tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/paix-31615/articlespaix – The Conversation2023-11-30T05:31:34Ztag:theconversation.com,2011:article/2186342023-11-30T05:31:34Z2023-11-30T05:31:34ZL'armée malienne prend Kidal : les répercussions d'une reconquête stratégique<p>Le 14 novembre 2023, une colonne des Forces armées maliennes (FAMA), appuyée par des “instructeurs russes” dont le nombre reste indéterminé, est rentrée à Kidal, ville située dans l’extrême nord du Mali. </p>
<p>La reconquête de la ville, fief de la rébellion de 2012, obtenue presque sans combattre contre les groupes armés regroupés au sein du <a href="https://cadre-strategique.com/">Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD)</a>, représente pour la junte militaire au pouvoir à Bamako un succès symbolique qui répond à plusieurs objectifs : alimenter sa campagne d’expansion, affaiblir la rébellion et laver les revers subis <a href="https://www.jeuneafrique.com/53207/politique/arm-e-malienne-les-affrontements-de-kidal-chronique-d-une-d-route-annonc-e/">entre 2012 et 2014</a>.</p>
<h2>Un succès pour les souverainistes</h2>
<p>Depuis le coup d'Etat à Bamako perpétré par un groupe de militaires, réalisé en deux temps entre <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">août 2020 et mai 2021</a>, le nouveau gouvernement a articulé son projet politique autour d'un discours politique aux forts accents nationalistes et même “<a href="https://www.oecd.org/publications/populist-civil-society-the-wagner-group-and-post-coup-politics-in-mali-b6249de6-en.htm">populistes</a>”, axé notamment sur la reconquête du Nord. Dans un contexte où la <a href="https://kar.kent.ac.uk/84798/">dynamique “centre-périphérie”</a> a représenté depuis l’indépendance en 1960 un véritable défi pour la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/nationalities-papers/article/abs/azawad-a-parastate-between-nomads-and-mujahidins/BCAF4BFEECCEAD70F15CCC8D123AC4E2">construction de l'Etat malien</a>, l’assujettissement des groupes armés menaçant l’unité nationale a constitué <a href="http://news.abamako.com/h/197255.html#:%7E:text=C'est%20un%20livre%20de,question%20du%20Nord%20du%20Mali.">une des principales priorités</a> pour les souverainistes au pouvoir à Bamako.</p>
<p>C'est aussi sous cet éclairage qu'il faut lire la <a href="http://news.abamako.com/h/197255.html#:%7E:text=C'est%20un%20livre%20de,question%20du%20Nord%20du%20Mali.">rupture avec la France</a> et le rapprochement avec <a href="https://www.politico.eu/article/wagner-africa-mali-operations-will-continue-russia-sergey-lavrov-vows/">la Russie</a>, dont les violents effets sur la conduite des opérations de “contre-terrorisme” étaient déjà devenus visibles <a href="https://www.hrw.org/news/2022/04/05/mali-massacre-army-foreign-soldiers">dans le centre du pays</a>.</p>
<p>En outre, le <a href="https://press.un.org/fr/2023/cs15341.doc.htm">retrait</a> de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a aussi représenté un des passages nécessaires pour préparer l’opération visant à reprendre le contrôle militaire sur les régions du Nord. Depuis plusieurs mois, cette mission était confrontée a une mise en péril sans précèdent du processus de paix. Faut-il le rappeler, la pierre angulaire de cette mission était le soutien à la mise en oeuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation (APR).</p>
<p>C’est en particulier <a href="https://minusma.unmissions.org/la-minusma-ferme-son-camp-de-kidal-marquant-la-fin-de-sa-pr%C3%A9sence-dans-la-r%C3%A9gion">le départ anticipé des casques bleus</a> de leur base à Kidal, achevé le 31 octobre, qui a accéléré les événements de manière décisive. Même si des combats majeurs n’ont pas été enregistrés pendant l’avancée de la colonne de l'armée malienne partie de Gao vers Kidal, plusieurs témoignages ont fait état de <a href="https://www.reuters.com/world/africa/mali-drone-strikes-kill-civilians-town-kidal-officials-rebels-say-2023-11-07/">civils tués pendant l’opération</a>. </p>
<p>Sur le plan régional, on note un <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231117-le-niger-et-le-burkina-ont-l%C3%A9g%C3%A8rement-contribu%C3%A9-%C3%A0-l-offensive-de-l-arm%C3%A9e-malienne-sur-kidal">appui logistique limité </a> mais symboliquement important de la part des armées burkinabè et nigérienne, qui forment avec le Mali une <a href="https://theconversation.com/burkina-faso-mali-et-niger-signent-un-pacte-de-defense-lalliance-des-etats-du-sahel-en-quete-dautonomie-strategique-215361">Alliance des États du Sahel (AES)</a>. Celle-ci est dotée d’une <a href="https://www.sig.bf/2023/09/charte-deu-liptako-gourma-instituant-lalliance-de-etats-du-sahel-aes/">charte</a> où le règlement, y compris par la force, de toute rébellion armée est clairement affiché comme un des principaux objectifs.</p>
<h2>Nouveau gouverneur de Kidal</h2>
<p>La reconquête de Kidal a permis à la junte malienne de célébrer la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/mali-assimi-go%C3%AFta-annonce-que-larm%C3%A9e-sest-empar%C3%A9e-de-la-ville-de-kidal-/3053552">“souveraineté rétablie”</a> dans le pays, et de renforcer sa <a href="https://www.e-ir.info/2023/09/17/historicizing-the-reactionary-dimensions-of-contemporary-pan-african-statecraft/">rhétorique panafricaniste et autoritaire</a> qui se trouve à la base d'un projet politique en cours de déploiement bien au-delà des frontières du Sahel. </p>
<p>Sur le terrain, le 22 novembre, le gouvernement a annoncé avoir <a href="https://www.jeuneafrique.com/1507428/politique/au-mali-le-general-gamou-nouveau-maitre-de-kidal/">nommé le général El Hadji ag Gamou</a> nouveau gouverneur de la région de Kidal. Ancien leader de la rébellion des années 1990, <a href="https://www.jeuneafrique.com/1344555/politique/mali-gamou-un-general-aussi-incontrolable-quindispensable/">ag Gamou</a> a intégré les FAMA avant de participer à la fondation de la milice “pro-gouvernementale” Gatia pendant le conflit de 2012. </p>
<p>Il est, depuis plusieurs décennies, une des grandes figures du nord du Mali, capable de redéfinir constamment son système d’alliances et ses loyautés afin de naviguer et survivre dans un cadre caractérisé par le recours constant <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13629395.2016.1230942">à la violence politique</a> armée et la forte diffusion d'activités économiques informelles ou même <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17502977.2021.1896207">criminelles</a>. </p>
<p>Dans le contexte actuel du nord du Mali, une lecture de la nomination d’ag Gamou sous le prisme des <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/25889">antagonismes entre lignages dominants ou aristocratiques</a> (Ifoghas) et vassaux (Imghads), selon la catégorisation sociale de la communauté touareg née de la conquête coloniale française, peut sembler réductrice. La nomination d'ag Gamou vise-t-elle à rassurer les populations qui ont fui la zone face aux risques d’exactions par les “instructeurs russes”? C'est en tout cas l'une des interprétations plausibles de sa promotion par Bamako. En effet, des <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231126-mali-%C3%A0-kidal-l-arm%C3%A9e-prend-des-mesures-contre-les-incursions-les-pillages-continuent">témoignages attribuent le ciblage des domiciles </a> pillés dans la ville de Kidal à ces instructeurs russes. </p>
<p>Par-dessus tout, l'entrée des FAMA à Kidal signe un retour des unités issues de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/11/dans-le-nord-du-mali-l-armee-reconstituee-poussee-a-quitter-son-camp-de-kidal_6193753_3212.html">l'armée “reconstituée” (GTIA 8)</a> sans le CSP-PSD, affaibli dès les premières heures des combats par <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230925-mali-division-au-sein-des-groupes-arm%C3%A9s-du-nord-le-msa-quitte-le-cadre-strat%C3%A9gique-permanent">des divisions</a> qui ont davantage fragilisé sa représentativité politique. Pourtant, le mouvement avait dit inscrire son action dans le cadre de revendications liées aux préoccupations (sécurité, développement) des populations des régions du nord. </p>
<h2>Nouvelle phase du conflit</h2>
<p>La stratégie de sortie de crise de 2012 s’articulait, jusqu'ici, autour de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR, signé en mai-juin 2015), avec l'Algérie comme cheffe de file des garants de sa mise en oeuvre. Son application en était toujours aux aspects périphériques (désarmement, démobilisation et reinsertion, un mécanisme opérationnelle de coordination) au détriment des questions de développement qui ont pourtant fondé le discours indépendantiste en 2012. Alors que l’avenir de ce document s’écrit désormais en pointillés – bien qu’il n’ait été dénoncé par aucune des parties -, la médiation internationale est demeurée passive face à la résurgence du conflit. </p>
<p>La reprise des affrontements a surtout illustré la perte d'influence de cette médiation internationale, Algérie en tête. La perte de profondeur stratégique sur le dossier malien intervient dans une conjoncture sahélienne où Alger était engagé dans une dynamique de renforcement de sa diplomatie. Son plan de sortie de crise au Niger suite au renversement de M. Bazoum a suscité des tensions.</p>
<p>Bien que la prise de Kidal ne soit pas présentée comme une défaite dans les déclarations du CSP-PSD, elle marque le début d'une nouvelle phase dans le conflit, impliquant de nouveaux acteurs (AES, “instructeurs russes”) et de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/08/au-mali-les-drones-de-l-armee-malienne-frappent-kidal-bastion-des-rebelles-du-nord_6199040_3212.html#:%7E:text=Kidal%2C%20symbole%20de%20l'insoumission%20du%20Nord&text=Pour%20la%20premi%C3%A8re%20fois%20depuis,puis%20trois%20autres%20mardi%207.">nouveaux moyens militaires.</a> </p>
<p>Avec cette perte de l’influence de la médiation sur les acteurs maliens, un retour à l’APR parait illusoire dans un contexte où la donne n’est plus la même. Même s’ils faisaient des concessions, il serait difficile pour les leaders du CSP-PSD de reprendre le contrôle de l’espace politique dans la région de Kidal où un nouveau “leadership”, soit il lié aux factions qui ont quitté l'alliance, ou aux mouvances découlant de l'islam rigoriste, pourraient les supplanter. </p>
<h2>Le rôle de Iyad ag Ghali</h2>
<p>Par ailleurs, alors que <a href="https://fasopo.org/sites/default/files/varia1_n47.pdf">les rapports de force</a> entre lignages se renégocient sur l’échiquier du nord du Mali, l’islam rigoriste se diffuse sur place avec le rôle clé d'acteurs de premier plan comme Iyad ag Ghaly, leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). </p>
<p>Depuis la chute de Kidal aux mains des FAMA, plusieurs interlocuteurs pointent la mise en retrait dans les combats du GSIM après que le CSP-PSD, soupçonné d’entretenir des liens opérationnels avec cette mouvance armée se réclamant de l’islam, eut opposé un refus “stratégique” à Iyad ag Ghaly pour combattre sous la même bannière. </p>
<p>Les spéculations sur une possible alliance entre le GSIM et les séparatistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont été relancées en janvier dernier, dans le sillage du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/01/au-mali-rencontres-secretes-du-djihadiste-iyad-ag-ghaly-face-a-la-poussee-de-ses-rivaux_6160078_3212.html">déplacement à Kidal</a> d'Iyad ag Ghaly.</p>
<p>La visite a surtout soulevé des interrogations sur la <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/frequenter-les-infrequentables/">place d’Iyad ag Ghaly</a> dans les enjeux du Nord du Mali et dans les régions du centre, auxquelles la violence s’est étendue depuis plusieurs années. Au-delà de ses connexions éventuelles et de ses projets avec les anciens groupes signataires de l'accord d'Alger, son déplacement dans un contexte de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/08/21/mali-barkhane-vient-clore-un-cycle-de-trente-annees-d-operations-exterieures-de-la-france-en-afrique_6138595_3212.html">retrait du dispositif Barkhane </a>interroge. Cette mobilité fait ainsi de lui un “joker” avec lequel la nécessité de dialoguer pourrait revenir sur le devant de la scène au Mali, passée l’euphorie de Kidal.</p>
<p>Alors que le GSIM garde toujours une capacité de nuisance, il reste à observer quelle stratégie déploiera la rébellion. Le scénario le plus probable étant un déplacement des foyers du conflit entre les FAMA et les rebelles en dehors de Kidal. </p>
<p>L'épisode de Kidal s'insère dans une vision politique du régime politico-militaire malien qui tente d'imposer le retour de l'Etat par la force dans les portions du pays où le monopole de la violence lui est disputé par d'autres acteurs en armes. Or, un règlement du conflit au Mali passe par la négociation d'un nouveau contrat social au niveau des territoires pour “réparer” les rapports entre l'Etat et les communautés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edoardo Baldaro receives funding from F.R.S.-FNRS - Fonds National de la Recherche Scientifique, Belgium </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bokar Sangaré receives funding from Université libre de Bruxelles (ULB). </span></em></p>La reconquête de Kidal marque une nouvelle phase du conflit impliquant de nouveaux acteurs ainsi que de nouvelles stratégies militaires.Edoardo Baldaro, Postdoctoral Research Fellow, Université Libre de Bruxelles (ULB)Boubacar (Bokar) Sangaré, Doctorant, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166482023-11-12T10:58:35Z2023-11-12T10:58:35ZÉlection présidentielle de Madagascar : comprendre les stratégies et risques pris par les candidats<p>Initialement prévue le 9 novembre 2023, l’élection présidentielle à Madagascar a été <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/madagascar-lelection-presidentielle-est-reportee-dune-semaine-2671181">reportée au 16 novembre</a> à cause d’une blessure qui a handicapé l'un des candidats. Treize candidats sont en lice, dont le président sortant, Andry Rajoelina, qui a dû démissionner conformément aux dispositions de la Constitution.</p>
<p>Onze (mais finalement dix) d'entre eux, regroupés sous le nom de “Collectif des candidats”, contestent le déroulement du processus électoral. Ils exigent la disqualification d'Andry Rajoelina en tant que candidat en raison de sa <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/15/madagascar-le-president-rajoelina-est-bien-francais_6177722_3212.html">nationalité française qui aurait entraîné la perte de sa nationalité malgache</a>. Ils exigent aussi le remaniement (sinon le remplacement) de l'actuelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni), de la Haute cour constitutionnelle (HCC) et du gouvernement collégial dirigé par le Premier ministre Christian Ntsay. Ils sont en effet convaincus que ces institutions sont biaisées et soutiennent officieusement la candidature de Rajoelina. </p>
<p>Enfin et surtout, ils demandent une négociation (une “discussion sur table ronde”, comme ils disent) pour résoudre le conflit et répondre à leurs demandes. Pour le moment, la Fédération des églises chrétiennes (FFKM) et la présidente de l'Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa, essayent d'offrir en vain leur médiation.</p>
<p>Je suis un enseignant-chercheur en science politique. J'ai étudié la politique malgache pendant plusieurs années, en me focalisant sur <a href="https://scholar.google.com/citations?user=RLyAnTAAAAAJ&hl=en">le processus de démocratisation, les conflits et transitions politiques</a>. Je pense que cette élection présidentielle est cruciale pour l'avenir du pays, et il convient d'analyser les stratégies et les risques pris par chacun des candidats.</p>
<h2>Les revendications de l'opposition</h2>
<p>L'analyse des revendications du “Collectif des dix candidats” suggère qu'il est impossible de les satisfaire compte tenu du contexte actuel. D'une part, forcer Andry Rajoelina à participer à une négociation qui pourrait aboutir à sa propre disqualification en tant que candidat est tout à fait inconcevable. D'ailleurs, il a été révélé dernièrement qu'au moins deux autres candidats ont aussi une double nationalité franco-malgache : <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Jean-Jacques-Ratsietison-interpelle-a-ete-libere.html">Jean Jacques Ratsietison</a> et Sendrison Raderanirina.</p>
<p>Deuxièmement, l’actuel gouvernement collégial, la Ceni et la HCC n’accepteront jamais de cautionner une telle négociation, ni de se dissoudre et de céder le pouvoir à un nouveau gouvernement de consensus, à de nouvelles Ceni et HCC rebaptisée <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20130813-madagascar-nouvelle-cour-electorale-speciale-prete-serment">“Cour électorale spéciale” comme en 2013</a>. La satisfaction de ces revendications suppose qu'une nouvelle crise politique grave ou guerre civile survient. Ce qui pourrait justifier une implication de la communauté internationale, en particulier des institutions régionales telles que la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et l’Union africaine, pour faciliter <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">une transition</a> similaire à celle de 2009 à 2013 afin de résoudre le conflit et sortir le pays de la crise politique.</p>
<p>Le Collectif des candidats a entamé ses <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/a-madagascar-l-opposition-a-andry-rajoelina-descend-dans-la-rue-a-un-mois-de-la-presidentielle_6192052_3212.html">manifestations de rue le 2 octobre 2023.</a> Il entend les poursuivre jusqu'à ce que ses revendications soient satisfaites. </p>
<p>Cependant, de leur côté, Andry Rajoelina et deux autres candidats, Siteny Randrianasoloniaiko et Sendrison Raderanirina, ont lancé leur campagne électorale. Bien que les manifestations du Collectif soient généralement pacifiques, dès le début, les autorités locales et nationales ont recouru à des moyens sévères (particulièrement, l’utilisation à outrance des gaz lacrymogènes) et à <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/madagascar-lonu-sinquiete-de-la-repression-de-manifestations-lapproche-des-elections">des arrestations pour les réprimer</a>. </p>
<h2>Une situation volatile</h2>
<p>Dès lors, la question qui se pose à l'heure actuelle est de savoir si l'élection présidentielle aura lieu, comme prévu, au 16 novembre. Jusqu’à maintenant, rien n’est sûr car la situation est très volatile et la tension entre les deux camps risque de dégénérer à tout moment, surtout à l’approche de la date fatidique. Malgré tout, une chose est sûre : le gouvernement en place, la Ceni et la HCC, qui soutiennent dans une certaine mesure leur ancien patron, Andry Rajoelina, sont déterminés à ce que l’élection présidentielle se tienne à la date prévue. Reste à savoir alors s’ils réussiront dans cette entreprise.</p>
<p>Une autre question qui mérite d’être examinée est de savoir si une élection, qui risque de se dérouler dans un contexte de manifestations massives de rue et peut-être de violences, sera considérée comme “libre, équitable et acceptée par tous”. Cela dépendra des évaluations des différents observateurs électoraux et surtout des partenaires financiers dont le pays dépend pour sa survie économique. Plusieurs organisations de la société civile et la <a href="https://midi-madagasikara.mg/sadc-pour-lapaisement-a-madagascar/">SADC ont déjà annoncé leur participation en tant qu'observateurs</a>. </p>
<p>D'autres organisations nationales et internationales sont aussi attendues. De plus, la plupart des partenaires financiers ont contribué aux <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Les-premiers-fonds-du-Basket-Fund-arrivent.html">fonds de financement de l’ élection</a>. </p>
<p>Pourtant, cette élection comporte des risques importants aussi bien pour Andry Rajoelina et son équipe que pour les membres du Collectif des candidats. Pour les premiers, s’ils s’entêtent à organiser l’élection dans de telles conditions, sans essayer de diminuer la tension, ils risquent de faire face à un durcissement du mouvement de l’opposition et éventuellement à une guerre fratricide. De plus, même s’ils réussissent à tenir l’élection dans ces conditions, ils pourraient finalement aboutir à des résultats qui ne seront reconnus ni au niveau national, ni à l’échelle internationale. Dans ce cas, le <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">scénario de 2009</a> pourrait encore réapparaitre.</p>
<p>Pour les membres du Collectif des candidats, le risque le plus apparent serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina. </p>
<p>Le Collectif et ses partisans doivent être convaincus de la légitimité de leurs revendications pour risquer leur santé, leur liberté, et même leur vie dans les manifestations de rue. Ils doivent aussi avoir à leur disposition les moyens (matériels, financiers, et autres) nécessaires pour faire face à un gouvernement déterminé à tout faire pour tenir l’élection. </p>
<p>En définitive, les risques sont énormes pour toutes les parties impliquées. Il est important de peser attentivement les actions de chaque camp dans cette situation tendue. La stabilité politique et sociale du pays et son avenir dépendent, en grade partie, de la manière dont ces défis seront relevés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Ratsimbaharison does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Pour l'opposition malgache, le risque serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina.Adrien Ratsimbaharison, Professor of Political Science, Benedict CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171192023-11-06T17:02:49Z2023-11-06T17:02:49ZIsraël-Hamas : le mouvement pour la paix a-t-il été assassiné le 7 octobre ?<p>En Israël, le mouvement pacifiste et l’activisme anti-occupation, déjà <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/mar/14/the-fall-of-the-israeli-peace-movement-and-why-leftists-continue-to-fight">en recul</a> avant les attaques terroristes commises par le Hamas le 7 octobre, risque désormais de disparaître totalement.</p>
<p>Bon nombre des personnes assassinées le 7 octobre étaient des habitants de kibboutz, des collectifs résidentiels du sud d’Israël, dont les membres ont traditionnellement <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10848770903516212">tendance à soutenir les initiatives de paix et les droits des Palestiniens</a>, et à s’opposer à la colonisation ; certaines d’entre elles étaient des <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/10/world/middleeast/peace-activists-killed-israel.html">activistes et travailleurs communautaires très connus</a>. L’une des personnes disparues est la militante israélo-canadienne <a href="https://fr.timesofisrael.com/vivian-silver-otage-presumee-est-membre-de-women-wage-peace/">Vivian Silver</a>, 74 ans, qui fut en 2014 l’une des fondatrices du mouvement pacifiste israélien <a href="https://www.womenwagepeace.org.il/en/vivian-silver-a-peace-activist-is-missing/">Women Wage Peace</a>.</p>
<p>Après le 7 octobre, Dorit Rabinyan, membre du conseil d’administration de plusieurs organisations de gauche opposées à l’occupation israélienne de la Cisjordanie, a <a href="https://www.nytimes.com/2023/10/15/world/middleeast/hamas-israel-mood-distrust.html">déclaré au <em>New York Times</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais que ce n’est pas noble de ma part, je sais qu’il y a de la souffrance de l’autre côté, mais l’autre côté a pris des otages et a massacré si violemment, avec un tel entrain, que ma compassion est en quelque sorte paralysée. »</p>
</blockquote>
<p>Même la gauche israélienne réclame désormais des <a href="https://www.mekomit.co.il/%D7%A9%D7%9E%D7%90%D7%9C-%D7%99%D7%A7%D7%A8-%D7%9E%D7%95%D7%A1%D7%A8-%D7%96%D7%94-%D7%9C%D7%90-%D7%9E%D7%95%D7%AA%D7%A8%D7%95%D7%AA-%D7%92%D7%9D-%D7%95%D7%91%D7%9E%D7%99%D7%95%D7%97%D7%93-%D7%9C/">représailles militaires</a>. L’attaque du 7 octobre n’a pas seulement ébranlé le mouvement pacifiste ; elle a également suscité des <a href="https://theconversation.com/israel-hamas-war-a-political-scientist-explains-why-the-very-subject-of-peace-is-now-unthinkable-215317">interrogations sur son avenir</a>.</p>
<h2>Un espoir en berne</h2>
<p>Je viens de rentrer d’Israël et de Palestine, où j’ai <a href="https://blogs.prio.org/2023/08/in-the-israeli-democracy-protests-the-flag-has-become-the-contentious-topic-the-occupation-is-not/">effectué des recherches pendant dix ans</a> sur l’activisme pour la paix dans la région. En Israël, j’ai assisté à de nombreuses manifestations israélo-palestiniennes conjointes visant à dénoncer l’occupation de la Cisjordanie. J’ai également assisté à des <a href="https://afcfp.org/memorial/">événements israélo-palestiniens communs</a>, tels que la cérémonie commémorative annuelle en l’honneur des victimes aussi bien israéliennes que palestiniennes du conflit.</p>
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<p>Dans le cadre de mon récent travail de terrain, j’ai eu de longs échanges avec de nombreux militants palestiniens et israéliens pour la paix et contre l’occupation. Une chose m’a frappée : alors que ces gens espèrent la paix et y travaillent, ils ne prononcent que très rarement le mot « paix » lui-même.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1393908904447381504"}"></div></p>
<p>Comme le dit Yael (le prénom a été changé), une activiste israélienne :</p>
<blockquote>
<p>« Les Israéliens ne savent plus imaginer la paix parce que les gens ici ne savent plus imaginer une autre réalité que celle existante. »</p>
</blockquote>
<p>Noam (le prénom a été changé), un Israélien qui milite contre la colonisation, m’a dit la même chose lors d’une manifestation hebdomadaire contre l’expulsion de Palestiniens dans le quartier palestinien de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est :</p>
<blockquote>
<p>« Je crois que les gens parlent plus de la fin de l’occupation que de la paix. »</p>
</blockquote>
<p>Miriam (le prénom a été changé), une militante palestinienne d’une trentaine d’années, explique pourquoi il est devenu plus difficile pour les jeunes de parler de paix :</p>
<blockquote>
<p>« Le niveau de haine est si élevé parce que la jeune génération n’a pas vu ce que notre génération a vu. Nous avons vécu la première et la deuxième Intifadas, et même à cette époque, nous avions un espoir. Cette génération n’a pas un tel espoir, que ce soit côté palestinien ou côté israélien. »</p>
</blockquote>
<p>Des chercheurs ont montré qu’il n’y a <a href="https://www.academia.edu/24509323/The_Israeli_peace_movement_a_shattered_dream_by_Tamar_S_Hermann">plus eu de mouvement de paix aux contours clairs en Israël</a> depuis de nombreuses années, certains affirmant que ce mouvement avait quasiment disparu après la <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv16t6jdd">deuxième Intifada</a> (2000-2005).</p>
<p>Certains militants décrivent les années qui ont suivi cette période comme marquées par le <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780429501371-4/rabin-malaise-israeli-zionist-left-mark-rosenblum">désespoir</a> et une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14678802.2015.1100018">profonde désillusion</a> à l’égard des propositions des accords d’Oslo (1993-1995), une <a href="https://history.state.gov/milestones/1993-2000/oslo">tentative de règlement négocié</a> entre le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine, qui devait aboutir à la reconnaissance d’Israël par les Palestiniens et à l’exercice d’un pouvoir autonome palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza).</p>
<p>Malgré tout, il existe encore des organisations qui œuvrent en faveur de la paix, comme le groupe palestino-israélien <a href="https://cfpeace.org">Combatants for Peace</a> et le collectif d’activistes israéliens <a href="https://www.facebook.com/freejerusalem/">Free Jerusalem</a>. Ils sont toutefois de petite taille et ne disposent que de maigres ressources.</p>
<h2>La colère contre les activistes</h2>
<p>Les actions des différents gouvernements israéliens qui se sont succédé au cours des quinze dernières années ont joué un rôle central dans le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/israel-law-review/article/israeli-pretransitional-justice-and-the-nakba-law/38FDCE76C2764DED2B9A26A596737DEC">rétrécissement de l’espace</a> dévolu à la société civile, aux organisations de défense des droits de l’homme, aux militants anti-occupation et aux mouvements pour la paix. En 2016, la Knesset, le parlement israélien, a adopté une loi obligeant les ONG qui recevaient plus de <a href="https://www.ssoar.info/ssoar/bitstream/handle/document/54348/ssoar-2017-asseburg-Shrinking_spaces_in_Israel_contraction.pdf">50 % de leur financement</a> de la part d’organisations étrangères à rendre compte publiquement de l’origine de leurs subventions. Des campagnes massives ont également été menées <a href="https://www.ssoar.info/ssoar/bitstream/handle/document/54348/ssoar-2017-asseburg-Shrinking_spaces_in_Israel_contraction.pdf">pour détériorer l’image des militants</a> auprès de l’opinion publique israélienne.</p>
<p>La façon dont certaines organisations militant pour la paix ont été qualifiées de « traîtres », de « collaborateurs des terroristes » ou d’« agents étrangers » par des responsables politiques et des groupes de réflexion de droite en est un exemple. Par exemple, en 2015, le mouvement de droite israélien <em>Im Tirtzu</em> (« Si vous le voulez ») a accusé les ONG israéliennes de défense des droits de l’homme d’être des « agents étrangers » et de <a href="https://www.haaretz.com/opinion/2015-12-16/ty-article/.premium/im-tirtzus-video-equates-human-rights-with-treason/0000017f-f6b6-d5bd-a17f-f6be755a0000">saboter activement les efforts israéliens en matière de lutte contre le terrorisme</a>. L’espace réservé aux défenseurs des droits des Palestiniens, et spécialement à ceux <a href="https://www.google.se/books/edition/The_Israeli_Radical_Left/9JplDwAAQBAJ">qui appellent à la fin de l’occupation</a> de la Cisjordanie, s’est donc progressivement réduit.</p>
<p>Aujourd’hui, malgré la douleur, le chagrin et l’incrédulité engendrées par les atrocités du 7 octobre, certaines organisations israéliennes, et certains citoyens à titre individuel, s’élèvent contre l’opération militaire en cours à Gaza, soulignant que tous les habitants de Gaza ne sont pas coupables ou ne soutiennent pas les attentats.</p>
<p>B’tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme, a tweeté le 13 octobre : « Non : Un million de personnes dans le nord de Gaza ne sont pas coupables. Elles n’ont nulle part où aller. Ce n’est pas à cela que ressemble la lutte contre le Hamas. C’est de la vengeance. Et des innocents souffrent. »</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1712727623976071362"}"></div></p>
<p>Noy Katsman, un militant israélien pour la paix et contre l’occupation, dont le frère Hayim, qui partageait ses convictions, a été tué par le Hamas le 7 octobre, a déclaré <a href="https://edition.cnn.com/videos/world/2023/10/10/tl-noy-katsman-jake-tapper-live.cnn">dans une interview à CNN</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La chose la plus importante pour moi et pour mon frère est que sa mort ne soit pas utilisée pour justifier le meurtre de personnes innocentes. »</p>
</blockquote>
<p>Noy lui-même, et beaucoup d’autres militants, sont désormais pris pour cible dans leur propre communauté parce qu’ils <a href="https://www.thenationalnews.com/mena/2023/10/14/not-in-my-brothers-name-israeli-peace-activist-calls-for-halt-to-gaza-bombings/">refusent de considérer l’autre camp comme l’ennemi</a>.</p>
<h2>Résister à l’attrait de la vengeance</h2>
<p>Lors d’un <a href="https://twitter.com/cfpeace/status/1715010351119405525">webinaire organisé le 20 octobre</a> par l’ONG israélo-palestinienne Combatants for Peace, des militants palestiniens et israéliens se sont réunis pour réaffirmer leur attachement commun à la paix, à la justice et à la non-violence dans un contexte de guerre. Comme l’a dit la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ldEIyjw9hhU">militante palestinienne Mai Shahin</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ce système violent ne cesse d’essayer de nous faire croire qu’il est la seule voie possible. S’il est si difficile aujourd’hui aux Palestiniens et aux Israéliens de continuer de discuter, c’est parce que, ce faisant, nous nous attaquons à ce système, qui finira par se briser si nous nous retrouvons, nous associons et agissons ensemble. »</p>
</blockquote>
<p>Même si le désespoir et les appels à la vengeance prédominent aujourd’hui, il existe toujours des personnes et des organisations engagées qui s’élèvent contre la politique sécuritaire conduite par Israël et contre les bombardements de civils à Gaza. Comme l’a récemment écrit l’activiste israélienne <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/oct/09/israel-war-hamas-benjamin-netanyahu-government">Orly Noy</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La vengeance est le contraire de la sécurité, le contraire de la paix et le contraire de la justice. Ce n’est rien d’autre que plus de violence. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/217119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Lene Stein est financée par le Riksbankens Jubileumsfond.</span></em></p>De nombreux militants israéliens pour la paix ont été tués le 7 octobre. Aujourd’hui, c’est leur idéal même qui est à l’article de la mort.Anne Lene Stein, PhD candidate in political science, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163142023-10-26T17:58:04Z2023-10-26T17:58:04ZLe soutien de façade des Russes à la guerre en Ukraine<p><em>« Les Russes veulent-ils la guerre ? » Depuis le 24 février 2022, le monde entier se pose souvent cette question, tentant de comprendre – au vu de sondages effectués dans un contexte de contrôle et de suspicion qui rend très complexe l’analyse de leurs résultats – si la société russe soutient réellement Vladimir Poutine dans son invasion de l’Ukraine.</em></p>
<p><em>Vera Grantseva, politologue russe installée en France depuis 2021, a donné ce titre, emprunté à un célèbre poème d’Evguéni Evtouchenko, à <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/20338/Les-Russes-veulent-ils-la-guerre">l’ouvrage qu’elle vient de publier aux Éditions du Cerf</a>. Il peut sembler, à première vue, que, aujourd’hui, les Russes n’ont rien contre la guerre qui ravage l’Ukraine. Pourtant, l’analyse fine que propose Vera Grantseva, sur la base de l’examen de nombreuses enquêtes quantitatives et qualitatives et de divers autres éléments (émigration, résistance passive, repli sur des communautés Internet sécurisées) remet en cause cette idée reçue. Nous vous proposons ici un extrait du chapitre « Un soutien de façade au conflit ».</em></p>
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<p>Il est important de comprendre combien l’attitude de la société vis-à-vis des opérations militaires en Ukraine a changé tout au long de la première année du conflit. Au cours de la période allant de mars 2022 à février 2023, plusieurs phases correspondant aux chocs externes et aux problèmes internes accumulés peuvent être identifiées. On en retiendra quatre : (1) le choc, du 24 février 2022 à fin mars 2022 ; (2) la polarisation, d’avril à septembre 2022 ; (3) la mobilisation, de septembre à novembre 2022 ; (4) la normalisation, de décembre 2022 à l’été 2023.</p>
<h2>Le choc</h2>
<p>Commençons par le choc qu’a constitué, pour l’ensemble des Russes, la déclaration de guerre du 24 février 2022. La plupart des gens ne pouvaient pas croire que Vladimir Poutine, malgré la montée des tensions au cours des mois précédents, oserait envoyer des troupes dans un pays voisin. Dans les premiers jours, beaucoup ont refusé de croire à la réalité des combats, que des chars avaient traversé la frontière et attaquaient des villes et des villages en Ukraine, qu’il s’agissait d’une véritable guerre. D’ailleurs, Poutine a présenté tout ce qui se passait comme une « opération militaire spéciale », qui devrait être achevée à la vitesse de l’éclair et presque sans effusion de sang. C’est le discours qu’ont tenu les médias russes, dont la plupart sont contrôlés par le gouvernement, sur la base de rapports militaires.</p>
<p>Le choc initial a paralysé la plupart des Russes, mais il a aussi incité certains à s’exprimer ouvertement. Ce sont ces personnes qui ont commencé à descendre dans les rues des grandes villes pour exprimer leur désaccord. Certes, ils étaient une minorité, quelques milliers seulement. Mais compte tenu de la répression à laquelle ils s’exposaient, leur démarche prend une importance tout autre. Ces quelques milliers de citoyens qui se sont rassemblés les premiers jours ont montré que malgré tous les efforts des autorités et de la propagande, il y avait dans le pays des gens capables non seulement de critiquer les autorités, mais d’aller jusqu’à risquer leur vie pour le dire lorsque le pouvoir franchit une ligne rouge.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TiabnDJZd1g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>La polarisation</h2>
<p>Assez rapidement, le choc a laissé place à une polarisation renforcée. Fin mars, la législation criminalisant l’opposition à la guerre sous toutes ses formes était venue à bout des voix discordantes dans l’espace public. Les dissidents se sont montrés plus prudents et les discussions politiques se sont déplacées dans les cuisines, comme c’était le cas à l’époque soviétique. Il est rapidement devenu clair que toute position médiane, que toute nuance, que tout compromis était intenable s’agissant d’un sujet comme la guerre en Ukraine.</p>
