tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/presidentielle-2022-103116/articlesprésidentielle 2022 – The Conversation2022-08-03T17:40:52Ztag:theconversation.com,2011:article/1850942022-08-03T17:40:52Z2022-08-03T17:40:52ZDossier : Présidentielle, législatives, deux élections plus tard, quel bilan ?<p>La France a vécu cette année au rythme d'élections majeures : la présidentielle tout d'abord qui a vu Emmanuel Macron réélu, puis les élections législatives dont la campagne a été lancée de manière inédite par Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France Insoumise.</p>
<p>Sous son impulsion, différents partis de gauche réussirent ce qui paraissait impossible depuis longtemps : réunir la gauche derrière un programme (presque) commun. La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (Nupes) a depuis su s'imposer comme l'une des premières forces d'opposition du pays.</p>
<p>Plus encore qu'en 2017, la séquence électorale de 2022 a fait exploser le Parti socialiste et les Républicains, les partis dits traditionnels qui ont gouverné la France pendant plusieurs décennies. Malgré ces recompositions, deux phénomènes s'accentuent : la place de l'extrême droite et des ses idées dans le champ politique, et celle de l'abstention.</p>
<p>Dans ce dossier spécial, The Conversation vous propose de faire le bilan de la séquence politique qui vient de s'achever.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/aux-origines-des-fractures-francaises-183037">Aux origines des fractures françaises</a></h2>
<p>Le clivage droite-gauche a cédé la place à une fragmentation géographique et sociale qui n'a pas encore produit tous ses effets sur l'organisation du champ politique.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-france-desenchantee-185048">La France désenchantée ?</a></h2>
<p>L'un des enseignements des éléctions législatives de 2022 est l'aggravation du fossé qui sépare les électeurs de leurs représentants.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/un-effondrement-socialiste-qui-vient-de-loin-181122">Un effondrement socialiste qui vient de loin</a></h2>
<p>Le premier tour de l'élection présidentielle 2022 a marqué l'effondrement de l'une des plus vieilles organisations partisanes de France.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/les-republicains-un-quinquennat-pour-moins-que-rien-181318">Les Républicains : un quinquennat pour moins que rien</a></h2>
<p>Le parti traditionnel de la droite française est aujourd'hui réduit à l'état de résidu électoral. Quelques pistes pour comprendre la nature de cet évidement électoral, ses causes et ses conséquences.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-abstention-hautement-politique-181558">Une abstention hautement politique</a></h2>
<p>L'abstention massive qui caractérise les dernières élections en France témoignerait d'une demande profonde des citoyens pour une autre forme de démocratie.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/lfi-du-pari-a-la-mutation-185571">LFI : du pari à la mutation</a></h2>
<p>Au sein de LFI, s'affranchir de la ligne portée par Jean-Luc Mélenchon demeure complexe: le mouvement pourra-t-il se fondre dans un projet collectif ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/apres-le-bouleversement-des-legislatives-quelle-place-pour-le-senat-185554">Après le bouleversement des législatives, quelle place pour le Sénat ?</a></h2>
<p>Si l'actualité politique se focalise sur l'Assemblée nationale, une autre partie pourrait se jouer à la seconde chambre du Parlement, le Sénat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La France vient de vivre six mois au rythme des élections. Bilan d'un épisode politique particulièrement complexe.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceNils Buchsbaum, Journaliste éditeur rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847822022-06-09T22:12:31Z2022-06-09T22:12:31ZLégislatives : trois stratégies très inégales pour un résultat incertain<p>Alors que les incertitudes sur l’issue du scrutin législatif des 12 et 19 juin n’ont jamais été aussi nombreuses et que l’obtention d’une majorité de députés soutenant le nouveau président élu, Emmanuel Macron, apparaît aujourd’hui <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-2022-la-nupes-en-tete-des-intentions-de-vote-au-premier-tour-un-point-devant-ensemble-selon-notre-sondage_5185495.html">incertaine</a>, il semble instructif de revenir sur les stratégies mises en place par les trois principales forces politiques issues du scrutin présidentiel. D'une part pour mieux comprendre et analyser la situation actuelle alors que l<a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/abstention/legislatives-2022-labstention-sera-t-elle-record_5187787.html">’abstention s’annonce historiquement élevée</a> pour des élections législatives. De l'autre car les stratégies mises en place, qui se sont révélées très différentes les unes des autres, devraient avoir un impact majeur sur l’issue du scrutin.</p>
<h2>La question de la temporalité</h2>
<p>Quelques minutes après l’élection d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon lançait la bataille des législatives en insistant sur l’idée que celles-ci constituaient le <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-pour-le-3-tour-180889">3ᵉ tour de l’élection présidentielle</a>. Il se posait ainsi en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aW_YS1C5V4E">premier opposant</a>, sans laisser le temps à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen de se réjouir ou de digérer leurs résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Les semaines qui ont suivi l’élection d’Emmanuel Macron ont été dominées, dans les médias et dans l’opinion publique, par les négociations entre les partis de gauche et par la mise en place de la Nouvelle union populaire économique et sociale (Nupes) alors que le Rassemblement national <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/04/26/l-extreme-droite-peine-a-s-unir-pour-les-legislatives_6123666_823448.html">rejetait les avances de Reconquête !</a> et que Marine Le Pen décidait de <a href="https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/05/06/marine-le-pen-en-vacances-le-rn-quasi-silencieux_6125071_6104324.html">partir en vacances</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron a semblé ouvertement accepter de laisser la main en arguant d’une nécessaire <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/legislatives-2022-macron-parle-d-une-phase-de-decantation-avant-de-se-projeter-dans-un-second-quinquennat-7900149584">respiration démocratique</a> post-élection présidentielle.</p>
