tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/moustiques-24430/articlesmoustiques – The Conversation2023-10-23T18:08:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2162072023-10-23T18:08:16Z2023-10-23T18:08:16Z« Nous pouvons éradiquer le paludisme d’ici 2040 », se projette Adrian Hill dont le vaccin vient d’être approuvé par l’OMS<p><em>L’Organisation mondiale de la santé <a href="https://www.who.int/fr/news/item/02-10-2023-who-recommends-r21-matrix-m-vaccine-for-malaria-prevention-in-updated-advice-on-immunization">vient d’approuver</a> un nouveau vaccin qui, selon les spécialistes, va changer la donne dans la lutte contre le paludisme, une maladie qui tue chaque année un demi-million de personnes en Afrique.</em></p>
<p><em>Les essais ont montré que le <a href="https://www.ox.ac.uk/news/2023-10-02-oxford-r21matrix-m-malaria-vaccine-receives-world-health-organization-recommendation">vaccin R21/Matrix</a>, développé par l’Université d’Oxford en collaboration avec le Serum Institute of India, réduit jusqu’à 75 % le nombre de cas symptomatiques. Il peut être fabriqué à moindre coût et à grande échelle. The Conversation s’est entretenu avec Adrian Hill, investigateur en chef des essais, qui est également directeur de l’Institut Jenner à l’Université d’Oxford, au sujet de son vaccin très prometteur. Vous trouverez ci-dessous des extraits du <a href="https://theconversation.com/the-long-road-to-a-new-malaria-vaccine-told-by-the-scientists-behind-the-breakthrough-podcast-214885">podcast</a>.</em></p>
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<h2>Pourquoi le vaccin R21/Matrix change-t-il la donne ?</h2>
<p>Nous constatons une efficacité d’environ 75 % concernant la réduction du nombre d’épisodes de paludisme sur un an. Le meilleur vaccin utilisé jusqu’à présent présentait une efficacité d’environ 50 % sur un an, l’efficacité devenant plus faible sur trois ans.</p>
<p>Il s’agit là d’une amélioration concrète, mais ce n’est pas le principal progrès. La grande différence réside dans la manière de fabriquer le vaccin à l’échelle qui est vraiment nécessaire pour protéger la plupart des enfants qui ont besoin d’un vaccin contre le paludisme en Afrique.</p>
<p>Il y environ 40 millions d’enfants qui naissent chaque année dans les zones impaludées en Afrique et qui pourraient bénéficier d’un vaccin. Le nôtre est un vaccin que l’on injecte en quatre doses sur une période de 14 mois, ce qui signifie qu’environ 160 millions de doses sont nécessaires. Nous pouvons y parvenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-fonte-de-la-calotte-glaciaire-groenlandaise-pourrait-deplacer-le-paludisme-en-afrique-180167">Comment la fonte de la calotte glaciaire groenlandaise pourrait déplacer le paludisme en Afrique</a>
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<p>Le Serum Institute of India, notre partenaire pour la fabrication et pour la commercialisation de ce vaccin, peut produire des centaines de millions de doses chaque année, alors que le vaccin précédent ne pouvait être fabriqué qu’à raison de six millions de doses par an entre 2023 et 2026, selon les informations de l’Unicef.</p>
<p>Le troisième avantage réel de ce vaccin réside dans son coût. Nous savions pertinemment que nous ne pourrions pas produire un vaccin à 100 dollars (<em>l’équivalent de 94 euros, ndlr</em>). Cela n’aurait pas été acceptable pour les agences internationales qui financent l’achat et la distribution du vaccin dans les pays à très faibles revenus.</p>
<p>Nous sommes donc parvenus à un prix qui variera en fonction de l’échelle à laquelle il sera fabriqué, mais qui devrait se situer à 5 dollars (<em>un peu moins de 5 euros, ndlr</em>) la dose pour une production à un volume important.</p>
<h2>Pourquoi la mise au point d’un vaccin contre le paludisme a-t-elle été si difficile ?</h2>
<p>Cela fait plus de 100 ans que l’on essaie de mettre au point des vaccins contre le paludisme. Plus d’une centaine de vaccins ont fait l’objet d’essais cliniques chez l’Homme. Très, très peu d’entre eux ont donné de bons résultats.</p>
<p>Le paludisme n’est ni un virus, ni une bactérie. Il s’agit d’un parasite protozoaire, plusieurs milliers de fois plus grand qu’un virus classique. Le nombre de gènes qu’il possède en est un bon indicateur. Le Covid a 13 gènes, le paludisme en a environ 5 500. C’est l’une des raisons pour lesquelles le paludisme est extrêmement complexe.</p>
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<p>Le parasite du paludisme prend plusieurs formes. Les formes initiales sont injectées par le moustique dans la peau et se dirigent rapidement vers le foie. Elles se multiplient dans le foie pendant une semaine avant de passer dans la circulation sanguine. Au cours de ces différentes étapes, les formes du parasite sont extrêmement différentes. Elles se développent activement, en se multipliant dix fois par 48 heures.</p>
<p>Lorsque la densité parasitaire devient très élevée, <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/paludisme">vous êtes très malade</a>. Si vous n’avez pas de chance, vous mourrez, généralement suite à des symptômes cérébraux, un coma ou une anémie sévère car les parasites brisent les globules rouges.</p>
<p>S’ensuit une autre étape au cours de laquelle le parasite se transforme à nouveau. Il prend la forme qui permettra au moustique de l’absorber lors de sa prochaine piqûre. En allant ensuite infecter quelqu’un d’autre, le moustique poursuivra ainsi le cycle de vie du parasite.</p>
<p>On voit à quel point le cycle de vie des agents pathogènes infectieux est complexe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-piqures-de-moustiques-cette-tres-longue-histoire-198941">Les piqûres de moustiques, cette très longue histoire !</a>
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<p>Le paludisme passe généralement par quatre cycles de vie, qui sont tous différents. Si l’on parvient à mettre au point un très bon vaccin qui vise l’un d’entre eux, on rompt le cycle de transmission. C’est ce que nous essayons de faire.</p>
<p>Nous nous efforçons de cibler les formes du parasite dites « sporozoïtes », qui correspondent aux formes du parasite que le moustique inocule dans la peau. Nous essayons de piéger ces formes sporozoïtes avant qu’elles n’atteignent le foie et qu’elles ne poursuivent leur cycle de vie.</p>
<p>Heureusement, il n’y a pas de symptômes du paludisme à ce stade. Le paludisme est une infection silencieuse jusqu’à ce que le parasite pénètre dans le sang et commence à se multiplier à l’intérieur des globules rouges.</p>
<p>La forme sporozoïte est donc une cible naturelle pour essayer de tuer le parasite avant qu’il ne commence à se multiplier activement.</p>
<h2>Parlez-nous des tentatives passées de mise au point d’un vaccin contre le paludisme</h2>
<p>Très tôt dans l’Histoire de la vaccination, on a essayé d’utiliser le microbe entier, de la même manière que le pionnier de la vaccination Edward Jenner utilisait le virus entier pour vacciner contre la variole. Puis, le microbiologiste français Louis Pasteur est arrivé avec des vaccins bactériens, et ainsi de suite. Vers 1943, un candidat vaccin contre le parasite entier du paludisme a été testé à New York mais il n’a eu aucune efficacité. Cela a découragé les scientifiques pendant un certain temps.</p>
<p>Ce n’est que dans les années 1980, lorsque nous avons pu commencer à séquencer les gènes du parasite, que de nouveaux candidats vaccins sont apparus. En l’espace de dix ans, nous avons eu 5 000 candidats vaccins, car toutes les équipes espéraient que le gène qu’elles avaient séquencé pourrait être un vaccin contre le paludisme. Et bien sûr, presque tous ces vaccins ont échoué.</p>
<h2>Pourquoi les vaccins contre les parasites entiers ne sont-ils pas efficaces contre le paludisme ?</h2>
<p>L’explication est la même que celle qui permet de comprendre pourquoi le fait d’avoir été infecté une première fois par le paludisme ne vous protège pas contre l’infection suivante.</p>
<p>Dans les zones où sévit le paludisme où nous testons nos vaccins en Afrique, certains enfants présentent jusqu’à huit épisodes de paludisme en trois ou quatre mois. Ils sont très malades lors du premier épisode, puis trois semaines plus tard, ils font un deuxième épisode de paludisme, et ainsi de suite. L’immunité naturelle ne fonctionne pas tant que l’on n’a pas connu un grand nombre d’infections différentes. C’est pourquoi les adultes sont généralement protégés contre le paludisme et sont moins malades.</p>
<p>Ceux qui meurent du paludisme dans les régions endémiques sont les <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria">jeunes enfants</a> qui n’ont peut-être jamais été infectés auparavant. Ils meurent lors de leur première infection à l’âge d’un an, ou alors qu’ils ont peut-être déjà connu un ou deux épisodes de paludisme. Mais cela n’a pas suffi à leur donner une immunité stérilisante.</p>
<p>Le paludisme existe depuis des dizaines de millions d’années. Pas seulement chez l’Homme, mais aussi chez les espèces que nous étions avant de devenir des humains.</p>
<p>C’est un parasite très rusé qui a développé toutes sortes de <a href="https://academic.oup.com/femsre/article/40/2/208/2570118">mécanismes d’échappement immunitaire</a>.</p>
<p>Quand vous essayez de vacciner, vous comprenez soudainement que ce n’est que lorsque l’organisme de la personne vaccinée atteint des niveaux d’anticorps extraordinairement élevés – des niveaux d’anticorps que le parasite n’a jamais rencontrés auparavant et contre lesquels l’évolution ne l’a pas préparé – que le vaccin devient efficace.</p>
<h2>Pourra-t-on un jour éradiquer complètement le paludisme ?</h2>
<p>Le paludisme figure en très bonne place sur la liste des maladies que nous voulons éradiquer. Je ne pense pas que cela se produira dans cinq ou dix ans, mais plutôt dans une quinzaine d’années. 2040 serait donc un objectif raisonnable.</p>
<p>Personne ne suggère d’arrêter ce que nous faisons actuellement dans la lutte contre le paludisme, en utilisant les moustiquaires, les pulvérisations et les médicaments. Mais nous disposons aujourd’hui d’un nouvel outil qui pourrait être individuellement plus protecteur que n’importe lequel des outils que nous utilisons actuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216207/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrian Hill reçoit des fonds du gouvernement britannique et d'organisations caritatives qui financent le développement de vaccins contre le paludisme. Il a bénéficié d'un financement accordé à l'Université d'Oxford par le Serum Institute of India pour soutenir les essais cliniques du vaccin R21/Matrix-M. Il pourrait bénéficier d'une partie des royalties versés à l'Université d'Oxford pour ce vaccin. </span></em></p>Les scientifiques de l’Université d’Oxford tentent d’élaborer un vaccin contre le paludisme depuis 100 ans. Le vaccin R21/Matrix pourrait contribuer à l’éradication de cette maladie d’ici 2040.Adrian Hill, Director of the Jenner Institute, University of OxfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147792023-10-04T18:39:57Z2023-10-04T18:39:57ZMaladies transmises par les moustiques, météo et climat : des liaisons dangereuses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551419/original/file-20231002-17-o3uqig.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1024%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aedes aegypti est une espèce d'insectes diptères, un moustique qui est le vecteur principal de la dengue, de l'infection à virus Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune.</span> <span class="attribution"><span class="source">U.S. NAVY </span></span></figcaption></figure><p>Lors de la crise sanitaire liée au SARS-CoV-2, nos sociétés ont pris conscience de l’importance et de l’utilité des outils mathématiques et statistiques pour <a href="https://theconversation.com/comment-estimer-levolution-du-Covid-19-malgre-des-donnees-de-contaminations-de-qualite-limitee-177777">caractériser la propagation d’une maladie</a> dans la population générale, prévoir ses conséquences en termes de santé publique et anticiper les répercussions économiques à court terme. Au-delà du Covid-19, les maladies propagées par les moustiques, dont <a href="https://theconversation.com/podcast-zootopique-des-maladies-qui-sacclimatent-208678">l’aire de répartition s’élargit régulièrement</a> sous l’influence du changement climatique, représentent aujourd’hui une menace émergente. </p>
<p>Dans notre dernier travail, récemment publié dans la revue <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adf7202"><em>Science Advances</em></a>, nous avons revisité l’analyse des liens entre maladies transmises par des moustiques, météorologie et climat. À la clé, un enjeu de santé publique : la mise en place de systèmes d’alerte précoce aiderait à mieux se préparer à ces épidémies.</p>
<h2>Dengue et chikungunya de plus en plus au nord</h2>
<p>Avec le réchauffement climatique et la survenue <a href="https://theconversation.com/el-nino-quest-ce-que-cest-47645">d’évènements El Niño</a> plus fréquents, l’augmentation des cas de <a href="https://theconversation.com/les-changements-globaux-aggravent-le-risque-dexpansion-du-paludisme-115951">maladies transmises par des moustiques</a> devient un sujet brûlant. Longtemps cantonnées dans les régions tropicales ou équatoriales, elles commencent à pointer leur nez sous des latitudes plus tempérées.</p>
<p>Quelques exemples :</p>
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<li><p>Épidémie de chikungunya <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/chikungunya">dans le nord de l’Italie en 2007 et en 2017</a></p></li>
<li><p>Flambée de <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/dengue">dengue en 2012 sur l’archipel de Madère</a> avec de nombreux cas de dengue importés en Europe</p></li>
<li><p><a href="https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Invasion du sud de la France</a> par <em>Aedes Albopictus</em>, le célèbre moustique tigre, connu pour transmettre des <a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=arbovirose">arboviroses</a> c’est-à-dire des maladies, transmises par des arthropodes dont les moustiques, comme la dengue, Zika ou le chikungunya.</p></li>
</ul>
<p>Tous ces exemples témoignent d’une montée de risques sanitaires qui nous étaient jusque-là étrangers. En 2022, Santé Publique France, a recensé <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/dengue/documents/article/surveillance-des-arboviroses-en-france-metropolitaine-nette-augmentation-des-cas-de-dengue-autochtone-en-2022">près de 70 cas autochtones de dengue dans le sud de la France</a>.</p>
<p>Il y a quelques jours à peine, les Parisiens du 15<sup>e</sup> ont eu dû faire face à une <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/cas-de-dengue-a-paris-une-operation-de-demoustication-prevue-dans-la-nuit_60085898.html">démoustication en règle de leur arrondissement</a> pour réduire les risques de transmission, du virus de la dengue importé, par les nombreux moustiques tigres qui ont colonisé cet arrondissement. </p>
<h2>Climat, météo, facteurs socio-économiques… des épidémies complexes</h2>
<p>Pour anticiper les épidémies de maladies propagées par les moustiques et mettre en place des systèmes d’alerte précoce efficaces, nous devons comprendre le rôle que jouent les principaux facteurs environnementaux dans les épidémies passées, notamment celles qui ont été observées dans les pays où ces maladies sont endémiques.</p>
<p>Or, la dynamique de ces maladies résulte de relations complexes entre vecteurs (moustiques), humains, leur statut immunitaire, les facteurs socio-économiques, les effets de l’environnement sur les moustiques… Malgré cette complexité, il existe un consensus dans la communauté scientifique sur le fait que les facteurs climatiques, la température, l’humidité et les précipitations sont des déterminants importants de ces épidémies. </p>
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<li><p>Les précipitations sont nécessaires pour créer des habitats propices aux larves de moustiques. </p></li>
<li><p>Une humidité adéquate permet une activité élevée des moustiques adultes et améliore les taux de survie.</p></li>
<li><p>La température affecte aussi le taux de piqûre et le développement du pathogène dans les populations de moustiques, ce qui va influencer le taux de transmission de la maladie.</p></li>
</ul>
<p>En plus de ces variables climatiques locales, le climat global, notamment les oscillations à grande échelle de type El Niño, influence aussi la dynamique de ces maladies.</p>
<h2>Des maladies cycliques</h2>
<p>Pour mieux comprendre les dynamiques épidémiques de ces maladies, l’approche méthodologique consiste à suivre dans le temps l’évolution du nombre d’individus atteints, ce qui est souvent fait par les systèmes de santé. Cela permet, dans un second temps, d’analyser les motifs temporels récurrents. </p>
<p>Et de fait, l’étude de nombreuses séries temporelles a montré que ces dynamiques sont marquées par une forte saisonnalité : on observe une épidémie chaque année, plus ou moins au même moment de l’année, mais d’intensité variable. De manière tout aussi systématique, des composantes multiannuelles de deux à quatre ans ont été mises en évidence.</p>
<p>Une fois ces composantes périodiques estimées, des approches statistiques vont permettre de déterminer la présence de corrélations avec les composantes trouvées sur les séries temporelles météorologiques et/ou climatiques.</p>
<h2>Quand la corrélation ne suffit pas</h2>
<p>Au cours de notre recherche, nous avons été confrontés à deux problèmes méthodologiques. Le premier est qu’il n’est pas toujours simple de quantifier ces liens, notamment parce qu’ils peuvent fortement évoluer dans le temps. Par exemple, en utilisant les données mensuelles de cas de dengue en Thaïlande sur 34 années, nous n’avons pas détecté de corrélations significatives entre le nombre de cas et les oscillations El Niño, car ces corrélations apparaissent seulement lors des évènements El Niño de forte ampleur. </p>
<p>Pour pallier ce problème, des outils statistiques appropriés sont nécessaires. Nous avons proposé d’utiliser la <a href="https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/apprentissage-face-la-malediction-de-la-grande-dimension/transformees-et-bases-ondelettes">décomposition en ondelettes</a>, qui permet de déterminer quelles sont les composantes récurrentes dans un signal et surtout comment ces composantes évoluent dans le temps. L’approche peut se généraliser avec deux signaux, et permet de déterminer quelles composantes et quelle récurrence temporelles ils partagent, <a href="https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.0020106">comme l’expliquait notre article paru en 2005</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551476/original/file-20231002-29-ujdhq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=153&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphe de gauche : Incidence de la dengue en Thaïlande entre 1982 et 2016. Graphe de Droite : Composantes périodiques obtenues. Ce graphe représente le spectre d’ondelette, c’est-à-dire la répartition de la variance simultanément dans le domaine temporel (axes des abscisses) et dans le domaine des périodes (axe des ordonnées). Les fortes variances sont codées en rouge et les faibles en blanc. Les valeurs statistiquement significatives sont à l’intérieur des courbes pointillées. Cette figure montre qu’il y a une forte composante périodique à 1 an, la composante saisonnière, présente pendant quasiment toute la période d’observation, mais aussi des composantes temporelles récurrentes à 2-3 ans et à 3-4 ans qui sont elles plus discontinues.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le second problème est que l’analyse d’ondelette met en évidence des liens aussi bien avec les variables climatiques locales qu’avec les variables climatiques globales, sans pouvoir distinguer le rôle de chacune. Il est bien connu en statistiques que si A est corrélé à B et si A est corrélé à C, alors B et C sont corrélés, du fait qu’ils sont tous les deux corrélés à A. Pour regarder le véritable lien entre B et C, il faut donc corriger l’effet de A en faisant appel à la « corrélation partielle ».</p>
<h2>Distinguer l’influence locale et globale du climat</h2>
<p>Nous avons généralisé cette démarche en utilisant la « cohérence partielle », calculée avec les ondelettes. Cela nous a permis de quantifier les liens non stationnaires (c’est-à-dire, évoluant dans le temps) entre le nombre de malades observés et une variable climatique locale donnée, en contrôlant les effets des variables climatiques globales. Et inversement, de quantifier les liens non stationnaires entre le nombre de malades et une variable climatique globale en contrôlant les effets des variables climatiques locales.</p>
<p>Une fois ces deux problèmes techniques résolus, nous avons appliqué notre méthodologie à plus de 200 séries temporelles de dengue et de malaria observées à travers le monde (Asie, Amérique Centrale, Amérique du Sud, Afrique subsaharienne). Nous avons ainsi analysé les composantes temporelles de ces séries, que nous avons comparées avec les facteurs climatiques globaux et locaux. Et nous montrons que le climat local (température, précipitations ou humidité) influence seulement la composante saisonnière de la maladie, alors que les composantes multiannuelles sont, quant à elles, associées au climat global (El Niño par exemple).</p>
<p>Ce résultat est très général : il se vérifie quel que soit la maladie étudiée (dengue, malaria), quel que soit le continent considéré, quel que soit l’échelle géographique utilisée (ville, sous-provinces, provinces, sous-régions, régions, pays) et reste vrai pour quasi tous les nombreux couples de variables climatiques locale-globale analysés.</p>
<p>En plus d’une approche méthodologique originale, ce travail met en lumière qu’il y a des informations complémentaires dans les variables climatiques locales et les variables climatiques globales comme El Niño. Ces informations devront être prises en considération dans l’amélioration des systèmes d’alerte précoce. Par exemple, avec nos résultats, nous nous attendons à ce que la température ait des effets différents lors d’une année El Niño par rapport à une année La Niña.</p>
<p>Bien sûr, il faut garder à l’esprit que ces facteurs climatiques ne sont pas les seuls à fortement influencer ces épidémies. Les facteurs socio-économiques comme la disponibilité de l’eau courante et l’urbanisation, ainsi que le statut immunitaire de la population sont importants. Toutes ces informations devront être prises en considération pour l’amélioration des systèmes d’alerte précoce.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Cazelles a reçu des financements de l'Agence National de la Recherche (ANR). </span></em></p>Les maladies transmises par les moustiques progressent sous l’influence du climat. Des analyses statistiques poussées des données épidémiologiques permettraient de mieux prévoir les flambées.Bernard Cazelles, Ecologie, Epidemiologie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2093392023-07-19T19:12:41Z2023-07-19T19:12:41ZVirus de la dengue en France métropolitaine : à quoi faut-il s’attendre cette année ?<p><em>Les vacances ne se passent pas toujours comme prévu… Dans notre série « Une semaine en enfers ! », nous décryptons ce qui peut aller de travers, depuis le <a href="https://theconversation.com/serie-1-pourquoi-est-on-plus-malade-en-voiture-lorsque-lon-part-en-vacances-208258">mal des transports amplifiés lors des départs en vacances</a> aux piqûres de moustiques désormais capables de <a href="https://theconversation.com/virus-de-la-dengue-en-france-metropolitaine-a-quoi-faut-il-sattendre-cette-annee-209339">transmettre des virus tropicaux</a>, en passant par les <a href="https://theconversation.com/serie-1-des-draps-a-la-telecommande-tele-la-verite-sur-les-microbes-qui-peuplent-les-chambres-dhotel-208329">dangers microbiologiques méconnus des hôtels</a>, les « traditionnels » <a href="https://theconversation.com/le-retour-douloureux-des-coups-de-soleil-et-leurs-consequences-209059">coups de soleil</a>, ou les dangers insoupçonnés… du jardinage, si vous pensiez rester tranquillement chez vous.</em></p>
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<p>De l’avis de tous les spécialistes, l’année 2022 a été exceptionnelle en France métropolitaine sur le front de la circulation des arbovirus, ces virus transmis par les arthropodes se nourrissant de sang, comme les tiques ou les moustiques. </p>
<p>Cette année est-elle annonciatrice de ce qui nous attend à l’avenir ? Ou s’agit-il plutôt d’une anomalie pour notre pays, habituellement très peu coutumier de ces virus, plutôt considérés comme <a href="https://theconversation.com/virus-exotiques-en-france-un-sujet-plus-que-jamais-dactualite-186324">« exotiques »</a> ?</p>
<h2>2022, l’année de tous les records en France métropolitaine</h2>
<p>Retour en arrière. 2022, au milieu de l’été, un premier cas « autochtone » de transmission de dengue est rapporté dans l’Hexagone. Cet adjectif qualifie une infection détectée sur le territoire national, sans que le malade n’ait voyagé en zone contaminée auparavant. À l’inverse des cas « importés » depuis l’étranger, cela signifie donc que le virus circule dans le pays. </p>
<p>Cela n’avait alors rien de très surprenant : la dengue, maladie arbovirale la plus répandue dans le monde, qui touche chaque année entre 100 et 400 millions de personnes, a déjà été responsable de cas autochtones ces dernières années en France métropolitaine. Le virus avait notamment été détecté dans les Alpes Maritimes, le Var, les Bouches du Rhône, l’Hérault ou encore le Gard, totalisant une trentaine de cas depuis 2010. Pas vraiment de quoi s’inquiéter initialement, donc. </p>
<p>Mais voilà, 2022 ne s’est pas passée comme prévu, et les cas autochtones se sont enchaînés. Neuf épisodes de transmission autochtone de dengue ont été répertoriés, totalisant 66 cas au total, dans les régions Occitanie (12 cas), Provence-Alpes-Côte d’Azur (52 cas) et Corse (deux cas). Par ailleurs, le virus a touché de nouveaux départements dans lesquels aucun cas de dengue n’avait jamais été identifié, comme la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées ou encore les Pyrénées-Orientales. </p>
<p>66 cas autochtones cela peut paraître peu, mais cela représente, en une seule année, plus du double des cas répertoriés en 12 ans, depuis le premier cas de dengue autochtone identifié en France en 2010 dans les Alpes Maritimes. </p>
<p>Or, la dengue est une maladie qui ne doit pas être prise à la légère.</p>
<h2>La dengue, une maladie potentiellement grave</h2>
<p>Si la dengue est asymptomatique dans une grande proportion des cas (dans 50 % à 90 %, en fonction des études), elle peut néanmoins se traduire, dans environ 1 % des cas, par une forme potentiellement mortelle : la dengue dite « hémorragique », qui s’accompagne de saignements multiples, notamment gastro-intestinaux, cutanés et cérébraux.</p>
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<p>Chez les autres personnes symptomatiques, la maladie se manifeste principalement par des symptômes assez proches de ceux de la grippe : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires… On estime que chaque année, 500 000 personnes sont hospitalisées dans le monde pour des formes graves de la maladie, qui entraînent entre 10 000 et 15 000 décès. Au-delà de ce coût en vies humaines, la prise en charge de la maladie <a href="https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/le-cout-de-lepidemie-50-000-jours-darret-maladie-619686.php">a un coût certain pour la communauté</a>. </p>
<p>Limiter le nombre de cas est important, car la maladie risque de se propager à chaque piqûre de moustique.</p>
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<img alt="Carte de présence du moustique tigre au 1er janvier 2023 -" src="https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537586/original/file-20230715-24731-qotrqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au 1er janvier 2023, sur 96 départements de France métropolitaine, 71 départements sont colonisés par le moustique vecteur Aedes albopictus (moustique tigre).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Ministère de la Santé et de la Prévention - Direction générale de la Santé</a></span>
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<h2>Quels moyens de lutte ?</h2>
<p>Quand un moustique vecteur pique un hôte infecté, le virus se multiplie dans son organisme. Lors de la piqûre suivante, il passera dans le sang d’une autre personne, où il pourra être prélevé par un autre moustique, et ainsi de suite.</p>
<p>Le meilleur moyen de limiter la propagation d’un foyer d’infection est donc de lutter contre le vecteur principal de ce virus : à savoir <em>Aedes albopictus</em>, plus connu sous le nom de moustique tigre. </p>
<p>Une tâche très compliquée, car l’aire de répartition de ce moustique ne cesse de s’étendre en France ces dernières années, ce qui augmente sensiblement le nombre de départements à risque.</p>
<p>Chaque foyer identifié implique la mise en place d’une infrastructure assez lourde pour briser le cycle de circulation des virus dans la population humaine : opérations de démoustication à proximité des cas détectés (afin d’éliminer les moustiques adultes ainsi que leurs larves), actions de sensibilisation auprès du public et des professionnels de santé, enquêtes de porte-à-porte menées en collaboration avec les Agences régionales de Santé (ARS), Santé publique France et des agences de démoustication (Altopictus ou l’Entente interdépartementale de démoustication). </p>
<h2>À quoi s’attendre pour les années à venir ?</h2>
<p>Il est très difficile d’anticiper la circulation des arbovirus, car leur cycle de transmission est influencé par des paramètres multiples. </p>
<p>Difficile, donc, de savoir si 2023 et les années suivantes seront du même tonneau, ou pire, que 2022. Difficile également de prévoir quelle arbovirose, entre la dengue, le Zika, ou le chikungunya, occupera le devant de la scène. La dengue étant l’arbovirose la plus présente à la surface du globe, la probabilité est néanmoins forte d’observer de plus en plus de cas de cette maladie en métropole dans les années à venir. </p>
<p>Une seule chose est certaine : il est désormais clairement établi que nous devons nous attendre à une augmentation des cas de transmission arbovirale en France métropolitaine au cours des prochains étés. D’autant plus que la situation exceptionnelle observée en France l’année passée n’est pas un cas isolé au niveau mondial. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-moustiques-nous-piquent-et-les-consequences-186325">Comment les moustiques nous piquent (et les conséquences)</a>
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<p>Dans les Amériques, 2,8 millions de cas de dengue ont été identifiés en 2022, ce qui représente plus du double des cas signalés en 2021. Et 2023 est déjà synonyme, pour certains pays, d’épidémie de dengue sans précédent : le Pérou est victime de la vague la plus intense depuis la réapparition de cette maladie dans le pays en 1990. </p>
<p>Autre indicateur inquiétant, l’Organisation mondiale de la Santé se prépare à la probabilité que le phénomène El Niño, prévu pour les années 2023 et 2024, puisse accroître la transmission non seulement de la dengue, mais aussi des autres arbovirus. </p>
<p>Enfin, le changement climatique va aussi impacter la prolifération des moustiques vecteurs de ces maladies, en allongeant la période d’activité des moustiques, dont le pic s’étend pour l’instant de mai à septembre. Par ailleurs des températures élevées favorisent la multiplication des virus dans les moustiques et donc leur transmission.</p>
<h2>Des réseaux de surveillance à la limite de leurs capacités</h2>
<p>Bien que constituant un record absolu, le nombre de cas de dengue recensés en 2022 reste donc probablement très limité par rapport à ce que nous devons nous attendre dans les années à venir. Par ailleurs, la France va accueillir des évènements sportifs majeurs ces prochaines années, dont les Jeux olympiques en 2024, ce qui pourrait contribuer à renforcer la dynamique de circulation des arbovirus… </p>
<p>Face à l’émergence de ces maladies arbovirale, la France, a mis en place des réseaux actifs de surveillance. Ils regroupent des experts aux différentes compétences (vétérinaires, cliniciens, entomologistes, chercheurs) qui participent tous à mieux comprendre ces virus. </p>
<p>L’explosion des cas de l’an passé les a cependant localement mis à rude épreuve, tout comme les réseaux de démoustication, qui fonctionnent à la limite de leur capacité. Cette situation met en lumière la nécessité d’investir davantage dans ces domaines. C’est dès aujourd’hui que nous devons nous préparer afin d’être en mesure de contrôler au mieux les épidémies à venir. En ce sens, 2022 est un avertissement que nous devons tous prendre au sérieux…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209339/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Simonin a reçu des financements de l'ANRS-MIE, de l'ANR et de l'Université de Montpellier.</span></em></p>Les nombres de cas de dengue contractés en France métropolitaine ont explosé en 2022. Cette année restera-t-elle exceptionnelle, ou marque-t-elle plutôt l’entrée dans une nouvelle normalité ?Yannick Simonin, Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086782023-06-28T20:06:51Z2023-06-28T20:06:51ZPodcast « Zootopique » : Des maladies qui s’acclimatent ?<iframe src="https://embed.acast.com/7f7f5b1b-ba8f-4be1-833e-f8c62a47f850/64944f3c7e0c0d0010ec50bd" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p>« Zootopique » est une série de podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui interroge nos relations avec les animaux au prisme de la santé. Après une première saison portant sur des thèmes aussi variés que le déclin des abeilles ou les maladies portées par les moustiques et les tiques, nous vous proposons une deuxième saison.</p>
