tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/finance-20382/articlesfinance – The Conversation2024-03-20T15:59:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2249902024-03-20T15:59:03Z2024-03-20T15:59:03ZCaraïbes, Amérique latine, Océan indien… Comment sortir de la double vulnérabilité climatique et financière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579518/original/file-20240304-30-vpv6r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C74%2C1997%2C1299&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La région des Caraïbes comportent plusieurs pays qui risquent de tomber dans une « spirale dette-climat ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/a-goes-satellite-image-of-hurricane-maria-in-the-caribbean-sea-taken-at-915-60da3d">Picryl/US Navy</a></span></figcaption></figure><p>Un certain nombre de pays en développement font actuellement face à d’importants enjeux de soutenabilité financière dans un contexte économique international dégradé. Un certain nombre d’entre eux sont par ailleurs particulièrement vulnérables au changement climatique, aux conséquences des évènements climatiques extrêmes d’une part, et à la dégradation chronique des conditions climatiques d’autre part (hausse du niveau de la mer et hausse des températures notamment).</p>
<p>Ces deux types de vulnérabilités, climatique d’un côté et macrofinancière de l’autre, peuvent, dans certains contextes, se renforcer mutuellement. Notre <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/spirale-dette-climat-une-approche-empirique-pour-detecter-les-situations-de-double-vulnerabilite">récente étude</a>, fondée sur une base de données interne prenant en compte des données historiques et projetées pour plus de 160 pays, se propose ainsi d’identifier ceux dans laquelle une spirale de dégradation des finances publiques risque d’apparaître en raison d’une exposition critique aux conséquences du changement climatique.</p>
<p>Cette notion de « double vulnérabilité » a notamment figuré au cœur de trois initiatives politiques récentes. D’une part, <a href="https://pmo.gov.bb/wp-content/uploads/2022/10/The-2022-Bridgetown-Initiative.pdf">l’initiative de Bridgetown</a>, lancée à la COP 26 en 2021, appelle à un allègement de la dette publique des pays les plus vulnérables et à la mobilisation massive de financements concessionnels pour aider ces économies à faire face au changement climatique. D’autre part, la création du fonds <a href="https://unfccc.int/news/cop27-reaches-breakthrough-agreement-on-new-loss-and-damage-fund-for-vulnerable-countries">Pertes et Dommages</a>, lancé lors de la COP27 et entériné à la COP28 fin 2023, devrait permettre de mobiliser des ressources financières pour les pays les plus affectés par le changement climatique. Enfin, en juin 2023, le <a href="https://theconversation.com/pays-en-developpement-un-sommet-a-paris-pour-relever-le-defi-de-la-dette-et-du-climat-208079">Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier</a> a également appelé à une meilleure définition des vulnérabilités climatiques et financières.</p>
<h2>Une « spirale dette-climat »</h2>
<p>Chaque fois, l’idée sous-jacente est la même : les pays les plus vulnérables au changement climatique – ceux qui en subissent le coût humain et économique le plus élevé – sont aussi souvent les moins bien armés financièrement pour y faire face. Si la notion de vulnérabilité doit encore être définie avec précision au niveau international, un nombre croissant de <a href="https://ferdi.fr/publications/prendre-en-compte-la-vulnerabilite-dans-la-repartition-mondiale-des-financements-concessionnels">travaux</a> insistent sur l’importance de mesurer conjointement la vulnérabilité au changement climatique et la vulnérabilité macrofinancière :</p>
<ul>
<li><p>La <strong>vulnérabilité climatique</strong> se définit comme une situation dans laquelle un pays (i) est fortement exposé à des événements climatiques extrêmes et occasionnels, ou à une dégradation chronique des conditions climatiques, et (ii) est relativement plus sensible que d’autres pays à la matérialisation de ces chocs.</p></li>
<li><p>La <strong>vulnérabilité macrofinancière</strong>, quant à elle, est définie comme la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources financières nationales ou internationales suffisantes pour éviter une dégradation excessive du solde budgétaire, et surtout, de la capacité de remboursement du service de la dette publique. Elle est mesurée à partir des notes de risque souverain produites par les trois principales agences de notation.</p></li>
</ul>
<p>En croisant ces deux catégories de vulnérabilité, on peut identifier les pays en situation de double vulnérabilité. Pour ces pays, le changement climatique est susceptible d’avoir des impacts multidimensionnels sur les populations, les écosystèmes et l’activité économique, entraînant une augmentation des déséquilibres budgétaires et une dégradation des indicateurs de soutenabilité de l’endettement public à court et moyen terme.</p>
<p>Réciproquement, cette dynamique défavorable limite la capacité du gouvernement à faire face efficacement aux conséquences du changement climatique, et en particulier à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les investissements destinés à l’adaptation au changement climatique. Ce cercle vicieux, supposé ou réel, est appelé « spirale dette-climat ».</p>
<h2>Deux groupes identifiés</h2>
<p>À partir de ces éléments, deux groupes de pays en situation de double vulnérabilité sont identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Les pays les plus vulnérables aux <strong>phénomènes climatiques extrêmes et occasionnels</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie O++ dans le tableau ci-dessous). Cette catégorie comprend de nombreuses îles des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien. Certains pays très vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes, mais dont la vulnérabilité macrofinancière est moins forte (catégorie O+ voire O), peuvent également être mis en évidence. C’est par exemple le cas du Bangladesh, de la République dominicaine, de la Colombie ou du Vietnam.</p></li>
<li><p>Les pays les plus vulnérables à une <strong>dégradation chronique des conditions climatiques</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie C++ dans le tableau ci-dessous). Il s’agit notamment de certains pays insulaires des Caraïbes et de l’océan Indien qui sont vulnérables non seulement à l’élévation du niveau de la mer, mais aussi à une forte augmentation des températures. Cette catégorie comprend également certains pays côtiers d’Amérique latine, où l’activité économique et l’habitat sont parfois concentrés dans les zones côtières. Sont aussi concernés un certain nombre de pays de la région méditerranéenne particulièrement vulnérables à la hausse des températures et à la raréfaction des ressources en eau, ainsi que des pays de la zone côtière ouest-africaine exposés à l’élévation du niveau de la mer.</p></li>
</ul>
<p><strong>Récapitulatif des pays en situation de double vulnérabilité</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lecture du tableau : Les pays en situation de vulnérabilité macrofinancière la plus élevée sont dans les catégories « ++ ». Les PMA et les PEID sont marqués en vert. Les pays à revenu intermédiaire (PRI) qui n’appartiennent pas au groupe des petits États insulaires en développement (PEID) sont indiqués en bleu. Les pays à risque élevé de surendettement public, ou en situation de défaut selon le FMI, sont soulignés. Note : les données sont actualisées à août 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>À l’intersection de ces deux catégories, l’étude identifie les pays qui présentent une vulnérabilité aux deux types d’aléas climatiques (évènements ponctuels et dégradation chronique des conditions climatiques), ainsi qu’une vulnérabilité macrofinancière.</p>
<p>Entrent dans cette catégorie un certain nombre de pays insulaires des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Cuba, Grenade, Haïti, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines), de l’océan indien (Comores, Madagascar, Maldives et Sri Lanka), ainsi que certains pays côtiers d’Amérique latine (Belize, Nicaragua).</p>
<h2>Des outils financiers à adapter au cas par cas</h2>
<p>À partir de l’analyse de la double vulnérabilité, l’étude identifie un certain nombre de stratégies et instruments financiers susceptibles d’atténuer les principales conséquences du changement climatique sur la dynamique des finances publiques.</p>
<p>Pour le groupe O++ (les pays les plus vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes et qui présentent par ailleurs une forte vulnérabilité macrofinancière), la priorité serait d’atténuer le coût associé à un choc climatique à court terme, tout en prévenant l’augmentation de la dette publique afin de préserver la solvabilité publique à moyen et long terme.</p>
<p>Pour ce faire, un système d’assurance publique internationale pourrait apparaître comme un instrument adapté pour amortir le coût des chocs climatiques sans dégrader la dynamique d’endettement public.</p>
<p>Les « Climate Resilience Debt Clause » (CRDC) seraient aussi utiles à condition d’être déployés par un large éventail de créanciers. Ces « Climate Resilience Debt Clause » désignent un mécanisme contractuel par lequel le créancier accepte de renoncer temporairement au remboursement des intérêts (et parfois du principal) d’un prêt en cas d’événement climatique extrême.</p>
<p>Un certain nombre d’autres outils, tels que les prêts de contingence, dont le(s) décaissement(s) est/sont déclenché(s) par la survenance d’un choc climatique, peuvent être particulièrement adaptés dans certains cas. Ils doivent toutefois être utilisés avec précaution, car ils sont susceptibles de générer un endettement supplémentaire qui augmenterait la vulnérabilité macrofinancière des pays qui en bénéficient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-financer-les-politiques-climatiques-en-amerique-latine-et-dans-les-cara-bes-220866">Comment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?</a>
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<p>Pour les pays de la catégorie C++ (vulnérables à une dégradation chronique des conditions climatiques et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée), la stratégie se concentrerait en priorité sur la reconstitution d’une marge de manœuvre budgétaire à court terme pour soutenir les efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Pour les États les plus vulnérables financièrement, un processus concerté de restructuration de la dette publique peut parfois être le seul moyen de retrouver une dynamique soutenable de la dette publique. Pour des États qui présentent une vulnérabilité financière plus modérée, les « swaps dette-climat », mais aussi les « sustainability-linked bonds », parmi d’autres instruments, peuvent permettre de soutenir l’effort d’investissement dans l’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Le mécanisme le plus courant de « swap dette-climat » consiste en un rachat de dette (généralement des obligations souveraines) par l’émetteur à un prix réduit. La différence entre les flux de trésorerie attendus avant et après le rachat est allouée (partiellement ou totalement) aux investissements d’adaptation ou d’atténuation. Quant aux « sustainability-linked bond », il s’agit d’un financement obligataire accordé en contrepartie de l’atteinte d’indicateurs de performance de type « durable » ou « climat » par l’émetteur.</p>
<p>Ces différents instruments peuvent devenir une composante d’une stratégie financière globale pour le financement de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Terrieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude suggère une classification des pays en fonction de leur endettement et de leur exposition aux risques environnementaux pour adapter les outils financiers au cas par cas.Maxime Terrieux, Economiste risque pays, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260412024-03-18T15:33:28Z2024-03-18T15:33:28ZSanctions internationales : comment les banques prêtent en fonction de leur localisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582514/original/file-20240318-22-vmm5qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C1598%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le quartier d'affaires de Francfort-sur-le-Main.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Skyline_Frankfurt_am_Main_%28jha%29.jpg">Nicoals Scheuer/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec l’invasion de l’Ukraine en 2022 par la Russie, la question des sanctions a été de nouveau posée, et, en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/sanctions-ue-contre-la-russie-un-impact-difficilement-mesurable-5792317">particulier celle des sanctions économiques et financières</a>. Régulièrement utilisées depuis la Seconde Guerre mondiale, ces mesures – y compris les embargos sur les armes et les restrictions sur les voyages et le commerce – sont devenues des outils indispensables de la politique étrangère pour punir ou influencer le comportement de personnes ou d’organisations particulières. Cependant, <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/36/11/4417/7160932">nos dernières recherches</a> montrent que même les sanctions universellement adoptées peuvent perturber le système financier mondial, faute d’être appliquées partout de la même façon.</p>
<p>La logique sous-tendant les sanctions financières est de cibler des acteurs particuliers – telles que les décideurs et les grandes industries – afin de décourager le pays sanctionné d’enfreindre le droit international ou d’agir de manière agressive. Le tout en limitant les conséquences négatives pour les populations civiles. Ces sanctions sont dites intelligentes puisqu’elles n’interdisent que certaines transactions avec le pays visé.</p>
<p>En conséquence, les institutions financières doivent examiner minutieusement les opportunités commerciales pour s’assurer qu’elles restent dans la légalité. C’est d’autant plus important que le non-respect de ces sanctions peut entraîner des pénalités considérables. En 2015, par exemple, BNP Paribas a dû payer une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/01/la-bnp-paribas-formellement-condamnee-a-une-amende-record-aux-etats-unis_4626207_3234.html">lourde amende pour ne pas avoir respecté les sanctions contre le Soudan, Cuba et l’Iran</a>.</p>
<h2>Un arbitrage coûts-bénéfices</h2>
<p>Les sanctions imposent des coûts de mise en conformité supplémentaires à une banque, pour satisfaire à certaines obligations de déclaration. Ces institutions financières devront aussi s’assurer de la légalité des transactions, ce qui induit un coût supplémentaire de contrôle. La banque devra également intégrer les possibles frais de contentieux et le risque de réputation en cas d’échec de ces contrôles.</p>
<p>Comprendre comment ces coûts et ces risques modifient les décisions de prêt constitue l’objet de notre recherche. Nous avons posé l’hypothèse que la décision d’une banque de prêter dans des pays sanctionnés dépendra de l’arbitrage entre les bénéfices escomptés et les coûts de diligence raisonnable et, éventuellement, des litiges. Or, ces coûts varient considérablement d’un pays à l’autre.</p>
<p>En Allemagne, où le coût de la main-d’œuvre est élevé, l’embauche de personnes chargées d’effectuer les contrôles préalables est onéreuse. Les lois strictes sur la protection des données y augmentent également le coût des contrôles. Dans d’autres pays, ces dépenses peuvent être moins élevées, ou le gouvernement peut ne pas avoir les ressources nécessaires pour faire respecter la conformité, ce qui réduit la probabilité des litiges.</p>
<h2>Une question d’emplacement</h2>
<p>Grâce aux données fournies par la banque centrale allemande, la Deutsche Bundesbank, nous avons pu étudier le comportement des banques de ce pays dans le monde entier. Les banques allemandes sont également tenues d’enregistrer le montant des prêts accordés par leurs filiales étrangères dans tous les pays. Ainsi, l’ensemble de ces données indique le montant des prêts accordés par chaque banque allemande à l’étranger entre 2002 et 2015.</p>
<p>Cette étude révèle des différences marquées dans la façon dont les banques allemandes ont réagi aux sanctions suivant le pays où elles se trouvent. Les banques situées outre-Rhin ont fortement réduit leurs positions dans les pays visés par les sanctions. En revanche, leurs filiales à l’étranger ont, en moyenne, augmenté leurs prêts par rapport à leurs « banques-mères » en Allemagne et, dans certains cas, en termes absolus. Le comportement des filiales variant d’un pays à l’autre, il nous fallait donc un indicateur pour classer les pays en fonction des coûts liés aux sanctions qu’ils imposent. Cela dépend de la qualité des institutions et des politiques de lutte contre la criminalité de ces pays.</p>
<h2>Instaurer des règles du jeu justes</h2>
<p>Fondé en 1989, le <a href="https://www.fatf-gafi.org/en/home.html">Groupe d’action financière</a> (GAFI) est une organisation intergouvernementale qui fixe des normes internationales permettant aux autorités nationales de lutter contre les fonds illicites liés au blanchiment d’argent, au terrorisme et à d’autres menaces pour l’intégrité du système financier international. Notre analyse a montré que les banques allemandes affiliées situées en dehors du GAFI ont augmenté leurs positions dans les pays sanctionnés de 95 % en moyenne par rapport aux banques allemandes situées dans le GAFI. Ce chiffre atteint 151 % dans les pays figurant sur la liste noire des pays non conformes aux règles du GAFI.</p>
<p>Ces indicateurs suggèrent que les décisions de prêt dépendent <em>in fine</em> d’un compromis entre la saisie d’opportunités d’investissement rentables d’une part et les coûts de diligence et ceux d’éventuels litiges de l’autre. L’une des principales conclusions à en tirer est que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Les banques situées dans des pays où les normes d’intégrité sont moins strictes semblent trouver plus attrayant de prêter dans les pays sanctionnés.</p>
<p>Même si les régulateurs collaborent pour harmoniser les règles et les normes financières entre les pays, en vue d’aplanir toute irrégularité réglementaire pour la concurrence bancaire internationale, notre analyse montre que cela ne va pas assez loin. Pour garantir des conditions de concurrence équitables, il est essentiel de s’assurer que tous les pays respectent véritablement ces sanctions.</p>
<p>Ces conclusions sont probablement valables au-delà du domaine des sanctions et peuvent s’étendre à d’autres domaines de la réglementation internationale. En effet, les décideurs politiques cherchent également à harmoniser les réglementations financières des banques, par exemple dans le domaine de l’effet de levier. Nos travaux suggèrent en définitive que les décideurs politiques doivent veiller avec la même attention à ce que tous les pays appliquent ces réglementations financières dans le même sens, avec la même détermination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>
Bourse de 5000 EUR de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), « Investissements d'Avenir » (LabEx Ecodec/ANR-11-LABX-0047). La Deutsche Bundesbank (banque centrale allemande) a fourni un accès sur place à la base de données External Position Report et un hébergement gratuit dans les locaux de la banque centrale pendant les visites de recherche de l’auteur.</span></em></p>Comment réagissent les banques aux sanctions financières imposées par les États ? Selon une étude s’intéressant aux banques allemandes, l’arbitrage dépend notamment de la qualité du contrôle.Matthias Efing, Associate professor of finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2243902024-02-27T16:11:29Z2024-02-27T16:11:29ZMusique : « Y’a d’la rumba dans l’air » autour du rachat de Believe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577922/original/file-20240226-16-arnx1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1182%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’entreprise française Believe n’est cotée en bourse que depuis juin 2021.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/795492">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 12 février 2024, un consortium composé des fonds d’investissement TCV, EQT et de son PDG, Denis Ladegaillerie, ont annoncé vouloir racheter l’ensemble des actions de Believe, entreprise française de musique numérique et de services pour les artistes et les labels, ainsi que leur <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/musique-un-consortium-va-monter-au-capital-de-believe-retrait-de-la-bourse-en-vue-2075605">intention de retirer de la bourse la société</a>. Cela passe par le rachat déjà acté à hauteur de 75 % des participations des anciens actionnaires (TCV Luxco BD, Ventech, XAnge, le PDG et d’autres actionnaires) et le lancement d’une OPA sur le solde.</p>
<p>Le prix de l’offre a été fixé à 15 euros par action, soit une prime de 21 %. Le consortium précise également que la prime est de 43,8 % et 52,2 % par rapport à la moyenne pondérée par les volumes sur les 30 et 120 derniers jours. Le conseil d’administration de Believe a accueilli favorablement cette offre sous réserve de la confirmation par un expert indépendant du caractère équitable du prix de l’offre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1756939740614361596"}"></div></p>
<p>Pourtant, les analystes de Stifel recommandent aux actionnaires de <a href="https://www.tradingsat.com/believe-FR0014003FE9/actualites/believe-believe-le-titre-bondit-pour-sa-reprise-de-cotation-1105401.html">ne pas apporter leurs actions à l’offre</a>, qui ne valoriserait pas l’entreprise à sa juste valeur. Comme l’indique le site spécialisé en finances Vernimmen, <a href="https://www.vernimmen.net/Lire/Posts.php">« Cherchez l’erreur »</a>…</p>
<h2>Un parcours boursier chaotique</h2>
<p>Selon son rapport annuel 2022, Believe accompagne aujourd’hui <a href="https://www.believe.com/fr/investisseurs/information-reglementee">1,3 million d’artistes</a> (comme Jul ou Benjamin Biolay), notamment en les connectant aux plates-formes de musique digitale (Spotify, Deezer, etc.). La société a été introduite en bourse le 10 juin 2021 au prix de 19,5 euros l’action dans le bas de la fourchette annoncée (19,5-22,5 euros) et a récolté à cette occasion 300 millions d’euros.</p>
<p>Dès le premier mois de cotation, le cours a perdu près de 30 % de sa valeur et a poursuivi sa descente aux enfers au cours du temps à part un timide et éphémère rebond fin 2021. L’annonce de son retrait prochain de la cote est donc à la fois surprenant par sa rapidité – l’entreprise sera restée cotée moins de 3 ans – et compréhensible car elle n’a jamais enregistré une performance boursière correcte.</p>
<p><iframe id="S0Kdg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S0Kdg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Une activité en forte croissance</h2>
<p>Pourtant, Believe n’a cessé de croître au cours de cette période à la fois par des rachats de concurrents et par croissance organique. Le PDG indique d’ailleurs à l’occasion de l’annonce de l’opération :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons atteint <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/notre-offre-est-la-plus-attractive-possible-pour-les-actionnaires-dit-le-patron-de-believe-2075758">avec quasiment deux ans d’avance l’intégralité des objectifs</a> que nous nous étions fixés à l’époque de notre introduction en bourse. Nous avons surperformé de manière significative nos objectifs, tant au niveau opérationnel que sur celui des résultats financiers. »</p>
</blockquote>
<p>Et les prévisions de croissance pour les années à venir sont du même tabac selon la base de données financières Factset.</p>
<p><iframe id="y0Cuv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/y0Cuv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Des marges d’exploitation en progression</h2>
<p>À la faveur du développement de l’activité, la marge d’exploitation, qui mesure la viabilité d’une entreprise, s’améliore également au cours du temps et ce mouvement devrait se poursuivre à l’avenir.</p>
<p><iframe id="4mk55" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4mk55/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’entreprise n’a par ailleurs aucun problème d’endettement avec une dette financière nette (dettes financières – trésorerie) négative de 271,9 millions d’euros au 31 décembre 2022.</p>
<p>Alors, comme se fait-il que la sortie soit prévue avec une telle décote par rapport à une introduction aussi récente ?</p>
<h2>Juges et parties</h2>
<p>Le conseil d’administration a émis un avis favorable sur l’opération. Mais pouvons-nous être surpris ? Si l’on regarde sa composition, la majorité des administrateurs sont parties prenantes à l’opération à la fois en en tant qu’acheteur et/ou vendeur. Il y a néanmoins quatre administrateurs indépendants dont <a href="https://www.believe.com/fr/investors/newsroom/un-consortium-compose-de-denis-ladegaillerie-fondateur-et-directeur-general-de">trois auront d’ailleurs la charge de travailler avec l’expert indépendant</a> sur le caractère équitable du prix de l’offre de sortie.</p>
<p>On pourrait certes tabler sur la déception de ceux qui vendent leur participation, mais il nous manque, sauf erreur de notre part, deux informations cruciales. D’une part, nous ne savons pas à quel prix ils sont rentrés historiquement dans le capital, et 15 euros n’est peut-être pas une si mauvaise affaire, même si elle est décevante.</p>
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<p>D’autre part, les fonds, en raison de leurs propres mécanismes de financement, sont souvent soumis à des échéances pour sortir de leurs investissements (ils utilisent par exemple des fonds fermés avec des échéances de clôture déterminées à l’avance et doivent solder leurs participations avant l’échéance avant de rendre l’argent à leurs investisseurs modifié des plus ou moins-values) et nous ne les connaissons pas non plus.</p>
<h2>Recherche de rendements excessifs</h2>
<p>Reste que, grâce aux 300 millions d’euros qui ont été levés en 2021 et conformément aux objectifs qui avaient été fixés à l’introduction, l’entreprise a financé avec réussite sa croissance interne et externe. Alors que des résultats positifs sont attendus, les investisseurs (non contrôlant) qui seraient entrés en 2021 et restés jusque-là repartent pourtant avec une forte moins-value de 23 %.</p>
<p>Nous verrons si tous acceptent de sortir alors que les perspectives sont au plus haut et si le prix actuel de l’offre permet de convaincre suffisamment d’actionnaires pour mettre en œuvre un retrait de la cote obligatoire (« squeeze-out ») comme souhaité par les promoteurs de l’opération.</p>
<p>Comme l’indique Vernimmen :</p>
<blockquote>
<p>« Soit le prix de l’introduction était bon et dans ce cas, le prix de sortie est sous-évalué, et on lira avec intérêt le rapport de l’expert indépendant (Ledouble). Soit il n’était pas bon et le prix de sortie est correct »</p>
</blockquote>
<p>Cela pose le problème de la valorisation lors des introductions et des sorties de la bourse, de la course aux mandats des banquiers, de la recherche de rendements excessifs des fonds d’investissement au détriment des investisseurs traditionnels, dont les particuliers. Enfin, cette situation interroge le rôle des organismes de surveillance de la place (l’Autorité des marchés financiers, AMF). Cela donne également une mauvaise image de la bourse en général et de la place de Paris en particulier. Comme le chanterait Alain Souchon, « Y’a de la rumba dans l’air » !</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZgDpyppaa74?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Alain Souchon, « Y’a de la rumba dans l’air ».</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/224390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de la FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises). Il détient à titre personnel des actions Believe achetées il y a deux ans. </span></em></p>La société de services et de distribution musicale a annoncé son intention de se retirer de la bourse de Paris malgré de bons résultats économiques. Pourquoi ?Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1986312024-02-14T14:28:35Z2024-02-14T14:28:35ZL’IA, un outil pour mieux prédire les faillites d’entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506630/original/file-20230126-31491-4jql0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=178%2C86%2C1713%2C1350&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de défaillances a atteint 4279 en août 2023 contre 3935 un an plus tôt.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/dBI_My696Rk">Chris Liverani/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À mesure que les dispositifs d’aides aux entreprises mis en place face à la crise du Covid-19 touchent à leur fin, de plus en plus de sociétés sont placées en liquidation ou en redressement judiciaire. Selon les chiffres publiés en septembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le nombre de défaillances a ainsi atteint <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015359">4 279 en août 2023</a> contre 3 935 un an plus tôt, renouant avec son niveau d’avant-crise.</p>
