tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/investisseurs-63874/articlesinvestisseurs – The Conversation2024-03-21T15:41:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2253782024-03-21T15:41:29Z2024-03-21T15:41:29ZVignobles bordelais : les investisseurs chinois les ont-ils vraiment négligés ?<p>La vague d’achats de châteaux bordelais par des investisseurs chinois serait-elle terminée ? Plusieurs signes en attestent. Aucun d’entre eux n’a montré son intérêt lors des transactions récentes. De nombreux châteaux sont même mis en vente par les anciens acquéreurs : il y avait une <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/vignoble-bordelais-sur-200-domaines-achetes-par-les-chinois-une-cinquantaine-est-a-vendre_5532906.html">cinquantaine d’offres à saisir fin 2022</a>.</p>
<p>Depuis 2012, plus de 200 acquisitions ont été réalisées par des investisseurs chinois dans le prestigieux <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vignoble</a> bordelais, des investisseurs issus principalement de l’élite économique, politique et artistique du pays. Le fondateur d’Alibaba, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jack-ma-81252">Jack Ma</a>, a, par exemple, racheté plusieurs châteaux, dont le <a href="https://www.terredevins.com/actualites/le-chateau-de-sours-revoit-les-choses-en-grand">Château de Sours</a> dans l’appellation Entre-Deux-Mers ; l’actrice <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-94717-les-chateaux-de-zhao-wei-fonctionnent-normalement-malgre-sa-disgrace-en-chine.html">Zhao Wei</a> a, elle, jeté son dévolu sur plusieurs châteaux de l’appellation Saint-Émilion.</p>
<p>Ces transactions impliquant à la fois des membres de l’élite et des actifs prestigieux détonnent dans le monde des <a href="https://theconversation.com/topics/fusion-dentreprise-109223">fusions/acquisitions</a>. Considérées indifféremment comme des « danseuses », des « opérations d’ego », des <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">« dépenses ostentatoires »</a> ou comme ce que les Anglo-saxons qualifient de « self-interest transactions », ces acquisitions atypiques sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/tie.21967">largement décriées par la littérature académique financière</a>. En produisant peu ou pas de synergies et de complémentarités entre la cible et l’acquéreur, elles seraient destructrices de valeur et vouées à l’échec. Les cas de châteaux bordelais <a href="https://www.rts.ch/info/monde/13265418-dans-le-vignoble-bordelais-des-rachats-chinois-au-gout-de-bouchon.html">laissés à l’abandon par leurs propriétaires chinois</a>, dont la presse et la télévision se font l’écho, vont dans le sens de cette perception négative, largement répandue dans l’opinion publique.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.rts.ch/play/embed?urn=urn:rts:video:13265284&subdivisions=false" allowfullscreen="" allow="geolocation *; autoplay; encrypted-media"></iframe>
<p><em>Reportage de la RTS, novembre 2023.</em></p>
<p>À y regarder de plus près cependant, ces investissements chinois dans le Bordelais sont loin d’être tous des échecs. C’est ce que nous montrons dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/362930206_In_vino_vanitas_Social_dynamics_and_performance_of_Chinese_chateau_acquisitions_in_the_Bordeaux_vineyards">travail de recherche récent</a> qui analyse les suites de 123 acquisitions entre 2008 et 2015.</p>
<h2>Quelle intention d’achat ?</h2>
<p>Une approche sociologique nous a permis de montrer que certaines de ces transactions créent de la valeur tant d’un point de vue économique que social et symbolique. Donnant l’occasion de se distinguer socialement, ces biens sont acquis pour le prestige accru qu’ils confèrent à leurs détenteurs et qui permet de se hisser au plus haut dans l’échelle sociale.</p>
<p>Considérant ces acquisitions de châteaux viticoles comme le prolongement d’une partie d’eux-mêmes, les nouveaux propriétaires leur accordent un soin tout particulier. Ils s’investissent ainsi pleinement dans la rénovation de la propriété, l’entretien des chais et, avant tout, la confection du vin. Nous avons pu constater de nombreux exemples d’investissements significatifs dans de nouveaux outils de vinification, un recours aux meilleurs œnologues comme Michel Rolland et Stéphane Derenoncourt, et un renouvellement du vignoble pour des domaines souvent à bout de souffle. Ces acquisitions ont souvent sauvé des exploitations de la banqueroute en même temps que s’améliorait la qualité du vin.</p>
<p>Le <a href="https://www.hachette-vins.com/">Guide Hachette des Vins</a> qui couvre l’ensemble des vignobles AOC français montre même des progressions significatives pour les vins produits par certaines de ces propriétés détenues par l’élite chinoise. Ainsi en est-il des productions du couple Andrew et Melody Kuk qui ont acquis la propriété <a href="https://www.sudouest.fr/vin/investisseurs-chinois-a-pomerol-les-epoux-kuk-reaffirment-leur-attachement-au-terroir-17148857.php">La Commanderie à Pomerol</a> en 2013. Ayant fait fortune dans la finance et l’événementiel à Hongkong, ils ont renouvelé l’outil de vinification ainsi que procédé à la réfection du bâtiment de la propriété. Après quelques années, le vin de ce domaine qualifié de « belle endormie » est régulièrement présent dans les classements des meilleurs vins bordelais.</p>
<p>Ces types d’acquisitions intégrées à une stratégie d’ascension sociale apparaissent très éloignés des quelques rachats conduits par des milliardaires chinois, qui concentrent pourtant l’essentiel de l’attention des médias. Déjà au sommet de la hiérarchie sociale, ces acquéreurs s’impliquent peu dans leurs propriétés viticoles et changent fréquemment de violons d’Ingres car leur rang social ne dépend pas de la performance de leurs acquisitions. Il en résulte dans ce cas effectivement des performances souvent dégradées.</p>
<p>Statistiquement, nous observons bien cette corrélation significative entre stratégies d’ascension sociale et amélioration de la qualité du vin dans les classements.</p>
<h2>Dans le vin comme ailleurs</h2>
<p>Notre approche apporte plus généralement des clés de compréhension des motivations de ces « acquisitions ostentatoires » conduites à l’échelle internationale par les élites économiques, sportives et artistiques. Ce concept est né à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, dans les travaux de l’économiste <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">Thorstein Veblen</a> qui observait les dépenses de la classe supérieure américaine. Certains comportements d’achat de ces élites ne semblent pas logiques du point de vue de la science économique mais s’inscrivent pleinement dans des stratégies d’affirmation ou de réaffirmation sociale.</p>
<p>Se concentrant dans des secteurs tels que le sport, l’hôtellerie et l’immobilier de luxe, ces acquisitions de prestige sont le fait d’investisseurs individuels très fortunés (« High-Net-Worth Individuals ») dont le nombre est estimé à 22 millions dans le monde et dont la richesse cumulée approcherait les <a href="https://www.capgemini.com/insights/research-library/world-wealth-report/">83 000 milliards de dollars</a>. Ils sont de plus en plus nombreux, conséquence des politiques néolibérales depuis la fin des années 1970, de l’effondrement de l’URSS et de l’ascension des pays émergents.</p>
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<p>Une partie de cette fortune est consacrée à des <a href="https://www.enograf.com/media/pdf/Profit%20ili%20zadovoljstvo%20-%20kompletan%20izvestaj.pdf">acquisitions de prestige</a>. Ainsi, les grands clubs de football, Paris Saint-Germain et Manchester City, sont détenus par les fonds d’investissement souverains en lien avec les familles régnantes qatariennes et émiraties, et, il y a encore peu, le Chelsea FC l’était par l’oligarque russe, Roman Abramovitch. Concernant l’hôtellerie, les palaces tels que le Bristol, le George V et le Meurice appartiennent à des personnalités fortunées étrangères, respectivement le groupe familial allemand Oetker, le prince saoudien Al-Walid Ben Talal Al Saoud et le sultan de Brunei.</p>
<p>Autant de personnalités dont la fortune ne provient pas du secteur concerné par leurs acquisitions et qui ont conduit ces acquisitions dans le but d’accéder ou de réaffirmer leur affiliation à l’élite internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Xavier Meschi est président de l'association Atlas-AFMI (Association Francophone de Management International)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Bohas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux idées reçues, seule une minorité de vignobles bordelais rachetés par des investisseurs chinois a connu des suites négatives.Alexandre Bohas, Professeur d'Affaires internationales, ESSCA School of ManagementPierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités en sciences de gestion, Affillié à Skema Business School, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165882023-11-13T14:01:02Z2023-11-13T14:01:02ZNul ne peut prédire avec certitude l’évolution des marchés financiers. Voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557175/original/file-20231101-23-xjz2ys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur est commise si l'on suppose que les adeptes de la finance peuvent prévoir le comportement incertain des marchés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Certains adeptes de l’analyse des marchés boursiers prétendent pouvoir prédire, avec une précision déconcertante, les tendances des marchés financiers. </p>
<p>Ainsi, nonobstant la complexité du monde de la finance internationale, ceux-ci nous assurent que des bénéfices conséquents sont à notre portée si nous adhérons à leurs recommandations et comportements.</p>
<p>Mais est-ce réellement possible de prévoir avec exactitude le comportement du marché des capitaux ?</p>
<p>En tant que docteur en psychologie de la décision, spécialisé dans la recherche sur la complexité, j’ai eu l’occasion d’approfondir ma compréhension de la véritable capacité de l’humain à contrôler les environnements complexes du monde réel. Pour l’heure, ma conclusion est sobre, et tout sauf simple.</p>
<h2>La complexité, c’est complexe</h2>
<p>Pour de nombreux chercheurs en science de la décision, comprendre et gérer la <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/revisiting-complexity-in-the-digital-age/">complexité représente le plus grand défi de l’ère numérique</a>. La complexité se réfère à la nature incertaine des environnements où, quotidiennement, nous prenons des décisions. </p>
<p>Alors que nos choix financiers peuvent paraître simples et évidents (épargner une portion de son revenu, établir un budget, rembourser une dette), l’environnement dans lequel ceux-ci se concrétisent est <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315091938-2/complex-problem-solving-european-perspective%E2%80%9410-years-joachim-funke-peter-frensch">imprévisible</a>. </p>
<p>Les stratégies que nous adoptons ne sont certes pas infaillibles, notre connaissance ne garantit pas notre succès, et les effets de chacune de nos décisions sont incertains et uniques. C’est ce qui explique que les environnements où nous prenons les décisions de tous les jours sont en réalité éminemment complexes. Ils impliquent de nombreux facteurs liés entre eux, qui évoluent constamment, avec ou sans intervention de notre part. Sans oublier que les objectifs que nous chérissons entrent fréquemment en <a href="https://www.mdpi.com/2079-3200/9/3/38">contradiction les uns avec les autres</a>. </p>
<p>Par exemple, comment peut-on garantir que nos placements soient à l’abri des fluctuations journalières des marchés, tout en maximisant leur rendement ?</p>
<h2>L’humain face à la complexité financière</h2>
<p>Face à la complexité du monde de la finance, la cognition humaine tend à favoriser un traitement simplificateur et réductionniste de l’information, correspondant à une forme de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/154193120104500415">« surfocalisation »</a> (<em>tunneling</em>). Face à la surcharge engendrée par cette complexité, nous avons tendance à nous concentrer sur un ou quelques aspects spécifiques d’une situation, plutôt que sur l’ensemble de l’information disponible, parce que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2451958822000562">trop d’information tue l’information</a>. En d’autres termes, nous recourrons à des raccourcis. Et vous savez quoi ? Souvent, ces modes de raisonnement simplistes aboutissent à des décisions biaisées. </p>
<p>Nous commettons une erreur de jugement lorsque nous attribuons les performances médiocres de notre portefeuille d’actions à un seul événement particulièrement marquant dans notre esprit. Nous croyons à tort que nos placements croîtront de manière linéaire, alors qu’ils sont vulnérables aux variations exponentielles causées par des crises et des phénomènes inattendus. Nous réagissons maladroitement aux investissements infructueux en nous focalisant sur les conséquences qui pourraient expliquer nos difficultés financières, au lieu d’approfondir notre compréhension des raisons pour lesquelles l’entreprise (ou le secteur dans lequel elle opère) en qui nous avions une confiance aveugle connaît des difficultés.</p>
<p>Enfin – et la nature humaine est ainsi faite – nous avons tendance à attribuer la responsabilité de nos échecs à des facteurs externes hors de notre contrôle. Par exemple, on pourrait être tenté de blâmer les mauvaises conditions météorologiques estivales pour expliquer les pertes encourues par certaines entreprises du secteur du tourisme. Mais ce faisant, on néglige l’importance de la qualité des produits et services qu’elles offrent, ou encore la convivialité de leur personnel. </p>
<h2>Et les adeptes des marchés dans tout ça…</h2>
<p><a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/e1743fb3-e5d8-4532-9d3f-042954bbff15">Mes plus récents travaux</a> appuient ce que la littérature sur la prise de décision complexe mentionne ; que nous soyons des adeptes ou des novices, comprendre et maîtriser la complexité est un défi colossal. </p>
<p>Plusieurs adeptes des marchés feront preuve d’une plus grande habileté dans l’élaboration d’une stratégie d’investissement, la gestion de portefeuille, ou encore l’accès à certains placements. </p>
<p>Cependant, une erreur est commise si l’on suppose qu’ils peuvent prévoir le comportement incertain des marchés. L’enjeu ne réside pas nécessairement dans la connaissance financière, mais dans les limitations naturelles de la cognition humaine lorsqu’elle est confrontée à la complexité. </p>
<p>Face à la finance internationale, il existe un « mur » au-delà duquel il est particulièrement difficile de progresser, et nous sommes tous sujets aux biais et aux erreurs.</p>
<h2>Alors, comment s’en sortir ?</h2>
<p>Malgré les nombreux défis de la complexité financière, il y a de la lumière au bout du tunnel, pourvu que nous sachions comment s’y prendre. Bien que de nombreuses études restent à mener, les chercheurs demeurent optimistes quant à certaines approches qui peuvent d’ores et déjà nous guider vers des décisions plus éclairées.</p>
<p><strong>1. Apprenez à penser en système</strong></p>
<p>La <a href="https://fnhpa.ca/_Library/KC_BP_5_Skills/SYSTEMS_THINKING.pdf">pensée systémique</a> est une manière de percevoir la réalité qui nous aide à mieux comprendre et travailler avec les environnements complexes du monde réel. </p>
<p>Que ce soit pour apprendre à mieux gérer votre budget ou investir judicieusement en bourse, prenez l’habitude de dessiner des représentations visuelles des défis financiers que vous souhaitez relever. </p>
<p>Les diagrammes de cause à effet, qui utilisent des symboles simples (un signe + pour indiquer un changement dans la même direction entre deux facteurs, et un signe – pour indiquer des changements opposés) permettent de figurer rapidement l’étendue et la portée d’un problème en représentant les relations entre les parties d’un même système. </p>
<p>Mais ne vous méprenez pas, certains facteurs sont difficilement prévisibles. </p>
<p>En somme, apprenez à réfléchir aux conséquences des conséquences de vos choix avant de prendre une décision.</p>
<p><strong>2. Soyez audacieux, tolérez l’incertitude</strong></p>
<p>Apprenez à tolérer les situations qui, à première vue, n’ont pas de solutions claires et vous laissent dans le doute. </p>
<p>Les marchés financiers sont imprévisibles et mal structurés (<a href="https://www.sympoetic.net/Managing_Complexity/complexity_files/1973%20Rittel%20and%20Webber%20Wicked%20Problems.pdf"><em>wicked problems</em></a>). </p>
<p>Dans ces environnements, l’ambiguïté est la norme. Accepter l’incertitude permet de traduire les problèmes en opportunités de décisions transformatrices, plutôt que de prendre des décisions trop hâtives, ou encore s’enfermer dans l’inaction. </p>
<p>Il n’existe pas une seule « bonne solution » à un problème financier complexe. Prenez un moment pour évaluer vos options.</p>
<p><strong>3. Mettez à l’épreuve vos croyances et vos préjugés</strong></p>
<p>N’essayez pas de rechercher et d’interpréter l’information financière en fonction d’une hypothèse de départ qui vous est chère. Confrontez vos idées préconçues à l’aide de sources que vous n’auriez d’ordinaire pas consultées en raison de leur position opposée à vos convictions. </p>
<p>Que dirait un ami ou un collègue que vous appréciez, mais qui est foncièrement en désaccord avec vous ?</p>
<p><strong>4. Ne vous fiez pas à ce qui vous vient facilement à l’esprit</strong></p>
<p>Le simple fait d’assister à une conférence inspirante sur l’économie durable ou d’écouter attentivement un reportage télévisé sur l’éthique financière ne garantit pas que les informations qui en découlent sont utiles à la décision que vous devez prendre.</p>
<p>Bien que ces informations puissent être plus facilement récupérables en mémoire, elles ne sont pas nécessairement pertinentes. Ne surestimez pas la probabilité qu’un événement se produise simplement parce que vous pouvez l’imaginer dans les moindres détails. </p>
<p>Renseignez-vous à plusieurs enseignes et croisez les sources d’information que vous consultez.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Personne ne devient compétent sans pratique. Vous devez personnellement explorer le monde de la finance. </p>
<p>À travers l’expérience, vous développerez vos compétences pour mieux appréhender la complexité. Pour faciliter cette pratique, vous pouvez avantageusement faire appel à un professionnel compétent qui vous accompagnera dans ce processus hautement sophistiqué. </p>
<p>Mais n’oubliez pas ceci : face à la complexité, vous êtes humain, tout comme le sont ceux qui prétendent lire l'avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216588/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Béchard a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), et de Mitacs Canada</span></em></p>La complexité du marché financier dépasse les capacités de traitement de l’information de la cognition humaine.Benoît Béchard, Docteur en psychologie de la décision Ph. D., Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167582023-11-05T18:21:54Z2023-11-05T18:21:54ZLe style des communiqués de presse, une question de culture nationale<p>Les entreprises multinationales (EMN) utilisent des communiqués de presse pour informer leurs clients internationaux de leurs activités de marketing, produits, services ou résultats financiers. Ces communications sont généralement rédigées en anglais des affaires universel (<em>business English as a lingua franca</em>, BELF, considérée comme une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0889490605000086">langue différente</a> de la langue maternelle anglaise) au lieu de leur langue nationale.</p>
<p>Par exemple, les multinationales allemandes (SAP, E.ON, RWE, etc.) ou françaises (EDF, Sanofi, Alcatel-Lucent, etc.) publient leurs communiqués en anglais. Même les multinationales britanniques (BP, Vodafone Group, BT Group, etc.) et américaines (Intel, IBM, Apple, etc.) utilisent le BELF comme langue standard pour dialoguer avec leurs parties prenantes à l’international.</p>
<p>Cependant, malgré cette base linguistique commune, le pays d’origine de la multinationale forme l’architecture du style qui affecte la manière dont leurs communiqués de presse sont rédigés. C’est l’une des conclusions de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090951622001055">notre récente étude</a> qui a utilisé un logiciel d’analyse de l’utilisation des mots (LIWC) pourtant sur plus de 2 000 communiqués rédigés par 86 multinationales britanniques, américaines, françaises et allemandes.</p>
<h2>Complexité ou émotion</h2>
<p>Nos résultats montrent notamment que les multinationales américaines et allemandes mettent davantage l’accent sur la complexité et la profondeur de l’analyse (le « traitement cognitif ») que les multinationales britanniques et françaises.</p>
<p>Par exemple, l’entreprise américaine d’informatique Dell a publié le <a href="https://www.dell.com/learn/us/en/uscorp1/corporate_secure_dellpressrelease/2017-07-13-dell-introduces-industry-first-security-suite">communiqué</a> suivant en 2017 pour présenter une nouvelle solution de sécurité informatique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dell.com/learn/us/en/uscorp1/corporate_secure_dellpressrelease/2017-07-13-dell-introduces-industry-first-security-suite">Dell (2017)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au travers des termes comme « parce que » (<em>because</em>) ou « en plus de » (<em>in addition to</em> – certains termes relevés n’apparaissent pas dans les captures d’écran présentées), le communiqué élabore des idées et des causalités. Le texte incorpore ainsi une profondeur analytique qui transparaît notamment dans les formulations « isolé de » (<em>isolated from</em>), ou « aider… contre » (<em>help… against</em>). En outre, l’utilisation des mots « intégrer » (<em>integrate</em>), « permettre » (<em>enable</em>) et « créer » (<em>creating</em>) incite les lecteurs à réfléchir sur le lien entre les différents éléments du texte, ce qui augmente le niveau de complexité. Par conséquent, le texte renvoie l’image d’une entreprise qui fournit des produits et services hautement sécurisés.</p>
<p>Quant aux multinationales britanniques et allemandes, leurs communications mobilisent davantage le registre de l’émotion – contrairement à celles de leurs homologues françaises. Les entreprises américaines ont, de leur côté, plus tendance à adopter un ton impersonnel et distant.</p>
<p>Par exemple, British Petroleum Company, BP, a publié en septembre 2023 le <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/news-and-insights/press-releases/the-ev-network-and-bp-pulse-unveil-the-uk-largest-public-ev-charging-hub-at-the-nec-birmingham.html">communiqué</a> de presse suivant, qui concerne l’ouverture du plus grand centre public de recharge de véhicules électriques du Royaume-Uni à Birmingham.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bp.com/en/global/corporate/news-and-insights/press-releases/the-ev-network-and-bp-pulse-unveil-the-uk-largest-public-ev-charging-hub-at-the-nec-birmingham.html">BP (2023)</a></span>
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<p>Notons d’abord que le texte intègre une citation d’un partenaire – une pratique répandue outre-Manche – qui véhicule l’identité et affiche des connotations émotionnelles. En outre, on retrouve des termes comme « meilleur » (<em>best</em>), « idéal » (<em>ideal</em>), « fier » (<em>proud</em>), « excitant » (<em>exciting</em>), « impressionnant » (<em>impressive</em>) ou encore « rassurant » (<em>reassuring</em>). Ce stimulus émotionnel vise à traduire le niveau de sensibilisation de l’entreprise sur les enjeux de développement durable.</p>
<p>Comme on a pu le voir dans le cas de BP, les multinationales britanniques font souvent référence à leurs partenaires. A contrario, les multinationales françaises et allemandes minimisent leur présence dans leurs communications.</p>
<p>Par exemple, la multinationale britannique de services de communication, BT Group, a publié le <a href="https://newsroom.bt.com/bt-group-completes-multi-million-pound-revamp-of-glasgow-office/">communiqué de presse</a> suivant en septembre 2023 sur la rénovation de leurs bureaux en Écosse :</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.bt.com/bt-group-completes-multi-million-pound-revamp-of-glasgow-office/">BT Group (2023)</a></span>
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<p>À travers les termes « membres » (<em>members</em>), « collègues » (<em>colleagues</em>) ou encore « partie de » (<em>part of</em>), le texte reflète l’interdépendance de l’entreprise avec ses partenaires. Par conséquent, ces mots à connotation sociale amènent les destinataires, c’est-à-dire les clients ou les investisseurs potentiels, à faire le lien avec l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de l’ensemble de la société.</p>
<p>Même si les multinationales britanniques, allemandes et françaises partagent les mêmes cultures européennes, les styles linguistiques des approches cognitives et émotionnelles, le ton de la communication pour montrer la distance psychologique et l’orientation sociale n’affichent donc pas nécessairement des styles linguistiques identiques.</p>
<h2>Quelles réactions chez les destinataires ?</h2>
<p>Mais comment réagissent les destinataires de cette communication ? Pour en savoir plus, nous avons créé quatre versions différentes d’un communiqué pour analyser les attitudes de plus de 1 000 investisseurs/clients potentiels dans les quatre pays en question (Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, France). Leurs réactions à l’égard des communiqués de presse ont globalement confirmé que les différentes pratiques répondaient bien aux attentes des destinataires.</p>
<p>C’est en effet le public britannique qui a montré l’attitude la moins positive à l’égard des communiqués de presse qui utilisent des mots pour expliquer des informations complexes ou analysent profondément une situation – ce que les entreprises du Royaume-Uni évitent, comme nous l’avons vu. De la même manière, le public allemand a montré l’attitude la plus positive à l’égard des communiqués de presse à caractère émotionnel – ce dont ne se privent pas les organisations germaniques. En revanche, comme attendu après l’étude des communications, le public français est celui qui préfère le moins le style émotionnel.</p>
