % et 1 %. Ces très faibles pourcentages consternent au regard de la réalité et dans la mesure où une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40279-014-0247-x">étude scientifique de référence</a> estime que les fake performeurs parmi les athlètes de haut niveau fluctuent entre 14 % et 39 %.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1314946800768385026"}"></div></p>
<p>Les tricheurs contournent rarement les contrôles seuls car il s’agit d’un exercice subtil et périlleux. Les plus sophistiqués d’entre eux se reposent donc sur une organisation clandestine qui inclut au minimum un médecin. À son époque, Lance Armstrong était déjà un <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/dopage/dopage-lance-armstrong-difficile-de-prendre-de-l-epo-apres-avoir-fait-face-la-mort-non-6845438">modèle du genre</a>. De plus, certains athlètes se rendent indisponibles à certains moments clés parce que leur organisme est artificiellement chargé. Le règlement leur permet deux manquements en l’espace d’une année mais au-delà la <a href="https://www.lapresse.ca/sports/tokyo-2020/2020-07-23/dopage-introuvable-lors-de-tests-le-kenyan-elijah-manangoi-suspendu.php">sanction tombe</a>.</p>
<p>Dans un registre technologique, Nike a semé la zizanie chez les équipementiers en athlétisme. La semelle ultraperformante de ses chaussures conférait aux athlètes qui en bénéficiaient un avantage concurrentiel démesuré jusqu’à ce que la Fédération internationale <a href="https://www.rtbf.be/sport/autres/athletisme/detail_chaussures-world-athletics-decrete-le-statu-quo-technologique-jusqu-a-tokyo?id=10550927">s’en mêle</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le contournement se déroule aussi dans une moindre mesure après les contrôles. Même testés positifs, certains sportifs ne s’avouent pas vaincus pour autant. Ces derniers peuvent invoquer la <a href="https://www.airdrietoday.com/national-sports/canadian-ufc-fighter-denies-doping-charge-points-to-tainted-supplements-2616834">contamination alimentaire</a> ou <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1713564/dopage-transmission-alibi-boxeuse-americaine-virginia-fuchs">sexuelle</a>.</p>
<p>Ils peuvent aller plus loin en créant des <a href="https://www.lesechos.fr/sport/omnisport/dopage-le-marathonien-kenyan-wilson-kipsang-suspendu-quatre-ans-1221128">preuves de toutes pièces</a> ou en <a href="https://www.lequipe.fr/Lutte-libre/Article/Le-francais-zelimkhan-khadjiev-s-attaque-a-l-ama-apres-sa-suspension-pour-dopage/1154191">contestant juridiquement</a> la validité des faits pour lesquels ils sont incriminés. Enfin, le <a href="https://www.rtbf.be/sport/autres/detail_dopage-la-federation-internationale-d-halterophilie-a-dissimule-40-controles-positifs?id=10515692">recours à la corruption</a> demeure le nec plus ultra pour eux.</p>
<h2>Détournement sans contournement, c’est probablement perdu</h2>
<p>Il est vain d’espérer empêcher les sportifs de tricher mais il est vital d’identifier et de sanctionner ceux qui le font. Les sportifs qui usent exclusivement du détournement prennent l’énorme risque de se faire prendre la main dans le sac <a href="https://www.rtbf.be/sport/tennis/detail_dopage-le-chilien-nicolas-jarry-positif-et-suspendu-11-mois?id=10485890">en</a> et <a href="https://swimswam.com/uruguayan-national-runner-up-nicolas-culela-given-4-year-doping-suspension/">hors</a> compétition. Ce cas de figure facilite grandement la tâche de la lutte antidopage car il s’agit généralement de <a href="https://www.sport.fr/cyclisme/dopage-et-harcelement-sexuel-la-double-peine-pour-marion-sicot-695345.shtm">fake perfs artisanales</a>. Néanmoins, ses filets ne contiennent ici majoritairement que de petits poissons.</p>
<h2>Détournement avec contournement, c’est probablement gagné</h2>
<p>Lorsque les sportifs utilisent la formule complète de la tricherie, ils minimisent puissamment le <a href="https://www.abc.net.au/news/2020-06-24/kyle-chalmers-cant-trust-half-his-opponents-due-to-doping/12387624">risque de se faire démasquer</a>. Dans ce cas de figure, les affaires se corsent pour la lutte antidopage car il s’agit souvent de <a href="https://www.theguardian.com/sport/2020/apr/23/doping-charges-against-top-trainers-leave-us-horse-racing-desperate-to-clean-up-sport">fake perfs industrielles</a>. Cependant, le jeu en vaut la chandelle puisque ses filets peuvent contenir ici de <a href="https://www.oregonlive.com/trackandfield/2020/06/christian-coleman-case-highlights-the-intrusiveness-of-the-anti-doping-fight-oregon-track-field-rundown.html">gros poissons</a>.</p>
<h2>Lutter indirectement pour combattre des agissements indirects</h2>
<p>En se bornant à l’analyse des échantillons fraîchement prélevés, la lutte antidopage traditionnelle identifie très peu de tricheurs par rapport à ceux qui sévissent en <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/othersports/article-8607891/Whistleblower-Grigory-Rodchenkov-makes-astonishing-new-claims-doping-sports.html">réalité</a>.</p>
<p>Cette situation persistante permet aux fake performeurs de conserver un <a href="https://www.cairn.info/les-processus-strategiques--9782376871224-page-133.html">avantage foudroyant</a> vis-à-vis des athlètes intègres, relégués de facto au rang de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2020/06/10/dopage-les-athletes-propres-sont-des-victimes_1790848">victimes non reconnues</a>.</p>
<p>Pour contrecarrer ce fléau, il convient de s’adapter et de développer l’approche indirecte pour faire jeu égal avec les tricheurs et leur entourage. Certes, il existe une panoplie d’outils et de méthodes pour les surprendre et les confondre mais encore faut-il la déployer et la généraliser massivement à tous les sports au niveau mondial.</p>
<p>Les analyses d’anciens échantillons révèlent que certaines réalités du passé n’avaient <a href="https://www.eurosport.fr/athletisme/london-2012/2012/jo-2012-mingir-disqualifiee-pour-dopage-huit-ans-apres_sto7737063/story.shtml">pas lieu d’être</a>.</p>
<p>Les passeports biologiques décèlent au fil du temps des anormalités manifestes chez <a href="https://www.cyclingnews.com/features/biological-passport-have-dopers-found-ways-to-beat-it/">quelques athlètes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1130890579200679936"}"></div></p>
<p>Les trois défauts de localisation constatés en l’espace de douze mois trahissent de temps à autre les <a href="https://sport24.lefigaro.fr/athletisme/fil-info/dopage-18-mois-de-suspension-pour-la-sprinteuse-americaine-stevens-1007685">illusionnistes sportifs</a>.</p>
<p>Les lanceurs d’alerte tirent rarement la sonnette d’alarme à propos de fake perfs <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/russia-doping-scandal-the-whistleblower-couple-who-risked-their-lives-wdjslls5r">artisanales ou industrielles</a>.</p>
<p>Les enquêtes policières démantèlent occasionnellement des réseaux de trafic de médicaments et d’autres <a href="https://www.cyclingweekly.com/news/latest-news/doping-trafficking-ring-involving-professional-athletes-dismantled-in-italy-456104">produits interdits</a>.</p>
<p>Les investigations au long cours débouchent parfois sur de belles prises. Pour preuve, le département des enquêtes et du renseignement de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a attrapé dans ses filets, non sans difficulté au Maroc, un couple de gros poissons, <a href="https://sport.francetvinfo.fr/omnisport/le-president-de-la-commission-des-sanctions-de-lafld-frappe-par-la-legerete-des">Clémence Calvin et Samir Dahmani</a>.</p>
<p>En fin de compte, combien d’organisations nationales antidopage (ONAD) disposent d’un département spécialisé pour lutter indirectement ? Parmi celles qui possèdent la structure adéquate, ont-elles vraiment les moyens de leurs ambitions ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au jeu du chat et de la souris, les tricheurs semblent toujours avoir une longueur d’avance.Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293832020-02-16T16:31:47Z2020-02-16T16:31:47ZDopé : un qualificatif trouble véhiculant le bien et le mal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315284/original/file-20200213-11023-1le7r2z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5551%2C3150&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nageur en pleine action. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/JjUyjE-oEbM">Gentrit Sylejmani/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le qualificatif dopé cache bien son jeu. Sa signification est directement compréhensible alors que son sens est insaisissable dans l’absolu. Pour y parvenir, il faut connaître le contexte au sein duquel il est employé. En fonction de celui-ci, dopé passe d’un extrême à l’autre entre le bien et le mal. La coexistence des deux sens opposés de ce mot sans aucune frontière apparente pose un problème de fond, celui de leur contamination réciproque. Au regard du rapport de force déséquilibré entre les deux, examinons la contamination de la connotation négative par la connotation positive du qualificatif dopé.</p>
<h2>Un dopage positif</h2>
<p>Le qualificatif dopé possède une connotation très positive dans la société, si l’on exclut le milieu sportif. Voici trois illustrations parmi tant d’autres qui décrivent une chose stimulée, boostée, améliorée par l’intermédiaire d’un moyen licite.</p>
<ul>
<li><p>Dans le domaine automobile, <a href="https://www.numerama.com/vroom/579648-peugeot-e-2008-nos-premieres-impressions-sur-le-suv-urbain-dope-a-lelectrique.html">Peugeot</a> a dopé son modèle thermique 2008 avec une nouvelle version intégralement électrique.</p></li>
<li><p>Dans le domaine boursier, <a href="https://www.abcbourse.com/marches/facebook-dope-par-l-analyse-de-deutsche-bank_490847">Deutsche Bank</a> a dopé la valeur de l’action Facebook suite à la diffusion de son communiqué favorable.</p></li>
<li><p>Dans le domaine territorial, la <a href="https://www.sudouest.fr/2019/12/12/la-ligne-d-a-dope-le-foncier-6949313-10414.php">ville de Bordeaux</a> a dopé la valeur du foncier via sa nouvelle ligne D du tramway.</p></li>
</ul>
<h2>Un dopage négatif</h2>
<p>Le qualificatif dopé possède une connotation très négative dans le milieu sportif. Voici trois illustrations parmi tant d’autres qui sous-entendent un individu stimulé, boosté, amélioré par l’intermédiaire d’un moyen illicite.</p>
<ul>
<li><p>En athlétisme, le compagnon de sa mère aurait dopé la coureuse <a href="https://www.20minutes.fr/sport/athletisme/2663427-20191129-dopage-ophelie-claude-boxberger-dopee-insu-compagnon-mere">Ophélie Claude-Boxberger</a>.</p></li>
<li><p>En natation, l’entraîneur australien de <a href="https://www.20minutes.fr/sport/natation/2571891-20190726-mondiaux-tout-fait-dire-dope-assure-entraineur-sun-yang">Sun Yang</a> assure que son protégé chinois n’est pas dopé.</p></li>
<li><p>En <a href="https://www.lerugbynistere.fr/news/pays-de-galles-gatland-soupconne-un-de-ses-joueurs-de-setre-dope-1511191152.php">rugby</a>, l’ancien entraîneur du pays de Galles pense que l’un de ses joueurs s’est peut-être dopé.</p></li>
</ul>
<h2>Frontières poreuses entre le bien et le mal</h2>
<p>Les êtres humains sont instruits et pensent majoritairement en silos tandis que le monde actuel fonctionne et évolue selon une logique transversale. Dans la société excepté le milieu sportif, les gens associent le qualificatif dopé à une information positive et à une action recherchée concernant une chose. À l’opposé dans le milieu sportif, les gens l’associent à une information négative et à un acte répréhensible concernant un individu. </p>
<p>Étant donné que le milieu sportif représente une part infime de la société et qu’il n’existe aucune ligne de démarcation visible entre les deux, on ne peut pas occulter le risque élevé de contamination du sens négatif par le sens positif du terme. Ce phénomène n’est pas anodin et tout porte à croire qu’il opère déjà.</p>
<h2>Comment éviter la fâcheuse confusion ?</h2>
<p>Il est quasiment impossible pour les gens de percevoir de manière diamétralement opposée le qualificatif dopé selon le domaine concerné. Pour ne plus se faire aspirer par ce double sens trompeur, il serait bénéfique de ne plus employer dopé au sens négatif du terme, c’est-à-dire ne plus l’utiliser dans le milieu sportif. Qui plus est, la lutte antidopage se trouve en proie à de grandes difficultés pour diverses raisons. L’une d’entre elles réside dans la tolérance voire la permissivité des pratiques dopantes dans certains sports et certains pays. </p>
<p>En effet, certaines entités sportives n’ont pas signé le Code mondial antidopage (exemple : <a href="https://www.basketusa.com/news/580437/la-nba-et-le-dopage-une-politique-des-tres-petits-pas/">NBA</a>) et certains pays ne disposent pas des <a href="http://www.xinhuanet.com/english/2020-01/01/c_138671850.htm">infrastructures nécessaires</a> donc l’harmonisation n’est pas d’actualité pour le moment. Cela représente une grave entorse aux valeurs nobles du sport, fausse les compétitions sportives et porte préjudice aux athlètes qui respectent scrupuleusement les règles en vigueur. Face à cette injustice sportive, le changement de mot pourrait déclencher une prise de conscience salutaire par rapport à la réalité de la chose.</p>
<h2>Parlons de fake performeurs et non plus de sportifs dopés</h2>
<p>Les athlètes confondus pour pratiques dopantes sont connus du grand public parce que les médias relaient les sanctions rendues. Néanmoins, les sportifs dopés sanctionnés reconnaissent rarement leurs responsabilités par rapport aux faits qui leur sont reprochés. Par conséquent, de nombreuses personnes restent partagées entre leur culpabilité et leur innocence. Ce sentiment mitigé bénéficie aux tricheurs et pénalise les athlètes intègres.</p>
<p>Une clarification digne de ce nom s’impose donc logiquement. Au préalable, il est essentiel de rappeler que la charge de la preuve incombe à la lutte antidopage et que le doute bénéficie toujours aux athlètes présumés dopés. Ces derniers disposent d’ailleurs d’un <a href="https://theconversation.com/sportifs-dopes-mais-pas-dopes-comment-remedier-a-ce-non-sens-124050">arsenal conséquent</a> pour être innocentés. Si finalement ils sont accusés de pratiques dopantes, le doute n’a plus lieu d’exister.</p>
<p>Il y a un an, j’ai introduit le concept de « fake perfs » pour exprimer la finalité du dopage qui n’est en fait qu’un moyen. Le nouveau concept de « fake performeurs » possède trois particularités.</p>
<ul>
<li><p>Il prolonge naturellement l’idée de « fake perfs ».</p></li>
<li><p>Il fait disparaître le doute relatif au terme « dopé » mêlant le bien et le mal.</p></li>
<li><p>Il qualifie explicitement une conduite déviante et sanctionnable.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dopage-pourquoi-plutot-raisonner-a-partir-du-concept-de-fake-perfs-111387">Dopage : pourquoi plutôt raisonner à partir du concept de « fake perfs » ?</a>
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<p>En guise de définition, les fake performeurs sont des sportifs qui ont triché en utilisant des substances et/ou des méthodes interdites. Ils peuvent enfreindre les règles en vigueur au-delà de l’aspect physiologique en mobilisant exclusivement ou en complément l’aspect technologique. Ce qualificatif s’emploie également au féminin et/ou au singulier : un·e fake performeur/performeuse. Par ailleurs, vu que la lutte s’exerce à l’échelle internationale, on peut utiliser fake performer(s) en anglais.</p>
<h2>Luttons contre les fake perfs et les fake performeurs</h2>
<p>Cela fait plus de 20 ans que l’Agence mondiale antidopage (AMA) a été fondée. Je considère cette période d’expérimentation suffisamment longue pour en tirer des enseignements. Au niveau langagier, les mots dopage et dopé ont opéré comme des circonlocutions qui ont ralenti le combat contre ce fléau. Il est urgent maintenant de monter en régime pour lutter avec plus de clarté. Comme le savent trop bien les rhétoriciens, les mots sont des armes en puissance. </p>
<p>Celui de fake perfs offre l’opportunité d’arrêter de tourner autour du pot et celui de fake performeurs, d’appeler un chat un chat. Espérons que les termes fake perfs et fake performeurs deviennent rapidement des armes de dissuasion massive pour faire progresser l’équité sportive au niveau mondial. En ce qui me concerne, je bannirai de mon langage autant que possible les mots dopage, dopé et leurs dérivés dès la publication de cet article.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129383/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>A l'inverse du sport où le qualificatif de dopé est connoté très négativement, dans de nombreux autres domaines, comme celui de la finance, ce même terme est positif. Faut-il utiliser un autre mot ?Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290292019-12-18T18:18:41Z2019-12-18T18:18:41ZLe dopage en Russie : un conflit géopolitique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307497/original/file-20191217-58339-brhydp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C4859%2C3239&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo prise fin 2017 à l'exposition « Super Poutine » organisée au musée d'art contemporain de Moscou Moscou.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lukas Aubin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le 9 décembre, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/10/la-russie-au-ban-du-sport-mondial_6022329_3232.html">décidé</a> de mettre la Russie au ban des grandes compétitions internationales pendant quatre ans. Cette mesure, inédite par son ampleur, devra néanmoins être confirmée par le Tribunal arbitral du sport (TAS) si la Russie fait appel dans les 21 jours. Techniquement, les principales conséquences sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Les responsables du gouvernement russe ne peuvent ni siéger au sein d’une instance signataire du code mondial antidopage, ni assister aux événements sportifs internationaux majeurs ;</p></li>
<li><p>La Russie ne peut ni accueillir ni candidater à une grande manifestation sportive pendant une période de quatre ans ;</p></li>
<li><p>Le drapeau de la Russie ne peut être arboré lors d’aucune grande manifestation organisée au cours de la période de quatre ans ;</p></li>
<li><p>Les manifestations sportives prévues en Russie durant les quatre prochaines années doivent être révoquées sauf si cela est impossible d’un point de vue pratique et/ou juridique ;</p></li>
<li><p>Les sportifs russes peuvent participer aux compétitions sportives internationales s’ils remplissent tous les critères de la lutte antidopage et sans aucun signe distinctif russe.</p></li>
</ul>
<p>Face à l’importance historique de ce jugement, la réaction de Moscou ne s’est pas fait attendre. Le premier ministre Dimtri Medvedev a qualifié la décision de l’AMA de « poursuite d’une hystérie anti-russe devenue chronique ». Même son de cloche pour Vladimir Poutine qui a invoqué la « loi romaine » en expliquant qu’« une sanction doit être individualisée et en rapport avec ce qu’a fait le coupable. […] Choisir une sanction collective, ce n’est pas œuvrer pour le bien global du sport, c’est une décision politique […]. » Parallèlement, la plupart des représentants des pays occidentaux se félicitaient d’une décision jugée exemplaire, voire insuffisante pour certains. Beckie Scott, la présidente sortante du comité des athlètes de l’AMA, a indiqué que « les sanctions auraient pu être plus strictes encore et empêcher tous les athlètes russes d’aller aux Jeux olympiques ».</p>
<h2>Une affaire révélatrice d’un système antidopage complexe et imparfait</h2>
<p>Cette opposition rhétorique n’est pas nouvelle. Depuis le mois de décembre 2014 et les révélations contenues dans le documentaire « Le dopage secret : comment la Russie fabrique ses champions » diffusé sur la chaîne allemande ARD, le pouvoir russe ne cesse de s’opposer frontalement aux instances internationales de lutte contre le dopage. Celles-ci sont multiples et que leur enchevêtrement est difficilement compréhensible. Retour en arrière pour en prendre toute la mesure.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iu9B-ty9JCY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le documentaire d’ARD, sous-titres disponibles en anglais et en français.</span></figcaption>
</figure>
<p>Suite aux accusations de dopage généralisé lancées en 2014 à l’encontre du pouvoir russe par le <a href="https://www.lemonde.fr/athletisme/article/2016/06/02/dopage-lanceurs-d-alerte-olympique_4931609_1616661.html">couple Stepanov</a>, puis quelques mois plus tard par <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2016/05/13/les-troubles-jeux-de-sotchi_4918739_3242.html">Grigory Rodchenkov</a>, l’ancien directeur des laboratoires antidopage de Moscou et de Sotchi, l’AMA déclenche une enquête qui aboutit, en août 2016, à la publication d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/athletisme/dopage-dans-l-athletisme/ce-que-revele-le-rapport-qui-accuse-la-russie-de-dopage-d-etat-et-pourrait-entrainer-son-exclusion-des-jo_1552945.html">rapport</a> qui conclut partiellement que l’État russe a mis en place un système de dopage impliquant plusieurs centaines de sportifs.</p>
<p>L’AMA souhaite que la Russie ne participe pas aux JO d’été de Rio de 2016, mais le Comité international olympique (CIO) refuse car il juge que le rapport est incomplet pour le moment. La Russie participe aux JO mais 167 athlètes russes sont néanmoins exclus de la compétition. En décembre 2017, le CIO indique que 43 athlètes russes étaient dopés lors des JO d’hiver organisés à Sotchi en février 2014. Treize médailles sont retirées et la Russie perd la première place au classement des nations.</p>
<p>La Russie est alors <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2017/12/05/01003-20171205ARTFIG00396-dopage-la-delegation-russe-exclue-des-jo-2018.php">exclue des JO d’hiver de Pyeongchang</a> (février 2018), où ses athlètes sont autorisés à concourir sous bannière olympique. Mais l’affaire du « dopage d’État » russe connaît un nouveau rebondissement. Le 1<sup>er</sup> février 2018, le TAS décide de blanchir 28 des 43 athlètes bannis à vie par le CIO quelques mois plus tôt. Vladimir Poutine se félicite de ce jugement que Thomas Bach, le président du CIO, considère « extrêmement décevant et surprenant ». Loin d’être anodine, cette décision permet à la Russie de récupérer sa première place au classement des médailles des JO de Sotchi, si chère à Vladimir Poutine. L’imbroglio n’est pourtant pas terminé. L’AMA reprend les rênes de l’enquête et finit donc, il y a quelques jours, par exclure la Russie du sport mondial pour quatre ans.</p>
<p>Cette affaire révèle les failles d’un système antidopage international imparfait où les différentes instances de régulation (CIO, AMA, TAS, etc.) semblent tour à tour être juges et partie quand leurs décisions se chevauchent, voire se contredisent. De cette situation pour le moins inédite naissent les questions suivantes : comment le TAS a-t-il pu retoquer la décision du CIO à quelques jours des JO d’hiver 2018 ? Quid de la décision originelle du Comité olympique ? Comment le CIO a-t-il pu, par l’intermédiaire de son président, remettre en question la décision du TAS, censé faire autorité en la matière ? Et, enfin, pourquoi l’AMA a-t-elle opté pour l’exclusion de la Russie du sport international pendant quatre ans ? Éléments de réponses par le prisme de l’analyse géopolitique.</p>
<h2>AMA, TAS ou CIO ?</h2>
<p>En prenant la décision d’exclure la Russie, l’AMA fait du territoire russe un fantôme sur l’échiquier du sport mondial pour les quatre années à venir et tente de frapper là où ça fait mal : en annihilant son « sport power ». Or la question de la légitimité de l’AMA peut se poser. En effet, c’est son Conseil de fondation qui est l’instance décisionnelle suprême. Or celui-ci est composé de 38 membres dont aucun n’est russe quand les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne ou encore le Canada sont représentés. Par ailleurs, le Comité de révision de la conformité, qui a fait part de ses « recommandations » à l’AMA, est lui-même composé de six membres dont cinq sont issus de pays occidentaux (Royaume-Uni, Canada, Belgique, Suisse, Danemark), le sixième étant sud-africain. Cette surreprésentation de l’Occident au sein de l’AMA et du CIO révèle un hiatus difficilement compréhensible pour le pouvoir russe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307510/original/file-20191217-58292-yj7yv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le ministre russe des Sports, Pavel Kolobkov, tient une conférence de presse consacrée au verdict rendu par l’AMA (WADA en anglais, pour World Anti-Doping Agency), le 9 décembre 2009 à Moscou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dimitar Dilkoff/AFP</span></span>
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</figure>
<p>De plus, l’AMA n’est pas toujours le juge principal. Le CIO est par exemple l’autorité suprême du mouvement olympique. C’est-à-dire qu’il peut décider en interne d’exclure un athlète ou une nation. C’est ce qui s’est passé pour la Russie aux JO de Pyeongchang. Le pays a été interdit de compétition suite à un huis clos organisé par la commission exécutive du CIO, composée de seulement 15 membres, dont aucun n’est russe. Pourtant, 105 <a href="https://www.olympic.org/fr/liste-des-membres-du-cio">membres actifs</a> (dont 4 Russes) composent l’organisation ; alors, pourquoi n’ont-ils pas eu leur mot à dire ? De plus, comme cela est stipulé sur le site Internet du Tribunal arbitral du sport, <a href="https://www.tas-cas.org/fileadmin/user_upload/Reglement_d_arbitrage_Chambre_anti-dopage_2018.pdf">« depuis les Jeux olympiques de Rio 2016, les sanctions relèvent du TAS et de sa chambre antidopage »</a>. Cette récente mesure prise par le CIO lui-même n’a donc pas été appliquée, créant un imbroglio sans précédent. Par son opacité, le CIO donne du grain à moudre à ses détracteurs.</p>
<h2>Vers une nouvelle guerre froide du sport ?</h2>
<p>Durant la guerre froide, déjà, le dopage était un argument politique utilisé pour discréditer l’adversaire. Les gouvernements américains pointaient du doigt le dopage généralisé en URSS, tout en favorisant parfois le recours aux produits dopants chez eux. Ce fut notamment le cas lors des JO de 1984 à Los Angeles quand les responsables de l’événement ralentirent les contrôles antidopage afin de stimuler les résultats sportifs et économiques durant la compétition.</p>
<p>Aujourd’hui, après la décision de l’AMA d’exclure la Russie pour quatre ans, il faut s’attendre une réaction de la part du pouvoir russe. Rappelons qu’en 1984 l’URSS avait organisé les Jeux de l’Amitié en parallèle des JO de Los Angeles en 1984, qu’elle avait boycottés. Dans la même veine, la Russie avait mis en place en septembre 2016 une compétition pour les athlètes paralympiques suite à l’exclusion de son équipe paralympique des JO de Rio. Enfin, une entreprise russe de communication proche de l’État avait fait le buzz en 2018 en créant un logo représentant un ours enragé avec les initiales OAR pour « Olympic athletes from Russia », le nom officiel donné à la délégation sportive russe aux JO de Pyeongchang.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307493/original/file-20191217-58321-12w6uug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Modèle de t-shirt créé par l’agence DDVB en 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ddvb.ru/ru/news/ddvb-podderzhivaet-rossijskuju-olimpijskuju-sbornuju">Site de l’agence de communication DDVB</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans un futur proche, l’État russe va probablement modifier sa stratégie de soft power afin de capitaliser au maximum sur son exclusion en nourrissant la défiance d’une partie de l’audience internationale à l’égard des instances antidopage internationales. Si la décision de l’AMA n’est pas retoquée par le TAS, il y a fort à parier que les quatre années sportives à venir seront plus politiques que jamais.</p>
<h2>Repenser la justice sportive</h2>
<p>À l’heure où le sport s’est véritablement imposé comme un instrument de soft power et un outil géopolitique majeur, où les méga-évènements tels que les JO ou la Coupe du Monde de football sont devenus des vecteurs d’influence puissants car regardés par plusieurs milliards de téléspectateurs et, enfin, où la dépolitisation du sport est devenue une utopie, on peut s’interroger sur la légitimité des institutions internationales du sport telles que le CIO, l’AMA, ou encore la FIFA à ordonner en interne l’exclusion d’un athlète ou d’un État.</p>