<p>Qu’en sera-t-il dans les prochains mois, avec une <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/croissance-la-banque-de-france-abaisse-encore-ses-perspectives-mais-exclut-toujours-une-recession-en-2024-986135.html">croissance au ralenti</a> et dans un contexte économique et politique qui reste <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/economie-mondiale-les-cinq-facteurs-de-lincertitude-2026362">dans l’ensemble marqué par l’incertitude</a> ? Pour une vision la plus fine possible des évolutions économiques et financières, les modèles statistiques traditionnels utilisés par l’industrie financière pourraient être complétés par de nouveaux outils basés sur l’intelligence artificielle (IA). Les travaux scientifiques s’interrogent sur les avantages et les inconvénients de ces modèles d’IA.</p>
<p><iframe id="6cUyi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6cUyi/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En effet, rappelons que parmi les applications diverses de l’IA, un domaine se distingue particulièrement : la prévision de phénomènes variés, allant des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/l-intelligence-artificielle-surpasse-les-modeles-classiques-de-previsions-meteo-selon-une-etude-9631292">conditions météorologiques</a> aux <a href="https://www.bfmtv.com/tech/intelligence-artificielle/chat-gpt-serait-efficace-pour-predire-l-impact-de-l-actualite-sur-les-cours-de-bourse_AV-202304130234.html">tendances boursières</a> en passant par la prédiction de la faillite des entreprises. Utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique, l’IA, alimentée par un grand nombre de données, est entraînée à reconnaître les signes précurseurs de difficultés financières, et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EBR-12-2018-0209/full/html">évalue ainsi le risque de faillite</a>. En outre, les différents modèles de prévision de faillite d’entreprises incorporant l’IA s’améliorent progressivement à mesure qu’ils intègrent de nouvelles informations.</p>
<h2>Les modèles classiques surpassés</h2>
<p>Concrètement, les différents modèles d’IA utilisés dans la prévision de faillite sont alimentés par des données financières (bilans, comptes de résultat, dettes, effet de levier, ratios de liquidité, etc.), des données opérationnelles (flux de trésorerie, taille de l’entreprise, secteur d’activité, chaîne d’approvisionnement, etc.) et des données externes (conditions du marché, concurrence, changements technologiques, indicateurs économiques, etc.).</p>
<p>L’une de nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0275531922002306">études</a> propose une nouvelle approche pour la prédiction de faillite basée sur l’apprentissage automatique hybride, exploitant la complémentarité des méthodes traditionnelles et de l’IA. Il en ressort que cette approche dépasse les méthodes statistiques classiques utilisées par les banquiers en permettant d’améliorer la précision de la prédiction. Par exemple, parmi tous les modèles testés sur un horizon d’un an, l’apprentissage automatique hybride a été le plus précis avec un pouvoir de prédiction exceptionnel atteignant 95,11 %.</p>
<p>Une autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0040162521000901">étude</a> a mis en lumière les qualités d’un algorithme sophistiqué d’apprentissage automatique appelé CatBoost, conçu pour classifier et prédire les faillites d’entreprises. Cette approche, comparée et testée par rapport à huit autres méthodes traditionnelles, a été appliquée à des données relatives aux faillites d’entreprises françaises entre 2014 et 2016. La prévision moyenne à un an, deux ans et trois ans des huit modèles classiques varient entre 65,38 % et 80,34 % alors que la prédiction moyenne du modèle d’IA est de 82,90 %, mettant en évidence sa supériorité. De plus, ce modèle d’IA permet de prendre en considération des données textuelles par exemple, les textes des rapports d’activités financières et extrafinancières, devenus essentiels dans la compréhension des stratégies d’entreprises.</p>
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<img alt="Illustration d’IA" src="https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574420/original/file-20240208-28-m3prdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les différents modèles de prévision de faillite d’entreprises incorporant l’IA s’améliorent progressivement à mesure qu’ils intègrent de nouvelles informations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/main-doigt-futur-robot-8386440/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11156-023-01192-x">étude</a> confirme la supériorité des modèles d’IA en termes de précision de la prévision. Celle-ci compare la performance de huit modèles classiques dans la prédiction de faillite d’entreprises françaises entre 2013 et 2017 à un autre modèle d’IA nommé XGBoost, qui prévoit correctement la détresse financière d’une entreprise en moyenne à hauteur de 84,7 %. Celui-ci a l’avantage de détecter des signes de défaillance jusqu’à cinq ans avant la faillite. De plus, ce modèle est hautement interprétable et révèle l’importance relative des diverses caractéristiques financières (variables comptables notamment), ce qui augmente sa transparence et sa crédibilité vis-à-vis des parties prenantes.</p>
<p>Les perspectives de la prédiction de faillite d’entreprise grâce à l’IA s’avèrent donc prometteuses. Dans des années futures, les techniques d’IA pourraient être capables d’analyser les risques en temps réel facilitant ainsi une réponse plus prompte et adaptée des entreprises face à des environnements changeants. Elles pourront notamment incorporer des sources de données complémentaires telles que les tendances des médias sociaux, les événements géopolitiques ou les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance pour enrichir leurs analyses.</p>
<h2>D’importants défis à relever</h2>
<p>Toutefois, les bouleversements économiques mondiaux, tels que la pandémie de Covid-19, ont révélé la capacité de changements rapides et imprévus à affecter drastiquement le paysage économique, défiant ainsi tous les modèles prédictifs. L’IA n’est pas la solution à tout. D’abord, la précision de ces outils dépend fortement de la disponibilité de données abondantes, fiables et de haute qualité. Par ailleurs, la complexité et l’intrication croissantes des chaînes d’approvisionnement mondiales rendent la prédiction des faillites toujours plus difficile.</p>
<p>De manière générale, lors de crises majeures, la fiabilité des modèles IA basés sur des données historiques peut se trouver compromise, ces données ne reflétant pas nécessairement l’état actuel ou futur des marchés et des conditions opérationnelles.</p>
<p>La sophistication croissante des outils d’IA soulève également des questions sur leur crédibilité. Pour maintenir la confiance des acteurs du secteur économique et financier et assurer la conformité avec les réglementations en vigueur, il est donc essentiel que ces systèmes avancés demeurent <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2023-4-page-179.htm?tap=m5veupicel5fa&wt.mc_id=crn-tap-a-762406">compréhensibles et transparents</a>_ dans leurs processus de décision, au risque de soulever des problèmes éthiques conduisant à interdire leur utilisation.</p>
<p>Enfin, bien que l’IA représente une aide dans la prédiction de la faillite, son efficacité est dépendante de l’analyse par des experts en organisation. La connaissance et la compréhension en profondeur des écosystèmes d’affaires restent en effet indispensable. Elles constituent un pré requis pour construire et interpréter ces outils afin que les décisions prises soient non seulement basées sur des données fiables, mais également fondées sur une vision stratégique et contextuelle.</p>
<p>À l’aune des connaissances actuelles, les modèles d’IA dans la prévision de la détresse financière sont imparfaits mais permettent de réduire l’incertitude des écosystèmes entourant les entreprises. À cet égard, ils peuvent permettre d’améliorer la coordination des acteurs tels que les banques, les régulateurs, etc.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198631/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs études comparant des techniques fondées sur l’intelligence artificielle par rapport aux méthodes classiques relèvent une plus grande précision des nouveaux modèles.Vanessa Serret, Professor, IAE Metz School of Management – Université de LorraineSami Ben Jabeur, Maître de conférences, ESDES Lyon Business School, Université catholique de Lyon (UCLy)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208842024-01-17T16:46:43Z2024-01-17T16:46:43ZDepuis la crise de 2008, la financiarisation du marché de l’immobilier s’est accélérée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568608/original/file-20240110-29-m7kabg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C46%2C1180%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les sociétés foncières et les sociétés de gestion de portefeuille jouent un rôle de plus en plus important sur le marché immobilier. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1440167">Mohamed Hassan/Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est extrait du livre <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/lempire-urbain-de-la-finance/">« L’empire urbain de la finance. Pouvoirs et inégalités dans le capitalisme de gestion d’actifs »</a> publié par Antoine Guironnet et Ludovic Halbert aux Éditions Amsterdam en novembre 2023</em>.</p>
<hr>
<p>Quinze ans après la crise financière mondiale déclenchée par l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, l’imbrication entre marchés financiers et marchés immobiliers est toujours à l’œuvre. À l’issue de sa visite en France en 2019, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit au logement convenable s’inquiétait publiquement de ce que « la financiarisation du logement – lorsque le logement est mis en avant et utilisé comme instrument financier plutôt que comme bien social – <a href="http://ohchr.org/fr/2019/04/end-mission-statement-special-rapporteur-right-adequate-housing-presents-her-preliminary">prenne rapidement de l’ampleur</a> » dans ce pays. Plus récemment, des élus de gauche de grandes métropoles françaises <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-des-elus-de-gauche-appellent-a-la-regulation-du-foncier-face-a-la-crise-du-logement-4136367">exprimaient le même genre de craintes</a>, en dénonçant « une spéculation inédite [qui] transforme aujourd’hui les logements en actifs financiers » et contraint les classes moyennes et populaires au départ.</p>
<p>La financiarisation des villes, sous diverses acceptions, mobilise ainsi de plus en plus <a href="https://www.greens-efa.eu/en/article/document/my-home-is-an-asset-class">l’attention politique et médiatique</a>. C’est tout un imaginaire lourd de menaces qui affleure à la convocation de ce terme. Monsieur Vautour, l’intraitable propriétaire du théâtre boulevardier napoléonien, les sociétés immobilières éventrant les rues de Paris sous Haussmann, la touristification des centres-villes par les plates-formes de type Airbnb : ces figures et phénomènes évoquent le spectre de la spéculation et ses effets délétères pour les populations locales. […]</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait des frères Émile et Isaac Pereire" src="https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=937&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=937&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568615/original/file-20240110-24-8xi0dv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=937&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les frères Émile et Isaac Pereire (Le Monde illustré, 1863).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A8res_Pereire#/media/Fichier:Fr%C3%A8res_pereire.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une longue histoire</h2>
<p>Les espaces urbains ont joué un rôle précurseur et actif dans ce processus. Dès le XIX<sup>e</sup> siècle, des sociétés cotées en bourse se spécialisent dans l’immobilier et les infrastructures des grandes agglomérations françaises (chemins de fer, canaux). Une telle propriété urbaine actionnariale a assuré la fortune – et causé la banqueroute ! – de grandes figures du capitalisme d’alors, à l’image des frères Pereire.</p>
<p>Mais sa spécificité contemporaine tient à ce que le monde de la gestion d’actifs immobiliers, avec ses acteurs, ses techniques et ses rationalités propres, est aujourd’hui au faîte de l’articulation entre marchés financiers et immobiliers. Voici une vingtaine d’années désormais qu’une masse croissante de capitaux financiers se déverse dans l’immobilier des grandes villes, dans des proportions et avec une portée spatiale inédites. […]</p>
<p>Les marchés financiers forment en effet une vaste infrastructure financière de portée mondiale à travers laquelle l’épargne des individus, des entreprises ou des États est drainée et centralisée par des gérants d’actifs chargés de la faire fructifier. Dans le cas de l’achat de bâtiments destinés à être mis en location et revendus à plus ou moins longue échéance, deux grands types prédominent : des sociétés foncières, dont certaines sont cotées en bourse, et des sociétés de gestion de portefeuille qui créent des fonds d’investissement dédiés à l’immobilier.</p>
<h2>Des sociétés méconnues</h2>
<p>Dans les deux cas, le principe reste le même : en achetant des parts de sociétés ou de fonds immobiliers, les clients-investisseurs cherchent à réduire les risques et à diversifier leurs revenus par rapport aux autres placements habituels (actions d’entreprises cotées en bourse dans d’autres secteurs, dette des États, produits dérivés, devises, etc.). À charge pour les gérants d’actifs administrant leurs capitaux de trouver les moyens de leur verser des bénéfices attractifs en s’emparant des lieux de travail, de consommation, de loisir et d’habitat.</p>
<p>Méconnues du grand public, ces sociétés sont pourtant propriétaires de nombreuses adresses. Les centres commerciaux des Halles à Paris, de Part-Dieu à Lyon et d’Euralille appartiennent à Unibail-Rodamco-Westfield, l’un des leaders mondiaux de l’immobilier commercial. Dans le domaine résidentiel, la SNCF a réuni 4 000 de ses logements dans un fonds pour en céder une partie à un consortium d’investisseurs, dont l’Établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique et l’allemand Vonovia, alter ego d’Unibail pour le logement. Les résidences avec services pour étudiants ou personnes dépendantes ont également le vent en poupe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du centre commercial des Halles à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568612/original/file-20240110-17-g10duy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le centre commercial des Halles à Paris, propriété d’Unibail-Rodamco-Westfield, l’un des leaders mondiaux de l’immobilier commercial.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Patio_Place_Pina_Bausch_-_Paris_I_%28FR75%29_-_2021-06-17_-_3.jpg">Chabe01/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si <a href="https://theconversation.com/grand-age-et-dependance-un-an-apres-l-affaire-orpea-ou-en-est-on-199431">Orpea a tristement défrayé la chronique</a> pour le traitement réservé à ses locataires, peu de gens savent que cette société cotée en bourse est devenue un mastodonte détenant près de 100 000 lits pour personnes dépendantes dans le monde. Dans la logistique, on ne compte plus les entrepôts aux périphéries des agglomérations qui appartiennent à des géants du secteur comme Prologis ou Goodman, cotés en bourse.</p>
<p>Ce panorama serait incomplet si l’on n’évoquait pas l’immobilier de bureau, terrain de prédilection du secteur, depuis les immeubles haussmanniens de la capitale jusqu’aux tours de La Défense, en passant par les innombrables bâtiments modernes qui ont essaimé dans les grandes opérations d’urbanisme des métropoles ces vingt dernières années.</p>
<h2>Cinq fois le PIB de la France</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture du livre « L’empire urbain de la finance : Pouvoirs et inégalités dans le capitalisme de gestion d’actifs », d’Antoine Guironnet et Ludovic Halbert" src="https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568607/original/file-20240110-27-fze6s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« L’empire urbain de la finance : Pouvoirs et inégalités dans le capitalisme de gestion d’actifs », d’Antoine Guironnet et Ludovic Halbert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editionsamsterdam.fr/lempire-urbain-de-la-finance/">Éditions Amsterdam, novembre 2023</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au total, les analystes tablent sur <a href="https://www.msci.com/documents/10199/8f62c2a3-8374-cbf9-a7d2-a8c2c5e63e62">11 500 milliards de dollars en 2021</a> à l’échelle mondiale, soit cinq fois le PIB annuel de la France et un <a href="https://irei.com/wp-content/uploads/2019/08/2019_PFR_IREI-REPORTEuros.pdf">doublement des actifs depuis la crise financière de 2007-2008</a> qui n’a représenté tout au plus qu’une parenthèse. Les estimations pour la France avancent une valeur de <a href="https://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311408829-management-de-l-immobilier">365 milliards d’euros en 2019 et une progression de 80 % en une dizaine d’années</a>, soit un secteur qui contrôlerait un tiers du patrimoine immobilier d’entreprise (bureaux, logistique, commerces).</p>
<p>Une proportion qui varie évidemment en fonction des échelles et des territoires, selon que l’on considère le parc de bureaux du quartier central des affaires parisien, détenu dans sa « quasi-intégralité » par des gérants d’actifs, à l’échelle de la ville de Paris où leur part s’établit à un <a href="https://esprit.presse.fr/article/nappi-choulet-ingrid/le-logement-laisse-pour-compte-de-la-financiarisation-de-l-immobilier-36584">mètre carré sur deux</a>, ou encore le logement dont ils possédaient moins de 2 % à l’échelle nationale en 2011.</p>
<p>La tendance était d’ailleurs à la hausse, au moins jusqu’à l’éclatement de la pandémie de Covid-19, avec environ <a href="https://www.knightfrank.fr/blog/2023/01/17/les-marches-immobiliers-francais-bilan-et-perspectives">25 milliards d’euros investis annuellement sur la dernière décennie</a>. Soit presque l’équivalent, chaque année, du coût de 70 stades de France !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220884/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les analystes, le montant de l’ensemble des actifs a doublé depuis l’éclatement de la bulle immobilière américaine. En France, leur valeur a progressé de 80 % en une décennie.Antoine Guironnet, Chercheur Post-Doctorant, Sciences Po Ludovic Halbert, Chargé de recherche CNRS au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS) de l’Université Paris-Est et maître de conférences, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208782024-01-16T16:19:30Z2024-01-16T16:19:30ZLe Monopoly et le Catan : deux façons bien différentes d’enseigner l’économie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568687/original/file-20240110-23-k7lhdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Très populaire, le Catan est un jeu dans lequel les joueurs doivent étendre leur territoire à partir de ressources qu'ils peuvent s'échanger.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lansun/5024733655/in/photolist-8E25fT-KjhTu-dRPniF-5VczsF-8WGtP7-7e7FDA-eduzWG-6WVm3Y-U62Jna-aigsb-4UHfE7-6GUs7d-5PXwac-288pVAa-2m5JiwU-2oqLnvy-2jQFWnK-2kkewtr-4aSryc-2dQQrKz-SUo7ku-7HSQ7f-26mfQ-4nrhMG-6dTmyV-zrdUN-9pUEcG-8BsNq-qwmVq-7CNS1i-3cbEqj-FjFgXo-2iRCVs8-NmTED6-2ovekfA-QEG1hp-s1YyuE-BHVSd-2owP2nZ-9ccd2F-6pgGuw-cLr4Tu-cLkMYG-6pgGHy-ATzqVo-6pcyGF-6pcyF4-DUfJA-Gb4Dqs-4aSrB6">Andy Chow</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle a vu l’émergence de nouveaux <a href="https://theconversation.com/topics/loisirs-21601">produits de divertissement</a> d’une diversité et d’une quantité jamais vues. Les propositions numériques, certes, dominent nos loisirs avec les jeux vidéo, les chaînes de streaming et les podcasts. Mais au milieu de tant d’écrans, il est presque surprenant qu’un produit analogique, dont les racines remontent aux origines de notre civilisation, fasse un <a href="https://www.caminteresse.fr/histoire/levolution-fascinante-des-jeux-de-societe-a-travers-lhistoire-11189230/">retour en force</a> : le <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-25850">jeu</a> de société.</p>
<p>Ils sont populaires depuis des siècles. Les produits créés au XX<sup>e</sup> siècle tels que le Risk, le Trivial Pursuit ou le Monopoly sont probablement les plus connus. Au-delà de ces classiques, le Vieux Continent et plus particulièrement l’Allemagne en a développé de nouveaux, que l’on appelle « eurogames » ou jeux de style européen, dont le premier grand succès fut le Catan, lancé en 1995.</p>
<p>Depuis lors, le phénomène <em>eurogame</em> a transformé ces loisirs au point que l’on peut trouver des caractéristiques typiques de ce genre dans n’importe quel jeu de société moderne : des scénarios dans lesquels les joueurs doivent combiner différents mécanismes afin d’atteindre le succès ; des conditions de victoire conçues de manière à ce qu’aucun joueur ne soit exclu du jeu ou n’ait aucune chance de gagner ; un impact minimisé si ce n’est éliminé du hasard afin que le vainqueur soit le joueur qui a pris les meilleures décisions.</p>
<p>Au-delà du divertissement, les jeux font appel à une partie très importante de notre cerveau, si nous nous définissons, comme le propose le philosophe Johan Huizinga comme <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2015-1-page-61.htm"><em>Homo ludens</em></a>. Selon lui, ce qui définit l’existence humaine, c’est l’intérêt pour le jeu, toute la culture découlant de cet intérêt. L’idée peut être complétée par la <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1100290108">réflexion évolutionniste</a> suivante : l’apprentissage est ce qui définit l’espèce humaine, et la manière la plus efficace d’apprendre est de jouer. Tout jeu peut être considéré comme une machine d’apprentissage potentielle, puisque pour gagner un jeu, nous devons en comprendre les mécanismes, les objectifs que nous devons atteindre, et appliquer ces connaissances de manière critique pour prendre nos décisions et affiner nos stratégies.</p>
<p>Qu’apprend-on exactement en jouant lorsque le sujet du jeu est aussi important et potentiellement applicable à notre vie quotidienne que l’économie ? C’est un thème populaire dans les jeux de société classiques tels que le Monopoly, mais aussi dans les jeux modernes comme le Catan. Quels mécanismes chaque jeu simule-t-il, et pourquoi ?</p>
<h2>Spéculation et économie de marché</h2>
<p>La version du Monopoly que nous connaissons, publiée par Parker Brothers dans les années 1930, a été fortement inspirée, pour ne pas dire autre chose, par le jeu <em>The Landlord’s Game</em>, conçu par l’écrivaine féministe Elizabeth Magie au début du XX<sup>e</sup> siècle. L’intention de cette dernière était avant tout éducative : le jeu devait être un outil permettant de comprendre le grave problème causé par la concentration de la propriété entre quelques mains et la nécessaire intervention de l’État était nécessaire pour réguler le marché de la propriété. Quiconque a joué au Monopoly a pu constater que le jeu transforme ce concept en un produit de divertissement dans lequel les joueurs aspirent à s’enrichir en spéculant sur les biens, et où le hasard, plutôt que la compétence économique, détermine le gagnant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1682269176688447488"}"></div></p>
<p>Plus récent, nous avons le Catan, un jeu qui, comme tout bon Eurogame, combine plusieurs mécanismes qui interagissent les uns avec les autres. Tout d’abord, il met en avant l’importance de la géographie, car les positions de départ détermineront quelles ressources seront abondantes et quels joueurs y auront directement accès. Ensuite, personne ne pourra disposer de toutes les ressources par sa simple position : il se créera donc un marché libre dans lequel les joueurs devront acheter celles qui leur manquent. Leur abondance fluctuera en fonction de l’offre (contrôlée par la géographie et le hasard) et de la demande (définie par les besoins des joueurs).</p>
<p>Les capacités de négociation et de planification sont essentielles : au début, tout le monde aura besoin de bois et de briques pour construire des routes et des villes ; au fur et à mesure que le jeu progressera et que les joueurs tentent de transformer les villes en cités, le prix du minerai et du blé augmentera. Enfin, la diversité des stratégies possibles pour remporter la victoire amènera certains joueurs à se concentrer sur le développement du plus grand nombre de villes possible, tandis que d’autres achèteront des cartes de développement. Même celui qui est en retard sur le score pourra tenter d’allonger les routes et d’accéder aux ports pour faciliter le commerce.</p>
<h2>Un reflet de leur époque</h2>
<p>Le Monopoly et le Catan sont des jeux d’époques différentes, et il est clair que le second répond à un niveau de maturité beaucoup plus élevé de ce type de loisirs grâce à l’expérience accumulée par de nombreuses innovations mécaniques au cours des décennies qui les séparent.</p>
<p>Comme tout produit culturel, ces jeux reflètent la société dans laquelle ils sont nés, et chacun à sa manière nous enseigne quelles sont les stratégies qui mènent au succès, au moins au sein du jeu. Ils ne sont pas les seuls ; des milliers de nouveaux jeux de société sont publiés chaque année, et la diversité de leurs thèmes et de leurs approches s’est accrue de façon exponentielle depuis que Catan a vu le jour, il y a plus de 25 ans. Ainsi, peut-on recréer la révolution industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle dans <em>Brass : Birmingham</em>, créer une nouvelle économie verte sur une autre planète dans <em>Terraforming Mars</em>, ou encore mener une révolution ouvrière au XXI<sup>e</sup> siècle dans <em>Hegemony</em>.</p>
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<p>Dans quelle mesure le jeu pourrait-il nous aider à surmonter les défis actuels tels que la spéculation immobilière, les inégalités sociales ou l’urgence climatique ? Les jeux ont certes la <a href="https://www.ted.com/talks/jane_mcgonigal_gaming_can_make_a_better_world">capacité de transformer notre vision du monde</a>, mais ils n’enseignent pas tous des choses aussi utiles ou valables. Pour que les jeux soient des outils d’apprentissage utiles, nous aurons surtout besoin de la capacité critique d’extrapoler l’expérience du jeu en solutions viables dans le monde réel. Or, les règles et objectifs y sont beaucoup plus diffus que sur un plateau et nous devons parfois jouer même lorsque nous savons que les dés sont pipés contre nous. <em>Alea jacta est</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220878/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Rubio-Campillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Monopoly plonge dans un univers de spéculation, le Catan conduit les joueurs à élaborer un marché où s’échangent des ressources : deux façons d’appréhender des mécaniques de l’économie réelle.Xavier Rubio-Campillo, Investigador Ramón y Cajal en Humanidades Digitales y Didácticas Aplicadas, Universitat de BarcelonaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205082024-01-08T16:57:00Z2024-01-08T16:57:00ZFaire carrière dans la finance : eldorado ou prison dorée ?<p>Une belle opportunité pour les néo-diplômés, de hauts niveaux de salaires, une ambiance de travail jeune et une évolution de carrière très rapide… Telle est la <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/classements/linkedin-publie-son-top-25-des-entreprises-qui-offrent-les-meilleures-carrieres-1936076">façon dont sont souvent dépeintes les carrières</a> dans le <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">monde de la finance</a>. Un discours qui attire semble-t-il : de nombreuses écoles de commerce, d’ingénieurs ou des universités proposent ces filières spécialisées prisées par les étudiants. Plus précisément, les métiers de <a href="https://theconversation.com/topics/trader-22014">traders</a> et de vendeurs sur les marchés, d’analystes financiers également promettent des rémunérations pour la première embauche particulièrement lucratives qui font rêver un certain nombre de jeunes hommes et femmes. Afin de démarrer leur carrière avec des revenus très élevés, les jeunes banquiers d’affaires <a href="https://journals.openedition.org/lectures/421">ne craignent pas de travailler de nombreuses heures</a> en début de carrière.</p>