<p>En conclusion, les résultats soulignent le caractère unique de la culture nationale et séparent la langue de cette culture : en effet, l’origine de la multinationale influe sur le style linguistique de l’utilisation d’une même langue pour communiquer, en l’occurrence le <em>Business English as a Lingua Franca</em> (BELF).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chavi Chi-Yun Chen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans leurs communications en anglais, les multinationales américaines et allemandes mettent davantage l’accent sur l’analyse et la complexité du texte que leurs homologues britanniques et françaises.Chavi Chi-Yun Chen, Assistant Professor, International Negotiation and Sales Management, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162412023-10-29T18:11:25Z2023-10-29T18:11:25ZDes investisseurs à mission pour les sociétés à mission ?<p>De multiples prises de paroles d’acteurs très divers convergent pour intimer aux acteurs de la finance d’aller plus loin dans leurs <a href="https://theconversation.com/finance-verte-faut-il-croire-au-nouvel-engagement-des-grandes-banques-a-la-cop26-171413">volontés d’opérer une mue</a>, voire une révolution culturelle, afin de promouvoir des entreprises et des projets engagés dans les <a href="https://theconversation.com/finance-responsable-et-durable-le-monde-academique-se-doit-dagir-98119">multiples transitions</a> sociales et environnementales dont le monde a besoin. Larry Fink, le <a href="https://qz.com/blackrock-ceo-larry-fink-is-focusing-on-goals-other-tha-1850580124">patron de Blackrock, plus grand fonds de pension mondial</a>, Philippe Zaouati, financier engagé qui dialogue dans un <a href="https://www.actes-sud.fr/la-finance-face-aux-limites-planetaires">ouvrage récent</a> avec le philosophe Dominique Bourg, ou bien encore <a href="https://www.linfodurable.fr/investir-durable/en-bref/macron-reunit-les-grands-financeurs-pour-le-climat-21462">Emmanuel Macron</a> ou le <a href="https://www.philonomist.com/fr/article/que-peut-attendre-de-la-finance-verte">Pape François</a>, des acteurs variés invitent la finance à <a href="https://theconversation.com/que-faire-pour-que-la-transition-energie-climat-devienne-enfin-laffaire-de-tous-160519">soutenir des modèles économiques plus vertueux</a> ou moins consommateurs de ressources.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/pourquoi-et-comment-la-finance-doit-revenir-a-plus-de-responsabilite-68251">intégration progressive des considérations éthiques et responsables dans les décisions d’investissement</a> a constitué un premier tournant. De nouvelles <a href="https://theconversation.com/finance-responsable-comment-la-reglementation-europeenne-dessine-une-trajectoire-favorable-205766">réglementations</a> poussent également dans cette direction. Plus récemment, on a pu voir émerger une finance responsable et durable avec des acteurs engagés tels que les <a href="https://theconversation.com/effectuer-des-investissements-responsables-ce-nest-pas-renoncer-a-leur-rentabilite-199021">« investisseurs à impact »</a> ou encore les « investisseurs à mission ». Ils placent la création de valeur sociale et environnementale au cœur de leur démarche, dépassant les priorités purement financières.</p>
<p>C’est à ces investisseurs très particuliers et très engagés que nous nous sommes intéressés dans une recherche récente. Notre équipe travaille notamment sur le volet financier d’un projet collectif de recherche plus large qui s’intéresse plus largement aux sociétés à mission, <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/societe-mission">mention juridique créée par le la loi Pacte de 2019</a>. Plus de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-mon-boulot/les-entreprises-a-mission-sont-desormais-plus-de-1-000-en-france_5646005.html">1000 entreprises</a> ont depuis fait le choix d’ajouter dans leur statut une ligne détaillant cette mission ou raison d’être et se sont dotées d’un organisme pour en contrôler le suivi.</p>
<h2>Une prise de conscience</h2>
<p>Dans le cadre de cette recherche, présentée lors de l’<a href="https://conferences.euram.academy/2023conference/">EURAM 2023</a>, nous avons interrogé quinze acteurs (sociétés d’investissement ayant adopté volontairement le statut de société à mission) et quatre sociétés comparables n’ayant pas ce statut mais gravitant dans l’écosystème de l’investissement responsable. Ces investisseurs à mission s’attachent à déployer des objectifs précis, souvent liés aux objectifs de développement durable, crédibles et mesurables. Ils adoptent également une aussi une approche novatrice de l’investissement et une vision écosystémique permettant d’aligner parties prenantes internes et externes à leur entreprise autour de la mission.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706393905099325875"}"></div></p>
<p>Plusieurs facteurs ont contribué à l’émergence des investisseurs à mission. On retrouve d’une part, la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociaux. Dans tous les entretiens menés, l’engagement personnel des dirigeants ou fondateurs de ces sociétés financières (qui veulent faire de la finance « <em>utile</em> » ou de la finance « autrement ») nous est apparu comme déterminant.</p>
<p>Les crises environnementales et les mouvements sociaux ont amené à une réflexion profonde sur le rôle de la finance dans la construction d’un avenir durable. Des pionniers et des leaders dans le domaine de l’investissement à mission ont aussi été des sources d’inspiration à l’instar de <a href="https://www.raise.co/mission">Raise</a> et de son pari de « développer un écosystème innovant et généreux pour soutenir des entrepreneurs visionnaires et construire avec eux une économie responsable et durable » ou encore de <a href="https://fr.sycomore-am.com/sycomore">Sycomore Asset Management</a> en quête d’« humanisation de l’investissement ». Ces éléments ont créé un terreau fertile pour le développement de cette nouvelle approche d’investissement.</p>
<p>Beaucoup recherchent désormais cet « impact supplémentaire » qu’ils peuvent générer grâce à leurs « actions d’engagement et constructivistes ». Selon leurs mots ils « contribuent à un mouvement positif au sein des entreprises, ce qui multiplie à son tour l’impact ».</p>
<h2>Être exigeant et cohérent</h2>
<p>Les entretiens avec les investisseurs à mission mettent en lumière plusieurs thèmes centraux qui finissent par les démarquer du reste des acteurs financiers. Le premier est celui du « bien commun », « placer l’intérêt collectif au-dessus de leurs intérêts personnels ». Ils cherchent à faire « grandir les individus » au sein des entreprises et à favoriser une transformation durable de l’économie.</p>
<p>De fortes exigences envers les entreprises qui rejoignent leur portefeuille ressortent également, en particulier en ce qui concerne leur contribution à des objectifs sociaux et environnementaux et la qualité du partage d’information ou de métriques. Ils exigent transparence et responsabilité pour assurer l’impact positif et la crédibilité des entreprises.</p>
<p>Les investisseurs à mission mettent enfin l’accent sur un besoin de cohérence entre les exigences qu’ils posent aux entreprises dans lesquelles ils investissent et leur propre fonctionnement interne. Celui-ci repose notamment sur une politique de partage de la valeur très avancée et s’appuie en général sur une gouvernance participative. C’est dans cette direction qu’ils accompagnent aussi les entreprises dans lesquelles ils ont investi. Beaucoup insistent :</p>
<blockquote>
<p>« Le principal mot, c’est alignement. C’est l’alignement entre la manière dont on s’est défini et la manière dont on travaille. »</p>
</blockquote>
<h2>Un écosystème précurseur</h2>
<p>En somme, les investisseurs à mission cherchent à agir comme des catalyseurs du changement. Ils mettent l’accent sur l’engagement actif, la cohérence entre les paroles et les actes, l’exemplarité, ainsi que sur la responsabilité envers la société dans son ensemble.</p>
<p>On ne peut pas, pour l’heure, rapprocher ces investisseurs d’une catégorie existante. Pour l’heure, il s’agit d’un phénomène émergent et donc encore « à la marge » avec des encours relativement minimes. Les théories du changement institutionnel soulignent que les innovateurs ont toujours été isolés au début, vus comme avant-gardistes avant que leurs pratiques novatrices deviennent peu à peu la norme. C’est ceux que, par exemple, le sociologue Howard Becker a nommés <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-1-page-213.htm?ref=doi">« entrepreneurs de morale »</a>. À terme, cette nouvelle catégorie d’investisseurs pourrait représenter une alternative crédible ou bien être précurseur d’un mouvement missionnaire de plus grande ampleur, qui chercherait à réconcilier la finance avec la société et l’intérêt général.</p>
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<p>Dans cette dynamique émergente, le rôle des organismes tiers indépendants (OTI) en charge de la <a href="https://www.entreprisesamission.org/les-organismes-tiers-independants/">vérification de la mission</a> que se donne les entreprises, la première devant intervenir dans les 18 ou 24 mois suivant la publication de la qualité de société à mission au registre du commerce et des sociétés, sera également clé dans leur capacité à valoriser et soutenir des investisseurs de cette nature. Ces OTI seront surtout chargés de vérifier l’existence de la poursuite de la mission, des moyens dédiés et associés et de l’atteinte des objectifs visés.</p>
<p>Dans notre étude, nous avons ainsi observé un renforcement des liens entre ces différents acteurs. Cela se traduit par un soutien accru des investisseurs à mission envers les entreprises de l’écosystème des sociétés à mission ou un encouragement formulé à d’autres entreprises à adopter ce statut. Cette dynamique s’accompagne aussi d’une importante reconfiguration et stabilisation de la structure actionnariale avec une association croissante des salariés aux résultats de l’entreprise largement encouragée par les <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-recompenser-travail-salaries">dispositions de loi Pacte</a>.</p>
<p>Ainsi, dans une seconde étude en cours sur les structures actionnariales privilégiées par les sociétés à mission, nous observons un retrait des investisseurs financiers dits « classiques » ainsi qu’un renforcement sensible de l’actionnariat salarié et public. Cela permet en outre aux entreprises d’avoir <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2022/05/18/la-loi-pacte-a-convoque-la-question-du-partage-de-la-valeur-dans-les-entreprises_6126585_1698637.html">« une gouvernance plus équilibrée et une compétence plus proche de l’activité »</a> et de se protéger du <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2019.0238">risque de compromission</a> avec l’intervention de fonds activistes.</p>
<p>Ainsi cette nouvelle catégorie de sociétés financières représente peut être la concrétisation d’une finance plus durable et en capacité de soutenir des entreprises ou des projets de même nature. La loi Pacte a ainsi contribué de façon peut-être indirecte à cristalliser ou à sédimenter une catégorie très émergente mais qui incarne sans doute une voie d’avenir pour l’ensemble des acteurs financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Exigeants envers eux-mêmes comme envers les entreprises qu’ils accompagnent, les investisseurs à mission restent peu nombreux mais entraînent de plus en plus d’acteurs de la finance dans leur sillage.Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolCarine Girard-Guerraud, Full professor in corporate finance, AudenciaMarie Baudoux, Professeure assistante en Finance, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139242023-09-25T16:57:30Z2023-09-25T16:57:30ZInnovation ou exploitation : comment investir de manière pertinente en capital-risque industriel ?<p>La crise liée au coronavirus a montré que le comportement des investisseurs en capital-risque industriel s’est avéré résilient. Le capital-risque industriel (CRI), Corporate Venture Capital en anglais, est une <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie entrepreneuriale</a>, qui consiste, pour les grands groupes, à créer des fonds d’investissement pour <a href="https://doi.org/10.7202/1076015ar">financer des start-up innovantes</a>. Au-delà de leur <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">apport financier</a>, les grands groupes jouent un rôle de coaching et apportent leur savoir-faire managérial et technique aux jeunes pousses.</p>
<p>Le financement mondial soutenu par des fonds de capital-risque industriel a atteint presque 100 milliards de dollars en 2022 selon la <a href="https://www.cbinsights.com/research/report/corporate-venture-capital-trends-2022/">base de données CB insights</a>, deuxième année la plus faste après le record de 2021 (173 milliards). Cela représente environ <a href="https://pitchbook.com/data">30 % du total des opérations de capital-risque</a> de l’an passé, proportion en augmentation.</p>
<p>Les industriels ont, en la matière, le choix entre deux stratégies, qu’elles peuvent mener simultanément : l’exploration et l’exploitation. Une opération « exploratoire » désigne des <a href="https://theconversation.com/topics/investissement-20236">investissements</a> dans des <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> dont les activités se situent dans des secteurs d’activité totalement différents. Cela engage les organisations dans la recherche, l’innovation, l’expérimentation et la créativité : l’intérêt est de pouvoir acquérir de nouvelles technologies. L’« exploitation », elle, implique des start-up dont les activités principales sont identiques ou connexes. On vise alors davantage un accroissement des compétences, de la productivité et des flux de trésorerie.</p>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.jebo.2022.07.012">travaux</a> se sont donnés pour objectif de mieux comprendre les arbitrages effectués entre l’une ou l’autre. Être « ambidextres » en la matière, c’est-à-dire adopter les deux options, s’avère pour les professionnels un enjeu de résilience face aux crises et à la transition écologique. Plusieurs moyens de les articuler avec pertinence, c’est-à-dire avec un impact significativement positif sur les performances financières, ont pu être identifiés au cours de nos recherches.</p>
<h2>Innover puis exploiter</h2>
<p>Notre étude a été menée sur un échantillon de 274 investisseurs corporatifs. Elle compte au total 12 895 observations sur la période allant de 1993-2017. Les données exploitées dans cette recherche ont été recueillies à partir des bases <a href="https://www.refinitiv.com/en/products/thomson-one-wealth-solutions">Thomson VentureXpert</a> et <a href="https://www.marketplace.spglobal.com/en/datasets/compustat-financials-(8)">Standard and Poor’s Compustat</a>.</p>
<p>Une stratégie pertinente qui en ressort est dite « <strong>séquentielle</strong> » : il s’agit de faire d’un investissement exploratoire une première étape. Son issue fera alors l’objet d’un nouvel investissement pour exploitation. Motorola Solutions Venture Capital y a par exemple eu recours avec succès.</p>
<p>L’objectif principal de Motorola Solutions Venture Capital est d’allouer ses investissements principalement aux entreprises qui opèrent dans les domaines de la sûreté publique, de la sécurité, des communications critiques, de l’Internet des objets et de l’analyse de données/intelligence artificielle. À titre d’exemple, elle a réalisé des investissements dans Aerocast, Cacheon, Catch Media, DevLan One, E Ink Corporation, ou Ensemble Solutions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>La raison en est l’importance considérable qu’accorde le groupe aux avancées technologiques pertinentes pour ses activités principales. Elle adopte ainsi une stratégie flexible qui alterne entre les stratégies d’exploration et d’exploitation, en fonction de l’évolution de ses besoins en matière d’acquisition de connaissances.</p>
<p>Nos résultats montrent que pareille ambidextrie séquentielle augmente la performance financière des industriels. Les capital-risqueurs s’adaptent alors aux différents types d’activité et évitent plusieurs risques. À se concentrer sur l’exploitation, une entreprise s’expose par au piège d’une spécialisation à succès, c’est-à-dire surfer sur un produit qui un jour deviendra obsolète, menaçant à long terme l’existence de l’entreprise. À ne miser que sur l’exploration, l’entreprise est accaparée par la recherche et le changement technologique, ce qui la rend sujette à davantage d’échecs.</p>
<h2>Alterner régulièrement</h2>
<p>Il n’y a cependant pas de consensus sur les degrés d’équilibre entre les activités d’exploration ou d’exploitation ou sur la manière de combiner les deux activités. Notre recherche montre néanmoins la fréquence de changement dans le temps (le nombre de fois qu’une entreprise passe d’une activité à l’autre) entre l’exploration et l’exploitation a un impact significativement positif sur la performance. Cela s’explique à nouveau par la diminution du risque qu’une technologie exploitée devienne obsolète, sans solution à court terme pour la remplacer.</p>
<p>Combiner exploration et exploitation, c’est ce que savent très bien faire des sociétés comme Baxalta, Caterpillar, ou <a href="http://SALESFORCE.COM">Salesforce.com</a> inc. La réalisation conjointe d’un CRI exploratoire et d’un CRI d’exploitation stimule alors l’innovation de l’organisation grâce à l’utilisation complémentaire de ces deux activités.</p>
<p>Comme Motorola, Salesforce s’intéresse prioritairement aux entreprises lui permettant de renforcer ses domaines de compétence. La stratégie d’investissement de Salesforce reflète sa volonté de soutenir financièrement des start-up lui permettant de renforcer ses domaines de compétence comme Speakeasy Tech, Vidyard ou Dispatch Technologies, qui toutes trois œuvrent dans le domaine des logiciels et outils Internet.</p>
<p>Toutefois, pour y parvenir et permettre une exploitation plus rapide à partir de l’exploration en cours, il faut du temps, des ressources et une formation supplémentaire des managers, pas toujours en mesure d’exercer les deux activités d’exploitation et d’exploration et de passer de l’une à l’autre. C’est là tout un challenge pour les grands groupes industriels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les grands groupes qui soutiennent des start-up en leur apportant des fonds et des conseils réussissent leur stratégie en combinant des investissements dans leur secteur d'activité et en dehors.Souad Brinette, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business School - OCRE, EDC Paris Business SchoolFatima Shuwaikh, Associate professor of finance, Pôle Léonard de VinciSabrina Khemiri, Maître de conférences en finance d’entreprise, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141052023-09-25T16:49:26Z2023-09-25T16:49:26ZLes investisseurs sous-estiment-ils (fortement) leur exposition au dérèglement climatique ?<p>Si la transition énergétique a un coût pour les investisseurs privés, le changement climatique aussi. Les phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, canicules, incendies, tempêtes, inondations, etc.), qui devraient selon les experts <a href="https://reseauactionclimat.org/rapport-giec-climat-2021/">se multiplier ces prochaines années</a>, augmentent en effet fortement le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> de perte de valeurs des portefeuilles.</p>
<p>Dans une <a href="https://edhec.infrastructure.institute/wp-content/uploads/2023/07/p1102.pdf">étude</a> intitulée « It’s getting physical » et publiée en août 2023, <em>l’Infrastructure and Private Assets Research Institute</em> de l’EDHEC montre que certains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> pourraient même voir, avant 2050, la valeur de leur portefeuille baisser de plus de 50 %. L’investisseur moyen, qui détient généralement une petite dizaine d’actifs, pourrait de son côté voir la valeur de son portefeuille baisser de 25 %.</p>
<p>Il y a une raison à cela. Au cours des deux dernières décennies, les investisseurs institutionnels ont alloué de plus en plus de capitaux à des sociétés d’infrastructures privées, qui opèrent dans les péages d’autoroute, les aéroports, les centrales électriques, les ponts, les oléoducs, les fermes éoliennes et photovoltaïques, etc. Cela représente, au total, une valeur de 4,1 trillions de dollars dans les 25 marches les plus actifs. Or, ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/infrastructure-22982">infrastructures</a> sont particulièrement exposées aux risques climatiques.</p>
<h2>Une perte de la valeur de 27 % en moyenne</h2>
<p>Pour mesurer les pertes probables des investisseurs dans le domaine des infrastructures, nous avons construit de manière aléatoire des milliers de portefeuilles. Pour cela, nous avons utilisé des centaines d’actifs pour lesquels il est possible d’obtenir des informations sur les risques climatiques associés dans la base infraMetrics créée par l’EDHEC.</p>
<p>Nous avons tout d’abord observé une forte concentration des risques. En effet, la plupart des investisseurs dans le domaine des infrastructures ont généralement peu d’actifs dans leur portefeuille. Ceux-ci sont peu diversifiés, avec un nombre relativement limité d’actifs directement détenus par chaque investisseur.</p>
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<p>Par ailleurs, les portefeuilles contenant des actifs liés aux infrastructures sont souvent concentrés sur un seul secteur (par exemple : les parcs éoliens). Concrètement, un investisseur qui a commencé à constituer un portefeuille en 2018, et qui prévoit de conserver ses actifs pendant encore 30 ans, s’expose à des pertes uniquement dues aux risques physiques qui s’échelonnent entre -54 % et -10 %, selon le nombre d’actifs détenus.</p>
<p>En outre, la perte de valeur des actifs exposés au dérèglement climatique est de -27 % en moyenne. Dans un scénario où les températures augmenteraient plus rapidement qu’escompté (<em>Hot House scenario</em>), ces pertes pourraient atteindre 54 % pour les portefeuilles les plus concentrés.</p>
<p>Certains secteurs sont également plus exposés que d’autres aux risques climatiques. Ainsi, dans le secteur des transports, la perte de valeur nette des actifs serait 4 fois plus importante que dans le secteur des énergies renouvelables.</p>
<h2>Les pays développés sont les plus exposés</h2>
<p>Nous relevons enfin que les investisseurs des pays développés (États-Unis, Europe, Australie, etc.) sont les plus exposés aux pertes de valeur dans le monde. En effet, plus un endroit concentre des actifs de valeur, plus les risques de destruction de valeur sont grands.</p>
<p>Cette étude nous montre ainsi l’importance de ces pertes potentielles auxquelles devront faire face les investisseurs. Et ce, avant l’échéance de 2050, tant que les prédictions relatives au changement climatique ne changent pas. Sans action des gouvernements et des autres parties prenantes, les risques climatiques pourraient donc avoir un impact très important sur la valeur globale des investissements, et sur l’économie de manière générale.</p>
<p>Une lu eur d’espoir demeure néanmoins : si les parties prenantes parviennent à organiser une transition efficace vers une économie décarbonée, les pertes évoquées dans l’article pourraient être réduites de moitié, pour <em>tous</em> les investisseurs. Il ne reste plus – et c’est sans doute le plus difficile – qu’à agir.</p>
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<p><em>La présentation des résultats de cette étude sera approfondie lors du <a href="https://www.edhec.edu/fr/news/participez-au-webinar-it-s-getting-physical-de-l-edhec-infrastructure-private-assest-research">webinaire « It’s getting physical »</a> organisé par l'EDHEC Infrastructure & Private Assest Research Institute mercredi 27 septembre 2023 de 10h à 11h. Vous pouvez vous inscrire en cliquant <a href="https://us02web.zoom.us/webinar/register/2016891819923/WN_Amyf20bHSWecRaQUgeUoYA#/registration">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude de l'EDHEC, certains investisseurs pourraient voir la valeur de leur portefeuille fondre de 50% d'ici 2050 en raison de la mulitplication des phénomènes météorologiques extrêmes.Noël Amenc, Professeur de finance, EDHEC Business SchoolAbhishek Gupta, Associate Director at the EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolBertrand Jayles, Senior Sustainability Data Scientist, EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolDarwin Marcelo, Project Director at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolFrédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolLeonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business SchoolNishtha Manocha, EDHECinfra Senior Research Engineer, EDHEC Business SchoolQinyu Goh, MSc Urban Science, Sustainability Data Scientist at the EDHEC Infrastructure & Private Assets Research Institute, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124862023-09-04T18:32:51Z2023-09-04T18:32:51ZComment l’investissement socialement responsable peut-il entraîner des changements positifs pour la planète ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545734/original/file-20230831-29-imcqr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=109%2C35%2C1088%2C813&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un investissement mieux ciblé permettrait de réduire les mauvaises performances environnementales globales.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1625828">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les investisseurs qui veulent faire quelque chose pour réduire l’impact négatif de l’activité économique sur l’environnement ou la société peuvent choisir de placer leur argent dans des fonds qui utilisent des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)</a> pour déterminer les entreprises dans lesquelles ils veulent investir. De nombreuses entreprises « vertes » ayant obtenu un ESG score élevé disposent de procédures opérationnelles qui comportent un bas niveau d’émissions.</p>
<p>Si nous voulons réduire davantage les émissions – un <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/">objectif politique déclaré de l’Union européenne</a> – nous devons examiner comment les systèmes d’investissement fondés sur les critères ESG fonctionnent et où ils échouent. À première vue, une approche raisonnable pour un investisseur soucieux des questions environnementales pourrait consister à n’investir que dans des entreprises écologiquement responsables ayant une faible empreinte carbone. Or, il ne s’agit pas de la solution la plus efficace, comme nous le relevons dans nos <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3508938">recherches</a>.</p>
<h2>Motivations propres</h2>
<p>Pour comprendre pourquoi, il est important de reconnaître ici qu’un fonds d’investissement présumé socialement responsable est, comme tout autre fonds d’investissement, principalement préoccupé par la collecte de fonds auprès de ses investisseurs. Ces fonds prélèvent des frais et réalisent des bénéfices. Ils n’ont pas, à proprement parler, pour mission de réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/emissions-de-co2-63765">émissions de CO₂</a>.</p>
<p>Les investisseurs individuels ont également leurs propres préoccupations et motivations. Alors que tous les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> se soucient des performances financières de leurs portefeuilles, certains peuvent également vouloir « faire ce qu’il faut » pour l’environnement ou la société. En particulier, les investisseurs qui souhaitent aligner leurs investissements à leurs valeurs peuvent vouloir que leur argent ne soit pas utilisé par des entreprises qui ont des effets externes négatifs. Ils peuvent être moins préoccupés par l’impact réel de leurs actions sur la réduction de ces externalités, ou simplement ne pas en être conscients.</p>
<p>Les fonds d’investissement ESG qui n’investissent que dans des entreprises vertes seront attrayants pour les investisseurs consciencieux. Et ces fonds continueront à n’investir que dans des entreprises vertes d’abord parce qu’il s’agit d’attentes de leurs investisseurs. Toutes les parties sont satisfaites, mais nos recherches montrent que leurs actions n’ont que peu ou pas d’impact sur les émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lessor-de-la-finance-verte-na-t-il-aucun-effet-sur-la-hausse-des-emissions-de-co-169747">Pourquoi l’essor de la « finance verte » n’a-t-il aucun effet sur la hausse des émissions de CO₂ ?</a>
