tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/metavers-111662/articlesmétavers – The Conversation2023-10-10T21:12:55Ztag:theconversation.com,2011:article/2150892023-10-10T21:12:55Z2023-10-10T21:12:55ZPourquoi le métavers peine-t-il à prendre auprès des consommateurs ?<p>Cette semaine encore, <a href="https://theconversation.com/topics/mark-zuckerberg-54121">Marc Zuckerberg</a> défendait les mérites du <a href="https://theconversation.com/topics/metavers-111662">« métavers »</a> dont il rêve. Il pourrait même nous permettre de <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/le-metavers-pourrait-permettre-de-discuter-avec-ses-proches-decedes-selon-mark-zuckerberg-03-10-2023-GFCWEJSHEJFJNONMFYXVSIWCHE.php">dialoguer avec des personnes décédées</a>. À quelques jours du lancement du casque de réalité virtuelle Quest 3, le fondateur de <a href="https://theconversation.com/topics/facebook-22128">Facebook</a> rappelle par la même qu’il n’a pas renoncé à ses ambitions affichées il y a un an, lorsqu’il <a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-mark-zuckerberg-pourra-t-il-rester-sous-son-controle-171190">renommait son groupe « Meta »</a> : connecter les personnes et les entreprises via le métavers plutôt que via les plates-formes traditionnelles de médias sociaux. Des questions se posaient en effet bel et bien sur ses <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/359380-meta-a-t-il-abandonne-son-metavers/">intentions actuelles</a>, le système qu’il défend semblant <a href="https://kotaku.com/meta-facebook-horizon-worlds-vr-mark-zuckerberg-1849669048">peu populaire</a> auprès des consommateurs.</p>
<p>Le métavers est un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15252019.2021.2001273">monde virtuel interactif, immersif et collaboratif</a> partagé par les internautes ou, plus précisément selon Jooyoung Kim, professeur à l’Université de Géorgie, un « réseau persistant interopéré d’environnements virtuels partagés où les gens peuvent interagir de manière synchrone par le biais de leurs avatars avec d’autres agents et objets ». Le terme provient du roman de science-fiction <em>Snow Crash</em> publié en 1992 par Neal Stephenson. Monde virtuel tridimensionnel habité par des avatars de personnes réelles, le développement du métavers est lié aux progrès de la réalité virtuelle et des technologies immersives.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Cs87Ok2h5xq/ ?utm_source=ig_embed\u0026ig_rid=aa5d242\u003csup\u003ee\u003c/sup\u003e-21ee-4130-94e6-d463df5f1f58\"/\u003e\u003c/p\u003e\n\n\u003cp\u003eLes implications et les avantages potentiels du métavers, que d’autres entreprises à l’instar de Second Life tentent de dessiner, sont vastes. Tel Mark Zuckerberg, ses partisans affirment qu’il peut révolutionner notre façon de vivre, de travailler, d’apprendre, de jouer et de socialiser. La fusion des mondes physique et numérique offre aux individus de nouveaux niveaux de liberté et de créativité, leur permettant d’explorer des environnements virtuels intégrés au monde réel.\u003c/p\u003e\n\n\u003cp\u003eToutefois, en raison de la difficulté à réaliser ces promesses initiales, de \u003ca href=","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Des risques et des menaces</h2>
<p>Pourquoi les consommateurs seraient-ils réticents à une innovation aussi attrayante que le métavers ? Telle a été la question qui a animé notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">recherche récente</a>. Il ne va pas de soi que tous les consommateurs allaient parfaitement accepter une telle technologie. Les résultats d’une étude qualitative auprès 66 consommateurs indiquent qu’il existe deux grands types de barrières à l’adoption du métavers : des barrières psychologiques et des barrières fonctionnelles.</p>
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<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0019850117301955">barrière psychologique</a> se dresse lorsqu’une innovation entre en conflit avec les normes et valeurs sociales d’une personne. Elle apparaît également lorsqu’une innovation est perçue comme risquée ou menaçante. Dans le cas du métavers, <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">l’étude</a> révèle sept sous-types de barrières psychologiques : une mauvaise compréhension du métavers et de ses particularités, l’absence ou insuffisance de régulation pour superviser et gérer efficacement le métavers, des inquiétudes quant au potentiel de dépendance du métavers, la crainte que le métavers entraîne des pertes de relations sociales réelles, la peur d’être coupé du monde et déconnecté de la réalité, les problèmes de confidentialité des données personnelles que pourraient créer le métavers et enfin la perception du métavers comme quelque chose de peu éthique au niveau écologique et où tout serait en œuvre pour faire consommer les consommateurs toujours plus.</p>
<p>Un enquêté, âgé de 25 ans, a ainsi pu nous détailler ses craintes :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense qu’il sera impossible de réglementer. Car c’est justement le principe du métavers que de donner le maximum de liberté aux gens. Mais du coup ça devient effrayant… un monde sans limites ! Je pense qu’il y a un vrai risque que cela devienne une véritable anarchie, sans aucune règle. Et dans ce cas, ça laisse la porte ouverte à beaucoup d’excès. »</p>
</blockquote>
<p>Un quadragénaire, nous a lui fait part de sa peur de devenir accro :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai toujours l’impression qu’il vaut mieux ne pas trop mettre le doigt sur ce genre de choses. Il doit être assez facile de s’y laisser prendre et de ne pas pouvoir en sortir. À mon avis, il vaut mieux ne jamais commencer parce qu’on peut vite se retrouver piégé et dépendant. Je préfère ne pas prendre le risque. »</p>
</blockquote>
<p>Il est d’ailleurs intéressant de noter sur ce point que d’ordinaire, les freins à l’adoption d’une innovation sont liés au fait que l’innovation ne serait pas suffisamment bonne. Or ici, on observe le phénomène inverse : certains individus s’opposeraient au métavers parce qu’il serait trop bon !</p>
<h2>Peu d’intérêt, incrédulité et nausée</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0019850117301955">barrière fonctionnelle</a> émerge dès qu’un consommateur perçoit les attributs d’une innovation comme dysfonctionnels ou inadaptés à ses besoins personnels et à ses attentes d’utilisation. Trois types de résistance fonctionnelle sont mis en évidence par <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/INTR-08-2022-0647/full/html">nos</a> travaux.</p>
<p>La première, à l’image de ce que témoigne cette enquêtée de 41 ans, réside dans l’incapacité à percevoir les avantages du métavers, notamment en comparaison à l’internet actuel :</p>
<blockquote>
<p>« C’est séduisant, c’est sûr… D’une certaine façon, ça fait un peu rêver. Mais je ne sais pas… Je ne vois pas vraiment l’intérêt de la chose. Peut-être que j’ai raté quelque chose. Mais là, j’avoue que ce n’est pas clair pour moi. Peut-être que ce n’est pas pour moi ? »</p>
</blockquote>
<p>Cet homme de 21 ans semble, lui comme bien d’autres, incrédule quant à la possibilité que le métavers soit pleinement fonctionnel dans un avenir proche :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne pense pas que ce soit pour tout de suite. Je n’y crois pas. J’ai l’impression que Mark Zuckerberg et tous ceux qui promettent le métavers sont allés un peu vite. Avant que tout ce qui est promis soit en place et fonctionne bien, si cela arrive un jour, il faudra des décennies. »</p>
</blockquote>
<p>Un ensemble de barrières physiques (symptômes de nausée, de désorientation et de malaise) causées par les techniques de réalité virtuelle utilisées par le métavers sont enfin évoquées.</p>
<p>Cette dernière barrière, comme d’autres (un métavers qui isole du monde réel, les risques liés à l’usage des données personnelles…), semblent stables et donc très difficiles à éliminer. Elles vont sans nul doute persister dans le temps, indépendamment de la façon dont le métavers va se réaliser. Contrairement à elles, des craintes plus conjoncturelles, comme le manque de compréhension de ce qu’est le métavers ainsi que sur son utilité, peuvent être levées à moyen terme en fonction de l’évolution de la technologie et du niveau d’information des individus. Les concepteurs devraient s’y intéresser de près.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215089/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Damien Chaney ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’ils craignent de nombreux dangers ou qu’ils n’en comprennent pas l’intérêt, beaucoup se montrent réticents à se plonger dans le monde virtuel dont Mark Zuckerberg et d’autres rêvent.Damien Chaney, Professor, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096212023-07-12T15:38:03Z2023-07-12T15:38:03ZLa réalité virtuelle va-t-elle se démocratiser maintenant qu’Apple est de la partie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537022/original/file-20230712-29-ph4sqr.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1196%2C894&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2023, Apple lançait son casque de réalité virtuelle au prix de 3500 dollars.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AR-_Apple_Vision_Pro_%282023%29.png">Wikimedia commons/Steve Zhang</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2015, le magazine <em>Time</em> avait annoncé que la technologie de la réalité virtuelle (RV) allait <a href="https://time.com/3987022/why-virtual-reality-is-about-to-change-the-world/">« changer le monde »</a>. En effet, depuis que Facebook a payé 3 milliards de dollars pour racheter le fabricant de casques Oculus VR en 2014, il a été largement proclamé que la RV était la <a href="https://fortune.com/longform/virtual-reality-struggle-hope-vr/">« prochaine grande innovation »</a> dans le divertissement grand public. Le dirigeant Mark Zuckerberg cherche notamment à assurer l’avenir de son groupe, devenu Meta fin 2021, avec cette technologie qui permet notamment d’accéder au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">« métavers »</a>, ces mondes virtuels annoncés comme étant le futur d’Internet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1453794227154927617"}"></div></p>
<p>Malgré ces promesses ambitieuses et la disponibilité accrue des casques, la réalité virtuelle reste néanmoins loin d’être une technologie grand public. Alors que le chiffre d’affaires des ventes de jeux a dépassé 185 milliards de dollars en 2022 et devrait continuer à <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide?currency=USD">croître de 8 % par an jusqu’en 2027</a>, les ventes de casques de RV ont de surcroît <a href="https://www.ecranmobile.fr/Les-ventes-de-casques-de-realite-virtuelle-chutent-de-12_a73027.html">reculé de 12 % en 2022</a>.</p>
<p>Faut-il, dès lors, ajouter cette technologie à la liste des investissements ratés, à l’image de <a href="https://medium.com/nyc-design/the-assumptions-that-led-to-failures-of-google-glass-8b40a07cfa1e">l’échec des Google Glass</a> il y a plus de 10 ans ? Pour l’instant, le métavers se résume à des appels Zoom maladroits, à quelques jeux amusants utilisant la réalité virtuelle et à des avatars numériques. En fait, le jeu vidéo en ligne <em>Fortnite</em> est peut-être ce qui s’en rapproche le plus, même si l’on prédit que les possibilités d’utilisation du métavers iront bien au-delà du jeu. Cela ne veut pas dire que ces technologies n’ont pas un potentiel énorme, mais au-delà de tout le battage médiatique, elles n’ont pas encore d’impact significatif sur nos vies. Comment cela se fait-il ?</p>
<h2>Fatigue oculaire et maux de tête</h2>
<p>L’immersion dans un monde virtuel reste donc largement réservée à certains adeptes précoces. Notre <a href="https://www.storyfutures.com/resources/audience-insight-report">étude</a> (qui a utilisé les casques Quest 2 de Meta, leader du marché) met en évidence une série de « frictions » qui empêchent l’utilisateur de terminer ou de poursuivre son utilisation du casque.</p>
<p>Ces frictions, plus ou moins importantes, comprennent :</p>
<ul>
<li><p>les facteurs contextuels : par exemple, manque de temps car la réalité virtuelle est en concurrence avec d’autres engagements et d’autres formes de divertissement médiatique ;</p></li>
<li><p>les problèmes logistiques : par exemple, espace de jeu insuffisant et problèmes de sécurité connexes ;</p></li>
<li><p>les facteurs physiques, tels que l’inconfort, le mal des transports, la fatigue oculaire et les maux de tête ;</p></li>
<li><p>la frustration sociale : la réalité virtuelle est perçue comme un facteur d’isolement et on la croit peu apte à favoriser les interactions avec d’autres personnes à distance ;</p></li>
<li><p>le manque d’un contenu varié et suffisant.</p></li>
</ul>
<p>Nous avons constaté que la réalité virtuelle exigeait un niveau élevé d’implication de la part de l’utilisateur : entrer dans l’expérience de la réalité virtuelle n’est pas sans effort. Plutôt que de regarder ou de se faire raconter une histoire, l’utilisateur se trouve à l’intérieur de l’histoire, il y participe et en fait l’expérience d’une manière plus intime. En trompant les sens des utilisateurs pour leur donner l’impression d’être présents dans le monde virtuel, la RV prélève un tribut cognitif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AfRMUMFK4Nc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinar Audience Insight Report : the users of immersive technologies (2021, en anglais).</span></figcaption>
</figure>
<p>La transition vers et hors de la réalité virtuelle est donc cruciale, ce qui souligne l’importance du soin accordé à l’expérience de l’entrée et de la sortie pour aider les utilisateurs à réussir la transition et atténuer bon nombre de ces frictions. Notre étude a montré qu’à l’heure actuelle, le casque n’était pas jugé suffisamment attrayant pour être utilisé régulièrement et qu’il était plutôt relégué aux occasions spéciales.</p>
<p>Si l’introduction du Quest Pro en 2022 a permis d’améliorer les performances, les graphismes et l’ergonomie, les critiques ont rapidement remarqué qu’il était en fait plus lourd que le Quest 2 ou encore qu’il avait une <a href="https://www.theverge.com/23451629/meta-quest-pro-vr-headset-horizon-review">durée de vie de batterie plus courte</a>.</p>
<h2>Des casques à 3 500 dollars</h2>
<p>En juin 2023, <a href="https://www.forbes.com/sites/richardnieva/2023/06/05/apple-unveils-vision-pro/?sh=39deef7811de">Apple est entré dans l’arène</a> avec un nouveau casque – bien qu’au prix ahurissant de 3 500 dollars –. La marque à la pomme va-t-elle ouvrir ainsi les portes du métavers ? En effet, l’iPhone reste le plus grand succès de l’histoire des produits de consommation, l’AppStore est l’un des modèles économiques les plus rentables et les AirPods sont probablement le dispositif portable le plus populaire avec <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/03/apple-airpods-business-grew-like-gangbusters-over-the-holidays.html">90 millions d’exemplaires vendus au cours du trimestre des fêtes en 2021</a> (les utilisateurs les portent même lorsqu’ils ne les utilisent pas), offrant ainsi un portail vers au moins un métavers audio.</p>
<p>Apple réussira-t-il là où Meta a échoué jusqu’à présent ? Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, il est clair qu’en donnant la priorité à l’expérience de l’utilisateur, Apple pourrait surmonter les nombreuses frictions liées à l’entrée et à la sortie du virtuel. Les <a href="https://www.inverse.com/tech/apple-vision-pro-hands-on-first-impressions">premiers retours d’expérience</a> suggèrent que le suivi précis des yeux et le contrôle des gestes de la main fonctionnent de façon harmonieuse. Il est évident qu’Apple devra investir dans le contenu et baisser le prix, mais ce casque pourrait bien être celui que l’utilisateur voudra utiliser.</p>
<p>En outre, le géant californien évite dans sa communication toute mention au métavers pour contourner <a href="https://www.coindesk.com/business/2023/02/01/facebook-parent-metas-metaverse-division-lost-137b-in-2022/">l’échec perçu</a> de son principal concurrent dans ce domaine : les investisseurs ont en effet demandé à Meta de réduire ses dépenses dans le métavers, car cela avait réduit ses bénéfices. En résumé, la magie de la conception conviviale d’Apple présente un potentiel important à long terme. Cependant, il reste aux développeurs à trouver quel pourraient être les cas d’utilisations idéaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloe Preece ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le manque de contenus ou encore l’inconfort ressenti avec les casques freinent l’essor de la réalité virtuelle. Apple entre aujourd’hui sur le marché avec l’ambition de lever ces obstacles.Chloe Preece, Associate Professor in Marketing, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971492023-01-22T16:12:49Z2023-01-22T16:12:49ZMétavers : l’heure du premier bilan<p>Le 18 octobre 2021, Meta (maison-mère de Facebook, WhatsApp et Instagram) annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/facebook-annonce-la-creation-de-10-000-emplois-dans-l-union-europeenne-pour-developper-le-metavers_4811113.html">création de 10 000 emplois</a> dans l’Union européenne au cours des cinq prochaines années, afin d’investir dans les nouveaux talents et d’aider à construire le métavers.</p>
<p>Un an plus tard, Mark Zuckerberg annonce la <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-tech-americaine-licencie-en-masse-20221107">suppression de 11 000 emplois</a> déclenchant la première vague de licenciements et reconnaissant les changements les plus difficiles de l’histoire de l’entreprise.</p>
<p>Pourtant, un rapport récent du cabinet McKinsey évalue à <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/growth-marketing-and-sales/our-insights/value-creation-in-the-metaverse">5 000 milliards de dollars</a> le marché du métavers à l’horizon 2030, soit l’équivalent de la troisième économie mondiale derrière les États-Unis et la Chine. Les investissements sont évalués à plus de 120 milliards de dollars. Le projet métavers dépasse les ambitions d’une seule entreprise, aussi grande soit-elle.</p>
<p>Des enseignes et des marques de renom telles que Nike, Balenciaga ou Louis Vuitton se sont positionnées dans ces espaces virtuels. Des sociétés telles que Microsoft, Amazon ou Google ont confirmé leurs investissements. La situation étant ambivalente, décryptons les divergences de perception du métavers et investiguons les ingrédients qui peuvent contribuer à sa réussite.</p>
<h2>Pourquoi le métavers ne rencontre-t-il pas le succès attendu ?</h2>
<p>La première source d’ambiguïté est liée au simple fait que nous ne sommes pas tous d’accord sur la définition du ou des métavers. Le métavers est un concept en cours de construction et personne ne sait vraiment à quoi il ressemblera, ni même ce que l’on doit inclure derrière ce terme. Le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/cest-quoi-le-web3-cette-nouvelle-version-dinternet-qui-fait-parler-delle-1376152">web 3</a>, les jetons non fongibles (NFT) et la chaine de blocs sont autant de créations modernes qui s’articulent autour du métavers. La méconnaissance de ces technologies et les frontières floues entre ces concepts et celui de métavers ne facilitent pas la compréhension du grand public.</p>
<p>En mai 2022, Ipsos a publié les résultats d’une <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2022-05/GlobalAdvisor--WEF--Metaverse--May2022--GraphicReport.pdf">enquête</a> indiquant que seulement 28 % des Français étaient familiers avec le concept de métavers. Alors que les grands groupes, les États et l’UE investissent, <a href="https://www.iligo.fr/le-metavers-vu-comme-etant-sans-interet-par-62-des-francais/">62 % des Français</a> ne voient toujours pas l’intérêt des mondes virtuels. Il est donc essentiel d’informer les citoyens afin de mieux comprendre le <a href="https://www.amazon.fr/manuel-du-m%C3%A9tavers-Charles-Perez/dp/B0BMZD5VDP/">métavers</a> et les technologies associées.</p>
<p>Le <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/2022/Rapport-interministeriel-metavers.pdf">rapport interministériel de la mission sur le développement</a> des métavers publié en octobre 2022 définit ce dernier comme « un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives ».</p>
<p>Cette définition place l’expérience virtuelle au cœur du sujet. Pourtant, les casques de réalité virtuelle sont encore peu adoptés et ont des limitations évidentes (coût, autonomie, poids). Dans une volonté d’inclusion, les grands acteurs présentent un métavers accessible via un casque de réalité virtuelle, mais également depuis un navigateur ou une application mobile. Tandis que l’immersion est selon certains acteurs, nécessaire, selon d’autres elle serait un frein à la démocratisation du métavers.</p>
<p>À ce jour, plusieurs centaines de métavers peuvent être recensés et les plus grands (Roblox, Second Life, Zepeto, Minecraft, Fortnite) regroupent des <a href="https://www.metaversed.consulting/">millions d’utilisateurs</a>. Les chiffres colossaux que l’on voit circuler sont gonflés par le succès des jeux en ligne massivement multijoueurs. Cependant, on peut se demander si ces derniers peuvent être considérés comme des métavers. Cette question doit être débattue, d’autant plus que certains articles ont mis en évidence la <a href="https://www.coindesk.com/web3/2022/10/07/its-lonely-in-the-metaverse-decentralands-38-daily-active-users-in-a-13b-ecosystem/">très faible fréquentation</a> de plates-formes régulièrement citées comme métavers (Decentraland, The Sandbox). Même si ces chiffres ont été <a href="https://cryptoast.fr/non-decentraland-pas-que-38-utilisateurs/">contredits</a>, nous n’atteignons pas le niveau d’engagement espéré.</p>
<h2>Que faut-il pour le succès du métavers ?</h2>
<p>L’adoption du métavers est trop lente pour les observateurs. L’attente est grande, car des acteurs majeurs se sont affichés tôt et ont fait un pari à long terme. En dépit du niveau record de <a href="https://www.demandsage.com/metaverse-statistics/">400 millions d’utilisateurs</a> actifs mensuels en 2022 (l’équivalent du nombre d’internautes au passage à l’an 2000), l’adoption massive est lointaine. Récemment encore, lors du DealBook Summit, Mark Zuckerberg a laissé entendre que le métavers ne serait pas rentable avant <a href="https://www.nytimes.com/events/dealbook-summit/sessions/mixed-reality-metas-big-bet">2030 au plus tôt</a>.</p>
<p>Une <a href="https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2022-02-07-gartner-predicts-25-percent-of-people-will-spend-at-least-one-hour-per-day-in-the-metaverse-by-2026">étude de Gartner</a> indique que 25 % des personnes passeront une heure par jour dans le métavers en 2026. Sa méthodologie <em>hype cycle</em> (courbe décrivant l’évolution d’une nouvelle technologie) a placé le métavers comme technologie émergente. Elle estime que son plateau de productivité sera atteint dans plus de dix ans.</p>
<p>Les entreprises en quête d’une meilleure productivité pourraient être un levier d’adoption majeur. Un grand nombre d’acteurs pensent que le métavers est sur le point de <a href="https://www.lepoint.fr/debats/l-avenir-du-teletravail-est-dans-le-metavers-30-09-2022-2491914_2.php">révolutionner le travail à distance</a>. La crise sanitaire a largement contribué à l’accélération de l’adoption de ce type de format. Selon un <a href="https://www.forrester.com/report/predictions-2023-the-metaverse-and-nfts/RES178194">rapport de Forrester</a>, au moins trois des quatre solutions phares suivantes, Zoom, Slack, Webex et Google Apps, ajouteront en 2023, des fonctionnalités de type métavers. Une enquête récente de <a href="https://www.pwc.com/us/en/tech-effect/emerging-tech/virtual-reality-study.html">PwC</a> a révélé que 51 % des entreprises sont en train d’intégrer la réalité virtuelle dans leur stratégie ou ont déjà intégré la réalité virtuelle dans au moins un secteur d’activité. Les établissements d’<a href="https://www.mondedesgrandesecoles.fr/espace-virtuel-le-metaverse-serait-il-la-prochaine-etape-de-linternet/">enseignement supérieur</a> ont également identifié des effets bénéfiques du métavers.</p>
<p>Les modèles d’adoption des technologies nous rappellent l’importance des critères relevant de la facilité d’utilisation ainsi que de leur utilité. À ce jour, ces derniers ne sont pas réellement remplis. L’effort pour entrer dans le métavers ne sera plus un frein lorsque nos motivations seront suffisantes. Pour ceux ayant franchi le pas, <a href="https://www.capgemini.com/insights/research-library/immersive-experiences/">Capgemini</a> indique que les trois quarts l’utilisent toujours et vont continuer à le faire.</p>
<p>Parmi les nombreuses conditions permettant le déploiement à grande échelle du Métavers, les critères suivants sont régulièrement avancés.</p>
<p>Le métavers doit être interopérable. Cela signifie que les concepteurs et plates-formes permettant la création d’univers virtuels devraient s’appuyer sur des protocoles communs afin de rendre facile le changement d’espace virtuel. À terme, naviguer d’un espace à un autre devrait pouvoir se faire aussi simplement que de naviguer d’une page web à une autre. Ce travail est en cours avec les efforts de l’<a href="https://www.oma3.org/">Open Metaverse Alliance</a> (association basée en Suisse) ou du <a href="https://metaverse-standards.org/">Metaverse Standards Forum</a> (consortium industriel).</p>
<p>Pour obtenir une expérience satisfaisante, il est essentiel de pouvoir bénéficier d’une interaction en temps (quasi) réel. Le nombre d’opérations par seconde est une limite fondamentale. Le rendu et la synchronisation des scènes dépendent des performances techniques. Le métavers, pour toucher un large public, devra donc compter sur des <a href="https://www.numerama.com/tech/795797-pour-faire-tourner-le-metaverse-il-faudra-changer-linfrastructure-entiere-de-linternet.html">technologies toujours plus performantes</a>. Cela pose également la question de la <a href="https://start.lesechos.fr/innovations-start-up/tech-futur/le-metavers-peut-il-etre-ecologique-1410004">consommation énergétique</a> des univers virtuels. Ces derniers devront s’inscrire du mieux possible dans le cadre de la <a href="https://www.lemagit.fr/actualites/252528522/Le-metavers-est-il-compatible-avec-la-sobriete-et-le-numerique-responsable">sobriété numérique</a>.</p>
<p>Les évolutions technologiques devront aussi trouver les parades pour réduire la cybernétose (terme adapté de la cinétose – une discordance entre la perception visuelle et le système vestibulaire qui génère un mal des transports) dont près de 40 % des utilisateurs souffrent ainsi que la fatigue visuelle, musculaire et la charge mentale. De même, le vol de données, d’<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/10/12/cinq-personnes-mises-en-examen-a-paris-pour-le-vol-de-nft-d-une-collection-tres-prisee_6145540_4408996.html">actifs numériques</a> ou le non-respect de la <a href="https://www.lopinion.fr/economie/le-metavers-est-il-compatible-avec-le-respect-de-la-vie-privee">vie privée</a> pour cause de problème de sécurité ou d’éthique pourraient générer une perte de confiance des utilisateurs et des investisseurs.</p>
<p>Les outils devront être plus facilement accessibles sans présenter de complexité inutile. La création d’un portefeuille de cryptomonnaies, l’achat de NFT et la création d’expériences virtuelles devront pouvoir se faire de manière plus intuitive.</p>
<p>Une avancée attendue est celle de la captation plus fine de nos sens, y compris le <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/comment-les-technologies-haptiques-veulent-nous-faire-ressentir-le-metavers-et-la-vr-39939043.htm">toucher</a>, les <a href="https://www.realite-virtuelle.com/odeur-dans-le-metaverse/">odeurs</a> et le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/laudio-spatial-lune-des-cles-dune-experience-reussie-en-realite-virtuelle-1359878">son spatialisé</a>. Des vestes haptiques commencent à voir le jour et contribuent à ressentir les interactions virtuelles dans le monde physique. Elles permettent par exemple de ressentir la sensation du vent ou même celle de la pluie. Des <a href="https://casques-vr.com/kat-walk-c2-nouvelle-version-pour-le-tapis-vr-avec-un-prix-divise-par-deux-20919/">tapis omnidirectionnels</a> permettent de courir, nager et de se déplacer dans les univers virtuels avec des gestes réels.</p>
<p>Aujourd’hui, le jeu vidéo est une porte d’entrée dans le métavers qui a déjà séduit les plus jeunes, mais peine à convaincre les autres publics. Le métavers est entre les mains de la jeunesse, puisque, sur certains univers virtuels, près de 51 % des utilisateurs auraient <a href="https://www.metaversed.consulting/blog/the-metaverse-reaches-400m-active-users">moins de 13 ans</a>. Si le métavers est régulièrement confronté à des vagues de scepticisme, la nouvelle génération semble déjà immergée dans l’univers virtuel et participe <a href="https://www.courrierinternational.com/article/enquete-comment-roblox-profite-du-travail-de-tres-jeunes-developpeurs">activement à sa construction</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le métavers est un monde originel qui offre de nouveaux espoirs et de nouvelles possibilités. Décryptons les divergences de perception et les ingrédients qui peuvent contribuer à sa réussite.Charles Perez, Professeur associé, PSB Paris School of BusinessArmand Derhy, Directeur de Paris School of Technology & Business, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854762023-01-12T14:45:33Z2023-01-12T14:45:33ZLes cryptomonnaies sont en crise, mais elles n'ont pas dit leur dernier mot<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478142/original/file-20220808-16-un4tsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C6183%2C4147&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un travailleur de Hope House, une organisation qui parraine l'utilisation des cryptomonnaies sur la plage d'El Zonte, fait un achat dans un petit magasin qui accepte les bitcoins, à Tamanique, au El Salvador, le 9 juin 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Salvador Melendez)</span></span></figcaption></figure><p>Les cryptomonnaies connaissent une crise sans précédent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryptomonnaie">depuis l'arrivée des premiers actifs cryptés et monnaies virtuelles</a>, dans les années 90, et leur démocratisation dans les années 2010. </p>
<p>Le Bitcoin a connu une dégringolade sans précédent à la fin de l’année 2020, et ne s'en est pas encore remis. En plus de cette baisse marquée, on discute abondamment de l’effondrement inquiétant de certaines cryptomonnaies dites stables <a href="https://www.investopedia.com/terms/s/stablecoin.asp">(« stablecoins »)</a>, censées être moins volatiles. </p>
<p>À cela s'ajoute la chute de géants du milieu des cryptoactifs, notamment en raison <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1945861/fondateur-cryptomonnaie-ftx-bankman-fraude">d'allégations de fraude, comme pour le scandale de FTX</a>. À l'apogée de son activité, cette plate-forme d'échange comptait un million d'utilisateurs et occupait la troisième place d'échanges de cryptomonnaie en termes de volume.</p>
<p>Des experts s'entendent pour dire que les contrecoups de son effondrement ont affecté durement les investisseurs, ralentissant au passage le rythme d'adoption des cryptoactifs <a href="https://www.cnbc.com/2022/12/19/three-ways-the-ftx-disaster-will-reshape-crypto.html">pour les prochaines années</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/investir-dans-les-cryptoactifs-voici-comment-limiter-le-risque-detre-expose-a-une-fraude-182835">Investir dans les cryptoactifs : voici comment limiter le risque d’être exposé à une fraude</a>
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<p>En tant qu’experte dans le domaine des cryptomonnaies, je tenterai de fournir des pistes de réponses à la question suivante : les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou ne s’agit-il que d’un effet de mode ?</p>
<h2>Spéculation et volatilité extrême</h2>
<p>Les cryptoactifs sont notamment des jetons qui peuvent servir à des fins de monnaie numérique (soit des cryptomonnaies, telles que le Bitcoin et l’Ethereum). Ils sont également utilisés à des fins d’investissement dans une entité (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« security token »</a>, un jeton donnant droit à la propriété d’une portion d’une entité), ou à des produits ou services (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« utility token »</a>, soit un jeton donnant droit à l’obtention d’un produit une fois sa production terminée, par exemple).</p>
<p>Les <a href="https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-stablecoin">jetons stables</a>, qui sont censés être associés à une moindre volatilité, ont ceci de particulier qu’ils sont adossés à une devise (comme le dollar US), un produit de base (« commodity », par exemple l’or) ou encore un instrument financier (par exemple une action ou une obligation). Cela a pour objectif de conserver la stabilité de la valeur de la monnaie numérique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme montre l’écran de son téléphone sur lequel on peut voir son solde de cryptomonnaies" src="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Erich García, un programmeur et YouTuber de 33 ans, pose avec son portefeuille de bitcoins, dans sa maison de La Havane, à Cuba, en mars 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ramon Espinosa)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1890611/bitcoin-bas-marche-cryptos">manchettes font état</a> presque quotidiennement de la dégringolade du Bitcoin. Bien que cette chute ne soit pas la première, elle marque particulièrement les esprits, car il s’agit d’une baisse de valeur sans précédent <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/marches/2022-05-13/cryptomonnaies/pourquoi-un-krach.php">depuis la fin de 2020</a>. Cet effondrement s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt et la fuite des investisseurs de ces investissements risqués. Bien qu’il ait repris de la valeur depuis, le Bitcoin reste néanmoins loin des sommets déjà atteints.</p>
<p>Cette couverture médiatique soulève beaucoup de questionnements sur la pérennité de ces cryptoactifs. En effet, ces derniers sont marqués par une volatilité extrême associée à sa <a href="https://theconversation.com/interet-croissant-pour-les-cryptomonnaies-le-debut-dune-plus-grande-cohesion-internationale-179155">non-réglementation sur les marchés</a>, en plus d’être associés à la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-speculation-sur-le-bitcoin-s-apparente-a-la-tulipomanie-selon-la-banque-de-france-906709.html">spéculation par plusieurs intervenants dans le monde de la finance</a>.</p>
<p>D’ailleurs, la BBC rapportait récemment que le blanchiment de cryptomonnaies avait <a href="https://www.bbc.com/news/technology-60072195">augmenté de 30 % en 2021</a>. La <a href="https://www.ftc.gov">Federal Trade Commission</a>, qui a pour objectif de protéger les consommateurs américains, a pour sa part rapporté que des schémas de fraude ont coûté <a href="https://www.ftc.gov/business-guidance/blog/2022/06/reported-crypto-scam-losses-2021-top-1-billion-says-ftc-data-spotlight">plus d’un milliard de dollars en cryptomonnaies en 2021 à des investisseurs</a>. Inutile de dire que bien peu d’investisseurs floués ont revu la couleur de leur argent.</p>
<h2>Un milliard d’utilisateurs d’ici 2022</h2>
<p>Or, nous voyons une augmentation lente, mais certaine, de l’adoption des cryptomonnaies par des entreprises. Dans le cadre d’une étude en cours portant sur l’impact de l’adoption des cryptomonnaies par des sociétés publiques sur leur responsabilité sociale, j’ai noté que nombre d’entre elles, telles que Starbucks et McDonald’s, ont commencé à accepter le Bitcoin comme forme de paiement. Cela est notamment le cas dans leurs succursales du Salvador, dans la foulée de l’adoption par ce pays du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1822158/salvador-premier-pays-adopter-bitcoin-monnaie-officielle-cryptomonnaie">Bitcoin comme monnaie officielle</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1487634924865740804"}"></div></p>
<p>D’autres, comme le géant japonais du commerce en ligne <a href="https://www.rakuten.ca/">Rakuten</a>, ont plutôt choisi d’accepter les cryptomonnaies sans que l’adoption du Bitcoin par un pays, notamment, ne les y pousse. Elles disent être portées par le désir d’offrir davantage d’options de paiement à leurs clients.</p>
<p>La base des utilisateurs des cryptomonnaies grandit d’année et année. Ainsi, Crypto.com, une plate-forme d’échange, a estimé qu’environ 295 millions de personnes étaient entrées sur le marché des cryptomonnaies en <a href="https://assets.ctfassets.net/hfgyig42jimx/5i8TeN1QYJDjn82pSuZB5S/85c7c9393f3ee67e456ec780f9bf11e3/Cryptodotcom_Crypto_Market_Sizing_Jan2022.pdf">date de décembre 2021</a>. Cette plate-forme prévoit même un nombre d’utilisateurs franchissant la barre des 1 milliard d’ici décembre 2022.</p>