<p>Des discours qui ne suffisent plus toujours. Beaucoup de nouveaux arrivants sur le marché du travail ont leur exigence, que ce soit en termes de <a href="https://www.lefigaro.fr/decideurs/emploi/horaires-ecologie-qualite-de-vie-les-nouvelles-exigences-des-jeunes-loups-de-la-finance-20230912">qualité de vie</a> ou d’<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/lengagement-climatique-du-secteur-financier-un-critere-de-plus-en-plus-important-pour-les-jeunes-diplomes-2040678">engagement environnemental</a> par exemple. Une face sombre du secteur a également été mise en avant au cours de la dernière décennie par les publications de l’ancien trader <a href="https://theconversation.com/topics/jerome-kerviel-22012">Jérôme Kerviel</a> présentant l’ <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-engrenage-9782081238862.html">« engrenage »</a> dans lequel il s’est trouvé pris.</p>
<p>Nos <a href="https://agrh2021.sciencesconf.org/data/pages/Communication_AGRH_2021_Lescoat_De_Becdelievre.pdf">travaux</a> auprès de professionnels des marchés financiers pour la plupart expatriés dans les grandes capitales internationales questionnent ainsi le rêve que peuvent constituer ces professions sur le moyen et le long terme. Nous avons suivi une cohorte et interrogé une quarantaine de financiers qui exercent des métiers parmi les plus rémunérateurs (plus de 100 000 € les années les plus fastes) : traders, analystes <em>sell-side</em> et vendeurs. Ils semblent suivre un mouvement en deux étapes.</p>
<h2>Essoufflés après cinq années</h2>
<p>Dans les premiers temps, les traders expriment un véritable engouement pour l’activité et le contexte où elle se déroule. L’un d’entre eux revient pour nous sur ses cinq premières années d’expérience :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai bien aimé l’équipe, l’ambiance, les tâches et c’est pour cela que j’en suis arrivé là. »</p>
</blockquote>
<p>Tous paraissent très motivés par leur nouvel emploi et s’en disent très satisfaits. Dans cette première phase, le travail semble permettre à l’individu de trouver un certain bonheur personnel. Il y prend du plaisir et cela le conduit à être productif. La littérature qualifie parfois ces réflexions de « <a href="https://www.elgaronline.com/edcollchap/edcoll/9781782547020/9781782547020.00006.xml">sustainable career</a> », la carrière durable, un processus par lequel l’individu ajuste son travail et ses opportunités pour y trouver du sens. Le plaisir d’un travail intellectuellement stimulant, l’ambiance internationale des banques et le salaire élevé grisent les jeunes banquiers qui arrivent sur le marché du travail. La carrière dans la finance est pensée comme un eldorado à la fois pour l’argent et pour le prestige.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496421550295330817"}"></div></p>
<p>Au bout de 5 à 7 ans de carrière, ce mouvement positif et les certitudes laissent cependant place à des difficultés et à des questionnements. Surinvestissement, exigences et horaires de travail démesurés valent-ils le coup ? La moyenne d’heures de travail selon nos enquêtés s’élève de 10 à 12 heures par jour, avec parfois des pics à 14 ou 15 heures dans les cas par exemple d’un travail sur une introduction en bourse. Les nuits de sommeil sont parfois courtes comme nous l’explique un analyste avec cinq ans d’expérience :</p>
<blockquote>
<p>« Je me suis endormi à 1h du matin et me suis levé à 4h30, et je ne peux pas faire de sieste au travail. »</p>
</blockquote>
<p>Les banquiers ont aussi beaucoup de mal à bien se nourrir. Ils mangent souvent sur le pouce et tard, au point que certains banquiers soucieux de leur santé n’hésitent pas à payer une personne pour leur faire à manger :</p>
<blockquote>
<p>« Jusqu’à il y a un mois, mon manager payait une dame de 70 ans pour lui faire à manger… »</p>
</blockquote>
<p>Les financiers mettent aussi en avant une compétition toujours plus intense sur le marché du travail, avec des exigences toujours plus élevées d’année en année :</p>
<blockquote>
<p>« L’employabilité a beaucoup changé, tu es beaucoup plus sur la défensive, on exige beaucoup plus de toi, il y a beaucoup plus de stress de réussite… »</p>
</blockquote>
<p>Les femmes sont sujettes à des difficultés spécifiques dans ce milieu très masculin. Persiste une représentation traditionnelle de la femme où devenir mère est considéré comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/54506">désengagement de la compétition</a> car cette étape de vie nécessiterait obligatoirement un temps passé avec les enfants qui pourrait être utilisé pour signer des contrats ou entretenir une relation client. Une vendeuse de six ans d’expérience le suppose du moins :</p>
<blockquote>
<p>« Peut-être que quand tu as des enfants, tu es moins investie, tu déjeunes moins souvent avec les clients, tu restes moins souvent le soir. »</p>
</blockquote>
<p>Si l’on peut s’attendre à une évaluation claire du travail de chacune et chacun, corrélée aux performances financières, les bonus semblent en fait peu expliqués et laissés à l’appréciation du manager. Dans le cas d’une erreur ou d’une mauvaise gestion, c’est le ou la moins gradé qui en paiera les conséquences. Le système d’évaluation par objectifs, censé apporter une neutralité par le chiffre n’est en fait pas égalitaire car si le calcul d’une performance est objectif, son interprétation est subjective et peut être soumise à des biais, notamment en termes de <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt7rz99">genre</a>.</p>
<p>Une forte insatisfaction apparaît alors : il ne suffit pas de travailler beaucoup pour être bien évalué et bien rétribué. C’est le mythe de la méritocratie qui s’effondre.</p>
<h2>Partir… pour rester ?</h2>
<p>À moyen terme, cet ensemble de contraintes provoque une baisse de la motivation. Le jeune banquier se questionne sur son rapport au travail, sur sa carrière et sur le sens qu’il peut lui donner. La reconversion reste cependant difficile ne sachant pas où se diriger, certains banquiers quittent la banque pour finalement y revenir dans le même type de poste :</p>
<blockquote>
<p>« Mon année sabbatique m’a donné un peu plus de recul par rapport à ce job. Elle m’a permis de comprendre plus pourquoi je l’ai fait et surtout pourquoi j’y suis retourné : c’est essentiellement parce que je ne sais pas ce que je veux faire, que ça ne nuit pas sur un CV et que ça paye bien »</p>
</blockquote>
<p>Par ailleurs, alors que l’on pourrait penser que l’hyperconsommation ferait partie de cette culture financière, nos enquêtés préfèrent en fait vivre confortablement sans excès. Ils épargnent dans l’éventualité d’un changement de poste qui serait par exemple moins rémunérateur. L’accès à la propriété, peu évident dans les grandes capitales internationales pousse aussi à épargner. Rester dans ces grandes villes, en particulier Londres, est une motivation pour conserver un emploi dans la finance.</p>
<p>Certains cherchent des solutions intermédiaires, un poste en banque moins exposé ou mettent à profit leurs connaissances fines des produits financiers dans d’autres secteurs d’activité. Un équilibre de sens dans la carrière semble être trouvé quand l’individu accepte certaines contraintes pour rester heureux dans sa vie personnelle et professionnelle grâce à une rémunération confortable qui lui permet de profiter des nombreux restaurants et bars et d’avoir un accès à la propriété.</p>
<p>À l’opposé de cette stratégie de sortie, certains font le choix de ne pas construire de vie personnelle. Le travail devient un « lifestyle », un mode de vie. Tout doit être orienté dans le temps non travaillé vers une optimisation afin de dégager le plus de temps possible pour le travail. Le reste est mis de côté et le corps est beaucoup sollicité. Un analyste dans le secteur depuis sept ans se questionne :</p>
<blockquote>
<p>« Ton boss, il est marié ? Comment tu veux qu’il garde une nana avec le travail qu’il fournit… »</p>
</blockquote>
<p>Celles et ceux qui restent sont les personnes qui trouvent une gratification dans l’activité et dans la démonstration de leur capacité de travail. Ou bien souhaitent-ils offrir à leur famille une bonne éducation et un logement confortable, en particulier à Londres ? La perte de leur travail, ou une baisse significative de la rémunération signifierait un retour en France (retour par ailleurs non vécu comme un échec).</p>
<p>Si l’on peut penser cela antinomique avec le travail des traders, nos travaux montrent au contraire que, quel que soit le métier, l’individu cherche à donner du sens à son travail et à se construire une carrière durable. Après onze ans d’exercice, un professionnel nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est beaucoup plus amusant qu’avant : je décide de mes horaires, de l’orientation à donner, des produits à développer, des sites clients à prioriser… C’est beaucoup plus intéressant ! »</p>
</blockquote>
<p>La carrière en finance apparaît ainsi comme un eldorado qui peut se transformer un temps en prison dorée. Les plus heureux semblent celles et ceux qui prennent en compte la courte durée de ces carrières dans la finance et se questionnent régulièrement sur « l’après-salle de marché ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220508/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette enquête est issue d'un travail de terrain financé en partie par une bourse de doctorat de l'ESCP Europe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pauline de Becdelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au bout de cinq années d’exercice, les professionnels de la finance à qui l’on promettait monts et merveilles lorsqu’ils étaient étudiants déchantent souvent. De là à quitter le secteur ?Pierre Lescoat, Professeur Assistant, Neoma Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186212023-12-06T17:43:15Z2023-12-06T17:43:15ZDes ressources humaines orientées RSE, une opportunité économique pour les entreprises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561846/original/file-20231127-19-no7z2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C16%2C1149%2C698&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus de 9 directeurs des ressources humaines sur 10 considèrent qu’une politique responsable constitue un élément d’attractivité des candidats.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1443493">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’entrée en vigueur progressive de la nouvelle directive européenne sur la responsabilité sociale des entreprises en janvier prochain, dénommée <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en">Corporate Sustainability Reporting Directive</a> (CSRD), entraîne un effort de normalisation et de réflexion des entreprises concernant leurs politiques de Responsabilité sociétale et environnementale (RSE), qui mesure leur performance extrafinancière.</p>
<p>Si l’essentiel de l’attention se porte sur les <em>European sustainability reporting standards</em> (ESRS), qui précisent les normes et indicateurs de reporting, de nature environnementale, il n’en existe pas moins un volet social. Tel est notamment le cas de l’ESRS S1 qui aborde la question de la main-d’œuvre de l’entreprise à travers notamment les questions de rémunération mais aussi de formation.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-comptabilite-entame-sa-mue-socio-environnementale-196410">La comptabilité entame sa mue socio-environnementale</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il faut noter que ces obligations de reporting rejoignent la préoccupation actuelle des Directeurs des ressources humaines (RH) qui déclarent, à 91 %, y voir un <a href="https://courriercadres.com/ressources-humaines-la-rse-est-un-enjeu-de-performance/">élément d’attractivité pour les candidats</a>. Ainsi, au-delà de l’obligation qui est faite aux entreprises de procéder à la divulgation des données concernant la RSE, la CSRD constitue une opportunité pour les entreprises d’explorer le lien entre ces politiques et leurs performances, notamment financières.</p>
<p>Dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-019-04332-3">article</a> académique, publié en 2019 dans la revue <em>Journal of Business Ethics</em>, nous explorions cette relation en nous interrogeant sur le lien entre les politiques en ressources humaines (RH) orientées RSE et la performance financière des entreprises.</p>
<h2>Une relation équivoque</h2>
<p>Il existe de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/014920639101700108">nombreux travaux</a> qui essaient d’établir une relation entre les principales pratiques RH, tels que le recrutement, la formation, les systèmes de motivation ou d’incitation financière et la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/014920639101700108">création de valeur pour une entreprise</a>. Certaines recherches se sont attelées à établir un lien, plus étroit, <a href="https://www.researchgate.net/publication/211384381_Employee_Turnover_A_Meta-Analysis_and_Review_With_Implications_for_Research">avec la performance économique</a>. À cet égard, nombreuses sont les études qui ont établi une <a href="https://www.jstor.org/stable/256741">relation positive</a>. Autrement dit, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/9781118785317.weom050012">investissements consacrés à la politique RH en général</a>, <a href="https://psycnet.apa.org/record/1986-13186-001">à la formation</a>, <a href="https://www.jstor.org/stable/256713">au partage des profits et à la sécurité de l’emploi</a> en particulier, se traduisent par une meilleure performance financière. Cependant, ces résultats sont contestés par <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-12906-010">d’autres études</a> notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/The-Impact-of-High-Involvement-Work-Processes-on-Vandenberg-Richardson/165ecb2ec3a5e254d2c0b2ebf2a1a51dce9bc473">systèmes de participation et d’incitation financière, ou encore les programmes de formation</a>.</p>
<p>Le constat est à peu près identique si l’on s’intéresse plus précisément aux politiques RH dans leur dimension RSE. Au cours de la dernière décennie, plusieurs études ont exploré la relation entre les politiques RH-RSE et la performance financière de l’entreprise.</p>
<p>Le premier constat est que beaucoup de ces recherches ont approché la performance de manière indirecte : impact de ces politiques sur la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2333549">capacité à recruter et à retenir les salariés</a>, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-16612-001">engagement au sein de l’organisation</a>, performance dans <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0149206314522300">l’accomplissement des tâches</a> ou encore accroissement de la <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/mnsc.2014.2038">productivité à la suite de votes promouvant la RSE en assemblée générale</a>. Cependant, les très rares recherches qui se sont intéressées à l’impact sur la performance financière aboutissent à des conclusions divergentes, montrant une relation <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smj.557">négative</a> ou positive.</p>
<h2>Une relation non linéaire</h2>
<p>Notre recherche a eu pour objet de dépasser cet apparent paradoxe. Ainsi, nous suggérons que les résultats contradictoires de ces différents travaux peuvent s’expliquer, non pas, par la nature de la relation, qui serait positive ou négative, mais par la forme que celle-ci peut prendre.</p>
<p>En effet, en l’absence de relation linéaire entre les politiques RH-RSE et la performance financière, les résultats à priori divergents, que l’on trouve dans la littérature, seraient possiblement cohérents entre eux. Dans cette perspective, il a <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smj.714">été montré</a> que la performance économique d’une entreprise est forte lorsque le niveau d’engagement RSE est très fort, ou au contraire, très faible. Ainsi, la relation entre le niveau d’engagement RSE d’une entreprise et sa performance économique <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smj.714">suivrait une relation en U</a>.</p>
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<p>Afin de tester cette hypothèse de non-linéarité de la relation, nous avons utilisé les données de la société Vigeo, concernant 591 entreprises cotées, de 17 pays européens, portant sur 36 secteurs différents, sur la période 2008-2011. Nos résultats suggèrent qu’effectivement, la relation entre les politiques RH-RSE et la performance financière n’est pas linéaire.</p>
<p>En revanche, et à rebours des études précédentes, la forme de celle-ci n’est pas une courbe en U, mais en U inversé. Cela signifie que l’absence ou la faiblesse de politique RH-RSE se traduit par une faible performance financière et qu’à l’inverse, une politique RH-RSE ambitieuse ne s’avère pas profitable économiquement.</p>
<h2>Réputation « positive »</h2>
<p>Comment expliquer ce résultat ? Nous suggérons que plusieurs éléments y concourent. Tout d’abord, conformément aux études que nous avons évoquées précédemment, l’absence de politiques ambitieuses RH se traduit par une difficulté à attirer les « meilleurs » et à les conserver. L’entreprise paierait alors le coût de son manque d’investissements et d’ambition.</p>
<p>En revanche, comment expliquer que des investissements forts se traduisent par une diminution de la performance financière ? On peut avancer que ces politiques sont onéreuses et imposent des coûts de coordination et de mise en œuvre.</p>
<p>De surcroît, il est probable qu’au-delà d’un certain niveau d’investissement, l’entreprise acquiert une réputation « positive » sur le marché. En ce cas, s’il fait sens de maintenir l’effort des politiques RH-RSE déjà mises en place, il n’est peut-être pas pertinent de l’accroître car cela ne modifiera plus la perception que les parties prenantes peuvent avoir de l’entreprise.</p>
<p>Notre recherche ne permet pas en l’état de définir, opérationnellement, le niveau optimum auquel les politiques RH-RSE doivent se hisser. Il nous semble que cela relève avant tout de choix à opérer par le management de l’entreprise en termes de politique sociale : en clair, est-il préférable de risquer l’inefficience ou peut-on prendre le pari de diminuer la performance financière au profit des salariés, qui, de plus en plus, constituent un avantage concurrentiel déterminant ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les organisations les plus performantes financièrement sont à la fois celles qui s’impliquent le plus et le moins en termes de responsabilité sociétale des entreprises.Olivier Meier, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Guillaume Schier, Professeur de finance et entreprises familiales, doyen associé à la recherche, ESSCA School of ManagementPhilippe Naccache, Professeur Associé, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172002023-11-27T11:18:32Z2023-11-27T11:18:32ZVos résultats au test : vous êtes tous des « prédateurs » et des « proies » !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557998/original/file-20231107-253800-4lgfmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1200%2C851&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face à un risque de prédation financière, l’individu cherche toujours à compter environ 30&nbsp;% plus de forces que de faiblesses.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1442609">Mohamed Hassan/Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’automne 2023, The Conversation a publié un de mes courts articles dans lequel j’incorporais un lien pour remplir un questionnaire sur la <a href="https://theconversation.com/dans-la-vie-etes-vous-plutot-un-predateur-ou-une-proie-209450">prédation financière</a>. Mon thème de la prédation a généré plus de 100 000 vues depuis avril 2023, faisant foi de l’intérêt qu’il suscite. Dans le présent article, je communique, comme promis, les résultats de ce test, qui vous intrigueront sûrement.</p>
<h2>Sur les traces du prédateur</h2>
<p>Faisons d’abord un bref sommaire de ma <a href="https://ideas.repec.org/a/bla/jconsa/v54y2020i4p1195-1212.html">théorie sur la prédation</a>. Celle-ci stipule que nous adoptons tous des positions de « prédateur » ou de « proie » à tout moment de la journée, passant de l’une à l’autre selon nos besoins, nos objectifs, nos préférences et les circonstances. Cette mécanique comportementale est ancrée dans notre fonctionnement neurobiologique et social. Nous pouvons opter pour le rôle de prédateur afin d’obtenir un avantage particulier, ou alors celui de la proie, misant alors sur l’empathie naturelle des autres pour, si possible, les manipuler. Il arrive souvent qu’on soit inconsciemment proie du fait d’une vulnérabilité innée ou socialement acquise.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La « toile de prédation », ou toile du 5-5.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La prédation s’articule autour de ce que j’ai nommé la toile du 5-5, qui demande la présence de cinq éléments structurels (un prédateur, une proie, un outil/une arme, une blessure/un préjudice et un effet de surprise) et fonctionnels (l’identification des vulnérabilités de la proie ; la mise en place d’un appât ; le piégeage ; l’exercice de moyens de pression et la soumission de la proie).</p>
<h2>Une fourchette dont on peut faire tout un plat !</h2>
<p>Comme je l’ai démontré à l’aide de mes recherches au cours des treize dernières années, la fonctionnalité de tout écosystème de ce genre répond à une constante, nommée <em>k</em>. Elle exprime le rapport prédateur sur proie et vaut en général <strong>1,3</strong>, signifiant que l’on veut toujours avoir environ 30 % plus de forces que de faiblesses.</p>
<p>La fourchette acceptable de fonctionnalité telle que mesurée auprès de milliers de répondants dans divers contextes est de <strong>1,1</strong> à <strong>1,8</strong>. En dessous de 1,1, l’individu est vulnérable au point où sa santé et ses rapports sociaux sont compromis. Il privilégie alors une confiance aveugle et est sous-équipé pour faire face aux aléas de son environnement social et/ou économique. À mesure qu’il s’éloigne de 1,8, l’individu abusera de son pouvoir et deviendra de plus en plus prédateur. Il sera alors froid, calculateur, sournois et privé d’empathie.</p>
<h2>Les enseignements tirés de vos réponses</h2>
<p>Vous avez été 49 surtout en France (et 79 surtout en Espagne pour le <a href="https://theconversation.com/en-la-vida-es-usted-mas-depredador-o-presa-le-proponemos-un-test-216233">test en espagnol</a>) à répondre aux questions proposées dans le test, soit un taux de réponse d’environ 3 %, ce qui est attendu pour ce genre d’enquête. Si l’échantillon total reste limité, on peut néanmoins observer que l’on retrouve bel et bien des valeurs anticipées, comme en font foi les tableaux 1a et 1b.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La première série de 13 questions (« proie ») suppose que vous auriez été la proie d’un vendeur de produits financiers, ou que vous pourriez l’être. La deuxième série de 13 questions (« prédateur ») mesure votre capacité théorique à être un prédateur.</p>
<p>Ces deux séries de questions n’ont rien d’une approche scientifique rigoureuse, mais pour s’amuser, si on fait le ratio entre votre « posture » de prédateur et celle de proie, on obtient 72/51 pour la France, soit <strong>1,4</strong>, ou presque 1,3 ( !), et 77/48, soit <strong>1,6</strong> pour l’Espagne. Cela tombe dans la fourchette de fonctionnalité prédite [1,1 ; 1,8]. Les lecteurs espagnols se déclarent légèrement plus prédateurs que leurs homologues français. Les participants de deux groupes culturels semblent avoir une image plutôt négative du vendeur de produits financiers.</p>
<p><iframe id="yKmyi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yKmyi/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="UykZI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UykZI/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La seconde série de questions (tableau 2 ci-dessous) est mesurée non pas sur une échelle « oui-non » mais sur une échelle dite de Likert en cinq points ; elle est plus rigoureuse et je l’ai testée plusieurs fois empiriquement comme en témoignent mes nombreux <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41270-023-00263-1">écrits scientifiques</a> sur le sujet, autant auprès d’individus qu’avec des données macroéconomiques de marché.</p>
<p>La valeur <em>k</em> ou le ratio prédateur/proie est ici de <strong>1,71</strong> pour la France et de <strong>1,55</strong> pour l’Espagne, soit en plein dans la fourchette de fonctionnalité prédite [1,1 ; 1,8]. Les Français apparaissent légèrement plus prédateurs que proie cette fois-ci. La valeur moyenne de tous les <em>k</em> pour les deux pays combinés est de 1,6.</p>
<p><iframe id="l94Tc" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l94Tc/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans les deux séries de tests, les résultats sont remarquablement similaires. Les données s’approchent de manière presque magique des résultats obtenus par le passé dans des contextes économiques variés et dans différents pays, indiquant une possible universalité à explorer concernant le ratio prédateur : proie (la valeur <em>k</em>) et la fourchette de fonctionnalité comportementale [1,1 ; 1,8]. Incroyable, non ?</p>
<h2>Comment ne pas tomber dans le piège ?</h2>
<p>Les pièges tendus par les prédateurs peuvent prendre de multiples formes. Dans l’imagerie collective, la notion de prédation renvoie souvent au prédateur dans l’écosystème animalier, au prédateur sexuel, au tueur en série, au <a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-laisse-t-on-avoir-par-les-predateurs-financiers-215291">prédateur financier de la trempe de Bernard Madoff</a>, ou aux prêts hypothécaires <em>subprimes</em>, nommés prêts prédateurs en Amérique, qui ont causé la crise financière mondiale de 2007-2009.</p>
<p>Tous ces angles d’analyse sont bons, mais il y en a d’autres à considérer. Ne l’oublions pas, il y a aussi la <a href="https://theconversation.com/votre-tenue-vestimentaire-au-travail-vous-rend-elle-vulnerable-215186">prédation par l’habillement</a>, la prédation guerrière, la <a href="https://theconversation.com/harcelement-au-travail-des-approches-juridiques-bien-differentes-en-france-et-au-quebec-214996">prédation par le harcèlement</a> qui, on le sait, peut s’avérer létale, et la prédation scientifique (ou « <a href="https://theconversation.com/chercheuse-chercheur-etes-vous-techno-vulnerable-212632">techno-prédation</a> ») que j’ai récemment évoquée.</p>
<p>On notera de plus la prédation marketing, exercée par exemple avec des annonces subliminales ou celles tentant d’échapper aux lois sur la publicité trompeuse ou envers les enfants. On pensera également à la <a href="https://www.law.cornell.edu/wex/lemon_law"><em>lemon law</em></a> aux États-Unis réglementant la vente de voitures usagées pour prévenir les abus dans ce secteur économique. On envisagera aussi les stratégies de prix (<em>predatory pricing</em>) amplement discutées en économie, qui comprennent parfois le <em>dumping</em> ou les emballages qui donnent l’impression que le contenu est plus conséquent qu’il ne l’est vraiment.</p>