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<p>Pourquoi ? Parce que les entreprises vertes sont déjà vertes et qu’investir plus d’argent dans ces entreprises ne les rendra que rarement plus vertes. L’investissement dans des entreprises qui, par exemple, émettent déjà très peu de CO<sub>2</sub> n’a donc pas d’impact particulier. Les entreprises brunes, quant à elles, seront simplement détenues par d’autres investisseurs et continueront à polluer comme si de rien n’était.</p>
<p>Il peut y avoir des exceptions à cet effet. Un surplus d’investissement dans les secteurs verts par rapport à leurs besoins pourrait conduire à la croissance de ces secteurs, mais pourrait également réduire leur rentabilité en raison d’une concurrence accrue. À l’inverse, dans les secteurs polluants, la diminution du nombre d’entreprises pourrait entraîner une augmentation de la rentabilité. Par conséquent, les fonds d’investissement axés sur les entreprises vertes pourraient être moins performants que les fonds classiques. Il pourrait en résulter un afflux limité de capitaux dans les fonds ESG, ce qui les empêcherait d’atteindre la taille critique nécessaire pour avoir un impact significatif sur les émissions.</p>
<h2>Pour les investisseurs, que faire ?</h2>
<p>De manière surprenante, nous avons montré qu’une autre approche consistait à investir… dans les entreprises brunes. La clé, cependant, est de le faire avec certaines conditions, en exigeant notamment qu’une réduction des émissions pour recevoir le financement. D’après nos recherches, cette stratégie est généralement plus efficace que d’investir la même somme d’argent dans des entreprises déjà vertes.</p>
<p>Cette stratégie présente toutefois des inconvénients. Tout d’abord, en investissant dans des entreprises polluantes, le fonds ESG risque de ne pas plaire aux investisseurs soucieux de leurs valeurs. Deuxièmement, lorsqu’un secteur polluant dispose de beaucoup de liquidités, les entreprises brunes peuvent facilement obtenir de l’argent sans avoir à se conformer aux exigences environnementales des investisseurs responsables.</p>
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<p>Que faire, dès lors, lorsqu’un secteur polluant dispose d’un capital d’investissement abondant ? Il faut garder en tête que les entreprises brunes peuvent compter parmi leurs clients des entreprises peu polluantes qui opèrent elles-mêmes dans des secteurs où les liquidités sont limitées. Ces clients industriels auront besoin de capitaux.</p>
<p>Dans ce cas, un fonds ESG peut avoir un impact en investissant dans ces clients industriels tout en leur demandant de s’engager à n’avoir comme fournisseurs du secteur polluant que des entreprises qui réduisent leurs émissions. Les entreprises brunes sont désormais obligées de passer au vert, non pas parce qu’elles ont besoin de liquidités, mais parce qu’elles perdront leurs clients si elles ne le font pas.</p>
<p>Ainsi, investir dans des secteurs verts tout en exigeant des bénéficiaires de ces capitaux qu’ils choisissent leurs fournisseurs bruns parmi les moins polluants pourrait être le meilleur moyen d’attirer des capitaux d’investisseurs consciencieux, de réduire les émissions, et ce sans trop compromettre les rendements financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefano Lovo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche montre comment le capital d’investissement peut avoir un impact positif plus large que de se limiter à récompenser les entreprises soucieuses de l’environnement.Stefano Lovo, Professeur de finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086252023-07-03T09:57:58Z2023-07-03T09:57:58ZPourquoi les entreprises ne communiquent-elles pas plus d’informations financières à propos de leurs marques ?<p>Maximiser la valeur financière d’une entreprise compte parfois parmi les objectifs de ses dirigeants, notamment lorsqu’ils rendent des comptes à leurs <a href="https://theconversation.com/topics/investisseurs-63874">actionnaires</a>. Faute d’information, elle peut être mal estimée sur le marché, ce qui entrave souvent sa croissance dans le futur. C’est en partie pour cela que la production d’<a href="https://theconversation.com/topics/comptabilite-24153">information comptable</a> est obligatoire.</p>
<p>La valeur d’une entreprise repose sur la détention de ressources financières et matérielles, mais aussi, de plus en plus, sur des actifs immatériels tels que les <a href="https://theconversation.com/topics/brevets-25082">brevets</a>, la <a href="https://theconversation.com/topics/reputation-39873">réputation</a>, la détention de <a href="https://theconversation.com/topics/marques-39209">marques</a>, de compétences humaines et de savoir technologique. </p>
<p>Le <a href="https://doi-org.devinci.idm.oclc.org/">périmètre de ces derniers reste néanmoins ambigu</a> et la littérature utilise la notion de façon hétérogène. Dans une tentative de synthèse, un <a href="https://www.oecd.org/fr/sti/inno/36701585.pdf">rapport</a> de 2006 de l’OCDE constate que la plupart des définitions des retiennent trois caractéristiques fondamentales : la capacité à générer un profit économique, l’absence de matérialité et la possibilité pour une entreprise de se les approprier. Ainsi, selon que les thèmes traités soient à connotation comptable ou économique, les auteurs utilisent les termes « actifs » ou « capital ».</p>
<p>Parmi ces actifs immatériels, nous nous sommes en particulier focalisés sur la force que confère la détention d’une marque. Perçue comme source de valeur par les investisseurs, principaux intéressés par les états financiers d’une entreprise, elle n’est pas toujours répertoriée parmi les actifs. Face à sa non-reconnaissance comptable, les entreprises ont alors recours à la diffusion d’information complémentaire comme alternative pour informer les investisseurs sur sa potentielle valeur.</p>
<p>En nous appuyant sur les pratiques d’un échantillon de 37 entreprises françaises cotées en bourse, nous avons ainsi cherché à caractériser la nature de cette information divulguée. Le paradoxe suivant apparaît alors : bien que de nature à rassurer les investisseurs, les informations financières restent <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2014-3-page-99.htm?contenu=resume">très peu communiquées</a>.</p>
<h2>Des informations tues, et pourtant utiles</h2>
<p>Nous avons retenu dans notre échantillon les marques françaises estimées par deux organismes indépendants spécialisés dans la publication des valeurs financières des principales marques à partir des informations publiques communiquées par les entreprises. Il s’agit d’Interbrand et Brand Finance.</p>
<p>Trois types d’informations sont principalement communiquées à propos des marques : des informations comptables telles qu’un bilan annuel, des informations économiques à l’image de l’historique des marques et des informations stratégiques portant par exemple sur l’origine des revenus des marques. Elles s’avèrent bien plus présentes en tout cas que les informations de nature purement financière qui visent à faire des prévisions pour l’avenir (avec une planification de la croissance future par exemple).</p>
<p>Ce qui est mis à disposition des investisseurs ne suffit ainsi que rarement à reconstituer la valeur individuelle des marques, d’autant que les données sont souvent agrégées à l’échelle de l’ensemble des marques possédées. Les entreprises semblent considérer qu’elles n’ont pas à communiquer de façon explicite au sujet de la valorisation des marques et ne paraissent pas juger utile de communiquer aux investisseurs les modalités précises d’évaluation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>Pour quelles raisons ? Cela ne permet pas de refléter fidèlement le patrimoine de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes, et plus particulièrement les investisseurs. Même conforme à la législation, la chose empêche une approche didactique et comparative par rapport à la concurrence, ce qui nous fait dire que cette information devrait être disponible et apparaître en annexe des comptes. Un « rapport sur les actifs immatériels » serait de nature à rassurer les investisseurs.</p>
<h2>L’exception : les groupes qui se développent à l’international</h2>
<p>La marque véhicule une valeur qui dépend de modalités d’évaluation en lien avec une identification de la stratégie de développement mise en œuvre par l’entreprise. Il ressort de notre <a href="https://www.larsg.fr/produit/n315-316-les-determinants-de-loffre-dinformation-volontaire-divulguee-sur-les-marques-cas-des-entreprises-francaises/">étude</a> que si les entreprises évoluent dans un environnement international et si elles sont auditées par un cabinet de catégorie 1 (tel que KPMG, Deloitte, EY, Fiducial ou PwC.), alors elles ont tendance à publier plus d’information sur leurs marques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De ce fait, un niveau plus élevé de divulgation d’information peut être expliqué par le fait que cela réduit les coûts d’agence sur les places étrangères. Ce sont ceux liés aux divergences d’informations auxquels les dirigeants et les actionnaires étrangers ont accès.</p>
<p>Notre étude met en avant, en revanche, que ni la taille, ni le secteur, ni le niveau de performance ne sont des facteurs explicatifs du niveau de divulgation d’information sur les marques à destination des investisseurs.</p>
<p>Nous considérons ainsi que les marques devront faire l’objet d’une reconnaissance financière qui devra être mentionnée dans les documents annexes aux comptes des entreprises ou dans un rapport spécifique dédié aux actifs immatériels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les informations financières sont les plus utiles aux investisseurs. Pourtant, paradoxalement, les entreprises en communiquent peu à propos des marques, actif immatériel, qu’elles détiennent.Yves-Alain Ach, Docteur en Sciences de Gestion - Ph.D in management sciences - Professeur de Finance, EMLV, Pôle Léonard de VinciSandra Rmadi Said, Senior lecturer, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2077752023-06-21T18:36:30Z2023-06-21T18:36:30ZStart-up, comment surmonter les incompréhensions lors des levées de fonds ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532003/original/file-20230614-18844-xqi4ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C1177%2C738&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les entrepreneurs, la recherche de financement constitue un enjeu essentiel.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/business-cooperation-handshake-people-agreement-man-contract-wallpaper-eqqct">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Trouver les moyens de se lancer et de croître constitue un enjeu clé pour les start-up. En conséquence, leur sort est lié à leur capacité à lever des fonds pour poursuivre leur développement. Différents types d’investisseurs peuvent intervenir : les business angels, souvent des anciens chefs d’entreprise ayant revendu leur affaire, apportent leurs fonds propres mais aussi une expertise ; les investisseurs en capital-risque (ou venture capitalists), généralement professionnel (banques, compagnies d’assurance, institutions financières, fonds d’investissement, etc.) cherchent eux, à rentabiliser leur investissement sur une période de 3 à 5 ans.</p>
<p>Si les business angels interviennent généralement en amont des capital-risqueurs dans les trajectoires de financement, il n’est pas rare de les voir intervenir en co-investissement. Or, les modes de fonctionnement et les objectifs étant différents, une coordination entre ces acteurs devient nécessaire. Un des risques soulevés par la littérature est en effet une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11365-015-0357-4">mauvaise compréhension entre acteurs</a>, pouvant mener à l’échec de la levée de fonds pour l’entrepreneur. Comme nous l’a confié un entrepreneur que nous avons rencontré dans le cadre de nos recherches :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai discuté avec des investisseurs pour préparer le tour de table de financement. Finalement, cela ne s’est pas fait, je n’étais pas une force d’entraînement car ce n’était pas mon domaine de compétence. Je n’avais pas de crédibilité auprès d’eux ».</p>
</blockquote>
<p>Comment, dès lors, limiter ce risque d’échec ? Pour le savoir, nous avons cherché à identifier, dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2022-1-page-93.htm">recherche récente</a>, les compétences requises chez les différents partenaires pour parvenir au succès des levées de fonds malgré des objectifs divergents. Nous relevons notamment que ce succès est lié à la capacité à mettre en place une coordination efficace.</p>
<h2>Etablir un pacte d’actionnaires</h2>
<p>Nous avons étudié deux start-up de la région de Grenoble (Isère). La première dirigée par une équipe de trois personnes dont un entrepreneur expert et compétent dans le domaine de l’industrie, est spécialisée dans la micro-nanotechnologie et les textiles intelligents. La seconde, dirigée par un entrepreneur novice et sans expérience dans le domaine de la santé, est spécialisée dans la biotechnologie et l’imagerie de fluorescence.</p>
<p>Les deux start-up sont en relation avec le réseau de business angels de la région Rhône-Alpes Auvergne et des capital-risqueurs. Dans le premier cas, une structuration des différents investisseurs et le dirigeant-entrepreneur a été mise en place pour faciliter les interactions au travers l’établissement de règles et de normes communes.</p>
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<p>Les business angels ont notamment établi un pacte d’actionnaires similaire à celui des capital-risqueurs et ont obtenu un siège au conseil d’administration. Outre le poids dans la gouvernance de l’entreprise, cette représentation permet d’être au meilleur niveau d’information sur le devenir du projet et d’accompagner au mieux le dirigeant. Un représentant des business angels a apprécié cette initiative :</p>
<blockquote>
<p>« On a eu la capacité d’être un acteur significatif en termes de montant et d’ambition, tout en étant aussi au même niveau que les capital-risqueurs en termes de droits, de représentation, de montants investis et, assez naturellement, en termes de participation dans la gouvernance de la société ».</p>
</blockquote>
<p>Un autre délégué du réseau le confirme :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut toujours quelqu’un qui soit assez moteur dans les instructions […] C’est très clair, si on veut aboutir à coup sûr, la présence d’un leader est très important lorsqu’on va faire un co-investissement. »</p>
</blockquote>
<p>Dans l’autre cas, faute de la mise en place d’une telle structuration portée par un intermédiaire adéquat, les acteurs n’ont pas réussi à travailler sur une même longueur d’ondes.</p>
<h2>Réduire les mésententes</h2>
<p>La société n’est pas parvenue à lever des ressources financières et managériales supplémentaires. Un business angel en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Le représentant est censé jouer le rôle d’intermédiaire entre le groupe des business angels et des capital-risqueurs et donne de la crédibilité au projet vis-à-vis des capital-risqueurs. Or, dans le cas de cette start-up, il n’a pas été une force d’entraînement car ce n’était pas son domaine de compétence. Il n’a pu être crédible ni auprès des business angels ni des capital-risqueurs ».</p>
</blockquote>
<p>Notre étude vient ainsi conforter l’idée que la mise en place d’une structure de coordination entre les différents acteurs de la levée de fonds permet effectivement de <a href="https://www.researchgate.net/publication/273509102_The_conflict_potential_of_the_entrepreneur%27s_decision-making_style_in_the_entrepreneur-investor_relationship">réduire les mésententes</a> de <a href="https://www.theses.fr/2017LYSE3073">soutenir ainsi la croissance des start-up</a>. Il s’agit donc d’un élément de feuille de route à prendre en compte pour un entrepreneur désireux de développer efficacement son activité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche rappelle l’importance de créer une structure pour superviser les relations entre des investisseurs qui peuvent avoir des intérêts divergents.Kirsten Burkhardt-Bourgeois, Maître de conférences, IAE Dijon, Université de Bourgogne – UBFCLaurence Cohen, Maître de conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039862023-05-09T10:33:26Z2023-05-09T10:33:26ZEntrepreneurs, comment réussir vos « pitchs » devant vos futurs investisseurs ?<p>Un peu comme dans l’émission <em>Qui veut être mon associé ?</em>, beaucoup de jeunes entrepreneurs à la quête de nouveaux financements se sont un jour retrouvés à « pitcher » leur projet devant des investisseurs. Moments clés de la vie d’entreprises naissantes, les pitchs entrepreneuriaux contribuent à la construction d’une <em>identité entrepreneuriale</em>. Les créateurs s’engagent dans une communication verbale et non verbale qui leur permet de se présenter aux investisseurs en tant que personnes légitimes pour développer leurs idées.</p>
<p>Gérer ce processus de présentation de soi fait partie du catalogue d’un large réseau de consultants, programmes de formations, conférenciers et organisations de support à l’entrepreneuriat. Tous ces acteurs affirment offrir les meilleures réponses au fameux «<em> how to pitch ? </em>». La littérature académique n’est cependant pas en reste. Elle témoigne d’un intérêt grandissant pour les indices comportementaux de personnalité et de cognition ainsi que pour la rhétorique. Les attitudes qui influenceraient favorablement les investisseurs potentiels sont ainsi mises en évidence.</p>
<p>Pour résumer cette littérature, il convient de puiser dans l’approche dramaturgique introduite en 1959 par le sociologue américain Erving Goffman dans un ouvrage intitulé <em>La présentation de soi dans la vie quotidienne</em>. Il y explique que nous empruntons régulièrement à ce qui relève de performances théâtrales afin de donner un sens aux situations de la vie quotidienne et créer une identité « situationnelle ». Le pitch entrepreneurial n’y échapperait pas : l’entrepreneur « acteur » utilise un dispositif rhétorique, son « texte », des manifestations gestuelles et émotionnelles, son « interprétation », devant les investisseurs, son « public ». C’est sur ces éléments scénographiques que nous revenons dans <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2023-0-page-I69.htm?contenu=resume">article</a> récemment publié dans la <em>Revue de l’Entrepreneuriat</em>.</p>
<h2>Être pitcheur, c’est être acteur</h2>
<p>Parmi l’ensemble de traits étudiés par les chercheurs, c’est l’importance de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0883902616300180">« passion »</a> pour son entreprise, la manifestation d’un lien affectif intense et d’une forte implication personnelle, qui a suscité le plus fort consensus. Elle génère un engagement neuronal plus fort auprès des investisseurs et accroît leur volonté de débloquer des fonds. Ceux-ci apprécient en outre les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0883902617300101">attitudes positives</a> qui signalent une personnalité optimiste et une forte confiance en soi.</p>
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<p>Quand elles virent au <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2021-6-page-139.htm">narcissisme</a>, l’issue s’avère cependant plus ambiguë. Si les investisseurs sur les plates-formes de crowdfunding ne sanctionnent pas les entrepreneurs qu’ils perçoivent comme arrogants et égocentrés, les investisseurs plus impliqués dans la stratégie de l’entreprise, tels que les <em>business angels</em> et les capital-risqueurs, anticipent les difficultés de collaboration future et se montrent plus réservés face à ces profils. Dans tous les cas, à l’encontre du stéréotype populaire de l’entrepreneur fanatique, obtus et déterminé, à la Steve Jobs ou Elon Musk, les études montrent que les investisseurs préfèrent des <a href="https://www.wsj.com/articles/humility-can-really-help-an-entrepreneur-win-over-investors-11635512755">entrepreneurs humbles</a> qui manifestent une ouverture aux autres, une écoute attentive des suggestions et une forte disposition à suivre les conseils de leurs partenaires présents et à venir.</p>
<h2>Faire appel aux émotions</h2>
<p>Le choix rhétorique de l’entrepreneur a également un impact considérable sur sa probabilité d’obtenir des ressources financières. Les entrepreneurs qui se présentent comme des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Thomas-Allison-3/publication/327539135_User_entrepreneurs%E2%80%99_multiple_identities_and_crowdfunding_performance_Effects_through_product_innovativeness_perceived_passion_and_need_similarity/links/60d4d46892851ca944843a82/User-entrepreneurs-multiple-identities-and-crowdfunding-performance-Effects-through-product-innovativeness-perceived-passion-and-need-similarity.pdf">usagers</a> concernés par le produit/service développé par leur start-up sont perçus comme plus convaincants. Ceux qui utilisent un <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amj.2018.1417">langage figuratif</a>, riche en anecdotes, analogies et métaphores, obtiendraient également plus souvent satisfaction.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/325163993_Extending_Signaling_Theory_to_Rhetorical_Signals_Evidence_from_Crowdfunding">études</a> montent également que, contrairement à l’idée rationaliste selon laquelle seuls l’argumentation logique (<em>logos</em>) et les propos conférant de la crédibilité au narrateur (<em>ethos</em>) sont à même de convaincre, l’appel aux émotions (<em>pathos</em>) a toute sa place dans un pitch. L’entrepreneur peut ainsi susciter la colère, l’indignation, la pitié, la joie ou l’espoir des investisseurs potentiels pour les convaincre de le suivre dans son projet. À faire cela, il faudrait cependant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-020-00334-y">éviter d’insister sur les étapes passées</a>, comme celle de l’émergence du projet, pour se focaliser sur l’état actuel de développement ainsi que sur le potentiel de croissance de la start-up.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Survaloriser son produit en le qualifiant de disruptif, c’est-à-dire capable de changer la « manière dont les humains, les écosystèmes ou les sociétés fonctionnent », semble également, et peut-être contre-intuitivement, apprécié. L’<a href="https://hbr.org/2010/04/is-it-ok-for-entrepreneurs-lie">exagération</a> s’avère en fait facilement pardonnée et reste perçue comme légitime dans le cadre d’un pitch tant que l’entrepreneur ne dérive pas vers une déformation pure et simple des faits.</p>
<p>À tout cela se mêlent également des stéréotypes. Selon une étude, le style de communication procure un avantage aux hommes entrepreneurs qui parlent généralement de manière plus <a href="https://hbr.org/2022/12/research-men-speak-more-abstractly-than-women">abstraite</a> que leurs collègues féminins dont le style est plus concret et pragmatique.</p>
<h2>Sur scène, sourire (mais pas trop)</h2>
<p>Peut-être cela est-il en partie lié avec la mise en scène du discours de l’entrepreneur. Les gestes et l’expression faciale des émotions sont à même d’influencer positivement la réaction des investisseurs. À projet et discours égaux, l’usage d’une gestuelle métaphorique et les sourires, surtout en début et en fin de pitch, accentuent l’image d’un entrepreneur passionné et investi et influent ainsi sur la décision des investisseurs.</p>
<p>La <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S0733-558X20220000080003/full/html">sonorité de la voix</a> a ainsi son importance. Les fréquences basses semblent plus appréciées par les investisseurs que les sons aigus. <a href="https://theconversation.com/whats-behind-the-obsession-over-whether-elizabeth-holmes-intentionally-lowered-her-voice-177961">Elizabeth Holmes</a>, fondatrice de l’entreprise américaine de santé Theranos, condamnée à 11 ans de prison en 2022 pour escroquerie après avoir été longtemps vue comme un « prodige » (c’était le qualificatif employé par l’ancien président Bill Clinton), avait ainsi prétendument travaillé avec un coach pour <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/en-vue/elizabeth-holmes-tests-negatifs-1376548">abaisser la tonalité</a> dans laquelle elle s’exprimait.</p>
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<p>La fréquence et la durée des sourires doivent, elles, être maîtrisées. Dans une <a href="https://www.usf.edu/news/2019/too-much-smiling-in-sales-pitch-could-kill-deal.aspx">étude</a> analysant 1460 pitchs déposés sur la plate-forme Kickstarter, des chercheurs montrent que des financements supérieurs sont obtenus avec 3 secondes de sourire sur un pitch moyen de 82 secondes qu’avec plus de 5 secondes en temps cumulé ou, à l’inverse, presque pas de sourire. L’effet négatif du sourire trop fréquent ou trop long est dû notamment à la perception des investisseurs d’un entrepreneur peu authentique ou qui manque de sérieux.</p>
<h2>Pour le public, un pitch idéal ?</h2>
<p>Toute pièce de théâtre n’existerait pas sans un public. Il prend une importance particulière dans le pitch notamment car tous comportent une partie interactive lors de laquelle les investisseurs posent des questions et discutent avec l’entrepreneur.</p>
<p>La réaction des investisseurs peut être soumise à deux phénomènes complémentaires : l’homophilie, soit la préférence pour ceux qui nous ressemblent et, les attentes stéréotypées, soit la préférence pour les profils qui sont en adéquation avec le préjugé de ce qu’est un bon entrepreneur. Une nouvelle fois, les images préconçues interviennent. Des <a href="https://hbr.org/2017/06/male-and-female-entrepreneurs-get-asked-different-questions-by-vcs-and-it-affects-how-much-funding-they-get">travaux</a> montrent que, sans s’en rendre compte, les investisseurs posent des questions relatives à la croissance et à l’avantage concurrentiel (le « comment gagner ? ») aux hommes et des questions relatives au risque et aux barrières à l’entrée (le « comment ne pas perdre ? ») aux femmes. Dans la même veine, plusieurs études confirment que les femmes et les personnes issues des minorités sont mieux évaluées lorsqu’ils pitchent une start-up sociale plutôt qu’une start-up commerciale.</p>
<p>Les propos présentés ici laissent entendre qu’il est possible d’atteindre le pitch idéal qui serait parfaitement préparé et performé. Une prémisse fondamentale de l’approche dramaturgique est bien l’idée que la présentation de soi peut être maîtrisée et adaptée pour la scène. Des illustrations pratiques de cette idée figurent ainsi dans tous les modules sur la méthodologie du pitch inclus dans les programmes de formation et accompagnement à l’entrepreneuriat.</p>
<p>Cette vision conduit alors à une <a href="https://theconversation.com/le-piege-du-pitch-124230">standardisation grandissante de la pratique de pitch</a>. Si on peut se réjouir de la possibilité d’avoir des entrepreneurs mieux formés et plus performants, point avec cette homogénéisation le risque d’alimenter encore davantage les stéréotypes entrepreneuriaux, freinant le développement d’une certaine diversité dans l’univers entrepreneurial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ivana Vitanova ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche fait le point sur les bons conseils identifiés par les chercheurs. Saviez-vous par exemple que trop sourire n'est pas une bonne idée?Ivana Vitanova, MCF en Finance, Université Lyon 2, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998032023-02-14T20:35:10Z2023-02-14T20:35:10ZEscroquerie et finance internationale : les leçons de la chute de Gautam Adani, troisième fortune mondiale<p>Le 24 janvier 2023, le <em>hedge fund</em> (fonds spéculatif) new-yorkais Hindenburg Research, fondé en 2017 par Nathan Anderson en référence au dirigeable allemand qui avait explosé en vol aux États-Unis en 1937, publie une <a href="https://hindenburgresearch.com/adani/">étude</a> de 106 pages intitulée « Adani Group : comment la troisième fortune mondiale a monté la plus grande escroquerie de l’histoire des affaires ».</p>