<p>Ne faudrait-il pas plutôt passer par des tribunaux internationaux indépendants relevant du droit international tels que le TAS (qui, ne l’oublions pas, fut à l’origine créé dans ce but par le CIO lui-même) ? Certes, les procédures pourraient être plus longues mais, dans un souci de transparence et alors que les théories du complot pullulent, il est nécessaire d’éclaircir ces situations souvent perçues comme obscures par le grand public, et de poser des bases juridiques claires et solides afin d’encadrer internationalement la question du dopage d’une façon qui soit admise par toutes les parties concernées.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié avec l’agrément du directeur de thèse de l’auteur, Jean‑Robert Raviot.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129029/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lukas Aubin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La suspension de la Russie de toutes les compétitions sportives internationales ordonnée par l’Agence mondiale anti-dopage est une décision qui dépasse largement les seuls enjeux sportifs.Lukas Aubin, Chercheur en géopolitique , Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278592019-12-05T19:36:49Z2019-12-05T19:36:49ZPourquoi le marathon reflète-t-il dorénavant la lutte antidopage ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305231/original/file-20191204-70126-6yz3t2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1296%2C809&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le marathon : une course de plus en plus populaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.espn.com/espn/feature/story/_/id/17962213/aerial-views-2016-new-york-city-marathon">ESPN</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Octobre 2019 a définitivement fait basculer le marathon dans une autre dimension. En seulement deux jours d’affilée, le meilleur chrono mondial pour parcourir la distance mythique de 42,195 kilomètres a volé en éclats tant chez les hommes que chez les femmes. Se focaliser sur ce week-end historique ne permet pas d’appréhender le bouleversement créé sur la planète marathon. D’autres événements notoires, intervenus récemment et sans lien direct à première vue, sont donc aussi pris en compte. À l’inverse des commentaires immédiats et dithyrambiques formulés dans de nombreux médias, j’ai préféré temporiser et connecter suffisamment de points au cœur et en périphérie du sujet pour concevoir une grille de lecture porteuse de sens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1182933294582845440"}"></div></p>
<h2>Le marathon représente un monument accessible</h2>
<p>En raison de son histoire et de sa nature, le marathon apparaît comme l’épreuve emblématique du sport noble universel. Quels que soient son pays, sa culture, son milieu social, ses ressources économiques, son genre, son lieu d’habitation, n’importe quel individu en possession de ses moyens physiques et mentaux peut courir pendant 42,195 kilomètres sous réserve d’être bien entraîné, régulier et persévérant. Si on parvient à franchir le fameux <a href="http://madame.lefigaro.fr/bien-etre/marathon-de-paris-comment-eviter-le-mur-du-marathon-conseils-240319-163383"><em>mur</em></a> et la ligne d’arrivée, on devient marathonien et ce n’est pas rien. </p>
<p>De plus, cette épreuve olympique fait ressentir un moment de liberté viscérale. Lors des entraînements, il n’existe aucune contrainte d’infrastructure et d’horaire. Lors des compétitions, il n’existe pas de parcours fixe et répétitif puisqu’il s’agit d’une <a href="https://www.athle.fr/asp.net/main.html/html.aspx?htmlid=5256">course hors stade</a>. Par ailleurs, cette épreuve populaire offre l’opportunité rarissime aux sportifs amateurs (licenciés et non licenciés) de côtoyer sur la même ligne de départ des monuments vivants (champions nationaux et internationaux) de la course pédestre.</p>
<h2>Le marathon fait l’objet des convoitises</h2>
<p>En tant que distance reine des courses hors stade, le marathon captive l’intérêt de beaucoup de gens et on observe actuellement un <a href="http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sporteco_17_running_v2.pdf">engouement de plus en plus vif</a> à son égard. Le nombre de personnes qui s’y adonnent augmente donc des organisations, existantes et nouvelles, se lancent à la conquête de l’Épreuve promise.</p>
<p>L’attrait suscité entraîne inexorablement une compétition sportive féroce entre les meilleurs coureurs qui se disputent les gains et la gloire ainsi qu’une compétition commerciale exacerbée entre les acteurs du secteur qui s’arrachent les parts de marché et la notoriété. Pour tirer leur épingle du jeu dans ces affrontements de haut vol, les athlètes comme les organisations s’emparent de l’innovation au sens large.</p>
<h2>Le marathon subit des assauts répétés</h2>
<p>Le marathon a connu une amélioration nette et progressive de ses performances chronométriques au cours de l’histoire. Cependant, certaines entreprises telles que Nike et Ineos n’ont pas jugé cette évolution satisfaisante car trop lente à leurs yeux. Par conséquent, elles ont employé la méthode forte en mobilisant l’innovation de rupture pour bouleverser et accélérer le cours naturel des choses. En bref, mettre tous les moyens en œuvre en faisant fi des règlements en vigueur pour atomiser la barrière des deux heures.</p>
<p>La première tentative du 6 mai 2017, nommée <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Marathon-kipchoge-reste-au-dessus-des-deux-heures/798910">« Breaking2 »</a> et orchestrée par Nike, s’est soldée par un échec (25 secondes de trop). Qu’à cela ne tienne, la seconde tentative du 12 octobre 2019, nommée <a href="https://www.lapresse.ca/sports/201910/12/01-5245130-marathon-le-kenyan-eliud-kipchoge-brise-la-barre-des-2-heures.php">« Ineos 1:59 Challenge »</a>, fut la bonne (20 secondes de moins).</p>
<p>Bien que le Kényan Eliud Kipchoge soit devenu le premier marathonien à passer sous cette barre mythique, <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Eliud-kipchoge-comme-le-premier-homme-marchant-sur-la-lune/1068484">ce ne fut pas une surprise en soi</a>. En effet, tout avait été minutieusement programmé pour pulvériser ce record à tout prix : des conditions de course extrêmement profitables, des <a href="https://theconversation.com/marathon-en-moins-de-2-heures-un-cas-de-dopage-technologique-125257">chaussures Nike prototypées ultraperformantes</a> et une opacité totale de la médicalisation opérée sur l’athlète. À ce tarif-là, son record ne fut pas homologué par la Fédération internationale d’athlétisme (WA).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/marathon-en-moins-de-2-heures-un-cas-de-dopage-technologique-125257">Marathon en moins de 2 heures : un cas de dopage technologique ?</a>
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<p>Le lendemain, la <a href="https://sport.francetvinfo.fr/athletisme/marathon/marathon-de-chicago-brigid-kosgei-bat-le-vieux-record-du-monde-de-paula">kényane Brigid Kosgei</a> battait le record du monde féminin au marathon de Chicago. Des conditions de course normales, des chaussures Nike prototypées ultraperformantes et une soi-disant pratique éthique permirent d’homologuer ce record.</p>
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<p>Néanmoins, sa performance monstrueuse sème le doute pour deux motifs. Tout d’abord, on constate une triple variation (elle bat son propre record de 4mn31s, elle devance la deuxième de 6mn47s, elle bat le vieux record du monde établi en 2003 de 1mn21s). Ensuite, son agent n’est autre que le sulfureux docteur <a href="http://spe15.fr/un-nouveau-cas-de-dopage-pour-un-athlete-du-manager-rosa/">Federico Rosa</a>.</p>
<p>Devant ce jamais-vu, la réaction des représentants du Kenya ne s’est pas fait attendre via un <a href="https://www.jeuneafrique.com/842345/societe/marathon-immense-fierte-au-kenya-apres-lexploit-de-kipchoge/">discours tapageur et irraisonné</a>. Ces hauts responsables ne semblent pas être conscients que leur pays est <a href="https://www.dw.com/en/doping-widespread-in-kenya-ahead-of-world-athletics-championships-report/a-50545023">contaminé par le fléau du dopage</a>.</p>
<p>Concomitamment, le <a href="https://spe15.fr/dopage-alberto-salazar-suspendu-4-ans/">scandale Salazar/Brown/Nike</a> battait son plein. Alberto Salazar, ancien marathonien et entraîneur de marathoniens, et le docteur Jeffrey Brown furent sanctionnés lourdement par l’agence américaine antidopage (USADA) en raison de multiples violations des règles éthiques. Alberto Salazar entraîna dans sa chute l’entreprise Nike car cet individu et cette organisation sont indissociables.</p>
<p>Des preuves compromettantes forcèrent la marque à la virgule à fermer <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1341500/athletisme-dopage-nike-equipement-sportif-oregon-project-alberto-salazar">l’Oregon Project (NOP)</a>, son camp consacré au très haut niveau, puis à se séparer de Mark Parker en tant que PDG. En parallèle, Ineos, qui a racheté l’équipe cycliste Sky, était rattrapée par le scandale du docteur Richard Freeman et poursuivie par l’ombre de Christopher Froome qui assista en personne à l’exploit d’Eliud Kipchoge. À l’époque, le leader de Sky fut sérieusement inquiété par un contrôle antidopage anormal et fut miraculeusement innocenté <a href="https://www.europe1.fr/sport/affaire-froome-une-note-a-plus-de-250000-euros-pour-luci-3703709">au prix fort</a>. </p>
<p>Sous d’autres cieux, le marathon subissait également des attaques. En France, les deux locomotives de la spécialité, <a href="https://gazettesports.fr/2019/11/09/omnisports-heurs-et-malheurs-des-sportifs-francais/">Clémence Calvin</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/10/03/dopage-l-athlete-francais-morhad-amdouni-mis-en-cause_6014091_3242.html">Morhad Amdouni</a>, sont actuellement à quai en raison de fortes suspicions de pratiques dopantes. En Irlande, le <a href="https://www.offtheball.com/other-sports/dublin-marathon-winner-doping-ban-919069">marathon de Dublin a été bafoué</a>. Le vainqueur de l’édition 2019, Othmane El Goumri, fut convaincu de pratiques dopantes dans un passé récent alors que le règlement interne de l’événement précise le fait de ne pas convier d’athlètes déjà sanctionnés de la sorte.</p>
<h2>Marathon et lutte antidopage : même combat</h2>
<p>À l’instar du marathon, la lutte antidopage est déstabilisée suite aux offensives incessantes. Positionnée du côté lumineux de la force, elle matérialise une contrainte élevée à la performance sportive absolue. Placé du côté obscur de la force, le dopage fait sauter le verrou des contraintes physiologiques et/ou technologiques et permet ainsi de performer coûte que coûte.</p>
<p>Ce bridage éthique vertueux ne fait pas l’unanimité dans le monde du business, loin s’en faut, puisque leurs logiques sont différentes et difficilement conciliables. Aujourd’hui, le business est régi par la sacro-sainte innovation ce qui conduit les organisations à s’affranchir de n’importe quelles contraintes sur leur passage. Dans ce contexte, la lutte antidopage opère à contre-courant tel un saumon dans un environnement qui lui est globalement hostile. En fin de compte, la lutte antidopage symbolise un ennemi pour le business et un allié pour l’éthique dans le sport.</p>
<p>La performance spectaculaire d’Eliud Kipchoge met en évidence la nature des assauts combinés. Créer un marathon de toutes pièces et sortir du giron des instances officielles pour innover radicalement, principalement au niveau des chaussures, de la médicalisation et du phénomène d’aspiration. Son record n’a certes pas été homologué mais il est imprimé dans l’esprit du monde entier. Que signifient et que valent les chronos passés, actuels et futurs des marathoniens non soutenus artificiellement ? Plus rien. En guise d’illustration, le temps du champion de France du marathon <a href="https://www.republicain-lorrain.fr/sport/2019/10/13/direct-marathon-de-metz-les-42-195-km-battent-un-record-de-participation">Julien Devanne</a>, crédité de 2h25mn38s (25mn58s de plus), fait pâle figure.</p>
<p>Finalement, les entreprises Ineos et Nike ont réussi leur coup en faisant table rase du passé. Face à ce déferlement, qui est censé protéger le marathon ? Tout d’abord, la Fédération internationale d’athlétisme mais <a href="https://www.sportsintegrityinitiative.com/sports-integrity-briefs-30-october-2019/">sa tête était corrompue</a> et sa tête actuelle joue la carte du <a href="https://www.france24.com/en/20191002-salazar-doping-scandal-won-t-derail-championships-coe">statu quo</a>. Ensuite, l’Agence mondiale antidopage (AMA) mais ses moyens sont <a href="https://www.rtbf.be/sport/autres/athletisme/detail_le-bilan-contraste-de-l-agence-mondiale-antidopage-vingt-ans-apres?id=10356962">dérisoires</a>. Enfin, les athlètes lésés portent plainte soit pour dopage technologique soit pour corruption comme la marathonienne <a href="https://www.la-croix.com/Sport/Affaire-Diack-marathonienne-Christelle-Daunay-veut-donner-visage-victimes-2019-06-21-1301031020">Christelle Daunay</a> mais ils ne pèsent pas lourd dans la balance. Les performances sportives spectaculaires concrétisent une formidable rampe de lancement pour le business à grande échelle et les organisations concernées ne lâcheront jamais le morceau. À titre d’exemple, Mark Parker fut démis de ses fonctions de PDG chez Nike mais <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/23/eclabousse-par-l-affaire-de-dopage-salazar-le-patron-de-nike-quitte-son-poste_6016586_3234.html">c’était juste un départ de façade</a>. Il y occupe désormais les fonctions de président exécutif du conseil d’administration malgré son implication personnelle directe dans le scandale Salazar/Brown/Nike.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour les grandes marques de sport, les performances d’athlètes extraordinaires ne sont jamais suffisantes. Toujours aller plus vite, mais à quel prix ?Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240502019-10-03T17:42:24Z2019-10-03T17:42:24ZSportifs dopés mais pas dopés : comment remédier à ce non-sens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295482/original/file-20191003-52810-kfm4we.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C23%2C5184%2C3422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/ij5_qCBpIVY">Kolleen Gladden / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.afld.fr/wp-content/uploads/2019/06/AFLD_RA_2018.pdf">Le rapport d’activité 2018</a> de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) donne la possibilité de calculer deux évolutions notables par rapport à l’exercice précédent : une augmentation du nombre de contrôles antidopage (+4,3 %) et une diminution du nombre de cas positifs (-16,8 %). En se cantonnant à cette tendance brute, on aboutit à la conclusion que la lutte antidopage se porte bien mais en creusant le sujet, on perçoit une tout autre réalité. L’histoire des affaires de dopage à l’échelle mondiale nous enseigne que la plupart des sportifs impliqués n’ont jamais été contrôlés positifs avant que leur tricherie ne soit brusquement révélée au grand jour.</p>
<p>Cela signifie que malgré les nombreux contrôles subis durant leur carrière sportive, les résultats de leurs prélèvements ont toujours été déclarés négatifs jusqu’à la découverte du pot aux roses. Confronté à cette désillusion, on ne peut pas faire l’économie d’une réflexion à deux étages. En premier lieu, comment les sportifs dopés parviennent-ils à passer sous les radars ? En second lieu, comment la lutte antidopage peut-elle opérer pour mieux confondre les tricheurs ?</p>
<h2>Très peu de sportifs dopés en théorie</h2>
<p>Un survol de l’actualité internationale permet de s’apercevoir que parmi l’immensité des pratiquants, quelques athlètes seulement sont contrôlés positifs. Pour illustrer le propos, prenons le cas d’un pays puis celui d’une épreuve sportive. L’Irlande a effectué 1 112 contrôles antidopage en 2018 et un <a href="https://www.independent.ie/sport/other-sports/sport-ireland-to-target-sports-after-just-one-failed-drugs-test-in-2018-38027083.html">seul s’est révélé positif</a>. Le Tour de France quant à lui ne déplore <a href="https://www.lci.fr/autres-sports/tour-de-france-2019-aucun-controle-antidopage-positif-depuis-sept-ans-la-grande-boucle-est-elle-devenue-propre-et-sans-dopage-interview-medecin-du-sport-2128081.html">aucun cycliste dopé depuis sept ans</a>. Ce tour d’horizon permet aussi d’appréhender pourquoi on dénombre si peu de sportifs dopés. Globalement, leur non-détection s’explique soit par les stratagèmes utilisés, soit par le contexte permissif.</p>
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<li><p>Certains athlètes ciblés poussent le bouchon jusqu’au <a href="https://www.swimmingworldmagazine.com/news/ruta-meilutyte-facing-potential-doping-suspension-for-testing-accessibility-rules/">défaut de localisation</a> lors d’un contrôle inopiné. Être absent une ou deux fois est toléré tandis que cumuler trois absences sur le lieu déclaré en 12 mois équivaut à une violation des règles antidopage.</p></li>
<li><p>Certains sportifs sont capables de tout pour passer incognito. Un joueur de basket-ball avait <a href="https://www.eurohoops.net/en/fiba/915133/dj-cooper-suspended-for-falsifying-doping-test-by-using-pregnant-womans-urine/">remplacé son urine par celle d’une femme</a> en vain.</p></li>
<li><p>Certains athlètes avec ou sans leur entourage perturbent le déroulement d’un contrôle antidopage. <a href="https://www.lepoint.fr/sport/lutte-antidopage-romain-barnier-plaide-sa-bonne-foi-pour-eviter-une-suspension-genante-23-08-2017-2151734_26.php">Un entraîneur de natation</a> avait empêché les contrôleurs d’effectuer leurs prélèvements sur ses protégées.</p></li>
<li><p>Certains sportifs ou leurs encadrants <a href="https://www.lepoint.fr/sport/lutte-antidopage-romain-barnier-plaide-sa-bonne-foi-pour-eviter-une-suspension-genante-23-08-2017-2151734_26.php">bénéficient souvent de la clémence de leur fédération</a>. Ce même entraîneur avait été innocenté par sa fédération avant que l’AFLD le sanctionne. Depuis peu, l’AFLD est seule décisionnaire pour prononcer les sanctions ce qui évite tout conflit d’intérêts.</p></li>
<li><p>Certains tricheurs chevronnés font ralentir les investigations pour que le <a href="https://www.cyclismactu.net/news-dopage-affaire-puerto-les-noms-ne-seront-pas-divulgues-81946.html">délai de prescription soit dépassé</a> et être ainsi innocentés. L’affaire docteur Eufemiano Fuentes (Puerto) représente un modèle du genre.</p></li>
<li><p>Un grain de sable peut anéantir un dossier en béton et donner raison au sportif incriminé. Cela explique pourquoi <a href="http://www.newindianexpress.com/opinions/editorials/2019/mar/13/the-cruel-world-of-doping-1950404.html">nombre d’athlètes et leurs avocats recherchent le vice de procédure</a>.</p></li>
<li><p>Certains athlètes ne connaissent aucune limite pour éviter que leur contrôle anormal ne se transforme en contrôle positif comme la <a href="https://www.themoscowtimes.com/2019/05/08/russian-athlete-savina-gets-12-year-doping-ban-a65520">production de faux documents</a> pour justifier l’injustifiable.</p></li>
<li><p>Certains sportifs ne reculent devant rien en mobilisant la corruption. <a href="https://www.iol.co.za/sport/athletics/ex-kenyan-athletics-manager-rotich-gets-10-year-ban-for-doping-corruption-23738483">Ils sont informés contre rémunération</a> qu’ils vont être contrôlés donc ces sportifs paraissent <em>clean</em> le moment venu.</p></li>
<li><p>Tous les sports <a href="https://www.wada-ama.org/fr/nos-activites/le-code">ne sont pas logés à la même enseigne</a>. Dans le pire des cas, certaines organisations sportives n’adoptent pas le Code mondial antidopage.</p></li>
<li><p>Tous les pays <a href="https://www.haitilibre.com/article-27836-haiti-sports-un-nouveau-pas-dans-la-lutte-contre-le-dopage-au-pays.html">ne considèrent pas la lutte antidopage</a> comme un sujet prioritaire dans leur agenda.</p></li>
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<h2>Beaucoup de sportifs dopés en pratique</h2>
<p>En passant l’actualité internationale au peigne fin, on prend conscience de l’ampleur des pratiques dopantes. Deux affaires et une étude récentes illustrent cette réalité. Commençons par l’affaire docteur Mark Schmidt (Aderlass). Une descente de police a apporté la preuve irréfutable que ce médecin menait une organisation clandestine de dopage sanguin. <a href="https://www.lapresse.ca/sports/ski-et-surf/ski-de-fond/201903/02/01-5216746-dopage-de-max-hauke-ca-donne-quasiment-des-frissons-dit-harvey.php">L’un des sportifs se trouvait en pleine transfusion</a> lorsque les enquêteurs ont débarqué. Au moins 21 athlètes, huit pays et cinq sports sont directement impliqués. </p>
<p>Poursuivons avec l’affaire russe relative à la dissimulation structurée de contrôles antidopage positifs. Déclenchée par le journaliste Hajo Seppelt, la longue enquête réalisée par l’Agence mondiale antidopage (AMA) voit le bout du tunnel. Selon l’AMA, <a href="https://www.ledauphine.com/sport/2019/05/01/dopage-en-russie-l-identification-des-tricheurs-approche">plus de 1 000 tricheurs russes devraient être identifiés</a>. Il est opportun de souligner que ces deux grandes affaires n’ont pas pour origine la détection menée par la lutte antidopage.</p>
<p>Terminons avec une étude documentée qui vient de démontrer que le dopage sanguin était pratiqué lors des championnats du monde d’athlétisme en 2011 et en 2013. Selon les auteurs, <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Dopage-sanguin-chez-18-des-athletes-d-endurance-aux-mondiaux-2011-et-2013/1052583">18 % des athlètes d’endurance ont triché</a> durant ces deux événements.</p>
<h2>Améliorer la méthode de détection</h2>
<p>Un écart abyssal existe entre la croyance théorique et la réalité pratique. Pour rapprocher autant que faire se peut la théorie de la pratique, il convient de revoir la méthode de détection car les athlètes dopés ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Les initiés savent que la méthode employée pour identifier les athlètes dopés est loin d’être suffisante. Sans concession, l’ancien directeur général de l’AMA, David Howman, remet en cause la détection existante en la <a href="https://www.reuters.com/article/us-sport-doping-idUSKCN1RS1DO">qualifiant même d’obsolète</a>. Immanquablement dans un tel contexte, des initiatives privées émergent. Les deux exemples ci-après montrent que des organisations et des individus commencent à prendre le taureau par les cornes. </p>
<p>Tout d’abord, l’association des six marathons les plus réputés au monde vient de lancer un <a href="https://spe15.fr/150-marathoniens-surveilles-par-lanti-dopage-mondial/">nouveau programme antidopage élaboré</a> pour que leurs épreuves soient moins entachées de <a href="https://theconversation.com/dopage-pourquoi-plutot-raisonner-a-partir-du-concept-de-fake-perfs-111387"><em>fake perfs</em></a>. Ensuite, plusieurs athlètes dont <a href="https://sport.francetvinfo.fr/athletisme/lutte-antidopage-kevin-mayer-veut-mettre-la-pression-sur-les-dopes">Kevin Mayer</a> ont intégré dernièrement le programme Quartz pour justifier de leur transparence en matière de suivi médical.</p>
<h2>Accroître l’imprévisibilité de la démarche</h2>
<p>Les sportifs dopés disposent d’un terrain favorable pour accomplir l’entreprise du raccourci. Ils connaissent parfaitement le règlement antidopage tout en profitant des moyens dérisoires de ceux qui sont en charge de le faire respecter. Les tricheurs novices se font attraper plus facilement que les tricheurs expérimentés par la méthode directe, c’est-à-dire via la détection de substances ou de méthodes interdites dans un prélèvement urinaire et/ou sanguin majoritairement. C’est pourquoi la méthode indirecte a été instaurée à destination des tricheurs aguerris.</p>
<p>Elle consiste à détecter dans le passeport biologique de l’athlète, regroupant les résultats des tests antidopage, des variations suspectes de données au cours du temps. Malgré les atouts de cette double approche, la démarche dans son ensemble demeure déficiente. En effet, son caractère prévisible permet aux tricheurs d’anticiper et d’adapter leur conduite dopante en conséquence. La lutte antidopage se voit donc contrainte d’accentuer le caractère imprévisible de sa démarche pour déjouer l’entreprise du raccourci.</p>
<p>Dans cette perspective, Beckie Scott, défenseuse des athlètes <em>clean</em>, a émis le besoin de changer de braquet en <a href="https://www.independent.ie/sport/other-sports/sport-ireland-to-target-sports-after-just-one-failed-drugs-test-in-2018-38027083.html">misant sur le travail d’enquêtes</a>. L’AFLD mène des enquêtes depuis plusieurs années et elle a décidé d’enfoncer le clou cet été en leur consacrant un département spécifique, avec à sa tête <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/07/31/antidopage-l-afld-lance-son-departement-enquetes_5495252_3242.html">Damien Ressiot</a>. Les initiés savent que le moment pour effectuer un contrôle antidopage est critique. Idéalement, il doit survenir dans la fenêtre de détection des substances/méthodes dopantes interdites. </p>
<p>In fine, les enquêtes offrent le privilège d’intervenir au moment idoine pour surprendre les sportifs dopés. Dans un autre registre, les tests rétrospectifs offrent également un <a href="https://theconversation.com/why-drug-cheats-are-still-being-caught-seven-years-after-the-2012-london-olympics-121123">effet de surprise</a> puisqu’ils confondent les tricheurs a posteriori. Grâce à des techniques avancées, certaines substances/méthodes interdites indétectables à l’époque des prélèvements le sont désormais. En adoptant une démarche imprévisible, la lutte antidopage peut mieux démasquer les preneurs du raccourci soit avant soit après le déroulement des compétitions. En synthèse, l’imprévisibilité rebat les cartes du jeu en transférant la pression de la lutte antidopage vers les sportifs dopés.</p>
<h2>Remplir sa mission et atteindre sa vision</h2>
<p>On tend à oublier que l’<a href="https://www.wada-ama.org/fr/a-propos">AMA</a> est une organisation relativement jeune puisque sa création remonte à 1999. Pour rappel, sa mission consiste à « … mener un mouvement mondial pour un sport sans dopage en collaboration avec ses partenaires » et sa vision représente « un monde où tous les sportifs peuvent évoluer dans un environnement sans dopage ». Le dénominateur commun entre sa mission et sa vision se compose de quatre mots : sport mondial sans dopage. </p>
<p>Fondamentalement, il ne faut jamais perdre de vue que la protection des athlètes <em>clean</em> représente le véritable cœur du sujet. Toute déviation de cette destination est une grave entorse aux valeurs nobles du sport. A ce jour, on reste très éloigné du sport mondial sans dopage d’où la nécessité de redoubler d’efforts pour arrêter les tricheurs qui sévissaient, qui sévissent et qui séviront. Il s’agit d’une tâche particulièrement ardue car être dopé sans être détecté vaut de l’or. Hormis la lutte antidopage et les athlètes <em>clean</em>, qui a vraiment intérêt à démasquer les athlètes dopés ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que plusieurs affaires de dopage secouent les mondiaux d’athlétisme, où en est la lutte antidopage ?Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1113872019-02-09T11:33:08Z2019-02-09T11:33:08ZDopage : pourquoi plutôt raisonner à partir du concept de « fake perfs » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/257751/original/file-20190207-174880-16zif9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C9%2C943%2C462&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Changer de vision…</span> <span class="attribution"><span class="source">Fielmann AG</span></span></figcaption></figure><p>Les pratiques dopantes existent depuis la nuit des temps et aujourd’hui le mot dopage fait plus que jamais partie de notre paysage quotidien. Une simple recherche de ce vocable via Google permet d’obtenir environ <a href="https://www.google.com/search?source=hp&ei=FDdXXPqIGtnr-Qapuq7AAw&q=dopage&btnK=Recherche+Google&oq=dopage&gs_l=psy-ab.3..0l10.4515.5601..5985...0.0..0.101.559.4j2......0...1..gws-wiz...0..0i10.4eUeI9y9Nso">7 millions d’occurrences en français</a> et environ <a href="https://www.google.com/search?source=hp&ei=FDdXXPqIGtnr-Qapuq7AAw&q=doping&btnK=Recherche+Google&oq=doping&gs_l=psy-ab.3..0l10.2393.3364..3744...0.0..0.113.588.5j1......0...1..gws-wiz...0..0i10.MQJD_usX4M8">53 millions d’occurrences en anglais</a>. À première vue, son omniprésence dans la réalité traditionnelle et virtuelle représente un signe de bon augure pour avoir pleinement conscience dudit phénomène. Malheureusement, le statu quo règne en maître lorsque l’on s’intéresse assidûment au dopage et à la lutte antidopage dans le sport. L’objet de l’article consiste précisément à traiter ce paradoxe. Formulée en surface, la problématique associée ambitionne de contribuer à la transformation positive du milieu sportif en profondeur : Le mot dopage ne matérialise-t-il pas le premier frein à l’éradication du fléau qu’il sous-entend ?</p>
<h2>Une sensibilisation au dopage tardive et vite épuisée</h2>
<p>Très longtemps gardé comme un secret de Polichinelle, deux événements tragiques en particulier ont contraint les autorités politiques et sportives à prêter attention au dopage. Le premier d’ordre individuel concerne la mort subite médiatisée de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=94JXL1atq2Q">Thomas Simpson</a>, durant le Tour de France 1967, en raison des amphétamines ingurgitées entre autres. Le second d’ordre collectif concerne le dopage massif en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ig_el8i-G7A">République démocratique allemande</a>, notamment entre 1970 et 1990, provoquant des effets désastreux chez de nombreux sportifs impliqués et leur descendance.</p>