<p>De plus, il existe depuis des siècles ce que je nomme la <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/02/19/un-psychiatre-est-durement-blame-par-son-ordre-professionnel">prédation juridico-psychiatrique</a> : on l’a notamment utilisée pour se débarrasser de Jeanne d’Arc en 1431 et du monarque constitutionnel Louis II de Bavière au XIX<sup>e</sup> siècle. Cette stratégie dolosive est encore privilégiée de nos jours dans divers pays, même dits développés.</p>
<p>La confiance aveugle vous jouera des tours. Il faut croire avec modération (!) à ce que les détenteurs d’informations disent, en restant vigilants à tout moment… et en sachant s’entourer des bonnes personnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les réponses des lecteurs de The Conversation aux tests proposés ces dernières semaines révèlent des constantes qui ont été vérifiées à plus large échelle depuis des années.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165882023-11-13T14:01:02Z2023-11-13T14:01:02ZNul ne peut prédire avec certitude l’évolution des marchés financiers. Voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557175/original/file-20231101-23-xjz2ys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur est commise si l'on suppose que les adeptes de la finance peuvent prévoir le comportement incertain des marchés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Certains adeptes de l’analyse des marchés boursiers prétendent pouvoir prédire, avec une précision déconcertante, les tendances des marchés financiers. </p>
<p>Ainsi, nonobstant la complexité du monde de la finance internationale, ceux-ci nous assurent que des bénéfices conséquents sont à notre portée si nous adhérons à leurs recommandations et comportements.</p>
<p>Mais est-ce réellement possible de prévoir avec exactitude le comportement du marché des capitaux ?</p>
<p>En tant que docteur en psychologie de la décision, spécialisé dans la recherche sur la complexité, j’ai eu l’occasion d’approfondir ma compréhension de la véritable capacité de l’humain à contrôler les environnements complexes du monde réel. Pour l’heure, ma conclusion est sobre, et tout sauf simple.</p>
<h2>La complexité, c’est complexe</h2>
<p>Pour de nombreux chercheurs en science de la décision, comprendre et gérer la <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/revisiting-complexity-in-the-digital-age/">complexité représente le plus grand défi de l’ère numérique</a>. La complexité se réfère à la nature incertaine des environnements où, quotidiennement, nous prenons des décisions. </p>
<p>Alors que nos choix financiers peuvent paraître simples et évidents (épargner une portion de son revenu, établir un budget, rembourser une dette), l’environnement dans lequel ceux-ci se concrétisent est <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315091938-2/complex-problem-solving-european-perspective%E2%80%9410-years-joachim-funke-peter-frensch">imprévisible</a>. </p>
<p>Les stratégies que nous adoptons ne sont certes pas infaillibles, notre connaissance ne garantit pas notre succès, et les effets de chacune de nos décisions sont incertains et uniques. C’est ce qui explique que les environnements où nous prenons les décisions de tous les jours sont en réalité éminemment complexes. Ils impliquent de nombreux facteurs liés entre eux, qui évoluent constamment, avec ou sans intervention de notre part. Sans oublier que les objectifs que nous chérissons entrent fréquemment en <a href="https://www.mdpi.com/2079-3200/9/3/38">contradiction les uns avec les autres</a>. </p>
<p>Par exemple, comment peut-on garantir que nos placements soient à l’abri des fluctuations journalières des marchés, tout en maximisant leur rendement ?</p>
<h2>L’humain face à la complexité financière</h2>
<p>Face à la complexité du monde de la finance, la cognition humaine tend à favoriser un traitement simplificateur et réductionniste de l’information, correspondant à une forme de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/154193120104500415">« surfocalisation »</a> (<em>tunneling</em>). Face à la surcharge engendrée par cette complexité, nous avons tendance à nous concentrer sur un ou quelques aspects spécifiques d’une situation, plutôt que sur l’ensemble de l’information disponible, parce que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2451958822000562">trop d’information tue l’information</a>. En d’autres termes, nous recourrons à des raccourcis. Et vous savez quoi ? Souvent, ces modes de raisonnement simplistes aboutissent à des décisions biaisées. </p>
<p>Nous commettons une erreur de jugement lorsque nous attribuons les performances médiocres de notre portefeuille d’actions à un seul événement particulièrement marquant dans notre esprit. Nous croyons à tort que nos placements croîtront de manière linéaire, alors qu’ils sont vulnérables aux variations exponentielles causées par des crises et des phénomènes inattendus. Nous réagissons maladroitement aux investissements infructueux en nous focalisant sur les conséquences qui pourraient expliquer nos difficultés financières, au lieu d’approfondir notre compréhension des raisons pour lesquelles l’entreprise (ou le secteur dans lequel elle opère) en qui nous avions une confiance aveugle connaît des difficultés.</p>
<p>Enfin – et la nature humaine est ainsi faite – nous avons tendance à attribuer la responsabilité de nos échecs à des facteurs externes hors de notre contrôle. Par exemple, on pourrait être tenté de blâmer les mauvaises conditions météorologiques estivales pour expliquer les pertes encourues par certaines entreprises du secteur du tourisme. Mais ce faisant, on néglige l’importance de la qualité des produits et services qu’elles offrent, ou encore la convivialité de leur personnel. </p>
<h2>Et les adeptes des marchés dans tout ça…</h2>
<p><a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/e1743fb3-e5d8-4532-9d3f-042954bbff15">Mes plus récents travaux</a> appuient ce que la littérature sur la prise de décision complexe mentionne ; que nous soyons des adeptes ou des novices, comprendre et maîtriser la complexité est un défi colossal. </p>
<p>Plusieurs adeptes des marchés feront preuve d’une plus grande habileté dans l’élaboration d’une stratégie d’investissement, la gestion de portefeuille, ou encore l’accès à certains placements. </p>
<p>Cependant, une erreur est commise si l’on suppose qu’ils peuvent prévoir le comportement incertain des marchés. L’enjeu ne réside pas nécessairement dans la connaissance financière, mais dans les limitations naturelles de la cognition humaine lorsqu’elle est confrontée à la complexité. </p>
<p>Face à la finance internationale, il existe un « mur » au-delà duquel il est particulièrement difficile de progresser, et nous sommes tous sujets aux biais et aux erreurs.</p>
<h2>Alors, comment s’en sortir ?</h2>
<p>Malgré les nombreux défis de la complexité financière, il y a de la lumière au bout du tunnel, pourvu que nous sachions comment s’y prendre. Bien que de nombreuses études restent à mener, les chercheurs demeurent optimistes quant à certaines approches qui peuvent d’ores et déjà nous guider vers des décisions plus éclairées.</p>
<p><strong>1. Apprenez à penser en système</strong></p>
<p>La <a href="https://fnhpa.ca/_Library/KC_BP_5_Skills/SYSTEMS_THINKING.pdf">pensée systémique</a> est une manière de percevoir la réalité qui nous aide à mieux comprendre et travailler avec les environnements complexes du monde réel. </p>
<p>Que ce soit pour apprendre à mieux gérer votre budget ou investir judicieusement en bourse, prenez l’habitude de dessiner des représentations visuelles des défis financiers que vous souhaitez relever. </p>
<p>Les diagrammes de cause à effet, qui utilisent des symboles simples (un signe + pour indiquer un changement dans la même direction entre deux facteurs, et un signe – pour indiquer des changements opposés) permettent de figurer rapidement l’étendue et la portée d’un problème en représentant les relations entre les parties d’un même système. </p>
<p>Mais ne vous méprenez pas, certains facteurs sont difficilement prévisibles. </p>
<p>En somme, apprenez à réfléchir aux conséquences des conséquences de vos choix avant de prendre une décision.</p>
<p><strong>2. Soyez audacieux, tolérez l’incertitude</strong></p>
<p>Apprenez à tolérer les situations qui, à première vue, n’ont pas de solutions claires et vous laissent dans le doute. </p>
<p>Les marchés financiers sont imprévisibles et mal structurés (<a href="https://www.sympoetic.net/Managing_Complexity/complexity_files/1973%20Rittel%20and%20Webber%20Wicked%20Problems.pdf"><em>wicked problems</em></a>). </p>
<p>Dans ces environnements, l’ambiguïté est la norme. Accepter l’incertitude permet de traduire les problèmes en opportunités de décisions transformatrices, plutôt que de prendre des décisions trop hâtives, ou encore s’enfermer dans l’inaction. </p>
<p>Il n’existe pas une seule « bonne solution » à un problème financier complexe. Prenez un moment pour évaluer vos options.</p>
<p><strong>3. Mettez à l’épreuve vos croyances et vos préjugés</strong></p>
<p>N’essayez pas de rechercher et d’interpréter l’information financière en fonction d’une hypothèse de départ qui vous est chère. Confrontez vos idées préconçues à l’aide de sources que vous n’auriez d’ordinaire pas consultées en raison de leur position opposée à vos convictions. </p>
<p>Que dirait un ami ou un collègue que vous appréciez, mais qui est foncièrement en désaccord avec vous ?</p>
<p><strong>4. Ne vous fiez pas à ce qui vous vient facilement à l’esprit</strong></p>
<p>Le simple fait d’assister à une conférence inspirante sur l’économie durable ou d’écouter attentivement un reportage télévisé sur l’éthique financière ne garantit pas que les informations qui en découlent sont utiles à la décision que vous devez prendre.</p>
<p>Bien que ces informations puissent être plus facilement récupérables en mémoire, elles ne sont pas nécessairement pertinentes. Ne surestimez pas la probabilité qu’un événement se produise simplement parce que vous pouvez l’imaginer dans les moindres détails. </p>
<p>Renseignez-vous à plusieurs enseignes et croisez les sources d’information que vous consultez.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Personne ne devient compétent sans pratique. Vous devez personnellement explorer le monde de la finance. </p>
<p>À travers l’expérience, vous développerez vos compétences pour mieux appréhender la complexité. Pour faciliter cette pratique, vous pouvez avantageusement faire appel à un professionnel compétent qui vous accompagnera dans ce processus hautement sophistiqué. </p>
<p>Mais n’oubliez pas ceci : face à la complexité, vous êtes humain, tout comme le sont ceux qui prétendent lire l'avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216588/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Béchard a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), et de Mitacs Canada</span></em></p>La complexité du marché financier dépasse les capacités de traitement de l’information de la cognition humaine.Benoît Béchard, Docteur en psychologie de la décision Ph. D., Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2114082023-11-07T14:47:24Z2023-11-07T14:47:24ZLes répercussions d’une séparation peuvent être lourdes pour les leaders politiques, mais aussi les chefs d’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542234/original/file-20230808-17-d1kkk4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C98%2C5994%2C3752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des recherches récentes démontrent qu'un divorce ou une séparation peuvent avoir des conséquences sur la manière de gérer des dirigeants d'entreprises et politiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span></figcaption></figure><p>À la suite de l’annonce de sa séparation, le <a href="https://theconversation.com/les-adversaires-politiques-de-justin-trudeau-devraient-eviter-de-tirer-profit-de-sa-separation-211004">premier ministre Justin Trudeau</a>, se retrouve désormais dans un nouveau rôle, <a href="https://theconversation.com/prime-minister-justin-trudeau-assumes-a-new-role-single-dad-just-like-his-own-father-210938">celui de père monoparental</a>.</p>
<p>Cela soulève des questions sur les répercussions politiques des séparations et des divorces chez les personnalités publiques.</p>
<p>La nouvelle survient dans un contexte où le divorce est devenu chose courante dans les sociétés modernes. Environ la <a href="https://www.forbes.com/advisor/legal/divorce/divorce-statistics/">moitié des premiers mariages se terminent par un divorce, et le taux d’échec des mariages subséquents est encore plus élevé</a>.</p>
<p>Le stress aigu qu’entraîne le divorce peut mener à une baisse de la participation sociale, à une dégradation de la situation financière, au bouleversement des relations familiales et à des problèmes juridiques. Il <a href="https://doi.org/10.1002/smi.2940">augmente le risque de dépression, d’épuisement professionnel, d’anxiété, de maladie physique</a> et même de mortalité.</p>
<p>Ces effets négatifs ne se limitent pas à la vie personnelle ; ils peuvent également toucher la vie professionnelle.</p>
<p>L’impact du divorce sur le rendement professionnel peut être profond, comme il l’est sur la vie personnelle.</p>
<h2>Impact du divorce sur le rendement professionnel</h2>
<p>De nombreuses études ont montré que les conflits liés au divorce <a href="https://doi.org/10.1037/a0022170">peuvent mener à des problèmes au travail</a>, par exemple à une diminution des heures travaillées et de la productivité, à une <a href="https://doi.org/10.1111/jomf.12166">augmentation des absences et des congés de maladie</a> et même à l’invalidité de longue durée.</p>
<p>Les exigences de la vie personnelle épuisent parfois les ressources réservées aux tâches professionnelles, ce qui empêche de bien concilier les obligations professionnelles et familiales.</p>
<p>Dans le cas des PDG, les chercheurs commencent à s’intéresser aux répercussions du divorce sur leur entreprise et ses actionnaires. Il est encore difficile de dire à quel point le divorce d’un PDG nuit à son rendement professionnel. Notre étude est la première à explorer cette question.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux alliances se trouvent à côté du mot divorce dans un dictionnaire" src="https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le divorce est devenu chose courante dans les sociétés modernes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les PDG sont les décideurs en chef et les architectes de la stratégie d’entreprise. Par conséquent, les distractions et les capacités cognitives réduites en raison du divorce ont parfois de lourdes conséquences sur leur rendement professionnel et, donc, sur celui de l’entreprise.</p>
<p>Toutefois, les PDG peuvent souvent compter sur l’appui de la direction pour prendre des décisions et composer avec leurs conséquences potentielles, ce qui est d’autant plus vrai dans les grandes entreprises comptant du personnel de soutien.</p>
<h2>Divorce des PDG et rendement des entreprises</h2>
<p>Notre <a href="https://doi.org/10.5465/amd.2020.0031">rapport de recherche basé sur les données d’entreprises danoises et leurs PDG</a> montre que le divorce du dirigeant peut avoir un effet négatif sur le rendement de son entreprise. Toutefois, l’ampleur de cet effet dépend des circonstances.</p>
<p>Le divorce du PDG se répercute plus fortement dans les petites entreprises, dans les secteurs connaissant une croissance rapide et lorsqu’il y a des enfants à la maison. Le degré de contrôle et le pouvoir décisionnel du PDG dans l’entreprise sont d’autres facteurs qui influencent grandement l’ampleur des répercussions.</p>
<p>Comme le souligne notre étude, il est important de fournir du soutien personnel et organisationnel aux PDG qui traversent une période difficile. Un tel soutien peut atténuer les effets négatifs sur le rendement de l’entreprise.</p>
<p>Ces constatations mettent en évidence le rapport complexe entre la vie personnelle et professionnelle des PDG, et l’incidence de tels événements sur le succès d’une entreprise.</p>
<h2>Conséquences pour les dirigeants politiques</h2>
<p>Les conclusions de notre étude concernent aussi étroitement les dirigeantes et dirigeants politiques, comme Justin Trudeau, dont le poste revêt un haut degré de pouvoir et de responsabilité.</p>
<p>Dans le milieu politique, l’impact du divorce sur le rendement varie en fonction de plusieurs facteurs, dont les normes culturelles, les attitudes sociétales face au divorce et les attentes envers les personnalités publiques.</p>
<p>Dans un pays où la population a un point de vue plutôt libéral sur les questions familiales et le divorce, la pression sociétale pourrait être moindre pour les leaders politiques. Les gens sont plus ouverts d’esprit et tendent à accepter plus facilement les choix personnels. La stigmatisation envers les leaders politiques qui vivent un divorce est moindre.</p>
<p>On a pu le constater lors de l’annonce du divorce de Sanna Marin, première ministre sortante de la Finlande, qui a attiré beaucoup <a href="https://www.helsinkitimes.fi/world-int/world-news/finland-in-the-world-press/23551-sanna-marin-s-divorce-nato-drills-and-cha-cha-cha-finland-in-the-world-press.html">moins d’attention médiatique que la controverse entourant sa fête avec des amis et des célébrités</a>. Dans les pays plus libéraux, les médias abordent davantage les capacités professionnelles de la personne que les questions personnelles comme le divorce. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme vêtue d’un veston et d’une jupe élégante porte le regard hors caméra" src="https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En mai, Sanna Marin, première ministre sortante de la Finlande, a annoncé sur Instagram que son mari et elle allaient divorcer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sergei Grits)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revanche, aux États-Unis, les <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/N/bo22723661.html">médias couvrent souvent les facettes personnelles et professionnelles de la vie des personnalités politiques</a>, ce qui peut amplifier l’impact du divorce sur l’image publique.</p>
<h2>Vie personnelle et professionnelle</h2>
<p>Notre étude souligne l’importance d’un solide système de soutien. Le fait d’avoir des gens et des réseaux de soutien en place aide la personne à composer avec les défis du divorce et à maintenir son leadership.</p>
<p>En l’absence d’un système de soutien adéquat, la capacité à prendre des décisions cruciales et à assurer la gouvernance s’en trouve affaiblie. Il peut en résulter de mauvaises décisions et, finalement, des conséquences économiques négatives.</p>
<p>Comme notre étude le montre, il est crucial pour les chefs d’entreprise et les leaders politiques de reconnaître à quel point leur vie personnelle peut se répercuter sur leur vie professionnelle.</p>
<p>De plus, les études sur la façon dont les politiciennes et politiciens concilient vie personnelle et responsabilités professionnelles, et sur l’incidence de cette conciliation sur leur prise de décisions, peuvent grandement contribuer à améliorer le rendement des leaders et le service public.</p>
<p>Il est important de souligner qu’il s’agit de tendances générales et qu’il peut y avoir des exceptions dans chaque pays. En fin de compte, les conséquences du divorce d’un dirigeant politique dépendent du lien complexe entre les normes culturelles, les dynamiques médiatiques et la capacité de la personne à composer avec la perception du public dans ces périodes difficiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211408/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’impact d’un divorce sur les performances professionnelles peut être profond, affectant les individus à la fois sur le plan personnel et professionnel.Denis Schweizer, Professor of Finance, Concordia UniversityJuliane Proelss, Associate Professor Finance, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162482023-10-29T18:11:28Z2023-10-29T18:11:28ZLes fonds d’investissement dits « responsables » ne sont pas forcément plus vertueux que les autres<p>Le marché des produits d’investissements durables devrait représenter un tiers de l’ensemble du marché d’ici 2025, soit environ <a href="https://www.bloomberg.com/professional/blog/esg-assets-may-hit-53-trillion-by-2025-a-third-of-global-aum/">53 000 milliards de dollars</a>. Cependant, il n’existe pas de norme claire et consensuelle pour mesurer le caractère durable des produits d’investissement.</p>
<p>Les gestionnaires d’actifs, qui investissent l’argent au nom des investisseurs finaux comme les fonds de pension, les compagnies d’assurance ou bien les investisseurs privés, utilisent en effet différentes stratégies pour intégrer la durabilité, avec un degré d’exigence dont il est difficile de juger. Par exemple, l’utilisation des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ESG</a> comme indicateur de durabilité a été <a href="https://www.edhec.edu/en/research-and-faculty/edhec-vox/why-climate-indices-and-portfolios-almost-fail-to-deliver-a-pioneering-edhec-study">fortement critiquée</a> et de nombreux fonds dits « responsables » ou « verts » peuvent en réalité être des <a href="https://ftp.zew.de/pub/zew-docs/dp/dp15027.pdf">fonds conventionnels déguisés</a>.</p>
<p>Par conséquent, comment l’investisseur final peut-il être sûr qu’un portefeuille d’investissement est réellement vert et qu’il ne s’agit pas d’une simple tentative d’écoblanchiment (ou « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/greenwashing-27714">greenwashing</a> ») ? Qu’entend-on d’ailleurs par « vert » ?</p>
<h2>Un constat sévère pour les fonds ISR</h2>
<p>Apporter des réponses à ces questions et aller au-delà des notations ESG comme indicateurs de durabilité nécessite d’employer des méthodes telles que l’analyse du cycle de vie (ACV). Cette dernière consiste à estimer de manière quantitative l’empreinte carbone (entre autres) liée aux fonds d’investissement, via les parts d’entreprises qui composent ces fonds.</p>
<p>Les facteurs d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi utilisés comprennent les émissions directes (Scope 1) et indirectes (Scopes 2 et 3), elles-mêmes liées aux secteurs économiques et pays dans lesquels chaque entreprise opère. Les données sont issues de tables entrées-sorties avec comptes satellites environnementaux (en anglais <em>environmentally-extended multiregional input-output, EE-MRIO</em>) qui s’appuient sur les statistiques nationales d’émissions atmosphériques ventilées par secteur d’activité.</p>
<p>Notons que cette méthode ne permet pas de quantifier de manière <em>précise</em> l’impact d’<em>une</em> entreprise, mais elle permet d’estimer de manière <em>standardisée</em> les impacts sur le cycle de vie complet associés aux activités d’une entreprise. Comme les fonds investissent parfois dans des centaines d’entreprises qui appartiennent à différents secteurs ou pays, seule une méthodologie globale pour l’estimation de l’impact sur l’ensemble des entreprises permet une agrégation facile au niveau du fonds.</p>
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<p>En utilisant cette nouvelle approche, nous constatons dans une récente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800923001817">étude</a> que les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) ne sont pas systématiquement moins intensifs en carbone que leurs homologues conventionnels : 23 % d’un échantillon de 670 fonds ISR domiciliés en Europe ont une empreinte carbone directe (lié aux activités sur les sites de l’entreprise) supérieure à celle de l’indice de marché conventionnel <a href="https://www.ismo-app.com/lindice-msci-world/">MSCI World</a>, choisi comme référence.</p>
<p>En analysant ensuite l’empreinte carbone indirecte, associée à la chaîne de valeur des entreprises dans lesquelles ils investissent, nous trouvons que 67 % des fonds ISR ont obtenu des résultats inférieurs à ceux de l’indice MSCI World, ce qui montre que de couvrir l’ensemble des activités en amont est essentiel à une représentation fidèle des impacts.</p>
<p>Dans l’échantillon de fonds analysé, les émissions liées à la chaîne d’approvisionnement représentent plus de la moitié de l’impact total ; cela en fait un élément essentiel de la mesure des émissions, permettant de comprendre dans quelles industries un fonds devrait investir moins (ou plus) pour obtenir la plus grande réduction des émissions de GES.</p>
<p>Par exemple, une entreprise peut être la mieux classée de son secteur pour ses performances environnementales, son siège social utilisant par exemple 100 % d’énergie propre, tout en étant fortement dépendante de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles en Chine pour la fabrication externalisée de ses produits.</p>
<h2>Le rôle clé de la réglementation ?</h2>
<p>Ainsi, des classifications plus strictes imposées par les régulateurs devraient aider les investisseurs à faire la distinction entre les véritables fonds responsables et les fonds qui utilisent simplement le développement durable comme outil de marketing. Cependant, sur le marché, seul un très faible pourcentage de fonds durables peut être identifié comme fonds d’impact et fonds actifs – des fonds qui ont un objectif précis en matière de durabilité et qui investissent activement dans ce sens.</p>
<p>La plupart des fonds ISR se contentent toutefois de suivre les indices du marché ou de sélectionner les meilleures entreprises de leur catégorie dans tous les secteurs, même si cela inclut les entreprises utilisant des combustibles fossiles, et d’orienter les portefeuilles vers des secteurs déjà décarbonés, tels que la technologie ou la santé, tout en conservant des entreprises polluantes.</p>
<p>Sans être de véritables fonds responsables ou verts, ces fonds peuvent également obtenir de meilleurs résultats en matière d’empreinte carbone que, par exemple, un fonds investissant dans la fabrication de matériaux pour la production d’électricité bas carbone, simplement en raison des activités énergivores auxquels ce dernier est exposé. C’est la raison pour laquelle l’évaluation de l’empreinte carbone totale (absolue) doit être complétée par une évaluation des progrès accomplis (relative) dans la réalisation des objectifs de décarbonation, afin que les fonds à impact ne soient pas pénalisés.</p>
<p>Enfin, si notre outil d’estimation peut permettre d’améliorer la compréhension et le calcul de l’impact, il peut y avoir des différences au niveau des sous-secteurs qui ne sont pas mesurables avec notre modèle – par exemple, la base de données utilisée n’offre pas de distinction entre la fabrication de véhicules électriques et de véhicules thermiques. À l’avenir, un niveau de détail plus fin des bases de données environnementales pour l’estimation d’empreinte carbone ainsi que la mise à disposition de données physiques (et non plus uniquement monétaires) de la part des entreprises permettront l’application plus robuste de la méthode ACV, garantissant de meilleures estimations des impacts environnementaux à l’échelle d’un fonds.</p>