<p>L’idée était sans doute aussi de laisser passer l’engouement médiatique provoqué par cette nouvelle union de la gauche. Et de reprendre l’initiative lors de la nomination de sa ou de son premier ministre alors que le délai entre élection présidentielle et élections législatives est cette année plus long de deux semaines et qu’une réélection provoque généralement <a href="https://academic.oup.com/poq/article-abstract/85/1/223/6314573">moins d’enthousiasme</a> qu’une première accession au pouvoir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tractations-politiques-et-alliances-electorales-sont-elles-ethiques-183180">Tractations politiques et alliances électorales sont-elles éthiques ?</a>
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<h2>Des positionnements très différents</h2>
<p>La réélection d’Emmanuel Macron au poste de président l’a, de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=emEDBMwHQNY">son propre aveu</a>, positionné comme le président de tous les Français et a inévitablement limité son rôle et son action de chef de clan.</p>
<p>Alors que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X5YDdzIOwTs">discours</a> de Jean-Luc Mélenchon au soir du 1<sup>er</sup> tour de l’élection présidentielle semblait marquer l’annonce d’un passage de témoin et d’une mise en retrait, on assiste au contraire à une stratégie de forte mise en avant du leader de La France Insoumise (LFI).</p>
<p>Si celle-ci a empêché certaines personnalités de gauche de rejoindre ce mouvement d’union (<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/09/elections-legislatives-2022-carole-delga-la-frondeuse-socialiste-face-a-la-nupes_6129464_823448.html">Carole Delgas</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/07/jean-paul-besset-jose-bove-et-daniel-cohn-bendit-l-accord-des-verts-avec-la-france-insoumise-est-une-escroquerie_6125157_3232.html">José Bové</a>, Yannick Jadot…), cette personnalisation vise sans doute à mobiliser, lors des élections législatives, des électeurs avant tout séduits par la <a href="https://theconversation.com/jean-luc-melenchon-larme-du-charisme-en-politique-159379">personnalité et le leadership</a> du chef insoumis lors de l’élection présidentielle.</p>
<p>En revendiquant le <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/melenchon-premier-ministre-lfi-lance-sa-campagne-d-affichage-pour-les-legislatives-20220426">poste de premier ministre</a> si la Nupes venait à obtenir la majorité aux élections législatives, Jean-Luc Mélenchon s’est positionné au niveau national. De ce point de vue, sa décision, critiquée par ses adversaires, de ne pas se représenter aux élections législatives lui a finalement permis d’assumer un positionnement au-dessus des partis, qu’une campagne locale de terrain aurait sans doute rendu plus compliquée.</p>
<p>En se <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/marine-le-pen/reportage-legislatives-2022-dans-le-pas-de-calais-marine-le-pen-face-vise-une-reelection-des-le-premier-tour-malgre-l-indifference-citoyenne_5183224.html">présentant</a> aux élections législatives, Marine Le Pen a choisi de son côté une stratégie très différente. Bien que finaliste de l’élection présidentielle, sa candidature la positionne à un niveau plus local et légitime l’idée, qu’elle a elle-même défendue, qu’Emmanuel Macron va forcément obtenir la majorité pour gouverner pendant cinq ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/union-des-gauches-retour-sur-50-ans-dalliances-et-de-dechirements-182343">Union des gauches : retour sur 50 ans d’alliances et de déchirements</a>
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<h2>Stratégies et dynamiques d’alliances</h2>
<p>Les différentes stratégies d’alliance expliquent sans doute aussi les incertitudes actuelles. Si la mise en place d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/legislatives-2022-la-majorite-presidentielle-annonce-la-creation-de-la-confederation-ensemble-avec-notamment-lrem-le-modem-et-horizons_5120449.html">Ensemble</a> a donné lieu à quelques frictions et à quelques inquiétudes de certains de ses membres, elle n’a fait qu’officialiser et organiser, dans l’optique d’une future mandature, des soutiens qui étaient déjà parties prenantes de la candidature d’Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle.</p>
<p>Malgré les critiques et les dissidences, la création de la Nupes a elle donné lieu à une véritable alliance de <a href="https://public.summaries.com/files/8-page-summary/co-opetition.pdf">coopétition</a>, en rassemblant des forces qui s’étaient au contraire opposées et qui se faisaient concurrence. Elle peut donc revendiquer une démarche nouvelle de rassemblement en comparaison avec les dernières élections présidentielles et faire référence aux succès électoraux rencontrés par les unions de la gauche qui l’ont précédée (Front populaire, Programme commun, Gauche plurielle).</p>
<p>En refusant de s’allier avec Reconquête ! le <a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-premier-courant-politique-francais-182977">Rassemblement national de Marine Le Pen</a> a pris le contre-pied de la stratégie d’union de LFI et n’a pas réussi à créer, si l’on se fie aux sondages et en dehors <a href="https://www.lemonde.fr/elections-legislatives-2022/article/2022/06/09/legislatives-2022-le-rassemblement-national-penche-toujours-au-nord_6129465_6104324.html">d’importants bastions au nord</a>, la dynamique que sa qualification au second tour de l’élection présidentielle aurait pu engendrer dans l’optique des élections législatives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/edouard-philippe-atout-ou-caillou-dans-la-chaussure-presidentielle-178357">Édouard Philippe, atout ou caillou dans la chaussure présidentielle ?</a>
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<h2>De nouvelles dynamiques ?</h2>
<p>En réalité, les <a href="https://www.bfmtv.com/politique/sondages/">différents sondages dédiés</a> aux élections législatives n’ont pas montré d’évolution notable en matière d’intentions de vote au niveau national depuis que la situation des forces en présence a été officialisée.</p>
<p>Ensemble et la Nupes <a href="https://www.tf1info.fr/politique/sondage-exclusif-lci-tf1-elections-legislatives-2022-l-union-de-gauche-nupes-de-melenchon-repasse-devant-ensemble-parti-larem-de-la-majorite-de-macron-2222326.html">sont annoncés au coude à coude</a> autour de 27/28 % au premier tour, quand le Rassemblement national se situe entre 19 % et 21 % et Reconquête ! entre 5 % et 6 %.</p>
<p>Mais les projections en matière de nombre de députés issus du second tour ont par contre <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/legislatives-2022-la-nupes-en-tete-des-intentions-de-vote-au-premier-tour-un-point-devant-ensemble-selon-notre-sondage_5185495.html">évolué</a> et semble montrer une dynamique en faveur de la Nupes alors qu’Ensemble était annoncé largement majoritaire il y a encore quelques semaines. Le projet d’union de la gauche porté par Jean-Luc Mélenchon semble séduire une partie de l’électorat de gauche marquée par les divisions et la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284746-presidentielle-2022-les-resultats-du-premier-tour">nouvelle absence</a>, après <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Presidentielles/elecresult__presidentielle-2017/(path)/presidentielle-2017/FE.html">2017</a>, de l’un de ses représentants au second tour de l’élection présidentielle.</p>