<p>Pour ce dernier épisode de la saison, intéressons-nous à ces maladies tropicales qui finissent par s’acclimater et se développer sur notre territoire en raison du changement climatique. Par exemple, en 2022, 65 cas de dengue autochtones ont été enregistrés dans le sud de la France.</p>
<p>D’autres maladies humaines ou animales émergeront à l’avenir. Alors, de quelles maladies parle-t-on ? Le changement climatique est-il vraiment l’unique facteur en cause ? Comment faire face à ces nouvelles menaces ?</p>
<p>Avec Stéphan Zientara, vétérinaire et virologiste, directeur de l’unité mixte de recherche Anses-Inrae-Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort et Éric Cardinale, vétérinaire spécialisé dans les domaines de la microbiologie et de l’épidémiologie, directeur adjoint de l’Unité mixte de recherche ASTRE Cirad-Inrae.</p>
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<p><em>Crédits : Conception : Anses et The Conversation France. Réalisation : <a href="https://www.moustic-studio.com/">Moustic Studio</a>. Animation : Benoît Tonson.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En raison du changement climatique et des comportements humains, certaines maladies, comme la dengue, pourraient devenir un problème en France métropolitaine.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceÉric Cardinale, Vétérinaire spécialisé dans les domaines de la microbiologie et de l’épidémiologie,, CiradStéphan Zientara, Vétérinaire et virologiste, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1989412023-02-02T11:41:36Z2023-02-02T11:41:36ZLes piqûres de moustiques, cette très longue histoire !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507711/original/file-20230201-13-9mt5yd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mort en 323 av. J.-C., le roi de Macédoine Alexandre le Grand serait l’une des nombreuses victimes du paludisme. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_le_Grand_dans_l%27art#/media/Fichier:Alexander_and_Bucephalus_-_Battle_of_Issus_mosaic_-_Museo_Archeologico_Nazionale_-_Naples_BW.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p><em>Présenter le moustique sous toutes ses facettes, c’est ce que proposent Sylvie Lecollinet, Didier Fontenille, Nonito Pagès et Anna-Bella Failloux dans leur livre <a href="https://www.quae.com/produit/1778/9782759235988/le-moustique-ennemi-public-n-1">« Le moustique, ennemi public n°1 ? »</a>, paru en décembre 2022 aux éditions Quæ. L’extrait qui suit revient sur la longue histoire des maladies transmises aux humains par ces insectes. Le livre est accessible en intégralité dans son format numérique <a href="https://www.quae.com/produit/1778/9782759235988/le-moustique-ennemi-public-n-1">sur le site de l’éditeur</a>.</em></p>
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<p>Les plus anciennes suspicions de maladies et d’épidémies dues à un agent infectieux transmis aux humains par des moustiques datent de plusieurs milliers d’années. S’il est impossible d’affirmer avec certitude de quelles maladies il s’agissait, certains symptômes sont suffisamment évocateurs pour les rattacher à une pathologie.</p>
<p>Il arrive également que l’on retrouve des traces d’acides nucléiques d’agents infectieux dans les tissus des vertébrés, comme des traces d’ADN de <em>Plasmodium falciparum</em> dans des momies datées de 3200 ans avant notre ère.</p>
<p>Les premières traces écrites à notre disposition remontent à l’Antiquité. Le <em>Huangdi Nei Jing</em>, ouvrage de médecine chinoise traditionnelle, attribué à l’empereur Jaune, 2700 av. J.-C., mais écrit 2 000 ans plus tard, décrit la rythmicité d’accès de fièvres, caractéristique du paludisme. Hippocrate (V<sup>e</sup> siècle avant notre ère), philosophe et médecin grec, considéré comme « le père de la médecine », décrit des fièvres ayant la symptomatologie du paludisme et fait un lien entre les marais et ces fièvres dans son <em>Traité des airs, des eaux et des lieux</em>. Il écrit dans le <em>Traité des vents</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Si on connaissait la cause des maladies, on saurait les guérir. […] L’air est la cause des fièvres sporadiques. L’air est la cause des principaux phénomènes qui accompagnent les fièvres : frissons, tremblements, bâillements, résolution des articulations, sueurs, céphalalgies. »</p>
</blockquote>
<p>S’il décrit bien les symptômes de la maladie, il se trompe sur l’origine du paludisme, plutôt lié à l’eau dans laquelle prolifèrent les larves de moustiques qu’à l’air, les Plasmodium n’étant pas transmis par aérosol.</p>
<p>Galien (129-201), après Hippocrate, alerta sur l’existence d’un lien entre cette maladie et la présence de marais, attribuant aux « miasmes » (le mauvais air : <em>mal’aria</em>) des zones humides la responsabilité de la propagation de maladies. C’était le cas autour de la Rome antique, où Galien exerça, et où les nombreuses zones marécageuses très insalubres provoquaient ce qu’on appelait la fièvre de Rome.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On trouve des larves de moustiques dans divers habitats où l’eau s’accumule.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>D’après Pierre Ambroise-Thomas dans <em>La Petite et la Grande Histoire du paludisme</em> (2007), le paludisme est crédité (sans preuves réelles) de la mort de grands dirigeants (Toutankhamon, Alexandre le Grand, Gengis Khan, Philippe II, Édouard IV d’Angleterre), de papes (Jean XV, Grégoire V, Damase II, Léon X et Urbain VII), d’artistes (Dante, Le Caravage, Lord Byron), et plus récemment de sportifs (Fausto Coppi, qui décède en 1960 après avoir contracté le paludisme en Haute-Volta, actuellement Burkina Faso).</p>
<p>L’histoire veut que les immenses conquêtes d’Alexandre le Grand auraient été freinées en 323 avant J.-C. par son décès, à 32 ans, attribué soit au paludisme (moustiques <em>Anopheles</em>), soit à la fièvre du virus West Nile (moustiques <em>Culex</em>).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les moustiques ont marqué l’histoire plus récente de l’Europe, où le paludisme était présent jusqu’en Scandinavie.</p>
<p>Près de 1 500 ans après Galien, l’Italie et Rome restaient très impaludées. En juillet 1623, parmi les cinquante-cinq cardinaux se réunissant à Rome pour élire un nouveau pape, une dizaine décédèrent de ce qui semble être le paludisme dans les deux semaines qui suivirent l’élection.</p>
<p>En France, sur l’actuel territoire hexagonal, la Vendée, la Sologne, les Dombes, la Camargue étaient envahies de moustiques et les fièvres y étaient fréquentes. La construction du château de Versailles, avant canalisation des eaux de surface, a vu de nombreux décès probablement dus au paludisme. D’après Saint-Simon (1675-1755), Versailles au début du XVII<sup>e</sup> siècle est « le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux […] tout y est sable mouvant et marécages ». Le chantier des bâtiments de Versailles est freiné en 1687 par une épidémie, probablement de paludisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507714/original/file-20230201-17070-eo1eu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau d’Adam François van der Meulen représentant la construction du château de Versailles (1669). Versailles était à l’origine un village pauvre situé au milieu des bois et des marécages.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Versailles#/media/Fichier:Adam_Frans_van_der_Meulen_-_Construction_of_the_Ch%C3%A2teau_de_Versailles_-_WGA15115.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Mme de Sévigné, parlant de la construction du parc, signale que « les fontaines coûtent cher… Sans parler des malades et des morts ». Louis XIV, lui-même, aurait contracté le paludisme dont il aurait guéri en ayant acheté à Talbot, un apothicaire anglais, une préparation de quinquina, l’ancêtre de la quinine, issue d’un arbre sud-américain (<em>Cinchona</em> sp.). </p>
<p>Même de petites villes éloignées des marécages peuvent être concernées. Thiers (Puy-de-Dôme), où des moines italiens avaient tenté de développer la riziculture sur les berges de la rivière Durolle, est touchée par une épidémie de fièvres et une surmortalité en 1741. Les populations, faisant le lien avec ces changements environnementaux, s’opposèrent au développement des rizières et chassèrent les moines. </p>
<p>[…]</p>
<p>L’histoire de France, c’est aussi l’histoire de ses colonies, en particulier en Afrique et dans les Amériques. Un des freins à la colonisation de l’Afrique, « pays des fièvres, tombeau de l’homme blanc », a été le paludisme et la fièvre jaune. </p>
<p>Si toute l’Afrique est concernée, certains événements sont plus marquants que d’autres. C’est le cas de la conquête militaire française à Madagascar en 1895. Au total, 5 756 militaires sur 21 600 décèdent lors de cette expédition, dont seulement 25 tués au combat et 5 731 des suites de maladies, majoritairement le paludisme, déjà diagnostiqué parasitologiquement à cette époque. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo d’époque montrant des soldats français à Madagascar en 1895" src="https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507716/original/file-20230201-11673-f1g3b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des soldats français durant l’expédition de Madagascar (1895). Des milliers mourront du paludisme au cours de l’opération.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9dition_de_Madagascar#/media/Fichier:FrenchTroopsMadagasgar.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus tard, Edmond et Étienne Sergent racontent dans <em>Histoire d’un marais algérien</em> (1947) comment, entre 1927 et 1934, ils contribuèrent à la mise en valeur de la plaine de la Mitidja, en Algérie, par l’élimination des moustiques.</p>
<p>Cette plaine, très marécageuse, au sud d’Alger, voyait mourir du paludisme entre 10 et 20 % de sa population : habitants algériens, colons et soldats français qui, dès 1831, au début de la conquête de l’Algérie par la France, étaient touchés par les fièvres. Les deux frères entreprirent, sur les conseils d’Émile Roux, de l’Institut Pasteur à Paris, de rendre la région salubre par une véritable lutte intégrée contre les parasites avec la quinine, contre les anophèles avec des insecticides et des moustiquaires, et en drainant et en asséchant les marais. Cette zone était redevenue habitable dix ans plus tard et elle est désormais une riche plaine agricole.</p>
<p>Un autre exemple frappant des conséquences du paludisme sur les grands mouvements militaires du XX<sup>e</sup> siècle est bien décrit également par Edmond et Étienne Sergent dans leur livre <em>L’Armée d’Orient</em> délivrée du paludisme (1932). Ils dépeignent comment les troupes françaises de l’armée d’Orient, mais aussi allemandes et ottomanes, en conflit durant la Première Guerre mondiale lors de l’expédition de Salonique en Macédoine, furent handicapées par les nombreux cas de paludisme dans leurs rangs. Leurs recommandations (surveillance, diagnostic, quinine, moustiquaires) contribueront à la santé des troupes et à donner l’avantage à l’armée d’Orient.</p>
<p>[…]</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le moustique tigre Aedes albopictus en train de piquer une peau humaine" src="https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La salive du moustique tigre <em>Aedes albopictus</em> contient une quinzaine d’allergènes potentiels….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Aedes_albopictus#/media/File:CDC-Gathany-Aedes-albopictus-1.jpg">James Gathany, CDC/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le paludisme sévissait encore en Camargue avec plusieurs espèces de vecteurs possibles (<em>Anopheles atroparvus</em> et <em>An. melanoon</em>, du complexe <em>An. maculipennis</em>, et <em>An. claviger</em>), comme Alphonse Lavéran, prix Nobel en 1907 pour sa découverte des Plasmodium, le signale suite à une mission autour d’Aigues-Mortes en 1899. Son diagnostic est très simple : la région est envahie d’anophèles en zone rurale. Il préconise la destruction des larves de moustiques, l’utilisation de quinine, l’éloignement des humains et des animaux, et quand c’est possible le drainage. </p>
<p>Soixante ans plus tard, en 1962, le gouvernement français lancera la mission Pierre Racine, visant à développer le Languedoc par de grands travaux d’assainissement et de lutte contre les moustiques. Ce plan donna naissance à l’Entente interdépartementale pour la démoustication-Méditerranée (EID), à une diminution extrêmement importante des densités de moustiques autour des zones habitées, et d’un point de vue économique à l’essor du tourisme dans la région, incluant la création de La Grande-Motte.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1202&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1202&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507721/original/file-20230201-19-uyu0vr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1202&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Paru en décembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.quae.com/produit/1778/9782759235988/le-moustique-ennemi-public-n-1">Éditions Quæ</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a fort à parier que l’histoire n’est pas finie. L’humanité a vu une accélération de l’émergence de maladies infectieuses ces dernières décennies, comme les pandémies de chikungunya et de Zika, et l’endémisation de la dengue, trois maladies dont les virus sont transmis par des moustiques Aedes. Des cas autochtones de ces 3 arboviroses sont survenus récemment dans le sud de la France. Dans les zones les plus touchées, ces maladies ont des impacts sanitaires, sociétaux et économiques importants. </p>
<p>D’autres virus et agents infectieux connus et non connus, vectorisés par les moustiques, sont en embuscade et pourraient eux aussi contribuer « à faire l’histoire ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Insecte vecteur de nombreuses maladies, au premier rang desquelles le paludisme, le moustique sévit sur nos organismes depuis des millénaires.Sylvie Lecollinet, Vétérinaire et virologue, CiradDidier Fontenille, Directeur de recherche, spécialiste des maladies vectorielles, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928812022-11-17T17:26:53Z2022-11-17T17:26:53ZLutte contre les moustiques : améliorer l’efficacité des insecticides tout en réduisant leurs doses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495900/original/file-20221117-21-16mv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1597%2C1053&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moustique Aedes aegypti, vecteur de la dengue.</span> <span class="attribution"><span class="source"> James Gathany, CDC/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies humaines provoquées par des parasites, des virus ou des bactéries transmis par des vecteurs (moustiques ou tiques par exemple) encore appelées maladies à transmission vectorielle représentent, au niveau mondial, environ 17 % des maladies infectieuses.</p>
<p>Certaines de ces maladies sont transmises par des insectes hématophages comme les moustiques. Elles peuvent infecter l’homme par l’intermédiaire de virus (arbovirus), c’est le cas de la dengue, du chikungunya et de Zika ou de parasites (plasmodium) pour le paludisme.</p>
<p>Dans ce cas, le <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/malaria/world-malaria-reports/world-malaria-report-2021-global-briefing-kit-fre.pdf">dernier rapport de l’OMS</a> fait état d’un nombre de décès dus au paludisme estimé à 627 000 en 2020. Ce qui correspond à 69 000 décès de plus que l’année précédente. Les régions d’Afrique sont les plus impactées avec 96 % de tous les décès dus au paludisme en 2020, les enfants de moins de 5 ans sont les principales victimes (80 % des décès).</p>
<p>De plus, <a href="https://www.who.int/fr/news/item/19-05-2021-who-issues-new-guidance-for-research-on-genetically-modified-mosquitoes-to-fight-malaria-and-other-vector-borne-diseases">l’incidence de la dengue</a>, par exemple, continue d’augmenter et la maladie touche désormais les populations de plus de 129 pays d’après la Dre Mwele Malecela, Directrice du Département de l’OMS de lutte contre les maladies tropicales négligées.</p>
<p>Au niveau national et dans plusieurs régions françaises, en particulier dans les territoires ultra-marins (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion) et les collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, le contrôle des populations moustiques vecteurs des genres <em>Aedes</em>, <em>Anopheles</em> et <em>Culex</em> pose un réel problème en matière de santé publique. De plus, des <a href="https://www.codes06.org/actualites/actualites-a-la-une/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2022/">cas autochtones</a> de dengue en France métropolitaine ont été rapportés avec 9 foyers de transmission de dengue qui représentent 65 cas autochtones identifiés au 16 octobre 2022 en région Occitanie, Paca et Corse.</p>
<p>Enfin, l’émergence et la réémergence de ces maladies vectorielles transmises par les moustiques, dues aux changements climatiques et à la globalisation des échanges au niveau mondial renforcent l’urgence de développer de nouvelles stratégies essentielles pour gérer et contrôler ces populations de moustiques vecteurs d’agents pathogènes.</p>
<h2>Des moyens de lutte variés mais imparfaits</h2>
<p>Aujourd’hui, les objectifs de la lutte antivectorielle (LAV) sont de diminuer mais aussi de contrôler les populations de moustiques vecteurs. Parmi les moyens de lutte utilisés (biologiques, mécaniques et/ou génétiques), la lutte chimique par l’utilisation de biocides comme les insecticides,reste une stratégie largement utilisée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-lachers-de-moustiques-modifies-pour-lutter-contre-la-dengue-le-chikungunya-ou-la-fievre-jaune-189573">Les lâchers de moustiques modifiés pour lutter contre la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune</a>
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<p>Cependant, le développement des mécanismes de résistance aux insecticides classiques par les moustiques et d’autres mécanismes physiologiques de compensation (surexpressions de récepteurs cibles spécifiques) qui limitent le coût biologique généré par le développement de ces résistances par ces mêmes moustiques modifie l’effet insecticide et rend les traitements de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0029Ra.pdf">moins en moins efficaces</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, pour limiter l’apparition de résistances chez les moustiques vecteurs d’agents pathogènes et diminuer la concentration d’insecticide utilisée afin d’éviter les effets secondaires sur les organismes non-cibles (comme des insectes auxiliaires ou des mammifères), nous avons développé au sein du laboratoire SiFCIR de l’Université d’Angers en collaboration avec l’IRD de Montpellier (F. Chandre) et la SATT-Ouest valorisation de Rennes, une stratégie innovante de lutte contre les moustiques sensibles et résistants aux insecticides.</p>
<h2>L’agent synergisant</h2>
<p>Cette stratégie est basée sur l’utilisation d’une association de deux composés de familles chimiques différentes ayant des modes d’action indépendants, à savoir un agent synergisant et un insecticide. L’agent synergisant, défini aujourd’hui dans le cadre du <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0029Ra.pdf">rapport d’expertise collective de l’Anses</a> (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), est un composé chimique de synthèse ou naturel qui ne possède pas lui-même de propriétés insecticides, mais qui, lorsqu’il est associé et appliqué avec un insecticide renforce considérablement son activité tout en réduisant les concentrations utilisées. L’avantage majeur de cette association qui agit sur des cibles différentes rompt le cycle de développement de résistance observé pour un insecticide.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214574518300890?via%3Dihub">Cette stratégie</a>, permet d’intensifier l’effet d’un insecticide donné, qui s’il avait été utilisé seul n’aurait pas eu une action aussi importante.</p>
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<p>Dans ces conditions et parce que l’agent synergisant est utilisé à très faible concentration, il n’occasionne pas d’actions néfastes sur les organismes vivants et l’environnement. Il a pour effet d’activer des voies de signalisation intracellulaire impliquées dans l’augmentation de la sensibilité des cibles membranaires aux insecticides. Ces voies de signalisation, lorsqu’elles sont sollicitées, sont responsables d’un changement de conformation de la cible. Cet effet augmente l’action de l’insecticide tout en réduisant les concentrations utilisées et permet de contourner des phénomènes de résistance aux insecticides.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Représentation schématique du principe de l’utilisation d’un agent synergisant associé à un insecticide. Ce « tandem » permet de changer la conformation de la cible à l’insecticide via des mécanismes intracellulaires dépendants du calcium. Dans ces conditions, l’effet insecticide est potentialisé à plus faible concentration (vert) par rapport au traitement classique sans agent synergisant (rouge)" src="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce nouveau concept basé sur l’utilisation d’un agent synergisant a fait l’objet de brevets. Il a retenu récemment l’intérêt d’industriels dans les domaines d’applications liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Cet intérêt s’inscrit dans le cadre des nouvelles procédures d’homologations concernant l’utilisation des biocides à plus faibles concentrations dans un contexte à la fois de santé environnementale mais aussi de santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Lapied a reçu des financements de la SATT-Ouest Valorisation, de la Région Pays de la Loire et de la Direction Générale de l’Armement, l’Agence de l’Innovation de Défense (Ministère des Armées).
Il travaille en tant qu'expert pour l'Anses.
Le travail de recherche a été réalisé en collaboration avec C. Deshayes, E. Moreau, S. Perrier (laboratoire SiFCIR, Université d'Angers), F. Chandre (IRD de Montpellier), la SATT-Ouest Valorisation, le Vectopole Sud Network (Montpellier) du LabEx CeMEB (ANR-10-LABX-04-01) et W. Nowak, Institute of Physics, Faculty of Physics, Astronomy and Informatics, N. Copernicus University, Torun, Poland.</span></em></p>Les moustiques vecteurs de pathogènes sont un problème de santé publique, une nouvelle approche basée sur la chimie permettrait de rendre les traitements plus efficaces.Bruno Lapied, Professeur de Neurophysiologie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924392022-10-16T15:44:30Z2022-10-16T15:44:30ZLutter contre le paludisme et la toxoplasmose grâce à un médicament anti-cancer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489588/original/file-20221013-16-nftsei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2020%2C1358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un enfant souffrant de paludisme est soigné dans une clinique de Mogadiscio, en Somalie, en 2013. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/au_unistphotostream/8654738668">Tobin Jones / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le paludisme, aussi appelé malaria, est une maladie causée par le <a href="https://theconversation.com/virus-bacterie-parasite-connaissez-vos-microbes-sur-le-bout-des-doigts-57157">protozoaire</a> parasite <em>Plasmodium falciparum</em>, transmis par les moustiques. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime qu’en 2020, <a href="https://www.who.int/teams/global-malaria-programme/reports/world-malaria-report-2021">241 millions de personnes ont contracté la maladie, qui a causé 627 000 décès sur la planète</a>. 94 % de ces infections et 96 % de ces décès sont survenus en Afrique sub-saharienne. Autre statistique tragique : toutes les cinq minutes, un enfant de moins de 5 ans meurt de la malaria.</p>
<p>À mesure que le changement climatique progresse, les aires de répartition des moustiques vecteurs du paludisme s’étendent, ce qui accroît le nombre de personnes vivant sous la menace de la maladie. Pour limiter le problème, l’OMS recommande de recourir au <a href="https://www.who.int/teams/global-malaria-programme/prevention/vector-control">contrôle des populations de vecteurs</a>, afin de réduire le nombre de moustiques, et donc de diminuer la probabilité de piqûre. L’institution conseille également le recours à la <a href="https://www.who.int/fr/publications-detail/9789241504737">chimioprévention (ou chimioprophylaxie)</a>, qui consiste à administrer préventivement des traitements antipaludéens pour empêcher, en l’absence de vaccins, la survenue de la maladie.</p>
<p>Le parasite <em>Toxoplasma gondii</em>, un proche cousin de <em>Plasmodium</em>, infecte quant à lui 2 milliards de personnes dans le monde. Il est responsable de la <a href="http://cnrtoxoplasmose.chu-reims.fr/?page_id=127">toxoplasmose</a>, une maladie d’origine alimentaire qui menace surtout les nouveau-nés et les personnes immunodéprimées, autrement dit les individus dont le système immunitaire fonctionne mal, comme les malades du sida ou les patients suivant un traitement anticancéreux. Diverses études suggèrent également que les toxoplasmes peuvent avoir des effets de long terme sur le comportement et la personnalité des êtres humains, de par leur capacité à se nicher dans le cerveau. Ces parasites pourraient notamment jouer un rôle dans la schizophrénie et les troubles bipolaires.</p>
<p>Malgré les inlassables efforts des scientifiques pour éradiquer ces deux maladies parasitaires, les médicaments disponibles à l’heure actuelle sont sous-optimaux, et il existe peu d’alternatives, pour ne pas dire aucune… Nos travaux récents laissent toutefois entrevoir un nouvel espoir.</p>
<h2>Effets indésirables</h2>
<p>Les traitements anti-toxoplasmose actuels ont souvent des effets secondaires graves, tels qu’une toxicité hépatique ou une atteinte de la moelle osseuse (laquelle participe à la production des cellules sanguines), ce qui accroît le risque pour la santé des personnes immunodéprimées. En outre, aucun médicament n’est capable de tuer les toxoplasmes une fois qu’ils ont établi une infection chronique dans les muscles et dans le cerveau.</p>
<p>Le coût de ces traitements, lorsqu’ils existent, constitue un autre problème. L’un d’entre eux, le Daraprim, a notamment fait les gros titres des journaux en 2015, après que <a href="https://www.nature.com/articles/nbt.3409">Turing Pharmaceuticals a fait passer son tarif par comprimé de 13,50 dollars à 750 aux États-Unis</a>, menaçant d’empêcher les patients vulnérables d’accéder à ce médicament.</p>
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<p>Concernant le paludisme, dans les régions où cette maladie est endémique, les thérapies combinées à base d’artémisinine constituent désormais les traitements de première intention. L’artémisinine est un extrait végétal issu de la pharmacopée traditionnelle chinoise. Elle a été synthétisée pour la première fois par <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2015/tu/facts/">Tu Youyou</a>, lauréat du prix Nobel en 2015. Cependant, l’émergence d’une résistance des parasites à l’artémisinine et aux autres combinaisons médicamenteuses alternatives est aujourd’hui une préoccupation majeure. Ce phénomène a été initialement constaté en <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa0808859">Asie du Sud-Est</a> et plus récemment au <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2101746">Rwanda et en Ouganda</a> (on parle de résistance lorsqu’un médicament perd de son efficacité et ne peut plus guérir complètement l’infection contre laquelle il a été conçu).</p>
<p>Dans ce contexte, le <a href="https://www.nature.com/articles/534314a">repositionnement de médicaments initialement autorisés pour soigner d’autres maladies</a> est une stratégie intéressante, qui permet d’économiser beaucoup de temps et d’argent. Un des exemples les plus connus est celui du sildénafil. Développé à l’origine pour traiter les douleurs thoraciques causées par les maladies coronariennes, ce composé n’a pas passé le stade des essais cliniques dans cette indication. Néanmoins, les scientifiques ont découvert que l’un des effets secondaires de ce médicament était de provoquer l’érection. Cela a été mis à profit pour créer la célèbre pilule bleue commercialisée sous le nom de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24872991/">Viagra</a>, employé pour traiter les dysfonctionnements érectiles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/soigner-la-maladie-dalzheimer-en-reutilisant-dautres-medicaments-163539">Soigner la maladie d’Alzheimer en réutilisant d’autres médicaments ?</a>
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<p>Cette stratégie de <a href="https://www.inserm.fr/actualite/Covid-19-repositionner-medicaments-pour-accelerer-mise-disposition-traitements/">repositionnement de médicaments</a> a tout particulièrement attiré l’attention après le déclenchement de la pandémie de Covid-19, lorsque les scientifiques ont cherché par tous les moyens à mettre rapidement au point des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35566073/">thérapies pour lutter contre la maladie</a>.</p>
<p>En adoptant cette approche, notre équipe vient de réaliser une percée scientifique, avec la découverte d’un nouveau candidat médicament contre les parasites : l’<a href="https://www.science.org/doi/10.1126/scitranslmed.abn3231">altiratinib</a>.</p>
<h2>Combattre les parasites avec un médicament repositionné</h2>
<p>Nous avons pu démontrer que l’altiratinib, développé à l’origine pour traiter le <a href="https://braintumor.org/events/glioblastoma-awareness-day/about-glioblastoma/">glioblastome</a>, un cancer du cerveau très agressif, possède une puissante activité parasiticide contre le toxoplasme. L’altiratinib est également actif contre <em>Eimeria</em> et <em>Neospora</em>, deux parasites d’importance vétérinaire majeure, qui causent chaque année d’importantes pertes économiques dans les élevages de bétail.</p>
<p>Pour décrire ce qu’un médicament fait réellement dans le corps, les scientifiques utilisent souvent l’expression <a href="https://www.cancer.gov/publications/dictionaries/cancer-terms/def/mechanism-of-action">« mode d’action »</a>. Décrypter le mode d’action d’un composé revient à identifier précisément la façon dont il fonctionne.</p>
<p>Pour comprendre comment l’altiratinib agit sur le parasite, nous avons dû identifier quelle était sa « cible » principale. Grâce à une approche génétique de pointe, nous avons déterminé qu’il s’agit d’une kinase – les kinases sont des enzymes qui modifient chimiquement d’autres molécules et, ce faisant, régulent leur activité biologique. Chez <em>Toxoplasma</em>, la kinase ciblée par l’altiratinib est connue sous le nom de PRP4K, tandis que chez <em>Plasmodium</em>, elle est appelée CLK3.</p>
<p>Rappelons que la plupart des fonctions cellulaires sont assurées par des protéines, de grandes et complexes molécules. Les informations qui permettent aux cellules de les fabriquer sont contenues dans l’ADN, sous forme de gènes. La production d’une protéine donnée commence par la transcription (c’est-à-dire la « copie ») du gène correspondant en une molécule d’ARN messager (ARNm) immature. C’est lors de l’étape suivante qu’intervient l’altiratinib.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5MfSYnItYvg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’ARNm immature produit à partir du gène ne permet pas encore de produire une protéine. Il peut être considéré comme une grossière ébauche. Dans un second temps, l’ARNm va subir un processus appelé « épissage ». Des enzymes retirent alors les parties inutiles de la molécule d’ARNm immature, un peu comme un tailleur retouche progressivement sa pièce initiale jusqu’au vêtement final, en l’occurrence un ARNm « mature », utilisable pour produire une protéine. Si quelque chose se passe mal durant cette phase d’épissage, la protéine résultante peut ne pas fonctionner comme prévu, voire ne pas fonctionner du tout.</p>
<p>La kinase PRP4K est l’un des « tailleurs » impliqués dans l’étape d’épissage. Son inhibition par l’altiratinib perturbe cette phase cruciale, à l’échelle du génome entier. Résultat : à l’intérieur des parasites, la production de protéines devient chaotique, ce qui provoque leur mort.</p>
<h2>Identifier les régions d’intérêt</h2>
<p>Certaines régions des protéines sont essentielles à leur fonctionnement, car elles interagissent avec les molécules de leur environnement. Grâce à des techniques de pointe, nous avons pu identifier la région de PRP4K où se produisent les réactions chimiques et à laquelle se lie l’altiratinib. Cette découverte ouvre la voie à la mise au point de composés plus efficaces.</p>
<p>Au-delà de l’altiratinib, nous en avons également appris davantage sur le fonctionnement d’un autre médicament anti-paludisme, baptisé <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aau1682">TCMDC-135051</a>. Nous avons montré que cette molécule, qui n’est <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jmedchem.0c00451">pas encore disponible dans le commerce</a>, est capable elle aussi de se lier à PRPK4. Cependant, TCMDC-135051 n’agit probablement pas de la même manière que l’altiratinib.</p>
<p>De ce fait, il serait envisageable de développer des thérapies combinant ces deux composés, ce qui limiterait théoriquement l’apparition de résistances.</p>