<p>Notons cependant qu’une mesure complète des émissions de GES, y compris les impacts de la chaîne de valeur en amont, n’est qu’une pièce du puzzle dans la mesure de la contribution à la décarbonation, qui n’entraînera pas de changement à elle seule. Il est temps de passer de l’évaluation à l’action : les fonds d’investissement devraient estimer leur responsabilité totale dans les effets du changement climatique et donner la priorité à l’action, en s’engageant auprès des entreprises détenues afin d’enclencher de véritables changements et d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de ces entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, environ un fonds d’« investissement social responsable » (ISR) sur quatre affiche une performance en termes d’émission de CO₂ inférieure à la moyenne.Mirco Rubin, Associate Professor, EDHEC Business SchoolIoana-Stefania Popescu, PhD Student in Sustainable Finance, Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST)Thomas Gibon, Research Associate, Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162412023-10-29T18:11:25Z2023-10-29T18:11:25ZDes investisseurs à mission pour les sociétés à mission ?<p>De multiples prises de paroles d’acteurs très divers convergent pour intimer aux acteurs de la finance d’aller plus loin dans leurs <a href="https://theconversation.com/finance-verte-faut-il-croire-au-nouvel-engagement-des-grandes-banques-a-la-cop26-171413">volontés d’opérer une mue</a>, voire une révolution culturelle, afin de promouvoir des entreprises et des projets engagés dans les <a href="https://theconversation.com/finance-responsable-et-durable-le-monde-academique-se-doit-dagir-98119">multiples transitions</a> sociales et environnementales dont le monde a besoin. Larry Fink, le <a href="https://qz.com/blackrock-ceo-larry-fink-is-focusing-on-goals-other-tha-1850580124">patron de Blackrock, plus grand fonds de pension mondial</a>, Philippe Zaouati, financier engagé qui dialogue dans un <a href="https://www.actes-sud.fr/la-finance-face-aux-limites-planetaires">ouvrage récent</a> avec le philosophe Dominique Bourg, ou bien encore <a href="https://www.linfodurable.fr/investir-durable/en-bref/macron-reunit-les-grands-financeurs-pour-le-climat-21462">Emmanuel Macron</a> ou le <a href="https://www.philonomist.com/fr/article/que-peut-attendre-de-la-finance-verte">Pape François</a>, des acteurs variés invitent la finance à <a href="https://theconversation.com/que-faire-pour-que-la-transition-energie-climat-devienne-enfin-laffaire-de-tous-160519">soutenir des modèles économiques plus vertueux</a> ou moins consommateurs de ressources.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/pourquoi-et-comment-la-finance-doit-revenir-a-plus-de-responsabilite-68251">intégration progressive des considérations éthiques et responsables dans les décisions d’investissement</a> a constitué un premier tournant. De nouvelles <a href="https://theconversation.com/finance-responsable-comment-la-reglementation-europeenne-dessine-une-trajectoire-favorable-205766">réglementations</a> poussent également dans cette direction. Plus récemment, on a pu voir émerger une finance responsable et durable avec des acteurs engagés tels que les <a href="https://theconversation.com/effectuer-des-investissements-responsables-ce-nest-pas-renoncer-a-leur-rentabilite-199021">« investisseurs à impact »</a> ou encore les « investisseurs à mission ». Ils placent la création de valeur sociale et environnementale au cœur de leur démarche, dépassant les priorités purement financières.</p>
<p>C’est à ces investisseurs très particuliers et très engagés que nous nous sommes intéressés dans une recherche récente. Notre équipe travaille notamment sur le volet financier d’un projet collectif de recherche plus large qui s’intéresse plus largement aux sociétés à mission, <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/societe-mission">mention juridique créée par le la loi Pacte de 2019</a>. Plus de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-mon-boulot/les-entreprises-a-mission-sont-desormais-plus-de-1-000-en-france_5646005.html">1000 entreprises</a> ont depuis fait le choix d’ajouter dans leur statut une ligne détaillant cette mission ou raison d’être et se sont dotées d’un organisme pour en contrôler le suivi.</p>
<h2>Une prise de conscience</h2>
<p>Dans le cadre de cette recherche, présentée lors de l’<a href="https://conferences.euram.academy/2023conference/">EURAM 2023</a>, nous avons interrogé quinze acteurs (sociétés d’investissement ayant adopté volontairement le statut de société à mission) et quatre sociétés comparables n’ayant pas ce statut mais gravitant dans l’écosystème de l’investissement responsable. Ces investisseurs à mission s’attachent à déployer des objectifs précis, souvent liés aux objectifs de développement durable, crédibles et mesurables. Ils adoptent également une aussi une approche novatrice de l’investissement et une vision écosystémique permettant d’aligner parties prenantes internes et externes à leur entreprise autour de la mission.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706393905099325875"}"></div></p>
<p>Plusieurs facteurs ont contribué à l’émergence des investisseurs à mission. On retrouve d’une part, la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociaux. Dans tous les entretiens menés, l’engagement personnel des dirigeants ou fondateurs de ces sociétés financières (qui veulent faire de la finance « <em>utile</em> » ou de la finance « autrement ») nous est apparu comme déterminant.</p>
<p>Les crises environnementales et les mouvements sociaux ont amené à une réflexion profonde sur le rôle de la finance dans la construction d’un avenir durable. Des pionniers et des leaders dans le domaine de l’investissement à mission ont aussi été des sources d’inspiration à l’instar de <a href="https://www.raise.co/mission">Raise</a> et de son pari de « développer un écosystème innovant et généreux pour soutenir des entrepreneurs visionnaires et construire avec eux une économie responsable et durable » ou encore de <a href="https://fr.sycomore-am.com/sycomore">Sycomore Asset Management</a> en quête d’« humanisation de l’investissement ». Ces éléments ont créé un terreau fertile pour le développement de cette nouvelle approche d’investissement.</p>
<p>Beaucoup recherchent désormais cet « impact supplémentaire » qu’ils peuvent générer grâce à leurs « actions d’engagement et constructivistes ». Selon leurs mots ils « contribuent à un mouvement positif au sein des entreprises, ce qui multiplie à son tour l’impact ».</p>
<h2>Être exigeant et cohérent</h2>
<p>Les entretiens avec les investisseurs à mission mettent en lumière plusieurs thèmes centraux qui finissent par les démarquer du reste des acteurs financiers. Le premier est celui du « bien commun », « placer l’intérêt collectif au-dessus de leurs intérêts personnels ». Ils cherchent à faire « grandir les individus » au sein des entreprises et à favoriser une transformation durable de l’économie.</p>
<p>De fortes exigences envers les entreprises qui rejoignent leur portefeuille ressortent également, en particulier en ce qui concerne leur contribution à des objectifs sociaux et environnementaux et la qualité du partage d’information ou de métriques. Ils exigent transparence et responsabilité pour assurer l’impact positif et la crédibilité des entreprises.</p>
<p>Les investisseurs à mission mettent enfin l’accent sur un besoin de cohérence entre les exigences qu’ils posent aux entreprises dans lesquelles ils investissent et leur propre fonctionnement interne. Celui-ci repose notamment sur une politique de partage de la valeur très avancée et s’appuie en général sur une gouvernance participative. C’est dans cette direction qu’ils accompagnent aussi les entreprises dans lesquelles ils ont investi. Beaucoup insistent :</p>
<blockquote>
<p>« Le principal mot, c’est alignement. C’est l’alignement entre la manière dont on s’est défini et la manière dont on travaille. »</p>
</blockquote>
<h2>Un écosystème précurseur</h2>
<p>En somme, les investisseurs à mission cherchent à agir comme des catalyseurs du changement. Ils mettent l’accent sur l’engagement actif, la cohérence entre les paroles et les actes, l’exemplarité, ainsi que sur la responsabilité envers la société dans son ensemble.</p>
<p>On ne peut pas, pour l’heure, rapprocher ces investisseurs d’une catégorie existante. Pour l’heure, il s’agit d’un phénomène émergent et donc encore « à la marge » avec des encours relativement minimes. Les théories du changement institutionnel soulignent que les innovateurs ont toujours été isolés au début, vus comme avant-gardistes avant que leurs pratiques novatrices deviennent peu à peu la norme. C’est ceux que, par exemple, le sociologue Howard Becker a nommés <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-1-page-213.htm?ref=doi">« entrepreneurs de morale »</a>. À terme, cette nouvelle catégorie d’investisseurs pourrait représenter une alternative crédible ou bien être précurseur d’un mouvement missionnaire de plus grande ampleur, qui chercherait à réconcilier la finance avec la société et l’intérêt général.</p>
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<p>Dans cette dynamique émergente, le rôle des organismes tiers indépendants (OTI) en charge de la <a href="https://www.entreprisesamission.org/les-organismes-tiers-independants/">vérification de la mission</a> que se donne les entreprises, la première devant intervenir dans les 18 ou 24 mois suivant la publication de la qualité de société à mission au registre du commerce et des sociétés, sera également clé dans leur capacité à valoriser et soutenir des investisseurs de cette nature. Ces OTI seront surtout chargés de vérifier l’existence de la poursuite de la mission, des moyens dédiés et associés et de l’atteinte des objectifs visés.</p>
<p>Dans notre étude, nous avons ainsi observé un renforcement des liens entre ces différents acteurs. Cela se traduit par un soutien accru des investisseurs à mission envers les entreprises de l’écosystème des sociétés à mission ou un encouragement formulé à d’autres entreprises à adopter ce statut. Cette dynamique s’accompagne aussi d’une importante reconfiguration et stabilisation de la structure actionnariale avec une association croissante des salariés aux résultats de l’entreprise largement encouragée par les <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-recompenser-travail-salaries">dispositions de loi Pacte</a>.</p>
<p>Ainsi, dans une seconde étude en cours sur les structures actionnariales privilégiées par les sociétés à mission, nous observons un retrait des investisseurs financiers dits « classiques » ainsi qu’un renforcement sensible de l’actionnariat salarié et public. Cela permet en outre aux entreprises d’avoir <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2022/05/18/la-loi-pacte-a-convoque-la-question-du-partage-de-la-valeur-dans-les-entreprises_6126585_1698637.html">« une gouvernance plus équilibrée et une compétence plus proche de l’activité »</a> et de se protéger du <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2019.0238">risque de compromission</a> avec l’intervention de fonds activistes.</p>
<p>Ainsi cette nouvelle catégorie de sociétés financières représente peut être la concrétisation d’une finance plus durable et en capacité de soutenir des entreprises ou des projets de même nature. La loi Pacte a ainsi contribué de façon peut-être indirecte à cristalliser ou à sédimenter une catégorie très émergente mais qui incarne sans doute une voie d’avenir pour l’ensemble des acteurs financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Exigeants envers eux-mêmes comme envers les entreprises qu’ils accompagnent, les investisseurs à mission restent peu nombreux mais entraînent de plus en plus d’acteurs de la finance dans leur sillage.Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolCarine Girard-Guerraud, Full professor in corporate finance, AudenciaMarie Baudoux, Professeure assistante en Finance, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152912023-10-17T19:33:24Z2023-10-17T19:33:24ZPourquoi se laisse-t-on avoir par les prédateurs financiers ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552788/original/file-20231009-27-a3jx7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1196%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les escrocs, la faute d’une arnaque revient aux victimes&nbsp;: elles n’avaient qu’à ne pas se montrer aussi naïves…
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà fait avoir ? Par un vendeur sans scrupule, un prêteur, un ami, un conseiller financier ? <a href="https://theconversation.com/dans-la-vie-etes-vous-plutot-un-predateur-ou-une-proie-209450">On peut parier que oui</a>. Vous n’êtes pas un cas isolé. En ce moment, a lieu aux États-Unis le <a href="https://www.bfmtv.com/crypto/proces-ftx-sam-bankman-fried-des-mensonges-contre-sa-bonne-foi_AD-202310050320.html">procès de Sam Bankman-Fried</a>, au palais de justice de New York. L’homme né en 1992 est le fondateur de l’entreprise FTX, une plate-forme d’échange de cryptomonnaies et d’Alameda Research, dont les faillites en 2022 ont révélé un scandale international nourri à la fraude financière.</p>
<p>Cela a un air de déjà vu, car on pense tout de suite à Bernard Madoff, le magnat de la finance américain condamné en 2009 pour escroquerie et <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/04/14/l-escroc-americain-bernard-madoff-est-mort-en-prison_6076770_3382.html">décédé en 2021 en prison</a>, mais aussi à quantité de fraudeurs spécialisés dans les pyramides de Ponzi (dans son cas) ou de fausses données sur les avoirs réels (<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/679122/scandale-bre-x-industrie-miniere-reglement-43-101">Bre-X Minerals</a> à Montréal, <a href="https://www.lesechos.fr/2002/10/enron-ou-comment-le-modele-est-devenu-un-scandale-planetaire-1056784">Enron</a> aux États-Unis).</p>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ftx-une-liquidation-entre-speculation-effrenee-gouvernance-defaillante-et-pratiques-delictuelles-195331">FTX : une liquidation entre spéculation effrénée, gouvernance défaillante et pratiques délictuelles</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La question est brûlante ? Pourquoi se fait-on piéger, bon an mal an, par ces prédateurs financiers, qui utilisent divers outils pour nous subjuguer et nous vider les poches ? Et ce, malgré les preuves que le marché est plein de vendeurs, d’acheteurs ou même de régulateurs inefficaces (la Securities and Exchange Commission, le gendarme américain de la bourse dans le cas de Madoff) ?</p>
<p>Lors d’une entrevue sur un poste de radio populaire à Montréal, où on m’avait invité à parler de mes recherches sur la prédation financière, un auditeur avait téléphoné. Il avait admis être tout juste sorti de deux ans de prison pour escroquerie, mais n’y voyait aucun mal. La faute en revenait aux victimes ; elles n’avaient qu’à ne pas être naïves.</p>
<h2>À qui la faute ?</h2>
<p>Dans un certain sens, cet homme sans scrupules n’avait pas tout à fait tort. La finance comportementale a largement démontré l’<a href="https://theconversation.com/la-finance-est-elle-irrationnelle-62322">« irrationalité »</a> des investisseurs. Autrement dit, le commun des mortels ne respecte pas les règles élémentaires de tout investissement : s’assurer de vérifier les faits, les rapports de rendement, la réputation des acteurs économiques en jeu ; diversifier son portefolio d’investissements ; favoriser les rendements stables avant de plonger tête première dans des aventures risquées, etc.</p>
<p>L’irrationalité, telle que définie dans le jargon financier, constitue ainsi une variable dont on doit tenir compte, tout comme on doit considérer la vulnérabilité des investisseurs, experts comme novices. Celle-ci s’articule, entre autres, autour de l’avarice ou de la convoitise, le manque d’éducation financière, les réseautages douteux, l’asymétrie d’informations, et j’en passe. Mais il y a une variable comportementale que la théorie, les articles scientifiques et les journaux oublient : la déconnexion.</p>
<p>J’ai introduit dans mes écrits scientifiques sur le phénomène de la prédation financière le concept de déconnexion. Voici comment elle fonctionne : plus on est endetté, plus on devient nerveux, plus on a tendance à paniquer et plus on se détache de la réalité de nos besoins, objectifs et préférences financiers.</p>
<h2>« Roue d’infortune »</h2>
<p>Cette dynamique peut aussi s’articuler ainsi : plus le marché s’échauffe (à travers une formation de bulle immobilière par exemple), plus on a peur de manquer le bateau (pour s’enrichir le plus vite possible) et plus on se coupe de sa réalité financière. À mesure que l’on se déconnecte, on prend irrémédiablement de mauvaises décisions, notamment parce que nous nous coupons des informations vitales mais parfois pénibles qui devraient nous « ramener sur terre ». Plus nos décisions financières sont inadéquates (par exemple, contracter un emprunt à un taux élevé), plus notre dette augmente. Un cercle vicieux se forme, que j’ai nommé la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joca.12326">« roue d’infortune »</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Mais comment décrire exactement ce qu’est la déconnexion ? J’ai emprunté ce concept de la psychiatrie, laquelle parle depuis plus d’un siècle de <a href="https://www.psychologue.net/articles/quest-ce-que-la-dissociation-et-comment-se-manifeste-t-elle">« dissociation »</a>. Cette dernière se produit lorsqu’un individu faisant face à un stress trop grand, se détache de la douloureuse réalité pour préserver son sens du moi. On pensera au phénomène du stress post-traumatique suite à une expérience guerrière ou à un viol, par exemple.</p>
<p>Dans le cadre qui nous concerne, une rupture similaire se produit. Pour expliquer le concept, j’ai recours au processus du décrochage des avions. Lorsque les avions atteignent leur vitesse de pointe (ou lorsque l’entreprise performe sur le marché économique), ils s’appuient sur l’air, ce que l’on nomme la portance (pour une entreprise, les données sur marché et ses tendances). Celle-ci est dépendante de l’incidence aérodynamique de l’appareil (« angle of attack », ou AoA).</p>
<p>On l’a vu dans le cas des <a href="https://theconversation.com/boeing-737-max-et-lac-megantic-les-deux-catastrophes-etaient-previsibles-131187">crashs des Boeing 737 Max</a> en 2018 et 2019, lorsque les outils de mesure ont mal calculé l’angle d’attaque des avions qui permettait une portance adéquate. L’avion s’appuie alors sur du vide, perd contrôle, plonge et s’écrase.</p>
<p>La même chose se produit dans l’esprit humain : sa portance est assurée en grande partie par son accès aux informations vitales et sa capacité à les traiter. Or, en temps de surexcitation due à un marché qui nous pousse à agir vite pour bénéficier des revenus rapides espérés, ou de crise (panique comme lors des <a href="https://theconversation.com/des-paniques-bancaires-sont-elles-toujours-a-craindre-195066">« paniques bancaires »</a>, qui sont la hantise de tout banquier), les individus tendent à décrocher. Ils perdent contact avec leurs besoins, objectifs et préférences (en anglais, les NGPs : « needs, goals, and preferences ») financiers initiaux. Le plus souvent, la catastrophe s’ensuit – banqueroute, faillite personnelle, surendettement aggravé, etc.</p>
<h2>Pour le prédateur, le leurre à la bonne heure</h2>
<p>Mes recherches dans le domaine de la prédation financière montrent que le prédateur financier promeut la complexité, car elle lui permet de subjuguer ses proies et de paraître en contrôle, et donc, de démontrer toute la compétence nécessaire pour naviguer dans les eaux troubles de la finance.</p>
<p>Le prédateur ne sera jamais complètement transparent : il évitera de vous donner les informations que vous demandez ou vous fera languir jusqu’à ce que vous abandonniez votre cause. Il dira avoir flairé la bonne affaire (en fait, c’est vous, la proie). Il aura des comptes dits fantômes et/ou à l’étranger. Ses résultats, après mûres analyses, seront « extraordinaires » (par exemple, des rendements élevés année après année). Il aura un rythme de vie qui ne correspond pas à son niveau social. Il nourrira un sentiment d’exclusivité ; vous êtes des élus.</p>
<p>Le prédateur financier joue immanquablement sur la confiance aveugle (ou quasi aveugle) qui caractérise les proies. La confiance qu’il est capable d’instaurer est un paravent, son outil privilégié de prédation : tôt ou tard, il la trompera. Il joue sur les quatre caractéristiques qui la façonnent : les affinités (il est comme vous, presque un membre de la famille), la bienveillance (il est gentil), la compétence (il démontre son expertise et affirme avoir des renseignements uniques) et l’intégrité (l’Autorité des marchés financiers ? Ce sont ses meilleurs amis).</p>
<p>Comment éviter la déconnexion ? Je propose treize questions toutes simples dans le <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/TestMadoff/questionnaire.htm">lien</a> ci-joint qui vous permettront de vous positionner facilement par rapport à un prédateur financier suspecté ou réel. J’inclus aussi treize questions qui vous permettent de déterminer si vous êtes relativement bien outillé pour parer à la déconnexion.</p>
<h2>Et vous, êtes-vous une proie de choix pour les prédateurs financiers ? <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/TestMadoff/questionnaire.htm">Faites le test !</a></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin d’un aigle chassant un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’effet de surprise, une caractéristique d’une situation de prédation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1195092">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/215291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines personnes peuvent se laisser piéger dans des engrenages qui les conduisent à abandonner progressivement leurs comportements rationnels.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152722023-10-09T17:45:11Z2023-10-09T17:45:11ZProjet de loi de finances : la fausse bonne idée d’une taxation des rachats d’actions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552729/original/file-20231009-19-gj5rrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C45%2C992%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le député MoDem Jean-Paul Mattei propose de «&nbsp;mettre en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions à un taux de 1&nbsp;% de l’opération&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/5926718/stock-graph-free-public-domain-cc0-image">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le cadre de la discussion parlementaire du budget 2024, le chef de file des députés MoDem, Jean-Paul Mattei, a remis sur la table une proposition d’amendement qu’il avait déjà formulé l’an dernier. Il plaide pour taxer davantage les opérations de rachats d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/actions-26034">actions</a>, ces mouvements financiers par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché.</p>
<p>Dans l’exposé des motifs de son amendement, Jean-Paul Mattei note que :</p>
<blockquote>
<p>« les rachats d’actions […] ont considérablement augmenté en France et à l’international ces dernières années et ont quasi doublé sur un an. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que le MoDem souhaite :</p>
<blockquote>
<p>« Mettre en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions à un taux de 1 % de l’opération et qui serait acquittée par les entreprises procédant au rachat. Seules les entreprises cotées dont le chiffre d’affaires excéderait 1 milliard d’euros seraient concernées par cette taxe. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710021095280005381"}"></div></p>
<p>Pour justifier cette nouvelle taxation des actionnaires, il est affirmé que :</p>
<blockquote>
<p>« Ces opérations servent dans les faits en grande partie des objectifs de court terme : rémunérer les actionnaires en complément du versement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dividendes-46099">dividendes</a>, soutenir le cours de la bourse ou encore augmenter le bénéfice par action. »</p>
</blockquote>
<p>Or, rien de tel n’est malheureusement exact.</p>
<h2>Eviter des investissements non rentables</h2>
<p>Premier point contestable : racheter ses actions n’est pas forcément faire preuve de court-termisme. En effet, il peut arriver qu’une entreprise dispose de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X05000528">trop de liquidités en trésorerie</a> et qu’elle n’ait pas forcément d’opérations d’investissements rentables à faire. Il s’agit souvent d’entreprises matures dont les opportunités d’investissements ne lui paraissent pas créatrices de valeur.</p>
<p>Dans ces conditions, rendre l’argent aux investisseurs qui le souhaitent n’est pas forcément une preuve de court-termisme, bien au contraire. Le rachat d’action peut dans ce cas éviter de se lancer dans des projets d’investissements destructeurs de valeur.</p>
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<p>Autre argument réfutable : les <a href="https://theconversation.com/dividendes-et-rachats-dactions-nenrichissent-pas-les-actionnaires-56562">rachats d’actions n’enrichissent pas les actionnaires</a>. On pourrait penser qu’en réduisant le nombre d’actions en circulation, cette pratique augmenterait la valeur des actions du fait de l’augmentation mécanique du bénéfice par action (BPA). Or, il ne suffit pas d’augmenter mécaniquement le BPA (du fait d’un nombre d’actions réduit) pour créer de la valeur actionnariale.</p>
<p>En effet, cette opération, strictement inverse à l’augmentation de capital en numéraire, ne constitue pas un enrichissement des actionnaires. Si cela était le cas, il faudrait considérer que l’augmentation de capital représente une opération destructrice de valeur pour les actionnaires. Bien sûr, il n’en est rien : contre un apport de cash, les actionnaires reçoivent des titres. Dans le cas du rachat d’actions, les actionnaires reçoivent du cash contre leurs actions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les rachats d’actions ne créent pas de valeur (Michel Albouy pour Xerfi canal, 2020).</span></figcaption>
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<p>Mais attention, l’augmentation de capital ne sera créatrice de valeur que si les fonds récoltés sont investis dans des projets d’investissement à valeur actuelle positive (rentabilité supérieure au coût du capital). Inversement, le rachat d’actions sera créateur de valeur, si au lieu d’investir le cash dans des projets non rentables, il est rendu aux actionnaires.</p>
<p>Le député explique également que les rachats d’action permettent de soutenir le cours de bourse. L’idée derrière cette affirmation est que l’entreprise créerait un courant acheteur qui va valoriser le titre. Encore une fois, la <a href="https://www.finance-gestion.com/vox-fi/les-rachats-dactions-font-ils-monter-les-cours-de-bourse/">recherche en finance montre qu’il n’en est rien</a>. C’est un peu comme les États qui croient qu’en rachetant leurs devises sur les marchés, ils vont soutenir le cours de leur monnaie. Malheureusement dans ce cas, la valeur de la devise va s’ajuster en fonction des fondamentaux de leurs économies, comme pour les actions qui dépendent <em>in fine</em> de la valeur de l’entreprise. Si celle-ci diminue du montant des rachats et des dividendes versés, sa valeur s’ajuster en conséquence.</p>
<h2>Une vision limitée de la finance en entreprise</h2>
<p>Pour les tenants d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> accrue des dividendes et des rachats d’actions se trouve non seulement l’idée que ces versements enrichissent indûment les actionnaires mais également l’idée que ces versements se feraient à l’encontre de l’intérêt de l’entreprise, de sa croissance et de ses salariés.</p>
<p>L’idée que les rachats d’actions conduiraient à réduire le montant des investissements revient à dire que les entreprises seraient soumises à un rationnement du capital et qu’elles devraient donc amputer leurs budgets d’investissements pour satisfaire l’appétit des actionnaires.</p>
<p>Cependant, cette affirmation ne tient pas si on considère les niveaux extrêmement élevés des trésoreries des grandes entreprises. Cela est <a href="https://www.cairn.info/revue-finance-2020-2-page-53.htm?ref=doi">bien renseigné par la recherche en finance</a>.</p>
<p>Enfin, le dividende et surtout les rachats d’actions permettent de limiter l’accumulation de liquidités et donc de réduire les marges discrétionnaires des dirigeants qui, selon la <a href="https://www.cairn.info/analyse-economique-de-la-firme--9782200291204-page-101.htm">théorie de l’agence</a>, peuvent ne pas toujours investir dans l’intérêt de leurs actionnaires.</p>
<p>Au bilan, les dividendes et les rachats d’action constituent des moyens de réallocation du capital dans l’économie, des outils de gestion financière des entreprises, et non un enrichissement net des actionnaires au détriment de l’entreprise. Dans ces conditions, faut-il vraiment taxer encore davantage les entreprises via ce levier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La proposition d’une taxe supplémentaire sur les grands groupes qui rachètent leurs propres titres en bourse repose sur une série d’idées reçues sur ces opérations.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140392023-09-26T19:10:18Z2023-09-26T19:10:18ZFinance durable : Comment l’UE a expérimenté les principes de la démocratie participative<p>En 2016, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commission-europeenne-22430">Commission européenne</a> réunissait un groupe d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/experts-25772">experts</a> venant de la société civile, du secteur financier et universitaire pour préparer un rapport visant à réformer la régulation en faveur d’une finance plus durable. Après une année de travail, le groupe, composé de 20 personnes, émet ses <a href="https://finance.ec.europa.eu/system/files/2018-01/180131-sustainable-finance-final-report_en.pdf">recommandations</a> en janvier 2018. </p>