<p>Mais au-delà de cette mobilisation, ce sont surtout le choix <a href="https://www.gouvernement.fr/ministre/elisabeth-borne">d’Elisabeth Borne</a> et la constitution du nouveau gouvernement qui interrogent d’un point de vue stratégique.</p>
<h2>Le choix crucial du premier ministre et du gouvernement</h2>
<p>En 2017, Emmanuel Macron avait choisi de nommer comme premier ministre, Edouard Philippe, un homme politique certes peu connu du grand public mais <a href="https://www.gouvernement.fr/edouard-philippe-0">aguerri aux joutes électorales</a>, pour mener la bataille des législatives. Et son second choix, lors du remaniement en 2020, s’était porté sur un <a href="https://www.gouvernement.fr/jean-castex">profil de haut fonctionnaire et de technocrate, simplement élu local</a>, avec Jean Castex. Cette décision semblait accréditer l’idée qu’il était nécessaire de nommer un profil politique en début de quinquennat afin de pouvoir s’appuyer sur une personnalité habituée à la dureté d’une campagne électorale nationale.</p>
<p>En choisissant de nommer Elisabeth Borne, dont le CV est plus proche de celui de Jean Castex que d’Edouard Philippe, Emmanuel Macron a procédé autrement et a pris le risque de laisser le champ libre à la stratégie d’omniprésence médiatique de Jean-Luc Mélenchon et de la Nupes.</p>
<p>La nomination du nouveau gouvernement devait permettre de mettre en avant les priorités du nouveau quinquennat (écologie, pouvoir d’achat…) et de reprendre la main d’un point de vue médiatique. Mais le choix d’Elisabeth Borne et la <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/la-composition-du-gouvernement-delisabeth-borne">confirmation de plusieurs poids lourds</a> à des postes clefs n’ont pas permis, malgré quelques coups d’éclat notables rapidement ternis par les <a href="https://www.europe1.fr/politique/le-nouveau-gouvernement-fragilise-par-les-accusations-contre-damien-abad-4113056">polémiques</a> (Pap Ndiaye à l’Éducation Nationale ou Damien Abad aux Solidarités), d’enclencher une dynamique nouvelle.</p>
<p>Les récents déplacements d’Emmanuel Macron témoignent certainement d’une volonté de recentrer les élections législatives autour de son projet et de sa personne pour réussir à l’emporter. Cette implication sera-t-elle suffisante pour obtenir la majorité et éviter une cohabitation ? Si le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours des élections législatives rend la projection difficile et devrait théoriquement favoriser les candidats placés au centre de l’échiquier politique, elle semble néanmoins accréditer l’idée que les élections législatives sont bien devenues le <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220424-pr%C3%A9sidentielle-le-pen-et-m%C3%A9lenchon-d%C3%A9j%C3%A0-tourn%C3%A9s-vers-le-troisi%C3%A8me-tour-des-l%C3%A9gislatives">3ᵉ tour</a> de l’élection présidentielle française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des stratégies mises en place par les trois principales forces politiques issues du scrutin présidentiel à l’assaut des élections législatives.Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837372022-05-31T18:57:09Z2022-05-31T18:57:09ZPrésidentielle : quand d’autres modes de scrutin favorisent des candidats différents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465968/original/file-20220530-16-oh4u4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C3929%2C1931&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'une des chercheuses du projet expérimental 'Voter Autrement' prépare une urne 'alternative' lors du scrutin 2022 de l'élection présidentielle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Antoinette Baujard</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Si les résultats de l’élection présidentielle ont désigné Emmanuel Macron pour un second mandat, l’analyse des votes et des tendances ont aussi souligné une forte dynamique en <a href="https://theconversation.com/la-dynamique-spectaculaire-du-vote-utile-181044">faveur du vote utile</a> et de l’abstention, perçue <a href="https://theconversation.com/une-abstention-hautement-politique-181558">comme un phénomène hautement politique</a> depuis au moins une dizaine d’années.</p>
<p>Plusieurs observateurs pointent <a href="https://theconversation.com/aux-origines-des-fractures-francaises-183037">aussi des faiblesses et fractures au cœur de la démocratie électorale</a> en France aujourd’hui : les citoyens élisent certes leurs représentants, mais encore faut-il s’accorder sur les propriétés que cette forme de démocratie doit respecter.</p>
<p>La théorie du vote offre les analyses indispensables sur les propriétés de chaque mode de scrutin, mais il reste à confronter ses conclusions aux conditions réelles, à apprendre des réactions des citoyens. C’est là l’objet de l’expérimentation des différents modes de scrutin. Sans changer le vainqueur de l’élection de 2022, l’expérimentation conduit à reconsidérer l’importance relative des différentes formations politiques.</p>
<h2>Des expérimentations de terrain et des enquêtes en ligne</h2>
<p><a href="https://www.gate.cnrs.fr/spip.php?article580">L’opération « Voter autrement »</a> s’inscrit dans une tradition originale d’expérimentations récurrentes sur le terrain. Depuis 2002, des expérimentations ont été menées lors de chaque élection présidentielle française. <a href="https://theconversation.com/quel-mode-de-scrutin-pour-quelle-democratie-179124">Optant pour des modes de scrutin multinominaux et à un seul tour de scrutin</a>, en phase avec les conclusions des théoriciens du vote, ces expérimentations ont étudié le comportement des électeurs face à de nouvelles règles de vote qui leur donnent l’opportunité de se prononcer sur chacun des candidats. On a ainsi pu observer les différents impacts que ce changement pourrait avoir sur notre démocratie électorale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465967/original/file-20220530-26-mz0nql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">D’autres modes de vote sont proposés dans ce bureau de vote de la ville de Strasbourg.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoinette Baujard/GATE</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les expérimentations sur le terrain se pratiquent dans des conditions similaires à celles du vote officiel. Un bureau expérimental est aménagé à proximité immédiate du bureau de vote officiel et organisé de la même manière – avec des informations envoyées à domicile avant le jour du scrutin, des assesseurs pour tenir le bureau de vote, des <a href="https://www.gate.cnrs.fr/spip.php?article580#Donnees">bulletins</a>, des enveloppes, des isoloirs et une urne. Les électeurs des bureaux concernés choisissent librement de venir participer ou non à l’expérimentation après leur vote officiel. Le tableau suivant rend compte des différentes initiatives menées depuis 2002.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465959/original/file-20220530-20-d0qzfs.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">tableau.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Synthèse des expérimentations de terrain : Pour chaque année de présidentielle, le tableau précise les communes dans lesquelles les expérimentations se sont déroulées, les modes de scrutins testés, la proportion moyenne des électeurs ayant accepté de participer à l’expérimentation et le nombre de réponses recueillies</p>