<p>Comme si cela ne suffisait pas encore, il a fallu attendre l’affaire docteur Eric Ryckaert <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uCWRwBDwUDw">(affaire Festina)</a> survenue en 1998 pour déclencher la création en 1999 de la première institution en charge de lutter contre le dopage, dénommée l’Agence mondiale antidopage. Dès lors, au lieu de faiblir, le dopage a bizarrement redoublé d’intensité ce qui a scellé le sort de sa sensibilisation qui fut en réalité quasiment mort-née.</p>
<h2>Une désensibilisation au dopage perpétuelle et forcenée</h2>
<p>Le dopage n’a jamais été pris au sérieux excepté à l’occasion de quelques épisodes sombres de l’histoire du sport. Après mûre réflexion, force est de reconnaître que la grande majorité d’entre nous est désensibilisée au dopage ou sur le point de l’être. Trois principaux facteurs explicatifs permettent de saisir ce qui conduit à cet état.</p>
<p>Premièrement, le fait qu’un être humain soit régulièrement exposé dans la durée à des affaires de dopage le rend de moins en moins réceptif au dopage voire plus du tout. Pour preuve, il ne se passe pas un jour sans que ce sujet soit évoqué dans l’actualité internationale.</p>
<p>Deuxièmement, les plus hautes personnalités du domaine, parmi lesquelles figurent le président de l’AMA Craig Reedie et le président du CIO Thomas Bach, nous rappellent inlassablement leur <a href="https://www.cbc.ca/sports/olympics/wada-rusada-compliance-status-1.4987800">complaisance à l’unisson vis-à-vis du dopage</a>. Devant une telle légèreté uniformisée, il devient délicat de ne pas faire le deuil de cette noble cause puisque les premiers intéressés ont abdiqué.</p>
<p>Troisièmement, le mot dopage ainsi que <a href="http://atilf.atilf.fr/">sa définition</a> : « Action de doper (une personne, un animal), de se doper afin de fournir un effort, d’augmenter un rendement », apparaissent si anodins qu’il ne convient pas d’y attacher de l’importance et de s’en méfier.</p>
<h2>Une resensibilisation au dopage urgente et salutaire</h2>
<p>Parmi les facteurs précédemment cités, le troisième possède de loin le potentiel d’impact le plus rapide et le plus élevé. Cette partie explicite donc le traitement administré au mot dopage en vue de nous resensibiliser. En préambule, le problème réside dans le décalage béant entre la façade de ces six lettres et les coulisses de ce fléau. En d’autres termes, ce mot n’est pas du tout aligné sur la réalité qu’il désigne et entrave ainsi la perception du phénomène à notre grand détriment. Depuis toujours, on raisonne uniquement selon le mot dopage alors qu’il n’est qu’un moyen et on passe sous silence l’essentiel, c’est-à-dire le résultat qu’il génère.</p>
<p>En se référant exclusivement à ce moyen, on adoucit, minimise, néglige, et perd de vue la réalité jusqu’ici indicible qu’il permet. Cela nous immunise à tort contre les violations des règles antidopage avérées et les performances sportives qui n’auraient pas dû exister car réalisées artificiellement et illicitement. Par conséquent, il faut renommer ce fléau pour atteindre un alignement juste entre le mot et la chose. La réponse à la question qui suit correspond au nom du nouveau concept proposé.</p>
<p>Quel est le résultat obtenu par les sportifs qui trichent au moyen du dopage ? Des « fake perfs ». Ce sont des performances, réalisées par des sportifs, apparemment valides mais en réalité acquises en trichant par le biais de substances et/ou de méthodes dopantes. Il est préférable d’employer fake perfs au pluriel mais il peut être aussi utilisé au singulier comme ceci : « fake perf. ». L’histoire du sport regorge de fake perfs entérinées comme des performances légitimes étant donné que leur caractère artificiel et illicite n’a pas été suffisamment démontré ou n’a pas été décelé à temps. Nommer d’emblée le concept en anglais s’impose pour deux raisons :</p>
<ul>
<li><p>La lutte antidopage opère à l’échelle mondiale. </p></li>
<li><p>Il faut le rendre rapidement compréhensible par le maximum de personnes.</p></li>
</ul>
<h2>Ne surtout pas associer fake perfs avec fake news</h2>
<p>En découvrant fake perfs, vous avez peut-être fait le rapprochement avec fake news. Cette association est tentante du fait de leur perversité commune via l’adjectif fake mais il faut y résister parce qu’ils se situent à deux niveaux différents dans leur domaine respectif. Le tableau ci-dessous offre une comparaison entre les deux et met en évidence un nouvel impensé, symbolisé par un point d’interrogation. Bien que les fake news ne soient pas le cœur du sujet, il ressort de cette comparaison un point critique que je ne peux me résoudre à évacuer sur-le-champ. De manière succincte, je prédis donc un triste destin au mot fake news car il subira vraisemblablement le même sort que le mot dopage vu que les deux ne véhiculent qu’un moyen. Selon moi, la seule façon de conjurer son sort est de procéder au même exercice effectué ici en répondant à cette nouvelle question : quel est le résultat obtenu par les gens qui trompent au moyen de fake news ? La réponse devrait apporter un concept précieux pour éclairer sainement les citoyens en proie au doute.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=123&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=123&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=123&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257752/original/file-20190207-174890-7ge9d7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<h2>Une nouvelle grille de lecture pour une vision nette</h2>
<p>Aux sempiternels discours fallacieux des partisans affichés et non affichés des pratiques dopantes dans le sport, j’objecte que nous sommes en 2019 et que la lutte antidopage dispose de nombreuses ressources et capacités au niveau mondial pour combattre d’arrache-pied les fake perfs. Ce texte s’inscrit dans cette voie pour renforcer une noble cause malmenée et en souffrance depuis son origine.</p>
<p>En référence à la photo d’illustration, nous pourrions ainsi évoluer du stade de l’amétropie (vision floue) à celui de l’emmétropie (vision nette) grâce à cette nouvelle grille de lecture (paire de lunettes). En clair, l’adoption de fake perfs dans nos esprits marquerait une avancée significative vers une acculturation au sport propre et plus globalement à la performance éthique car le milieu sportif et la société s’inspirent et s’alimentent mutuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’adoption du concept de fake perfs dans nos esprits marquerait une avancée significative vers une acculturation au sport propre et plus globalement à la performance éthique.Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1079712018-12-14T01:21:22Z2018-12-14T01:21:22ZDébat : Et si on arrêtait de lutter contre le dopage dans le sport ?<p>La situation calamiteuse dans laquelle se trouve la lutte antidopage n’est pas le fruit du hasard. Comme tout phénomène social, elle résulte d’un rapport de forces entre toutes les parties impliquées, et on doit constater que les véritables défenseurs de cette noble cause sont en bien mauvaise posture. Alors que l’on pouvait s’attendre à une forte résistance de la part du plus grand nombre devant le fléau qu’est le dopage, il n’en est rien dans les faits.</p>
<p>Comment expliquer l’acceptation de ce statu quo par la force des choses ? Y-a-t-il encore des raisons d’espérer un retournement de situation ? Ne devrait-on pas finalement abdiquer et autoriser les pratiques dopantes dans le sport ?</p>
<h2>Quelques éléments de résignation</h2>
<p>En raison de la complexité et de l’évolutivité du dopage et de la lutte antidopage – les deux faces de la même pièce –, il s’avère impossible pour le grand public de comprendre ses tenants et ses aboutissants. Face à cette impasse, les gens sont dans l’obligation de penser par procuration et s’en remettent ainsi aux médias et aux leaders d’opinion.</p>
<p>Ces derniers donnent deux sons de cloche dominants. D’un côté, ils font croire que le dopage n’existe pas dans les sports non-exposés en émettant un message qui peut être résumé de la manière suivante : « circulez y’a rien à voir ». De l’autre côté, ils font croire que le dopage est une fatalité dans les sports sous le feu des projecteurs en émettant une fin de non-recevoir.</p>
<p>Deux personnalités éminentes du monde sportif ont récemment tenu un discours consternant à cet égard. Consternant dans la mesure où elles rendent légitime l’existence du dopage <em>ad vitam aeternam</em>. Fin août, le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, a déclaré sur CNN que <a href="https://www.cnnmoney.ch/shows/newsmaker/videos/war-against-doping-cant-be-won-ioc-president-thomas-bach">« le dopage aura toujours lieu. C’est l’une des guerres que vous ne pouvez pas gagner »</a>. Début octobre, Jean‑Claude Killy entonne le même refrain et va plus loin en essayant de minimiser la sévérité de ce fléau de manière inqualifiable : <a href="http://sport24.lefigaro.fr/jeux-olympiques/actualites/killy-au-figaro-le-harcelement-sexuel-dans-le-sport-c-est-pire-que-le-dopage-928221">« Le harcèlement sexuel dans le sport, c’est pire que le dopage »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pcTvdIcZ744?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Entre ces deux sons de cloche, les cœurs du grand public balancent jusqu’au point d’acheter sans conviction l’état des lieux vendu.</p>
<h2>Quelques lueurs d’espoir</h2>
<p>Néanmoins, l’anesthésie prodiguée n’emporte pas tous les cœurs et certains irréductibles contestent, fermement d’ailleurs, le fait que le dopage soit une fatalité. Ces esprits éveillés connaissent parfaitement l’envers du décor et expriment leur grogne paisiblement au travers d’initiatives concrètes (formations, associations, sites Internet, publications, etc.) dans l’espoir d’inverser la situation actuelle.</p>
<p>Depuis quelques mois, la contestation enfle et une fronde a même émergé en raison du ras-le-bol généralisé. En effet, l’accumulation de plusieurs événements (voir ci-dessous) a eu pour effet de faire déborder l’eau du vase et le point de non-retour a été, cette fois-ci, vraisemblablement atteint. Ces critiques visent principalement l’Agence mondiale antidopage (AMA), le gardien du temple des pratiques sportives intègres, mais aussi le CIO – les deux étant intimement liés.</p>
<p>Fin août, le président de l’agence américaine antidopage (USADA), Travis Tygart, s’est ainsi opposé aux prises de position sur le <a href="https://edition.cnn.com/2018/08/30/sport/travis-tygart-doping-russia-spt-intl/index.html">dopage de la part de certains leaders d’opinion</a>. Début octobre, la représentante des athlètes au sein de l’AMA, Beckie Scott, s’est dite victime de tentatives d’intimidation de <a href="https://www.bbc.com/sport/45840481">la part de certains membres de sa propre organisation</a>.</p>
<p>Dans les deux cas, le malaise provient du sérieux dysfonctionnement des institutions précisément en charge de garantir l’équité sportive.</p>
<h2>Quelques indices d’un désamorçage en cours</h2>
<p>À l’origine du déclenchement de ce réveil potentiellement salvateur figurent trois faits choquants et insensés.</p>
<p>Premièrement, le dénouement de l’affaire Christopher Froome. Le contrôle antidopage effectué sur ce cycliste lors du Tour d’Espagne en 2017 avait été déclaré anormal du fait de l’énorme dose de salbutamol détectée dans son urine. Alors que tout le monde pensait logiquement que son contrôle antidopage serait jugé positif, ce cycliste et son équipe fortunée allaient dépenser la <a href="http://www.europe1.fr/sport/affaire-froome-une-note-a-plus-de-250000-euros-pour-luci-3703709">coquette somme de 7 millions d’euros</a> pour contester la véracité des faits et obtenir finalement gain de cause juste avant le départ du Tour de France 2018. <a href="https://www.wada-ama.org/fr/media/nouvelles/2018-07/lama-ne-fera-pas-appel-de-la-decision-de-luci-dans-le-cas-de-christopher">En vertu d’une clémence rarissime</a>, la décision incroyable de non-violation des règles antidopage est survenue à point nommé.</p>
<p>Deuxièmement, le dénouement de l’affaire russe. Le rapport McLaren a mis en évidence le fait que les tests antidopage avaient été falsifiés durant les Jeux olympiques d’hiver 2014 en Russie. Ce rapport avait contribué à suspendre l’agence antidopage russe (RUSADA) pour système de dopage organisé à grande échelle. Contre toute attente, l’AMA a pris la décision, fin septembre de réintégrer la RUSADA, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/09/20/la-russie-reintegre-l-agence-mondiale-antidopage_5357873_3242.html">bien que les conditions requises initialement prévues n’étaient pas réunies</a>.</p>
<p>Troisièmement, le dénouement de l’affaire Eufemiano Fuentes (Puerto). En 2006, la police espagnole avait saisi 211 poches de sang chez le docteur Fuentes et son système de dopage fut ainsi démantelé. Certains sportifs furent condamnés, mais nombre d’usagers restent encore inconnus. En novembre, on a appris avec stupéfaction que, malgré les preuves tangibles à sa disposition, l’AMA s’est dite dans l’impossibilité de poursuivre l’identification des propriétaires des poches de sang, la <a href="https://www.cyclingweekly.com/news/operation-puerto-doping-case-may-closed-without-identities-29-athletes-revealed-400363">justice espagnole s’y étant opposée</a>. Celle-ci a fait valoir le dépassement du délai de prescription. On ne connaîtra donc probablement jamais les noms de ces individus, issus de plusieurs disciplines sportives, ayant eu recours au dopage sanguin.</p>
<p>Dans trois registres différents, ces affaires démontrent que même lorsque la lutte antidopage parvient à attraper dans ses filets de gros poissons, elle se voit contrainte de les relâcher.</p>
<h2>Stop ou encore ?</h2>
<p>En l’état actuel des choses, quasiment tout concourt à l’arrêt de la lutte antidopage dans le sport. Pour s’en convaincre, voici un échantillon de quinze forces concomitantes à l’œuvre.</p>
<ul>
<li><p>La lutte antidopage dysfonctionne sérieusement ;</p></li>
<li><p>La lutte antidopage est fragile (un seul maillon faible brise toute la chaîne) ;</p></li>
<li><p>La lutte antidopage coûte prétendument cher ;</p></li>
<li><p>Les pénalités prononcées à l’encontre des sportifs dopés sont clémentes ;</p></li>
<li><p>Les podiums célébrés sont de plus en plus éphémères ;</p></li>
<li><p>Les anciens sportifs s’étant dopés sans problème passent souvent aux aveux ;</p></li>
<li><p>Les sports sont traités de manière disparate en matière de lutte antidopage ;</p></li>
<li><p>Les pays considèrent différemment la lutte antidopage ;</p></li>
<li><p>La corruption sévit en haut lieu (<a href="https://spe15.fr/corruption-a-liaaf-sebastien-coe-sera-confronte-a-lamine-diack/"><em>e.g</em>. IAAF</a>) ;</p></li>
<li><p>Le dopage fait vivre beaucoup de monde (<a href="http://www.chronoswatts.com/news/127/"><em>e.g</em>. le milieu du cyclisme</a>) ;</p></li>
<li><p>Les tricheurs échafaudent déjà leur futur dopage (<a href="https://www.cyclist.co.uk/in-depth/5388/gene-doping-what-is-it-and-how-is-it-being-combated"><em>e.g</em>. la thérapie génique</a>) ;</p></li>
<li><p>Les ravages causés par le dopage sont oubliés ou négligés (<a href="http://spe15.fr/christian-schenk-champion-olympique-du-decathlon-1988-avoue-son-dopage/"><em>e.g</em>. RDA</a>) ;</p></li>
<li><p>Le sport spectacle monte en puissance ;</p></li>
<li><p>Le dopage représente un énorme marché (potentiel) pour plusieurs industries ;</p></li>
<li><p>Le dopage (illicite) est un non-sujet dans les autres milieux professionnels.</p></li>
</ul>
<p>En théorie, la lutte antidopage permet de contenir les velléités les plus folles pour développer les capacités athlétiques et de garantir l’équité sportive. Mais en pratique, la lutte antidopage conduit à une injustice magistrale. En effet, les sportifs respectant les règles du jeu sont handicapés tandis que les sportifs trichant sans scrupule sont avantagés.</p>
<p>En fin de compte, cette comédie pathétique meurtrit beaucoup de braves et honnêtes gens qui ne savent pas sur quel pied danser. De votre côté, accepteriez-vous de participer en toute loyauté à un jeu dont les dés sont pipés ?</p>
<p>Si la réponse est « oui », à quoi bon lutter ? Si elle est négative, que la véritable lutte antidopage dans le sport commence ! Vraiment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que l’on pouvait s’attendre à une forte résistance de la part du plus grand nombre devant le fléau qu’est le dopage, il n’en est rien dans les faits.Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054572018-10-28T20:25:06Z2018-10-28T20:25:06ZLe match d’improvisation théâtrale comme allégorie de la paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241814/original/file-20181023-169816-xq66hr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C44%2C4255%2C2798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les comédiens improvisateurs doivent notamment faire preuve d'empathie pour une performance réussie. Le résultat du match n'est là que secondaire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christian Bertrand/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Quelle analogie peut-on trouver pour illustrer le concept de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paix-economique-36749">« paix économique »</a>, c’est-à-dire des activités qui valorisent notre nature coopérative plutôt que notre potentiel agressif ? On suggère souvent le sport, et le football en particulier. Pourtant, le cas des matches d’improvisation théâtrale semblent nettement plus appropriés car la philosophie qui les sous-tend procure ce sentiment pacifié d’une compétition.</p>
<h2>Le football courtois…</h2>
<p>C’est vrai qu’à première vue, le football peut sembler un bon exemple de rapports pacifiés malgré des enjeux importants. En Coupe du monde, les grands joueurs jouent dans les mêmes grands clubs, où ils passent ensemble la majeure partie de la saison. Ils ne peuvent donc pas vraiment être ennemis. Paul Pogba, de l’équipe de France, a par exemple passé <a href="http://www.dhnet.be/sports/football/diablesrouges/romelu-lukaku-et-paul-pogba-passent-les-vacances-ensemble-photos-video-578f627c357086b3e0d50175">ses dernières vacances</a> avec Romelu Lukaku de l’équipe belge, battue en demi-finale. Voilà qui expliquerait toute une série des scènes de courtoisie et de grand respect entre les joueurs lors de la dernière édition du Mondial en Russie, qui se rapprocherait ainsi d’une compétition pacifique.</p>
<p>On se souvient notamment du match Uruguay-France en quart de finale. Le Français Antoine Griezmann marque un but mais ne le fête pas selon son rituel habituel pour ne pas humilier ses amis uruguayens. Il se trouve que parmi ceux-ci figure notamment Diego Godín, qui est son coéquipier à l’Atlético et le parrain de sa fille ! « La France sera un rival, mais jamais un ennemi », dira l’entraîneur de l’Uruguay, démontrant ainsi que le fairplay existe aussi entre les entraîneurs. Or, parler de « rival » au lieu d’« ennemi », cela suggère presque que la compétition ne serait finalement qu’une succession de matchs « amicaux ».</p>
<h2>… et ses limites</h2>
<p>Pourtant, le parallèle avec le football n’est pas le plus pertinent pour définir la paix économique. En effet, en sport, il faut un vainqueur (et des perdants) à l’issue du tournoi ou du championnat. Or, ce n’est pas forcément la même chose pour l’entreprise. Après tout, pourquoi le consommateur n’aurait pas plusieurs marques concurrentes dans un même panier ?</p>
<p>Pour Pascal Dupraz, entraîneur des clubs d’Évian Thonon Gaillard puis de Toulouse, « le rôle du coach est de mettre son joueur dans les meilleures dispositions pour exercer son talent, physiquement, techniquement et moralement ». Il exercerait en quelque sorte un <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2011-2-page-112.htm">« servant leadership »</a> (« leadership du serviteur »), terme trouvé par Robert Greenleaf, ancien DRH de la société américaine ATT, pour désigner le manager qui se met au service de ses collaborateurs, par opposition au manager traditionnel hiérarchique. Malgré cela, Pascal Dupraz n’aura de paix que si son équipe reste en Ligue 1, et donc gagne. Ainsi, le respect que l’on rencontre dans le sport trouve ses limites. Imaginez que ce genre d’enjeu repose sur les salariés d’une entreprise !</p>
<p>Sans nul doute, le fait que la victoire possède un enjeu qui dépasse la performance sportive n’est pas étranger à cette absence de paix économique. Le sport, et pas seulement le football, est imprégné du modèle capitaliste de marché, notamment de la notion de croissance. Les clubs sont la propriété de puissants et richissimes acteurs. Les fédérations (qui gèrent le football international mais aussi national) sont financées par les sponsors et surtout par les droits de retransmission des compétitions par les médias.</p>
<p>Ces médias sont soumis aux lois de l’audience, une audience qui dicte son désir de spectacle. La croissance (augmenter son patrimoine, ses revenus, son audience), impose donc plus de performances et de spectacle. Ainsi, les salaires des sportifs ont flambé ses trente dernières années, tout comme l’augmentation des investissements dans les clubs et, pour certains, leur capitalisation boursière.</p>
<p>Aujourd’hui, un rapide comparatif indique que les salaires des meilleurs sportifs sont proches de ceux des grandes stars du divertissement, ce qui confirme le caractère « spectaculaire » et divertissant du sport.</p>
<h2>Triche et dopage</h2>
<p>L’industrie du divertissement dans laquelle s’inscrit le sport depuis qu’il est devenu professionnel réclame du rythme, du vivant, de la rapidité, de l’éclat. Mais les sportifs sont physiquement limités et il est impossible de faire semblant. Les coureurs ne font pas semblant de courir. Alors survient la deuxième grande limite du modèle sportif, la triche, le dopage.</p>
<p>« Cette étape manque de rythme, il y avait plus d’animation sur les précédentes » commentera Patrick Chêne au lendemain de l’éviction d’une équipe Festina entièrement <a href="https://sport.francetvinfo.fr/tour-de-france/il-y-20-ans-laffaire-festina-revolutionnait-le-sport-mondial">convaincue de dopage</a> lors du tour de France 1998… Le journaliste sportif était là dans la posture du média qui réclame de l’animation. Il semble même sous-entendre qu’avec le dopage, c’était mieux.</p>
<p>Imaginez maintenant ce même modèle pour stimuler les ressources humaines de l’entreprise ! C’est vrai, on pourrait dire que le dopage existe sous forme d’anxiolytiques ou autres antidépresseurs. Mais, comme en sport, il n’est pas sans conséquence sur les individus et leur santé. Impossible donc, encore une fois, de prendre le sport comme allégorie de la paix économique.</p>
<h2>Les matchs d’improvisation : le plaisir du public avant tout</h2>
<p>Pour trouver une bonne illustration, il vous suffit en fait de vous rendre, non pas au stade mais au théâtre, pour assister à un match d’improvisation. Dans ce genre de performance artistique, le plaisir des spectateurs est indépendant du résultat du match. Parfois même, ces derniers ne se souviennent pas du vainqueur, mais simplement d’avoir passé une bonne soirée (ou pas).</p>
<p>Il y a bien un match, mais les deux équipes de comédiens improvisateurs ont en réalité le même objectif : réaliser une excellente prestation et conquérir ainsi le public. Les règles de cette compétition ont d’ailleurs été pensées pour que les improvisations soient bien menées et plaisent aux spectateurs. Quant aux comédiens, les éventuelles récompenses distribuées (étoile d’or du meilleur·e comédien·ne) ne les empêcheront sans doute pas de partager la soirée post-match, ce qui n’est pas forcément le cas des équipes sportives professionnelles.</p>
<p>L’examen des matchs d’improvisation pourrait donc nous éclairer sur la façon de développer une paix économique sur les marchés des entreprises. Ces matchs respectent bien les <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">trois étapes</a> de la paix économique, décrites précédemment dans ses colonnes : l’intention de paix, la paix comme chemin, et la paix comme fondation.</p>
<ul>
<li><p>L’intention de paix, nous la trouvons dans le partage d’un objectif qui n’est pas de gagner le match, mais de produire un beau spectacle divertissant pour le public. Le plaisir du spectateur (marché) est un Graal commun prioritaire qui va conditionner le déroulement, la coopération avant la compétition.</p></li>
<li><p>La paix comme chemin se retrouve à travers deux principes fondamentaux de l’improvisation : dire « oui » et jouer d’abord avec le comédien de l’équipe adverse. Dire « oui », cela signifie accepter ce que propose l’autre pour compléter de sa propre idée et ainsi avancer dans la construction. Quand on entre dans une improvisation déjà démarrée, le principe est d’entrer en interaction en priorité avec le personnage joué par un membre de l’équipe adverse. Cela a pour conséquence de créer ensemble, et non pas de construire séparément l’improvisation.</p></li>
<li><p>Enfin, la paix comme fondation. Dans le travail d’acteur, l’empathie devenant la seconde nature du comédien improvisateur puisqu’il doit prendre conscience de soi, de ses émotions et des émotions des autres. Qualité que l’on retrouve de sans doute chez le manager pacifié. C’est cette empathie qui va fonder un esprit naturellement et nécessairement pacifique.</p></li>
</ul>
<h2>L’entreprise courtoise ?</h2>
<p>Revenons à l’entreprise. Le parallèle avec le théâtre peut se faire à travers la notion de métiers (culture du métier d’acteur) et de formation (issus des mêmes écoles). Qu’est-ce qui importe entre deux ingénieurs formés dans la même école et qui vont chez deux concurrents ? Est-ce d’être meilleur que leur camarade d’école ou de bien faire le métier qu’ils aiment ? Mon sentiment est qu’ils aiment leur métier plus que la société qui les embauche, et ce malgré la politique de communication interne basée sur la culture dite « d’entreprise ». D’ailleurs, l’ingénieur restera sans doute plus proche de son camarade d’école travaillant chez le concurrent que de son collègue du marketing.</p>
<p>Il m’est arrivé de recevoir chez moi deux techniciens : l’un de Free, mon opérateur, et l’autre d’Orange, le fournisseur de lignes. À part le logo sur leur tenue de travail, dans leur discours et leur activité, je voyais d’avantages des collègues que des rivaux. Encore moins des ennemis. Peut-être même, étaient-ils sortis de la même école, du même quartier. Face à l’obstacle technique que représentait alors ma connexion, ils manifestaient davantage l’envie de réussir ensemble que de s’étriper à mes yeux pour démontrer leur différence. Un bel exemple de paix économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105457/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Lesavre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>A-t-on des exemples de compétitions dans lesquelles les rapports sont pacifiés ? On pourrait penser au sport. Mais les performances des comédiens improvisateurs sont une bien meilleure illustration.Laurent Lesavre, professeure de théâtre d'entreprise, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/995772018-07-10T20:58:30Z2018-07-10T20:58:30ZDopage et sport : quoi de neuf, docteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226579/original/file-20180708-122256-1whfzhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1014%2C676&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le secret professionnel. </span> <span class="attribution"><span class="source"> Praderm Vareenil</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Habituellement, les articles conçus et publiés par les chercheurs sur The Conversation intègrent une logique descendante pour « diffuser leur savoir <a href="https://theconversation.com/fr/who-we-are">vers le plus grand nombre</a> » tout en ayant « l’espoir d’alimenter un débat public de <a href="https://theconversation.com/fr/who-we-are">meilleure tenue</a> ». Mon <a href="https://theconversation.com/la-lutte-antidopage-est-elle-un-ideal-atteignable-95948">précédent article</a> a suivi cette approche et les commentaires générés à la suite de sa diffusion m’ont incité à écrire ce nouveau texte.</p>
<p>Ainsi, la logique ascendante employée ici donne tout son sens à la visée conversationnelle de ce média en ligne. Dans ce papier, j’aborde la position critique de certains docteurs en médecine, située à la frontière ténue entre intégrité sportive et tricherie sportive. Les trois premières parties font apparaître que derrière les trois plus gros scandales – révélés – de dopage dans le sport agit sournoisement un médecin. La quatrième partie montre que d’autres médecins ont de plus en plus de difficultés à rester cachés dans l’ombre du dopage. La cinquième et dernière partie explique le mal-fondé ou bien-fondé (cela dépend de quel côté de la barrière on se situe) de leur rôle éminemment stratégique au cœur du dispositif.</p>