<p>Nos travaux démontrent que l’altiratinib, initialement développé dans le cadre de la lutte contre le cancer, constitue une option thérapeutique pour traiter non seulement le paludisme, mais aussi la toxoplasmose et certaines maladies parasitaires animales. Ils soulignent aussi l’importance de la kinase PRP4K/CLK3 en tant que cible médicamenteuse dans le combat contre les parasites.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192439/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohamed-Ali Hakimi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un médicament initialement développé pour lutter contre le cancer s’est révélé très prometteur pour combattre ces deux parasites majeurs, ainsi que certains parasites du bétail.Mohamed-Ali Hakimi, Research director in parasitology, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1907292022-09-19T18:41:45Z2022-09-19T18:41:45ZLes cas de dengue explosent en France métropolitaine : que faut-il savoir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485365/original/file-20220919-875-o6su2s.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3600%2C2349&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pupes de moustiques tigres, qui donneront naissance à des adultes pouvant transmettre la dengue et d’autres maladies, vivent en milieu aquatique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://phil.cdc.gov/Details.aspx?pid=26036">CDC/ Amy E. Lockwood, MS / Lauren Bishop</a></span></figcaption></figure><p>Un nombre sans précédent de cas de dengue a été identifié en France métropolitaine depuis le milieu de l’été. En effet, près d’une quarantaine de cas « autochtones » – autrement dit, des infections contractées sur le territoire national, sans que les malades n’aient voyagé à l’étranger – avaient déjà été rapportés à la mi-septembre, ce qui est plus que le total cumulé des 10 dernières années.</p>
<p>La maladie s’est par ailleurs déclarée dans des départements où elle n’avait jamais été détectée jusqu’à présent. Alors que le nombre d’infections continuera probablement à augmenter dans les jours et semaines à venir, quelles régions sont concernées ? Quelles sont les causes les plus plausibles de cette situation exceptionnelle ? Cette situation peut-elle s’avérer préoccupante ?</p>
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<h2>Dans les Alpes-Maritimes, le foyer le plus important jamais identifié en France métropolitaine</h2>
<p>Actuellement, sur les cinq départements touchés par la maladie, trois sont situés en région Occitanie et deux en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).</p>
<p>En Occitanie, quatre cas ont été identifiés dans le même habitat, sur la commune de Salvetat Saint-Gilles, à 20 km à l’ouest de Toulouse, en Haute-Garonne ; 3 cas ont été rapportés dans la commune d’Andrest et celle, distante de 15 km, de Rabastens-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées ; 1 cas a été détecté à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Jamais le virus de la dengue n’avait été identifié dans ces deux derniers départements.</p>
<p>En région PACA, les deux départements touchés sont le Var, avec 7 cas identifiés à Fayence et, surtout, les Alpes Maritimes avec 31 cas identifiés dans trois communes situées à moins de 10 km de distance les unes des autres : Saint Jeannet, Gattières et La Gaude. La proximité géographique et temporelle – ils se sont déclarés sur un mois – de ces nouveaux cas penche en faveur d’un seul et même épisode de circulation du virus sur ces trois communes. Ce foyer est d’ores et déjà le plus important jamais identifié en France métropolitaine. Il est toujours actif, les derniers cas ayant été identifiés début septembre. D’autres cas seront probablement identifiés prochainement.</p>
<iframe title="Cas d’infections autochtones de dengue identifiés depuis 2010 en France métropolitaine, au 20 septembre 2022" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-Dy85f" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Dy85f/14/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="766" width="100%"></iframe>
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<p>Jusqu’à présent, le nombre d’infections autochtones de dengue restait très limité en France métropolitaine. Il était estimé à moins d’une trentaine depuis le premier cas rapporté en 2010, avec bien souvent seulement quelques infections identifiées par an. Le nombre de cas rapportés cette année dépasse donc déjà l’ensemble des cas identifiés ces 15 dernières années.</p>
<p>Soulignons par ailleurs que la dengue étant souvent asymptomatique (dans environ 70 % des cas), elle peut passer largement inaperçue. En outre, avec la pandémie Covid-19, le diagnostic des autres maladies virales a probablement été sous-évalué au cours des deux dernières années. Cela a pu concerner notamment différentes arboviroses, dont la dengue. Le nombre de cas réel est donc probablement fortement sous-estimé.</p>
<p>Pourquoi une telle explosion ? S’il était difficile d’anticiper une hausse de la circulation de la dengue telle que celle que nous vivons en 2022, ces dernières années plusieurs éléments précurseurs laissaient présager une augmentation des maladies à transmission vectorielle.</p>
<h2>Le moustique vecteur a envahi notre territoire</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la répartition du moustique tigre en France métropolitaine et en Corse, en janvier 2022" src="https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485308/original/file-20220919-24-nbrb4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition du moustique tigre en France métropolitaine et en Corse, en janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Ministère des Solidarités et de la Santé</a></span>
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<p>Le virus à l’origine de la dengue est transmis par les espèces de moustiques appartenant au genre <em>Aedes</em>, dont fait partie le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>). Or, depuis sa première détection sur notre territoire, en 2004 à Menton, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayées de blanc originaire d’Asie du Sud-Est et de l’océan Indien n’en finit pas d’augmenter son aire de répartition française.</p>
<p>En moins de 20 ans, il a envahi 67 départements métropolitains sur 96 (contre seulement 58 en 2020 !). Sa propagation sur l’ensemble du territoire est inexorable.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo en gros plan d’une femelle moustique tigre en train de se nourrir" src="https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485299/original/file-20220919-2659-k04roy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le moustique tigre est notamment reconnaissable à ses pattes rayées de blanc.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1412612">Pxhere</a></span>
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<p>À l’origine d’une gêne importante en période estivale (certaines zones touristiques en sont infestées), le moustique tigre est capable de transmettre, en plus du virus de la dengue, <a href="https://theconversation.com/virus-exotiques-en-france-un-sujet-plus-que-jamais-dactualite-186324">divers virus responsables de maladies chez l’être humain, dont le virus Zika ou celui du chikungunya</a>. Son extension sur notre territoire augmente le risque de propagation des maladies qu’ils provoquent.</p>
<p>Actuellement, parmi ces trois virus responsables de maladies tropicales, le virus de la dengue est le plus présent en France métropolitaine, en particulier dans les régions du sud, où la densité de moustiques tigres est la plus importante.</p>
<h2>Un risque augmenté par les changements environnementaux et climatiques</h2>
<p>Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique et l’activité des moustiques. Elles augmentent notamment dans certains cas leur prolifération et leur durée de vie.</p>
<p>L’été que nous avons vécu, exceptionnel par son alternance de chaleurs caniculaires et d’épisodes pluvieux intenses, notamment dans les régions du sud, a entraîné une augmentation importante du nombre de moustiques.</p>
<p>En effet, si leurs œufs ont besoin d’eau pour achever leur processus de développement, ils sont néanmoins très résistants dans l’environnement. En cas de sécheresse, ils peuvent rester viables jusqu’à plusieurs années, ce qui leur permet de survivre en attendant que les conditions de leur éclosion redeviennent favorables.</p>
<p>Cette explosion des populations de moustiques a augmenté le risque de transmission du virus de la dengue, lui-même déjà accru par la reprise des échanges internationaux et du tourisme.</p>
<h2>Tourisme et échanges commerciaux favorisent la dissémination des pathogènes</h2>
<p>Les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle depuis quelques décennies, peuvent faciliter la dissémination de maladies virales, et notamment des maladies propagées par des vecteurs comme le moustique.</p>
<p>Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections de dengue provenant de personnes revenant de voyage hors Antilles a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise du trafic aérien cette année, une hausse des cas importés a été observée : du 1<sup>er</sup> mai au 20 septembre 2022, Santé publique France a dénombré <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2022">182 cas importés de dengue en France</a>, soit déjà autant que pour l’ensemble de l’année 2021…</p>
<p>Ces cas importés sont autant de risque d’apparition de foyers « locaux », dès lors que le moustique vecteur de la maladie est présent sur place. Et ce, d’autant plus que la dengue est l’arbovirose la plus fréquente et la plus répandue dans le monde.</p>
<h2>Comment se transmet la dengue ?</h2>
<p>Originaire d’Afrique, le virus de la dengue est un <em>arbovirus</em>, de l’anglais « ARthropod-BOrne VIRUS », virus transmis par des insectes se nourrissant de sang. Il appartient au genre <em>Flavivirus</em>, comme le virus Zika, ou les virus de la fièvre jaune et du Nil occidental, d’autres arbovirus.</p>
<p>Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère le sang dans lequel le virus de la dengue est présent. Ce dernier va alors se multiplier dans le corps du moustique, lequel le transmettra à un autre individu lors d’une nouvelle piqûre.</p>
<p>Les premiers cas de dengue ont été répertoriés au XVIII<sup>e</sup> siècle sur le continent américain. Cette affection est bien connue dans de nombreuses régions tropicale et subtropicale du globe, de l’Afrique, à l’Asie en passant par l’Amérique latine. Les territoires français d’outre-mer ne sont pas épargnés : la Réunion, la Guadeloupe ou la Martinique ont subi des épidémies récurrentes ces dernières années.</p>
<h2>Une maladie souvent asymptomatique, mais parfois grave</h2>
<p>La dengue est parfois qualifiée de « grippe tropicale », car ses symptômes sont le plus souvent de type pseudogrippal : les malades ont de la fièvre, des maux de tête, des courbatures… Ils peuvent également parfois développer une éruption cutanée.</p>
<p>Les manifestations de la maladie surviennent entre 3 et 14 jours après la piqûre par le moustique, avec une moyenne de 4 à 7 jours. Le malade guérit généralement spontanément en quelques jours, mais une fatigue importante persiste pendant plusieurs semaines.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image en microscopie électronique à transmission de particules du virus de la dengue" src="https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485369/original/file-20220919-2934-5jrfc8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les particules du virus de la dengue, rondes et sombres, sont bien visibles sur cette image prise au microscope électronique à transmission.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://phil.cdc.gov/Details.aspx?pid=12493">Frederick Murphy/CDC</a></span>
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<p>À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue. Un vaccin existe (Dengvaxia), mais il reste peu utilisé en raison de nombreuses limitations concernant son utilisation. Ce vaccin présente en effet l’inconvénient <a href="https://www.mesvaccins.net/web/diseases/31-dengue">d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue</a>. Il est surtout prescrit à des personnes vivant dans des zones d’endémie, et <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/dengue">qui ont déjà été infectées par le virus de la dengue</a>.</p>
<p>La prise en charge de la maladie consiste principalement à soigner les symptômes, notamment de la douleur et de la fièvre. L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont formellement contre-indiqués du fait du risque hémorragique.</p>
<p>Le principal problème associé à la dengue est le risque de développer ce qu’on appelle une dengue sévère ou dengue hémorragique, qui peut se compliquer d’un état de choc souvent mortel. La dengue hémorragique se manifeste notamment par une détresse respiratoire associée à des hémorragies multiples.</p>
<p>Heureusement, cette forme de dengue ne touche qu’un petit pourcentage des personnes infectées : 1 % à 5 % d’entre elles sont concernées. Il arrive que certains individus développent également des atteintes neurologiques sévères, telles que des encéphalites, mais ces complications sont extrêmement rares.</p>
<h2>Quatre types de virus différents, mais pas d’immunité croisée</h2>
<p>On distingue quatre types de virus de dengue différents, qui se différencient les uns des autres par de subtiles modifications dans leurs antigènes (les antigènes sont des structures dont la détection par le système immunitaire entraîne sa réaction et la production d’anticorps – il peut s’agir de protéines, de lipides, de sucres, etc.).</p>
<p>Ces quatre sérotypes de virus de dengue, nommés DENV-1, DENV-2, DENV-3 et DENV-4, bien que relativement similaires, sont suffisamment différents pour ne pas conférer une protection croisée à long terme. Autrement dit, si l’infection par l’un des sérotypes nous immunise contre lui, elle n’offre pas de protection contre les trois autres. On peut donc être consécutivement infecté par les 4 sérotypes de dengue au cours de sa vie.</p>
<p>En France métropolitaine, au moins deux sérotypes, DENV-1 et DENV-3, ont été identifiés cette année. Cela signifie que le virus de la dengue a été introduit cet été sur le territoire à plusieurs reprises.</p>
<h2>La lutte contre les moustiques comme moyen de prévention</h2>
<p>Après la découverte de cas d’infection, le même scénario se met en place : des opérations de démoustication sont menées à proximité des cas détectés, accompagnées d’actions de sensibilisation auprès du public et des professionnels de santé (ainsi que lors d’enquêtes de porte-à-porte), menées en collaboration avec les ARS, Santé publique France et des agences de démoustication telles que <a href="https://www.altopictus.fr/">Altopictus</a> ou l’<a href="https://www.eid-med.org/">Entente interdépartementale de démoustication</a>.</p>
<p>Actuellement les meilleures façons d’éviter la propagation des virus tels que celui de la dengue, transmis par les moustiques, est de limiter la prolifération de ces insectes et de se protéger de leurs piqûres.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/d1CpWPDjVvU?wmode=transparent&start=24" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le cycle de vie des moustiques passe par le milieu aquatique.</span></figcaption>
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<p>Pour réduire le développement des larves de moustique, il est recommandé de vider tous les récipients d’eau stagnante, notamment les coupelles des pots de fleurs et les arrosoirs, et de couvrir les réceptacles d’eau de pluie, surtout en période de fortes précipitations. Pour limiter le risque de se faire piquer, il est recommandé d’utiliser des répulsifs adaptés, et de porter des vêtements amples et couvrants.</p>
<p>Le renforcement des réseaux de surveillance reste actuellement une des meilleures stratégies pour lutter contre ces nouvelles menaces difficiles à anticiper.
Fort heureusement, dans notre pays, la menace des arbovirus, dont la dengue, demeure pour l’heure sporadique et le risque d’épidémie, limité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190729/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Simonin a reçu des financements de l'ANR, de l'université de Montpellier, de la Kim RIVE.</span></em></p>Un nombre sans précédent de cas de dengue a été recensé en France métropolitaine à la mi-septembre, et le décompte n’est pas terminé. Pourquoi une telle explosion ?Yannick Simonin, Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1905712022-09-16T09:09:34Z2022-09-16T09:09:34ZTraque des moustiques invasifs : au cœur d’une enquête sanitaire inédite à Marseille<p>Les espèces invasives, animales et végétales, sont devenues un problème majeur au niveau mondial – écologique, économique, mais aussi de santé publique.</p>
<p>Le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>) en est un exemple malheureusement fameux : venu d’Asie du Sud-Est, il a gagné la majeure partie de la planète et se répand désormais dans le sud de la France. Il y propage des <a href="https://theconversation.com/virus-exotiques-en-france-un-sujet-plus-que-jamais-dactualite-186324">virus responsables de graves maladies comme la dengue, le Zika ou le chikungunya</a>.</p>
<p>D’où l’importance d’un suivi rigoureux de ce risque, notamment aux points d’entrée que constituent les grands ports et aéroports internationaux, pour bloquer à la source tout risque de dissémination de nouveaux vecteurs ou pathogènes…</p>
<p>Le réseau de surveillance national est assez fin pour parfois réussir à réagir à un unique insecte – c’est ce qui s’est passé il y a quatre ans. Nous venons de publier l’<a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2022043">enquête menée au sujet d’un moustique dans la revue <em>Parasite</em></a>.</p>
<h2>Une enquête unique</h2>
<p>Tout débute en juillet 2018 par une observation surprenante dans le Grand port maritime de Marseille lors d’une opération de routine de l’EID-Méditerranée (<a href="https://www.eid-med.org/">Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen</a>), chargée de la surveillance entomologique dans la lutte contre les espèces invasives…</p>
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<img alt="Un piège installé en plein air dans une zone herbeuse à surveiller" src="https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484299/original/file-20220913-12-q0dwnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différents types de pièges à moustiques sont dispersés dans les zones à surveiller. Attirés par exemple par de la chaleur, du gaz carbonique, etc., les moustiques sont ensuite aspirés et coincés dans une nasse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charles Jeannin/EID-Méditerranée</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En pratique, sont installés dans ce secteur stratégique des pièges à moustiques de différents types – basés sur divers attractifs tels que la chaleur, le gaz carbonique, des odeurs mimant celles d’une proie à piquer, etc. Les moustiques attirés sont ensuite aspirés par un ventilateur et aboutissent dans un filet nasse où ils meurent rapidement.</p>
<p>Les pièges sont relevés toutes les deux ou quatre semaines et leurs contenus examinés.</p>
<p>Cette observation aurait pu passer inaperçue, puisqu’il s’agissait de celle d’un unique moustique mort, une femelle en l’occurrence, au milieu de nombreux autres moustiques pris au piège. Mais sa morphologie a d’emblée titillé les spécialistes : le spécimen, quoiqu’abîmé par son séjour dans le filet du piège, présentait en effet des taches argentées caractéristiques sur ses pattes et semblait être un <em>Aedes aegypti</em>.</p>
<p>Le problème est que cette espèce, largement distribuée dans les zones tropicales, ne devrait pas être présente à Marseille. La dernière fois qu’elle a été observée dans la capitale phocéenne, c’était le 22 novembre 1907 ; et là encore, un seul spécimen femelle avait été collecté à proximité du Vieux-Port, dans le Parc du Pharo.</p>
<p>Elle a été éliminée d’Europe et du pourtour méditerranéen dans les années 1950 en utilisant largement des insecticides chimiques tels que le DDT. La faible occurrence de ces observations suggère un faible flux invasif d’<em>Aedes aegypti</em> par bateau, de port à port – ce qui est rassurant, nous verrons pourquoi.</p>
<p>Or la confirmation de la préidentification de l’espèce est vite arrivée grâce à des analyses de biologie moléculaire de type « code-barres » (portant sur l’ADN extrait de l’abdomen du moustique) réalisées par les spécialistes de l’unité Mivegec (Université de Montpellier, CNRS, IRD, Montpellier).</p>
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<img alt="Trois vues du moustique récupéré dans le piège, en mauvais état" src="https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=174&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484303/original/file-20220913-16-qzgn5o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’identification du spécimen découvert dans le piège, en mauvais état, a été complexe : abîmé, il a nécessité une analyse génétique en plus de l’étude morphologique (<em>Ae. aegypti</em> se distingue normalement par les taches argentées sur ses pattes et par un dessin en lyre, ici absent, sur le dos du thorax).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Robert/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2><em>Ae. aegypti</em>, le vecteur de virus dangereux</h2>
<p><em>Aedes aegypti</em> était donc de retour, et il est bien connu pour être un redoutable vecteur pour de nombreux virus hautement pathogènes tels que les virus de la fièvre jaune, dengue, chikungunya, Zika, etc. L’installation de populations pérennes d’<em>Aedes aegypti</em> dans un grand port méditerranéen est donc redoutée pour les risques sanitaires associés – outre le grave problème de nuisance à cause des piqûres.</p>
<p>Restait à savoir s’il s’agissait ici d’un retour avorté, ou du début d’une nouvelle infestation.</p>
<p>Le cas ne serait pas inédit. Depuis quelques années, le sud de la France doit déjà faire face au moustique tigre <em>Aedes albopictus</em> qui, lui, a parfaitement réussi son introduction et son implantation sur la quasi-totalité du pourtour méditerranéen. Cette dernière espèce est désormais régulièrement à l’origine de cas de maladies considérées hier comme « exotiques » en France avec maintenant des cas autochtones – c’est-à-dire contractés localement. À ce jour, <a href="https://www.paca.ars.sante.fr/point-de-situation-cas-autochtones-de-dengue-dans-les-alpes-maritimes">21 cas autochtones de dengue ont déjà été comptabilisés</a> en région PACA pour la seule année 2022.</p>
<p>À ce stade, des enquêtes entomologiques complémentaires sont diligentées par l’EID-Méditerranée dans le port de Marseille et alentour pour savoir si ce moustique provient d’une petite population qui se maintiendrait à Marseille, suffisamment discrètement pour passer sous le seuil de détection de la surveillance.</p>
<p>Cette question est importante car y répondre positivement déclencherait aussitôt d’importantes et coûteuses opérations de lutte anti-vectorielle afin de l’éliminer.</p>
<p>La réponse est négative. Le surcroît d’échantillonnage réalisé au cours de l’été 2018 (~5 600 moustiques collectés) n’a pas permis de collecter un seul autre spécimen de cette espèce : de quoi conclure que le moustique identifié dans le port a été introduit à Marseille, et qu’il n’est donc pas nécessaire de mettre en place des actions exceptionnelles de lutte anti-vectorielle.</p>
<p>L’enquête aurait pu s’arrêter là, sur cette issue heureuse pour nous, avec le piégeage de ce dangereux moustique vecteur et l’échec de son installation à Marseille…</p>
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<h2>Une recherche pour en inspirer d’autres</h2>
<p>Toutefois, pour aller plus avant dans la connaissance des routes suivies par les individus pionniers des espèces envahissantes, des investigations complémentaires ont été menées sur les restes du moustique, pour retrouver sa provenance puis son itinéraire.</p>
<p>Des collaborateurs sollicités à l’Université de Yale (New Haven, Connecticut, USA) ont extrait de l’ADN de ce qu’il restait du moustique et l’ont testé sur une puce (<em>chip</em>) analysant en une fois quelque 23 000 marqueurs génétiques (de type SNP <em>Single Nucleotid Polymorphism</em>, des variations au niveau d’une seule lettre de l’ADN) répartis dans tout le génome. En reportant ces caractéristiques dans une base mondiale de données génétiques, ils ont établi que ce moustique appartient à une population d’Afrique tropicale, Cameroun (probablement) ou Burkina Faso (moins probablement, d’autant que ce pays est enclavé, sans ouverture maritime).</p>
<p>L’EID-Méditerranée a poursuivi sa recherche pour tenter d’identifier le navire par lequel le moustique est arrivé.</p>
<p>La première étape fut la consultation du registre des bateaux en provenance d’Afrique Centrale ayant accosté à Marseille dans les semaines qui ont précédé la capture du moustique <em>Aedes aegypti</em>. Le croisement de ces informations avec la date de collecte du moustique dans le piège a suggéré que le spécimen avait voyagé dans un navire de commerce identifié, un transporteur de véhicules reliant Douala (Cameroun) à Marseille. Ce navire avait quitté Douala le 25 juin 2018 pour arriver à Marseille le 15 juillet, 20 jours plus tard, après avoir parcouru près de 6000 km.</p>
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<img alt="Vue du Grand port maritime de Marseille, zone est, avec les bateaux et conteneurs" src="https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484309/original/file-20220913-18-nmbi3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les grands ports internationaux reçoivent des marchandises du monde entier. Peuvent s’y trouver des vecteurs d’agents de maladies, tels les moustiques. Ce qui illustre le côté néfaste de la mondialisation des transports (Grand port maritime de Marseille, zone est, où a été menée l’enquête relative à cet article).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gildas Le Cunff de Kagnac/Mer et Marine</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La distance entre le dock et le piège à moustique était de 350 m, une distance que le moustique a aisément pu franchir en volant.</p>
<p>L’interception d’un individu introduit relevant d’une espèce invasive est un évènement exceptionnel, particulièrement bien documenté ici. À notre connaissance, c’est la <strong>première fois qu’un tel cheminement est retracé si précisément</strong>, au point d’identifier par quel navire, par quelle route, et à quelles dates un spécimen a été embarqué d’un continent et débarqué sur un autre.</p>
<p>Mais cet exemple illustre surtout un effet néfaste de la mondialisation des transports qui facilite la dissémination de vecteurs de pathogènes d’un environnement à un autre.</p>
<p>Il est sûr que des moustiques voyagent en permanence comme passagers clandestins dans tous les types de transport (maritime, aérien, routier), mais il est difficile d’avoir une estimation de la fréquence de tels évènements, au moins sur longue distance. D’où l’importance du développement des moyens de surveillance tels ceux déployés ici, et de leur permettre de fonctionner dans de bonnes conditions pour le bénéfice de tous.</p>
<hr>
<p><em>Charles Jeannin, entomologiste médical et chargé de projets à l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (Montpellier) a participé à la conception et à la rédaction de cet article.</em></p>
<p><em><strong>Référence de l’article scientifique :</strong>
Ch. Jeannin, Y. Perrin, S. Cornelie, A. Gloria-Soria, J.-D. Gauchet, V. Robert – <a href="https://doi.org/10.1051/parasite/2022043">An alien in Marseille : investigations on a single Aedes aegypti mosquito likely introduced by a merchant ship from tropical Africa to Europe</a>. Parasite, 2022, vol 29.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Robert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrivée du moustique tigre a montré le danger des espèces invasives. Comment les traquer pour empêcher leur installation ? Réponse avec cette enquête unique en son genre sur un moustique A. aegypti.Vincent Robert, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895732022-09-07T18:02:06Z2022-09-07T18:02:06ZLes lâchers de moustiques modifiés pour lutter contre la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune<p>Les maladies à transmission vectorielle, dont la plupart sont transmises par les moustiques (paludisme, dengue, Zika, chikungunya…), sont responsables de plus de 17 % des maladies infectieuses humaines et provoquent plus <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/vector-borne-diseases">d’un million de décès chaque année dans le monde</a>.</p>
<p>Malgré les progrès réalisés dans la prévention de ces maladies, on ne dispose ni de traitement médical efficace ni de vaccins adaptés. La lutte antivectorielle (LAV) reste donc une priorité.</p>
<p>Parallèlement à la recherche de traitements médicaux et à l’amélioration des moyens classiques de LAV (insecticides, <a href="https://theconversation.com/les-pieges-a-moustiques-sont-ils-vraiment-efficaces-182239">pièges</a>…), de nouveaux modes d’action ont émergé depuis une quinzaine d’années. Parmi les options possibles se trouvent les moustiques génétiquement modifiés et d’autres types de moustiques modifiés, rendus stériles par irradiation ou par la technique de l’insecte incompatible (TII). Ces techniques visent à réduire une population de moustiques par des lâchers récurrents et massifs de moustiques stérilisants.</p>
<p>Quelles sont les <a href="http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/sites/www.hautconseildesbiotechnologies.fr/files/file_fields/2020/01/24/aviscshcbmoustiques170607rev180228erratum191007.pdf">différentes techniques</a> pour obtenir des moustiques modifiés ? Où en sont les essais en cours en France ? Et quels sont les enjeux environnementaux et sanitaires liés à ces lâchers ?</p>
<h2>Les moustiques génétiquement modifiés</h2>
<p>À ce jour, une seule technique basée sur des moustiques génétiquement modifiés est développée à un niveau opérationnel, il s’agit de la technique RIDL (<em>release of insects carrying a dominant lethal gene</em>, ou lâcher d’insectes porteurs d’un gène de létalité dominant). Des moustiques mâles qui, contrairement aux femelles, ne piquent pas, sont génétiquement modifiés. Leur descendance meurt avant d’atteindre l’âge adulte.</p>
<p>Cette technique a reçu une <a href="https://beyondpesticides.org/dailynewsblog/2022/03/epa-permits-experimental-release-of-2-5-billion-genetically-engineered-mosquitoes-in-california-and-florida/">autorisation</a> de l’Agence américaine de protection de l’environnement. Au printemps dernier, la société privée Oxitec a débuté un essai en Floride consistant à disséminer des œufs de moustiques <em>Aedes aegypti</em> (connu pour être vecteur de nombreux virus tels que ceux de la dengue, de la fièvre jaune, du chikungunya et du Zika) génétiquement modifiés dans la nature pendant trois mois.</p>
<p>Il s’agit de la première étude relâchant des moustiques transgéniques aux États-Unis, ce qui n’a pas été sans soulever <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/en-floride-les-moustiques-genetiquement-modifies-font-polemique-20210505">quelques inquiétudes</a> chez certains habitants. Reste à savoir quels seront les résultats de cet essai et s’ils seront plus concluants que le précédent réalisé entre 2013 et 2015 au Brésil, qui a conduit à la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-49660-6">diffusion de gènes</a> de la souche mutante dans les populations naturelles d’<em>Aedes aegytpi</em>.</p>
<p>D’autres techniques de moustiques génétiquement modifiés en sont à un stade plus précoce de recherche et de développement et reposent sur la technique du forçage génétique, qui vise à propager un caractère génétique dans une population naturelle, soit pour rendre les moustiques incapables de transmettre des agents pathogènes, soit pour éliminer cette population par propagation d’un gène de stérilité femelle.</p>
<h2>La technique de l’insecte stérile (TIS)</h2>
<p>C’est une méthode de lutte contre les moustiques qui consiste à élever des moustiques mâles, à les stériliser par irradiation aux rayons X et à les lâcher sur le terrain où ils vont s’accoupler avec les femelles sauvages. Ces dernières ne s’accouplant qu’une seule fois, elles n’auront pas de descendance (voir Figure 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1 : Technique de l’insecte stérile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collectif TIS</span></span>
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<p>La TIS est un outil de gestion des populations d’insectes largement diffusés dans de nombreux pays, notamment en agriculture. Son utilisation en est à ses prémices en France.</p>
<p>Depuis 2009, l’IRD (Institut de recherche pour le développement) conduit des recherches visant à étudier la faisabilité de la TIS pour lutter contre le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>), responsable de plus de 30 000 cas de dengue à La Réunion depuis 2018. Des <a href="https://www.reunion.gouv.fr/autorisation-du-1er-lacher-de-moustiques-steriles-a5365.html">lâchers hebdomadaires</a> de mâles stériles ont débuté dans une zone pilote en 2021. Ces lâchers sont suivis par des indicateurs entomologiques, environnementaux et socio-économiques permettant d’évaluer l’efficacité et l’impact des interventions par la TIS.</p>
<p>D’autres essais pilotes sont à l’étude en France métropolitaine, dans la région montpelliéraine.</p>
<h2>Les techniques utilisant la bactérie Wolbachia</h2>
<p>Une autre technique, dite de l’insecte incompatible (TII) repose sur l’utilisation de la bactérie Wolbachia. Cette bactérie infecte naturellement 60 % des arthropodes et est transmise de la mère aux descendants via les cellules sexuelles femelles. Si des moustiques mâles porteurs de Wolbachia sont libérés dans l’environnement et qu’ils s’accouplent avec des femelles n’ayant pas la bactérie ou ayant une bactérie différente, les œufs n’écloront pas. Relâcher en grande quantité des mâles porteurs de la bactérie Wolbachia permet ainsi de réduire très fortement des populations d’<em>Aedes aegypti</em> (stratégie de « suppression » sur la Figure 2).</p>