<p>Chaque édition a été accueillie avec enthousiasme de la part des électeurs concernés qui se mobilisent largement pour répondre aux chercheurs. Cependant, comme tous les segments de l’électorat ne prennent spontanément pas part à l’expérimentation dans des proportions homogènes, cela crée un biais. Ce biais s’ajoute à la plus ou moins forte représentativité des bureaux de vote expérimentés eux-mêmes. Dans ces conditions, les données obtenues doivent être redressées pour pouvoir extrapoler les résultats à l’échelle nationale.</p>
<p>En outre, pour la première fois en 2022, une expérimentation a été également réalisée en ligne auprès de deux échantillons représentatifs d’électeurs français.</p>
<h2>Les règles testées</h2>
<p>Sans même s’exprimer sur la désirabilité des propriétés de telles ou telles règles de vote, ces dernières ne peuvent pas être toutes testées sur le terrain par des électeurs qui les découvrent. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zmCl5i_sEiM">Les plus simples, à ce titre au moins, peuvent être jugées les meilleures</a>.</p>
<p>De 2007 à 2022, deux modes de scrutin ont été systématiquement testés dans le cadre de l’opération « Voter autrement » :</p>
<ul>
<li><p>Le <a href="https://electionscience.org/library/approval-voting/">vote par approbation</a> permet à chaque électeur d’accorder – ou pas – son vote à chacun des candidats. Un même électeur peut donc voter pour zéro, un, deux, voire tous les candidats. Est élu celui qui rassemble le plus grand nombre de votes.</p></li>
<li><p>Le <a href="http://votedevaleur.org/co/votedevaleur.html">vote par note</a> (qu’on appelle aussi parfois le vote par évaluation ou le vote de valeur) revient à attribuer une note à chaque candidat selon une échelle prédéterminée de notes (dans notre cas, sur 6 notes de « 4 » à « -1 »). Est élu celui qui obtient la somme des notes la plus élevée, c’est-à-dire la meilleure note moyenne.</p></li>
</ul>
<p>En 2022, nous avons également testé le <a href="https://mieuxvoter.fr/">jugement majoritaire</a>. Les électeurs évaluent chaque candidat en lui associant une mention (dans notre cas, sur 6 mentions de « Très bien » à « A rejeter »). Est élu le candidat qui a la meilleure « mention majoritaire », c’est-à-dire la meilleure mention d’évaluation médiane ; des principes de départage sont appliqués en cas d’ex aequo (voir les sites de <a href="https://www.gate.cnrs.fr/">Voter autrement</a> ou de <a href="https://mieuxvoter.fr/">Mieuxvoter</a> pour plus de précisions sur le départage).</p>
<h2>Bayrou « président » en 2007</h2>
<p>Un mode de scrutin permet de transformer les préférences des votants en résultat électoral. Il n’est donc pas étonnant qu’un changement de mode de scrutin puisse modifier le résultat de l’élection.</p>
<p>C’est ce qu’illustre l’expérimentation de 2007 : alors qu’au scrutin officiel Nicolas Sarkozy l’a emporté au second tour contre Ségolène Royal, François Bayrou, candidat centriste éliminé dès le premier tour <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2009-1-page-189.htm">sortait vainqueur avec le vote par approbation ou avec le vote par note</a>.</p>
<p>Plus généralement, les scrutins alternatifs modifient les résultats relatifs des différents candidats et donc leur classement. On apprend que le scrutin officiel favorise les candidats les plus clivants qui attirent des sentiments forts d’adhésion ou de rejet. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0261379413001807">A l’inverse, comme en 2012</a>, le vote par approbation ou le vote par note donnent un avantage aux candidats qui bénéficient de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11127-017-0472-6">l’adhésion du plus grand nombre</a>. C’est pourquoi Jean-Marie Le Pen ou Nicolas Sarkozy en 2007, Marine Le Pen en 2012 et 2017 voient leur classement se détériorer significativement entre le scrutin officiel et ces scrutins expérimentaux. Le graphique ci-dessous présente les classements de différents candidats de la présidentielle 2017 en fonction de différents modes de scrutin par rapport au vote officiel. Les candidats situés en dessous de la droite du classement officiel sont défavorisés par les modes de scrutin multinominaux, tandis que ceux situés au-dessus sont favorisés par ces derniers. Le vote par approbation et le vote par note rétrogradent M. Le Pen entre la 5<sup>e</sup> et la 7<sup>e</sup> place alors qu’elle était deuxième au scrutin officiel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465961/original/file-20220530-22-qt4nab.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comparaison des classements : La ligne bleue retrace le classement des candidats au scrutin officiel. La courbe orange correspond au classement issu du vote par approbation. Les courbes grise et jaune résultent du vote par note, respectivement pour les échelles (-1, 0, 1) et (0,1, 2).</p>
<h2>2022 ne fait pas exception</h2>
<p>A Strasbourg en 2022, une expérimentation a été menée sur deux bureaux, caractérisés par un fort <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/carte-resultats-presidentielle-2022-a-strasbourg-jean-luc-melenchon-leader-surprise-du-premier-tour-devant-emmanuel-macron-2522796.html">vote « Mélenchon</a> », dont environ 49 % des électeurs ont accepté de se prêter au jeu de l’expérimentation.</p>
<p>Sans redresser les données et donc sans aucune représentativité nationale, la composition dans l’ordre du podium au vote officiel – Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, Yannick Jadot – est largement modifiée par les trois scrutins alternatifs testés qui donnent : Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Philippe Poutou. Là encore, le fait de ne pouvoir se prononcer que sur un seul nom se perçoit dans les résultats du mode de scrutin officiel, contrairement au vote par approbation, au vote par note ou au jugement majoritaire.</p>