<p>Les cryptomonnaies permettent aussi à des populations, dont les systèmes bancaires sont peu fiables ou peu sécurisés, d’avoir accès à une forme de système bancaire parallèle, indépendante du système bancaire traditionnel. L’opportunité d’avoir accès à une forme différente de système bancaire, pour une partie moins nantie de la population, est d’ailleurs l’une des raisons avancées par le président du Salvador pour <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/05/world/americas/el-salvador-bitcoin-national-currency.html">justifier l’accession du Bitcoin au titre de monnaies légales du pays</a>.</p>
<h2>Une fluctuation salutaire</h2>
<p>L’intérêt croissant envers la <a href="https://www.cnbc.com/2021/06/18/whats-defi-crypto-based-decentralized-finance-explained.html">finance décentralisée (DeFi)</a>, de même que le développement du métavers, sont aussi des facteurs qui influencent la pérennité des cryptomonnaies. La finance décentralisée a souvent recours à des jetons stables (« stablecoins ») aux fins de son fonctionnement. Le métavers, un <a href="https://theconversation.com/le-metavers-une-contree-numerique-aux-mille-facettes-172267">univers constitué de mondes virtuels en 3D</a>, permet lui aussi l’utilisation de cryptomonnaies pour l’acquisition de biens ou de services, créant ainsi un univers immersif.</p>
<p>Des spécialistes dans le secteur estiment que, malgré la débâcle que le marché des cryptoactifs a connu récemment, la finance décentralisée, notamment via des produits adossés à des cryptoactifs, <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">est là pour rester</a>. Cela s’explique par la présence d’un marché et d’acteurs prêts à y participer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne tient une pièce de monnaie Bitcoin devant un écran" src="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les cryptomonnaies peuvent être utilisées à des fins transactionnelles dans le métavers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’ailleurs, ils avancent que cette baisse marquée des marchés liés aux cryptomonnaies, bien qu’elle fasse disparaître certains acteurs, est la bienvenue. De <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">l'aveu même de Raoul Ullens</a>, cofondateur de la <a href="https://blockchainweek.be/">Brussels blockchain Week</a> (une conférence annuelle qui s’articule autour de la chaîne de blocs et des cryptomonnaies) :</p>
<blockquote>
<p>il est sain, pour l’adoption, la maturation de ces technologies du Web3, d’écrémer, de rééquilibrer le secteur. […] Un écosystème malsain n’attirera pas les masses.</p>
</blockquote>
<p>Selon ces acteurs, une telle baisse des marchés des cryptoactifs est non seulement nécessaire, mais également salutaire, notamment pour rééquilibrer la valorisation.</p>
<h2>Les cryptomonnaies sont là pour rester</h2>
<p>Le lancement de cryptomonnaies par des banques centrales, via les monnaies digitales de banque centrales (MDBC) (ou « central bank digital currency » (CBDC) en anglais), donne aussi du poids à la permanence des cryptoactifs. En effet, la Banque du Canada travaille actuellement à la <a href="https://www.bankofcanada.ca/research/digital-currencies-and-fintech/projects/central-bank-digital-currency/">création d’une MDBC</a>. Selon l'institution, une MDBC émise par cette autorité serait une <a href="https://www.banqueducanada.ca/recherches/monnaies-numeriques-et-technologies-financieres/projets/monnaie-numerique-de-banque-centrale/?_gl=1*66um6m*_ga*ODkyMTkwNTM2LjE2NTc1NDY2Njg.*_ga_D0WRRH3RZH*MTY1NzU0NjY2Ny4xLjAuMTY1NzU0NjY2OS4w&_ga=2.176461989.1290726791.1657546668-892190536.1657546668">« monnaie numérique officielle qui conserverait sa valeur nominale en dollars canadiens, tout comme les billets, car elle serait émise par la Banque du Canada »</a>.</p>
<p>D’autres nations dans le monde ont pour leur part déjà émis une telle monnaie, dont les <a href="https://www.ndtv.com/business/here-are-the-timelines-and-status-of-central-bank-digital-currencies-in-some-countries-2820164">Bahamas (Sand Dollar) et le Nigéria (eNaira)</a>. Les MDBC sont différentes des monnaies numériques issues du privé (comme le Bitcoin ou l’Ethereum), notamment parce que leur utilisation prévue est seulement à des fins de transaction, et non d’investissement ou spéculation. Elles offrent les mêmes possibilités d’utilisation que l’argent comptant. </p>
<p>Les MDBC visent également à promouvoir l’inclusion financière d’une partie de la population n’ayant que peu ou pas d’accès au système bancaire traditionnel et simplifier la mise en œuvre de la politique monétaire et budgétaire des pays émetteurs.</p>
<p>Les développements dans le monde des monnaies numériques, que ce soit dans le métavers ou encore la venue de MDBC, et l’engouement qu’elles ne cessent de susciter, font de ce type d’actifs des devises qui sont là pour rester.</p>
<p>Cette pérennité prendra une forme qui continuera à évoluer et se transformer au fil de l’avancée des technologies les supportant (notamment, les chaînes de blocs) et de la variation dans la demande provenant des utilisateurs et/ou investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185476/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte a reçu des financements de la Fondation des CPA du Québec.</span></em></p>Les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou est-ce qu’il ne s’agit que d’un effet de mode ?Annie Lecompte, Assistant prof - Audit, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1951332022-12-18T18:15:09Z2022-12-18T18:15:09ZTuvalu, menacé d’être englouti par les eaux, crée son double digital<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499325/original/file-20221206-11-356nfq.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1074&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sans action immédiate au niveau planétaire contre le changement climatique, Tuvalu n’existera bientôt plus que dans le métavers.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tuvalu.tv">Tuvalu.tv</a></span></figcaption></figure><p>À l’occasion de la COP27, Simon Kofe, le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu, a annoncé la création d’une réplique digitale de son pays, lui offrant ainsi la perspective d’une continuité virtuelle en cas de submersion par les eaux.</p>
<p>Le téléchargement de cet archipel polynésien dans le <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/2022/Rapport-interministeriel-metavers.pdf">métavers</a> doit être réalisé par étapes, avec une reproduction en 3D des terres, des eaux les entourant et d’éléments de la vie culturelle de Tuvalu. Pour l’heure, le <a href="https://www.tuvalu.tv">site</a> hébergeant le projet propose une représentation de Teafualiku, sa plus petite île.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sJIlrAdky4Q?wmode=transparent&start=2" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Annonce de la création d’un double de Tuvalu dans le métavers.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les nations du Pacifique sont en première ligne des effets du changement climatique alors qu’elles y contribuent de façon infime (<a href="https://www.sprep.org/news/low-carbon-development-shared-the-pacific-island-way">moins de 0,03 %</a> des émissions de gaz à effet de serre) et que leurs ressources économiques pour y faire face sont <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.CD?locations=S2">limitées</a>. Voilà des années qu’elles alertent sur la menace qu’emporte le phénomène pour leur survie.</p>
<p>La création d’un double virtuel de la monarchie du Pacifique poursuit deux objectifs. Le premier est de sensibiliser le monde sur le danger vital encouru par Tuvalu du fait du changement climatique ; le second est d’assurer un support de rattachement culturel et de survivance juridique au cas où le pire surviendrait. Cette dernière dimension pose de nombreuses questions.</p>
<h2>Alerter sur les effets du changement climatique</h2>
<p>En Océanie, les multiples conséquences du dérèglement climatique sont déjà très réelles et <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/climate-change-litigation-in-the-asia-pacific/litigating-human-rights-violations-related-to-the-adverse-effects-of-climate-change-in-the-pacific-islands/C1779ABB4F87E6732E35BDA1078BBB7D">documentées</a>. Elles illustrent à quel point la crise climatique est avant tout une crise des droits humains, entravant la jouissance des droits culturels et menaçant aussi les droits à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, à la protection de la famille, et même à la vie.</p>
<p>Ces bouleversements ont déjà entraîné de multiples relocalisations internes, comme en <a href="https://sdgs.un.org/sites/default/files/publications/2185%28IOM%2C%202014%29%20Assessing%20the%20Evidence%20Migration%2C%20Env%2C%20and%20CC%20-%20%20PNG.pdf">Papouasie Nouvelle-Guinée</a>, aux <a href="https://www.lepoint.fr/monde/pacifique-la-montee-des-eaux-fait-disparaitre-cinq-des-iles-salomon-07-05-2016-2037630_24.php">Îles Salomon</a>, à <a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/nov/08/how-to-move-a-country-fiji-radical-plan-escape-rising-seas-climate-crisis">Fidji</a> ou au <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221201-climate-tragedy-vanuatu-to-relocate-dozens-of-villages">Vanuatu</a>.</p>
<p>Ils obligent également à anticiper des déplacements internationaux de populations, en particulier pour les États atolliens, à l’instar de Tuvalu, mais aussi de Kiribati, des Iles Marshall, ou de Tokelau (territoire spécial de Nouvelle-Zélande) : ces territoires entièrement composés de formations coralliennes basses sont susceptibles de disparaître sous les eaux d’ici quelques décennies.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Nations of Water" est un film documentaire sur la question du droit et des déplacés climatiques dans le Pacifique.</span></figcaption>
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<h2>Un scénario juridique inédit</h2>
<p>Or, si des États ont déjà cessé d’exister en raison de circonstances militaires et politiques, ils ne l’ont jamais été parce que leur territoire avait disparu.</p>
<p>Ce scénario soulève des questions juridiques sans précédent. En réalité, la <a href="https://theconversation.com/que-faire-face-a-la-montee-du-niveau-de-la-mer-lexemple-de-miquelon-village-en-cours-de-deplacement-177786">montée des eaux</a> étant un phénomène progressif, un territoire devient inhabitable avant d’être englouti par l’océan. Dans le cas des États atolliens, c’est l’ensemble des habitants qui pourraient être amenés à se déplacer. Une perspective d’autant moins fantaisiste que ces populations sont réduites en nombre (Tuvalu compte environ 12 000 habitants).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limpact-du-changement-climatique-sur-la-polynesie-francaise-190849">L’impact du changement climatique sur la Polynésie française</a>
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<p>Différentes incertitudes naissent de cette projection. Se pose d’abord la question de la survivance de l’État en lui-même. Selon le droit international, une entité étatique est composée de trois éléments : un territoire, une population et un gouvernement. Le déplacement de la population entière d’un État entraîne donc la première carence de ce triptyque, la disparition du territoire une seconde. En pareil cas, le gouvernement serait <em>a minima</em> obligé de s’exiler. Qu’adviendrait-il donc de ces entités étatiques ? Pourraient-elles continuer d’exister juridiquement et être encore représentées sur la scène internationale ? Pourraient-elles par exemple conserver leur statut d’État membre des Nations unies ?</p>
<p>La situation des personnes n’est pas plus claire. Les ressortissants de l’État dont le territoire serait devenu inhabitable ou aurait disparu continueraient-ils d’avoir la même nationalité ? Comment pourraient-ils faire valoir leurs droits ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/refugies-climatiques-une-decision-historique-du-comite-des-droits-de-lhomme-de-lonu-131348">« Réfugiés climatiques » : une décision historique du Comité des droits de l’homme de l’ONU ?</a>
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<p>Enfin, il faudrait également répondre à la question importante de savoir si la reconnaissance de compétences souveraines sur les espaces maritimes pourrait subsister. En effet, le droit de la mer tel que codifié et développé dans la <a href="https://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf">Convention de Montego Bay</a> prévoit l’exercice de compétences liées à l’exploration et à l’exploitation des ressources sur la zone économique exclusive, jusqu’à 200 milles marins des lignes de base, ainsi que sur le plateau continental.</p>
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<img alt="À l’occasion de la COP 26, le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu s’est adressé aux dirigeants du monde avec de l’eau jusqu’aux genoux" src="https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499074/original/file-20221205-18-gwdi1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À l’occasion de la COP 26, le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu s’est adressé aux dirigeants du monde avec de l’eau jusqu’aux genoux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldmeteorologicalorganization/51696702497/">World Meteorological Organization/Flickr</a></span>
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<p>En Océanie, la configuration géographique fait que le ratio terre/mer pour les États insulaires est unique au monde, et que ces confettis de terre sont en fait d’immenses <a href="https://theconversation.com/tilio-a-qui-appartient-la-mer-194655">nations maritimes</a> (la ZEE de Tuvalu est un cas d’école avec plus de 756 000 km<sup>2</sup> pour 30 km<sup>2</sup> de terre, soit 27 000 fois la superficie terrestre de l’État). Dans quelle mesure pourrait-on renverser le postulat juridique selon lequel la terre domine la mer, et considérer que des profits pourraient continuer d’être tirés des espaces maritimes entourant l’ancien territoire terrestre ?</p>
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<p>De nombreuses hypothèses d’États « territorialisés », ou « ex-situ » ont déjà nourri les recherches des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03200857">internationalistes</a>. L’achat de terres à Fiji par Kiribati a par exemple illustré la possibilité de relocalisation externe de la population (ces terres auraient finalement été converties en <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/feb/24/kiribati-and-china-to-develop-former-climate-refuge-land-in-fiji">exploitation agricole</a>, avec le soutien de la Chine).</p>
<p>Ces projections, dont les obstacles concrets restent difficiles à ignorer, mobilisent l’imagination des juristes. La création d’un double digital des États constitue encore une nouvelle piste.</p>
<h2>Un support virtuel à la continuité de l’État</h2>
<p>Faudrait-il dès lors envisager la doublure de l’État dans le métavers comme un nouveau support de son existence ? La territorialité et la souveraineté pourraient-elles être également virtuelles ?</p>
<p>Le <a href="https://www.numerama.com/tech/1083206-quest-ce-que-le-metaverse.html">métavers</a>, concept un peu flou promu par les géants d’Internet, a la particularité de proposer un monde virtuel au sein duquel des avatars tridimensionnels seraient dotés d’une existence propre. Certaines institutions y ont déjà cédé, à l’instar de la <a href="https://cities-today.com/early-version-of-seouls-metaverse-revealed/">ville de Séoul</a> ou de la <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-barbade-veut-etablir-la-premiere-ambassade-dans-le-metavers-20211117">Barbade</a>, qui ont annoncé y recréer une partie de leurs services administratifs pour la première et diplomatiques pour la seconde. Le projet de Tuvalu est novateur en ce qu’il se propose de télécharger l’entièreté de l’État, dans ses dimensions à la fois spatiales et culturelles.</p>
<p>Cette projection numérique ne créerait pas de droits – sauf éventuellement dans le métavers lui-même. Néanmoins, dans le monde réel, elle pourrait supporter la survivance d’un État déterritorialisé, en lui donnant une certaine matérialité. Les modalités de cette continuité juridique restent toutefois à préciser. Elles font l’objet de nombreuses <a href="https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N22/276/30/PDF/N2227630.pdf">réflexions</a> menées notamment au sein de la Commission du droit international de l’ONU.</p>
<p>L’État virtuel a aussi été présenté par le ministre Kofe comme un moyen pour les Tuvaluans et leurs descendants de pouvoir un jour se replonger au sein de la richesse esthétique, biologique et culturelle de leur pays, en portant des lunettes 3D. La construction d’un monde virtuel peut paraître en soi effrayante, elle devient tragique lorsqu’il s’agit d’y télécharger un monde sur le point de disparaître à jamais de la réalité physique. De récentes évolutions, tel le soutien apporté à la campagne menée par le Vanuatu <a href="https://drive.google.com/file/d/1h3s4Vy-Xl_YvUO-MgOYsjtqmjcEjxtcp/view">pour solliciter un avis de la Cour internationale de Justice</a> sur le changement climatique et les droits humains sont autant de signes d’une croissante prise en compte de la situation des petits États insulaires face au changement climatique. </p>
<p>La création lors de la COP 27 d’un fonds pour les pertes et préjudices – certes existant mais pas encore doté et dont la liste des pays bénéficiaires n’a pas été arrêtée – peut également être soulignée. Le sort des nations comme celle de Tuvalu tient néanmoins à des actions beaucoup plus concrètes et immédiates tant il y a urgence à les sauver.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Géraldine Giraudeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La création d’une réplique du petit État insulaire du Pacifique dans le métavers soulève de nombreuses questions juridiques sur les « États virtuels ».Géraldine Giraudeau, Professeure de droit public, Paris-Saclay (UVSQ), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1919642022-10-20T15:20:09Z2022-10-20T15:20:09ZLe métavers va-t-il bouleverser les liens d’amitié chez les jeunes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490834/original/file-20221020-11-2lsoen.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C0%2C954%2C598&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Demain, serons-nous « amis » avec des avatars virtuels ?</span> <span class="attribution"><span class="source">lilmiquela / Instagram, capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>L’adolescence correspond à une période de changements profonds, tant sur le plan biologique que social, pendant laquelle le jeune se détache progressivement de sa famille d’origine et construit un monde plus personnel, séparé des parents, en intégrant un nouveau groupe : le groupe de pairs, regroupant ses amis. Selon l’étude de <a href="https://media.kasperskydaily.com/wp-content/uploads/sites/86/2020/06/09142852/KAS0739-Kaspersky-Find-your-tribe-report-v3.pdf">Find Your Tribe de 2020, 46 %</a> des adolescents <a href="https://media.kasperskydaily.com/wp-content/uploads/sites/86/2020/06/09142852/KAS0739-Kaspersky-Find-your-tribe-report-v3.pdf">préfèrent créer des amitiés en ligne (35 % des Français le pensent)</a>.</p>
<p>Les avancées technologiques ouvrent les portes d’un nouveau monde virtuel fictif – le métavers – qui a conquis les jeunes passionnés de jeux vidéos utilisant les plates-formes de Roblox, Fornite, et d’autres. Une étude menée par <a href="https://www.razorfish.com/articles/perspectives/razorfish-vmg-metaverse-research/">Razorfish et Vice Media Group</a> montre que 52 % des « gamers » de moins de 25 ans se sentent plus eux-mêmes dans le métavers que dans la « vraie vie ». Cependant, hormis pour les passionnés utilisant ces plates-formes, il faudra de solides arguments pour embarquer la nouvelle génération dans cette nouvelle économie du métavers. En effet, bien que 9 entreprises sur 10 accélèrent leurs <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/influences-1293/veille-tribune-2217/Breves/entreprises-accelerent-leurs-investissements-metaverse-371486.htm">investissements dans le métavers</a>, une étude publiée par la banque Piper Sandler souligne que l’ensemble des jeunes n’est pas encore prêt à adhérer au monde du métavers. Parmi les 7 100 adolescents américains interrogés (âge moyen : 16 ans), 48 % d’entre eux déclarent être « incertains » quant à l’avenir du métavers ou se disent <a href="https://www.pipersandler.com/1col.aspx?id=6216">tout simplement « pas intéressés »</a>.</p>
<p>Étant donné son récent développement, il y a encore peu d’information sur ce que sera ce métavers et ses effets sur les liens sociaux. Nous pouvons cependant émettre quelques hypothèses. En quoi le métavers pourrait révolutionner les relations humaines dans les prochaines décennies, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes ?</p>
<h2>Les relations parasociales avec des amis qui nous ignorent</h2>
<p>Avec les réseaux sociaux numériques, les jeunes créent des amitiés virtuelles, amenant à un nouveau type de relation, spécifique au monde du web et des réseaux sociaux – <a href="https://www.cairn.info/revue-adolescence-2015-1-page-99.htm">l’amitié 2.0</a> (extension de l’amitié réelle ou amitié virtuelle). L’enjeu de l’amitié 2.0 est d’intéresser l’autre, d’être remarqué et éventuellement d’être aimé (liké).</p>
<p>La plupart des adolescents ont tendance à rendre leurs messages caricaturaux, voire provocateurs, de façon à attirer les commentaires et les visionnages. Plus on a « d’amis », plus on se sent exister et moins on devrait se retrouver confronté à l’absence et au vide existentiel (parmi tous ces « amis activables », au moins l’un d’entre eux va se manifester).</p>
<p>Sur Facebook par exemple, la création de ces nouveaux liens amène à une nouvelle définition de l’amitié : le <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/6673">« friending »</a>. Il s’agit ici du lien entre deux « profils », les « friends » étant des personnes dont le profil intéresse, dont on peut avoir envie de télécharger les fichiers MP3, voir leurs photos, lire leurs blogs mais… qui ne sont pas forcément des « amis » sur Facebook (ne parlons pas de la « vraie vie » !). Le friending est donc un acte déclaratif qui autorise l’échange d’informations, mais qui n’a plus rien à voir avec le plaisir à être et à échanger ensemble. Le sujet se sent exister pleinement parce qu’il s’imagine qu’un grand nombre de personnes pensent à lui, <a href="https://theconversation.com/que-veut-dire-etre-amis-a-lere-dinstagram-183287">s’intéressent à ce qu’il dit et fait</a>. Les jeunes tendent à établir des relations sociales <a href="https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-83.htm">sans chercher à entrer dans l’intimité</a>.</p>
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<p>Comment expliquer que l’on puisse tisser des liens affectifs avec des personnes ou personnages qui, pourtant, ignorent tout de notre existence ? Si vous vous sentez véritablement proche d’une personne que vous ne connaissez que par média interposé, vous faites l’expérience de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/youtubeurs-podcasteurs-nos-relations-parasociales-avec-ces-amis-qui-nous-ignorent-5081620">ce que certains chercheurs nomment une « relation parasociale »</a>.</p>
<p>Dans le cadre de relations parasociales, les utilisateurs ne peuvent pas passer le cap de la rencontre, et vont garder une distance avec la figure en ligne, tout en lui envoyant des signes de reconnaissance, en commentant ses publications ou en lui écrivant des messages privés. Les célébrités et les influenceurs demeurent dès lors des personnalités idéalisées. Grâce au développement de ces relations parasociales, ils peuvent maintenir un sentiment de proximité envers les fans sans devoir entretenir des échanges avec ces derniers – ou bien rarement et de façon superficielle, voire professionnalisée (dans ce cas ce n’est pas la personnalité qui répond, mais la personne qui est en charge de gérer sa communication en ligne).</p>
<p>Ces fans peuvent également se rencontrer et se lier d’amitié au sein de communautés, selon des liens plus classiques.</p>
<p>Cette forme d’amitié en ligne est bien distincte de l’amitié réelle, telle qu’on la connaît, qui, <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1230">selon Antonio Casilli, sociologue</a>, se fonde sur un échange mental, moral mais aussi physique. Le besoin, à l’adolescence, de créer des amitiés en ligne plutôt que dans le monde physique témoigne de l’importance pour les adolescents de contrôler leur identité. Le virtuel pourrait ainsi les aider à dépasser leurs peurs mais réduire <a href="https://theconversation.com/que-veut-dire-etre-amis-a-lere-dinstagram-183287">leur implication véritable dans la relation amicale</a>.</p>
<p>La dissymétrie propre à la relation parasociale tient-elle alors toujours à l’ère du métavers ? Si les réseaux sociaux offrent la possibilité aux adolescents d’élargir les relations en dehors des liens interpersonnels que nous tissons dans la vie réelle, ils sont aussi le lieu où il est possible de traverser l’écran et échanger avec la figure médiatisée via son/ses avatars, si ce dernier est authentique.</p>
<h2>La création de nouveaux espaces de rencontre grâce aux métavers</h2>
<p>Les métavers offrent la possibilité d’accéder à des espaces publics virtuels où les citoyens peuvent travailler, partager une activité sportive, jouer, faire du shopping, ou danser. Ces espaces offrent de nouvelles opportunités de rencontres et donc la création d’amitié sur base du partage d’intérêts communs. Par exemple, les <a href="https://www.oculus.com/horizon-worlds/">Horizon Worlds</a> permettent à des groupes d’amis de se retrouver dans un lieu privé mais proposent également des boîtes de nuit, des espaces de jeu, des ateliers, des clubs de sport, des salles de spectacles virtuels où les utilisateurs pourront se rencontrer, développer de nouveaux liens d’amitié et former de nouvelles communautés. Alors que les réseaux sociaux généraient des liens d’amitié via des échanges, le métavers offre en plus la possibilité de partager des activités et des expériences.</p>
<h2>Les liens parasociaux à l’ère du métavers : le dialogue retrouvé ?</h2>
<p>Les réseaux sociaux tels que TikTok, Instagram, Facebook et Twitter permettent déjà de suivre le quotidien d’influenceurs et de célébrités, et ainsi de créer un sentiment d’affection et de proximité unilatéral envers ces derniers, une relation d’amitié décrite comme parasociale. Si ces relations guident déjà fortement les comportements de consommation, particulièrement <a href="https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/generation-z-z-consommateurs-aux-z-collaborateurs">pour la génération Z habituée aux amitiés digitales</a>, l’avènement du métavers va accentuer leur intensité en rendant les échanges plus interactifs et immersifs.</p>
<p>En effet, les utilisateurs du métavers pourront évoluer dans des mondes créés par ces célébrités et influenceurs, parfois les rencontrer, ou jouer avec eux via leur avatar (ou jumeau digital). Par exemple, Snoop Dogg a créé l’espace « Snoopverse » (sur la plate-forme The Sandbox) et Paris Hilton est propriétaire de l’espace « Paris World » sur Roblox. Justin Bieber va également prochainement organiser un concert dans le métavers « The Wave ».</p>
<p>Selon une étude de <a href="https://izea.com/press-releases/izea-research-discovers-56-percent-of-social-media-influencers-currently-participate-in-the-metaverse/">IZEA Worldwide</a>, 56 % des influenceuses et influenceurs indiquent être déjà présents dans un métavers et 70 % d’entre eux pensent que le métavers remplacera les réseaux sociaux. Ce métavers permettra aux fans et followers de se sentir davantage « connectés » aux célébrités et influenceurs. Et aux influenceurs de démultiplier les occasions de générer des revenus publicitaires…</p>
<h2>La possibilité de développer un lien d’amitié avec des influenceurs virtuels</h2>
<p>Le développement des intelligences artificielles a fait naître de nouveaux acteurs sur les réseaux sociaux : les influenceurs virtuels. Leur succès est exponentiel. Par exemple, créée en 2003, Lu de Magalu est une influenceuse virtuelle à la tête d’une communauté comptant plus de 32 millions de fans. Sa popularité l’a amenée à faire la couverture du magazine <em>Vogue</em>. De manière similaire, Miquela Sousa est une influenceuse virtuelle sur TikTok. Elle rassemble plus de 3,5 millions de followers.</p>
<p>Ces influenceurs partagent un quotidien fictif avec leur communauté. Leur succès repose sur leur réalisme et leur capacité à créer un sentiment de proximité avec leurs fans. Comme suggéré par les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0268401222000767">travaux de Dwivedi et ses collègues</a>, en devenant citoyens du métavers, ces agents virtuels pourront se mêler aux utilisateurs et donc renforcer le réalisme de la relation amicale partagée – qui restera pour autant factice, voire encore plus factice, puisque ces I.A ne sont que des programmes informatiques et non des êtres humains. Ils pourront, par ailleurs, se dupliquer pour apparaître simultanément dans un même univers et dans plusieurs métavers, ce qui augmentera les opportunités d’interactions directes avec ces influenceurs et donc le sentiment de relations parasociales auprès de leurs fans.</p>
<p>Le métavers n’est cependant pas exempt de dangers. Comme le suggère une étude de <a href="https://www.statista.com/statistics/1288822/metaverse-dangers/">Statista</a>, environ 40 % des consommateurs voient dans le métavers des risques d’addiction, d’usurpation d’identité, ou de harcèlement. Ces sujets devront rapidement être abordés afin de réguler les interactions dans ces mondes digitaux.</p>
<p>En conclusion, même si son développement en est encore à ses débuts, le métavers va probablement transformer la manière dont les jeunes pourront créer des liens d’amitié en les immergeant dans des espaces où ils pourront partager des activités et des expériences avec des pairs, des célébrités, des influenceurs et des intelligences artificielles, tous « citoyens » de l’univers virtuel. Le métavers aura à terme un impact sur tous les aspects de notre quotidien, y compris le travail. Pour le moment, les recruteurs se rendent compte que les jeunes ne sont pas encore présents massivement dans le métavers, mais ils commencent à <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/annonces.html?id_declaration=10000000817214&titre_livre=M%C3%89TAVERS_ET_RH">se préparer à y attirer et recruter des talents pour les années à venir</a>. Le métavers pourra dès lors devenir une nouvelle opportunité d’entrer en contact et d’interagir avec les jeunes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec les réseaux sociaux numériques, les jeunes créent des amitiés virtuelles. Dans le métavers, ce type de « relations » pourrait changer d’échelle ou de nature.Thomas Leclercq, Professeur associé en marketing, IESEG School of Management (LEM-CNRS 9221), Head of Marketing and Sales Department, IÉSEG School of ManagementElodie Gentina, Professor, management, marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917912022-10-13T19:13:37Z2022-10-13T19:13:37ZCe que la science-fiction peut nous apprendre du métavers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489589/original/file-20221013-13-4oevdn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C7%2C2307%2C1164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image issue du film « Ready player one », 2018. </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube, capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.washingtonpost.com/history/2022/06/30/snow-crash-neal-stephenson-metaverse/"><em>Le Samouraï virtuel</em>, publié en 1992</a>, le terme de métavers fait son grand retour depuis l'annonce de Meta à l'automne 2021, Mark Zuckerberg étant décidé à <a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">investir massivement dans les mondes virtuels</a>.</p>
<p>Cet univers, pour l'instant largement fantasmé, sera-t-il le levier d'une rupture anthropologique, ou restera-t-il un discours total visant à promouvoir une série d'investissements dont les effets seront, au mieux, le prolongement des développements récents des cultures digitales?</p>
<p>Les débats actuels portent sur le caractère effectif de la transformation annoncée et sur sa possible réalisation ; à l'instar de chaque bulle spéculative récente (voiture autonome, voyages spatial, singularité technologique ou technosolutionniste vert pour nommer les opérations en cours et récentes de l'économie). Et comme pour ces dernières, les imaginaires sont le terrain sur lequel une part importante de la création d'un marché potentiel se joue <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674088825">via un processus de création d'attentes et de vraisemblance</a>. En témoignent les récentes publicités dans les gares françaises de l'entreprise Meta illustrant sous une forme idéalisée un futur positif du métavers pour différentes situations à forte valeur sociale (apprendre la médecine, étudier l'histoire…)</p>
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<h2>Quels imaginaires?</h2>
<p>Chercher à comprendre les imaginaires traitant des métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction (films, séries, bandes dessinées, comics, animé, mangé, jeux vidéo, œuvres d'art numériques et mèmes), s'avère à ce titre particulièrement important pour clarifier les débats en cours et espérer élaborer un narratif pacifié.</p>
<p>À cette fin, nous avons tenté de comprendre quelles sont les représentations disponibles de cet objet dont les usages et le périmètre sont encore très flous dans la réalité. De <em>Ready Player One</em> à <em>La Matrix</em> en passant par des sources plus artistiques telles qu'Hyper-reality, nous faisons l'hypothèse qu'en l'absence d'une existence formelle des métavers, ce sont les imaginaires qui structurent les visions sociales des possibles consommateurs, mais aussi des concepteurs eux-mêmes, impactant ainsi les développements à venir comme source et comme levier pour promouvoir des narratifs privilégiés par les acteurs en présence.</p>
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<h2>Quand la réalité rattrape la fiction</h2>
<p>Premier élément de preuve : les imaginaires ne sont pas neutres, ils présentent des formes de constance qui balisent un territoire particulièrement limité. Prenons la couleur du métavers. En identifiant des dizaines de milliers de photos rendues disponibles sur des sites dédiés aux arts visuels (de Artstation à Pinterest) puis en procédant à une analyse de type UMAP afin de classer les photos par couleur, on découvre ainsi que le bleu et le violet sont très majoritaires. Et ceci malgré le fait que rien dans les enjeux d'usage ou techniques réels ne viennent justifier ces couleurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489409/original/file-20221012-12-7pqlv6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cartographie d'une dizaine de milliers de photos liées au metavers et agrégation par proximité colorielle.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le métavers des imaginaires est ainsi structuré et fini, ce qui justifie de s'y intéresser, et ce pour principalement deux raisons. Tout d'abord, parce que les fictions présentées permettent de créer ce que l'on appelle des «attentions fictionnelles» qui vont ensuite coordonner l'innovation et qui permettent de générer des attentes au sein d'un marché qui n'existe pas encore. Les travaux de Jens Beckert cités plus haut vont dans ce sens. De ce point de vue, les métavers, par l'ampleur du projet et son caractère à bien des égards programmatique, s'inscrit clairement dans cette logique.</p>
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<p>Ensuite, il fait partie des domaines ou des liens explicites sont réalisés entre la science-fiction et le développement technologique. C'est le principe de ce que nous appelons le «loop looping», qui s'applique à de nombreux domaines (par exemple avec la <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/CP_161.pdf">bombe atomique</a> ou la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02196073/">sphère de Dyson en physique</a>), mais qui est rarement mis en avant. Ici, il est explicité par les acteurs du projet même, qui font volontiers référence à cette préhistoire dans la science-fiction <a href="https://medium.com/the-philosophical-inn/four-shocking-quotes-from-mark-zuckerberg-that-if-you-read-them-will-change-the-way-you-see-c519a903624d">comme une source de stimulation positive</a> : la réalité serait en train de rattraper la fiction.</p>