<p>Par ailleurs, des scientifiques ont observé que la présence de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2848556/">certaines Wolbachia</a> empêchait la transmission des virus de la dengue, de Zika ou du chikungunya. Une seconde stratégie consiste à relâcher en masse des femelles porteuses de Wolbachia. Celles-ci vont pondre des œufs et transmettre la bactérie à toute leur descendance, peu importe que le mâle soit lui-même porteur ou non (stratégie de « remplacement » sur la Figure 2). Les femelles porteuses de Wolbachia ont un avantage sélectif sur celles non infectées, car leurs descendants sont viables avec les deux types de mâles, contrairement aux femelles sans Wolbachia, qui n’auront une descendance qu’avec les mâles non infectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 2 : Technique de l’Insecte Incompatible (TII).</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Fite, Anses</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>A Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, des moustiques porteurs de Wolbachia ont été lâchés en 2019. L’essai est toujours en cours et depuis début 2022, un <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/les-moustiques-porteurs-de-la-wolbachia-s-imposent-a-noumea-a-dumbea-et-au-mont-dore-1289520.html">seul cas de dengue</a> a été confirmé, contre plus de 1 500 par an au lancement du programme.</p>
<h2>Questions soulevées par les lâchers de moustiques modifiés</h2>
<p>Les lâchers de moustiques modifiés permettent de limiter l’usage des insecticides, qui constituent encore l’outil de lutte principal en cas d’épidémie. Or, on a atteint les limites de leur utilisation : d’une part parce que ces molécules toxiques pour les autres insectes finissent dans l’environnement et les chaînes alimentaires, d’autre part parce que les moustiques développent rapidement des résistances. Les techniques mentionnées dans l’article sont spécifiques des espèces de moustiques relâchées et n’ont pas d’impact sur d’autres espèces non cibles.</p>
<p>Les méthodes basées sur la TIS, la TII ou le RIDL d’Oxitec, nécessitent des infrastructures lourdes sur le long terme pour l’élevage de masse des mâles qui sont relâchés régulièrement et en continu sur le terrain (environ quelques dizaines ou centaines de milliers par semaine). Elles présentent toutefois l’avantage d’être ajustables en fonction des données de surveillance entomologique.</p>
<p>D’autres techniques comme celles basées sur le forçage génétique ou la stratégie de remplacement avec la bactérie Wolbachia nécessitent moins de ressources pour la production de moustiques, mais présentent l’inconvénient, du fait du caractère héréditaire de la modification induite (transgène, bactérie), de modifier irréversiblement les populations de moustiques (<a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/VECTEURS2020SA0044.pdf">voir avis de l’Anses sur le forçage génétique</a>) et d’être moins contrôlables, soulevant la question de leur transfert potentiel à d’autres espèces.</p>
<p>Par ailleurs, ces techniques sont d’autant plus efficaces que la densité de moustiques est faible (Figure 3). Si les moustiques modifiés devaient s’inscrire dans une perspective de prévention ou de contrôle, ce serait sur le long terme après des lâchers répétés sur plusieurs semaines et non comme un outil d’urgence en cas d’épidémie, situation dans laquelle les lâchers de moustiques se révèleraient à eux seuls inefficaces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 3 : Optimisation de l’efficacité d’une intervention de lutte antivectorielle par la combinaison de la technique de l’insecte stérile avec des techniques classiques de lutte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Feldmann and Hendrichs, 2001</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La Lutte anti vectorielle exige de s’appuyer sur une palette de solutions variées</h2>
<p>Au final, la LAV exige de s’appuyer sur une palette de solutions variées combinant différentes approches complémentaires – y compris les mesures qui impliquent activement les populations – et sans bâtir une stratégie de lutte qui ne reposerait que sur l’une d’entre elles.</p>
<p>Aussi, il est nécessaire que les pouvoirs publics analysent l’ensemble des options de LAV, y compris celles qui font appel à des solutions biotechnologiques, pour réduire la résistance des populations de moustiques aux insecticides, minimiser l’utilisation de molécules délétères pour l’environnement, contrôler l’aire de répartition des moustiques vecteurs de pathogènes et prévenir l’émergence de nouveaux virus dans des territoires pour l’instant indemnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les maladies transmises par les moustiques causent un million de décès chaque année dans le monde.Johanna Fite, Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Fabrice CHANDRE, Directeur de Recherche en Entomologie médicale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863242022-08-21T16:20:26Z2022-08-21T16:20:26ZVirus « exotiques » en France : un sujet plus que jamais d'actualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480163/original/file-20220820-3756-j9djhi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>Virus <a href="https://theconversation.com/en-france-les-moustiques-transmettent-aussi-le-virus-usutu-97944">Usutu</a>, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français.</p>
<p>Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.</p>
<p>Alors que l’année 2022 a vu <a href="https://theconversation.com/virus-de-la-dengue-en-france-metropolitaine-a-quoi-faut-il-sattendre-cette-annee-209339">exploser en France métropolitaine les infections de dengue « autochtones »</a> (autrement dit contractée en métropole), et que 8 cas d’infection par le virus du Nil occidental - elles aussi autochtones - <a href="https://www.sudouest.fr/sante/virus-du-nil-occidental-un-premier-cas-d-infection-en-gironde-d-autres-cas-en-cours-d-investigation-16140799.php">ont été détectés pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine</a> (ainsi que 3 cas d’infection par le virus Usutu), où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ? </p>
<p>Voici ce que les travaux des réseaux de surveillance et des laboratoires de recherche qui étudient ces virus nous ont appris ces dernières années.</p>
<h2>Des maladies transmises de l’animal à l’humain</h2>
<p>Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal « vecteur », souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les <a href="https://theconversation.com/au-dela-de-lyme-les-autres-maladies-transmises-par-les-tiques-116313">tiques</a>.</p>
<p>Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’« arbovirose », et le virus impliqué est décrit comme un « arbovirus » (de l’anglais « arthropod-borne virus », « virus transmis par les arthropodes »).</p>
<p>Dans la <a href="https://www.who.int/activities/prioritizing-diseases-for-research-and-development-in-emergency-contexts">liste des maladies prioritaires</a> que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.</p>
<p>Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-moustiques-nous-piquent-et-les-consequences-186325">Comment les moustiques nous piquent (et les conséquences)</a>
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<p>Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une « impasse épidémiologique ». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.</p>
<p>Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus « exotiques ».</p>
<h2>Le moustique tigre poursuit sa fulgurante expansion</h2>
<p>Catalysée par le commerce international, l’expansion du <a href="https://www.anses.fr/fr/content/le-moustique-tigre">moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>)</a>, vecteur de plusieurs virus « exotiques » s’est avérée très rapide.</p>
<p>Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">il est présent dans 71 départements métropolitains</a> sur 96 (contre 64 en 2021 et <a href="https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/moustique-tigre-france-58-departements-vigilance-rouge">58 en 2020</a>). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.</p>
<p>En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé</a></p>
<p>Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.</p>
<h2>La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones</h2>
<p>Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.</p>
<p>En témoigne la multiplication des cas dits « autochtones », ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.</p>
<p>L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.</p>
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<img alt="Photo du moustique tigre Aedes albopictus" src="https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480184/original/file-20220821-16-sl08bo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aedes_Albopictus.jpg">Wikimedia Commons / Centers for Disease Control and Prevention</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.</p>
<p>Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite « hémorragique », car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.</p>
<h2>Le chikungunya se fait discret</h2>
<p>Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.</p>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/dossier/chikungunya-maladie-homme-courbe/">« maladie de l’homme courbé »</a> (traduction possible de « chikungunya », un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/chikungunya">Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits</a>. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.</p>
<p>Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.</p>
<p>Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2021">3 cas importés en 2021</a> et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2022">5 pour l’année en cours</a>, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.</p>
<h2>Dans l’attente d’une réémergence du virus Zika</h2>
<p>Le <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/zika">virus Zika</a> avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.</p>
<p>En France <a href="https://theconversation.com/virus-zika-premiers-cas-de-transmission-en-france-metropolitaine-par-le-moustique-tigre-125675">deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019</a>, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.</p>
<p>Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et <a href="https://promedmail.org/promed-post/?id=8704233">5 voyageurs ont développé la maladie</a> en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.</p>
<p>Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35889987/">notamment sur le continent africain</a>).</p>
<p>Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.</p>
<h2>Le bon vieux Culex n’est pas en reste</h2>
<p>Un de nos moustiques « traditionnels », <em>Culex pipiens</em>, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus « exotiques ». C’est notamment le cas des virus <a href="https://theconversation.com/virus-west-nile-et-usutu-vont-ils-senraciner-en-france-114488">West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu</a>, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.</p>
<p>Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus <a href="https://agritrop.cirad.fr/601300/7/601300.pdf">sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire</a>, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.</p>
<p>On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.</p>
<p>Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les Landes en 2022, à quoi s’ajoutent trois nouveaux cas identifiés en 2023 en Nouvelle-Aquitaine, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.</p>
<p>Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/epidemiological-update-west-nile-virus-transmission-season-europe-2018">avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés</a>. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.</p>
<p>En France, fin août 2023, huit cas d’infection par le virus West Nile ont été détectés en Nouvelle-Aquitaine, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).</p>
<h2>Activités humaines et émergences</h2>
<p>Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.</p>
<p>Le problème est que les échanges commerciaux ou <a href="https://theconversation.com/faire-du-tourisme-vert-et-nourrir-les-animaux-quels-risques-pour-notre-sante-et-la-leur-181277">touristiques</a>, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.</p>
<p>Ce risque est encore <a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">augmenté par les changements environnementaux et climatiques</a>. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.</p>
<p>Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut <a href="https://theconversation.com/les-echinococcoses-des-maladies-parasitaires-en-expansion-181276">favoriser les interactions entre animaux et humains</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-echinococcoses-des-maladies-parasitaires-en-expansion-181276">Les échinococcoses, des maladies parasitaires en expansion</a>
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<p>De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, <a href="https://books.openedition.org/irdeditions/3360?lang=fr">faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles</a>. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est <a href="https://books.openedition.org/irdeditions/3360?lang=fr">lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la « fièvre hémorragique de Corée »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-du-tourisme-vert-et-nourrir-les-animaux-quels-risques-pour-notre-sante-et-la-leur-181277">Faire du tourisme vert et nourrir les animaux : quels risques pour notre santé… et la leur ?</a>
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<p>Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, <a href="https://theconversation.com/laugmentation-de-la-population-mondiale-responsable-des-crises-sanitaires-174983">contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus</a>.</p>
<p>Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections « exotiques » importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.</p>
<p>Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.</p>
<h2>La prévention, première arme contre les virus « exotiques »</h2>
<p>En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient <a href="https://www.mesvaccins.net/web/diseases/31-dengue">d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue</a>), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.</p>
<p>Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">One Health (« Une seule santé », humaine et environnementale)</a>.</p>
<p>Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.</p>
<p>L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les « nouveaux » virus.</p>
<p>Au-delà de ces virus jusque-là « inédits », il est aussi essentiel de se pencher sur les virus « négligés » car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-cette-circulation-de-la-maladie-est-completement-nouvelle-183517">hors du continent africain</a>, et en particulier en Europe, du virus <em>Mpox</em>, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Simonin a reçu des financements de REACTing, de l'ANR, de l'Université de Montpellier, de la Kim RIVE.</span></em></p>Des virus qui circulaient dans des régions éloignées sévissent désormais de plus en plus souvent en France métropolitaine. Avec à la clé un risque d’implantation de certaines maladies « exotiques » ?Yannick Simonin, Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863252022-08-15T20:26:58Z2022-08-15T20:26:58ZComment les moustiques nous piquent (et les conséquences)<p><em>Tiques, moustiques, guêpes, fourmis… L'été, le risque de rencontrer une petite bête qui pique, mord ou lacère augmente fortement. Notre série « Un été qui pique » fait le point sur les piqûres plus fréquentes, les pires, et sur les façons de les éviter. Pour ce premier article, Yannick Simonin (Université de Montpellier) et Sébastien Nisole (Inserm) nous proposent de rencontrer un sérieux prétendant au titre de roi de la piqûre : le moustique !</em></p>
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<p>Ils sont autour de nous, souvent invisibles, et lorsque nous détectons leur présence il est généralement trop tard… Une petite douleur suivie d’une démangeaison, d’une rougeur et d’un bouton ? Le moustique a fait une nouvelle victime et vous a rajouté sur la longue liste de ses cibles favorites !</p>
<p>Invité surprise bien encombrant de nos apéritifs estivaux, le moustique ne pique pas seulement les humains, tant s’en faut. Suivant ses préférences, ses premières victimes sont soit les oiseaux, soit les mammifères terrestres, notamment les animaux domestiques tels que les chats ou les chiens. Et certaines espèces s’attaquent même aux animaux « à sang froid », comme les grenouilles et les serpents ! </p>
<p>Mais comment ce tout petit insecte fait-il pour piquer même les peaux les plus résistantes ? Et quelles conséquences peut avoir son méfait sur les organismes de ses victimes ?</p>
<h2>Le sang, l’assurance d’une descendance bien née</h2>
<p>Tout d’abord, il faut rappeler que seuls les moustiques femelles piquent, les mâles préférant de loin à notre sang le nectar des fleurs, ou d’autres sources de sucre (comme le miellat, un liquide épais et visqueux qu’excrètent certains insectes qui parasitent les végétaux, comme les pucerons, les aleurodes, les cochenilles…). Et pour cause : ils ne possèdent pas d’appareil piqueur…</p>
<p>En plein vol, il n’est pas évident de distinguer les inoffensifs mâles des femelles. Une observation attentive permet néanmoins de constater la présence d’antennes plumeuses sur la tête des premiers, absentes de celle des secondes. Mais quoi qu’il en soit si un moustique vous pique, c’est forcément une femelle ! </p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Pourquoi donc cette appétence des femelles pour les repas sanguins ? Tout simplement parce que le sang récolté constitue une source très riche de protéines, utilisées pour compléter la maturation de ses œufs, après la fécondation par le mâle. Le sang ne sert donc pas à nourrir les moustiques, mais à permettre à leur progéniture de voir le jour. Sans piqûre, pas de nouveau moustique ! </p>
<h2>Le moustique est bien équipé</h2>
<p>Pour nous piquer, la femelle du moustique dispose d’un arsenal redoutable. Il est composé d’une trompe, qu’on appelle proboscis, qui est elle-même constituée de pièces buccales « vulnérantes » (capable de blesser), les stylets. Ces pièces sont enveloppées par le labium, souple, qui se replie au moment de la piqûre. À l’inverse d’un dard, la trompe du moustique est flexible, ce qui facilite son chemin jusqu’au sang. </p>
<p>Lors de la piqûre, les stylets percent l’épiderme et le traversent en « tâtonnant », à la recherche d’un vaisseau sanguin. Des appendices buccaux, qu’on appelle maxilles, permettent à la trompe de se maintenir en place. Dans le même temps, via un autre appendice, le moustique injecte sa salive. Cette dernière contient des substances qui évitent que les vaisseaux sanguins ne se contractent et fluidifient le sang, empêchant sa coagulation et l’agrégation des plaquettes, étape initiale de la cicatrisation. Les stylets délimitent ainsi deux canaux : le canal alimentaire, par lequel est aspiré le sang, et le canal salivaire, par lequel est injectée la salive.</p>
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<p>Le moustique prélève, en fonction des espèces, de 0,001 à 0,01 millilitre de sang. Une quantité infime de sang pour nous, mais énorme pour lui : celle-ci peut être équivalente au propre volume sanguin de l’insecte. Et le tout est ingurgité en moins de 2 minutes ! </p>
<p>Si la victime « prélevée » n’a pas de souci à se faire quant à la quantité de sang subtilisée, la piqûre entraîne d’autres problèmes, plus ou moins graves…</p>
<h2>Une brève histoire de peau</h2>
<p>Pour comprendre les conséquences de la piqûre de moustique, attardons-nous un instant sur le plus grand organe du corps : la peau. En contact direct avec le monde extérieur, elle assure différentes fonctions essentielles à notre organisme, relatives notamment à sa protection vis-à-vis de l’environnement extérieur et à sa perception.</p>
<p>La peau est organisée en deux couches principales : <a href="http://campus.cerimes.fr/dermatologie/enseignement/dermato_1/site/html/1_11_1.html">l’épiderme</a>, la partie superficielle de la peau, et le <a href="http://campus.cerimes.fr/histologie-et-embryologie-medicales/enseignement/histologie11/site/html/cours.pdf#page=11">derme</a>, tissu de soutien plus épais situé sous l’épiderme.</p>
<p>L’épiderme est principalement composé de kératinocytes, ainsi nommés car ils produisent de la kératine, une protéine hydrophobe qui forme des filaments résistants et confère à l’épiderme sa souplesse, son imperméabilité et sa résistance. Une fois à la surface de l’épiderme, ces cellules forment une couche de cellules mortes, le <em>stratum corneum</em>, qui sera finalement éliminé par desquamation.</p>
<p>Le derme est quant à lui constitué de cellules éparpillées au sein d’un matériel extracellulaire constitué de fibres faites de collagène et d’autres protéines. Les principales cellules du derme sont les fibroblastes, qui produisent ces fibres, mais le derme contient également des terminaisons nerveuses, des vaisseaux sanguins, ainsi que les glandes sébacées et sudoripares, qui produisent respectivement le sébum et la sueur.</p>
<p>Étant donné qu’elle constitue l’interface entre l’organisme et le milieu extérieur, la peau est confrontée à de nombreuses agressions, notamment mécaniques ou thermiques. Elle est également aux premières loges vis-à-vis des agressions par des micro-organismes, puisqu’elle est une porte d’entrée obligée des nombreux agents pathogènes qui tentent de pénétrer dans l’organisme. </p>
<p>À ce titre, il s’agit d’un avant-poste stratégique des défenses immunitaires et abrite de nombreuses cellules sentinelles, qui veillent à la préserver contre les agressions virales, bactériennes ou fongiques. </p>
<h2>La salive de moustique, à l’origine de nos désagréments</h2>
<p>La piqûre de moustique est l’une des nombreuses agressions auxquelles la peau doit faire face. Lorsqu’un moustique pique, sa trompe pénètre dans l’épiderme puis dans le derme à la recherche d’un capillaire sanguin.</p>
<p>Outre l’agression physique que constitue cette insertion, c’est surtout la salive injectée au cours de l’opération qui déclenche une réaction de notre peau. Elle contient en effet un mélange complexe de protéines, lequel est reconnu par les défenses immunitaires de la peau comme un agent étranger.</p>
<p>La réaction est quasi immédiate. Des cellules immunitaires, les « mastocytes », sont les premières à réagir. Elles secrètent de l’histamine, un médiateur inflammatoire qui augmente le diamètre et la perméabilité des vaisseaux sanguins, provoquant ainsi un œdème : c’est le fameux bouton de moustique. C’est également l’histamine qui, en stimulant les fibres nerveuses, provoque les démangeaisons et l’envie irrépressible de se gratter. </p>
<p>De nombreux éléments de la salive de moustique peuvent être allergènes. Pour le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>), <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18220995/">une quinzaine de composants salivaires pouvant provoquer une réaction allergique ont été identifiés</a> ! En outre, la composition de la salive peut varier d’une espèce à l’autre (tout comme le nombre d’allergènes). Enfin, les réactions varient d’une personne à l’autre, car la sensibilité individuelle à la réaction vis-à-vis de la piqûre n’est pas identique chez tout le monde. </p>
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<img alt="Photo du moustique tigre Aedes albopictus en train de piquer une peau humaine." src="https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478952/original/file-20220812-24-gjy4pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La salive du moustique tigre Aedes albopictus contient une quinzaine d’allergènes potentiels…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Aedes_albopictus#/media/File:CDC-Gathany-Aedes-albopictus-1.jpg">James Gathany, CDC / Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
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<p>Soulignons que l’histamine n’intervient pas que lors d’une piqûre de moustique. Cette molécule joue également un rôle important lors des réactions allergiques, notamment en réaction au pollen, au latex ou à certains aliments. Elle est ainsi responsable de symptômes allergiques tels que l’écoulement nasal, les larmes, les rougeurs sur la peau, les démangeaisons… Ce qui peut, dans de très rares cas, avoir certaines conséquences après une piqûre de moustique.</p>
<h2>De rares complications</h2>
<p>La piqûre de moustique s’estompe généralement en quelques jours, elle n’est donc pas réellement dangereuse en soi et provoque majoritairement des démangeaisons. Restant localisées au niveau de la peau, elles peuvent parfois être importantes chez les plus sensibles d’entre nous.</p>
<p>Si les complications sont rares, certaines personnes présentent néanmoins un risque plus élevé de forte réaction allergique, voire de chocs anaphylactiques, notamment <a href="http://www.realites-pediatriques.com/wp-content/uploads/sites/3/2016/05/RP_199_Dutau.pdf">les enfants n’ayant pas encore acquis de tolérance naturelle vis-à-vis des piqûres de moustiques</a>. </p>
<p>Dans de très rares cas, les piqûres provoquent un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10482852/">syndrome de Skeeter</a>, une réaction systémique inflammatoire associée avec une fièvre parfois accompagnée de vomissements et de troubles respiratoires. Ce syndrome résulte d’une réaction d’hypersensibilité due à la production d’anticorps (les immunoglobulines E, ou IgE, et G, ou IgG) dirigés contre certains composants de la salive des moustiques. </p>
<h2>Atténuer les démangeaisons</h2>
<p>Il existe de nombreux produits commercialisés et de nombreuses recettes « maison » pour atténuer la piqûre et les démangeaisons associées. Citons notamment l’utilisation d’un tissu imbibé d’eau chaude sur la piqûre ou à l’inverse d’un glaçon ou encore des compresses alcoolisées et certaines huiles essentielles. </p>
<p>Les pommades antihistaminiques ou les antihistaminiques par voie orale sont bien souvent très efficaces. Les pommades à base de corticostéroïdes <a href="http://www.realites-pediatriques.com/wp-content/uploads/sites/3/2016/05/RP_199_Dutau.pdf">sont également utilisées</a>. Elles aident à diminuer les démangeaisons et les gonflements, consécutifs de la réaction inflammatoire. </p>
<p>Mais le problème principal lié à la piqûre ne réside pas dans les rares complications ou dans le désagrément que causent les démangeaisons, même si l’inconfort qui en résulte est indéniable. </p>
<p>En effet, dans certains cas, le moustique ne vient pas seul. Selon les régions du globe et les espèces considérées, il peut transporter en lui d’encombrants partenaires, virus ou parasites plus ou moins dangereux pour l’être humain. Or au moment de la piqûre, ces passagers clandestins peuvent s’introduire dans notre organisme.</p>
<h2>Au-delà des boutons, le risque infectieux</h2>
<p>Le problème des virus transmis par les arthropodes (arbovirus, de l’anglais ARthropod-BOrne VIRUSes), donc par les insectes tels que les moustiques, n’est pas nouveau. Mais s’il a surtout longtemps concerné les régions tropicales et subtropicales, il s’est déplacé, et s’est désormais installé sous nos latitudes, en même temps que les moustiques vecteurs de ces maladies.</p>
<p>En effet, la répartition géographique de certaines espèces de moustiques, notamment le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>), s’est considérablement accrue au cours des dernières décennies. Hier cantonnée à l’Asie du Sud-Est, cette espèce invasive s’est répandue sur toute la planète : aujourd’hui seul l’Antarctique est encore préservé de ce moustique et des virus qu’il transmet, comme la Dengue, le virus Zika, ou le virus du Chikungunya. Conséquence : les cas autochtones de maladies virales transmis par les moustiques sont en augmentation sous de nouvelles latitudes, y compris sur le pourtour méditerranéen français. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/virus-exotiques-en-france-un-sujet-plus-que-jamais-dactualite-186324">Virus « exotiques » en France : un sujet plus que jamais d'actualité</a>
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<p>Or ces virus peuvent s’avérer dangereux. Après s’être répliqués au niveau de la peau suite à la piqûre (principalement après infection de cellules immunitaires de la peau), ils peuvent entrer dans la circulation sanguine, d’où ils peuvent atteindre de nombreux organes. Foie, rate, reins… Les organes touchés sont nombreux. Mais le plus grave survient lorsque certains de ces virus atteignent le cerveau. </p>
<p>En effet, le système immunitaire y étant naturellement assez peu présent, ils peuvent se multiplier à l’envi, s’ils parviennent à franchir les barrières protégeant le cerveau, et induire différentes pathologies graves : encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau).</p>
<h2>Se protéger des piqûres</h2>
<p>La meilleure façon d’éviter les désagréments et les risques potentiels associés aux piqûres est de veiller à ce que le moustique ne parvienne pas à nous ajouter à la longue liste de ses victimes. </p>
<p>En outre, éviter la piqûre, c’est non seulement se protéger, mais aussi ralentir le cycle reproductif de la femelle, qui devra se mettre en quête d’une nouvelle victime pour pouvoir effectuer sa ponte. Or, une femelle moustique pouvant pondre plusieurs centaines d’œufs à chaque ponte, et les femelles de certaines espèces pouvant effectuer plusieurs pontes durant leur vie (autour de 5 le plus souvent), l’effort n’est pas anodin !</p>
<p>Toutes les précautions sont donc bonnes à prendre : vêtements amples et couvrants, moustiquaires, répulsifs… Il faut également veiller à éliminer dans notre environnement toutes les eaux stagnantes, qui peuvent être propices à la propagation des moustiques, en vidant les coupelles des pots de fleurs, les arrosoirs, en couvrant les réceptacles d’eau de pluie, etc.</p>
<p>En revanche, il faut éviter absolument les gadgets parapharmaceutiques tels que les « bracelets anti-moustiques », car ces accessoires sont au mieux inefficaces, au pire, nocifs. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a en effet alerté en avril 2020 <a href="https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnsesN10_Avril2020_Vigilanceintrantsvegetal_Bracelets.pdf">sur les risques de ces dispositifs</a>, qui peuvent notamment entraîner des irritations ou des brûlures.</p>
<p>Mieux vaut donc privilégier les bonnes vieilles méthodes naturelles, dont l’efficacité a été éprouvée, comme les bougies et autres spirales antimoustiques, qui dégagent des arômes de citronnelle, de géranium ou de lavande… Les moustiques sont en effet très sensibles aux odeurs. </p>
<p>Soulignons d’ailleurs que la notion de « peaux à moustiques » est justifiée. En effet, les odeurs dégagées par notre peau ainsi que par les bactéries qui la colonisent (odeurs amplifiées notamment par la transpiration), rendent notre épiderme plus ou moins attractif pour les moustiques. Nous ne sommes donc pas tous égaux face aux risques de piqûres. Heureusement, les moyens de prévention et de lutte contre leur propagation fonctionnent pour tout le monde !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Simonin a reçu des financements de ANR, Université de Montpellier</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sébastien Nisole a reçu des financements de l'ANR, l'ANRS, la Région Occitanie, le Labex EpiGenMed et la SATT AxLR. </span></em></p>Nous ne sommes pas tous égaux face aux moustiques. Non seulement certaines peaux les attirent davantage, mais de plus, les réactions à leurs piqûres varient d’une personne à l’autre.Yannick Simonin, Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de MontpellierSébastien Nisole, Virologiste - Responsable de l'équipe "Trafic viral, restriction et immunité innée", Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM), InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1822392022-05-19T19:26:57Z2022-05-19T19:26:57ZLes pièges à moustiques sont-ils vraiment efficaces ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464351/original/file-20220519-7016-2vmpx5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C3%2C731%2C532&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Femelle d'Aedes albopictus</span> <span class="attribution"><span class="source">Antoine Franck, Cirad</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec le retour des beaux jours, la nuisance liée aux moustiques constitue une préoccupation grandissante pour de nombreuses personnes et collectivités à la recherche de moyens de lutte efficaces pour se protéger des piqûres et des maladies susceptibles d’être transmises par ces insectes. Rappelons qu’en métropole, le moustique tigre (Aedes albopictus) est le seul capable de transmettre les virus responsables de la dengue, du chikungunya et du Zika. Arrivé en métropole en 2004 dans les Alpes Maritimes, il est remonté vers le nord et a colonisé 67 départements. </p>