<p>L’expérimentation conduite parallèlement en ligne avec <a href="https://www.dynata.com/?lang=fr">l’institut Dynata</a> entre le 1<sup>er</sup> et 10 avril a permis d’interroger deux échantillons représentatifs d’électeurs français. Comme attendu, les choix que les participants ont indiqués pour le scrutin officiel ont coïncidé avec les résultats du premier tour de la présidentielle.</p>
<p>Mais pour la première fois depuis 2002, le vote par note et le vote par approbation ont aussi rendu un podium identique à celui du scrutin officiel – Macron, Le Pen, Mélenchon – attestant de l’importance de ces trois candidats dans l’esprit des votants. En revanche, le jugement majoritaire donne l’ordre : Macron, Mélenchon, Lassalle. M. Le Pen n’arrive alors qu’en 7<sup>e</sup> position.</p>
<h2>Le mode de scrutin façonne le paysage politique</h2>
<p>Le mode de scrutin modifie donc massivement la perception de l’importance relative des différents <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2017-6-page-1063.htm">candidats ou partis</a>. En 2012, les résultats de vote par approbation donnaient une importance similaire au Front national et aux Verts (<a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2013-2-page-345.htm">environ 26 % de soutiens dans les deux cas</a>).</p>
<p>Cela contraste avec la lecture que l’on avait du soutien électoral de leurs candidates en regardant les résultats du vote officiel dans lequel elles ont obtenu respectivement 18 % et 2 % des voix du premier tour. Cette différence s’explique facilement : le scrutin uninominal réduit la base électorale de victimes du vote utile (tels <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RECO_642_0006">Eva Joly en 2012</a>, Benoît Hamon en 2017 ou Valérie Pécresse en 2022) quelle que soient l’adhésion dont ils bénéficient par ailleurs auprès des électeurs.</p>
<p>Non seulement la perception du <a href="https://www.gate.cnrs.fr/IMG/pdf/Baujard_Igersheim_Senne_2011_EMN5-AES.pdf">paysage politique</a>, du <a href="https://www.gate.cnrs.fr/IMG/pdf/Baujard_Igersheim_Senne_2011_EMN5-AES.pdf">positionnement des candidats</a> et de la dynamique des préférences électorales dépendent largement du mode de scrutin, mais cette perception de l’importance des forces politiques transforme aussi la réalité elle-même.</p>
<h2>Aux citoyens de s’emparer de ces recherches</h2>
<p>Aujourd’hui, la chute brutale des résultats électoraux du Parti socialiste et des Républicains est interprétée comme la fin de ces partis traditionnels : cette analyse de l’issue du scrutin officiel pourrait détourner d’eux les électeurs dans le futur, confirmant de fait le diagnostic initialement posé. Pourtant, les données du vote par approbation ou du vote par note montrent que cette érosion est ancienne, progressive et sans rejet définitif dans l’esprit des électeurs. La rupture n’est en fait pas aussi brusque que le scrutin officiel <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3683848">nous le fait percevoir</a>.</p>
<p>Les travaux de la théorie du choix social et ces expérimentations confirment que le mode de scrutin, quel qu’il soit, ne constitue jamais une méthode neutre ni pour désigner le vainqueur d’une élection, ni pour analyser la vie politique.</p>
<p>Ces recherches nous enseignent qu’il est possible de changer de modes de scrutin. Elles nous montrent en quoi ces modes de scrutin diffèrent, et analysent de façon précise et intuitive leurs propriétés respectives, elles éclairent les opinions et le débat public. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=03NtiW-NXcI">Comme le rappelle cette vidéo à partir de la 40ᵉ minute</a>, c’est ensuite aux citoyens de choisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoinette Baujard a reçu des financements du Centre d'Analyse Stratégique pour l'expérimentation de 2007, de l'université Jean Monnet pour les expérimentations 2012 et 2022, de l'ANR pour les expérimentations 2012 et 2017.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Herrade Igersheim et Isabelle Lebon ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Des expérimentations lors de la présidentielle montrent que le choix du mode de scrutin détermine l’importance relative des candidats. Aux citoyens de choisir le mode de scrutin qu’ils préfèrent !Isabelle Lebon, Professeur de Sciences Economiques, directrice adjointe de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines, Université de Caen NormandieAntoinette Baujard, Professeur de sciences économiques, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneHerrade Igersheim, Directrice de recherche CNRS en économie -- Directrice adjointe du Bureau d'Economie Théorique et Appliquée (BETA), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821772022-05-23T19:59:02Z2022-05-23T19:59:02ZL’élite « de l’anti-élitisme », un paradoxe français<p>Les résultats de l’élection présidentielle ont amené de <a href="https://theconversation.com/la-reelection-demmanuel-macron-une-victoire-en-trompe-loeil-181841">nombreux observateurs</a> à penser que la France serait divisée en trois pôles : un centre de gouvernement, une droite regroupant ses courants conservateurs et extrémistes et une gauche majoritairement ralliée à son pôle radical.</p>
<p>Les variables de la sociologie électorale, l’abstentionnisme, le clivage entre générations ou <a href="https://theconversation.com/portrait-s-de-france-s-campagnes-en-tension-170041">modes de vie</a> expliquent qu’il ne s’agit pas d’une simple répétition du scénario de 2017. En effet, la crise des « gilets jaunes » et celle du Covid-19 ont accentué le <a href="https://www.cairn.info/pourquoi-detestons-nous-autant-nos-politiques--9782724620108.htm">sentiment de « détestation »</a> des hommes et des femmes politiques représentant les partis de gouvernement. <a href="https://theconversation.com/pourquoi-certains-adorent-detester-emmanuel-macron-178665">Emmanuel Macron</a> incarne particulièrement bien cette détestation.</p>
<h2>Vers un alignement des discours contre les « élites » ?</h2>
<p>Peu parmi ces analystes ont cependant souligné la victoire sans précédent des <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-presidentielle-le-triomphe-des-elites-anti-elite-1402397">candidatures se revendiquant comme anti-élitiste</a>.</p>
<p>Le terme « élite » vient du verbe <em>eligere</em> (« choisir »), terme latin en usage en France dès le XII<sup>e</sup> siècle. À l’époque contemporaine, « élite » et « élitisme » désignent dans la communauté des hommes un certain nombre de personnes « élues » destinées à diriger les non-« élues » en y associant la notion de mérite. Par opposition à l’aristocratisme, l’élitisme a une <a href="https://www.cairn.info/sociologie-politique-des-elites--9782200268534.htm">connotation sociale et politique positive</a>. L’anti-élitisme est une critique radicale de cette conception. Aujourd’hui appliqué à la vie politique, il se traduit par une remise en question du caractère « méritocratique » de la compétence donc la légitimité des <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2012-1-page-85.htm">élites de la démocratie représentative</a>.</p>