<p>Nombreuses furent les familles à se déchirer, la fracture générationnelle entre les jeunes et leurs parents ou leurs grands-parents étant la situation la plus fréquente. Pour les uns, la Russie commettait un crime de guerre, pour les autres, la SVO [sigle russe signifiant « Opération militaire russe »] était la condition de son salut. L’option consistant à quitter le pays s’invitant parfois dans les conversations. <a href="https://www.extremescan.eu/post/support-for-the-war-among-those-surveyed-in-russia-has-dropped-to-55">Une étude de Chronicles</a> a montré que 26 % des personnes interrogées ont cessé de communiquer avec des amis proches et des parents pour des raisons telles que des opinions divergentes sur la politique et la guerre, et la perte de contact avec ceux qui ont quitté le pays ou sont partis pour le front.</p>
<p>Dès lors, deux ordres de réalité se faisaient face, recoupant eux-mêmes un accès différencié à l’information. De nombreux partisans de la guerre ont sciemment choisi des sources d’information unilatérales, principalement gouvernementales, qui leur ont montré une image éloignée de la réalité, mais leur permettaient de maintenir leur propre confort psychologique. Il leur était relativement facile de rester patriotes, de ne pas critiquer les autorités et de ne pas résister à la guerre : après tout, dans leur monde, il n’y avait pas de bombardements de zones résidentielles, il n’y avait pas de tortures ou de violences perpétrées sur les habitants des territoires occupés, aucune ville ni aucun village n’a été rasé et, après tout, aucun crime de guerre n’a été découvert à Bucha et Irpin après le retrait de l’armée russe des faubourgs de Kiev : « Nos soldats n’ont pas pu faire cela, cela ne peut pas être vrai. » Cette barrière psychologique n’a pas été imposée à ces gens ; il faut reconnaître la part du choix personnel leur permettant de vivre comme avant sans avoir à se confronter à la réalité des combats.</p>
<p>À l’inverse, une partie de la population a refusé de fermer les yeux et de se renseigner sur les horreurs du conflit. Ces personnes se trouvent le plus souvent isolées.</p>
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<p>À l’été 2022, l’intensité de la polarisation dans la société russe a commencé à diminuer : l’enthousiasme des partisans du conflit s’estompait tandis que la non – résistance de la majorité de la population se faisait plus pessimiste. Les premiers ont été déçus que la Russie ne remporte pas une victoire rapide sur une nation dont ils niaient la capacité à résister et jusqu’à l’existence même. Quant aux autres, la perspective d’une paix retrouvée et avec elle du retour à la vie normale semble de plus en plus lointaine. De plus, les conséquences économiques de l’aventure militaire se font sentir : l’inflation des biens de consommation courante bat tous les records (atteignant 40 à 50 % pour certains produits), la qualité de vie décline rapidement avec le départ des entreprises occidentales du pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-leconomie-russe-est-a-la-peine-182687">Guerre en Ukraine : l’économie russe est à la peine</a>
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<h2>La mobilisation</h2>
<p>Le 21 septembre, malgré sa promesse de ne pas utiliser de réservistes civils, le président Poutine a décrété la mobilisation partielle, provoquant un séisme dans le pays. À ce moment-là, les Russes ont enfin compris qu’il serait impossible de se soustraire à la guerre et que tout le monde finirait par y prendre part. C’était le coup d’envoi de la deuxième plus grande vague d’émigration après celle ayant suivi le 24 février 2022. Cette fois, ce sont les jeunes hommes qui sont partis. Beaucoup d’entre eux ont pris une décision à la hâte, ont fait leurs valises et, dès le lendemain, ont gagné la Géorgie, l’Arménie, le Kazakhstan.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/erevan-le-refuge-russe-au-coeur-de-larmenie-196526">Erevan, le « refuge » russe au cœur de l’Arménie</a>
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<p>La plupart n’avaient pas de plan, pas de scénario préparé, de connexions, de moyens. Cette vague de départs, contrairement à la première, n’a pas touché que la classe moyenne : les représentants des classes les plus pauvres, même des régions reculées, ont également fui la mobilisation forcée. Ainsi, fin septembre, environ 7 000 personnes ont quitté la Russie pour la Mongolie, principalement depuis les régions voisines de Bouriatie et Touva.</p>
<p>À ce moment-là, le reste de la population russe a commencé à recevoir massivement des citations à comparaître : des jeunes hommes ont été mobilisés directement dans le métro, à l’entrée du travail, et même surveillés jusqu’à l’entrée des immeubles résidentiels le soir. Beaucoup d’hommes sont passés à la clandestinité : ils ont arrêté d’utiliser les transports en commun, ont déménagé temporairement pour vivre à une autre adresse et n’ont pas répondu aux appels. Fin septembre 2022, le niveau d’anxiété avait presque doublé par rapport à début mars, passant de 43 % à 70 %.</p>
<p>De nombreux experts s’attendaient à ce que la mobilisation marque un tournant en matière de politique intérieure, poussant la société russe à résister activement à la guerre. Il n’en a rien été.</p>
<p>Malgré le choc initial provoqué par le décret de mobilisation, ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas partir se sont adaptés aux nouvelles réalités, choisissant entre deux stratégies : se cacher ou laisser le hasard agir. Grâce à des lois répressives et à une propagande écrasante, certains Russes, ne ressentant aucun enthousiasme pour la guerre déclenchée par Poutine dans un pays voisin, ont progressivement accepté la mobilisation comme une chose normale. Le gouvernement russe a su jouer sur la peur autant que sur la honte pesant sur celui qui refuse d’être un « défenseur de la patrie » et de se battre « comme nos grands-pères ont combattu » – les parallèles avec la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 ont largement été mobilisés. Et nombreux furent les jeunes Russes à se rendre finalement, avec fatalisme, au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire pour partir au front.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555646/original/file-20231024-30-xgi4nl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans toutes les villes, de grandes affiches, parfois de la taille d’un immeuble entier, célèbrent les militaires participant à la guerre en Ukraine, présentés comme des « héros de la patrie ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnold O. A. Pinto/Shutterstock</span></span>
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<h2>La normalisation</h2>
<p>En septembre-octobre 2022, tandis que Kiev multipliait les discours triomphalistes, le soutien à la guerre s’est durci sur fond de recul de l’armée russe dans la région de Kherson et d’augmentation du nombre de victimes militaires. À l’origine de ce nouvel état d’esprit ? La peur.</p>
<p>52 % des personnes interrogées à l’automne pensaient que l’Ukraine envahirait la Russie si les troupes du Kremlin se retiraient aux « frontières de février ». Ainsi se révélaient non seulement la peur de la défaite, mais aussi la peur croissante des représailles pour les crimes de guerre commis. De là un double mouvement : d’une part, la diffusion croissante d’une peur réelle que l’armée russe soit défaite, et de l’autre, une acceptation grandissante au sein de la majorité de la population de la nécessité de la mobilisation, perçue comme une « nouvelle normalité » et reconfigurée sous l’angle de la responsabilité civique et de la solidarité sociale. L’anxiété produite par la perspective de l’enrôlement massif des jeunes hommes s’est finalement estompée fin octobre : l’ampleur de la mobilisation s’est avérée moins importante que prévu.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cet extrait est tiré de « Les Russes veulent-ils la guerre ? », qui vient de paraître aux Éditions du Cerf.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, depuis décembre 2022, la société russe est entrée dans une phase de « normalisation » de la guerre ou, comme le suggèrent les chercheurs du projet Chronicles, d’« immersion dans la guerre ». Pour eux, la dimension la plus frappante des changements de l’hiver et du printemps 2023 a été l’adaptation des attentes du public à la réalité d’une guerre longue. En dépit du risque d’être appelé, la plupart des Russes pouvaient continuer à vivre leur vie normalement malgré la mobilisation partielle. Des études sociologiques ont montré que la proportion de Russes anticipant une guerre prolongée est passée de 34 % en mars 2022 à 50 % en février 2023. Les experts de Chronicles décrivent ainsi une société « immergée » dans la guerre, devenue pour beaucoup le cadre d’une nouvelle existence.</p>
<p>L’historien britannique Nicholas Stargardt <a href="https://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311101386-la-guerre-allemande">distingue quatre phases</a> par lesquelles est passée la société allemande pendant la Seconde Guerre mondiale au cours des quatre années de conflit sur le front de l’Est : « Nous avons gagné ; nous allons gagner ! ; nous devons gagner ! ; nous ne pouvons pas perdre. »</p>
<p>On peut supposer qu’à partir du printemps 2023, la société russe a atteint le troisième stade : « Nous devons gagner ! » Entre autres différences significatives, quoiqu’immergée dans la guerre, la population russe n’en présente pas moins un potentiel de démobilisation non négligeable – et nombreux sont ceux qui aspirent à une paix rapide. En dépit des efforts de la propagande, le soutien idéologique à la guerre demeure faible et, pour un soldat, les objectifs fixés peinent à justifier l’idée de sacrifier sa vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216314/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vera Grantseva ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Kremlin affirme que la quasi-totalité de la population soutient pleinement son action en Ukraine. Une assertion qu’il convient de sérieusement nuancer.Vera Grantseva, Professeur associé de la Haute école des études économiques (Russie). Enseignante en relations internationales à Sciences Po., Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118512023-09-12T14:08:41Z2023-09-12T14:08:41ZCoup d’État au Niger : de la surprise à l'installation au pouvoir<p><a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-a-ete-a-lorigine-du-coup-detat-au-niger-un-expert-enumere-trois-facteurs-determinants-210749">Le coup d'État au Niger</a>, le 26 juillet, a été une surprise tant pour les Nigériens que pour le reste du monde. Cette surprise peut s'expliquer par trois raisons. </p>
<p>La première concerne le fait qu'aucun événement ou situation récent (attentat terroriste, tension sociale, blocage politique, etc.) n'était susceptible de déboucher sur un coup de force. </p>
<p>La deuxième raison est que de nombreux Nigériens pensaient qu'un coup d'État avait peu de chances d’aboutir, car le parti au pouvoir avait réussi à contrecarrer plusieurs <a href="https://www.crisisgroup.org/fr/africa/sahel/niger/tentative-de-coup-detat-au-niger-eviter-la-confrontation-armee">tentatives</a>. </p>
<p>La troisième et dernière raison est la forte présence de troupes étrangères (françaises et américaines) sur le territoire nigérien. Cela pouvait laisser penser que ces puissances étrangères feraient tout pour éviter un <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-niger-laboratoire-du-nouveau-dispositif-militaire-francais-en-afrique-24-05-2023-2521445_3826.php">scénario malien ou burkinabé</a> au Niger. De ce point de vue, la particularité de ce coup d'État est d'avoir interrompu la première transition démocratique d'un président élu à un autre président élu au suffrage universel. </p>
<p>Le caractère surprenant et le contexte dans lequel s'est déroulé le coup d'État du 26 juillet, ont engendré toutes sortes de théories du complot et des rumeurs, dans les rues de Niamey et dans les médias étrangers, pour tenter d'en expliquer les raisons. Parmi les versions qui circulent, figure celle accusant la Russie ou le groupe Wagner, d'avoir fomenté le putsch ou l'ancien président <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/coup-detat-au-niger-lancien-president-mahamadou-issoufou-sexprime-2662001">Issoufou Mahamadou</a> d'être complice de Abdourahmane Tchiani en raison de leur proximité. </p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur les dynamiques sociales et politiques au Sahel, nous pensons que pour analyser les raisons réelles qui ont conduit à ce putsch, il faut comprendre la relation entre le président Mohamed Bazoum et le commandant de la garde présidentielle Tchiani, et le lien que ces deniers entretiennent avec leur mentor, l'ancien président Issoufou Mahamadou.</p>
<h2>De l'opposition politique au pouvoir</h2>
<p>Issoufou Mahamadou est le président du <a href="https://pnds-tarayya.net/">Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme</a> (PNDS-Tarayya) depuis sa création en 1990. Il a réussi à constituer un large cercle de partisans et un vaste réseau à l'intérieur et à l'extérieur du pays, faisant de lui l'un des principaux acteurs de la vie politique nigérienne. </p>
<p>Issoufou a également réussi à faire de sa région natale Tahoua, située dans le nord-ouest du pays, non loin de la frontière malienne, son principal fief politique. Bazoum, qui était la deuxième personnalité du parti depuis sa création, avait gardé un profil bas dans le parti. Ce qui a empêché toute division au sein de cette organisation. Bazoum, a plusieurs fois déclaré, son entière confiance et sa ferme fidélité à Issoufou Mahamadou. </p>
<p>Bazoum a toutes les raisons d'afficher sa loyauté, envers celui qui l'a imposé comme candidat à sa succession, malgré l'opposition d'une frange du parti. L'opposition a aussi attaqué la candidature de Bazoum à la justice, soulevant la question d’éligibilité liée à <a href="https://levenementniger.com/niger-contestation-de-la-nationalite-de-bazoum-la-cour-dans-un-jeu-flou/">l'authenticité</a> de son certificat de naissance. </p>
<p>Une fois au pouvoir, Bazoum s'est retrouvé piégé par les ingérences de son prédécesseur. Mahamadou Issoufou a toujours voulu garder la main sur le pouvoir. Malgré ses deux mandats à la tête de l'État (2011-2021), il a maintenu ses proches aux postes clés de l'État, après l'accession de Bazoum au pouvoir. L'exemple le plus illustratif est le cas de son fils Sani Issoufou, qui détenait le portefeuille du ministère des mines et du pétrole dans le gouvernement d'Ouhoumoud Mahamadou. </p>
<p>Ce dernier, est aussi un des fidèles d'Issoufou. De plus, dans ses discours, Bazoum a toujours insisté sur la continuité de la gestion d'Issoufou en qualifiant son mandat de <a href="https://nigerdiaspora.net/32-politique-niger/18847-renaissance-acte-iii-de-la-continuite-a-la-rupture">“renaissance acte trois”</a>. Mais dans ses actions, il s'est démarqué de la politique de son successeur en faisant de la lutte contre les détournements de deniers publics sa priorité et <a href="https://theconversation.com/niger-le-coup-detat-augure-des-lendemains-incertains-pour-le-pays-210815">en changeant la politique sécuritaire</a> du pays.</p>
<h2>Se défaire de l'étau</h2>
<p>Cette nouvelle politique a suscité <a href="https://www.jeuneafrique.com/1474423/politique/coup-detat-au-niger-et-si-le-petrole-expliquait-tout/">le mécontentement</a> au sein de son parti, notamment certains milieux d'affaires qui ont vu leurs intérêts menacés. C'est par exemple, sur instruction du président Bazoum, que certaines personnes proches de l'ancien régime Issouffou ont été <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/niger-mohamed-bazoum-annonce-larrestation-dune-trentaine-de-hauts-cadres/2560128">traduites en justice</a> pour détournement de fonds publics. </p>
<p>Sur le plan sécuritaire, il y a eu l'arrivée massive de militaires français, mais aussi de nouveaux acteurs civils au palais présidentiel, désormais en charge des questions de sécurité, comme son conseiller spécial avec rang de ministre, l'ancien chef rebelle touareg, <a href="https://www.jeuneafrique.com/1472040/politique/rhissa-ag-boula-au-niger-la-resistance-doit-etre-lobjectif-de-tous/">Rhissa Ag Boula</a>. Cette nouvelle approche sur le plan sécuritaire, a engendré un malaise au sein de l'armée qui s'est vue reléguée au second plan. Bien avant le coup d'État, certains hommes d'affaires proches du parti au pouvoir ont fait part de leur mécontentement, face à la gestion de Bazoum, car ils n'avaient plus accès aux marchés publics comme c'était le cas à l'époque d'Issoufou. </p>
<p>Bazoum comptait s'appuyer sur des acteurs locaux et des partenaires extérieurs, pour assurer la sécurité de son pays. Une démarche mal accueillie par l'armée, et au premier rang le commandant de la garde présidentielle, qui a eu du mal à accepter le nouveau changement de politique de son nouveau patron. </p>
<p>Plusieurs sources ont indiqué que le commandant de la garde présidentielle, le général de brigade Tchiani, qui se voyait de plus en plus exclu de la gestion de l'Etat, s'en est plaint à son véritable chef, l'ancien president Issoufou Mahamadou qui l'a maintenu à son poste qu'il occupait de 2011 jusqu'au 26 juillet, le jour du coup d'État. </p>
<p>Conscient du contexte propice au changement, Tchiani réussit à rallier l'armée à sa cause et à obtenir le soutien d’une partie de la population de Niamey, opposée à la gestion clanique du PNDS. C'est ainsi que le Niger a tourné le dos à ses alliés occidentaux, pour se rapprocher des régimes de Bamako et de Ouagadougou.</p>
<h2>Soutien de la jeunesse</h2>
<p>Le succès de ce putsch est dû à la détermination du général Tchiani. Dès le premier jour du putsch, certains observateurs avaient cru qu'il allait renoncer à sa tentative grâce à la médiation de son chef, Mahamadou Issoufou. Mais ce dernier, n'a pas réussi à faire reculer Tchiani. Finalement, un compromis fut trouvé entre les différents corps de l'armée pour éviter tout affrontement. </p>
<p>La détermination du général Tchiani, à la tête du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), lui a permis non seulement de rallier l'armée à sa cause, mais aussi de faire échouer toute tentative de médiation. Le bras de fer qui a débuté le premier jour entre le CNSP et la France – en raison de la reconnaissance de Bazoum comme seul président légitime par Paris – a largement contribué à susciter le soutien de la jeunesse, qui s'est mobilisée pour soutenir le CNSP et exiger le retrait des forces françaises stationnées dans le pays, pour protester contre les sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao). Les agissements de la France et de la Cedeao ont donc poussé en quelque sorte le général Tchiani à envisager <a href="https://theconversation.com/niger-un-coup-detat-pas-comme-les-autres-211242#:%7E:text=Celui%20du%2026%20juillet%202023,consid%C3%A9rablement%20affaibli%20durant%20cette%20p%C3%A9riode.&text=Le%20coup%20d%27%C3%89tat%20ne,au%20sein%20m%C3%AAme%20du%20parti">une rupture</a> avec les Occidentaux.</p>
<h2>S’inspirer du cas malien</h2>
<p>Tchiani semble déterminé à rester au pouvoir, eu égard aux échecs de la diplomatie. La junte de Niamey semble prendre le même chemin que le Mali et le Burkina Faso. Quelques jours après la prise du pouvoir à Niamey, les putschistes regroupés au sein du CNSP ont rapidement dépêché une importante délégation à Bamako et Ouagadougou, avec à leur tête le numéro deux de la junte, l'ancien chef d'état-major général <a href="https://www.letemps.ch/monde/figure-de-la-junte-nigerienne-le-general-mody-est-arrive-a-bamako">Salifou Mody</a>. </p>
<p>Les déclarations de soutien se poursuivent et les visites de délégations se sont intensifiées entre les trois pays. Tout comme au Mali, la stratégie des militaires à Niamey est de rassembler les Nigériens au tour d'un nationalisme qui permet de galvaniser les foules et en même d'asseoir leur pouvoir politique. </p>
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<figcaption><span class="caption">Un débat télévisé sur les actions à entreprendre par les militaires au pouvoir sur la télévision publique du Niger.</span></figcaption>
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<p>L'opinion nigérienne ignore encore le projet politique, économique, culturel et social des militaires. L’approche sécuritaire semble être la rupture avec la France, comme ses deux voisins auparavant. Si la junte continue sur sa lancée actuelle, le Niger connaîtra probablement un scénario à la malienne. </p>
<p>La question de l'intervention militaire de la Cedeao et la présence de militaires français au Niger sont les deux principales ressources politiques que le CNSP mobilise en sa faveur. Dès ses premiers communiqués, le CNSP s'en est pris à la France en dénonçant des “efforts de déstabilisation et de violations des frontières nigériennes”. Le CNSP a aussi dénoncé tous les <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/niger-les-putschistes-denoncent-des-accords-militaires-avec-la-france-04-08-2023-2530554_3826.php">accords militaires et de défense</a> signés avec la France. </p>
<p>A contrario, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aVwdAd0ooJ4">les déclarations</a> des autorités françaises rejetant toute option de quitter le territoire nigérien, renforcent le sentiment souverainiste au sein de l'opinion publique locale.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/17/niger-la-cedeao-se-reunit-au-ghana-pour-discuter-d-une-eventuelle-intervention-armee_6185718_3212.html">La marge de manœuvre</a> de la Cedeao semble très réduite dans cette nouvelle crise politique. Elle joue peut-être sa dernière carte de crédibilité. Le discours de “rétablissement de la démocratie”, est devenu dans le discours des putschistes, celui d’une “attaque contre le Niger”. </p>
<p>La présence militaire française est de plus en plus contestée en Afrique, comme en témoignent <a href="https://www.jeuneafrique.com/1476799/politique/au-niger-week-end-de-manifestations-contre-la-france-avant-la-fin-de-lultimatum-donne-a-son-ambassadeur/">les manifestations</a> devant sa base au Niger. La diplomatie française ne semble pas avoir tiré les leçons de ses échecs précédents. Elle gagnerait beaucoup à se faire plus discrète. Plus elle est visible, plus elle renforce les autorités militaires nigériennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La stratégie des militaires est de rassembler les Nigériens au tour d'un nationalisme animé par un discours de fierté nationale qui permet de galvaniser les foules.Ibrahim Bachir Abdoulaye, Assistant de recherche et doctorant à Bayreuth International Graduate School of African Studies, Bayreuth International Graduate School of African StudiesLamine Savané, PhD science politique, ATER, CEPEL (UMR 5112) CNRS, Montpellier, Post doctorant PAPA, Université de SégouLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995712023-02-16T20:28:10Z2023-02-16T20:28:10ZL’ONU peut-elle contribuer à mettre fin à la guerre en Ukraine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509570/original/file-20230211-20-8306e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C5946%2C3925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">25&nbsp;février 2022&nbsp;: le Conseil de sécurité se réunit pour voter sur une résolution exigeant le retrait immédiat d’Ukraine des troupes russes, qui ont attaqué la veille. Le texte sera rejeté en raison du veto opposé par Moscou.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/new-york-ny-february-25-2022-2129406371">lev radin/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Un an plus tard, le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ukraine-180-000-soldats-russes-et-100-000-ukrainiens-morts-ou-blesses-22-01-2023-2505731_24.php">bilan est dramatique</a> et rien n’indique que le conflit prendra fin de sitôt, les deux parties affichant des exigences qui semblent inconciliables, tandis que sur le terrain la détermination russe se heurte à une résistance ukrainienne acharnée et soutenue par de nombreux États occidentaux.</p>
<p>Dans ce contexte mortifère, l’Organisation des Nations unies peut-elle agir de façon à ramener la paix ? Ce qui est sûr, c’est que si elle y a échoué depuis un an, elle ne relâche pas ses efforts pour autant…</p>
<h2>La paix, raison d’être de l’ONU</h2>
<p>Rappelons que la paix est le but premier de l’ONU, créée en 1945, au lendemain de la guerre la plus sanglante de l’histoire de l’humanité. Sa Charte affirme dès la première phrase de son préambule que le but de l’ONU est de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter">« préserver les générations futures du fléau de la guerre »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ukraine – L’ONU : un modèle à bout de souffle ? – Le Dessous des cartes – L’essentiel | Arte, 13 avril 2022.</span></figcaption>
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<p>L’Assemblée générale de l’ONU, où chacun des États membres (aujourd’hui au nombre de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/member-states">193</a>) dispose d’une voix, a adopté, au cours de l’année écoulée, plusieurs résolutions visant à stopper la guerre et à condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine. Ces résolutions ne sont pas contraignantes, à l’inverse de celles votées par le <a href="https://unric.org/fr/ressources/lonu-en-bref/competences-et-prises-de-decision-de-lonu/">Conseil de sécurité</a>. Ces dernières doivent être adoptées par au moins neuf voix, sur les quinze membres (les cinq permanents, et dix membres élus par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans selon un principe de rotation).</p>
<p>Or, le Conseil de sécurité est paralysé car la Russie oppose systématiquement son veto à toute résolution du Conseil la condamnant, comme elle l’a fait le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/26/l-onu-impuissante-a-voter-une-resolution-contre-l-agression-russe_6115350_3210.html">25 février</a> (sur la résolution « déplorant l’agression russe ») et le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/01/au-conseil-de-securite-de-l-onu-la-russie-met-son-veto-a-la-resolution-condamnant-ses-annexions_6143916_3210.html">30 septembre</a> (sur celle condamnant l’annexion de quatre régions ukrainiennes).</p>
<h2>Une multitude d’actions depuis un an</h2>
<p>En dépit du blocage du Conseil de sécurité par Moscou, l’Assemblée générale a pu se faire entendre à de nombreuses reprises.</p>
<p>Le 2 mars, elle adopte une résolution <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115472">exigeant le retrait des troupes russes</a>. Le 7 avril, une autre résolution <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/04/1117912">suspend la Russie du Conseil des droits de l’homme</a> – une instance onusienne qui <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/271175-quest-ce-que-le-conseil-des-droits-de-lhomme-onu">compte 47 États membres</a> répartis par zone géographique, élus à bulletin secret et à la majorité absolue par l’Assemblée générale pour trois ans.</p>
<p>En mai, le Conseil des droits de l’homme vote une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/05/1119902">résolution demandant l’ouverture d’une enquête sur les atrocités reprochées aux troupes d’occupation russes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-crimes-commis-en-ukraine-pourront-ils-un-jour-faire-lobjet-dun-proces-international-181021">Les crimes commis en Ukraine pourront-ils un jour faire l’objet d’un procès international ?</a>
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<p>En juillet, l’ONU contribue à l’adoption d’un <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/10/1129012">accord</a> pour permettre la reprise des exportations de céréales ukrainiennes.</p>
<p>En novembre, l’Assemblée générale adopte une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/11/1129817">résolution appelant la Russie à verser des réparations de guerre à l’Ukraine</a>. Mais cette résolution est restée lettre morte, la Russie n’y répondant pas.</p>
<p>Ce qui ne veut pas dire que l’ONU ne fait rien de concret pour l’Ukraine : avec ses programmes et ses agences spécialisées comme l’<a href="https://www.unesco.org/fr/articles/ukraine-lunesco-lance-un-nouveau-programme-de-soutien-aux-journalistes-ukrainiens">Unesco</a>, l’<a href="https://www.who.int/europe/fr/news/item/16-12-2022-who-supported-emergency-medical-teams-begin-work-in-newly-regained-areas-in-ukraine">OMS</a>, la (<a href="https://www.fao.org/in-focus/fr">FAO</a>), l’<a href="https://www.unicef.org/fr/urgences/la-guerre-en-ukraine-constitue-une-menace-immediate-pour-les-enfants">Unicef</a>, le <a href="https://fr.wfp.org/urgences/urgence-en-urkaine#:">PAM</a> et les autres, elle a, depuis février, aidé plus de 14 millions d’Ukrainiens sur le plan humanitaire. <a href="https://unric.org/fr/onu-et-la-guerre-en-ukraine-les-principales-informations/">Plus de 1 400 membres du personnel de l’ONU sont présents en Ukraine</a>, apportant de la nourriture, des abris, des couvertures, des médicaments et de l’eau aux habitants démunis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624077031938920449"}"></div></p>
<p>La situation humanitaire est en effet très grave : le Haut commissariat aux réfugiés a mesuré que <a href="https://unric.org/fr/onu-et-la-guerre-en-ukraine-les-principales-informations/#:%7E:text=Le%20texte%20de%20la%20r%C3%A9solution,de%20guerre%20%C3%A0%20l%E2%80%99Ukraine.">plus de 17 millions de personnes ont fui le pays</a>. Il s’agit du mouvement de population forcé le plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale.</p>
<h2>Toujours plus d’outils pour œuvrer en faveur de la paix</h2>
<p>L’ONU a à sa disposition de nombreux <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5296">outils</a>, aussi bien en matière de <em>peacekeeping</em> (« maintien de la paix », c’est-à-dire interposition des Casques bleus dans des conflits armés) que de <em>peacebuilding</em> (« consolidation de la paix » c’est-à-dire action post-conflit, par exemple organisation d’élections libres). Elle dispose depuis 1948 d’un <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/department-of-peace-operations">Département des opérations de maintien de la paix</a>.</p>
<p>Les responsables de l’ONU ont développé depuis cette date de nombreuses réflexions pour rendre cette action plus efficace. Avec le rapport « <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1992_num_38_1_3062">Agenda pour la paix</a> » du secrétaire général Boutros-Ghali en 1992, l’ONU s’est mise en capacité de déployer plus rapidement ses unités de <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/our-peacekeepers">Casques bleus (civils, militaires et policiers travaillant ensemble)</a>, de faire de la diplomatie préventive (essayer d’empêcher la violence d’éclore) et du <em>post-conflict peacebuilding</em> (construire une paix durable sur le long terme en traitant les problèmes économiques, sociaux, culturels et humanitaires).</p>
<p>Avec le « <a href="https://press.un.org/fr/2000/20001205.sgsm7639.doc.html">rapport Brahimi</a> » en 2000, a émergé l’idée de pouvoir <a href="http://www.irenees.net/bdf_fiche-documentation-187_fr.html">déployer des Casques bleus encore plus rapidement, en 30 jours, et la totalité d’une mission en 90 jours</a>. Il s’agit aussi de développer une approche multidimensionnelle incluant à la fois le <em>peacekeeping</em> et le <em>peacebuilding</em>, ce qui avait déjà été demandé par le rapport <em>Agenda pour la paix</em> mais pas vraiment réalisé en pratique.</p>
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<p>En 2008, l’ONU a lancé la <a href="https://www.unocha.org/sites/dms/Documents/DPKO%20Capstone%20doctrine%20(2008).pdf">« doctrine Capstone »</a>, dont il ressort que l’ONU doit se concentrer sur <a href="https://langloishg.fr/documents/les-operations-de-paix-des-nations-unies-dans-la-capstone-doctrine-2008/">l’avant-conflit (prévention des conflits) et surtout sur l’après-conflit (rétablissement de la paix et de la démocratie)</a>.</p>
<p>En 2015, le <a href="https://undocs.org/fr/S/2015/446">rapport HIPPO (High-Level Independent Panel on Peace Operations)</a> préconise des OMP mieux adaptées aux complexités du terrain et aux besoins des populations. Les OMP contribuent désormais, par exemple, à la réinsertion des anciens combattants et à l’organisation d’élections démocratiques : <a href="https://dppa.un.org/fr/elections">plus de 100 pays ont demandé et obtenu une assistance électorale de la part de l’ONU depuis 1991</a>.</p>
<p>En 2018, enfin le secrétaire général Antonio Guterres a lancé l’initiative <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/action-for-peacekeeping-a4p">« Action pour le maintien de la paix » (A4P) et sa stratégie de mise en œuvre A4P+</a> autour de 8 grands thèmes clés : la promotion de solutions politiques aux conflits ; la protection des civils ; la protection des Casques bleus ; l’amélioration des performances des opérations de maintien de la paix ; la pérennisation de la paix ; le renforcement des partenariats régionaux et le l’amélioration de la conduite des opérations.</p>
<h2>Une intervention des Casques bleus ?</h2>
<p>Concrètement, en Ukraine, les Casques bleus pourraient-ils faire plier la Russie ? Au-delà de la question de la faisabilité politique d’une telle opération, il faudrait pour cela un déploiement colossal d’hommes et de matériels. Est-il seulement envisageable que les Casques bleus – dont les effectifs sont <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/our-peacekeepers">issus de 97 pays différents, aux premiers rangs desquels le Pakistan, l’Inde, le Ghana, le Bangladesh et l’Éthiopie</a>, ce qui pose un problème de dilution des responsabilités – soient déployés en si grand nombre, avec une telle quantité et qualité d’armements sophistiqués ? Dans l’histoire, seule l’opération de l’ONU au Congo (ONUC), de 1960 à 1964, a mobilisé un très grand nombre de Casques bleus : à son apogée, <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2006-3-page-53.htm">l’ONUC comptait 93 000 hommes de l’ONU, issus de 34 pays</a>. Et malgré cela, cette opération n’a pas été un succès…</p>
<p>Rappelons par ailleurs que, s’ils sont absents en Ukraine, les Casques bleus, dont l’action a été saluée par le <a href="https://www.un.org/fr/about-us/nobel-peace-prize/un-peacekeeping-1988">Prix Nobel de la Paix en 1988</a>, agissent sur le terrain, un peu partout dans le monde : ils ont, depuis leur création en 1948, œuvré dans <a href="https://www.un.org/fr/observances/peacekeepers-day">72 opérations de maintien de la paix</a> dans de nombreux pays. Leur nombre est en augmentation : <a href="https://onu.delegfrance.org/Maintien-de-la-paix-10174">alors qu’ils étaient 12 000 en 1996, ils sont plus de 75 000 aujourd’hui</a>. Actuellement, ils sont présents dans <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/where-we-operate">12 opérations de maintien de la paix</a>, dont 6 en Afrique et 4 au Moyen-Orient.</p>
<p>Si, aujourd’hui en Ukraine, une force de Casques bleus était envoyée en tant que force d’interposition, sa présence pourrait peut-être contribuer à dissuader la Russie de mener des attaques trop destructrices, mais cela n’est pas certain.</p>
<p>Il n’en reste pas moins qu’une telle présence peut être utile. Mais pour cela, il faudrait que le Conseil de sécurité vote à l’unanimité en faveur d’un tel envoi, ce qui est inenvisageable, la Russie s’y opposant.</p>
<h2>Le droit de veto, un blocage permanent ?</h2>
<p>Pour que l’ONU puisse agir plus efficacement pour promouvoir la paix, il est urgent de suspendre, voire supprimer le droit de veto, qui la paralyse.</p>
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<p>Nous l’avons dit : cinq États, considérés comme les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale – France, États-Unis, Russie, Royaume-Uni et Chine – détiennent ce privilège, qui apparaît de plus en plus anachronique et injustifié aujourd’hui. Il ne fait que paralyser l’ONU, et l’a empêchée, par exemple, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/guerre-en-syrie-la-russie-a-exerce-14-fois-son-droit-de-veto-20191221">d’agir concrètement en Syrie depuis 2011</a>.</p>
<p>La France, qui n’a pas utilisé son veto depuis plus de 25 ans, a proposé, dès 2014, un encadrement, voire une <a href="https://onu.delegfrance.org/5-choses-a-savoir-sur-la-France-et-le-veto">suspension de ce droit</a>, lorsque l’ONU traite de situations où des violences de masse sont en cours. Cette initiative a été soutenue par plus de 106 pays.</p>
<p>Comment supprimer le droit de veto, sachant que la Russie, qui dispose de ce droit, peut l’utiliser pour s’opposer à une telle réforme ? Un pas en avant a été effectué en avril 2022, lorsque l’AG a adopté une <a href="https://unric.org/fr/droit-de-veto-ce-qui-va-changer/">résolution demandant aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de justifier leur recours au veto</a>. Cela permet au moins d’encadrer ce droit, de le rendre plus difficile à exercer.</p>
<p>L’Assemblée générale convoquera désormais une séance dans les dix jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, afin de tenir un débat sur la situation au sujet de laquelle le veto a été opposé. Tous les membres des Nations unies pourront examiner et commenter le veto.</p>