<p>Ma volonté est de déclencher une prise de conscience en réduisant autant que faire se peut l’état d’aveuglement largement répandu face à cette hypocrisie consentie par la force des choses.</p>
<h2><del>Affaire Festina</del> Affaire docteur Éric Ryckaert</h2>
<p>Tout le monde ou presque a déjà entendu parler au moins une fois au cours de son existence de l’affaire Festina. À première vue, tout semble clair comme de l’eau de roche. Cette équipe cycliste professionnelle a été reconnue coupable d’avoir instauré un système de dopage organisé et médicalisé en son sein pour gagner. Leur soigneur Willy Voet a endossé le costume du bouc émissaire et a été jeté en pâture mais il y a un hic.</p>
<p>Le groupe nominal « l’affaire Festina » est très commode à utiliser puisqu’aucune personne physique ne peut y être identifiée. Qu’à cela ne tienne, le vide a été comblé par Willy Voet même si c’est dénué de sens. En mobilisant l’<a href="https://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/01/Lindividualisme-m%C3%A9thodologique.pdf">individualisme méthodologique</a>, on découvre après avoir analysé ce dossier sensible que le cerveau du dispositif était en réalité le docteur Éric Ryckaert à qui reportait directement Willy Voet.</p>
<p>Certes, ce médecin a été inquiété par la justice mais il est étonnant pour ne pas dire consternant que son nom soit si peu évoqué en raison de son énorme responsabilité. Si le docteur Érick Ryckaert n’avait pas été aux manettes, ce système de dopage élaboré aurait-il pu exister ? Assurément non. Par conséquent, il convient de renommer logiquement ce scandale : l’affaire docteur Éric Ryckaert.</p>
<h2><del>Affaire Armstrong</del> Affaire docteur Michele Ferrari</h2>
<p>Tout le monde ou presque a déjà entendu parler au moins une fois au cours de son existence de l’affaire Armstrong. En apparence, tout semble aussi limpide que l’histoire précédente. Le cycliste professionnel Lance Armstrong a été reconnu coupable d’avoir mis en place un système de dopage organisé et médicalisé au sein de son équipe pour vaincre.</p>
<p>Tous les projecteurs se sont focalisés sur lui mais il y a, là aussi, anguille sous roche. Lance Armstrong n’a effectivement pas œuvré seul et a bénéficié de nombreuses complicités dont tout particulièrement celle du docteur Michele Ferrari. Pour mesurer l’importance de ce médecin dans le dispositif, il suffit juste de caractériser la nature de leur relation.</p>
<p>En premier lieu, ils ont signé un contrat d’exclusivité d’un million d’euros pendant 10 ans. En second lieu, le cycliste texan intervenait en personne lorsque son médecin était inquiété. Si le docteur Michele Ferrari n’avait pas été aux commandes, ce système de dopage perfectionné aurait-il pu voir le jour ? Véritablement non. Par conséquent, il convient de requalifier naturellement ce scandale : l’affaire docteur Michele Ferrari.</p>
<h2><del>Affaire Puerto</del> Affaire docteur Eufemiano Fuentes</h2>
<p>Bien que l’affaire Puerto soit récente, elle reste néanmoins beaucoup moins connue. Pourtant, elle revêt un caractère bien plus grave que les deux précédentes. En 2006, lors d’une perquisition chez le docteur Fuentes, la police espagnole découvrit et saisit 211 poches de sang. Cette intervention fut diligentée car certains cyclistes avaient reconnu au préalable l’existence d’une organisation de dopage sanguin de grande ampleur.</p>
<p>Cette affaire fit beaucoup de bruit dans l’ensemble du milieu sportif parce que la clientèle de ce médecin ne provenait pas uniquement du cyclisme mais également d’autres sports bien plus lucratifs tels que le football et le tennis. En 2016, le protagoniste <a href="http://www.sport.be/fr/cyclisme/article.html?Article_ID=769358&v=08082017">déclara même dans les médias</a> : « Il va y avoir des surprises ». En 2017, après moult rebondissements, la justice espagnole interdit finalement l’identification des clients impliqués.</p>
<p>À ce propos, le <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2017/06/16/dopage-la-justice-espagnole-bloque-l-identification-des-clients-du-docteur-fuentes_5145983_3242.html">docteur Fuentes argua</a> « le droit à la confidentialité qui découle de la relation patient-médecin » pour masquer la nature de ses agissements.</p>
<p>La révélation des noms des sportifs dopés par ce médecin aurait été comparable à un tremblement de terre de magnitude supérieure à 9,0, c’est-à-dire dévastatrice pour la planète sport. Par conséquent, il convient inévitablement de rebaptiser ce scandale : l’affaire docteur Eufemiano Fuentes.</p>
<h2>L’étau se resserre lentement autour d’autres médecins</h2>
<p>Aujourd’hui encore, d’autres médecins font les gros titres de la presse en raison des fortes suspicions qui pèsent sur leurs épaules en matière de dopage. Pour illustrer mon propos, j’en ai retenu trois.</p>
<p>Premièrement, Bernard Sainz, surnommé docteur Mabuse, a été pris en flagrant délit de communiquer des protocoles de dopage à des cyclistes dans le cadre du documentaire télévisé <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m5JjXYUCoN8"><em>Cash Investigation</em> en 2016</a>. Pour l’anecdote, il a déjà été condamné pour exercice illégal de la médecine puisqu’il n’est pas véritablement médecin. Toutefois, son surnom indique clairement le caractère sacralisé du titre de docteur en médecine auprès des sportifs dopés.</p>
<p>Deuxièmement, le docteur Richard Freeman, ancien médecin de l’équipe cycliste Sky au sein de laquelle œuvre toujours Christopher Froome, se trouve en position délicate parce qu’il n’a pas été capable de prouver certaines de ses prescriptions médicales. Confronté à cette impasse, il a invoqué le fait que quelqu’un lui aurait volé son ordinateur portable violemment et, comme par hasard, c’est le seul appareil où il conservait les dossiers des sportifs suivis par ses soins. Pour justifier ses actes, il vient juste de publier un ouvrage intitulé <a href="https://www.amazon.fr/Line-Where-Medicine-Sport-Collide/dp/1472259734/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1530735944&sr=8-2&keywords=richard+freeman"><em>The Line : Where Medicine and Sport Collide</em></a>, un titre pour le moins explicite.</p>
<p>Troisièmement, le docteur Eduard Bezuglov, médecin de l’équipe russe de football, a été contraint d’intervenir devant la presse lors de l’actuelle Coupe du monde de football car son équipe est soupçonnée de dopage. En effet, la vitalité de l’équipe russe par rapport aux autres équipes a surpris les observateurs aguerris, chiffres à l’appui. Ce médecin a rétorqué que ses joueurs étaient très performants pour les <a href="http://sport24.lefigaro.fr/football/coupe-du-monde/russie-2018/Fil-info/le-medecin-russe-repond-aux-soupcons-de-dopage-914658">raisons suivantes</a> : « un bon entraînement, une bonne motivation, et nous avons toute la Russie derrière nous ».</p>
<h2>On ne change pas une équipe qui gagne</h2>
<p>Comme tout phénomène complexe, le dopage dans le sport s’explique par la multicausalité et je livre ici une régularité dissimulée. Il ne s’agit nullement de jeter l’opprobre sur tous les médecins puisque la grande majorité d’entre eux ne franchissent pas la ligne rouge.</p>
<p>Néanmoins, toute profession comporte son lot de brebis galeuses et on ne peut que constater que certains médecins sont le cerveau avéré de pratiques dopantes. Leur statut leur confère une certaine impunité pour protéger, telle une forteresse, les tricheurs au nez et à la barbe des sportifs intègres et des acteurs de la lutte antidopage.</p>
<p>Plus concrètement, les médecins au travers de leurs prescriptions médicales, de leur connaissance fine du corps humain, de leur maîtrise des règles antidopage et de leur respectabilité constituent un extraordinaire allié de poids potentiel pour les sportifs qui choisissent de se doper. Les tricheurs l’ont compris depuis longtemps et mobilisent donc certains d’entre eux pour accéder aux podiums et à la gloire. D’un côté, les sportifs dopés se camouflent dans l’omerta et de l’autre côté, les médecins impliqués se réfugient sans aucun scrupule derrière une phrase du <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/le-serment-d-hippocrate-1311">serment d’Hippocrate</a> : « Admis·e dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. »</p>
<p>Ainsi, les deux parties collaborent ensemble pour vaincre à tout prix en partageant le même langage, celui du silence. Si tous les médecins ne jouent pas le jeu à l’avenir, la tâche de la lutte antidopage sera d’autant plus ardue et elle n’a vraiment pas besoin de cette complication supplémentaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99577/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse de la position critique de certains docteurs en médecine, située à la frontière ténue entre intégrité sportive et tricherie sportiveFabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/973972018-06-27T21:02:39Z2018-06-27T21:02:39ZDu « juju » dans le foot ? Triche et dopage à l’africaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224052/original/file-20180620-137738-an594f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C13%2C896%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes joueurs de football africains utilisent des techniques diverses pour passer à travers les mailles du filet européen.</span> <span class="attribution"><span class="source">Uroš Kovač</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>« Le football est 100 % propre » aurait déclaré Cristiano Ronaldo, des propos rapportés <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/enquete-franceinfo-pourquoi-y-a-t-il-si-peu-de-cas-de-dopage-dans-le-football_2799745.html">dans une récente enquête de France Info</a> sur les rares cas de dopage dans le monde du foot.</p>
<p>Mais qu’entend-on vraiment par le terme <em>dopage</em> ? L’Agence mondiale antidopage (AMA) – <a href="http://www.nytimes.com/2016/10/09/sports/olympics/international-olympic-committee-antidoping-wada.html">faisant autorité</a> sur le sujet – <a href="https://www.wada-ama.org/sites/default/files/wada_anti-doping_aag_fr_web.pdf">définit le dopage</a> comme le recours à des méthodes ou prise de substances interdites visant à améliorer les performances athlétiques.</p>
<p>Or, ces substances doivent-elles être uniquement définies par leur composition chimique ? En tout cas pas au sein des équipes ouest-africaines qui considèrent le recours à des pratiques spirituelles tout à fait sérieusement.</p>
<p>Le football en Afrique de l’Ouest est souvent associé <a href="http://www.upress.virginia.edu/title/2806">à la sorcellerie</a>. Au Nigéria comme au Cameroun, ces pratiques sont connues sous le terme de <a href="https://openaccess.leidenuniv.nl/handle/1887/12906"><em>juju</em></a>.</p>
<p>Les athlètes en font usage afin d’améliorer leurs performances sur le même mode que celui décrit par l’AMA, allant même plus loin car certains les utilisent même afin de saboter le jeu de leurs opposants. Mais, contrairement au dopage « traditionnel » fondé sur les substances chimiques, le cœur de ces pratiques repose sur les pouvoirs spirituels attribués aux <em>juju</em>.</p>
<h2>Dopage spirituel</h2>
<p>Selon les joueurs camerounais auprès de qui j’ai réalisé <a href="http://global-sport.eu/football-dreams-pentecostalism-and-migration-in-southwest-cameroon">mon travail de terrain en 2015</a>, le monde spirituel se superpose au monde matériel, et les actions entreprises dans le premier ont de lourdes conséquences dans le second. Beaucoup ont d’ailleurs aussi recours à des séances de prières collectives avant d’entrer sur le terrain.</p>
<p>En Afrique de l’Ouest, les accusations de recours à des pratiques de sorcellerie pour interférer dans le jeu sont prises très au sérieux, plus même que les pratiques de dopage liées aux drogues ou autres substances chimiques.</p>
<p>Le concept du sort est difficile à expliciter notamment en raison du secret qui l’entoure et de la volatilité des pratiques. Les informations recueillies sont issues de rumeurs, d’accusation. Sont ainsi évoquées différentes pratiques comme la conservation de certaines herbes, d’écorces, ou de cordelettes portées par les joueurs et acquises auprès de guérisseurs qui les auraient auparavant imprégnées de pouvoirs surnaturels.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142978/original/image-20161024-28382-1at75is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur la chaussure de ce joueur, on lit une mention « Sainte Trinité », les joueurs se recueillant aussi avant le jeu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Uroš Kovač.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les joueurs savent que les arbitres camerounais les sanctionneraient s’ils trouvaient de tels objets sur eux. Ils les cachent donc dans leurs protège-tibias, leurs chaussures ou dans les élastiques de leurs shorts. D’autres utilisent les herbes sous forme de concoctions qu’ils boivent ou dont ils s’aspergent ou lavent le visage, les mains et les pieds.</p>
<p>Si les autorités de la FIFA ont exprimé leur <a href="http://usatoday30.usatoday.com/sports/soccer/2010-02-21-1447701226_x.htm">vigilance</a> quant à ces formes supposées de dopage, ils ont surtout concentré leur attention sur la portée chimique des contenus et non sur leurs propriétés spirituelles.</p>
<p>Certains pourraient argumenter que les sorts ne sont que des illusions psychologiques, des placebos, des superstitions. Mais le fait que les joueurs s’observent entre eux pendant le jeu, à l’affût d’éventuelles traces de sorcellerie, démontre l’importance de leur usage et leur impact sur le moral des équipes.</p>
<p>Un joueur m’a ainsi raconté comment, un jour de match, ses adversaires l’ont obligé à se déshabiller pendant la rencontre, au milieu du terrain, ne lui laissant que son caleçon. Ils insistaient sur la présence d’une amulette. Certains joueurs ont aussi expliqué avoir été pointés du doigt en raison de l’odeur qu’ils dégageaient après s’être enduits de potions.</p>
<p>La plupart des footballeurs camerounais sont sévères quant à ces pratiques, tout comme le dopage, et insistent pour qu’elles cessent. D’autres ont recours à des astuces beaucoup plus pragmatiques.</p>
<h2>Rééquilibrer les forces</h2>
<p>La triche sur l’âge des joueurs est un <a href="http://www.bbc.com/sport/football/26174252">secret de polichinelle</a> : la plupart des athlètes produisant des documents attestant qu’ils ont moins de 19 ans avant de rejoindre leur futur club ont bien souvent dépassé l’âge requis.</p>
<p>Au Cameroun, obtenir de tels documents en vue de rejoindre un club européen est une pratique courante : si les clubs et les autorités locales cherchent à limiter la triche, la plupart des joueurs ne considèrent pas cette pratique comme méprisable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142977/original/image-20161024-28414-v5og8l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les joueurs en Afrique de l’Ouest exècrent les conditions dans lesquelles ils doivent s’entraîner.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Uroš Kovač.</span></span>
</figcaption>
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<p>Les athlètes qui mentent sur leur âge réel considèrent qu’il s’agit d’un juste retour des choses par rapport à leurs camarades européens qui eux, ont bénéficié dès leur enfance de bien meilleures infrastructures, d’équipements et conditions d’entraînement, et ont donc plus de chances de rentabiliser leur investissement sur le long terme.</p>
<p>Certes, les autorités internationales ne cessent d’alerter les athlètes quant aux différentes formes de « triche ». Mais, pour les jeunes footballeurs africains, cette question doit s’insérer dans celle plus large, des rapports de force – économiques, politiques, sociaux et historiques- entre les clubs et les pays. En modifiant leur âge, ces joueurs défient ces hautes autorités et institutions sportives qui se proclament gardiennes d’une certaine moralité et intégrité.</p>
<p>En « trichant » ils remettent en cause les règles d’un jeu qu’il considèrent comme déséquilibré d’avance et inégalitaire.</p>
<h2>Déconstruire une notion hégémonique</h2>
<p>L’AMA et les autorités régulant les questions de dopage se fondent sur la séparation des corps et de l’esprit, du biologique et du psychologique, du spirituel et du physique. Mais ce faisant, ces autorités ne prennent pas en compte les modes de pensées non-occidentaux où mondes matériels et spirituels sont imbriqués.</p>
<p>La spiritualité n’est pas <a href="http://www.christianpost.com/news/tim-tebow-brings-in-a-new-wave-of-christian-athleticism-58871/">propre</a> <a href="http://www.christianpost.com/news/i-belong-to-jesus-soccer-superstar-kaka-is-okay-being-second-if-121440/">au sport en Afrique</a>.</p>
<p>Ainsi le propriétaire thaïlandais de l’équipe de Leicester avait même fait déplacer des moines bouddhistes depuis la Thaïlande <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2016/04/30/leicester-citys-good-karma-the-buddhist-monks-behind-the-foxes-d/">afin de bénir les joueurs de son club</a> durant une saison considérée comme miraculeuse en 2015-2016.</p>
<p>Les sorts devraient-ils alors être régulés et interdits par l’AMA ou d’autres autorités sportives ? Les joueurs doivent-ils être sanctionnés pour avoir menti sur leur âge ? Certainement pas.</p>
<p>Le cas camerounais donne ici une autre lecture de ce que l’on considère comme de la triche ou du dopage. Il nous permet de penser différemment ces notions et d’interroger les définitions données par des instances telles que l’AMA ou le Comité olympique, et de cesser de les interpréter comme des vérités universelles.</p>
<p>En effet, il nous faut les considérer pour ce qu’elles sont : des notions hégémoniques construites dans un certain cadre historique, développées à partir de points de vue philosophiques spécifiques et appliquées dans un contexte où le rapport de force était inégal.</p>
<hr>
<p><em>L’article a été rédigé en 2017 dans le cadre du projet <a href="http://global-sport.eu">Globalsport</a> un projet de recherche financé par l’European Research Council.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Uroš Kovač a reçu des financements du European Research Council.</span></em></p>Comment l’usage de pratiques spirituelles en Afrique de l’Ouest interroge les notions occidentales de triche et de dopage.Uroš Kovač, Doctoral student in Anthropology, University of AmsterdamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/973442018-06-13T22:49:02Z2018-06-13T22:49:02ZMondial 2018 : la feuille de match du « coach » Poutine<p>Ce 14 juin démarre, à Moscou, la 21<sup>e</sup> édition de la Coupe du monde de football dans un stade Loujniki complètement rénové. Durant tout un mois, jusqu’au 15 juillet, la Russie pourra utiliser cette vitrine médiatique quasi universelle pour présenter d’elle la <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2018/05/18/2800207-pascal-boniface-expert-geopolitique-cinq-grands-defis-russie-poutine.html">meilleure image possible au monde</a>.</p>
<p>Rien de spécifiquement russe ou poutinien dans cette stratégie : l’autopromotion nationale (ou <em>nation branding</em>) est l’objectif poursuivi par <a href="https://theconversation.com/podcast-des-jo-en-coree-au-foot-en-russie-le-sport-dans-tous-ses-etats-91781">tous les États hôtes des grandes compétitions sportives internationales</a>, récemment la Corée et bientôt Paris (en 2014). De même, tous les dirigeants espèrent tirer un regain de popularité de ces compétitions. Par exemple, le président sud-coréen Moon a assis son statut de leader national à l’occasion des Jeux d’Hiver.</p>
<p>La Russie aura toutefois des buts propres à l’histoire nationale, au rapport particulier de la Russie au sport de haut niveau, <a href="https://www.closermag.fr/politique/coupe-du-monde-2018-si-l-equipe-de-france-passe-les-quarts-de-finale-emmanuel-817379">à la conjoncture politique, économique et diplomatique</a>. Voici la feuille de match prévisible du « président coach » pour les quatre semaines de compétition.</p>
<h2>Objectif économique : manifester la prospérité retrouvée et attirer les investisseurs</h2>
<p>Le premier objectif de la présidence russe sera de manifester la résilience économique du pays. En effet, malgré les sanctions économiques occidentales décidées en 2014 et renouvelées depuis, malgré la récession de 2015 et 2016, la Russie a renoué avec la croissance : +1,5 % de PIB en 2016 et +1,7 % prévu en 2018. L’organisation du Mondial devrait lui apporter même un demi-point supplémentaire de croissance.</p>
<p>Continuer à développer le <a href="https://www.riskassur-hebdo.com/actu01/actu_auto.php?adr=2505181122">tourisme en Russie</a>, souligner la maîtrise des taux d’inflation et de chômage (en <a href="http://www.france24.com/fr/20180315-election-presidentielle-russie-economie-poutine-stagnation">dessous de 5 % de la population active</a>), mettre en évidence les nouvelles infrastructures ferroviaires et aéroportuaires rénovées à grands frais, bénéficier de la remontée graduelle des cours des hydrocarbures, etc. : tous ces messages seront diffusés durant la compétition pour attirer les investisseurs.</p>
<p>Car la Russie a besoin d’investissements et de technologies extérieures pour atteindre l’objectif que son Président s’est assigné pour son quatrième mandat : <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/plan-poutine-pour-faire-russie-5e-puissance-economique-mondiale-ici-2024-est-credible-michael-begorre-bret-3391974.html">faire de son pays la cinquième économie mondiale d’ici 2024</a>. La rénovation de 12 stades et l’embellissement des 11 villes-hôtes, dont le budget est officiellement limité et fixé <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2014-01-02/the-2014-winter-olympics-in-sochi-cost-51-billion">à environ 20 milliards de dollars</a>, sera le symptôme d’une opération plus large de relance économique : la volonté de montrer la Russie sous un jour moderne, résilient et attrayant pour les opérateurs économiques étrangers.</p>
<h2>Objectif politique : contenir l’opposition et célébrer Poutine IV</h2>
<p>Le deuxième objectif sera plus politique : il s’agira d’organiser enfin la consécration internationale de la quatrième élection de Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération russe : on se souvient du score, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/03/18/russie-vladimir-poutine-reelu-president-des-le-premier-tour_5272858_3214.html">supérieur à 75 %</a>. Mais on se souvient également que la victoire électorale au premier tour, le 18 mars 2018, avait été largement éclipsée par « l’affaire Skripal » à Londres et par l’usage de gaz en Syrie.</p>
<p>Aujourd’hui, l’hégémonie politique du Président russe, déjà forte, est consacrée : l’opposition communiste et nationaliste est contenue dans les urnes, l’<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-opposant-russe-navalny-interpelle-par-la-police-a-moscou_1980043.html">opposition radicale d’Alexey Navalny</a> est maîtrisée dans la rue et les médias. Les manifestations sont largement découragées, comme celle qui était destinée à protester contre l’<a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-l-arcep-russe-demande-l-interdiction-de-telegram-71410.html">interdiction de la messagerie Telegram</a>.</p>
<p>Si les experts en football s’accordent à dire que la sélection russe (la <em>Sbornaïa</em>) ne sera pas la star sportive de la compétition, le Président Poutine sera, quant à lui, en mesure d’être omniprésent dans les stades et les tribunes pour manifester son statut politique à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie. Contenir les manifestations d’opposition et assurer l’ordre public contre les menaces d’attentats terroristes sera le moyen de montrer sa maîtrise de la politique russe.</p>
<p>Les boycotts diplomatiques annoncés par le Royaume-Uni et l’Islande ne changeront pas l’objectif du Président russe : il soulignera <a href="https://www.bing.com/search?q=g%C3%A9n%C3%A9ration+poutine&pc=MOZI&form=MOZSBR">sa centralité dans la société russe</a>.</p>
<h2>Objectif de softpower : renouveler l’image de la Russie</h2>
<p>Le troisième grand type d’objectif pour la présidence russe concernera sa stratégie d’influence ou <em>softpower</em>. L’image de la Russie affecte en effet sa capacité de rayonnement.</p>
<p>Tout d’abord, il sera essentiel, pour la Russie de reprendre le flambeau du sport de haut niveau hérité de l’ère soviétique : pour la Russie comme pour l’URSS, le sport était un <a href="http://www.ladamedepique.ru/article/et-lurss-inventa-sport-haut-niveau-22">vecteur de rayonnement international essentiel</a>. Après les controverses sur le dopage, les conséquences écologiques, les discriminations anti-gays, le racisme autour des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014, il est temps, pour le sport russe, de tourner la page des Jeux de Pyeongchang durant lesquels les couleurs russes n’avaient pas pu être défendues en raison de la suspension du Comité olympique russe par le Comité international olympique. La Coupe du monde doit ressouder le pays autour du sport, une de ses passions collectives les plus affirmées.</p>
<p>Ensuite, le déroulement même de la compétition et l’accueil des supporters seront essentiels à la réussite de la compétition : la réputation de hooliganisme notamment au CSKA Moscou, de racisme, d’homophobie des stades russes ternissent depuis longtemps l’image du sport russe et, plus largement du pays, sur la scène sportive mondiale. Maîtriser ces phénomènes sera essentiel pour réussir toute opération de <em>nation branding</em> durant la Coupe du Monde.</p>
<p>Enfin, de l’ouverture de cathédrales orthodoxes <a href="https://www.la-croix.com/Religion/France/A-Paris-nouvelle-cathedrale-russe-inauguree-sans-Vladimir-Poutine-2016-10-19-1200797451">à Paris</a> et Rome à la montée en puissance des médias publics internationaux, le <em>softpower</em> russe est en plein redéploiement et en recomposition. La Coupe du monde de football donnera la possibilité à la présidence russe d’infléchir le visage de la Russie auprès de l’Europe en s’adressant directement aux <em>supporters</em> présents sur place ou devant leurs écrans de télévision.</p>
<h2>Conclusion : les pouvoir du football</h2>
<p>On prête souvent au sport de haut niveau des pouvoirs qu’il le possède que partiellement faire la paix, relancer une économie, souder une société, etc. Ne surestimons donc pas l’impact de la Coupe du monde sur la Russie : comme la sélection russe ne remportera sans doute pas la compétition, l’effet « France 1998 » n’aura pas lieu pour la nation russe ; il n’y aura sans doute pas non plus d’effet Jeux d’hiver en Corée. La réconciliation entre la Russie et l’Occident sera plus longue. Ni la guerre en Ukraine, ni celle de Syrie ni les tensions avec l’Europe ne trouveront de résolution rapide dans la compétition.</p>
<p>En revanche, le président Poutine pourra donner à son pays et à la compétition une « feuille de match » réaliste : se présenter en organisateur hors pair de grands événements internationaux, s’adresser directement aux opinions publiques en contournant les médias occidentaux, offrir au monde une image de modernité et de prospérité économique et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/23/emmanuel-macron-cherche-l-apaisement-avec-la-russie_5303053_3232.html">relancer les bases d’un dialogue avec l’Europe</a>.</p>
<hr>
<p><em>A paraître : « Les trois fonctions politiques du sport international », de Cyrille Bret, Diplomatie, juillet-août 2018.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97344/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Coupe du monde doit ressouder le pays autour du sport, une de ses passions collectives les plus affirmées, et sacrer la toute-puissance en Russie de Vladimir Poutine.Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/959482018-05-22T20:46:18Z2018-05-22T20:46:18ZLa lutte antidopage est-elle un idéal atteignable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219357/original/file-20180517-155573-lpa8vu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C54%2C3637%2C2353&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Tristin Hopper</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Cet article s’inscrit dans le prolongement de la publication de l’ouvrage <a href="http://www.editions-ems.fr/livres/collections/regards-sur-la-pratique/ouvrage/484-les-processus-strat%C3%A9giques.html"><em>Les processus stratégiques</em></a> coordonné par Thomas Durand et Sakura Shimada. En 17 chapitres, ce livre veut apporter une grille de lecture aiguisée sur la manière dont les organisations fabriquent leurs stratégies. Le chapitre 13, écrit sous ma plume, s’intitule « Le dopage, un tabou masquant un avantage concurrentiel dévoyé et redoutable ».</p>