<p>Depuis le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038318199/">décret du 29 mars 2019</a>, les maires ont des responsabilités nouvelles en matière de vecteurs, puisqu'il entre désormais dans leurs compétences «d'agir aux fins de prévenir l'implantation et le développement d'insectes vecteurs sur (leur) commune». À ce titre, ils peuvent notamment informer la population sur les mesures préventives nécessaires et mettre en place des actions de sensibilisation du public, voire un programme de repérage, de traitement et de contrôle des sites publics susceptibles de faciliter le développement des insectes vecteurs.</p>
<p>Dans ce cadre, certaines collectivités, à l'exemple de <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/libourne/libourne-contre-les-moustiques-la-ville-passe-a-l-offensive-1746920.php?msclkid=ffa118dfc53411ec962ffc2a22c74110">Libourne</a> ou de la commune de <a href="https://id-territoriale.fr/n/borne-anti-moustique?msclkid=ffa0fff5c53411ec83895005c12542e3">Sambuc, en Camargue</a>, ont décidé de déployer des «pièges à moustiques» ou «bornes à moustiques» électriques placés en extérieur afin de réduire la présence des moustiques et diminuer la nuisance due aux piqûres.</p>
<p>Cependant, ces dispositifs sont chers (quelques centaines à plus de 2 000 € l'unité), exigeants en termes d'entretien (remplacement des consommables : bouteille de CO<sub>2</sub>, leurre olfactif, filet de capture…) et <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0150Ra.pdf">leur efficacité est relative</a>. </p>
<p>L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié un avis et un rapport d'expertise <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0150Ra.pdf">sur l'efficacité des pièges utilisés contre les moustiques <em>Aedes</em> vecteurs d'arboviroses</a> en septembre 2021 auquel nous avons contribué. </p>
<p>Elle a également émis des recommandations pour que des études destinées à évaluer les méthodes de piégeage en termes de coût-efficacité et de faisabilité suivant un protocole scientifique d'évaluation rigoureux soient menées.</p>
<h2>Plusieurs types de pièges existent</h2>
<p>Il existe deux principaux types de pièges utilisés pour lutter contre les moustiques femelles, qui sont les seules à piquer : les pièges pondoirs létaux ciblant les femelles en recherche d'un gîte pour pondre leurs œufs et les pièges ciblant les femelles à jeun en recherche d'hôte (car elles ont besoin d'un repas sanguin pour porter leurs œufs à maturité).</p>
<p>Les premiers, imitant un lieu de ponte, sont constitués d'un récipient rempli d'eau stagnante et permettent de piéger par divers moyens (support de ponte imprégné ou traité avec un insecticide ou bandes collantes à l'intérieur du piège) les femelles cherchant à pondre. Ces pièges visent à réduire le nombre de moustiques femelles adultes et celui de leur future progéniture (les larves pouvant également être tuées dans le piège par les résidus d'insecticides ou à l'aide d'un grillage qui empêche l'émergence des adultes). Cependant, si ces pièges ne sont pas entretenus (changement d'eau régulier), ils peuvent eux-mêmes devenir des gîtes productifs en moustiques adultes.</p>
<p>Le second type de pièges attire les moustiques femelles en recherche d'hôte en simulant la respiration d'un être vivant par la diffusion de gaz carbonique (CO<sub>2</sub>) et/ou à l'aide de lumière et/ou d'un leurre olfactif (par exemple en simulant l'odeur corporelle humaine avec de l'acide lactique).</p>
<p>Les moustiques attirés dans le piège sont alors aspirés par une ventilation électrique et précipités dans un filet de capture. Contrairement aux pièges pondoirs dits «passifs», ceux-là sont dits «actifs» car ils ont besoin d'électricité pour fonctionner et utilisent un leurre.</p>
<h2>Les pièges commercialisés doivent apporter la preuve de leur efficacité</h2>
<p>D'après les données disponibles dans la littérature scientifique (qui concernent les modèles de pièges BG GAT, CDC AGO, BG sentinelle, MosquiTRAP, et BioBelt Anti-Moustiques), les pièges passifs et actifs peuvent contribuer à <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0150Ra.pdf">diminuer significativement les populations de moustiques</a> du genre <em>Aedes</em> à moyen et long termes (sur plusieurs semaines, mois, voire années), à condition qu'ils soient bien entretenus et qu'il y ait un nombre de pièges suffisant dans la zone à protéger.</p>
<p>L'efficacité des autres pièges commercialisés en France pour réduire la densité de moustiques n'est, quant à elle, pas encore documentée.</p>
<p>En attendant d'avoir ces données, les allégations publicitaires employées par certains fabricants, du type «zéro nuisance» ou «maison sans moustique» paraissent abusives. De telles allégations ne devraient pas être avancées sans que la preuve de ce qu'elles revendiquent soit établie et seulement pour des produits répondant par ailleurs pleinement aux exigences réglementaires applicables.</p>
<p>Dans le cadre de notre revue de la littérature scientifique, aucune donnée probante n'a par ailleurs été trouvée concernant l'efficacité des pièges à moustiques pour limiter rapidement la propagation des maladies vectorielles lorsque des virus sont déjà en circulation. La transmission de virus par les moustiques est un phénomène multifactoriel, et la densité de moustiques n'est que l'un des facteurs qui permettent d'expliquer la circulation de virus parmi d'autres (tels que des facteurs socio-économiques, comportementaux, environnementaux et de gestion des cas).</p>
<p>Si certains pièges peuvent avoir une efficacité pour réduire les populations de moustique, leur efficacité pour diminuer la propagation des maladies vectorielles n’est pas démontrée Nous recommandons donc de mener des recherches pour collecter de telles données et déterminer les conditions de déploiement optimales de ces pièges. En attendant ces données complémentaires, les pièges à moustiques ne devraient être utilisés que lorsqu'il n'est pas possible de recourir aux traitements insecticides actuellement recommandés autour des cas, par exemple lorsque la zone à traiter est proche d'un cours d'eau ou inaccessible ou, en complément d'autres mesures préventives.</p>
<h2>Certains pièges commercialisés sont soumis à une autorisation de mise sur le marché</h2>
<p>Le CO<sub>2</sub>, l'acide lactique et les autres substances utilisées pour attirer les moustiques femelles sont des substances «biocides». Les pièges les utilisant doivent donc être conformes à la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0528">réglementation européenne sur les biocides</a> et bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). L'instruction du <a href="https://www.anses.fr/fr/content/l%C3%A9valuation-des-produits-biocides-comment-%C3%A7a-marche">dossier de demande d'AMM</a> d'un produit permet d'évaluer l'efficacité du produit, ainsi que les risques pour l'être humain et l'environnement.</p>
<p>À ce jour, aucun des pièges à moustiques utilisant du CO<sub>2</sub> commercialisés en France ne dispose d'AMM. La commercialisation des pièges à base de CO<sub>2</sub> produit par combustion de butane/propane est autorisée selon un régime transitoire jusqu'au 1<sup>er</sup> juillet 2022. Après cette date, les pièges n'ayant pas d'AMM ne pourront plus être commercialisés en France.</p>
<h2>Les pièges doivent être utilisés en complément d'autres mesures préventives</h2>
<p>Les pièges ne constituent pas une solution miracle. Pour être plus efficaces, ils doivent être utilisés en complément d'autres moyens de lutte, à commencer par le traitement du problème à la source et l'élimination des gîtes larvaires. En effet, l'élimination efficace des dépôts d'eau stagnante est le principal moyen de lutter contre la propagation des moustiques. Pour cela, chaque geste compte (vider les coupelles sous les pots de fleurs, veiller au bon écoulement des gouttières, ramasser les déchets pour qu'ils ne se transforment en réceptacle d'eau de pluie…) et il est indispensable que chaque citoyen s'implique dans la lutte contre les gîtes larvaires. </p>
<p>Pour en savoir plus sur les mesures que peuvent prendre les maires dans ce domaine, il existe un <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Juin2016-Guide_collectivites_lutte_antivectorielle_versioncourte.pdf">Guide à l'attention des collectivités souhaitant mettre en œuvre une lutte contre les moustiques urbains vecteurs de dengue, de chikungunya et de Zika</a> publié en 2016 par le Centre national d'expertise sur les vecteurs. Même si ce guide n'est plus à jour sur les questions réglementaires, il est riche de conseils et de recommandations pour mener une lutte intégrée combinant des mesures biologiques, physiques, chimiques et de mobilisation sociale, dans un double objectif d'efficacité pour lutter contre la population de moustique ciblée et de respect de l'environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182239/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses travaux de recherche en lutte antivectorielle, Thierry Baldet a reçu des financements UE ERC, ANSES France, DGS Ministère français de la santé et des Fonds européens structurants FEADER et FEDER INTERREG</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ali JAFFAL et Johanna Fite ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Si certains pièges permettent de réduire les populations de moustiques, leur efficacité pour lutter contre les maladies qu'ils portent n'est pas démontrée.Johanna Fite, Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Ali JAFFAL, Coordinateur scientifique, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Thierry Baldet, Chercheur, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819742022-05-16T19:48:21Z2022-05-16T19:48:21ZLes moustiques seraient plus attirés par certaines couleurs que par d’autres<p>Indéniablement, se retrouver couvert de piqures de moustiques vient rapidement gâcher une agréable soirée d’été. Mais plus qu’une simple nuisance, les moustiques sont aussi les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32191853/">créatures les plus mortelles</a> sur Terre, en raison des <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/vector-borne-diseases">maladies</a> qu’ils propagent.</p>
<p>De nombreuses recherches visent à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23020619/">comprendre leurs comportements</a> et leurs préférences en matière de proie. On sait ainsi que la vision constitue un sens important chez les insectes piqueurs, règle à laquelle les moustiques n’échappent pas. Bien qu’ils ne se fient pas uniquement à <a href="https://www.cabi.org/isc/abstract/19990505183">ce qu’ils voient</a>, l’odorat et la température s’associent aux indices visuels pour les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S096098221500891X">aider</a> à localiser un hôte.</p>
<p>Des recherches antérieures avaient <a href="https://academic.oup.com/jme/article-abstract/29/2/278/2221060?login=false">cherché à établir un lien</a> entre des couleurs particulières (ou les longueurs d’onde de la lumière que nous percevons comme des couleurs distinctes) et le <a href="https://www.researchgate.net/profile/Lynda-Perkins/publication/21531025_Aedes_aegypti_Diptera_Culicidae_Vision_Response_to_Stimuli_from_the_Optical_Environment/links/5b03b0c50f7e9be94bdadcdd/Aedes-aegypti-Diptera-Culicidae-Vision-Response-to-Stimuli-from-the-Optical-Environment.pdf">comportement de recherche d’hôtes</a> des moustiques. Les résultats n’avaient toutefois pas été concluants, la même espèce ayant montré des préférences pour des couleurs différentes.</p>
<p>Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-28195-x">étude récente</a>, publiée en février 2022 dans la revue scientifique <em>Nature Communications</em>, est la dernière en date à explorer l’attirance des moustiques pour différentes couleurs. Cette recherche pourrait-elle nous aider à éviter d’être piqués en adaptant simplement les couleurs que nous portons ? Voyons voir.</p>
<p>Les chercheurs ont mené une série d’expériences sur trois espèces de moustiques vecteurs de maladies : principalement <em>Aedes aegypti</em>, mais aussi <em>Anopheles stephensi</em> et <em>Culex quinquefasciatus</em>.</p>
<p>Dans l’une de leurs expériences, ils ont utilisé une soufflerie équipée de caméras pour suivre les trajectoires de vol des moustiques. Un tunnel a été conçu pour les encourager à se comporter le plus naturellement possible.</p>
<p>Sur le sol du tunnel se trouvaient deux petits points colorés, l’un représentant la couleur (longueur d’onde) recherchée et l’autre le témoin (blanc). Certains des échantillons de couleur ont été choisis pour imiter différents tons de peau, dont un représentant la couleur d’une lotion de bronzage.</p>
<p>Chez les moustiques, seules les <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-540-92874-4">femelles piquent</a>, car la plupart des espèces ont besoin d’un repas de sang pour achever le processus de reproduction. On a donc libéré 50 moustiques femelles, accouplées mais non nourries, dans la soufflerie, où elles chercheraient naturellement un hôte.</p>
<p>Au bout d’une heure, du dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) a été libéré dans la soufflerie. Le CO<sub>2</sub>, exhalé par les humains et les autres mammifères, est inodore pour nous : mais les moustiques peuvent le sentir et utilisent cette odeur pour les guider vers une source de sang.</p>
<h2>Voir rouge</h2>
<p>Avant la libération du stimulus olfactif, les moustiques <em>Ae. aegypti</em> ont largement ignoré les cercles colorés sur le sol, explorant plutôt le plafond et les parois du tunnel. Mais une fois que le CO<sub>2</sub> a été introduit, ils ont commencé à étudier les cercles colorés, en particulier lorsque la longueur d’onde est passée de 510 nanomètres (nm) à 660 nm.</p>
<p>Ces longueurs d’onde plus grandes représentent des couleurs dans les extrémités orange et rouge du spectre, bien que les moustiques <em>Ae. aegypti</em> aient été davantage attirés par le rouge, puis le noir. Il est à noter que ces longueurs d’onde de l’orange au rouge sont les mêmes que celles émises par les tons de la peau humaine. Le bleu, le vert et le violet n’attiraient quant à eux pas plus les moustiques que le témoin.</p>
<p>Lorsque les points de couleur de peau ont été utilisés, ils attiraient davantage les moustiques que le contrôle, mais aucune préférence n’a été observée pour une couleur de peau particulière.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A mosquito on skin" src="https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447875/original/file-20220222-13-ie6n1z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les chercheurs ont voulu explorer le rôle des couleurs dans l’attirance des moustiques pour telle ou telle proie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dangerous-malaria-infected-mosquito-skin-bite-1483138139">nechaevkon/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S096098221500740X">Des expériences antérieures</a> ont révélé que les moustiques sont plus attirés par des couleurs contrastées, par exemple un motif en damier, que par une couleur unie. Les chercheurs ont également montré aux moustiques différents points sur des fonds identiques et contrastés. Les <em>Ae. aegypti</em> étaient plus intéressés par les points présentant un contraste élevé avec le fond. Les scientifiques pensent que cela aide les moustiques à distinguer un objet (personne) du fond, même en cas de faible luminosité. Le contraste a ainsi joué un rôle plus important pour attirer les moustiques que la couleur elle-même.</p>
<p>Comme pour <em>Ae. aegypti</em>, <em>An. stephensi</em> était attiré par le noir et le rouge, avec peu d’intérêt pour les longueurs d’onde inférieures. <em>Cx. quinquefasciatus</em> a montré un intérêt pour le violet/bleu et le rouge (de manière intéressante, les extrémités opposées du spectre testé).</p>
<p>Les chercheurs ont par ailleurs mené une expérience distincte dans des cages à insectes afin d’explorer l’attirance des moustiques pour des teintes de peau réelles. Six volontaires de différentes origines ethniques ont été recrutés pour participer à ce test. Le témoin était un gant blanc placé dans une fenêtre et les mains des volontaires étaient tenues une à une dans l’autre fenêtre pour voir si les moustiques étaient attirés par une couleur de peau particulière.</p>
<p>Il est apparu que ces derniers étaient plus attirés par les mains que par le gant blanc : mais comme pour les points, il n’y avait pas de préférence pour une couleur de peau particulière.</p>
<h2>Que conclure de tout cela ?</h2>
<p>Cette étude met en évidence que les moustiques sont attirés par les couleurs de la peau humaine, mais seulement en présence de CO<sub>2</sub>, ce qui suggère que l’odeur de la respiration d’un humain ou d’un mammifère peut servir d’indice initial. Cela confirme une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24315103/">recherche précédente</a> qui dévoilait que le CO<sub>2</sub> attire les moustiques.</p>
<p>Les chercheurs ont en outre constaté que la couleur et le contraste étaient des facteurs importants pour <em>Ae. aegypti</em> qui a révélé une préférence pour le rouge, puis le noir. Les <em>An. Stephensi</em> se sont quant à eux montré intéressés par des couleurs similaires à celles de <em>Ae. aegypti</em>, bien que préférant le noir au rouge. Pendant ce temps, <em>Cx. quinquefasciatus</em> était attiré par différentes couleurs.</p>
<p>Comme l’ont reconnu les chercheurs, leurs expériences n’ont pas tenu compte de certains <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23020619/">autres facteurs</a> qui influencent le choix de l’hôte par les moustiques. Notamment des substances chimiques libérées par la peau humaine, de la température de la peau et de la sueur présente sur la peau. Il serait instructif d’inclure ces facteurs aux expériences futures.</p>
<p>Qu’est-ce que cela signifie pour nous qui ne voulons pas nous faire mordre ? Vous pouvez essayer de porter du blanc, du bleu ou du vert et éviter le noir, le rouge et l’orange. Évitez absolument les motifs à carreaux rouges et noirs.</p>
<p>Si le fait d’adapter ses vêtements peut réduire le risque de se faire mordre, rien ne garantit que ce sera le cas ni que ce sera efficace, compte tenu notamment de la variation apparente des préférences en matière de couleurs entre les espèces. Mais ces résultats suggèrent qu’avec davantage de recherches, la couleur pourrait devenir un levier de contrôle des moustiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181974/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cassandra Edmunds ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si adapter les couleurs que nous portons pouvait nous éviter quelques piqures ?Cassandra Edmunds, Lecturer in Forensic Biology, Bournemouth UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801672022-04-13T18:42:00Z2022-04-13T18:42:00ZComment la fonte de la calotte glaciaire groenlandaise pourrait déplacer le paludisme en Afrique<p>Une fonte rapide de la calotte groenlandaise fait partie des risques connus du changement climatique, notamment pour la hausse du niveau marin qu’elle engendrerait.</p>
<p>Un tel phénomène aurait toutefois d’autres conséquences plus inattendues, à des milliers de kilomètres de là. En Afrique, par exemple, cette fonte pourrait affecter la transmission du paludisme par les moustiques, comme nous le montrons dans une <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-24134-4">récente étude publiée dans <em>Nature Communications</em></a> et réunissant des chercheurs de différents laboratoires en France (LSCE), en Italie (ICTP) et au Royaume-Uni (Université de Liverpool).</p>
<p>Pour rappel, le paludisme est une maladie provoquée par le parasite <em>Plasmodium</em>, qui a causé en 2020 la mort de 627 000 personnes <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240040496">selon le dernier rapport de l’OMS</a>, dont 96 % en Afrique. Le continent concentre également 228 des 241 millions de cas reportés dans le monde au cours de cette même année, soit 95 %. 77 % des décès concernent en outre des enfants de moins de cinq ans.</p>
<h2>Température et transmission</h2>
<p>Cette transmission n’est pas possible directement entre êtres humains : le parasite a besoin d’un vecteur, en l’occurrence un moustique femelle de l’espèce <em>Anophèles</em>. Lorsque ce dernier pique une personne malade, il absorbe les parasites présents dans le sang de celle-ci, qui se développent dans le corps de l’insecte avant d’être retransmis à un nouvel hôte lors d’une prochaine piqûre.</p>
<p>La durée de développement du parasite dans le moustique, entre son ingestion et sa transmission, dépend de la température : plus elle est élevée, plus cette durée sera courte. Le moustique étant un insecte ectotherme, sa température corporelle dépend directement de celle ambiante. En cas de développement trop lent, lié à une température basse, le moustique sera mort avant d’avoir pu retransmettre le parasite.</p>
<p>Les moustiques <em>Anophèles</em> sont aussi sensibles aux conditions météorologiques. Pour qu’ils puissent vivre et grandir les températures doivent être comprises entre 16 et 40 °C. Ils ont également besoin d’eau pour la ponte des œufs et le développement des larves, qui se fait en milieu aquatique (flaques, mares…). En revanche, des précipitations trop intenses peuvent détruire les œufs et les larves.</p>
<h2>La survie des moustiques menacée ?</h2>
<p>Avec le réchauffement climatique, les températures en Afrique augmentent. Des régions pourraient devenir trop chaudes au cours du XXI<sup>e</sup> siècle pour que les moustiques y survivent, <a href="https://www.pnas.org/content/111/9/3286.short">c’est le cas dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest</a>.</p>
<p>D’autres zones, qui étaient auparavant trop froides pour rendre possible une transmission soutenue du paludisme, atteindront au contraire des températures suffisamment élevées pour permettre la survie du moustique, le développement du parasite et donc théoriquement la transmission de la maladie ; <a href="https://www.pnas.org/content/111/9/3286.short">c’est le cas des hauts plateaux Est africains</a>.</p>
<p>Ceci a été démontré grâce à des simulations numériques du climat futur. Pour les réaliser, il faut choisir un scénario décrivant les émissions de gaz à effet de serre au cours du siècle selon certaines hypothèses. À partir de ces émissions de gaz à effet de serre, le modèle qui inclut des équations physiques décrivant le système climatique, simule les conditions climatiques du siècle à venir.</p>
<p>Les valeurs de précipitations et de températures ainsi générées alimentent d’autres modèles numériques permettant d’étudier, cette fois, le risque de transmission du paludisme lié aux changements.</p>
<h2>Fonte de la calotte et circulation océanique</h2>
<p>Les modèles climatiques ne représentent néanmoins pas toute la complexité du système terrestre. Ils ne prennent pas en compte, par exemple, l’impact d’une fonte rapide possible de la calotte de glace du Groenland.</p>
<p>Or, les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF00193540">scientifiques savent</a> grâce à l’étude des climats passés, qu’une grande quantité de glace est susceptible d’être ainsi relâchée de manière soudaine et difficilement prévisible. En fondant, celle-ci viendrait alimenter en eau douce le Nord de l’océan Atlantique, qui constitue une région clé du climat global.</p>
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<figcaption><span class="caption">Fonte record de la calotte glaciaire en 2019, une tragédie pour l’avenir (Euronews, 21 août 2020).</span></figcaption>
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<p>Dans cette zone en effet, les eaux chaudes de surface venant de l’équateur se refroidissent et se salinisent, car l’eau de mer qui forme la banquise y relâche le sel qu’elle contient. Cela densifie ces eaux qui plongent vers les fonds marins en tractant les courants océaniques, suivant le principe d’un tapis roulant. Ce mouvement constitue le moteur de la circulation océanique, dite « circulation thermohaline ».</p>
<p>L’éventualité d’un apport d’eau douce en Atlantique Nord diminuerait donc la densité des eaux et ralentirait cette plongée des eaux froides. Si le moteur de la circulation thermohaline est freiné, c’est toute la circulation océanique qui change. Le transport de chaleur par l’océan en serait alors ralenti.</p>
<h2>L’élévation des températures atténuée</h2>
<p>L’océan et l’atmosphère étant en perpétuelle interaction, une transformation des courants marins impactera également la circulation atmosphérique, ce qui se traduirait par des changements climatiques (pressions atmosphériques, vents, températures, précipitations…) qui peuvent atteindre l’Afrique.</p>
<p>L’élévation des températures liée à l’augmentation des gaz à effet de serre est atténuée par la fonte des glaces du Groenland. La modification de la circulation atmosphérique entraîne également un déplacement des pluies tropicales vers le Sud.</p>
<p>Ces changements de températures et de précipitations diffèrent des simulations standards ne prenant en compte que l’augmentation des gaz à effet de serre. Mais ils affectent aussi le cycle de vie du moustique, le développement du parasite et donc la transmission du paludisme en Afrique, qui se décale alors vers le sud dans ces simulations.</p>
<h2>Le paludisme déplacé vers le sud de l’Afrique ?</h2>
<p>L’objet de notre article est justement de comparer l’effet du réchauffement climatique avec et sans simulation d’une fonte abrupte des glaces du Groenland sur le paludisme en Afrique. Lorsque les simulations tiennent compte de l’impact additionnel de cette fonte rapide des glaces, trois résultats importants sont à noter.</p>
<p>Dans la région du Sahel, le phénomène de diminution du risque de transmission du paludisme est d’une part amplifié. En plus de l’augmentation des températures liée au réchauffement climatique, cette région reçoit aussi moins de précipitations, la bande de pluie s’étant significativement déplacée vers le sud.</p>
<p>L’augmentation du risque de transmission du paludisme sur l’Est africain est par ailleurs atténuée, les températures n’augmentent pas autant lorsque l’on intègre la fonte de glace. En revanche, un risque de transmission du paludisme apparaît dans le Sud de l’Afrique, du fait des précipitations plus importantes.</p>
<p>Si le climat est en mesure d’entraver la transmission du paludisme, ne comptons pas sur lui pour éradiquer la maladie : les politiques de santé publique et le développement économique et social constituent aujourd’hui la clé principale capable de faire obstacle à ce fléau. Plusieurs pays, comme la Chine, ont d’ailleurs <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210630-apr%C3%A8s-70-ans-de-lutte-la-chine-a-r%C3%A9ussi-a-%C3%A9radiquer-le-paludisme">réussi à l’éliminer de leur territoire</a> malgré un climat encore favorable à la transmission.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Chemison a reçu des financements du CEA.</span></em></p>Les moustiques étant sensibles aux températures, la fonte de la calotte glaciaire et ses effets sur le climat pourraient affecter la transmission du paludisme en Afrique.Alizée Chemison, Doctorante sur l’impact des instabilités climatiques sur les maladies vectorielles infectieuses, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1731242022-01-18T14:39:43Z2022-01-18T14:39:43ZDes toxines de bactéries utilisées pour éliminer les insectes piqueurs : solution efficace avec effets collatéraux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440926/original/file-20220114-25-abklrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'utilisation de l'insecticide Bti doit être réalisée avec précaution, afin de limiter ses impacts indirects sur les amphibiens. La photo illustre des oeufs de moustiques reposant à la surface d'un étang.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’enjeu des pesticides sur la santé publique et l’environnement a retenu l’attention ces dernières années <a href="http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/capern/mandats/Mandat-40773/index.html">au Québec</a>. Les pesticides sont largement utilisés et aboutissent souvent dans notre environnement naturel.</p>
<p>Ils peuvent être utiles pour tuer les mauvaises herbes (herbicides), les champignons (fongicides), les insectes nuisibles en agriculture et les puces chez les animaux domestiques (insecticides). Une autre utilité cosmétique des pesticides est de diminuer la quantité d’insectes piqueurs dans les milieux urbains et ruraux.</p>
<p>Je suis professeure-chercheuse à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne. Avec mes collègues de l’Université d’Ottawa et de l’INRS, nous avons récemment étudié les effets indirects sur la santé des grenouilles d’un « biopesticide » utilisé depuis plusieurs décennies surtout pour réduire le nombre de moustiques qui nous dérangent.</p>
<h2>Des protéines bactériennes sont des insecticides d’origine naturelle</h2>
<p>Le <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/rapports-publications/pesticides-lutte-antiparasitaire/fiches-renseignements-autres-ressources/bacillus-thuringiensis-variete-israelensis.html">Bti</a> est l’un des pesticides utilisés mondialement pour réduire les populations d’insectes piqueurs qui se reproduisent dans les milieux humides. Cet insecticide, dit « biologique », est composé d’une bactérie, la <em>Bacillus thuringiensis israelensis</em> (Bti), dont les toxines naturelles ciblent les larves de mouches noires et de moustiques afin de réduire leurs populations.</p>
<p>Ces toxines, synthétisées sous forme de cristaux, appartiennent à la famille CRY, qui présentent des propriétés insecticides spécifiques aux insectes piqueurs comme les larves de moustiques et de mouches noires. Une fois ingérés, les cristaux se dissolvent dans l’appareil digestif et se transforment en protéines toxiques qui détruisent les parois de l’intestin ; les larves en meurent.</p>
<p>En principe, les toxines CRY n’affecteraient pas les parois intestinales des espèces vertébrées (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons), car leurs conditions de digestion ne favorisent pas la transformation des cristaux en protéines destructrices. Le Bti n’est donc pas considéré comme étant à haut risque pour les autres animaux et pour les humains selon <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/rapports-publications/pesticides-lutte-antiparasitaire/fiches-renseignements-autres-ressources/bacillus-thuringiensis-variete-israelensis.html">Santé Canada</a>.</p>
<p>Son utilisation, qui date de plusieurs dizaines d’années, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1695019/bti-insecticide-larvicide-etude-danger-ecosystemes">soulève quand même certaines controverses</a>.</p>
<h2>Effets toxiques ou pas d’effet des formulations de Bti ?</h2>
<p>Le Bti est souvent appliqué directement dans de petites étendues d’eau, comme les marais, pour cibler spécifiquement les larves de moustiques aquatiques et de mouches noires. Par conséquent, les autres espèces animales aquatiques, telles que les têtards de grenouilles, connus pour être sensibles aux polluants, pourraient potentiellement être impactées.</p>
<p>Quelques études ont montré que les formulations de Bti peuvent être directement toxiques pour les grenouilles, alors que d’autres ont démontré le contraire.</p>
<p>Par exemple, deux études argentines ont démontré que la formulation commerciale de Bti Introban® était toxique à l’égard des têtards de la grenouille criolle, tandis que <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c02322">nos travaux</a> ont démontré que la formulation de Bti VectoBac® 1200L (liquide) ou VectoBac® 200G (en granules) n’entraînait pas de mortalité chez les têtards de la grenouille des bois et du crapaud d’Amérique.</p>
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<img alt="Laboratoire expérimental avec des aquariums" src="https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441312/original/file-20220118-27-v1sjpo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valérie Langlois et son équipe s’affairent à évaluer, en laboratoire, les effets de certaines formulations commerciales de Bti sur les grenouilles.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces contrastes dans les résultats pourraient être attribués, entre autres, aux différents mélanges de substances utilisés d’un pays à l’autre, aux différentes puissances entre les produits, aux espèces utilisées, ou aux conditions environnementales durant les expériences. Chaque produit commercial du Bti contient également des additifs qui ne sont connus que de leurs fabricants et dont on ne connaît pas les effets.</p>
<p>Ces différences de toxicité entre les études et produits sont d’ailleurs abordées dans un article publié par notre équipe dans la revue scientifique <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33876257/">Archives of Environmental Contamination and Toxicology</a>.</p>
<h2>Métamorphose et microbiote intestinal</h2>
<p>Dans notre étude récemment publiée dans la revue <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c02322">Environmental Science & Technology</a>, nos résultats ont tout de même révélé que ces formulations de VectoBac®, d’une façon complexe, affecteraient la métamorphose, c’est-à-dire le temps que prennent les grenouilles pour passer du stade de têtards à celui de petite grenouille.</p>
<p>Chez la grenouille des bois et les crapauds d’Amérique, les deux types de VectoBac® ont altéré le temps de la métamorphose des amphibiens, soit en l’augmentant de près de 5 jours, soit en le réduisant d’une journée, selon les traitements. Les études portant sur l’écologie des grenouilles ont montré qu’une métamorphose précoce pourrait être cruciale pour la survie dans les étangs et pourrait finalement affecter la survie de la population. Ainsi, il importe de se pencher sur la modulation de la transformation des têtards par le Bti dans les années à venir.</p>