<p>Aujourd’hui, un an après le début de l’attaque russe en Ukraine, il apparaît clairement que l’ONU a besoin d’être revitalisée afin de pouvoir jouer son indispensable rôle pacificateur de manière efficace. Ce débat <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-61.htm">dure depuis longtemps</a>. La tragédie ukrainienne permettra-t-elle de le faire progresser ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ONU a multiplié les initiatives depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais tant que subsistera le droit de veto, la marge de manœuvre des Nations unies restera très étroite.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965272023-01-02T19:10:27Z2023-01-02T19:10:27ZÉthiopie : quelle paix pour le conflit le plus meurtrier au monde ?<p>Le 2 novembre dernier, à Pretoria, en Afrique du Sud, les représentants du gouvernement fédéral éthiopien et des dirigeants de la région du Tigré ont signé un <a href="https://information.tv5monde.com/info/ethiopie-gouvernement-et-rebelles-du-tigre-signent-un-accord-de-cessation-des-hostilites">accord négocié sous l’égide de l’Union africaine</a> qui a interrompu deux années d’une guerre dévastatrice. Ce conflit, qui aurait fait <a href="https://www.washingtonpost.com/business/the-worlds-deadliest-war-isnt-in-ukraine-but-in-ethiopia/2022/03/22/eaf4b83c-a9b6-11ec-8a8e-9c6e9fc7a0de_story.html">près d’un demi-million de morts</a>, est probablement le plus meurtrier dans le monde depuis le début du siècle.</p>
<p>Les armes vont-elles se taire pour de bon ? Si l’accord de Pretoria constitue indéniablement, en soi, une bonne nouvelle, de nombreuses interrogations pèsent encore sur son application.</p>
<h2>Deux ans de conflit sanglant</h2>
<p>Le conflit a éclaté fin 2020, alors que l’Éthiopie était confrontée à une transition politique complexe.</p>
<p>Le premier ministre, Abiy Ahmed, a <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/east-africa/2018-09-10/can-ethiopias-reforms-succeed">pris le pouvoir en 2018</a> suite à trois années de protestations de plus en plus virulentes contre le Front populaire de libération du Tigré (FPLT), un parti issu de la rébellion qui dirigeait le pays depuis 1991 et constitué pour l’essentiel de représentants du Tigré, une province d’environ 7 millions d’habitants (sur quelque 115 millions d’Éthiopiens) qui se trouve dans le nord du pays, à la frontière de l’Érythrée.</p>
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<p>Les leaders du FPLT ont d’abord soutenu l’accession d’Abiy au pouvoir, jusqu’à ce que ce dernier initie un ensemble de réformes politiques qui ont abouti à l’exclusion de leur parti de la coalition dirigeante. Ils ont alors organisé des <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200910-ethiopie-%C3%A9lection-contest%C3%A9e-%C3%A9tat-r%C3%A9gional-tigr%C3%A9-est-d%C3%A9roul%C3%A9e-sans-incident">élections régionales</a> au Tigré, au mépris des directives fixées par les autorités fédérales qui avaient reporté le scrutin, officiellement en raison de la pandémie de Covid-19. Dans un contexte de tensions croissantes, alors que les deux parties se qualifiaient mutuellement d’illégitimes, le FPLT a attaqué une des bases des forces fédérales, et le gouvernement a riposté en lançant une offensive sur le Tigré.</p>
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<p>Durant ces deux années de combats acharnés, l’Érythrée du président Afeworki qui, depuis le conflit <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-44004212">qui l’a opposée en 1998</a> au FPLT, considère ce dernier comme son principal ennemi, a apporté un appui important aux forces fédérales éthiopiennes. En 2018, le rapprochement entre le premier ministre éthiopien et le président érythréen avait permis une réouverture temporaire de la frontière entre les deux pays, et avait valu au premier de <a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-a-remporte-le-prix-nobel-de-la-paix-mais-de-grands-defis-attendent-encore-lethiopie-125174">recevoir le prix Nobel de la paix</a>. Peu après avoir lancé leur première offensive, les forces fédérales ont également reçu le concours de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20211215-%C3%A9thiopie-les-milices-amharas-l-alli%C3%A9-pr%C3%A9cieux-des-soldats-%C3%A9thiopiens">milices amharas</a> qui souhaitent annexer certaines zones de l’Ouest et du Sud du Tigré qui jouxtent leur propre région.</p>
<p>Cette coalition a dans un premier temps rapidement progressé, <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-55111061">prenant le contrôle de Mekele</a>, la capitale régionale. Le gouvernement a alors <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/ethiopia/ethiopian-troops-exit-tigray-time-focus-relief">bloqué toutes les routes menant à la région, la privant d’aide alimentaire, et coupé tout accès aux télécommunications, à l’électricité, et aux services bancaires</a>. Peu après, les forces fédérales ont cependant perdu leur avantage initial face à la <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/ethiopia/dangerous-expansion-ethiopias-tigray-war">mobilisation de centaines de milliers de Tigréens</a> qui ont rejoint la résistance organisée par les cadres du FPLT.</p>
<p>À partir de l’été 2022, le conflit a connu un nouveau renversement, et le gouvernement a repris le terrain perdu, notamment grâce aux <a href="https://korii.slate.fr/et-caetera/drones-turcs-font-tabac-en-afrique">drones fournis par la Turquie</a>.</p>
<h2>Un accord fragile</h2>
<p>C’est dans ces conditions que les négociations se sont déroulées à Pretoria. Les négociateurs tigréens ont dû faire des <a href="https://responsiblestatecraft.org/2022/11/16/facing-famine-tigray-concedes-to-ethiopian-government-and-abiy/">concessions importantes</a> pour obtenir du gouvernement un arrêt des combats. Cet accord a permis la cessation des hostilités, mais ne définit pas les conditions d’une paix durable. Surtout, sa mise en œuvre pourrait buter sur des obstacles importants.</p>
<p>La question du <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-30/ethiopia-peace-process-undermined-as-eritrea-forces-continue-attacking-civilians">retrait des troupes érythréennes</a> et des milices amharas est un premier point d’achoppement possible. Suite à l’accord signé à Pretoria, les belligérants ont poursuivi leurs pourparlers à Nairobi, et les représentants des forces tigréennes ont alors obtenu que l’application de certaines des dispositions de l’accord soit <a href="https://www.reuters.com/world/africa/ethiopia-truce-implementation-start-immediately-mediator-says-2022-11-12/">conditionnée au retrait des troupes « étrangères et non fédérales »</a>. Mais à ce stade, on ne sait pas si l’Érythrée désengagera ses forces, même si le gouvernement éthiopien le lui demande.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1580186306604568577"}"></div></p>
<p>De même, il est peu probable que les leaders amharas acceptent de retirer leurs forces des « zones contestées ». Le premier ministre Abiy Ahmed veillera probablement à éviter toute mesure qui pourrait nuire à son alliance avec ces leaders, sachant combien il a besoin de leur soutien pour préserver son propre statut politique.</p>
<p>L’accord de Pretoria prévoit également que les <a href="https://www.washingtonpost.com/world/ethiopia-says-new-talks-begin-inside-tigray-on-disarmament/2022/12/01/e6d96d42-717f-11ed-867c-8ec695e4afcd_story.html">forces tigréennes soient désarmées</a>. Les leaders tigréens ont accepté ce principe, du fait des revers militaires que leurs forces avaient subis au cours des derniers mois, et surtout pour mettre fin au <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/12/le-directeur-general-de-l-oms-denonce-le-blocus-par-l-ethiopie-de-la-region-du-tigre-epouvantable-et-inimaginable-a-notre-epoque_6109232_3212.html">blocus</a> imposé par le gouvernement. Il y a un an déjà, <a href="https://www.reuters.com/world/africa/nearly-40-people-ethiopias-tigray-lack-adequate-food-wfp-2022-01-28/">40 % de la population du Tigré faisait face à une pénurie extrême de nourriture</a>. La famine a probablement gagné du terrain depuis.</p>
<h2>Les difficiles conditions du désarmement et de la démobilisation</h2>
<p>La mise en œuvre du désarmement risque cependant de poser des difficultés. Si les forces tigréennes rendent les armes, elles ne pourront plus protéger leur région contre toute attaque ultérieure que pourrait lancer l’Érythrée, d’autant qu’elles ne bénéficieraient sans doute pas, dans un tel cas de figure, du soutien militaire des troupes gouvernementales éthiopiennes. Mais tant que ce désarmement ne sera pas effectif, il est probable que le président érythréen refusera de retirer ses troupes des zones qu’elles occupent.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/12/04/ethiopie-un-mois-apres-un-accord-de-paix-les-rebelles-disent-avoir-desengage-65-de-leurs-combattants-des-lignes-de-front-au-tigre_6152908_3212.html">Les rebelles tigréens assurent avoir désengagé 65 % de leurs combattants</a> de la ligne de front, mais cela ne signifie pas que ces combattants sont prêts à déposer les armes.</p>
<p>Les discussions entre responsables militaires à Nairobi ont permis d’introduire un peu de flexibilité dans ce processus, en divisant le désarmement en deux phases. Lors de la phase initiale, les forces tigréennes restitueront leurs « armes lourdes » (vraisemblablement les chars et l’artillerie), tandis que le retrait des armes légères est repoussé à une phase ultérieure.</p>
<p>Se pose aussi la question des conditions dans lesquelles la démobilisation des combattants se déroulerait. Les Tigréens privilégieront probablement une solution qui permettrait l’intégration de leurs 200 000 combattants dans l’armée fédérale. Mais le premier ministre ne sera pas nécessairement favorable à l’absorption par l’armée fédérale de troupes ayant combattu pour le renverser, et les Érythréens pourraient également s’opposer à cette solution.</p>
<p>Des progrès sur d’autres terrains pourraient contribuer à créer les conditions d’une réelle démobilisation, mais l’application d’autres aspects essentiels de l’accord traîne elle aussi. Le gouvernement fédéral s’est engagé à rétablir l’accès à l’électricité, aux télécommunications et aux autres services de base dans le Tigré, et surtout à cesser toute entrave aux livraisons d’aide humanitaire. Cependant, au mois de décembre, <a href="https://www.washingtonpost.com/world/ethiopia-offers-no-date-for-end-to-blackout-in-tigray-region/2022/11/29/15c58412-6fe9-11ed-867c-8ec695e4afcd_story.html">aucun calendrier n’avait encore été fixé</a> pour le rétablissement de ces accès. Seule Mekele a été <a href="https://www.france24.com/en/africa/20221206-capital-of-ethiopia-s-tigray-region-reconnected-to-electric-grid-after-a-year-of-war-related-cuts">partiellement reconnectée au réseau électrique</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/12/3/un-still-awaiting-full-access-to-bring-aid-to-desperate-tigray">agences des Nations unies n’ont pas encore</a> accès à toutes les zones de la région. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’aide médicale <a href="https://www.africaradio.com/ethiopie-toujours-pas-d-acces-sans-entrave-au-tigre-selon-l-oms">n’atteint toujours pas tous les Tigréens qui en ont besoin</a>. De même, le Programme alimentaire mondial a déclaré que <a href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/le-pam-accelere-ses-operations-humanitaires-dans-le-nord-de-lethiopie">son accès à certaines parties de la région demeure limité</a>. Tant que ces restrictions ne seront pas levées, le conflit continuera de faire des victimes au Tigré.</p>
<p>L’accord prévoit également que le Parlement éthiopien annule la <a href="https://ethiopianembassy.org/council-of-ministers-approves-resolution-designating-tplf-and-shene-as-terrorist-organizations-may-1-2021/">motion votée en 2021 qui désigne le FPLT comme une organisation terroriste</a>, pour que le FPLT et le gouvernement puissent <a href="https://www.thenewhumanitarian.org/news/2022/11/04/Ethiopia-Tigray-peace-Pretoria-Obasanjo-Africa-Union">travailler ensemble à la création d’une administration intérimaire « inclusive »</a> qui gouvernerait la région jusqu’aux élections.</p>
<p>Cette disposition représente une concession importante, car elle implique que les élections régionales de septembre 2020 au Tigré, remportées haut la main par le FPLT, manquaient de légitimité. À ce stade, les leaders du FPLT, qui gouvernent toujours le Tigré, ne semblent pas encore prêts à honorer cet élément de l’accord et à céder leur place.</p>
<h2>Mettre fin à l’impunité</h2>
<p>L’émergence de conditions permettant une stabilisation durable ne dépend pas seulement de l’évolution de la gouvernance du Tigré, mais de celle du pays tout entier. Elle nécessite une poursuite des négociations entre adversaires malgré leurs projets différents pour l’État éthiopien. Ces négociations ne pourront aboutir aussi longtemps que le régime continuera de privilégier des solutions militaires ou policières aux problèmes politiques auquel il est confronté.</p>
<p>Or, même si, depuis le début du conflit, il demeure difficile d’obtenir des informations fiables sur le comportement des belligérants et sur la façon dont ils ont traité les populations civiles, on sait que les Nations unies ont dénoncé de possibles crimes de guerre et contre l’humanité, <a href="https://www.dw.com/fr/violations-graves-des-droits-de-lhomme-en-ethiopie/a-59707326">commis « à des degrés divers » par toutes les parties impliquées</a>. Les exactions commises par les milices amharas ont été décrites par les organisations de défense des droits de l’homme comme <a href="https://www.hrw.org/report/2022/04/06/we-will-erase-you-land/crimes-against-humanity-and-ethnic-cleansing-ethiopias">relevant de pratiques de « nettoyage ethnique »</a>. Les forces fédérales et érythréennes ont massacré des <a href="https://www.hrw.org/news/2021/03/05/ethiopia-eritrean-forces-massacre-tigray-civilians">populations civiles à plusieurs reprises dans différentes villes du Tigré</a>. Des centaines de personnes ont été <a href="https://www.amnesty.org/en/documents/afr25/4569/2021/en/">victimes de viols et d’esclavage sexuel</a>, des pratiques utilisées par les forces du gouvernement et leurs alliés comme arme de guerre. Et, nous l’avons dit, la <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-violence-du-conflit-ethiopien-171852">famine a été employée pour démoraliser les populations</a> soutenant la résistance tigréenne.</p>
<p>Les forces rebelles tigréennes ont elles aussi <a href="https://www.letemps.ch/monde/amnesty-accuse-rebelles-tigreens-viols-collectifs">commis des exactions</a> lorsqu’elles ont occupé des zones en dehors de leur propre région. Les victimes et survivants méritent que ces crimes soient documentés. Certains suggéreront peut-être qu’insister pour qu’un travail d’enquête soit mené et un processus de justice engagé pourrait nuire à une trêve qui reste fragile. Pour autant, on ne peut créer les conditions d’une paix durable en choisissant d’ignorer les crimes commis, et en opposant la stabilité à la mobilisation des mécanismes du droit humanitaire international. Si les auteurs présumés de ces crimes ne rendent pas compte de leurs actes, ils risquent de se répéter. Sans justice, on ne peut atteindre des communautés brutalisées qu’elles reconnaissent la légitimité d’un pouvoir qui occulte les violences qu’elles ont subies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Gassier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après une guerre civile d’une grande violence qui a duré deux ans, un accord a récemment été signé entre les acteurs du conflit éthiopien. La prudence demeure toutefois de mise…Marine Gassier, Chercheuse, spécialiste des conflits et de la Corne de l'Afrique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1862422022-07-01T14:27:50Z2022-07-01T14:27:50ZLe Palio de Sienne, bien plus que du folklore italien<p>Un trait distinctif de nos sociétés modernes est la présence de rivalités bien ancrées entre groupes opposés. Dans des contextes aussi divers que la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis, un antagonisme profond entre des partis ou des entreprises rivales monte les dirigeants les uns contre les autres, entrave la coopération et peut déclencher des affrontements. Le risque d’escalade des conflits reste ainsi une menace permanente pour nos communautés, avec des effets néfastes considérables sur les résultats économiques et le bien-être des populations.</p>
<p>Dans des contextes caractérisés par des rivalités profondément ressenties, existe-t-il des facteurs susceptibles de modérer le risque d’escalade des conflits ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes tournés dans nos <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.2019.1283">recherches</a> vers la ville de Sienne, dans la région italienne de la Toscane, pour étudier le système social construit autour du Palio, la course de chevaux mondialement réputée dont l’origine remonte au XIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le <a href="https://www.ilpalio.org/">Palio</a> a lieu chaque année le 2 juillet et le 16 août, attirant des milliers de touristes. L’année 2022 marque son grand retour après trois ans d’interruption en raison de la pandémie de Covid-19. Chaque course consiste à faire trois tours de la principale <em>piazza</em> (place) de la ville et implique dix de ses dix-sept <em>contrade</em> (quartiers). Le Palio représente bien plus qu’une course de chevaux : c’est le cœur galopant d’un système social qui régit la vie de la ville tout au long de l’année.</p>
<h2>Il fait bon vivre à Sienne</h2>
<p>Le Palio constitue un terrain idéal pour étudier la régulation des conflits liés aux rivalités et aux alliances entre les quartiers de la ville. La rivalité désigne une relation antagoniste stable et enracinée entre deux <em>contrade</em>, transmise à travers les générations par des images, des couleurs, des récits et des histoires. La course et la rivalité sont des sujets de discussion omniprésents dans la ville. Chaque quartier fait tout son possible pour gagner la course ou, au moins, pour empêcher le rival de la gagner.</p>
<p>Cependant, à notre grande surprise, et contrairement à ce que l’on observe en politique et dans les affaires, ces rivalités n’ont pas été préjudiciables aux résultats économiques ou sociaux de la ville. En utilisant des sources d’archives, nous n’avons recensé que 81 accidents ou épisodes de confrontation violente entre des <em>contrade</em> rivales en près de trois siècles, la plupart étant des escarmouches mineures sans blessures ou avec des blessures légères.</p>
<p>Pendant des siècles, Sienne a pu prospérer grâce à son système social. La ville toscane a en effet longtemps été un centre financier, abritant la troisième banque d’Italie (et la plus ancienne du monde encore en activité, la Banca Monte dei Paschi di Siena). Elle s’est classée parmi les <a href="https://lab24.ilsole24ore.com/qualita-della-vita/siena">meilleurs endroits où vivre en Italie</a> selon le journal <em>Il Sole 24 Ore</em>, sur la base d’une combinaison d’indicateurs sociaux et économiques. Elle a atteint l’excellence en matière de sport, son <a href="https://www.eurosport.it/basket/serie-a-basket/2014-2015/le-squadre-piu-forti-di-sempre-la-montepaschi-siena-di-simone-pianigiani_sto6137226/story.shtml">équipe de basket-ball</a> ayant remporté le championnat national entre 2006 et 2013, et un club de football réputé ayant été promu en Serie A, la première division italienne, en 2010.</p>
<h2>Système siennois</h2>
<p>Comment les habitants de Sienne pouvaient-ils minimiser la menace d’une escalade des conflits et faire en sorte que leur communauté prospère, voire profite de la rivalité ? Dans une étude archivistique des déterminants de l’escalade des conflits sur et en dehors de la piste de course depuis 1743, nous avons identifié certains facteurs qui ont conduit à l’escalade ou à la désescalade des conflits.</p>
<p>D’une part, comme prévu, l’existence de rivalités profondément ressenties peut déclencher une escalade des conflits. Les alliances sont également des facteurs importants de conflit, car elles représentent des canaux par lesquels la rivalité se diffuse et induit la confrontation entre des coalitions opposées.</p>
<p>D’autre part, nous avons constaté que les relations personnelles qui transcendent les factions opposées constituent un puissant vecteur de désescalade des conflits. Par exemple, lorsque des jockeys professionnels – acteurs clés du système siennois – passent d’une <em>contrada</em> à une autre, ils entretiennent des relations personnelles étroites avec les membres de leur ancien camp. Le capitaine de l’ancien employeur fait connaissance avec la famille du jockey et des habitants du quartier maintiennent des liens personnels solides. Ces relations permettent un équilibre global du système en réduisant la possibilité d’une escalade du conflit entre les camps rivaux lorsque des changements se produisent.</p>
<h2>Une forme de conflit régulé</h2>
<p>Plus généralement, nos recherches montrent que les liens personnels qui transcendent les camps, tels que les mariages, les amitiés et les expériences scolaires ou professionnelles communes, bien que peu fréquents, renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté partagée, dont le bien-être passe avant les intérêts d’un seul groupe.</p>
<p>Conformément à la vision de l’anthropologue américaine Sydel Silverman, le Palio est une « <a href="https://www.jstor.org/stable/643774">forme de conflit régulé</a> structuré comme un jeu ». Pendant l’été, la rivalité gagne le centre de la scène, et peut s’intensifier à l’intérieur des limites implicites définies par les contacts personnels. Mais tout au long de l’année, la coopération entre les quartiers sur des questions cruciales, renforcée par les liens personnels qui unissent les individus entre eux, peut faire prospérer le système.</p>
<p>Un exemple de cette coopération fructueuse a notamment été observé pendant la crise du Covid. Le Palio a été reporté de deux ans, avec un impact significatif sur les revenus et le moral de la ville. Pourtant, les contrade ont trouvé le moyen de garder vivant l’esprit de la ville et le système social sous-jacent, même dans les jours les plus sombres de la pandémie. Les <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/europe/coronavirus-italy-siena-song-canto-della-verbena-video-lockdown-a9399176.html">collaborations entre quartiers rivaux se sont multipliés</a> au cours de cette période, allant des soins de santé et aux aides aux différentes communautés. Ces épisodes montrent que la rivalité peut faire partie d’un système social, mais que la polarisation peut également être régulée et surmontée face à de grands défis.</p>
<h2>Les leçons du Palio</h2>
<p>Les leçons de la ville de Sienne peuvent-elles s’appliquer ailleurs ? Dans le domaine de la politique et des affaires, l’antagonisme est sans aucun doute une menace. Les alliances peuvent également être un vecteur d’escalade des conflits : pensez à la confrontation entre les <a href="https://theconversation.com/gouvernement-limpossible-compromis-185879">grandes coalitions au sein du parlement français</a> ou à la concurrence entre les écosystèmes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/boeing-67782">Boeing</a> et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbus-35468">Airbus</a> dans l’aéronautique. Dans un tel contexte, des liens interpersonnels peuvent être créés et exploités pour freiner l’essor de conflits potentiels.</p>
<p>Les consultants ou les employés qui passent d’une entreprise à l’autre peuvent ainsi faire en sorte que la confrontation des entreprises ne nuise pas à la frontière de la productivité dans ce secteur. IBM et Apple sont historiquement des entreprises concurrentes, mais les douze années d’expérience professionnelle de Tim Cook chez IBM ont atténué les tensions entre les firmes au point que le <a href="https://www.lesechos.fr/2014/07/sainte-alliance-apple-ibm-pour-attaquer-le-marche-des-entreprises-306789">PDG d’Apple a conclu une alliance avec IBM</a> en 2014.</p>
<p>En politique, des individus appartenant à des coalitions opposées, liés par des amitiés communes ou venant des mêmes régions, peuvent être les meilleurs champions susceptibles de surmonter l’impasse d’un parlement sans majorité claire. Par exemple, de nombreux députés de la majorité ont des expériences antérieures de travail avec d’autres partis, que ce soit au sein du Parti socialiste ou des Républicains. En outre, plusieurs membres de différents partis ont fréquenté la même école française ou ont envoyé leurs enfants dans les mêmes écoles. Ces contacts personnels seront fondamentaux pour réduire les conflits et faire avancer les choses au cours des cinq prochaines années.</p>
<p>Il est également essentiel de créer un calendrier avec des espaces pour la confrontation et des espaces qui permettent la coopération dans la recherche du bien commun. À Sienne, le calendrier du Palio fixe l’heure de ces phases. Ces espaces peuvent-ils être créés dans des communautés plus larges ? Les récents événements de la politique américaine ont montré que des <a href="https://theconversation.com/first-bipartisan-gun-control-bill-in-a-generation-signed-into-law-3-essential-reads-on-what-it-means-185822">initiatives bipartisanes sur la réglementation des armes à feu</a> pouvaient avoir lieu même dans un contexte de polarisation extrême lorsque les nations sont confrontées à de graves défis. Nos communautés et nos partis doivent faire de la place dans le calendrier institutionnel pour des initiatives similaires, indépendamment des événements extérieurs.</p>
<p>La rivalité reste une menace, mais c’est aussi une opportunité qui motive les individus et <a href="https://news.cision.com/bjorn-borg/r/research-study-shows-that-rivalry-can-both-drive-performance-and-compassion-,c2181216">favorise les performances</a>, comme le montrent des recherches menées récemment à l’Université de New York. Il est donc crucial de trouver des moyens de contrôler le côté obscur de l’antagonisme et de tirer parti de la rivalité pour le bien commun. Les citoyens de Sienne nous montrent ici la voie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La traditionnelle course de chevaux, qui revient ce 2 juillet après trois d’interruption, a constitué au fil du temps un facteur d’apaisement des rivalités entre les quartiers de la ville toscane.Elisa Operti, Professeur associé en management, ESSEC Shemuel Lampronti, Assistant Professor of Strategic Management , Warwick Business School, University of WarwickStoyan V. Sgourev, Professor of Management, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841142022-05-31T18:59:09Z2022-05-31T18:59:09ZLe métier de diplomate aujourd’hui<p>Les diplomates du Quai d’Orsay sont en émoi. Un décret publié au <em>Journal officiel</em> le 17 avril 2022 fixe la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045592729">« mise en extinction »</a> progressive de deux corps historiques de la diplomatie française : celui des ministres plénipotentiaires et celui des conseillers des Affaires étrangères. Jusqu’ici, c’est au sein de ces deux corps qu’étaient choisis les ambassadeurs et les consuls généraux.</p>
<p>Désormais, les diplomates rejoindront un nouveau corps des administrateurs de l’État, où l’on retrouvera tous les hauts fonctionnaires. C’est la fin des <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/2936?lang=en">diplomates de carrière</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1515617277621768192"}"></div></p>
<p>Place à l’interchangeabilité. Un directeur des services fiscaux d’un département pourra devenir ambassadeur à Lima, et un diplomate en poste à Pretoria pourra se retrouver directeur des douanes à Marseille. Or la diplomatie est un métier et ce métier exige un long apprentissage. Cette réforme fait craindre des parachutages et autres nominations politiques. La perspective d’une carrière diplomatique au long cours est compromise, voire impossible.</p>
<p>À la suite de cette annonce, un appel à la grève a été lancé par les diplomates français, pour la première fois depuis vingt ans. La nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna aura donc à gérer, le 2 juin 2022, la fronde des agents du Quai d’Orsay, qui expliquent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/25/reforme-du-quai-d-orsay-nous-faisons-face-a-un-risque-de-disparition-de-notre-diplomatie-professionnelle_6127641_3232.html">tribune publiée par <em>le Monde</em></a> que « c’est l’existence même du ministère qui est désormais remise en question ».</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, c’est le hashtag <a href="https://twitter.com/search?q=%23diplo2m%C3%A9tie">#diplo2métier</a> qui porte l’idée qu’on ne s’improvise pas diplomate, un métier au contraire exceptionnel : formation, expérience, fonctions spécifiques, conditions de travail parfois difficiles…</p>
<p>Mais quelle est vraiment la nature du métier de diplomate aujourd’hui ?</p>
<h2>Des relations diplomatiques bilatérales…</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, la diplomatie a connu des transformations considérables. Au début, comme on le sait, la diplomatie était l’art de mener des relations bilatérales entre États comme alternative à la guerre (quand les hommes se parlent, ils ne se font pas la guerre, dit la sagesse populaire). Les diplomates appartenaient à la <a href="https://www.pur-editions.fr/product/5948/le-diplomate-en-representation-xvie-XXe-si%C3%A8cle">bonne société de leur pays</a> et, souvent, s’entendaient mieux avec leurs collègues des autres pays qu’ils ne communiquaient avec leurs compatriotes appartenant à d’autres milieux sociaux.</p>
<p>On <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/cultures-de-paix/diplomates-et-diplomatie">naissait diplomate en quelque sorte</a> (il y avait des traditions familiales, des filiations) et les capacités professionnelles se résumaient, le plus souvent (comme dans l’ensemble de la bourgeoisie qui assumait diverses fonctions dirigeantes à l’époque) à la culture générale, aux bonnes manières, à l’élégance vestimentaire et à la maîtrise du français, qui était la seule langue de la diplomatie.</p>
<p>La Première Guerre mondiale a provoqué la première grande révolution dans le métier de diplomate. La <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/pratiques-diplomatiques-contemporaines/la-conf%C3%A9rence-de-la-paix-de-1919">Conférence de la Paix en 1919 à Versailles</a> marque le début de la diplomatie multilatérale de haut niveau et le diplomate dut dès lors tout à la fois maîtriser l’anglais – les Américains ne négociaient pas en français – et une série de matières techniques comme le désarmement, les compensations financières, les transports internationaux, etc.</p>
<p>Par conséquent, le recrutement des diplomates a mis davantage l’accent sur les compétences professionnelles que sur le milieu social, suivant le processus de démocratisation général de nos sociétés. L’usage de la force pour la conduite des relations extérieures d’un pays fut sévèrement restreint, même prohibé, et la diplomatie se vit reconnaître une forme de prééminence dans les relations internationales, avec la création de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor">Société des Nations</a>.</p>
<h2>… aux relations diplomatiques multilatérales</h2>
<p>Le bilatéralisme céda progressivement la place au multilatéralisme et les relations multilatérales se sont déployées <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/multilateralisme-et-politique-qu-est-ce-qui-a-change-depuis-la-sdn-4253898">dans le cadre d’organisations internationales</a> dotées de compétences générales ou spécialisées. Dans ce dernier cas, on vit apparaître des <a href="https://www.un.org/fr/observances/delegates-day">délégués auprès des organisations internationales</a>, qui n’étaient pas nécessairement des diplomates mais bien des experts détachés par leur administration.</p>
<p>Les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle ont vu une transformation encore plus profonde de la diplomatie. La barrière de la souveraineté, qui protégeait les États contre les interférences dans leurs affaires intérieures, a commencé à se déliter. La diplomatie, naguère confinée aux salons et salles de réunion, s’est progressivement étendue <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2014-1-page-6.htm">aux domaines économique, culturel, universitaire</a>…</p>
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<figcaption><span class="caption">Diplomates en action – sur tous les terrains en Ukraine (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 30 avril 2020).</span></figcaption>
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<p>La technologie de l’information surmonte l’obstacle des distances et permet une communication rapide entre le diplomate et ses autorités. Internet <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-de-l-information-aura-t-elle-lieu--9782100759729-page-150.htm">décuple</a> les capacités du diplomate à communiquer, tout en lui donnant la possibilité de se concentrer sur son travail principal : établir et nourrir des relations avec un vaste éventail de représentants de la société du pays où il se trouve.</p>
<p>À une époque de compétition croissante sur la scène internationale – multinationales, ONG, médias –, les diplomates se sentent parfois « assiégés ». Ont-ils encore un rôle à jouer et quel devrait être ce rôle ?</p>
<h2>La diplomatie en question</h2>
<p>Posons quelques constats : l’ambassade classique, la plus répandue, est l’<a href="https://www.cairn.info/manuel-de-diplomatie--9782724622904-page-23.htm">ambassade bilatérale</a>. Aujourd’hui encore, beaucoup de pays perçoivent leurs relations extérieures en termes bilatéraux. L’ambassadeur Bernard Destrémau <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/289312/quai-d-orsay-derriere-la-facade?_lg=fr-FR">écrit à ce propos</a> : « Les relations bilatérales restent le sel historique de la diplomatie. »</p>
<p>Pour nourrir les relations bilatérales, une diplomatie publique consistante est nécessaire, interagissant avec l’administration et la société civile du pays hôte. Le travail consulaire et culturel <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportfianl_sociologue.pdf">demeure largement bilatéral</a>. Même si l’accès à l’information a été bouleversé par les moyens modernes de communication et les médias, une ambassade demeure un lieu de référence pour évaluer la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-23.htm">qualité d’une information</a>.</p>
<p>Même si les ministres de différents pays se voient et se téléphonent à diverses occasions, l’avis de leur ambassadeur sur un dossier spécifique est souvent apprécié. Le diplomate peut injecter une dose de réalité (le « reality check ») dans un <em>briefing</em> ministériel ; il peut dire ce qui constitue un impératif politique pour l’État avec lequel on traite et indiquer les « lignes rouges » de la négociation en cours. Bien que les décisions politiques soient arrêtées dans les capitales, l’ambassadeur peut souvent contribuer à affiner une posture, à préparer un choix.</p>
<h2>La diplomatie au défi</h2>
<p>On doit bien reconnaître que le métier de diplomate s’est adapté à l’<a href="https://www.diploweb.com/Quelles-sont-les-facettes-du-metier-de-diplomate-aujourd-hui.html">évolution du monde et des relations interpersonnelles</a>. La figure aristocratique d’antan a laissé place à celle du diplomate ouvert sur la société et à son écoute.</p>
<p>Dans son ouvrage intitulé <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2010-v41-n1-ei3710/039620ar/"><em>Guerilla Diplomacy</em></a>, Daryl Copeland décrit le diplomate de terrain, qui préfère se mêler à la population du pays où il se trouve que fréquenter ses collègues dans les murs d’une ambassade ou les salons d’un club huppé. Selon le même auteur, les rencontres diplomatiques aujourd’hui se passent dans les lieux publics, marqués par l’hybridation culturelle : dans un <em>bario</em> ou dans un <em>souk</em>, dans la blogosphère, sur l’avenue principale d’une ville ou dans une hutte à proximité d’une zone de guerre. C’est une approche fondée sur l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/341488510_Repenser_la_puissance_par_les_hybridations_culturelles_au_XXIe_si%C3%A8cle_Les_nouvelles_strategies_dynamiques_et_spheres_de_la_geopolitique_de_la_culture">hybridation culturelle</a> et le contact de terrain.</p>
<p>La réalité paraît un peu plus complexe. La figure classique du diplomate n’a pas disparu mais s’est estompée. Il y a plusieurs explications à cela, à commencer par le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/domaine_3.pdf">processus de recrutement et de promotion</a> : ils mettent davantage l’accent sur l’adaptabilité, une plus grande interpénétration des métiers (le diplomate est appelé, tout au long de sa carrière, à s’occuper des questions commerciales, d’affaires consulaires ou d’aide au développement), une plus grande autonomie aussi. Par conséquent, la perception du métier a changé, à mesure qu’il se professionnalise. L’image du diplomate mondain et oisif est évidemment incompatible avec cette diplomatie de terrain qui est maintenant mise en exergue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"170519407511093248"}"></div></p>
<p>Le métier requiert un dévouement de tous les instants. On oublie trop souvent les contraintes familiales, les risques physiques, les <a href="https://www.jstor.org/stable/48605514?seq=1">situations de guerre</a> (Syrie, Afghanistan, Libye) qui constituent parfois la toile de fond de la vie quotidienne du diplomate.</p>
<h2>La diplomatie en chantier</h2>
<p>Venons-en plutôt aux fondamentaux. Les diplomates acceptent-ils toujours que leur seul objectif soit de faire avancer les intérêts de leurs États ? Beaucoup s’en contentent, il est vrai. Mais certains se voient comme œuvrant et, par conséquent, représentant l’idée de paix. On constate en effet que bien que défenseur des intérêts exclusifs de son pays, le diplomate est capable de vouloir défendre aussi des intérêts universels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/timor-oriental-une-democratie-tenace-20-ans-apres-lindependance-182729">Timor oriental : une démocratie tenace, 20 ans après l’indépendance</a>