<p>Selon quelles logiques ces imaginaires sont-ils structurés ? Quels «chemins de dépendances» ont-ils créé et comment préciser la nature de ce territoire fini au sein duquel des futurs possibles se dessinent ? Pour tenter d'avancer en ce sens, nous avons collecté 150 sources, du manga au jeu vidéo en passant par les films et les nouvelles, afin de tenter d'appréhender ce qui y est raconté et identifier les aspects les plus structurants.</p>
<h2>Un métavers spectaculaire</h2>
<p>Le premier élément de l'analyse que nous extrayions concerne le type de technologies qui sert à intermédier l'expérience. Là où un blockbuster tel que <em>Ready Player One</em> présente des joueurs immergés grâce à un casque de réalité virtuelle, les imaginaires nous proposent bien plus souvent des mondes extrêmes, à <em>La Matrix</em> au sein desquels le joueur est totalement déconnecté du monde réel.</p>
<p>Viennent ensuite les projections de type holographique ou de réalité augmentée qui ont l'avantage d'être de jolis artefacts lorsqu'ils sont représentés dans des films.</p>
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<p>Ce caractère spectaculaire, qui n'est pas sans rappeler les publicités fort esthétiques de Meta, masquent en réalité le long processus de domestication de toute technologie telle que des ajustements devront avoir lieu, quoi qu'il arrive, vis-à-vis de ce modèle particulièrement immersif. Il permet toutefois de poser un certain nombre de questions et débats sur ces lignées d'immersion totale, en particulier au regard de la perte des repères ou de la démultiplication des identités très bien mises ne scène dans le film récent <em>Everything Everywhere All at once</em>.</p>
<p>Lorsque l'on met en perspective les technologies proposées avec le type d'usages qui en sont faits, on se rend rapidement compte qu'elles sont fortement intriquées. Le recours à l'hologramme est principalement utilisé pour communiquer ou partager de l'information, tandis que les propositions immersives servent d'échappatoire à la vie réelle ou sont des propositions de type ludiques. La RA ou la RV ont quant à elles des usages beaucoup plus diversifiés que les deux autres technologies.</p>
<p>En ce qui concerne les usages, on constate que le fait d'offrir une réalité alternative pour y vivre ou aller jouer a toujours été récurrent dans les imaginaires. En ce qui concerne la communication, il s'agit d'une pratique qui arrive sur le tard, mais prend son essor à partir des années 2010, accompagnement le développement dans la vie réelle en imaginant simplement de nouveaux supports et usages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489414/original/file-20221012-23-q3sb4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des usages avec le temps.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Que nous racontent ces deux approches ? Du point de vue méthodologique, elles permettent la démarche permet de comprendre les grandes tendances vers lesquels nos imaginaires nous orientent. À ce titre, elle permet d'éclairer les grandes tendances et leurs évolutions.</p>
<p>Ces éléments, mis en perspective avec les annonces régulières des acteurs du métavers, permettent de mettre en perspective la manière dont ce dernier peut réellement advenir, et notamment les lignées faibles et fortes. Si la vision caricaturale et extrême de Meta se retrouve bien dans les enjeux de communication, de jeu et vie courante présents dans les imaginaires, de nombreux petits usages, pourtant prometteurs dans la réalité sont moins présents dans cette analyse quantitative. Sous «remote control», on trouve par exemple toutes les approches visant à mettre en place de la téléopération, du contrôle à distance voir de la production ou de l'apprentissage à distance, qui sont une part moins présentée, mais pour autant clé des usages potentiels du métavers.</p>
<p>Autre limitation de l'approche quantitative : la difficulté à appréhender les contextes et usages présentés de manière fine. À titre d'exemple, le film <em>Virtual Revolution</em> met en scène un monde où des joueurs profitent d'un revenu minimum garanti, et passent leur vie dans le métavers. Ce revenu est payé par les sociétés de production de jeux vidéo qui y trouvent un intérêt et qui remplacent ainsi en partie un état décrépi. Ces spéculations économiques sont passionnantes, mais impliquent de s'immerger totalement pour appréhender les usages et critiques présentés.</p>
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<p>On constate aussi des évolutions temporelles en termes d'usages : de la sexualité à la guerre, les métavers imaginaires préfigurent des usages réels encore en gestation. C'est ainsi que l'analyse des récits imaginaires d'un phénomène technologique peut servir de levier aux nécessaires débats sociaux qui devront avoir lieu pour décider de manière informée des défis qui se jouent dans cette course aux attentions fictionnelles : à la fois prendre du recul avec les évidences que certains tentent d'imposer, et la mise au goût du jour de possibles futurs délaissés, pourtant capables de nous aider à inventer de nouvelles perspectives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Minvielle est membre du comité d'orientation de La Fabrique de la Cité, et co-fondateur du Collectif Making Tomorrow (agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Wathelet est membre fondateur du collectif Making Tomorrow, agence de prospective par le design qui conseille entreprises et collectivités. </span></em></p>Comprendre les imaginaires associés aux métavers au sein de la culture populaire et en particulier la science-fiction permet de mieux comprendre ce qui se joue aujourd'hui.Nicolas Minvielle, Spécialiste du design et de l'innovation, AudenciaOlivier Wathelet, Chercheur intervenant à La Cambre, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818262022-09-20T13:41:27Z2022-09-20T13:41:27ZJetons non fongibles dans le monde de l’art : révolution ou désillusion ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469853/original/file-20220620-14209-o88hmb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C994%2C552&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une large part des créateurs de NFT (jetons non fongibles) sont issus d’une pratique de modélisation 3D, de design graphique, d’animation ou de conception de jeu vidéo.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les NFT ou <em>jetons non fongibles</em> sont des objets numériques qui représentent une chose, par exemple une œuvre d’art, une vidéo, ou même un <a href="https://techno.konbini.com/fr/societe/gavage-jack-dorsey-vend-son-premier-tweet-pour-29-millions-de-dollars/">tweet</a>. Leur particularité est de certifier l’existence et la propriété de cette chose grâce à un enregistrement de données sur une chaîne de blocs (un <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/domaines-connexes/technologies-et-gestion-de-linformation/publications/introduction-a-la-technologie-de-la-chaine-de-blocs">registre numérique distribué et sécurisé</a>).</p>
<p>Depuis l’émergence des NFT en 2016, de nombreux artistes ont expérimenté ce nouveau dispositif numérique pour commercialiser leurs créations. Les NFT s’achètent et se revendent le plus souvent via des sites de mise aux enchères, où les paiements se font en cryptomonnaie (telle la <a href="https://ethereum.org/fr/eth/">monnaie Ether</a>). C’est cette notion de certificat enregistré sur une chaîne de blocs qui distingue le NFT d’une œuvre numérique standard.</p>
<p>Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le discours public et médiatique au sujet des NFT est polarisant : pour les plus enthousiastes, les NFT représentent l’avenir de l’art, alors que pour leurs détracteurs, ils sont une vaste arnaque et un gaspillage d’énergie.</p>
<p>Comment caractériser ce phénomène NFT ? Dans quelle mesure bouscule-t-il les codes établis de l’art contemporain ?</p>
<p>Je propose de faire un bref état de la situation en tant que chercheuse spécialisée en étude des médias et en sociologie de la culture.</p>
<h2>Crypto-évangélistes et crypto-sceptiques</h2>
<p>D’un côté, on trouve un pôle qu’on peut qualifier de <em>crypto-évangéliste</em> : c’est-à-dire un ensemble de discours qui présentent les NFT comme une nouvelle révolution qui va radicalement tout changer.</p>
<p>C’est le discours qui entoure la vente sensationnelle d’une œuvre de l’artiste Beeple (un collage de vignettes créées par logiciel numérique) chez la prestigieuse société de vente aux enchères Christie’s, pour près 70 millions de dollars américains en 2021. Selon les <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/beeple-how-i-changed-the-art-world-for-ever-tggbx99vm">deux principaux acquéreurs</a> de cette œuvre, elle serait « emblématique d’une révolution en marche », et marquerait « le début d’un mouvement porté par toute une génération ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1361670588608176128"}"></div></p>
<p>De l’autre côté, on trouve le <em>crypto-scepticisme</em>. C’est la position de Hito Steyerl, artiste largement reconnue en arts médiatiques. <a href="https://www.holo.mg/stream/hito-stereyl-nfts-like-toxic-masculinity/">Elle estime</a> que les NFT doivent leur développement aux « pires acteurs » qui exploitent la précarité des créateurs, en plus de monopoliser les ressources et l’attention en créant un environnement toxique.</p>
<p>Cette polarisation fait en sorte que le potentiel réel des NFT, tout comme leurs failles, elles aussi bien réelles, tendent à être éclipsés par des positions de principe souvent caricaturales. Il existe pourtant dans cet écosystème des NFT un ensemble de pratiques artistiques riches et plurielles.</p>
<h2>Des scènes créatives en émergence</h2>
<p>Le format NFT constitue résolument une nouvelle forme d’objet à échanger. Il est fondé sur un nouveau type de contrat (dit « intelligent »), lui-même issu de l’innovation de la technologie de la chaîne de blocs. En cela, le format NFT a suscité l’émergence d’une nouvelle scène créative. Ou plutôt de scènes au pluriel, caractérisées par une grande effervescence – et par certaines contradictions.</p>
<p>Les scènes <em>natives</em> du format NFT, c’est-à-dire nées avec l’invention de ce format, se caractérisent par une forte visibilité médiatique, un volume d’investissement financier faramineux, et, pour certains de ses acteurs, une volonté de rebattre les cartes du monde l’art en critiquant son ordre établi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1541993095218307073"}"></div></p>
<p>Une large part des créateurs de NFT sont issus d’une pratique de modélisation 3D, de design graphique, d’animation ou de conception de jeu vidéo. En d’autres termes, du secteur des industries créatives. Ce secteur a généré dans les dernières décennies un très important bassin de compétences, dont le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07053436.2004.10707657">surplus créatif</a> trouve dans le format des NFT un mode d’expression. Mais aussi une source de revenus complémentaires pour faire face aux conditions du travail créatif, souvent précaires.</p>
<p>De très nombreuses figures des scènes natives des NFT sont, pour reprendre le terme anglais du <a href="https://www.cairn.info/outsiders--9782864249184.htm">sociologue H. Becker</a>, des <em>outsiders</em> (des profanes) par rapport aux mondes de l’art établis. C’est-à-dire qu’ils socialisent dans des cercles autres que ceux du monde de l’art institutionnel, et ils en transgressent les règles à de nombreux égards.</p>
<h2>Un monde de l’art plus égalitaire ?</h2>
<p>Le discours des principaux acquéreurs de l’œuvre sensation de Beeple est très éclairant en ce sens. Dans une <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/beeple-how-i-changed-the-art-world-for-ever-tggbx99vm">entrevue</a> accordée au magazine <em>Slate</em>, MetaKovan et Twobadour (deux investisseurs du monde de la crypto, d’origine indienne) font les déclarations suivantes :</p>
<blockquote>
<p>On nous a conditionnés, depuis notre plus jeune âge, à penser que l’art ne nous était pas destiné. […] Nous avons toujours été contre l’idée d’exclusivité. Le métavers est tout ce qu’il y a de plus inclusif. […] Un métavers dans lequel chacun aura les mêmes droits, pouvoirs, sera légitime. […] C’est particulièrement égalitaire.</p>
</blockquote>
<p>Mais entre le discours d’égalitarisme qui est prôné ici, et sa mise en pratique dans les projets de ces deux investisseurs, il y a des contradictions majeures. Par exemple, lors de l’événement d’art technologique <a href="https://www.dreamverse.life/ticketing.html"><em>Dreamverse</em></a> qu’ils ont organisé à New York en 2021, le prix d’entrée à la soirée variait entre 175$ et 2 500$ américains. Un coût inaccessible pour de nombreux amateurs. Cette hiérarchie des prix conduit plutôt à reproduire une logique d’exclusivité pour les plus fortunés.</p>
<h2>Des musées frileux</h2>
<p>L’écart entre la valorisation marchande des NFT et leur valorisation muséale est sans précédent. La première atteint des sommets inégalés, tandis que l’autre touche encore le fond. En effet, le collectionnement de NFT par des musées reste, à ce jour, une pratique très marginale. Seule une poignée de NFT est intégrée dans des collections muséales. Certains sont acquis à la suite d’une exposition dans un musée, où ils sont présentés sur des écrans numériques accrochés au mur.</p>
<p>Un des facteurs de ce déficit de légitimité culturelle tient au processus de désintermédiation (élimination des intermédiaires) et réintermédiation (introduction de nouveaux intermédiaires) qui caractérise le monde des NFT. C’est-à-dire que dans son élan disruptif (tout changer, rebattre les cartes), la « révolution » proclamée des NFT s’est coupée d’une chaîne d’intermédiaires légitimes bien établis : les galeristes, commissaires, critiques d’art, collectionneurs conventionnels, subventionneurs publics.</p>
<p>Elle les a remplacés par de nouveaux intermédiaires – en premier lieu, des « baleines » : autrement dit des investisseurs ayant fait fortune dans la cryptomonnaie, ou encore des célébrités du monde de la culture populaire. Ces nouveaux intermédiaires surinvestissent en capital financier la production de NFT, dans le but de gagner une position de prestige comme collectionneur, ou de s’enrichir en faisant monter la valeur des œuvres. Mais il leur manque bien souvent le capital social et le capital culturel pour trouver une voie d’accès vers les musées, leurs espaces d’exposition et leurs collections.</p>
<h2>À la recherche d’une légitimité</h2>
<p>Ces œuvres sont toutefois accessibles au public, puisque tous les NFTs sont librement consultables sur le portefeuille électronique de leurs acquéreurs. Certains collectionneurs achètent des œuvres seulement pour spéculer. D’autres gagnent en visibilité en exposant leurs NFTs dans un métavers (un monde virtuel) comme <a href="https://decentraland.org/">Decentraland</a>, un des plus connus, ou <a href="https://www.tryspace.com/">Space</a>, un nouveau venu.</p>
<p>Et pour d’autres encore, la quête de légitimité va plus loin : au printemps 2022, un groupe d’artistes, de commissaires d’art, de collectionneurs et de plates-formes de NFT ont organisé un <a href="https://decentralartpavilion.io/">Decentral Art Pavilion</a>, en parallèle de la Biennale de Venise de 2022. Restée hors du programme officiel, l’exposition avait pour ambition de positionner les NFTs dans l’orbite de ce rendez-vous incontournable de l’art contemporain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1527990090319790080"}"></div></p>
<p>Mais la présence des NFTs est restée marginale dans cette édition de la biennale. Seul le <a href="https://www.labiennale.org/en/art/2022/cameroon-republic">pavillon du Cameroun</a> a exposé des NFTs sous la houlette d’un commissaire à la <a href="https://www.lejournaldesarts.fr/le-pavillon-du-kenya-la-biennale-de-venise-represente-par-six-artistes-chinois-125043">réputation sulfureuse</a>, avec un résultat décevant (manque de cohérence, accrochage négligé).</p>
<p>La reconnaissance des NFTs par le monde de l’art consacré passera peut-être plutôt par des chemins de traverse, comme les pratiques plus expérimentales présentées à la <a href="https://documenta-fifteen.de/en/">documenta de Kassel</a> cette année (un autre évènement phare d’art contemporain), ou les revendications d’artistes des pays en développement, comme le projet <a href="https://balot.org/">Balot</a>, qui utilise le format NFT pour critiquer l’appropriation d’une œuvre originaire du Congo par un musée américain.</p>
<p>Une reconnaissance par les marges donc, mais dans ces derniers cas, ce sont des marges plus facilement intégrables par le milieu de l’art établi, car elles en partagent les codes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181826/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les créateurs d’œuvres d’art NFT (œuvres sur la chaîne de blocs) s’organisent en nouvelles scènes artistiques, mais elles sont encore en quête de légitimation culturelle, et les musées restent frileux.Nathalie Casemajor, Professeure, Institut National de la Recherche Scientifique, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Sophie Herrmann, Étudiante au doctorat, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1902022022-09-14T18:06:05Z2022-09-14T18:06:05ZDécryptage : Métavers, à l’aube d’une nouvelle économie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483481/original/file-20220908-2774-nldouv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=423%2C82%2C1621%2C901&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est maintenant possible de promener son avatar au Metaverse Festival.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Duncan Rawlinson / FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alerte ! Depuis janvier, les prix de l’immobilier sont en <a href="https://www.forbes.com/sites/davidwestenhaver/2022/08/14/metaverse-real-estate-under-water/?sh=7577f92760c9">chute</a> de 85 %. Les acheteurs qui – comme le rappeur Snoop Dog – se pressaient hier pour acquérir des propriétés en vue, se sont envolés. La crise, liée aux fluctuations des cryptomonnaies, ne touche pas New York, Paris ou aucune autre ville, mais un espace virtuel, <em>The Sandbox</em>.</p>
<p>Ce monde en ligne, où marques et célébrités se pressent, fait partie d’un nouvel univers en gestation. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">métavers</a> promet d’ajouter une troisième dimension à l’Internet. Certains y voient un cauchemar dystopique. D’autres imaginent un futur paradis entrepreneurial, à la source d’une nouvelle révolution industrielle. Mark Zuckerberg figure parmi les plus enthousiastes : Facebook, l’entreprise qu’il dirige, a entamé sa mue en Meta l’an passé et se voit en leader du secteur. À ce stade, l’économie de ce « méta-univers » en construction reste cependant davantage une promesse qu’une réalité.</p>
<h2>L’ébauche d’une nouvelle économie virtuelle</h2>
<p>La galaxie Meta/Facebook n’est qu’une composante de ce que pourrait devenir cet univers virtuel. Google et Microsoft, <a href="https://www.forbes.com/sites/jackkelly/2022/01/21/the-metaverse-set-off-a-battle-between-tech-giants-google-apple-microsoft-and-meta-to-build-virtual-and-augmented-reality-headsets/?sh=6128dfce239c">entre autres</a>, y ont annoncé des plans d’investissement massifs. Il se murmure qu’Apple aurait aussi des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-08-28/what-will-apple-call-its-ar-vr-headsets-reality-one-reality-pro-names-emerge">projets</a> dans ce domaine.</p>
<p>Les développeurs de jeux vidéo n’ont, eux, pas attendu les géants du secteur technologique : Roblox, Decentraland et Epic Games (le studio qui développe <em>Fortnite</em>) proposent déjà des mondes virtuels comparables à <em>The Sandbox</em>, où l’on peut se retrouver, créer, jouer, assister à un <a href="https://www.rollingstone.co.uk/music/music-metaverse-are-we-on-brink-virtual-artist-revolution-14437/">concert</a> et, demain peut-être, <a href="https://hbr.org/2022/04/how-the-metaverse-could-change-work">travailler</a>, collaborer et s’instruire. Ils s’appuient sur des « équipementiers », comme Nvidia et Unity Software, qui en développent l’infrastructure technique, matérielle et logicielle.</p>
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<p>Mais qu’est-ce que le métavers ? Faute d’une définition qui fasse référence, on peut tenter d’en esquisser a minima les contours. Le métavers offre à ses utilisateurs une expérience incarnée, en temps réel, dans des mondes virtuels persistants en trois dimensions. Chacun de ces mondes accueille des visiteurs, habituellement représentés sous la forme d’avatars qui peuvent interagir avec d’autres participants et des intelligences artificielles.</p>
<p>La nature de ces mondes permet l’émergence de droits de propriété, sécurisés par des protocoles de chaînes de blocs (<em>blockchain</em>). On peut ainsi y acheter des objets, comme des vêtements de marques pour habiller ses avatars, des terrains pour y construire des habitations et des œuvres d’art pour les décorer. Des <a href="https://theconversation.com/working-in-the-metaverse-what-virtual-office-life-could-look-like-180444">bureaux</a> et <a href="https://www.cnet.com/tech/computing/features/shopping-in-the-metaverse-could-be-more-fun-than-you-think/">espaces commerciaux</a> y sont déjà ouverts. Les grandes marques y expérimentent de nouvelles offres. Certains estiment que ces nouveaux territoires, aussi vierges que virtuels, pourraient à terme donner naissance à une nouvelle économie dont les <a href="https://www.wsj.com/articles/metaverse-spending-to-total-5-trillion-in-2030-mckinsey-predicts-11655254794">revenus</a> se chiffreraient en trillions d’euros.</p>
<h2>Une aventure aussi prometteuse qu’incertaine</h2>
<p>Il est encore trop tôt pour accorder du crédit à ces estimations : l’économie du métavers n’a guère dépassé le stade du prototype. Le potentiel est néanmoins suffisant pour attiser toutes les convoitises. À commencer par les acteurs du capital-risque qui ont <a href="https://news.crunchbase.com/start-up/metaverse-start-up-funding-investors/">investi</a> en 2021 plus de 10 milliards de dollars dans des entreprises du secteur.</p>
<p>Ce projet démiurgique suscite en effet les espoirs entrepreneuriaux les plus fous et fascine les technophiles. Les amateurs de science-fiction se souviennent toutefois que le terme « metaverse » est né en 1992 de la plume de Neal Stephenson dans un roman d’anticipation dystopique, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Snow_Crash">Snow Crash</a>. Nombreux sont ceux qui expriment la crainte de potentielles dérives et addictions. Alors qu’Internet a été pensé dès l’origine comme un réseau ouvert, le métavers émerge aujourd’hui sous la forme de mondes propriétaires qui s’autorégulent. Les modes de gouvernance de ces nouveaux espaces d’interactions sociales et d’échanges économiques restent à définir.</p>
<p>Il incombe aux architectes du métavers de démontrer son utilité. La tâche est d’autant plus délicate que l’expérience demeure aujourd’hui inaccessible au plus grand nombre. Il faut aujourd’hui, pour faire ses premiers « pas » dans le métavers, un casque de réalité virtuelle, aussi coûteux qu’encombrant. Un Meta Quest 2, le leader actuel du marché, coûte à ce jour autour de 450 euros. Un obstacle pratique et financier considérable pour le consommateur moyen.</p>
<p>D’autres pistes sont cependant explorées, comme l’interaction holographique (voir, par exemple, le projet <a href="https://blog.google/technology/research/project-starline/">Starline</a> de Google). Demain, d’autres interfaces permettront peut-être d’accéder au métavers. Souvenons-nous qu’Internet a pris une autre dimension quand les écrans tactiles des smartphones ont supplanté les souris et les claviers.</p>
<h2>D’une galaxie à l’autre</h2>
<p>Autre obstacle de taille, les quelques mondes virtuels accessibles à ce jour sont hermétiquement clos. Un avatar Meta ne peut voyager chez Roblox – et vice versa. Pour émerger, un métavers unifié requiert une forme d’interopérabilité entre les galaxies qui le composent. L’enjeu est majeur : une paire de <a href="https://www.cnbc.com/2021/12/14/nike-buys-virtual-sneaker-maker-rtfkt-in-metaverse-push.html">Nike</a> en pixels a une tout autre valeur si votre avatar peut l’emporter d’un monde virtuel à l’autre. Nul ne sait exactement comment cela pourrait se matérialiser mais les discussions visant à définir les <a href="https://techcrunch.com/2022/06/21/metaverse-standards-forum-meta-microsoft-nvidia-unity/">standards</a> du métavers ont commencé.</p>
<p>À l’échelle mondiale, c’est ainsi une course à l’innovation tous azimuts qui est lancée. Malmenée par les marchés financiers, l’industrie technologique a trouvé dans le métavers un nouveau narratif de croissance. Dans les grandes entreprises, les stratèges sont sur le qui-vive, à l’affût d’opportunités nouvelles mais aussi de potentielles innovations de rupture qui pourraient bouleverser leurs métiers.</p>
<p>Les plus audacieux ont d’ores et déjà commencé l’exploration, participant de fait à la construction du métavers. De grands noms comme Adidas, Carrefour, Gucci et Samsung ont ainsi annoncé avoir acquis des espaces dans <em>The Sandbox</em>. Pour ces pionniers, l’aventure promet d’être aussi excitante qu’incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190202/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jourdan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses entreprises commencent à investir des mondes virtuels dont l’économie constitue aujourd’hui davantage une promesse qu’une réalité.Julien Jourdan, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1780562022-09-06T21:40:04Z2022-09-06T21:40:04ZLes influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468865/original/file-20220614-24-k96oui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Miquela Sousa, plus connue sous le nom de Lil Miquela se présente comme un robot de 19 ans qui vit à Los Angeles sur son compte Instagram (source : @lilmiquela)</span> </figcaption></figure><p>Si certains acteurs, chanteurs, sportifs, ou présentateurs sont considérés comme des valeurs sûres en termes d'influence et attirent de nombreuses marques, même les stars internationales dotés d'une très bonne image peuvent tomber de leur piédestal du jour au lendemain. Les influenceurs - au sens large du terme - sont en effet régulièrement <a href="https://www.liberation.fr/societe/petite-galerie-des-influenceurs-a-scandale-20220729_M2PDR4QKO5BE3NKXHVDFS5T3EE/">impliqués dans toutes sortes de scandales</a>. </p>
<p>Ce fut le cas de Will Smith après la gifle qu’il a donnée à Chris Rock en direct lors de la Cérémonie des Oscars. <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/will-smith-netflix-apple-et-sony-se-retirent-de-plusieurs-films-de-l-acteur-39940111.htm">Sony, Netflix et Apple TV+ ont immédiatement annulé ou retardé leurs projets</a> avec l’acteur dont <a href="https://www.lefigaro.fr/cinema/la-cote-de-popularite-de-will-smith-en-chute-libre-depuis-la-gifle-des-oscars-20220823">la cote de popularité s’est effondrée</a>. A noter cependant que Will Smith n’a pas perdu de followers et que son compte Instagram est même passé de 59 à 64 millions d’abonnés depuis l’incident.</p>
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<figcaption><span class="caption">Will Smith présente ses excuses à Chris Rock pour l'avoir giflé.</span></figcaption>
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<p>Face aux <a href="https://webtribe-studio.com/scandale-logan-paul-responsabilites-influenceurs-envers-audience/">dangers liés à la réputation et au comportement</a> des influenceurs « réels », les influenceurs virtuels apparaissent comme une solution efficace, car ils accomplissent des missions similaires sans exposer aux mêmes risques. Le phénomène des influenceurs virtuels prend de plus en plus d’ampleur et semble être privilégié par certaines entreprises. Plus fiables, moins chers, toujours disponibles, les influenceurs virtuels sont aussi <a href="https://www.20min.ch/fr/story/ces-influenceurs-100-virtuels-qui-cartonnent-et-rapportent-gros-210019795260">incroyablement populaires et réalisent des performances remarquables</a> auprès des consommateurs. Ils permettent aux marques d’être plus créatives tout en maîtrisant totalement le contenu.</p>
<h2>Des entités numériques sociales et intelligentes</h2>
<p>Un influenceur virtuel est un personnage numérique créé grâce à des logiciels de <a href="https://www.proquest.com/openview/a1cc4128fdb0ab576db50f57102787ee/1?pq-origsite=gscholar&cbl=5444811">design graphique 3D, de simulation et d’animation</a>. Il n’a donc pas d’existence physique, même si la <a href="https://www.virtualhumans.org/human/barbie">Barbie virtuelle</a> constitue une exception. La puissance du storytelling et du feuilletonnage est mise au service de l’influence via ces personnages de fiction. <a href="https://jai-un-pote-dans-la.com/avatars-influenceurs-virtuels-opportunites-marques/">L’intelligence artificielle</a> leur permet de simuler une vie réelle, une personnalité et des interactions qui paraissent naturelles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">Les nouvelles créatures d’Instagram, ou quand la science-fiction rejoint la réalité</a>
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<p>Les influenceurs virtuels sont <a href="https://jai-un-pote-dans-la.com/avatars-influenceurs-virtuels-opportunites-marques/">comme des héros de séries ou de mangas</a> qui fascinent leurs followers auxquels ils font vivre leurs aventures. Ils s’appuient à la fois sur les codes de Netflix, de la téléréalité, et des magazines people, le tout associé à une parfaite maîtrise des réseaux sociaux. On peut regarder leurs clips musicaux ou leurs concerts, les voir prendre leur petit déjeuner avant d’aller à un événement, ou faire des essayages et des défilés de mode. Certains aiment les sports extrêmes, les jeux vidéo, ou les voyages.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment créer un influenceur virtuel ?</span></figcaption>
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<p>Les détails de leur vie imaginaire, très réaliste sur le long terme, permettent de <a href="https://aisel.aisnet.org/ecis2022_rip/32/">générer un attachement et une identification durable</a>. Les influenceurs virtuels humanoïdes dont la vie correspond à celle des méga-influenceurs humains et qui maîtrisent les codes de TikTok et Instagram apparaissent <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4145550">crédibles et experts grâce à leur anthropomorphisme</a>. Ils parviennent à créer de la proximité et à gagner la confiance de leurs abonnés.</p>
<h2>Les influenceurs virtuels les plus connus</h2>
<p>La grande majorité des influenceurs virtuels sont de jeunes influenceuses à l’apparence humaine auxquelles il est possible de s’identifier et avec lesquelles <a href="https://www.futuria.io/post/influenceurs-virtuels-sur-instagram-le-marketing-du-futur">se crée un attachement socio-émotionnel</a>. Elles ont des goûts, des valeurs, et des expériences nourries par le storytelling de leurs créateurs.</p>
<p>La plus suivie du monde est Lu do Magalu, la porte-parole <a href="https://www.magazineluiza.com.br/">du groupe brésilien de grande distribution Magalu</a> qui possède 1477 magasins physiques Magazine Luiza. Depuis 2009, l’égérie cumule 24 millions de followers à travers les différents réseaux sociaux où elle partage son mode de vie et ses coups de cœur. <a href="https://www.youtube.com/c/magazineluiza/featured">Ses vidéos YouTube</a> d’unboxing, de conseils pratiques ou de gaming cumulent plus de 300 millions de vues, même si leur audience reste limitée au Brésil. Lu apparaît également sur le site d’e-commerce, l’application de vente en ligne et la marketplace où elle « incarne » la relation client.</p>
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<p><a href="https://www.instagram.com/imma.gram/?hl=fr">Imma Gram</a> est considérée comme le premier mannequin virtuel. Créée en 2018 au Japon, elle a fait la couverture de nombreux magazines de mode et a travaillé pour des marques telles que Dior, Valentino, Nike, Puma, Ikea et Amazon. Sollicitée par de nombreux artistes et start-ups, elle est une actrice majeure de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Gaming-et-metaverses-les-nouveaux-horizons-virtuels-majeurs-de-la-mode-et-du-luxe,1291262.html">la <em>virtual fashion</em></a>, c’est-à-dire de la mode qui n’existe que dans le cyberespace. Imma est hyperréaliste car sa modélisation très détaillée dans des mises en scènes de la vie quotidienne la rend difficile à différencier d’une vraie personne. Elle a même une famille et un chien. L’entreprise qui l’a développée – ModelingCafe Inc. spécialisée dans les images de synthèse pour les jeux vidéo et les films – fait tout pour qu’on oublie qu’elle est un personnage numérique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Imma est l'ambassadrice de la plus grande marque chinoise d'eau gazeuse, Watson’s.</span></figcaption>
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<p>Créée en avril 2016, <a href="https://www.instagram.com/lilmiquela/">Lil Miquela est apparue sur Instagram</a> comme n’importe quelle influenceuse californienne de 19 ans… mais elle ne vieillit pas. Lil Miquela a une apparence extrêmement réaliste et se vexe si on dit qu’elle n’existe pas ; elle est dotée d'une personnalité très extravertie et n’hésite pas à afficher ses opinions.</p>
<p>Cette activiste défend la diversité sous toutes ses formes, milite pour les droits des femmes et ceux des robots, lutte contre le racisme, les discriminations et les violences policières, et encourage ses followers à faire des dons pour des associations et à aller voter. C’est une artiste musicale qui a une vie sociale et sentimentale avec des influenceurs soit virtuels, soit réels, et a participé <a href="https://www.lesinrocks.com/actu/miquela-sousa-linvitee-star-du-defile-prada-est-un-robot-136322-27-02-2018/">aux campagnes de communication de Prada</a> et <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/cette-pub-calvin-klein-avec-bella-hadid-qui-embrasse-lil-miquela-passe-mal_145424.html">Calvin Klein</a>.</p>
<p>Parmi les autres influenceuses virtuelles les plus connues, on trouve <a href="https://www.instagram.com/bermudaisbae/?hl=fr">Bermuda</a>, <a href="https://www.instagram.com/noonoouri/?hl=fr">Noonouri</a>, <a href="https://www.instagram.com/zoedvir/?hl=fr">Zoe Dvir</a>, <a href="https://www.instagram.com/itsellastoller/?hl=fr">Ella Stoller</a>, <a href="https://www.instagram.com/pippapei/?hl=fr">Pippa Pei</a>, <a href="https://www.instagram.com/ai_angelica/?hl=fr">Ai Angelica</a>, <a href="https://www.instagram.com/leyalovenature/?hl=fr">Leya Love</a>, <a href="https://www.instagram.com/esther.olofsson/?hl=fr">Esther Olofsson</a>, <a href="https://www.instagram.com/shudu.gram/?hl=fr">Shudu Gram</a>, <a href="https://www.instagram.com/thalasya_/?hl=fr">Thalasya Pov</a> et <a href="https://www.instagram.com/itsbinxie/?hl=fr">Binxie</a>. Bien que moins nombreux et populaires, des influenceurs virtuels masculins existent également comme <a href="https://www.instagram.com/knoxfrost/?hl=fr">Knox Frost</a>, <a href="https://www.instagram.com/pol.music.txe/">Pol Songs</a>, <a href="https://www.instagram.com/koffi.gram/?hl=fr">Koffi Gram</a> et <a href="https://www.instagram.com/blawko22/?hl=fr">Ronald F. Blawko</a> alias Blawko22.</p>
<h2>Trouver l’équilibre entre réalisme et étrangeté</h2>
<p>Pour être acceptés par le consommateur et créer un lien émotionnel, les influenceurs virtuels sont très majoritairement anthropomorphes dans leur apparence, leur personnalité et leur comportement. Les performances de la modélisation 3D et de l’intelligence artificielle les rendent difficiles à identifier comme virtuels. Cependant, un degré de réalisme trop élevé a un impact négatif, selon <a href="https://journals.openedition.org/gradhiva/2311">la théorie de la vallée de l’étrange du roboticien Masahiro Mori</a> : une trop grande ressemblance d’un robot, ou ici d’une intelligence artificielle, avec un humain est gênante et même angoissante.</p>
<p>Dans le contexte de l’influence virtuelle, ce sentiment de rejet va totalement à l’encontre de l’objectif recherché. L’interaction avec des abonnés et consommateurs potentiels <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1071581921001129">génère des réactions négatives qui peuvent tourner au <em>bad buzz</em></a>. Pour contrer ce phénomène, les influenceurs bio-digitaux cultivent une certaine ambiguïté sur leur véritable nature, ce qui leur donne une aura mystérieuse.</p>
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<figcaption><span class="caption">Miquela raconte sa vie comme si elle était une vraie pop star.</span></figcaption>