<p>Hindenburg dénonçait un conglomérat particulièrement opaque de 578 filiales – nombre d’entre elles dans des juridictions offshore comme les Caraïbes et sans activité opérationnelle – avec pas moins de 6 025 relations croisées entre elles particulièrement propices à la cavalerie financière.</p>
<p>Il relevait des fraudes comptables éhontées, une corruption des autorités indiennes à grande échelle, du blanchiment d’argent et enfin des manipulations de cours qui auraient artificiellement gonflé la capitalisation boursière des sept sociétés cotées détenues par Adani Group à huit fois leur valeur réelle, expliquant la fulgurante progression de la fortune du fondateur du groupe, Gautam Adani, de <a href="https://www.forbes.com/sites/chasewithorn/2022/09/27/the-2022-forbes-400-list-of-richest-americans-facts-and-figures/?sh=2622bd8218e4">20 milliards dollars en 2020 à plus de 143 milliards dollars</a> selon le classement Forbes de septembre 2022.</p>
<p>Ces révélations ont immédiatement déclenché une vague de panique à la Bourse de Bombay. Les actions du groupe ont perdu 15 % en 24 heures et plus de 50 % au 13 février 2023 entraînant <a href="https://www.economist.com/business/2023/02/01/what-next-for-gautam-adanis-embattled-empire">l’annulation in extremis d’une augmentation de capital</a> de 2,5 milliards dollars prévue le 31 janvier. En conséquence, la valeur boursière du groupe est passée en moins de deux semaines de 250 milliards de dollars à moins de 125 milliards de dollars réduisant d’autant la fortune du magnat.</p>
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<p>En réponse à cette attaque solidement argumentée le directeur financier d’Adani, Jugeshinder Singh a rapidement publié un document de 413 pages qualifiant les allégations du fonds spéculatif de combinaison particulièrement pernicieuse de désinformation sans fondement. Selon Adani, l’étude n’avait <a href="https://www.businesstoday.in/latest/corporate/story/hindenburg-copy-pasted-our-disclosures-did-no-research-says-adani-group-cfo-jugeshinder-singh-368030-2023-01-30">d’autre but que de discréditer le groupe</a> pour empêcher l’augmentation de capital en cours, rappelant que les plus hautes juridictions indiennes avaient toujours rejeté les accusations de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fraude-21144">fraude</a> contre le groupe.</p>
<h2>Chevaliers noirs</h2>
<p>Hedge fund spécialisé dans la vente à découvert, Hindenburg n’en était pas à son coup d’essai : en 2020, le fonds avait déjà démontré que la société Nikola, un constructeur de camions à hydrogène, était une <a href="https://hindenburgresearch.com/nikola/">gigantesque arnaque</a>. Hindenburg <a href="https://www.lantenne.com/Le-fondateur-de-Nikola-reconnu-coupable-d-avoir-trompe-les-investisseurs_a60395.html">a fait condamner son fondateur</a> par une cour fédérale de New York et empocher de substantiels gains en anticipant la faillite de la société et la chute de son cours de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a>.</p>
<p>La question de la légitimité des ventes à découvert revient donc en force en Inde. Cette technique consiste à emprunter des titres d’une société cotée avec engagement de les restituer à leur propriétaire à une date ou pendant une période fixée à l’avance, puis à les vendre en bourse dans l’espoir de les racheter rapidement moins cher en encaissant la plus-value.</p>
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<p>Bien qu’aucune étude scientifique n’ait jamais prouvé leur toxicité (au contraire, cette pratique accroît la liquidité du marché et permet aux vendeurs de trouver une contrepartie acheteuse en cas de panique des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marches-financiers-25050">marchés financiers</a>), la vente à découvert a toujours <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/ventes-decouvert">mauvaise réputation</a> chez certains régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France.</p>
<p>Pour ses adeptes, elle comporte toutefois des risques bien plus grands que les achats d’action car si le cours d’une action peut tomber à zéro il n’y a théoriquement pas de limite à la hausse d’une action (comme le dit l’adage boursier <em>sky is the limit</em>, le ciel est la seule limite) lorsque des acheteurs sont prêts à payer n’importe quel prix.</p>
<p>Cette mésaventure s’est concrétisée en janvier 2021 pour les vendeurs à découvert de l’action Gamestop vendue à 5 dollars dans l’attente d’une faillite vraisemblable pour une société de la vieille économie disruptée par la vague des nouvelles technologies. Mais sous le coup d’une action concertée des « gamers » devenus apprentis traders, le cours de l’action s’enflamma jusqu’à… 483 dollars le 28 janvier. Le soufflé est depuis largement retombé mais l’action se traitait encore autour de 50 dollars six mois plus tard et à 20 dollars aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gamestop-quand-les-gamers-activistes-mettent-a-genoux-les-goliaths-de-la-finance-154854">GameStop : quand les gamers activistes mettent à genoux les Goliaths de la finance</a>
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<p>Dans l’affaire Adani, Hindenburg avait constaté qu’après la flambée des cours de ses actions de +800 % en 3 ans, le ratio cours/bénéfice (le PER) des titres se situait à un niveau stratosphérique de 125 fois les bénéfices. Pour le hedge fund, rien ne justifiait ce ratio pour un groupe gérant de lourds investissements d’infrastructure aux rendements stables et récurrents, donc très éloignés du monde des valeurs dites à forte croissance.</p>
<p>À titre de comparaison, le PER des sociétés cotées se situent habituellement entre 15 et 20 fois les bénéfice et celui de l’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines restait en dessous de 30 au sommet du boom des valeurs de technologie fin 2021. Il était toutefois clair que l’étroitesse du marché comme du flottant du groupe (le pourcentage des actions détenues par les minoritaires et donc susceptibles d’être vendues sans délai) facilitait grandement la manipulation des cours.</p>
<h2>Capitalisme de connivence</h2>
<p>Le groupe créé par Gautam Adani s’est développé depuis les produits de base et les infrastructures vitales pour un pays émergent. Aujourd’hui, il possède entre autres des mines de charbon en Australie et en Indonésie et une soixantaine d’infrastructures en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, incluant 13 ports dont celui de Mundra sur la côte ouest, le premier port commercial de l’Inde, ainsi que la seconde cimenterie du pays et des lieux stratégiques de stockage de céréales.</p>
<p>Dans une économie qui, comme en Russie ou en Chine, s’est depuis une trentaine d’années lentement convertie à la libre concurrence à partir d’un système socialiste inefficace, la proximité du pouvoir est souvent la meilleure manière d’obtenir des licences. Or Gautam Adani est originaire de l’État du Gujarat (ouest du pays) et a en 2003 obtenu de Narendra Modi, le premier ministre actuel alors ministre en chef de cet État, l’autorisation de créer une zone économique spéciale sur d’anciens marécages pour en faire un ensemble portuaire qu’il a d’ailleurs efficacement réalisé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde)" src="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_port_of_Mundra_in_Gujarat.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>En 2019, Adani, pourtant sans la moindre compétence dans le domaine, a curieusement remporté l’appel d’offres de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/01/l-empire-ebranle-du-milliardaire-indien-adani_6160044_3234.html">privatisation des principaux aéroports</a> décidée par le gouvernement fédéral de… Narendra Modi. Plus surprenant, en 2020 il parvient à prendre le contrôle de l’aéroport de Mumbai après que son opérateur historique – qui ne souhaitait pas vendre – a fait l’objet d’un raid de l’agence gouvernementale de répression des fraudes.</p>
<p>Encore plus inquiétant, cette fois pour la liberté d’expression, il rachète en 2022 une chaîne d’information, Delhi Television, notoirement hostile au gouvernement Modi, là encore après que son propriétaire a fait l’objet de plusieurs enquêtes du bureau central d’enquête, l’équivalent du FBI en Inde. Cet achat réduit un peu plus la pluralité de l’information dans un pays classé seulement <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la">150ᵉ sur 180 États pour la liberté de la presse</a> par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières.</p>
<h2>Adani touché mais pas coulé</h2>
<p>Malgré un endettement du groupe de 20 milliards dollars et la récente remontée des taux d’intérêt, la survie de l’empire Adani n’est toutefois pas en danger. Le groupe reste un opérateur sérieux dans ses domaines d’activité. Ses sociétés disposent d’actifs tangibles de grande valeur qui génèrent 25 milliards de dollars par an de chiffre d’affaires pour un bénéfice net récurrent de 1,8 milliard de dollars et des investissements annuels de 5 milliards de dollars.</p>
<p>L’affaire Adani ne soulève donc pas de question sur la gestion opérationnelle du groupe mais bien plutôt sur sa gouvernance et la facilité avec laquelle des dirigeants majoritaires peuvent manipuler sans contrôle leur cours de bourse à Mumbai.</p>
<p>Nul doute que les investisseurs institutionnels étrangers exigeants en matière de fiabilité du reporting et de gouvernance y regarderont désormais à deux fois avant d’investir dans des sociétés indiennes détenues par les magnats locaux. Cependant, les besoins en infrastructures d’un pays qui est devenu cette année le <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/content/World-Population-Prospects-2022">plus peuplé de la planète</a> sont si considérables que le pays n’a d’autre choix pour attirer les investisseurs que d’améliorer sa crédibilité financière en renforçant le pouvoir, l’indépendance et l’efficacité des autorités de marché comme des auditeurs externes.</p>
<p>D’ailleurs, une des premières conséquences positives de l’affaire a été la <a href="https://economictimes.indiatimes.com/markets/stocks/news/sebi-probes-adanis-links-to-investors-as-modis-office-is-briefed/articleshow/97797910.cms?from=mdr">réaction de la Securities and Exchange Board of India</a> (SEBI) qui a dû demander – bien tardivement et sous la pression d’un analyste financier étranger – des informations sur les propriétaires des sociétés offshore accusés d’avoir agi pour le compte d’Adani, dans un délai de 6 mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de la Société française des analystes financiers (SFAF). </span></em></p>La fonte soudaine de la valeur du groupe indien fondé par Gautam Adani devrait inciter les investisseurs et les autorités du pays à surveiller davantage les manipulations des cours de bourse.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1989212023-02-08T19:49:11Z2023-02-08T19:49:11ZL’essor des énergies renouvelables engendre de nouveaux risques pour les investisseurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507370/original/file-20230131-10245-n9up99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C10%2C914%2C594&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’objectif de neutralité carbone d’ici 2030 implique plus de 2&nbsp;000&nbsp;milliards de dollars d’investissements annuels, selon l’Agence internationale de l’énergie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sunciti_sundaram/14355126874">Sunciti/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à l’impérieuse nécessité de lutter contre le changement climatique et de mettre un terme à l’exploitation des énergies fossiles, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energies-renouvelables-22981">énergies renouvelables</a> paraissent promises à un bel avenir. En croissance régulière depuis plusieurs années, elles ont représenté <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-energies-renouvelables-en-france-en-2020-suivi-de-la-directive-200928ce-relative-la-promotion">19,1 % de la consommation finale brute d’énergie en France</a> en 2020. Outre-Manche, <a href="https://www.nationalgrid.com/stories/energy-explained/how-much-uks-energy-renewable">43 % de l’énergie consommée au Royaume-Uni</a> provient désormais de sources renouvelables comme l’éolien, le solaire, ou encore l’hydroélectrique.</p>
<p>Dans ce contexte, l’investissement dans les valeurs du secteur des énergies renouvelables apparaît comme particulièrement attrayant. Une nette accélération des investissements dans les énergies renouvelables reste en effet essentielle pour soutenir la croissance économique, tout en assurant la transition vers un monde plus vert.</p>
<p>Selon l’Agence internationale de l’énergie, <a href="https://www.la-croix.com/environnement/Climat-lAgence-internationale-lenergie-prevoit-pic-emissions-CO2-liees-lenergie-2025-2022-10-27-1201239635">plus de 2 000 milliards de dollars d’investissements annuels</a> dans l’électricité propre seront d’ailleurs nécessaires d’ici 2030 pour espérer atteindre la neutralité carbone.</p>
<p>La guerre en Ukraine a en outre mis en évidence les risques posés par la dépendance des États aux importations d’hydrocarbures. Dans ces conditions, les projets de développement des énergies renouvelables s’imposent comme un impératif aussi bien environnemental que politique.</p>
<p>Pour autant, nous soulignons dans une <a href="https://edhec.infrastructure.institute/wp-content/uploads/2022/11/EDHECinfra_Research_Does-the-rise-of-renewable-energy-create-new-risks-for-investors.pdf">étude EDHECinfra</a> que ce type d’investissement comporte un certain nombre de risques qui lui sont inhérents. Nos travaux ont porté sur le suivi de 20 ans de transition énergétique au Royaume-Uni, un exemple d’économie qui a réussi à s’éloigner du tout-charbon et à effectuer une transition rapide vers les énergies renouvelables, tout en s’appuyant sur des installations hydroélectriques et nucléaires limitées.</p>
<h2>La prime de risque augmente</h2>
<p>Comme dans la plupart des économies développées, la part croissante des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique a créé de nouveaux défis :</p>
<ul>
<li><p>une augmentation des coûts de développement ;</p></li>
<li><p>une plus grande volatilité de production ;</p></li>
<li><p>une volatilité accrue des prix du marché.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, alors que les énergies renouvelables enregistrent des bénéfices records (une récente <a href="https://edhec.infrastructure.institute/paper/the-pricing-of-green-infrastructure/">note de recherche de l’EDHECinfra</a> a montré que le rendement des actifs liés aux énergies renouvelables européennes a atteint 16 % en 2020, contre 10 % en 2015), les risques que rencontrent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investisseurs</a> augmentent également.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/investissements-verts-une-sur-performance-amenee-a-durer-192647">Investissements verts : une (sur)performance amenée à durer ?</a>
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<p>Et si l’intérêt de ces derniers reste fort, la prime de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> exigée par le marché dans les projets éoliens et solaires non cotés a recommencé à augmenter depuis le début de 2022, après avoir diminué pendant une décennie. Cette prime atteint maintenant 700 points de base pour les projets éoliens dans les économies les plus développées, d’après notre indicateur <a href="https://edhec.infrastructure.institute/get-started/">infraMetrics</a>, fournisseur de données, contre un peu plus de 500 à la fin 2020.</p>
<p>La transition rapide vers une production d’énergies renouvelables intermittentes a donc des conséquences non négligeables sur les investisseurs.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Ces conséquences sont de plusieurs ordres : l’instabilité du système énergétique, tout d’abord, mais aussi l’augmentation de la valeur de la production de gaz qui reste l’une des principales sources d’énergie, une volatilité accrue des prix, et bien sûr un impact négatif sur les rendements attendus par les investisseurs.</p>
<p>Pour rééquilibrer les risques, la mise en place de mécanismes de stabilisation des prix pourrait avoir des conséquences positives, aussi bien pour les investisseurs que pour les consommateurs.</p>
<h2>La stratégie des capacités de stockage</h2>
<p>Pour ce qui est des investisseurs, il s’agit là d’une opportunité pour mieux penser et gérer les risques auxquels ils sont exposés. Une partie de ces risques peut être gérée par l’investissement vers les technologies qui semblent aujourd’hui les plus nécessaires, comme celles qui permettent d’augmenter des capacités de stockage. À ce jour, la majorité des nouveaux investissements sont en effet orientés vers la production d’énergie intermittente (comme l’éolien et le photovoltaïque). Or, les capacités de stockage peinent à se développer au même rythme, ce qui fragilise la chaîne d’approvisionnement.</p>
<p>Mais d’autres outils que la stratégie d’investissement sont également mobilisables. À cet égard, on peut citer la diversification. Par exemple : associer des investissements dans plusieurs types d’énergies renouvelables, comme les énergies éoliennes et solaires, ou dans plusieurs pays européens.</p>
<p>Les investisseurs peuvent aussi opter pour un recours à des stratégies de couverture comme le <em>hedging</em> (contrats d’assurance ou de garantie contre le risque). Les <em>Power Purchase Agreement (PPAs) et les</em> <em>Contracts for difference</em> (CfDs), des instruments financiers pensés pour limiter les risques de pertes, peuvent également être mobilisés.</p>
<h2>L’urgence de stabiliser les prix</h2>
<p>Si les investisseurs disposent de levier pour maîtriser les risques auxquels ils s’exposent, une intervention publique forte reste nécessaire pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Il s’agit d’abord de protéger les consommateurs de l’envolée des prix (<a href="https://www.ons.gov.uk/economy/inflationandpriceindices/articles/costoflivinginsights/energy">+65,5 % pour l’électricité</a> au Royaume-Uni sur la période de novembre 2021 à novembre 2022, <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15944">+15 % en France</a> à partir de janvier 2023 grâce au bouclier tarifaire).</p>
<p>Ainsi, la préservation des mécanismes de stabilisation des prix existants comme le <a href="https://theconversation.com/a-quoi-ressemblerait-leconomie-francaise-sans-bouclier-tarifaire-195834">bouclier tarifaire</a> en France, les « contrats de différence », ou encore la fin du couplage des prix entre le gaz et l’électricité apparaît comme essentielle.</p>
<p>Ce type de mesure permettrait en effet de pallier les déficiences d’un marché qui se base de plus en plus sur la production d’énergies renouvelables, mais où le gaz reste, paradoxalement, la mesure de toute chose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La volatilité des marchés ou encore la hausse des coûts de développement a engendré une hausse de la prime de risque ces dernières années.Frédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolLaurence Monnier, Research Associate and member of the EDHECinfra Advisory Board, EDHEC Business SchoolLeonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993322023-02-07T19:34:10Z2023-02-07T19:34:10ZLa BCE poursuit son resserrement monétaire mais doit composer avec de fortes incertitudes<p>Ce 8 février 2023, les taux directeurs de la zone euro sont une <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2023/html/ecb.mp230202%7E08a972ac76.fr.html">nouvelle fois relevés</a> par la Banque centrale européenne (BCE) pour atteindre 3 %. La décision était attendue : lors du forum économique de Davos le 19 janvier 2023, sa présidente, Christine Lagarde, avait annoncé que l’institution poursuivrait sur la voie dans laquelle elle s’est engagée au cours de l’année 2022, celle du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">resserrement monétaire</a> pour contrer l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> et lutter contre le danger d’une spirale prix-salaires, la hausse des premiers nourrissant celle des seconds et réciproquement.</p>
<p>En mars 2022, Francfort annonçait <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.mp220310%7E2d19f8ba60.fr.html">réduire la voilure</a> de son interventionnisme sur les marchés financiers et de sa politique de <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/quantitative-easing"><em>quantitative easing</em></a> : finis les achats massifs de titres, en particulier de <a href="https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/deux-ans-apres-son-lancement-quel-bilan-pour-le-pepp">dettes souveraines</a>. Par la suite, <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/inflation-la-bce-releve-ses-taux-pour-la-quatrieme-fois-depuis-juillet-944779.html">cinq hausses</a> de taux directeurs ont été décidées entre juillet et février 2023 faisant évoluer son principal taux de 0 à 3 %. Le mouvement, affirme Mme Lagarde, se poursuivra en 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1621214076025053185"}"></div></p>
<p>Augmenter les taux d’intérêt vise à freiner la création de monnaie des banques en <a href="https://www.lexpress.fr/economie/hausse-des-taux-de-la-bce-quelles-consequences-pour-les-emprunteurs_2177438.html">rendant plus cher le crédit</a> : moins de crédits distribués, c’est moins de monnaie disponible à dépenser, une demande de biens et services qui s’en trouve freinée et, dans ce contexte, une tentation moindre pour les producteurs d’augmenter leur prix. Avec le risque, on le comprend, de freiner l’activité et la croissance économique.</p>
<p>Si en théorie, cette relation entre hausse des taux directeurs et baisse de l’inflation existe, la réalité de la zone euro rend incertaine l’efficacité de cette politique monétaire restrictive.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>D’abord parce que la stratégie de la BCE qui vise à réduire la masse monétaire aura peu d’effets sur la principale composante de l’inflation de la zone, celle des prix énergétiques et des matières premières agricoles : celle-ci est davantage imputable à des facteurs géopolitiques et à des problèmes d’approvisionnement qu’à un excès de monnaie, même si à terme, le <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/augmenter-les-taux-d-interet-recette-miracle-contre-l-inflation">ralentissement de l’économie</a> induit par le resserrement monétaire devrait alléger la tension sur les prix des matières premières.</p>
<p>Ensuite, parce que la BCE est confrontée à une difficulté majeure : l’hétérogénéité des situations inflationnistes en zone euro.</p>
<p>Fin 2022, les taux d’inflation s’étalent dans une fourchette allant de 6,6 % pour l’Espagne à plus de 21 % pour la Lettonie et la Lituanie. Or la BCE ne dispose que d’une série de taux directeurs, identiques pour l’ensemble des pays membres. Les gouverneurs prennent alors leur décision selon une situation moyenne, ce qui conduit parfois à des politiques inadéquates pour les pays qui en sont le plus éloignés. Ainsi, les États baltes sont soumis à un taux directeur de 3 % quand, à titre de comparaison, la Hongrie, hors zone euro, a fixé pour une inflation du même ordre de grandeur un taux à 13 %. Augmenter fortement les taux pour les aider à contrer leur forte inflation pénaliserait les pays où elle est jusqu’à trois fois plus faible, comme la France, le Luxembourg ou l’Espagne.</p>
<p><iframe id="zFc3I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zFc3I/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Enfin, l’efficacité de la politique de la BCE reste soumise à des contraintes extérieures qu’elle ne maîtrise pas : la politique plus restrictive de la banque centrale américaine et les anticipations des investisseurs.</p>
<p>Outre que, pour ces raisons, son efficacité semble limitée, le resserrement monétaire de la BCE risque de faire entrer la zone euro en récession et de conduire à sa fragmentation, faisant craindre une résurgence de la crise des dettes souveraines.</p>
<p>Ce sont ces questions que nous étudions dans un article à paraître dans la <em>Revue de l’Union européenne</em>.</p>
<h2>Importe-t-on de l’inflation ou des solutions ?</h2>
<p>Francfort doit composer avec le reste du monde. Sa politique joue en effet sur une variable qui lie les économies et les marchés financiers de la zone euro avec l’extérieur : le taux de change (combien l’euro vaut-il de dollars par exemple).</p>
<p>En théorie, la remontée des taux directeurs est de nature à <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/marche-des-changes-forex/#:%7E:text=Le%20march%C3%A9%20des%20changes%20est,des%20termes%20anglais%20FOReign%20EXchange.">attirer les investisseurs internationaux</a> : des taux plus élevés, c’est la promesse de rendements meilleurs à court terme. Ils vont donc se procurer des euros pour investir sur ces marchés devenus plus attractifs. Plus l’euro est demandé, plus son prix augmente : il faudra donner davantage de dollars pour s’en procurer. On dit que la monnaie européenne s’apprécie.</p>
<p>La hausse de l’euro a pour conséquence de réduire le coût des biens et services que la zone euro achète au reste du monde. Si le prix d’un produit facturé en dollar ne change pas, cela reviendra moins cher qu’avant de l’importer en zone euro. En d’autres termes, la hausse de l’euro permettrait d’importer de la désinflation, facilitant ainsi la tâche de la BCE sans sa lutte contre l’inflation.</p>
<p>Là encore, la théorie n’est pas réalité : si l’on échange avec une zone où les taux grimpent vers des cibles plus élevées, c’est l’inverse qui peut se produire. Et c’est précisément le cas avec les États-Unis depuis 2022. La Fed s’est engagée dans une lutte contre l’inflation plus agressive que la BCE : ses taux ont été relevés jusque <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/devises-taux/la-fed-releve-ses-taux-directeurs-de-25-points-de-base-dans-la-fourchette-de-45-475-1902789">4,75 % en février 2023</a>, bien au-dessus des 3 % de la BCE, rendant les rendements sur les marchés financiers américains plus attractifs pour les investisseurs.</p>
<p><iframe id="C2ApY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/C2ApY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Et pour y investir, ces derniers doivent se procurer des dollars. Davantage demandé, le dollar augmente et avec lui le prix des importations facturées en dollar, en particulier les hydrocarbures et une grande partie des matières premières. Pour la zone euro, cela pèse sur la croissance et dégrade le commerce extérieur qui a connu un déficit record en août 2022 (<a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/15131943/6-14102022-AP-FR.pdf/86a0971f-0fa2-64ff-f5a6-ae2a495d6d6d#:%7E:text=En%20cons%C3%A9quence%2C%20la%20zone%20euro,par%20rapport%20%C3%A0%20ao%C3%BBt%202021.">50 milliards d’euros</a>). En mai, l’Allemagne, principale puissance industrielle de la zone, enregistrait même une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-l-allemagne-enregistre-un-deficit-commercial-historique">balance commerciale négative</a> pour la première fois depuis sa réunification en 1989.</p>