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<p>Pensons, par exemple, à <a href="https://www.ohchr.org/fr/about-us/high-commissioner/past/sergio-viera-de-mello">Sergio Vieira de Mello</a>, qui accompagna le processus de paix au Timor oriental puis œuvra en Irak (où il perdit malheureusement la vie) ou encore à Richard Holbrooke, l’artisan de la paix en Bosnie, « <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/unquiet-american-richard-holbrooke-world">the unquiet American</a> » pour reprendre le titre d’un article qui lui fut consacré. Cette évolution de la diplomatie est heureuse : les diplomates ont pris conscience d’un universalisme qui est dans le droit fil de leur cosmopolitisme antérieur.</p>
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<figcaption><span class="caption">Décès de Richard Holbrooke, figure de la diplomatie américaine (France 24, 14 décembre 2010).</span></figcaption>
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<p>Tentons de jeter un regard normatif. On peut épingler deux valeurs fondamentales qui constituent la trame du travail diplomatique. La première consiste à faire prévaloir la justice sur la force car la force est la mère de l’anarchie et de la violence. Le diplomate intervient par la discussion, la négociation, la patience. Pensons à <a href="https://www.humanite.fr/medias/guerre-du-vietnam/le-duc-tho-et-kissinger-nouveau-face-face-563132">Henry Kissinger et Le Duc Tho</a> durant la guerre du Vietnam ou encore à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2008/ahtisaari/facts/">Martti Ahtisaari</a>, qui organisa la transition vers l’indépendance de la Namibie et négocia la fin des hostilités entre ce pays et ses deux voisins, l’Angola et l’Afrique du Sud.</p>
<p>L’autre valeur essentielle est celle de la diversité. Même si on peut s’accorder sur des idéaux communs en matière de fonctionnement des États (démocratie) et de respect des droits des individus, il faut aussi prendre en compte la diversité des modèles, qui reflète des contraintes spécifiques ou une histoire différente. La perception du temps et de l’espace n’est pas la même chez tous les peuples, du fait de l’influence de l’histoire et de la géographie sur la conduite de la politique étrangère. Le diplomate est celui qui est le mieux à même de pouvoir utiliser ces différences entre les nations pour enrichir les relations entre les États.</p>
<h2>La diplomatie, ou la compréhension de l’autre</h2>
<p>Beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis l’époque où l’on a institué le métier de diplomate et créé le corps diplomatique. Mais le travail de diplomate n’a pas fondamentalement varié.</p>
<p>Le diplomate a la relation humaine pour principal terreau et la parole comme outil. Au fond, l’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de « l’autre ». Qu’il soit partenaire commercial, adversaire stratégique ou allié idéologique, c’est toujours et chaque fois de « l’autre » dont il s’agit. Qu’il négocie, exerce des pressions, menace, qu’il échange ou qu’il fasse la guerre, l’État est toujours dans une relation à « l’autre ». L’instrument privilégié de la rencontre de « l’autre » est, sur la scène internationale, la négociation diplomatique. On a fait remarquer que la guerre se décide seul, alors que la paix, comme tout accord commercial, se négocie.</p>
<p>« L’autre », sous quelque forme qu’il se présente, est bien au cœur de la vie internationale et donc de la diplomatie. Que ce soit depuis Varsovie, Kinshasa, Tokyo ou Paris, le diplomate est celui qui a le souci de « l’autre » et qui fait le premier pas vers lui. Le monde n’en deviendra, à chaque fois, que plus humain.</p>
<p>La mise en extinction progressive de deux corps du ministère des Affaires étrangères s’inscrit donc dans ce contexte. Cette réforme, en ouvrant notamment les postes d’ambassadeurs et de consuls généraux à d’autres profils, pourrait avoir des conséquences sur le métier de diplomate, qui n’avait jusqu’ici jamais changé sa nature profonde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raoul Delcorde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des deux corps historiques de la diplomatie française annonce-t-elle un changement radical des pratiques diplomatiques ?Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, Professeur invité UCLouvain, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821882022-05-04T18:42:19Z2022-05-04T18:42:19ZDerrière la « guerre économique totale à la Russie », l’avenir du projet de paix par le commerce<p>« Un nouveau monde naît sous nos yeux » : si c’est ce qu’annonçait le 26 février dernier une dépêche prématurément publiée par l’agence russe RIA Novosti suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, force est de constater que la prophétie pourrait malgré tout bien être en train de se réaliser sous la conjonction des évènements et des réponses qui y sont apportées.</p>
<p>Alors que l’Union européenne vient de présenter un sixième paquet de sanctions contre la Russie, avec notamment l’arrêt d’ici six mois des importations européennes de pétrole russe et l’exclusion de la banque russe Sberbank du système financier international Swift, la question des liens entre commerce et paix se pose en effet avec force.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1521791755024097281"}"></div></p>
<p>Pour le comprendre, il faut savoir que la mondialisation n’est que la traduction juridico-économique d’un projet politique vieux de cinq siècles : celui de paix par le commerce, le « <em>Wandel durch Handel</em> » au cœur de la politique étrangère d’Angela Merkel vis-à-vis de la Russie.</p>
<h2>À l’origine de la mondialisation, le projet de paix par le commerce</h2>
<p>Ce projet est fondé sur un certain souvenir de la pax <a href="https://www.unige.ch/campus/numeros/120/dossier5/">romana</a>, la paix romaine de l’Antiquité. Esquissé en 1623 par Emeric de la Croix dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6496h.texteImage"><em>Le nouveau Cynée</em></a>, il tend depuis lors à faire de l’interdépendance économique des Nations le moyen de prévenir les guerres entre États.</p>
<p>C’est ce projet qui conduisait Montesquieu à vanter en 1748 les vertus du doux commerce dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9737646k?rk=21459;2"><em>L’Esprit des lois</em></a> ; et Victor Hugo à se réjouir, en 1849, devant le Congrès des amis de la paix universelle, qu’« un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62737z.image">commerce</a> » ; avant que le 14 août 1941, la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_16912.htm">Charte de l’Atlantique</a>, cosignée par Franklin Roosevelt et Winston Churchill, ne propose de le mettre en œuvre à l’issue du conflit de 1939-1945, pour éviter une troisième guerre mondiale.</p>
<p>Il a ainsi par la suite <a href="https://books.openedition.org/putc/176?lang=en">inspiré</a> le lancement de la <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-l-union-europeenne/">construction européenne dans les années 1950</a> et la création de <a href="https://www.wto.org/french/thewto_f/history_f/history_f.htm">l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)</a> en 1947.</p>
<p>En 1979-1980 les <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-royaume-uni--9782262044275-page-403.htm">révolutions thatchérienne</a> en Angleterre et <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1795">reaganienne</a> aux États-Unis peuvent également y être rattachées, puisqu’elles reposent sur cette conviction que « l’État n’est pas la solution » mais « le problème » ; et que seule la libéralisation des échanges entre les pays pourrait à l’avenir assurer la prospérité de tous et, à travers elle, le progrès social.</p>
<h2>La dépendance volontaire au gaz russe</h2>
<p>Au lendemain de la chute du mur de Berlin en 1989, le politologue américain Francis Fukuyama s’est de ce fait interrogé sur <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/16/la-democratie-liberale-une-histoire-sans-fin_5173064_4415198.html">« La fin de l’histoire ? »</a>. Dix ans plus tard, Alain Minc vantait les mérites de « La mondialisation heureuse ». Car l’économie de marché et la démocratie libérale apparaissaient alors comme deux horizons indépassables après l’échec du socialisme soviétique et du parti unique.</p>
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<figcaption><span class="caption">« La mondialisation heureuse relève chez nous de la schizophrénie » Alain Minc – Les Échos.</span></figcaption>
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<p>Ce n’est ainsi pas un hasard si la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/11/quel-est-le-niveau-de-dependance-des-pays-europeens-au-gaz-et-au-petrole-russe_6117070_4355770.html">dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe</a> a commencé à la même époque, puisque cette dépendance était alors pensée comme un moyen d’enchâsser le pays dans le grand marché mondial, en le plaçant dans une situation d’interdépendance économique dont il n’aurait, pensait-on, aucun intérêt à sortir.</p>
<p>Il est vrai que les guerres « asymétriques » (telles que celles en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan) et les crises sécuritaires (« 11 septembre, » « 13 novembre »), sociales (« bonnets rouges », « gilets jaunes »), financières (crise asiatique, de la bulle Internet, puis des subprimes), sanitaires (« H1N1 », « Covid-19 ») et économiques ont depuis mis ce projet à rude épreuve.</p>
<p>Mais c’est justement dans leur contexte que la rhétorique du monde nouveau a commencé à émerger. Bien avant que la dépêche de l’agence russe RIA Novosti ne soit publiée et que le Président Biden n’évoque le 21 mars dernier un « new world order », le Président Emmanuel Macron avait déjà fait part, le 16 mars 2020 au cœur de la crise sanitaire, de sa volonté de « projeter la France dans “le monde d’après” ».</p>
<h2>Les sanctions économiques contre la Russie, un test pour le projet de paix par le commerce</h2>
<p>Une décennie auparavant, le 25 septembre 2008, le président <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2008/09/25/le-discours-de-nicolas-sarkozy-a-toulon_1099795_823448.html">Nicolas Sarkozy</a> avait également estimé qu’avec la crise économique liée aux subprimes, « une certaine idée de la mondialisation s’achève ». Loin de marquer une rupture avec le projet de paix par le commerce, ces deux dernières déclarations visaient toutefois en réalité à l’approfondir : en comblant les zones de non-droit qui compromettaient le bon fonctionnement du marché mondial pour lui permettre d’atteindre son optimum. De crise en crise, le projet avançait.</p>
<p>C’est toute la différence avec la guerre de haute intensité menée en Ukraine aujourd’hui. Car celle-ci traduit le rejet, aussi brutal que soudain, par la Russie – un État continental, onzième puissance économique de la planète – des règles du jeu international… avec le risque que la deuxième puissance mondiale, la Chine, lui emboîte le pas.</p>
<p>On comprend dès lors mieux les enjeux de cette <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/ukraine-bruno-le-maire-declare-une-guerre-economique-et-financiere-totale-a-la-russie-1390357">« guerre économique totale »</a> que l’Union européenne et les États-Unis mènent contre la Russie et le durcissement continu des sanctions économiques qui en découlent à mesure que le conflit s’éternise : les 8,5 % de PIB qu’elles devraient, <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/le-pib-de-la-russie-devrait-se-contracter-de-8-5-en-2022-celui-de-l-ukraine-de-35_AD-202204190390.html">à en croire le FMI</a>, coûter au pays en 2022, constituent un test grandeur nature de l’efficacité du projet de paix par le commerce.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1516604817413615618"}"></div></p>
<p>De leur succès ou de leur échec dépendra une nouvelle avancée de la mondialisation dans un sens plus conforme au projet originel des promoteurs de la paix par le commerce ou non.</p>
<h2>Apprendre des échecs de la paix par le commerce</h2>
<p>Pour Larry Fink, le dirigeant du plus grand fonds d’investissement au monde, BlackRock, le constat s’impose toutefois : <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-fin-de-la-mondialisation-1398362">« Nous sommes à la fin de la globalisation économique telle que nous l’avons vécue depuis trente ans »</a>.</p>
<p>Le politologue américain <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/02/guerre-en-ukraine-nous-avons-quitte-l-ancien-monde-dans-lequel-l-economie-a-pendant-trente-ans-domine-le-politique_6124404_3232.html">Fareed Zakaria</a> opine : la guerre en Ukraine marque la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2008-4-page-141.htm">fin de la pax americana</a> telle qu’elle s’est progressivement imposée depuis la fin de la seconde guerre mondiale et le tournant des années 1980. Car la redirection actuellement en cours des flux commerciaux semble annoncer un monde coupé en deux ou trois blocs régionaux ayant leurs intérêts propres, seul celui formé des États-Unis et de l’UE restant attaché aux vertus de l’interdépendance économique des Nations sur la durée avec leurs alliés.</p>
<p>Que ces prédictions se réalisent ou non, il conviendra dans tous les cas de revoir les modalités de cette paix par le commerce qui, à un siècle d’intervalle, aura échoué à deux reprises : lors de la crise économique de 1929, précédant la seconde guerre mondiale ; et lors de la crise économique de 2008, débouchant sur la guerre en Ukraine dont chacun espère qu’elle ne dégénérera pas en un nouveau conflit planétaire. Car l’histoire semble se répéter, les mêmes causes – les crises économiques – produisant les mêmes effets : des conflits fratricides entre États.</p>
<p>L’insuffisance – sinon l’absence – de régulation efficace du marché mondial, en n’empêchant pas la prédation de certains pays sur d’autres, a sans doute favorisé un accroissement des <a href="http://archives.strategie.gouv.fr/cas/system/files/mondialisation_et_inegalites.pdf">inégalités entre nations</a>.</p>
<p>Si ces dernières ont été source de tensions au niveau mondial, celles-ci se sont trouvées aggravées au sein même des États par le phénomène de concentration des richesses entre les mains des « premiers de cordée » au détriment des « premiers de <a href="https://www.melchior.fr/note-de-lecture/la-mondialisation-de-l-inegalite">corvées</a> », ce phénomène ayant lui-même nourri le populisme à l’intérieur de différents <a href="https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/05/01/les-inegalites-alimentent-le-populisme-et-les-crises-sociales-joseph-e.-stiglitz">pays</a>.</p>
<p>Alors que le concept de marché était destiné à substituer la logique d’un jeu à somme positive (le commerce) à la logique d’un jeu à somme nulle (la puissance), la façon dont il a été organisé depuis le tournant des années 1980 a conduit à lui faire produire le contraire : elle en a fait un jeu à somme nulle. En effet, pour des États comme la Russie, seule la puissance paraît un jeu à somme <a href="https://www.lgdj.fr/essai-sur-la-construction-juridique-de-la-categorie-de-marche-9782275021836.html">positive</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Débat : Quels sont les gains et les risques du commerce international ? – Cité de l’Économie.</span></figcaption>
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<h2>Refaire du commerce entre États un jeu à somme positive et non à somme nulle</h2>
<p>Briser la spirale de la violence entre États et remédier aux nouvelles inégalités induites par le défi climatique suppose de revenir au <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/colloque-lippmann-aux-origines-neoliberalisme/00037138">projet du colloque Lippmann de 1938</a>, à l’origine de la naissance du néolibéralisme, dès lors que, loin des caricatures qui en sont souvent faites, ses auteurs insistaient sur l’importance de permettre à l’État d’assurer ses « tâches sociales ».</p>
<p>Walter Lippmann le disait en ouvrant le colloque :</p>
<blockquote>
<p>« Ce que nous recherchons, ce n’est pas à ressusciter une théorie [celle du libéralisme classique], mais à découvrir les idées qui permettent à l’élan vers la liberté et la civilisation de triompher de tous les obstacles dus à la nature humaine, aux circonstances historiques, aux conditions de la vie sur cette terre ».</p>
</blockquote>
<p>Le philosophe Louis Rougier, à l’origine de ce colloque, insistait pour sa part sur <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/le-colloque-lippmann-aux-origines-du-neo-liberalisme/">cette erreur historique</a> :</p>
<blockquote>
<p>« C’est plus tard et par un véritable contresens [que la doctrine du laissez-faire] est devenue une théorie du conformisme social et de l’abstention de l’État ».</p>
</blockquote>
<p>Il convient donc de renouer avec l’ambition de refonder le projet de paix par le commerce en identifiant les choix politiques qui l’ont fait dérailler depuis 1938, en évitant les erreurs du passé, et en intégrant les nouveaux défis de notre siècle – à commencer par le défi climatique. Vaste programme s’il en est.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cette contribution s’appuie sur les travaux du livre « <a href="https://www.legitech.lu/shop/product/l-action-economique-des-collectivites-publiques-153#attr=150,282,12786">L’action économique des collectivités publiques</a> : ses enjeux, son droit, ses acteurs » co-édité par les éditions IFDJ-Legitech et publié en juin 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Bottini est chargé de mission pour la Fondafip, le think-thank des Finances publiques, membre de l'Observatoire de l'éthique publique (OEP), du Themis-UM et de la MSH Ange Guépin. Il a perçu ou perçoit des subventions de la part du LexFEIM, laboratoire de recherche en droit, et de la Mission de recherche Droit & Justice.
Il est par ailleurs titulaire de la chaire "Innovation" de l'Institut Universitaire de France et de la chaire "Neutralité Carbone 2040" de Le Mans Université qui financent également en partie ses travaux.</span></em></p>À l’ère de la mondialisation, les sanctions économiques décidées contre la Russie par les États-Unis, l’Union européenne et ses alliés sont un test pour le projet de paix par le commerce.Fabien Bottini, Professeur des Universités en droit public, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801582022-03-28T18:32:13Z2022-03-28T18:32:13ZVérité, liberté, démocratie : écoutons Spinoza plutôt que Poutine !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/454724/original/file-20220328-17346-1nwhygs.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C833%2C699&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Allégorie de la Force et de la Vérité, Antonio Balestra</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.artnet.fr/artistes/antonio-balestra/all%C3%A9gorie-de-la-force-et-de-la-v%C3%A9rit%C3%A9-KY-FpvbK5fJcQYlSZMg_Wg2">artnet</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://theconversation.com/comment-donald-trump-et-vladimir-poutine-devoient-le-concept-de-verite-177886">Un article récemment publié par The Conversation France</a> montre comment la propagande russe se déploie sous le masque d’une critique post-moderne, qui redéfinit systématiquement des notions comme « vérité », « liberté » ou « démocratie »… </p>
<p>Le mieux à faire pour résister, de sa petite place, et avec les seules armes de l’esprit, n’est-il pas alors de mettre en évidence l’inanité d’un tel travail de déstabilisation conceptuelle, dont l’objectif est de nous plonger dans la confusion, à la lumière de ce que la pensée philosophique a pu proposer, à cet égard, de plus ferme, et de plus clair ? </p>
<p>Nous nous bornerons ici à évoquer ce que nous a appris Spinoza.</p>
<h2>De la vérité</h2>
<p>Commençons par l’examen du concept de vérité. Car, si ce concept est mystificateur, il sera impossible de dire en vérité ce qu’est la liberté, comme de prétendre définir la « vraie » démocratie. On ne pourra que subir le discours de celui qui parle le plus fort. Si, et quand, c’est « à chacun son discours », celui qui détient l’arme nucléaire et en menace les autres tient sans contestation possible le discours le plus « vrai » !</p>
<p>Mais peut-on tenir pour seule vérité le principe « à chacun sa vérité », qui plonge dans un relativisme destructeur de toute consistance conceptuelle, et rend impossible une distinction claire entre le vrai et le faux ? Pour Spinoza, plutôt que de vérité, il est préférable de parler « d’idées vraies ». Car l’idée, « concept que l’esprit forme parce qu’il est un être pensant » (<em>Ethique</em>, II, déf. 3), peut être ou bien fausse, c.-à-d., « inadéquate ou confuse », ou bien « vraie », c.-à-d., adéquate et claire.</p>
<p>« La fausseté consiste en une privation de connaissance » (E. II, P. 35). La vérité, dans la connaissance adéquate de la « chose », que permet cette idée : « Avoir une idée vraie, c’est connaître une chose parfaitement, ou le mieux possible ». La vérité est alors norme de soi-même et du faux, car « qui a une idée vraie sait en même temps qu’il a une idée vraie, et ne peut douter de la vérité de la chose ». (P. 43)</p>
<p>L’idée, et l’essentiel est là, n’est pas autre chose que « l’acte même de comprendre ». « Tout ce à quoi nous nous efforçons par raison est de comprendre » (IV, P. 26). « La vertu absolue de l’esprit, c’est donc comprendre » (P. 28). La « puissance de l’esprit » s’exprime dans l’acte de « s’efforcer de comprendre » (E, V, P. 10). L’idée vraie est le résultat de l’effort fait pour comprendre. Est mauvais tout ce qui peut empêcher de comprendre.</p>
<p>Ainsi il n’y a pas de vérité en dehors de celui qui pense. La vérité n’est pas une réalité extérieure aux individus, que l’on pourrait trouver dans un texte, plus ou moins sacré. Elle réside dans l’acte même de comprendre, à quoi s’efforce tout sujet raisonnable. Elle se donne à celui qui fait l’effort de comprendre. Il faut parler de connaissance vraie, plutôt que de vérité.</p>
<p>On peut alors gager que Poutine sait très bien qu’il s’est rendu coupable d’une invasion, qu’il fait la guerre, et qu’il massacre des innocents. S’il ne le sait pas, c’est qu’il refuse de faire cet indispensable effort de comprendre au bout duquel, seul, il y a production d’une idée vraie. Tout être humain faisant cet effort comprendra avec la plus parfaite clarté qu’aussi sûr qu’un chat est un chat, une guerre est une guerre, et Poutine un assassin.</p>
<h2>De la liberté</h2>
<p>On pourrait s’en tenir à une définition donnée dès les premières lignes de l’<em>Ethique</em> :</p>
<blockquote>
<p>« On dit qu’une chose est libre si elle existe par la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir ; on dit qu’elle est contrainte si elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir. »</p>
</blockquote>
<p>La cause est d’emblée entendue. C’est à l’évidence pour sauvegarder leur liberté que luttent les Ukrainiens, dont le légitime combat ne peut qu’être approuvé et soutenu par tout être raisonnable.</p>
<p>Mais il n’est peut-être pas inutile d’ajouter que l’« homme libre » est celui « qui vit sous le seul commandement de la raison », et qui désire directement « ce qui est bon » de ce point de vue : « agir, vivre, conserver son être d’après le principe qu’il faut chercher ce qui est utile à chacun » (E. IV, P. 67). Spinoza ajoute trois considérations.</p>
<p>Premièrement, « Un désir qui naît de la raison nous mène directement au bien… aussi tendons-nous directement au bien sous la conduite de la raison, et c’est seulement dans cette mesure que nous fuyons le mal » (IV, P. 63). Il n’est donc pas difficile de distinguer le bien du mal !</p>
<p>Par ailleurs, « L’homme libre ne pense jamais à la mort ; sa sagesse n’est pas une méditation de la mort, mais de la vie » (E. IV, P. 67). Ce qui donne une idée du degré de servitude auquel sont parvenus ceux qui se sont crus autorisés à détruire la liberté des autres, et qui se sont donné la mort pour seul horizon… En ce sens, ils sont au moins autant à plaindre, qu’à condamner !</p>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-mieux-saisir-la-post-verite-relire-hannah-arendt-71518">Pour mieux saisir la post-vérité, relire Hannah Arendt</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Enfin, « celui qui nait libre, et qui le reste, n’a que des idées adéquates ». La liberté est en quelque sorte une condition de l’accès à la vérité (par l’exercice de « l’acte même de comprendre »).</p>
<p>On pourrait alors ajouter que le sommet de la liberté est « la liberté de l’esprit, ou béatitude » (E. V, Préface), « puisqu’il n’y a d’autre puissance de l’esprit que celle de penser et de former des idées adéquates » (E, V, P. 4). Cela soulève la question de la démocratie.</p>
<h2>De la démocratie</h2>
<p>L’État poutinien serait-il un nouveau modèle de régime démocratique ? Mais qu’est-ce qu’un État démocratique ? On peut retenir trois enseignements des analyses que le <em>Traité Théologico-Politique</em> propose sur le « fondement » et la « « fin de la Démocratie ». Tout d’abord, la Démocratie se définit comme « l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir ». Son fondement est un « pacte tacite ou exprès », permettant de « réfréner l’Appétit, en tant qu’il pousse à causer du dommage à autrui, de ne faire à personne ce qu’ils ne voudraient pas qui leur fût fait, et enfin de maintenir le droit d’autrui comme le sien propre ». Par ce pacte :</p>
<blockquote>
<p>« L’individu transfère à la société toute la puissance qui lui appartient, de façon qu’elle soit seule à avoir sur toute choses un droit souverain de Nature, c’est-à-dire une souveraineté de commandement à laquelle chacun sera tenu d’obéir. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un État démocratique, une obéissance absolue au souverain est exigée : « nous sommes tenus d’exécuter absolument tout ce qu’enjoint le souverain » (chapitre XVI). Mais alors, ne pourrait-on parler d’une dictature du souverain, qui serait par essence liberticide ?</p>
<p>Non, car il faut bien voir que (chapitre XX) « La fin de l’État est en réalité la liberté ». Le pacte social a pour fin de permettre de vivre « dans la concorde et dans la paix » :</p>
<blockquote>
<p>« Sa fin dernière n’est pas la domination ; ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre que l’État est institué ; au contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. »</p>
</blockquote>
<p>Si bien que ce qui est exigé par l’État démocratique est que l’individu renonce à son droit d’agir selon le seul décret de sa pensée, et nullement à son droit de penser librement :</p>
<blockquote>
<p>« C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger. »</p>
</blockquote>
<p>Et encore :</p>
<blockquote>
<p>« Tous conviennent d’agir par un commun décret, mais non de juger et de raisonner en commun. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un État libre, enfin, « il est loisible à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense ». La majesté souveraine ne peut s’exercer ni sur le vrai et le faux, ni sur les convictions religieuses.</p>
<p>L’État poutinien préserve-t-il la liberté de penser ? La question pourrait prêter à sourire, si la réponse n’était pas aussi tragique, en termes d’arrestations, d’emprisonnements, d’empoisonnements, et de meurtres !</p>
<p>Ainsi Spinoza nous a-t-il appris que l’Homme est capable de produire des idées vraies, la « vérité » étant « norme de soi-même et du faux » (E, II, P. 43) ; qu’est libre celui qui vit sous le seul commandement de la raison ; et que l’État démocratique a pour caractère premier de sauvegarder la liberté de penser. Ce qui permet, d’une part, de dévoiler le caractère fallacieux de la « pensée » poutinienne, dans sa prétention à déconstruire les concepts « occidentaux » de vérité, de liberté, et de démocratie. Et, d’autre part, de condamner avec la plus grande sévérité une effroyable et insensée entreprise d’invasion destructrice du pays voisin, entreprise aussi liberticide que cruelle. Pour le dire en un mot : inhumaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vérité réside dans l’acte même de comprendre, à quoi s’efforce tout sujet raisonnable.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798832022-03-27T17:25:15Z2022-03-27T17:25:15ZL’architecte burkinabé Diébédo Francis Kéré, concepteur des « villes paisibles »<p>Le Burkinabé <a href="https://theconversation.com/homage-to-the-forest-tree-architect-francis-kere-pays-tribute-to-his-african-roots-74332">Diébédo Francis Kéré</a> est devenu le <a href="https://edition.cnn.com/style/article/pritzker-prize-2022-francis-kere/index.html">premier Africain</a> et le premier noir à remporter le prix Pritzker, l’équivalent d’un prix Nobel en architecture.</p>
<p><a href="https://www.pritzkerprize.com/laureates/diebedo-francis-kere">Son travail</a> a toujours souligné l’importance cruciale de concevoir ce qu’il appelle des <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-12-06/how-francis-k-r-uses-architecture-as-a-social-tool">« villes cohérentes et paisibles »</a>. Après l’incendie qui a ravagé l’Assemblée nationale du Burkina Faso à Ouagadougou durant la révolution de 2014, il a soumis un projet visant à faire du nouveau complexe le symbole de la <a href="https://www.dezeen.com/2017/07/03/movie-burkina-faso-parliament-building-national-assembly-diebedo-francis-kere-video-interview/">transparence et de l’inclusion</a> que les <a href="https://www.theguardian.com/world/2014/oct/31/burkina-faso-president-blaise-compaore-ousted-says-army">protestataires</a> exigeaient du nouveau gouvernement.</p>
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</figure>
<p>Il a donné au bâtiment principal (toujours en construction) la forme d’une pyramide à degrés, dont la façade accueille un espace public accessible à tous, 24 heures sur 24. L’édifice est agrémenté de terrasses végétalisées en l’honneur des accomplissements agricoles du pays. En 2017, Diébédo Francis Kéré <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-12-06/how-francis-k-r-uses-architecture-as-a-social-tool">expliquait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Cette idée illustre mon espoir, peut-être un peu naïf, qu’à la prochaine révolution, on épargnera le bâtiment et qu’on ne le brûlera pas, puisqu’on s’en sert. »</p>
</blockquote>
<p>Sa toute première réalisation est l’<a href="https://www.archdaily.com/785955/primary-school-in-gando-kere-architecture">école primaire</a> de Gando, son village natal. À cette occasion, il a modernisé – mais non rejeté – les techniques traditionnelles en utilisant de l’argile locale (que l’on trouve en abondance) mais, surtout, en impliquant la communauté tout entière. Les enfants ont ramassé des pierres pour les fondations. Les femmes ont apporté de l’eau pour modeler les briques. « Plus on emploie de ressources locales, plus on stimule l’économie locale et le savoir régional. Tout cela contribue à la fierté des habitants », ajoute-t-il.</p>
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<img alt="An interior shot of a clay brick building with circular holes in the ceiling, through which light filters down onto the floor" src="https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453047/original/file-20220318-15-1qvhnuq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour la bibliothèque de l’école primaire de Gando, Diébédo Francis Kéré a percé des puits de lumière circulaires dans le toit, qui assurent également une bonne aération.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/22/Kere_library_gando.jpg">GandoIT/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Remettre en question la pensée eurocentrée</h2>
<p>D’ici 2030, on estime que deux milliards de personnes habiteront des bâtiments dits « non-conventionnels » qu’elles auront <a href="https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/21252030%20Agenda%20for%20Sustainable%20Development%20web.pdf">construits elles-mêmes</a>. Plus de <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_627189/lang--en/index.htm">61 %</a> de la population active mondiale participe déjà à cette économie <a href="https://www.wiego.org/informal-economy">parallèle</a>.</p>
<p>Il incombe cependant aux architectes de métier de dépasser les approches dominantes, occidentales et eurocentriques en matière de milieu bâti et, à l’instar de Diébédo Francis Kéré, d’y réinsuffler les connaissances indigènes. Cette dynamique contribuerait non seulement à <a href="https://www.taschen.com/pages/en/catalogue/architecture/all/04698/facts.julia_watson_lotek_design_by_radical_indigenism.htm">l’autonomisation des communautés locales</a>, mais favoriserait aussi une plus grande durabilité. Comme il le précisait lui-même <a href="https://edition.cnn.com/style/article/pritzker-prize-2022-francis-kere/index.html">à CNN</a> peu après l’annonce du prix qui lui était décerné :</p>
<blockquote>
<p>« Compte tenu de son mode de communication, l’Occident se présente parfois comme ce qui se fait de mieux. Le reste du monde le perçoit alors comme tel, oubliant que les ressources locales pourraient résoudre la crise climatique et représenter une alternative sérieuse en matière de développement socio-économique. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis deux ans, le prix Pritzker délaisse les <a href="https://theconversation.com/will-the-death-of-starchitect-zaha-hadid-bring-life-to-more-of-her-designs-57205">« starchitectes »</a> pour ceux dont les travaux tiennent davantage compte des préoccupations sociales. En 2021, il a ainsi distingué les architectes français <a href="https://theconversation.com/lacaton-and-vassal-how-this-years-pritzker-prize-could-spark-an-architectural-revolution-157636">Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal</a>, dont l’approche radicale en termes de revalorisation et de rénovation traduit l’impact environnemental massif du secteur. L’année précédente, le prix avait été décerné au binôme irlandais <a href="https://www.pritzkerprize.com/laureates/2020">Yvonne Farrell et Shelley McNamara</a>, du cabinet Grafton Architects, pour leurs travaux d’amélioration et de mise en valeur du territoire local.</p>
<p>La problématique plus générale et plus pressante de la représentation et de l’exclusion, longtemps esquivée par les architectes, n’avait néanmoins pas été traitée jusqu’à l’annonce de cette année. En tant qu’architectes, universitaires et codirecteurs récemment nommés dans le cadre d’une politique d’égalité, de diversité et d’inclusion à la Bartlett School of Architecture de Londres, nous sommes bien placés pour en attester.</p>
<p><a href="https://www.architectsjournal.co.uk/news/architecture-is-systemically-racist-so-what-is-the-profession-going-to-do-about-it">Le racisme systémique</a> continue de façonner la profession, et la <a href="https://built-heritage.springeropen.com/track/pdf/10.1186/BF03545677.pdf">pensée colonialiste</a> reste bien souvent au cœur de <a href="https://www.dezeen.com/2021/06/01/bartlett-racism-sexism-investigation/">l’enseignement en architecture</a>. À mesure que les inégalités environnementales, sociales et économiques se creusent à l’échelle mondiale, nous avons plus que jamais besoin d’architectes doués d’une conscience éthique. C’est donc un honneur d’assister à la légitime consécration de Diébédo Francis Kéré.</p>
<h2>Promouvoir la diversité</h2>
<p>L’architecture demeure une affaire <a href="https://www.dezeen.com/2020/06/04/racial-inequality-minnesota-american-institute-of-architects-opinion/">d’hommes blancs</a>, rongée par les <a href="https://www.acsa-arch.org/resource/where-are-my-people-black-in-architecture/">discriminations raciales</a>. Selon l’Architect Review Board, en 2020, <a href="https://arb.org.uk/about-arb/equality-diversity/data/">moins de 1 %</a> des architectes diplômés au Royaume-Uni étaient noirs, ou d’origine africaine.</p>
<p>Plus inquiétant encore, comme <a href="https://www.architecture.com/-/media/DE213D6DC130456CA4643B01890A8D73.pdf">l’a découvert</a> le Royal Institute of British Architects en 2019, sur les 8,3 % de candidats noirs qui souhaitaient étudier l’architecture en 2018-2019, seuls 1,5 % ont réussi à valider leur cursus.</p>
<p>Les écoles d’architecture en Occident ne s’attaquent que depuis peu à la question de l’incidence de la race, grâce à des initiatives de décolonisation de l’enseignement en génie de la conception. La victoire de Diébédo Francis Kéré apparaît comme une rectification indispensable à la liste des architectes les plus connus au monde. Elle fait écho à la nomination de l’architecte écossaise et ghanéenne Lesley Lokko au poste de <a href="https://www.archdaily.com/973597/lesley-lokko-appointed-curator-of-the-18th-international-architecture-exhibition-of-la-biennale-di-venezia">commissaire</a> de la prochaine Biennale d’architecture, qui se tiendra à Venise en 2023. Elle sera la première architecte noire – et seulement la troisième femme – à diriger le célèbre événement bisannuel.</p>
<p>Ce glissement de valeurs dans les plus hautes sphères de l’architecture a été souligné par Diébédo Francis Kéré lorsqu’il <a href="https://www.bdonline.co.uk/news/francis-kere-wins-the-2022-pritzker-prize/5116540.article">s’est exprimé</a> sur le prix Pritzker de cette année :</p>
<blockquote>
<p>« La qualité, le luxe, le confort sont des droits. Nous sommes interconnectés et les préoccupations liées au climat, à la démocratie et aux pénuries sont de notre responsabilité à tous. »</p>
</blockquote>