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<p>S’il peut parfois y avoir une réaction négative de dégoût, ou même de peur lors des premières interactions avec un influenceur virtuel, cette perception évolue positivement avec l’expérience et une exposition régulière à ces personnages numériques. <a href="https://www.nowadaysagency.com/blog/influenceur-virtuel">L’influenceur virtuel devient rassurant pour ses abonnés comme pour les annonceurs</a> car il est idéalisé et ne peut pas entrer dans les mêmes dérives qu’un humain. L’esthétique de l’influenceur et la qualité du contenu qu’il diffuse sont extrêmement soignées, à <a href="https://www.sweetpunk.com/news/kim-k-vs-lil-miquela-le-futur-de-linfluence-se-conjugue-en-pixels/">la recherche d’une forme de perfection au fort pouvoir de séduction</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/instagram-twitch-tiktok-six-regles-dor-pour-devenir-un-influenceur-a-succes-160810">Instagram, Twitch, TikTok… Six règles d’or pour devenir un influenceur à succès</a>
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<p>D’autres influenceurs virtuels se différencient des humains avec une apparence plus proche d’un personnage d’animé ou de comics, comme <a href="https://www.youtube.com/c/ArviLeRenard">Arvi le renard bleu</a> et <a href="https://www.tiktok.com/@fnmeka?lang=fr">FN Meka le robot rappeur</a>. Cependant, même un personnage qui n’a pas une apparence humaine vivra des situations et aura des valeurs et des références qui sont familières aux utilisateurs des réseaux sociaux et auxquelles ils s’identifieront facilement. Voir l’influenceur virtuel effectuer des activités quotidiennes, fréquenter des lieux connus, et interagir avec des célébrités renforce sa crédibilité.</p>
<h2>Des supers-pouvoirs très avantageux</h2>
<p>Le taux d’engagement des influenceurs virtuels est <a href="https://hypeauditor.com/blog/the-top-instagram-virtual-influencers-in-2020/">presque trois fois plus élevé</a> que celui des influenceurs humains. L’audience des influenceurs virtuels est <a href="https://comarketing-news.fr/influenceurs-quand-le-virtuel-a-plus-dimpact-que-le-reel/">composée à 45% de femmes entre 18 et 34 ans qui constituent leur cœur de cible</a>. Les adolescentes entre 13 à 17 ans représentent environ 15%, soit deux fois plus que pour les influenceurs réels.</p>
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<figcaption><span class="caption">Rae, une adolescente virtuelle se promène au centre commecial CapitaLand.</span></figcaption>
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<p>Paradoxalement, le fait de savoir que l’influenceur virtuel est une création numérique le rend plus authentique et sincère d’un influenceur humain qui se met en scène et monétise son discours et ses actions. Cette honnêteté apparente s’appuie sur la connivence entre l’influenceur virtuel et ses abonnés qui savent qu’il est virtuel mais qui se laissent prendre au jeu. <a href="https://www.sweetpunk.com/news/kim-k-vs-lil-miquela-le-futur-de-linfluence-se-conjugue-en-pixels/">La qualité du <em>storytelling</em> et la cohérence de la ligne éditoriale</a> parviennent à faire oublier que l’histoire de l’influenceur virtuel est inventée. Les internautes interagissent avec lui comme avec une vraie personne.</p>
<p>Un influenceur virtuel n’a pas les limitations associées à une existence physique. Il peut être actif 24H/24, 7J/7, pour développer <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/14614448221102900">une relation para-sociale encore plus puissante</a> que celle entretenue par les spectateurs d’une série ou d’une émission avec leurs héros ou présentateurs préférés. L’intelligence collective du groupe de personnes qui gère l’influenceur virtuel le rend authentique et accessible. L’apparence plus ou moins réaliste de l’influenceur ne semble pas impacter significativement la qualité de la relation <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00332747.1956.11023049">perçue comme amicale et réciproque</a>, même si le sentiment d’identification est moins fort.</p>
<p>L’influenceur virtuel n’a pas de saute d'humeur, de propos déplacés ou de comportement inapproprié, sauf si on le programme pour. Le baiser entre Lil Miquela et la mannequin Bella Hadid pour une publicité Calvin Klein a été très critiqué par la communauté LGBTQIA+ qui y a vu une instrumentalisation purement commerciale sans aucune sincérité. <a href="https://www.thecut.com/2019/05/bella-hadid-lil-miquela-calvin-klein-apology.html">La marque a dû publier un communiqué pour s’excuser</a>.</p>
<p>Un autre avantage est qu’un influenceur virtuel peut parler toutes les langues et adapter son style d’influence au contexte socio-culturel. Il est donc possible et même souhaitable d’avoir plusieurs versions ou déclinaisons d’un influenceur, parfois présentés comme des amis ou des frères et sœurs, qui interagissent les uns avec les autres d’un pays à l’autre.</p>
<h2>De puissants alliés des marques pour conquérir le métavers</h2>
<p>Les influenceurs virtuels sont particulièrement utilisés dans le luxe, la mode, les cosmétiques, l’équipement et le tourisme. Ces secteurs nécessitent une maîtrise rigoureuse de l’image et reposent sur des codes très spécifiques. <a href="https://www.grazia.fr/beaute/tendances-beaute/dior-beaute-choisit-noonoouri-une-influenceuse-virtuelle-comme-nouvelle-egerie-133139.html">Noonoouri est ainsi devenue l’égérie virtuelle de Dior</a>. <a href="https://gensdinternet.fr/2021/11/15/pour-son-parfum-prada-sinspire-de-tiktok-et-soffre-une-nouvelle-influenceuse/">Prada a choisi de créer sa propre ambassadrice virtuelle, Candy</a>, qui apparaît dans des courts métrages réalisés par Nicolas Winding Refn, connu pour avoir réalisé le film <em>Drive</em> avec Ryan Gosling. D’autres secteurs plus technologiques comme la téléphonie ou l’automobile sont également cohérents avec l’univers des influenceurs virtuels comme avec <a href="https://www.cbnews.fr/marques/image-liv-ambassadrice-virtuelle-renault-kadjar-40621">l’ambassadrice virtuelle Liv du Renault Kadjar</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">Univers parallèles et mondes virtuels : la guerre des métavers est commencée</a>
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<p>L’influence virtuelle donne aux entreprises qui y recourent une dimension moderne et innovante. Elle rajeunit l’image de marque et est encore très différenciante. Alors que <a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">la guerre des métavers est commencée</a> entre des groupes comme Meta, Google, Apple, Amazon, Microsoft, Sony, Alibaba, Nvidia, ou Ubisoft, la présence des marques dans ces univers virtuels est cruciale pour leur pérénité et leur développement. Les influenceurs virtuels sont une des armes qui leur permettront de les conquérir.</p>
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<p><em>Merci à Chloé Brasile, étudiante du MS Communication d'Entreprise à NEOMA, dont j'ai dirigé la Thèse Professionnelle sur « Les impacts des influenceurs virtuels sur les consommateurs ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus fiables, moins chers, toujours disponibles, les influenceurs virtuels sont aussi incroyablement populaires et rencontrent un franc succès auprès des consommateurs.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865282022-08-18T17:36:38Z2022-08-18T17:36:38ZSérie vidéo : Métavers, le gouffre énergétique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475449/original/file-20220721-14484-pc9lbv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">illustration</span> </figcaption></figure><p>2021, Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, annonce qu’il souhaite créer un métavers. Dans ce docufiction, Gaïa, une jeune fille achète un casque de réalité virtuelle afin de découvrir ce nouveau monde. Finira-t-elle bloquée dans le métavers ? Une métaphore de notre société bloquée dans un système aux impacts environnementaux désastreux, constitué d’un acteur discret mais majeur : le numérique.</p>
<p>Fabrice Flipo, historien des sciences et techniques à l’Institut Mines-Télécom Business School nous donne les clés pour comprendre ces impacts.</p>
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<figcaption><span class="caption">Métavers, le gouffre énergétique.</span></figcaption>
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<p><em>Un film réalisé par Marie Origas et Nawel Boulmane.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186528/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le numérique a bien une réalité physique et un impact majeur sur l’environnement.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1757952022-05-06T12:46:22Z2022-05-06T12:46:22ZMétavers : une dystopie sur les villes de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446846/original/file-20220216-21-1sbbhv8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C791%2C445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un avenir marqué par le métavers risque de changer fondamentalement comment l'on opère au quotidien.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:10%27000_moving_cities_V3,_net-and-telepresence-based_installation,_2015.jpg">Marc Lee/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Plusieurs compagnies, dont <a href="https://www.reuters.com/technology/apple-teases-metaverse-ar-plans-stock-jumps-2022-01-28/">Apple</a> et Microsoft, font le pari que le monde de demain se vivra, en tout ou en partie, dans le métavers. Microsoft a d’ailleurs récemment fait l’acquisition du géant du jeu vidéo Activision Blizzard pour <a href="https://bgr.com/business/microsoft-is-buying-activision-blizzard-for-68-7-billion/">68,7 milliards de dollars américains</a>.</p>
<p>À l’heure où de plus en plus d’activités sociales et culturelles prennent place dans cet univers virtuel, poussons la réflexion à l’extrême : si les citadins de demain préconisent le métavers aux infrastructures réelles, à quoi vont ressembler, et même servir, les villes du futur ?</p>
<p>Professeurs en environnement urbain et en culture numérique, respectivement, nous proposons de réfléchir à cette question, en explorant comment le métavers pourrait changer profondément nos rapports quotidiens aux espaces urbains.</p>
<p>Cette vision peut paraître dystopique, certes, mais amusons-nous à imaginer ce monde futuriste.</p>
<h2>De science-fiction à réalité</h2>
<p>Le terme « métavers » vient non pas des sciences et de la technologie, mais plutôt de la science-fiction. Neal Stephenson <a href="https://www.axios.com/metaverse-creator-neal-stephenson-facebook-name-change-a4259282-5016-4c67-a7ae-b0eb381a7773.html">l’invente en 1992</a>, dans son roman « Snow Crash », pour désigner un environnement urbain virtuel et dystopique.</p>
<p>Stephenson nous présente le métavers sous la forme d’un très long boulevard généré par de puissants ordinateurs. Celui-ci est contrôlé par le <em>Global Multimedia Protocol Group</em>, qui gère les permis de construction et réglemente le zonage délimitant les frontières des commerces, des parcs et espaces publicitaires. Ces espaces, loués ou achetés par de grandes corporations, font du métavers un environnement urbain virtuel entièrement contrôlé par des intérêts privés : ceux des géants des technologies numériques.</p>
<h2>Environnements urbains virtuels : à vos casques !</h2>
<p>Trente ans après la publication du roman de Stephenson, les enjeux relevant de la science-fiction laissent entrevoir de nouvelles réalités ainsi que de nouveaux défis urbains. Nous dépensons présentement des sommes énormes pour rendre nos villes plus équitables, durables, et viables ; mais à quoi vont servir ces investissements si les citadins de demain ne vivent la ville que de façon virtuelle ?</p>
<p>Commençons par les activités sociales. Si nous basculons vers le métavers, plusieurs points d’attraction urbains, tels les <a href="https://www.boxofficepro.fr/un-premier-cinema-dans-le-metaverse/">cinémas</a>, les <a href="https://www.forbes.com/sites/masonbissada/2022/02/09/mcdonalds-files-trademark-for-metaverse-based-virtual-restaurant/">restaurants</a>, et les musées et monuments historiques, verront une chute de la clientèle franchissant leurs portes. Déjà, <a href="https://www.provideocoalition.com/eternal-notre-dame-visit-the-cathedral-in-vr/">on peut visiter de nombreux musées virtuellement</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’expérience de réalité virtuelle « Éternelle Notre-Dame » a été lancée à Paris en janvier dernier, et permet de visiter la célèbre cathédrale.</span></figcaption>
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<p>L’afflux croissant aux portes du métavers demandera une augmentation importante des fonds requis pour l’achat de terrains et l’entretien d’infrastructures. Les environnements bâtis ont beau être virtuels, leurs coûts – autant en termes <a href="https://www.ledevoir.com/economie/663705/metavers-ruee-vers-le-marche-immobilier-virtuel">monétaires</a> qu’en termes <a href="https://datacenterfrontier.com/the-metaverse-will-need-a-lot-of-data-centers/">énergétiques</a> et <a href="https://reporterre.net/Les-metavers-mondes-virtuels-pollution-reelle">environnementaux</a>, sont quant à eux bien réels et ne cessent de croître. Ces fonds risquent-ils d’être prélevés de budgets dédiés auparavant à des lieux et environnements physiques ? Nos gouvernements, à l’instar de ceux de <a href="https://www.reuters.com/markets/funds/saudi-arabia-announces-64-billion-investments-future-tech-2022-02-01/">l’Arabie saoudite</a> ou de la <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-10/korea-s-200-billion-wealth-fund-bets-on-metaverse-ai-start-up">Corée du Sud</a>, se mettront-ils à investir dans des <a href="https://venturebeat.com/2021/11/18/the-metaverse-is-infrastructure/">infrastructures</a> et <a href="https://www.benzinga.com/markets/cryptocurrency/21/12/24511345/what-cities-and-countries-are-betting-on-the-metaverse">parcelles</a> de villes virtuelles ?</p>
<p>Dans les années à venir, d’autres activités sociales telles que prendre un café ou une bière entre amis auront peut-être lieu en ligne. Non seulement ces rendez-vous virtuels permettront d’éliminer la contrainte de distance, et donc de réduire notre interaction avec les infrastructures de transports urbains, mais ils permettront aussi de choisir l’emplacement, n’importe où sur la « planète », des rencontres.</p>
<p>Par exemple, un café matinal entre collègues dans le jardin virtuel de la tour Eiffel pourrait laisser place, le soir venu, à des festivités autour d’un match du Super Bowl en réalité augmentée. Ce dernier sera visible de près et s’offrira sous des angles changeant en un tour de main. La compagnie Microsoft nous propose déjà cette vision du spectacle sportif du futur avec le casque de réalité augmentée <a href="http://vrworld.com/2016/02/05/see-microsofts-super-bowl-augmented-reality-vision/">« HoloLens »</a>. Ce casque donnerait non seulement l’impression d’être assis dans le stade, mais permettrait aussi d’interagir avec l’écran à l’aide de gestes de la main.</p>
<h2>Sorties urbaines en mode virtuel</h2>
<p>La sociabilité des déambulations dans les centres d’achats, déjà virtualisée par la vente en ligne, se réincarnera-t-elle dans le métavers ? Plusieurs <a href="https://www.forbes.com/sites/theyec/2022/01/24/how-the-metaverse-will-reshape-e-commerce-forever/?sh=561d632769d9">compagnies</a> tentent de répondre à cette question, telles que <a href="https://markets.businessinsider.com/news/currencies/samsung-metaverse-decentraland-ethereum-337x-avatar-digital-asset-store-2022-1">Samsung</a> et <a href="https://www.reuters.com/technology/into-metaverse-nike-creates-nikeland-roblox-2021-11-18/">Nike</a>, qui ont déjà lancé des espaces commerciaux dans le métavers. La tendance vers le métavers a également inspiré de nouvelles collections de mode telle que celle de Ralph Lauren, <a href="https://fortune.com/2021/12/08/ralph-lauren-digital-fashion-line-roblox-metaverse/">lancée en décembre dernier</a> dans le monde virtuel <em>Roblox</em>, une plate-forme immersive servant à la fois de vitrine et d’espace virtuel de jeux vidéos.</p>
<p>Un avenir dans lequel autant de nos activités sociales prendront place dans le métavers peut sembler hâtif et même un peu exagéré, mais ces transitions sont déjà entamées. Plusieurs événements prennent maintenant aussi place dans des salles de spectacles virtuels, tels le <a href="https://www.washingtonpost.com/technology/2022/02/04/sundance-metaverse-quest-virtual-reality/">Sundance Film Festival</a> et les concerts d’artistes tels que Ariana Grande, J Balvin, et Travis Scott. Le spectacle de ce dernier, organisé sur la plate-forme de jeu vidéo Fortnite, a par ailleurs attiré plus de <a href="https://www.theverge.com/2020/4/23/21233946/travis-scott-fortnite-concert-astronomical-record-breaking-player-count">12,3 millions d’invités</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes virtuelles sur un plancher de danse avec de gros ballons jaunes" src="https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449849/original/file-20220303-13-taenl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image du concert donné par le DJ MarshMello sur la plate-forme Fortnite en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.flickr.com/photos/whelsko/">Whelsko/Flickr</a></span>
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<p>Tournons-nous maintenant vers nos activités physiques, qui elles aussi sont de plus en plus accomplies de façon virtuelle. Des compagnies telles Peloton offrent maintenant des montées à vélo de calibre Tour de France et Giro, sans la contrainte de devoir se rendre en Europe. Leur <a href="https://www.businessofapps.com/data/peloton-statistics/">popularité ne cesse de croître</a>, grimpant de 1,9 million d’usagers en 2019 à 5,9 millions d’usagers en 2021.</p>
<p>Un autre exemple serait la compagnie <a href="https://news.crunchbase.com/news/tempo-lands-17-5m-series-a-for-ai-powered-home-workouts/">Tempo</a>, qui utilise l’intelligence artificielle pour offrir des séances d’entraînement à domicile avec entraîneur personnel virtuel.</p>
<h2>Un nouvel exode urbain</h2>
<p>Quoique pratique, cette transition vers le métavers change la façon dont nous interagissons avec l’aménagement et l’espace urbain et nous force à revoir plusieurs priorités urbaines.</p>
<p>Encore aujourd’hui, pour se démarquer et se rendre plus attrayantes, plusieurs villes mettent l’accent sur la qualité et la quantité d’espaces verts présents sur leur territoire. Mais à quoi vont servir ces espaces – qui pour l’instant servent principalement de lieux de rencontres et d’exercice – si les citadins de demain décident d’accomplir ces activités en ligne ?</p>
<p>Sans le besoin d’espaces urbains, et sans les commerces qui les côtoient, les avantages de vivre en ville risquent aussi de diminuer. Déjà, durant la pandémie, plusieurs ménages canadiens se sont familiarisés avec le télétravail et ont choisi de <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/urban-exodus-canada-toronto-montreal-covid-19-1.6313911">quitter la ville</a> pour tirer avantage de loyers plus abordables. Il faut croire que si, en plus de travailler de la maison, plusieurs personnes arrivent à accomplir leurs activités sociales et activités physiques à distance à partir du métavers, nous ferons face à un nouvel exode urbain.</p>
<h2>Des aménagements urbains à réinventer</h2>
<p>Apple, Meta et Microsoft ne sont pas les seules compagnies à croire que nous occuperons les espaces virtuels dans lesquelles elles investissent. Mais si elles ont raison, les villes doivent commencer à en tenir compte. Plusieurs espaces et aménagements urbains seront à revoir et même à réimaginer : un processus qui pourrait prendre plusieurs formes.</p>
<p>Par exemple, une réponse aux promesses corporatives de bonheur virtuel pourrait s’incarner dans de nouveaux projets, tels que la création de jardins communautaires et le réaménagement de rives côtières en plages urbaines. Des initiatives telles que celles-ci, ajoutées au renouvellement de l’offre des logements abordables, pourraient fort bien contrer l’exode urbain.</p>
<p>Quelles qu’elles soient, les pistes de solutions seront difficiles à envisager si elles ne proviennent pas d’efforts concertés et collectifs, émanant autant des secteurs publics que privés. Ces efforts devront impliquer les citoyennes et citoyens d’aujourd’hui afin de déterminer, d’une part, en quoi consiste le métavers et, d’autre part, quel sera son rôle dans les villes de demain.</p>
<p>Si nous ne commençons pas bientôt à réfléchir à ces questions, les entreprises de la Silicon Valley se feront un plaisir d’y répondre pour nous. Et rien n’empêcherait alors le passage de la science-fiction à la réalité du métavers dystopique imaginé par Neal Stephenson.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il est clair que plus les compagnies privées investissent dans leurs visions urbaines virtuelles, moins notre attention se porte vers nos espaces urbains actuels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175795/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les nouvelles réalités virtuelles changent la façon dont nous interagissons avec nos espaces urbains. Comment le métavers rendra-t-il certains aménagements urbains redondants et d’autres indispensables ?Mischa Young, Professeur adjoint, Université de l'Ontario françaisSarah Choukah, Professeure adjointe, pôle d'études et de recherches en cultures numériques, Université de l'Ontario françaisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803762022-04-11T21:04:19Z2022-04-11T21:04:19ZLe « tout-digital », garant d’une plus grande durabilité dans l’industrie de la mode ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456125/original/file-20220404-9425-nhio4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C757%2C502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le défilé Dolce&Gabbana – Crédit photo : Decentraland via Fashion Network
</span> <span class="attribution"><span class="source">Decentraland</span></span></figcaption></figure><p>L’industrie de l’habillement est l’un des plus gros pollueurs au monde. Selon <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/un-alliance-sustainable-fashion-addresses-damage-fast-fashion">divers rapports</a>, elle est à l’origine de 10 % des émissions mondiales de carbone ; 20 % des eaux usées mondiales proviennent de la teinture des textiles. La culture du coton représente près de 25 % de l’utilisation d’insecticides et plus de 10 % des pesticides. Du côté commercial, le tableau n’est guère plus reluisant avec des <a href="https://ellenmacarthurfoundation.org/a-new-textiles-economy">habitudes de consommation</a> clairement non durables. Entre 2000 et 2015, les ventes de vêtements ont doublé pour atteindre 200 milliards de produits par an, le nombre moyen de fois où un article est porté ayant diminué, de manière générale, de près de 40 %.</p>
<p>Il est inconcevable de penser que l’industrie de l’habillement puisse ainsi continuer à produire en masse des vêtements bon marché souvent fabriqués dans des conditions de travail douteuses. Conscientes du nombre croissant de consommateurs éco-responsables, plusieurs marques tentent d’adopter une « attitude verte », certaines optent pour la facilité, le <a href="https://theconversation.com/ces-arbres-qui-cachent-des-forets-de-greenwashing-105744">« greenwashing »</a>, quand d’autres sont plus sérieuses dans leurs efforts environnementaux, bien que relativement limités.</p>
<h2>L’intelligence artificielle, outil de régulation ?</h2>
<p>Pour s’engager vers plus de durabilité, l’industrie s’oriente notamment vers la transformation numérique, en comptant, entre autres, sur les progrès de l’<a href="https://www.routledge.com/Artificial-Intelligence-Business-and-Civilization-Our-Fate-Made-in-Machines/Kaplan/p/book/9781032155319">intelligence artificielle</a> et son application dans la mode (éphémère). L’intelligence artificielle et l’analyse avancée des données, par exemple, permettent d’<a href="https://www.capgemini.com/research/building-the-retail-superstar-how-unleashing-ai-across-functions-offers-a-multi-billion-dollar-opportunity/">optimiser la gestion de la chaîne d’approvisionnement</a> et d’améliorer considérablement les prévisions des chiffres de vente, des tendances de la mode et du comportement des clients. L’industrie de l’habillement lutte depuis longtemps contre la distorsion des stocks, les surstocks fréquents entraînant une surproduction, une forte consommation d’énergie et des déchets incommensurables, en bref : une empreinte carbone élevée. L’intelligence artificielle peut contribuer à pallier ces pratiques.</p>
<p>Une autre possibilité pour réduire les émissions implique l’utilisation d’assistants pilotés par l’intelligence artificielle, capables de suggérer des articles aux clients en fonction de leurs mensurations, de leur historique d’achats et de leur style personnel. De tels systèmes augmentent la satisfaction des clients quant aux articles sélectionnés et réduisent le nombre de retours. Le grand gagnant dans un tel scénario serait le secteur en ligne, puisque <a href="https://towardsdatascience.com/artificial-intelligence-is-restyling-the-fashion-industry-c2ce29acae0d">jusqu’à 40 %</a> des achats en ligne sont finalement retournés, ce qui entraîne une forte empreinte carbone. La plupart du temps, ces articles ne sont pas revendus et finissent par être détruits.</p>
<p>L’intelligence artificielle peut également personnaliser la mode à grande échelle, c’est-à-dire appliquer le concept de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-5885.2006.00190.x">personnalisation de masse</a>. En effet, l’achat d’articles de mode personnalisés augmente la <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jbrese/v65y2012i10p1516-1522.html">valeur émotionnelle</a> d’un produit, ce qui incite les clients à conserver ces articles plus longtemps et à les porter plus souvent. Imaginez, par exemple, que vous ayez personnalisé et acheté le même pull que vos amis, en y ayant apporté une touche personnelle – et significative. Un tel pull aura sans aucun doute une valeur émotionnelle élevée pour le groupe d’amis en question. Ils le porteront plus souvent et le garderont plus longtemps. Néanmoins, une telle approche s’aligne difficilement sur le modèle économique de la fast fashion, qui encourage la surconsommation et les cycles de vie courts des produits. Seul un changement radical du modèle économique pourrait permettre le succès d’une telle démarche.</p>
<h2>Demain, des vêtements numériques</h2>
<p>Il ne s’agit là que d’une poignée d’exemples de la manière dont l’IA peut aider la mode à s’engager vers un avenir plus écologique. Il existe également une autre alternative, plus futuriste : remplacer complètement les vêtements physiques par des vêtements numériques. En effet, de plus en plus de consommateurs achètent leurs nouveaux vêtements (principalement) pour les porter et surtout les <a href="https://qz.com/quartzy/1354651/shoppers-are-buying-clothes-just-for-the-instagram-pic-and-then-return-them/">montrer sur les réseaux sociaux</a>. Pour les influenceurs et les influenceuses mode d’Instagram, par exemple, il est inimaginable de porter les mêmes vêtements sur plusieurs photos. Semblable aux <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Les-cabines-d-essayage-virtuelles-fits-me-arrivent-en-france,318754.html">cabines d’essayage virtuelles</a>, d’autres clients pourraient s’amuser à tester comment porter, assortir et combiner leurs différents vêtements (virtuels).</p>
<p>Pour être à la mode sur les réseaux sociaux, il n’est pourtant plus nécessaire d’acheter de vrais vêtements : des entreprises telles que <a href="https://dressx.com/">Dress-X</a> vendent des articles de mode entièrement numériques, dont elles vous habilleront en fonction de votre photo préférée. Le processus est infaillible : téléchargez une photo de vous, achetez le vêtement souhaité et le prestataire de services vous renvoie votre image portant (virtuellement) la nouvelle casquette, le nouveau pull ou le nouveau sac sélectionné. Vous n’avez pas besoin de physiquement acheter l’article en question ; tout est numérique. C’est certes plus durable, mais pas forcément moins coûteux : les prix vont d’environ 30-50 euros pour une robe, un pull ou une paire de chaussures stylés à plusieurs milliers d’euros pour un costume haute couture (virtuel).</p>
<p>Pour vous immerger davantage encore dans le monde virtuel, pensez au <a href="https://theconversation.com/facebook-et-son-metavers-le-cauchemar-devient-il-realite-172455">« métavers »</a>, ce monde virtuels tridimensionnel que l’on peut intégrer sous la forme d’avatars via des casques de réalité virtuelle et augmentée. Ces fameux avatars, qui représentent notamment votre « vous virtuel », voudront eux aussi être à la mode ; il leur faudra donc leur constituer une garde-robe (numérique). Si Mark Zuckerberg parle de son métavers au futur, ses prédécesseurs, à l’instar de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681309000895">Second Life</a>, existent depuis près de 20 ans. Les recherches montrent que ses utilisateurs vivent ces mondes sociaux virtuels comme une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14241270903047008">extension de leur vie réelle</a> et, il y a dix ans déjà, ils concevaient, vendaient et achetaient des <a href="https://www.jstor.org/stable/26893831">vêtements numériques</a>. Si les prédictions deviennent réalité, le métavers fera bientôt <a href="https://thechoice.escp.eu/tl-dr/play-hard-work-hard-the-metaverse-is-not-just-a-game/">partie intégrante de notre vie</a> ; nous y travaillerons et y socialiserons, le tout sous la forme d’avatars incroyablement authentiques qui imiteront nos expressions faciales et nos mouvements corporels… et porteront des vêtements numériques. Bien entendu, l’utilisateur aura le choix entre un avatar lui ressemblant parfaitement ou véhiculant une tout autre image de lui-même – selon la situation souhaitée et le contexte. Cet environnement constituera un marché de la mode (presque) entièrement nouveau à développer.</p>
<p>Une preuve supplémentaire de cette éventualité nous vient du monde des défilés de mode lui-même. Juste après la dernière semaine de la mode de Milan (la vraie), plusieurs marques de vêtements de renom se sont associées pour créer un autre type de défilé : la <a href="https://www.voguebusiness.com/technology/metaverse-fashion-week-the-hits-and-misses">Metaverse Fashion Week</a>. Organisée par et sur le monde virtuel <a href="https://decentraland.org/">Decentraland</a>, celle-ci a présenté la plus grande semaine de la mode entièrement numérique au monde. Durant les quatre jours de défilés virtuels, on a pu y admirer les collections de Dolce & Gabbana, Etro, Tommy Hilfiger, entre autres. Le défilé virtuel était entouré d’une zone commerciale haut de gamme inspirée de l’Avenue Montaigne à Paris, où les consommateurs pouvaient acheter directement les produits (numériques) souhaités auprès des marques susmentionnées.</p>
<p>Cependant, les mondes virtuels ne sont pas sans défaut. En effet, ils sont consommateurs d’énergie et, à ce titre, pollueurs – même si leur empreinte carbone n’est pas, au moins pour l’instant, comparable à celle de la fast fashion. Ce qu’on peut toutefois <a href="https://theconversation.com/facebook-et-son-metavers-le-cauchemar-devient-il-realite-172455">questionner</a> est ce que signifie vivre dans le métavers pour la société… Une vie où l’on reste cloîtré chez soi et où l’on passe le plus clair de son temps dans un environnement virtuel est-elle vraiment souhaitable ?</p>
<p>Dans le scénario fictif du métavers qu’il exploite dans son best-seller de 1992 <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-samourai-virtuel-a-t-il-inspire-le-metaverse-de-zuckerberg-esperons-que-non_fr_6182b385e4b0c8666bd6dfac"><em>Le Samouraï virtuel</em></a>, Neal Stephenson décrit un univers où les mondes virtuels deviennent si populaires et attrayants que certaines personnes décident d’y rester continuellement connectées et passent leur vie réelle dans des unités de stockage, entourées uniquement de l’équipement technique nécessaire leur permettant d’accéder au monde virtuel.</p>
<p>Comme souvent, la solution se trouve probablement dans un juste milieu : une évolution vers une mode lente (physique) plus durable, s’éloignant des cycles de vie courts des produits et de la surconsommation de vêtements bon marché et de mauvaise qualité, combinée à des vêtements entièrement numériques portés lors des apparitions sur les réseaux sociaux et les visites (occasionnelles) du (futur) métavers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andreas Kaplan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’industrie de la mode a déjà compris l’intérêt de l’intelligence artificielle pour s’engager vers une plus grande durabilité. Et si, demain, nous achetions des vêtements numériques ?Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784902022-03-21T20:03:52Z2022-03-21T20:03:52ZTourisme et métavers : vers une généralisation du voyage virtuel ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453345/original/file-20220321-25-jdpr5g.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C8%2C936%2C538&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Voyager sans bouger grâce au métavers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le métavers occupe une place de plus en plus importante dans le paysage médiatique. Si certains se positionnent de manière prudente ou réfractaire, d’autres considèrent cette évolution technologique comme une opportunité pour développer de nouvelles offres. Le tourisme est un secteur qui évolue largement au gré des technologies de l’information et de la communication, il est alors tout à fait pertinent de questionner la manière dont il pourrait intégrer cet univers virtuel. Et c’est depuis l’annonce de la création du groupe Meta par Mark Zuckerberg que ce terme s’est massivement propagé dans le monde. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tavers">métavers</a> peut être défini comme un ensemble d’espaces virtuels, persistants, partagés, indexés dans le monde réel et accessibles via interaction 3D.</p>
<p>Alors, comment le métavers pourrait-il s’emparer du tourisme, une pratique qui nécessite un déplacement physique ?</p>
<h2>Tourisme et technologie font-ils bon ménage ?</h2>
<p>On observe une corrélation évidente entre l’évolution du tourisme et celle des technologies, qui vont toujours de pair. En effet, des centrales de réservations informatisées dans les années 1970 à la domestication d’Internet vers la fin des années 1990, la technologie s’est toujours insérée dans le tourisme pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0261517708000162">faire émerger de nouvelles pratiques</a>. Le métavers s’inscrit dans cette évolution d’Internet qui utilise des technologies de plus en plus immersives pour proposer des expériences phygitales, c’est-à-dire où les frontières entre le réel et le virtuel sont de plus en plus perméables.</p>
<p>Qu'il s'agisse des musées, des parcs nationaux ou des sites patrimoniaux, la crise sanitaire a aussi permis à de nombreux acteurs d’amplifier et de faire perdurer l’usage d’outils technologiques pour proposer des visites en réalité virtuelle. L’application <a href="https://www.flyoverzone.com/">Fly Over Zone</a>, en plus de proposer une exploration des sites culturels du patrimoine mondial, permet de restaurer numériquement des sites endommagés. Le géant du Web Amazon a lancé « <a href="https://www.amazon.com/b?node=19419898011&ref_=ae_nav_lgo">Amazon Explore </a>» pour littéralement « voyager virtuellement autour du monde ». Ce volet commercial est un service de flux interactif diffusé en direct, qui selon eux, permet de découvrir de nouveaux endroits depuis son ordinateur. Si cette offre n’en est qu’à ses balbutiements, avec une version béta, il y a fort à parier que ce service de visites virtuelles sera amené à évoluer pour proposer des formats encore plus immersifs.</p>
<p>En matière de tourisme, l’Asie fait figure de précurseur avec des propositions déjà très avancées comme le projet « <a href="https://fr.euronews.com/next/2021/11/17/metavers-seoul-ouvre-la-porte-de-ce-nouvel-univers-numerique">Seoul Metaverse</a> » qui ambitionne de devenir la première grande ville du monde à entrer dans le métavers, avec un parcours touristique qui reproduira les principaux sites de visite de la ville. Mais c’est en France, que l’on trouve l’un des projets les plus aboutis avec <a href="https://www.moyapatrick.com/sltourisme.htm">MoyaLand</a> : un univers virtuel touristique, construit comme une reproduction artistique virtuel et immersive qui possède un office de tourisme, des musées, un aéroport, un centre historique où habitants et touristes peuvent évoluer virtuellement par le biais de leurs avatars.</p>
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<p>D’autres acteurs du tourisme pourraient leur emboîter le pas car selon l’entreprise américaine <a href="https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2022-02-07-gartner-predicts-25-percent-of-people-will-spend-at-least-one-hour-per-day-in-the-metaverse-by-2026">Gartner</a>, en 2026, 25 % des gens passeront au moins une heure par jour dans le métavers. Alors comment ces personnes expérimenteront-elles le tourisme dans cet environnement virtuel ?</p>