<p>Outre la métamorphose, les deux types de VectoBac® ont aussi modifié la composition de la communauté bactérienne intestinale des jeunes crapauds exposés. En effet, aux taux d’application recommandés par le fabricant, il y avait une augmentation de l’abondance relative de certaines familles de bactéries intestinales. L’impact de ces changements du microbiote reste inconnu à ce moment.</p>
<p>Une étude du professeur Jason Rohr de l’Université de Pittsburgh en <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-017-00119-0">2017</a> a montré que la perturbation du microbiote des amphibiens diminue la résistance aux parasites plus tard dans leur vie. Notre équipe se penchera à déterminer si les modifications du microbiote induit par Bti ont des répercussions sur la physiologie de nos grenouilles à long terme.</p>
<h2>Le principe de précaution est-il demandé ?</h2>
<p>Est-ce que le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2015/573876/EPRS_IDA%282015%29573876_FR.pdf">principe de précaution</a>, qui stipule qu’« une substance doit être considérée comme potentiellement nocive pour la santé humaine et pour l’environnement, jusqu’à preuve du contraire », doit être utilisé pour les zones abritant les amphibiens ?</p>
<p>Nos résultats indiquent que les conséquences sur la santé des amphibiens par les produits commerciaux à base de Bti sont limitées et variables entre les espèces que nous avons étudiées. Un autre défi scientifique à décortiquer est que les formulations de Bti contiennent d’autres ingrédients que simplement les toxines naturelles. Est-ce que ces ingrédients additionnels ont des effets sur les têtards ?</p>
<p>Néanmoins, nous recommandons que les activités d’épandage dans les écosystèmes riches en amphibiens soient ciblées et réduites au minimum, en tenant compte des périodes sensibles durant la vie des grenouilles, soit la période de reproduction et de développement des œufs en de jeunes grenouilles métamorphosées.</p>
<p>Ces précautions doivent être appliquées jusqu’à ce qu’il y ait des recherches pour évaluer si les changements observés dans le temps de la métamorphose et du microbiote peuvent entraîner des effets néfastes sur les populations d’amphibiens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173124/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Langlois a reçu des financements du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) et elle est titulaire de la Chaire de recherche du Canada (CRC) en Écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juan Manuel Gutierrez-Villagomez a reçu des financements du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Madelaine Empey est une étudiante au doctorat du Dr Trudeau qui est financée par son laboratoire et par la ville d'Ottawa.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vance L Trudeau a reçu des financements de La Ville D'Ottawa, G.D.G. Environnement Ltée, CRSNG et une Chaire de recherche universitaire en neuroendocrinologie de l'université d'Ottawa. </span></em></p>L’utilisation de l’insecticide Bti, dit « biologique » en raison de la bactérie qui le compose, soulève la controverse ici et ailleurs. Quels sont ses effets indirects sur les écosystèmes ?Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Juan Manuel Gutierrez-Villagomez, Postdoctoral research fellow, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Madelaine Empey, PhD Student, L’Université d’Ottawa/University of OttawaVance L Trudeau, Professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1697882021-10-24T15:27:57Z2021-10-24T15:27:57ZUn premier vaccin pour relancer la lutte contre le paludisme<p><em>L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé une mesure historique : elle a <a href="https://www.who.int/fr/news/item/06-10-2021-who-recommends-groundbreaking-malaria-vaccine-for-children-at-risk">recommandé</a> l’utilisation à grande échelle du premier vaccin contre le paludisme (ou malaria), RTS,S. Cette recommandation se fonde sur les résultats d’un <a href="https://theconversation.com/malawi-is-testing-a-new-malaria-vaccine-but-its-still-early-days-116007">programme pilote</a> en cours au Malawi, au Ghana et au Kenya. Le paludisme est un énorme défi sanitaire mondial, environ 409 000 personnes en sont mortes rien qu’en 2019. La région africaine de l’OMS supporte une part importante de la charge du paludisme – avec <a href="https://reliefweb.int/report/world/message-who-regional-director-africa-dr-matshidiso-moeti-world-malaria-day-2021#:%7E:text=En%202019%2C%20l%E2%80%99OMS%20Afrique,%25%20et%20morts%20par%2060%25.">94 %</a> de tous les cas et décès dus au paludisme. Les enfants de moins de cinq ans sont les plus vulnérables. Ina Skosana a demandé à l’entomologiste médical Eunice Anyango Owino d’expliquer cette évolution et sa signification.</em></p>
<hr>
<h2>Il a fallu 30 ans pour créer ce vaccin : pourquoi ?</h2>
<p>La raison principale est que les parasites du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/article/paludisme">paludisme</a>, du genre <em>Plasmodium</em> (<em>falciparum</em>, etc.), a un développement très complexe. Il passe en effet par <a href="https://theconversation.com/why-does-malaria-recur-how-pieces-of-the-puzzle-are-slowly-being-filled-in-108833">différents stades</a>, certains apparaissant chez le moustique (qui le transmet) et d’autres chez l’homme. Les scientifiques ont donc dû adopter diverses approches.</p>
<p><a href="https://www.inserm.fr/dossier/paludisme/">Chez l’homme, il y a deux phases</a>. Ce sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Le stade pré-érythrocytaire (sans symptôme). Il s’agit de la période pendant laquelle le parasite, reçu suite à une piqûre de moustique, entre dans la circulation sanguine et gagne le foie. Il y pénètre et va s’y multiplier, après quoi il est à nouveau libéré dans le sang.</p></li>
<li><p>Le stade sanguin. Il correspond à la séquence où les nombreux parasites libérés par le foie entrent dans des globules rouges (cellules sanguines chargées notamment du transport de l’oxygène) et s’y multiplient. Les globules sont détruits en masse, ce qui provoque des symptômes associés à cette maladie, libérant à leur tour de nouveaux parasites, qui vont pouvoir envahir d’autres cellules, etc.</p></li>
</ul>
<p>Un vaccin efficace contre le premier stade (stade pré-érythrocytaire) serait capable de susciter une réponse immunitaire empêchant l’infection des cellules hépatiques ou entraînerait la destruction des cellules hépatiques infectées. Le vaccin RTS,S, qui cible le parasite <em>P. falciparum</em>, responsable des formes les plus graves, est de ce type.</p>
<p>Un vaccin efficace pour le deuxième stade (stade sanguin) aurait, lui, trois modes d’action possible : susciter des réponses immunitaires empêchant l’infection des globules rouges ; diminuer le nombre de parasites dans le sang ; réduire la gravité de la maladie en permettant à l’organisme de développer une immunité naturelle avec un faible risque de tomber malade.</p>
<p>Une dernière option consisterait à bloquer la transmission : les personnes vaccinées généreraient des anticorps qui seraient capables de bloquer la maturation des parasites chez les moustiques porteurs de la maladie qui viendraient les piquer pour se nourrir.</p>
<p>Un autre facteur qui a contribué à ce retard est que les scientifiques travaillant sur les <a href="https://theconversation.com/un-nouveau-vaccin-savere-tres-efficace-contre-le-paludisme-et-la-pandemie-nous-a-montre-quon-pourrait-le-deployer-rapidement-159766">vaccins possibles contre le paludisme</a> ont longtemps eu du mal à comprendre les réponses immunitaires spécifiques associées à la protection contre le parasite.</p>
<p>Cela est en partie dû au fait que les parasites responsables du paludisme – <em>Plasmodium falciparum</em> pour le plus connu – affichent une telle variété d’éléments capables de provoquer une réaction immunitaire à leur surface (antigènes) que cela les aide à échapper nos défenses et rend les vaccins basés sur quelques antigènes spécifiques moins efficaces.</p>
<h2>Que sait-on de ce vaccin ?</h2>
<p>Le vaccin RTS,S (nom commercial <a href="https://www.ema.europa.eu/en/opinion-medicine-use-outside-EU/human/mosquirix">Mosquirx</a>) est administré en quatre doses aux enfants âgés de 5 à 17 mois ; les trois premières doses sont administrées tous les mois, la quatrième, une dose de rappel, est administrée entre 15 et 18 mois.</p>
<p>L’<a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2026330">efficacité</a> est d’environ 40 % contre le développement du paludisme et de 30 % contre les formes sévères.</p>
<p>Chaque maladie – et vaccin – possède un mode d’action qui lui est spécifique. L’OMS a fixé un niveau d’efficacité à atteindre de 50 % et plus pour la plupart des vaccins, et les plus efficaces dépassent un niveau de protection de 75 % ; les vaccins contre le Covid-19 basés sur la technologie de l’ARN messager de Pfizer et Moderna offrent un niveau de protection de 90 %. (<em>Il s’agit donc d’un des vaccins recommandés par l’OMS à l’efficacité la plus faible… Mais du fait de la difficulté de développer des traitements (et des résistances qui apparaissent), il a un intérêt fort pour les pays les plus touchés par le paludisme. ndlr</em>)</p>
<h2>Quelles sont les prochaines étapes ?</h2>
<p>Tout d’abord, l’OMS et les fabricants du vaccin, GlaxoSmithKline, vont inciter les pays, en particulier ceux où le paludisme est très répandu, à adopter le vaccin dans le cadre de leurs stratégies nationales de lutte contre le paludisme.</p>
<p>Ils demanderont également à ces pays de mettre des fonds de côté.</p>
<p>Ils participeront également à la collecte de fonds auprès de la communauté mondiale de la santé ou travailleront avec des partenaires, pour un déploiement plus large du vaccin.</p>
<p>Il devrait y avoir un accès équitable et à long terme au vaccin. Le vaccin doit également être rentable.</p>
<p>L’espoir est aussi que cette annonce de l’OMS relance la course à la recherche de vaccins encore plus efficaces contre le paludisme. Les <a href="https://www.ox.ac.uk/news/2021-05-07-promising-malaria-vaccine-enters-final-stage-clinical-testing-west-africa">rapports</a> actuels de l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford suggèrent qu’un vaccin contre le paludisme atteignant l’objectif de 75 % fixé par l’OMS est à l’essai au Burkina Faso.</p>
<h2>Quel intérêt dans la lutte contre le paludisme en Afrique ?</h2>
<p>Ce vaccin est un outil supplémentaire dans la boite à outils de la lutte et de contrôle du paludisme.</p>
<p>Certes, il ne fournit pas une protection complète. Mais il sera introduit dans un ensemble d’autres outils visant à réduire les infections et à diminuer le nombre de décès. Les autres mesures comprennent notamment les moustiquaires et les pulvérisations d’insecticides à l’intérieur.</p>
<p>Il possède également un grand potentiel dans les zones très touchées en Afrique sub-saharienne, notamment s’il est utilisé en combinaison avec des méthodes de prévention du paludisme préexistantes. Par exemple, une <a href="https://www.lshtm.ac.uk/newsevents/news/2021/severe-malaria-among-young-african-children-dramatically-reduced-through">étude de la London School of Tropical Medicine</a> a fait état d’une <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2026330">réduction de 70 %</a> des hospitalisations et des décès chez les enfants ayant reçu le vaccin RTS,S (Mosquirx) et des médicaments antipaludiques.</p>
<p>La lutte contre le paludisme a récemment stagné dans certains pays africains, et des pays comme le Soudan et l’Érythrée ont même connu une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6466923/">recrudescence significative</a>.</p>
<p>Ce vaccin, même imparfait, va donner un nouvel élan à ce combat sanitaire majeur. Et il offre la promesse de le remettre sur de bons rails.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eunice Anyango Owino a reçu des financements du National Research Fund (NRF), Kenya. </span></em></p>Il n’est pas parfait, mais un premier vaccin contre le paludisme vient d’être recommandé par l’OMS. RTS,S est un espoir. De quoi relancer la lutte contre un parasite dur à combattre et à traiter.Eunice Anyango Owino, Medical Entomologist at the School of Biological Sciences, University of NairobiLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1650772021-09-12T16:33:36Z2021-09-12T16:33:36ZPesticide pyriproxyfène–virus Zika : découverte d’une alliance tragique pour le développement cérébral<p>L’épidémie de Covid-19 a été, et est encore, dévastatrice. Tout le monde a été touché, et le bilan humain est énorme. Mais si, pour beaucoup, l’épidémie semble sans précédent, les maladies infectieuses propagées par les virus ont toujours représenté un danger pour la santé.</p>
<p>Au-delà de ce danger immémorial, une question fondamentale en science est de savoir comment les virus (et les maladies associées) sont affectés par les différentes inventions humaines. </p>
<p>Dans notre dernière étude, nous montrons comment un pesticide, le pyriproxyfène, peut <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121012367?via%3Dihub">aggraver les effets du virus Zika sur le développement cérébral d’un fœtus</a>.</p>
<h2>L’impact inattendu de l’alliance Zika-pyriproxyfène</h2>
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<img alt="Affiche présentant, en anglais, les conséquences possibles d’une infection par le virus Zika" src="https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1095&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418481/original/file-20210830-17-1xv2v6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des campagnes d’information ont été lancées pour avertir des dangers du virus Zika sur le développement du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">National Institute of Child Health and Human Development (NIH)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Nous sommes remontés six ans en arrière au Brésil, en 2015, lorsque le nombre de bébés nés avec une petite tête et un petit cerveau a brutalement explosé. Ces graves déformations les ont laissés handicapés à vie, et ont suscité une inquiétude mondiale. Ces cas de « microcéphalie » ont rapidement été associés au fait que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1473309916303188?via%3Dihub">mères enceintes avaient été infectées par le virus Zika</a>. Ce virus pénètre et tue les cellules qui forment le cerveau, ce qui entrave son bon développement.</p>
<p>Étonnamment, certaines régions du nord-est du Brésil ont connu <a href="https://www.nature.com/articles/nature.2016.20309">bien plus de cas de microcéphalies que les autres</a>. De quoi se demander si d’autres facteurs n’étaient pas à l’œuvre pour intensifier localement l’épidémie. Peu de temps après, l’attention s’est portée sur le pyriproxyfène, un insecticide approuvé dans le monde entier pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5760164/">lutter contre les insectes en agriculture et dans les habitations - il est notamment utilisé dans les colliers pour animaux</a>. Il se trouvait que le pyriproxyfène était utilisé intensivement dans les régions où ont été enregistrés le plus grand nombre de cas.</p>
<p>Fin 2014, le pyriproxyfène a été introduit dans l’eau potable pour tenter de contrôler la population du moustique <em>Aedes aegypti</em> responsable de la propagation des virus de la Dengue et de la Zika. Malheureusement, l’insecticide s’est accumulé dans l’environnement pendant des années, jusqu’à se retrouver dans le corps humain.</p>
<p>Contre les effets secondaires potentiels, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé de <a href="https://www.who.int/water_sanitation_health/dwq/chemicals/pyriproxyfenvector.pdf">limiter l’absorption quotidienne de pyriproxyfène</a> à 0,3 mg/l pour un adulte, et que les concentrations dans l’eau potable soient inférieures à 0,01 mg/l. Comme les bébés et les enfants à naître absorbent ou accumulent généralement davantage que les adultes, ils peuvent se trouver plus exposés.</p>
<p>Du fait du fort chevauchement géographique entre l’utilisation de l’insecticide et les cas de microcéphalie, même ces petites doses ont soulevé des questions sur son innocuité. Cependant, les résultats des études <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1473309917307272?via%3Dihub">épidémiologiques</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-020-10517-5">expérimentales</a> destinées à déterminer l’implication du pyriproxyfène dans les cas de microcéphalie observés ont donné des résultats contradictoires : il n’est toujours pas clairement établi si, et comment, ce pesticide pourrait être impliqué…</p>
<p>Notre groupe de recherche de l’UMR PhyMA à Paris (département Adaptations du Vivant – Muséum national d’histoire naturelle/CNRS) a tenté de faire la lumière sur cette question. Nos travaux, dont les résultats ont été récemment publiés, révèlent que le pyriproxyfène perturbe la signalisation des hormones thyroïdiennes, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749121012367#bib54">modifiant au passage des processus cruciaux pour le bon développement cérébral</a>.</p>
<h2>Identification comme perturbateur endocrinien</h2>
<p>L’hormone thyroïdienne est une molécule essentielle à la croissance et au développement du corps en général, et du cerveau chez les fœtus en particulier. Sans elle, le cerveau ne se développe pas normalement, laissant les enfants touchés avec un faible quotient intellectuel et d’importants handicaps mentaux. Ce terrible ensemble de troubles (identifié sous le terme de crétinisme) est presque éradiqué dans les pays occidentaux, mais reste courant dans les pays en développement. Comment savoir s’il existe un lien entre ces atteintes et le pyriproxyfène ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414332/original/file-20210803-25-14b0hxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nos tétards génétiquement modifiés émettent une lumière verte en présence d’hormone thyroïdienne (T3 sur cette image). En présence de pyriproxifène (4’-OH-PPF), la fluorescence chute, prouvant que l’insecticide bloque l’action de l’hormone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Petra Spirhanzlova/.MNHN</span></span>
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<p>Nous élevons, dans notre laboratoire, des têtards de xénope (<a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/79265/tab/fiche"><em>Xenopus laevis</em></a>) génétiquement modifiés qui émettent une fluorescence verte lorsqu’ils sont exposés à l’hormone thyroïdienne. Plus la couleur verte est intense, plus l’hormone est présente et active… Or, lorsque nous avons exposé nos têtards au pyriproxyfène, le signal vert a chuté de façon spectaculaire. Ce résultat prouve que le pesticide bloque l’action de l’hormone thyroïdienne. Avec pour conséquence, chez ces animaux, de mener à un développement cérébral et des comportements anormaux. Ces changements semblent dus au fait qu’un certain nombre de gènes ne s’expriment pas comme à l’accoutumée chez les tétards exposés au pesticide.</p>
<p>Restait à élucider les raisons de son effet néfaste lors du développement embryonnaire. Pour rappel, l’un des rôles les plus importants de l’hormone thyroïdienne est d’assurer, durant cette étape, un équilibre entre nombre de neurones et nombre de cellules gliales (leurs cellules de soutien). Comme le pesticide bloque l’action normale de l’hormone, nous avons pensé qu’il pourrait également affecter la production de ces cellules constitutives essentielles du cerveau.</p>
<p>Pour étayer notre hypothèse, nous avons cultivé des cellules souches (issues de cerveaux de souris) et les avons exposées à des doses croissantes de pyriproxyfène. Les résultats ont été clairs : plus la dose était élevée, moins étaient générées de cellules gliales et plus ces dernières mouraient. Le ratio entre cellules nerveuses et cellules gliales s’en trouvait donc déséquilibré.</p>
<h2>Comment le pyriproxyfène pourrait exacerber le Zika</h2>
<p>Pour aller plus loin dans l’explication, nous avons vérifié le niveau d’expression des gènes dans les cellules souches exposées à l’insecticide. Nous avons observé qu’un certain nombre n’étaient pas exprimés normalement. Parmi les gènes affectés figure le gène <em>Msi1</em>, à l’origine de la protéine Musaschi-1 utilisée par le virus Zika <a href="https://doi.org/10.1126/science.aam9243">pour se répliquer et infecter d’autres cellules</a>. </p>
<p>Nous savions, grâce à des études antérieures, qu’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1934590912001737?via%3Dihub">augmentation de l’hormone thyroïdienne entraînait une diminution de Musaschi-1</a>. Étant donné que le pyriproxyfène bloque l’action de l’hormone, la protéine Musaschi-1 est présente en plus grande quantité au sein des cellules qui sont exposées à ce pesticide. C’est pourquoi nous avons envisagé qu’en augmentant la concentration de Musaschi-1, le pyriproxyfène pourrait permettre au virus de se répliquer plus rapidement. Pour le vérifier, nous avons infecté nos cultures de cellules souches (exposées à l’insecticide et non exposées) avec le virus Zika. </p>
<p>Si nous n’avons pas observé d’augmentation du taux d’infection par le virus, dans les cellules exposées au pyriproxyfène, le fonctionnement de gènes clés a bien été altéré, ce qui n’a pas été observé dans les cellules non exposées. L’exposition aux pesticides pourrait donc altérer le développement cérébral, ajoutant à l’impact du virus Zika sur les capacités intellectuelles de l’enfant à naître. Étant donné l’importance des enjeux, il sera nécessaire d’approfondir les recherches sur cette question.</p>
<h2>Il faut mener plus de recherches sur les interactions pesticide-virus</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois qu’il est soupçonné qu’un pesticide peut avoir une influence sur l’évolution d’une maladie. Des travaux ont notamment révélé l’existence d’une association entre des taux sanguins élevés d’acide perfluorobutanoïque (un perturbateur endocrinien très répandu) <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0244815">et un risque accru de développer une forme plus grave de la Covid-19</a>. Or, nous n’avons aucune idée de la manière dont de nombreux pesticides omniprésents dans notre quotidien nous affectent, ou interagissent avec les maladies virales.</p>
<p>Pour cette raison, les pesticides doivent faire l’objet de protocoles de tests améliorés, qui permettront d’obtenir des données plus solides, utilisables par les décideurs pour étayer leurs politiques de santé. Soulignons que l’Europe a récemment réautorisé le pyriproxyfène, bien qu’à des concentrations différentes de celles de l’OMS.</p>
<p>Notre étude souligne, une fois de plus, combien nous en savons peu sur les effets néfastes des pesticides sur notre santé – sur notre développement cérébral, sur notre environnement, etc. Dans le contexte de risque d’épidémies émergentes en lien avec le changement climatique, ce type de données doit nous alerter quant à l’importance de cet enjeu pour la protection des générations futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pieter Vancamp a reçu des financements de la Fondation pour la recherche médicale et le European Thyroid Association.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Barbara Demeneix ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’explosion au Brésil des cas de bébés frappés de microcéphalie a choqué le monde. Le virus Zika a vite été incriminé, à raison. Mais le rôle aggravant du pesticide pyriproxyfène était passé inaperçu…Pieter Vancamp, Post-doctorant, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Barbara Demeneix, Professor Physiology, Endocrinology, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1599772021-04-29T19:32:42Z2021-04-29T19:32:42Z« Zootopique » : Alerte sur les moustiques et les tiques (3 / 5)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397614/original/file-20210428-23-1j5xjrv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C0%2C5964%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La moustiquaire, l'alliée indispensable d'un été au calme.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/gklfv5avr4c"> Presley Roozenburg / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Zootopique » est une série de cinq podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Nous vous proposons une immersion en 2031, en interrogeant ce que seront nos relations avec les animaux. Grâce aux chercheuses et aux chercheurs, nous tentons de comprendre comment la science, aujourd’hui, peut anticiper les risques de demain.</p>
<iframe width="100%" height="188" src="https://embed.acast.com/anses-zootopique/episode3-alertesurlestiquesettoutcequipique-" scrolling="no" frameborder="0" style="border :none ;overflow :hidden ;"></iframe>
<p>Pour ce troisième épisode, nous mettons en lumière des risques immenses portés par de minuscules créatures : les tiques, vectrices de la maladie de Lyme et les moustiques, porteurs de nombreux virus. Alors, aujourd’hui, quels sont les vrais risques ? Comment les anticiper et éviter de nouvelles épidémies ?</p>
<p>Où en est la recherche sur les traitements de ces maladies.</p>
<p>Bonne écoute !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159977/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Dans le podcast Zootopique, nous vous vous proposons une immersion en 2031 pour interroger nos relations avec les animaux.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1582042021-03-31T15:02:38Z2021-03-31T15:02:38Z1 288 milliards de dollars : chiffrer les dégâts causés par les invasions biologiques pour enfin agir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/392886/original/file-20210331-17-i66bb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4437%2C2927&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mouches mexicaines des fruits. Originaire du Guatemala et du Mexique, cette espèce est envahissante en Californie, où elle pèse sur l’agriculture du pamplemousse. Ici, des femelles déposant leurs œufs sur un fruit.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Jack Dykinga/USDA Agricultural Research Service (2007)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Elles ont plus d’impacts que le changement climatique, sont plus omniprésentes que la déforestation ou la destruction des coraux, font plus de dégâts sur la biodiversité que la pollution – plastique ou au glyphosate – et pourtant, vous ne les connaissez probablement pas.</p>
<p>Elles se répandent silencieusement dans le monde entier, vivent sous votre nez sans même s’inquiéter d’être découvertes. Les décideurs les laissent progressivement s’imposer, la plupart du temps aussi inconscients de leur présence et de leur impact que l’est le grand public… Non, ce n’est pas une énième conspiration ! Elles sont bien réelles : ce sont les invasions biologiques.</p>
<p>Les scientifiques étudient ce phénomène depuis des décennies, de plus en plus inquiets de l’augmentation exponentielle de leur nombre et des dégâts écologiques causés.</p>
<h2>Là où les humains vont</h2>
<p>On les appelle les envahisseurs, pourtant, ils ne viennent pas de l’espace… mais bien des différentes régions du globe.</p>
<p>Ce sont des plantes d’Amérique du Sud, des étoiles de mer d’Afrique, des insectes d’Europe ou des oiseaux d’Asie. Ces espèces proviennent de forêts tropicales, de savanes sèches, de lacs tempérés et d’océans froids. Elles envahissent tous les endroits de la planète <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12470">où les humains ont mis les pieds</a>.</p>
<p>Elles sont là parce que nous les avons apportées, comme animaux de compagnie, plantes ornementales, ou comme passagers clandestins durant nos voyages touristiques, et commerciaux. Des milliers d’espèces exotiques envahissantes, en provenance de toutes les régions, <a href="https://doi.org/10.1038/ncomms14435">envahissent toutes les régions, et cela depuis des siècles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392797/original/file-20210331-21-1fh8dwn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Originaire d’Amérique du Sud, la jacinthe d’eau (ici en fleur) est classée parmi les espèces envahissantes les plus sévères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anna Turbelin/Universite Paris-Saclay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Avoir des plantes et animaux exotiques autour de nous n’est pas forcément un problème. Le problème, c’est qu’une fraction d’entre eux causent des dégâts lors de leur établissement et de leur propagation dans leur nouvel environnement.</p>
<p>Ces dégâts peuvent être écologiques (par exemple, des extinctions d’espèces), sanitaires (par exemple, allergies, piqûres, maladies) et économiques (par exemple, dommages aux infrastructures).</p>
<p>Mais comment une belle plante, un minuscule crabe, un joli poisson, ou même un cerf majestueux, pourraient-ils poser problème ?</p>
<h2>Perche du Nil, pythons géants et redoutables fourmis…</h2>
<p>Imaginez être l’une de ces centaines d’espèces de cichlidés qui ont évolué dans le lac africain Victoria (et nulle part ailleurs sur Terre), ces mignons petits poissons adorés par les aquariophiles. Imaginez maintenant partager votre lac avec un nouveau venu, l’énorme perche carnivore du Nil, qui peut atteindre 2 mètres pour 200 kg. Nulle part où se cacher ou fuir.</p>
<p>Vous pouvez aisément vous figurer la suite : en seulement quelques décennies, la perche du Nil a décimé <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF00004782">plus de 200 des 300 espèces</a> de poissons cichlidés du lac. Comme ces cichlidés étaient herbivores, détritivores ou insectivores, c’est toute la chaîne trophique qui a été bouleversée et l’écosystème entier irrémédiablement dégradé.</p>
<p>De même, être un petit mammifère dans les Everglades de Floride envahis par des dizaines de milliers de <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1115226109">pythons géants de 5 mètres</a>, n’est guère plus enviable ; de même pour les petits insectes présents dans l’une des innombrables régions envahies par l’une des <a href="https://doi.org/10.1007/s10531-014-0794-3">nombreuses espèces de fourmis</a> redoutables.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392838/original/file-20210331-19-184ggvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Issu des eaux marines chaudes du Pacifique Sud et de l’océan Indien, le poisson-lion a provoqué des dégâts très importants sur la biodiversité méditerranéenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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</figure>
<p>Ou encore, être une plante sur le passage de destruction de la chenille légionnaire d’automne, qui s’est propagée de l’Afrique à l’Asie et l’Australie en moins de cinq ans, ravageant les plantes sauvages et cultivées – <a href="https://doi.org/10.1564/v28_oct_02">plus de 80 espèces au total</a>.</p>
<p>Ou bien même, être une plante qui meurt lentement dans l’ombre d’une épaisse couverture de l’arbre Miconia, surnommé le « cancer vert », qui élimine toute autre plante <a href="https://www.cabi.org/isc/datasheet/33990">à des kilomètres à la ronde</a>. Ou d’ailleurs, tout organisme vivant confronté à l’une des milliers d’espèces exotiques envahissantes à travers la planète. Lorsqu’elles arrivent, les espèces locales ont souvent peu de chance d’en sortir indemnes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Yj3aC13oP08?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En, Guadeloupe, l’ONF lutte contre le <em>Miconia calvescens</em> (ONF/Youtube, 2020).</span></figcaption>
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<h2>Un chiffrage pour une prise de conscience</h2>
<p>Cela fait bien longtemps que les scientifiques <a href="https://pubag.nal.usda.gov/catalog/61">ont démontré</a> que les invasions biologiques sont une menace mondiale pour la biodiversité, au même titre que la destruction de l’habitat ou le changement climatique, et qu’elles représentent une menace grave pour la santé humaine et les économies.</p>
<p>Alors pourquoi sont-elles bien moins médiatisées ? Pourquoi les gens ne sont-ils pas au courant ? Pourquoi décideurs n’agissent-ils pas ?</p>
<p>Peut-être simplement parce que nous, les scientifiques, n’avons jusqu’ici pas utilisé le bon langage ou les bonnes unités pour faire réaliser la menace.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle nous avons arrêté de parler d’extinctions d’oiseaux et de dégradation d’habitats, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fJ0hybhty0Y">nous avons entrepris de compiler les coûts économiques</a> des invasions biologiques rapportés dans le monde entier. Malheureusement, quand on parle d’argent, on est plus écoutés.</p>
<p>Cela n’a pas été chose facile : parce que les coûts sont très divers, et on ne peut tout simplement pas les comparer (ni les additionner) : par exemple, des dégâts causés par la moule zébrée sur les infrastructures au Canada dans les années 1990 avec les pertes agricoles en Chine liées à tous les insectes envahissants en 2004-2005. Et nous avons collecté des milliers de coûts, compilés et analysés au sein de <a href="https://www.nature.com/articles/s41597-020-00586-z">notre base de données InvaCost</a>, qui ne cesse <a href="https://doi.org/10.6084/m9.figshare.12668570">d’évoluer et de s’étoffer au fil du temps</a> et des recherches. Les résultats de nos travaux viennent <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03405-6">d’être publiés dans la revue spécialisée <em>Nature</em></a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OHZaI4ns_6k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du projet de recherche Invacost (Fondation BNP Paribas, 2015).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, après plusieurs années de collecte, de standardisation des données et d’ajustements méthodologiques avec des économistes et des écologues, nous avons abouti à une somme globale. Et grande fut notre surprise…</p>
<p>Plus de mille milliards de dollars ! Plus précisément, 1 288 milliards de dollars de coûts économiques liés aux invasions biologiques dans le monde entier.</p>