<p>L’œuvre de Diébédo Francis Kéré et la reconnaissance symbolique de ce prix seront bénéfiques pour les professionnels du secteur et pour la société dans son ensemble. Nous avons donc tout intérêt à écouter ce qu’il nous dit.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le maître ouest-africain a été récompensé pour sa longue carrière au service d’une architecture ancrée dans son territoire et de l’autonomisation des communautés locales.Lakshmi Priya Rajendran, Lecturer (Assistant Professor) in Environmental and Spatial Equity, UCLMaxwell Mutanda, Lecturer in Environmental and Spatial Equity, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789092022-03-17T19:25:24Z2022-03-17T19:25:24ZLe retour de la guerre confirme en creux que l’histoire est bel et bien finie<p>La difficulté majeure de la guerre faite à l’Ukraine ne tient pas à Poutine seul. Les controverses auxquelles donne lieu le conflit signalent la profonde complexité géopolitique de la situation. La difficulté tient à quelque chose dont nous sommes toutes et tous, humains, désormais responsables.</p>
<p>Ce que Poutine semble de toute évidence ne pas savoir, non plus que nous toutes et tous, est que l’histoire est très probablement totalement terminée. Et elle s’est sans nul doute terminée bien avant les thèses de Fukuyama sur la <a href="https://www.franceculture.fr/histoire/lhistoire-de-la-fin-de-lhistoire">fin de l’histoire</a> parues après la chute du mur de Berlin. Le compatriote de Poutine plus tard naturalisé français, Aleksandr Kojevnikov (Alexandre Kojève), né à Moscou en 1902, l’avait magistralement compris et enseigné dans un livre publié en 1947, <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Idees/Introduction-a-la-lecture-de-Hegel"><em>Introduction à la lecture de Hegel</em></a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450910/original/file-20220309-19-pwxi8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Francis Fukuyama, en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fronteirasweb/28022444332">Fronteiras Do Pensamento/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Si ce qui précède est vrai, il faut évidemment se demander ce que cela veut dire. Car ça a l’air à première vue totalement absurde. Les événements de l’actualité mondiale donnent au contraire le sentiment que loin d’être terminée, l’histoire recommence de plus belle.</p>
<p>L’histoire est terminée au sens de Kojève, car nous pouvons comprendre maintenant pourquoi l’humanité se bat depuis son avènement. Ce qui n’a pas toujours été le cas, c’est le moins que l’on puisse dire. L’humanité se bat. Elle est, on le voit de plus en plus clairement, la lutte même pour ce que l’on appelle la justice et le respect des personnes. Nous savons cela depuis l’avènement de l’idée de l’État de droit, qui rend possible l’avènement des droits de l’homme au sens générique du terme. L’humanité est à la fois l’émergence, l’avènement, et autant que possible, la réalisation du respect et de la justice.</p>
<p>L’histoire de l’humanité est l’événement de faire advenir ici-bas le respect, la reconnaissance, de chacune et chacun. Indépendamment de nos sexes, de nos couleurs de peau, de nos âges, etc. Elle a été à la fois le théâtre et l’intrigue de ce combat archaïque constitutif pour la dignité de chacune et chacun. Pour la « reconnaissance universelle de l’irréductible individualité » de chacune et chacun comme le formule Alexandre Kojève.</p>
<p>Pourquoi écrire cela maintenant ? Le pari est le suivant. Si l’on prend toutes et tous clairement conscience que l’avènement de la notion d’État de droit, appuyée sur celle de droits de l’homme, est la conséquence finale de l’aventure humaine, cette prise de conscience collective est susceptible de provoquer un effet de cliquet sur notre compréhension des choses et sur nos vies. On peut parier qu’alors l’ancienne présupposition qu’il n’y a que des guerres à faire, à faire encore, à faire toujours s’oublie progressivement. Encore faut-il y mettre la main à la pâte.</p>
<h2>Désir de reconnaissance</h2>
<p>Nous sommes toutes et tous assoiffés de reconnaissance. La différence d’avec le passé, est qu’aujourd’hui, nous le savons. Nous savons que la notion d’État de droit a été élaborée pour assouvir cette soif. Nous avons à notre portée, si nous voulons bien les lire et leur accorder foi, des livres essentiels de la culture universelle qui disent que l’apaisement est possible, et qui donnent quelques grandes lignes de ce qu’il faut tenter pour cela.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gouvernements-entreprises-le-desir-de-reconnaissance-moteur-de-lambition-169851">Gouvernements, entreprises… le désir de reconnaissance, moteur de l’ambition</a>
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<p>Nous avons enfin compris – en tout cas on nous a clairement dit – de quoi étaient faits les nerfs de la guerre et de l’aventure humaine jusqu’ici. Nous avons sous la main les guides qui permettent de tracer les grandes lignes d’une vie politique paisible, dotée des gardiens adéquats contribuant à garantir que ceux qui sont censés être nos gardiens, les gouvernants, le soient vraiment : <a href="https://la-philosophie.com/kant-paix-perpetuelle-projet"><em>Le Projet de paix perpétuelle</em></a> de Kant, <a href="https://la-philosophie.com/philosophie-droit-hegel"><em>Les Principes de la philosophie du Droit</em></a> de Hegel, etc.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450917/original/file-20220309-23-18w5c2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1179&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Esquisse-d-une-phenomenologie-du-Droit">Éditions Gallimard</a></span>
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<p>Ici aussi, Le travail d’Alexandre Kojève est essentiel : il faut lire ce qu’il écrit dans son <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Esquisse-d-une-phenomenologie-du-Droit"><em>Esquisse d’une phénoménologie du Droit</em></a>, écrite en pleine Seconde guerre mondiale, en 1943.</p>
<p>La thèse est que l’humanité est passée d’une domination de Maîtres à la montée en puissance de l’autonomie des Esclaves. Le résultat de l’histoire est le dépassement de la domination par l’avènement de Citoyens tous égaux entre eux, indépendamment du sexe, de l’origine ethnique, etc. À chaque « catégorie » correspond une forme dominante essentielle droit relative à un idéal de justice : « justice de l’égalité » (Maîtres), « justice de l’équivalence » (Esclaves), et « justice de l’équité (Citoyens).</p>
<p>Ce qui est très important est que la « tension » maître-esclave une fois comprise, elle se révèle en fait « éternelle » – c’est-à-dire jouée dès l’avènement de l’humanité, et donc toujours à reconquérir en direction d’une citoyenneté qui ne peut jamais être tenue pour acquise.</p>
<h2>Trop tard</h2>
<p>La conséquence majeure de ceci est que, sur le fond de ce qui précède, le geste de Poutine est un « coup » tardif. Intempestif. Dépassé. Comme tous les « coups » auxquels on assiste de nos jours (voir Bernard Bourgeois, <a href="https://www.vrin.fr/livre/9782711627554/penser-lhistoire-du-present-avec-hegel"><em>Penser l’histoire du présent avec Hegel</em></a>). Le gouvernement russe a beau revendiquer que l’Ukraine est une partie de la Russie – et tsariste et communiste –, et que son invasion en constitue la libération, le « geste » de la « reconquérir » est diamétralement contradictoire avec ce que nous savons, nonobstant ses convulsions continues, du sens de l’histoire.</p>
<p>On ne peut plus faire semblant de vivre une histoire authentique en reculant. En particulier après les deux Guerres mondiales du XX<sup>e</sup> siècle, dont la deuxième est due à une régression comparable à celle à laquelle Poutine voudrait que l’on assiste, il est devenu hors de question d’envisager quelque légitimité que ce soit à un geste comme celui de la Russie envers l’Ukraine.</p>
<p>Nous sommes à la fin de ce qu’est notre histoire, et au début d’autre chose. Mais il faut, pour ouvrir vraiment l’avenir, prendre acte du passé, seul sol solide à partir de quoi de nouveaux rêves, mus par autre chose que la soif et le manque, sont possibles.</p>
<p>Insistons bien sur ceci : ce qui est affirmé ici ne parle pas que de la Russie et des « autres ». Cela parle de l’humanité en son entier. Car ce mal dont Poutine et la Russie souffrent, qui provoque tous les excès, est bien universel. C’est une maladie spécifiquement humaine toute simple, qui s’appelle le <a href="https://theconversation.com/gouvernements-entreprises-le-desir-de-reconnaissance-moteur-de-lambition-169851">désir de reconnaissance</a> et dont l’expression se mondialise de plus en plus. Nous sommes bien à la Fin de l’histoire. Fin qui a elle-même son histoire, et dont nous sommes toutes et tous co-responsables.</p>
<p>Plus nous saurons reconnaître les trésors de la pensée qui s’est retournée sur l’histoire et en a extrait l’essentiel, moins nous serons vulnérables à nous abandonner à des colères devenues de pacotille.</p>
<p>Il n’y a décidément plus de « sujet ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178909/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon le philosophe russe Alexandre Kojève en 1947, la prise de conscience qu’il n’y a plus de raisons de massacrer des populations innocentes marque un achèvement pour l’humanité.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704082021-10-26T18:27:38Z2021-10-26T18:27:38ZLes prix Nobel de la paix controversés, signe d’une réforme nécessaire ?<p>Le prix Nobel de la paix 2021 a été décerné à deux journalistes, le Russe Dmitri Mouratov et la Philippine Maria Ressa, récompensés pour « leur combat courageux pour la liberté d’expression ». Une surprise, car ces deux militants étaient assez peu connus du grand public. On peut saluer le fait que ces deux lauréats, courageux militants pour la liberté d’expression dans des pays où celle-ci n’est pas garantie, sont tous deux issus de pays non occidentaux. En effet, longtemps, le prix a récompensé essentiellement des Européens et des Nord-Américains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-fermeture-de-la-nova-a-gazeta-dernier-clou-dans-le-cercueil-de-la-liberte-dexpression-en-russie-170029">La fermeture de la Novaïa Gazeta, dernier clou dans le cercueil de la liberté d’expression en Russie</a>
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<p>Créé en 1901, le prix Nobel de la paix, selon le testament manuscrit d’Alfred Nobel, exposé au musée Nobel de Stockholm depuis 2015, récompense chaque année « la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/271285-le-prix-nobel-de-la-paix">personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples</a>, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». La liberté d’expression est parmi les causes les plus fréquemment récompensées par le Nobel depuis les années 1970, avec par exemple en 1975 le dissident soviétique Andrei Sakharov et en 1977 l’ONG Amnesty International.</p>
<p>Alfred Nobel aurait, selon l’écrivain autrichien Stefan Zweig dans ses mémoires <em>Le monde d’hier</em>, créé ce prix pour compenser les conséquences néfastes de son invention de la dynamite, brevetée en 1866._</p>
<p>Ainsi, des hommes et des femmes ayant oeuvré à la paix mondiale, milité pour les droits humains, ou agi pour l’aide humanitaire et la liberté dans le monde, sont récompensés par cette prestigieuse distinction. Ils sont choisis par un comité nommé par le parlement norvégien.</p>
<p>Au fil du temps, des grandes personnalités pacifistes et humanistes ont été distinguées, comme <a href="https://www.croix-rouge.fr/Actualite/henry-dunant-1219">Henry Dunant</a>, le fondateur de la Croix-Rouge, en 1901, la femme pacifiste autrichienne <a href="https://histoireparlesfemmes.com/2013/11/11/bertha-von-suttner-premiere-prix-nobel-de-la-paix/">Bertha von Suttner</a> en 1905, le chirurgien missionnaire français <a href="http://museeskaysersberg.e-monsite.com/pages/musees/musee-du-docteur-schweitzer/qui-est-albert-schweitzer.html">Albert Schweitzer</a> en 1952, le Suédois <a href="https://www.un.org/fr/memorial/hammarskjold50.shtml">Dag Hammarskjöld</a>, Secrétaire général de l’ONU, en 1961, le militant américain des droits civiques <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-ephemeride/10-decembre-1964-martin-luther-king-recoit-le-prix-nobel-de-la-paix_1770603.html">Martin Luther King</a> en 1964, la religieuse humanitaire d’origine albanaise <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8re_Teresa">Mère Teresa</a> en 1979, ou encore, plus récemment, le militant des droits de l’homme chinois <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/qui-etait-liu-xiaobo-dissident-chinois-et-nobel-de-la-paix-mort-apres-huit-ans-de-detention_2281971.html">Liu Xiaobo</a> en 2010.</p>
<h2>Critiques et polémiques</h2>
<p>Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre de ce prix.</p>
<p>Tout d’abord, il a été longtemps donné qu’à des Occidentaux, et bien davantage à des hommes qu’à des femmes. Cependant, avec 18 femmes lauréates, le Nobel de la Paix est le Nobel qui totalise le plus de récipiendaires féminines. Parmi ces rares femmes, on peut citer par exemple en 1992 la militante autochtone guatémaltèque Rigoberta Menchu, récompensée pour ses efforts en faveur « de <a href="https://clubquetzal.org/decouvrir-le-club-quetzal/rigoberta-menchu-sa-vie-son-oeuvre/">la justice sociale et de la réconciliation ethnoculturelle</a> basée sur le respect pour les droits des peuples autochtones ».</p>
<p>On a pu aussi relever d’injustifiables absences, comme Gandhi. Icône de la lutte pacifiste et non violente pour <a href="https://www.herodote.net/15_ao%C3%BBt_1947-evenement-19470815.php">l’indépendance de l’Inde</a>, il n’a jamais reçu le prix. Toutefois, assassiné en 1948, il est possible qu’il l’aurait obtenu s’il avait vécu plus longtemps.</p>
<p>Surtout, plusieurs prix Nobel de la Paix ont été <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20121012.RUE3108/retour-sur-cinq-prix-nobel-de-la-paix-controverses.html">controversés</a>. Ainsi, le président américain <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/theodore-roosevelt-ou-la-naissance-de-l-empire-americain_2131747.html">Theodore Roosevelt</a> l’a reçu en 1906, pour saluer ses efforts en faveur de la fin de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, alors qu’il était un militariste convaincu, adepte de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Doctrine_du_Big_Stick">doctrine du « Big Stick »</a>, c’est-à-dire de la pression exercée par la menace militaire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wK6SsPE_Im8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Theodore Roosevelt, la présidence au pas de charge (1901–1909), France Inter, 2 novembre 2020.</span></figcaption>
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<p>Il n’a d’ailleurs pas hésité à tancer son successeur le Démocrate <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Thomas_Woodrow_Wilson/149909">Woodrow Wilson</a> pour avoir ébauché le projet de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor#:%7E:text=Pr%C3%A9curseur%20de%20l%E2%80%99Organisation%20des,la%20paix%20et%20la%20s%C3%A9curit%C3%A9%20%C2%BB.">« Société des Nations »</a>, futur temple du multilatéralisme et du pacifisme, et préfiguration de l’ONU, durant son discours d’acceptation du prix en 1910. Theodore Roosevelt était en effet hostile au multilatéralisme.</p>
<h2>1973, le scandale Kissinger : le prix Nobel de la Paix décerné à un criminel de guerre ?</h2>
<p>En 1973, c’est un autre Américain, le secrétaire d’État <a href="https://www.liberation.fr/culture/livres/henry-kissinger-diplomate-de-fer-20211021_FJOAPM4PFZB6FLS4LBKLZPOTXA/">Henry Kissinger</a>, qui est lauréat du prix. C’est sans doute le cas le plus choquant et scandaleux, étant donné sa responsabilité dans l’<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2001/05/ABRAMOVICI/1729">« opération Condor »</a>, campagne secrète d’assassinats de leaders démocrates et de coups d’État militaires conduite sous l’égide de la CIA dans plusieurs pays d’Amérique latine (Chili, Argentine, Bolivie, Paraguay, Uruguay notamment) pendant la guerre froide et en particulier dans les années 1970.</p>
<p>Kissinger est ainsi l’un des maîtres d’œuvre du <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210911-au-chili-le-11-septembre-marque-le-coup-d-%C3%A9tat-militaire-de-pinochet-en-1973">coup d’État du 11 septembre 1973</a> au Chili, qui a vu le renversement – et la mort – du président socialiste Salvador Allende et la prise de pouvoir par le général Pinochet qui a instauré alors une sanglante dictature d’extrême droite qui a duré jusqu’en 1990.</p>
<p>Kissinger est aussi responsable de <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2018-3-page-63.htm">bombardements meurtriers au Cambodge</a> pendant la guerre du Vietnam. C’est donc un véritable scandale qu’il ait été récompensé par le prix Nobel de la Paix, car selon certains il est bien plutôt un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2001/10/WARDE/7946">« criminel de guerre »</a>, responsable de <a href="https://www.letemps.ch/opinions/henry-kissinger-juge-crimes-contre-lhumanite">« crimes contre l’humanité »</a>. D’ailleurs, le diplomate nord-vietnamien Le Duc Tho, récompensé la même année pour avoir été l’un des négociateurs des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_paix_de_Paris">accords de paix de Paris</a> mettant fin à la guerre du Vietnam, a refusé sa part du prix, par mesure de protestation.</p>
<p>En 1991, la femme d’État birmane Aung San Suu Kyi, militante de l’opposition <a href="https://ras-nsa.ca/fr/publication/la-non-violence-comme-strategie-de-resistance-au-myanmar/">non violente</a> à la dictature militaire de son pays, devient à son tour lauréate du prix Nobel de la paix. Or, plus tard, alors qu’elle est <em>de facto</em> chef du gouvernement, de 2016 à 2021, la presse va lui reprocher son inaction et son absence de condamnation des discriminations et des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/09/deux-ex-soldats-birmans-avouent-des-crimes-contre-les-rohingya_6051476_3210.html">massacres commis par l’armée birmane à l’encontre des Rohingyas</a>, minorité musulmane persécutée de Birmanie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-birmanie-la-junte-militaire-renoue-avec-ses-vieux-demons-154430">En Birmanie, la junte militaire renoue avec ses vieux démons</a>
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<p>Ces massacres sont même <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/09/1051712">qualifiés de « génocide » par l’ONU</a>. <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">Des appels ont alors été lancés pour qu’elle soit privée de son prix</a>, mais les règles régissant les prix Nobel ne permettent pas une telle démarche.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nobel de la Paix : à quel prix ? France 24, 10 décembre 2019.</span></figcaption>
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<h2>1994, polémique autour du choix de Yasser Arafat</h2>
<p>Trois ans plus tard, en 1994, le prix Nobel de la paix a été attribué conjointement aux deux hommes politiques israéliens <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/shimon-peres-ancien-president-israelien-et-dernier-pere-fondateur-d-israel_1834965.html">Shimon Peres</a> et <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Yitzhak_Rabin/140127">Yitzhak Rabin</a> et à l’homme politique palestinien <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Muhammad_Abd-al_Rauf_Arafat_dit_Yasser_Arafat/105896">Yasser Arafat</a>, fondateur de <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Organisation-de-Liberation-de-la-Palestine-OLP.html">l’Organisation pour la libération de la Palestine</a> (OLP), pour leur rôle à tous les trois dans la signature des <a href="https://www.amnesty.fr/focus/accords-oslo">accords d’Oslo</a>, étape importante en direction d’une paix dans le conflit israélo-palestinien. Plusieurs observateurs ont critiqué le choix d’Arafat, le considérant comme un terroriste en raison de l’action violente menée par l’OLP. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/K %C3 %A5re_Kristiansen">Kare Kristiansen</a>, homme politique norvégien, membre du comité Nobel a ainsi <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">démissionné en signe de protestation</a>.</p>
<p>En 2004, la militante kényane Wangari Mathai, aujourd’hui décédée, est devenue la première femme africaine à recevoir un prix Nobel. Or, <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-58828791">elle a ensuite été critiquée pour ses propos sur les origines du VIH</a>. En effet, elle a laissé entendre que le virus du VIH aurait été créé artificiellement comme une arme biologique, conçue pour détruire les Noirs, ce qui n’est en aucune manière étayé scientifiquement.</p>
<h2>2009, Barack Obama : un prix Nobel pour rien ?</h2>
<p>En 2009, c’est Barack Obama qui se voit attribuer la précieuse distinction. Il a lui-même été très surpris, comme il le confie dans le premier tome de <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/une-terre-promise-9782213706122">son autobiographie</a>, étant alors au pouvoir depuis moins d’un an. Il a même cru à une blague au début. En réalité, le comité Nobel a, en choisissant de distinguer Obama, eu l’intention de récompenser <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/10/09/barack-obama-prix-nobel-de-la-paix_1251573_3222.html">« le nouveau climat dans la politique internationale »</a> créé par l’arrivée d’Obama au pouvoir, et sa « vision pour un monde sans arme nucléaire ».</p>
<p>Cette attribution a suscité des critiques, car Obama représentait les États-Unis, qui étaient alors en guerre à la fois en Afghanistan et en Irak, et qui maintenaient le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/11/les-20-ans-du-11-septembre-guantanamo-l-impasse-du-non-droit_6094265_3210.html">camp de Guantanamo</a> en service, dans lequel des prisonniers étaient <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2021/01/usa-report-human-rights-violations-guantanamo/">torturés et incarcérés sans jugement et sans avocat dans des conditions indignes des droits humains</a>, comme l’ont dénoncé de nombreuses ONG et notamment Amnesty International.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204305549900296193"}"></div></p>
<p>En 2011, le Prix Nobel de la Paix a été décerné à <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/ellen-johnson-sirleaf/">Ellen Johnson Sirleaf</a>, Présidente du <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Liberia/129821">Liberia</a> (ainsi qu’à deux autres personnalités). Dans son pays, ce prix a divisé la population.</p>
<p>Selon certains, cette récompense serait <a href="http://www.slateafrique.com/52395/ellen-johnson-sirleaf-Liberia-nobel">« inacceptable et non méritée »</a> car cette femme politique aurait « commis de la violence dans ce pays » et aurait été corrompue, offrant à ses enfants des postes très lucratifs.</p>
<p>Confirmant ces soupçons, la <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Commission_V %C3 %A9rit %C3 %A9_et_R %C3 %A9conciliation/185922">Commission vérité et réconciliation</a>, responsable de faire la lumière sur la guerre civile libérienne, a recommandé qu’il soit interdit à Ellen Johnson Sirleaf d’exercer tout mandat politique pendant trente ans en raison du rôle négatif qu’elle a joué dans ce conflit.</p>
<p>Enfin, en 2019, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a été distingué à son tour par le prix Nobel de la Paix, pour saluer ses efforts en vue de résoudre le conflit frontalier de longue date avec l’Érythrée voisine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tigre-tombeau-de-lethiopie-151082">Tigré : tombeau de l’Éthiopie ?</a>
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<p>Pourtant, peu après, la communauté internationale a critiqué le déploiement de troupes par Abiy Ahmed dans la région du Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, qui a engendré des combats qui ont provoqué des milliers de morts et ont été <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/10/1106172">dépeints par l’ONU comme une terrible dévastation, ayant de plus entraîné une famine</a> et une situation humanitaire catastrophique pour les habitants.</p>
<h2>Un prix impossible ?</h2>
<p>À l’aune de tous ces cas, il apparaît que le prix Nobel de la Paix est l’un des prix les plus controversés depuis sa création en 1901. Mais en cela, il est bien à l’image des relations internationales.</p>
<p>Il reflète le fait que chaque acteur des relations internationales comporte plusieurs facettes, et a parfois à son actif à la fois des actions très louables et des actions répréhensibles.</p>
<p>Cela dit, au vu de l’évident scandale qu’a constitué l’attribution du Prix à Henry Kissinger – aujourd’hui âgé de 98 ans –, ainsi que des autres attributions controversées, il apparaît souhaitable que le comité Nobel adopte une disposition permettant de retirer la récompense <em>a posteriori</em>, afin de corriger les erreurs les plus notables et de lui permettre de conserver une certaine légitimité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Kissinger, Abyi Ahmed, Obama, Aung San Suu Kyi, Theodore Roosevelt… La liste des Nobel de la paix polémiques est longue, bien plus que pour tout autre prix. Peut-être est-il temps de le réformer ?Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1687412021-09-29T18:19:49Z2021-09-29T18:19:49ZLibye : fragiles espoirs de paix…<p>La Libye est-elle – enfin – sur le chemin de la stabilisation, dix ans après la guerre civile et l’opération militaire franco-britannique <a href="https://www.liberation.fr/planete/2011/11/05/operation-harmattan-terminee_772643/">« Harmattan »</a> qui a provoqué la chute du colonel Mouammar Kadhafi ?</p>
<p>C’est ce que les Libyens et la communauté internationale espèrent, alors que s’est mis en place, depuis février, un <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/libye/en-libye-le-gouvernement-de-transition-officiellement-installe-7187714">gouvernement d’union nationale</a> (GUN), étape préalable à des élections « inclusives » qui <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/13/libye-accord-sur-des-elections-en-decembre-2021-selon-l-onu_6059696_3212.html">devraient se tenir en décembre prochain</a>.</p>
<p>Contrairement au précédent gouvernement (gouvernement d’accord national – GNA – mis en place en mars 2016), ce gouvernement de transition est non seulement reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, mais semble contrôler davantage de territoires que le précédent. Composé de représentants des trois parties de la Libye (Tripolitaine à l’ouest, Cyrénaïque à l’est et Fezzan au sud), des différentes sensibilités (milices, Frères musulmans…) et ethnies de la scène politique libyenne (touaregs, toubous, arabes, Beni Fezzan, Libous…), ce gouvernement dirigé par le premier ministre Abdelhamid Dabaiba et présidé par Mohammed el-Menfi constitue un fragile espoir de paix et de réconciliation.</p>
<h2>Un conflit à la fois local…</h2>
<p>La Libye est devenue, au cours des dix dernières années, le théâtre de la plus grande concentration d’intérêts conflictuels en Méditerranée. Le conflit qui a succédé à la chute de Mouammar Kadhafi en 2011 s’est peu à peu internationalisé, au point que désormais, la stabilisation du pays semble dépendre à la fois d’une mobilisation internationale et d’une appropriation locale, doublée d’une plus forte implication des États limitrophes.</p>
<p>Pour comprendre la nature et raison de la convoitise exogène pour la Libye, peut-être faut-il aussi rappeler qu’elle possède les plus importantes réserves pétrolières d’Afrique (48 milliards de barils de réserves estimées) et que la mer Méditerranée, notamment dans sa partie orientale, recouvre d’importants gisements gaziers (50 milliards de mètres cubes de gaz naturel)…</p>
<p>Le conflit, qui oppose les Libyens entre eux (milices proches des Frères musulmans constituant encore le principal soutien du GUN sis à Tripoli ; forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, formant l’Armée nationale libyenne à Benghazi), implique aussi militairement et diplomatiquement de nombreuses puissances extérieures (Turquie, Qatar, Émirats arabes unis, Égypte, Russie, France, Italie…) et illustre, par le tragique, l’importance stratégique de la Méditerranée orientale.</p>
<p>Désormais, ce sont de fragiles espoirs qui émergent à travers les différentes médiations onusiennes, régionales et internationales, à l’instar de la désignation en février 2021, à Genève, sous l’égide du <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210628-libye-%C3%A0-gen%C3%A8ve-le-forum-de-dialogue-politique-discute-du-mode-d-%C3%A9lection-du-futur-pr%C3%A9sident">Forum pour le Dialogue politique libyen</a> (ardemment soutenu par l’ONU), du GUN dirigé par un Conseil présidentiel, lequel est présidé par Muhammad Al-Menfi. Ce dernier fut jusqu’à sa désignation comme président, en mars 2021, l’ambassadeur de Libye en Grèce ; il est originaire de la ville de Tobrouk, où siège le Parlement, présidé par l’autre « homme fort » de l’est libyen, Aguila Salah Issa.</p>
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<figcaption><span class="caption">Libye : Mohammed Menfi rencontre les dignitaires de l’est (Medi1TV Afrique, 13 février 2021).</span></figcaption>
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<p>Un référendum – <a href="https://www.aps.dz/monde/125393-libye-le-referendum-sur-la-nouvelle-constitution-pourrait-avoir-lieu-avant-les-elections">théoriquement prévu en octobre</a> – doit permettre de réformer la Constitution. Celle-ci fut élaborée sous la forme d’une déclaration constitutionnelle provisoire en août 2011, à la suite de la chute du régime de Mouammar Kadhafi ; elle fait toujours office de référence constitutionnelle, quoiqu’il faille la réformer en profondeur, notamment quant aux modalités de fonctionnement des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif.</p>
<p>Le toilettage de cette Constitution « provisoire » va aussi de pair avec un ardu mais indispensable travail de recensement des futurs votants. Cette étape préalable à la tenue en décembre 2021 d’élections inclusives laisse enfin espérer que les Libyens retrouvent la paix et la stabilité, et parviennent ainsi à éviter les ingérences étrangères, à empêcher le retour des cellules de Daech, à juguler le rôle néfaste des milices et à trouver, enfin, une issue à la question migratoire qui a largement contribué à affaiblir le pays depuis dix ans.</p>
<h2>… et international</h2>
<p>Emmanuel Macron, lors de son <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/275608-emmanuel-macron-13072020-politique-de-defense">discours aux armées du 13 juillet 2020</a>, avait d’ailleurs fortement insisté sur les « nouveaux jeux de puissances » qui s’y déploient à 250 km des côtes italiennes et donc de l’UE. Le président français et son ministre des Affaires étrangères, Jean‑Yves Le Drian, n’ont eu de cesse, depuis, de fustiger l’activisme politico-militaire de la Turquie en Libye.</p>
<p>La <a href="https://www.lefigaro.fr/international/le-courbet-navire-francais-au-large-de-la-libye-vise-par-une-manoeuvre-turque-extremement-agressive-20200617">confrontation</a> en juin 2020, entre la frégate française Courbet et un bâtiment turc, dans le cadre des opérations de maintien de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU en 2011 et mis en application par l’OTAN (<a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_136233.htm">opération « Sea Guardian »</a>) et l’UE (<a href="https://www.operationirini.eu/">opération Eunavfor Med « Irini »</a>), est venue confirmer la montée des tensions entre Paris et Ankara sur le dossier libyen. En évoquant la responsabilité <a href="https://www.lefigaro.fr/international/libye-macron-condamne-la-responsabilite-historique-et-criminelle-de-la-turquie-20200629">« historique » et « criminelle »</a> de la Turquie, Paris semble néanmoins oublier la participation tout aussi active des Émirats arabes unis, de l’Égypte, ou encore de la Russie et du Qatar.</p>
<p>Les Émirats arabes unis prêtent militairement main-forte au maréchal Khalifa Haftar, qui, sous couvert de son Armée nationale libyenne, forte de 25 000 hommes, a refusé de reconnaître le gouvernement internationalement reconnu (GNA) de Tripoli et livre, désormais, une guerre plus feutrée contre le GUN, depuis son fief de Benghazi (Cyrénaïque, dans l’Est du pays), bien que son offensive sur Tripoli lancée en avril 2019 ait <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/04/05/haftar-l-offensive-de-trop-en-libye_1719723/">échoué</a>.</p>
<p>Les EAU et leur prince hériter, Mohamed Ben Zayed (MBZ), fournissent au maréchal libyen des drones, des véhicules blindés anti-mines et des avions de combat qui ont effectué des centaines de frappes selon les Nations unies. Bien que les EAU cherchent le moyen de rester influents en Libye, ils visent, aussi, à répondre aux demandes insistantes de la part de Washington de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210304-sous-pression-des-etats-unis-les-emirats-rebattent-leurs-cartes-en-libye">ne pas être aussi actif en Libye</a>.</p>
<p>La Russie, présente par l’intermédiaire des <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-58173286">mercenaires de la société militaire privée Wagner</a>, a apporté son soutien au maréchal Haftar jusqu’au printemps dernier, puis a délaissé le terrain militaire pour se concentrer sur le théâtre diplomatique afin de <a href="https://portail-ie.fr/analysis/2676/la-libye-typologie-dune-guerre-dinfluence-russo-turque">contrer les ambitions un peu trop voyantes de la Turquie</a> sur les gisements de gaz offshore de la Libye en Méditerranée orientale. La Russie parle directement à la Turquie, sans se soucier outre mesure des positions des autres acteurs impliqués en Libye, persuadée que, le moment venu, le rapport de force sur le terrain dictera l’issue et non l’inverse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187297201409712129"}"></div></p>
<p>La Turquie a pris fait et cause pour le GNA de Tripoli, par le truchement du « mémorandum d’accord » en vue de la protection de leur souveraineté, leurs droits diplomatiques et économiques en mer Méditerranée orientale, signé entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan et l’ancien premier ministre libyen, Fayez el-Sarraj, le 27 novembre 2019, afin de favoriser l’installation d’un pouvoir islamique sur le modèle de ce que Recep Tayyip Erdogan a mis en place à Ankara.</p>
<p>Les Turcs ont été directement responsables, via la livraison d’armes, l’encadrement des milices libyennes soutenant le GNA par leurs services spéciaux (Millî İstihbarat Teşkilatı, MIT) et l’apport de combattants venus de Syrie, des récents revers infligés par le GNA aux troupes du maréchal Haftar qui viennent conforter l’échec de l’opération « Tempête de paix » lancée par ce dernier contre Tripoli en avril 2019. Erdogan bénéficie, pour mettre en œuvre sa politique, de l’appui du Qatar, lequel soutient généralement les Frères musulmans dans toute la région.</p>
<p>L’assistance apportée par la Turquie et le Qatar au GNA a bien entendu suscité l’ire de l’Égypte, qui partage avec la Libye une frontière longue de 1 115 km, et dont l’actuel président Abdel Fatah al-Sissi a muselé le mouvement des Frères musulmans, brièvement au pouvoir au Caire de 2013 à 2014.</p>
<p>Les États-Unis ont, quant à eux, pris leur distance avec ce conflit sous la présidence de Barack Obama et plus encore sous le mandat de Donald Trump. Ils ont toutefois soutenu efficacement (et officieusement) le maréchal Haftar – qui <a href="https://fanack.com/faces-en/general-haftar%7E41201/">vécut une vingtaine d’années aux États-Unis</a>, à deux pas du quartier général de la CIA à Langley, en Virginie – dans sa lutte contre les milices islamiques, supplétives du GNA. L’enjeu initial, pour eux, se limitait à éradiquer le terrorisme islamique dans la région. La nouvelle administration Biden semble nettement plus encline à jouer un rôle politique dans la résolution de la crise libyenne, comme en témoigne la désignation d’un envoyé spécial pour la Libye, le diplomate chevronné <a href="https://ly.usembassy.gov/our-relationship/our-ambassador/">Richard Norland</a>, qui était déjà ambassadeur en Libye depuis 2019.</p>
<p>Aujourd’hui, les Américains voudraient voir les hostilités cesser afin que la production et l’exportation de pétrole puissent reprendre, ce qui donnerait un semblant de normalité à la situation et ouvrirait la voie à une sortie de conflit, tout en ne lésant aucune partie.</p>
<p>L’Union européenne n’est pas absente de l’échiquier mais son rôle et sa posture restent ambigus. Officiellement, elle participe aux opérations de maintien de l’embargo sur les armes aux côtés de l’OTAN. Au sein de l’UE, l’Italie, qui a soutenu activement le gouvernement du GNA, soutient désormais bien évidemment le GUN.</p>
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<figcaption><span class="caption">Quel rôle pour l’Europe en Libye ? (Arte, 5 juin 2021).</span></figcaption>
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<p>Il en va de même pour la France. Derrière ces deux pays, ce sont les intérêts pétroliers des compagnies Eni (Italie) et Total (France) qui sont défendus. L’Allemagne, qui abrite désormais une très importante communauté turque sur son territoire (2,7 millions de personnes), semble renouer avec ses alliances passées et se refuse à critiquer les provocations d’Ankara.</p>
<p>Étant elle-même membre de l’OTAN, la Turquie soutient officiellement l’embargo sur les armes mis en place en février 2011 – un embargo que ses navires bafouent ostensiblement. De sorte qu’alliés et adversaires, puissances régionales et superpuissances se confrontent et se côtoient en Libye, par acteurs intermédiaires.</p>
<h2>Quelques pistes de solutions</h2>