<p>Moins de deux mois après la publication de ce rapport, en mars 2018, la Commission européenne dévoile son plan d’action pour une finance durable, largement alimenté par les travaux des experts. S’en suivra une série de régulations en matière de finance durable, telles que la <a href="https://finance.ec.europa.eu/sustainable-finance/tools-and-standards/eu-taxonomy-sustainable-activities_en">« taxonomie verte »</a> en 2020.</p>
<p>Le mode de fonctionnement suivi par ce groupe d’experts s’apparente à un « mini public délibératif » qui jusque-là réunissait plutôt des citoyens. Un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41304-020-00284-9">projet de recherche européen</a> a répertorié plus de 105 « mini-publics délibératifs » organisés entre 2000 et 2020 en Europe, dont 20 en France, où des conventions citoyennes sur le climat ou la fin de vie ont par exemple été organisées. </p>
<p>Depuis quelques années, ces principes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/democratie-participative-73457">démocratie participative</a> se développent aussi parmi les groupes d’experts et des représentants des parties prenantes aux intérêts divergents et aux parcours de plus en plus hétéroclites qui tentent de résoudre des problèmes sociaux et environnementaux.</p>
<h2>Une capacité à délibérer fragile</h2>
<p>Cependant, en ce qui concerne la forme la plus répandue des conventions citoyennes, cette forme de délibération reste régulièrement décriée du fait de <a href="https://www.lagrandeconversation.com/debat/politique/la-convention-citoyenne-une-innovation-democratique/">son manque de transparence ou de légitimité démocratique</a>. Et pour cause, les participants ne sont pas élus, mais, le plus souvent, aléatoirement choisis en fonction de critères sociodémographiques. De plus, ces participants-citoyens ne reconnaissent pas toujours le <a href="https://theconversation.com/lintelligence-collective-au-coeur-des-enjeux-politiques-et-sociaux-169203">résultat tangible des discussions</a> dans les recommandations finales, et encore moins <a href="https://reporterre.net/Convention-pour-le-climat-seules-10-des-propositions-ont-ete-reprises-par-le-gouvernement">dans leur mise en œuvre par le pouvoir politique</a>.</p>
<p>La « capacité à délibérer » qui sous-tend ces conventions citoyennes reste elle-même fragile. Des chercheurs en sciences politiques comme l’Australien <a href="https://researchprofiles.canberra.edu.au/en/publications/democratization-as-deliberative-capacity-building">John Dryzek</a> considèrent qu’une délibération est d’autant plus démocratique qu’elle intègre une diversité de participants et d’intérêts (<em>inclusion</em>), qu’elle se compose de débats clairement argumentés, au sein desquels les points de vue contradictoires sont écoutés avec empathie et débattus (<em>authenticité</em>) et qu’elle se traduit en implications concrètes, visibles et légitimes pour les participants (<em>impact</em>). Cependant, la mise en œuvre de ces trois propriétés reste une tâche complexe.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/01708406231185972">Notre étude</a> suggère ainsi que l’organisation concrète d’une telle délibération s’apparente à une forme de funambulisme, tant sont fortes les contradictions entre inclusivité, authenticité et impact. </p>
<p>Trop d’inclusivité, avec des participants très divers, et ayant potentiellement des points de vue divergents, rend par exemple périlleuse la conduite de discussions authentiques. Un groupe plus homogène aura plus de facilités pour débattre et argumenter, mais ses recommandations seront moins représentatives de la diversité des enjeux.</p>
<h2>Une réorganisation en cours de route</h2>
<p>Dans le cas de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reglementation-68082">réglementation</a> européenne en faveur de la finance verte, la Commission européenne a géré cette tension en recrutant, au-delà de membres d’organisations non gouvernementales et d’experts financiers, une proportion conséquente d’experts « hybrides » provenant de la finance durable avec une expertise du sujet et des expériences au sein de la société civile.</p>
<p>Une seconde tension oppose authenticité et impact. Le temps requis pour organiser un débat authentique peut être long. Bien que nécessaire pour créer des conditions de discussions authentiques, celui-ci correspond rarement <a href="https://theconversation.com/convention-citoyenne-pour-le-climat-la-democratie-participative-vue-de-linterieur-141571">aux urgences liées à l’agenda politique</a>.</p>
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<p>Dans le cas étudié, les organisateurs prirent soin de redéfinir les frontières des espaces de délibération, en constituant des sous-groupes chargés de générer des idées sous forme orale et écrite. Ces sous-groupes ont été réorganisés en cours de route afin de ne pas laisser les participants s’enfermer dans leur domaine d’expertise.</p>
<p>La recherche d’inclusivité apparaît également en contradiction avec l’impact de la délibération, car la diversité des enjeux à prendre en compte peut ralentir la production de recommandations. Dans le groupe d’experts étudié, cette tension a été réduite en responsabilisant les participants vis-à-vis des résultats obtenus, en les impliquant dans des espaces de discussion publics (médias, forums publics), et en les incitant à prendre part aux discussions sur ces thèmes dans leurs pays respectifs, tout en dialoguant avec d’autres spécialistes de la Commission européenne et du Parlement européen.</p>
<p>Cette confrontation à d’autres espaces a contribué à la production de recommandations susceptibles d’avoir un impact tangible sur la régulation des marchés financiers.</p>
<h2>Impliquer directement le politique</h2>
<p>Toute personne impliquée dans la mise en œuvre d’une délibération a été confrontée à ces tensions, sources de frustrations pour les participants, notamment lorsque l’impact législatif des débats reste limité. S’il n’y a pas de recette miracle pour y remédier, notre recherche met en lumière des pratiques permettant de gérer ces tensions qui pourraient être utiles aux organisateurs de délibérations soucieux de les conduire de manière inclusive et authentique, tout en préservant leur impact. </p>
<p>Ainsi, impliquer les décideurs politiques directement dans de telles délibérations permettrait de renforcer leur impact concret sur le cadre législatif, notamment en ce qui concerne les questions sociétales ou liées au changement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un projet de recherche revient sur le processus de délibération au sein d’un groupe d’experts aux visions divergentes qui a posé les jalons du texte européen visant à responsabiliser la finance.Stephanie Giamporcaro, Associate Professor, ESG and Sustainable Finance, Nottingham Trent UniversityCéline Louche, Professor, AudenciaJean-Pascal Gond, Professor of Corporate Social Responsibility, City, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139242023-09-25T16:57:30Z2023-09-25T16:57:30ZInnovation ou exploitation : comment investir de manière pertinente en capital-risque industriel ?<p>La crise liée au coronavirus a montré que le comportement des investisseurs en capital-risque industriel s’est avéré résilient. Le capital-risque industriel (CRI), Corporate Venture Capital en anglais, est une <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie entrepreneuriale</a>, qui consiste, pour les grands groupes, à créer des fonds d’investissement pour <a href="https://doi.org/10.7202/1076015ar">financer des start-up innovantes</a>. Au-delà de leur <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">apport financier</a>, les grands groupes jouent un rôle de coaching et apportent leur savoir-faire managérial et technique aux jeunes pousses.</p>
<p>Le financement mondial soutenu par des fonds de capital-risque industriel a atteint presque 100 milliards de dollars en 2022 selon la <a href="https://www.cbinsights.com/research/report/corporate-venture-capital-trends-2022/">base de données CB insights</a>, deuxième année la plus faste après le record de 2021 (173 milliards). Cela représente environ <a href="https://pitchbook.com/data">30 % du total des opérations de capital-risque</a> de l’an passé, proportion en augmentation.</p>
<p>Les industriels ont, en la matière, le choix entre deux stratégies, qu’elles peuvent mener simultanément : l’exploration et l’exploitation. Une opération « exploratoire » désigne des <a href="https://theconversation.com/topics/investissement-20236">investissements</a> dans des <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> dont les activités se situent dans des secteurs d’activité totalement différents. Cela engage les organisations dans la recherche, l’innovation, l’expérimentation et la créativité : l’intérêt est de pouvoir acquérir de nouvelles technologies. L’« exploitation », elle, implique des start-up dont les activités principales sont identiques ou connexes. On vise alors davantage un accroissement des compétences, de la productivité et des flux de trésorerie.</p>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.jebo.2022.07.012">travaux</a> se sont donnés pour objectif de mieux comprendre les arbitrages effectués entre l’une ou l’autre. Être « ambidextres » en la matière, c’est-à-dire adopter les deux options, s’avère pour les professionnels un enjeu de résilience face aux crises et à la transition écologique. Plusieurs moyens de les articuler avec pertinence, c’est-à-dire avec un impact significativement positif sur les performances financières, ont pu être identifiés au cours de nos recherches.</p>
<h2>Innover puis exploiter</h2>
<p>Notre étude a été menée sur un échantillon de 274 investisseurs corporatifs. Elle compte au total 12 895 observations sur la période allant de 1993-2017. Les données exploitées dans cette recherche ont été recueillies à partir des bases <a href="https://www.refinitiv.com/en/products/thomson-one-wealth-solutions">Thomson VentureXpert</a> et <a href="https://www.marketplace.spglobal.com/en/datasets/compustat-financials-(8)">Standard and Poor’s Compustat</a>.</p>
<p>Une stratégie pertinente qui en ressort est dite « <strong>séquentielle</strong> » : il s’agit de faire d’un investissement exploratoire une première étape. Son issue fera alors l’objet d’un nouvel investissement pour exploitation. Motorola Solutions Venture Capital y a par exemple eu recours avec succès.</p>
<p>L’objectif principal de Motorola Solutions Venture Capital est d’allouer ses investissements principalement aux entreprises qui opèrent dans les domaines de la sûreté publique, de la sécurité, des communications critiques, de l’Internet des objets et de l’analyse de données/intelligence artificielle. À titre d’exemple, elle a réalisé des investissements dans Aerocast, Cacheon, Catch Media, DevLan One, E Ink Corporation, ou Ensemble Solutions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La raison en est l’importance considérable qu’accorde le groupe aux avancées technologiques pertinentes pour ses activités principales. Elle adopte ainsi une stratégie flexible qui alterne entre les stratégies d’exploration et d’exploitation, en fonction de l’évolution de ses besoins en matière d’acquisition de connaissances.</p>
<p>Nos résultats montrent que pareille ambidextrie séquentielle augmente la performance financière des industriels. Les capital-risqueurs s’adaptent alors aux différents types d’activité et évitent plusieurs risques. À se concentrer sur l’exploitation, une entreprise s’expose par au piège d’une spécialisation à succès, c’est-à-dire surfer sur un produit qui un jour deviendra obsolète, menaçant à long terme l’existence de l’entreprise. À ne miser que sur l’exploration, l’entreprise est accaparée par la recherche et le changement technologique, ce qui la rend sujette à davantage d’échecs.</p>
<h2>Alterner régulièrement</h2>
<p>Il n’y a cependant pas de consensus sur les degrés d’équilibre entre les activités d’exploration ou d’exploitation ou sur la manière de combiner les deux activités. Notre recherche montre néanmoins la fréquence de changement dans le temps (le nombre de fois qu’une entreprise passe d’une activité à l’autre) entre l’exploration et l’exploitation a un impact significativement positif sur la performance. Cela s’explique à nouveau par la diminution du risque qu’une technologie exploitée devienne obsolète, sans solution à court terme pour la remplacer.</p>
<p>Combiner exploration et exploitation, c’est ce que savent très bien faire des sociétés comme Baxalta, Caterpillar, ou <a href="http://SALESFORCE.COM">Salesforce.com</a> inc. La réalisation conjointe d’un CRI exploratoire et d’un CRI d’exploitation stimule alors l’innovation de l’organisation grâce à l’utilisation complémentaire de ces deux activités.</p>
<p>Comme Motorola, Salesforce s’intéresse prioritairement aux entreprises lui permettant de renforcer ses domaines de compétence. La stratégie d’investissement de Salesforce reflète sa volonté de soutenir financièrement des start-up lui permettant de renforcer ses domaines de compétence comme Speakeasy Tech, Vidyard ou Dispatch Technologies, qui toutes trois œuvrent dans le domaine des logiciels et outils Internet.</p>
<p>Toutefois, pour y parvenir et permettre une exploitation plus rapide à partir de l’exploration en cours, il faut du temps, des ressources et une formation supplémentaire des managers, pas toujours en mesure d’exercer les deux activités d’exploitation et d’exploration et de passer de l’une à l’autre. C’est là tout un challenge pour les grands groupes industriels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les grands groupes qui soutiennent des start-up en leur apportant des fonds et des conseils réussissent leur stratégie en combinant des investissements dans leur secteur d'activité et en dehors.Souad Brinette, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business School - OCRE, EDC Paris Business SchoolFatima Shuwaikh, Associate professor of finance, Pôle Léonard de VinciSabrina Khemiri, Maître de conférences en finance d’entreprise, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141052023-09-25T16:49:26Z2023-09-25T16:49:26ZLes investisseurs sous-estiment-ils (fortement) leur exposition au dérèglement climatique ?<p>Si la transition énergétique a un coût pour les investisseurs privés, le changement climatique aussi. Les phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, canicules, incendies, tempêtes, inondations, etc.), qui devraient selon les experts <a href="https://reseauactionclimat.org/rapport-giec-climat-2021/">se multiplier ces prochaines années</a>, augmentent en effet fortement le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> de perte de valeurs des portefeuilles.</p>
<p>Dans une <a href="https://edhec.infrastructure.institute/wp-content/uploads/2023/07/p1102.pdf">étude</a> intitulée « It’s getting physical » et publiée en août 2023, <em>l’Infrastructure and Private Assets Research Institute</em> de l’EDHEC montre que certains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> pourraient même voir, avant 2050, la valeur de leur portefeuille baisser de plus de 50 %. L’investisseur moyen, qui détient généralement une petite dizaine d’actifs, pourrait de son côté voir la valeur de son portefeuille baisser de 25 %.</p>
<p>Il y a une raison à cela. Au cours des deux dernières décennies, les investisseurs institutionnels ont alloué de plus en plus de capitaux à des sociétés d’infrastructures privées, qui opèrent dans les péages d’autoroute, les aéroports, les centrales électriques, les ponts, les oléoducs, les fermes éoliennes et photovoltaïques, etc. Cela représente, au total, une valeur de 4,1 trillions de dollars dans les 25 marches les plus actifs. Or, ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/infrastructure-22982">infrastructures</a> sont particulièrement exposées aux risques climatiques.</p>
<h2>Une perte de la valeur de 27 % en moyenne</h2>
<p>Pour mesurer les pertes probables des investisseurs dans le domaine des infrastructures, nous avons construit de manière aléatoire des milliers de portefeuilles. Pour cela, nous avons utilisé des centaines d’actifs pour lesquels il est possible d’obtenir des informations sur les risques climatiques associés dans la base infraMetrics créée par l’EDHEC.</p>
<p>Nous avons tout d’abord observé une forte concentration des risques. En effet, la plupart des investisseurs dans le domaine des infrastructures ont généralement peu d’actifs dans leur portefeuille. Ceux-ci sont peu diversifiés, avec un nombre relativement limité d’actifs directement détenus par chaque investisseur.</p>
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<p>Par ailleurs, les portefeuilles contenant des actifs liés aux infrastructures sont souvent concentrés sur un seul secteur (par exemple : les parcs éoliens). Concrètement, un investisseur qui a commencé à constituer un portefeuille en 2018, et qui prévoit de conserver ses actifs pendant encore 30 ans, s’expose à des pertes uniquement dues aux risques physiques qui s’échelonnent entre -54 % et -10 %, selon le nombre d’actifs détenus.</p>
<p>En outre, la perte de valeur des actifs exposés au dérèglement climatique est de -27 % en moyenne. Dans un scénario où les températures augmenteraient plus rapidement qu’escompté (<em>Hot House scenario</em>), ces pertes pourraient atteindre 54 % pour les portefeuilles les plus concentrés.</p>
<p>Certains secteurs sont également plus exposés que d’autres aux risques climatiques. Ainsi, dans le secteur des transports, la perte de valeur nette des actifs serait 4 fois plus importante que dans le secteur des énergies renouvelables.</p>
<h2>Les pays développés sont les plus exposés</h2>
<p>Nous relevons enfin que les investisseurs des pays développés (États-Unis, Europe, Australie, etc.) sont les plus exposés aux pertes de valeur dans le monde. En effet, plus un endroit concentre des actifs de valeur, plus les risques de destruction de valeur sont grands.</p>
<p>Cette étude nous montre ainsi l’importance de ces pertes potentielles auxquelles devront faire face les investisseurs. Et ce, avant l’échéance de 2050, tant que les prédictions relatives au changement climatique ne changent pas. Sans action des gouvernements et des autres parties prenantes, les risques climatiques pourraient donc avoir un impact très important sur la valeur globale des investissements, et sur l’économie de manière générale.</p>
<p>Une lu eur d’espoir demeure néanmoins : si les parties prenantes parviennent à organiser une transition efficace vers une économie décarbonée, les pertes évoquées dans l’article pourraient être réduites de moitié, pour <em>tous</em> les investisseurs. Il ne reste plus – et c’est sans doute le plus difficile – qu’à agir.</p>
<hr>
<p><em>La présentation des résultats de cette étude sera approfondie lors du <a href="https://www.edhec.edu/fr/news/participez-au-webinar-it-s-getting-physical-de-l-edhec-infrastructure-private-assest-research">webinaire « It’s getting physical »</a> organisé par l'EDHEC Infrastructure & Private Assest Research Institute mercredi 27 septembre 2023 de 10h à 11h. Vous pouvez vous inscrire en cliquant <a href="https://us02web.zoom.us/webinar/register/2016891819923/WN_Amyf20bHSWecRaQUgeUoYA#/registration">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude de l'EDHEC, certains investisseurs pourraient voir la valeur de leur portefeuille fondre de 50% d'ici 2050 en raison de la mulitplication des phénomènes météorologiques extrêmes.Noël Amenc, Professeur de finance, EDHEC Business SchoolAbhishek Gupta, Associate Director at the EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolBertrand Jayles, Senior Sustainability Data Scientist, EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolDarwin Marcelo, Project Director at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolFrédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolLeonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business SchoolNishtha Manocha, EDHECinfra Senior Research Engineer, EDHEC Business SchoolQinyu Goh, MSc Urban Science, Sustainability Data Scientist at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139392023-09-24T15:34:16Z2023-09-24T15:34:16ZLes fonds activistes sont-ils de bons conseillers en affaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549117/original/file-20230919-19-bv8swm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2560%2C1705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paul Singer, PDG et fondateur d’Elliott Management.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Global_Financial_Context_Paul_Singer.jpg">World Economic Forum / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-speculatifs-99852">fonds spéculatifs</a> (<em>hedge funds</em>) <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-activistes-52359">activistes</a> comme <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/29/un-actionnaire-activiste-sera-peut-etre-a-l-origine-de-l-adaptation-d-un-mastodonte-du-petrole-a-la-transition-energetique_6100328_3234.html">Third Point</a>, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-pernod-ricard-est-une-cible-de-choix-pour-le-fonds-activiste-elliott-110911">Elliott Management</a> ou <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/on-fait-un-cadeau-a-kretinsky-atos-sattire-les-foudres-du-fonds-activiste-ciam-1977527?xtor=CS4-6235">CIAM</a> font régulièrement la une de la presse pour leur rôle de « poils à gratter » sinon de « <a href="https://www.bloomberg.com/view/quicktake/vulture-investing#xj4y7vzkg">vautours</a> de la finance ». Leur <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie</a> est d’obtenir des résultats très rapidement en mettant la main sur des entreprises dont ils pensent pouvoir doper les performances en n’opérant que de menus changements.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://doi.org/10.1111/j.1540-6261.2008.01373.x">études</a> mentionnent leur contribution à la bonne <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">santé financière</a> des sociétés ciblées malgré leur orientation court-termiste. D’autres mettent en exergue des <a href="https://doi.org/10.1093/rfs/hhr016">effets négatifs sur les rendements obligataires</a>. Ces résultats reposent cependant souvent sur des faiblesses méthodologiques.</p>
<p>Le débat autour de ces fonds s’est intensifié en raison de la montée des campagnes activistes initiées par les fonds spéculatifs au cours des deux dernières décennies, ceux dirigés par exemple par Carl Icahn (Icahn Enterprises), Paul Singer (Elliott Management) ou Daniel Loeb (Third Point). Ils se coordonnent parfois, un modus operandi que Wall Street a surnommé « meutes de loups ».</p>
<p>Souvent domiciliés aux États-Unis, ces activistes <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/leurope-et-lasie-attirent-de-plus-en-plus-les-fonds-activistes-1970772">interviennent également en Europe et en Asie</a>. <a href="https://www.diligent.com/resources/research/shareholder-activism-in-h1-2023">Aucun secteur d’activité n’est épargné</a>, avec une prépondérance pour des campagnes ciblant des firmes des secteurs de la consommation discrétionnaire (celle qui désigne les biens et services jugés non essentiels), l’industrie et les matériaux de base. Leurs motifs d’intervention reposent sur des considérations stratégiques (26 % des campagnes menées sur le STOXX 600) ou de gouvernance, comme la composition du Conseil d’Administration (24 %).</p>
<p><iframe id="AF5Zm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AF5Zm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le débat sur les bénéfices présupposés des <em>hedge funds</em> est loin d’être tranché, pourtant ces investisseurs jouent un rôle significatif dans la conduite du changement, la stratégie et la gouvernance des firmes. On est donc en droit de se poser LA question à plusieurs milliards : ces professionnels de la finance sont-ils de bons conseillers en affaires pour les firmes sujettes à leurs campagnes très médiatisées ?</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.econmod.2023.106335">recherche</a> récemment publié dans la revue <em>Economic Modelling</em>, nous avons tenté d’apporter davantage de finesse en nous intéressant au cycle de vie des entreprises ciblées afin fournir une compréhension plus globale des conséquences de l’activisme, allant au-delà des mesures isolées de la performance. Il semble exercer une influence positive notable, à certaines conditions néanmoins.</p>
<h2>Efficaces auprès des entreprises plutôt jeunes</h2>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2017.12.003">cycle de vie</a> d’une firme délimite des phases distinctes dans la trajectoire d’une entreprise, qui est influencée par des facteurs internes tels que les décisions stratégiques et des facteurs externes tels que la concurrence dans le secteur d’activité.</p>
<p>Nous nous sommes pour cela fondés sur les <a href="https://doi.org/10.2308/accr-10130">flux de trésorerie</a> pour contourner les <a href="https://doi.org/10.1007/s11142-019-9480-8">pièges potentiels</a> associés à la manipulation des bénéfices par les fonds, un aspect crucial de leur méthodologie. Un échantillon d’entreprises américaines ciblées par des campagnes activistes menées par des fonds spéculatifs entre 1999 et 2019 a été méticuleusement constitué. Le cycle de vie de chacune a été mis en regard avec celui de ses pairs sur une période de quatre ans après le lancement de la campagne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701644785067421910"}"></div></p>
<p>Les résultats montrent que les interventions des activistes entraînent des changements significatifs dans le cycle de vie des entreprises cibles. Plus précisément, les entreprises en phase d’introduction ou de croissance ont tendance plus que la moyenne à se situer dans des phases plus favorables dans les quatre années qui suivent les interventions des activistes. Les entreprises matures ont également tendance à maintenir leur stade favorable. Les entreprises en phase finale ne montrent, elles, pas d’améliorations significatives, suggérant ainsi que la capacité des <em>hedge funds</em> à prodiguer des conseils stratégiques en matière de redressement pourrait être plus limitée.</p>
<h2>Périodes longues et hedge funds expérimentés</h2>
<p>Une batterie d’analyse complémentaire montre en outre que les avantages de l’activisme des fonds ne sont pas uniformément répartis entre les entreprises cibles, mais dépendent de caractéristiques propres à la campagne menée. Ainsi, les campagnes plus longues et celles orchestrées par des investisseurs plus expérimentés dans le secteur de la firme cible se distinguent.</p>
<p>Le temps semble ainsi jouer un rôle crucial dans la capacité des <em>hedge funds</em> à créer de la valeur pour les entreprises qu’ils ciblent. Les avantages de la prestation de conseils sont plus visibles lorsque la relation entre ces fonds, les gestionnaires et les administrateurs se développe sur une période plus longue, favorisant ainsi davantage d’interactions et la recherche d’un <a href="https://doi.org/10.1007/s10551-012-1237-2">consensus amélioré</a>.</p>
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<p>Par ailleurs, conformément à la <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=zCAUDAAAQBAJ">vision de l’entreprise fondée sur les ressources</a> (qui part du principe que c’est en mettant la main sur des ressources stratégiques que l’entreprise peut obtenir un avantage comparatif durable), les résultats indiquent que la valeur ajoutée de la prestation de conseils des <em>hedge funds</em> est plus manifeste lorsque ces fonds ont une expérience plus approfondie dans le secteur et peuvent la partager avec les entreprises qu’ils visent. Cela corrobore des résultats de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2016.08.009">recherches précédentes</a>.</p>
<h2>Encore quelques zones grises</h2>