<p>L’objet de ma présente contribution ne consiste pas à redévelopper la thèse dudit chapitre associant le dopage dans le sport à une forme de tricherie diaboliquement efficace pour gagner mais à faire prendre conscience à une large audience de la complexité et de la vulnérabilité de la lutte antidopage, une activité hautement stratégique mais néanmoins marginalisée. Ce qui m’anime dans ce combat est le fait de contribuer à protéger les sportifs intègres des sportifs dopés. En guise de titre, la question formulée revient finalement à se demander de manière terre à terre si les contrôles contrôlent et sanctionnent effectivement.</p>
<p>Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler qu’il n’existe aucun système parfait et que la lutte antidopage ne déroge pas à cette règle. Primo, nous montrerons que la lutte antidopage est reléguée au second plan. Secundo, nous aborderons la méconnaissance de sa complexité sans cesse grandissante. Tertio, nous évoquerons sa fragilisation. Quarto, nous nous poserons quelques questions essentielles pour tenter d’améliorer cette situation préoccupante, autrement dit, pour essayer de colmater les failles que comporte le système actuel.</p>
<h2>Un sujet secondarisé</h2>
<p>La lutte antidopage sert une noble cause puisqu’elle a pour principal objet de garantir l’équité des compétitions sportives en s’assurant que leurs pratiquants n’emploient ni les substances ni les méthodes interdites stipulées par la réglementation en vigueur.</p>
<p>En théorie, l’on pourrait donc penser qu’elle ferait cause commune mais dans les faits l’on est très loin du compte et ce, pour trois raisons selon moi.</p>
<p>Premièrement, la lutte antidopage s’empare d’un tabou. Dans le milieu sportif, tout le monde ou presque connaît le proverbe : on ne fera jamais d’un âne un cheval de course. Fortement ancrée dans l’esprit des gens, cette courte phrase laisse sous-entendre qu’un sportif de niveau moyen, même en se dopant, ne pourra jamais devenir un champion ce qui confère au dopage un caractère d’autant plus permissif. En réalité, cette croyance populaire est une dangereuse aberration car les personnes initiées savent pertinemment que le dopage se révèle, bien au contraire, décisif pour remporter une épreuve sportive toutes choses étant égales par ailleurs.</p>
<p>Deuxièmement, la lutte antidopage n’est pas respectée car elle limite grandement les possibilités de gagner artificiellement et cette action contraignante entraîne chez nombre de sportifs son rejet voire son dénigrement.</p>
<p>Troisièmement, la lutte antidopage ne peut malheureusement pas se battre à armes égales contre les tricheurs parce qu’elle n’a pas les moyens de ses ambitions. À titre d’exemple, le budget consacré à la lutte antidopage en France <a href="https://www.afld.fr/wp-content/uploads/2017/07/2017.07.06-D%C3%A9lib%C3%A9ration-n%C2%B0-2017-60-FIN-DBM-1.pdf">est dérisoire</a> au regard des enjeux colossaux, toutes disciplines sportives confondues.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219358/original/file-20180517-155616-545kso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’Everest de la lutte antidopage.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une complexité insoupçonnée</h2>
<p>Pour ne pas arranger les choses, la lutte antidopage est majoritairement traitée de manière simpliste alors qu’il s’agit d’une activité extrêmement complexe en perpétuelle évolution. A titre personnel, je m’intéresse à la lutte antidopage depuis environ 20 ans et pour affiner mes connaissances, j’ai intégré cette année le D.U. Formation à la lutte contre le dopage et à sa prévention à la Faculté de pharmacie de l’université Paris-Sud. Les intervenants et les autres étudiants, tous passionnés et aux profils variés, m’ont conforté dans la grande complexité du sujet.</p>
<p>En fait, seulement quelques personnes sont capables d’appréhender les tenants et les aboutissants de la lutte antidopage car elle requiert une transdisciplinarité issue de nombreux domaines, parfois très éloignés les uns des autres (médecine, pharmacologie, toxicologie, psychologie, droit, etc.). La visualisation du schéma, conçu pour l’occasion, permet de saisir rapidement pourquoi ce combat est si âpre à mener d’où le choix de son intitulé.</p>
<ul>
<li><p>Le premier niveau signifie que les sportifs n’emploient rien pour augmenter leurs performances.</p></li>
<li><p>Le deuxième niveau signifie que les sportifs emploient des formes de dopage non interdites par la réglementation en vigueur.</p></li>
<li><p>Le troisième niveau signifie que les sportifs utilisent des substances et/ou des méthodes interdites mais que ces dernières ne sont pas détectées.</p></li>
<li><p>Le quatrième niveau signifie que les sportifs utilisent des substances et/ou des méthodes interdites et que ces dernières sont détectées mais que les sportifs ne sont pas sanctionnables. Les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) en sont une bonne illustration.</p></li>
<li><p>Le cinquième niveau signifie que les sportifs utilisent des substances et/ou des méthodes interdites et que ces dernières sont détectées et que les sportifs sont sanctionnables.</p></li>
<li><p>Le sixième et dernier niveau correspond au <a href="https://sportifs.afld.fr/les-principales-violations-aux-regles-antidopage/">cas particulier</a> (carence au contrôle, opposition au contrôle, association interdite, manquements à l’obligation de localisation) et les sportifs se trouvant dans l’un des quatre cas de figure sont aussi sanctionnables.</p></li>
</ul>
<h2>Un combat fragilisé</h2>
<p>Comme si cela ne suffisait pas, la lutte antidopage subit des vents contraires qui compromettent sérieusement sa bonne marche. Tout d’abord, le système actuel incite implicitement les sportifs à avoir recours au dopage en raison des non-sanctions et des sanctions clémentes pratiquées vis-à-vis des tricheurs. Que l’on arrête de croire que les athlètes dopés sont des enfants de choeur. En adoptant une attitude de grande indulgence à leur égard, on les dédouane de leurs méfaits et on pénalise par la même occasion paradoxalement les sportifs intègres.</p>
<p>Ensuite, la recherche médicale et l’innovation pharmaceutique pourvoient, malgré eux, les tricheurs en armes sophistiquées et bien souvent indécelables avant un certain laps de temps. Il ne faut effectivement pas perdre de vue que le dopage correspond au fait de détourner une substance ou une méthode de son usage premier c.-à-d., traiter une maladie pour optimiser les capacités physiques et/ou mentales d’un sportif.</p>
<p>Par ailleurs, la lutte antidopage fait face à une situation manifeste de conflits d’intérêts. Lorsqu’un club, une fédération et un pays voient l’un de leurs sportifs sanctionné, ils sont également eux-mêmes pénalisés à plusieurs niveaux donc ils n’ont aucun intérêt à ce que leurs sportifs soient contrôlés positifs.</p>
<p>Enfin en lien direct avec le point précédent, la lutte antidopage revêt un caractère politique car le sport représente l’une des vitrines d’un pays, ce qui ajoute à sa complexité intrinsèque une forte dose d’ambiguïté. Ainsi, tant que la lutte antidopage ne sera pas renforcée, toutes les conditions ne seront pas réunies pour que la meilleure ou le meilleur gagne à la loyale.</p>
<h2>Problématiser pour atteindre une pratique sportive intègre</h2>
<p>Étant donné la nature sensible et transdisciplinaire du sujet, il me semble judicieux dans un premier temps de formuler des questions plutôt que d’apporter des réponses préfabriquées. En voici un échantillon qui laisse déjà transparaître l’immensité du chantier à conduire.</p>
<ul>
<li><p>Comment faire pour que toutes les disciplines sportives soient soumises aux mêmes contraintes antidopage ?</p></li>
<li><p>Est-il exemplaire que des anciens dopés avérés occupent actuellement des responsabilités dans le milieu sportif ?</p></li>
<li><p>Comment le médecin salarié d’une équipe professionnelle peut-il refuser d’optimiser la performance des sportifs encadrés par ses soins alors qu’un lien de subordination les unit ?</p></li>
<li><p>Pourquoi les sportifs dopés sanctionnés ne devraient-ils pas dédommager les sportifs intègres victimes de leurs méfaits ?</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/95948/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien M. Gargam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment protéger les sportifs intègres des sportifs dopés ? Est-ce que les contrôles contrôlent et sanctionnent effectivement ? Analyse et éléments de réponse.Fabien M. Gargam, Assistant Professor of Management, Renmin University of China et Chercheur Associé, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/909612018-02-08T21:01:57Z2018-02-08T21:01:57ZComment fonctionne le dopage ? Les enseignements de l’affaire russe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204869/original/file-20180205-19948-1yhdyyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poutine reçoit les athlètes russes qui vont participer aux JO de Pyeongchang.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/56753">Kremlin/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Le spectre du dopage resurgit avec chaque grand événement sportif. Celui-ci mêle, de façon quelque peu schizophrène, célébration d’une éthique méritocratique fièrement affichée et rumeurs plus ou moins sourdes de tricheries et de manquements à cet idéal.</p>
<p>Les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang en Corée du Sud n’échappent pas à cette règle. En effet, leur préparation a été marquée par l’<a href="http://www.rfi.fr/europe/20180123-participation-jo-plusieurs-athletes-russes-menaces-interdiction">affaire de la disqualification des sportifs russes</a>, certains étant finalement autorisés à concourir sous la bannière « Olympic Athlete from Russia », sans pouvoir arborer les couleurs de leur pays. Ce nouvel épisode d’une longue litanie étaye l’association entre sport de compétition et dopage.</p>
<p>Par son ampleur, cette affaire accrédite aussi l’idée qu’il y a toujours des tricheurs, et que nombre de sportifs tendent à accepter le dopage. Mais, celui-ci étant clandestin, il est par définition impossible d’en évaluer l’ampleur. On s’attachera plutôt ici à examiner ses modes de diffusion, en distinguant trois grandes logiques : par une institution étatique puissante et contraignante, par la force d’une rationalité individuelle optimisatrice ou par le truchement des réseaux spécialisés propres au sport de haut niveau.</p>
<h2>Le dopage d’État et ses formes renouvelées</h2>
<p>L’Agence mondiale antidopage (AMA) a rendu public, en décembre 2016, le <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Le-rapport-de-richard-mclaren-est-accablant-la-russie/707655">rapport McLaren</a>, qui décrivait un système organisé de dopage dans le sport russe. La période concernée s’étale entre 2011 et 2015, et couvre donc les Jeux olympiques d’hiver organisés à domicile à Sotchi, où la Russie a été couronnée première au tableau des médailles.</p>
<p>L’affaire est déclenchée par un lanceur d’alerte très bien informé : <a href="http://www.liberation.fr/sports/2016/05/13/dopage-le-bilan-tres-positif-des-russes-a-sotchi_1452435">Grigory Rodchenko, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou</a> et réfugié aux États-Unis. Avouant avoir détruit intentionnellement plus de 1400 échantillons afin de limiter les effets d’un audit de l’AMA, il révèle une pratique d’échanges massifs d’échantillons d’urine afin de soustraire les sportifs russes aux contrôles antidopage.</p>
<p>Le rapport décrit un dopage d’État organisé avec méthode et mis en œuvre de façon systématique, sous la houlette du ministre des Sports et avec l’implication des services secrets. L’ampleur de cette politique publique occulte est telle – plus de 1000 athlètes et 30 disciplines au moins sont concernés – que la Russie est sanctionnée de différentes manières.</p>
<p>L’État russe est condamné à une amende de 15 millions de dollars au bénéfice du Comité international olympique. <a href="http://www.rfi.fr/sports/20171206-vitali-moutko-homme-incarne-politique-sportive-russe">Vitaly Moutko</a>, fidèle ministre des Sports de Vladimir Poutine, est banni à vie des Jeux olympiques. Un tiers des médaillés russes de Sotchi sont, à ce jour, disqualifiés. Enfin, la Russie est interdite de participer aux JO d’hiver de Pyeongchang.</p>
<p>La Russie n’a certes pas inventé le dopage d’État. Des indices solides ou des soupçons étayés pèsent, par exemple, sur la République démocratique allemande des années 1970-80 ou la République populaire de Chine pour les années 1980-90, des périodes où le recours aux stéroïdes anabolisants et hormones de croissance était d’autant moins risqué que la détection était balbutiante ou peu performante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’équipe de handball féminine de RDA dans les années 70.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/13/RIAN_archive_578431_German_Democratic_Republic%27s_handball_team.jpg">RIA Novosti/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cette forme de dopage marque une volonté de rivaliser, sur le terrain du sport plutôt que par des moyens militaires, avec d’autres États considérés comme concurrents ou ennemis. C’est ainsi que l’on peut comprendre une affaire russe qui présente néanmoins quelques particularités : un tel dopage institutionnalisé semblait révolu, propre à la période de Guerre froide ; le niveau de cette triche organisée est sans précédent, comme l’a déclaré <a href="http://www.bbc.com/sport/olympics/36972964">Jack Robertson</a> l’ancien enquêteur en chef de l’AMA ; les moyens utilisés sont inédits puisqu’à l’heure des progrès de la détection et de la surveillance des athlètes, ce sont les contrôles qui ont été manipulés et faussés.</p>
<h2>Le dopage au prisme des affaires individuelles</h2>
<p>Le système orchestré par l’État russe est, à maints égards, exceptionnel. La sanction vise le pays quand les affaires ciblent habituellement des sportifs. Et ceux-ci sont disqualifiés de manière indirecte, sans avoir été contrôlés positifs. Certains, ayant satisfait à des contrôles antidopage en dehors des frontières nationales, sont admis à concourir sous bannière neutre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chris Froome sur le Tour de France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1e/Chris_Froome%2C_TDF_2015%2C_%C3%A9tape_13%2C_Montgiscard.jpg">Gyrostat/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>À rebours de cette affaire si particulière, la plupart des scandales visent nommément un athlète, qui a échappé à plusieurs contrôles inopinés (le « no show ») ou qui a été contrôlé positif. En ce sens le dopage serait d’abord l’affaire du sportif, qu’il s’appelle Christopher Froome, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/tennis/tennis-alize-cornet-s-explique-sur-ses-controles-anti-dopage-manques-5525316">Alizé Cornet</a> ou Samir Nasri, pour citer des cas évoqués récemment dans la presse.</p>
<p>Ainsi les athlètes sont désignés comme les déviants. Étant les cibles prioritaires de la lutte contre le dopage, ce sont eux qui se font prendre, ce sont eux qui trichent et bafouent l’éthique sportive. Consommateurs – avérés ou présumés – de produits officiellement interdits, ils semblent être les premiers bénéficiaires d’un dopage censé améliorer leurs performances, leur permettre de briller, de gagner.</p>
<p>Mais n’est-il pas simpliste, surtout au regard de l’affaire russe qui montre un autre visage du dopage, de considérer celui-ci comme une transgression individuelle motivée par l’appât du gain ou la soif de gloire ? Pour y voir clair, examinons d’abord l’hypothèse d’une rationalité individuelle sous-jacente aux pratiques dopantes.</p>
<h2>Le dopage est-il une pratique rationnelle ?</h2>
<p>À l’opposé de l’imposition d’une contrainte étatique, le dopage ne pourrait-il pas se diffuser librement, par le jeu des stratégies individuelles des sportifs ? Conformément à la théorie du choix rationnel, il serait le résultat de calculs coûts-bénéfices. D’un côté, le recours au dopage augmenterait la probabilité de gain, mesuré en victoires, médailles, palmarès, gloire, rémunération, reconnaissance ; de l’autre, il exposerait au risque d’être démasqué, de perdre des titres ou contrats, d’être publiquement discrédité ou banni.</p>
<p>Les conduites d’optimisation dépendent alors de la politique anti-dopage. Les coûts associés au dopage croissent avec le renforcement des contrôles, sont allégés quand ceux-ci sont faibles, et sont annulés quand les contrôles sont manipulés (c’est la situation qui a prévalu en Russie). Les risques sont également d’autant plus limités que les protocoles et produits dopants sont en avance sur les techniques de détection et de dépistage.</p>
<p>Mais le raisonnement qui fait du recours au dopage une conduite rationnelle est fragilisé par plusieurs observations : le retard supposé des technologies de pistage tend à être comblé par la multiplication d’analyses rétrospectives sur des échantillons congelés plusieurs années auparavant ; il est de plus en plus connu que le dopage expose à des risques indépendamment des contrôles, en matière de santé notamment comme le popularisent les associations de victimes du dopage (par exemple des athlètes de ex-RDA) ; certains des sportifs sanctionnés sont parmi les plus consacrés de leur discipline – ce qui signale que nul n’est à l’abri.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ig_el8i-G7A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le calcul coûts-bénéfices n’est donc pas si probant pour expliquer le dopage, d’autant que la supposée rationalité sous-jacente résiste à une lutte antidopage qui pourtant se renforce.</p>
<h2>Le dopage est-il une pratique systémique ?</h2>
<p>L’hypothèse d’une rationalité des sportifs est peu opérante dans le cadre d’un dopage d’État, dont le cas russe est le dernier avatar. Car les athlètes enrôlés dans les programmes publics de dopage ne sont, à l’évidence, pas des acteurs rationnels ayant opté pour des conduites d’optimisation.</p>
<p>Ils ont été contraints et forcés, souvent dès leur plus jeune âge, d’accepter des prises de produits dont ils n’avaient qu’une connaissance partielle. Ils ont été les rouages d’un système qui ne laissait guère de place à leur liberté de choix. À part l’<em>exit</em>, c’est-à-dire le renoncement à leur pratique et à leur carrière, il n’avait d’autre option que l’obéissance (<em>loyalty</em>).</p>
<p>Le dopage d’État est un cas limite. Mais il est instructif sur les modes de diffusion du dopage. Il montre en effet que celui-ci est le produit d’actions organisées et complexes, en l’espèce singulièrement contraignantes. Il conduit alors à considérer le dopage comme une pratique systémique, inscrite dans un cadre institutionnel, insérée dans un système d’acteurs. Bref, comme une activité collective qui ne peut être saisie uniquement au prisme des individus. Le dopage n’est pas une déviance purement individuelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Président russe au beau milieu de certains des participants aux JO d’hiver en Corée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/56753">Kremlin/Wikimedia</a></span>
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<p>Il s’agit en effet d’une pratique particulièrement exigeante et éprouvante, qui suppose la maîtrise de savoirs spécialisés (en médecine, physiologie et autres spécialités scientifiques) pour identifier les produits, leurs usages, leurs principes actifs, leurs protocoles d’administration. Il implique l’assimilation de connaissances juridiques et administratives pointues et sans cesse actualisées pour s’ajuster aux évolutions de la réglementation, pour anticiper les actions de contrôle, pour éviter de se faire prendre. Il passe par le truchement de réseaux relationnels spécifiques permettant des approvisionnements discrets, une circulation des produits dans des lieux adéquats, un cloisonnement étanche des sportifs et des produits interdits en dehors des moments de prise.</p>
<p>La liste des exigences pourrait être allongée à l’envi. Or quels sportifs peuvent réunir et maîtriser toutes ces ressources, pourtant indispensables à une conduite dopante qui ne soit pas kamikaze, mais qui limite les risques d’être repéré tout en maximisant l’efficacité des prises ? Car les coûts et les bénéfices ne sont pas donnés, ils sont le produit d’une action collective, ils sont fabriqués par des acteurs qui y investissent leurs savoirs et savoir-faire.</p>
<p>En dernier ressort, la pratique dopante se mesure certes à l’échelle individuelle, dans des échantillons indexés par l’identité du sportif chez qui ils ont été prélevés. Mais les conditions de cette pratique sont systémiques. Elles ne peuvent être réunies que par l’action conjuguée, et coordonnée, de personnels médicaux, de spécialistes de l’entraînement, de membres de staff, d’entourages de toutes sortes, d’intermédiaires connectés à des réseaux clandestins.</p>
<p>Dès lors, la lutte anti-dopage et la visibilité médiatique du dopage seraient singulièrement réductrices si elles restaient focalisées à l’échelle individuelle. Le récent cas russe nous indique que le plus important est ailleurs et que le dopage devrait être considéré comme une activité organisée et systémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Demazière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révélation du dopage massif des athlètes russes lors des JO de 2014 souligne qu’il s’agit d’une activité organisée et systémique, devant être combattue comme telle.Didier Demazière, Sociologue, directeur de recherche au CNRS (CSO), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/718162017-01-30T21:22:27Z2017-01-30T21:22:27Z2017, Année de l’Olympisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154553/original/image-20170127-30416-8bfb3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La tradition du relais de la flamme olympique, une invention des nazis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Olympischer_Fackellauf#/media/File:Bundesarchiv_Bild_146-1976-116-08A,_Olympische_Spiele,_Fackell%C3%A4ufer.jpg">Bundesarchiv</a></span></figcaption></figure><p>À l’initiative du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et par le biais d’une circulaire envoyée le 22 août 2016 à tous les établissements scolaires français, l’année 2017 est appelée à être l’<a href="http://eduscol.education.fr/cid104776/annee-de-l-olympisme-de-l-ecole-a-l-universite.html">« Année de l’olympisme, de l’école à l’Université »</a>. Afin de motiver les établissements scolaires, quatre grands objectifs ont été retenus : « valoriser les pratiques sportives à l’École […] ; valoriser le sport comme outil pédagogique […] ; valoriser la dimension culturelle du sport […] ; mobiliser le sport comme un outil permettant de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement, leur environnement et le milieu associatif […]. »</p>
<p>Le label « Année de l’Olympisme, de l’école à l’université » sera attribué par ce même ministère aux actions qui remplissent entre autres la condition d’un partenariat entre établissement scolaire (ou universitaire) et un acteur du sport scolaire et/ou du mouvement sportif. Il ira aussi aux actions qui lient la pratique sportive à une ambition éducative, culturelle ou citoyenne autour de l’Olympisme et de ses valeurs sur le modèle des Classes olympiques, une action éducative proposée par le CNOSF (Comité national olympique et sportif français).</p>
<p>Les établissements, classes et groupes d’étudiants labellisés pourront participer à cinq défis organisés par « Paris 2024 », lui-même partenaire de l’« Année de l’Olympisme, de l’école à l’université ». Quelques questions face à cette déferlante.</p>
<p>Les thèmes des défis proposés à la jeunesse scolarisée sont-ils, d’une part, si stimulants pour l’esprit par le biais de : la réalisation de la carte de vœux de « Paris 2024 », la rédaction de lettres aux membres du Comité international olympique, le concours artistique « Cultures du monde », le concours photo/vidéo « Partageons Paris 2024 », la mise en place d’une journée « Sport campus » dans les universités, la promotion d’une « semaine olympique et paralympique » sur « l’ensemble du territoire » et l’apothéose d’une « Journée olympique », le 23 juin 2017. D’autre part, on perçoit très vite que la thématique générale de ces défis et leur organisation sont d’emblée liées à une adhésion aux valeurs de l’Olympisme, orientées par une soumission aux idéaux olympiques acceptés sans aucun recul critique.</p>
<p>Le <a href="https://www.reseau-canope.fr/">réseau CANOPE</a>, un établissement public, est mis à contribution par le biais d’une plate-forme, <a href="https://www.reseau-canope.fr/notice/se-depasser-cest-du-travail.html">« la grande école du sport aux couleurs de l’Olympisme »</a>, intégrant de nombreuses ressources (textes, images, vidéos) mises en ligne. L’ancien nageur Alain Bernard tente de nous convaincre dans une interview didactique qu’il faut sans cesse chercher à se dépasser mais que : « se dépasser, c’est du travail ». Pourquoi faudrait-il d’ailleurs se dépasser ? Pour quoi et pour qui ? Se dépasser n’est-il pas lié à ce point à la compétition que certains la refusent parce que dangereuse (élimination des faibles, tricherie généralisée, lutte de tous contre tous… ) ?</p>
<h2>Lavage de cerveaux</h2>
<p>Ne remettra-t-on donc jamais en cause ce thème du « dépassement de soi » lorsqu’il s’agit d’entraînements démentiels liés à la fréquence infernale des longueurs de bassin de piscine sur un rythme soutenu par l’exigence du chronomètre ? Est-ce là un si bel idéal pour la jeunesse ? Quelles valeurs et idéaux humains (émancipation, autonomie, liberté… ) seraient ainsi mises en œuvre à nager dix heures par jour pendant plusieurs années ? Quelle intelligence cherche-t-on à développer lorsqu’on répète pendant toute sa jeunesse et des années durant les mêmes gestes ?</p>
<p>L’école et l’université doivent-elles devenir, elles aussi, les lieux d’intégration et de promotion de la grande mystification que sont les fausses valeurs ou les pseudo-valeurs de l’Olympisme bien souvent contredites par la réalité : esprit de compétition, excellence, fair-play, tolérance et refus de toute discrimination, esprit d’amitié et de fraternité, solidarité, compréhension mutuelle, paix dans le monde, construction d’un monde meilleur ?</p>
<p>Les symboles de l’Olympisme doivent-ils également servir de référence à la jeunesse : la terrible devise (« Citius, altius, fortius ») qui est le pendant sportif de la lutte de tous contre tous du système capitaliste actuel, le credo mensonger (« Le plus important aux Jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer… »), les anneaux si purs (des cercles aux couleurs des continents sur un fond blanc censé représenter la paix), le serment toujours contredit par les faits, la flamme et le relais de la flamme (<a href="http://www.slate.fr/lien/54869/torche-olympique-nazi">inventé par les nazis pour les JO de 1936</a>), l’hymne si désuet ?</p>
<p>Lors du serment olympique, l’athlète récite en effet des propos lénifiants : « Au nom de tous les concurrents, je promets que nous prendrons part à ces jeux olympiques en respectant et suivant les règles qui les régissent, en nous engageant pour un sport sans dopage et sans drogues, dans un esprit chevaleresque, pour la gloire du sport et l’honneur de nos équipes. » Là encore : mythe, légende, bref idéologie coriace du rêve olympique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154703/original/image-20170130-7653-1rri4ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur le site du Ministère de l’’Education Nationale.</span>
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<h2>Se souvenir de l’histoire des JO</h2>
<p>Le 31 décembre dernier, sur les Champs-Élysées, la foule rassemblée pour fêter le Nouvel An a pu constater avec surprise que l’Arc de triomphe, un édifice public, avait été privatisé par l’entreprise <a href="http://www.paris2024.org/fr">« # Paris 2024 »</a>. D’autres sites culturels emblématiques de Paris seront associés à l’entreprise olympique : Notre-Dame, l’Hôtel de Ville, le Musée du Louvre, le musée d’Orsay, les Grand et Petit Palais, le Trocadéro, la Tour Eiffel et la Bibliothèque nationale. Des monuments qui n’ont pourtant aucun rapport avec les Jeux olympiques.</p>
<p>Ainsi fut projetée sur sa façade la « merveilleuse histoire » des JO dont on avait soigneusement expurgé les côtés sombres : son histoire coloniale (aux JO de Saint-Louis, en 1904, des « Jeux anthropologiques » réservés aux non-blancs voulaient faire la démonstration <em>in situ</em> de l’existence de races inférieures… ), ses présidents du CIO racistes (<a href="http://www.lalibre.be/sports/omnisports/la-face-sombre-de-pierre-de-coubertin-52f4d76e3570516ba0b64517">Pierre de Coubertin</a>), xénophobes voire antisémites (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Avery_Brundage">Avery Brundage</a>, <a href="http://www.lepoint.fr/sport/jeux-olympiques/jo-la-sombre-histoire-du-cio-fascisme-nazisme-et-antisemitisme-05-08-2012-1493156_761.php">Henri de Baillet-Latour</a>, fascisants (<a href="http://www.lecoinsport.com/polemique-autour-de-la-photo-montrant-juan-antonio-samaranch-faisant-le-salut-fasciste/">Juan Antonio Samaranch</a>).