<p>Il convient désormais de consolider l’embargo des Nations unies sur les armes imposé à la Libye, en renforçant l’opération maritime de l’UE en Méditerranée Irini tout en exigeant une extension de l’embargo par voie aérienne, compte tenu de l’accélération des vols ayant amené hommes et matériels des deux côtés, notamment ceux issus des milices syriennes, qui se font face désormais en Libye comme ils le faisaient il y a peu en Syrie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1262694256440819712"}"></div></p>
<p>Il faudra également exhorter toutes les parties à participer pleinement aux pourparlers de cessez-le-feu de Genève, sous l’égide de la Commission militaire mixte (CMM) et aux plus récentes négociations internationales et régionales – à l’instar de l’initiative de dialogue engagée par le Maroc depuis juillet 2019, à <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/libye-de-berlin-a-bouznika-la-solution-politique-gagne-du-terrain-06-10-2020-2395101_3826.php">Bouznika</a>, qui a permis aux représentations parlementaires concurrentes de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque de réengager le dialogue entre elles, en vue de la tenue d’élections d’ici à décembre 2021.</p>
<p>La paix et la stabilité dépendront, bien sûr, aussi de l’approfondissement de l’indispensable dialogue intra-libyen, comme cela a été possible, à travers le Forum de dialogue politique libyen (LPDF) tenu en novembre 2020 à Tunis, à l’initiative de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (MANUL).</p>
<p>Le constat d’un indéniable blocage libyen issu tant de l’aventurisme militaire, soutenu par certains de nos alliés du Golfe persique et de la péninsule arabique, que des relations diplomatiques contradictoires – en apparence – de nos autres alliés européens, offre, paradoxalement à la France l’opportunité unique mais limitée dans le temps de mettre en exergue une position d’équilibre.</p>
<p>Du reste, le début d’un processus de dialogue entre les présidents Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan, tout comme le récent processus de réconciliation entre le Qatar et le « Quartette » (Égypte, Arabie saoudite, EAU et Bahreïn) devrait – enfin – permettre de voir l’horizon libyen avec moins d’écueils…</p>
<h2>La vision européenne</h2>
<p>C’est à l’aune de cette perspective que l’institut de sondage Opinion Way et le Centre d’étude et prospective stratégique (CEPS) se sont associés pour sonder les 705 parlementaires européens quant à leur perception de la situation et du rôle qu’ils entendent jouer pour la stabilisation politique de la Libye.</p>
<p>Ce <a href="https://ceps-oing.org/ouvragesenquetes/les-parlementaires-europeens-et-la-situation-en-libye/">sondage</a>, présenté fin juin dernier, est particulièrement instructif à plus d’un titre. Il conforte l’idée que la normalisation institutionnelle et politique viendra, en Libye, d’une incarnation et d’une personnification du pouvoir qui a été l’objet, jusqu’ici, de guerres fratricides entre Libyens et aussi – et peut-être surtout – d’importation des conflits d’acteurs extérieurs.</p>
<p>Parmi les grandes tendances que ce sondage met en exergue, celle de la lutte contre le terrorisme et les réseaux criminels – qui jouent sur la désespérance des milliers de migrants subsahariens désireux de traverser la mer Méditerranée – apparaissent nettement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Libye : Amnesty dénonce le sort des migrants (TV5 Monde, 15 juillet 2021).</span></figcaption>
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<p>Les <a href="https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/01-Politiquefederale/-/2484108">deux réunions intra-libyennes tenues à Berlin</a> (janvier et juin 2021) ont suscité un espoir certain en vue de la tenue de l’élection présidentielle prévue en décembre prochain. L’annonce de la tenue d’une <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210921-la-france-accueillera-une-conf%C3%A9rence-internationale-sur-la-libye-le-12-novembre">nouvelle conférence intra-libyenne à Paris, le 12 novembre prochain</a>, confirmera-t-elle cette trajectoire « raisonnablement » optimiste ?</p>
<p>Rien n’est moins sûr, alors que les forces turques et émiraties, ainsi que les mercenaires de la société militaire privée russe Wagner et les « supplétifs » (syriens, yéménites, tchadiens, soudanais, turkmènes…) que chaque camp emploie, rendent la tenue de ces élections fortement improbables…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168741/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Dupuy est Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Il enseigne également à la Faculté catholique de Lille.</span></em></p>Les dix dernières années ont été pour la Libye, celles d’un long et sanglant conflit civil dans lequel se sont impliqués de nombreux acteurs extérieurs. Un faible espoir émerge toutefois actuellement.Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), enseignant à IS International Business School,, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1673192021-09-09T19:03:57Z2021-09-09T19:03:57ZLes talibans à l’épreuve du pouvoir<p>Aussi dérangeant que soit ce constat pour la communauté internationale, le régime taliban peut apparaître, pour une <a href="https://www.franceculture.fr/geopolitique/lafghanistan-vu-par-les-talibans">partie des Afghans</a>, comme acceptable.</p>
<p>Dans un pays marqué par quarante ans de guerre, le retour au pouvoir des « étudiants en religion » est synonyme de possibilité de stabilisation et de justice (violente) rendue aux tenants corrompus des régimes précédents. En outre, les valeurs des talibans ne sont pas si éloignées des mœurs d’une partie de la population (ils n’ont inventé ni la burqa, ni la réclusion des femmes), du moins dans les régions pachtounes.</p>
<p>Reste que pour les nouveaux maîtres de Kaboul – qui <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afghanistan/afghanistan-les-talibans-annoncent-leur-nouveau-gouvernement-trois-semaines-apres-avoir-pris-le-pouvoir_4763187.html">viennent d’annoncer la composition de leur gouvernement</a>, où l’on ne retrouve aucune personnalité extérieure à leur mouvement, et comme il fallait s’y attendre aucune femme –, le plus dur est à venir.</p>
<h2>Un pays ingouvernable ?</h2>
<p>Les effectifs des talibans sont estimés à <a href="https://www.rferl.org/a/taliban-government-islamic-state-who-controls-what-in-afghanistan-/30644646.html">environ 60 000 hommes permanents</a> et 90 000 « saisonniers ». Cela paraît insuffisant pour contrôler le pays.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vivre en pays taliban (Arte, 3 juin 2021).</span></figcaption>
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<p>Maîtriser les villes (ce qui est théorique) et les points de passage frontaliers (par ailleurs peu nombreux) n’a jamais assuré le contrôle du pays, comme l’ont illustré toutes les tentatives modernes d’asseoir un pouvoir national en Afghanistan.</p>
<p>Les seuls pouvoirs un tant soit peu fonctionnels se sont toujours basés sur l’arbitrage des intérêts tribaux et régionaux et sur la capacité de l’État à s’entendre avec les chefs locaux, dont les alliances mouvantes et les vendettas font la réalité de la politique afghane. Les talibans sauront-ils satisfaire (ou plutôt laisser faire) les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2010-1-page-129.htm?contenu=article">chefs de clans</a> ? Au-delà de cette question cruciale, quatre dossiers s’annoncent problématiques :</p>
<ul>
<li><p>Une partie des Tadjiks – un groupe ethnique qui représente environ 25 % de la population totale du pays – s’est regroupée, dans le nord, autour d’<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2021/09/BELKAID/63443">Ahmad Massoud</a>. Une proportion importante des Tadjiks sont <a href="https://www.scienceshumaines.com/les-ismaeliens-histoire-et-traditions-d-une-communaute-musulmane_fr_3690.html">ismaéliens</a>, une forme de l’islam incompatible avec le rigorisme taliban. Même s’ils ont dernièrement subi des déconvenues militaires, les Tadjiks du Nord vont continuer de faire peser une menace sécuritaire sur le pouvoir taliban.</p></li>
<li><p>Les <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/625938/etre-hazara-sous-les-talibans">Hazaras (moins de 10 % de la population), eux aussi « hérétiques »</a> aux yeux des talibans car chiites, redoutent de subir un ethnocide. Même si ce risque ne semble pas immédiat du fait des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-iran-tente-un-nouveau-depart-avec-les-talibans-20210824">contacts pris par les talibans avec l’Iran</a>, cette minorité se sent en danger et les talibans, qui ont déjà commis de nombreuses exactions à son égard, peinent à la convaincre de leur faire confiance.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1432999337907339269"}"></div></p>
<ul>
<li><p>Les producteurs d’opium, dont nombre sont alliés aux talibans d’une façon ou d’une autre, ne sont pas totalement sous leur contrôle. On peut supposer que les talibans <a href="https://theconversation.com/afghanistan-le-controle-du-marche-de-la-drogue-lautre-victoire-des-talibans-166209">auront du mal à se passer d’eux</a>, étant donné la place de l’opium comme ressource financière pour le pays. Or, le 18 août dernier, les nouveaux dirigeants ont annoncé qu’il n’y aurait <a href="https://www.leprogres.fr/defense-guerre-conflit/2021/08/26/les-talibans-peuvent-ils-vraiment-renoncer-a-l-opium">« plus de production ni de contrebande d’opium »</a> en Afghanistan…</p></li>
<li><p>L’État islamique, dont les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/02/afghanistan-talibans-al-qaida-et-etat-islamique-quelles-differences_6093168_3210.html">militants en Afghanistan</a> restent actifs, comme on l’a constaté lors du sanglant attentat de l’aéroport de Kaboul le 26 août dernier, n’a rien à envier aux talibans en termes de violence et de détermination. Les deux groupes se sont combattus plus ou moins vivement ces dernières années.</p></li>
</ul>
<p>Même en admettant que le pouvoir taliban arrive à atténuer ces problèmes (les résoudre semble illusoire), d’autres questions vont devoir trouver des réponses pour la construction d’un pouvoir pérenne.</p>
<h2>Insurgés mais pas fonctionnaires</h2>
<p><a href="https://www.nytimes.com/2021/08/25/world/asia/taliban-women-afghanistan.html">De l’aveu même des responsables talibans</a>, le contrôle de leurs propres troupes est difficile : l’ivresse de la victoire, la tentation de pillage, le zèle de certains et la structure même de l’appareil militaire taliban (qui fait appel à de multiples commandants autonomes auxquels va la fidélité de leurs hommes) entraînent des <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/08/afghanistan-taliban-responsible-for-brutal-massacre-of-hazara-men-new-investigation/">actes de violence</a> qui risquent d’aliéner durablement la population, et rendent peu crédibles les discours d’apaisement des leaders du pays.</p>
<p>Les militants talibans sont par ailleurs <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-Afghanistan-gouvernement-taliban-fait-attendre-2021-09-05-1201173832">bien incapables de prendre en charge une administration</a>, sans parler des aspects techniques de la gouvernance : le pouvoir devra rallier les fonctionnaires et techniciens présents dans le pays, moins susceptibles d’accepter, du fait de leur éducation et de leur statut de classe moyenne privilégiée, le rigorisme taliban.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1433408796785844224"}"></div></p>
<p>La peur et la violence ne permettront pas de les mettre au service du pouvoir de manière durable et efficace. D’autant qu’une partie de ces cadres sont des femmes. Dès lors, la capacité des talibans à assurer les services publics, la santé, l’alimentation, la distribution d’eau et d’électricité semble compromise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1434793240071393289"}"></div></p>
<h2>Un positionnement délicat sur la scène internationale</h2>
<p>La situation internationale n’est pas non plus très simple. Outre que les talibans ne peuvent plus durablement invoquer l’ingérence étrangère comme explication à tout (d’autant qu’il faudra clarifier <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/11/l-ombre-du-pakistan-derriere-l-avancee-des-talibans-en-afghanistan_6091155_3210.html">leurs liens avec le Pakistan</a>), l’environnement régional ne leur est, a priori, guère favorable.</p>
<p>Ni les puissances d’Asie centrale, ni l’Iran, ni l’Inde, ni la Chine, ni la Russie ne peuvent rester indifférents à ce qui se passe dans ce carrefour régional, surtout s’il s’y profile un risque djihadiste. Les talibans eux-mêmes n’ont un agenda que national, mais d’autres mouvements (à commencer par l’EI et Al-Qaïda) pourraient faire du pays leur base arrière s’ils n’y prennent pas garde.</p>
<p>L’Iran peut-il accepter sur ses frontières un régime inspiré du radicalisme sunnite en provenance du Golfe ? Téhéran <a href="https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20210829-afghanistan-face-au-retour-des-talibans-t%C3%A9h%C3%A9ran-choisit-la-neutralit%C3%A9">a acté la prise de pouvoir contre garanties</a>, mais il faudra que ce modus vivendi résiste au temps. De même, l’Inde vient d’engager des <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afghanistan-lInde-sonde-les-talibans-2021-09-01-1201173314">prises de contact</a>, mais craint un soutien depuis l’Afghanistan aux islamistes du Cachemire.</p>
<p>Les dirigeants talibans actuels sont incontestablement intelligents, pragmatiques et soucieux de reconnaissance internationale, comme en témoignent les multiples contacts et accords établis (<a href="https://www.peaceagreements.org/view/2232">notamment à Doha</a>) avec les pays voisins et les USA.</p>
<p>Cette tentative de normalisation est-elle réelle ou temporaire ? L’avenir le dira, mais, pour l’instant, les relations internationales des talibans sont <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/afghanistan-les-talibans-en-quete-de-reconnaissance-internationale-1339660">moins conflictuelles qu’elles ne pourraient l’être</a>. En dépendent les revenus des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/les-talibans-au-turkmenistan-pour-discuter-de-projets-d-infrastructures-20210206">futurs gazoducs</a> devant traverser le pays, l’aide internationale, ou encore les réserves en dollars détenues (mais bloquées) par la banque centrale, toutes ressources vitales à l’installation durable du nouveau régime à la tête du pays.</p>
<p>C’est bien sur le plan interne que les difficultés les plus grandes s’annoncent dans l’immédiat.</p>
<h2>Une doctrine de guérilla à l’épreuve du pouvoir</h2>
<p>L’Afghanistan est plus une région avec un <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/afghanistan-une-mosaique-ethnique-dans-un-pays-fragmente_2157075.html">écosystème politique particulier</a> qu’un État au sens plein, qui n’est né que parce que Britanniques et Russes souhaitaient une zone tampon entre leurs zones d’influence respectives en Asie (<a href="https://mjp.univ-perp.fr/traites/1907petersbourg.htm">traité de Saint-Pétersbourg, 1907</a>).</p>
<p>Contrôler Kaboul n’a jamais permis de contrôler le pays autrement que symboliquement. D’autant qu’il faut aussi contrôler une population de la ville très jeune, éduquée, connectée et moderne, peu susceptible d’accepter des interdits religieux impliquant un retour en arrière.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un pays « accidenté », Le dessous des cartes | Arte, 2019.</span></figcaption>
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<p>La prise du territoire implique aussi la perte de <a href="https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-2-page-183.htm">l’avantage stratégique dont les talibans disposaient dans le passé</a> : la souplesse opérationnelle et la mobilité. Le contrôle effectif du territoire et la menace d’un conflit de longue durée avec les Tadjiks mobilisent leurs moyens déjà limités.</p>
<p>Par ailleurs, aucun régime dont la base doctrinale est la pureté (religieuse, ethnique ou morale) n’a jamais perduré. La réalité des hommes, la nécessité de pragmatisme et de compromis, a toujours soit transformé ces tentatives en régimes totalitaires inefficaces, soit renforcé l’hostilité internationale, soit entraîné la disparition progressive de ses prétentions.</p>
<p>Quoi qu’en disent les dirigeants talibans, chantres de valeurs de l’islam « non négociables », cette position n’est pas tenable dans le temps. Car la prétention à la pureté n’est légitime que si elle entraîne une récompense (paix, prospérité, victoire militaire, extension…) : face à l’impossibilité de réaliser ces objectifs, sa légitimité politique devient nulle.</p>
<p>La victoire des talibans n’est pas une fin mais le début d’un nouvel épisode. Il ne se passera pas six mois avant que le nouveau pouvoir ne soit confronté à des contradictions qu’il lui sera extrêmement difficile de surmonter. Pour tenir, il devra perdre une partie de son identité, ou voir s’affaiblir ses capacités, ce qui menacerait les compromis difficilement établis avec les parties prenantes nationales. Dans l’intervalle, quel bien et quel mal les talibans feront-ils au pays ? Nul ne peut le dire aujourd’hui.</p>
<p>Il est toujours plus difficile de gérer la paix que d’obtenir la victoire par les armes. Les talibans devront tirer les conclusions des leçons apprises par ceux qu’ils se vantent d’avoir vaincus : les Américains, qui se retirent finalement autant par réalisme que par découragement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Huissoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>C’est une chose de s’emparer du pouvoir en Afghanistan. C’en est une tout autre de gérer un pays aussi complexe, surtout avec la rigidité propre aux talibans.Jean-Marc Huissoud, Professeur et chercheur, Relations Internationales Stratégies d'internationalisation, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1576542021-03-25T21:08:58Z2021-03-25T21:08:58ZLe Forum de Paris sur la paix, nouvel outil du multilatéralisme ou instrument du soft power français ?<p>Le 11 novembre 2018, à l’occasion du centenaire de l’armistice ayant sonné la fin de la Première Guerre mondiale, la France a créé, et tenu à la Villette, pendant trois jours, la première édition du <a href="https://parispeaceforum.org/fr/">« Forum de Paris sur la Paix »</a> (Paris Peace Forum), qui a réuni 6 000 participants, dont 65 chefs d’État et de gouvernement, des acteurs nationaux, des dirigeants d’organisations internationales et des acteurs de la société civile (ONG, sociétés privées, syndicats, think tanks, experts), ainsi que de nombreux journalistes. Le but de cette grande rencontre internationale était de promouvoir l’instauration d’une paix, d’un multilatéralisme et d’une coopération durables au niveau mondial, en trouvant des solutions pratiques aux principaux défis actuels concernant la gouvernance mondiale. Deux autres éditions se sont tenues en <a href="https://parispeaceforum.org/fr/2019/06/18/forum-de-paris-sur-la-paix-2019-la-liste-des-solutions-de-gouvernance-qui-seront-presentees/">2019</a> et en <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/societe-civile-et-volontariat/forum-de-paris-sur-la-paix/article/la-3e-edition-du-forum-de-paris-sur-la-paix-construire-un-monde-meilleur-apres">2020</a> (en ligne pour 2020).</p>
<p>Quels sont le rôle et le statut de ce nouveau forum : s’agit-il d’un nouvel outil du multilatéralisme international, aux côtés de l’ONU, ou plutôt d’un instrument du soft power français ?</p>
<h2>Le cheminement d’une idée jusqu’à sa réalisation</h2>
<p>Le créateur de l’idée de cet événement, et son directeur général, l’historien français <a href="https://www.youtube.com/watch?v=I6QSQAgCaQ4">Justin Vaïsse</a>, nous confie :</p>
<blockquote>
<p>« L’origine de ce Forum se trouve dans les réflexions qui ont été conduites depuis une vingtaine d’années dans l’administration française, au sein du Quai d’Orsay, où la réflexion sur la diplomatie d’influence et les outils d’influence, la diplomatie de réseau, nous ramenait toujours à comparer les outils français aux outils britanniques. Il y a eu plusieurs notes et réflexions émanant du Quai d’Orsay sur l’idée d’un lieu, comme le château de la Celle-Saint Cloud, où on inviterait les penseurs, les gens influents et les décideurs du monde entier, et où on se retrouverait périodiquement pour discuter. »</p>
</blockquote>
<p>À partir de 2015-2016, l’idée a été reprise, notamment en réfléchissant à la diplomatie des forums et des think tanks chinois. Justin Vaïsse, alors directeur du <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/le-centre-d-analyse-de-prevision-et-de-strategie/">Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS)</a>, a donc initié la réalisation d’études, par des consultants, sur la pratique en la matière dans d’autres pays. En 2015, Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, a commandé à Yves Saint-Geours, ambassadeur de France en Espagne, un rapport sur les think tanks français, qui a été <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/le-centre-d-analyse-de-prevision-et-de-strategie/pour-aller-plus-loin/article/le-rapport-saint-geours">rendu public en 2016</a>. </p>
<p>Les think tanks français sont historiquement d’une taille et d’une influence modestes par rapport à nos voisins britannique et allemand et par rapport aux États-Unis, même s’ils sont soutenus par le CAPS. La France apparaît en effet, juge Justin Vaïsse, comme une grande puissance diplomatique – grâce à son réseau d’ambassades et à ses institutions universalistes comme l’Alliance française – mais cela ne se vérifie pas au niveau de la force d’influence internationale.</p>
<p>En 2017, Pierre Buhler, ancien ambassadeur, rédige un autre <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/20170511_-_version_web_-_rapport_sur_la_strategie_francaise_d_influence__cle061191.pdf">rapport</a>, consacré aux outils d’influence et cherchant à définir les moyens d’accroître le poids de la France dans le débat d’idées, dans la régulation de la globalisation et dans les initiatives internationales. Ce rapport, commandé par le CAPS, se voulait utile au nouveau président du pays, élu cette année-là.</p>
<p>« On avait été très inspirés par l’expérience de la COP 21, qui avait été une expérience réussie pour mêler la société civile et les diplomates. On avait aussi été attentifs aux efforts qui avaient été faits ici et là pour renforcer le rôle de Paris comme place multilatérale, comme place internationale, un peu comme il y a le New York multilatéral de l’ONU, ou la Genève internationale. Paris est un lieu unique en ce qu’il rassemble plus d’une cinquantaine d’organisations internationales. »</p>
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<p>Une fois Emmanuel Macron élu, Justin Vaïsse, qui a fait partie du groupe d’experts ayant soutenu sa campagne, contribue à son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/08/29/discours-du-president-de-la-republique-a-l-ouverture-de-la-conference-des-ambassadeurs">discours d’août 2017 à la conférence des ambassadeurs</a> et lui souffle, à cette occasion, l’idée d’une grande conférence annuelle, tout en expliquant que ce forum doit être indépendant de l’État. En septembre 2017, il reçoit une lettre de mission du président Macron qui lui demande de prendre en charge l’organisation de la première édition de ce forum, qui doit répondre à la crise du multilatéralisme mais aussi être « un outil de rayonnement et d’influence pour la France ».</p>
<p>À l’automne 2017, l’Élysée décide d’inviter tous les anciens combattants de la Grande Guerre à commémorer le centième anniversaire de l’armistice le 11 novembre 2018 à Paris. De nombreux chefs d’État annoncent leur présence. Pour Justin Vaïsse, c’est « une chance énorme qu’il fallait saisir ». Il dépose son rapport en décembre 2017 ; et en janvier 2018, Emmanuel Macron annonce, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/01/04/voeux-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-au-corps-diplomatique">dans ses vœux au corps diplomatique</a>, la tenue prochaine du Forum de Paris sur la Paix. « “Forum sur la gouvernance globale” aurait mieux décrit l’objet, mais “Paris Peace Forum” sonnait mieux », confie Justin Vaïsse. </p>
<p>Il ajoute que l’idée du Forum reposait aussi sur « le constat que dans plusieurs domaines, l’ONU ne suffisait pas », et qu’il fallait donc « agir en soutien et en complément de l’ONU », tout en prenant garde à « ne pas empiéter sur ce que faisait l’ONU ». En février 2018, il se rend à New York, rencontre des dirigeants onusiens et veille bien à leur dire que le Forum n’entend pas faire de l’ombre à l’ONU mais l’aider à rayonner. Mission couronnée de succès puisque Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a été présent au Forum en 2018, 2019 et 2020 – ce qui, selon Justin Vaïsse, a « garanti à tout le monde que le Forum était ONU-compatible ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1336468101945180165"}"></div></p>
<h2>Des financements importants et essentiellement privés</h2>
<p>Le Forum a bénéficié de financements provenant de fondations et institutions essentiellement privées comme la fondation allemande Koerber, l’institut Montaigne, l’IFRI ou encore Sciences Po. Voulant une égalité Nord-Sud, les organisateurs ont cherché des partenaires de pays du Sud, comme la fondation Getulio Vargas (Brésil), l’Observer Research Foundation (Inde), la fondation Mo Ibrahim (Soudan), mais se sont heurtés à plusieurs refus. En 2019 toutefois, le Forum intègre la participation d’une organisation mexicaine et d’une organisation indienne, et en 2020 d'une organisation indonésienne et de la Fondation Aga Khan.</p>
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<p>Entre-temps, Édouard Philippe a abandonné la candidature française à l’Exposition universelle 2025, ce qui libère des énergies – celle de Marc Reverdin, diplomate de talent que Justin Vaïsse embauche dès janvier 2018 pour devenir le Secrétaire général du Forum, ou celle de Pascal Lamy, jusque-là en charge de la candidature 2025, et qui deviendra président du Conseil d’orientation, puis président du Conseil exécutif à partir de 2019. Justin Vaïsse recrute aussi Sarah Geniez, de la Mairie de Paris, dotée des compétences événementielles nécessaires, pour organiser l’événement.</p>
<p>De grandes entreprises multinationales occidentales comme Google et Microsoft contribuent aussi au financement, ainsi que l’Union européenne, la Banque mondiale (la première année), et de grandes agences de développement. En effet, l’idée est, comme le dit Justin Vaïsse, que « le Forum doit être auto-suffisant, auto-porté, et qu’il échouerait à terme s’il était porté par des subsides publics ». Le gouvernement français n’a apporté que 8 % du budget en moyenne sur les trois années. Par contraste, les fondations privées ont apporté la plus grosse partie du financement, comme la fondation Luminate qui a versé plus d’1,2 million d’euros sur les trois années. </p>
<h2>Un sommet orienté vers l’action, par le soutien à des projets concrets</h2>
<p>Justin Vaïsse précise que le Forum n’a pas seulement pour but de dialoguer, mais aussi d’agir, en soutenant des projets (par le biais d’un appel à projets) et en mobilisant des acteurs divers : organisations, entreprises, fondations, experts, ONG, citoyens…</p>
<p>Parmi des centaines de projets candidats, issus du monde entier, le Forum en a sélectionné une centaine par an, autour des thèmes suivants : paix & sécurité ; développement ; économie inclusive ; nouvelles technologies ; environnement ; culture & éducation. Il leur a permis de se présenter, pour en retenir au final dix, qui deviennent pendant un an des projets accompagnés, c’est-à-dire soutenus par le Forum.</p>
<p>Débats, tables rondes, ateliers et présentations de projets se sont succédé, ainsi que, la première année, un <a href="https://blog.okfn.org/2018/11/27/paris-peace-forum-hackathon-a-new-chance-to-talk-about-open-data/">hackaton</a> (marathon de programmation) animé par des développeurs volontaires pour faire de la programmation de manière collaborative. Une « Bibliothèque de la paix » est symboliquement dressée en 2018 au centre de la Grande Halle de la Villette, chaque dirigeant y déposant un livre de son pays incarnant l’aspiration à la paix. Seul bémol, <a href="https://blog.okfn.org/2018/11/27/paris-peace-forum-hackathon-a-new-chance-to-talk-about-open-data/">Donald Trump a boudé le Forum</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1194206764805296128"}"></div></p>
<p>À titre d’exemple, l’ONG <a href="https://www.eces.eu/fr/">ECES (Centre européen d’appui électoral)</a>, a participé au Forum en 2020 et a eu la chance de voir son projet sélectionné parmi les dix projets retenus pour bénéficier d’un soutien d’un an. Cette fondation privée à but non lucratif créée en 2010, et basée à Bruxelles, agit dans plus de 50 pays, et promeut « le <a href="https://www.eces.eu/fr/">développement démocratique durable à travers la fourniture de services de conseil</a>, d’appui opérationnel et de gestion de projet […] dans le domaine de l’assistance électorale et démocratique ». Son projet présenté au Forum de Paris sur la Paix concernait son action en Éthiopie. L’ECES garde une très bonne impression de sa participation au Forum et estime en avoir retiré d’immenses bénéfices, jugeant cette expérience « palpitante ».</p>
<h2>Un lieu exceptionnel pour les échanges et le réseautage</h2>
<p>À l’occasion du Forum en 2018, plus de 50 chefs d’État ainsi que 130 entreprises et des ONG ont signé <a href="https://pariscall.international/fr/">« l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace »</a>, visant à protéger les citoyens des cyberattaques, qui affirme neuf principes de sécurisation du cyberespace. Même si les <a href="https://www.nytimes.com/2018/11/12/us/politics/us-cyberattacks-declaration.html">États-Unis ne l’ont pas signé</a>, cet appel a eu un retentissement important, étant perçu comme une avancée démocratique.</p>
<p>Pour <a href="https://www.asfcanada.ca/">Avocats sans frontières Canada</a>, ONG qui y a participé, « l’événement facilite à la fois le réseautage entre les acteurs et actrices de la société civile, ce qui peut accélérer les rencontres fortuites qui conduisent à des collaborations durables, tout en offrant à ces mêmes acteurs une vitrine auprès de représentant·e·s étatiques et d’organisations internationales auxquels ils n’ont pas toujours accès. »</p>
<p>Cette ONG relate ce qu’a permis sa participation au Forum :</p>
<blockquote>
<p>« Mme Assitan Diallo, Association des femmes africaines pour la recherche et le développement, était avec nous. C’est l’une des principales sociologues féministes du Mali et elle était là au nom d’une coalition d’organisations de défense des droits humains et des droits des femmes. Ce fut une opportunité pour elle de s’adresser directement à un large auditoire pour porter la voix des femmes maliennes. »</p>
</blockquote>
<p>Justin Vaïsse souligne lui aussi l’« effet de réseau », les rencontres inattendues que le Forum a suscitées, la <a href="http://www.academie-francaise.fr/serendipite">« sérendipité »</a> entre des gens très différents. Le lieu, la grande halle de La Villette, un vaste espace sans portes et sans barrières, est idéal pour faire se rencontrer les gens, souligne-t-il. À cet égard, l’édition 2020, qui au dernier moment a dû se faire en ligne à distance, n’a pas pu permettre tous ces échanges.</p>
<h2>Des défauts et des critiques</h2>
<p>Mais plusieurs défauts apparaissent : comme l’observe la branche canadienne de l’ONG Avocats sans frontières, les coûts de participation sont élevés (2 000 euros de frais de stand), et le processus d’inscription complexe :</p>
<blockquote>
<p>« Il devrait y avoir une différenciation marquée des tarifs pour les ONG et organisations caritatives et de petite taille par rapport aux entreprises privées et aux grandes agences internationales ou gouvernementales, et même des appuis financiers pour la participation des premières. Le Forum réunit plusieurs acteurs très puissants dont plusieurs ont des moyens financiers conséquents. Dans ce contexte, le Forum pourrait adopter des mesures de lutte contre les inégalités. »</p>
</blockquote>
<p>De plus, cette ONG regrette que l’éclairage ait été centré sur les « grandes vedettes » (dirigeants gouvernementaux et de grandes agences, etc.), et fait observer qu’« on pourrait braquer encore plus les projecteurs sur les actrices et acteurs du terrain qui sont à la base des initiatives sélectionnées ».</p>
<p>De plus, « l’omniprésence de l’anglais et des anglicismes dans les communications officielles du Forum » est regrettable, souligne l’ONG, insistant : « parce qu’il s’agit du Forum <em>de Paris</em> sur la paix, la langue française devrait y être valorisée ».</p>
<p>Le financement important issu de firmes américaines comme Google et Microsoft peut également nuire à l’indépendance et à l’objectivité des discussions.</p>
<p>Enfin, on semble observer un fossé Nord-Sud, malgré la volonté affichée d’une représentation égalitaire. Ainsi, le président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou, a regretté que les <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20181112-forum-paix-multilateralisme-variable-pays-africains">propos des dirigeants africains ne suscitent que peu d’écho sur la scène mondiale</a>, malgré l’importance des thématiques africaines dans les dossiers traités par les organisations internationales. Certes, les organisateurs du Forum ont beaucoup fait pour associer les pays du Sud, donnant la parole, pour l’un des discours d’ouverture de la deuxième édition, à Félix Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo.</p>
<h2>La question du désarmement, paradoxalement peu traitée</h2>
<p>Alors que ce Forum est, dans son intitulé, consacré à la paix, en réalité la question du désarmement a été peu traité. L’enjeu du désarmement nucléaire n’a été abordé que partiellement, et seulement la première année en 2018, du fait que l’ICAN (<a href="https://www.icanw.org/">International Campaign to abolish nuclear weapons</a>, Prix Nobel de la Paix 2017), était représenté au Forum cette année-là.</p>
<p>Pour Annick-Suzor Weiner, physicienne et professeure émérite, vice-présidente de Pugwash-France (mouvement de scientifiques engagés pour le désarmement nucléaire et prônant la résolution pacifique des conflits) et d’IDN (Initiatives pour le Désarmement nucléaire), « les thèmes des éditions récentes du Forum ne faisaient pas une grande place, malgré son intitulé, à la construction de la paix. Si ICAN (International Campaign to abolish nuclear weapons, Prix Nobel de la Paix 2017), était représenté au Forum en 2018, les autres associations (Mouvement de la Paix, Pugwash et IDN) dont le projet commun n’avait pas été retenu en 2018, n’ont pas trouvé d’entrée thématique leur permettant de le soumettre lors des éditions suivantes ». « On peut le regretter, estime Annick Suzor-Weiner, dans une période d’accroissement des tensions, y compris entre pays dotés de l’arme nucléaire, et de remise en question des grands traités internationaux. »</p>
<p>Au final, ce Forum, certes imparfait, apparaît surtout comme une formidable occasion d’échanges et de rencontres entre ONG, experts, dirigeants, fondations et organismes divers, permettant de faire dialoguer des spécialistes de questions différentes (aide au développement, soutien à la démocratie, cybersécurité, promotion des droits humains…), et de différents pays. Il sert à la fois au rayonnement international de la France et de la ville de Paris, et à renforcer le multilatéralisme en lien avec l’ONU.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157654/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France organise annuellement depuis 2018 le Forum de Paris sur la paix, une réunion multilatérale qui s’impose peu à peu comme une plate-forme de discussion importante au niveau mondial.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539952021-02-08T20:14:21Z2021-02-08T20:14:21ZVers une mise au ban de la bombe nucléaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382633/original/file-20210204-24-1ewomqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C14%2C4852%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Neuf pays possèdent aujourd'hui l'arme nucléaire. Aucun d'entre eux n'a ratifié le Traité l'interdisant, qui vient d'entrer en vigueur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Razvan Ionut Dragomirescu/shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 22 janvier 2021 est entré en vigueur le <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVI-9&chapter=26&clang=_fr">Traité sur l’interdiction des armes nucléaires</a> (TIAN), élaboré sous l’égide de l’ONU. Ce nouveau traité vise à interdire purement et simplement les armes nucléaires dans le monde. Il a donc une optique différente et plus radicale que le <a href="https://www.un.org/fr/conf/npt/2015/pdf/text%20of%20the%20treaty_fr.pdf">Traité de non-prolifération</a> (TNP) de 1968. Son entrée en vigueur a été permise par la ratification d’un minimum de 50 États (51 l’ont ratifié).</p>
<p>Est-ce à dire que les armes nucléaires vont disparaître ? Non, car aucune des neuf puissances nucléaires (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord, Israël) ne l’a ratifié pour l’instant. Sa portée est donc essentiellement symbolique. Mais le TIAN – obtenu grâce à l’implication de nombreuses ONG et associations de la société civile, comme l’ICAN (<a href="https://www.icanw.org/leaders_voice_support_for_nuclear_ban_treaty">Campagne pour l’interdiction des armes nucléaires</a>, un groupement d’associations comprenant notamment <a href="https://pugwash.org/">Pugwash</a> et le <a href="http://www.mvtpaix.org/">Mouvement de la Paix</a>, et qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2017) et le <a href="https://www.icrc.org/fr">Comité international de la Croix-Rouge</a> (CICR) – représente tout de même un grand pas en avant.</p>