<p>Le canal du taux de change joue ainsi contre la BCE : la baisse de l’euro accélère l’inflation. Si au dernier trimestre 2022, l’euro a regagné du terrain, annulant une partie de sa baisse sur les premiers mois de l’année, l’interrogation demeure quant à son évolution début 2023. Celle-ci dépendra de facteurs que la BCE ne maîtrise pas : la poursuite et l’ampleur du resserrement monétaire de la FED, la fin possible de la guerre en Ukraine et avec elle la réduction – ou non – des tensions sur les matières premières ou encore la potentielle rupture totale par la Russie des approvisionnements en gaz de l’UE. L’incertitude reste entière.</p>
<h2>Les risques de fragmentation alimentent les peurs</h2>
<p>Ce mécanisme se trouve renforcé par la résilience de l’économie américaine. Nous l’avons dit, augmenter les taux freinera l’activité économique. Or les États-Unis semblent bien résister au resserrement monétaire de la FED : fin 2022, le taux de chômage y est resté stable à <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/etats-unis-le-chomage-au-plus-bas-depuis-cinquante-ans-947072.html">3,5 %</a>, le marché du travail a enregistré davantage de créations d’emplois que prévu et le salaire horaire a continué à progresser (+ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/aux-etats-unis-lere-de-labondance-touche-a-sa-fin-pour-les-consommateurs-1900904#:%7E:text=Durant%20les%20trois%20derniers%20mois,%2C1%25%20pour%20les%20prix.">7,4 % sur un an</a>) tandis que l’inflation poursuit son ralentissement (<a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/linflation-revient-a-65-sur-un-an-aux-etats-unis-en-decembre-comme-attendu-1896503">6,5 % sur un an en décembre</a> contre <a href="https://www.courrierinternational.com/article/consommation-a-8-5-en-mars-l-inflation-aux-etats-unis-a-t-elle-atteint-un-pic">8,5 % en mars 2022</a>). Ces indicateurs <a href="https://forex.tradingsat.com/cours-euro-dollar-FX0000EURUSD/actualites/euro-dollar-apres-les-excellents-chiffres-de-l-emploi-americain-l-euro-chute-face-au-dollar-1055405.html">restent favorables fin janvier 2023</a> et pèsent sur l’euro.</p>
<p>En comparaison, l’incertitude demeure quant à la résistance de la zone euro au resserrement monétaire et à la crise énergétique. La crainte d’une politique plus dure de la BCE en 2023 pour juguler l’inflation inquiète les investisseurs ; leurs craintes de récession pèsent sur les bourses européennes comme on a pu le voir au <a href="https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-les-craintes-de-recession-et-la-bce-penalisent-le-cac-40-qui-retourne-sous-les-7000-points-1053053.html">lendemain</a> de la prise de parole de Christine Lagarde à Davos.</p>
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<p>A ces inquiétudes qui pèsent sur l’euro, s’ajoute le risque d’une fragmentation de la zone du point de vue des conditions de financement des États – les dettes souveraines. Du fait de l’hétérogénéité des situations au regard des fondamentaux macroéconomiques et des finances publiques, certains résisteront mieux que d’autres à la politique monétaire restrictive et les écarts risquent de se creuser.</p>
<p>Les achats massifs de titres mis en œuvre par la BCE entre 2015 et 2022 avaient permis de rapprocher les rendements entre les dettes souveraines des États membres, notamment avec l’étalon de référence allemand. En acquérant massivement des obligations publiques, la BCE avait fait grimper leurs cours et chuter leurs taux, à des niveaux proches de zéro pour les économies les mieux notées de la zone.</p>
<p><iframe id="QF1ZX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QF1ZX/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’arrêt de cette politique en mars 2022 a fait <a href="https://data.oecd.org/fr/interest/taux-d-interet-a-long-terme.htm">remonter les taux souverains</a>, en particulier pour les pays les plus fragiles. La difficulté pour la BCE consistera alors à éviter une fragmentation de l’Union monétaire, comme celle qu’elle a connue au début des années 2010 : il s’agira d’éviter que les pays qui connaissent déjà le plus de difficultés, comme l’Italie, soient davantage pénalisés que les autres et peinent à se financer.</p>
<p>C’est pour limiter ce risque qu’elle a annoncé en juillet 2022 la création d’un <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/293tf22_final.pdf">Instrument de protection de la transmission</a> de la politique monétaire. Sa mise en œuvre visera à la fois à dissuader la spéculation contre les dettes souveraines les plus fragiles et à éviter que le resserrement monétaire ne détériore davantage la situation des pays les plus endettés de la zone euro. La mesure consiste à « acheter des titres émis spécifiquement par des pays souffrant d’une détérioration de leurs conditions de financement qui ne serait pas justifiée par leurs fondamentaux économiques ». Six mois plus tard, la BCE n’a cependant annoncé aucun montant ni calendrier sur la mise en œuvre du programme, laissant là encore les marchés dans l’incertitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’inflation, la Banque centrale européenne poursuit les mesures entamées en 2022 mais fait face à la politique agressive de la Fed et à une menace de crise des dettes souveraines.Valérie Lelièvre, Maître de conférences en Sciences économiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970782023-01-03T20:09:23Z2023-01-03T20:09:23ZFinance : pourquoi les obligations protégées de l’inflation souffrent quand même de la hausse des prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502677/original/file-20221227-89077-t5j4h9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1270%2C896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'inflation monte en flèche, mais les investisseurs ne semblent pas pour autant demandeurs sur les marchés secondaires des obligations qui la prennent en considération.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gerd Altmann / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La chose semble paradoxale. L’inflation a augmenté de manière inédite, à un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/l-inflation-va-grimper-a-7-en-debut-d-annee-2023-selon-l-insee_5546121.html">taux annuel de 6,2 %</a> en 2022 en France (l’Insee anticipe même 7 % sur un an en janvier 2023) : on pourrait alors penser que des titres un peu particuliers, les obligations indexées sur cet indicateur, suivent le mouvement. Puisque leur valeur est protégée de la hausse des prix, elles devraient logiquement être plus demandées et voir leur prix augmenter.</p>
<p>Et pourtant c’est le contraire que l’on observe. L’<a href="https://www.aft.gouv.fr/en/oatis-key-figures">indice global</a> des cours des obligations publiques françaises indexées sur l’inflation, a baissé de 8,45 % depuis le début de l’année. Sur la même période, le même indice aux États-Unis a lui baissé de 11,17 %.</p>
<p><iframe id="gcV23" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gcV23/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment l’expliquer ? Pour comprendre, ce qu’il se passe, il est tout d’abord utile d’examiner le cas plus simple des obligations ordinaires.</p>
<p>Une obligation est un titre de dettes, valable un temps donné, distribué lorsqu’un investisseur prête de l’argent. Elle confère à son détenteur le droit de recevoir une somme périodique nommée « coupon » et, à la maturité, le remboursement de ce que l’on appelle le « principal ».</p>
<h2>Des paramètres fixes dans le temps, mais des exigences qui évoluent</h2>
<p>Lorsque les perspectives d’inflation augmentent, l’investisseur exige des taux de rendement plus élevés pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part, il essaie de préserver le pouvoir d’achat des capitaux qu’il prête. Au moment où la dette lui est remboursée, il ne faut pas qu’il puisse acheter moins avec son argent par rapport au moment où il l’a prêté, ce qui est le cas quand les prix augmentent et que le montant de cet argent reste le même.</p>
<p>D’autre part, en période d’inflation, il s’attend à ce que les banques centrales augmentent les taux courts pour lutter le phénomène. L’estimation de ce qu’il obtiendrait par une succession de placements à court terme augmente, ce qui le conduit à hausser le rendement qu’il exige sur les obligations à long terme.</p>
<p>Une obligation est souvent émise « au pair », c’est-à-dire à un prix initial égal au principal. Dans ce cas, le coupon est calibré pour qu’il représente, en pourcentage du principal, le taux de rendement exigé par l’investisseur lors de l’émission. Ce taux de rendement exigé d’une obligation ordinaire est nominal. Ce rendement est obtenu en additionnant un taux réel exigé et une perspective d’inflation.</p>
<p>Cependant, alors que ces paramètres, les montants du coupon et du principal, sont calibrés une fois pour toutes, les exigences de l’investisseur, elles, vont évoluer au cours de la durée de vie de l’obligation. La solution pour lui est alors de se tourner vers les marchés secondaires, là où les investisseurs se rachètent et revendent des titres entre eux.</p>
<p>La variable qui y permettra un ajustement aux exigences de l’investisseur est le prix de l’obligation. Pour que le coupon et le principal, qui sont tous les deux fixes, produisent le taux de rendement exigé quand celui-ci augmente, alors le cours de l’obligation doit baisser. En effet, si l’on souhaite obtenir une différence relative plus importante entre son investissement au départ et ce que l’on touche à l’arrivée, et si ce que l’on touche à l’arrivée ne peut varier, alors il faut que ce que l’on investit au départ diminue.</p>
<p>On comprend donc pourquoi, lorsque les rendements exigés par les investisseurs augmentent suite à une hausse de l’inflation, les prix des anciennes obligations diminuent sur le marché secondaire.</p>
<h2>Quand l’inflation engendre une baisse des prix</h2>
<p>Revenons maintenant à notre cas plus spécifique, celui d’une obligation indexée. Elle est également émise avec un principal et un coupon décidés à l’avance et inchangés ultérieurement mais son fonctionnement diffère d’une obligation ordinaire de plusieurs manières. D’abord, à la maturité, les détenteurs sont remboursés du principal augmenté de l’inflation cumulée depuis l’émission. Le coupon de chaque période est lui augmenté de l’inflation cumulée jusqu’alors. Un coupon réel en pour cent est en effet appliqué au principal indexé de l’obligation.</p>
<p>Pour le cas simple d’une inflation annuelle constante, cela implique que le taux de rendement nominal d’une obligation indexée est égal à l’addition du coupon réel en pour cent et du taux d’inflation réalisée, quelle qu’elle soit. Le coupon réel en pour cent, décidé à l’émission, est donc un taux de rendement réel garanti, quelle que soit l’inflation ultérieure. Il est choisi pour correspondre au taux de rendement réel exigé par les investisseurs lors de l’émission.</p>
<p>En France, environ <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/budget/pourquoi-l-etat-a-12-de-ses-dettes-indexees-sur-l-inflation-aa83af82-3a71-11ed-b21b-a9a4fa94aa00">12 % de la dette publique</a> est émise sous cette forme, ce qui explique en partie que les intérêts à payer, le « service de la dette », aient significativement augmenté en 2022.</p>
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<p>Aussi longtemps que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs se trouve inchangé, et quelles que soient les variations de l’inflation, le prix de l’obligation indexée va donc rester constant sur le marché secondaire. Mais évidemment le taux de rendement réel exigé par les investisseurs évolue de manière continue en fonctions de toute une série de facteurs autres que l’inflation. Et comme le principal à indexer et le coupon réel en pour cent restent inchangés jusqu’à la maturité, c’est une nouvelle fois le prix de l’obligation sur le marché secondaire qui s’ajustera.</p>
<p>Si le taux de rendement réel exigé était resté constant depuis le début de l’année, le cours des obligations indexées serait resté inchangé, alors même que l’inflation a fortement augmenté. Si les obligations indexées ont baissé depuis le début de l’année, c’est parce que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs a augmenté.</p>
<p>L’augmentation du taux de rendement réel exigé par les investisseurs peut s’expliquer partiellement par un effet indirect de l’inflation qui a détérioré les perspectives de croissance. Les investisseurs sont devenus plus sensibles au risque, les dettes des États moins solides et les taux à court terme réels attendus à la suite de la réaction des banques centrales plus élevés. Il y a bien sûr d’autres causes que l’inflation, mais cet effet paradoxal, une inflation qui engendre une baisse de prix, méritait d’être signalé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le contexte actuel devrait favoriser les produits financiers censés comporter des protections face à la flambée des prix. Or, leurs cours ne cessent de baisser. Pourquoi ?Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830812022-11-21T15:38:47Z2022-11-21T15:38:47ZRapports annuels des entreprises : écrire pour ne pas être lu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469002/original/file-20220615-14-jk21y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C985%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux travaux académiques mêlant recherche en comptabilité et linguistique montrent que les documents comptables sont peu lisibles, voire même illisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Celui qui parle de transparence n’a jamais rencontré un comptable de sa vie.</p>
</blockquote>
<p>Cet adage, bien connu dans le monde des affaires, est une excellente introduction à la qualité de l’information comptable actuelle. Des concepts aux frontières floues, comme celui de l’<a href="https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/754725/principe-comptable-d-image-fidele#:%7E:text=Le%20principe%20comptable%20de%20l,et%20financi%C3%A8re%20de%20l%E2%80%99entit%C3%A9.">image fidèle</a>, qui supposerait que les entreprises présentent le plus fidèlement la réalité économique prévalant dans leurs comptes bancaires, ont été développés depuis des décennies.</p>
<p>Or, penser que les documents comptables, comme les rapports annuels, sont transparents est un mythe.</p>
<p>L’objectif de cet article est de tenter de démystifier la qualité de l’information comptable publiée.</p>
<p>Depuis près de 20 ans, j’enseigne l’utilisation de l’information comptable à des des étudiants et des à professionnels en exercice. J’ai toujours noté une certaine forme de naïveté face aux documents comptables, basée sur l’idée qu’il existe une vérité comptable. La réalité est différente et se elle détériore, l’information est de moins en moins lisible.</p>
<h2>Une information disponible, mais illisible</h2>
<p>Pour être utile, l’information publiée devrait être lisible. Or, l’essentiel des travaux académiques réalisés à ce jour montre que les documents comptables ne le sont pas.</p>
<p>Le concept de lisibilité, issu de la recherche en linguistique, s’est développé dans le secteur financier à la fin des années 1990. En 1998, Arthur Levitt, alors président de l’autorité boursière américaine (<a href="https://www.sec.gov/"><em>Securities Exchange Commission</em></a>), a exprimé son opinion dans l’introduction de l’ouvrage <a href="https://www.sec.gov/pdf/handbook.pdf">« A Plain English Handbook »</a> :</p>
<blockquote>
<p>I urge you – in long and short documents, in prospectuses and shareholder report – to speak to investors in words they can understand.</p>
<p>(Je vous demande instamment – dans les documents, qu’ils soient longs ou courts, dans les prospectus d’introduction en bourse et dans les rapports aux actionnaires – de vous adresser aux investisseurs avec des mots qu’ils peuvent comprendre)</p>
</blockquote>
<p>Levitt requiert que les entreprises utilisent un langage simple, soit un langage qui présente les qualités suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Phrases courtes ;</p></li>
<li><p>Langage courant, concret et précis ;</p></li>
<li><p>Voix active ;</p></li>
<li><p>Présentation sous forme de tableaux pour les informations complexes ;</p></li>
<li><p>Pas de jargon juridique ;</p></li>
<li><p>Pas de phrases doublement négatives ».</p></li>
</ul>
<h2>Une évaluation quantitative de la lisibilité</h2>
<p>Afin d’évaluer quantitativement la lisibilité d’un texte, des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2015-2-page-99.htm">indices de lisibilité ont été développés depuis plus de 80 ans</a>. Ces indices sont calculés à partir de différentes mesures : la longueur des mots, la longueur des phrases et le nombre de syllabes des mots. Dans ce cadre, la lisibilité est associée à la compréhensibilité d’un texte et à sa mémorisation. La compréhensibilité est liée la longueur des mots, c’est-à-dire la vitesse de reconnaissance du mot par le lecteur, alors que la longueur des phrases est liée au délai de mémorisation.</p>
<p>L’indice de lisibilité le plus populaire est l’<a href="https://doi.org/10.1037/h0057532">indice de Flesch</a>. Sa valeur, qui varie entre 0 et 100, est calculée en fonction du nombre de syllabes pour 100 mots et du nombre moyen de mots par phrase. Le score obtenu peut être interprété à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Flesch.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Flesch (1948)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’indice de Flesch est, notamment, utilisé dans le secteur des assurances aux États-Unis. Par exemple, la loi du Connecticut impose que les contrats d’assurance aient un <a href="https://www.cga.ct.gov/current/pub/chap_699a.htm">indice de Flesch supérieur à 45</a>, ce qui permet à une partie importante de la population de les comprendre. En matière comptable, la littérature académique montre que les rapports annuels au niveau mondial ont, en moyenne, un <a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Flesch proche de 30</a>.</p>
<p>Un autre indice de lisibilité, l’<a href="https://doi.org/10.1177/002194366900600202">indice Fog</a>, a également pris une place importante. Cet indice est une variante de l’indice de Flesch, qui remplace essentiellement le nombre de syllabes par le nombre de mots composés de plus de trois syllabes, qui sont jugés plus difficiles à lire. Son calcul dépend donc du nombre de mots, du nombre de phrases et du nombre de mots de plus de trois syllabes. Sa valeur peut être interprétée à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Fog.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Gunning (1969)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon une analyse de données internationales, l’<a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Fog moyen des rapports annuels est proche de 20</a>.</p>
<h2>Une information comptable qui enfle avec le temps</h2>
<p>En plus de la lisibilité, pour qu’une information soit pertinente, elle ne doit pas être noyée dans une masse d’autres informations. Or, il est aujourd’hui impossible d’absorber les informations publiées par les entreprises, car elles sont, année après année, de plus en plus volumineuses.</p>
<p>La multiplication des réglementations et des normes a provoqué une hausse significative du volume d’informations exigées (<a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs/publications/ifrs-guide-sommaire-ressources">normes internationales d’information financière (IFRS)</a>, <a href="https://www.pwc.com/ca/fr/today-s-issues/environmental-social-and-governance.html">critères ESG – environnement, société et gouvernance</a>).</p>
<p>Le graphique ci-dessous indique l’évolution du nombre de pages des rapports annuels des plus grandes entreprises cotées au Canada. En vingt ans, le nombre de pages des rapports annuels a doublé. Ce résultat, déjà impressionnant, doit être mis en parallèle à la multiplication des rapports nouvellement exigés, dont les rapports environnementaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de pages moyen des rapports annuels des grandes entreprises canadiennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quel avenir pour la profession comptable ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, le rapport annuel est illisible et trop volumineux pour pouvoir être réellement utile.</p>
<p>En classe, je pose régulièrement une question quelque peu provocatrice, mais qui a pour but de faire réagir les étudiants sur leur futur métier :</p>
<blockquote>
<p>Pourquoi passe-t-on autant de temps à produire de l’information comptable si, finalement, elle est illisible et trop volumineuse ?</p>
</blockquote>
<p>Récemment, deux étudiants ont formulé des réponses intéressantes. Le premier a dit :</p>
<blockquote>
<p>Plus les documents sont volumineux, plus nos honoraires seront élevés. Alors, où est le problème ?</p>
</blockquote>
<p>Le second se posa une question plus fondamentale :</p>
<blockquote>
<p>Si les documents que nous produisons assomment les utilisateurs en étant illisibles, à quoi servons-nous ?</p>
</blockquote>
<p>Ce sont deux points de vue pertinents qui doivent amener la profession comptable à se poser de nouvelles questions sur son avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Le Maux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rapports annuels des entreprises sont illisibles et trop volumineux. Leur utilité est donc limitée.Julien Le Maux, Professeur titulaire, département de sciences comptables, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947062022-11-17T17:20:03Z2022-11-17T17:20:03ZL’économie du football entre dans une nouvelle ère<p>L’idée que le football est le « miroir » de la société est souvent avancée dans les salons et s’avère plutôt exacte du point de vue de son économie. Branko Milanovic, spécialiste reconnu des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ns-MBDSA0k4">inégalités</a> et fin analyste du <a href="https://www.forbes.com/sites/samindrakunti/2020/11/24/economist-branko-milanovic-on-inequality-in-soccer/">ballon rond</a>, l’observe bien : « Le football a été un miroir de la société, où les inégalités se sont accrues de manière exponentielle au cours des trois dernières décennies », explique-t-il dans les colonnes du magazine <em>Forbes</em>.</p>
<p>À l’heure d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-120635">Coupe du monde</a> décriée pour ses conditions d’organisation sociales et environnementales, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> du XXI<sup>e</sup> siècle n’échappe pas, non plus, aux grands débats économiques actuels, notamment celui de la croissance et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a>. Selon nous, toutes ces interrogations sont les symptômes d’une transformation historique et économique de ce sport.</p>
<p>D’après le sociologue anglais Richard Giulianotti, le football a connu <a href="https://www.researchgate.net/publication/275837643_Football_A_Sociology_of_the_Global_Game">quatre périodes</a> dans son histoire. La période traditionnelle s’étend de la mise en place des règles à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale ; la modernité précoce correspond à l’entre-deux-guerres où s’inventent les compétitions ; la modernité tardive, celle qui voit se construire la professionnalisation, se clôt à la fin des années 1980 ; alors que s’ouvre la période postmoderne, celle de la médiatisation, de la <a href="https://www.eurosport.fr/football/transferts/2015-2016/larret-bosman-a-20-ans-on-vous-explique-tout-en-une-image_sto5029439/story.shtml">libéralisation du marché du travail</a> et de la croissance.</p>
<p>La thèse que nous défendons dans notre dernier <a href="https://presses.ens.psl.eu/l-argent-du-football.html">ouvrage</a> est que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère que nous qualifions d’hypermoderne.</p>
<h2>Les stars, les groupes, les revenus et les spectateurs</h2>
<p>Quatre caractéristiques nous permettent de définir cette hypermodernité. La première concerne les <strong>inégalités économiques</strong> qui se sont fortement creusées au cours des décennies précédentes. Elles s’observent d’une part entre les clubs d’une même ligue, d’autre part entre les différents championnats, et ont pour conséquence sportive, des compétitions, nationales comme internationales, dominées par quelques équipes beaucoup plus riches que les autres. Elles concernent aussi la distribution des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/salaires-26163">salaires</a> des footballeurs, avec une segmentation de plus en plus forte du marché du travail par rapport aux <a href="https://www.jstor.org/stable/1803469">stars</a>, voire aux superstars.</p>
<p>La deuxième caractéristique tient à l’arrivée de nouveaux <strong>profils d’investisseurs</strong>, à savoir des fonds d’investissement publics et privés, souvent américains pour ces derniers et déjà propriétaires de franchises de sport collectif outre-Atlantique. Par rapport à la période précédente, ce changement dans la « propriété » peut avoir au moins deux conséquences : le football devra dorénavant être rentable financièrement que ce soit au niveau des clubs ou des ligues ; se constituent par ailleurs des « galaxies » de clubs autour d’un même propriétaire. Les richissimes acquéreurs émiratis de Manchester City ont, par exemple, progressivement fait entrer depuis 2008 dans leur « City football group » onze autres clubs, dont le New York FC, Palerme et Troyes.</p>
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<p>La troisième concerne la stratégie de <strong>mondialisation</strong> des grands clubs et des ligues qui leur assurent des revenus commerciaux et des droits de diffusion internationaux de plus en plus conséquents. Enfin, la dernière caractéristique a trait à la <strong>demande de football</strong> proprement dite. Elle résulte de l’arrivée de nouveaux diffuseurs comme <a href="https://theconversation.com/debat-fallait-il-vraiment-confier-la-ligue-1-a-amazon-165023">Amazon Prime</a> en France, de la multiplication des plates-formes de diffusion et des nouveaux modes de consommation du football, notamment chez les jeunes générations.</p>
<h2>Piketty au point de penalty</h2>
<p>L’économie du football est ainsi devenue un domaine intéressant pour appliquer la grille d’analyse inspirée par le succès planétaire du livre de l’économiste Thomas Piketty <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-capital-au-XXIe-si%C3%A8cle-thomas-piketty/9782021082289"><em>Le Capital au XXIᵉ siècle</em></a>, dont la première édition remonte à 2013. L’auteur y montrait que le thème de la répartition des richesses et celui des inégalités sont aujourd’hui au cœur de la société. Le football ne semble pas se soustraire à la règle.</p>
<p>Depuis les années 1990, le monde du ballon rond connaît une très forte croissance dans les principaux pays européens. Hors transferts, les revenus des clubs proviennent de quatre sources principales : les droits de retransmission, la billetterie, les sponsors et les produits dérivés (les ventes de maillot par exemple). Tous ont beaucoup augmenté depuis les années 1970 mais dans des proportions différentes : la billetterie, prédominante il y a cinquante ans, a progressivement vu sa part diminuer au profit des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droits-televisuels-54580">droits TV</a> et du sponsoring dans les grands clubs européens.</p>