L’actuel président du CIO, <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20130910.OBS6242/sans-charisme-avec-casseroles-un-allemand-favori-pour-diriger-le-cio.html">Thomas Bach</a>, fut aussi président du <a href="http://ghorfa.de/de/start/">Ghorfa</a>, une chambre de commerce germano-arabe qui organise la vente des armes et boycotte les produits israéliens.</p>
<p>On y omettait les tentatives de boycott (Jeux de Berlin en 1936) et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boycotts,_scandales_et_controverses_olympiques">boycotts</a> effectifs (de 1976 à 1988), le dopage généralisé des athlètes (après les athlètes américains, les jamaïcains, les chinois puis toute la fédération russe), les malversations, la prévarication et la concussion au sein du CIO (<a href="http://www.liberation.fr/sports/1999/02/11/cio-salt-lake-city-aurait-depense-13-million-de-dollars-pour-obtenir-les-jo-sales-les-pots-de-vin_264759">scandale des pots-de-vin de Salt Lake City</a>). Preuves que l’on ressasse les valeurs olympiques sans chercher à analyser leurs réalités ni à comprendre l’histoire qui les sous-tend.</p>
<h2>Face à un Olympisme omnipotent, une Université qui ne joue pas son rôle</h2>
<p>Toute l’organisation autour de « Paris 2024 » a pour but de susciter un vaste mouvement populaire et jeune, puis de le maintenir pour lui instiller l’« idéal olympique », cette « philosophie de vie », et même ce « style de vie fondé sur la joie dans l’effort » tel que le promeut la Charte dans les cinq « Principes fondamentaux de l’Olympisme ». Coubertin parlait de l’« Olympisation » de nos sociétés… </p>
<p>Quant au CIO, on est en droit de se demander comment une organisation internationale non gouvernementale à but non lucratif a tant de facilité à s’introduire dans toute l’institution scolaire. Il y a bien sûr la puissance intrinsèque du CIO, et plus largement du Mouvement olympique, devenu une institution comparable en terme d’échelle (économique et politique) à un État et dont les dirigeants (une centaine de membres dont deux-tiers d’hommes) ne sont pas élus mais cooptés. Un CIO autour duquel se rassemblent les plus grandes compagnies internationales (Visa, Coca-Cola, McDonald’s, Toyota, Samsung, etc.), les sponsors officiels, auxquels s’associe, à chaque édition des JO, une quarantaine d’entreprises locales. Un CIO dont la trésorerie est alimentée pour plus de la moitié par les droits télévisés.</p>
<p>Cette puissance n’explique cependant pas tout. Nos établissements scolaires, et surtout l’Université, ont toujours refusé d’analyser la réalité par trop opaque d’un Olympisme pas si immaculé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Perelman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2017, les établissements scolaires sont invités à célébrer l’Olympisme : une injonction qui ne souffre aucune remise en cause des « valeurs olympiques », qui ont pourtant une face sombre.Marc Perelman, Professeur en esthétique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/707742017-01-05T20:53:27Z2017-01-05T20:53:27ZLa fuite en avant perpétuelle du populisme russe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/152542/original/image-20170112-16517-1w6rshd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vladimir Poutine, populiste.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://en.kremlin.ru/press/photo">Kremlin Press Office</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici le premier volet d’une série de trois articles consacrés au nouvel ordre mondial à l’heure de Donald Trump et Vladimir Poutine.</em></p>
<hr>
<p>En 2017, Donald Trump va s’efforcer de ramener la Russie dans le concert des nations civilisées en levant les sanctions qui frappent celles-ci. Il est d’autant plus nécessaire de comprendre la nature populiste du régime de Vladimir Poutine. En effet, c’est la cause de la maladie qu’il faut soigner et non ses effets.</p>
<p><a href="http://institut-etudes-slaves.fr/products-page/histoire-des-idees/loccident-vu-de-russie/">Dans un livre impressionnant paru en novembre 2016</a>, <em>L’Occident vu de Russie : Anthologie de la pensée russe de Karamzine à Poutine</em>, Michel Niqueux définit de la sorte l’idéologie dominante, inspirée des intellectuels eurasiens, mise en œuvre par Poutine :</p>
<blockquote>
<p>« anti-occidentalisme, conservatisme moral et culturel, verticale du pouvoir, affirmation de la puissance militaire, monde multipolaire opposé au monde unipolaire dominé par les États-Unis, Union eurasienne (Russie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizie, Arménie ; l’Ukraine ayant fait défaut), etc. ».</p>
</blockquote>
<p>Cette description est parfaitement juste et, cependant, elle manque le point essentiel de l’idéologie au pouvoir depuis l’an 2000 en Russie, à savoir le populisme, lui-même fondé comme l’ont montré Karen Dawisha et Peter Pomerantsev, sur une vision nihiliste de la vérité, <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2016/12/16/01003-20161216ARTFIG00362-viols-meurtres-la-russie-propose-une-telerealite-sans-aucune-limite.php">sur une propagande d’État principalement télévisuelle</a> et sur une approche kleptocratique du pouvoir.</p>
<h2>La politique néo-impérialiste du régime Poutine</h2>
<p>Le principal opposant à Vladimir Poutine, Boris Nemtsov, assassiné le 27 février 2015 à quelques mètres du Kremlin, avait rédigé avant de mourir un rapport affirmant que le président russe appliquait une politique populiste afin de remonter dans les sondages d’opinion, au plus bas depuis 2012. Cette politique populiste était avant tout guerrière. L’annexion de la Crimée, le 18 mars 2014, avait comme objectif de redonner une fierté aux Russes. La volonté de susciter en mai 2014 un printemps pro-russe dans une zone appelée <em>Novorossia</em> avait le même objectif. Mais celle-ci s’est terminé par un semi-échec puisque si les villes de Donetsk et Lougansk, en Ukraine, ont pu être occupées par les forces du colonel russe du GRU (renseignement), Igor Guirkine, ni Kharkov ni Odessa, cités pourtant majoritairement russophones, n’ont accepté de se soulever.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151761/original/image-20170104-18668-1kge441.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mikhaïl Gorbatchev, l’ancien numéro un soviétique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/unisgeneva/4884765831/in/photolist-ewEtK5-9qDYbG-7KvEft-7hWKh6-gG3XY4-4jPYvF-3qabQw-8rGMzu-8rDGAP-5vnRFk-8rDGCR-8rGMDG-6zy16Q-8rGMyu-9C1C8N-awzCeU-8rGMsw-8rDGGx-8rDGHz-aGA9J-8rDGA4-8rGMCQ-7cQkt3-HVcN2-8rDGBB-F7PtcD-F7PrXp-GjTb1s-FrHQpW-8rDGDT-8rGMrm-cs1D2d-4V1onq-4V1oUm-4UWaGp-5YSAiM-4V1oub-4UWazK-Lh9Zw-yzwQE2">UN/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ceux qui, en URSS, se croyaient encore dans les années 1980 les maîtres du monde avaient en effet dû déchanter avec la politique de perestroïka initiée par Mikhail Gorbatchev. Brusquement, du fait de la nouvelle politique de clarté (<em>glasnost</em>) des médias, les Russes découvraient avec effroi qu’ils avaient participé à un système, fondé sur l’idéologie communiste, responsable selon l’historien Stéphane Courtois de plus de cent millions de morts au XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Puis, second choc, la crise du rouble en 1998 couplée avec une forte inflation a conduit un grand nombre de Russes à croire que le régime démocratique et capitaliste ne correspondait pas au contexte sociopolitique russe. Bien sûr, personne n’expliqua aux Russes que le régime qui était le leur dans les années 90 n’avait rien de démocratique puisque l’appareil d’État n’avait pas été désoviétisé. Il n’avait rien non plus de capitaliste, surtout depuis que les communistes détenaient le pouvoir à la Douma après les élections législatives de 1995. Si bien que la remise du pouvoir par Eltsine au chef des services secrets Vladimir Poutine, en 1999, fut considérée comme un moindre mal par la majorité de la population.</p>
<p>Au même moment, le gouvernement de Moscou bénéficiait du <a href="http://prixdubaril.com/comprendre-petrole-cours-industrie.html/3892-prix-du-petrole-brut-brent-depuis-1990.html">quintuplement des prix du pétrole</a> entre 1998 et 2012, principale ressource du budget national, et les Russes ne purent que se féliciter de l’amélioration de leur niveau de vie, même si chacun comprenait que les principales bénéficiaires se trouvaient dans l’entourage de la nouvelle oligarchie au service du Président Poutine.</p>
<h2>L’invention de nouveaux mirages</h2>
<p>Depuis sa prise de pouvoir, Poutine souffle sur les braises du ressentiment de millions de Russes de plus en plus accablés par une prise de conscience : la sortie du communisme ne conduit pas automatiquement à la vie rêvée de l’eldorado capitaliste. En annexant la Crimée en 2014, il fait croire aux Russes qu’ils retrouvent le chemin de la grandeur et du respect international. Mais, comme l’explique parfaitement <a href="http://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-politiques-et-geopolitique/le-rapport-nemtsov">Michel Eltchaninoff</a> dans sa postface au <em>Rapport Nemtsov : Poutine et la guerre</em>, ce contrat entre le président et sa population est à double tranchant.</p>
<p>En effet, malgré la censure, nul ne peut ignorer en Russie que la quasi-totalité des pays de l’ONU et l’ensemble des pays membres de l’Union européenne condamnent la Russie pour son annexion de la Crimée. Le Kremlin est obligé, en conséquence, de se lancer dans une permanente fuite en avant. Il doit sans cesse inventer de nouveaux mirages capables d’assurer à sa population qu’il dit bien vrai, que <a href="http://www.esprit.presse.fr/article/arjakovsky-antoine/collectif-le-rapport-nemtsov-poutine-et-la-guerre-38889">« la nation autrefois humiliée se relève aujourd’hui et peut dicter ses conditions au monde »</a>.</p>
<p>On prendra dans un premier temps deux exemples de cette fuite en avant, à des fins de politique populiste, du pouvoir russe : les Jeux olympiques de Londres en 2012 mais surtout de Sotchi en février 2014, le bombardement d’Alep en octobre-décembre 2016</p>
<h2>Une utilisation du sport à la soviétique</h2>
<p>Le sport a toujours fourni à l’époque soviétique un vecteur efficace de mobilisation de la population. La politique sportive du gouvernement de Poutine, fondée sur la volonté d’apporter par tous les moyens des victoires prestigieuses au pays, a le même objectif de caresser une population dont le ressentiment est grand par rapport à la fin de l’URSS et la mondialisation néo-libérale.</p>
<p>L’exemple des Jeux olympiques de Sotchi, en février 2014, en fournit un bon exemple. Ces jeux furent les plus chers de l’histoire des JO d’hiver. Sur la facture totale de 45 milliards de dollars (cinq fois plus qu’à Vancouver en 2010), entre 13,5 et 22,5 milliards seraient imputables à la corruption, <a href="http://affaires.lapresse.ca/economie/international/201402/21/01-4741348-jo-22-milliards-en-corruption.php">selon la Fondation anticorruption</a>, un organisme russe dirigé par des opposants au régime du président Vladimir Poutine et financé par des contributions des citoyens. Selon son directeur général, Vladimir Ashurkov :</p>
<blockquote>
<p>« 13 millions de personnes en Russie vivent sans eau chaude et 9 millions sans conditions sanitaires. Était-ce une bonne idée de dépenser 45 milliards pour les Jeux olympiques dans ces circonstances ? »</p>
</blockquote>
<p>Mais il y a plus grave encore. <a href="http://www.lemonde.fr/sport/article/2016/05/12/les-athletes-russes-au-c-ur-d-un-systeme-de-dopage-pendant-les-jo-de-sotchi-selon-un-ex-responsable_4918620_3242.html">L’ancien patron du laboratoire anti-dopage de Moscou Grigory Rodchenkov</a> a affirmé au <em>New York Times</em> que des athlètes russes avaient bénéficié d’un système de dopage supervisé par le ministère des Sports du pays durant les Jeux de Sotchi. Ces accusations font écho à celles de Vitali Stepanov, ancien contrôleur de l’Agence de lutte contre le dopage russe lors des JO d’été de Londres en 2012, à l’origine du scandale qui a ébranlé l’athlétisme russe en novembre 2015.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151764/original/image-20170104-18662-da9th0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La cérémonie d’ouverture des JO de Sotchi en février 2014.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e0/2014_Winter_Olympics_opening_ceremony_%282014-02-07%29_11.jpg/640px-2014_Winter_Olympics_opening_ceremony_%282014-02-07%29_11.jpg">premier.gov.ru/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le juriste canadien <a href="http://www.lepoint.fr/tags/mclaren">Richard McLaren</a>, à la demande de l’Agence mondiale antidopage (AMA), a rendu le 18 juillet 2016 un rapport très circonstancié sur le système de dopage mis en place, de 2001 à 2005, en Russie. À la suite de ce document, et au motif que ce système organisé avec les « magiciens » du FSB (les services secrets russes) a continué à prospérer, 118 athlètes russes ont été exclus des jeux de Rio. Mais <a href="http://www.lepoint.fr/sport/jo-2016-dopage-en-russie-le-grand-malentendu-05-08-2016-2059313_26.php">pour le juriste canadien</a>, « ce rapport parle d’un dopage d’État, de manipulation des résultats, de permutations d’échantillons avant Londres 2012 ».</p>
<h2>La fuite en avant à Alep</h2>
<p>Le gouvernement russe, bloqué en 2015 par les sanctions et par l’armée ukrainienne, a trouvé en septembre de cette même année, par le biais de son intervention militaire directe en Syrie, une nouvelle échappatoire capable de susciter la fierté de sa population. <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2013/09/01/01003-20130901ARTFIG00018-le-volte-face-de-barack-obama-sur-la-syrie.php">Le refus en 2013 de l’administration américaine de riposter</a> à l’utilisation par les troupes syriennes de l’arme chimique a été interprétée au Kremlin comme une carte blanche lui permettant d’endosser le visage de la puissance protectrice des chrétiens d’Orient. Le Kremlin a compris qu’il pouvait pousser les puissances occidentales à s’allier avec lui dans la résolution du conflit en Syrie et se libérer ainsi des sanctions.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-guerre-dextermination-en-syrie-et-la-fin-du-sens-commun-66342">Pour Nicolas Tenzer</a>, cette implication de la Russie avait aussi pour avantage de signifier à l’ONU que le système de valeurs qui fonde l’organisation internationale était inefficient pour gérer les relations internationales au XXI<sup>e</sup> siècle. <a href="http://fr.euronews.com/2016/12/29/l-osce-victime-d-une-attaque-de-hackers">De même pour l’OSCE</a> que la Russie entend paralyser dans son action de médiation des conflits en Europe.</p>
<p>L’assassinat de l’ambassadeur de Russie en Turquie Andreï Karlov, le 19 décembre 2016, par un jeune Syrien criant « N’oubliez pas Alep ! » n’a certes pas été dans le sens de l’effet recherché par le pouvoir russe. De même que la <a href="http://mobile.lesinrocks.com/2016/12/15/actualite/video-conspirationniste-syrie-devenue-deuxieme-plus-vue-youtube-11889000/">vidéo conspirationniste sur YouTube</a> lancée par <em>Russia Today</em> : « ONU: une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des médias traditionnels sur la Syrie ». Celle-ci entendait démontrer que les médias occidentaux ne disposaient d’aucune source crédible leur permettant de critiquer le bombardement acharné de la population civile d’Alep par l’armée russe. Mais ceux-ci ont réagi immédiatement <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/15/fausses-images-et-propagande-de-la-bataille-d-alep_5049097_4355770.html">pour démonter ces « arguments »</a>.</p>
<p>Toutefois, ces incidents de parcours et ces débats n’atteignent en rien le Kremlin dans son objectif principalement à usage interne. La réunion à Moscou, le 20 décembre 2016, des diplomates syriens, iraniens et turcs, tenue en l’absence de tout diplomate européen et américain et largement couverte par les journaux télévisés russes, a permis de prouver que la Russie était désormais au centre du jeu pour reconstruire les grands équilibres géopolitiques au Proche-Orient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Arjakovsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’heure où Donald Trump envisage la levée des sanctions qui frappent la Russie afin d’inaugurer de nouvelles relations avec Moscou, il convient de saisir la nature populiste du régime de Poutine.Antoine Arjakovsky, Historien, Co-directeur du département «Politique et Religions», Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/640062016-08-17T04:40:49Z2016-08-17T04:40:49ZQuestion d'économie politique : pourquoi certains pays raflent la mise au JO ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/134272/original/image-20160816-13033-1v0qqjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=478%2C21%2C1382%2C557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">JO de Londres en 2012.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/47309173@N06/7716520858/in/photolist-cKTbP5-a81QKV-dWF8cY-8MLdWK-8MKZnr-8ML5hB-e15CyN-dWzut4-dWzuGK-8ML77t-d2kr53-8vGbTe-qJ5byM-e15CEU-8MLarB-8ML9fx-B44v7p-74ehBZ-bxh871-8ML2JF-dQ1kYJ-9bVW1e-8MLeia-d2kzE1-dPUJn4-74fWHM-dWzuKt-a5Ldck-8MPcbJ-8vKdYf-9dmt1z-a84GZj-cN5kYj-8MP9PN-kkpnnn-4MssAh-8MP48Q-eWshPt-8ML4h6-bpgfTh-77wiqV-7557oF-e15CG1-brdmfQ-dWF8gG-eeTEEr-8vKfJo-rCzGRd-eEdG9r-8vGdmk">96tommy/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce qui détermine la force sportive d’une nation aux Jeux olympiques ? Pourquoi tel ou tel pays semble bien plus fort que d’autres et domine allégrement la compétition ? Qu’est-ce qui explique que la Russie, la Chine ou les États-Unis apparaissent comme des monstres de réussite au moment des Olympiades ?</p>
<p>La science économique a, depuis longtemps, essayé de déterminer les variables explicatives des performances sportives. Déjà, en 1972, l’économiste américain <a href="http://cos.sagepub.com/content/13/3-4/186.extract">D.W. Ball</a> avait tenté de pronostiquer la réussite aux Jeux olympiques d’été de Munich et aux Jeux d’hiver de Sapporo, au Japon, à partir du PIB par habitant. Il avait repéré 21 indicateurs, comme la culture et l’expérience sportive, les conditions d’existence, le degré d’interventionnisme étatique ou la puissance démographique, mais avait montré que le PIB par habitant était capable, à lui seul, d’expliquer 40 % des résultats finaux aux Jeux olympiques.</p>
<blockquote>
<p>« En fait, une population plus riche a généralement davantage de temps et de ressources à octroyer aux loisirs, ce qui favorise la pratique sportive de la population et donc l’émergence d’athlètes de haut niveau. D’autre part, un PIB par habitant plus élevé signifie une population plus riche disposant de plus de moyens pour investir dans les infrastructures coûteuses nécessaires à la pratique sportive. De plus, elle aura ensuite les moyens de les entretenir, d’encourager sa population à la pratique du sport et d’acquérir les entraîneurs et les infrastructures de pointe nécessaires pour que son équipe nationale puisse être concurrentielle <a href="http://jse.sagepub.com/content/5/3/227.refs">sur la scène internationale</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, un pays riche devrait avoir une chance significative de performer aux olympiades brésiliennes. Pourtant, d’après le FMI, les cinq premiers pays au classement du PIB par habitant sont le Qatar, le Luxembourg, Singapour, Brunei et le Koweït, pas vraiment des puissances sportives.</p>
<p>En 1974, l’Américain Ned Levine reprend les travaux de Ball, concernant la variable économique, pour les critiquer et les remettre en cause. Dans son article « Why do countries win Olympic medals ? », il admet que le PIB par habitant est un bon indicateur, mais qu’il n’est pas suffisant. D’après lui, il serait préférable de se fier à des variables directes comme la part consacrée au sport et la proportion du produit intérieur brut affecté aux sportifs avant, pendant et après les olympiades.</p>
<h2>L’importance du politique</h2>
<p>D’autres auteurs vont le suivre et intégrer des éléments plus pertinents empiriquement, comme le poids de l’interventionnisme et le système politique. En 2008, avant les JO de Pékin, les économistes <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=REDP_182_0135">Madeline et Wladimir Andreff et Sandrine Poupaux</a> ont construit un algorithme constitué d’une trentaine de variables socio-économiques permettant de prédire le nombre de médailles glanées par l’ensemble des pays participants. De plus, là où leur modèle est intéressant c’est qu’ils l’ont testé sur les jeux précédents, en remontant jusqu’à Montréal, en 1976, et ont déterminé l’importance de chaque variable. Ils en arrivent à une efficience proche des 90 %, autrement dit, leur modèle est capable de prédire 9 médailles sur 10 gagnées (ils avaient notamment prévu 40 médailles pour la France qui en a finalement obtenu 41).</p>
<p>Celui-ci intègre essentiellement des variables économiques (le PIB par habitant, le budget du ministère des sports, l’importance consacrée aux dépenses sportives, etc.), des variables démographiques (la taille de la population, la proportion de jeunes, etc.), des variables sociales (la culture sportive, l’audimat pendant les JO précédents, etc.), mais aussi politiques. Andreff et Poupaux ont en effet constaté que selon le régime politique imposé dans le pays, les résultats sportifs différaient du tout au rien. Entre les années 1970 et 1990, à l’époque de la guerre froide, les systèmes communistes, en URSS et dans le bloc Est, disposaient d’un avantage concurrentiel significatif et optimisaient leurs performances sportives.</p>
<blockquote>
<p>« Le soutien public accordé au sport garantissait des résultats pérennes et conséquents, qui allaient au-delà des estimations purement économiques ».</p>
</blockquote>
<p>À l’inverse, des pays riches, démocratiques et en faveur d’une redistribution équitable et non-discriminante vis-à-vis de la population non-sportive obtenaient, toutes choses égales par ailleurs, des résultats plus faibles. « L’essentiel passerait donc par l’action publique », concluent alors les auteurs de l’article. Leur analyse a ensuite été soutenue et validée par l’approche économétrique développée par les Canadiens <a href="https://www.cirano.qc.ca/files/publications/2015s-39.pdf">Paul Blais-Morisset, Vincent Boucher et Bernard Fortin</a>. Ces derniers ont construit une estimation probabiliste des médailles aux JO de Londres, en 2014, et ont déterminé les facteurs les plus significatifs à la réussite.</p>
<h2>Dépenser : le secret de la victoire</h2>
<p>D’après eux, c’est l’action de l’État qui reste l’élément moteur.</p>
<blockquote>
<p>« Selon les spécifications du modèle retenues, un pays aux caractéristiques moyennes aurait dû accroître son investissement public de 72 millions de dollar afin d’obtenir une médaille supplémentaire aux JO d’été de Londres ».</p>
</blockquote>
<p>C’est la maxime « dépenser plus pour gagner plus » : un pays devrait soutenir financièrement ses sportifs afin d’avoir la garantie, quelles que soient ses dispositions économiques, sociales et démographiques, de briller sportivement. D’ailleurs, certains continuent à dépenser des sommes faramineuses pour leurs équipes. Par exemple, le Royaume-Uni a déboursé <a href="https://theconversation.com/la-vraie-valeur-economique-et-symbolique-dune-equipe-olympique-59058">340 millions d’euros</a> lors des JO de Londres, et investit encore plus pour 2016 dans l’espoir de remporter autant de médailles d’or. Les contribuables britanniques paient aujourd’hui quatre fois plus pour leurs sportifs olympiques que pour l’éducation physique à l’école. Tout comme l’Australie, un pays qui ne représente qu’un tiers de la population du Royaume-Uni, mais qui a dépensé 240 millions d’euros en faveur de ses sportifs en 2012. Quant à la France, son budget, en 2012, était de 248 millions d’euros pour 35 médailles, dont 11 en or. À Rio, on estime que ses dépenses sportives vont augmenter d’au moins 10 % avec l’espoir de rester dans le top 10.</p>
<p>Aux Jeux olympiques, contrairement à la coupe du monde de football ou à l’Euro, il y a 35 disciplines. Donc autant de chance de se rattraper en cas d’échec quelque part. La glorieuse incertitude disparaît au profit du nombre, de la répétition. Alors qu’à l’Euro, <a href="http://www.slate.fr/story/120865/predictions-euro-2016-donnees">aucun modèle prédictif</a> n’avait été capable de pronostiquer une victoire du Portugal, les algorithmes socio-politico-économiques des JO ont une efficience supérieure à 90 %. L’économiste Wladimir Andreff explique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très simple, si vous perdez dans un sport, vous vous rattrapez dans un autre. […] Chaque favori éliminé laisse la place à la victoire d’un outsider, les choses se rééquilibrent naturellement. Contrairement au football, où les estimations sont bien plus compliquées et difficiles à mettre en place ».</p>
</blockquote>
<h2>Une révélation du dopage</h2>
<p>Dans le foot, l’action de l’État reste une variable faible, peu significative. La Chine, par exemple, met en place depuis quelques années une <a href="http://www.slate.fr/story/113771/football-chine-stars-collectif">politique interventionniste</a> très importante en faveur du ballon rond, sans pour autant obtenir des résultats conséquents et intéressants.</p>
<p>À l’inverse, dans une compétition multisport, comme les JO, l’interventionnisme public reste le facteur numéro 1. Et même parfois plus que ce que le modèle prédit. Interrogé sur le sujet, Andreff précise qu’il a appliqué son algorithme aux JO d’hiver de Sotchi et a pronostiqué un total de 24 médailles en faveur de la Russie, en intégrant notamment le fait qu’il s’agissait du pays organisateur. Le résultat est sans équivoque : 33 médailles gagnées, dont 13 en or. </p>
<blockquote>
<p>« La différence est de 37.5 % soit un écart bien plus important que la marge d’erreur moyenne. Le score des Russes ne correspond pas à la réalité. Une variable inobservée, indéterminée, est venue interférer sur les résultats. Devinez laquelle… » remarque Andreff.</p>
</blockquote>
<p>La dépense publique peut bien évidemment être consacrée aux investissements structurels et sportifs, mais aussi en faveur d’une <a href="https://theconversation.com/le-dopage-et-le-culte-de-la-performance-un-couple-inseparable-62610">généralisation contrôlée du dopage</a>. Les Russes ont sur-performé et cela n’est pas, économétriquement parlant, naturel. Les modèles prédictifs permettent ici de démontrer des cas de tricherie sans passer par la case détection et contrôle. C’est une sur-représentativité de l’appareil politique associée à une sur-performance sportive qui révéleraient ces cas de dopage. Il serait donc intéressant, dorénavant, de développer cette méthode plutôt que de ne miser que sur les pronostics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Rondeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qui détermine la force sportive d’une nation aux Jeux olympiques ? Pourquoi tel pays semble bien plus fort que d’autres et domine la compétition ? Réponses économico-politiques.Pierre Rondeau, Professeur d'économie et doctorant, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/629962016-08-04T19:25:30Z2016-08-04T19:25:30ZLes sept plaies des JO de Rio<p>Tous les quatre ans, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques, c’est la même rengaine pour le pays organisateur. Que ce soit pour Athènes, Pékin ou Londres, les Cassandre sonnent toujours l’alerte. Mais il faut bien reconnaître que ces JO pourraient s’annoncer sous de meilleurs auspices.</p>
<h2>Pourquoi ces Jeux sont-ils décriés ?</h2>
<p>Quand l’aventure des JO de Rio a commencé en 2009, le Brésil connaissait un taux de croissance de 5,1 % (en 2008) et allait devenir en 2011 la sixième puissance mondiale. Peu de voix dissonantes s’étaient alors manifestées contre le choix de Rio comme ville organisatrice, le Brésil étant le premier pays sud-américain à accueillir les Jeux. Le <em>soft power</em> de ce nouveau <a href="http://www.universalis.fr/encyclopedie/bresil-russie-inde-chine-afrique-du-sud-ex-b-r-i-c/">BRICS</a> était alors à son apogée, surpassant Tokyo et Madrid.</p>
<p>Mais sept ans plus tard, le contexte a bien changé. Depuis 2010, le PIB du Brésil est en chute constante, il est même entré dans une phase de récession fin 2014. Par ailleurs, le pays connaît l’une des plus grandes crises politiques de son histoire avec la <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/05/13/la-chute-de-la-presidente-dilma-rousseff-laisse-le-bresil-sonne_4918662_3222.html">destitution</a> de Dilma Roussef en mai dernier.</p>
<p>Depuis le début de l’année, certains médias sont alarmistes et relatent de façon très précise comment l’organisation de ces Jeux a été jalonnée de problèmes et d’imprévus. Les critiques portent principalement sur les aspects organisationnels dans la mise en place des infrastructures, la question sanitaire, la question sécuritaire et les scandales de dopage. Qu’en est-il exactement ?</p>
<ul>