<h2>Satisfaction des abolitionnistes</h2>
<p>Le traité a été progressivement élaboré au cours de trois grandes conférences intergouvernementales en 2013 et 2014 sur « l’impact humanitaire des armes nucléaires », en Norvège, au Mexique et en Autriche, conférences auxquelles de nombreuses ONG pacifistes ont été associées.</p>
<p>Dominique Lalanne, physicien nucléaire, membre du conseil d’administration de Pugwash France, et du collectif « Abolition des armes nucléaires », a été associé à l’élaboration du TIAN. Il rappelle qu’à l’origine, l’idée du TIAN a été lancée par des médecins, en particulier par l’<a href="https://www.ippnw.eu/fr/accueil.html">Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire</a> (lIPPNW) :</p>
<blockquote>
<p>« Les médecins ont mis l’accent sur les conséquences dramatiques pour la santé humaine de l’explosion d’armes nucléaires, ils ont insisté sur le fait que ce serait catastrophique sur le plan humanitaire. Ils ont lancé l’idée d’un traité légalement contraignant, qui irait plus loin que le TNP de 1968. En effet le TNP induit une inégalité entre pays nucléaires et pays non nucléaires. »</p>
</blockquote>
<p>Dominique Lalanne insiste sur l’atmosphère « enthousiasmante » lors de l’élaboration du TIAN à l’ONU :</p>
<blockquote>
<p>« C’était très enthousiasmant car les associations ont eu le même droit de parole que les ambassadeurs des États, c’était une dynamique extraordinaire ; ainsi, le TIAN reflète à la fois la position des États et celle des peuples eux-mêmes, dans l’esprit de la Charte de l’ONU de 1945 qui commence par “Nous, les peuples”. Cela a été une grande victoire pour les peuples. Cette élaboration a été très différente de celle des autres traités onusiens comme le TNP, c’était plus démocratique. »</p>
</blockquote>
<p>Pour Dominique Lalanne, même si le TIAN n’est pas ratifié par les puissances nucléaires, et si aucun pays nucléaire ne va adhérer au TIAN dans les prochaines années, « le TIAN va populariser l’idée que les armes nucléaires sont illégales, il stigmatise l’arme nucléaire, et va donc faire évoluer les mentalités. »</p>
<p>Édith Boulanger, membre du Bureau national du Mouvement de la Paix, confirme cette analyse : elle relate que la conférence d’élaboration du TIAN à laquelle elle a participé à New York s’est tenue dans « une ambiance extraordinaire » et affirme que le TIAN va exercer une « pression morale » sur les puissances nucléaires.</p>
<p>Cette opinion est partagée par Annick Suzor-Weiner, physicienne, professeure émérite, vice-présidente de Pugwash-France :</p>
<blockquote>
<p>« L’ONU a vraiment joué le jeu et fait participer la société civile à l’élaboration du TIAN. Il m’a semblé, quand j’étais à New York en juillet 2017, que les Hibakusha de Hiroshima et Nagasaki jouaient un rôle important, mis en avant par l’ICAN. D’ailleurs, une Hibakusha était à Stockholm pour la remise du prix Nobel de la Paix à l’ICAN en 2017. »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/08/05/hiroshima-le-combat-des-hibakusha-contre-l-oubli_4712659_3216.html">Hibakusha</a> sont les survivants japonais irradiés, victimes des bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Ils sont engagés depuis longtemps en faveur du désarmement nucléaire et exercent une pression morale importante pour condamner l’usage de la bombe.</p>
<h2>L’abolition, une exigence aussi ancienne que l’arme nucléaire</h2>
<p>De fait, le <a href="https://www.un.org/disarmament/wp-content/uploads/2017/10/tpnw-info-kit-v2.pdf">préambule du TIAN</a> évoque la souffrance des Hibakusha et des victimes des essais nucléaires, déplore la « lenteur du désarmement nucléaire et l’importance que continuent de prendre les armes nucléaires dans les doctrines militaires » et appelle au respect du droit international existant : la Charte de l’ONU, le droit international humanitaire, le TNP – qualifié de « pierre angulaire du régime de non-prolifération et de désarmement nucléaires », ainsi que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Le préambule souligne que tout emploi d’armes nucléaires serait contraire aux règles du droit international, et serait inadmissible par rapport aux principes de l’humanité. Il conclut en insistant sur « le rôle de la conscience publique dans l’avancement des principes de l’humanité »,</p>
<p>Annick Suzor-Weiner souligne la continuité entre le TNP et le TIAN : en effet, « l’article 6 du TNP fait – depuis un demi-siècle – obligation de négocier en vue de “la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée” et d’un “traité de désarmement général et complet” ! C’est devant le non-respect prolongé de cet article que la pression s’est organisée dans la société civile. » Selon elle, le progrès, avec l’entrée en vigueur du TIAN, « est surtout de remettre la question bien en vue, et d’instituer une sorte de “norme” morale qui fera pression sur les états détenteurs, via leur opinion publique et les pays exposés. La période de menaces multiformes (pandémies, changement climatique) est propice à : 1. éliminer un danger qui est entre nos mains (ou sous nos doigts pour neuf chefs d’État !) ; 2. économiser des milliards dont on a bien besoin ailleurs. »</p>
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<p>Ghislaine Doucet, conseillère juridique principale au CICR, analyse pour sa part :</p>
<blockquote>
<p>« Au CICR, on n’a pas attendu le XXI<sup>e</sup> siècle pour dire qu’il faut renoncer aux armes nucléaires : dès 1945, on avait déjà des délégués du CICR à Hiroshima, et un délégué, Fritz Bilfinger, avait envoyé un télégramme pour attirer l’attention de la communauté mondiale sur la gravité de l’arme atomique. Et en septembre 1945, le Dr Marcel Junot, chef de la délégation du CICR au Japon, avait adressé une circulaire à toutes les sociétés nationales de la Croix-Rouge sur les dangers de l’arme atomique. En 1946, la Conférence des sociétés nationales de la Croix-Rouge avait recommandé l’interdiction de l’emploi de l’arme atomique pour des buts de guerre. »</p>
</blockquote>
<p>Elle rappelle le rôle clé du CICR dans la lutte contre la bombe nucléaire : « Lors de la préparation du TIAN, le CICR s’est prononcé pour, car les soignants, les aidants ne peuvent pas intervenir pour venir en aide aux populations en cas d’attaque nucléaire. Le CICR a toujours mis en avant les considérations humanitaires. Au CICR, on a fait valoir qu’en cas d’explosion d’une bombe nucléaire, on ne peut pas envoyer de soignants, de travailleurs humanitaires. »</p>
<h2>La lente évolution des consciences</h2>
<p>La France, puissance nucléaire depuis 1960, considère officiellement que le TIAN est « un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/276902-traite-sur-linterdiction-des-armes-nucleaires-entre-en-vigueur-en-2021">texte inadapté au contexte sécuritaire international</a> marqué par la résurgence des menaces d’emploi de la force » ; qu’il s’adresse exclusivement aux démocraties occidentales et « ne servira donc pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera » ; et qu’il « fragilise une approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape ». </p>
<p>Le ministre des Affaires étrangères français, Jean‑Yves Le Drian, a fait valoir en avril 2019 devant le Conseil de sécurité de l’ONU que « <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/271272-jean-yves-le-drian-1042019-respect-du-droit-international-humanitaire">l’interdiction des armes nucléaires, alors que le désarmement ne se décrète pas ; n’est pas une approche réaliste</a>, seule une démarche progressive par étapes pouvant selon lui permettre d’atteindre cet objectif. Les États-Unis n’ont pas réagi officiellement suite à l’entrée en vigueur du TIAN, mais à New York, des <a href="https://www.npr.org/2021/01/22/959583731/u-n-treaty-banning-nuclear-weapons-takes-effect-without-the-u-s-and-others?t=1612513172884">militants contre l’arme nucléaire ont manifesté en faveur de sa ratification</a>.</p>
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<p>Ainsi, des conceptions opposées se font face. Mais insensiblement, le TIAN influence même les puissances nucléaires, comme l’analyse Annick Suzor-Weiner, qui estime que le Traité pourra avoir des effets bien réels : pour preuve, « même les discours de Macron et Le Drian ont évolué : après nous avoir traités de bisounours (Védrine) ou d’illuminés, ils commencent à dire qu’ils respectent les convictions et les efforts de ces associations et de ces pays » qui ont signé le TIAN. Le TIAN pourra « forcer les États à commencer à planifier les étapes du démantèlement », amorcer « le désinvestissement des banques et des grandes entreprises », et « mettre des scientifiques sur le démantèlement au lieu de les mettre sur la modernisation des armes ». Édith Boulanger confirme que le TIAN pourra permettre aux opposants à l’arme nucléaire de faire pression sur les grandes entreprises et sur les grandes banques pour qu’elles cessent d’investir dans l’armement nucléaire. Ce que <a href="https://www.latribune.fr/opinions/droit-international-et-armes-nucleaires-quels-enjeux-pour-les-institutions-financieres-873940.html">confirme Jean‑Marie Collin</a>, co-porte-parole de ICAN France. Peu à peu, une évolution est en cours.</p>
<p>Autre point positif : un autre traité de désarmement, le traité START de réduction des armes stratégiques, conclu initialement en 1991 entre les États-Unis et la Russie, a été, début février 2021, <a href="https://information.tv5monde.com/info/le-traite-new-start-prolonge-les-defis-russes-commencent-pour-biden-394727">prolongé pour cinq ans</a>, jusqu’en 2026, prolongation entérinée par la Russie et par l’administration Biden.</p>
<p>Un bémol de taille, cependant : comme l’observent Édith Boulanger et Dominique Lalanne, les jeunes d’aujourd’hui, qui sont conscients des dégâts causés par la pollution et des risques climatiques, sont peu sensibles à la question de l’arme nucléaire. L’enjeu est donc pour les associations anti-nucléaires de toucher ce public pour faire évoluer le rapport de forces au sein des puissances disposant de l’arme ultime.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, élaboré sous l’égide de l’ONU et ratifié par 52 États, est une victoire pour les tenants de l’abolition de l’arme nucléaire.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1498582020-11-15T17:04:34Z2020-11-15T17:04:34ZPrix Nobel de la paix 2020 : le combat sans fin du Programme alimentaire mondial de l’ONU<p>Le président américain élu Joe Biden a promis, dès l’annonce de son élection, de faire revenir les États-Unis dans <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/etats-unis-accord-paris-climat-joe-biden_fr_5fa3ad79c5b69c36d952565c">l’Accord de Paris</a> sur le climat. C’est un signe positif pour le multilatéralisme, incarné par l’ONU et par ses accords et conventions universelles.</p>
<p>Un autre signe positif pour l’ONU est l’attribution en octobre 2020 du <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/a-la-une/le-prix-nobel-de-la-paix-attribu%C3%A9-au-programme-alimentaire-mondial">prix Nobel de la paix</a> au Programme alimentaire mondial, agence de l’ONU créée en 1961 afin de lutter contre la faim dans le monde. C’est la <a href="https://www.un.org/fr/sections/nobel-peace-prize/united-nations-and-nobel-peace-prize/index.html">12e fois</a> qu’une agence ou un dirigeant de l’ONU reçoit le prix Nobel, après notamment les Casques bleus en 1988, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2005, ou encore le Groupe international d’experts sur le climat (GIEC) en 2007.</p>
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<figcaption><span class="caption">Prix Nobel de la paix : le Programme alimentaire mondial distingué.</span></figcaption>
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<p>Le PAM apporte chaque année de l’aide alimentaire à près de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">100 millions</a> de personnes dans le monde, dans près de 80 pays. En 2019, il a fourni plus de <a href="https://onu-rome.delegfrance.org/Presentation-du-PAM">4 millions de tonnes</a> de produits alimentaires. Son plus important terrain d’action actuellement est le Yémen où, depuis le début de la guerre civile commencée en 2015, la famine menace les deux tiers des 30 millions d’habitants. Le PAM agit actuellement dans <a href="http://www.fao.org/3/na714fr/na714fr.pdf">18 pays</a> : outre le Yémen, ses terrains d’intervention majeurs sont aujourd’hui la République démocratique du Congo, le Mozambique, le nord du Nigéria, le Soudan du Sud et la Syrie, c’est-à-dire essentiellement des zones de conflits.</p>
<h2>De la création du PAM aux premières actions concrètes</h2>
<p>C’est il y a presque soixante ans, le 24 novembre 1961, qu’a été créé le PAM, <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1966_num_12_1_1890">initialement</a> pour une durée temporaire de trois ans, à l’instigation du président américain, le Républicain <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Dwight Eisenhower</a>, qui avait prononcé un discours à l’Assemblée générale de l’ONU le 1<sup>er</sup> septembre 1960, préconisant la mise sur pied d’un « dispositif pour fournir de l’aide alimentaire par le canal de l’ONU ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1314593885750996997"}"></div></p>
<p>L’histoire du PAM a été retracée notamment par <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9780333676684">l’économiste américain John D. Shaw</a>, qui y a servi comme consultant. À l’époque de sa création, il s’agissait de renforcer l’action de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, agence spécialisée de l’ONU créée en 1945) en répartissant les surplus alimentaires produits par les pays riches auprès des populations démunies des pays du Tiers monde. Depuis 1945, les États-Unis, grands producteurs de céréales, apportaient déjà une telle aide alimentaire de manière bilatérale à plusieurs pays du Sud, ce qui leur permettait d’étendre leur influence sur ces pays, ce qu’on appelle le « soft power ». « Le PAM est né de la volonté du gouvernement américain de soutenir son agriculture nationale en rachetant les surplus agricoles aux États-Unis et en les distribuant dans les pays en voie de développement », <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/qu-est-ce-que-le-pam-le-programme-alimentaire-mondial-de-l-onu-qui-vient-de-recevoir-le-nobel-de-la-paix_6055484_3244.html">explique</a> un fonctionnaire du PAM souhaitant rester anonyme.</p>
<p>Le PAM va effectuer sa première opération d’aide d’urgence à la suite du séisme de Buin Zahra en Iran en septembre 1962, qui laisse les populations iraniennes en détresse. Le PAM leur fournira 1 500 tonnes de blé. Puis, en 1963, il <a href="https://fr.wfp.org/histoire">aide 50 000 Nubiens</a> (habitants du sud de l’Égypte) à se réinstaller sur de nouvelles terres et à y faire des récoltes, après l’engloutissement de leurs villages suite à la création du barrage d’Assouan. En novembre 1963, le PAM développe un projet pilote de fourniture de repas scolaires à <a href="https://fr.wfp.org/histoire">5 000 écoliers du Togo</a>.</p>
<h2>Des actions d’urgence de grande ampleur</h2>
<p>Ayant démontré son utilité, le PAM devient en 1965 un programme permanent de l’ONU. Il va intervenir pour assister les populations lors des <a href="https://www.cairn.info/famines-et-politique--9782724608739-page-89.htm">grandes famines</a> de la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, comme au Biafra (1967-1970), au Sahel (1968-1972), en Éthiopie (années 1980), en Somalie (1991-1992), etc. En 1973, le PAM apporte une aide d’urgence par avion au <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Sahel</a> : plus de 30 avions cargos, fournis par 12 pays différents, sont mobilisés pour l’occasion de 1973 à 1976.</p>
<p>En 1980, le PAM <a href="https://fr.wfp.org/histoire">aide 370 000 réfugiés cambodgiens</a> à fuir vers la Thaïlande pour échapper aux violences dans leur pays dominé alors par les khmers rouges, et pourvoit à leur alimentation. Tout au long des années 1980, sous la direction de l’Australien <a href="https://www.academia.edu/11928084/Widerstand_am_Ort_der_Macht_Zwei_UN_Exekutivchefs_als_Widerstandsk%C3%A4mpfer">James Ingram</a>, le PAM se concentre davantage sur l’assistance aux victimes de désastres naturels et aux personnes déplacées du fait de guerres et conflits internes. Ainsi, en 1983, le PAM livre 2 millions de tonnes <a href="https://fr.wfp.org/histoire">d’aide alimentaire aux Éthiopiens</a>, frappés par la pire famine dans le monde depuis un siècle.</p>
<p>En 1989, avec l’opération « Lifeline Sudan », le PAM, aidé par 40 ONG, affrète vingt avions cargo pour lancer des tonnes d’aide alimentaire sur le <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Sud du Soudan</a>, touché par la guerre civile. C’est la plus grande opération aérienne d’aide alimentaire jamais réalisée. En 1992, le PAM fournit des rations aux centaines de milliers d’ex-Yougoslaves piégés dans leur pays par la guerre civile. Puis, en 1994, le PAM fournira de la nourriture aux réfugiés du génocide rwandais, installés dans les pays voisins du Rwanda. Et en septembre 1998, ce sont des millions de Bangladais qui sont secourus par le PAM suite aux dramatiques inondations qui ont touché le pays.</p>
<h2>Les États-Unis à la manœuvre</h2>
<p>Le PAM va être au fil du temps dominé – et financé – essentiellement par les États-Unis : depuis 1992, son dirigeant a toujours été un Américain. Cette année-là, c’est la fonctionnaire américaine Républicaine <a href="https://www.ru.nl/politicologie/io-bio-bob-reinalda/io-bio-biographical-dictionary-sgs-ios/">Catherine Bertini</a>, sur la recommandation du président Bush, qui est nommée à la tête du PAM. Première femme à diriger l’institution, elle opère des réformes managériales à l’intérieur du programme, et redéfinit la mission du PAM selon trois axes : 1) sauver des vies lors des crises d’urgence et des situations où il y a des réfugiés (« food for life »), 2) améliorer la nutrition et la qualité de vie dans les situations critiques (« food for growth ») et 3) donner des moyens d’action aux pauvres et les aider à avoir confiance en eux-mêmes (« food for work »). À son poste, elle doit gérer des situations humanitaires sensibles : en 2000, elle est nommée par le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan envoyée spéciale dans la Corne de l’Afrique, pour prévenir une famine liée à la sécheresse.</p>
<p>En 2002, le <a href="https://fr.wfp.org/histoire">PAM entre au Livre Guiness des Records</a> comme la plus grande agence humanitaire mondiale, avec 14 500 employés. Depuis cette date, il développe des partenariats avec des entreprises privées pour accroître ses ressources. En décembre 2004, il lance une <a href="https://fr.wfp.org/histoire">opération</a> d’assistance humanitaire massive aux 14 pays, essentiellement asiatiques, victimes du tsunami. En décembre 2010, il aide les 4,5 millions de victimes du tremblement de terre en <a href="https://fr.wfp.org/histoire">Haïti</a>. Enfin, depuis 2011, il aide les victimes de la guerre civile en Syrie, et depuis 2014 les 3 millions d’Africains de l’Ouest affectés par l’épidémie d’Ebola.</p>
<p>L’actuel secrétaire exécutif du PAM est depuis 2017 l’ancien gouverneur Républicain de la Caroline du Sud, le juriste David Beasley. Toutefois, sa gestion du personnel du PAM a <a href="https://foreignpolicy.com/2019/10/08/world-food-program-un-survey-finds-abuse-discrimination/">suscité des critiques</a>.</p>
<h2>Un effort pour valoriser les petits paysans et les marchés locaux</h2>
<p>En 2020, le besoin de financement du PAM, qui provient essentiellement de contributions volontaires des États membres, est fixé à <a href="https://onu-rome.delegfrance.org/Presentation-du-PAM">10,6 milliards de dollars</a>, en augmentation par rapport à 2019 (8,3 milliards de dollars). Il emploie aujourd’hui environ 12 000 personnes, dont plus de 90 % travaillent directement sur le terrain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"975375283342790657"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, le PAM ne se borne pas à fournir de l’aide alimentaire, ce qui laisserait les populations réceptrices dans une situation de passivité : depuis 2008 et le lancement du programme <a href="https://www.wfp.org/purchase-for-progress">« Purchase for Progress »</a>, le PAM achète à des petits paysans leurs produits locaux, puis les distribue aux populations dans le besoin, ce qui permet de protéger les marchés locaux en évitant de les submerger par des produits extérieurs.</p>
<p>Ce dispositif vise à répondre aux critiques visant le PAM, qui font valoir que l’aide alimentaire serait en fait <a href="https://library.stanford.edu/sites/default/files/widget/file/zalite_wfp_unday2013_0.pdf">nuisible</a> aux pays pauvres, encourageant la corruption des dirigeants politiques chargés de la répartir, qui monnayeraient cette aide contre des voix aux élections et revendraient les stocks de nourriture au marché noir. Mais les critiques demeurent minoritaires et, au sein d’une ONU souvent dénoncée comme impuissante, le PAM reste considéré comme un <a href="https://www.rienner.com/title/The_World_Food_Programme_in_Global_Politics">programme efficace</a> par l’opinion mondiale.</p>
<h2>La crise de la Covid-19 et l’objectif faim zéro</h2>
<p>Actuellement, alors que plus de <a href="https://www.un.org/fr/sections/issues-depth/food/index.html">821 millions de personnes</a> dans le monde souffrent de faim chronique, la situation est en aggravation du fait de la pandémie de Covid-19, et <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">l’objectif faim zéro</a> que l’ONU s’est fíxé pour <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/09/en-distinguant-le-programme-alimentaire-mondial-le-comite-nobel-alerte-sur-l-urgence-de-la-faim-dans-le-monde_6055483_3244.html">2030</a> semble hors d’atteinte : la pandémie de Covid a eu pour effet de faire baisser drastiquement les dons d’aide alimentaire. Le PAM <a href="https://histoires.wfp.org/le-monde-doit-agir-et-d%C3%A8s-maintenant-pour-%C3%A9viter-une-pand%C3%A9mie-de-la-faim-caus%C3%A9e-par-le-covid-19-820e75df38c0">s’alarme</a> d’une possible « pandémie de la faim », qui s’ajouterait à la pandémie actuelle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : « Nous sommes au bord d’une pandémie de faim », avertit l’ONU.</span></figcaption>
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<p>Cela montre bien l’imbrication étroite des problèmes sanitaires, alimentaires, et même géopolitiques. C’est pourquoi seule l’ONU, institution universelle, multilatérale, et agissant sur plusieurs domaines (la santé avec l’OMS, la culture et l’éducation avec l’Unesco, l’alimentation et l’agriculture avec la FAO, etc.), peut agir efficacement.</p>
<p>Il est donc nécessaire que les États membres lui fournissent les financements nécessaires et lui donnent les moyens d’agir. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le prix Nobel de la Paix 2020 a été attribué au Programme alimentaire mondial. Retour sur près de 60 ans de lutte contre la faim par la plus grande agence d’aide alimentaire mondiale.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1499582020-11-12T21:53:50Z2020-11-12T21:53:50ZHaut-Karabagh : cessez-le-feu sur une ligne de faille géopolitique<p>9 novembre 2020. Le message est tombé à 23h57 heure de Paris. De la part du « frantsouski narkozist’ », un anesthésiste réanimateur français d’origine arménienne, engagé volontaire depuis plusieurs semaines dans l’hôpital civil de la capitale de la république du Haut-Karabagh.</p>
<p>À Stepanakert, trois jours auparavant, l’équipe médicale et les blessés encore sur les tables d’opération ont été évacués dans une panique indescriptible vers le nord. Est-ce la débâcle annoncée ? L’ennemi arrive par le sud aux portes de Stepanakert et assiège la citadelle de Chouchi, verrou stratégique et haut-lieu culturel arménien. De Martakert au nord où elle s’est réfugiée dans une fermette à moitié défoncée et où un coq chante sur son tas de bois, dans un décor digne d’E. P. Jacobs – mélange de bâtisses ruinées et d’équipements futuristes –, l’équipe est ensuite revenue sur ses pas vers Khodjalu, se rapprochant du théâtre des opérations pour récupérer des blessés et avec l’espoir, peut-être, de retourner à Stepanakert. Si toutefois, Stepanakert n’est pas déjà aux mains de l’ennemi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318640538141294598"}"></div></p>
<p>« Donne-moi des détails en urgence. On est quasiment en première ligne et l’incertitude est plus insupportable que le canon. » Tel Fabrice Del Dongo, l’anti-héros de <em>La Chartreuse de Parme</em> à Waterloo, mon correspondant est confronté à la question du point de vue dans la guerre. Et plus particulièrement à la question du point de vue du terrain dans la défaite militaire. À fourrager dans les corps de jeunes conscrits odieusement déchiquetés par les armes à sous-munitions, à voir les tubages des missiles à moitié plantés dans le sol, à s’endormir au son régulier et reconnaissable des canons amis, ou bien ennemis, l’acteur de terrain est atteint de presbytie.</p>
<p>Mon correspondant aperçoit la citadelle au loin dans les montagnes, Chouchi, dont nul ne sait depuis 48 heures si elle est aux mains des Arméniens ou des Azéris. Mon correspondant ne sait qu’une chose : à minuit heure locale, une fusée rouge a été tirée et le bruit du canon a cessé. Ilham Aliev l’avait promis pour le Jour du Drapeau de l’Azerbaïdjan : le 9 novembre. Chouchi (Choucha), au terme d’affrontements acharnés qui s’achèvent en combats de rue, tombera.</p>
<h2>Le discours d’un premier ministre vaincu</h2>
<p>Un cessez-le-feu vient d’être signé. Il consacre la victoire militaire de l’Azerbaïdjan, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/karabakh-la-turquie-determinee-a-aider-l-azerbaidjan-a-recouvrer-ses-terres-occupees-20200929">soutenu par la Turquie</a>, membre de l’OTAN, qui a pourvu son petit allié caucasien en stratégies militaires, en matériel (et notamment en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/07/haut-karabakh-l-azerbaidjan-se-felicite-du-renfort-des-drones-de-son-allie-turc_6055100_3210.html">drones</a>, l’atout indispensable dans ce « conflit post-moderne de cinquième génération »), et en <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2020/10/18/les-filieres-turques-de-mercenaires-syriens-en-azerbaidjan/">supplétifs djihadistes</a> acheminés par voie aérienne de la région d’Idlib (Syrie).</p>
<p>Au soir du 9 novembre, au terme de <a href="https://www.france-armenie.fr/fr/">presque six semaines d’un conflit très asymétrique</a>, Nikol Pachinian, premier ministre toujours en exercice malgré des <a href="https://www.armenews.com/spip.php?page=article&id_article=71585">rumeurs de démission</a> qui se répandent depuis l’avant-veille, s’adresse à la nation. Une adresse en forme de soliloque sur Facebook, à faible teneur « communicante ». Comment expliquer au peuple qu’on a signé la défaite, alors qu’on lui répète depuis des semaines « Haghtelou Enk » (Nous devons gagner), et qu’on enterre les morts à la file au cimetière des Héros de Yerablour (Erevan) ? À quoi aura servi le sacrifice de la jeunesse arménienne, celle-là même qui deux ans plus tôt a porté lors de la <a href="https://sms.hypotheses.org/16728">« révolution de velours » (mars-mai 2018)</a> en une vague irrésistible, Nikol Pachinian au pouvoir ? Du fond de ses montagnes au milieu de la nuit étoilée, mon correspondant a vu une fusée rouge s’élever dans le ciel. Puis, le silence.</p>
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<p>« Mes chers compatriotes, sœurs et frères, j’ai pris pour moi et pour nous tous, une décision lourde, incroyablement douloureuse. Je viens de signer avec les présidents de la Russie et de l’Azerbaïdjan une déclaration mettant fin à la guerre du Karabagh à partir d’une heure ce matin. Le texte officiel de la déclaration est déjà publié. Je ne peux pas dire à quel point son contenu est douloureux, pour moi et pour notre peuple.</p>
</blockquote>
<p>J’ai pris cette décision à la suite d’une analyse approfondie de la situation militaire et avec des experts qui connaissent au mieux la situation. En ayant la conviction que c’est la meilleure solution possible dans le contexte actuel. Je donnerai des détails sur tout cela dans les prochains jours.</p>
<p>Ce n’est pas une victoire, mais il n’y a pas de défaite tant que vous ne vous reconnaissez pas comme perdants. Nous ne nous reconnaîtrons jamais comme des perdants et cela devrait être le début de notre ère d’unité nationale et de renaissance.</p>
<p>Nous devons analyser les années de notre indépendance pour projeter notre avenir et ne pas répéter les erreurs du passé.</p>
<p>Devant tous nos martyrs, je me mets à genoux. Je m’incline devant tous nos soldats, officiers, généraux, volontaires qui ont défendu et défendent la patrie en sacrifiant leur vie. Ils ont sauvé de manière désintéressée les Arméniens de l’Artsakh.</p>
<p>Nous nous sommes battus jusqu’au bout. Et nous gagnerons. L’Artsakh est debout.</p>
<p>Vive l’Arménie ! Vive l’Artsakh ! »</p>
<h2>La guerre de l’information</h2>
<p>Cette guerre, on l’a suivie au rythme des communiqués officiels et quotidiens du ministère de la Défense qui, de « replis tactiques » de vallées en vallées, nous ont fait explorer la carte de la vallée de l’Araxe, où s’est engouffrée l’armée azérie, puis nous a fait remonter vers le nord, jusqu’à la vallée du Vorotan. Les Azéris ne sont pas des combattants des montagnes, dit-on, mais qu’importe : la Turquie a mis à la disposition de son allié des <a href="https://armenpress.am/eng/news/1032617.html">commandos spéciaux surentraînés</a>, les mêmes qui sont venus à bout de la guérilla kurde en Anatolie orientale.</p>
<p>On l’aura vécue au rythme des articles des correspondants de guerre infiltrés dans la nasse, au péril de leur vie – deux journalistes du <em>Monde</em> ont été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/02/deux-journalistes-du-monde-blesses-dans-le-haut-karabakh_6054475_3210.html">grièvement blessés</a> à Martouni – et d’éditoriaux à teneur performative.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1321155584385785862"}"></div></p>
<p>Au rythme, aussi, des rumeurs et des « fake news » de la guerre de l’information. Suivie massivement en Arménie, la chaîne YouTube de <a href="https://www.youtube.com/channel/UCKUpuvClmUDtD_IJq-IA60w">WarGonzo</a> restitue la guerre en direct : fort de son expérience dans le Donbass, Semyon Pegov est embarqué avec son équipe de cameramen aux côtés de l’Armée d’auto-défense de l’Artsakh. Sous le signe de la « vérité extrême », du regard subjectif et de l’« humanisme militaire »… il restitue ce fameux point de vue de terrain et laisse espérer, côté arménien, la possibilité d’une guerre hybride à laquelle la Russie apporterait si ce n’est un soutien militaire, du moins un consentement tacite. Mais rien de tel ne se produit.</p>
<h2>Le pragmatisme russe vis-à-vis de la Turquie</h2>
<p>Que fera la Russie ? Que fera Poutine ? La question est dans tous les esprits.</p>
<p>Dans la « nouvelle société arménienne » démocratique et ouverte de Nikol Pachinian, au vocabulaire emprunté au répertoire occidental, l’anti-russisme était devenu de bon ton. Le Kremlin est irrité par ce premier ministre qui entend conserver son amitié ancienne avec la Russie tout en ayant les yeux de Chimène pour l’Occident.</p>
<p>C’est pourtant lui qui appelle Poutine au secours, à trois reprises, au début du conflit. Mais la Russie, certes alliée de l’Arménie dans le cadre du traité <a href="http://russiegeopolitique.org/images/article_RDN_OTSC_Teurtrie_0717.pdf">OTSC</a>, n’entend pas quitter sa position d’arbitre dans un conflit du Haut-Karabagh qui ne se déroule pas sur le territoire de l’Arménie proprement dite. Posée en arbitre entre deux républiques anciennement soviétiques (ce sont « nos gens », « nachi lioudi », comme l’a dit Vladimir Poutine <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/64261">lors du forum de Valdaï le 22 octobre dernier</a>) dont l’une – l’Azerbaïdjan – possède d’indiscutables atouts dans le domaine des hydrocarbures, la Russie doit également se conduire de manière pragmatique à l’égard de la Turquie, dont les ambitions <a href="https://www.atlantico.fr/decryptage/3592933/l-ingerence-au-haut-karabagh-une-etape-de-plus-dans-la-strategie-neo-ottomane-d-erdogan-ardavan-amir-aslani">néo-ottomanistes</a> doivent être comprises et maitrisées, tant sur le flanc sud du Caucase qu’en Syrie.</p>
<p>Car l’autre nouveauté de cette nouvelle guerre du Haut-Karabagh est son interaction directe avec le théâtre de la guerre syrienne. L’envoi par les Turcs de mercenaires djihadistes syriens sur le front du Haut-Karabagh obéit à cette configuration qui rappelle terriblement les porosités qui existaient entre l’Empire russe et l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale. Un <a href="https://www.grasset.fr/livres/reginald-teague-jones-9782246744412">choc frontal des deux Empires</a>, qui ouvre la voie, en 1918, dans le sillage de <a href="http://turquisme.blogspot.com/2020/06/le-panislamisme-et-le-panturquisme-de.html">l’Armée de l’Islam de Nouri Pacha</a> marchant sur Bakou, à de nouveaux massacres, mais qui crée la vacuité nécessaire à l’indépendance miraculeuse de la Géorgie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan (1918-1920). À un siècle de distance, la ligne de faille géopolitique du Caucase du Sud, pris en étau entre Russes et Turcs, dicte de nouveau l’histoire.</p>
<p>Les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/conflit-dans-le-haut-karabakh/haut-karabakh-ce-que-l-on-sait-de-l-accord-de-fin-des-hostilites-signe-entre-l-armenie-et-l-azerbaidjan_4175609.html">termes de la défaite arménienne et du cessez-le-feu</a> du 10 novembre 2020, probablement discutés point par point par Poutine et Erdogan lors d’une conversation téléphonique, répondent donc à la nécessité de ramener la résolution de ce conflit dans le giron des puissances régionales limitrophes, ce que certains commentateurs, notamment lors d’une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5we8MXVfYXw">récente table ronde organisée à l’Inalco</a>, ont décrit comme une tentative d’« astanisation » du règlement du conflit. Tout comme Moscou a imposé le <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/the-astana-process-a-flexible-but-fragile-showcase-for-russia">« format Astana »</a> (Russie, Turquie, Iran, Kazakhstan) contre le <a href="https://www.tdg.ch/monde/geneve-abrite-1er-acte-politique-future-syrie/story/30989562">« format Genève »</a> sur le dossier syrien, le Kremlin impose, au Karabagh, un nouveau format de négociation évinçant l’Occident et associant sans doute, à terme, la Turquie et l’Iran – lequel a d’ailleurs <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-iran-deploie-des-troupes-a-ses-frontieres-avec-l-armenie-et-l-azerbaidjan-25-10-2020-2397938_24.php">déplacé des troupes à sa frontière septentrionale</a>. Une manière de rappeler ses intérêts au cas fort probable où le règlement diplomatique, encore à venir, inclurait la mise en place de nouvelles infrastructures, le long de la vallée de l’Araxe.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Pour l’heure, <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/64384">l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre signé par l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Russie</a> prévoit la restitution à l’Azerbaïdjan des districts occupés jusqu’ici par l’Arménie au titre du « périmètre de sécurité » : le district d’Agdam doit être restitué avant le 20 novembre 2020, celui de Kelbadjar avant le 15 novembre et celui de Latchine avant le 1<sup>er</sup> décembre. Les articles 3 et 4 prévoient, en même temps que le retrait des troupes arméniennes, le déploiement pour une durée de cinq ans de forces de maintien de la paix sous l’égide de la Fédération de Russie, le long de la ligne de contact du Haut-Karabagh et le long du corridor de Latchine. L’article 6 prévoit que ce corridor stratégique, qui relie le territoire du Haut-Karabagh à celui de l’Arménie, sera établi sur une bande de 5 kilomètres de large et sécurisé par les forces russes de maintien de la paix. Toutefois, il ne desservira pas Chouchi (Choucha), la deuxième ville du Karabagh après la capitale Stepanakert, et l’article 6 prévoit à cet égard la construction d’une nouvelle route dans le corridor de Latchine sous la protection de la Russie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1326121306681716736"}"></div></p>
<p>Outre les dispositions humanitaires (retour des réfugiés, échange des prisonniers de guerre), l’article 9 est le plus important. Il prévoit en effet le déblocage des moyens de communication et de transport de la région, entre la partie ouest de l’Azerbaïdjan et l’exclave du <a href="https://www.lepoint.fr/monde/l-azerbaidjan-convoiterait-l-extreme-sud-de-l-armenie-02-11-2020-2399058_24.php">Nakhitchevan</a> « afin d’établir le mouvement non entravé des personnes, des véhicules et du fret dans les deux directions » – et cela sous la surveillance des garde-frontières de la Fédération de Russie. La construction de nouvelles infrastructures reliant l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan est expressément mentionnée dans les termes de cet accord « corridor contre corridor ».</p>