<p>Nous qualifions ainsi les candidats ayant mobilisé durant la campagne la rhétorique de l’anti-élitisme. L’extrême droite, <a href="https://twitter.com/ZemmourEric/status/1483899993530552322">Éric Zemmour</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9HZylDRkqsc">Marine Le Pen</a>, la droite souverainiste, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TgR2vV2-PrA">Nicolas Dupont-Aignan</a>, <a href="https://www.franceinter.fr/politique/vaccin-cia-ombres-au-pouvoir-la-facette-conspirationniste-du-candidat-jean-lassalle">Jean Lassalle</a> mais aussi les candidats de la gauche radicale, <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2017-4-page-163.htm">Jean-Luc Mélenchon</a>, <a href="https://www.cultura.com/p-un-ouvrier-c-est-la-pour-fermer-sa-gueule-interdit-d-election-presidentielle-9782845974418.html">Philippe Poutou</a> ou encore <a href="https://www.bienpublic.com/elections/2022/04/10/nathalie-arthaud-votera-blanc-au-second-tour-fustigeant-deux-ennemis-mortels-pour-les-travailleurs">Nathalie Artaud</a> ont vilipendé le pouvoir de « l’oligarchie », des « puissants », de la « finance », de la « caste », de « ceux d’en haut », etc.</p>
<p>Les candidats ayant mobilisée cette rhétorique au premier tour des élections présidentielles entre 2012 et 2022 ont obtenu un nombre de voix en constante progression : <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-presidentielle-le-triomphe-des-elites-anti-elite-1402397">33 % en 2012 ; 49,8 % : 2017 ; 61,1 % en 2022</a>. Si on ne peut pas vraiment faire de lien de causalité entre cette rhétorique et ces scores, on peut supposer que cette rhétorique n’a pas choqué les électeurs au point de les dissuader de porter leur voix sur ces candidats.</p>
<h2>Une rhétorique contre la démocratie représentative</h2>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2017-4-page-163.htm">rhétorique anti-élitiste</a> – relayée par les leaders populistes depuis plus d’une décennie – transcende le clivage droite-gauche.</p>
<p>Comme souligne <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070749690-la-faute-aux-elites-jacques-julliard/">Jacques Julliard</a> le mouvement social de 1995 a été le moment historique qui a fait de la rhétorique anti-élitiste « l’un des topos obligatoires du discours politique ». Il n’a cessé depuis de devenir central pour les styles discursifs les plus radicaux de droite mais aussi de plus en plus de gauche, en particulier de <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2017-4-page-163.htm"><em>La France insoumise</em></a>. <a href="https://www.puf.com/content/Cabinet_de_curiosit%C3%A9s_sociales_0">Gérald Bronner</a> rappelle que même des professionnels de la politique pourtant plus modérés ne rechignent pas à faire usage de cette figure de la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/gerald-bronner/demagogie-cognitive-information_b_6089800.html">« démagogie cognitive »</a>. Chacun se souviendra du « mon adversaire c’est le monde de la finance ! » <a href="https://www.lemonde.fr/blog/luipresident/2017/05/13/mon-adversaire-cest-le-monde-de-la-finance-quel-bilan-pour-francois-hollande/">lancé</a> par François Hollande lors de la campagne électorale de 2012. Dans ce contexte, les arguments rationnels perdent droit de cité puisque même ceux qui doivent les porter s’en débarrassent au nom de la rentabilité électorale.</p>
<p>Dans cette perspective, l’oligarchie <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2017-4-page-163.htm">« des riches, la caste des politiciens »</a> et les technocrates de <a href="https://frontpopulaire.fr/p/revue%20N%C2%B02">« l’État profond (français ou bruxellois) »</a> <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2012-1-page-110.htm">doivent partir</a>. Cet appel à se débarrasser de l’élite est consubstantiel à la division du monde entre le (bon) peuple et la (méchante) élite. Le bien ne doit-il pas naturellement chasser le mal. Relevant habituellement du bagage conceptuel de l’extrême droite, cette réduction du combat politique à des catégories religieuses a aussi été théorisée par la gauche dite « radicale ».</p>
<p>La philosophe Chantal Mouffe appelle, ainsi, à la répudiation de la raison, fondement de la démocratie libérale, au profit de l’<a href="https://www.albin-michel.fr/pour-un-populisme-de-gauche-9782226435293">« énergie libidinale »</a>. Elle propose de « mobiliser » cette énergie « malléable » contre l’oligarchie afin de « construire » le « peuple ». Dans cette perspective, les émotions et les affects devront se traduire par le rejet, comme le suggère le député François Ruffin, <a href="https://www.courrier-picard.fr/art/167978/article/2019-02-24/ruffin-lanti-macron-ce-rejet-physique-visceral-nous-sommes-des-millions">« physique et viscéral »</a> de l’élite.</p>
<p>De surcroît, l’anti-élitisme est présenté comme discours politique permettant de <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2012-1-page-85.htm">« sauver » la démocratie</a>. Pour ses promoteurs, l’élitisme contemporain contrarierait l’imaginaire égalitaire et occulterait les grands projets d’émancipation au profit de la mondialisation néolibérale.</p>
<h2>La mobilisation du déclin des « grands récits »</h2>
<p>Cet anti-élitisme puise sa force dans un contexte de <a href="https://www.decitre.fr/livres/la-faute-aux-elites-9782070407569.html">déclin des « grands récits »</a> (libéralisme, socialisme, etc.) et est aujourd’hui aisément récupéré par les tenants d’une critique de la démocratie représentative. Ce carburant idéologique des mouvements sociaux étêtés, tels que celui des « gilets jaunes », permet de mobiliser un électorat toujours plus large autour d’un prétendu clivage entre <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18867/bloc-contre-bloc">« bloc élitaire » et « bloc populaire »</a>.</p>
<p>Le raisonnement de ces pourfendeurs de « l’oligarchie » repose sur une « terrible simplification » : le mythe de l’existence d’une élite « Consciente, Cohérente et Conspirante » (<a href="https://www.goodreads.com/book/show/3917666-the-myth-of-the-ruling-class">modèle de « 3 C</a> ») critiqué par James Meisel en raison de la déformation de la théorie de <a href="http://davidmhart.com/liberty/ClassAnalysis/Books/Mosca_RulingClass1939.pdf"><em>la classe dirigeante</em></a> de Gaetano Mosca. En effet, ce raccourci facilite l’association de tout type de médiation élitaire avec les théories complotistes.</p>
<p>Dans la stratégie discursive populiste, l’idée d’une élite unifiée maximisant ses intérêts concurrence fortement celle – plus en cohérence avec le pluralisme démocratique – d’une multiplicité de groupes élitaires en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0010414013512600">compétition pour le pouvoir politique, religieux social et économique</a>.</p>