<h2>163 milliards de dollars, rien que pour 2017</h2>
<p>Le plus inquiétant, c’est que ce coût global est essentiellement lié aux dégâts et pertes, qui ont coûté dix à cent fois plus que les investissements réalisés pour éviter ou contrôler ces invasions.</p>
<p>De plus, ces coûts augmentent de façon exponentielle au fil du temps : le coût moyen triple en effet chaque décennie depuis 1970. Pour 2017 seulement, notre estimation dépasse les 163 milliards de dollars ; à titre de comparaison, un chiffre plus de vingt fois supérieur aux budgets combinés de l’Organisation mondiale de la Santé et de l’Organisation des Nations unies pour la même année…</p>
<p>Malgré l’ampleur impressionnante de ces coûts, ceux-ci sont considérablement sous-estimés. Nous n’avons analysé en effet que la moitié la plus robuste des données disponibles (si nous avions pris toutes les données, nous aurions eu une estimation totale quatre fois plus élevée).</p>
<p>De plus, les impacts des invasions ne sont pas tous monétisés ou monétisables, tandis que ceux qui le sont n’ont pas tous été estimés – moins de 10 % des espèces exotiques envahissantes ont été étudiées pour leurs coûts – et l’ont souvent été dans un nombre très limité de pays.</p>
<p>Par conséquent, les coûts énormes estimés ici ne représentent que la partie émergée de l’iceberg qu’est le fardeau économique réel des invasions biologiques dans le monde.</p>
<h2>La prévention avant tout</h2>
<p>Les législations en vigueur sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/geb.12517">nettement insuffisantes</a>, surtout si l’on tient compte de l’augmentation rapide des invasions.</p>
<p>L’adage « mieux vaut prévenir que guérir » prend ici tout son sens : les mesures proactives pour empêcher les invasions doivent devenir une priorité. Une fois l’invasion avérée, plus la réponse est précoce, plus son contrôle sera efficace – et moins il sera coûteux.</p>
<p>Si l’on tarde à intervenir, seules des mesures d’atténuation des impacts sont alors possibles, l’élimination de l’invasion devenant rapidement illusoire. L’invasion de l’<a href="https://doi.org/10.1016/S0006-3207(02)00161-1">écureuil gris en Italie</a> en est un exemple frappant. En provenance d’Amérique, ce mignon rongeur menace pourtant d’extinction l’écureuil roux, le local européen, qui disparaît dans les zones envahies. Cependant, des questionnements éthiques ont retardé la mise en place des campagnes d’éradication, pourtant efficaces, laissant le temps à l’espèce de s’implanter et de s’étendre sur le territoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392822/original/file-20210331-19-uiyjil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’écureuil gris américain, qui élimine l’écureuil roux européen par compétition et par transmission de maladies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anna Turbelin/Universite Paris-Saclay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les espèces exotiques envahissantes ne connaissent pas nos frontières : il s’agit d’une menace globale, qui doit être appréhendée à la même échelle. Pour être efficace, la coopération internationale devrait investir en priorité dans la gestion de ces invasions pour les pays à faible revenu (notamment en Asie centrale, en Asie du Sud-Est et en Afrique), <a href="http://www.nature.com/doifinder/10.1038/ncomms12485">où les législations et les capacités de gestion font bien souvent défaut</a>.</p>
<p>Enfin, des recherches plus nombreuses sur les coûts économiques des invasions biologiques sont nécessaires, car les connaissances actuelles demeurent fragmentées. Ce manque de données nuit à notre compréhension globale du phénomène ainsi qu’à nos capacités à l’aborder efficacement.</p>
<p>Mais, rappelons-le, l’objectif initial de nos travaux est d’estimer les coûts économiques énormes des invasions biologiques pour sensibiliser sur l’impact le plus important : celui qui menace la biodiversité et les écosystèmes. Espérons que mille milliards de dollars seront suffisants pour une cette indispensable prise de conscience !</p>
<hr>
<p><em>Les travaux évoqués dans cet article ont été rendus possible grâce au financement de la base de données InvaCost par la <a href="https://group.bnpparibas/decouvrez-le-groupe/fondation-bnp-paribas/environnement">Fondation BNP Paribas</a> et le <a href="https://www.axa-research.org/fr">Axa Research Fund</a> dans le cadre de la chaire de « Biologie des invasions » portée par la <a href="https://www.fondation.universite-paris-saclay.fr/">Fondation Paris-Saclay Université</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Courchamp receives funding from AXA Research Fund and the CNRS</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy, Camille Bernery et Christophe Diagne ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les invasions biologiques sont une menace importante pour la biodiversité, mais elles coûtent aussi très cher à nos sociétés. Une étude estime ce coût à plus de 1000 milliards de dollars depuis 1970.Camille Bernery, Doctorante en écologie des invasions, Université Paris-SaclayBoris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Christophe Diagne, Chercheur post-doctorant en écologie des invasions, Université Paris-SaclayFranck Courchamp, Directeur de recherche CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371382020-11-04T21:09:41Z2020-11-04T21:09:41ZComprendre les mécanismes d’adaptation aux dérèglements climatiques, un vrai défi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367295/original/file-20201103-23-qytnvj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1997%2C1230&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Couple de mésanges bleues dans un chêne. </span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphan Tillo</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Urbanisation croissante, agriculture intensive, surexploitation des ressources, introduction d’espèces exotiques et dérèglements climatiques : toutes ces modifications environnementales constituent un cocktail détonant pour la biodiversité.</p>
<p>Face à ces transformations, des questions reviennent fréquemment : les espèces sauvages pourront-elles s’adapter à des changements aussi rapides et d’une telle ampleur ? Les adaptations observées permettront-elles de préserver une part de la biodiversité mondiale ?</p>
<p>Au cours des dernières décennies, notre vision des processus d’adaptation des organismes vivants à leur environnement a drastiquement changé.</p>
<p>On a en effet longtemps pensé que l’évolution des espèces se faisait sur des échelles de temps très longues, avant de réaliser qu’elle pouvait <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11284-007-0416-6">être très rapide</a>, comme en attestent par exemple l’évolution de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries pathogènes de l’homme, ou l’évolution de la coloration chez un papillon commun, la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">phalène du boulot</a>, suite au noircissement de l’écorce des arbres due à une forte pollution atmosphérique en Angleterre au XIXe siècle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367296/original/file-20201103-15-eh029g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les deux types de coloration de la phalène du bouleau : (A) forme claire, (B) forme sombre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">Vincent Guili</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Evolution et plasticité</h2>
<p>Les organismes vivants s’adaptent aux modifications de leur milieu de vie (comme la diminution des précipitations ou présence d’un nouveau prédateur) via deux processus majeurs : l’évolution génétique et/ou la plasticité phénotypique.</p>
<p>L’adaptation par évolution génétique se fait par modification, entre générations, de la composition génétique de la population sous l’action de la sélection naturelle. Par exemple, les <a href="https://www.nature.com/articles/423136b">moustiques porteurs d’une mutation nouvelle</a> apparue dans les années 1980 ont une survie bien meilleure face aux insecticides que les autres individus non porteurs de cette innovation génétique. Ainsi, cette mutation et la résistance aux insecticides qu’elle procure se sont répandues dans les populations naturelles de moustiques en deux décennies environ.</p>
<p>Ce processus d’adaptation par évolution de la composition génétique nécessite que les traits sélectionnés (la résistance, par exemple) soient au moins en partie « héritables » – c’est-à-dire transmissibles entre générations, de parents à enfants – et variables génétiquement. Il est important de relever que puisque les changements génétiques ont lieu entre les générations, l’évolution génétique est d’autant plus rapide que le temps de génération de l’espèce est court : ainsi, le moustique peut s’adapter à un nouvel environnement plus rapidement que la baleine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les mécanismes de l’évolution : moustiques et insecticides. (Vincent Maisonneuve/Youtube, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Un second mécanisme d’adaptation est la « plasticité phénotypique ».</p>
<p>Alors que l’évolution génétique est un processus qui induit des changements entre générations dans une population donnée, la plasticité phénotypique est un processus d’adaptation qui peut induire des changements au sein de chaque individu de la population.</p>
<p>Par exemple, chez de nombreux mammifères, la quantité de tissu adipeux d’un individu peut varier en fonction de plusieurs paramètres environnementaux, le froid notamment. De même, de nombreuses espèces augmentent leur temps de vigilance lorsque le risque de prédation est élevé.</p>
<p>La plasticité s’exprime donc au sein d’une génération, rendant possibles des adaptations plus rapides que par l’évolution génétique. Elle permet notamment un réajustement de l’organisme en réponse aux conditions environnementales changeantes au cours de la vie des individus.</p>
<p>Souvent, les organismes ont besoin de temps pour être prêts face à de nouvelles conditions environnementales : si la réponse plastique est le développement d’une défense contre les prédateurs, celle-ci doit être mise en place bien avant la rencontre avec le prédateur. Les organismes utilisent donc des indices présents dans l’environnement pour développer la réponse adéquate au bon moment. C’est le cas des têtards qui développent des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1558-5646.1997.tb05119.x">morphologies différentes</a> en fonction de la présence ou non d’odeur de prédateur.</p>
<p>Dans le contexte actuel, l’existence d’un mécanisme tel que la plasticité phénotypique, largement répandu dans le monde vivant, pouvant permettre une adaptation très rapide aux changements environnementaux est d’un intérêt majeur pour comprendre et anticiper les conséquences des bouleversements d’origines anthropiques sur la biodiversité.</p>
<h2>Pondre au bon moment</h2>
<p>La mésange bleue (<em>Cyanistes caeruleus</em>), un petit passereau, est très étudiée dans la discipline de l’écologie, et fait l’objet de nombreuses recherches basées sur des observations en populations naturelles.</p>
<p>Les travaux sur cette espèce ont contribué à mieux comprendre l’importance de la plasticité phénotypique pour l’adaptation des organismes au changement climatique.</p>
<p>Des études en milieu naturel, mises en place depuis plusieurs dizaines d’années pour les suivis les plus anciens, nous ont permis de mieux comprendre l’écologie de la mésange bleue. Chez cette espèce, comme chez la plupart des autres passereaux insectivores vivant en forêts tempérées, les poussins sont principalement nourris de chenilles par leurs deux parents – environ 1800 chenilles pour nourrir un seul poussin de l’éclosion à l’envol.</p>
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<img alt="Mésange bleue avec un insecte dans le bec sur une branche d’arbre" src="https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363509/original/file-20201014-19-y4zjot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il faut environ 1000 chenilles pour nourrir, entre l’éclosion et l’envol, l’oisillon de la mésange bleue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/134610993@N02/47745451381">Lumiks Lumiks/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, la synchronisation entre les besoins en nourriture des poussins et la période d’abondance des chenilles a un impact majeur sur la survie des poussins. Pour que les poussins naissent au bon moment, c’est-à-dire lorsque les parents pourront trouver une grande quantité de chenilles à ramener au nid, la femelle mésange doit pondre environ 30 jours avant le pic d’abondance des chenilles dans la forêt.</p>
<p>Mais comment pondre au bon moment ?</p>
<p>La date de ponte chez les mésanges, comme chez de nombreux oiseaux, dépend en partie de l’environnement et notamment de la température : les années chaudes, les mésanges pondent plus tôt que les années froides, illustrant parfaitement le concept de plasticité phénotypique.</p>
<p>La période durant laquelle les mésanges sont les plus sensibles à la température, c’est-à-dire la période où les oiseaux captent les indices d’un printemps plus ou moins chaud et précoce, peut varier entre un et trois mois avant la reproduction. En fonction des populations, cette période de <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2018.0178">sensibilité à la température</a> commence au printemps ou à la fin de l’hiver. La fiabilité de la température en tant que prédicteur de la période d’abondance de nourriture (les chenilles) est cruciale pour le succès de la reproduction.</p>
<p>La plasticité en réponse à la température est commune. Ainsi, face au réchauffement climatique, de nombreuses espèces, animales et végétales, se reproduisent de plus en plus tôt au cours des années, tout comme les arbres bourgeonnent plus précocement. Ces changements de rythme de vie, liés à une réponse des organismes aux changements des températures, sont d’ores et déjà observables dans nos jardins et forêts.</p>
<p>La plasticité explique donc en grande partie ce qu’on appelle des printemps de plus en plus précoces. La plasticité relative à la phénologie – c’est-à-dire le calendrier des évènements au cours de l’année, comme la date de ponte des mésanges – est en effet une des principales réponses des <a href="https://doi.org/10.1038/nature01286">espèces sauvages au changement climatique</a>.</p>
<p>On ne sait toutefois que peu de choses sur la façon dont les changements globaux peuvent affecter cette réponse et tester les limites de l’adaptation. Est-il possible pour les espèces de s’adapter rapidement à ces milieux inédits et stressants ? Une étude récente suggère que la plasticité de la phénologie <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-019-10924-4">pourrait être déjà insuffisante</a> pour permettre la persistance des populations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">Changement climatique et crise de la biodiversité : la dangereuse alliance</a>
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<h2>Des perturbations nouvelles et stressantes</h2>
<p>Sur la question de l’adaptation des animaux aux changements climatiques, de nombreuses questions scientifiques restent ouvertes.</p>
<p>Que se passe-t-il lorsque les environnements deviennent trop différents de ceux expérimentés historiquement par les organismes ? En particulier, comment l’adaptation à un changement climatique progressif permet-elle de faire face aux évènements climatiques extrêmes comme les canicules ? Comment les différences de réponses entre espèces affecteront leurs interactions (par exemple, entre proies et prédateurs ou entre espèces en coopération) ?</p>
<p>Les chenilles se développent de plus en plus tôt en réponse au changement climatique, mais existe-t-il une limite pour les mésanges, une date avant laquelle il est physiologiquement impossible de commencer à se reproduire, empêchant la synchronisation avec leurs proies ? Comment les changements globaux affectent-ils la fiabilité des informations nécessaires aux organismes pour répondre à l’environnement ?</p>
<p>Par exemple, à l’éclosion, les jeunes de tortues marines s’orientent souvent vers les villes plutôt que vers la mer, la lumière urbaine étant plus forte que celle de la Lune. Ce type d’erreurs d’interprétation peut-il limiter voire annuler les bénéfices de la plasticité ?</p>
<p>Enfin, les organismes pourront-ils faire face à des <a href="https://doi.org/10.1016/j.tree.2019.02.010">changements environnementaux multiples grâce à la plasticité phénotypique</a> ? En plus du changement climatique (changement des températures et des précipitations), les organismes sont en effet confrontés à de multiples perturbations – de nouveaux pathogènes et prédateurs, la présence de pesticides, le développement des milieux urbains, etc.</p>
<p>Notre projet de recherche « Mommy knows best » vise à évaluer si les limites de la plasticité sont déjà détectables dans les populations naturelles, avec comme modèle d’étude la mésange bleue. Il s’agira de tester l’effet de divers facteurs environnementaux sur la plasticité de la date de ponte chez les mésanges (comme l’effet de l’urbanisation ou des pratiques agricoles, par exemple) et de modéliser les effets de la plasticité sur la dynamique des populations de mésanges, afin de comprendre dans quelle mesure des modifications de la plasticité peuvent affecter le risque d’extinction des populations.</p>
<p>Les conclusions de ce projet pourront également apporter un éclairage conceptuel sur le processus de plasticité phénotypique dans le contexte du changement climatique, et être appliquées à d’autres espèces sauvages.</p>
<p>Comprendre les limites de l’adaptation face aux changements globaux permettra de mieux comprendre l’ampleur du défi auquel est confrontée la biodiversité à l’heure actuelle… Mais nul besoin d’attendre pour lutter contre son anéantissement <a href="https://www.pnas.org/content/114/30/E6089">déjà en cours</a> !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Le projet de recherche « Mommy knows best » dans lequel s’inscrit cette publication a bénéficié du soutien de la <a href="https://group.bnpparibas/decouvrez-le-groupe/fondation-bnp-paribas/environnement">Fondation BNP Paribas</a> dans le cadre du <a href="https://group.bnpparibas/tempsforts/climate-biodiversity-initiative">programme Climate and Biodiversity Initiative</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Teplitsky a reçu des financements de la Fondation BNP Paribas. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Charmantier est membre du conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche sur al Biodiversité (FRB)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Suzanne Bonamour ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des dernières décennies, notre vision des processus d’adaptation des organismes vivants à leur environnement a drastiquement changé.Céline Teplitsky, Chercheuse en écologie évolutive, CNRS, Université de MontpellierAnne Charmantier, Directrice de recherche en écologie évolutive, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Suzanne Bonamour, Chercheuse post-doctorale, Muséum national d’histoire naturelle, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412982020-09-15T20:44:35Z2020-09-15T20:44:35ZLa pandémie de Covid-19 ne doit pas nous faire oublier la dengue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/354661/original/file-20200825-18-2437gy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le moustique de la fièvre jaune Aedes aegypti prenant un repas de sang.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aedes_aegypti_bloodfeeding_CDC_Gathany.jpg">James Gathany/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>En mobilisant aujourd’hui, à juste titre, l’attention du monde entier, la pandémie de Covid-19 liée au nouveau virus SARS-CoV-2 éclipse d’autres maladies infectieuses. Or cette situation est d’autant plus alarmante qu’en détournant l’attention des gestionnaires, des décideurs et du public sur ces maladies, elle peut aggraver leur impact.</p>
<p>Dans de nombreux pays – en Afrique, en Asie et en Amérique latine – la pandémie de Covid-19 pourrait ainsi nuire aux campagnes de lutte et de prévention contre la <a href="https://www.theglobalfund.org/fr/news/2020-06-24-global-fund-covid-19-report-deaths-from-hiv-tb-and-malaria-could-almost-double-in-12-months-unless-urgent-action-is-taken/">tuberculose, le Sida et le paludisme (principales cibles du Fonds mondial)</a>, ainsi qu’<a href="https://www.who.int/news-room/detail/22-05-2020-at-least-80-million-children-under-one-at-risk-of-diseases-such-as-diphtheria-measles-and-polio-as-covid-19-disrupts-routine-vaccination-efforts-warn-gavi-who-and-unicef">aux campagnes de vaccination contre la diphtérie, la polio et la rougeole</a>.</p>
<p>Les maladies virales transmises par les moustiques <em>Aedes</em> – comme la dengue, le Zika, le chikungunya et la fièvre jaune – sont elles aussi concernées.</p>
<p>La situation est d’autant plus inquiétante que leurs incidences ont augmenté de façon spectaculaire <a href="https://gh.bmj.com/content/3/Suppl_1/e000530">au cours de la dernière décennie</a>, et qu’elles sont responsables de graves épidémies touchant actuellement l’<a href="https://www.paho.org/data/index.php/en/mnu-topics/indicadores-dengue-en/dengue-nacional-en/252-dengue-pais-ano-en.html">Amérique latine</a>, l’<a href="https://www.theguardian.com/global-development/2019/dec/30/asias-hardest-year-for-dengue-fever-in-pictures">Asie du Sud-Est</a> et l’<a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li%C3%A9s-aux-%C3%A9pid%C3%A9mies-de-dengue">océan Indien</a>.</p>
<h2>Des épidémies de dengue en série</h2>
<p>L’Amérique latine connaît cette année l’une des plus importantes épidémies de dengue jamais enregistrée dans la région. Le Brésil, très affecté par l’épidémie de <a href="https://covid19.who.int/region/amro/country/br">Covid-19</a>, a par exemple recensé plus d’un million de cas et environ 400 décès <a href="https://www.paho.org/data/index.php/en/mnu-topics/indicadores-dengue-en/dengue-nacional-en/252-dengue-pais-ano-en.html">imputés à la dengue entre janvier et juin 2020</a>. Les départements de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-a-mayotte-du-25-juin-2020">Mayotte</a> et de la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/guyane/documents/bulletin-regional/2020/covid-19-point-epidemiologique-en-guyane-du-2-juillet-2020">Guyane</a> – qui font toujours face à une circulation importante de SARS-CoV-2 – sont également dans une situation préoccupante.</p>
<p>Plus largement, les territoires français d’outre-mer connaissent des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=dengue&regions=Antilles%7CGuyane%7COc%C3%A9an%20Indien">épidémies de dengue importantes</a>, avec plus de 30 000 cas signalés dans les îles de l’océan Indien depuis 2017 (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2020/surveillance-de-la-dengue-a-mayotte.-point-au-25-mai-2020">Mayotte</a> et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2020/surveillance-de-la-dengue-a-la-reunion.-point-au-7-juillet-2020">La Réunion</a>) et plus de 15 000 cas dans les îles des Caraïbes (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/antilles/documents/bulletin-regional/2020/surveillance-de-la-dengue-en-guadeloupe-et-les-iles-du-nord.-point-au-26-juin-2020">Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy</a> et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/antilles/documents/bulletin-regional/2020/surveillance-de-la-dengue-en-martinique.-point-au-26-juin-2020">Martinique</a>) depuis la fin de l’année 2019.</p>
<p>Les régions tempérées de l’hémisphère nord (États-Unis et Europe), particulièrement touchées par la pandémie de Covid-19, sont aussi à risque pour ces <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbovirose#:%7E:text=Les%20arboviroses%20sont%20des%20maladies,anglais%20%3A%20ARthropod%2DBOrne%20virus.">arboviroses</a> durant l’été, dans les zones où les moustiques vecteurs <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-aegypti-current-known-distribution-may-2020"><em>Aedes aegypti</em></a> et/ou <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-albopictus-current-known-distribution-may-2020"><em>Aedes albopictus</em></a> sont établis. Une transmission autochtone de dengue a par exemple été détectée cet été en France, dans le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2020">département de l’Hérault</a>. Aux États-Unis, une vingtaine de cas ont été recensés en <a href="https://www.cdc.gov/dengue/statistics-maps/2020.html">Floride</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, en avril 2020, le ministère français de la Santé a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, de l’environnement et du travail (ANSES) pour évaluer d’une part l’impact potentiel de la pandémie de Covid-19 et du confinement sur la surveillance et la lutte contre la dengue, et d’autre part la balance bénéfices/risques de l’arrêt ou de la poursuite de certaines actions de lutte antivectorielle. Ce travail d’évaluation a fait l’objet d’un rapport disponible en 3 langues (français, anglais et espagnol) sur le <a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li%C3%A9s-aux-%C3%A9pid%C3%A9mies-de-dengue">site de l’ANSES</a>, dont nous vous présentons ici une courte synthèse.</p>
<h2>Covid-19 et dengue dans le même temps</h2>
<p>La circulation simultanée de la Covid-19 et de la dengue peut entraîner un retard de diagnostic, et donc impacter les soins et les mesures spécifiques à chacune de ces deux maladies.</p>
<p>Les deux infections partageant certaines <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7195023/">caractéristiques cliniques</a> (fièvre, fatigue, maux de tête…), un diagnostic différentiel est nécessaire. Par ailleurs, la mise en évidence de résultats sérologiques de dengue <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7128937/">faussement positifs</a> chez des personnes atteintes de Covid-19 suscite des inquiétudes. Il faut tout faire pour éviter les erreurs de diagnostic ou d’interprétation des tests, aux conséquences dramatiques tant pour les patients que pour les interventions de santé publique (par exemple, le traçage et le dépistage des contacts pour la Covid-19, et la lutte contre les insectes vecteurs pour la dengue).</p>
<p>Ces co-infections ne sont naturellement à redouter que dans les pays où les deux virus circulent. Pour l’heure, la Guyane a déclaré le décès d’un adolescent atteint de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/guyane-deces-d-un-adolescent-atteint-du-covid-19-et-de-la-fievre-jaune_146167">Covid-19 et de fièvre jaune</a>. La co-infection par le virus de la dengue et le SARS-CoV-2 n’a pour l’instant été documentée que sporadiquement, notamment en <a href="https://www.channelnewsasia.com/news/asia/thailand-records-first-covid-19-death-coronavirus-12487738">Thaïlande</a>, à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7128937/">Singapour</a> et à <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0008476">La Réunion</a>. On peut néanmoins la redouter dans les pays les plus touchés par la dengue, en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7218187/">Asie du Sud-Est</a> et en <a href="https://www.scidev.net/america-latina/salud/noticias/dengue-avanza-en-america-latina-en-plena-pandemia-de-covid-19.html">Amérique du Sud</a>.</p>
<p>Cette co-circulation des virus augmente en effet les risques sanitaires. Et dans des pays comme le <a href="https://www.mdpi.com/2414-6366/5/2/75">Brésil</a>, où les services de santé sont encore perturbés, voire débordés par la pandémie de Covid-19, la <a href="https://reliefweb.int/report/world/dengue-cases-americas-top-16-million-highlighting-need-mosquito-control-during-covid-19">coexistence des deux maladies</a> aggrave la situation. Sans compter que plusieurs sérotypes de dengue peuvent circuler en même temps, comme c’est le cas en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/guyane/documents/bulletin-regional/2020/situation-epidemiologique-de-la-dengue-en-guyane.-point-au-19-juin-2020">Guyane</a> ou <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2020/surveillance-de-la-dengue-a-la-reunion.-point-au-15-juin-2020">à La Réunion</a>, d’où la possibilité d’infections secondaires ou même tertiaires et donc de cas cliniques graves.</p>
<h2>Les impacts sur la surveillance de la dengue</h2>
<p>La surveillance épidémiologique de la dengue est également affectée par la mobilisation autour de la Covid-19. On l’a constaté dans tous les territoires français d’outre-mer, où une baisse des cas de dengue notifiés et déclarés juste après le démarrage du confinement a été décrite, alors même que le nombre de cas avait nettement <a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li %C3 %A9s-aux- %C3 %A9pid %C3 %A9mies-de-dengue">augmenté au cours des semaines précédentes</a>.</p>
<p>Cette sous-déclaration des cas de dengue, notamment pour les cas qui, sans signes cliniques de gravité, contribuent de manière importante à la transmission du virus, s’explique non seulement par le confinement et les difficultés de déplacements, mais aussi par l’inquiétude du public quant au risque d’être infecté par la Covid-19 dans les établissements de santé, ou encore par la fermeture de certains dispensaires et un accès au diagnostic rendu difficile.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/revenez-vous-faire-soigner-137748">Revenez vous faire soigner !</a>
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<h2>Lutte contre les moustiques et directives Covid-19</h2>
<p>Dernier constat alarmant : les interventions de lutte antivectorielle, et particulièrement celles concernant l’espèce <em>Aedes</em>, ont été considérablement affectées par la mobilisation de l’attention sur la Covid-19. <a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li %C3 %A9s-aux- %C3 %A9pid %C3 %A9mies-de-dengue">À titre d’exemple</a>, pendant le confinement, ces interventions ont été réduites <a href="https://www.naccho.org/blog/articles/the-impact-of-covid-19-on-local-vector-control-response">aux États-Unis</a> et dans tous les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li %C3 %A9s-aux- %C3 %A9pid %C3 %A9mies-de-dengue">territoires français d’outre-mer</a>.</p>
<p>De fait, nombre d’interventions contre les moustiques s’opposent a priori aux directives de prévention et de contrôle de la Covid-19, en requérant parfois un contact étroit entre les agents qui en sont chargés et la population : c’est le cas notamment lors des campagnes de sensibilisation ou les pulvérisations d’insecticides au sein de domiciles. Or en l’absence de vaccins et de traitements, la prévention et le contrôle de la dengue et d’autres maladies virales transmises par les <em>Aedes</em> <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/dengue-and-severe-dengue">reposent largement</a> sur le contrôle des populations de moustiques vecteurs, à travers une lutte antivectorielle durable, synergique et proactive – son efficacité <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6283470/">pouvant se trouver réduite</a> faute d’une mise en œuvre appropriée et intégrée.</p>
<p>Dans ces conditions, il est crucial de renforcer la communication autour de l’importance et de la nécessité des interventions de lutte antivectorielle : nous devons pour ce faire nous appuyer sur Internet et les réseaux sociaux, en diffusant conjointement des informations sur la Covid-19 et sur la prévention des maladies virales transmises par des moustiques (par exemple, l’élimination de leurs gîtes de reproduction en restant chez soi). Enfin il est nécessaire d’adapter les directives existantes pour les agents en charge de la lutte antivectorielle, notamment par des gestes barrières et une distanciation physique, pour prévenir toute transmission de Covid-19.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/demoustication-comment-larrivee-du-moustique-tigre-a-change-la-donne-100467">Démoustication : comment l’arrivée du moustique tigre a changé la donne</a>
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<p>L’impact négatif de la crise induite par la Covid-19 sur la surveillance et le contrôle de la dengue est évident dans les zones tropicales touchées par la dengue. Quant aux régions tempérées, les restrictions de voyage limitent en théorie les possibilités d’importation d’arbovirus. Le risque est néanmoins présent, comme en témoignent les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/la-lutte-contre-le-covid-19-ne-doit-pas-occulter-les-risques-li %C3 %A9s-aux- %C3 %A9pid %C3 %A9mies-de-dengue">quatorze cas de dengue</a> observés dans l’Hexagone pendant le confinement, nonobstant le très faible nombre de vols provenant de zones touchées.</p>
<p>La reprise du transport aérien, même si elle est partielle, pourrait accroître ce risque dans les régions d’Europe <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-albopictus-current-known-distribution-may-2020">où <em>Aedes albopictus</em> est installé</a>. Entre le 1<sup>er</sup> mai et le 21 août 2020, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2020">Santé publique France</a> a enregistré 155 cas importés de dengue et 4 cas importés de chikungunya.</p>
<p>Notons au passage que la circulation simultanée de ces maladies a nécessairement des effets délétères sur les plans économique et social. Les inégalités sociales liées à la dengue et à d’autres arbovirus, tel que le Zika, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17441692.2018.1532528">ont déjà été mises en évidence</a>. On sait aussi que la pandémie de Covid-19 exacerbe ces inégalités, comme on a pu le constater à La Réunion ou aux <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1090198120922942">États-Unis</a>.</p>