<h2>Le métavers pour susciter le voyage</h2>
<p>Il existe deux grandes tendances pour définir <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/1347">l’expérience touristique</a> : la première tient de l’ordre du processuel avec une transformation du monde en connaissances, la seconde tient du moment vécu avec une place centrale accordée à l’hédonisme et au sentiment de réussite. Si par définition, le tourisme nécessite un déplacement physique, il existe de fait une contradiction avec les expériences touristiques offertes par le métavers qui peuvent néanmoins le remplacer mais surtout susciter l’envie de voyager.</p>
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<p>Rappelons que la réalité virtuelle est un environnement immersif créé à l’aide d’un dispositif technologique qui procure à l’utilisateur des sensations numériquement créées telles que la vue, l’ouïe, le toucher et même l’odorat. Pour éveiller leur sens dans les zones touristiques virtuelles du métavers, les utilisateurs devront donc être équipées de dispositifs visuels, sonores, haptiques, tactiles et olfactifs. En dehors du coût d’acquisition de ces derniers, l’usage de ces nouveaux dispositifs remet en question la perception des sens qu’entretient l’homme avec son environnement.</p>
<p>En reproduisant un décor touristique, le métavers forme un ensemble entre le dispositif, l’utilisateur qui se met dans la peau d’un touriste et les autres spectateurs. Bien que l’expérience soit virtuelle, les sens sont bien mis à contribution en stimulant certaines situations désirées mais non accessibles sur le moment. En permettant une pratique immersive, le casque de réalité virtuelle ou les capteurs haptiques permettraient de <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2016-1-page-188.htm#s1n4">vivre des choses jusque là intangibles</a> et de renouer avec la sensorialité. Par le biais de son avatar, l’utilisateur du métavers peut incarner un touriste en construisant virtuellement un parcours de visites, interagir avec d’autres avatars et par conséquent imaginer ce qu’ils ressentent, en stimulant ce que Giacomo Rizzolatti appelle les <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/neurosciences/neurones-miroirs_9782738119247.php">neurones miroirs</a>.</p>
<h2>Des contraintes sociétales et environnementales</h2>
<p>Imités, reproduits ou simulés, il n’en reste que les voyages et les vacances représentent des pratiques touristiques qui représentent une coupure par rapport au quotidien. Ces moments sont aussi l’occasion pour certains de retrouver leurs proches ou de pratiquer des activités difficilement réalisables dans le cours habituel de la vie. Observer des animaux lors d’un safari, découvrir des sites archéologiques ou pratiquer une langue étrangère sont des activités qui produisent des sensations corporelles et spirituelles uniques, essentielles et différentes de celles produites virtuellement par les dispositifs du métavers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/univers-paralleles-et-mondes-virtuels-la-guerre-des-metavers-est-commencee-169695">Univers parallèles et mondes virtuels : la guerre des métavers est commencée</a>
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<p>Par ailleurs, le métavers qui est en soi une évolution technologique d’Internet n’est pas encore aboutie. Il nécessite des investissements financiers et la construction d’un cadre réglementaire pour réguler les comportements des usagers. Car lorsque Mark Zuckerberg fait le souhait de créer un monde virtuel et alternatif dans lequel les utilisateurs pourront aussi voyager, il ne faut pas perdre de vue que ce sont également les données des utilisateurs qui seront mises à contribution. Et si certains observent le métavers comme une solution pour éviter de prendre l’avion et tendre vers un tourisme durable, la <a href="https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/#:%7E:text=La%20pollution%20num%C3%A9rique%20d%C3%A9signe%20toutes,biodiversit%C3%A9%2C%20production%20de%20d%C3%A9chets%20%C3%A9lectroniques.">pollution numérique</a> induite par celui-ci pourrait bien aller dans le sens contraire d’un tourisme vertueux.</p>
<p>Même si le tourisme dans le métavers ne pourra pas remplacer une expérience touristique vécue hors de chez soi, certains professionnels du tourisme pourraient en tirer profit afin de faire connaître des sites peu accessibles ou ignorés des touristes, qui les découvriront virtuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naïma Aïdi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment le métavers pourrait-il s’emparer du tourisme, une pratique qui nécessitait jusqu’ici un déplacement physique ?Naïma Aïdi, Doctorante en sciences de l'information et de la communication, rattachée au laboratoire Dicen-IdF. Tourisme et Smart Tourisme, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784352022-03-03T19:55:18Z2022-03-03T19:55:18ZImpact environnemental, addiction, données personnelles : les questions que posent les métavers<p><em>Cet article est publié en collaboration avec <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">Binaire</a>, le blog pour comprendre les enjeux du numérique.</em></p>
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<p>On entend souvent dans les discussions sur les métavers des affirmations comme « il ne faudrait pas rater le train ». Il faudrait donc se lancer dans le métavers uniquement parce que d’autres le font ? Et s’ils s’y étaient lancés pour de mauvaises raisons, nous les suivrions aveuglément ? Autre interrogation présente dans beaucoup d’esprits : qu’adviendrait-il de nous si nous ne suivions pas le mouvement ?</p>
<p>Le métavers, c’est l’espoir pour certains que la réalité virtuelle trouve enfin son application phare grand public, que ce qu’elle permet aujourd’hui dans des contextes particuliers devienne possible à grande échelle, dans des contextes plus variés : l’appréhension de situations complexes, l’immersion dans une tâche, l’entrainement sans conséquence sur le monde réel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-quelles-technologies-les-metavers-reposent-ils-177934">Sur quelles technologies les métavers reposent-ils ?</a>
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<p>C’est l’espoir pour d’autres d’une diversification des interactions sociales en ligne, de leur passage à une plus grande échelle, de leur intégration dans un environnement fédérateur. C’est l’espoir que ces nouvelles interactions permettront de (re)créer du lien avec des personnes aujourd’hui isolées.</p>
<p>C’est aussi l’espoir d’un nouveau web construit aussi par et pour le bénéfice de ses utilisateurs, et non pas seulement celui des plates-formes commerciales.</p>
<p>C’est enfin – et probablement surtout, pour ses promoteurs actuels – l’espoir de l’émergence de nouveaux comportements économiques, l’espoir d’une révolution du commerce en ligne, l’espoir d’importants résultats financiers dans le monde réel.</p>
<h2>Qu’allons-nous faire dans ces métavers ?</h2>
<p>« La prédiction est très difficile, surtout lorsqu’il s’agit de l’avenir ». A quoi servira le métavers ? Des communautés spirituelles prévoient déjà de s’y rassembler. On peut parier qu’il ne faudra pas longtemps pour que des services pour adultes s’y développent ; on sait bien qu’ <a href="https://knowyourmeme.com/memes/the-internet-is-for-porn">« Internet est fait pour le porno »</a>. Au-delà de ces paris sans risque, essayons d’imaginer ce que pourraient permettre les métavers…</p>
<p>Imaginez un centre-ville ou un centre commercial virtuel dont les boutiques vous permettraient d’accéder à des biens et services du monde virtuel et du monde réel.Quelle différence avec les achats en ligne d’aujourd’hui ? Vous pourriez être assistés dans les boutiques du métavers par des personnages virtuels, avatars d’êtres humains ou d’intelligences artificielles. Vous pourriez vous y rendre accompagnés. Dans les boutiques où en passant de l’une à l’autre, il vous serait possible de croiser des personnes de votre connaissance (du monde réel ou virtuel) et interagir avec elles.</p>
<p>Comme certains jeux vidéo actuels, le metavers permettra sans doute la pratique de différents sports, seul ou à plusieurs. De nouveaux sports pourraient être inventés par les utilisateurs du métavers. Le métavers pourrait aussi changer votre expérience de spectateur de compétitions sportives. Pourquoi ne pas vivre le prochain match de votre équipe de football préférée dans le métavers du point de vue de l’avatar de son avant-centre plutôt que depuis les tribunes virtuelles ?</p>
<p>Le métavers pourrait fournir l’occasion et les moyens de reconsidérer la manière dont nous organisons le travail de bureau. En combinant l’organisation spatiale de l’activité permise par le métavers avec des outils que nous utilisons déjà (messageries instantanées, suites bureautiques partagées en ligne, outils de visioconférence, etc.), peut-être pourra-t-on proposer de nouveaux environnements de travail collaboratifs permettant de (re)créer du lien entre des personnes travaillant à distance.</p>
<p>On pourrait voir des usages du métavers se développer dans le domaine de la santé. La réalité virtuelle est déjà utilisée depuis de nombreuses années pour traiter des cas de phobie et de stress post-traumatiques. Ces thérapies reposent sur une exposition graduelle et maîtrisée par un soignant à une représentation numérique de l’objet engendrant la phobie.</p>
<h2>Plus de questions que de réponses</h2>
<p>Qui pourra réellement y accéder ? Il faudra sans aucun doute une « bonne » connexion réseau et un terminal performant, mais au-delà, les différences entre le métavers et le web n’introduiront-elles pas de nouvelles barrières à l’entrée, ou de nouveaux freins ? Le World Wide Web Consortium (W3C) a établi pour celui-ci des règles pour l’accessibilité des contenus à l’ensemble des utilisateurs, y compris les personnes en situation de handicap (<a href="https://www.w3.org/Translations/WCAG20-fr/">WCAG</a>). Combien de temps faudra-t-il pour que des règles similaires soient définies et appliquées dans le métavers ? Sur le web, il n’y a pas d’emplacement privilégié pour un site, la notion d’emplacement n’ayant pas de sens. Dans un monde virtuel en partie fondé sur une métaphore spatiale, la localisation aura de l’importance. On voit déjà de grandes enseignes se précipiter pour acquérir des espaces dans les proto-métavers, et des individus <a href="https://www.presse-citron.net/il-a-paye-450-000-pour-etre-le-voisin-virtuel-de-snoop-dogg/">payant à prix d’or</a> des « habitations » voisines de celles de stars. Qui pourra dans le futur se payer un bon emplacement pour sa boutique virtuelle ?</p>
<p>Le métavers, c’est la combinaison de la réalité virtuelle, des jeux vidéo, des réseaux sociaux et des cryptomonnaies, propices à la spéculation. En termes de risques de comportements addictifs, c’est un cocktail explosif ! L’immersion, la déconnexion du réel, l’envie de ne pas finir sur un échec ou de prolonger sa chance au jeu, la nouveauté permanente, la peur de passer à côté de quelque chose « d’important » pendant qu’on est déconnecté et l’appât du gain risquent fort de générer des comportements toxiques pour les utilisateurs du métavers et pour leur entourage.</p>
<p>En France, l’ANSES – qui étudie depuis plusieurs années l’impact des technologies numériques sur la santé – risque d’avoir du travail. De nouvelles formes de harcèlement ont aussi été signalées dans des métavers, particulièrement violentes du fait de leur caractère immersif et temps réel. En réponse, Meta a récemment mis en place dans Horizon World et Horizon Venues une mesure de protection qui empêche les avatars de s’approcher à moins d’un mètre de distance. D’autres mesures et réglementations devront-elles être mises en place ?</p>
<p>On a vu se développer sur le web et les réseaux sociaux des mécanismes de collecte de données personnelles, de marketing ciblé, de manipulation de contenus, de désinformation, etc.</p>
<p>S’il devient le lieu privilégié de nos activités en ligne et que celles-ci se diversifient, ne risquons-nous pas d’exposer une part encore plus importante de nous-même ? Si ces activités sont de plus en plus sociales, regroupées dans un univers unique et matérialisées (si on peut dire) à travers nos avatars, ne seront-elles pas observables par un plus grand nombre d’acteurs ? Faudra-t-il jongler entre différents avatars pour que nos collègues de travail ne nous reconnaissent pas lors de nos activités nocturnes ? Pourra-t-on se payer différents avatars ? Quel sera l’équivalent des contenus publicitaires aujourd’hui poussés sur le web ? Des modifications significatives et contraignantes de l’environnement virtuel ? « Ce raccourci vers votre groupe d’amis vous permettant d’échapper à un tunnel de panneaux publicitaires vous est proposé par Pizza Mario, la pizza qu’il vous faut » Les technologies chaîne de blocs (blockchain en anglais) permettront-elles au contraire de certifier l’authenticité de messages ou d’expériences et d’empêcher leur altération ?</p>
<p>Lors de la rédaction de ce texte, nous avons souvent hésité entre « le métavers » et « les métavers ». Dans la littérature comme dans la vidéo d’annonce de Facebook/Meta, le concept est présenté comme un objet unique en son genre, mais on imagine assez facilement des scénarios alternatifs, trois au moins, sans compter des formes hybrides. Le premier est celui d’une diversité de métavers sans passerelle entre eux et dont aucun ne s’imposera vraiment parce qu’ils occuperont des marchés différents. C’est la situation du web actuel (Google, Meta, Twitter, Tik Tok et autres sont plus complémentaires que concurrents), qui motive en partie les promoteurs du Web3. Le deuxième scénario est celui d’un métavers dominant largement les autres. Celui-ci semble peu probable à l’échelle planétaire, ne serait-ce qu’à cause de la confrontation USA – Chine (– Europe ?). Le troisième scénario est celui d’une diversité de métavers avec un certain niveau d’interopérabilité technique et existant en bonne harmonie. Il n’est pas certain que ce soit le plus probable : l’interopérabilité est souhaitable mais sera difficile à atteindre. Nous pensons plutôt que c’est le premier scénario qui s’imposera. La diversité, donc le choix entre différents métavers, est une condition nécessaire tant à l’auto-détermination individuelle qu’à la souveraineté collective.</p>
<p>Qui va réguler les métavers ? Dans le monde du numérique, les normes prennent parfois du temps à s’établir et n’évoluent pas nécessairement très vite. Quand il s’agit de normes techniques, ce n’est pas un problème : le protocole HTTP est resté figé à la version 1.1 de 1999 à 2014, et cela n’a pas empêché le développement du web. Quand il s’agit de réguler les usages, les comportements, ce peut être plus problématique. Jusqu’ici, on peut s’en réjouir ou s’en désoler, le secteur du web a été peu régulé. Ceux qui définissent les règles sont souvent les premiers joueurs, qui sont en fait les premiers possédant les moyens de jouer, c’est-à-dire les grands acteurs du web aujourd’hui. Si demain, une partie de nos activités personnelles et professionnelles se déroule dans des métavers créés par eux sur la base d’infrastructures matérielles et logicielles extra-européennes, quels seront le rôle et la pertinence dans ces mondes des états européens ? Si ces mondes sont créés par des collectifs transcontinentaux et autogérés par des individus, la situation sera-t-elle plus favorables à ces états ?</p>
<p>Enfin, mais ce n’est pas le moins important, d’un point de vue beaucoup plus pragmatique et à plus court terme, on peut s’interroger sur la pertinence de se lancer dans le développement de métavers au moment où nous sommes déjà tous confrontés aux conséquences de nos activités sur l’environnement. Le tourisme virtuel aidera peut-être à réduire notre empreinte carbone, mais le coût écologique lié à la mise en œuvre des métavers (réalité virtuelle, réseaux haut débit, chaîne de blocs, etc.) ne sera-t-il pas supérieur aux économies générées ? Le bilan devra bien sûr tenir compte des usages effectifs des métavers, de leur utilité et de leur impact positif sur la société.</p>
<p>Pour conclure</p>
<p>Ni enfer, ni paradis par construction, les métavers présentent des facettes tant positives que négatives, à l’image de beaucoup d’autres innovations technologiques (comme l’intelligence artificielle, par exemple). Nous avons tendance à surestimer l’impact des nouvelles technologies à court terme et à sous-estimer leur impact à long terme, c’est la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Roy_Amara">loi d’Amara</a>. Les métavers tels qu’on nous les décrit seront sans doute difficiles à mettre en œuvre. Rien ne dit que ceux qui essaieront y arriveront, que les environnements produits seront massivement utilisés, qu’ils le resteront dans la durée ou que nous pourrons nous le permettre (pour des raisons environnementales, par exemple). Les choses étant de toute manière lancées et les investissements annoncés se chiffrant en milliards d’euros, on peut au minimum espérer que des choses intéressantes résulteront de ces efforts et que nous saurons leur trouver une utilité.</p>
<p>Alors que faire ? Rester passifs, observer les tentatives de mise en œuvre de métavers par des acteurs extraeuropéens, puis les utiliser tels qu’ils seront peut-être livrés un jour ? S’y opposer dès à présent en considérant que les bénéfices potentiels sont bien inférieurs aux risques ? Nous proposons une voie alternative consistant à développer les réflexions sur ce sujet et à explorer de façon maîtrisée les possibles ouverts par les technologies sous-jacentes, en d’autres termes, à jouer un rôle actif pour tenter de construire des approches vertueuses, quitte à les abandonner – en expliquant publiquement pourquoi – si elles ne répondent pas à nos attentes. Nous sommes persuadés qu’une exploration menée de façon rigoureuse pour évaluer des risques et des bénéfices est nettement préférable à un rejet a priori non étayé.</p>
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<p><em>Pour lire la version longue de cet article, <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">rendez-vous sur Binaire</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Faut-il, vraiment, se lancer dans la course aux métavers ? Essayons de nous poser les bonnes questions.Pascal Guitton, Professeur, Université de BordeauxNicolas Roussel, Directeur du centre Inria de l'université de Bordeaux, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1771992022-02-22T18:46:02Z2022-02-22T18:46:02ZNFT : du marché de l’art au métavers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446584/original/file-20220215-19-zpt8jy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3994%2C2640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/concept-cryptographic-nft-on-hundreddollar-bill-1953298819">ilikeyellow / Shutterstock </a></span></figcaption></figure><p>Nous assistons actuellement à l’essor de ce que l’on appelle les NFT (<em>non-fungible tokens</em>). Par exemple, le <a href="https://nbatopshot.com/moment/kyloren+5408a71c-50f1-4588-86e3-354b40519ce3">clip vidéo du dunk de LeBron James contre les Sacramento Kings</a> lors du match du 15 novembre 2019 a été vendu à l’utilisateur « kyloren » en tant que NFT pour plus de 208 000 $ (180 055 €), alors que la vidéo elle-même peut être visionnée gratuitement sur la plate-forme TopShot.</p>
<h2>Qu’est-ce que les NFT et pourquoi présentent-ils un tel intérêt pour le marché ?</h2>
<p>Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain et soutenus par la technologie <em>blockchain</em> (par exemple <a href="https://ethereum.org/es/">Ethereum</a>) qui sont généralement associés à un actif numérique : œuvres d’art visuel, vidéos, musique ou objets de collection.</p>
<p>Contrairement à la monnaie fiduciaire ou aux cryptomonnaies, qui peuvent être facilement remplacées et substituées, chaque NFT est unique ou « non fongible » et ne peut pas être retiré ou contrefait. Pour faire une comparaison, un euro dans ma poche vaut la même chose qu’un euro dans la poche de mon voisin, tandis que <em>Le jardin des délices terrestres</em> accroché dans mon salon et <em>Le jardin des délices terrestres</em> exposé au musée du Prado ne sont pas interchangeables. C’est l’essence même du concept NFT.</p>
<p>Ces derniers mois, les NFT semblent dépasser la <em>blockchain</em> et les cryptomonnaies en termes de popularité. Ils présentent une nouvelle façon de concevoir la propriété artistique, ce qui explique en partie pourquoi ils ont mis le monde de l’art sens dessus dessous.</p>
<h2>Révolution dans le monde de l’art</h2>
<p>Les œuvres numériques, par leur nature même, peuvent être copiées et reproduites à l’infini. Les NFT n’éliminent pas ce risque, mais elles créent un enregistrement numérique unique qui authentifie la propriété d’une version particulière d’une œuvre numérique.</p>
<p><a href="https://onlineonly.christies.com/s/beeple-first-5000-days/beeple-b-1981-1/112924">La maison de vente aux enchères Christie’s a vendu</a> une œuvre d’art numérique, <em>Everydays : The First 5000 Days</em> de l’artiste numérique Beeple, pour plus de 69 millions de dollars en tant que NFT l’année dernière, se classant aux côtés de tableaux de Picasso, Rothko, Van Gogh et Monet comme l’une des œuvres les plus chères jamais vendues aux enchères.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445365/original/file-20220209-27-114sunx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’œuvre de Beeple <em>Everydays : The First 5,000 Days</em>, vue sur un téléphone portable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/smartphone-beeple-everydays-first-5000-days-1934411729">mundissima/Shutterstock</a></span>
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<p>Les NFT offrent de nouvelles possibilités de revenus aux artistes, soumis aujourd’hui à de multiples contraintes : risques de reproduction illégale de leurs œuvres, produits contrefaits ou piratés, prix élevés, chaînes de distribution saturées, nécessité d’une interaction physique, etc. En outre, les utilisateurs de l’ère numérique passent déjà en moyenne <a href="https://www.psychologies.com/Culture/Ma-vie-numerique/Livres/Hyperconnexion">plus de temps <em>en ligne</em> qu’à dormir</a>, ce qui fait des places de marché NFT d’excellentes vitrines pour présenter des talents artistiques à un public plus large.</p>
<h2>Et au-delà du marché de l’art</h2>
<p>L’industrie musicale est déjà entrée dans le monde des NFT, cherchant à élargir les bases de fans, à se connecter avec les fans existants et à générer de nouvelles sources de revenus.</p>
<p>Par exemple, le groupe Kings of Leon <a href="https://www.rollingstone.com/pro/news/kings-of-leon-when-you-see-yourself-album-nft-crypto-1135192/">a mis aux enchères un NFT</a> qui comprend quatre billets au premier rang pour un spectacle de leur tournée dans le monde entier, une rencontre avec le groupe, des produits dérivés de la tournée et l’utilisation d’une limousine.</p>
<p>Il existe également différents types de jeux NFT allant de la course aux mondes virtuels dans lesquels les utilisateurs peuvent acheter des terrains et des biens. Ou des jeux de simulation avec des objets à collectionner uniques, ce qui les rend attrayants pour tout <em>gamer</em> au niveau mondial.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=941&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=941&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=941&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1183&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1183&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445191/original/file-20220208-19-113dnzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1183&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les NFT commercialisés par Kings of Leon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://yh.io/nft-collection/kings-of-leon-nft-yourself-collection/3">YellowHeart</a></span>
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<p>Dans le monde de l’édition, l’intérêt pour les NFT ne fait que croître. Cette technologie permet aux écrivains de vendre leurs œuvres directement sur Internet, assure la traçabilité de l’utilisation faite de l’œuvre et offre une multitude de possibilités pour fidéliser les lecteurs. Pensez, par exemple, à la « tokenisation » d’un livre signé par l’auteur, qui a une valeur supplémentaire par rapport à un exemplaire identique du livre non signé. Dans le cas où l’auteur décide de conclure un contrat d’édition avec un éditeur, la commercialisation d’exemplaires de l’œuvre par le biais de tirages NFT permet une meilleure traçabilité de l’œuvre, une rationalisation et une transparence quant aux bénéfices obtenus par les deux parties.</p>
<p>Le prochain domaine d’expansion de la tokénisation devrait être la liaison des NFT aux objets du monde physique. L’expansion des jetons est telle qu’en août 2021, le réseau de jeux NFT MyMetaverse <a href="https://mymetaverse.io/news/metacity-welcomes-you-home!">a annoncé le lancement de NFT immobiliers</a> à gagner en jouant au jeu vidéo <em>Minecraft</em>. Nous parlons donc d’investissement immobilier par le biais des jeux vidéo.</p>
<h2>Les NFT en tant qu’acteur clé du métavers</h2>
<p>Les NFT semblent également appelés à jouer un rôle clé dans ce que l’on appelle le métavers. Après la pandémie mondiale, est-il exagéré de penser qu’à l’avenir, des concerts ou des réunions d’affaires se dérouleront de manière purement virtuelle ? Et si le métavers devenait la scène virtuelle de certains domaines de notre vie, parallèlement à notre réalité physique ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Oi9dJD5b8As?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le fait de posséder des NFT permettra de devenir membre virtuel d’une myriade d’expériences exclusives dans le métavers et dans le monde physique, ce qui améliorera les expériences sociales et communautaires. Avec les NFT, les <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/realite-virtuelle-metavers-terrain-virtuel-ete-vendu-plus-2-millions-dollars-95118/">utilisateurs peuvent également obtenir</a> la pleine propriété de leurs terres et espaces dans le métavers. Même des entreprises telles qu’Adidas, H&M, Nike ou Zara ont déjà présenté des collections de mode virtuelles dans le métavers, le tout par le biais de NFT.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468288936921468931"}"></div></p>
<h2>Questions juridiques relatives aux NFT</h2>
<p>Aucun pays n’a encore réglementé spécifiquement les NFT. L’UE a lancé en septembre 2020 une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/ES/TXT/?uri=CELEX%3A52020PC0593">proposition législative complète</a> sur les cryptoactifs (MiCA).</p>
<p>Il est important de prendre en compte le droit de la propriété intellectuelle, notamment le droit d’auteur. Lorsqu’on achète une NFT, on n’achète pas l’œuvre numérique en tant que telle. L’acheteur n’obtient qu’une collection de codes ou de métadonnées qui renvoient à la version « réelle » de l’œuvre en question. Ces métadonnées sont écrites sur la <em>blockchain</em> et contiennent des informations sur l’emplacement de l’œuvre originale et le propriétaire de cette version particulière de l’œuvre. En outre, nous devons être conscients des réglementations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, de fiscalité, de protection des données, d’antitrust et de protection des consommateurs lorsque nous nous renseignons sur un NFT.</p>
<h3>Défis juridiques futurs</h3>
<p>La tâche qui attend le législateur est très complexe, notamment parce que la réglementation applicable est généralement propre à chaque pays, alors que les NFT peuvent changer de mains sans limites de juridiction sur les marchés numériques. L’anonymat offert par la technologie <em>blockchain</em> rend également difficile pour les parties à une transaction de ce type d’invoquer toute forme de propriété intellectuelle ou de droits contractuels en cas d’infraction potentielle.</p>
<p>Compte tenu des difficultés réglementaires engendrées par l’émergence des colis virtuels et de la cryptoéconomie, il n’est donc pas surprenant <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/le-metavers-de-facebook-une-nouvelle-revolution-du-droit-895999.html">que l’on parle</a> de <em>MétaDroit</em> ou Métavers juridique comme le droit du monde virtuel destiné à assurer la sécurité des fournisseurs et de leurs utilisateurs/consommateurs.</p>
<p>Si un métavers mondial est réalisé, la question de la juridiction et de la loi applicable sera essentielle pour la résolution des conflits survenant dans un réseau de relations juridiques intrinsèquement « transnationales ». Certains envisagent déjà d’ouvrir des cabinets d’avocats dans le métavers ou même de créer leurs propres mécanismes de règlement des litiges dans cet environnement virtuel. Nous devrons être attentifs à l’évolution de ce secteur, aussi dystopique qu’il puisse nous paraître aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ana Mercedes López Rodríguez no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Les NFT présentent une nouvelle façon de concevoir la propriété artistique, ce qui explique en partie pourquoi elles ont bouleversé le monde de l’art.Ana Mercedes López Rodríguez, Profesora titular de Derecho internacional privado, Universidad Loyola AndalucíaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722672022-02-14T14:28:19Z2022-02-14T14:28:19ZLe métavers, une contrée numérique aux mille facettes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440129/original/file-20220110-27-kf3qnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C988%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il importe de souligner les avantages et dangers du métavers, surtout dans le contexte où une entreprise privée en prendrait le contrôle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’annonce de Facebook de créer une maison-mère au nom de Meta et de mettre en place un <a href="https://about.fb.com/news/2021/10/facebook-company-is-now-meta/">métavers</a>, ce mot est soudainement devenu à la mode, malgré les confusions entre divers dispositifs, notions et technologies.</p>
<p>En tant que chercheuse en étude du jeu depuis 20 ans, je propose d’apporter un éclairage sur la définition, les origines, certains dangers et points positifs de ce type d’univers numérique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-facebook-prison-ou-revolution-171997">Le métavers de Facebook : prison ou révolution ?</a>
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<h2>Définir le métavers</h2>
<p>Le métavers est un monde en ligne, complet en soi, au sein duquel l’utilisateur se promène et interagit via un personnage appelé avatar, soit une représentation numérique de soi. Ce monde peut être réaliste ou entièrement fictionnel, mais présente la caractéristique principale d’être ouvert et persistant, c’est-à-dire qu’il évolue même en l’absence de l’utilisateur. Diverses activités peuvent y prendre place, de la socialisation au divertissement, en passant par le commerce, le travail, les arts et l’éducation. Il s’agit, en quelque sorte, d’une ville, une contrée ou même un pays représentés numériquement et habités par des résidents avatoriels.</p>
<p>Bien qu’il soit nécessairement informatique et connecté à l’internet, le métavers n’est pas associé à un support précis : il peut se dérouler sur un écran plat, avec un casque ou des lunettes de réalité virtuelle ou même éventuellement en réalité augmentée, avec des capteurs tactiles, des combinaisons, etc. Le métavers n’est pas principalement défini par une technologie, mais plutôt par l’étendue, les activités et la qualité du monde représenté.</p>
<h2>Historique du métavers</h2>
<p>Le terme a été créé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/172832/snow-crash-by-neal-stephenson/">Snow Crash (1992)</a>. Le métavers le plus abouti et le plus célèbre est probablement <a href="https://www.secondlife.com">Second Life</a>, développé en 2003 par Linden Lab. Ce monde en ligne, qui n’est pas à proprement parler un jeu vidéo, permet de personnaliser un avatar avec lequel l’usager interagit avec les autres habitants ou avec les objets numériques : bâtiments, places publiques, vêtements, etc. Une économie entière s’y est développée où des items sont conçus puis revendus pour de l’argent sonnant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468673713512067078"}"></div></p>
<p>Des institutions y ont eu pignon sur rue et diverses activités culturelles, politiques et même sexuelles s’y sont déroulées : par exemple, le cinéaste Peter Greenaway y a mené un <a href="https://secondlife.jeuxonline.info/actualite/24593/">projet de création</a>, une manifestation a eu lieu contre un parti français d’extrême droite <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/elections-2007/20070112.OBS6813/manifestation-virtuelle-anti-fn-sur-second-life.html">qui y avait ouvert une vitrine</a> et même un <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2006/05/02/jeroen-degroot-le-sexe-dans-second-life-est-un-jeu-de-role_766746_651865.html">service d’escortes y est apparu</a>. L’utilisateur de Second Life a ainsi pu s’y construire une « seconde vie » au sein de ce métavers.</p>
<p>Bien que le terme ne soit pas vraiment utilisé pour parler des mondes vidéoludiques, les jeux vidéo ont eu une influence considérable sur l’évolution des métavers. Depuis l’apparition des jeux vidéo en ligne jusqu’aux jeux vidéo massivement multijoueurs tels que le célébrissime <a href="https://ww.worldofwarcraft.com">World of Warcraft (2004)</a>, le concept de métavers se développe au fil des avancées technologiques, des créations des concepteurs et des appropriations sociales.</p>
<p>D’univers entièrement consacrés au jeu, ces mondes deviennent des lieux de socialisation, de commerce et même de diffusion artistique. Par exemple, des vedettes musicales y performent désormais des concerts devant des millions de fans, chacun via leur avatar, créant ainsi de nouveaux lieux socioculturels : Travis Scott a attiré <a href="https://www.theverge.com/2021/9/28/22699014/fortnite-soundwave-series-music-concerts-mohamed-hamaki-creative-mode">12 millions de spectateurs dans le jeu <em>Fortnite</em></a> et le concert du rapper Lil Nas X a réuni <a href="https://www.theverge.com/2020/11/16/21570454/lil-nas-x-roblox-concert-33-million-views">33 millions de fans dans <em>Roblox</em></a>.</p>
<h2>Le métavers de Facebook</h2>
<p>L’industrie vidéoludique est devenue, depuis les vingt dernières années, <a href="https://www.statista.com/statistics/292056/video-game-market-value-worldwide/">l’une des plus lucratives de toutes les productions culturelles</a>. Conséquemment, l’entreprise Facebook y a sans doute flairé une occasion d’affaires en profitant de cet attrait pour les jeux vidéo ainsi que du développement de technologies très immersives comme la réalité virtuelle (RV). Facebook a d’ailleurs acquis <a href="https://www.oculus.com">Oculus Rift</a>, une marque de casque de RV, en 2014.</p>
<p>Or, l’intention de Facebook de créer <a href="https://www.about.facebook.com/fr/meta">« son propre » métavers</a> est directement liée à son modèle économique : la collecte massive de données personnelles pour vendre des profils à des entreprises publicitaires (<a href="https://www.statista.com/statistics/268604/annual-revenue-of-facebook/">86 milliards de dollars en 2020</a>).</p>
<p>La question de la surveillance de masse est centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Mark Zuckerberg, puisque l’objectif est de centraliser toutes nos activités quotidiennes à un seul endroit appartenant à Facebook : l’utilisateur communiquerait avec ses proches, assisterait à des réunions d’affaires, visionnerait des séries ou magasinerait aux enseignes qui s’y installeraient.</p>
<p>C’est un peu comme si M. Zuckerberg devenait propriétaire de Montréal ainsi que de votre lieu de travail, votre maison, votre chambre à coucher, votre brosse à dents… Pour le moment, ce métavers demeure encore marginal et, d’un point de vue vidéoludique, peu innovateur, mais l’objectif, pour la prochaine décennie, est d’améliorer le concept <a href="https://www.statista.com/statistics/264810/number-of-monthly-active-facebook-users-worldwide">pour que les 2,9 milliards d’utilisateurs de Facebook migrent vers cette plate-forme</a>.</p>
<h2>Pour un métavers public et commun</h2>
<p>Si le métavers de Facebook représente une vision dystopique du futur, il n’en demeure pas moins que les mondes en ligne présentent de nombreux points positifs. À l’image du <a href="https://www.w3.org">World Wide Web</a>, qui est un consortium à but non lucratif visant à garder le web le plus accessible possible pour tous, un métavers public, commun et non-propriétaire aurait des avantages, notamment en termes d’accessibilité et de diffusion de contenus diversifiés : des pièces présentées par des théâtres, des formations et des conférences offertes par des écoles, des projections d’œuvres par des artistes ou même des expositions organisées par des musées.</p>