<p>Aux États-Unis, depuis l’administration de Georges Bush jr., des travaux ont évoqué le rôle d’une <a href="https://www.basicbooks.com/titles/janine-r-wedel/shadow-elite/9780465020843/">« élite de l’ombre »</a> (<em>shadow elite</em>) qui aurait favorisé la deuxième guerre du Golfe. Toutefois, la démonstration de l’interpénétration des réseaux néoconservateurs et l’administration des affaires étrangères, repose sur un travail dont la <a href="https://www.jstor.org/stable/41275203 ?seq=1">scientificité est discutable</a>. Une recherche, plus solide empiriquement, a ainsi démontré que, dans le cas de la <a href="https://www.cairn.info/gouverner-a-l-abri-des-regards%20--%209782724626254.htm">réforme de l’assurance maladie</a>, les groupes d’intérêts (<em>big pharma</em>, compagnies d’assurance, etc.) n’ont pas joué un tel rôle auprès de l’administration Obama. Pourtant, malgré le déficit de preuve, le mythe d’une élite omnipotente influençant l’ensemble des décisions démocratiques persiste. Dans un contexte de crise de confiance <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/CEVIPOF_confiance_10ans_CHEURFA_CHANVRIL_2019.pdf">à l’égard des gouvernants</a>, il renforce la croyance dans l’antiélitisme.</p>
<h2>L’élite de l’anti-élitisme : une autre oligarchie ?</h2>
<p>En poussant ce raisonnement sociologique, on pourrait établir que certains leaders mobilisant la rhétorique antiélitiste forment aussi une élite. Le diplomate britannique et ancien ministre conservateur, Georges Walden, la naissance d’une « caste supérieure de l’élite anti-élite » <a href="https://www.newstatesman.com/uncategorized/2020/09/boris-johnson-dominic-cummings-anti-elite-populists-power">(upper-caste elite of anti-elitists</a>) composée d’individus issus de milieux sociaux très privilégiés à l’image des premiers ministres David Cameron et de Boris Johnson. Tous deux issus sont les produits du cursus élitiste <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/international/etudier-a-l-etranger/detail/article/a-eton-sont-forgees-les-elites-britanniques0-3814/">Eton</a>-Oxford.</p>
<p>En France, l’élite anti-élite se caractérise par son profil de <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_professionnels_de_la_politique.html ?id=27YgAQAAMAAJ&redir_esc=y"><em>professionnel de la politique</em></a>. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en constituent des exemples emblématiques comme le montrent leur carrière et leur leadership partisan. La première est une « héritière politique » entrée dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marine_Le_Pen">carrière</a> dès l’âge de 18 ans, avant de gravir tous les échelons du <em>Front national</em> avant de se présenter aux élections présidentielles depuis 2012. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_M %C3 %A9lenchon">Le second</a> est un « produit de la méritocratie » à la française, obtenant son CAPES en lettres modernes et intégrant en même temps le Parti socialiste en 1976.</p>
<p>Il a cumulé au cours de sa longue carrière politique les fonctions électives entre autres de député, de sénateur, de député européen et la fonction exécutive de ministre délégué à l’enseignement professionnel (2000-2002). Depuis la création de son propre parti (Le Parti de Gauche en 2008 devenu en 2016 la France insoumise), il s’est lui aussi présenté à trois reprises aux élections présidentielles. Par ailleurs, tous deux ont imposé un leadership incontesté sur leur parti politique comme en témoignent leur réélection continue à la direction. Cette main de fer sur l’organisation illustre la <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2015/07/02/politique-la-loi-d-airain-de-l-oligarchie_4667090_3260.html">loi d’airain de l’oligarchie</a> chère à Roberto Michels.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/qui-sont-les-deputes-francais%20--%209782724610307.htm">Les critères de la sociologie des élites</a>, à savoir l’origine sociale, la formation, la trajectoire professionnelle, la durée de la carrière politique, cumul et le type des mandats, montrent, sans surprise, le peu de distance les séparant de celles et ceux qu’ils dénoncent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182177/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohammad-Saïd Darviche est membre de l'Association française de science politique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>William Genieys ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment comprendre la victoire sans précédent des candidatures se revendiquant comme anti-élitiste ?William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po Mohammad-Saïd Darviche, Maître de conférences, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1828212022-05-23T19:55:00Z2022-05-23T19:55:00ZLes candidats pro-RIC, favoris des « gilets jaunes »<p>Le vote des « gilets jaunes » a souvent été catalogué comme un vote de rejet. Dans un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/pops.12826">article récent</a>, nous nous appuyons sur une expérimentation conduite pendant le mouvement pour mettre en évidence que les considérations programmatiques, à commencer par le référendum d’initiative citoyenne (RIC), occupent la première place dans leurs logiques de vote.</p>
<p>Une littérature abondante s’est intéressée aux liens entre les caractéristiques des électrices et des électeurs et les caractéristiques des candidates ou candidats. Il a notamment été souligné que les citoyens préfèrent les candidats qui leur ressemblent. Ce principe de congruence (<a href="https://doi.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0003-066X.59.7.581">« voter-politican congruency »</a>) se décline selon trois grandes dimensions : une dimension statutaire (on préfère un candidat proche par son profil social), une dimension idéologique (on préfère un candidat qui partage nos idées et valeurs politiques), et une dimension plus programmatique (on préfère un candidat qui défend nos revendications, sans être forcément de la même origine sociale, ou de la même couleur politique).</p>
<p>Pour autant, comment les électeurs arbitrent-ils entre ces trois conditions quand elles ne sont simultanément remplies par un même candidat. En situation de choix électoral contraint, est-ce qu’on va préférer un candidat qui nous ressemble politiquement à un candidat qui nous ressemble idéologiquement, ou qui nous ressemble programmatiquement plutôt qu’idéologiquement ?</p>
<p>Le mouvement des « gilets jaunes » constitue un cas d’étude particulièrement intéressant pour étudier ce type de dilemme. Outre les questionnements qui l’ont travaillé sur la <a href="https://lundi.am/Les-Gilets-jaunes-et-la-question-democratique-Samuel-Hayat">légitimité et la nature de la représentation</a>, le mouvement a en effet été traversé par une tension forte entre une exigence de congruence statutaire (un représentant issu du peuple), une exigence de congruence idéologique (un représentant qui rejette le système partisan et l’opposition gauche-droite) et une exigence de congruence politique (un représentant qui soutient les doléances exprimées par le mouvement).</p>