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<p>Dans un tel contexte, nous devons souligner l’importance de la mobilisation sociale et du maintien, voire du renforcement de la gestion intégrée des maladies transmises par les moustiques. Et nous recommandons par ailleurs d’améliorer les pratiques pour réduire au minimum l’exposition au SARS-CoV-2 dans le cadre de la lutte antivectorielle.</p>
<p>Partout dans le monde, et en particulier dans la zone intertropicale, la menace représentée par les maladies que peuvent transmettre les moustiques – à l’instar de la dengue, du chikungunya, de la maladie à virus Zika et de la fièvre jaune – pourrait être accentuée en raison d’une détérioration de la surveillance et de la lutte contre les moustiques. Or ce risque est susceptible d’aggraver la situation due à la seule pandémie de Covid-19.</p>
<p>En somme, il y a donc urgence pour les acteurs de santé publique et les décideurs politiques d’élaborer des politiques proactives, et d’allouer les ressources adéquates pour prévenir et gérer la dissémination de ces maladies en période de crise sanitaire. D’autant plus que dans les décennies à venir, on craint de voir surgir d’autres nouvelles maladies à fort potentiel épidémique et pandémique…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lemergence-des-nouvelles-epidemies-saccelere-comment-y-faire-face-140568">L’émergence des nouvelles épidémies s’accélère, comment y faire face ?</a>
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<p><em>L’évaluation a été menée par le « Groupe d’expertise collective dans l’urgence sur l’impact de la pandémie de Covid-19 et du confinement sur la surveillance de la dengue et les interventions de lutte antivectorielle » de l’ANSES. Ce groupe a été présidé par Thierry BALDET (CIRAD), coordonné par Johanna FITE (ANSES) et Elsa QUILLERY (ANSES), et il était composé de James DEVILLERS (CTIS), Marie-Marie OLIVE (IRD), Marie-Claire PATY (Santé publique France), Christophe PAUPY (IRD), Philippe QUENEL (EHESP), Jocelyn RAUDE (EHESP), David ROIZ (IRD), Jean‑Paul STAHL (CHU Grenoble Alpes), Marie THIANN-BO-MOREL (Université de La Réunion), toutes ces personnes ayant contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La co-circulation des virus de la dengue et du SARS-CoV-2 peut avoir nombre d’effets pervers : retard dans la prise en charge, sous-déclaration des cas, détérioration de la lutte anti-moustiques…Marie-Marie Olive, Post-doctorante, Institut de recherche pour le développement (IRD)David Roiz, Investigador en ecologia de enfermedaes emergentes transmitidas por mosquitos, Institut de recherche pour le développement (IRD)Johanna Fite, Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Thierry Baldet, Chercheur, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1284512019-12-16T19:49:31Z2019-12-16T19:49:31ZLa vie étrange, secrète – et très écolos – des moustiques dévoilée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307246/original/file-20191216-124036-t1yarm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les moustiques jouent un rôle très important en tant que pollinisateurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Les moustiques. Des hordes de moustiques qui bourdonnent dans nos oreilles et nous piquent, comme c’est pénible ! Et c’est sans compter les effets dévastateurs sur la santé causés par le paludisme, le virus Zika et d’autres agents pathogènes qu’ils propagent.</p>
<p>Les moustiques ont également tout un pan de leur vie qui n’a rien à voir avec les piqûres, mais plutôt avec leurs interactions avec les plantes. Nous considérons souvent les moustiques comme des suceurs de sang qui ne font que nous pourrir l’existence. Cependant, ils ont aussi des rôles écologiques. La vie secrète des moustiques est parfois bizarre, mais aussi très importante sur le plan environnemental.</p>
<p>Les moustiques remplissent de nombreuses fonctions dans l’écosystème dont on parle peu. L’élimination de masse des moustiques aurait des répercussions dans beaucoup de domaines, de la pollinisation au transfert de biomasse en passant par les réseaux alimentaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303297/original/file-20191123-74599-1swlhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un maringouin domestique, Culex pipiens, couvert de pollen de tanaisie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Mike Hrabar)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>La pollinisation par les moustiques</h2>
<p>Il existe environ <a href="http://www.humanite-biodiversite.fr/article/les-moustiques">3 500 espèces de moustiques</a>, dont beaucoup ne sont pas du tout intéressées par le sang des humains ou de tout autre animal. Même chez celles qui piquent, ce sont seulement les femelles qui le font dans le but de permettre à leurs œufs de se développer.</p>
<p>La nourriture de base de tous les moustiques adultes est le <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev.en.40.010195.002303">sucre végétal et les nutriments qu’il contient, le plus souvent sous forme de nectar floral</a>. En cherchant du nectar, les moustiques pollinisent les fleurs qu’ils visitent, remplissant ainsi une des <a href="https://doi.org/10.1111/eea.12852">fonctions écologiques des moustiques qu’on a tendance à oublier</a>.</p>
<p>La pollinisation par les moustiques est probablement beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense. Il est prouvé que les moustiques jouent le rôle de <a href="https://doi.org/10.1007/s11829-016-9445-9">pollinisateurs généralistes</a> pour certaines familles de plantes, et il existe de <a href="https://doi.org/10.5061/dryad.63xsj3tz5">nombreux cas de pollinisation qui sont très peu étudiés</a>.</p>
<p>La pollinisation par les moustiques <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Moustique">a été constatée dès le 19e siècle</a>. Elle est difficile à observer, car la plupart des moustiques visitent les fleurs au crépuscule ou un peu après, et la présence humaine les fait fuir. Pendant la courte période de végétation de l’Arctique, les <a href="https://www.nationalgeographic.com/news/2015/09/150915-Arctic-mosquito-warming-caribou-Greenland-climate-CO2/">plantes utilisent les vastes hordes de moustiques avides de nectar pour se polliniser</a>.</p>
<h2>Évolution des moustiques</h2>
<p>Le lien entre les fleurs et les moustiques est ancien et a probablement eu une forte influence sur l’évolution de ce type d’insectes. Des preuves génétiques confirment une <a href="https://doi.org/10.1186/1471-2148-9-298">augmentation rapide de leur diversité qui correspond à l’apparition des plantes à fleurs</a>. Des écailles de moustiques ont été trouvées dans des <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsbl.2011.0696">fossiles de fleurs datant du Crétacé moyen</a>.</p>
<p>Les moustiques repèrent les fleurs grâce à divers indices, dont l’odeur et l’information visuelle, et des recherches récentes ont permis de découvrir que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-39748-4">constituants olfactifs de certaines fleurs dont se nourrissent les moustiques (et qu’ils pollinisent) sont présents chez les humains</a>. On pourrait en conclure que les moustiques confondent l’odeur de certaines fleurs avec celle des humains, révélant possiblement les origines évolutives de leur attrait pour le sang.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303303/original/file-20191124-74599-1qu1wap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un moustique Aedes qui se nourrit du sang de l’auteur du texte. L’alimentation des moustiques par le sang peut avoir évolué à partir d’une alimentation au nectar floral en raison des constituants odorants partagés entre les vertébrés et les fleurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Dan Peach)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un repas de miellat</h2>
<p>Bien que ce soit moins important sur le plan écologique que la pollinisation, les moustiques consomment également du sucre végétal transformé par d’autres insectes.</p>
<p>Les insectes suceurs de plantes comme les pucerons excrètent un déchet sucré appelé miellat, qui sert de nourriture pour de <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev.en.40.010195.002303">nombreux insectes, dont les moustiques</a>. Mais le miellat est difficile à trouver dans l’environnement. Les moustiques ont résolu ce problème en utilisant les <a href="https://doi.org/10.3390/insects10020043">odeurs émises par les microbes qui vivent dans le miellat pour le localiser</a>.</p>
<p>Le miellat est aussi consommé par différentes sortes de fourmis, qui élèvent des pucerons pour en recueillir. Une fourmi peut, par des coups d’antennes, inciter une compatriote qui a récemment mangé du miellat à régurgiter et à partager une partie de son repas. Certaines espèces de moustiques ont appris à exploiter ce système <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eea.12852">à leur profit</a>.</p>
<p>Un moustique peut insérer ses pièces buccales dans la bouche d’une fourmi et lui caresser la tête avec ses antennes afin de provoquer un vomissement.</p>
<h2>Transferts de biomasse</h2>
<p>Les larves de moustiques se développent en consommant des microorganismes comme les algues et les microbes qui décomposent les matières végétales. Ces larves contribuent aux chaînes alimentaires aquatiques en servant de nourriture à différents prédateurs, comme les poissons et les oiseaux.</p>
<p>Si un moustique survit jusqu’à l’âge adulte, il quitte son habitat aquatique, transférant ainsi sa biomasse (le poids de sa matière) à l’écosystème terrestre.</p>
<p>De nombreux animaux, comme les oiseaux, les chauves-souris, les grenouilles et d’autres insectes, se nourrissent de moustiques adultes. Lorsque ceux-ci meurent (ou qu’ils sont mangés et excrétés), ils se décomposent. Les microbes qu’ils avaient consommés sous forme de larves se transforment alors en nutriments pour les plantes, ce qui constitue une autre fonction écologique des moustiques.</p>
<p>On a évalué la biomasse des moustiques <a href="http://www.newsminer.com/features/sundays/alaska_science_forum/how-many-mosquitoes-are-in-alaska-trillion-biologist-estimates/article_dd5903d2-fc15-11e4-ba74-834fc2525d20.html">à 43 500 tonnes en Alaska</a> seulement. Bien que la contribution du cycle des nutriments des moustiques à la croissance des plantes et à d’autres fonctions de l’écosystème n’ait pas encore été étudiée, la quantité de leurs biomasses laisse entendre qu’elle pourrait être importante.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303560/original/file-20191125-74576-1u9vu3r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On trouve des larves de moustiques dans divers habitats où l’eau s’accumule, notamment dans les terriers des crabes, à l’intérieur des sarracénies et entre les feuilles des plantes des forêts tropicales humides.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Des habitats uniques</h2>
<p>Les larves de moustiques sont présentes dans la plupart des types d’eau douce, que ce soient des lacs ou des mares temporaires causées par la fonte des neiges. On peut même les trouver dans quelques habitats d’eau salée comme les <a href="http://entnemdept.ufl.edu/creatures/aquatic/crabhole_mosquito.htm">terriers de crabe</a>.</p>
<p>L’un des habitats les plus intéressants où l’on découvre des larves de moustiques sont les urnes de la plante carnivore Sarracenia purpurea. Ces urnes sont remplies <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/botanique-plante-carnivore-renferme-t-elle-secret-ecosystemes-45655/">d’eau et d’insectes en décomposition qui fournissent de la nourriture à la plante et aux moustiques</a>. Les enzymes digestives de la sarracénie sont <a href="https://theindependent.ca/2013/04/24/a-pitcher-worth-a-thousand-words/">trop faibles pour dissoudre les larves des moustiques</a>.</p>
<p>Plusieurs espèces de moustiques pondent leurs œufs dans l’<a href="https://doi.org/10.1093/aesa/sav040">eau qui s’accumule entre les feuilles des plantes tropicales de la forêt atlantique brésilienne</a>, et les larves d’autres moustiques se fixent aux racines de plantes aquatiques pour respirer.</p>
<h2>Réduction des maladies, préservation des écosystèmes</h2>
<p>Le moustique, qui est l’animal le <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/2014/04/30/l-animal-le-plus-meurtrier-au-monde-estle-moustique-147903.html">plus meurtrier pour les humains</a>, cause aussi d’immenses souffrances. Idéalement, on devrait protéger les fonctions écosystémiques des moustiques tout en réduisant leur charge de morbidité.</p>
<p>Ce ne sont pas toutes les espèces de moustiques qui sont responsables de la propagation des agents pathogènes. Cibler des espèces précises ou <a href="https://siecledigital.fr/2019/11/25/une-bacterie-pour-lutter-contre-le-virus-de-la-dengue-au-bresil/">immuniser celles-ci contre les agents pathogènes</a> protégerait les humains tout en maintenant les fonctions écosystémiques des moustiques.</p>
<p>Dans un monde où les <a href="https://www.eurotopics.net/fr/215021/un-effondrement-global-des-ecosystmes">écosystèmes s’effondrent</a> et où les <a href="https://www.agrireseau.net/apiculture/documents/D%C3%A9clin%20poll_FR_MC3_M_Chagnon.pdf">populations de pollinisateurs déclinent</a>, nous avons besoin de toute l’aide possible. On doit reconnaître la vie secrète des moustiques et mettre au point des stratégies plus sophistiquées de lutte contre eux afin de préserver leur rôle écologique.</p>
<p>[<em>Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ?</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128451/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel A.H. Peach est administrateur de l'Entomological Society of British Columbia et membre de l'Entomological Society of Canada, de l'Entomological Society of America, de la Society for Vector Ecology et de la Biological Survey of Canada. Daniel a reçu des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de Scotts Canada Ltd. et de l'Université Simon Fraser. Il reçoit actuellement des fonds de l'Université de la Colombie-Britannique.
</span></em></p>Les moustiques ont des relations complexes et essentielles avec les plantes. Comprendre leur travail en tant que pollinisateurs aiderait à comprendre leur rôle dans les différents écosystèmes.Daniel A.H. Peach, Postdoctoral Fellow, Department of Zoology, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1256752019-10-24T16:52:25Z2019-10-24T16:52:25ZVirus Zika : premiers cas de transmission en France métropolitaine par le moustique tigre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298559/original/file-20191024-170467-1keg7l4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C69%2C1781%2C1313&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des particules de virus Zika (en rouge) à l’intérieur de cellules de rein de singe vert africain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/36823418614/in/album-72157669514848324/">NIH</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Pour la première fois, des cas d’infections par le <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/zika">virus Zika</a> transmises localement par des moustiques (à partir de cas importés par des voyageurs de retour de l’étranger ou des départements d’outre-mer) <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/221019_-_dgs_-_cp_arboviroses.pdf">ont été détectés en France métropolitaine</a>. Ces deux infections « autochtones » auraient eu lieu courant août 2019 à Hyères, dans le département du Var. Le moustique impliqué est <em>Aedes albopictus</em>, également connu sous le nom de <a href="https://theconversation.com/ce-que-chacun-peut-faire-pour-surveiller-le-moustique-tigre-77284">moustique tigre</a>.</p>
<p>Repéré pour la première fois en France en 2004, à Menton, le moustique tigre est désormais implanté dans 51 départements de la moitié sud du pays, et au-delà. On le savait à l’origine de foyers limités de transmission locale de virus, comme ceux de la dengue ou du chikungunya, à partir de cas importés, c’est-à-dire contractés hors de France métropolitaine. Cependant il n’avait pas encore été incriminé dans des cas de transmission locale du virus Zika.</p>
<p>Cette nouvelle n’est pas vraiment une surprise pour les spécialistes, car des expérimentations en laboratoire avaient révélé que le moustique tigre était un vecteur compétent pour la transmission du virus Zika. Il est cependant moins efficace que son cousin des régions tropicales, le moustique <em>Aedes aegypti</em>, qui lui n’a pas encore été repéré en métropole.</p>
<h2>Une infection généralement bénigne</h2>
<p>Dans la très grande majorité des cas, les infections par le virus Zika sont sans gravité. Les deux tiers d’entre elles sont asymptomatiques, et lorsque des symptômes se manifestent, ils sont bénins. Ils se traduisent par une éruption cutanée, une fièvre modérée, des douleurs articulaires, et parfois une conjonctivite. Leur durée dépasse rarement une semaine. Le diagnostic est possible en phase aiguë, grâce à une prise de sang ou un prélèvement d’urine, dans laquelle on pourra mettre en évidence le génome du virus. La recherche d’anticorps dans le sang permettra aussi de documenter une infection récente. Il existe cependant un risque de réaction croisée avec les anticorps de la dengue.</p>
<p>Les complications liées à l’infection par le virus Zika sont rares, mais peuvent néanmoins survenir. Il s’agit <a href="https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/consequences-neurologiques-du-virus-zika-enfin-devoilees-0">d’atteintes neurologiques</a> telles que les syndromes de Guillain-Barré. La fréquence de ces <a href="https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/GuillainBarre-FRfrPub834.pdf">formes sévères de paralysie des membres périphériques</a> est heureusement limitée à 2 cas pour 10 000 infections.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298560/original/file-20191024-170458-1bz4edo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image au microscope électronique à transmission de particules du virus Zika (en rouge, fausses couleurs), souche Fortaleza, isolées à partir d’échantillons provenant d’un cas de microcéphalie au Brésil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/27385281096/in/album-72157669514848324/">NIH</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Mais ce qui fait surtout la gravité de la maladie, ce sont les anomalies neurologiques congénitales dont sont atteints les enfants nés de mères infectées pendant la grossesse. Il s’agit notamment de microcéphalies, liées à un retard du développement du cerveau, et d’atteintes à type de crises d’épilepsie, de contractures musculaires, d’irritabilité des enfants, ainsi que d’atteintes oculaires ou auditives.</p>
<p>Ces complications, regroupées sous le terme de « syndrome congénital lié au virus Zika », surviennent chez moins de 5 % des enfants nés de mères infectées alors qu’elles étaient enceintes, pour la plupart quand l’infection a eu lieu durant le premier trimestre de la grossesse.</p>
<h2>Remonter à la source de l’infection</h2>
<p>En 2015 et 2016, lors des épidémies qui ont affecté l’Amérique latine, l’Amérique Centrale, les Antilles et l’Asie du Sud-Est, aucun cas autochtone de Zika n’avait été relevé en France, malgré les centaines de cas importés recensés à l’issue des vacances d’été.</p>
<p>Les deux cas avérés révélés fin octobre confirment cependant la capacité du moustique tigre à transmettre le virus Zika à partir de cas importés, et ce, alors même que la situation actuelle est bien différente de celle d’il y a quelques années. En effet, aujourd’hui la circulation du virus Zika est moins intense : on ne l’observe plus que dans quelques foyers en Amérique. Il faut toutefois souligner que le virus Zika circule également de façon endémique en Afrique, où des cas sporadiques sont régulièrement identifiés.</p>
<p>Pour comprendre comment les contaminations françaises ont pu se produire dans ce contexte, il faudra attendre les résultats des enquêtes épidémiologiques, qui permettront de remonter à leurs sources. Le séquençage des génomes des virus responsables de ces deux cas autochtones permettra quant à lui d’identifier le génotype du virus Zika, et donc son origine géographique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298561/original/file-20191024-170493-1uovn8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le moustique <em>Aedes albopictus</em> transmet plus efficacement les souches d’origine africaine du virus Zika que les autres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://phil.cdc.gov/details.aspx?pid=2168">James Gathany/CDC</a></span>
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<p>Il est important de déterminer quelle souche du virus a été impliquée dans les infections, car celle-ci influe notamment sur sa transmission. En infectant le moustique tigre en laboratoire avec des virus de différentes origines géographiques, les chercheurs ont découvert qu’il était dix fois plus efficace pour transmettre les virus d’Afrique de l’Ouest que pour transmettre ceux isolés lors des épidémies qui ont touché les Amériques.</p>
<h2>Que faire pour se protéger du virus ?</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298552/original/file-20191024-170471-n9zht0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveau de classement moustique tigre (Aedes albopictus) dans les départements de France métropolitaine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine">Ministère des Solidarités et de la Santé</a></span>
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<p>Il n’existe aujourd’hui ni traitement, ni vaccin spécifique pour lutter contre le virus Zika. Le seul moyen de se protéger est d’éviter les piqûres de moustiques. Ceux-ci sont actifs de mai à novembre, et plus particulièrement en août-septembre. Ils attaquent plutôt le matin et en fin d’après-midi, mais mieux vaut être vigilant toute la journée. Pour se préserver, il est nécessaire de porter des vêtements couvrants, de mettre en place des moustiquaires et d’utiliser des produits répulsifs.</p>
<p>En parallèle de ces mesures de protection individuelles, lutter contre la maladie requiert aussi d’empêcher la prolifération des moustiques. Pour cela, tous les gîtes potentiels pour le développement des larves de moustiques doivent être éliminés. Celles-ci vivent dans les eaux stagnantes, il faut donc vider les pots de fleurs, vérifier l’écoulement des gouttières, se débarrasser des pneus usagés ou les mettre à l’abri, etc. Il est en particulier recommandé de vider les rétentions d’eau qui peuvent se trouver autour de chez soi après chaque averse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le Var, deux cas autochtones d’infections par le virus Zika ont été confirmés par les autorités sanitaires. La transmission de ce virus par le moustique tigre est donc désormais avérée en Europe.Anna-Bella Failloux, Directrice de Recherche, Institut PasteurArnaud Fontanet, Médecin, directeur de l’Unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur de Paris, professeur de santé publique, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1251712019-10-16T19:39:50Z2019-10-16T19:39:50ZSanté des fleuves, santé des hommes : en Guyane, les leçons du Maroni<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296916/original/file-20191014-135529-uchbi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le fleuve Maroni. </span> <span class="attribution"><span class="source">Iamazone/Ronan Liétar</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Que nous apprend le fleuve Maroni, frontière naturelle entre la Guyane et le Suriname ? De lui, nous n’avons souvent qu’une vision simplifiée et parcellaire : sa luxuriante forêt amazonienne, son bagne, le désastre environnemental et social de l’orpaillage illégal…</p>
<p>La réalité est tout autre, plus difficile à appréhender car complexe. Le Maroni est au cœur des enjeux de ce territoire ultra-marin, en pleine transition démographique, économique et écologique. Surtout, en posant avec plus d’intensité qu’ailleurs, la question de l’eau – son utilisation, sa qualité, ses représentations –, il nous rappelle qu’atmosphère, écosystème, humain, tous ces éléments de ce grand jeu qu’est la vie sont solidaires les uns les autres.</p>
<p>Si nos fleuves sont menacés, c’est notre identité qui est niée, c’est notre vie même qui est remise en cause.</p>
<p>Ce constat, nous l’avons dressé lors d’une conférence internationale organisée par l’association <a href="https://www.initiativesfleuves.org/">Initiatives pour l’avenir des grands fleuves</a> (IAGF) et que l’Institut Pasteur de la Guyane a accueillie en <a href="https://www.initiativesfleuves.org/rencontre/8e-session-internationale-diagf/">avril 2019</a>. Grâce à une approche interdisciplinaire et écosystémique des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LRxmoSBrmyM&feature=youtu.be">experts réunis à cette occasion</a>, la question de la santé a été abordée sous un angle nouveau et des pistes d’actions proposées pour protéger et guérir efficacement le fleuve et les populations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1120313981028241408"}"></div></p>
<h2>Une identité construite autour du fleuve</h2>
<p>Ce fleuve imprévisible qu’est le Maroni est plus qu’une frontière géographique et administrative. Bassin de vie et de culture, il forge l’identité des communautés qui peuplent ses rives depuis des millénaires. Amérindiens, Bushinengués, Créoles, transportés au <a href="http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr/Action-culturelle/Dossiers-du-mois/1004-Bagnes/Dossier-Bagnes-de-Guyane.html">bagne de Saint-Laurent-du-Maroni</a>, Surinamais ayant fui la <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/rendez-vous-avec-x/rendez-vous-avec-x-27-fevrier-2010">guerre civile</a> ou encore, plus récemment, Haïtiens et Brésiliens cherchant des conditions de vie meilleures : le fleuve abrite une population plurielle, composée de plus de 25 groupes ethniques différents !</p>
<p>D’ailleurs, dans cette région de l’Ouest guyanais, droit du sol et droit du sang s’estompent au profit d’une même revendication identitaire, celle du fleuve. Le Maroni est tout sauf une frontière, que ce soit pour les richesses mais aussi pour la pauvreté, la <a href="https://theconversation.com/violences-en-hausse-en-guyane-comment-le-passe-donne-quelques-clefs-71505">violence</a> et les maladies.</p>
<p>Les familles sont réparties entre les deux rives, les enfants se rendent quotidiennement en pirogue à l’école, les trafics légaux et illégaux passent par la voie d’eau, de l’intérieur des terres vers le littoral.</p>
<h2>Un fleuve vecteur de vie et mort</h2>
<p>Les peuples du Maroni font face à de nombreuses vulnérabilités : éloignement géographique, faible niveau socio-économique, exposition à des conditions climatiques exceptionnelles, mode de vie, inégalités de santé…</p>
<p>Ici, le risque infectieux est grand, notamment par les <em>arbovirus</em> (maladies transmises par les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30011271">moustiques</a>) dans un territoire où les populations utilisent les eaux de surface des rivières et des criques pour se laver ou faire la lessive et laissent près des habitats des eaux stagnantes.</p>
<p>De nouvelles menaces se font jour, liées à la plus forte exposition via le fleuve aux échanges avec le littoral et le Suriname (maladies métaboliques dues à de nouvelles habitudes alimentaires, addiction à l’alcool et aux drogues dures pures), et à la contamination de l’eau. La défaillance du traitement des eaux usées et l’absence d’accès à l’eau potable pour plus de <a href="https://eauguyane.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=44&Itemid=270">45 000</a> personnes se combinent avec un <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/2015/07/24/patrick-lecante-l-acces-l-eau-potable-pour-tous-d-ici-2021-273307.html">manque d’hygiène encore marquée</a>. Il résulte d’une méconnaissance des cycles de contamination ou règles de prévention mais aussi de la prégnance de certaines représentations culturelles ou pratiques ancestrales.</p>
<p>Un autre danger vient du mercure. S’il est naturellement présent dans le sol guyanais, le mercure est aussi largement utilisé de manière illégale par les orpailleurs pour amalgamer l’or, dans les 300 sites d’extraction aujourd’hui en exploitation qui produisent <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lutte-contre-lorpaillage-illegal-en-guyane-des-pistes-scientifiques-pour-tracer-les-grains-dor">10 tonnes</a> d’or chaque année (contre 1 à 2 tonnes pour la production réglementée).</p>
<p>Ce mercure <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-10/1708_Rapport_Gold_mining_on_the_forest_cover_and_freshwater_in_the_Guiana_shield%202.pdf">contamine les eaux</a>, et, in fine, les hommes qui se <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30610584">nourrissent des poissons</a>.</p>
<h2>Un projet pour le Maroni et ses populations</h2>
<p>Les populations du fleuve sont malades, le fleuve est lui-même fragilisé et sanctuarisé par de multiples bouleversements.</p>
<p>La pression démographique et migratoire, d’abord, avec des taux d’accroissement démographiques de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3284193?sommaire=3284208">4 à 6 % par an</a> dans les communes intérieures de Grand-Santi, Maripasoula ou Apatou, soit un doublement de la population en 18 ans ! Comment maintenir l’égalité de l’accès à l’offre de soins ?</p>
<p>La pression urbaine et économique est également forte, marquée par le développement de l’habitat spontané, l’isolement de populations sans accès à l’eau potable ni à l’électricité, la prégnance du chômage (près de trois-quarts des jeunes de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3532194">15 à 24 ans sont sans emploi</a> et les externalités négatives de l’orpaillage illégal (économie souterraine, criminalité).</p>
<p>Le malaise est, enfin, social en raison du délitement d’une identité culturelle commune et du désenchantement qu’engendre la modernité auprès des plus jeunes. Un véritable conflit de loyauté se joue entre savoirs traditionnels et modèle de modernité imposé d’une part et entre générations d’autre part. <a href="https://www.lepoint.fr/societe/en-guyane-la-communaute-wayana-tente-de-faire-face-a-une-vague-de-suicides-15-06-2019-2319106_23.php">Suicides et hystérisation collective</a> sont des phénomènes qui enflent dangereusement.</p>
<p>Le fleuve est au centre de ces enjeux, en pouvant soit relier les communautés soit les séparer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Maroni.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ronan Liétar/Iamazone</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour autant, autour de ce bien commun qu’est le Maroni, le champ des possibles reste ouvert. Un projet peut et doit émerger pour le territoire et pour le bien-être des populations. La situation telle qu’elle est, d’un fleuve morcelé et fragilisé et de personnes en détresse, ne peut en effet plus perdurer. À quoi sert d’augmenter l’espérance de vie si c’est pour offrir une vie sans espérance ?</p>
<p>Par ailleurs, les conditions sont réunies pour faire de la Guyane un laboratoire d’un autre modèle de développement autour de son fleuve, car la démarche d’expérimentation et de partenariat est déjà à l’œuvre dans le domaine de la santé.</p>
<p>En voici quelques exemples : <a href="https://www.guyane.ars.sante.fr/">participation de tradipraticiens</a> dans les protocoles de santé de médecine occidentale pour mieux accompagner et prendre en charge certaines pathologies parmi les populations autochtones ; projet de <a href="https://www.guyane.ars.sante.fr/">pirogues de la santé</a> porté par l’Agence régionale de la santé en Guyane pour renforcer les actions de santé publique sur le fleuve et la médiation culturelle ; <a href="https://www.malakit-project.org/fr/">Malakit</a>, initiative multipartenariale et expérimentale pour autodiagnostiquer et soigner le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29631588">paludisme parmi les orpailleurs</a>.</p>
<p>Il reste désormais à tous les acteurs locaux à poursuivre ce travail en commun entre domaines sanitaire, social, et recherche scientifique. Une nouvelle coopération entre les deux rives et entre amont et l’aval doit également émerger. Le fleuve est un être vivant, il ne peut être morcelé.</p>
<p>De nouvelles conditions de gouvernance doivent enfin être adoptées pour éviter le décalage entre normes et besoins locaux, entre la doctrine et les perceptions qu’ont les habitants de l’utilisation de l’eau ou de sa conservation. Ce doit notamment être le cas dans la lutte contre l’orpaillage illégal, où le procédé d’interpellations et d’investigations pour administrer la preuve s’avère souvent délicat d’un point de vue logistique (en plein cœur de la forêt guyanaise) et humain (les personnes interpellées étant aussi souvent des victimes sociales). Même constat dans le domaine de l’assainissement : s’il s’agit d’une obligation européenne et nationale, le taux de raccordement au réseau reste aujourd’hui faible dans l’Ouest guyanais, se heurtant au développement de l’habitat spontané et aux habitudes des populations.</p>
<p>Il s’agit d’adapter les règles, d’éduquer et d’associer les populations pour préserver l’héritage que représente le fleuve. Pour retisser le lien et lui donner un avenir.</p>
<hr>
<p><em>Erik Orsenna, <a href="https://www.initiativesfleuves.org/iagf/edito-du-president/">président de l’IAGF</a>, et l’ensemble des experts internationaux de l’Association ont contribué à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mirdad Kazanji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les conditions sont aujourd’hui réunies pour faire de la Guyane un laboratoire d’un autre modèle de développement autour de son fleuve.Mirdad Kazanji, Directeur de l'Institut Pasteur de la Guyane, Institut PasteurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.