<p>Une plus grande équité culturelle serait alors possible pour des populations à mobilité réduite ou vivant dans des régions éloignées.</p>
<p>Par ailleurs, même si de nombreux chercheurs soulèvent les risques associés à une <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/sante/effets-ecrans-que-dit-la-science/">surconsommation des écrans, particulièrement chez les enfants</a>, une utilisation équilibrée du métavers aurait également des avantages propres à la socialisation en ligne, ce que connaissent depuis bien longtemps les joueurs de jeux vidéo !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172267/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maude Bonenfant a reçu des financements du CRSH et du FRQ. </span></em></p>Bien que la question de la surveillance de masse soit centrale à la compréhension des dangers du métavers tel qu’envisagé par Facebook, cet univers numérique comporte également certains avantages.Maude Bonenfant, Professeure titulaire en communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765202022-02-07T20:28:43Z2022-02-07T20:28:43ZEn rachetant Activision, Microsoft tente de s’ouvrir les portes du « métavers »<p>Microsoft montre un appétit à la hauteur de son gigantisme. L’entreprise a annoncé le 18 janvier dernier l’acquisition d’Activision, un pionnier de l’édition de jeu vidéo qui figurait au <a href="https://www.gameinformer.com/b/features/archive/2013/02/26/activisionaries-how-four-programmers-changed-the-game-industry-forever.aspx">premier rang des entreprises du secteur</a>. Chiffrée à 68,7 milliards de dollars, c’est la <a href="https://www.reuters.com/technology/microsoft-buy-activision-blizzard-deal-687-billion-2022-01-18/">plus importante acquisition</a> en 100 % numéraire (c’est-à-dire « en cash », sans utiliser des actions comme monnaie) de l’histoire, reléguant au second plan le rachat record du géant Monsanto par Bayer il y a 6 ans.</p>
<p>Côté Microsoft, il s’agit de sa plus grosse opération, représentant plus de deux fois et demie la valeur de sa <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/18/microsoft-to-buy-activision.html">prise de contrôle de LinkedIn</a> en 2016. Cela démontre l’importance qu’il accorde au secteur du jeu vidéo. Et c’est compréhensible quand on sait qu’il s’agit d’un immense marché de 3 milliards de joueurs actifs (soit 40 % de la population mondiale !), qui pèse près de <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide">200 milliards de dollars de ventes annuelles</a>.</p>
<p>Malgré une telle acquisition, Microsoft reste encore loin de dominer le secteur. Il passera simplement de <a href="https://www.business-standard.com/podcast/companies/microsoft-s-plunge-into-the-world-of-gaming-122012400059_1.html">6,5 % à 10,7 % de parts de marché</a> et se hissera seulement à la <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/#:%7E:text=Microsoft%20will%20acquire%20Activision%20Blizzard,revenue%2C%20behind%20Tencent%20and%20Sony">troisième position</a> derrière son concurrent direct Sony et le leader chinois Tencent. La consolidation de sa position dans le jeu vidéo est certes une raison du rachat, mais il est fort probable que les objectifs de Microsoft se situent au-delà de ce secteur.</p>
<p>C’est en mobilisant une approche stratégique fondée sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-fran%C3%A7aise-de-gestion-2010-5-page-87.htm">ressources</a> et les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1744-2117(2010)0000005012/full/html">compétences</a>, qui fait l’objet de nos recherches, que nous pouvons mieux comprendre le mouvement concurrentiel de Microsoft. Le développement de pièces maitresses doit mener la firme de Redmond du jeu vidéo au « métavers », ce fameux monde virtuel en 3D qui devrait constituer <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/bitcoin/on-vous-explique-ce-qu-est-le-metavers-l-internet-du-futur-qui-fait-rever-la-tech_4757523.html">« l’Internet du futur »</a>.</p>
<h2>Fédérer une communauté</h2>
<p>Pour les géants du secteur, le succès dans les jeux vidéo repose sur le développement et le contrôle de franchises, ces suites de jeux devenus des blockbusters à partir desquels on peut créer contenus médias et produits dérivés. Avec l’acquisition d’Activision, ce sont par exemple Diablo ou Call of Duty, comptant parmi les <a href="https://www.senscritique.com/liste/Jeux_les_plus_vendus_de_tous_les_temps/987556">séries les plus vendues de tous les temps</a>, qui tombent dans l’escarcelle de Microsoft.</p>
<p>La stratégie était déjà bien amorcée depuis 2009 avec l’acquisition de Rare, puis couronnée de succès grâce à la prise de contrôle de Mojang (créateur du célébrissime Minecraft) en 2014. Elle s’est très nettement accélérée ces dernières années avec le rachat de 7 studios en 2018 et 2019 et l’acquisition de Bethesda et ses 8 studios en 2021 pour <a href="https://www.theverge.com/2022/1/19/22890225/microsoft-xbox-activision-blizzard-aqcuisition-game-studios">7,5 milliards de dollars</a>. Au total, Microsoft possède aujourd’hui <a href="https://news.microsoft.com/2022/01/18/microsoft-to-acquire-activision-blizzard-to-bring-the-joy-and-community-of-gaming-to-everyone-across-every-device/">30 studios</a>.</p>
<p>Posséder un large catalogue de jeux à succès est déterminant car les bénéfices de l’industrie ne reposent plus sur la vente de jeux mais sur la gestion des accès via les abonnements à des plates-formes. Entrent aussi en jeu les achats intégrés (items, ressources, monnaie de jeu, costumes de personnages, accès à du contenu ou des extensions de jeu, etc.) et la collecte et l’exploitation des données des joueurs. C’est ce que l’on appelle le jeu à la demande (GOD : game on demand), un peu comme Netflix et la VOD, mais pour les jeux.</p>
<p>Microsoft, via sa plate-forme Xbox Game Pass, fédère une communauté de 25 millions d’abonnés qu’il faut attirer et satisfaire en proposant un catalogue toujours plus étoffé. Avec le rachat d’Activision, Microsoft accède à un ensemble représentant une base de <a href="https://theconversation.com/microsoft-buys-activision-blizzard-with-the-video-game-industry-under-new-management-whats-going-to-change-175433">400 millions de joueurs actifs</a> répartis dans 190 pays.</p>
<h2>Conquérir de nouveaux segments de marché</h2>
<p>L’opération apporte un autre atout déterminant : l’accès au jeu sur mobile. Activision avait en effet racheté, pour 5,9 milliards de dollars en 2016, le studio King, créateur du célébrissime Candy Crush, un des jeux sur mobile les plus <a href="https://www.gamekult.com/actualite/sur-mobile-pubg-mobile-honor-of-kings-et-genshin-impact-sont-les-jeux-les-plus-rentables-en-2021-3050845253.html">rentables</a>. Ce segment, sur lequel Microsoft était peu présent, compte aujourd’hui pour <a href="https://www.statista.com/statistics/292751/mobile-gaming-revenue-worldwide-device/">52 % des ventes du secteur</a>, loin devant les jeux pour console (28 %) et pour PC (20 %). C’est donc une avancée concurrentielle importante pour Microsoft dont la stratégie reposait jusqu’à présent essentiellement sur les jeux pour console.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444672/original/file-20220206-23-f83c9u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En mettant la main sur Activision, Microsoft s’adjuge des jeux sur mobiles parmi les plus téléchargés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Microsoft se renforce également sur le segment spécifique du jeu en ligne multi-joueurs, Activision possédant notamment World of Warcraft, un des leaders en la matière. En s’offrant par la-même la Major League Gaming, Microsoft entre enfin en force sur le marché du e-sport, dont la valeur est estimée à 1 milliard de dollars et qui regroupe une communauté active de plus de <a href="https://www.esports.net/news/the-billion-dollar-opportunity-of-esports/">200 millions de fans</a>. À tout cela s’ajoute un avantage en termes d’internationalisation des activités car Activision se trouve bien implanté sur le marché chinois, le <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide#global-comparison">plus important du secteur</a> en volumes de ventes.</p>
<p>L’acquisition d’Activision permet à Microsoft de renforcer ses activités, d’accéder à de nouveaux segments de marché et de réaliser des synergies en combinant les compétences de création de contenu d’Activision avec ses propres capacités technologiques et de distribution. Il s’agit là de consolider une position face à des concurrents de diverses natures.</p>
<h2>Se positionner en diffuseur incontournable</h2>
<p>La presse spécialisée a annoncé tout récemment l’intention de Sony de lancer le <a href="https://www.dexerto.com/gaming/everything-we-know-about-project-spartacus-playstations-game-pass-rival-1739608/">projet Spartacus</a>. Le créateur de la console Play Station, numéro deux du secteur des jeux vidéo, souhaite développer un service visant à concurrencer le Game Pass de Microsoft en fusionnant ses deux offres Play Station Now (jeu en ligne ou à télécharger) et Play station Plus (jeux multi-joueurs en ligne). Car si l’entreprise japonaise est en effet devant Microsoft en ventes de consoles, elle reste en retard sur les offres d’abonnement.</p>
<p>Face à la montée de son concurrent direct, Microsoft a tout intérêt à rendre son propre catalogue de jeux le plus large possible pour accroître l’attractivité de sa plate-forme. Mais le contrôle du marché des consoles n’est sans doute pas l’objectif de Microsoft, qui vend depuis des années ses consoles Xbox à perte. La stratégie de Microsoft semble reposer surtout sur le développement du Game Pass. Dans ce secteur, les concurrents se nomment plutôt Apple, Google et Amazon.</p>
<p>Les deux premiers contrôlent non seulement les accès au jeu mobile via l’App store et le Google store mais ils se développent également directement dans le jeu avec <a href="https://www.apple.com/newsroom/2021/04/apple-arcade-expands-its-award-winning-catalog-to-more-than-180-games/">Apple Arcade</a> et <a href="https://www.businessinsider.com/how-does-stadia-work?r=US&IR=T">Google Stadia</a>. De son côté, <a href="https://www.theverge.com/2021/9/22/22686351/amazon-games-christoph-hartmann-twitch-luna-new-world">Amazon ne cache pas ses ambitions</a> : le géant de la distribution en ligne a déjà créé son premier jeu, New World, a développé Amazon Prime Gaming, qui propose mensuellement une <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/amazon-prime-gaming-jeux-gratuits-mois-39865480.htm">sélection de jeux offerts</a>, a lancé l’année dernière un service de cloud gaming, <a href="https://www.businessinsider.com/guides/tech/luna-amazon-cloud-gaming-streaming-service-ubisoft-2020-9?r=US&IR=T">Luna</a>, et possède la plate-forme <a href="https://www.investopedia.com/investing/how-does-twitch-amazons-video-game-streaming-platform-make-money/">Twitch</a>.</p>
<p>Avec l’acquisition d’Activision, Microsoft se positionne lui-même comme un diffuseur incontournable dans le cloud gaming en associant un catalogue attractif à son Game Pass. Il étoffe et fidélise sa communauté de joueurs, qui est sans doute la ressource la plus précieuse et celle qui lui ouvre les portes du métavers.</p>
<h2>Se distinguer de Meta</h2>
<p>Facebook est récemment devenu Meta et Marc Zuckerberg a présenté en détail son projet de métavers, un espace virtuel permettant des interactions sociales et commerciales en utilisant la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Dans sa conférence d’annonce de l’acquisition d’Activision, Satay Nadella, le PDG de Microsoft, a lui aussi précisé, à plusieurs reprises, ses intentions de devenir un acteur majeur en la matière. Il s’est positionné clairement contre Méta en proposant une vision autoproclamée plus ouverte du métavers.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SlgBPIhqD84?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>À la suite de ses diverses tentatives ratées de pénétrer le secteur des réseaux sociaux en rachetant <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/09/14/rejet-de-l-offre-de-microsoft-pour-racheter-tiktok_6052048_4408996.html">TikTok</a>, <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/3026191-20210421-discord-fin-negociations-rachat-microsoft">Discord</a> ou <a href="https://www.challenges.fr/monde/microsoft-pinterest-les-raisons-d-un-flirt-sans-lendemain_751088">Pinterest</a>, le jeu vidéo semble être la voie principale qu’il choisit finalement pour accéder au métavers. Tout comme Méta, Microsoft a développé étape par étape les pièces maitresses composant l’architecture du métavers. Citons ici son casque de réalité augmentée Hololens, sa plate-forme de réalité virtuelle Horizon World, la deuxième plus grande plate-forme cloud avec Azure, des investissements dans les cryptomonnaies, le développement d’avatar 3D pour l’application de visioconférences Teams, ses réseaux sociaux spécialisés LinkedIn et GitHub, et, surtout, sa plate-forme de collaboration virtuelle holographique Mesh.</p>
<p>Ces éléments certes nécessaires ne permettent cependant pas à Microsoft de se distinguer franchement de Meta. La firme créée par Bill Gates et Paul Allen peut en revanche se différencier grâce à sa position de force dans les jeux. Ils sont une porte d’entrée privilégiée dans le métavers non seulement parce qu’ils en seront une des applications principales, mais aussi parce qu’il y a là un formidable intégrateur de communauté en ligne.</p>
<h2>En pleine confiance</h2>
<p>Les planètes se sont même alignées de façon heureuse pour Microsoft. Le tourbillon dans lequel Activision est entrainé avec les accusations de sexisme et de harcèlement sexuel en son sein l’a très certainement fragilisé et rendu plus facile à acquérir pour Microsoft. Et l’annonce peut être effectuée dans un timing parfait, quelques semaines à peine après le lancement de Meta</p>
<p>Il reste encore à passer de l’annonce à la réalisation de l’acquisition, prévue pour 2023. Une étape importante en sera la validation par les autorités de régulation de la concurrence. Et à ce niveau, les planètes ne semblent plus vraiment alignées car la Federal Trade Commission et le Département de la Justice aux États-Unis ont annoncé ce même 18 janvier, quelques heures à peine après l’information du rachat d’Activision par Microsoft, qu’elles souhaitaient <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">renforcer les lois anti-trust</a> et porter une attention toute particulière aux Big Tech.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1489652729836412931"}"></div></p>
<p>Microsoft, qui a longtemps été marqué par le traumatisme de son procès anti-trust et ses amendes record qui ont <a href="https://www.vox.com/recode/22893117/microsoft-activision-antitrust-big-tech">failli entrainer son démantèlement</a> il y 20 ans, semble néanmoins aujourd’hui en pleine confiance, comme en témoigne son PDG Satya Nadella. La firme a même accepté d’inclure dans le contrat d’acquisition des <a href="https://www.nytimes.com/2022/01/19/business/dealbook/microsoft-activision-deal.html">pénalités de 3 milliards de dollars</a> qui seraient versées à Activision si l’affaire ne devait pas être conclue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Prévot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La firme fondée par Bill Gates et Paul Allen s’attache des compétences techniques et humaines, mais se donne aussi les moyens d’anticiper la concurrence en misant notamment sur le jeu.Frédéric Prévot, Professeur de Stratégie et Management International, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1761812022-02-03T17:44:32Z2022-02-03T17:44:32ZBonnes feuilles : « Le Covid-19, un accélérateur de l’adoption du métavers »<p><em>Le Covid monopolise la sphère médiatique depuis plus de deux ans au fil de ses mutations et des règles sanitaires qui tentent de la freiner. Cependant, un nouveau mot-valise est apparu, en partie favorisé par cette conjoncture particulière : celui de « métavers », ou « metaverse » en anglais. Ces espaces virtuels partagés en 3D ouvrent en effet le champ des possibles à une nouvelle révolution numérique majeure.</em></p>
<p><em>Le métavers permet d’abolir les dernières frontières qui se dressaient entre le monde physique et le monde numérique. Un monde aux possibilités infinies qui n’a de limites que l’imagination et la technique de l’humain. Aujourd’hui, ce concept fait aujourd’hui germer de nombreux projets financés majoritairement par les géants de l’industrie technologique et les grandes entreprises. Ces dernières ont déjà l’ambition de prendre la place de leader sur ce marché encore balbutiant, à l’image du groupe de distribution Carrefour qui vient d’<a href="https://www.bfmtv.com/tech/carrefour-a-achete-une-parcelle-virtuelle-dans-le-metavers-de-the-sandbox_AN-202201310211.html">acheter un terrain dans le monde virtuel</a> The Sandbox. Au-delà de cet exemple, le métavers amorce, semble-t-il, une marche irréversible et avec lui l’avenir de l’humanité tout entière.</em></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1488107850656272386"}"></div></p>
<p><em>Cet essor et ces perspectives font aujourd’hui l’objet du récent ouvrage « <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03540223">Le consommateur à l’heure du métavers : mondes virtuels, avatars, cryptomonnaies et jetons non fongibles : la nouvelle révolution numérique</a> » (auto-édité) de Samy Mansouri et Mehdi Mansouri, dont The Conversation France publie ici une sélection d’extraits.</em></p>
<hr>
<h2>Aux prémices du métavers</h2>
<p>Le terme métavers est apparu pour la première fois dans le <a href="https://theconversation.com/metavers-le-nouvel-eldorado-169653">roman de science-fiction de Neal Stephenson</a>, <em>Snow Crash</em>, publié à l’aube du développement d’Internet en 1992. Dans cette fiction, les individus sous la forme d’avatars vivent et interagissent dans un espace virtuel en trois dimensions (3D) sensiblement semblables au monde réel mais avec plus de possibilités. Aux prémices d’Internet, Stephenson prédisait déjà la prochaine transformation importante du numérique basée sur la réalité virtuelle. Dans son roman, les humains accèdent au métavers par le biais d’ordinateurs qui projettent un affichage de réalité virtuelle sur des lunettes portées par l’utilisateur.</p>
<p>En 2003, la société Linden Lab, basée à San Francisco a lancé Second Life, une plate-forme virtuelle en ligne qui permet aux individus de mener une seconde vie dans un monde virtuel sous la forme d’un avatar. Le jeu a connu une forte notoriété et a approché le million d’utilisateurs réguliers en 2013. Les utilisateurs de Second Life, créent des projections virtuelles d’eux-mêmes, et sont en mesure d’interagir avec d’autres avatars, des lieux et des objets. Ils peuvent explorer le monde virtuel, rencontrer d’autres utilisateurs, participer à des activités individuelles ou de groupes, construire, créer, acheter et échanger des objets virtuels entre eux. La plate-forme propose ainsi des items en 3D générés par les utilisateurs eux-mêmes. Les échanges se font en Linden Dollar, la monnaie virtuelle du jeu qui est convertible en monnaie du monde réel.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443779/original/file-20220201-25-dxdfqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avatars dans le monde virtuel « Second Life ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Second_Life_11th_Birthday_Live_Drax_Files_Radio_Hour.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
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<p>Plus récemment, le jeu vidéo d’action Fortnite qui comptait <a href="https://www.numerama.com/pop-culture/473562-fortnite-atteint-les-250-millions-de-joueurs-qui-pourra-larreter.html">250 millions de joueurs</a> en 2019 a proposé le premier concert gratuit au sein du monde virtuel en partenariat avec le rappeur Travis Scott. Les concerts sur 3 jours, du 24 au 26 avril 2020, ont rassemblé 27,7 millions de joueurs. Travis Scott a ainsi gagné <a href="https://www.cnews.fr/vie-numerique/2020-12-02/le-rappeur-travis-scott-aurait-gagne-20-millions-de-dollars-grace-fortnite">20 millions de dollars</a> pour l’événement. Le lien du replay qui comptabilise plus de 179 millions de vues (Note de la rédaction : chiffre mis à jour le 1<sup>er</sup> février 2022) est disponible sur YouTube via le <a href="https://youtu.be/wYeFAlVC8qU">lien en référence</a>.</p>
<p>Le concept a été reproduit avec d’autres stars telles que Ariana Grande, qui a donné une série de concerts virtuels, du 7 au 9 août 2021.</p>
<h2>Un avènement favorisé par la pandémie</h2>
<p>Nous passons de plus en plus de temps sur nos écrans. Depuis l’arrivée des ordinateurs portables, des smartphones et des tablettes, les humains ont commencé à vivre dans une réalité alternative, notamment sur les réseaux sociaux. Cette tendance s’est fortement accentuée depuis le début de la crise sanitaire qui a forcé ou incité les individus à passer plus de temps sur Internet. Forcé, car le confinement nous a obligés à télétravailler et à se parler via des applications de messagerie à défaut de pouvoir le faire en présentiel. Incité, car la monotonie du confinement nous pousse à passer plus de temps sur Internet pour apprendre ou pour se divertir.</p>
<p>Selon le baromètre Ipsos pour le groupe Krys – Ipsos, les enfants de 3 à 10 ans passent 2h14 devant un écran, soit <a href="https://www.lsa-conso.fr/le-temps-d-ecran-quotidien-des-enfants-augmente-encore-en-2021,396711">20 minutes de plus qu’en 2019</a>. Une étude américaine a montré que depuis le début de la pandémie, le temps passé devant l’écran a plus que doublé chez les 10-14 ans, passant de 3,8 heures/jour à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34724543/">pratiquement 8 heures journalier</a>. Une étude de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) parue en 2020 a montré que <a href="https://onaps.fr/confinement-et-niveau-dactivite-physique/">69 % des adolescents ont augmenté leur temps d’écran</a> durant le premier confinement.</p>
<p>À l’heure de la normalisation du télétravail, le métavers professionnel semble être la porte d’entrée la plus logique aux nouveaux mondes virtuels. Une grande majorité des emplois dans le secteur des services se fait sur un ordinateur et ne nécessite pas de présence physique sur le lieu de l’entreprise, un terminal de travail et une connexion Internet suffisent.</p>
<p>La pandémie a également incité les organisations à avoir recours au télétravail sans dimension coercitive mais par praticité. De nombreuses réunions sont désormais organisées en ligne alors qu’elles avaient usuellement lieu en présentiel.</p>
<p>Au-delà de la vie professionnelle, le Covid a favorisé les relations sociales en distanciel. Les apéros en ligne qui pouvaient auparavant paraître totalement saugrenus ont été normalisés durant la pandémie. De nombreux amateurs et professionnels de la musique ont également donné des concerts gratuits durant les confinements. Par exemple, le DJ Français Bob Sinclar a réuni jusqu’à <a href="https://www.francebleu.fr/infos/insolite/pendant-le-confinement-le-dj-bob-sinclar-mixe-tous-les-jours-en-direct-sur-facebook-1585245633">6 millions de spectateurs</a> sur une session live de musique funk sur Facebook.</p>
<p>Tous ces éléments mis en commun favorisent fortement la migration des consommateurs vers le métavers, un monde virtuel auquel ils sont de plus en plus habitués.</p>
<h2>Des investissements importants</h2>
<p>Sans surprise les entreprises qui investissent aujourd’hui massivement dans le métavers font partie des GAMAM (Google – Amazon – Meta – Apple – Microsoft) et des BATX (Baidu – Alibaba – Tencent -Xiaomi). Pour rappel ce sont les entreprises technologiques les plus importantes au niveau mondial. Leur capitalisation frôle les 10 000 milliards de dollars soit deux fois et demie le PIB de l’Allemagne.</p>
<p>L’entreprise qui paraît la plus avancée reste Meta (anciennement Facebook). Le 28 octobre 2021, Mark Zuckerberg a présenté dans une longue vidéo sa vision et les objectifs de son métavers alliant réalité virtuelle et réalité augmentée, la vidéo est disponible via le lien en référence (voir ci-dessous).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Uvufun6xer8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">The Metaverse and How We’ll Build It Together – Connect 2021 (Meta, octobre 2021).</span></figcaption>
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<p>Dans la foulée, Meta a lancé le 9 décembre 2021 aux États-Unis et au Canada, Horizon Worlds, une expérience de réalité virtuelle sociale où les utilisateurs peuvent créer et explorer ensemble un métavers. Pour y accéder, un casque de réalité virtuelle de la marque Oculus (entreprise rachetée en 2014 par Facebook) est nécessaire. Selon Meta, Horizon Worlds représente l’avenir des réseaux sociaux, notamment grâce aux interactions avec les autres avatars.</p>
<p>De son côté Microsoft a annoncé une nouvelle plate-forme appelée Mesh pour 2022. Mesh s’inscrit dans la <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-11-02/microsoft-s-own-metaverse-is-coming-and-it-will-have-powerpoint">productivité en ligne</a> en étant la suite de Teams. La nouvelle plate-forme collaborative professionnelle ambitionne de combiner la réalité augmentée et la réalité virtuelle. L’objectif est de pouvoir travailler dans un bureau virtuel en incarnant un avatar, le tout avec plus de fonctionnalités.</p>
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<figcaption><span class="caption">Introducing Microsoft Mesh (Microsoft, mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Du côté de la Chine, Ma Jie le vice-président de Baidu, a donné une <a href="https://www.cnbc.com/2021/12/24/baidu-says-it-could-be-6-years-before-it-can-fully-deliver-its-metaverse.html">conférence de presse</a> le 21 décembre 2021 pour présenter XiRang (en français, « terre d’espoir »), le métavers en cours de développement de la société. Ce projet devrait voir le jour dans les 6 ans à venir selon l’entreprise.</p>
<p>Plusieurs applications industrielles du métavers sont également envisagées par les grands groupes. Boeing a récemment annoncé vouloir <a href="https://www.reuters.com/technology/boeing-wants-build-its-next-airplane-metaverse-2021-12-17/">concevoir son prochain avion</a> dans le métavers. Après la crise du 737 Max, le constructeur aéronautique va investir 15 milliards de dollars sur 10 ans pour revenir à la pointe de l’ingénierie.</p>
<h2>Réel et virtuel, une frontière désormais poreuse</h2>
<p>Plusieurs entreprises développent des interfaces de connexion qui reproduisent les stimuli sensoriels. Plusieurs innovations concernent les combinaisons intégrales pour permettre de mieux ressentir l’environnement virtuel sur le corps physique et de mesurer les signes vitaux de l’utilisateur. Le but étant à terme de pouvoir aussi ressentir les chocs, la présence de liquide ou de gaz ainsi que les changements de température. Les entreprises les plus avancées du secteur sont Bhaptics, HaptX ou encore TeslaSuit.</p>
<p>Au Japon, pays souvent à l’avant-garde des nouvelles technologies, une entreprise travaille sur une plate-forme de réalité mixte qui permet de prendre en compte une réalité incluant la réalité virtuelle et la réalité augmentée. L’entreprise propose aux utilisateurs de percevoir, via des lunettes spécifiques, des contenus de réalité mixte dans des zones urbaines. En marchant dans la rue, le piéton peut voir des points d’informations ou des <a href="https://psychic-vr-lab.com/en">œuvres d’art flottantes</a> dans le ciel.</p>
<p>Des techniques de conceptions immersives dans le métavers seront utilisées. Les employés du monde entier pourront collaborer sur une même plate-forme en 3D et contrôler des robots industriels dans cette même interface.</p>
<p>De nombreuses entreprises utilisent déjà la réalité virtuelle pour les visites de chantier par exemple. Le métavers permettra une expérience, plus immersive et plus collaborative, tout en réduisant les coûts. Un ingénieur pourra faire le suivi en temps réel de plusieurs projets sans se déplacer physiquement et en partageant des informations avec les membres de son équipe, eux aussi dans le métavers.</p>
<h2>Limites et risques</h2>
<p>À l’heure actuelle, ce sont les géants de la tech qui semblent être les plus avancés dans la course au métavers au vu des investissements importants dans le secteur. Les entreprises des GAMAM et des BATX, qui sont les premiers bâtisseurs du métavers ont quasiment toutes été critiquées concernant le respect de la vie privée de leurs utilisateurs. La CNIL a récemment infligé des amendes à Google et Facebook pour leur gestion du consentement des cookies. Les deux plates-formes devront payer des amendes de respectivement 150 millions et 60 millions d’euros. En plus d’une obligation de mise en conformité sous peine d’astreintes de 100 000 euros par jour de retard.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1479023500107128833"}"></div></p>
<p>Dans le métavers, tous les comportements des humains peuvent être répliqués dans le monde virtuel. Malheureusement cela inclut les bons comme les mauvais. Lors du lancement du métavers de Meta, Horizon Worlds, une utilisatrice a été harcelée sexuellement sur la plate-forme. Elle a expliqué que son avatar a subi des attouchements par un autre avatar d’un utilisateur inconnu. Les services de modération d’Horizon Worlds se sont défendus en expliquant que la jeune femme n’avait pas activé les dispositifs de sécurité comme une <a href="https://www.lepoint.fr/sciences-nature/agression-sexuelle-le-metavers-de-facebook-au-coeur-d-une-polemique-18-12-2021-2457447_1924.php">bulle de sécurité</a> permettant de tenir à distance les autres utilisateurs.</p>
<p>D’ailleurs, Andrew Bosworth, directeur des nouvelles technologies de Meta, est lui-même inquiet au sujet du besoin de modération titanesque nécessaire au métavers, bien supérieur à celui des réseaux sociaux actuels. Il a affirmé, dans un mémo interne consulté par le Financial Times, que la réalité virtuelle pouvait souvent constituer un « environnement toxique », en <a href="https://www.ft.com/content/d72145b7-5e44-446a-819c-51d67c5471cf">particulier pour les femmes et les minorités</a>.</p>
<p>L’ère du numérique et de la dématérialisation devient aussi, paradoxalement, l’ère durant laquelle nous polluons et nous utilisons le plus de matières et d’énergie. La production d’un ordinateur portable, par exemple, requiert des métaux rares provenant du monde entier (du tantale congolais, du lithium bolivien, de l’or australien, et bien d’autres terres rares chinoises).</p>
<p>Selon une récente étude, les émissions de gaz à effet de serre du numérique se situent <a href="https://europepmc.org/article/med/34553177">autour de 3 % de la part totale</a> d’émissions mondiales de CO<sub>2</sub> anthropiques. C’est <a href="https://www.icao.int/environmental-protection/Pages/envrep2019.aspx">plus que le secteur de l’aviation</a> (transport aérien civil) qui représente 2 % des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> selon un rapport de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en 2019.</p>
<p>L’interface audiovisuelle du métavers provoquera inévitablement une forte consommation énergétique. On estime que le fonctionnement du métavers nécessitera près de deux fois et demie plus de ressources que le fonctionnement des réseaux Internet aujourd’hui.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443781/original/file-20220201-18-1ym2768.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Le consommateur à l’heure du métavers : Mondes virtuels, avatars, cryptomonnaies et jetons non fongibles : la nouvelle révolution numérique », de Samy Mansouri et Mehdi Mansouri.</span>
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<p>Les changements comportementaux des consommateurs, les investissements massifs dans le métavers, de même que les premiers revenus conséquents issus des nouveaux outils et applications numériques, renforcent l’idée que le métavers représente la future révolution majeure du numérique. Les contours ne sont pas encore bien définis et les différents acteurs de ce nouveau marché mènent une guerre commerciale pour capter le maximum d’utilisateurs possible.</p>
<p>Malgré les risques associés, le métavers est déjà en marche. La conjecture d’une pandémie qui pouvait être considérée comme exceptionnelle au XXI<sup>e</sup> siècle il y a deux ans, favorise fortement et même impose des éléments du métavers aux êtres humains.</p>
<p>Enfin, l’Internet traditionnel semble être arrivé à la fin de son règne laissant place au début du métavers. Plus global, plus immersif, plus sensoriel et plus expérientiel, le métavers se développe à une vitesse impressionnante où les acteurs traditionnels se disputent les premières places face aux nouveaux disrupteurs technologiques dont l’ambition n’a d’égal que la taille de cette future technologie aux possibilités infinies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176181/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En favorisant les relations sociales en distanciel, la pandémie a contribué à diffuser les usages au cœur des mondes virtuels en 3D, dont l’essor est analysé dans un récent ouvrage. Extraits.Samy Mansouri, Maitre de Conférences, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696952022-01-02T17:22:32Z2022-01-02T17:22:32ZUnivers parallèles et mondes virtuels : la guerre des métavers est commencée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438957/original/file-20211223-39289-1pwewkb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une partie de poker dans le métavers (capture d'écran de la vidéo "Le métavers et comment nous allons le construire ensemble" sur YouTube)</span> </figcaption></figure><p>Le 17 octobre 2021, Mark Zuckerberg a lancé les hostilités de manière assez théâtrale, comme s’il défiait ses concurrents d’en faire autant. Afin de concrétiser son rêve d’enfant, le métavers, il a décidé de mettre en œuvre des moyens colossaux : <a href="https://about.fb.com/fr/news/2021/10/investir-dans-les-talents-europeens-pour-aider-a-construire-le-metaverse/">10 000 ingénieurs hautement qualifiés seront recrutés</a> en Europe dans les 5 prochaines années. Cette annonce a été faite quelques jours avant celle du <a href="https://about.fb.com/fr/news/2021/10/presentation-de-meta-une-entreprise-de-technologies-sociales/">changement de nom du groupe Facebook en Meta</a>, le 28 octobre, démontrant ainsi l’engagement total du fournisseur de réseaux sociaux dans la transition vers le métavers.</p>
<p>Le 22 juillet 2021, dans une <a href="https://www.theverge.com/22588022/mark-zuckerberg-facebook-ceo-metaverse-interview">interview à <em>The Verge</em></a>, le créateur de Facebook racontait :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense à certains de ces trucs depuis le collège quand je commençais tout juste à coder. […] J’écrivais du code et des idées pour les choses que je voulais coder quand je rentrais de l’école ce jour-là. […] L’une des choses que je voulais vraiment construire était un Internet incarné où on pourrait être dans un environnement et se téléporter à différents endroits et être avec des amis. […] Je pensais que ce serait le Saint Graal des interactions sociales bien avant d’avoir lancé Facebook. Et c’est vraiment excitant pour moi que cela se fasse sur les prochaines plates-formes ».</p>
</blockquote>
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<figcaption><span class="caption">Mark Zuckerberg explique ce qu’est le métavers.</span></figcaption>
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<p>Les métavers <a href="https://chainlink-francophone.medium.com/quest-ce-que-le-m%C3%A9taverse-a32232c31127">nécessitent une combinaison de technologies</a> émergentes et représentent un potentiel commercial considérable. La ruée vers ce nouvel eldorado <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/metaverse-mark-zuckerberg-a-trop-fantasme-ready-player-one-n170651.html">peut laisser perplexe et même paraître délirante</a> car le grand public n’a pas exprimé d’engouement particulier pour les dispositifs de réalité virtuelle ou augmentée, hormis quelques exceptions comme <em>Pokémon Go</em>. Certains dénoncent déjà les dangers et les dérives inévitables, évoquant les récits de science-fiction dystopiques dans lesquels l’humanité se retrouve asservie ou anéantie par la technologie.</p>
<h2>Un métavers qui a presque 20 ans</h2>
<p>Les métavers seront des mondes virtuels dans lesquels les individus, les entreprises, les organisations, les universités et les pouvoirs publics pourront interagir via des avatars et des simulations, dans un but social, culturel, professionnel, éducatif ou créatif. Considérés comme des <a href="https://www.dpublication.com/wp-content/uploads/2021/10/41-20250.pdf">hétérotopies virtuelles</a>, les métavers seront soit des environnements numériques familiers hyperréalistes où les utilisateurs feront virtuellement tout ce qu’ils font déjà dans la vie réelle, soit des environnements fictifs imaginaires dans lesquels les utilisateurs potentiellement dotés de superpouvoirs auront une vie extraordinaire via leur avatar.</p>