<p>Enfin, la recherche écarte l’idée que la nature conflictuelle de la campagne mène nécessairement à des résultats stratégiques supérieurs. Une campagne agressive n’est pas intrinsèquement préjudiciable ; elle ne se traduit pas toujours pour autant par des changements stratégiques optimaux.</p>
<p>Pris dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les <em>hedge funds</em> activistes ont la capacité d’offrir de précieux conseils à leurs entreprises cibles, apportant ainsi des preuves de leur contribution positive aux actionnaires des entreprises. Ils augmentent de manière significative la probabilité des jeunes sociétés d’atteindre le stade de la maturité dans les 4 ans qui suivent l’initiation de la campagne d’activisme. Ces bénéfices se manifestent néanmoins dans des cas précis, avec une cible plutôt jeune, un gérant de <em>hedge fund</em> expérimenté et une campagne longue.</p>
<p>Il reste néanmoins de nombreuses zones grises sur l’activisme actionnarial émanant des <em>hedge funds</em>, notamment leur contribution au <a href="https://doi.org/10.1016/j.jfineco.2018.06.012">capital intangible</a> des entreprises ou leur influence sur les <a href="https://www.institutionalinvestor.com/article/2bsx8ylxkok3og600c45c/portfolio/hedge-fund-activists-pivot-to-esg">pratiques ESG</a>. Deux études sur ces sujets sont d’ailleurs en cours pour appronfondir ce sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Desrousseaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les « hedge funds » ont un réel impact sur le cycle de vie des entreprises ciblées, surtout si les structures sont jeunes, si le fonds est expérimenté et si la campagne d'activisme dure.Luc Desrousseaux, Professeur en finance, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139372023-09-22T15:19:26Z2023-09-22T15:19:26ZNous avons offert 7 500 dollars à des personnes sans domicile fixe. Voici ce qu’elles ont fait avec cet argent<p>L’itinérance est une question très complexe et grandement incomprise. Lorsqu’on entend ce terme, on a tendance <a href="https://www.jstor.org/stable/2787093">à l’associer</a> à la maladie mentale ou à la consommation problématique de substances. Les personnes sans domicile sont largement <a href="https://doi.org/10.1111/hsc.13884">stigmatisées</a>, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1749-6632.2009.04544.x">déshumanisées</a> et perçues comme peu compétentes et non dignes de confiance. Mais la réalité est bien plus nuancée.</p>
<p>Un <a href="https://www.vancitycommunityfoundation.ca/sites/default/files/uploads/HC2020_FinalReport.pdf">recensement effectué en 2020</a> par la BC Non-Profit Housing Association dans la région métropolitaine de Vancouver a révélé qu’il y avait 3 634 personnes sans domicile fixe, dont 1 029 qui n’ont pas recours à des centres d’hébergement et 2 605 qui y ont recours. Seule la moitié d’entre elles avaient des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’itinérance cachée, qui comprend les personnes qui dorment sur un canapé chez quelqu’un ou dans leur voiture.</p>
<p>Plus une personne reste longtemps sans domicile, <a href="https://doi.org/10.1080/17523281.2011.618143">plus elle risque</a> d’être confrontée à des traumatismes, à la toxicomanie et à des problèmes de santé mentale. Cette situation entraîne souvent une détérioration de l’état de santé à long terme.</p>
<p>Les approches actuelles ne fonctionnent pas, comme en témoigne <a href="https://www.homelesshub.ca/resource/addressing-homelessness-metro-vancouver">l’augmentation rapide</a> du nombre de personnes sans domicile. On a démontré qu’il <a href="https://www.homelesshub.ca/resource/addressing-homelessness-metro-vancouver">est plus coûteux</a> d’offrir des refuges de courte durée qu’un logement stable. Il est donc impératif de changer notre stratégie.</p>
<h2>Tenter quelque chose de nouveau</h2>
<p>En 2016, nous nous sommes associés à Claire Williams, cofondatrice de <a href="https://forsocialchange.org/who-we-are#:%7E:text=Claire%20Elizabeth%20Williams%20is%20the,impact%20on%20the%20global%20stage.">Foundations for Social Change</a>, pour élaborer une nouvelle solution.</p>
<p>Nous avons effectué un transfert ponctuel de 7 500 dollars à des personnes sans domicile de Vancouver. Cette somme forfaitaire, équivalant à l’aide sociale offerte pour un an en 2016 en Colombie-Britannique, leur a donné la possibilité de payer un loyer et de couvrir d’autres frais de subsistance. Le versement d’argent constitue un moyen de permettre aux gens d’éviter l’itinérance dans la dignité.</p>
<p>Il nous a fallu deux ans pour obtenir le soutien d’organismes partenaires et de donateurs. Nous avons d’abord conclu un accord avec le gouvernement de la Colombie-Britannique pour que les bénéficiaires puissent conserver les 7 500 dollars tout en restant éligibles à l’aide sociale. Nous avons ensuite travaillé avec la coopérative de crédit Vancity pour offrir des comptes chèques gratuits où ces fonds pouvaient être déposés.</p>
<p>En 2018, nous avons lancé le premier <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2222103120">essai contrôlé randomisé</a> au monde qui visait à examiner les incidences d’un don d’argent sur des personnes en situation d’itinérance. Notre objectif était de commencer avec des personnes devenues sans-abri depuis peu à un moment où elles avaient besoin d’argent pour éviter de rester coincées dans cette situation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme couché sur un banc" src="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Soutenir des personnes en leur versant de l’argent peut les aider à ne pas se trouver coincées en situation d’itinérance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nos participants</h2>
<p>Notre équipe s’est rendue dans 22 refuges du Lower Mainland en Colombie-Britannique pour sélectionner des personnes sans domicile depuis moins de deux ans, de nationalité canadienne ou résidentes permanentes, âgées de 19 à 65 ans et sans problèmes graves de toxicomanie ou d’alcoolisme, ni de santé mentale. </p>
<p>Notre échantillon représentait 31 % de la population des refuges de Vancouver. Au total, 229 personnes répondaient à nos critères. Elles ne savaient rien du programme de versement d’argent. Mais lorsque nous avons essayé de les recontacter pour mener l’enquête de référence, nous n’avons pas pu joindre la moitié d’entre elles parce qu’elles n’avaient pas d’adresse stable, de téléphone ou d’adresse électronique. </p>
<p>Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas pu retrouver 114 personnes et avons fini par recruter 115 participants pour notre étude. Dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé, nous avons choisi de manière aléatoire 50 participants qui allaient recevoir de l’argent et 65 qui n’en recevraient pas. Nous avons informé les 50 participants du groupe « avec argent » du fait qu’on allait effectuer un versement seulement après qu’ils ont répondu à l’enquête de référence. Nous n’en avons rien dit aux personnes de l’autre groupe.</p>
<p>Nous avons suivi les participants pendant un an afin d’évaluer les effets du transfert d’argent. Nous avons perdu tout contact avec environ 30 % d’entre eux pendant cette période, et certains ont déménagé loin de Vancouver.</p>
<p>Nous avons proposé un atelier et du mentorat à un sous-ensemble de participants en guise de soutien supplémentaire. L’atelier proposait une série d’exercices visant à les aider à réfléchir aux moyens de retrouver une stabilité dans leur vie. Le mentorat consistait en des rencontres téléphoniques avec un coach certifié, formé pour aider les gens à atteindre leurs objectifs de vie.</p>
<p>Comme personne n’avait jamais mené d’étude de ce genre auparavant, nous disposions de peu d’éléments pour orienter nos prédictions sur les effets du versement. Mais en nous inspirant des bonnes pratiques, nous avons formulé quelques hypothèses sur le bien-être à court terme et les fonctions cognitives en nous basant sur des études antérieures sur des transferts d’argent. Aucune de ces hypothèses ne s’est avérée exacte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une personne en train de compter de l’argent" src="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La plupart des participants ont dépensé l’argent reçu pour payer un loyer, de la nourriture et acheter des articles tels que des meubles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nos résultats</h2>
<p>Ce qui nous a étonnés, c’est l’incidence positive des transferts d’argent. Les gens qui ont reçu une aide financière ont passé en moyenne 99 jours de moins dans la rue sur une période d’un an.</p>
<p>Cela s’est traduit par des économies nettes de 777 dollars par personne par an. En d’autres termes, l’État et les contribuables ont ainsi économisé de l’argent. Les bénéficiaires de l’offre ont augmenté leurs dépenses pour le loyer, la nourriture, le transport et l’achat d’articles tels que des meubles ou une voiture.</p>
<p>Fait important, ils n’ont pas augmenté leurs dépenses en alcool, en drogues et en cigarettes. Cela remet en cause l’idée reçue selon laquelle les personnes sans domicile gaspillent l’argent en alcool et en drogues.</p>
<p>De 2018 à 2020, le taux d’inoccupation des logements à Vancouver était d’environ un <a href="https://globalnews.ca/news/9439394/vancouver-rental-market-vacancy-cost/">pour cent</a> et le délai d’attente pour obtenir un logement pouvait aller <a href="https://www.homelesshub.ca/blog/long-wait-times-social-housing-what-can-be-done-meet-housing-needs-homeless-people-and-those">jusqu’à un an</a> pour une personne vivant dans un centre d’hébergement.</p>
<p>Néanmoins, près de la moitié des participants à notre étude ont trouvé un appartement un mois seulement après le versement d’argent. Cela montre à quel point ils étaient prêts à recouvrer une situation stable et n’avaient besoin que d’un coup de pouce financier pour y parvenir.</p>
<p>En revanche, nous n’avons pas constaté d’améliorations notables en matière de sécurité alimentaire, d’emploi, d’éducation et de bien-être. Cela peut s’expliquer par le fait que 7 500 dollars constituent une somme relativement faible dans une ville aussi chère que Vancouver.</p>
<p>Le revenu annuel moyen des participants était de 12 580 $. L’argent versé représentait donc une augmentation de 60 %. Malgré cela, ils se trouvaient toujours sous le seuil de pauvreté et étaient loin de pouvoir assumer le coût de la vie à Vancouver.</p>
<p>Nous avons également constaté que ni l’atelier ni le mentorat n’avaient eu d’effet positif sur les participants. L’une des raisons est l’engagement ; la plupart des participants n’ont pas pris part à l’atelier ou au mentorat après le premier mois. Une autre raison possible est un décalage entre le soutien offert et les besoins des participants. L’accompagnement proposé était ambitieux et visait à clarifier leurs objectifs de vie et à renforcer leur sentiment d’efficacité personnelle.</p>
<p>Mais ce dont nos participants avaient besoin, c’était d’un soutien pratique pour obtenir des pièces d’identité, rédiger des CV et postuler à un emploi, par exemple. Quelques ateliers ou du mentorat ne les aidaient pas sur ce plan.</p>
<p>Notre étude vient s’ajouter à un corpus mondial de plus en plus important d’études portant <a href="https://doi.org/10.1002/14651858.CD011135.pub3">sur les versements d’argent</a> qui démontrent la nécessité de rehausser le revenu des personnes marginalisées.</p>
<p>Cette étude est un point de départ prometteur, qui jette les bases de recherches et de politiques futures. Les gouvernements et les experts devraient étudier les transferts d’argent comme moyen de soutenir les personnes sans abri et marginalisées.</p>
<hr>
<p><em>Ryan Dwyer, chercheur senior à la Happier Lives Institute, a co-écrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213937/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jiaying Zhao a bénéficié d'un financement de la part d'Emploi et Développement Social Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Daly-Grafstein travaille pour les Fondations pour le changement social.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anita Palepu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chercheurs ont constaté que la plupart des sans-abri dépensaient l’argent qu’ils recevaient pour payer leur loyer, leur nourriture et d’autres frais de subsistance.Jiaying Zhao, Associate Professor, Psychology, University of British ColumbiaAnita Palepu, Professor of Medicine, University of British ColumbiaDaniel Daly-Grafstein, PhD student in statistics, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123952023-09-21T12:04:43Z2023-09-21T12:04:43ZDégradation de la notation souveraine du Cameroun : quelles causes et quelles conséquences ?<p>Cet été aura été propice à l’annonce de deux mauvaises nouvelles pour le Cameroun, de nature à refroidir l’élan que manifesteraient d’éventuels investisseurs pour acheter de la dette du pays. </p>
<p>Fin <a href="https://www.journalducameroun.com/notation-financiere-moodys-a-retrograde-le-cameroun/#:%7E:text=sur%20Facebook%20Tweetez!-,L'agence%20de%20notation%20am%C3%A9ricaine%20Moody's%20Investors%20Service%20a%20baiss%C3%A9,Caa1%2C%20le%2027%20juillet%202023.">juillet 2023, Moody’s a rétrogradé de B2 à Caa1</a>, la notation des dettes de long terme libellées en devises étrangères et en franc CFA, ainsi que celles des dettes seniors, c'est-à-dire les obligations et emprunts qui ont une priorité de remboursement plus élevée par rapport à d'autres catégories de dettes de l'Etat non garanties par un collatéral (généralement des dettes bancaires). </p>
<p>Début août 2023, <a href="https://www.financialafrik.com/2023/08/10/notation-standard-poors-degrade-a-son-tour-la-note-du-cameroun/">Standard and Poor’s a abaissé de B- à CCC+</a> la note des dettes de long terme libellées en devises étrangères, en y ajoutant les dettes de court terme. </p>
<h2>Ce que cela signifie</h2>
<p>Concrètement, cela signifie que du point de vue d’un investisseur qui souhaiterait acheter sur les marchés de capitaux internationaux de la dette émise par l’Etat camerounais, ce type d’investissement doit désormais être vu comme présentant un risque de défaut substantiel. Il figurait déjà dans la catégorie des investissements très spéculatifs comportant un degré élevé de risque et d'incertitude. </p>
<p>Ces révisions sont-elles arbitraires ? Doit-on considérer, comme le <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/enfin-une-agence-de-notation-financiere-africaine-16-05-2022-2475835_3826.php">suggérait</a> le président sénégalais Macky Sall en 2022, que les agences internationales de notation exagèrent le risque financier des pays africains ?</p>
<p>Ayant étudié <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15754-7_5">les marchés financiers</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2020.1808176">la dette extérieure</a> et <a href="https://shs.hal.science/halshs-02093938/">l'intégration financière des pays africains au reste du monde</a>, mon point de vue est que les agences de notation se fondent généralement sur la situation – et surtout sur les perspectives - budgétaire des pays, ainsi que sur les facteurs susceptibles de créer un risque pour leur situation macroéconomique, financière et sociale.</p>
<p>Dans le cas du Cameroun, l’opinion publique et la presse ont mis en avant l’une des causes de cette <a href="https://www.jeuneafrique.com/1469547/economie-entreprises/pourquoi-yaounde-fait-lautruche-face-a-la-degradation-de-sa-note/">dégradation, à savoir l’accumulation d’arriérés de paiement</a>. En effet, en plus d’un retard de paiement - de plus de 5 jours - du service d’une dette bancaire (remboursement des intérêts et d’une partie du principal dus à une filiale espagnole de la Deutsche Bank au cours de l’année 2022), le gouvernement n’a apuré qu’une partie de ses arriérés sur ses dettes non-commerciales.</p>
<p>Ces dettes non-commerciales sont celles qui n'ont pas été contractées auprès du système bancaire (ce qu'a <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">souligné</a>, au mois de juin, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) qui a effectué les quatrièmes revues d’un programme d’aide financière dont le Cameroun bénéficie actuellement au titre de la <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/01/30/pr2324-cameroon-imf-staff-cameroonian-authorities-reached-sla-third-review-ecf-eff">facilité élargie de crédit</a> et du <a href="https://minepat.gov.cm/fr/2023/05/08/revue-du-pef-2021-2024-la-mission-du-fmi-chez-le-minepat/">mécanisme élargi de crédit</a>. </p>
<h2>Conséquences de la révision des notes</h2>
<p>La décision des agences de notation doit être appréciée dans un contexte particulier. Pour commencer, l’aide dont bénéficie actuellement le Cameroun de la part du FMI est ciblée pour des pays dont l’économie présente de graves problèmes macroéconomiques structurels susceptibles de conduire à des crises de balance de paiement. Par exemple, les problèmes de gouvernance (perception de la corruption) freinent les entrées de capitaux sous la forme d’investissements directs étrangers et de portefeuille. </p>
<p>Les progrès dans l’achèvement des projets de réhabilitation des infrastructures dans les secteurs du transport et de l’énergie ne sont pas suffisamment rapides pour hausser le niveau de la productivité globale des facteurs. Par ailleurs, le pays peine à réduire son taux de pauvreté qui <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/derni%C3%A8re-heure/cameroun-cr%C3%A9er-des-opportunit%C3%A9s-de-croissance-inclusive-et-de-r%C3%A9duction-de-la">culmine autour de 40 %</a> et qui s’accompagne de grandes disparités régionales, mais aussi entre zones rurales et zones urbaines.</p>
<p>Au-delà des chiffres encourageants sur les perspectives de croissance, les équilibres budgétaires et les réformes menées par l’administration fiscale, la question importante porte sur la capacité de résilience de la situation macro-budgétaire - qui reste fragile – face à la multiplication des chocs. Ce sont des facteurs de risques : crise du Covid-19, guerre d’Ukraine, crise politique et insécurité dans <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">les régions anglophones</a>, tensions inflationnistes, remontée des taux d’intérêt mondiaux, crise migratoire, etc. </p>
<p>Or, l’orientation actuelle de tous ces facteurs joue en défaveur du Cameroun. Ce qui explique que la moindre décision de reporter le règlement d’une échéance sur une dette soit lue comme un signe avant-coureur d’un possible défaut (même si, <em>in fine</em>, ce dernier ne se produit pas). Les agences de notation s’intéressent au fait de savoir si ces facteurs sont susceptibles de peser négativement sur les indicateurs macroéconomiques, budgétaires et financiers du Cameroun.</p>
<h2>Un signal envoyé par les marchés</h2>
<p>La réponse est, sans doute, positive. Tout d’abord, les chances que les dépenses publiques évoluent en-deçà des limites prévues dans son programme d’ajustement <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">conclu avec le FMI</a> sont jugées faibles au regard de plusieurs facteurs : </p>
<ul>
<li><p>probables hausses des subventions aux ménages et aux entreprises dont le niveau de pauvreté s’est accru en raison de l’inflation;</p></li>
<li><p>hausse des dépenses liées aux migrations provoquées par la <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">crise sociopolitique avec les Etats anglophones</a> du Nord, et par la volatilité des prix du pétrole qui risque de renchérir les importations de pétrole raffiné;</p></li>
<li><p>hausse des taux d’intérêt mondiaux qui risque également de durcir les conditions de refinancement sur les marchés de capitaux mondiaux, en affectant donc directement le service de la dette. </p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, les réformes visant à améliorer des ressources budgétaires et le potentiel de croissance sont en cours et n’ont pas encore révélé leur pleine potentialité. <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">La dernière revue du FMI en juin 2023</a> souligne que les réformes structurelles progressent à un rythme lent. Ce dernier élément est susceptible de peser sur l’amélioration du climat des affaires. Il peut obérer les capacités du Cameroun à recevoir des investissements directs étrangers qui seraient nécessaires au financement de l’activité des secteurs non pétroliers. </p>
<p>Le Cameroun peut être classé parmi les pays dont <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">la balance des paiements et les soldes budgétaires</a> font apparaître des besoins de financement élevés. Au point que le pays est appuyé par un programme du FMI pour lui éviter une crise de liquidités. Dans ce contexte, une règle d’or est que les arriérés de paiement ne peuvent servir, même temporairement, à financer les dépenses. La décision de Moody’s et de Standard and Poor’s était donc attendue. </p>
<p>Les conséquences à court terme de la dégradation de la note souveraine sont imprévisibles. Mais on peut interpréter cette dégradation comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où ce dernier bénéficie d’un appui financier du FMI et doit engager des réformes structurelles pour accroître la productivité de son économie et dégager des ressources permettant de réduire la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La dégradation de la note souveraine du Cameroun peut être interprétée comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où il bénéficie d’un appui financier du FMI.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2117632023-09-17T14:44:42Z2023-09-17T14:44:42ZFemme et lanceuse d’alerte, une double peine<p>Lorsque Nathalie, cadre dans une grande banque de la place parisienne, interpelle son chef au sujet de l’existence d’une comptabilité parallèle destinée à organiser un vaste système d’évasion fiscale, elle n’imaginait pas comment ce dernier la renverrait dans ses cordes :</p>
<blockquote>
<p>« Il m’a demandé si je faisais une crise de jalousie car l’une des collègues qui participaient à la fraude était une femme. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/01708406231187073">article</a> publié récemment dans la revue <em>Organization Studies</em>, nous montrons comment les femmes <a href="https://theconversation.com/topics/lanceurs-dalerte-20710">lanceuses d’alerte</a> ne sont pas immunes contre des représailles dans lesquelles leur genre devient une arme utilisée contre elles. Elles se retrouvent exclues par deux fois : en tant que lanceuses d’alerte et en tant que femmes. Dans ces situations, leur <a href="https://theconversation.com/topics/genre-22050">genre</a> féminin leur est renvoyé comme un aspect qui teinte négativement leur analyse de la situation et dégrade leur expertise ; autrement dit, un moyen de décrédibilisation.</p>
<h2>Une forme d’anomalie</h2>
<p>Au sommet d’une organisation, et notamment dans les <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">secteurs financiers</a> que nous étudions, les <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203073933/gender-organization-nancy-harding-marianna-fotaki">femmes sont déjà une minorité</a>. Dans les situations de crise comme celles induites par une alerte éthique, elles apparaissent comme une forme d’anomalie et leur marginalité de genre se retourne alors contre elle.</p>
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<p>Dans un autre entretien, une responsable des risques liés aux portefeuilles assurantielles d’une des plus grandes banques françaises évoque la période de tension liée à son alerte concernant la sous-évaluation systématique des risques portés par des contreparties, ce qui avait pour but de faciliter l’octroi de prêts plus risqués, et donc plus rémunérateurs pour la banque. Elle raconte que son chef a cherché à lui « faire peur » :</p>
<blockquote>
<p>« Il pensait que Madame Untel, avec ses quatre enfants, allait vite rentrer à la maison ».</p>
</blockquote>
<p>Dans la perception de la répondante, la situation d’alerte et la résistance que lui oppose l’organisation la révèlent en tant qu’anomalie par le biais de son statut de mère de famille : il suffira de l’effrayer un peu pour qu’elle quitte l’organisation dans laquelle elle se tenait, de toute façon, par son genre et sa maternité, déjà sur la marge.</p>
<p>Nos travaux s’intéressent depuis une dizaine d’années aux lanceurs d’alerte, notamment pour comprendre à quelles conditions un individu est qualifié de <a href="https://ephemerajournal.org/contribution/those-who-listen-role-external-recipients-whistleblowing-cases-0">« légitime à faire vérité »</a>. Les individus en situation de lanceurs ou lanceuses d’alerte sont contraints par des jeux de pouvoir qu’ils tentent de tenir à distance. Les recherches existantes ont montré qu’un statut hiérarchique élevé peu éventuellement prémunir un lanceur d’alerte de représailles. Mais notre article dévoile un aspect spécifique au sujet des lanceuses d’alerte : les femmes lanceuses d’alerte sont susceptibles d’être discriminées du fait de leur genre et cet aspect se transforme en moyen de représailles.</p>
<h2>Difficile de riposter</h2>
<p>Les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840618814558">travaux</a> en théorie des organisations ont bien montré que, contrairement à un cliché, les lanceurs et lanceuses d’alerte sont des employés profondément attachés à leur organisation. Ils sont sensibles à la mission de leur entreprise et se trouvent déstabilisés lorsqu’ils et elles voient celle-ci dévoyée ; ils cherchent alors à la défendre et à la réparer. Lorsqu’ils lancent l’alerte, c’est dans l’espoir sincère de voir corrigés des manquements à la règle qui les bousculent dans l’idée qu’ils se font de leur profession.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1630167225398165504"}"></div></p>
<p>Les femmes lanceuses d’alerte, notamment dans les métiers de service financiers, sont souvent des cadres de niveau hiérarchique élevé, qui ont l’habitude de porter des sujets et d’initier des discussions « de fond ». Néanmoins, il est très difficile pour elles de répondre à une « attaque par le genre ». La remarque sexiste provoque une forme de sidération qui vient percuter brutalement une image d’elles-mêmes de « sujet en action », et les renvoie à une place de sujet passif, qui n’a pas son mot à dire dans l’ordre du jour de l’organisation.</p>
<p>L’attaque de genre est pernicieuse, en cela qu’elle est souvent présentée de façon légère, (« c’est bon c’est juste une blague »). De surcroit, il est impossible d’y répondre : personne ne peut en l’espace d’un instant se défaire de son genre. Toute tentative de riposter risque plutôt d’éloigner encore la discussion sur le fond.</p>
<h2>Durcir le ton</h2>
<p>Dans notre article, nous mobilisons la figure d’Antigone, personnage antique issu de la tragédie grecque. Malgré l’interdiction de son oncle, le roi Créon, Antigone s’obstine à vouloir organiser les obsèques de son frère Polynice, mort au cours d’un conflit fratricide et considéré comme traître. Prise sur le fait, elle est condamnée à mort. Par sa résistance aux codes, par sa loyauté à des valeurs supérieures, par les réponses qu’elle oppose à son père, son oncle et sa sœur, et par sa fin brutale, Antigone fait figure de subversion des normes de genre. C’est ce qu’explique <a href="http://cup.columbia.edu/book/antigones-claim/9780231118958">Judith Butler</a>, professeure de philosophie à l’Université de Berkeley et spécialiste de la question du genre, dans son analyse de l’œuvre :</p>
<blockquote>
<p>« À la fin de la pièce, [par son attitude], Antigone a emprunté la place de chacun des hommes de la famille ».</p>
</blockquote>
<p>Dans les cas que nous décrivons, les lanceuses d’alerte adoptent de façon subtile des comportements de résistance dans certaines situations, et d’acquiescement dans d’autres. L’une d’elles, vice-présidente d’une compagnie d’assurance irlandaise en proie à de sérieuses accusations de montage de prêts illicites, nous raconte comment elle s’est mise à « durcir le ton ». Seule femme de son niveau hiérarchique, et convaincue que l’ensemble du comité de direction participe au système de fraude, elle a dû faire face à la campagne de dénigrement menée par ses collègues à son encontre. L’un d’entre eux lui claque par exemple une porte au nez.</p>
<p>Dans une situation de tension extrême, elle finira par répondre de façon agressive à l’un de ses collègues :</p>
<blockquote>