<p><iframe id="J2Njh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/J2Njh/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce boom économique s’est accompagné d’une augmentation des inégalités entre les clubs, au niveau national et européen. Comme dans la société en général, cette croissance des inégalités concerne surtout le haut de la distribution. La part des revenus des clubs les plus huppés a augmenté dans le chiffre d’affaires des ligues, ce qui sportivement s’est traduit par une concentration accrue des titres. En <a href="https://www.lequipe.fr/Football/championnat-d-allemagne/page-palmares-equipes/par-annee">première division allemande</a>, par exemple, neuf clubs différents ont remporté la première division dans les années 1960, cinq dans les années 1990 et seulement deux depuis 2010.</p>
<p>Malgré les revenus croissants, l’économie du football reste pourtant une plus « petite économie » que ce que l’on pense. Surtout, jusqu’il y a peu, elle ne génère <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/le-football-petit-ou-grand-business">pas ou peu de profit</a> pour ses actionnaires. Le fait est que de nombreux propriétaires, milliardaires ou fonds souverains, achètent des équipes bien souvent pour d’autres raisons que la simple rentabilité financière de leurs investissements : « <a href="https://www.sofoot.com/le-softpower-qatari-dope-par-le-psg-487518.html">soft power</a> », <a href="https://www.ecofoot.fr/premium-interview-jean-baptiste-guegan-nation-branding-3269/"><em>nation branding</em></a> ou encore philanthropie en sont les maîtres mots.</p>
<h2>Stars méritantes ?</h2>
<p>Lorsque sont liés football et inégalités, vient aussi à l’esprit la question des salaires des joueurs. L’idée qu’ils seraient <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2020-12-22/les-footballeurs-gagnent-ils-trop-dargent-38d75e7d-621c-4537-bbbf-153860f6ec4f">« trop payés »</a>, au niveau individuel ou de la masse salariale des clubs, traverse le champ politique. La droite formule des critiques sociales, la gauche remet en cause le libéralisme qui les alimente : il y a, en tout cas, un certain consensus pour voir dans la rémunération des footballeurs une des sources des maux supposés de l’économie du football actuel.</p>
<p>Notons déjà que seule une toute petite partie des joueurs gagne des millions alors que la majorité a des carrières extrêmement courtes, environ quatre ans dans l’élite en moyenne. Par ailleurs, moins d’un transfert sur trois fait l’objet d’une transaction monétaire dans les cinq grands championnats (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne et France) et environ un sur sept dans le monde entier.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins qu’il existe de fortes inégalités entre les footballeurs et que celles-ci se sont également accrues. Baisser les salaires des superstars se heurte cependant à une impasse « morale ». Ces joueurs ont un talent très supérieur à la moyenne dont le coût pour les clubs est fortement convexe : les grandes équipes sont alors prêtes à payer très cher le « génie » de ces joueurs hors normes, talent unique que l’on ne peut « substituer » à celui de plusieurs joueurs « moyens ».</p>
<p>C’est, de plus, pour voir jouer ces derniers qu’un supporter paie sa place au stade, quand bien même cela nuit aux chances de voir leur équipe favorite gagner. De ce point de vue, si l’on adopte les principes philosophiques de <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-rawls">John Rawls</a>, les footballeurs superstars <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-les-invite-e-s/pourquoi-les-footballeurs-meritent-ils-leur-salaire-5587678">« méritent »</a> leur rémunération : <a href="https://www.college-de-france.fr/agenda/colloque/meritocratie-analyses-et-controverses/les-footballeurs-meritent-ils-leur-salaire">l’expression de leur talent contribue au bien-être de la « collectivité », notamment des milieux défavorisés</a>. Daniel Cohen, directeur du département d’Économie de l’école normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, le formule ainsi dans une <a href="https://www.nouvelobs.com/chroniques/20180604.OBS7699/les-joueurs-gagnent-des-fortunes-mais-les-finances-des-clubs-sont-mauvaises-le-paradoxe-du-foot.html">chronique</a> écrite pour <em>Le Nouvel Obs</em> :</p>
<blockquote>
<p>« le football est le seul cas où des jeunes, venus le plus souvent de milieux populaires, rackettent des milliardaires avec le consentement de ceux-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Comme le suggère le prolongement du <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/psg-kylian-mbappe-cinq-chiffres-sur-le-contrat-de-tous-les-records-1872263#:%7E:text=Au%20total%2C%20le%20contrat%20sign%C3%A9,282%20millions%20d%E2%80%99euros%20nets.">contrat</a> de Kylian Mbappé au <a href="https://www.lepoint.fr/debats/football-kylian-mbappe-merite-son-salaire-26-10-2022-2495428_2.php#xtor=CS1-32">Paris Saint-Germain</a>, la tendance est à une augmentation des très hautes rémunérations susceptible de modifier le fonctionnement du marché du travail des footballeurs. On est vraisemblablement passé d’un système à deux segments, les superstars et les autres, à un système à trois segments : les quelques joueurs hyperstars, les superstars plus nombreuses et les autres.</p>
<h2>Tribunes vides</h2>
<p>Ce constat sur les inégalités défend-il l’idée d’un football en crise, dans un contexte postpandémique ? Contrairement à tout ce qui était annoncé par les prophètes en bois, ce que le coronavirus a changé dans le football, en dehors des difficultés financières qu’a subi toute l’économie, c’est rien ou pas grand-chose et on ne vit certainement pas l’apocalypse !</p>
<p>La « crise » la plus visible a été celle des supporters en raison du huis clos généralisé à partir de mars 2020 et durant toute la saison 2020-2021. Au-delà de ses aspects financiers, l’absence du public s’est fait sentir à deux niveaux. Sportivement, sans ce « douzième homme », on a pu se demander si cela devenait moins un avantage de jouer à domicile qu’à l’accoutumée. Profitant de cette « expérience naturelle », les économistes ont abouti à des conclusions nuancées en ce qui concerne le résultat des matchs, mais pas sur l’arbitrage. Les hommes en noir se sont montrés plus cléments pour l’équipe visiteuse dans les stades vides, révélant bien un rôle de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165176520304249">« pression sociale »</a> des supporters.</p>
<p>Surtout, cela donnait des retransmissions télévisuelles sans la saveur d’une ambiance. L’enseignement à en tirer est que cette dimension du « spectacle » à laquelle les supporters ne sont pas étrangers doit donc être prise en compte quand on mesure l’importance des droits TV dans les budgets des clubs. Maradona disait que « Jouer à huis clos, c’est comme jouer dans un cimetière ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495608/original/file-20221116-22-j3pt3m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Les supporters ont récemment également pu être échaudés par la proposition de certains présidents de grands clubs de « faire sécession » à travers le projet (avorté) d’une Super League plus ou moins fermée. Ce projet récurrent, et <a href="https://www.20minutes.fr/sport/4006131-20221019-nouvelle-menace-uefa-super-ligue-dote-pdg-relancer-projet">relancé ces dernières semaines</a>, d’un championnat européen illustre, selon nous, une nécessité économique de réformer les compétitions, évolution qui constitue sans doute l’un des principaux enjeux actuels du football professionnel. La création de la Super League, aboutissement de tous les éléments caractérisant l’hypermodernité du football, en constituerait alors « l’apothéose ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>« L’hypermodernité » du ballon rond se caractérise par de fortes inégalités, des profils inédits d’investisseurs, les stratégies de mondialisation des grands clubs et l’arrivée de nouveaux diffuseurs.Luc Arrondel, Économiste, directeur de recherche au CNRS, membre associé, Paris School of Economics – École d'économie de ParisRichard Duhautois, Économiste et chercheur, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938852022-11-14T16:54:05Z2022-11-14T16:54:05ZLe jeu vidéo « Counter-Strike », un eldorado pour investisseur ?<p>Si vous ignorez ce qu’est <em>Counter-Strike : Global Offensive</em>, demandez donc à vos adolescents. Créé en 2012, ce jeu vidéo de « tir à la première personne » voit s’affronter deux équipes de cinq. L’objectif est d’éliminer l’équipe adverse ou de désarmer la bombe qu’elle a déposée dans le jeu.</p>
<p>Avec une longévité exceptionnelle, des compétitions <a href="https://theconversation.com/fr/topics/e-sport-95516"><em>e-sport</em></a>, et 25 millions d’utilisateurs mensuels à travers le monde qui en ont forgé le mythe, il reste en 2022, soit dix ans après sa sortie, le 3<sup>e</sup> jeu vidéo planétaire le plus joué dans le monde (hors jeux sur mobiles) derrière <em>Minecraft</em> et <em>League of Legends</em>, d’après <a href="https://www.alucare.fr/top-5-des-jeux-video-les-plus-joues-au-monde/">divers classements</a>. Son développeur, la société Valve, le diffuse sur sa propre plate-forme, Steam, sur laquelle, pour une des toutes premières fois, fut créé un marché communautaire d’achat et de vente de ce que l’on appelle des « Skins » entre les utilisateurs du jeu.</p>
<p>Les <em>Skins</em> sont des « décorations » des objets du jeu : armes, vêtements, autocollants… Générés par les concepteurs, et gagnés par les joueurs, ils peuvent ensuite être revendus et achetés sur ce marché.</p>
<p>Notre étude à paraître dans la revue américaine <em>Journal of Alternative Investments</em> en montre l’incroyable rentabilité en comparaison des actifs plus traditionnels, mais au prix des risques non négligeables.</p>
<h2>300 000 dollars pour un AK-47</h2>
<p>Le fonctionnement des <em>Skins</em> est simple : vous créez un compte sur le jeu, vous ouvrez un portefeuille avec un minimum de 5 euros, et vous pouvez déposer vos ordres d’achat et de vente sur lesquels la plate-forme prélèvera 5 % de commission. Nulle monnaie ne peut cependant sortir du marché communautaire, seulement y entrer. Aussi, pour échanger les <em>Skins</em> contre de la monnaie réelle, il vous faudra rejoindre des sites indépendants qui s’octroient des commissions variables (de 0 à 10 %).</p>
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<p>Une <a href="https://trepo.tuni.fi/bitstream/handle/10024/117606/a_statistical_analysis_of_steam_2019.pdf">enquête</a> menée en 2019 avait montré qu’une partie importante des utilisateurs du jeu s’intéresse moins au jeu lui-même qu’au rendement que l’on peut obtenir des achats et ventes de <em>Skins</em>. En février 2018, le célèbre <em>Skin</em> « AWP Dragon Lore Souvenir » s’est ainsi vendu pour plus de <a href="https://gamewave.fr/csgo/un-collectionneur-vend-une-awp-dragon-lore-plus-de-61-000-s/">61 000 dollars</a>. Cette année, sa nouvelle version le « AWP Souvenir Dragon Lore Factory New » a avoisiné les <a href="https://gaming.gentside.com/csgo/les-skins-csgo-les-plus-chers_art22569.html">280 000 dollars</a>. Les <a href="https://gaming.gentside.com/csgo/les-skins-csgo-les-plus-chers_art22569.html">300 000 dollars</a> ont même été dépassé par l’AK-47 « ST MW 661 ».</p>
<p>Pour importantes soient-elles, ces sommes offrent-elles une forme de rentabilité ? Il est d’abord nécessaire de comprendre les caractéristiques formant la valeur des Skins. Le type d’arme, son ancienneté, sa réputation dans le jeu et lors des compétitions <em>E-sport</em>, notamment, sont à prendre en compte. Ces caractéristiques étant contrôlées, on peut alors observer l’évolution des prix dans le temps.</p>
<p><iframe id="HoyBh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HoyBh/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En matière d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investissement</a>, les rendements doivent néanmoins être comparés aux risques. Est-on à l’abri d’une baisse soudaine des prix ?</p>
<h2>Des investissements attractifs malgré le risque</h2>
<p>Plus le rendement d’un placement devient instable, plus vous pourriez être confronté à un rendement bas au moment où vous avez besoin de vendre. Or, si en matière de rendement, les <em>Skins</em> font mieux que l’or, les actions, l’art, l’immobilier ou les vins fins, c’est au prix d’un bien plus grand risque.</p>
<p><iframe id="Feyoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Feyoq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’un dans l’autre, certains <em>Skins</em> gardent tout de même un intérêt certain. Les Stickers, les mitrailleuses et les pistolets mitrailleurs notamment ont des rendements nets du risque plus élevés que beaucoup des autres actifs. Par ailleurs, leurs variations s’avèrent peu corrélées aux variations des autres types de placement, ce qui offre une perspective intéressante pour diversifier son portefeuille et limiter les risques.</p>
<p>Notons enfin que ces investissements doivent être de courte durée. Aucun de nous ne sait ce qu’il adviendra de leur valeur lorsque disparaîtra le jeu dont ils sont aujourd’hui inséparables, à moins que les plates-formes ne garantissent leur éternité par un système de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jetons-non-fongibles-nft-116655">jetons non fongibles (des « <em>NFTs</em> »)</a>. Rares sont en effet les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> dont l’âge excède la décennie. Quant à votre éthique d’investisseur, gageons qu’elle pourrait bien, en ces temps violents, être heurtée par la fureur des armes…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur le marché communautaire du jeu, les transactions atteignent des sommes record, aux risques et périls des échangeurs.Benoît Faye, Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l'art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande ÉcoleÉric Le Fur, Professeur, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926472022-10-26T18:40:03Z2022-10-26T18:40:03ZInvestissements verts : une (sur)performance amenée à durer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490010/original/file-20221017-18-ekiijp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=118%2C55%2C1158%2C796&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Commission européenne estime ainsi qu’entre 2021 et 2030, le secteur énergétique au niveau européen aura besoin de 175&nbsp;milliards d’euros par an minimum.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/trois-eoliennes-grises-243138/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’été que nous venons de passer est la confirmation que les effets du réchauffement climatique sont plus forts et plus rapides qu’escomptés. Pour espérer les endiguer, le passage de notre mode actuel de production et de consommation à un modèle plus responsable est essentiel. Or, ce changement de paradigme nécessite de grands investissements, notamment dans la transition énergétique. La Commission européenne estime ainsi qu’entre 2021 et 2030, le secteur énergétique au niveau européen aura besoin de <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/ing/la-france-devra-investir-entre-12-et-15-milliards-deuros-par-an-pour-financer-sa-transition-energetique-1408089">175 milliards d’euros par an minimum</a> pour le développement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-verte-98436">énergies vertes</a> (solaire, éolien, etc.) et des infrastructures nécessaires.</p>
<p>Mais d’un point de vue strictement financier, le rendement est-il au rendez-vous pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> ? Les énergies vertes, qui représentent le futur, bénéficient-elles d’une meilleure performance financière, comparativement aux énergies fossiles qui sont vouées à disparaître ?</p>
<p>Dans nos récents travaux, nous avons <a href="https://edhec.infrastructure.institute/paper/the-pricing-of-green-infrastructure/">étudié pendant 10 ans (2011-2021)</a> les rendements attendus et la performance effective des infrastructures d’énergie verte, comparée à celle des infrastructures d’énergies fossiles. Cette question du retour sur investissement demeure essentielle, car les investissements dans les projets d’énergie éolienne et solaire représentent actuellement entre un quart et un tiers de l’ensemble des investissements alloués aux infrastructures. Ils sont, en outre, amenés à se développer de plus en plus.</p>
<h2>Une préférence des investisseurs</h2>
<p>L’un des arguments en faveur de l’investissement durable est que celui-ci génère de meilleurs rendements, comparé à l’investissement classique (lequel finance, entre autres, les énergies fossiles). Cet axiome se vérifie-t-il sur le terrain ?</p>
<p>En 2011, les projets de production d’énergie verte (ici, les énergies éolienne et solaire) avaient un rendement attendu de 8 %, contre 9 % pour les projets de production d’énergie fossile. Leurs rendements totaux annualisés sur 10 ans s’élevaient respectivement à 16 % et 17 % en 2021. Ces deux chiffres peuvent paraître similaires, mais ils correspondent à deux réalités économiques différentes.</p>
<p>Ainsi, notre étude montre qu’il existe bel et bien des preuves d’une surperformance des investissements dans les infrastructures vertes (définies comme les projets d’énergie éolienne et d’énergie solaire). Cette surperformance, qui se définit par des bénéfices plus élevés que ceux des actifs classiques, est en effet due à l’évolution des préférences des investisseurs pour les projets « verts ». Soit une demande excédentaire pour ce type d’investissement, imputable notamment à la sensibilité grandissante du public pour les enjeux de transition énergétique, et qui explique les meilleures performances des actifs responsables comparées aux actifs classiques.</p>
<h2>Un changement de paradigme ?</h2>
<p>Au cours de la dernière décennie, les investisseurs se sont montrés de plus en plus intéressés par le secteur des énergies renouvelables. Au premier semestre 2022, les investissements verts ont totalisé <a href="https://about.bnef.com/blog/renewable-energy-sector-defies-supply-chain-challenges-to-hit-a-record-first-half-for-new-investment/">226 milliards de dollars</a>, soit une hausse de 11 % sur un an, selon un rapport de BloombergNEF publié en août dernier. Les investissements dans les projets solaires ont notamment atteint 120 milliards (+33 %) et les projets dans l’éolien 84 milliards (+16 %).</p>
<p>Dans une enquête menée en 2022 sur environ 350 portefeuilles d’actifs, EDHECinfra a constaté que les énergies renouvelables représentaient entre un quart et un tiers des investissements, mais aussi que les énergies fossiles (gaz et charbon) ne représentent que 1 à 3 % des portefeuilles, avec une exception notable pour les investisseurs nord-américains.</p>
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<p>Il faut dire que les projets mettant à l’honneur les énergies fossiles sont, en plus de leur relative impopularité, soumis aux taxes environnementales – telles que la taxe carbone en France. On assiste, de plus, à ce qui pourrait bien constituer un point de bascule. En effet, en 2020, l’investissement dans les énergies renouvelables a dépassé les <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/transition-energetique/isr-rse/pour-la-premiere-fois-le-monde-a-plus-investi-dans-les-energies-vertes-que-dans-les-fossiles-en-2020-149533.html">500 milliards de dollars</a>, contre 400 milliards pour la production de gaz et de pétrole. De fait, la valeur des actifs dits « traditionnels » s’en ressent.</p>
<h2>Engouement passager ou durable ?</h2>
<p>On observe que, sur la dernière décennie, les investissements dans les énergies fossiles ont été délaissés par les investisseurs traditionnels, tandis que les actifs verts ont été largement intégrés dans les portefeuilles d’investissement. Cela est particulièrement visible sur la période 2012-2015, pendant laquelle les actifs verts ont aussi mieux performé (ou performé de manière équivalente) que les actifs classiques.</p>
<p>Cette performance des actifs verts s’explique notamment par un changement de perception du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> (l’investissement responsable tend à se normaliser, voire à gagner en désirabilité), tandis que la performance des actifs classiques reste moins le résultat d’un fort engouement que de leur rendement ajusté du risque.</p>
<p>Cependant, ces rendements temporairement plus élevés pour les investissements verts ne préjugent pas des performances futures. Selon nos observations, ce phénomène de forte demande accompagné d’une augmentation de la valeur des actifs verts a atteint son apogée en 2019. À l’heure actuelle, les rendements attendus de ce type d’investissement sont beaucoup plus faibles.</p>
<p>Cela signifie notamment que les rendements des projets d’énergie verte ne doivent pas être perçus comme un indicateur de leur performance future. Car, plus la demande pour les actifs verts est satisfaite par des investissements supplémentaires, moins les rendements attendus sont élevés. En effet, l’offre et la demande finissent par converger, ce qui permet de « corriger » la surperformance des actifs verts.</p>
<p>Il n’existe donc pas de réelle prime de risque pour les projets d’infrastructures vertes, dont les investisseurs pourraient bénéficier sur le long terme. En réalité, il faudrait plutôt parler d’une « prime verte », que les investisseurs ont été prêts à payer à un instant T, au moment où les actifs responsables ont gagné en popularité. La surperformance constatée des actifs verts sur la décennie précédente provient uniquement d’une demande excédentaire, qui a fini par diminuer.</p>
<p>Autrement dit, lorsque l’offre a fini par rejoindre la demande, les actifs verts ont accusé une baisse de performance, conséquence d’un équilibre retrouvé sur les marchés. La prime verte est une réalité, mais elle n’avait vocation qu’à être temporaire. Il faut donc plutôt considérer la décennie précédente comme une période de transition, et non comme l’avènement d’un phénomène pérenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192647/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude portant sur ces dix dernières années montre que l’engouement des investisseurs pour les projets de production d’énergie solaire ou éolienne a atteint son apogée en 2019.Frédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolNoël Amenc, Professeur de finance, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916402022-10-05T15:23:05Z2022-10-05T15:23:05ZPLF 2023 : jusqu’à quel point pouvons-nous vivre à crédit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487738/original/file-20221003-14-6r6og2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1180%2C862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 10 ans, les dépenses publiques sont passées de 56,3% à 59% du PIB.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luc/398921997">Luc Legay/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la suite de la présentation en conseil des ministres, le 26 septembre, du <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286445-projet-de-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023">projet de loi de finances (PLF) 2023</a> et des projections 2023-27, l’opposition – a priori insoluble – entre les tenants d’une gestion budgétaire saine et le gouvernement a refait surface. Le débat se cristallise une nouvelle fois sur deux chiffres : le déficit budgétaire – 5 % et le niveau d’endettement – 111,2 %, tous deux rapportés au PIB. Au point que désormais, même la sensible réforme des retraites apparaît comme un levier pour réduire le poids de la dette par rapport au PIB.</p>
<p>Pour les premiers, la <a href="https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/projet-de-loi-de-finances-plf-2023-le-mouvement-des-entreprises-de-france-regrette-le-manque-dambition-en-matiere-de-baisse-des-depenses-publiques-et-appelle-a-une-sobriete-budgetaire">trajectoire n’est pas soutenable</a> et ne peut conduire tôt ou tard, qu’à un manque structurel de ressources de l’État, voire à sa défaillance. Pour le second, il s’agit de souligner la stabilisation des soldes avant le retour à une situation « normale » en 2027 et la capacité à mobiliser des ressources suffisantes pour répondre de manière pertinente aux priorités auxquelles doit faire face le pays.</p>
<p><iframe id="e39wv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e39wv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour y parvenir, l’agence France Trésor prévoit, entre autres, de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-france-va-emprunter-le-montant-record-de-270-milliards-deuros-sur-les-marches-1851744">lever 270 milliards</a>, par un programme d’émission de titres d’État, dont 159 pour financer le déficit. Or, comme l’a montré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/28/au-royaume-uni-la-banque-d-angleterre-agit-en-urgence-pour-enrayer-la-panique-financiere_6143605_3234.html">l’exemple britannique récent</a>, tout émetteur peut se retrouver rapidement confronté à l’impossibilité de lever de nouvelles ressources, indépendamment du taux exigé. Si cela devait arriver, il y aurait un risque majeur pour la stabilité financière du pays.</p>
<h2>Recettes éculées</h2>
<p>Notre propos n’est pas de prédire l’avenir, exercice d’autant plus périlleux que la multiplication des risques a fortement réduit la visibilité. Nous cherchons à reposer un cadre d’analyse, autour des questions des besoins de financement, d’une part, et des ressources durablement mobilisables – donc de la dette – d’autre part, dans un contexte de marché où l’aversion au risque s’est fortement appréciée.</p>
<p>Quels sont les enjeux de ce PLF 2023 ? Encore plus qu’au cours des 10 dernières années, de dégager les moyens de financer : des projets à long terme – tels que l’évolution du mix énergétique ; les déficits courants sachant que sur la dernière décennie les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief108.pdf">dépenses publiques sont passées de 56,3 % à 59 % du PIB</a> alors que les recettes sont passées de 51,1 % à 52,6 % du PIB ; à défaut de rembourser la dette publique, préserver a minima la confiance des préteurs dans la qualité de la notation de la France ; enfin, au vu du contexte, pouvoir mettre en œuvre une politique conjoncturelle, nécessaire pour éviter la récession annoncée.</p>
<p>Les principales recettes auxquelles l’État a habituellement recours sont bien connues. Mais qu’en est-il de leur efficacité ?</p>
<p>S’agissant d’une reprise durable de la croissance, cette option constitue le fondement même du modèle dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et fait systématiquement partie des hypothèses prises en compte dans les modèles utilisés dans le cadre de la politique économique. Cependant, une analyse des données macro-économiques démontre la baisse tendancielle de la croissance potentielle de l’économie française (de 1,2 % à 1 % en 2025 sans réforme des retraites et de 1.5 % à 1.3 % avec une réforme, selon l’OFCE), et ce d’autant plus si l’on intègre les changements structurels dans le fonctionnement de notre économie, nés du retour de l’instabilité géopolitique en Europe combinée à une modification durable de la structure des échanges commerciaux.</p>
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<p>S’agissant d’une réduction des dépenses courantes, la combinaison entre l’accroissement de l’amplitude des chocs conjoncturels et la baisse de l’acceptabilité des conséquences de ces chocs par les agents économiques – en particulier les ménages – la rend ce type de décision politique impraticable sur le plan social.</p>