<li><p>Sur les aspects organisationnels, les retards dans la construction des infrastructures ne sont pas plus importants que pour les autres villes organisatrices. Le vélodrome a finalement bien vu le jour malgré la <a href="http://www.lequipe.fr/Cyclisme-sur-route/Actualites/Le-velodrome-est-la-seule-installation-en-retard-pour-les-jeux-olympiques/687224">banqueroute</a> de l’entreprise constructrice. Certes, la <a href="http://www.europe1.fr/sport/jo-au-bresil-la-ligne-de-metro-olympique-inauguree-4-jours-avant-le-debut-des-epreuves-2745592">nouvelle ligne</a> de métro sera accessible de façon limitée, mais elle sera opérationnelle.</p></li>
<li><p>L’épidémie du <a href="https://theconversation.com/lhistoire-de-zika-virus-emergent-transmis-par-les-moustiques-53774">virus Zika</a> (apparue en 2014) est également une grande préoccupation de ces Jeux. Le ministre des Sports se veut <a href="http://sport24.lefigaro.fr/jeux-olympiques/rio-2016/fil-infos/zika-aucune-chance-de-report-affirme-le-ministre-bresilien-des-sports-808720">rassurant</a> à ce sujet en annonçant que des mesures préventives ont été prises et en s’appuyant sur le fait que ce n’est pas la saison des moustiques (puisque c’est l’hiver là-bas). Par ailleurs, en mai dernier, l’OMS a rejeté la demande qui avait été faite d’annuler les Jeux. Il n’y a finalement que quelques sportifs qui ont renoncé à venir pour cette raison (dont le champion de golf <a href="http://www.francetvsport.fr/les-jeux-olympiques/golf-jason-day-n1-mondial-n-ira-pas-a-rio-342691">Jason Day</a>). </p></li>
<li><p>Un des vrais enjeux reste la question sécuritaire. Les médias internationaux mettent en avant l’<a href="http://www.lepoint.fr/sport/jo-2016-les-jeux-de-rio-un-enfer-pour-la-securite-11-07-2016-2053685_26.php">insécurité</a> qui plane autour de ces Jeux en dénonçant le nombre d’attaques par armes à feu (plus de 70 depuis le début de l’année) ou de vols dans la ville. Si cette situation est préoccupante, elle n’est pas pour autant exacerbée par la présence des Jeux car le Brésil – et Rio en particulier – sont la scène d’une violence chronique depuis de nombreuses années, malgré les <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/11/25/bresil-la-police-reprend-le-dessus-sur-les-narcotrafiquants_1445155_3222.html">opérations</a> de pacification de certaines favelas en 2010. En outre, la Coupe du monde 2014 a été considérée comme un succès vis-à-vis de la protection des visiteurs.<br>
<br>
La nouveauté porte sur l’<a href="http://www.france24.com/fr/20160721-jo-rio-police-bresilienne-arrestation-groupe-terroriste-etat-islamique-preparation-attentat">arrestation</a>, jeudi dernier, de dix Brésiliens, dont certains avaient prêté allégeance à l’organisation État islamique, susceptibles de fomenter un attentat terroriste. Dans le contexte actuel des attentats de Paris, de Bruxelles et de Nice, ces menaces sont bel et bien préoccupantes. En conséquence, les forces de police ont été renforcées par 35 000 hommes – soit un total d’environ 85 000 agents mobilisés. Néanmoins, les policiers sont en conflit avec l’État de Rio car beaucoup d’entre eux (comme d’autres fonctionnaires) n’ont pas été payés depuis des mois – ce qui explique la campagne de manifestation <a href="http://www.independent.co.uk/news/world/americas/brazil-rio-police-welcome-to-hell-tourists-olympics-a7108091.html">« welcome to hell »</a> (bienvenue en enfer) organisée à la sortie de l’aéroport le mois dernier.</p></li>
<li><p>Enfin, le 24 juin, le laboratoire de contrôle du dopage brésilien a été suspendu par l’Agence mondiale antidopage pour non-conformité avec les standards internationaux – avant d’être <a href="http://www.20minutes.fr/sport/1895271-20160721-jo-2016-15-jours-jeux-laboratoire-rio-enfin-autorise-controler-sportifs">réhabilité</a> un mois plus tard. La possibilité (bien qu’<a href="http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-rio-2016/article/2016/07/24/rio-2016-pas-d-exclusion-collective-pour-la-russie_4974046_4910444.html">éphémère</a>) d’exclure les athlètes russes des Jeux suite à la révélation de dopage généralisé ne participe pas non plus à améliorer cette atmosphère pesante.</p></li>
</ul>
<p>Reste à savoir si ces problèmes toucheront les 500 000 touristes attendus. En 2014, année de la Coupe du monde de football, le pays avait attiré plus de 6,4 millions de personnes dont plus d’un million pendant l’événement, soit 10 % de plus que l’année précédente. Actuellement, il reste encore 1,7 million de billets à vendre sur les 6,1 millions (en comparaison, Londres avait vendu presque 11 des 11,3 millions de billets disponibles).</p>
<h2>Les enjeux périphériques</h2>
<p>Pour beaucoup de Brésiliens, ces Jeux contribuent à exacerber des tensions préexistantes. L’organisation successive de deux événements mondiaux représente un coût important pour cette économie en récession qui doit faire face à des mesures d’austérité. Si l’on veut voir la coupe à moitié pleine, le coût de ces JO – estimé selon les sources entre 11 et 13 milliards de dollars – est moins élevé que ceux de Londres (15 milliards) et de Pékin (45 milliards), suite à de fortes coupes budgétaires dans le budget opérationnel (moins 20 %). Mais la Coupe du monde de 2014 avait déjà coûté 15 milliards de dollars.</p>
<p>Par ailleurs, l’État de Rio a décrété un <a href="http://www.liberation.fr/sports/2016/06/20/rio-en-etat-de-calamite-publique-a-deux-mois-des-jeux-olympiques_1460797">« état de calamité publique »</a> et a vu ses finances renflouées par l’État fédéral. Cette mesure inédite a été prise par crainte du gouverneur par intérim de ne pouvoir financer les services publics et ces Jeux (un déficit de 5 milliards d’euros est prévu pour 2016).</p>
<p>Les Brésiliens sont massivement descendus dans les rues cette année pour manifester leur hostilité au gouvernement (avant la destitution de Dilma Rousseff), couplée à une inquiétude liée à l’économie. Mais l’organisation de la Coupe du monde avait été beaucoup plus critiquée que ne l’est actuellement la préparation des Jeux. Néanmoins, c’est une population fatiguée de la récession et lassée de ses élites qui va assister à cet événement – le nouveau gouvernement de Michel Temer ayant déjà vu trois de ses ministres contraints de démissionner suite au scandale de l’affaire <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/03/09/comprendre-le-scandale-petrobras-qui-secoue-le-bresil_4590174_3222.html">Petrobras</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131823/original/image-20160725-26512-jhq1i8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des manifestants pro (à gauche) et anti (à droite) Dilma Rousseff rassemblés devant le Congrès national pour assister au vote de destitution, le 17 avril 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Atos_pr%C3%B3_e_contra_o_impeachment_na_Esplanada.jpg">Juca Varella/Agência Brasil</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien au-delà des dépenses et du marasme politique transparaît une nouvelle fois l’insatisfaction d’une grande partie de la population, qui est exclue du cœur de l’événement et n’en tirera certainement aucun bénéfice. Le Brésil compte encore, comme tous les pays organisateurs jusqu’alors, sur l’impact positif des Jeux sur l’économie. Pourtant, deux études <a href="http://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.30.2.201">américaine</a> et <a href="http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2804554">anglaise</a> montrent qu’il s’agit d’un mythe bien ancré, puisque dans la très grande majorité des cas, les Jeux coûtent plus qu’ils ne rapportent. En outre, le pays connaît de fortes <a href="https://books.google.fr/books?id=oiUcSUaUbjIC&pg=PA45&lpg=PA45&dq=brazil+territorial+inequalities&source=bl&ots=QVDcpi6CpT&sig=qp_zdVX-0iv6VNi_IxoXgM1Vopg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjh0eXvjojOAhVE1xQKHR2OA-8Q6AEILjAC#v=onepage&q=brazil%20territorial%20inequalities&f=false">inégalités territoriales</a> que ces deux événements sportifs amplifient :</p>
<ul>
<li><p>Au niveau national, la région du <a href="http://www.universalis.fr/encyclopedie/bresil-geographie/4-le-sudeste-c%C5%93ur-du-pays/">Sudeste</a> (qui compte Rio et São Paolo) concentre les richesses, pesant environ 75 % du PIB et 50 % de la population.</p></li>
<li><p>Le [Nordeste](https://fr.wikipedia.org/wiki/Nordeste_(Br%C3%A9sil) est la région du Brésil où la pauvreté affecte la proportion de population la plus importante. Même si quatre de ses villes avaient accueilli la Coupe du monde, les ressentiments séculaires de la périphérie vers son centre économique – et pendant longtemps politique – feront aussi partie de l’ambiance générale des JO.</p></li>
<li><p>Par ailleurs, au niveau local, les principales infrastructures des Jeux ont été construites dans le district de Barra da Tijuca, l’un des quartiers les plus favorisés de la ville, renforçant davantage les inégalités criantes – certains chercheurs parlent même d’un phénomène d’<a href="https://articulo.revues.org/2813">« accumulation par dépossession »</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’allocation de l’argent à cet événement, au détriment des importants besoins du Brésil en termes d’infrastructures et de services sociaux, est donc véritablement au cœur de l’insatisfaction.</p>
<p>La question est désormais de savoir quel héritage les Brésiliens, et notamment les habitants de Rio, vont obtenir de ces Jeux. Le premier bilan de la Coupe du monde 2014 est en train d’être établi : outre de nombreux <a href="http://info.arte.tv/fr/bresil-elephants-blancs">« éléphants blancs »</a> (les coûteux bâtiments construits et qui ne serviront plus, comme probablement le stade de Manaus dans la région amazonienne), très peu d’infrastructures (mis à part quelques aéroports) bénéficieront à la population.</p>
<p>Les JO, en eux-mêmes, ne seront sans doute pas en demi-teinte. Comme en France avec l’Euro de football, il s’agira certainement d’un événement heureux dont le pays a bien besoin. Il ne reste plus qu’à souhaiter que Rio suive l’exemple de Londres et non celui d’Athènes… Ce qui, pour l’instant, n’en prend pas le chemin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Belhoste ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’allocation de l’argent à cet événement, au détriment des importants besoins du Brésil en termes d’infrastructures et de services sociaux, est véritablement au cœur de l’insatisfaction.Nathalie Belhoste, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/626102016-07-20T04:37:38Z2016-07-20T04:37:38ZLe dopage et le culte de la performance, un couple inséparable<p>Les Jeux olympiques de Rio s’annoncent sur fond d’une affaire de dopage <a href="http://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/La-combine-russe-pour-truquer-les-controles-a-sotchi-une-trappe-dans-le-mur-et-un-espion-plombier/707786">dans le sport russe</a> et de soupçons visant plusieurs pays africains ou caribéens. Les rumeurs et scandales de dopage sont inséparables des compétitions sportives. Lors des Jeux de 1904 déjà, le coureur Thomas Hicks n’aurait probablement pas remporté le marathon sans l’injection pendant la course de doses de strychnine, un produit prohibé depuis. Le premier cas de dopage avéré date des Jeux de 1968 à Mexico, quand furent inaugurés les tests antidopage.</p>
<p>Depuis lors, la lutte contre le dopage s’est considérablement développée, mais le phénomène ne semble pas reculer. Comment expliquer la persistance de ce fléau en dépit des actions menées pour l’éradiquer ? Qu’est-ce qui conduit au dopage ? La lutte antidopage s’attaque-t-elle réellement aux racines du problème ?</p>
<h2>Contrôler toujours plus les sportifs</h2>
<p>La lutte antidopage consiste principalement à repérer et à sanctionner les sportifs qui prennent des substances illicites en vue d’améliorer leurs performances, et à punir leurs entourages (encadrement sportif, technique, médical) s’ils sont complices. Cette politique de contrôle est complétée par des actions préventives, visant à informer les sportifs, notamment les jeunes, sur les dangers sanitaires du dopage et à les sensibiliser aux règles éthiques sportives. Mais cette prophylaxie reste diffuse et peu visible, tandis que le volet répressif, qui cible les sportifs les plus performants, a été continûment renforcé.</p>
<p>La coordination de la lutte antidopage a franchi un palier à la fin des années 1990 quand le Comité international olympique (CIO) a initié la création d’une <a href="https://www.wada-ama.org/fr">Agence mondiale antidopage</a> (AMA) indépendante. En 2004, un Code mondial antidopage a été instauré, qui harmonise les politiques et réglementations des organisations sportives du monde entier.</p>
<p>Ce code énonce des standards dans différents domaines : l’organisation des contrôles, les protocoles des laboratoires d’analyse, la liste des substances et méthodes interdites, la réglementation des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques, etc. Depuis 2005, les athlètes ont l’obligation de saisir dans une base de données (le <a href="https://www.wada-ama.org/fr/nos-activites/adams">système ADAMS</a>) les informations sur leur localisation, afin de se rendre accessibles en permanence à d’éventuels contrôleurs. La surveillance des sportifs est donc constamment resserrée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131066/original/image-20160719-13851-13g0fqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2012, aux Jeux olympiques de Londres, la moitié des athlètes a été contrôlée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/amsr1/7693753278/in/photolist-cHSuNA-cENn2f-cE76Ss-cQMhLs-cEzNtu-cLjGLU-cLk6qs-cLjvEb-cLjP9N-cR4gUQ-cLjQpq-cLjR3w-cLjKh1-cLjPKJ-cLk2rs-cLjHn5-cLjAtS-cLjEkC-cR4itf-cLjZuL-cLk1P9-cHSFF3-9KYoa-cHSUFd-bFaekL-cLjwfj-cHSHCm-cHSeRb-">Alistair Ross/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, la performance des tests est sans cesse améliorée – ce qui permet de détecter de nouvelles substances, ou des prises administrées selon des protocoles sophistiqués qui les rendaient indétectables jusque-là. De plus, les échantillons urinaires et sanguins sont désormais conservés, afin d’effectuer <a href="http://www.lequipe.fr/Cyclisme-sur-route/Actualites/Comment-armstrong-est-tombe/318894">des tests rétrospectifs</a> en utilisant des méthodes inexistantes au moment des prélèvements.</p>
<h2>La course au dopage</h2>
<p>Actuellement plus de 200 000 échantillons sont analysés chaque année sous l’égide de l’AMA, parmi lesquels 1 % environ est positif. L’athlétisme arrive en tête dans le palmarès des violations des règles antidopage (17 % des cas en 2014), devant le culturisme, le cyclisme et la musculation. Ce classement ne reflète pas le poids des pratiques dopantes, car chaque discipline compte un nombre différent de pratiquants d’élite (cibles prioritaires des contrôles) et la lutte antidopage y a une ampleur très variable.</p>
<p>Depuis l’introduction de contrôles, des cas positifs ont été décelés à chaque olympiade. Seule exception, les Jeux de 1980 à Moscou, toutefois connus comme les « Jeux des pharmaciens » en référence au dopage d’État découvert après la chute des régimes socialistes est-européens. La surveillance des athlètes est désormais resserrée : aux Jeux de 2012 à Londres plus de la moitié d’entre eux ont été contrôlés, et ils ont été avertis que des contrôleurs pouvaient à tout moment faire irruption dans leur chambre. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131218/original/image-20160720-31156-s0yqn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 1988, à Séoul, Ben Johnson « l’emporte » sur Carl Lewis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DPMS/Flickr</span></span>
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<p>Parallèlement, les pratiques dopantes se réinventent constamment : le dopage sanguin est jalonné par les différentes générations d’EPO jusqu’aux transfusions sanguines ; les stéroïdes à l’origine de l’affaire Balco – obligeant Marion Jones à rendre ses cinq médailles conquises aux Jeux de 2000 à Sydney – n’ont rien à voir avec ceux du premier grand scandale de dopage, celui de Ben Johnson, vainqueur du 100 mètres des Jeux de 1988 à Séoul.</p>
<p>Derrière la course à la performance se déroule une course au dopage, qui recourt à des innovations constantes (en termes de produits et de protocoles) afin d’échapper à des contrôles eux aussi de plus en plus performants. La clé est l’innovation, ce qui implique des investissements financiers, et ce qui réserve l’accès au dopage sécurisé et (quasi) indétectable aux athlètes d’élite, à ceux qui peuvent en assumer les coûts économiques.</p>
<h2>Une triche individuelle ?</h2>
<p>La lutte antidopage ne parvient pas à éliminer le fléau. Mais elle puise sa légitimité dans le ciblage des athlètes, objets de surveillance, de contrôles, de sanctions. Deux figures du sportif dopé émergent des affaires.</p>
<p>La première est celle de la <a href="http://www.courrierinternational.com/article/dopage-maria-sharapova-exclue-des-courts-pendant-deux-ans">transgression involontaire des règles</a>, par erreur, inattention ou méconnaissance. Les athlètes contrôlés positifs mobilisent parfois cette figure, arguant qu’ils ont ingéré des aliments pollués, qu’ils ignoraient que le produit était interdit, qu’ils ont été abusés par leur entourage, qu’ils ont omis de modifier leur déclaration de localisation à la suite d’événements inopinés, etc. L’argument est celui de la bonne foi. Et il est parfois jugé recevable par la justice sportive.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/131101/original/image-20160719-8017-dtm64t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maria Sharapova, exclue pour deux ans de toute compétition pour la prise de meldonium, qu’elle conteste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ishot71/6119482225/in/photolist-ajKWSe-aspqB5-4FfJPj-6SmTzg-2DLiqr-gXp3j-aspqf9-9YZPzf-atfUwg-aspxZS-gXp2x-7tb5Lm-4H1rE6-dKPjEi-aspxSU-atfWSK-atiyW1-T1xtA-dKUNUL-dKPjrM-oRVoL2-amgay1-quYgYU-dKPjpB-dKPjBT-8fbMTC-pHeDYj-8fbJ49-8f8tfa-dKPjwX-34AxCh-jxksr-4BoFcw-8fbN2Q-8f8v82-fzqLqx-dKPjjP-dKPju8-8fbJvo-8f8uZc-dKUNuN-8f8uCt-dKPjz2-nJtF7h-8fbMJC-p3Qm2K-CLbAz-8f8u86-4BjoeB-8nXr1G">Ian Gampon/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>La seconde figure, contre laquelle est construite la lutte antidopage, est celle de la déviance volontaire, de la tricherie délibérée, de la fraude intentionnelle. Le sportif dopé doit être sanctionné, car il enfreint le principe d’égalité des concurrents devant l’épreuve sportive. En transgressant cette règle fondamentale, il menace l’édifice sportif dans son ensemble. Car la compétition sportive repose sur une morale méritocratique : chacun doit concourir en mobilisant ses seules qualités personnelles et en les développant par l’entraînement. Les performances sont alors le résultat des talents et du travail.</p>
<p>Selon cette morale, c’est le plus méritant qui gagne, alors que le dopage procure un avantage concurrentiel immoral et illégitime. L’égalité démocratique est le socle de la compétition et du système sportif. Et la lutte antidopage entretient cette idéalisation, car en concentrant l’attention sur une rupture d’égalité désignée comme illégitime elle occulte, et légitime, d’autres inégalités, économiques par exemple. C’est pourquoi les athlètes dopés doivent être sanctionnés. C’est pourquoi la lutte contre le dopage prend principalement la forme d’une lutte contre les dopés, désignés comme des tricheurs.</p>
<h2>Une contrainte systémique</h2>
<p>Mais les racines du dopage sont plus profondes, plus structurelles et moins individuelles, plus systémiques et moins isolées. Il n’est pas une addition de déviances délibérées pratiquées par des tricheurs ; il est une conséquence de la recherche de performance sportive et du travail qu’elle implique. Or les conditions du travail sportif sont largement ignorées par la lutte antidopage, alors qu’elles pèsent lourdement sur la vie des sportifs de haut niveau.</p>
<p>La prise de produits interdits n'est pas une simple déviance, parce que l’expérience du travail sportif est envahie par l’exigence de performance et de résultats. Pour s’y plier, il faut résister à de fortes charges d’entraînement, repousser les seuils de la douleur, affronter les blessures, traverser des périodes « sans », dominer les moments de doute, maintenir une hygiène de vie rigoureuse, répondre aux injonctions des entraîneurs, atteindre les objectifs, etc.</p>
<p>Il faut surmonter ces épreuves constantes pour se maintenir dans le monde sportif où la performance est envahissante, où elle est la mesure de la valeur, et où elle est la condition de la survie. Et ce culte de la performance est d’autant plus exigeant que les conditions d’emplois sont fragiles et les engagements contractuels précaires. Dès lors, le dopage n’est pas seulement une pratique qui vise de manière directe la performance. Il soutient, plus largement, l’engagement dans le sport de haut niveau, en favorisant la récupération physique, la remédiation psychique, l’intégration sociale, la résilience. Il est une réponse à un ensemble de contraintes, physiques, psychologiques, contractuelles.</p>
<p>À cet égard le sport n’est pas bien différent de nombre d’autres milieux professionnels où les pressions sont fortes et où la prise de substances psychoactives (stupéfiants, alcool, médicaments, les produits varient) permet de tenir ou d’être performant : la liste est longue, depuis les traders jusqu’aux ouvriers, en passant par les milieux artistiques ou les étudiants de filières hypersélectives, etc. La sociologie du travail enseigne que de fortes contraintes professionnelles favorisent le recours à des produits de soutien, qui dans le milieu sportif sont étiquetés comme dopage.</p>
<p>En faire le constat, ce n’est pas excuser ou justifier le dopage, d’autant que celui-ci expose les athlètes à de sérieux risques pour leur santé. Mais seule une meilleure compréhension des ressorts du recours au dopage peut permettre d’améliorer une action répressive largement inefficace. Cela exige de rompre avec une vision individualisante et moralisatrice qui érige l’athlète dopé en tricheur cynique, pour prendre en compte les propriétés du travail sportif afin de mettre en débat ce que celui-ci fait aux sportifs de haut niveau. À moins que la méritocratie sportive idéalisée ne soit un obstacle, culturel et institutionnel, empêchant de considérer le dopage autrement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62610/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Demazière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Seule une meilleure compréhension des ressorts du dopage peut permettre d’améliorer une action répressive largement inefficace. Il faut rompre avec une vision individualisante et moralisatrice.Didier Demazière, Sociologue, directeur de recherche au CNRS (CSO), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/601652016-05-30T20:26:06Z2016-05-30T20:26:06ZSemaine(s) compte(nt) triple<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/124511/original/image-20160530-7713-1u2qage.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Jusqu’au Bout du Rêve » 1989.</span> </figcaption></figure><p>Il y a des semaines comme ça, où quand vous essayez de vous retourner pour reconstituer quand et comment ça a démarré, vous peinez assez vite à reconstituer le fil des évènements. Pour être tout à fait franc, c’est même plutôt le lot – drame ? – commun à tous ceux qui sont engagés dans l’activité de recherche : elle a la fâcheuse manie d’être assez possessive cette activité, de ne pas trop vous laisser la main sur votre agenda et le choix de vos activités. Bref, c’est la recherche qui décide, pas le chercheur, quoi qu’on en dise… Et c’est même pour cette raison que les profs d’université ou de grandes écoles rigolent intérieurement quand on leur demande s’ils « travaillent » demain : généralement, au moment même où on leur pose la question, au hasard par exemple un dimanche soir, ils sont précisément paumés dans leurs pensées, en train précisément de travailler…</p>
<h2>Presque Canal Plus</h2>
<p>Voilà donc comment, alors que je comptais prendre quelques jours au calme (« OKLM » comme on dit désormais dans le Hip-Hop…), je me suis retrouvé sur le trajet tiré de mes songes. Booba venait de lancer OKLM TV la veille, et la <em>Nouvelle Edition</em> de Canal Plus voulait faire un reportage. Puisqu’il y avait eu un <a href="http://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2016/04/10745-reinventons-le-management-grace-au-hip-hop/">papier publié</a> dans HBR France avec Xavier Metz, ledit papier parlant de Jay-Z, Steve Jobs, Obama… et Booba, Canal me proposait de donner ma lecture du cas OKLM TV.</p>
<p>Wesh, Wesh, ni une ni deux, je leur explique que je suis sur la route, que je connais un peu le système médiatique maintenant, et que si c’est pour avoir droit à 30 secondes à l’écran pour asséner deux débilités, je préfère m’épargner un aller-retour spécialement pour l’exercice. Ils ont été sympas chez la <em>Nouvelle Edition</em> : « Proche de 1 qu’effectivement ce soit juste 30 secondes à l’écran… ». Du coup, ils m’ont proposé un Skype en direct sachant que l’ami Booba serait lui en Skype depuis Miami. Et puis finalement ils ont eu du mal à le joindre le jeudi si j’ai bien compris. Et puis ce truc m’a un peu trotté dans la tête le vendredi. Et le samedi, j’y pensais plus…</p>
<p>Quand le téléphone a vibré le lundi matin et que j’ai vu que c’était Canal+, je n’étais pas disponible. J’étais en réunion de recrutement à la fac ; on arrête pas des auditions de recrutement, même pour le lancement d’une chaîne de TV par Booba. Je n’ai donc pas répondu. Sympas, ils m’ont laissé un message m’invitant à regarder le reportage que Canal avait consacré à l’ami B2O. J’ai regardé. Et j’ai juste pensé qu’il aurait été élégant de citer le papier qui leur avait inspiré la <a href="http://dai.ly/x49djev">fin du reportage</a> – et accessoirement les auteurs… – mais bon, c’est comme ça : pas le temps de s’embarrasser de références, ce qui compte c’est que ça bouge, et vite, des fois que le téléspectateur aurait la mauvaise idée de zapper…</p>
<h2>Booba à Harvard, oui, oui…</h2>
<p>J’en étais là, avec une semaine assez chargée dans les pattes, quand est arrivé le week-end suivant, et cette annonce : Booba serait donc dans 7 à 8 sur TF1. Franchement, ça m’a fait sourire.</p>
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<p>J’ai regardé l’émission : un démarrage en fanfare sur ce Booba « de <a href="http://lci.tf1.fr/sept-a-huit/videos/booba-de-la-prison-a-harvard-8744798.html">la prison à Harvard</a> ». Là où sur Canal ça avait fini sur les écoles de management, dans 7 à 8 ça démarrait par là, sans doute parce que ça faisait une meilleure accroche. Pensez : Booba étudié à l’université et même comparé à Céline ! Bon, il lit pas beaucoup, mais il sait compter… Et puis même s’il parle mal des femmes, au moins il n’en a jamais frappé et n’en frappera jamais. Oups !</p>
<p>Là, j’ai juste oscillé entre écœurement et dégoût. D’abord, Booba comparé à Céline, ça date quand même de l’époque Lunatic, en 2002. Un texte magnifique, sublime de finesse, de Thomas A. Ravier dans la <a href="http://haterz.fr/wp-content/uploads/2010/05/Booba_in_NRF_haterz.pdf"><em>Nouvelle Revue Française</em></a>. Quant à l’université, c’est le 7 janvier 2015 que Booba y a fait son entrée. Je le sais puisque ça s’est produit à l’occasion d’un <a href="http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/une-citation-du-rappeur-booba-sujet-d-un-partiel-a-l-universite-paris-sud-10597/">sujet d’examen</a> que j’avais donné à mes étudiants de première année avant de le commenter dans quelques journaux… L’un des étudiants avait pris en photo le sujet, puis l’avait posté sur Twitter. Il avait ainsi atterri sur l’<a href="http://www.meltybuzz.fr/booba-comme-sujet-de-partiel-a-la-fac-il-affiche-sa-fierte-sur-instagram-a369305.html">Instagram</a> de Booba, avec cette légende : « une jeunesse qui s’ennuie est une jeunesse qui détruit ». Je me souviens avoir posté un commentaire et expliqué que je lui donnais 20/20. Puisque le 7 janvier, par une terrible coïncidence, c’était le jour des attentats de <em>Charlie Hebdo</em>.</p>
<p>En revanche, Booba à Harvard en septembre prochain, ça je n’y suis pour rien. C’est un de mes étudiants de quatrième année le responsable : Samir Nuntucket. Quand il est venu me voir cette année, à la pause d’un cours, pour me parler de son projet de faire des ouvrages pédagogiques sur de grandes figures de l’entrepreneuriat venues des banlieues françaises et d’exporter tout ça à Harvard, je lui ai juste dit que c’était une idée absolument géniale.</p>
<p></p>
<p>Il m’a laissé un de ses projets en-cours ; je lui ai dit que j’allais le mettre en contact avec un éditeur, mais qu’ils étaient globalement assez frileux. À nouveau, je note que TF1 n’a pas jugé utile de citer l’organisateur de l’évènement qui a pourtant donné son titre à l’interview de Booba : dommage pour Samir, ça l’aurait aidé à développer ses projets.</p>
<h2>Toulouse, la FNEGE et Jean Tirole</h2>