<p>Si les projets de métavers se sont multipliés en 2021, ils ne sont pas nouveaux. Depuis 2003, <a href="https://secondlife.com/"><em>Second Life</em></a> offre déjà à ses résidents d’avoir une deuxième vie virtuelle sous une autre identité dans un monde numérique persistant. Ils peuvent s’y rencontrer, et même s’y marier, participer à des événements, assister à des cours ou des concerts, regarder des films, visiter des expositions, ainsi qu’acheter, créer et vendre des objets. <em>Second Life</em> a sa propre monnaie, le Linden, qui a un taux de change en temps réel avec le dollar. Bien que présenté comme le futur d’Internet, <em>Second Life</em> déclinera au fur et à mesure de la croissance des réseaux sociaux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comme faire ses premiers pas sur <em>Second Life</em> ?</span></figcaption>
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<p>Dans <em>Second Life</em>, il y a une quinzaine d’années que des entreprises comme Accenture, Alstom, Areva, Axa, Capgemini, Dior, Expectra, Lacoste, L’Oréal, Mercedez ou Unilog organisent des réunions de travail, des <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-tech/20070531.RUE0469/second-life-bienvenue-dans-le-recrutement-2-0.html">séances de recrutement</a>, des tests et des <a href="https://www.strategies.fr/actualites/marques/r44099W/second-life-nouveau-terrain-de-jeu-des-marques-de-luxe.html">lancements de produits</a>, des levées de fonds, des <a href="https://www.carscoops.com/2007/02/mercedes-benz-opens-new-showroom-in/">expositions de voitures</a>, et des <a href="https://www.gawker.com/234078/fashion-week-in-second-life">défilés de mode</a>. La vente d’objets virtuels, les transactions immobilières et la spéculation boursière y sont banales. Cependant, les nouveaux projets de métavers prévoient d’aller beaucoup plus loin en proposant un écosystème complet d’applications, de logiciels et d’environnements intégrés destinés à remplacer complètement Internet.</p>
<h2>Une grande diversité de projets</h2>
<p>Si Facebook se positionne en pionnier du métavers, de nombreuses autres entreprises se sont déjà lancées dans des projets concurrents avec des approches diverses et des ressources plus ou moins importantes comme Microsoft (<a href="https://minecraft.fr/le-plan-de-microsoft-pour-un-metaverse-dans-minecraft/"><em>Minecraft</em>, <em>Halo</em>, et <em>Flight Simulator</em></a>), Sony et <a href="https://www.journaldugeek.com/2021/11/24/epic-games-rachete-un-studio-pour-laider-a-construire-son-metaverse/">Epic Games</a> (<a href="https://www.ladepeche.fr/2021/09/13/fortnite-et-le-metaverse-quand-le-virtuel-sempare-du-reel-9787427.php"><em>Fortnite</em></a>, <a href="https://www.digitaltrends.com/gaming/fall-guys-epic-games-metaverse/"><em>Fall Guys</em></a>), <a href="https://www.cointribune.com/tribunes/tribune-crypto-et-gaming/ubisoft-la-societe-cherche-a-investir-et-a-creer-des-jeux-blockchain/">Ubisoft</a> et Animoca Brands (<a href="https://www.sandbox.game/en/"><em>Sandbox</em></a>), <a href="https://www.lebigdata.fr/metaverse-nvidia">Nvidia et BMW</a>, <a href="https://siecledigital.fr/2021/10/06/a-son-tour-alibaba-se-lance-dans-la-course-au-metaverse/">Alibaba</a> (Ali Metaverse, Taobao Metaverse, et Ding Ding Metaverse), <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/48751-niantic-leve-300-millions-dollars-developper-metaverse/">Niantic</a> (Lightship), <a href="https://kr-asia.com/baidu-launches-xirang-metaverse-environment">Baidu</a> (<em>Xirang</em>), <a href="https://www.scmp.com/tech/big-tech/article/3146842/bytedance-makes-another-move-metaverse-acquisition-vr-start-pico">ByteDance</a> (Pico), Huawei (<a href="https://pfw.ac/"><em>Perfect World</em></a>), Sensorium (<a href="https://sensoriumgalaxy.com/">Galaxy</a>), <a href="https://paris-singularity.fr/comment-tencent-se-positionne-en-pionnier-du-metaverse/">Tencent</a>, <a href="https://www.roblox.com/games/6674394294/Metaverse-Champions-Hub"><em>Roblox</em></a>, <a href="https://decentraland.org/"><em>Decentraland</em></a>, <a href="https://enjin.io/"><em>Enjin</em></a>, <a href="https://www.immutable.com/"><em>Immutable X</em></a>, <a href="https://greenparksports.com/"><em>Green Park</em></a>, <a href="https://metahero.io/"><em>Metahero</em></a>, <a href="https://www.cryptovoxels.com/"><em>CryptoVoxels</em></a>, <a href="https://somniumspace.com/"><em>Somnium Space</em></a>, <a href="https://getwinkies.com/fr/"><em>Winkyverse</em></a>, <a href="https://www.ovr.ai/"><em>OVRLand</em></a>, ainsi que les incontournables <a href="https://9to5google.com/2021/11/17/sundar-pichai-google-metaverse/">Google</a>, <a href="https://www.iphon.fr/post/apple-metaverse-power-on">Apple</a> et <a href="https://coinyuppie.com/amazon-the-essence-of-the-metaverse-is-still-cloud-computing/">Amazon</a>.</p>
<p>Le projet de Meta se veut une <a href="https://www.lci.fr/sciences-et-innovation/video-nouveau-logo-nouveau-nom-facebook-meta-a-quoi-va-ressembler-le-metavers-le-futur-d-internet-selon-mark-zuckerberg-2200373.html">évolution non seulement des réseaux sociaux, mais de tout Internet</a>. Le métavers tel que le voit Mark Zuckerberg reproduira le monde réel en réalité virtuelle multidimensionnelle avec des lieux de rencontre en famille ou entre amis, des boutiques où faire du shopping pour son avatar ou pour soi-même, des activités et des événements socioculturels, des espaces de jeu et de divertissement audiovisuel, des écoles et universités numériques, ainsi que des entreprises et des lieux virtuels de travail et de création. Pour atteindre l’objectif d’un milliard d’utilisateurs en 2030, Meta investit 10 milliards de dollars dans Facebook Reality Labs dès 2021, et probablement encore plus les années suivantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Travailler dans le métavers.</span></figcaption>
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<p>D’autres métavers ressembleraient plus au jeu <em>Oasis</em> du film <em>Ready Player One</em> : des univers vidéoludiques entièrement ouverts où les joueurs pourraient vivre de simples expériences sociales ou des aventures héroïques. Epic Games, l’éditeur de <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543"><em>Fortnite</em>, le jeu le plus populaire et le plus rentable de tous les temps</a>, a déjà réussi à créer un monde virtuel persistant avec sa propre économie et sa monnaie. Les concerts virtuels de la chanteuse Ariana Grande, du rappeur Travis Scott et du DJ Marshmello y ont rassemblé des millions de spectateurs en live.</p>
<p>Epic Games est propriétaire d’Unreal Engine, le moteur de jeu tellement photoréaliste qu’il en devient presque impossible de le distinguer de la réalité. Après avoir racheté Mediatonic – le studio à l’origine de <em>Fall Guys</em> – et Harmonix – créateur de la franchise <em>Guitar Hero</em> – Epic Games <a href="https://www.epicgames.com/site/en-US/news/announcing-a-1-billion-funding-round-to-support-epics-long-term-vision-for-the-metaverse">a levé 1 milliard de dollars</a>, dont 200 millions du Groupe Sony, pour concrétiser la vision de son PDG et fondateur Tim Sweeney.</p>
<p>Microsoft considère que certains de ses jeux sont déjà des métavers, en particulier Minecraft et Halo. Thème le plus visionné sur YouTube en 2020, Minecraft est parfois présenté comme le <a href="https://www.windowscentral.com/minecraft-is-the-greatest-game-ever-made">meilleur jeu jamais créé</a> car il est devenu bien plus. Avec plus de 140 millions d’utilisateurs actifs, c’est un lieu de rencontre, de loisir, de créativité, d’apprentissage et d’entrepreneuriat. <a href="https://rsf.org/fr/actualites/rsf-inaugure-la-bibliotheque-libre-un-centre-numerique-de-la-liberte-de-la-presse-au-sein-dun-jeu">Reporters Sans Frontières a inauguré dans Minecraft sa Bibliothèque Libre</a> qui regroupe des articles et des livres censurés dans leur pays d’origine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reporters sans frontières aide les journalistes censurés grâce à Minecraft.</span></figcaption>
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<p>Parmi les autres projets qui se distinguent, Nvidia a commencé à <a href="https://www.lebigdata.fr/metaverse-nvidia">créer un double numérique du monde</a> qui pourra être utilisé pour des expérimentations virtuelles destinées à être déployées ensuite dans le monde réel. De son côté, Niantic développe un <a href="https://nianticlabs.com/blog/real-world-metaverse/">« métavers du monde réel »</a> en réalité augmentée via sa plate-forme Lightship dont le but est d’améliorer les expériences physiques grâce au numérique. <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/qualcomm-snapdragon-spaces-pour-des-lunettes-intelligentes-telles-que-vous-les-vouliez-39932189.htm">Un partenariat avec Qualcomm</a> devrait donner naissance à des lunettes capables de superposer avec une très grande précision des éléments virtuels interactifs sur des éléments réels.</p>
<h2>Les progrès des technologies immersives</h2>
<p>Le métavers tel qu’il est envisagé par les géants de la Silicon Valley est devenu possible grâce aux récents progrès technologiques. Il associera la réalité virtuelle et augmentée, l’intelligence artificielle, la blockchain et les cryptomonnaies, les réseaux sociaux et la téléconférence, la simulation 3D et l’imagerie dynamique, l’e-commerce et l’e-business, la 5G et <a href="https://www.highspeedinternet.com/resources/6g-internet">bientôt la 6G</a>.</p>
<p>Avec Oculus, Meta propose des casques et des manettes de réalité virtuelle qui atteignent des niveaux de performance impressionnants, nécessaires pour évoluer dans le métavers. <a href="https://www.oculus.com/quest-2/">Le modèle Quest 2</a>, considéré comme le <a href="https://www.lesnumeriques.com/casque-realite-virtuelle/face-a-face/59017-58071.html">meilleur sur le marché</a>, est moins cher que ses concurrents de Sony, HP ou HTC, tout en étant plus puissant, plus léger, plus ergonomique, plus simple, avec une meilleure réactivité aux mouvements et une image plus nette et plus fluide.</p>
<p>Son processeur graphique ultra rapide et ses haut-parleurs intégrés qui diffusent un audio positionnel en 3D cinématographique procurent un fort sentiment d’immersion qui ne sera peut-être surpassé que par le <a href="https://www.frandroid.com/marques/apple/1150039_le-casque-de-vr-dapple-aurait-un-argument-de-taille-face-a-ses-concurrents">futur casque VR d’Apple attendu pour 2022</a>, mais qui serait 3 fois plus cher.</p>
<p>Microsoft a choisi la réalité mixte avec <a href="https://www.microsoft.com/fr-fr/hololens">sa gamme HoloLens de lunettes holographiques</a>. Destinées aux professionnels de la construction, de l’industrie, de la santé, et de l’éducation. Ce casque-ordinateur peut afficher des données et des instructions, créer et imprimer des modélisations 3D, et générer des hologrammes pour reproduire des objets ou des environnements distants.</p>
<p>La technologie haptique a beaucoup fait parler d’elle en 2020 à l’occasion de la <a href="https://theconversation.com/ps5-en-rupture-mondiale-desastre-ou-genie-marketing-150692">sortie de la PlayStation 5</a>. En effet, les manettes DualSense de la console sont réputées pour procurer des sensations extraordinaires comme percevoir les effets des gouttes de pluie. Elles génèrent des vibrations qui permettent de distinguer différentes armes dans les jeux de tir, et différentes pistes dans les jeux de courses.</p>
<p>Il y a quelques semaines, <a href="https://www.businessinsider.fr/mark-zuckerberg-utilise-les-gants-haptiques-mis-au-point-par-meta-pour-ressentir-les-objets-du-metavers-189170">Mark Zuckerberg a testé pour la première fois des gants haptiques</a> mis au point par Meta qui donnent une sensation de toucher très réaliste des objets et des textures en réalité virtuelle. Plusieurs vestes haptiques commencent à être commercialisées avec les modèles de <a href="https://optimaldesignco.com/case_studies/void/">The Void</a>, <a href="https://www.bhaptics.com/tactsuit">bHaptics</a>, ou <a href="https://www.actronika.com/post/live-the-most-immersive-vr-experience-with-the-skinetic-vr-vest">Actronika</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La veste haptique Skinetic de la société française Actronika.</span></figcaption>
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<p>Cependant, ce sont de véritables <a href="https://www.bhaptics.com/">combinaisons intégrales haptiques</a> qui voient le jour et qui permettront de reproduire pleinement le sens du toucher pour ressentir les effets de l’environnement et les contacts avec des personnes et des objets. Ces combinaisons mesureront également les données biométriques en temps réel et stimuleront la mémoire musculaire ce qui ouvre des possibilités infinies d’applications sportives et militaires.</p>
<h2>Une vie parallèle totalement sous contrôle</h2>
<p>Le métavers supprimera les frontières entre réalité et fiction et donnera un fort sentiment de présence dans des lieux qui n’existent pas et avec des personnes qui peuvent être à des milliers de kilomètres, ou avec des personnages imaginaires pilotés par une IA. L’idée principale est que les individus et les organisations puissent y cohabiter et y évoluer via des avatars sans les contraintes matérielles du monde physique.</p>
<p>Plusieurs questions se posent alors. Doit-on laisser une entreprise aussi dominante que Meta, qui a fait l’objet de <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/03/technology/whistle-blower-facebook-frances-haugen.html">plusieurs polémiques en 2021</a> et de <a href="https://www.businessinsider.com/mark-zuckerberg-scandals-last-decade-while-running-facebook-2019-12 ?IR=T">nombreuses autres controverses</a> depuis sa création, créer une plate-forme tellement puissante qu’elle permettra de contrôler tous les aspects de notre vie ? Quelles sont les garanties données aux utilisateurs des métavers que ces espaces virtuels seront sécurisés et éthiques ? Comment éviter une hypercentralisation de l’activité numérique où une seule entité privée gérera toutes nos interactions sociales et nos transactions pour en tirer profit ?</p>
<p>Ces inquiétudes sont d’autant plus légitimes que le projet de Meta conduit par nature à une situation monopolistique en voulant remplacer tout Internet. D’une part il n’est rentabilisé et ne fonctionne de manière optimale qu’au-delà d’une taille critique très grande. D’autre part les utilisateurs, qui ont un temps limité et cherchent à optimiser leurs activités numériques, vont choisir de manière quasi exclusive d’être présents dans un seul métavers.</p>
<p>La démarche de Meta semblerait donc aboutir à une <a href="https://www.protocol.com/newsletters/gaming/facebook-meta-rebrand-gaming-competition ?rebelltitem=1#rebelltitem1">propriété et un contrôle total du métavers</a> à travers le matériel et le système d’exploitation. Cependant, Meta affirme déjà que son métavers sera ouvert, collaboratif, et interopérable avec des standards universels. Comme Internet, il ne serait la propriété de personne et serait régulé par toutes les parties prenantes, dont les pouvoirs publics. Plusieurs métavers pourraient coexister et être connectés les uns aux autres, ce qui limiterait la captivité et les dérives.</p>
<p>Cependant, à défaut d’une régulation par les gouvernements qui sont toujours très en retard sur la technologie, il semble essentiel que les <a href="https://www.forbes.com/sites/cathyhackl/2020/08/02/now-is-the-time-to-talk-about-ethics%20--%20privacy-in-the-metaverse/ ?sh=6c7eb54aae6c">entreprises s’accordent sur de bonnes pratiques</a> en matière de respect de la vie privée, de cybersécurité, de lutte contre la désinformation, et de consentement éclairé des consommateurs vis-à-vis des technologies utilisées dans les métavers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si Meta semble déjà être leader, des dizaines de projets très différents de métavers sont en compétition. Qui remportera cette guerre pour le contrôle total de nôtre vie numérique ?Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1724552021-12-03T14:55:46Z2021-12-03T14:55:46ZFacebook et son « métavers » : le cauchemar devient-il réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435614/original/file-20211203-15-ywh2z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4608%2C2579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une personne avec un casque de réalité virtuelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/xL3xDwWx7_s">Lux Interaction/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’il y a plus de 10 ans, en 2010, avec Michael Haenlein, professeur de marketing également à ESCP Business School, nous avons identifié les mondes virtuels comme des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681309001232">médias sociaux</a>, notre raisonnement a souvent été remis en question. Pour nous, cependant, le lien était plus qu’évident puisque, à l’époque, nous avons fait beaucoup de recherches sur ces mondes virtuels, notamment <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681309000895">« Second Life »</a>. Récemment, notre logique a été confirmée lorsque Facebook, colosse des réseaux sociaux, a annoncé son entrée dans le monde des métavers, c’est-à-dire des mondes virtuels.</p>
<p>Nos <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14241270903047008">recherches</a> sur Second Life, un monde social virtuel tridimensionnel lancé en 2003, ont montré que nombre de ses utilisateurs, sous la forme d’avatars personnalisés ou, en d’autres termes, de représentations graphiques du caractère ou de la personnalité d’un utilisateur, considéraient ce monde virtuel non pas comme un simple jeu, mais comme une extension de leur vie réelle.</p>
<p>Dans Second Life, les utilisateurs interagissent avec d’autres personnes en temps réel, se rencontrent et se parlent, deviennent amis et cultivent leur réseau, voire <a href="https://www.jstor.org/stable/26893831">vendent et achètent des produits virtuels</a> en utilisant la monnaie virtuelle de Second Life, le linden dollar, qui peut être obtenu soit en échangeant des dollars US, soit en travaillant et en gagnant un salaire (virtuel). Une possibilité de gagner sa seconde vie est de créer des produits virtuels en les vendant dans sa propre boutique (virtuelle également). Mais aussi la spéculation immobilière semble opportune. Ainsi, Anshe Chung, alias Ailin Graef, aurait gagné un <a href="https://www.lefigaro.fr/conso/2007/04/16/05007-20070416ARTWWW90457-la_premiere_millionnaire_est_allemande.php">million de (vrais) dollars US</a> en acquérant de grands terrains virtuels qu’elle a revendus en petites parcelles pour plus cher.</p>
<p>Gagner du vrai argent est possible, car les Linden Dollars peuvent également être ré-échangés en dollars US, ce qui permet de gagner de l’argent réel, ce qui, déjà à l’époque, avait créé de sérieux maux de tête aux avocats fiscalistes et aux autorités fiscales.</p>
<h2>Un monde virtuel plus attrayant que la réalité</h2>
<p>Les utilisateurs décrivaient Second Life comme étant plus attrayante que la réalité, que leur vie réelle, leur première vie. L’utilisateur moyen de notre échantillon avait déclaré qu’il utilisait Second Life environ 4 heures par jour, avec une médiane de 2,8 heures. Pourtant, certains d’entre eux passaient plus de 16 heures par jour dans cet environnement virtuel, n’utilisant leur vie réelle que pour dormir. Pour cette <a href="https://www.proquest.com/openview/aabb755d48ae8c9cfcd797da14cfaa7f/1?pq-origsite=gscholar&cbl=36039">recherche</a>, nous nous sommes basés sur une série de 29 entretiens qualitatifs en profondeur que nous avons conduits auprès de résidents de Second Life venant de partout au monde et avec une moyenne d’âge de 35 ans.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sazE7OdgPCM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu'est-ce que Second Life ?</span></figcaption>
</figure>
<p>Sur la base de nos recherches, nous avons identifié quatre motivations principales pour l’utilisation de Second Life : la recherche de distractions, le désir de nouer des relations personnelles, le besoin d’apprendre, et le souhait et la possibilité mentionnés ci-dessus de gagner de l’argent.</p>
<p>Alors que le battage médiatique autour de Second Life a rapidement diminué, le métavers de Facebook pourrait effectivement être le début d’une autre histoire, plus importante.</p>
<p>Le fait de choisir pour Facebook le nom de métavers, une combinaison de <em>méta</em>, qui signifie au-delà, et de l’<em>univers</em>, n’est en effet pas anodin. L’écrivain américain de science-fiction Neal Stephenson a utilisé ce terme exact pour décrire son monde virtuel imaginaire dans son best-seller de 1992 <a href="https://www.wired.com/2021/10/geeks-guide-snow-crash/"><em>Snow Crash</em></a>. Dans ce roman, qui se déroule au début du XXI<sup>e</sup> siècle, Stephenson raconte l’histoire du livreur de pizza : Hiro, qui vit physiquement à Los Angeles, mais qui passe virtuellement la plupart de ses journées dans le métavers, où des avatars assistent à des concerts, vont au travail ou consomment des drogues virtuelles, comme le pseudo-narcotique Snow Crash. Le métavers devient si populaire que certaines personnes décident même d’y rester connectées en permanence en passant leur vie réelle dans des unités de stockage, entourées seulement de l’équipement technique nécessaire pour entrer dans le monde virtuel.</p>
<p>Neal Stephenson décrit fictivement ce que Second Life a partiellement transformé en réalité il y a près de vingt ans et ce que Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, semble avoir en tête pour son <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/meta-le-metaverse-de-facebook-inquiete-autant-quil-interesse_fr_617b98f5e4b079111a634224">métavers récemment annoncé</a>, qui semble devenir une version plus avancée de Second Life appliquant les dernières technologies en matière de réalité virtuelle et augmentée. Grâce à un casque de réalité virtuelle, les utilisateurs feront et verront tout en trois dimensions. Assister à un concert de son idole ou flâner aux Galeries Lafayette avec ses amis tout en restant chez soi ne sera plus aucun problème. Même les expressions faciales du porteur du casque, équipé d’un lecteur biométrique, pourront être reproduites sur le visage virtuel de l’avatar correspondant. Ainsi, pour Mark Zuckerberg, le métavers simplement révolutionnera l’idée même d’Internet.</p>
<p>Le moment est peut-être bien choisi. Au cours du Covid-19, l’état d’esprit de la société à l’égard des environnements numériques a considérablement changé, ayant connu des heures de réunions virtuelles sur Zoom, Google Meet ou Microsoft Teams. La question qui se pose est de savoir pourquoi un tel métavers pourrait devenir le cauchemar de la société ?</p>
<p>En 2010, nous avions terminé notre analyse en concluant que les utilisateurs n’avaient <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681309001232">« rien à perdre que leurs chaînes »</a>. Aujourd’hui, davantage semble être en jeu. En supposant que les progrès de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007681319301260">l’intelligence artificielle</a> (IA), de l’automatisation et de la transformation numérique laisseront une part importante de chômeurs vivre avec une forme de revenu de base universel, on peut se demander comment ils rempliront leur journée ?</p>
<h2>Le métavers n'est pas pour tout de suite</h2>
<p>Il y a déjà plus de 10 ans, plusieurs utilisateurs de Second Life ont déclaré qu’ils préféraient leur vie virtuelle à leur vie réelle. Avec un environnement virtuel bien amélioré, offrant plus de fonctionnalités et d’opportunités (virtuelles), n’y a-t-il pas plus de gens qui préfèrent transférer leur vie dans le métavers ? À quelle distance sommes-nous d’un monde comme celui illustré dans le roman de Neal Stephenson ?</p>
<p>Pour l’instant, Facebook a annoncé que la réalisation complète du métavers prendra 10 ans ou plus, même s’ils dépenseront des milliards de dollars américains pour lui donner vie. On peut également se demander si Facebook réussira dans cette entreprise compte tenu de son historique de lancements de nouveaux produits – et de leurs échecs (juste pensez à Parse, Beacon, ou encore Facebook Credits). Pourtant, ce n’est peut-être pas la bonne question à se poser. Facebook a remis sur la table l’idée d’un monde virtuel. Si ce n’est pas eux, une autre entreprise prendra le relais. Les véritables questions doivent être les suivantes : que signifierait un tel développement pour notre société, et si cela est souhaitable pour l’humanité ? Comment se préparer au mieux à une telle évolution éventuelle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andreas Kaplan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le monde virtuel « Second Life » était-il un avant-goût du Métavers de Facebook ? Faut-il craindre une aggravation de dérives déjà observées ?Andreas Kaplan, Rector, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1719972021-11-30T14:22:50Z2021-11-30T14:22:50ZLe métavers de Facebook : prison ou révolution ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433771/original/file-20211124-23-27gkfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C29%2C4868%2C2434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il faut prendre conscience des effets potentiels de l'avènement du métavers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Des univers virtuels dans lesquels nous plongerons, tête baissée. C’est la direction que prennent Facebook et son fondateur, Mark Zuckerberg avec le métavers, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2021-11-06/bienvenue-dans-le-metavers.php">contraction de « meta » (provenant du grec : au-delà) et « univers »</a>.</p>
<p>Grâce à un casque d’imagerie virtuelle, nous verrons et ferons tout en trois dimensions (loisir, travail, jeu, achats, sports). <a href="https://about.facebook.com/meta">Nous serons immergés dans un monde parallèle</a>.</p>
<p>D’autres acteurs, comme Microsoft et Sony, planchent également sur ce métavers, censé révolutionner Internet. Microsoft <a href="https://news.microsoft.com/innovation-stories/mesh-for-microsoft-teams/">vante, par exemple, les bienfaits associés au travail à distance</a>. La réalité virtuelle permettra de demeurer chez soi tout en collaborant « physiquement » avec ses collègues. Chaque personne aura son avatar personnalisé en 3D, permettant une interaction dans un monde virtuel. Ou encore, imaginons une séance de magasinage dans un centre commercial virtuel, qui permet de rester confortablement installé à la maison.</p>
<p>Comme professeur de marketing à l’Université du Québec à Trois-Rivières, je suis convaincu de l’importance de mieux comprendre nos comportements, leurs causes et leurs effets. Les moyens de communication, qui évoluent sans cesse, doivent au minimum nous pousser à réfléchir aux impacts qu’ils engendrent.</p>
<p>La révolution du métavers sera-t-elle une nouvelle forme d’enfermement ?</p>
<h2>Une idée dont les fondements ne datent pas d’hier</h2>
<p>Michel Foucault, dans son ouvrage <em>Surveiller et punir</em> publié en 1975, élabore longuement sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2012-2-page-47.htm">Panopticon</a>, une architecture carcérale imaginée par le philosophe anglais Jeremy Bentham au XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’image est simple. Au centre, une haute tour, au sommet de laquelle se trouvent les gardiens. Tout autour de cette tour, dans un autre bâtiment, la série de cellules. Le principe est le suivant : le gardien surveille les détenus, sans pour autant être vu par ces derniers. Chaque détenu intègre ainsi l’idée de surveillance constante, qui se transforme graduellement en jeu de pouvoir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Représentation imagée du Panopticon" src="https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434200/original/file-20211126-27-10ks6j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ère de la surveillance numérique n’est pas sans rappeler la métaphore du Panopticon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Foucault développe ainsi l’idée d’une société de surveillance, rendue possible grâce aux lieux d’enfermement comme la prison, l’école, l’usine ou l’hôpital. Or, il ajoute que cette société n’est pas éternelle, qu’une autre la remplacera.</p>
<p>C’est ici qu’entre en jeu le philosophe Gilles Deleuze, qui <a href="https://www.cairn.info/revue-ecorev-2018-1-page-5.htm">imagine une société de contrôle</a> à la fin des années 1980. Pour lui, l’enfermement physique n’est plus requis. Le contrôle s’exerce un peu partout, en dehors des murs.</p>
<p>Il y a longtemps, les technologies du moment paraissaient simples : poulies, leviers, horloges, machines à vapeur. Aujourd’hui, la place est à l’ordinateur, le langage est numérique.</p>
<p>Toujours selon Deleuze, le langage numérique du contrôle est fait de chiffres, qui marquent l’accès à l’information, ou le rejet.</p>
<p>Comme individu, nous laissons des traces, des données qui sont engrangées dans des entrepôts, le nuage, le <em>cloud</em>. Des applications nous rappellent qu’il faut bouger, d’autres nous dictent la bonne voie pour se rendre au point B, qu’il est temps de prendre notre médicament. Deleuze dirait peut-être que ce sont des exemples concrets d’une technologie qui contrôle, qui nous contrôle.</p>
<p>Le métavers ressemble étrangement à une nouvelle forme d’enfermement qui jumelle lieux clos et contrôle potentiel.</p>
<h2>Gare à l’espionnage</h2>
<p>Facebook pourra recueillir d’innombrables données lorsque nous serons plongés dans cet univers. Nous observer constamment sans que nous le sachions vraiment. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui, d’ailleurs, puisque notre navigation est épiée. Or, l’entreprise dit vouloir développer son métavers de manière éthique et responsable en consultant, par exemple, les autorités gouvernementales et réglementaires.</p>
<p>Frances Haugen, lanceuse d’alerte et ancienne employée de Facebook, a déclaré devant des élus français être inquiète des conséquences liées à ce métavers, <a href="https://www.lesaffaires.com/techno/produits-electroniques/la-lanceuse-d-alerte-de-facebook-met-en-garde-contre-le-metavers/628807">mettant notamment en garde la population</a> contre le recours à des « capteurs » ou des « micros » dans l’environnement de l’utilisateur :</p>
<blockquote>
<p>Imaginons que vous travailliez à la maison et que votre employeur décide d’adopter la plate-forme du métavers de Facebook. Vous ne pourrez plus décider si Facebook peut vous espionner ou non. Le métavers permettra à Facebook de rassembler des tonnes de nouvelles données sur vous.</p>
</blockquote>
<h2>Une lutte entre l’intelligence et le plaisir</h2>
<p>Ce nouvel univers ne permettra sans doute pas de réduire notre « temps d’écran ». Le propriétaire moyen de iPhone déverrouille son appareil 80 fois par jour, soit <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/nouvelles/magazine-pivot/2019-09-06-temps-ecran">toutes les 12 minutes, 16 heures sur 24</a>. La moindre notification nous fait réagir, telle la clochette de Pavlov. Nous en sommes arrivés à un autoconditionnement technologique, qui a une source précise.</p>
<p>Le docteur en neuroscience Sébastien Bohler explique que <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/pourquoi-notre-cerveau-nest-pas-ecolo">notre cerveau est au centre de notre comportement</a>. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Striatum">striatum</a>, partie du cerveau, est le siège de nos motivations, de nos désirs. Il libère la dopamine, l’hormone du plaisir.</p>
<p>Parmi ces motivations, nous retrouvons la quête d’information et le statut social, qui peuvent être en partie rassasiés par le Web et les réseaux sociaux. Recevoir de l’attention, grâce aux « likes » et aux commentaires, ne rien manquer, être surinformés, alors que nos écrans regorgent d’une quantité pléthorique d’informations de toutes sortes. Nous en voulons toujours plus, et le striatum se charge d’en retirer du plaisir.</p>
<p><a href="https://www.franceinter.fr/vie-quotidienne/l-etre-humain-court-a-sa-perte-mais-c-est-la-faute-de-son-cerveau">Toujours selon Bohler</a>,</p>
<blockquote>
<p>Cette lutte entre le cortex (siège de l’intelligence) et le striatum explique que nous n’arrivions pas à nous projeter à long terme pour limiter le réchauffement climatique et que nous préférons consommer là, tout de suite, maintenant.</p>
</blockquote>
<h2>Les côtés sombres des réseaux sociaux se verront exacerbés</h2>
<p>Nous maîtrisons désormais davantage l’effet des écrans et des réseaux sociaux. La dépendance à ces réseaux aurait un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0144929X.2021.1891460">impact sur le niveau d’anxiété et de stress</a>, selon une étude réalisée auprès d’un groupe d’étudiants jordaniens.</p>
<p>La <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0189719">dépendance à Facebook serait notamment à surveiller</a>, selon une étude publiée en 2017 par des chercheurs allemands. Ces derniers ont démontré que le <em>Facebook Addiction Disorder (FAD)</em> est associé au narcissisme et peut mener à un niveau élevé de stress. Ils écrivent :</p>
<blockquote>
<p>On peut donc supposer que les personnes présentant des symptômes d’anxiété accrus, qui utilisent régulièrement Facebook dans une optique de soulagement et d’évasion, présentent une probabilité exacerbée de développer un FAD.</p>
</blockquote>
<p>Une utilisation excessive des réseaux sociaux aurait également un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09291016.2019.1620487">impact négatif sur la mémoire et l’apprentissage</a>. Les enseignants savent très bien que les étudiants font souvent plus d’une chose à la fois. C’est le multitâche. Naviguer sur deux, trois ou quatre réseaux sociaux en même temps a une incidence sur la qualité de l’attention et la performance académique. En d’autres termes, un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/sjop.12731">niveau trop élevé de distraction est nuisible</a>.</p>
<p>Il est aussi préoccupant de constater que notre utilisation des réseaux sociaux peut avoir un impact sur l’envie et sur l’estime de soi. Les plus grands utilisateurs <a href="https://psycnet.apa.org/record/2021-24166-001">entreraient dans une spirale de comparaison de leur vie avec celle des autres</a>.</p>
<p>Le métavers, et sa réalité virtuelle, vont sans aucun doute intéresser bon nombre de chercheurs. Est-ce qu’une telle technologie pourra compenser les effets négatifs des réseaux sociaux comme on les connaît aujourd’hui ? Contribuer à un meilleur apprentissage, une meilleure concentration ? Le menu est vaste.</p>
<p>Les propos de Deleuze sur le contrôle semblent plus pertinents que jamais. Il ne reste qu’à déterminer qui contrôlera qui…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171997/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Crête ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le métavers pourrait bien devenir une forme d’enfermement menant à une surveillance accrue par ses concepteurs, qui incluent notamment le géant Facebook ; une prise de conscience est nécessaire.David Crête, Professeur de marketing, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703462021-11-24T23:20:12Z2021-11-24T23:20:12ZDébat : Métavers, taxis volants et autres armes de destruction massive de la planète<p>5G, 8K, taxis volants et métavers fascinent tout autant qu’ils posent question, mais assez rarement, voire jamais, sous l’angle écologique.</p>
<p>Dans un récent article du quotidien <em>Le Monde</em> – paru le 18 octobre 2021 et intitulé <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/18/facebook-va-recruter-10-000-personnes-en-europe-pour-creer-le-metavers_6098755_3234.html">« Facebook va recruter 10 000 personnes en Europe pour créer le métavers »</a> –, sont ainsi évoqués l’emploi, la localisation du lieu de production de l’innovation, des « cas d’usage » de cette application et les expériences qu’elle permettra ; les risques soulignés concernent seulement l’addiction ou les droits de l’individu dans le métavers.</p>
<p>On retrouve <a href="https://www.lemonde.fr/la-foire-du-drone/article/2019/05/17/y-a-t-il-un-pilote-dans-le-taxi-volant_5463533_5037916.html">cette même trame narrative</a> au sujet des taxis volants : les promesses d’un côté et le rapport des individus entre eux, lorsqu’ils seront aux commandes de l’engin.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0IKKIPZr_C0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Toulouse, Airbus présente son taxi volant prévu pour 2023. (AFP, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le lien n’est toutefois jamais établi entre ces initiatives et leurs potentiels impacts sur la biosphère. Pour trouver un tel lien, il faut aller dans les pages « Planète » ou « Livres » du <em>Monde</em> : ici, le consommateur est <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2021/09/16/l-enfer-numerique-la-face-cachee-de-nos-e-mails_6094839_1698637.html">mis en cause pour ses usages excessifs</a> de vidéo ou d’emails.</p>