<p>L’exécutif peut alors chercher à récolter les bénéfices de l’inflation – partant du principe simple selon lequel, en gonflant les recettes de l’État, plus rapidement que ses dépenses – y compris le coût de la dette publique – l’inflation permet de dégager des recettes supplémentaires, de financer les dépenses courantes et d’amorcer un remboursement de la dette, sans effort. Toutefois, l’inflation impacte également les dépenses et le coût de la dette (à terme), ne crée malheureusement pas de richesse et confisque une partie de l’épargne.</p>
<h2>Valeur du patrimoine</h2>
<p>Nous arrivons ici au cœur de la polémique : le recours à la dette de manière structurelle semble donc par élimination le levier le plus simple à actionner. Rappelons que notre propos n’est pas ici de prendre parti pour ou contre l’usage de la dette mais d’explorer les voies permettant de financer – sous contrainte – les besoins que nous avons déterminés au début de cet article.</p>
<p>Si nous reprenons le PLF 2023, il est prévu que la dette rapportée au PIB atteigne 111,2 %. Avant de s’en alarmer, deux constats s’imposent. Tout d’abord, un prêteur appréhende son risque sous deux angles : la valeur des actifs financés et les flux de trésorerie (cash-flows) susceptibles d’être affectés au remboursement de la dette. Nous en déduisons aisément que le ratio de la dette est loin d’être un indicateur pertinent. En effet, le niveau de PIB ne présume ni des cash flows (l’excédent primaire) nécessaires au service de la dette, ni de la valeur des actifs (le patrimoine).</p>
<p>Or si à l’évidence le budget de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/09/25/20002-20130925ARTFIG00004-le-dernier-budget-excedentaire-remonte-a8230-1974.php">l’État ne dégage plus d’excédents depuis longtemps</a>, la valeur de son patrimoine est en revanche de nature à conserver la confiance des prêteurs. Sur les 10 dernières années, sa croissance moyenne en valeur a été plus rapide que celle du PIB et le patrimoine net des agents économiques (ménages, entreprises et État) représentait 9,6 fois la valeur du <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1690">produit intérieur net</a> (PIN) à fin 2020, soit un taux d’endettement net associé relativement bas à hauteur de 16 %.</p>
<p><iframe id="NYrZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NYrZd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on complète cette analyse avec des éléments relatifs à la qualité des actifs, on peut comprendre le maintien de la confiance des prêteurs, même si évolution de l’écart entre les taux auxquels s’endettent aujourd’hui l’Allemagne et la France (le « spread ») souligne la <a href="https://fr.investing.com/rates-bonds/de-10y-vs-fr-10y">vigilance des investisseurs</a>.</p>
<p>Si elle ne règle pas la question d’un niveau de dette supportable, cette approche semble donc de nature à rassurer quant à la capacité de la France à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les besoins définis au début de cet article. Deux ombres au tableau subsistent néanmoins : d’abord, la valeur du patrimoine national peut diminuer sous l’effet de la résurgence de l’inflation ; d’autres part, et de manière plus problématique, la dette est désormais principalement détenue par l’État – conséquence directe des deux dernières crises (2009 puis 2020) – alors que l’essentiel des actifs est détenu par les ménages.</p>
<h2>Efficience de la dépense</h2>
<p>Dès lors, dans la mesure où les patrimoines ne sont pas fongibles et où il apparait socialement insupportable d’augmenter les prélèvements, deux voies nous semblent devoir être privilégiées :</p>
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<li><p>Un <a href="https://theconversation.com/une-solution-a-la-japonaise-pour-eviter-la-crise-des-dettes-souveraines-137264">scénario à la japonaise</a>, dans lequel l’État incite les ménages à acheter de la dette domestique. Toutefois, il reste à savoir si, à l’heure d’internet, le patriotisme économique sera suffisant pour mobiliser des montants significatifs, et si les conditions financières proposées ne reviendront pas à créer un prélèvement volontaire déguisé.</p></li>
<li><p>Un appel accru au privé pour financer en particulier les infrastructures et les grands projets. Les outils existent et peuvent s’avérer d’autant plus intéressants sur un plan budgétaire qu’ils peuvent permettre de monétiser des actifs « incorporels ». Ces actifs prennent alors la forme de droits à acquérir pour opérer dans un secteur, voire à renouveler périodiquement, comme c’est le cas des fréquences dans la téléphonie mobile.</p></li>
</ul>
<p>Vivre à crédit apparaît donc comme la solution la plus consensuelle : simple à mettre en œuvre y compris sur le plan social. Une condition est néanmoins indispensable pour que l’État puisse continuer à mobiliser cette ressource à bon marché et à hauteur de ses besoins : qu’elle soit potentiellement créatrice de richesse nette. Il n’est alors pas tant question de niveau de déficit que d’efficience des dépenses et des investissements et de la capacité à piloter les politiques budgétaires sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le budget prévisionnel pour l’année prochaine affiche un déficit de 5 % et niveau d’endettement de 111,2 % rapporté au PIB. Une situation (pour l’instant) soutenable. Décryptage.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895952022-09-05T22:55:20Z2022-09-05T22:55:20ZInvestissement éthique : comparer les notations ESG pour mieux décider<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481574/original/file-20220829-20-tx2s1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C82%2C1117%2C689&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, le volume d’actifs géré par les fonds incorporant des critères environnementaux a augmenté de 50&nbsp;% ces deux dernières années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/argent-dollar-empiler-fonds-1090815/">Kalhh/Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2020, aux États-Unis, <a href="https://www.ussif.org/files/US%20SIF%20Trends%20Report%202020%20Executive%20Summary.pdf">plus de 15 000 milliards de dollars d’actifs</a> étaient gérés par des fonds incorporant des critères environnementaux. Une augmentation de 50 % par rapport à 2018 ! Une tendance révélatrice de <a href="https://theconversation.com/sur-les-marches-financiers-les-investisseurs-integrent-bien-la-notation-extra-financiere-161300">l’engouement toujours plus grand</a> pour les investissements dits « responsables ».</p>
<p>Mais derrière cette intensification de l’attractivité des fonds intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-esg-96962">ESG</a>) se cache un paradoxe. D’un côté, il existe une grande hétérogénéité des méthodes de notation qui se traduit par des différences extrêmes de classement des entreprises. Il donc est impossible de discriminer entre les entreprises sur la base de ces notations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-marches-financiers-les-investisseurs-integrent-bien-la-notation-extra-financiere-161300">Sur les marchés financiers, les investisseurs intègrent bien la notation extra-financière</a>
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<p>De l’autre, les fonds ne s’empêchent pas de proclamer qu’ils investissent dans des entreprises responsables et les investisseurs individuels et institutionnels semblent les croire. Pourtant, ces derniers se doivent de mesurer les implications en termes de performance financière de ces différences de notation. C’est tout l’objet d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378426622000929">étude</a> que nous avons récemment publiée dans le <em>Journal of Banking & Finance</em>.</p>
<h2>ESG partout, cohérence nulle part ?</h2>
<p>Pression sociale, éveil des consciences, intensification règlementaire, les critères ESG sont devenus en une dizaine d’années un baromètre prégnant de la performance des entreprises. Un signe ne trompe pas : le volume de littérature scientifique sur le sujet. Près de 5 000 papiers publiés depuis 2010 tentent d’analyser et d’approfondir nos connaissances sur cette tendance, et d’en tirer des enseignements sur la capacité du marché à intégrer ces évolutions.</p>
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<p>Mais les opinions divergent quant au sens à donner aux réactions du marché : est-ce qu’être « ESG-friendly » fait baisser le coût du capital ? Le marché donne-t-il une prime aux entreprises responsables comme on distribue des bons points ? Les écarts de notation empêchent de dégager un consensus académique sur ces questions. Mais pas que ! Une source de confusion reste liée aux différentes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/methodologie-58369">méthodologies</a> utilisées pour calculer le « greenium », nom donné à la potentielle prime aux entreprises qui œuvrent pour la préservation des ressources. C’est pourquoi nous avons voulu d’abord décortiquer les méthodologies dominantes avant d’en proposer une autre, plus pertinente, qui ne soit pas sujette aux limites que nous aurons élicitées.</p>
<h2>Donne-moi tes notes, je te donne ta prime !</h2>
<p>Pour calculer le greenium, deux méthodologies s’affrontent. D’abord on sépare les entreprises en deux blocs selon qu’elles sont « green » (bons élèves) ou « brown » (peut mieux faire). Le greenium est mesuré par l’écart de rendement entre les deux blocs. Mais comment mesurer le rendement de chaque bloc ? La première méthode, ad hoc, consiste à utiliser une pondération par la capitalisation boursière des entreprises. La deuxième, fondée économiquement, pondère les entreprises par leur notation ESG. Il est alors intuitif que les deux méthodes donneront rarement le même greenium pour un même classement !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-classements-des-entreprises-les-plus-responsables-ne-sont-pas-toujours-fiables-158668">Voici pourquoi les classements des entreprises les plus responsables ne sont pas toujours fiables</a>
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<p>La première méthode utilise la notation ESG pour séparer les entreprises en deux blocs mais la pondération est basée sur la capitalisation boursière. Deux entreprises ayant la même capitalisation boursière et appartenant au bloc des bons élèves auront le même poids indépendamment de leur notation. En particulier, ce sera vrai si elles ont la même notation ESG ou si celle de l’une est cinq fois supérieure à celle de l’autre.</p>
<p>La seconde méthode s’attache, elle, à pondérer les actions au sein d’un portefeuille par la notation ESG. Ceci permet de prendre en compte l’évolution de la notation dans le temps pour faire varier les pondérations. Mais elle ignore les autres caractéristiques de l’entreprise comme sa capitalisation boursière.</p>
<p>Ces deux méthodes, partant d’un postulat différent, délivrent des greeniums hétérogènes pour un même classement, sensibles à des facteurs annexes et dépendant de l’univers retenu par l’entreprise produisant le classement. Nous avons voulu proposer une synthèse.</p>
<h2>Niveler pour comparer</h2>
<p>Partant de la seconde méthodologie – dite <em>cross-sectional</em> (CS) – nous avons voulu, avec mon co-auteur Andrea Tarelli, proposer une approche fondée économiquement, qui prend en compte les changements dans le temps du greenium impliqués par les changements de notation et qui neutralise les autres caractéristiques des entreprises comme leur taille et profitabilité.</p>
<p>Pour chaque classement, nous sommes en mesure de construire un greenium issu d’un facteur ESG pur, c’est-à-dire qui neutralise les caractéristiques uniques de l’univers retenu pour la production du classement. Nous filtrons la prime greenium à chaque mois de notre jeu de données (qui couvre une vingtaine d’années), et non pas en moyenne comme cela est fait habituellement. De ce fait, la prime aux bons élèves ainsi construite n’est pas brouillée par d’autres caractéristiques et prend en compte les énormes changements des comportements des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investisseurs-63874">investisseurs</a> ce qui la rend lisible et permet une comparaison équitable entre les différents classements.</p>
<p>En utilisant trois classements différents, nous montrons que les écarts ne sont pas anodins puisqu’ils s’étalent du simple au double. D’où l’importance pour les investisseurs de bien choisir leur classement.</p>
<h2>La richesse de l’hétérogénéité</h2>
<p>Notre méthode ne se propose pas de mettre d’accord les agences de notation ESG mais de proposer un outil d’aide à la décision aux investisseurs. Nous sommes convaincus que l’hétérogénéité des classements est une richesse : il serait peu pertinent de vouloir assigner une même valeur à un nombre limité de critères extrafinanciers ; cela réduirait considérablement le champ de l’ESG et la capacité des entreprises à engager leur propre transition et laisser libre cours à leur créativité.</p>
<p>Au contraire, proposer un spectre d’appréciation des critères ESG, c’est embrasser la diversité des solutions et des efforts mis en œuvre par les entreprises pour répondre aux défis environnementaux et sociétaux. Ce n’est donc pas à l’homogénéité des notations qu’il faut travailler, mais à leur lisibilité, pour être capable de les comparer entre elles et de faire des choix éclairés, et cette recherche apporte modestement une contribution en ce sens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abraham Lioui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’hétérogénéité des méthodes de notation se traduit aujourd’hui par des différences extrêmes dans les classements des entreprises.Abraham Lioui, Professeur de finance, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871742022-07-19T17:52:59Z2022-07-19T17:52:59ZLes marchés financiers ont-ils intégré la notion de « crise permanente » ?<p>Depuis trois ans, les marchés financiers ont montré des visages très différents. En effet, après une brutale chute entre mars et mai 2020, les cours ont rebondi fortement avant de repartir à la baisse depuis février 2022. Par exemple, le CAC 40, entre le 24 janvier 2020, date de la déclaration du premier cas de coronavirus en France, et le 23 février 2022, veille de l’invasion russe en Ukraine, a augmenté de plus de 1 000 points en franchissant au passage son niveau historique du 04 septembre 2000, au-delà du seuil symbolique des 7 000 points.</p>
<p>Mais l’année 2022 a aussi été marquée par des corrections récurrentes sur la plupart des bourses européennes et américaines. L’indice S&P 500 a ainsi significativement <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-24/s-p-500-plunges-to-nine-month-low-as-russia-invades-ukraine">baissé en février dernier</a>. De son côté, le CAC 40 a perdu 15 % de sa valeur, passant d’un niveau de 7100 le 10 février à 6000 le 13 juillet dernier.</p>
<p><iframe id="gg3T8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gg3T8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certains facteurs intrinsèques au monde de la finance peuvent notamment expliquer l’alternance de ces dynamiques haussières et baissières. Au début de la pandémie, en 2020, les investisseurs avaient anticipé une baisse des profits, conséquence de l’arrêt d’une partie de l’activité économique. En conséquence, ils ont réduit leurs investissements ce qui a provoqué des ventes massives de titres et la baisse de leurs prix.</p>
<p>La tendance s’est inversée une fois la première vague du Covid-19 passée car les investisseurs ont été rassurés par les déclarations et interventions des banques centrales, ce qui a impacté leurs primes de risque et par conséquent leur demande de titres. Dès 2021, certaines entreprises ont réactivé leurs politiques de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/31/en-2021-pres-de-70-milliards-d-euros-distribues-aux-actionnaires_6111680_3234.html">distribution des dividendes</a> augmentant d’autant plus l’appétit des investisseurs pour les actifs boursiers.</p>
<h2>« Crise permanente »</h2>
<p>S’ajoutent à ces facteurs financiers la « nouvelle » perception des investisseurs de cette crise sanitaire et un effet d’apprentissage difficile à cerner. Apprenant à vivre avec la pandémie, plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du <a href="https://www.francebourse.com/fiche_news_150347.fb">VIX</a>, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-la-hausse-des-taux-les-marches-semblent-se-reconnecter-a-leconomie-reelle-185874">Avec la hausse des taux, les marchés semblent se reconnecter à l’économie réelle</a>
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<p>En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a <a href="https://fr.tradingview.com/symbols/CBOE-VIX/">augmenté de plus de 45 %</a>, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché.</p>
<p><iframe id="6V0kz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6V0kz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">à augmenter leurs taux</a>.</p>
<h2>Le retour de la volatilité</h2>
<p>Ce virage opéré par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine</a> (Fed) comme, peu après, par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits.</p>
<p>Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le <a href="https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/commodity-prices-surge-due-war-ukraine">marché des matières premières</a>, pèsent en outre sur le cours des marchés.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des <a href="https://fr.investing.com/indices/volatility-s-p-500-chart">niveaux significatifs</a>.</p>
<p>Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/11/a-wall-street-une-severe-correction-qui-rappelle-l-eclatement-de-la-bulle-internet_6125589_3234.html">réajustements assez violents</a>).</p>
<p><iframe id="WpsYP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WpsYP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières :</p>
<p>D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la <a href="https://www.dailyfx.com/forex/technical/home/analysis/spx500/2022/06/02/SP-500-Dow-Jones-Nasdaq-100-in-Recovery-Mode-for-Now-PRtech.html">valorisation sous-estimée</a>, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.</p>
<h2>Recul du PIB américain</h2>
<p>Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le <a href="https://www.marketpulse.com/20220701/week-ahead-peak-fed-tightening/">« pic de la Fed »</a> aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs.</p>
<p>Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort <a href="https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_rsf/etudes_bdf_rsf/bdf_rsf_03_etu_3.pdf">lien de dépendance</a> entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-recul-surprise-du-pib-au-premier-trimestre-1403664">recul surprise du PIB</a> de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés.</p>
<p>Il apparaît clair désormais que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> (voire la possible <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflation</a>) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/17/business/economy/global-central-banks-inflation.html">plus sombres</a> ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plus de deux ans après le début de la pandémie de Covid et près de six mois après l’invasion russe en Ukraine, les cours ont connu de nombreuses corrections mais pas de décrochage brutal.David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleFredj Jawadi, Professeur des Universités en finance et en économétrie, Laboratoire LUMEN, Université de LillePascal Grandin, Professeur, Université de LillePhilippe Rozin, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1828352022-07-05T12:49:59Z2022-07-05T12:49:59ZInvestir dans les cryptoactifs : voici comment limiter le risque d’être exposé à une fraude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469568/original/file-20220617-14-sdjrky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C5146%2C3459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peter Thiel, cofondateur de PayPal et de Palantir, prononce un discours important lors de la conférence sur le Bitcoin, en avril dernier, à Miami Beach en Floride.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rebecca Blackwell)</span></span></figcaption></figure><p>En 2017, des milliers d’investisseurs, situés dans un peu plus de 175 pays, se sont retrouvés les poches vides : ils avaient investi près de 4 milliards de dollars (US) dans une cryptomonnaie nommée « OneCoin ». La tête dirigeante derrière le projet, <a href="https://www.bbc.com/news/stories-50435014">Ruja Ignatova</a>, s’est volatilisée avec ce qu’on croit être l’entièreté de la somme disparue.</p>
<p>Ce fait divers a frappé l’imaginaire dans le monde des cryptomonnaies. D’ailleurs, la BBC lui a même <a href="https://www.bbc.co.uk/programmes/p07nkd84/episodes/downloads">consacré un balado</a>. Et bien qu’il s’agisse d’une fraude d’envergure, il n’en demeure pas moins que ce type de stratagèmes frauduleux est fréquent dans l’univers des cryptoactifs. Ces derniers regroupent notamment les cryptomonnaies (comme le Bitcoin) et les jetons non fongibles (NFT). La possession de ces jetons octroie à l’investisseur des droits qui peuvent prendre différentes formes (accès à un bien – une œuvre d’art, par exemple – ou un service, ou similaire à la détention d’une action).</p>
<p>Depuis de nombreuses années, d’abord dans ma pratique professionnelle à titre d’auditrice et de juricomptable, puis de chercheure, je m’intéresse à l’étude de la fraude. Je suis principalement préoccupée par les déterminants de la fraude, ainsi que ses indicateurs et ses impacts. Plus récemment, mon intérêt s’est porté sur la fraude en lien avec les cryptoactifs, car ces nouvelles technologies sont liées à de nouveaux risques et limitations auxquels font face non seulement les utilisateurs/investisseurs, mais également les organismes de réglementation.</p>
<h2>Une quantité alarmante de fraudes</h2>
<p>Un rapport d’une firme spécialisée dans les cryptoactifs, paru en 2018, estime que près de 80 % de toutes les premières émissions de cryptoactifs (PEC) lancées en 2017, comme l’émission de nouvelles cryptomonnaies, <a href="https://research.bloomberg.com/pub/res/d28giW28tf6G7T_Wr77aU0gDgFQ">étaient frauduleuses</a>. Il n’est évidemment pas possible de mesurer précisément le nombre de fraudes qui surviennent chaque année, notamment parce que la plupart ne sont pas rapportées aux autorités compétentes. Or, ce chiffre alarmant devrait tout de même interpeller l’investisseur potentiel au sujet de la gestion de ses propres risques.</p>
<p>Il faut savoir que les cryptoactifs font l’objet de peu ou pas de réglementation partout dans le monde. Les organismes de réglementation comme l’<a href="https://lautorite.qc.ca/professionnels/fintech-technologie-financiere/comment-nous-appuyons-les-entreprises-novatrices/indications-sur-la-legislation">Autorité des marchés financiers</a>, ici au Québec, et la <a href="https://www.sec.gov/">Security and Exchange Commission</a>, aux États-Unis, travaillent sur le sujet depuis un certain temps déjà, mais la réglementation tarde sur certains points. Cette situation s’explique entre autres à cause de la <a href="https://www.newyorker.com/business/currency/the-challenges-of-regulating-cryptocurrency">décentralisation et de l’absence de frontières de ces investissements</a>, qui rendent l’élaboration et l’application de lois et règlements particulièrement difficiles.</p>
<h2>Indicateurs de fraude « traditionnels »</h2>
<p>L’investissement dans les cryptoactifs est du ressort de la finance technologique, couramment appelée <a href="https://bootcamp.cvn.columbia.edu/blog/what-is-fintech/#:%7E:text=FinTech%20(financial%20technology)%20is%20a,for%20businesses%20and%20consumers%20alike.">FinTech</a>. Les outils d’investissement dans la FinTech divergent de façon importante de ceux de la finance traditionnelle, et les investisseurs dans les FinTech sont souvent stimulés par la recherche de gains rapides, voire spéculatifs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme devant le bureau de OneCoin" src="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469572/original/file-20220617-16-h26kyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une femme passe devant le bureau de la cryptomonnaie OneCoin, fondée par Ruja Ignatova, qui a fraudé des investisseurs pour plusieurs milliards de dollars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Il n’en demeure pas moins que des indicateurs de fraude, qui existent depuis fort longtemps dans la finance traditionnelle, comme les investissements sur les marchés boursiers, sont également présents dans la FinTech. On n’a qu’à penser à la garantie de taux de rendement incroyables, bien au-delà de ce qui a cours sur les marchés réglementés. Ou encore à l’urgence d’investir brandie par certains promoteurs de produits financiers, afin d’inciter les investisseurs à y mettre leur argent sans prendre le temps de réfléchir.</p>
<p>Cette urgence se fait sentir notamment lorsqu’un promoteur joue sur la peur de rater une occasion d’investissement incroyable, incitant l’investisseur à y mettre son argent rapidement s’il ne veut pas se faire couper l’herbe sous le pied par d’autres investisseurs plus rapides. On pourrait faire un parallèle avec les promotions pour des produits en magasin qui se vendent à prix coupés, mais indiquent que les quantités sont limitées. Or, dans le cas de l’investissement, cela se révèle bien souvent un stratagème frauduleux plutôt qu’une occasion alléchante.</p>
<h2>Des documents explicatifs… mais pas réglementés</h2>
<p>L’aspect technologique des cryptoactifs fait en sorte que de nouveaux indicateurs ont émergé dans la foulée. Puisqu’ils diffèrent de ce que les investisseurs ont pour habitude d’entendre de la part des intervenants chargés de les informer des risques encourus, notamment les conseillers en investissement, il est très important que ceux-ci portent une attention particulière aux projets dans lesquels ils comptent investir. En effet, l’absence (ou quasi-absence) de réglementation fait en sorte que pour l’instant, l’investisseur est seul en charge de se protéger face aux nombreuses fraudes qui sévissent dans le milieu. Il existe toutefois des <a href="https://www.finance-investissement.com/edition-papier/produits/sous-le-capot-des-fnb-de-cryptoactifs/#:%7E:text=Les%20premiers%20fonds%20n%C3%A9goci%C3%A9s%20en,selon%20Banque%20Nationale%20March%C3%A9s%20financiers.">fonds négociés en bourse adossés à des cryptoactifs</a>, qui sont offerts par certains fonds d’investissement. Mais il demeure que ces investissements font face au risque de <a href="https://cryptonaute.fr/les-crypto-actifs-restent-trop-risques-en-raison-de-la-volatilite/">volatilité</a>.</p>
<p>Comme dans le cas d’un investissement traditionnel, les équipes derrière les PEC publient ce qu’on appelle un <a href="https://coinmarketcap.com/alexandria/glossary/whitepaper">« white paper »</a>. Similaire au prospectus, dans le cas d’un appel public à l’épargne – soit le fait pour une entreprise d’aller chercher des fonds additionnels par l’offre d’actions, par exemple –, ce document transmet à l’investisseur potentiel une foule d’informations au sujet du projet proposé. On y parle, entre autres, du fonctionnement du projet, ou encore de la composition de l’équipe derrière celui-ci.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo rapprochée de pièces de monnaie dorées de bitcoin, ethereum et litecoin couchées sur du papier monnaie américaine et clavier blanc" src="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469573/original/file-20220617-19-sgjb45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La facilité à investir, couplée à une publicité qui ratisse large (notamment sur les médias sociaux tels que Facebook), font en sort que les gens sont souvent incités à investir dans les cryptoactifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, les similitudes avec les prospectus s’arrêtent là, car, contrairement à celui-ci, le <em>white paper</em> n’est pas réglementé. Un émetteur peut donc y indiquer ce qu’il désire, et inversement, omettre une information qui pourrait se révéler utile pour un investisseur potentiel. Il importe de mentionner que, pour la plupart des projets, n’importe qui peut émettre un tel <em>white paper</em>. Mais les autorités réglementaires recommandent fortement à l’entité en question de s’enregistrer, non seulement pour renforcer la confiance des investisseurs potentiels, mais surtout pour s’assurer que les règles en place sont suivies.</p>