<p>« Get the hell out of here ! »</p>
</blockquote>
<p>Elle nous explique s’être « alignée » sur son comportement à lui.</p>
<h2>Jeux de pouvoir</h2>
<p><a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203902752/gender-trouble-judith-butler">Comme l’écrit Judith Butler</a>, la dimension de genre est souvent moins fixe et statique que nous le pensons. Le fait de prendre la parole pour dénoncer des manquements éthiques implique pour les lanceuses d’alerte une forme de subversion de normes de genre. Alors qu’une forme de docilité est traditionnellement attribuée à leur genre, les femmes que nous avons rencontrées contribuent à ébranler les normes existantes.</p>
<p>En intégrant la variable de genre aux travaux qui s’intéressent aux alertes éthiques, il ne s’agit pas de figer des comportements associés de façon essentialisée aux hommes ou aux femmes (les lanceurs d’alerte feraient comme ceci, les lanceuses d’alerte comme cela). Nous montrons simplement comment des individus, dans cette situation, naviguent entre différentes positions subjectives pour tenir à distance des normes organisationnelles puissantes, qui les contraignent et heurtent leur sens éthique. Leur genre, masculin ou féminin, joue un rôle important dans ces dynamiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche récent montre que le genre est mobilisé comme moyen de représailles contre les lanceuses d’alerte.Mahaut Fanchini, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Kate Kenny, Professor of Business and Society, University of GalwayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134012023-09-13T19:50:11Z2023-09-13T19:50:11ZLes entreprises familiales sont davantage exposées au risque de décrochage boursier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547760/original/file-20230912-17-m1ifyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C20%2C1099%2C727&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus de 6 entreprises sur 10 étaient des entreprises familiales en France en 2017.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/stock-exchange-board-210607/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les sociétés contrôlées par des familles, ou entreprises familiales, occupent historiquement une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X02001460">place importante</a> dans les économies occidentales. En 2017, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296317301145">61,65 % des entreprises françaises</a> étaient des structures familiales. Or, ces entreprises, lorsqu’elles sont cotées en bourse, présentent davantage de risques de voir le cours de leur action dévisser brutalement et significativement.</p>
<p>C’est ce qui ressort de notre <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2020-5-page-109.htm">étude</a> récente, qui analyse l’impact du contrôle familial sur le risque de chute de cours d’une action (RCA) ainsi que l’effet de l’indépendance du conseil d’administration.</p>
<p>Nous montrons que ce RCA est généralement associé au comportement opportuniste du dirigeant, qui a tendance à retarder sur une période plus ou moins longue la publication des mauvaises nouvelles. Au-delà d’un certain seuil, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X09000993">l’accumulation de mauvaises nouvelles</a> révélées au marché conduit à une chute significative et brutale du cours de l’action.</p>
<h2>Conflits d’intérêts</h2>
<p>Dans les sociétés familiales, les conflits d’intérêts entre dirigeants et actionnaires sont considérablement réduits du fait d’un contrôle renforcé du dirigeant par la famille ou de la convergence des intérêts dirigeant-famille. En revanche, des <a href="https://www.jstor.org/stable/1833044">conflits qui opposent la famille et les actionnaires minoritaires</a> peuvent apparaître. Ces conflits traduisent la <a href="https://www.uts.edu.au/sites/default/files/ADG_Cons2015_Masulis%20Wang%20Xie%20Jf%202009.pdf">propension de la famille à s’approprier des bénéfices privés</a> au détriment des minoritaires.</p>
<p>Nous avons donc étudié le rôle du conseil d’administration, chargé de protéger les actionnaires en veillant notamment à la qualité de l’information fournie au marché. Notre analyse montre que, plus un conseil est indépendant, moins le dirigeant retarde la diffusion de mauvaises nouvelles, ce qui permet de limiter le RCA.</p>
<p>En utilisant un échantillon de 252 entreprises françaises cotées sur la période 2007-2016, nos résultats permettent donc de valider les explications du RCA basées sur les conflits d’intérêts et le degré d’implication de la famille. Toutefois, le contrôle familial, mesuré à partir du pourcentage de droits de vote, n’est significativement relié au RCA que si le dirigeant fait partie de la famille. Plus généralement, l’excès de contrôle, traduisant l’intensité des conflits d’intérêt famille-actionnaires minoritaires, est également relié positivement au RCA.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
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<p>Nos montrons également que la présence d’administrateurs indépendants limite l’impact du contrôle familial sur le RCA mais uniquement quand le dirigeant de l’entreprise ne fait pas partie de la famille.</p>
<h2>Protéger les actionnaires minoritaires</h2>
<p>Nos résultats peuvent donc être utiles aux investisseurs dans le cadre de leurs décisions, d’une part en les éclairant sur ce type de risque, et d’autre part, en leur permettant d’identifier le profil des sociétés à RCA important.</p>
<p>Nos résultats peuvent également être utiles aux institutions chargées de réguler la transparence financière et plus généralement la vie des affaires. Le RCA des sociétés familiales est en effet le résultat d’un manque de transparence de l’information dû à une faible protection des actionnaires minoritaires.</p>
<p>Enfin, nous pouvons suggérer que, pour un conseil d’administration d’une entreprise familiale qui voudrait limiter son RCA, la solution optimale ne passe pas forcément par une modification de sa composition : les administrateurs peuvent en effet parfaitement choisir d’autres voies, par exemple celle d’une responsabilité accrue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, la présence d’un dirigeant membre de la famille retarde sur une période plus ou moins longue la publication des mauvaises nouvelles.Florence Depoers, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresAssil Guizani, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business SchoolFaten Lakhal, Professor in Accounting, EMLV Business School , Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119592023-09-03T14:17:48Z2023-09-03T14:17:48ZTransmettre une entreprise familiale en s’associant à un fonds de private equity : mode d’emploi<p>Planifier la succession est un moment crucial dans la vie d’une entreprise familiale. Nous pouvons, par exemple, suivre dans les médias ce qui se passe au sein de LVMH, le plus grand groupe de luxe au monde, et observer le soin avec lequel Bernard Arnault semble <a href="https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/lvmh-comment-bernard-arnault-prepare-t-il-sa-succession-7900255979">préparer la prochaine génération</a> à prendre les commandes après son éventuel départ à la retraite. Tout en initiant ses héritiers à la gestion de l’entreprise, il met également en place des structures de gouvernance qui devraient assurer le contrôle de la famille à long terme.</p>
<p>Malgré l’existence de successeurs tout désignés, la possibilité de chercher en dehors de la famille demeure en effet. Au début de l’été, l’actuel PDG témoignait de son <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/encore-trop-tot-pour-decider-de-sa-succession-a-la-tete-de-lvmh-selon-bernard-arnault_AD-202306220600.html">hésitation</a>, lui dont les cinq enfants travaillent au sein du groupe, les deux aînés siégeant également au conseil d’administration :</p>
<blockquote>
<p>« En fonction de la compétence des uns et des autres, il peut, mais cela n’est ni une obligation ni une nécessité, y avoir une succession à la direction qui soit également familiale, mais il est encore trop tôt pour en décider. »</p>
</blockquote>
<p>Toutes les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-familiales-92864">entreprises familiales</a> n’ont d’ailleurs pas les moyens financiers ou des héritiers préparés comme la famille Arnault. En lien avec nos recherches sur <a href="https://econpapers.repec.org/paper/haljournl/hal-00712946.htm">fonds de private equity</a> (capital-investissement), nous passons ici en revue différents éléments que les propriétaires familiaux devraient prendre en compte au moment de transmettre leur compagnie dans le cas où ils envisageraient de s’associer à pareils acteurs pour effectuer la transition.</p>
<h2>Des intérêts réciproques</h2>
<p>Identifier le successeur approprié, aligner vision et objectifs de l’entreprise, gérer les émotions liées aux relations familiales, tout cela émerge comme des obstacles significatifs au moment d’une transmission. Dans certains cas, la nouvelle génération peut ne pas être intéressée ou préparée à reprendre l’entreprise, ou bien peut-il y avoir des désaccords internes sur la direction future de l’entreprise.</p>
<p>C’est là qu’un fonds de private equity <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1111/j.1741-6248.2001.00011.x">présente une solution</a> grâce à son expérience et à son expertise en matière de gestion de transition. Il propose une perspective externe objective qui peut aider à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/corg.12131">résoudre les désaccords internes</a> et à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17449480.2022.2091465">aligner les objectifs de l’entreprise</a>. Ses investissements apportent des capitaux et des ressources qui aideront l’entreprise à se développer, à investir dans de nouvelles technologies et à se diversifier.</p>
<p>Du point de vue de la gouvernance, le fonds <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/corg.12131">solidifiera souvent les structures de gestion</a>, en assurant une séparation claire entre la propriété et la gestion. Cela peut permettre à l’entreprise de continuer à prospérer même si la famille choisit de prendre un rôle moins actif dans la gestion quotidienne.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Réciproquement, les entreprises familiales représentent des cibles d’investissement attrayantes pour les fonds de private equity. Outre la <a href="https://www.pwc.com/ng/en/press-room/pwc-family-business-survey-2020.html">place significative qu’elles occupent dans l’économie mondiale</a>, elles sont <a href="https://www.jstor.org/stable/45176532">généralement caractérisées par une stabilité et une durabilité</a> qui découlent d’une approche de gestion à long terme.</p>
<p>Enracinées dans des valeurs familiales solides, ces entreprises possèdent une <a href="https://www.pwc.com/ng/en/press-room/pwc-family-business-survey-2020.html">connaissance approfondie de leur secteur</a> et entretiennent des relations fortes et durables avec leurs employés, leurs clients et leurs fournisseurs. Elles s’avèrent <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/15265941311288103/full/html">moins susceptibles de prendre des décisions impulsives</a> pour des gains à court terme, ce qui peut favoriser une croissance stable et constante. La <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/corg.12125">flexibilité et la réactivité</a> des structures familiales permettent donc aux entreprises de naviguer efficacement dans des environnements d’affaires en constante évolution.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1616043698927591424"}"></div></p>
<p>Dr. Martens, l’emblématique marque de chaussures britannique, a été pendant des décennies un symbole de la contre-culture. Confrontée à des difficultés financières au début des années 2000, la famille Griggs, qui dirigeait l’entreprise, a <a href="https://www.lesechos.fr/2013/10/les-celebres-dr-martens-reprises-par-le-fonds-permira-345588">vendu une participation majoritaire au fonds d’investissement privé Permira en 2013</a>. Sous la nouvelle direction, des changements stratégiques, notamment la délocalisation de la production en Asie et le renforcement de la présence en ligne, ont été opérés tout en préservant l’identité « punk » de la marque. Ces changements ont stimulé la croissance de Dr. Martens. En 2021, la marque a été introduite à la Bourse de Londres <a href="https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/les-chaussures-dr-martens-se-vendent-moins-bien-que-prevu-le-groupe-plonge-de-25-en-bourse-1052965.html">même si la suite s’est avérée plus délicate que prévu</a>. Cette collaboration montre comment le capital-investissement peut revitaliser et moderniser une entreprise familiale tout en respectant son essence.</p>
<h2>Poser cartes sur table avant tout engagement</h2>
<p>L’association ne va malgré cela pas de soi et un certain nombre de défis sont à relever. L’un des plus notables est le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0894486511423531">risque d’altération au cours de l’opération des valeurs fondamentales</a> qui sont au cœur d’entreprises familiales à succès. Loyauté envers les employés, engagement envers la communauté locale, accent mis sur la qualité du produit ou du service, tels sont des exemples d’éléments auxquels une famille peut accorder davantage d’importance qu’un fonds.</p>
<p>Lorsque pareil acteur s’implique en effet, les fonds de private equity apportent une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3465723">perspective plus axée sur le rendement financier</a>, cherchant à mettre en œuvre des changements qui peuvent, à première vue, sembler en contradiction avec ces valeurs. Et le lot de tensions qui va avec. Mettre les valeurs de l’entreprise familiale sur la table des négociations avant tout engagement mutuel paraît essentiel pour le bon déroulement de la transition.</p>
<p>Faute de cela, la Maison Taittinger, prestigieuse entreprise familiale de champagne, a ainsi été vendue en 2005 au fonds d’investissement américain Starwood Capital pour un <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/pierre-emmanuel-taittinger-a-redore-le-blason-du-domaine-familial-523993">bilan contrasté</a>. À la suite de cette vente, des inquiétudes se sont fait jour quant à l’avenir de l’entreprise et au respect de ses traditions. En réponse à ces pressions et en reconnaissance de l’importance culturelle de la maison, Starwood a alors revendu l’affaire (hormis la partie hôtellerie) en 2006 à un consortium dirigé par son ancien président Pierre-Emmanuel Taittinger. Ce rachat a permis d’assurer la continuité d’une partie de ce patrimoine familial et national, illustrant les défis culturels associés à l’intervention de fonds d’investissement privés dans des entreprises familiales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1470460698803286020"}"></div></p>
<p>Un autre défi réside dans l’assimilation et l’intégration de nouvelles connaissances stratégiques et financières. Les entreprises familiales <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0894486512466258">adoptent souvent une gestion fondée sur des traditions qui ont fait leurs preuves</a> et qui se trouvent en opposition avec les <a href="https://www.hbs.edu/faculty/Pages/item.aspx?num=130">approches plus sophistiquées des fonds</a>. L’arrivée de l’expertise digitale et technologique, notamment, nécessite une refonte significative des opérations de l’entreprise, et une formation importante pour les employés. Elle expose également à de nouveaux risques, tels que les cyberattaques, auxquels les entreprises plus « vieille école » ne sont pas nécessairement préparées.</p>
<p>Comprendre les changements que le fonds de private equity peut apporter avant de signer la vente permet d’éviter des situations conflictuelles, en particulier en ce qui concerne les rôles opérationnels et de direction attendus des membres de la famille.</p>
<h2>Préparer la sortie</h2>
<p>Un autre point méritant l’attention est en effet la stratégie de sortie du fonds, qu’il s’agisse d’une vente directe des parts à une autre entreprise ou d’une introduction en bourse. Il convient de noter que, bien que les fonds de private equity aient des stratégies d’exit, ils sont également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X16301088">soucieux de laisser l’entreprise dans une position solide et durable</a>. Cela signifie que la sortie est souvent planifiée et gérée de manière à assurer une transition en douceur pour l’entreprise et ses parties prenantes.</p>
<p>La décision de sortir dépend de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jbfa.12221">plusieurs facteurs</a>. Une condition clé est l’atteinte des objectifs d’investissement du fonds : rentabilité, la réalisation de certaines améliorations opérationnelles ou la mise en place de certaines stratégies de croissance. Le timing représente également un élément crucial, car les fonds de private equity ont généralement une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378426615001715">durée d’investissement prévue, souvent entre cinq et dix ans</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378426615001715">conditions du marché jouent également un rôle</a>. Une introduction en bourse serait plus attrayante dans un marché haussier, tandis qu’une vente à un acquéreur stratégique pourrait être plus attrayante dans un marché où il y a beaucoup de fusions et acquisitions. Le rachat ultérieur par la famille peut faire partie des négociations. Ici encore, il semble également nécessaire de clarifier les conditions au préalable.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/paul-harl%C3%A9/">Paul Harlé</a>, étudiant du Master in corporate finance à l’IÉSEG a également contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211959/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Barroso Casado a reçu des financements de LEM (Lille Economie & Management, UMR CNRS 9221).</span></em></p>Si entreprises familiales et fonds de capital-investissement ont intérêt à s’associer lors d’une transmission, il est important de discuter d’un certain nombre d’éléments avant tout engagement.Raul Barroso Casado, Assistant Professor in Accounting, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109982023-08-10T21:17:03Z2023-08-10T21:17:03ZÉduquer à la finance avec des réservoirs, des canaux et des pompes à eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541034/original/file-20230803-17-98xegj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">2300 heures de travail ont été consacrées à la réalisation d'une carte métaphore du système monétaire et financier.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au cours de la dernière décennie, les super-riches et les grandes entreprises ont pu emprunter à des <a href="https://www.banque-france.fr/intervention/les-taux-bas-quelles-causes-et-quels-effets-pour-la-france">taux d’intérêt historiquement bas</a>. Cet afflux d’argent à bas coût a dopé les marchés du crédit permis des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/les-dividendes-verses-dans-le-monde-battent-encore-un-record-au-1er-trimestre_AD-202305240054.html">versements records de dividendes</a> et stimulé <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/24/rachats-d-actions-quand-le-capitalisme-tourne-en-rond_6107235_3232.html">rachats d’actions</a> et <a href="https://www.morganstanley.com/ideas/mergers-and-acquisitions-outlook-2022-continued-strength-after-record">opérations de fusion-acquisition</a>.</p>
<p>En revanche, ceux qui, dans le même temps, n’étaient pas jugés « solvables » se retrouvaient exclus du crédit, témoins impuissants notamment de la hausse constante des loyers. À maintes reprises, le secteur financier a inondé certaines parties de l’économie tandis que d’autres restaient à sec. Pourquoi donc semble-t-il si difficile de faire que le <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">système monétaire</a> soit bien réglé ?</p>
<p>Le manque de <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">culture financière</a> de la plupart des citoyens est au moins l’une des causes de cette situation, même s’il n’y a pas de consensus sur comment définir ce qu’est la culture financière. Le 7 juin, la Commission européenne a <a href="https://finance.ec.europa.eu/system/files/2023-06/european-financial-stability-and-integration-review-2023_en_0.pdf#page=46">déploré</a> « des niveaux de culture financière trop faibles dans l’Union », ce qui impacte « le bien-être personnel et financier, les ménages et la société en général ».</p>
<p>L’institution adopte néanmoins une vision plutôt étroite de l’éducation financière, limitée aux finances personnelles, c’est-à-dire apprendre aux gens à gérer leur budget, à atteindre leurs objectifs d’épargne et à comprendre les différents produits financiers. Au début du mois de mars, Sigrid Kaag, ministre néerlandaise des Finances, s’est fait l’écho d’une <a href="https://twitter.com/Minister_FIN/status/1640309155650060288">vision tout aussi minimaliste de l’éducation financière</a> :</p>
<blockquote>
<p>« En s’exerçant à épargner, à planifier et à faire des choix dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à prendre des décisions financières judicieuses ».</p>
</blockquote>
<p>Nous envisageons pour notre part une approche qui implique une compréhension beaucoup plus ambitieuse du système monétaire. Nous l’appelons « la culture financière systémique » et nous avons imaginé la faire <a href="https://theconversation.com/topics/education-20601">comprendre au plus grand nombre</a> à l’aide d’une métaphore et d’une visualisation.</p>
<h2>Contourner le jargon économique avec une carte</h2>
<blockquote>
<p>« À l’heure des CDS et des CDO, la plupart d’entre nous restent des analphabètes financiers »</p>
</blockquote>
<p>Voici ce qu’écrivait dans un <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/how-wall-street-is-using-the-bailout-to-stage-a-revolution-177251/">article</a> du magazine <em>Rolling Stone</em> le journaliste financier américain Matt Taibbi en 2009, en référence aux produits financiers complexes qui ont déclenché la grande récession. Quatorze ans plus tard, la plupart d’entre nous ne connaissent toujours pas le jargon des économistes, des banquiers et des fiscalistes. Comme en 2009, les démocraties d’aujourd’hui continuent d’être divisées au sein de ce que Taibbi décrivait comme un « État à deux niveaux, avec des bureaucrates financiers branchés en haut et des clients désemparés en bas ».</p>
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<p>Nous pensons ainsi que tout projet visant à renforcer la culture financière doit nous informer non seulement sur le rôle d’une banque centrale, mais aussi sur l’infrastructure de paiement, le régime fiscal et l’investissement de notre épargne retraite (ndlr : le système de retraites aux Pays-Bas où exercent les auteurs repose pour partie sur un mécanisme de capitalisation). Qu’entendons-nous par « services publics » ? Quels sont les services financiers qu’il vaut mieux confier à des entreprises privées ? Qui a le pouvoir de créer et d’allouer de l’argent frais – et à quelles fins ? Pour répondre à ces grandes interrogations, il faut non seulement une meilleure compréhension des structures financières, mais aussi un engagement politique continu.</p>
<p>Avec le cartographe Carlijn Kingma et le journaliste financier d’investigation Thomas Bollen, nous avons donc cherché à créer un projet qui pousserait à se poser pareilles questions et démystifierait le monde de la finance. Pendant deux ans et demi, nous avons mis au point une visualisation architecturale de notre système monétaire qui contourne le jargon économique. Nous l’avons baptisé « aqueduc de l’argent » (« waterworks of money »).</p>
<h2>La finance comme système d’irrigation</h2>
<p>Carlijn Kingma a passé 2 300 heures à dessiner cette carte à la main, sur la base de recherches approfondies et d’entretiens avec plus de 100 experts : gouverneurs de banques centrales, membres de conseils d’administration de fonds de pension et de banques, politiciens ou encore activistes monétaires. La métaphore de l’eau, que nous reprenons dans une vidéo d’animation, a joué un rôle essentiel dans la conception de notre carte. Le secteur financier est en effet à l’économie ce que le système d’irrigation est aux terres agricoles. Tout comme l’irrigation aide les cultures à pousser, l’argent permet à l’économie de prospérer.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IszXpzIo_ZQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’architecture de notre système d’irrigation financière et la manière dont les écluses et les vannes sont actionnées ont un impact sur nous tous.</p>
<blockquote>
<p>« Qu’arrosons-nous et que laissons-nous à sec ? »</p>
</blockquote>
<p>Telle était la question posée par Sigrid Kaag à des économistes, des banquiers et des journalistes en juin 2022 avant de poursuivre :</p>
<blockquote>
<p>« Les choix faits par le secteur financier déterminent ce qui pousse et ce qui meurt. C’est là que les banques, les fonds de pension, les gestionnaires d’actifs et les compagnies d’assurance peuvent faire la différence. »</p>
</blockquote>
<h2>Le ruissellement n’est pas naturel</h2>
<p>Dans notre carte, le processus long et complexe d’irrigation financière commence au sommet de ce que l’on appelle la tour de la société, où les grandes fortunes conservent leurs réservoirs. C’est là que sont logées les plus grandes entreprises du monde, y compris les grandes sociétés pétrolières, pharmaceutiques et de distribution. Si l’on ouvre les vannes, l’argent s’écoule en aval et met en branle les rouages de l’industrie. Les salaires se frayent un chemin à travers le réseau de distribution d’eau et tombent dans les tirelires des employés. En retour, tout le monde travaille.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C59%2C7988%2C5556&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C59%2C7988%2C5556&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« l’aqueduc de l’argent », une carte architecturale de notre système financier par Carlijn Kingma.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’argent finit par s’infiltrer dans les rangs les plus bas de la société, là où un tapis roulant est toujours en marche pour assembler les produits et les matières premières extraites. Les gens dépensent ensuite les salaires qu’ils ont gagnés. Le produit des ventes est pompé vers le réservoir situé au sommet, et le cycle recommence.</p>
<p>C’est du moins l’idée car cette économie de ruissellement popularisée dans les années 1980 par le président américain Ronald Reagan et la Première ministre britannique Margaret Thatcher n’existe pas vraiment. Dans la réalité, l’argent circule principalement entre le sommet de la tour et le secteur financier. En outre, l’énorme croissance du secteur financier au cours des dernières décennies a creusé le fossé entre les plus fortunés et les plus démunis. La quantité croissante d’argent fait grimper le cours des actions, le prix des logements et les frais de gestion, mais la majeure partie de l’argent n’atteint pas l’économie quotidienne de la tour de la société – où il peut être utilisé pour des investissements productifs, générer des revenus et ajouter de la valeur sociale.</p>
<p>La structure de notre système monétaire n’est pas un phénomène naturel. La manière dont le réseau d’adduction d’eau a été mis en place est un choix politique. Dans les démocraties, des niveaux plus élevés d’éducation financière systémique sont une condition préalable pour changer cette architecture et faire en sorte que le secteur financier serve mieux la société.</p>
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<p><em>Thomas Bollen, journaliste financier d’investigation, et Carlijn Kingma, cartographe, ont participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de recherche a reçu des financements de Follow the Money, The Hague University of Applied Sciences, Stimuleringsfonds Creatieve Industrie, Brave New Works, Rabobank, Kunstmuseum Den Haag et Rijksmuseum Twenthe</span></em></p>Pour une meilleure « alphabétisation financière », des chercheurs néerlandais ont travaillé à représenter la finance sous la forme d’un réseau d’irrigation.Martijn Jeroen van der Linden, Professor of Practice in New Finance, Hague University of Applied SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.