<p>Cette manière de « compartimenter » les débats et les enjeux ne date pas d’hier et feuilleter de vieux numéros du <em>Monde</em> conduira aux mêmes observations.</p>
<h2>Technologies <em>hype</em> vs écologie punitive</h2>
<p>La réglementation procède de façon identique. D’un côté, des lois et directives qui <a href="https://www.arcep.fr/la-regulation/telecom-et-numerique/les-textes-legislatifs.html">organisent l’expansion du numérique</a> et de ses applications ; de l’autre, celles qui s’intéressent aux implications écologiques de ces technologies, gérées par d’autres agences – comme l’Ademe (Agence de la transition écologique) en France.</p>
<p>Une première conséquence de cette partition est de faire apparaître l’écologie comme « punitive ». D’un côté, les <a href="https://www.gartner.com/en/research/methodologies/gartner-hype-cycle">innovations techniques et leur « hype »</a>, leur lot de promesses de nouvelles expériences, de joie, de bonheur, de réalisations fantastiques. De l’autre, la question écologique, qui parle déchets, efficacité énergétique, destruction de la planète et autres questions « déprimantes » et « ennuyeuses ».</p>
<p>Cela vaut aussi pour la recherche : les chercheurs avec de bonnes nouvelles » technologiques sont placés en tête de gondole, les autres restent en fond de cale. Ainsi la médiatrice de <em>France Info</em> expliqua-t-elle que le transfert du footballeur Messi <a href="https://mediateur.radiofrance.com/rendez-vous/couverture-editoriale-sur-larrivee-de-lionel-messi-au-psg/">« valait » plus de temps d’antenne</a> que le rapport du GIEC, le premier sujet relevant du feuilleton, alors que le rapport du GIEC constitue un événement ponctuel.</p>
<h2>Sobriété oblitérée</h2>
<p>Autre conséquence : la réglementation écologique reste globalement cantonnée au domaine de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/action-france-lefficacite-energetique">« l’efficacité écologique »</a> ; ce terme technique désigne la quantité de matière et d’énergie nécessaire pour fabriquer un bien ou rendre un service.</p>
<p>Cette efficacité masque d’autres approches, essentielles dans la transition écologique : celles relatives à la sobriété. Celle-ci pose la question de savoir si nous avons vraiment besoin de ce bien ou ce service. Que ce soit pour la 8K ou de la 5G, l’association Shift Project remet ainsi en cause son intérêt, <a href="https://theshiftproject.org/article/lean-ict-pour-une-sobriete-numerique-intermediaire/">au regard de ses effets prévisibles sur la planète</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1418546682543984641"}"></div></p>
<p>Troisième conséquence de cette partition entre expansion numérique et impact environnemental, l’écologie a toujours un temps de retard. On y assiste dans les faits : en dépit des réglementations, l’impact écologique du secteur numérique ne cesse de grandir. Les applications sont développées à coup de millions, voire de milliards. Ensuite seulement se pose la question environnementale. Il est alors déjà trop tard !</p>
<h2>Des dépendances massives… et prévisibles</h2>
<p>Pourtant, dans bon nombre de cas, les effets de ces projets sont prévisibles – on peut dire bien en amont quelles sont les idées désastreuses, ou du moins fortement problématiques.</p>
<p>Mener cette réflexion en amont permettrait d’éviter des <a href="https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1994_num_9_1_950">situations de <em>lock-in</em> technologique</a>, telles que la dépendance massive des modes de vie à l’automobile ou au smartphone. Des situations dont il est difficile de sortir, parce qu’elles impliquent de coordonner un changement d’infrastructures et d’habitudes, à l’image de l’implantation du vélo en ville, « contre » la voiture.</p>
<p>Ces conséquences facilement anticipables, on les retrouve avec la 5G, la 8K, les taxis volants et le métavers.</p>
<p>Conçue pour favoriser une forte hausse du trafic de données, la 5G a par exemple un énorme coût énergétique, même si des gains tout aussi énormes en termes d’efficacité sont réalisés dans ce domaine depuis les années 1950. Comme le souligne le Shift Project <a href="https://theshiftproject.org/article/lean-ict-pour-une-sobriete-numerique-intermediaire/">dans son rapport</a>, ces gains d’efficacité sont cependant stables à l’échelle du système technique ; ils ne pourront donc pas compenser la multiplication des données…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234616967933448192"}"></div></p>
<p>Le raisonnement vaut pour la 8K et les métavers, que l’on pourrait décrire sur un plan conceptuel comme une variante améliorée de <a href="https://secondlife.com/">Second Life</a>, univers numérique persistant mis en service en 2003. À l’époque, le spécialiste de la technologie Nicholas Carr avait fait remarquer qu’un avatar sur ce réseau <a href="http://www.roughtype.com/?p=611">consommait plus d’énergie</a> qu’un Brésilien moyen.</p>
<p>Des œuvres de fiction comme <em>Virtual Revolution</em> (2016) esquissent un monde dans lequel les métavers absorberaient l’essentiel de nos interactions sociales, de même que les réseaux sociaux sont aujourd’hui un véhicule majeur des conversations quotidiennes.</p>
<p>La quantité d’information qu’il sera nécessaire de produire et de traiter est facile à anticiper, par comparaison avec ce qui existe déjà. L’entreprise informatique <a href="https://www.cisco.com/c/dam/m/en_us/solutions/service-provider/vni-forecast-highlights/pdf/Global_2020_Forecast_Highlights.pdf">Cisco prévient</a> : ces univers pourraient facilement devenir la première source de trafic sur Internet.</p>
<p>Quant aux taxis volants, ils cherchent à retrouver dans les airs la place « perdue » au sol ; bref, à encombrer l’un des derniers espaces encore disponibles, tout en sachant que monter et descendre consomme généralement plus d’énergie que de se déplacer à l’horizontale, du fait de la gravité.</p>
<h2>Notre relation à la nature</h2>
<p>On le voit, les liens entre innovation technologique et situation écologique ne sont pas compliqués à établir ; il n’y a pas ici de difficulté conceptuelle. Et l’écologie n’est pas condamnée à être en retard.</p>
<p>Marx nous expliquait déjà que la <a href="https://d-nb.info/94187897x/04">question du rapport des êtres humains à la nature, c’est la technique</a>, les choix techniques, et non l’admiration béate d’espaces supposément vierges que l’on contemplerait lors de balades le week-end…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-nature-une-idee-qui-evolue-au-fil-des-civilisations-158045">La « nature », une idée qui évolue au fil des civilisations</a>
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<p>Les écologistes l’affirment haut et fort, depuis longtemps : certains choix techniques posent un problème de compatibilité avec les conditions d’une vie bonne sur Terre. Mais ces problèmes sont formulés dans l’espace public de manière compartimentée, ce qui empêche toute problématisation sérieuse.</p>
<h2>Pourquoi ça coince ?</h2>
<p>L’écologisme n’est pas condamné à demeurer dans le « punitif ». Vélos, circuits courts, énergies renouvelables, isolation, autoconstruction… les initiatives écologiques sont nombreuses et peuvent peser, dès lors que les différentes voies possibles sont convenablement informées, dans le débat public.</p>
<p>Qu’est-ce qui pose problème alors ? Pourquoi la <em>hype</em> bénéficie-t-elle autant à des projets dont on peut facilement montrer qu’ils poseront d’énormes problèmes dès qu’ils atteindront une certaine échelle ? Les explications sont multiples.</p>
<p>Les projets de « la tech » sont les mieux financés, bénéficiant d’une grande force de frappe en matière de puissance de persuasion. Marketing, enquêtes… le <em>storytelling</em> est savamment dosé et étroitement ciblé pour toucher les publics les plus réceptifs, avant d’être progressivement étendu vers de nouvelles franges de la population, jusqu’à saturation.</p>
<p>Ces histoires partielles s’inscrivent aussi dans l’histoire plus large des sociétés développées et leur course aux technologies les plus capitalistiques, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1232830/f1n351.pdf">comme Marx le montra dès 1867</a>, soulignant les effets de la reproduction élargie du capital. Les socialismes ont d’ailleurs placé beaucoup d’espoir dans cette « expansion des forces productives ».</p>
<p>Rompre avec cette histoire linéaire, puisque poursuivant toujours le même but, c’est comme « régresser » et l’on préfère en quelque sorte maintenir cette narration que la vie sur Terre. Une narration où science et science-fiction se mêlent, à l’image d’Elon Musk évoquant une installation prochaine sur Mars. Le biais cognitif, <a href="https://www.puf.com/content/La_d%C3%A9mocratie_des_cr%C3%A9dules">appelé « effet Othello »</a>, joue ici à plein.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1099919194693554177"}"></div></p>
<p>Une autre explication concerne la capitalisation elle-même, qui constitue une <a href="http://www.editions-recherches.com/fiche.php?id=84">mesure de la puissance</a> des organisations. Plus la capitalisation est importante, plus les réseaux contrôlés par l’organisation s’avèrent étendus – et plus la puissance de persuasion est élevée. Elon Musk, encore lui, ambitionne de contrôler l’ensemble de la flotte de véhicules particuliers, avec ses robotaxis et ses voitures autonomes. Et ce qui est vrai des entreprises l’est aussi des États, comme le souligne François Fourquet dans l’ouvrage <a href="http://www.editions-recherches.com/fiche.php?id=84"><em>Les Comptes de la puissance</em></a>.</p>
<p>Si les <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48039030">conceptions dominantes du socialisme</a> au XXe siècle ont toujours été fascinées par ce pouvoir collectif que le capitalisme faisait naître, et qu’elles cherchaient à mettre au service du plus grand nombre, l’écologisme soutient pour sa part <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/nature-et-politique/">l’initiative décentralisée et les boucles de petite taille</a>.</p>
<p>Ce courant rompt ainsi fréquemment avec la « politique de puissance », expliquant notamment son opposition forte aux conservatismes. Est-ce « réaliste », dans un monde où les États cherchent à se dominer les uns les autres ? Mais, à l’opposé, la course à la grandeur peut-elle durer indéfiniment si elle mine les conditions de vie sur Terre ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170346/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour quelles raisons les effets délétères des nouvelles technologies sur l’environnement ne sont-elles pas prises en compte bien en amont ?Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710182021-11-09T22:37:37Z2021-11-09T22:37:37ZDe quoi le « Meta » de Facebook est-il le nom ?<p>Facebook n’a pas changé de nom : il s’est constitué en filiale abritée par une maison-mère, Meta. Cette stratégie de conglomérat a été vue comme une façon de botter en touche face aux attaques actuelles contre le média social, concernant sa concentration verticale (avec Instagram, Messenger et WhatsApp) et surtout sa gestion douteuse de la désinformation, suite aux révélations répétées de lanceurs d’alerte comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie-le-portrait/20211029-frances-haugen-la-lanceuse-d-alerte-qui-fait-trembler-facebook">Frances Haugen</a>. Elle a révélé, entre autres, que Facebook avait supprimé en 2020 certains filtres faisant barrage aux infox pour augmenter la fréquentation sur ses pages et donc ses profits publicitaires, préférant le profit à l’intégrité de l’information.</p>
<p>Plutôt que de répondre sur la désinformation et la sécurité de ses usagers, Facebook détourne les projecteurs de l’attention publique sur une autre actualité : celle <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/metaverse-cinq-questions-sur-le-nouveau-monde-virtuel-de-facebook-1359667">du métavers (contraction de « meta » et « univers »)</a> un monde virtuel en ligne et immersif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-metavers-de-mark-zuckerberg-pourra-t-il-rester-sous-son-controle-171190">Le « métavers » de Mark Zuckerberg pourra-t-il rester sous son contrôle ?</a>
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<p>Cette manœuvre présente l’avantage d’opérer la mue du média social en entreprise numérique diversifiée, tout comme Google en 2015, avec sa maison-mère, Alphabet.</p>
<p>En fait, le tournant vers le métavers a été pris par Mark Zuckerberg dès l’acquisition de Oculus VR en 2014, une filiale fabriquant des casques de réalité virtuelle, désormais renommée <a href="https://www.journaldugeek.com/2021/10/29/realite-virtuelle-facebook-veut-enterrer-la-marque-oculus/">Meta Quest 2</a></p>
<p>Ce faisant, Mark Zuckerberg s’inscrit dans la logique de l’augmentation numérique avec deux atouts qui distinguent META des autres entités en lice : la capacité de se brancher à la régie publicitaire Audience Network et donc de monétiser tous ses contenus et services ; la capacité d’agréger tous les usagers de tous ses médias sociaux (plusieurs milliards !), pour bâtir une communauté en ligne immergée mondialement. Le tout en se branchant sur les <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/8619">utopies d’internet</a> dès les origines.</p>
<h2>Le métavers et l’imaginaire d’internet</h2>
<p>Le métavers existe dans la littérature de science-fiction dystopique depuis les années 1980. Dès 1984, William Gibson publie un roman qui marque le début du « cyberespace », <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neuromancien"><em>Neuromancer</em></a>. Le héros, un hacker blessé, avec l’aide de son avatar, pénètre une intelligence artificielle, Wintermute, et l’augmente en l’alliant à une autre, Neuromancer, pour produire une super-conscience (en partie à son image).</p>
<p>En 1992, c’est au tour de Neal Stephenson de créer le terme « metavers » dans <em>Snow Crash</em>, traduit en français par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Samoura%C3%AF_virtuel"><em>Le Samourai virtuel</em></a>. Là aussi le héros, un hacker livreur de pizzas, met en échec un dangereux manipulateur des cerveaux en se branchant avec une interface sur un métavers, développé par une corporation constituée en mini-pays où le code fait loi.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=974&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=974&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=974&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1224&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1224&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430744/original/file-20211108-10108-1gbleih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1224&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couverture du « Neuromancer », première édition, 1986.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jvk/2827620644">John Keogh/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’imaginaire déjanté des origines est relancé en 2011 par le roman d’Ernest Cline, <em>Player One</em> (devenu <em>Ready Player One</em> à Hollywood). Il met en scène un système mondial de réalité virtuelle, OASIS, accessible par casque de réalité virtuelle, devenue une société virtuelle que le héros, avec son avatar, s’efforce de fermer pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Player_One_(roman)">redonner du sens à la vie réelle</a>.</p>
<h2>Des jeux à l’immersion</h2>
<p>Mais il faut aller regarder du côté des jeux vidéo pour se rendre compte de la réalité qui se préfigure. D’abord « Habitat », considéré comme le premier jeu de rôle à construire une communauté virtuelle commerciale à grande échelle basée sur des graphiques et des avatars, <a href="https://fr.abcdef.wiki/wiki/Habitat_(video_game)">dès 1986</a>. À noter que Facebook a aussi développé un programme Habitat 2.0 pour entraîner une intelligence artificielle à se déplacer <a href="https://siecledigital.fr/2021/07/05/facebook-habitat-2-0-ia-maison/">dans une maison</a>. Second Life va plus loin, en 3D. Créé en 2003, ce métavers permet aux usagers de créer leur propre contenu et de le monétiser avec une monnaie virtuelle, le <a href="https://secondlife.com/?lang=fr-FR">linden</a> (convertible en dollars).</p>
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<figcaption><span class="caption">Qu’est ce que Second Life ?</span></figcaption>
</figure>
<p>Depuis des plates-formes de médias sociaux en environnements virtuels immersifs se sont développées, comme VRChat, AltspaceVR ou Immersed, qui fonctionne sur <a href="https://immersed.com/">Oculus Quest</a></p>
<p>Déjà Unity s’avère être une plate-forme de jeu multiplateforme qui permet du développement 3D en temps réel et possède une entité, Unity Ads Network, pour permettre aux joueurs de monétiser leur création. Elle se pose en 3<sup>e</sup> place, après Google et Facebook, pour la <a href="https://venturebeat.com/2020/10/14/appsflyer-facebook-google-and-unity-ads-dominate-mobile-advertising/">publicité sur mobiles</a>.</p>
<p>Le concept imaginaire semble donc s’incarner dans l’industrie alors que différentes technologies arrivent à maturité : les réseaux sociaux, les jeux massifs en ligne, la réalité virtuelle immersive. Et que la superstructure d’internet est en place de manière robuste, <a href="https://theconversation.com/sans-les-cables-sous-marins-plus-dinternet-leurope-est-elle-prete-169858">sur tous les continents, les océans et dans l’espace</a>.</p>
<p>La fiction peut devenir réalité par la possibilité d’interconnecter des avatars en temps réel, dans plusieurs environnements virtuels et objets connectés. La définition du métavers se précise donc : il s’agit bien de simuler (et de monétiser) un univers en interaction avec le nôtre, qui peut transcender la réalité car il a une prise en surplomb (méta-) sur les activités du monde physique.</p>
<p>Cela est rendu possible par la <a href="https://www.objetconnecte.com/iot-2020-tendances-predictions+">traçabilité</a> de tous les sujets et de tous les objets par le numérique.</p>
<h2>Le marché du métavers est déjà là</h2>
<p>Les industries du métavers <a href="https://medium.com/building-the-metaverse/market-map-of-the-metaverse-8ae0cde89696">existent depuis plusieurs décennies</a>. Elles appartiennent à des secteurs divers qui tous relèvent des expériences ludiques en ligne (Fortnite, Valve…), de la présence à distance et des interfaces humaines (Oculus, Facebook, YouTube…) et des contenus créatifs agrégés par les usagers (Shopify, Adobe, Unity…).</p>
<p>Un coup d’œil aux compagnies du métavers montre que la chaine de la valeur repose sur l’interopérabilité entre ces divers espaces virtuels et <a href="https://medium.com/building-the-metaverse/the-metaverse-value-chain-afcf9e09e3a7">sur la monétisation</a>. L’interopérabilité, côté usagers, peut se mettre en place avec des propositions de créer son propre avatar et de faire des partenariats entre apps et développeurs comme dans le cas de ReadyPlayerMe, utilisable dans de <a href="https://readyplayer.me/fr?ref=key.chtouch.com">nombreux espaces virtuels</a>. Cela peut permettre à un usager de faire faire des actions à son avatar et de les faire sponsoriser par une marque par exemple.</p>
<p>La monétisation, quant à elle, laisse entrevoir les promesses de la blockchain et des cryptomonnaies, préfigurées par Second Life avec le linden (la monnaie développée par le jeu et convertible en dollars). Facebook s’apprête à lancer la sienne, diem (anciennement libra), pour pouvoir faire toutes sortes de transferts via les <a href="https://www.bitcoinmarketjournal.com/facebook-coin/">services numériques</a>.</p>
<h2>Un phénomène caractéristique de la « plateformisation » de la société</h2>
<p>Les caractéristiques partagées des compagnies du métavers, dans lesquelles Facebook figure en bonne place comme Unity, regroupent celles de la <a href="https://www.fnac.com/livre-numerique/a12899801/Jose-van-Dijck-The-Platform-Society">plateformisation</a>, jouant de la convergence entre l’IA, les objets connectés et les données de masse (big data), pour viser une réalité augmentée persistante et partagée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Unity présente un forum virtuel pour les créateurs et innovateurs, été 2021.</span></figcaption>
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<p>Celle-ci se fonde sur trois mécanismes : la datafication, la marchandisation et la curation.</p>
<p>La datafication repose sur la capacité des plates-formes en réseau de transformer en données des aspects du monde qui n’avaient jamais été quantifiés auparavant comme les amitiés, les goûts, les historiques de navigation…</p>
<p>La marchandisation consiste en la transformation des objets, activités, émotions, idées en ligne et hors ligne en « marchandises », échangeables et vendables, par le biais des données personnelles, par exemple l’association d’un tarif publicitaire à un profil d’usager à atteindre ou un service de surveillance pour protéger sa vie privée.</p>
<p>La curation implique la sélection des objets, services et acteurs les plus pertinents en utilisant la personnalisation, l’influence, la réputation et les pratiques de modération comme le recours à des influenceurs par certaines grandes marques pour le placement de leurs produits.</p>
<h2>L’encastrement des biens relationnels et biens expérientiels</h2>
<p>En cela l’avantage de Facebook (et de tout autre média social amené à lui succéder ou le supplanter) est de combiner les effets de réseau des biens relationnels et des biens expérientiels, qui fondent les deux versants de l’économie numérique dite <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.100.4.1642">« biface »</a> (<em>multisided</em>) car elle rassemble de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs via une plate-forme unique et de nouveaux modèles d’affaires.</p>
<p>Les biens relationnels, au fondement des médias sociaux, sont ceux des relations interpersonnelles durables et non rivales, sans échanges commerciaux, prédiqués sur l’interaction entre les individus, particulièrement la réciprocité dans la poursuite d’intérêts communs <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2017-2-page-126.htm">selon Carol Ulhaner</a>, comme une interface de tchat par exemple.</p>
<p>Les biens expérientiels reposent sur des échanges commerciaux appuyés sur la logique d’usage plutôt que celle de la propriété, avec toutes sortes de services en ligne qui relèvent plus de la location que de l’appartenance. Les développeurs sont des <a href="http://clemi.spip.ac-rouen.fr/?Penser-la-societe-de-l-ecran">« nétayers »</a>, qui partagent les revenus de leur travail avec les cyber plateformes, comme dans le cas de développeurs de jeux sur Unity. La complémentarité de ces deux biens en ligne constitue la force de frappe du numérique, et elle est augmentée dans le métavers déjà existant, qui promeut <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2017-2-page-126.htm">l’activité créative</a> des usagers développeurs et agrégateurs de contenu.</p>
<h2>Un effet de réseau</h2>
<p>Ces biens numériques jouent sur <a href="https://laviedesidees.fr/Mark-Granovetter-Societe-et-economie.html">l’effet de réseau et la force des liens faibles</a> chère au sociologue Mark Granovetter. Ils ont la force de faire s’interfacer l’url (localisateur uniforme de ressource, l’adresse web) et l’IRL (« in real life »).</p>
<p>Les liens faibles, facilités par le mécanisme de mondialisation, permettent d’obtenir des résultats et des services par interactions multiples, pas toujours coordonnées, sans nécessairement rencontrer les personnes dans la vraie vie. Mark Granovetter envisage le marché biface sur la base de deux sortes d’encastrements, qui convergent avec le métavers : l’encastrement relationnel, celui des biens relationnels et expérientiels et des liens faibles, et l’encastrement structural, celui des <a href="https://journals.openedition.org/sdt/34306">institutions, des réseaux, des plates-formes et des apps</a>. Mais ce métavers encastré n’est possible qu’avec des publics prêts à devenir des « consommacteurs », à savoir des joueurs avec leurs avatars, prêts à créer et à consommer.</p>
<h2>Habituer l’usager</h2>
<p>Cela implique une compétence spécifique en réception, l’e-présence, à savoir la capacité de gérer une identité numérique complexe, avec les <a href="https://psn.univ-paris3.fr/ouvrage/penser-la-societe-de-lecran-dispositifs-et-usages">dimensions cognitive, sociale et designée</a>. D’où l’intérêt aussi de Facebook de développer des versions « junior » d’Instagram, après MessengerKids, pour recruter de nouveaux usagers <a href="https://siecledigital.fr/2021/03/21/facebook-instagram-junior/">dès le plus jeune âge</a>.</p>
<p>Le métavers repose sur la participation intégrée et active de membres du public qui se constituent en communautés de pratiques et de consommation. Il faut que les usagers soient prêts à se mettre en récit et en scène pour relater leur expérience personnelle par le biais d’une performance médiatique : c’est le rôle des selfies, stories, mèmes, pseudos et avatars depuis un moment qui ont socialisé le public à ces pratiques.</p>
<p>De même pour l’engouement pour le live et le stream et les modes d’interactions courts (tweets, posts, reels…) qui augmentent le sentiment réel d’une présence à distance. Quant au phénomène des séries, mode d’interaction long, il maintient toute une génération dans un même univers <a href="https://editions-attribut.com/wp-content/uploads/2021/07/NECTART13-presentation-dossier.png">pendant des saisons entières</a> (10 à 18 ans pour certaines d’entre elles, dont 38 saisons pour Dr Who !).</p>
<h2>Le pari Facebook : un métamédia</h2>
<p>Facebook fait le pari que par son contrôle monopolistique d’un bouquet de médias sociaux (Instagram, Messenger, WhatsApp), il a une longueur d’avance sur les concurrents en transférant son modèle d’affaires (la publicité et bientôt la cryptomonnaie) au métavers. Il le transforme en un nouveau métamédia : un écosystème immersif où les relations interpersonnelles sont liées à la création de contenus monétisés permettant le divertissement, la communication et l’information dans une navigation fluide et sans suture entre plates-formes numériques. Il amène à un marché encore fragmenté la pierre angulaire, à savoir les communautés connectées, qui confèrent désormais une acceptabilité sociale <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-grande-conversion-numerique-milad-doueihi/9782757824788">au tout numérique comme fait social total</a>. Il apporte aussi le nerf de la guerre, à savoir le modèle d’affaires par la publicité et la possibilité de monétiser et de mettre à portée de Diem tout ce qui est du « click and collect ».</p>
<p>La crise Covid-19 et le confinement ont servi de tremplin à cette nouvelle normalité, comme étant métamédiatisée. Sa viabilité est désormais crédible. Les usages numériques pendant la crise ont plébiscité les 4S : <em>stream, selfie, story</em> et <em>série</em>.</p>
<p>Elle repose sur des publics mondialisés, <a href="https://education.toutcomment.com/article/qui-sont-les-milleniaux-13880.html">mais au profil semblable aux milléniaux</a> dans leurs habitudes de consommation : mobiles, multimédias, multitâches et participatifs. Reste à savoir les conséquences pour des « nétayers » sans protection sociale et statut reconnu et pour des avatars et autres agents non humains sans limites éthiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171018/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plutôt que de répondre sur la désinformation, et la sécurité de ses usagers, Facebook détourne les projecteurs de l’attention publique sur une autre actualité : les métavers.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1711902021-11-07T16:48:04Z2021-11-07T16:48:04ZLe « métavers » de Mark Zuckerberg pourra-t-il rester sous son contrôle ?<p><a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/metaverse-cinq-questions-sur-le-nouveau-monde-virtuel-de-facebook-1359667">Métamorphoser Internet</a> semble être l’ambition affichée au moment où le groupe Facebook prend le nom de « Meta ». Dans le « métavers », chacun vivrait une partie de sa vie à travers son avatar 3D et pourrait y entretenir un certain nombre de contacts sociaux. Y organiser par exemple une réunion de travail.</p>
<p>Le métavers, ce rêve dont Mark Zuckerberg semble vouloir faire une réalité, repose autant sur un concept qui n’est pas nouveau, celui d’un univers digitalisé dans lequel les utilisateurs peuvent interagir avec créativité, que sur une avancée substantielle s’il venait à s’appuyer sur la réalité augmentée avec des outils comme les casques de réalité virtuelle.</p>
<p>Il y a 10 ans de cela, nous avions proposé dans un <a href="https://aisel.aisnet.org/misq/vol35/iss3/10/">article</a> publié dans une revue académique de modéliser comment les éditeurs d’un monde virtuel, comme le sont déjà Second Life, There ou World of Warcraft, peuvent contrôler eux-mêmes la vie de leur création, sans qu’il y ait besoin de l’intervention d’un régulateur public. Un point nodal se situe autour de l’acceptation des conditions générales d’utilisation, que nombreux valident sans les lire.</p>
<p>Les enjeux sont liés à une caractéristique en particulier. L’univers numérique engendré a de particulier d’être persistant, au sens où l’avatar de l’utilisateur continue à exister, au moins dans des lignes de code informatique, même une fois que ce dernier a éteint son ordinateur, sa tablette ou son smartphone.</p>
<h2>Créativité, communauté, code et copyright</h2>
<p>Notre modèle est celui des « 5C ».Le premier « C » est celui de <strong>« créativité »</strong>. Celle-ci reste un élément clef de tout univers virtuel et détermine notamment le succès qu’il rencontrera auprès du public. Elle s’exprime à travers un mélange d’art (la qualité des graphismes et du script de l’univers), de technologie (l’ergonomie du monde virtuel, sa facilité d’utilisation et la sécurité qu’il offre aux utilisateurs) et d’interactions sociales.</p>
<p><strong>« Communauté »</strong> est le second « C ». Le réseau constitué au sein d’un univers virtuel peut reposer sur des liens forts. C’est le cas notamment lorsque les utilisateurs partagent un lien sous-jacent, un lien par exemple reposant sur la loyauté envers le produit. Enjeu de ce deuxième « C », l’expansion d’une communauté rend plus difficile la coordination des préférences des utilisateurs.</p>
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<p>Le troisième vaut pour <strong>« code »</strong>. Il regroupe un ensemble d’instructions destinées à un ordinateur qui déterminent si les utilisateurs peuvent ou ne peuvent pas effectuer certaines actions dans un monde virtuel. Plus le créateur de l’univers utilise un code permissif, plus l’utilisateur a le contrôle sur l’évolution de l’univers. Les codes assurent également la sécurité de la propriété virtuelle.</p>
<p>Propriété virtuelle et maintenant propriété intellectuelle avec le quatrième « C », celui de <strong>« copyright »</strong>. La notion, dans les pays de droit romano-germanique, laisse sa place aux droits d’auteur. Dès lors qu’il y a originalité, cette protection peut s’appliquer à un certain nombre de créations : textes, fiction, images numériques, personnages, conception de bâtiments ou encore musique.</p>
<h2>Sécurité juridique ? Des fragilités</h2>
<p>Seuls, ces quatre premiers éléments ne sont pas sans limites. Reste en particulier que ces univers ne peuvent faire l’objet d’une constante innovation, que plus une communauté d’utilisateurs est large et plus les risques de conflit vont augmenter, et que plus le code informatique restreint les champs de possible dans l’univers et moins celui-ci sera attractif pour les utilisateurs. Le copyright et le droit d’auteur, eux, ne permettent pas de protéger tout type d’information.</p>
<p>Les entreprises ont donc recours à un cinquième « C » : le <strong>« contrat »</strong>. Afin d’accéder à un monde virtuel, les utilisateurs doivent conclure un contrat avec l’entreprise éditrice. Il permet à cette dernière d’établir un certain niveau de contrôle sur le monde virtuel et prend généralement la forme de Conditions générales d’utilisation (CGU). Il vise également à apporter un niveau de sécurité juridique suffisant dans les relations avec les utilisateurs.</p>
<p>Suffisant ? L’analyse que nous avions menée sur 20 univers virtuels avait mis en évidence une certaine fragilité, au moins théorique, de ces contrats. Non seulement ils confisquaient souvent tous les droits de propriété au détriment des utilisateurs (ou au mieux leur attribuaient des droits très limités), mais ils exprimaient également une disproportion manifeste entre les droits et obligations de chaque partie (entreprise et utilisateur). Le tout étant renforcé par leur manque de lisibilité (au sens « compréhension ») pour un utilisateur normal.</p>
<h2>Répartir les droits</h2>
<p>Comment y répondre ? Les propositions que nous avions formulées trouvent encore plus de résonance alors que l’on parle de la possible apparition du métavers car le champ des possibles y est encore plus important grâce aux technologies immersives, aux cryptomonnaies, et à l’interpénétration des mondes réel et virtuel.</p>
<p>Les contrats devraient, à notre sens, reconnaître les droits de propriété des utilisateurs sur les biens virtuels. Il s’agit de se débarrasser du mélange toxique que forment des dispositions peu compréhensibles pour l’utilisateur et à son net désavantage. Les éditeurs bénéficieraient, en outre, d’instruments juridiques leur permettant un contrôle durable et loyal sur le métavers, en réduisant le risque que les gouvernements prennent en charge sa réglementation.</p>
<p>Une attention particulière devra être accordée aux données personnelles. La chose s’avère d’autant plus essentielle que la perméabilité entre univers réel et virtuel sera forte, et que ces données serviront à « profiler » l’utilisateur dans l’un comme dans l’autre.</p>
<p>Il semble par ailleurs recommandable que les dispositions du contrat se trouvent alignées sur le modèle de développement choisi par l’entreprise qui contrôle le métavers. Dans le modèle « free-to-play » dans lequel intervient la créativité de l’utilisateur, les droits d’auteur doivent être totalement ou partiellement attribués à celui-ci. Il doit notamment être autorisé à échanger les biens virtuels qu’il possède contre de l’argent réel.</p>
<p>Le développement de ce que l’on appelle les « jetons non fongibles » permettra, grâce à la blockchain, d’authentifier des biens incorporels créés dans le métavers. Par là même il sera possible de les distinguer d’éventuelles copies et d’en faciliter la monétisation, en particulier avec de la cryptomonnaie. Il paraît probable que le régulateur étatique reste présent sur ce terrain si ces jetons en viennent à être considérés comme des titres financiers.</p>
<h2>Seul un comportement responsable</h2>
<p>Dernier point de vigilance que nous soulignons : aligner dispositions du contrat et « gaming model ». En effet, si l’entreprise contrôlant le métavers veut éviter les transactions en argent réel, un contrat demeure insuffisant pour les décourager. Il s’agit de pouvoir compter sur une communauté d’utilisateurs globalement hostiles à ce comportement, de disposer d’un code informatique qui rende les échanges difficiles, et de mettre en place une obsolescence planifiée qui éliminerait la valeur durable des biens virtuels.</p>
<p>Plus le métavers sera une interconnexion de la vie réelle et de la vie virtuelle, plus l’avatar sera une projection quasi siamoise de son utilisateur. Et plus l’économie du monde virtuel sera une économie réelle, plus les pouvoirs publics s’immisceront dans la régulation du métavers. Ils en viendront en effet à considérer que la régulation par le contrat sera insuffisante à éviter des comportements de fraude, de corruption, ou de violation du libre jeu de la concurrence, pour ne citer que ceux-ci.</p>
<p>Seuls un comportement responsable des entreprises et un engagement permanent dans la <em>compliance</em> éviteront que le métavers ne soit lui-même qu’un avatar des turpitudes du monde réel. Mais sera-t-il vraiment possible de différencier ce qui est réel de ce qui est virtuel ? La digitalisation ne crée pas une virtualité, elle ne fait que construire notre réalité avec des codes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Roquilly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faire accepter à l’utilisateur des conditions d’utilisation semble insuffisant pour se prémunir d’une immixtion de l’État, surtout quand le monde virtuel se rapproche de l’économie réelle.Christophe Roquilly, Professeur de droit, Directeur de l'Augmented Law Institute, Doyen honoraire du corps professoral, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.