<h2>Nouveaux indicateurs de fraude</h2>
<p>Il existe donc des indicateurs de fraude qui sont particuliers aux cryptoactifs. On a ainsi vu des <em>white papers</em> contenant des éléments qui se contredisent, des incongruités, ou encore des erreurs, notamment (et étonnamment) dans le nom de l’entreprise derrière le projet. En effet, certains <em>white papers</em> copiés d’autres projets sont revus en vitesse, ce qui laisse derrière ce type de coquilles. Il faut savoir que règle générale, un PEC est projet unique, et qu’une copie signale généralement un projet frauduleux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/17JEm8lVL_s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une publicité de l’Autorité des marchés financiers, qui vise à sensibiliser les jeunes aux risques associés aux cryptoactifs.</span></figcaption>
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<p>De plus, un autre indicateur de fraude potentielle réside dans un <em>white paper</em> dont la lecture de certains passages est complexe. Cela devrait amener l’investisseur potentiel à s’interroger sur le sérieux du projet. En effet, le <em>white paper</em> a pour utilité première d’informer l’investisseur, et l’emploi d’un langage abscons dans un tel document devrait être proscrit pour tout projet qui se veut cohérent.</p>
<p>Par ailleurs, l’équipe derrière le projet est essentielle à sa réussite, notamment en raison de sa complexité technologique. Il est donc douteux qu’elle ne soit pas mise de l’avant dans la documentation du projet, que ce soit dans le <em>white paper</em> ou encore sur son site web. D’ailleurs, il est généralement plutôt aisé d’entrer en contact avec l’équipe derrière un PEC, afin de poser des questions ou d’obtenir des informations supplémentaires sur le projet, ce qui n’est pas le cas en finance traditionnelle. Si un investisseur potentiel n’arrive pas à entrer en contact avec l’équipe, il y a, encore une fois, lieu de se questionner sur le sérieux du projet.</p>
<p>La rencontre d’un des indicateurs de fraude discutés plus haut ne signifie pas de facto que le projet est frauduleux. Cependant, la reconnaissance de ces derniers fait en sorte que l’investisseur est mieux outillé pour assurer sa propre gestion des risques d’investissement liés aux fraudes, particulièrement prévalentes dans l’écosystème des cryptoactifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182835/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte a reçu des financements de la Fondation des CPA du Québec.</span></em></p>L’engouement envers les cryptomonnaies ne cesse d’augmenter. Or, le milieu est risqué pour les investisseurs, non seulement au niveau de la volatilité, mais également au niveau des fraudes.Annie Lecompte, Professeure - Certification, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855532022-06-29T22:48:57Z2022-06-29T22:48:57ZANVAR, Oséo, Bpifrance… les subventions institutionnelles favorisent l’accès au crédit des PME innovantes<p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">petites et moyennes entreprises</a> (PME) innovantes jouent un rôle central dans les trajectoires de croissance économique des pays. En effet, une étude montre qu’elles sont le <a href="https://academic.oup.com/icc/article/19/4/969/658017">moteur du changement technologique</a> car elles amènent des produits et services plus innovants sur le marché. Il apparaît donc primordial que ces entreprises aient un accès aux financements externes (banques, capital-risque, etc.) afin de pouvoir développer leur plein potentiel, ce qui permettra à terme d’assurer le renouvellement du tissu industriel en France.</p>
<p>Dans la réalité, ce type d’entreprises souffre cependant de ce qu’on appelle « contraintes de financement » en raison des imperfections du marché des capitaux. Ce phénomène s’explique principalement par l’existence d’asymétrie d’information entre les PME innovantes et leurs prêteurs de fonds potentiels. Ainsi une PME innovante dispose de beaucoup plus d’informations sur son projet et sa probabilité de succès que les investisseurs externes. De plus, il n’est pas dans l’intérêt des firmes innovantes de donner des informations stratégiques sur ledit projet en raison de potentielles « fuites » qui pourraient servir la concurrence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-obtenir-un-financement-lorsquon-est-une-petite-structure-153737">Comment obtenir un financement lorsqu’on est une petite structure ?</a>
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<p>En conséquence, les investisseurs potentiels vont exiger une prime de risque plus élevée pour accepter de financer ce projet. Cette prime est en outre plus élevée pour les projets innovants que pour les investissements matériels (achat de machine, par exemple) car il est plus difficile de distinguer les « bons » projets des « mauvais » projets lorsque l’on parle d’innovation.</p>
<h2>Effet « certification »</h2>
<p>Depuis 2008, les initiatives publiques se sont ainsi multipliées dans le but de diminuer les contraintes de financement auxquelles font face les PME innovantes, et ce dans la plupart des pays européens et outre-Atlantique. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions, d’avances remboursables, de crédit d’impôt, etc. En France, depuis les années 2000, différentes structures institutionnelles se sont succédé afin d’allouer les aides publiques à l’innovation. Le montant des subventions à l’innovation a notamment connu une forte hausse après la création, fin 2012, de Bpifrance, née de la fusion d’Oséo avec la Caisse des dépôts et consignations entreprises et le Fonds stratégique d’investissement (FSI). Il est donc pertinent d’évaluer l’efficacité de ces aides publiques.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004873332200021X">étude</a> récemment publiée dans la revue <em>Research Policy</em> couvrant la période 2000-2014, nous montrons un impact globalement positif des subventions à l’innovation octroyées successivement par l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), Oséo et Bpifrance sur l’accès au crédit des PME. Nos estimations montrent que les firmes qui ont reçu une subvention à l’innovation de la part d’un de ces trois organismes ont augmenté significativement leur ratio de levier financier (total des dettes bancaires sur le total de l’actif), deux ans après l’obtention de ladite subvention. L’effet reste cependant hétérogène et semble centré sur les jeunes entreprises (moins de 7 ans) et sur les micros et petites entreprises.</p>
<p>Nous montrons également que cet impact positif provient essentiellement d’un effet de certification. En effet, d’un point de vue théorique, deux mécanismes peuvent expliquer comment l’octroi d’une subvention à l’innovation améliore l’accès aux financements extérieurs des entreprises : (i) l’effet « ressource » et (ii) l’effet « certification ».</p>
<p><iframe id="iG95b" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iG95b/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’effet « ressource » renvoie au fait que la subvention octroyée accroît les capacités financières de l’entreprise. Ainsi, cette dernière va pouvoir se servir des fonds obtenus afin de financer ses investissements. <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20150808">L’existence de cet effet a été démontrée</a> dans une étude portant sur le programme américain de soutien à l’innovation.</p>
<p>L’effet « certification » renvoie au fait que la subvention octroyée peut créer un effet indirect (ou de second tour) sur l’accès aux financements. L’idée est que l’octroi d’une subvention dans le cadre d’un processus compétitif confère un signal de qualité aux potentiels investisseurs. Bien entendu, le caractère compétitif du processus d’allocation des subventions et l’expertise reconnue de l’agence publique en charge de l’allocation sont des conditions nécessaires afin que cet effet puisse se matérialiser.</p>
<p>En revanche, nous ne trouvons pas d’augmentation significative du ratio de capital sur la période d’étude (capitaux propres sur le total de l’actif) pour les PME françaises après obtention de la subvention à l’innovation. Ce résultat s’explique par le fait que, même si un effet de certification est également présent pour les investisseurs en capital, il n’est pas suffisamment fort pour contrebalancer l’accroissement de l’utilisation de la dette bancaire dans la structure de capital des entreprises après l’obtention de la subvention.</p>
<p>En effet, les PME françaises restent très dépendantes du crédit bancaire qui constitue leur principale source de financement. C’est donc ce mode de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/financement-61240">financement</a> qui est largement privilégié après obtention de la subvention à l’innovation.</p>
<h2>Le levier du partenariat public-privé</h2>
<p>Le manque d’accès aux financements externes pour les PME innovantes reste donc un enjeu majeur de politique publique. En effet, ces contraintes financières subies par les PME peuvent amener à un sous-investissement en Recherche et Développement (R&D) et nuire aux perspectives de croissance. Cela justifie, donc, clairement la mise en place de politiques publiques spécifiques afin d’augmenter la R&D et les activités innovantes des PME en diminuant les contraintes financières auxquelles ces dernières font face.</p>
<p>En France, les différentes institutions successives de soutien à l’innovation ont prouvé que leur expertise permettait d’envoyer un signal positif aux investisseurs extérieurs afin de permettre le financement des projets amorcés par les PME. Néanmoins, le signal envoyé par les subventions semble être plus valorisé par les banques que par les investisseurs en capital.</p>
<p>En conséquence, quelques recommandations peuvent être faites en vue d’améliorer l’effet du signal sur le financement par capitaux propres. Premièrement, on peut imaginer que l’effet serait plus important si l’organisme améliorait sa communication, notamment au niveau des critères de sélection retenus pour le financement des projets. Deuxièmement, l’accroissement des partenariats avec des investisseurs privés rendrait également le signal plus efficace. Par exemple, un partenariat systématique pourrait être créé avec des investisseurs externes afin d’augmenter la part des projets financés ou le nombre d’entreprises subventionnées. Cela contribuerait à attirer des investisseurs externes, à réduire l’aléa moral pour ces investisseurs et à renforcer l’effet de certification.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bpifrance a financé l'accès aux services du Centre d'Accès Sécurisé à Distance (CASD).</span></em></p>Plus qu’un accroissement de leurs capacités financières, les entreprises bénéficient d’un signal de qualité auquel les investisseurs se montrent sensibles.Raphaël Chiappini, Maître de conférences en économie, Université de BordeauxBenjamin Montmartin, Associate Professor of Econometrics and Data Science, SKEMA Business SchoolSophie Pommet, Maître de Conférences en Sciences économiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816312022-04-24T20:28:43Z2022-04-24T20:28:43ZChangement climatique : les plus grands investisseurs mondiaux restent moins engagés que les autres fonds<p>D’après Bloomberg, en juillet 2021, 3 gérants d’actifs, à savoir BlackRock, Vanguard et State Street possédaient collectivement environ <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-07-20/blackrock-led-big-three-may-forestall-chaos-in-stock-markets">22 % de l’entreprise moyenne de l’indice S&P 500</a>, comparé à 13,5 % en 2008. Surnommés les « big three », ils gèrent à eux seuls plus de 15 000 milliards dans des actifs partout dans le monde, l’équivalent de plus des trois quarts du PIB des États-Unis et trois fois plus que le PIB d’un pays comme l’Allemagne.</p>
<p>Pour faire simple : les « big three » (à qui on peut rajouter deux ou trois autres comme Invesco ou Schwab) gèrent une part considérable de quasiment tout, partout sur la planète, ce qui a donné naissance au concept de <a href="https://osf.io/preprints/socarxiv/v6gue/">« capitalisme de la gestion d’actifs »</a> ! Cela fait d’eux des investisseurs universels, à savoir des gérants de portefeuilles ultra-diversifiés et plutôt à long terme.</p>
<p><iframe id="mUGNm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mUGNm/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces géants de la gestion d’actifs pourraient donc constituer des acteurs clés dans la lutte contre le changement climatique, qui pourrait d’ailleurs engendrer une perte jusqu’à <a href="https://www.swissre.com/dam/jcr:e73ee7c3-7f83-4c17-a2b8-8ef23a8d3312/swiss-re-institute-expertise-publication-economics-of-climate-change.pdf">10 % de la valeur de l’économie mondiale</a> à l’horizon 2050, selon un rapport publié en avril 2021 par le Swiss Re Institute. Mais les grands investisseurs institutionnels, notamment les universels, utilisent-ils bien tout le pouvoir dont ils disposent, à travers leurs votes en assemblées générales d’actionnaires ou dans leurs échanges avec les entreprises, pour inciter ces dernières à réduire les externalités environnementales qu’elles font peser sur la société ?</p>
<h2>Des résolutions jugées peu profitables ?</h2>
<p>Selon une étude récente que nous avons menée (Brière M., Pouget S., Schmalz M., Ureche-Rangau L., « Do institutional investors vote to curb climate change? An empirical analysis of shareholder meetings », à paraître dans le livre <em>Climate Investing</em>, ISTE/Wiley), les investisseurs universels n’apparaissent pas particulièrement engagés dans cette voie. En effet, en étudiant les votes exprimés par 213 familles de fonds d’investissement américains sur 13 108 résolutions d’actionnaires dans 2 350 entreprises au cours de la période 2013-2016, il apparaît que ces grands investisseurs soutiennent moins souvent que les autres familles de fonds les résolutions portant sur des sujets liés au changement climatique.</p>
<p>Pour obtenir ce résultat, nous avons examiné la fréquence avec laquelle les familles de fonds votent en faveur des résolutions d’actionnaires qui exigent de lutter notamment contre le changement climatique et auxquelles le management de ces mêmes entreprises recommande de voter contre, ce qui permet de supposer qu’elles ne sont pas particulièrement profitables pour les entreprises concernées.</p>
<p>On aurait pourtant pu penser qu’en tant qu’investisseurs universels, il eut été dans leur intérêt d’inciter les entreprises à atténuer les externalités négatives qu’elles font peser sur les autres entreprises de leur portefeuille, et ce afin de ne pas faire diminuer sa rentabilité globale.</p>
<p>Un autre argument qui devrait inciter les investisseurs institutionnels à s’engager activement sur la question des externalités repose sur la logique de la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1468-0335.2009.00843.x">philanthropie déléguée</a> : ils investissent pour le compte de clients ou de citoyens qui peuvent avoir des préférences en matière d’externalités qui diffèrent de celles des dirigeants d’entreprises.</p>
<p>Les investisseurs institutionnels pourraient donc vouloir promouvoir les valeurs et les préférences de ces clients et citoyens : ils pourraient inciter le management des entreprises à internaliser les externalités, même si cela n’est pas financièrement profitable, parce que cela va dans le sens de l’intérêt général.</p>
<p>Nous tentons d’évaluer cet effet sur la base de la proportion des actifs investis de manière responsable dans l’ensemble du portefeuille d’un gérant. En effet, les familles de fonds détenant les proportions les plus importantes de fonds responsables sont aussi celles qui soutiennent le plus souvent les résolutions d’actionnaires visant à lutter contre les externalités environnementales.</p>
<p>Par conséquent, être investisseur universel n’est pas la raison qui pousse une famille de fonds à inciter les entreprises qui font partie de son portefeuille à œuvrer contre le changement climatique et à limiter les externalités négatives. C’est même le contraire. Les progrès sont plutôt observés au niveau des fonds plus petits et/ou avec de vraies convictions en matière de responsabilité sociétale.</p>
<h2>Le business des fonds de pension</h2>
<p>Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer le comportement des géants de la gestion d’actifs. À titre d’exemple, les liens d’affaires entre ces gérants d’actifs et les entreprises concernent aussi la gestion des fonds de pension de ces dernières ; ce business étant considérable, surtout aux États-Unis, les investisseurs institutionnels ne souhaitent pas entrer en conflit avec le management des entreprises, et ce pour conserver une source de revenus importante représentée par les frais engendrés par la gestion de ces fonds de pension.</p>
<p>Par ailleurs, les gérants d’actifs peuvent également estimer que la question des externalités environnementales est plutôt à vocation politique, et donc pas de leur ressort. Enfin, certains investisseurs institutionnels mettent en avant leurs échanges en coulisse, directement avec les entreprises, pour infléchir notamment leur empreinte environnementale. Des travaux ultérieurs sont néanmoins nécessaires pour distinguer ou confirmer ces hypothèses.</p>
<p>Pour conclure, on ne peut pas encore s’attendre à ce que les investisseurs universels décident d’eux-mêmes de faire du changement climatique leur cheval de bataille, même si plusieurs raisons pourraient les inciter à le faire, et même si des avancées, certes timides, sont constatées. Il serait donc peut être plus judicieux de s’interroger sur la possibilité d’agir sur ce que l’on entend par obligation fiduciaire afin d’y inclure d’autres aspects allant au-delà de l’étroit concept de valeur actionnariale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181631/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loredana Ureche-Rangau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, les « big three » de la gestion d’actifs, BlackRock, Vanguard et State Street apparaissent moins disposés à soutenir les résolutions d’actionnaires portant sur l’environnement.Loredana Ureche-Rangau, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, spécialisation Finance, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1807982022-04-10T20:08:33Z2022-04-10T20:08:33ZLe terrorisme, un frein aux investissements étrangers en Afrique du Nord et au Moyen-Orient<p>Bien que le nombre de décès dus au terrorisme ait <a href="https://reliefweb.int/report/world/global-terrorism-index-2022">diminué de 14 % en 2021</a>, le nombre d’attentats terroristes dans les pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA) reste élevé, et en conséquence, le terrorisme demeure une menace importante dans ces pays. Encore récemment, un attentat revendiqué des forces rebelles Houthis du Yémen a eu lieu à quelques kilomètres du site du <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/03/27/formule-1-grand-prix-sous-tension-en-arabie-saoudite_6119328_3242.html">Grand Prix de Formule 1 d’Arabie saoudite</a>, qui réunissait, fin mars, l’élite du sport automobile international.</p>
<p>Certes, les pays de la région restent attractifs, notamment en raison des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/finance-and-investment/middle-east-and-north-africa-investment-policy-perspectives_6d84ee94-en">plus importantes réserves mondiales de pétrole et de gaz</a>, ainsi que d’autres ressources naturelles, dont disposent des États comme ceux du Golfe Persique (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Irak, etc.). Toutefois, comme nous le relevons dans un récent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S096959312200004X">article</a> de recherche publiée dans <em>International Business Review</em> et portant sur quinze pays de la région, ce terrorisme entraîne bien une dégradation de l’attractivité des pays pour les investisseurs étrangers.</p>
<h2>Répercussions à court et long terme</h2>
<p>Plus précisément, deux formes de terrorisme ont un impact négatif sur les entrées des investissements directs à l’étranger (IDE) dans la région MENA : les attaques visant directement les entreprises, ainsi que celles lancées contre des institutions publiques ayant pour objectif d’affaiblir les gouvernements.</p>
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<figcaption><span class="caption">Arabie saoudite : une attaque des rebelles houthis à quelques kilomètres du Grand Prix (France 24, 25 mars 2022).</span></figcaption>
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<p>Lorsque l’acte terroriste cible les entreprises, cela constitue une menace imminente pour leurs activités pouvant conduire à la destruction ou à la dégradation de leurs installations, à la perturbation de leurs chaînes d’approvisionnement ou encore à l’enlèvement ou à l’assassinat de leurs employés ou de sous-traitants. Ces coûts économiques et humains encourus à la suite des attentats ont d’abord des répercussions à court terme, avec des frais de reconstruction des infrastructures endommagées et des coûts liés à la baisse de la productivité. À plus long terme, les entreprises subissent une augmentation du prix des contrats d’assurance et des dépenses de sécurité pour protéger des salariés ou des clients.</p>
<p>De plus, le stress ainsi que le sentiment d’insécurité ressenti par les cadres travaillant dans des pays exposés à un risque terroriste important affectent négativement leur motivation et rend ainsi le processus de recrutement de nouveaux expatriés plus difficile en raison de ce contexte de forte incertitude. C’est notamment le cas des compagnies pétrolières occidentales qui ont été attaquées par Daech dans plusieurs pays de la région MENA, en particulier l’Irak et la Syrie.</p>
<p>Par ailleurs, même si les attentats terroristes ciblant les institutions nationales n’impactent pas de manière directe les activités des entreprises, ils sont tout aussi perturbateurs. De fait, ils peuvent non seulement conduire à la destruction d’infrastructures stratégiques, mais aussi exacerber le vide institutionnel en particulier dans les pays en développement qui se caractérisent par un faible développement économique ainsi qu’un environnement politique et social incertain.</p>
<p>De plus, ces pays ne sont pas toujours en mesure de faire face aux menaces terroristes par manque de moyens spécialisés (par exemple du matériel de surveillance avancée). Ce contexte peut donc entraver la bonne conduite des activités des entreprises déjà présentes et avoir un effet dissuasif sur les investisseurs potentiels. En effet, les pays émergents et en développement apparaissent plus vulnérables au terrorisme que les pays développés, plus démocratiques.</p>
<h2>Capitalisme « de connivence »</h2>
<p>On considère généralement que les régimes politiques démocratiques offrent un climat d’investissement plus stable que les régimes dits autocratiques et sont de ce fait plus attractifs pour les investisseurs. Cependant, comme les IDE constituent des engagements capitalistiques sur le long terme, il pourrait être plus favorable d’investir dans des pays autocratiques puisqu’ils sont moins sujets aux changements politiques ce qui peut contribuer à une certaine stabilité de l’environnement d’investissement du pays.</p>
<p>Ces gouvernements auraient également tendance à adopter des mesures antiterroristes très strictes. Par ailleurs, sous ces régimes autocratiques, les investisseurs tissent des liens avec les dirigeants au pouvoir afin de servir leurs intérêts. Ce <a href="https://theconversation.com/printemps-arabes-le-capitalisme-de-connivence-a-coute-cher-aux-grandes-entreprises-familiales-158649">capitalisme « de connivence »</a> (<em>crony capitalism</em>) reste ainsi très répandu dans les pays de la région MENA, où le succès en affaires dépend souvent des relations et des liens personnels établis et entretenus avec les représentants de l’État. C’est un système de favoritisme ayant conduit à des accords individuels entre les acteurs du régime et les entreprises leur donnant accès à des subventions gouvernementales ou bien à des réductions d’impôts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/printemps-arabes-le-capitalisme-de-connivence-a-coute-cher-aux-grandes-entreprises-familiales-158649">« Printemps arabes » : le capitalisme de connivence a coûté cher aux grandes entreprises familiales</a>
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<p>Depuis le « printemps arabe » de 2011, on a observé une montée du terrorisme dans les pays MENA après la chute des régimes autoritaires. Certains de ces pays sont entrés dans un processus de transition démocratique, connu sous le concept d’anocratie. Or, dans ces régimes hybrides, les effets négatifs sur l’attractivité des IDE du terrorisme ciblant les entreprises tendent à se renforcer.</p>
<p>Compte tenu du changement politique, les relations et les liens développés par les investisseurs deviennent alors un obstacle, comme en témoigne la <a href="https://www.economist.com/business/2014/10/09/friends-in-high-places">confiscation de plus de 214 entreprises</a> appartenant au clan du président tunisien Ben Ali après sa chute en 2011, ainsi que la saisie de nombreuses entreprises qui étaient proches du pouvoir de dirigeant Hosni Moubarak en Égypte.</p>
<p>Dans le cas où le terrorisme vise des institutions et des infrastructures publiques, la présence d’un régime hybride tend à nouveau à renforcer l’impact négatif de ce type d’attentats sur les IDE. En effet, depuis le « printemps arabe », de tels régimes ont moins de capacités de répondre aux attaques car ils allouent peu de ressources publiques à la protection et à la reconstitution des infrastructures, d’où la baisse de l’attractivité de ces localisations aux yeux des investisseurs.</p>
<p>Pour conclure, les différentes cibles du terrorisme, entreprises ou institutions, constituent des facteurs dissuasifs pour les investisseurs dans le contexte spécifique des pays MENA. Plus important encore, nous observons que, dans les régimes politiques hybrides, les attentats tendent à impacter davantage les comportements des investisseurs qui doivent donc impérativement prendre en compte la situation politique dans leurs stratégies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le « printemps arabe » de 2011, la multiplication des attaques diminue l’attractivité des pays de la région quelles que soient les cibles, institutions ou entreprises.Dora Triki, Professeur associé en management international, ESCE International Business SchoolAlfredo Valentino, Associate Professor, ESCE International Business SchoolAnna Dimitrova, Professeur associé en Affaires internationales, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.