<p>Voilà, deux, trois jours ont vite filé et je me suis retrouvé dans l’avion, direction Toulouse pour une superbe manifestation : Les États généraux du Management de la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises (FNEGE). Une <a href="https://theconversation.com/strategie-et-incertitude-9-la-nouvelle-donne-pour-lenseignement-du-management-52922">« maison commune »</a> dont on a déjà entendu parlé sur The Conversation France…</p>
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<p>Jeudi matin donc, présentation des résultats d’une étude passionnante de Michel Kalika, Sébastien Liarte, et Jean Moscarola (disponible en <a href="http://fr.calameo.com/read/00193017167010718b815?utm_source=FNEGE&utm_medium=flash@info-fnege.fr&utm_campaign=Communiqu%C3%A9%20de%20presse%20-%20Etude%20EGM%202016">ligne</a>). Avec un enseignement majeur : en gros, niveau impact sur les professionnels et les pratiques, la recherche en management ne produit pas des résultats très glorieux. Une table ronde a suivi, puis l’après-midi une série de commissions et d’ateliers passionnants : « voilà qui nous promet un beau <a href="http://rfg.revuesonline.com/component/content/article/99-actualites/252-l-impact-de-la-recherche-en-sciences-de-gestion">numéro spécial de fin d’année</a> pour la <em>Revue Française de Gestion</em> coordonné par le Pr. Jacques Igalens ! », me suis-je permis de penser à haute voix.</p>
<p>Jeudi, 18h, c’était la conférence de Jean Tirole. Le thème : « Le chercheur, le décideur et le bien commun ».</p>
<p>Intervention passionnante. Les questions me démangeaient, puisque le moins que l’on puisse dire c’est que les travaux de Jean Tirole alimentent les <a href="http://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/pdf/2015/05/lvrfg41250p65.pdf">débats</a> dans les pages de la <em>Revue Française de Gestion</em>. J’ai une ou deux fois essayé de faire un signe pour prendre la parole, mais sans grande conviction. Parce qu’en fait, courageux, mais pas téméraire, je préférais rester interdit : si j’ai une fâcheuse tendance à faire de la provoc’, je sais aussi me tenir en société. Et je sais parfaitement qu’une conférence plénière délivrée par un prix Nobel, ce n’est pas vraiment le moment où l’on peut/doit avoir un débat scientifique de fond sur un sujet aussi sensible que celui de l’indépendance du chercheur.</p>
<p></p>
<p>J’en étais là quand le – maudit – hasard de la recherche a alors placé sur mon chemin… le Pr. Jean Tirole ! Il sortait du bâtiment, l’occasion était trop belle. Je me suis donc approché, je me suis présenté ; et je remercie Sébastien Liarte d’avoir immortalisé cet instant.</p>
<p></p>
<p>Qu’est-ce qu’un prof de gestion peut bien dire à un prix Nobel d’économie ? Bonne question. Voici donc la réponse, puisqu'il ne pouvait s'agir évidemment de simplement disserter sur la pertinence de publier “plus” dans la revue (grand public ?) “management” en dépit de sa notoriété (bien connue) auprès des managers… </p>
<h2>La dope des PDG</h2>
<p>Je lui ai dit que la référence, lors de sa conférence, à un film avec Kevin Costner où il est question de construction d’un stade de base-ball qui n’existe pas m’autorisait donc à lui poser une question étrange, mais qui me semblait un point de rencontre potentiellement fructueux entre économistes et gestionnaires : le dopage.</p>
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<p>Un peu surpris au départ, il a très vite commencé à « élaborer » sur ce point, comme on dit dans les universités américaines. Oui, le dopage sur le Tour de France est en effet un cas intéressant ; oui, en effet, cela pose des questions assez redoutables de régulation, puisque des « joueurs » sont visiblement prêts à préférer prendre le risque de se doper, à s’auto-infliger des externalités négatives, bref à prendre le risque d’y laisser leur peau dans le futur (à la quarantaine), motivés d’abord par la soif de prestige, de gloire et d’argent maintenant. Et ceci au prix de formidables externalités négatives pour le <em>game</em> en général, et une compétition comme le Tour de France en particulier.</p>
<p>Quand je lui ai demandé ce qu’il pensait de l’évolution des travaux de M.C. Jensen, de ses recherches au moins depuis 2004 sur l’<a href="https://theconversation.com/vivendi-socgen-ubs-volkswagen-des-dirigeants-hero-nomanes-48765"><em>overvalued equity</em> et l’héroïne managériale</a> qui pourraient constituer un mobile de crime non négligeable dans les scandales financiers, Jean Tirole a eu l’air au départ un peu surpris ; et puis très vite il m’a souri, et rappelé que Jensen quand même n’avait pas été pour rien, avec ses travaux, dans cette propension au court-termisme des dirigeants et des stratégies… J’ai ri aussi de bon cœur, en lui rappelant que M.C. Jensen avait lui-même reconnu qu’il avait pu participer – par sa pugnacité à imposer ses vues théoriques jusqu’à la fin des années 1990 – à créer les conditions des scandales qui allaient survenir.</p>
<p>Et voilà comment se sont achevées nos cinq minutes de conversation. Sur cette conclusion : dans l’industrie financière, c’est comme dans le sport professionnel, les contrôleurs auront toujours trois temps de retard sur les contrôlés. Et les organisateurs de la compétition, eux, seront toujours réticents à briser l’omerta pour préserver l’image de la compétition, et accessoirement les revenus qui proviennent des sponsors, des publicités et des droits de retransmission télévisés. De mémoire, il m’a fait crédit que ceci posait de redoutables défis à l’indépendance des chercheurs… Il a convenu avec moi que la <a href="https://theconversation.com/lettre-ouverte-au-juge-renaud-van-ruymbeke-53272">jurisprudence Amstrong</a> qui consiste à déchoir <em>ex post</em> un vainqueur de ses titres était un bon exemple de gouvernance, à méditer.</p>
<p>Vendredi, je me suis réjoui d’apprendre qu’une nouvelle association scientifique <a href="http://www.professeursdedroitdesgrandesecoles.fr">« Droit et Management »</a> allait probablement bientôt rejoindre le collège scientifique des associations de la FNEGE : l’indépendance de l’autorité judiciaire fait débat ; il est assurément urgent de la nourrir par la recherche.</p>
<p></p>
<p>J’ai enfin assisté à la conférence de R.E. Freeman. Unanimement respecté pour avoir contribué à développer la théorie des parties-prenantes, il s’oppose vigoureusement à une conception strictement actionnariale et maximisatrice de la valeur… Un Pr. Freeman, très en verve : « Même les gangsters vont à l’église le dimanche ! ».</p>
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<p>J’ai dû partir avant la fin, avion du retour à prendre. Si j’avais eu la chance de croiser le Pr. Freeman, j’aurais ajouté que les dirigeants dopés aussi, entre deux prises d’héroïne, il paraît qu’ils font un tour à l’église. Mais si l’on en croit Abel Ferrara, hélas, il est souvent un peu tard : le mal, par le mal, est fait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur une semaine - presque -ordinaire d'un chercheur en sciences de gestion. Où l'on retrouve Booba, Jean Tirole, MC Jensen et Kevin CostnerJean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/506752015-11-20T05:36:33Z2015-11-20T05:36:33ZDes solutions économiques au fléau du dopage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/102202/original/image-20151117-21808-12078nf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dopage est-il une fatalité ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pirillan/4133489575/in/photolist-rdXyjX-7ucmo1-7u8dhg-7u8de4-7uc7DL-7u8d94-7u8d7e-7uc7yQ-7sDG4k-7igdrD-7gwEiB-abTQAd-6Fz8ZD-9Liur8-5QXDyf-3bdKF-bvk3cR-bvk3cK-6G7rza-3bdL9-6G7rwP-6Gbvqf-3bdPL-567kVj-a6Fpih-6vtvBk-5uD6VX-6tJq1Y-8PPqjC-4HEZcx-cReFYA-fPVJnn-2aiqcZ-8gxCyn-btaZdL-fLfaTc-c6UCDE-det1yp-dikrTX-dH6SiL-56bkhw-2qof6z">Xoan Baltar / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 9 novembre 2015, l’agence mondiale antidopage dévoilait un immense scandale qui touchait la fédération internationale d’athlétisme : de nombreux sportifs ont volontairement, avec l’aide de l’organisation, caché des résultats positifs à l’usage de produits dopants. La Russie et le Kenya sont montrés du doigt.</p>
<p>On reproche à ces pays d’avoir organisé institutionnellement le dopage dans l’athlétisme. Des sportifs vont mêmes jusqu’à affirmer que « 99 % des <a href="http://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/-99-des-athletes-russes-se-dopent/519587">athlètes russes</a> se dopent », que le pouvoir politique soutient délibérément ces pratiques déviantes dans un seul but symbolique.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? Comment, malgré tous les scandales qui ont secoué le sport depuis les années 1990 (notamment dans le cyclisme) et les évolutions en matière de dépistage, le dopage reste courant et banalisé ? La science économique a peut-être des réponses à apporter.</p>
<h2>L’économisme dans le sport</h2>
<p>D’après la théorie de l’agence, en microéconomie, l’agent rationnel prend ses décisions en fonction des actions d’un principal, son employeur. Il cherchera à satisfaire le plus possible l’utilité de son donneur d’ordre si et seulement si ce dernier lui accorde une rémunération répondant à ses attentes. De même, celui-ci acceptera le salaire demandé si l’agent satisfait ses objectifs de production.</p>
<p>En d’autres termes, lors d’une négociation, il y a une application du théorème du minimax entre deux individus, le principal et l’agent : chacun souhaite optimiser son utilité (« gagner le plus d’argent » et « avoir la meilleure production ») sous contrainte des coûts (coût de production et coût d’opportunité, le coût de renonciation au choix alternatif), tout en considérant le choix optimisé de l’adversaire.</p>
<p>L’individu rationnel prend à la fois sa décision en fonction de ses propres considérations, mais aussi (et surtout) en fonction des choix de l’autre agent. Dans le cas du dopage, le sportif optimisera ses gains sous contrainte des coûts de production (l’effort et le risque) aussi en observant les décisions du principal (est-ce l’organisateur d’un événement sportif promet une prime de victoire importante ? Est-ce qu’il s’attend à voir du spectacle ? Est-ce qu’il met en place une forte politique antidopage ? Etc.).</p>
<p>Ainsi, l’athlète se dope tant que le coût du dopage (le risque de se faire prendre, les sanctions mises en place, mais aussi le coût d’opportunité) reste inférieur à l’avantage de se doper (gagner la prime de victoire, finir en tête, devenir une star, etc.). Et le coût est dépendant de l’action du principal, de l’organisateur : si les fédérations d’athlétisme ne combattent pas durablement et efficacement le dopage, le coût reste inférieur aux avantages et les sportifs sont incités à se doper.</p>
<h2>Une relation entre chaque individu</h2>
<p>Mais ce n’est pas seulement à partir d’une relation « principal-agent » que le dopage peut être expliqué. Les sportifs prennent aussi leur décision en fonction de leur cohorte, pas en fonction des dirigeants.</p>
<p>Ici, la théorie des jeux, en économie, s’applique. C’est une analyse élaborée par Nicolas Elber, dans son article <a href="http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=REDP_182_0207">« le dilemme du sportif »</a>. Il réutilise ici le très célèbre dilemme du prisonnier, énoncé en 1950 par le mathématicien Albert W. Tucker, qui met en avant l’absence d’optimum social lorsqu’aucune entente n’apparaît. Lorsque deux prisonniers suspectés d’un délit sont enfermés dans deux salles d’interrogatoire différentes, chacun va vouloir maximiser son utilité (minimiser sa peine de prison) en accusant l’autre. Résultat, les deux sont déclarés coupables.</p>
<p>En théorie, ce dilemme cherchait à montrer l’échec de la philosophie économique classique, considérant que la somme des intérêts individuels aboutissait mécaniquement à l’optimum collectif : le tout serait réductible au jeu des parties. Au contraire, il faut négocier et collaborer, à échelle individuelle, plutôt que de ne penser qu’à sa propre situation égoïste et individualiste.</p>
<p>Ce qui n’est précisément pas le cas dans le sport. Ici, chaque athlète est directement en concurrence avec le reste de sa cohorte. Il n’y a ni collaboration ni entente. Chacun souhaite gagner et met tout en œuvre pour réaliser son objectif. Encore plus dans le cadre des sports individuels, comme l’athlétisme.</p>
<p>De cette façon, si un sportif se dope, tous les autres, apprenant cela, vont considérer que le déviant dispose d’un avantage absolu sur eux et vont tous être amenés à se doper. C’est une course à l’armement, il suffit qu’un seul cas soit recensé pour que tous les autres suivent.</p>
<h2>Des sanction à vie</h2>
<p>Une solution, néanmoins, existe pour éviter ce genre de déviance. Illustrée à partir de la théorie des jeux, l’économiste français <a href="https://regulation.revues.org/1274">Wladimir Andreff</a> a souhaité <a href="http://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2008-2-page-133.htm">montrer qu’en faisant confiance au raisonnement individualiste</a> de chaque sportif, on pouvait être amené à supprimer toute forme de tricherie.</p>
<p>La solution ? Une sanction à vie en cas de détection.</p>
<p>L’idée ici est de considérer que chaque compétition propose un gain fixe proportionnel à sa place finale. Par exemple, dans une course d’athlétisme, 1 million d’euros sont mis en jeu avec 10 participants. Le premier à 50 % du total, le deuxième 25 %, le troisième 10 %, etc.</p>
<p>Si un sportif est déclaré dopé pendant ou après la compétition, il sera banni à vie par la fédération et le partage économique sera bouleversé. Toujours 1 million d’euros à se partager, mais cette fois-ci non plus entre 10 personnes, mais entre 9 personnes.</p>
<p>Chaque individu rationnel devra donc se dire, pour maximiser ses gains économiques, qu’il suffirait d’attendre qu’un concurrent triche, le nouveau partage se fera à son avantage. Si tout le monde pense comme cela, personne ne se dope et la triche disparaît du sport.</p>
<p>Globalement, si l’on veut lutter efficacement contre ce fléau, il faut des sanctions lourdes et sévères, bien supérieures aux gains que pourraient apporter les victoires du dopage : des sanctions à vie, des amendes importantes, une pression des pairs et une honte sociale, souvent très douloureuse.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le 17 janvier 2013, Lance Armstrong finalement avoue qu'il s'est dopé pendant tous ses Tours de France.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/50675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Rondeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment, malgré tous les scandales et les évolutions en matière de dépistage, le dopage reste courant et banalisé ? La science économique a peut-être des réponses à apporter.Pierre Rondeau, Professeur d'économie et doctorant, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/501692015-11-06T05:49:22Z2015-11-06T05:49:22ZDerrière la prise de « smart drugs », une expérimentation sociale sauvage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/100932/original/image-20151105-16231-ad61z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/arenamontanus/7791376114">Anders Sandberg/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Vous voulez vous porter volontaire pour une expérimentation de masse sur l’homme ? Trop tard. Vous êtes déjà devenu un rat de laboratoire. Sans approche éthique, sans consentement éclairé. On ne vous a jamais demandé votre avis, vous n’avez rien signé et il n’existe désormais aucune porte de sortie commode.</p>
<p>Nous ne voulons pas être alarmistes. Nous ne suggérons pas qu’il va vous pousser des ailes ou que des poils hirsutes vont faire leur apparition à des endroits surprenants de votre anatomie, vous transformant en une moitié d’insecte repoussant comme le <a href="http://www.telegraph.co.uk/culture/film/10819366/The-20-best-movie-monsters.html?frame=2906159">« Brundlefly »</a> (les effets secondaires de vraies expérimentations scientifiques impressionnent rarement autant que les effets spéciaux du film de David Cronenberg <a href="http://www.imdb.com/title/tt0091064"><em>La mouche</em></a>).
Mais nous savons bien que tout le monde ne veut pas devenir un rat de laboratoire. Et pourtant nous sommes tous enrôlés dans une gigantesque étude concernant l’<a href="https://theconversation.com/put-down-the-smart-drugs-cognitive-enhancement-is-ethically-risky-business-27463">amélioration cognitive</a> humaine.</p>
<h2>Pilules de l’intelligence</h2>
<p>Cette amélioration cognitive est un terme général qui englobe toutes sortes de médicaments et de dispositifs divers qui affûteront votre esprit, selon la confiance que vous accordez à tel membre de la <a href="http://www.theage.com.au/victoria/diy-neuroscientists-use-directcurrent-devices-to-shock-their-way-to-happiness-20150320-1m3mvg.html">communauté scientifique</a> ou à un <a href="http://www.eurogamer.net/articles/2015-04-08-winners-might-use-drugs">fondu de jeux en ligne</a>. Pour en comprendre l’essentiel, reportez-vous à l’avant-première du film de Neil Burger <em>Sans limites</em>.</p>
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<p>Mais de quels médicaments s’agit-il ? De quels dispositifs ? Et bien, prenez l’exemple de <a href="http://www.diytdcs.com/2014/05/hacking-the-brain-with-electricity-dont-try-this-at-home-npr/">ce type</a> qui s’électrifie le cerveau à l’aide d’un système maison, une stimulation cérébrale intracrânienne directe (tDCS) avec un courant de <a href="http://www.nature.com/news/shocks-to-the-brain-improve-mathematical-abilities-1.13012">faible intensité</a> à hauteur d’une batterie de 9 volts. Ou bien l’exemple d’<a href="http://www.nytimes.com/2015/04/19/us/workers-seeking-productivity-in-a-pill-are-abusing-adhd-drugs.html">Elizabeth</a>, vingt ans et quelque, fondatrice d’une start-up, qui prend de l’Adderal, un médicament prescrit pour traiter les problèmes d’attention et le syndrome d’hyperactivité (ADHD) sauf qu’elle n’en présente aucun symptôme.</p>
<p>La <a href="http://www.betterhealth.vic.gov.au/bhcv2/bhcmed.nsf/pages/nvcrtlor/%24File/nvcrtlor.pdf">ritaline</a>,le <a href="http://www.nlm.nih.gov/medlineplus/druginfo/meds/a602016.html">modafinil</a> et le <a href="http://www.patient.co.uk/medicine/donepezil-aricept">donepezil</a>, voilà d’autres exemples de médicaments, normalement prescrits à des malades, que les bricoleurs du cerveau cherchent à reproduire en vue d’une amélioration cognitive. Et les moins aventureux – ceux qui ne veulent pas avaler les pilules antidémence de leurs grands-parents – disposent d’un éventail de plus en plus large de suppléments <a href="http://www.chu-rouen.fr/page/mesh-descripteur/agents-nootropiques">« nootropiques »</a> pour renforcer la mémoire et d’autres fonctions cognitives. On les trouve sans ordonnance dans les pharmacies en ligne.</p>
<p>Des gens très divers utilisent ces accélérateurs cérébraux – des <a href="http://gamerant.com/focus-tdcs-headset-reviews/">fanas de jeux vidéo</a>, des <a href="http://www.abc.net.au/news/2015-04-05/experts-concerned-about-diy-brain-zapping-for-school-marks/6368998">étudiants</a>, des <a href="http://www.theage.com.au/victoria/diy-neuroscientists-use-directcurrent-devices-to-shock-their-way-to-happiness-20150320-1m3mvg.html">neuroscientifiques</a>, des <a href="http://money.cnn.com/2015/01/25/technology/nootropics-smart-drugs/index.html">chefs d’entreprise</a>, <a href="http://www.nytimes.com/2004/10/17/arts/music/17tind.html">des musiciens</a> et des <a href="http://www.couriermail.com.au/news/national/public-servants-used-drug-modafinil-to-stay-awake-to-complete-the-federal-budget-on-time/story-fnihslxi-1226932640759">fonctionnaires</a>.Il y a même de fortes chances, cher lecteur, que vous aussi, vous en testiez les possibilités. Et sinon vous, alors votre partenaire, vous voisins ou vos collègues de travail.</p>
<p>Pourquoi veut-on augmenter sa capacité cognitive à l’aide de médicaments ? Pour élargir au maximum sa capacité mentale, bien sûr. Selon le mode d’emploi et la créativité du département marketing qui vend le produit en question, les bénéfices supposés sont une amélioration de la mémoire, de la concentration, des réflexes plus justes, du calme, une meilleure clarté de pensée, la faculté de résoudre les problèmes, une énergie mentale accrue, enfin la possibilité de bien fonctionner avec un minimum de sommeil. </p>
<p>Mais voici de quoi doucher votre enthousiasme. Dans maintes circonstances, l’achat ou la vente de ces médicaments peut s’avérer illégal. Et certains sont des drogues réglementées, ce qui conduit Elizabeth à s’approvisionner en Adderal auprès de vendeurs douteux.</p>
<p>La santé doit aussi être prise en compte. À l’exception d’études isolées, de monceaux de on-dit et de tonnes de bla-bla, les scientifiques <a href="http://www.abc.net.au/news/2015-04-05/experts-concerned-about-diy-brain-zapping-for-school-marks/6368998">ne savent pas très bien</a> lesquelles de ces méthodes fonctionnent, comment elles fonctionnent et quels effets secondaires elles peuvent entraîner. Les experts poussent à la <a href="https://theconversation.com/record-seizure-of-smart-drugs-including-one-untested-in-humans-shows-growing-market-33563">prudence</a>, au moins jusqu’à ce qu’on ait mené d’avantages de recherches et que les scientifiques puissent indiquer quels sont les types d’intervention sur notre cerveau sûrs et efficaces. Notre préoccupation, c’est que d’ici là, il ne soit déjà trop tard pour nous soustraire à une massive expérimentation sur l’homme.</p>
<h2>Expérimentation de masse</h2>
<p>C’est sur ce point que nous rencontrons souvent le scepticisme de la part du public. À moins que tout le monde n’utilise des produits pour une amélioration cognitive, comment chacun peut-il se trouver impliqué dans cette expérimentation ?</p>
<p>Voici notre raisonnement : imaginez que l’on développe, à l’avenir, des méthodes d’amélioration cognitive ayant reçu l’approbation clinique du nombre requis de citoyens en blouse blanche. Puisqu’elle pourra le faire, la population lambda va vraisemblablement se mettre à les utiliser. Tout à coup, il sera possible d’avaler une pilule et d’attaquer avec succès l’analyse mathématique ou de se ragaillardir en pratiquant une transplantation du cœur et des poumons ou en transportant des gens par les airs de l’autre côté de l’Atlantique.</p>
<p>Mais voilà le hic. Au tout début, l’amélioration cognitive peut relever du libre arbitre de chacun, mais quand, autour de soi, tout le monde la pratique, une forme insidieuse de coercition sociale s’installe. Tout comme l’utilisation de <a href="http://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/high-blood-pressure/in-depth/beta-blockers/art-20044522">bêta bloquants</a> s’est généralisée sur la <a href="http://www.limelightmagazine.com.au/Article/329982,simon-says-i-admit-to-doping.aspx">scène musicale</a>, l’amélioration cognitive menace de devenir une nouvelle norme, un pratique standard qui pousse tout le monde à bricoler son cerveau pour être dans le coup.</p>
<p>Bien sûr, on ne peut pas prédire l’avenir. Mais prévoir qu’une amélioration cognitive sûre, effective et peu chère aura des répercussions sur des sociétés compétitives comme les nôtres, cela tombe sous le sens. Cela entraînera, nous en prenons le pari, une culture encore plus obsédée par le travail et encore moins favorable à d’autres activités qui enrichissent la vie.
Vous souvenez-vous de ces prédictions – dans les années 1980 – selon lesquelles on allait tous travailler quinze heures par semaine grâce à l’efficacité acquise par les technologies ? Cela n’est pas arrivé, pour une bonne raison : non parce que la technologie ne tient pas ses promesses, mais parce que nous avons fait le choix d’utiliser ce progrès pour travailler encore davantage.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/83991/original/image-20150604-3390-1w7ulbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">e c d o.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/heartindustry/875659855/">David/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Effets sociaux secondaires</h2>
<p>Les avancées scientifiques et technologiques façonnent notre vie – souvent de manière imperceptible – en changeant petit à petit nos valeurs ainsi que le paysage moral, légal et social dans lequel nous vivons. Les tests de laboratoire, les essais cliniques et les études épidémiologiques sont efficaces pour identifier les effets secondaires médicaux (vision floue, nausées, blocage nasal, etc.) ; mais ils ne tiennent pas du tout compte des effets sociaux secondaires que la science et la technologie peuvent entraîner.
Voilà une des raisons pour lesquelles vous n’avez pas besoin de vous soumettre à l’amélioration cognitive pour devenir un sujet d’étude au sein de cette expérimentation massive sur l’homme. Il vous suffit de faire partie d’une société où d’autres s’y plient. Quand elle utilise les techniques d’amélioration cognitive, vous en subissez les effets sociaux secondaires.</p>
<p>Reste la question du consentement éclairé – voudriez-vous prendre une pilule de l’intelligence si elle vous poussait à prendre des décisions pas vraiment malignes sur la durée de votre travail ? Simplement parce que vous avez la possibilité subite d’en faire davantage ? Et si cela changeait la vision de votre employeur sur votre capacité de travail, compte tenu de celui effectué autour de vous par vos collègues de bureau ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/83989/original/image-20150604-3407-1e3repp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le dopage en sport n’est pas seulement problématique du point de vue de la santé, il est contraire à ce que nous voulons du sport.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jumfer/8538274076/">Rikard Elofsson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour vous faire une idée de ce qui manque dans notre façon de parler de l’amélioration cognitive, regardez ce qui fait débat entre l’amélioration des performances physiques et celles qui tiennent au mental.</p>
<p>On rejette le dopage des athlètes non seulement pour des raisons de sécurité sanitaire, mais parce que nous voulons placer le sport à la hauteur de certains objectifs, à l’image de ces hommes superbement musclés et leur accomplissement riche d’inspiration : rien à voir avec une course aux armements technologiques et scientifiques. En ce qui concerne le sport, nous décidons de ce qui doit se passer et nous établissons des règles sur la façon d’y arriver. Ce sont des valeurs morales qui, dans le sport, dictent notre conduite.</p>
<p>Et cependant, malgré les effets potentiels sur nos vies, les valeurs autres que celles portant sur la sécurité, l’efficacité et l’égalité sont marginalisées dans les débats sur l’amélioration cognitive. Ces pilules pour le cerveau sont assimilées à la caféine, les antidouleurs ou les cours en ligne pour devenir plus habiles. Et ceux qui expriment leur dégoût pour ce type de société que favorise l’amélioration cognitive, les voilà ridiculisés et traités de néoluddistes – comprendre les adversaires du progrès technologique.</p>
<p>Voyez par exemple ce tweet d’un généticien, qui vise <a href="https://theconversation.com/put-down-the-smart-drugs-cognitive-enhancement-is-ethically-risky-business-27463">nos travaux</a> sur le questionnement éthique et juridique de l’amélioration cognitive.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"478566467613765632"}"></div></p>
<p>Mais de notre point de vue, une société nourrie par l’amélioration cognitive n’est ni inévitable ni impossible à remettre en question. Nous devons évaluer soigneusement l’ensemble des ramifications émanant d’une technologie naissante. Non parce que nous estimons que tout changement technologique serait mauvais et devrait (ou pourrait) être stoppé, mais parce que nous nous le devons à nous-mêmes pour notre avenir.</p>
<p>En tant que corps social, nous en avons la responsabilité.
Inonder le monde de nouvelles technologies, de nouveaux médicaments sans en mesurer les conséquences potentielles pour la société revient à mettre sur le marché un nouveau médicament sans l’avoir fait passer par les essais cliniques appropriés. Ne pas se soumettre à cette obligation équivaut, ni plus ni moins, à une expérimentation sociale sauvage.</p>
<p>On aimerait continuer à parler bioéthique avec notre « gentillet » point de vue, mais il est temps de se booster la cognition : plus question de quitter son travail à une heure raisonnable, de profiter de ses enfants, de ses animaux favoris, de faire de l’exercice, de composer des menus équilibrés, avant d’essayer (sans succès) à s’abandonner à une bonne nuit de sommeil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50169/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de Nicole A Vincent sur ces questions est fondé sur un financement de l'organisme The Enhancing Life Project, qui est lui-même financé par The John Templeton Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emma A. Jane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Prendre une pilule pour être plus actif, plus rapide, plus intelligent ne paraît pas scandaleux… Et si ça devenait une obligation sociale ?Emma A. Jane, Senior Lecturer in Media, Journalism and Communication, UNSW SydneyNicole A Vincent, Honorary Fellow, Department of Philosophy, Macquarie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.