<p>Si l’Arménie défaite doit panser ses plaies, elle doit également affronter la cartographie irrévocable de cet accord et trouver un dirigeant apte à négocier dans ce contexte contraignant, l’unification à son propre territoire d’un Haut-Karabagh ramené, dans le meilleur des cas, à l’Oblast autonome de 1988. C’est à cette condition que la jeunesse du pays n’aura pas été sacrifiée en vain. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Taline Ter Minassian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cessez-le-feu qui vient d’être signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan consacre la défaite arménienne dans le conflit du Haut-Karabagh, face à un ennemi largement soutenu par la Turquie.Taline Ter Minassian, Historienne, professeure des universités. Directrice de l'Observatoire des États post-soviétiques (équipe CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462752020-09-21T19:17:08Z2020-09-21T19:17:08ZMali : le président Ibrahim Boubacar Keita pris à son propre jeu<p>L’intervention dans la crise sociopolitique malienne des militaires réunis au sein du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), le 18 août, a sonné le glas de la longue carrière politique du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK).</p>
<p>On ne peut comprendre la chute d’IBK qu’à travers l’examen de la mise en place de son entreprise politique, caractérisée par un <a href="https://benbere.org/dossiers-benbere/bagadadji-2020/bagadadji2020-lamine-savane-argent-corrompt-systeme-democratique-malien/">clientélisme concurrentiel</a>. Si IBK a pu « truster » le sommet du pouvoir depuis une trentaine d’années, c’est dû à l’intériorisation des codes de la sphère politique malienne, fondés sur la redistribution constante des prébendes de l’État.</p>
<h2>Une ascension politique irrésistible</h2>
<p>L’<a href="https://www.jstor.org/stable/27890139">analyse de l’État africain</a> et de son fonctionnement exige de mettre la focale sur les élites politiques et la dynamique de leur processus d’accumulation de ressources à la fois politiques, économiques et sociales. En Afrique, les élites au sommet de l’État se composent généralement de politiciens de carrière, de hauts fonctionnaires ou d’hommes d’affaires, et le plus souvent appartiennent à ces <a href="https://www.jstor.org/stable/27890139">trois catégories</a>. Ce constat correspond bien à la situation contemporaine du Mali, où le processus d’accumulation de richesses par la famille et le clan du président IBK a atteint des <a href="http://news.abamako.com/h/189820.html">proportions inquiétantes</a>.</p>
<p>Ibrahim Boubacar Keita est un vieux routier de la politique malienne. Directeur de campagne adjoint de l’ex-président <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1744&langue=fr">Alpha Oumar Konaré</a> lors de la campagne de celui-ci en 1992, il fut conseiller à la présidence avant d’être proposé au poste d’ambassadeur en Côte d’Ivoire. Le premier président ivoirien, <a href="https://www.jeuneafrique.com/personnalites/felix-houphouet-boigny/">Felix Houphouët Boigny</a>, a <a href="https://lefaso.net/spip.php?article98858">traîné des pieds</a> pour le recevoir en raison, dit-on, de ses liens d’amitié avec <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/08/26/en-cote-d-ivoire-l-ancien-president-laurent-gbagbo-definitivement-radie-des-listes-electorales_6049960_3212.html">Laurent Gbagbo</a>, opposant historique et président du <a href="https://fpi-ci.com/">Front populaire ivoirien (FPI)</a>.</p>
<p>À son retour au Mali, IBK gravit très vite les échelons du pouvoir. Il est d’abord ministre des Affaires étrangères (1993-1994), puis premier ministre (1994-2000) en remplacement d’Abdoulaye Sékou Sow, affaibli et contesté par le parti majoritaire (ADEMA), dont il n’était pas membre. IBK est également président de l’Assemblée nationale (2002-2007), à la tête de la coalition de partis dite « Espoir 2002 » – une coalition dont certains responsables éminents (Choguel K. Maiga, Mountaga Tall) se sont récemment retrouvés au sein du M5-RFP, le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/22/qui-sont-les-principaux-leaders-de-la-contestation-au-mali_6046954_3212.html">mouvement de contestation</a> qui a pris IBK pour cible au cours de ces derniers mois.</p>
<p>Il accède à la présidence de la République en septembre 2013, à la suite du coup d’État du <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/889925/societe/mali-lex-putschiste-amadou-sanogo-sort-par-la-petite-porte/">capitaine Amadou H. Sanogo</a>, qui appelle sans réserve l’armée à le soutenir, et avec l’aide de l’influent imam Mahmoud Dicko qui avait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_47z7DkVaFo">« transformé ses mosquées en QG de campagne pour lui »</a>. Enfin, il est réélu, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Mali-Ibrahim-Boubacar-Keita-route-second-mandat-large-victoire-2018-08-16-1300962080">dans une ambiance délétère</a>, en 2018.</p>
<h2>L’essoufflement d’un système fondé sur la cooptation des opposants</h2>
<p>La longévité de sa carrière politique s’explique par le creuset d’une démocratie « clientélaire ». Comme l’ont démontré <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2006-4-page-617.htm">Jean‑François Bayart et Jean‑François Médard</a>, l’enjeu principal de la politique dans l’arène nationale n’a jamais été le développement, contrairement au discours de légitimation que tiennent les élites politiques. Il s’agit plutôt d’accès aux ressources étatiques pour l’extraction et l’accumulation – des ressources essentielles pour <a href="https://www.laprocure.com/etat-afrique-politique-ventre-jean-francois-bayart/9782213630793.html">l’entretien de la clientèle politique</a>. On peut dire que l’État malien a été patrimonialisé, devenant prédateur de la société tout en étant « prédaté » par cette dernière.</p>
<p>Dans les premières années d’IBK au poste de premier ministre, <a href="http://www.abamako.com/qui/profil.asp?id=90">Toumani Djimé Diallo</a> – directeur de publication des journaux <em>La Nation</em> et <em>Le Démocrate</em> entre 1992 et 1998 – n’a cessé d’assurer qu’il <a href="http://news.abamako.com/h/210296.html">n’a jamais obtenu de diplôme universitaire</a>, et de mettre quiconque au défi de prouver le contraire. Comme pour le faire taire, Diallo a été coopté par IBK en tant que chargé de mission à la primature en 1998, puis conseiller, et ensuite comme chef de cabinet à la présidence de l’Assemblée nationale entre 2002 et 2007. Quand IBK est élu en 2013, Diallo devient le secrétaire général de la présidence, avant de terminer <a href="https://www.lepoint.fr/societe/incident-diplomatique-l-ambassadeur-malien-en-france-rappele-a-bamako-27-02-2020-2364854_23.php">ambassadeur du Mali en France</a>. Il a donc fini par collaborer avec celui qui l’avait longtemps fustigé.</p>
<p>La liste des opposants cooptés est longue : Tiebilé Dramé, dernier ministre des Affaires étrangères, ancien directeur de campagne de Soumaila Cissé, challenger d’IBK en 2018 et 2013 ; Amadou Thiam, premier vice-président de la plate-forme « Ante A bana », opposée à la réforme constitutionnelle, finalement nommé… ministre des Réformes institutionnelles ; ou encore <a href="http://malijet.com/actualite-politique-au-mali/74196-presidentielle-de-juillet-2013-amadou-koita-se-rallie-a-soumaila.html">Amadou Koita</a>, dernier ministre des Maliens de l’extérieur, pour ne citer que ceux-là. Ils étaient tous membres de l’opposition et comptaient parmi les principaux pourfendeurs de la politique d’IBK.</p>
<p>Mais les récentes manifestations populaires qui ont fini par <a href="https://theconversation.com/la-chute-ineluctable-du-president-malien-ibrahim-boubacar-keita-144787">provoquer l’irruption de l’armée dans la crise malienne</a> semblent prouver que ce système de clientélisme politique a atteint ses limites. Toutes les précédentes contestations politiques avaient été étouffées par des nominations ou par une redistribution de la rente « clientélaire ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Après une mutinerie au Mali, le président Keita annonce sa démission.</span></figcaption>
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<p>L’imam Mahmoud Dicko a révélé que le président IBK lui avait <a href="https://malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/actualite_de_la_nation_malienne/244862-tensions-sociopolitiques-au-mali-l%E2%80%99imam-mahmoud-dicko-refuse-des.html">proposé des postes ministériels</a>, en lui demandant en contrepartie de cesser de soutenir le M5-RFP.</p>
<p>L’ultime exemple de la limite du clientélisme d’IBK est sa proposition faite aux députés qui avaient été proclamés élus par l’administration territoriale en charge des élections, mais recalés par la Cour constitutionnelle : le président leur a promis d’hypothétiques sièges au Sénat – pas encore mis en place – en <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200708-mali-le-pr%C3%A9sident-ibk-re%C3%A7oit-%C3%A9lus-contestataires-solution-%C3%A0-la-sortie">échange du renoncement à leurs sièges de députés</a>. Une trentaine de résultats issus des urnes auraient ainsi été inversés au profit de la majorité présidentielle…</p>
<p>Le pouvoir a également essayé de <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/boubacar-haidara-ibk-etait-totalement-deconnecte-20-08-2020-2388421_3826.php#">« diaboliser »</a> l’imam Dicko, qualifié de salafiste, et d’être un partenaire des djihadistes voulant instaurer un État islamique. Objectif : isoler l’imam, d’obédience wahhabite, des deux autres leaders religieux d’obédience malékite, à savoir <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/17056">Chérif Ousmane Madani Haidara</a>, président du Haut Conseil Islamique du Mali (soutien implicite du président IBK), et le chérif de Nioro, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200806-mali-bouy%C3%A9-ha%C3%AFdara-ch%C3%A9rif-nioro-murmure-oreille-leaders">Bouyé Haidara</a>, qui s’était plus ou moins <a href="https://www.youtube.com/watch?v=STOJyl3k6nA">désolidarisé du M5-RFP lors de son dernier sermon</a> du vendredi 14 août précédant la chute du président IBK.</p>
<p>En réalité, IBK ne semble pas avoir pris conscience de la profondeur de la crise. Au lieu de prendre des décisions fortes (dissolution de l’Assemblée nationale, nomination d’un premier ministre consensuel, etc.), il a cru que les anciennes pratiques – corruption, clientélisme politique, division au sein d’une corporation, cooptation… – lui suffiraient pour se maintenir au pouvoir. C’est ce qui explique sa sortie dès la première manifestation du 5 juin : il avait alors <a href="https://www.jeuneafrique.com/1002887/politique/mali-le-discours-dibk-na-pas-calme-toutes-les-coleres/">répondu favorablement aux doléances des enseignants</a>, avec l’espoir que ces derniers se désolidarisent des manifestations du M5-RFP.</p>
<p>Il avait aussi accepté la demande d’augmentation de salaire des magistrats dans le seul but qu’ils acceptent qu’il <a href="https://www.jeuneafrique.com/1023162/politique/crise-au-mali-trois-nouveaux-juges-nommes-a-la-cour-constitutionnelle/">nomme les trois magistrats</a> prévus par la loi pour la mise en place de la nouvelle Cour constitutionnelle.</p>
<p>Mais ces ressources clientélistes semblent épuisées : pour briser la contestation des manifestants, le gouvernement a fait appel à la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/15/au-mali-le-role-d-une-unite-d-elite-antiterroriste-en-question-dans-les-violences-meurtrieres_6046240_3212.html">Force spéciale antiterroriste</a> (Forsat).</p>
<h2>La fin d’IBK signifie-t-elle la fin du système décrié par les manifestants ?</h2>
<p>Les manifestants avaient accueilli dans la liesse populaire les militaires qui se dirigeaient vers Sébénikoro (quartier où habite le président de la République) jusque devant sa résidence. Son arrestation spectaculaire avait fait le tour des télévisions internationales. Mais, très vite, l’allégresse a cédé la place au doute, en raison du flou qui entoure cette transition.</p>
<p>Dans un premier temps, les militaires avaient promis une transition civile. Mais leur volonté de la gérer de manière solitaire a provoqué quelques remous du côté du M5-RFP, qui estime avoir été le fer de lance de ce mouvement social que les militaires auraient seulement « parachevé ». La tentative de mise à l’écart du M5-RFP a fini par <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/08/30/au-mali-premier-couac-pour-la-transition-promise-par-la-junte_6050349_3212.html">jeter le doute sur la volonté</a> réelle des militaires de changer un système politique dont le socle est la <a href="https://orientxxi.info/magazine/mali-le-coup-d-etat-marque-la-fin-des-illusions-francaises,4101">corruption institutionnalisée</a>.</p>
<p>La non-arrestation du fils du président – Karim Keita, député et président de la Commission de défense – et du puissant directeur de la sécurité d’État Moussa Diawara ont <a href="https://www.malicanal.com/revelations-sur-les-dessous-de-la-demission-dibk-et-la-verite-sur-les-personnalites-arretees-par-les-putschistes/">semé le trouble</a> au sein de l’opinion publique malienne. Malgré les appels du pied de Choguel Maiga, qui a qualifié le CNSP de « partenaire stratégique » du M5-RFP, il semble que le premier ait un <a href="https://www.jeuneafrique.com/1042046/politique/mali-la-transition-au-centre-dun-bras-de-fer-entre-le-mouvement-du-5-juin-et-les-militaires/">calendrier différent de celui du second</a>.</p>
<p>Les militaires, malgré leur volte-face, ne sont pas pressés de mettre en place la transition telle que recommandée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à savoir désigner un président et un premier ministre de transition civils. Tout l’enjeu consiste à savoir, si la fin du régime d’IBK signe réellement la fin d’un système politique dont les Maliens ne semblent plus vouloir.</p>
<p>La <a href="https://www.lefigaro.fr/international/au-mali-la-junte-devoile-sa-charte-pour-la-transition-20200915">charte de la transition</a>, censée être issue des concertations nationales, a été fortement contestée par une partie du M5-RFP. Celle-ci prévoit, contre toute attente, un vice-président de la transition, une sorte de poste taillé sur mesure pour un militaire qui s’occuperait exclusivement des questions de « défense, de sécurité et de refondation de l’État ». Ce qui apparaît comme une énième tentative de pérenniser le système contre lequel les Maliens sont descendus dans la rue. La suite des événements (nomination du gouvernement de transition) et la possibilité de la justice à pouvoir faire son travail en toute indépendance (ou pas) permettra, sans doute, d’y voir clair.</p>
<p>Paradoxalement, la Cédéao, pourtant brocardée ces derniers temps par les manifestants, semble être le seul recours vers lequel les manifestants et surtout le M5-RFP risquent de se tourner pour atténuer <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/09/03/au-mali-la-junte-nomme-de-nouveaux-hommes-a-des-postes-strategiques_6050811_3212.html">l’influence prétorienne</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146275/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le renversement d’Ibrahim Boubacar Keita met en évidence les limites d’une stratégie de prédation des ressources publiques et de cooptation des opposants érigée en mode de gouvernance.Lamine Savané, Docteur en science politique de l'Université de Montpellier/ATER; Chercheur associé au Laboratoire CEPEL (UMR 5112) CNRS, Université de SégouBoubacar Haidara, Chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences-Po Bordeaux., Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1463782020-09-16T18:16:49Z2020-09-16T18:16:49ZÉchanger des tueurs contre la paix en Afghanistan : questions sur une amnistie made in USA<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358436/original/file-20200916-22-uy2z8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C12%2C2041%2C1312&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des prisonniers talibans se préparent à quitter une prison gouvernementale à Kaboul en août 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">Afghanistan National Security Council Handout/EPA</span></span></figcaption></figure><p>Un soldat afghan reconnu coupable du meurtre de trois soldats australiens fait partie des <a href="https://www.washingtonpost.com/world/asia_pacific/afghanistan-taliban-peace-talks-prisoner-release/2020/09/10/195c7f5e-f183-11ea-8025-5d3489768ac8_story.html">six prisonniers dits de grande valeur</a> qui ont été transférés par avion au Qatar en prévision des pourparlers de paix qui se tiennent en ce mois de septembre entre les talibans et le gouvernement afghan.</p>
<p>Ce soldat, du nom de Hekmatullah, a passé <a href="https://www.abc.net.au/news/2020-09-11/hekmatullah-transferred-to-qatar-taliban-peace-talks-australia/12653524">sept ans en prison</a> pour avoir tué les trois militaires avec lesquels il travaillait en 2012 : le caporal Stjepan Milosevic, le sapeur James Martin et le soldat Robert Poate.</p>
<p>Les talibans et les États-Unis ont fait pression sur le gouvernement afghan pour qu’il <a href="https://www.aljazeera.com/news/2020/09/qatar-host-long-awaited-intra-afghan-talks-saturday-200910172323910.html">libère</a> les 5 000 prisonniers talibans qu’il détient. En retour, les talibans se sont engagés à libérer 1 000 membres des forces de sécurité afghanes. Initialement exclu de la négociation, le gouvernement l’a depuis acceptée.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357602/original/file-20200911-20-ngyoo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hekmatullah a été transféré au Qatar à la veille du début des discussions de paix.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twitter/AAP</span></span>
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<p>Longtemps, le gouvernement afghan s’était engagé à ne pas libérer 600 prisonniers qu’il considérait trop dangereux, y compris des meurtriers et des combattants étrangers. Le président afghan, Ashraf Ghani, les a qualifiés de <a href="https://www.france24.com/fr/20200814-la-lib%C3%A9ration-de-400-taliban-est-un-danger-pour-le-monde-pr%C3%A9vient-le-pr%C3%A9sident-afghan">« danger » pour le monde</a>. Mais le mois dernier, une assemblée d’anciens, de chefs communautaires et de politiciens afghans, appelée « loya jirga », a approuvé la libération des 400 derniers prisonniers talibans et des centaines d’entre eux ont été libérés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357600/original/file-20200911-18-1dcz34n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des délégués à la loya jirga à Kaboul le mois dernier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rahmat Gul/AP</span></span>
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<h2>Les objections des gouvernements étrangers</h2>
<p>La libération des prisonniers ayant tué des Occidentaux a été l’une des parties les plus controversées de l’accord. Le gouvernement australien et les familles des trois soldats australiens assassinés se sont vigoureusement opposés à la libération de Hekmatullah.</p>
<p>Le premier ministre Scott Morrison a <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/aug/10/scott-morrison-presses-trump-for-continued-detention-of-ex-afghan-soldier-who-killed-three-australians">évoqué ce sujet</a> avec le président américain Donald Trump ces dernières semaines, tandis que la ministre des Affaires étrangères Marise Payne et la ministre de la Défense Linda Reynolds ont réitéré cette position <a href="https://www.nationaltribune.com.au/australian-fm-statement-on-transfer-of-sensitive-afghan-prisoners-to-qatar/">dans une déclaration</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La position de longue date du gouvernement australien est que Hekmatullah devrait purger une peine de prison complète pour les crimes pour lesquels il a été condamné par un tribunal afghan, et qu’il ne devrait pas être libéré dans le cadre d’une amnistie de prisonniers. »</p>
</blockquote>
<p>La France s’est également <a href="https://www.aljazeera.com/news/2020/08/france-asks-afghans-free-taliban-killed-citizens-200816054618786.html">opposée à la libération</a> des prisonniers ayant assassiné ses travailleurs humanitaires et ses soldats. Les États-Unis <a href="https://www.washingtonpost.com/world/asia_pacific/afghanistan-taliban-prisoners-insider-attacks/2020/08/29/ae3e95ba-e7c1-11ea-bf44-0d31c85838a5_story.html">ne se sont pas publiquement opposés</a> à la libération de trois prisonniers ayant assassiné des Américains lors d’attaques dites « de l’intérieur », bien qu’ils examinent la possibilité d’une libération conjuguée à une assignation à domicile.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357604/original/file-20200911-14-980te8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’envoyé américain Zalmay Khalilzad, à gauche, et le mollah Abdul Ghani Baradar, le principal dirigeant politique des talibans, signent l’accord de paix en février.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hussein Sayed/AP</span></span>
</figcaption>
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<h2>Les conditions de l’amnistie dans le droit de la guerre</h2>
<p>Jusqu’à présent, la question de la libération de prisonniers en Afghanistan a été largement traitée comme une question politique et de sécurité. La question, tout aussi importante, du droit, de la justice et des droits de l’homme a été moins prise en compte, conformément à une opinion malheureusement répandue selon laquelle la paix est nécessaire à tout prix, même si cela implique de laisser en liberté des criminels de guerre suspectés ou condamnés, refuser de rendre justice à leurs victimes et violer le droit international en permettant de tuer en toute impunité.</p>
<p>Il n’est pas surprenant qu’un tel accord ait été conclu par Donald Trump, qui a <a href="https://www.nytimes.com/2019/11/15/us/trump-pardons.html">gracié</a> des soldats américains accusés ou condamnés pour crimes de guerre, malgré les protestations des commandants militaires américains. Trump a également imposé tout récemment des <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-54003527">sanctions</a> aux hauts fonctionnaires de la Cour pénale internationale pour avoir enquêté sur les crimes de guerre présumés des États-Unis en Afghanistan.</p>
<p><a href="https://www.icrc.org/fr/document/les-lois-de-la-guerre-cest-quoi-et-ca-sert-quoi">Les lois de la guerre</a>, également connues sous le nom de droit humanitaire international, adoptent une approche beaucoup plus équilibrée et raisonnable. Ces lois sont également contraignantes pour l’Afghanistan, pour les États-Unis et pour les talibans.</p>
<p>Hekmatullah n’a pas tué les trois soldats australiens durant un combat équitable, dans le feu de l’action entre forces opposées en vertu du droit de la guerre. Il les a tués en traître et de façon illégale, car il <a href="https://www.smh.com.au/national/afghan-national-army-killer-asks-forgiveness-from-families-of-murdered-australian-soldiers-20141027-11ckkk.html">portait un uniforme de l’armée afghane</a> lorsqu’il a assassiné les soldats australiens alors qu’ils se reposaient sur une base de patrouille en août 2012.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357603/original/file-20200911-14-c4ou33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les familles des soldats australiens tués s’opposent fermement à la libération de Hekmatullah.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dave Hunt/AAP</span></span>
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<p>Hekmatullah <a href="https://www.theaustralian.com.au/commentary/justice-for-diggers-undone-by-hekmatullahs-deal/news-story/d2a4a2df4edeac981ff51bee94815962">explique</a> avoir décidé de commettre ces meurtres après avoir visionné une vidéo diffusée par les talibans montrant des soldats américains en train de brûler un Coran. Il a ensuite été aidé par les talibans dans sa fuite. Par ces actions, Hekmatullah a violé les <a href="https://www.icc-cpi.int/resource-library/documents/rs-eng.pdf">règles fondamentales</a> énoncées par le Statut de la Cour pénale internationale, en particulier celles qui interdisent de « faire un usage impropre… des insignes militaires et de l’uniforme de l’ennemi… entraînant la mort ou des blessures graves ».</p>
<p>Le droit de la guerre reconnaît également que l’octroi de l’amnistie aux combattants ordinaires est un moyen approprié de promouvoir la paix et la réconciliation pour mettre fin à une guerre civile. Mais il <a href="https://ihl-databases.icrc.org/customary-ihl/fre/docs/v1_rul_rule159">n’autorise pas l’amnistie</a> pour ceux qui violent ses règles de base, y compris ceux qui sont soupçonnés ou condamnés pour des crimes de guerre.</p>
<p>Tous les pays ont l’obligation légale de <a href="https://casebook.icrc.org/law/implementation-mechanisms#chapter6">« respecter et faire respecter »</a> le droit international humanitaire. La libération des prisonniers n’est donc pas une question purement politique sur laquelle le gouvernement afghan doit trancher. Il est également lié par le droit international et doit le respecter. L’Australie a le droit de « veiller au respect » du droit par l’Afghanistan et les États-Unis. La libération de Hekmatullah serait donc, indéniablement, une violation du droit international par l’Afghanistan, aidé par les États-Unis.</p>
<h2>La paix sans la justice, un problème à long terme ?</h2>
<p>Les États-Unis, les talibans et le gouvernement afghan le savent tous, mais ils choisissent de sacrifier la justice au profit du rêve de paix. Toutes les parties sont épuisées par l’impasse militaire qui dure depuis deux décennies et cherchent désespérément une issue, ce qui est compréhensible.</p>
<p>Mais les nombreux conflits de ces dernières décennies – de l’Amérique latine à l’Afrique en passant par les Balkans – montrent que la <a href="https://www.sciencespo.fr/psia/sites/sciencespo.fr.psia/files/Peace_versus_Justice-A_False_Dichotomy.pdf">paix sans justice</a> est presque toujours une illusion.</p>
<p>Tout gain immédiat est généralement sapé par l’insécurité à moyen et long termes qui résulte de l’impunité accordée aux tueurs. Celle-ci contamine l’intégrité et la stabilité des systèmes politiques. Elle sape le système juridique et subordonne l’État de droit et les droits de l’homme à la politique brute.</p>
<p>Enfin, elle envenime les griefs des victimes, ce qui est particulièrement dangereux dans des endroits comme l’Afghanistan où les <a href="https://www.ecoi.net/en/file/local/1104068/1788_1327313532_1940-1.pdf">« vendettas »</a> alimentent le désir de vengeance.</p>
<p>Dans le cas de l’Afghanistan, la plupart des observateurs savent également que la paix avec les talibans pourrait bien être un fantasme naïf. La violence a <a href="https://www.washingtonpost.com/world/asia_pacific/spike-in-violence-fills-void-in-afghanistan-during-peace-talks-delay/2020/08/09/97a251fc-d3fd-11ea-826b-cc394d824e35_story.html">augmenté</a>, et non diminué, depuis la signature de l’accord de paix. Bien qu’ils aient fait certaines concessions tactiques pour obtenir la paix, l’engagement idéologique des talibans en faveur de l’instauration d’un régime religieux extrême et leur mépris pour la démocratie et les droits de l’homme sont inébranlables.</p>
<p>Les talibans ont brillamment manœuvré les Américains, comprenant que les États-Unis n’ont plus l’appétit de la guerre. La libération de meurtriers pourrait ne servir à rien.</p>
<hr>
<p><em>La traduction vers la version française a été assurée par le site <a href="https://www.justiceinfo.net/fr/">Justice Info</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ben Saul est Associate Fellow à Chatham House, Londres.</span></em></p>Un soldat afghan reconnu coupable du meurtre de trois soldats australiens fait partie des six prisonniers qui pourraient être libérés dans le cadre d’un accord de paix entre Kaboul et les talibans.Ben Saul, Professor of International Law, Sydney Centre for International Law, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1396302020-06-08T18:12:48Z2020-06-08T18:12:48ZLa preuve par trois : la méditation va vous faire du bien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338349/original/file-20200528-51496-1ob8nbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C24%2C5458%2C3639&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trouver un moment pour méditer en cette période troublée peut s’avérer particulièrement bénéfique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/calm-couple-pajamas-meditating-listening-spiritual-1598506348">Mariia Korneeva / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Catherine Pourquier, enseignante chercheuse à Burgundy School of Business vous fait découvrir les bienfaits de la méditation de pleine conscience et vous invite à pratiquer trois exercices, idéalement à la suite. Vous pourrez apprendre à vous concentrer sur votre souffle pour libérer votre mental, puis vous découvrirez l’importance de l’ouverture du cœur et enfin, vous aurez l’occasion de vous connecter pleinement à la force vitale en vous et autour de vous.</em></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-mieux-respirer-pour-mieux-reguler-ses-emotions-139606">Mieux respirer pour mieux réguler ses émotions</a></h2>
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<span class="caption">Quand on est en prise avec ses émotions, la respiration se bloque au niveau la cage thoracique, ce qui provoque une mauvaise oxygénation du corps et du mental.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/serene-young-woman-taking-deep-breath-1523325020">fizkes/Shutterstock</a></span>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2vfe0SukPc4dPp8GLc7PNV"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-mieux-respirer-pour-mieux-r%C3%A9guler-ses-%C3%A9motions/id1516230224?i=1000477097492"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>La respiration profonde par le ventre constitue une porte d’entrée vers l’état de pleine conscience et permet dans l’instant présent de se reconnecter avec son corps et ses émotions.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-trouver-la-securite-interieure-pour-partager-son-amour-139611">Trouver la sécurité intérieure pour partager son amour</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338353/original/file-20200528-51483-1uqzupj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le cœur est l’un des sept centres énergétiques ou chakras principaux qui composent la colonne partant du bas du dos jusqu’à la base de la tête.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/hands-buddha-statue-touching-heart-on-390933526">Bubbers BB/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5FlkXCWsuPWlPPYnpAqR6X"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-trouver-la-s%C3%A9curit%C3%A9-int%C3%A9rieure-pour-partager/id1516230224?i=1000477097493"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>Ouvrir la cage thoracique grâce à la respiration de pleine conscience permet de développer un sentiment de bienveillance à l’égard de soi-même et des autres.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-ne-faire-plus-quun-avec-le-monde-139628">Ne faire plus qu’un avec le monde</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338355/original/file-20200528-51471-7ke6sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorsqu’on débute la méditation, il est intéressant de commencer par poser son attention sur chaque partie de son corps pour ensuite trouver l’unité, la dimension globale en soi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.freepik.com/photos-gratuite/femme-assise-dans-pose-yoga-plage_859033.htm#page=1&query=meditation&position=4">pressfoto/Freepik</a></span>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/3WK6IoNWbwWVrLr2MR5Iig"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-ne-faire-plus-quun-avec-le-monde/id1516230224?i=1000477097494"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>Dans l’état de pleine conscience, celui qui médite parvient à se relier au vivant à l’intérieur et à l’extérieur de lui.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Catherine Pourquier est l’auteure du livre <a href="https://editions-jouvence.com/livre/365-meditations-et-exercices-de-pleine-conscience/">« 365 méditations et exercices de pleine conscience »</a> publié aux éditions Jouvence en 2017</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pourquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Catherine Pourquier (Burgundy School of Business) vous propose trois exercices de pleine conscience à faire où et quand vous le souhaitez pour vous apaiser.Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1396282020-06-08T18:12:44Z2020-06-08T18:12:44ZPodcast : Ne faire plus qu’un avec le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338336/original/file-20200528-51527-1m7fxev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C31%2C4187%2C2760&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu’on débute la méditation, il est intéressant de commencer par poser son attention sur chaque partie de son corps pour ensuite trouver l’unité, la dimension globale en soi.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.freepik.com/photos-gratuite/femme-assise-dans-pose-yoga-plage_859033.htm#page=1&query=meditation&position=4">pressfoto / Freepik</a></span></figcaption></figure><p>La méditation de pleine conscience constitue un excellent moyen pour trouver la sérénité à l’intérieur de soi. Pour y parvenir, nous pouvons pratiquer « un scan corporel » qui consiste à porter son attention sur chaque partie de son corps successivement pour ensuite prendre conscience de l’unité de son être.</p>
<p>Dans ce troisième et dernier exercice centré sur le souffle vital et la lumière, Catherine Pourquier vous aide à créer l’harmonie en vous-même et avec votre environnement en 8 minutes.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/3WK6IoNWbwWVrLr2MR5Iig"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-ne-faire-plus-quun-avec-le-monde/id1516230224?i=1000477097494"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Catherine Pourquier, enseignante chercheuse à Burgundy School of Business vous fait découvrir les bienfaits de la méditation de pleine conscience et vous invite à pratiquer trois exercices, idéalement à la suite. Vous pourrez apprendre à vous concentrer sur votre souffle pour libérer votre mental, puis vous découvrirez l’importance de l’ouverture du cœur et enfin, dans ce dernier épisode, vous aurez l’occasion de vous connecter pleinement à la force vitale en vous et autour de vous.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323406/original/file-20200326-133016-tod0zl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Catherine Pourquier est l’auteure du livre <a href="https://editions-jouvence.com/livre/365-meditations-et-exercices-de-pleine-conscience/">« 365 méditations et exercices de pleine conscience »</a> publié aux éditions Jouvence en 2017</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pourquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans l’état de pleine conscience, celui qui médite parvient à se relier au vivant à l’intérieur et à l’extérieur de lui.Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1396112020-06-08T18:12:41Z2020-06-08T18:12:41ZPodcast : Trouver la sécurité intérieure pour partager son amour<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338300/original/file-20200528-51462-p30gps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C4312%2C2879&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cœur est l’un des sept centres énergétiques ou chakras principaux qui composent la colonne partant du bas du dos jusqu’à la base de la tête.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/hands-buddha-statue-touching-heart-on-390933526">Bubbers BB / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Il est indispensable de s’aimer soi-même pour pouvoir aimer de façon juste les autres. En pratiquant la médiation de l’ouverture du cœur, nous développons un sentiment de sécurité indispensable au renforcement de l’estime de soi qui permet par la suite d’aller en confiance vers les autres.</p>
<p>Dans ce deuxième exercice d’une durée d’environ 9 minutes, Catherine Pourquier vous accompagne pour retrouver cet état d’amour en vous et pour le diffuser à toutes les cellules de votre corps, puis au-delà.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5FlkXCWsuPWlPPYnpAqR6X"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-trouver-la-s%C3%A9curit%C3%A9-int%C3%A9rieure-pour-partager/id1516230224?i=1000477097493"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Catherine Pourquier, enseignante chercheuse à Burgundy School of Business vous fait découvrir les bienfaits de la méditation de pleine conscience et vous invite à pratiquer trois exercices, idéalement à la suite. Vous pourrez apprendre à vous concentrer sur votre souffle pour libérer votre mental, puis dans ce deuxième épisode, vous découvrirez l’importance de l’ouverture du cœur et enfin vous aurez l’occasion de vous connecter pleinement à la force vitale en vous et autour de vous.</em></p>
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<p><em>Catherine Pourquier est l’auteure du livre <a href="https://editions-jouvence.com/livre/365-meditations-et-exercices-de-pleine-conscience/">« 365 méditations et exercices de pleine conscience »</a> publié aux éditions Jouvence en 2017</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139611/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pourquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ouvrir la cage thoracique grâce à la respiration de pleine conscience permet de développer un sentiment de bienveillance à l’égard de soi-même et des autres.Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.