<h2>Saisir les choix électoraux de façon réaliste</h2>
<p>Pour mieux comprendre comment s’organisent les préférences électorales des « gilets jaunes », nous avons eu recours à une expérimentation conjointe, une méthode souvent utilisée en science politique pour approcher la réalité des <a href="https://doi.org/10.1017/9781108777919.004">arbitrages électoraux</a>. L’expérimentation a été conduite dans le cadre d’une grande enquête en ligne, administrée auprès de 2 743 participants ou soutiens au mouvement <a href="https://www.pacte-grenoble.fr/programmes/grande-enquete-sur-le-mouvement-des-gilets-jaunes">entre décembre 2018 et mars 2019</a>.</p>
<p>Concrètement, nous avons posé une question formulée ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Dans le tableau suivant, les candidats A et B sont deux candidats qui sollicitent votre suffrage pour être élus à l’Assemblée nationale lors de prochaines élections législatives. Merci de lire la description de chacun des deux candidats, puis d’indiquer votre préférence entre ces deux candidats. Même si vous n’êtes pas entièrement sûr de vous, merci d’indiquer lequel d’entre les deux vous préférez. »</p>
</blockquote>
<p>Une série de vignettes étaient ensuite présentées, sur lesquelles apparaissaient les différents traits testés et relevant respectivement de la personne du candidat, de son idéologie et des <a href="https://www.giletsjaunes-coordination.fr/informations/quelles-revendications">principales revendications portées par le mouvement des « gilets jaunes »</a> (instaurer le <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/presidentielle-ric-rip-50-nuances-de-referendums-dans-les-programmes-des-candidats">référendum d’initiative citoyenne</a>, augmenter le smic, rétablir l’ISF, réduire les taxes sur les carburants – à quoi a été ajoutée la limitation des flux migratoires qui a fait débat à l’intérieur du mouvement).</p>
<p>Le principe de l’expérimentation est que chaque répondant se voit proposer de choisir entre (trois) paires de candidats dont les attributs sont tirés aléatoirement (figure 1). Sur cette base, il est possible d’isoler statistiquement les effets propres de chaque attribut, tout en contrôlant les caractéristiques sociales et politiques des répondantes et répondants.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=787&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462291/original/file-20220510-14-yfptfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=989&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1. Exemple de vignette proposée et présentant une combinaison aléatoire de caractéristiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Gonthier, T. Guerra</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« RIC en toutes matières »</h2>
<p>La figure 2 montre le degré de soutien à chaque attribut, net du soutien aux autres traits testés. Trois grands résultats se dégagent. D’abord, le sexe, l’âge et le niveau de diplôme sont globalement peu clivants, à l’exception des candidats diplômés de grandes écoles qui sont largement rejetés. Ensuite, un candidat qui défend les revendications phares du mouvement tend à être préféré à un candidat enseignant, travailleur social ou ouvrier – plus proche donc du <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/26/qui-sont-vraiment-les-gilets-jaunes-les-resultats-d-une-etude-sociologique_5414831_3232.html">profil moyen des « gilets jaunes » en termes de profession</a>. Ce type de candidat est également préféré à un candidat qui signalerait une forme de proximité idéologique avec le mouvement en affirmant que « la plupart des responsables politiques sont corrompus ».</p>
<p>Enfin, parmi les revendications, c’est celle du RIC est la plus fortement soutenue ; ce qui est cohérent avec la <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-quelle-democratie-veulent-ils-170146">centralité</a> gagnée progressivement par ce thème dans le mouvement. Des analyses supplémentaires montrent d’ailleurs qu’un candidat défendant le RIC sera préféré dans tous les cas de figures, quelles que soient donc ses autres caractéristiques. En clair, la préférence pour un candidat soutenant le RIC conditionne toutes leurs autres préférences.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=696&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462292/original/file-20220510-22-g6c9ps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=875&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2. Caractéristiques préférées d’un candidat aux yeux des « gilets jaunes ». Les coefficients à droite du seuil de 0,5 indiquent une probabilité de soutien plus marquée pour la caractéristique considérée, celles à gauche une probabilité de rejet plus prononcée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Gonthier, T. Guerra</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques</h2>
<p>Un grand nombre de commentateurs ont affirmé que le vote des « gilets jaunes » serait avant tout de type protestataire, prompt à céder aux appels populistes des leaders charismatiques. Nos résultats invitent à relativiser cette lecture. Loin d’être uniquement motivées par le rejet des élites, les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques, à commencer par le RIC. De ce point de vue, ils ne se distinguent pas des électeurs ordinaires, dont les chercheurs ont souligné <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0261379418302257?via%3Dihub">qu’ils préféraient une représentation fondée sur des préférences politiques partagées</a> (substantive representation) à une représentation fondée seulement sur des caractéristiques sociales partagées (descriptive representation).</p>
<p>Surtout, nos résultats éclairent les performances à l’élection présidentielle des candidats ayant le plus ouvertement soutenu le RIC – à savoir <a href="https://lafranceinsoumise.fr/category/niche-parlementaire-2019/ric/">Jean-Luc Mélenchon</a>, <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/marine-le-pen-detaille-sa-revolution-referendaire-202358">Marine Le Pen</a> ou encore Jean Lassalle dont le gain électoral conséquent au premier tour (666086 voix de plus qu’en 2017) tient sans doute en grande partie à la labellisation de son programme par les collectifs œuvrant pour la <a href="https://label.ric-france.fr/">mise en place du RIC</a>. Certes, le soutien affiché aux réformes démocratiques n’est pas suffisant à faire élire un candidat. Mais il a pour mérite de contribuer à dynamiser une campagne et ramener aux urnes un électorat populaire démobilisé mais sensible à l’enjeu de représentation démocratique.</p>
<p><em>Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec <a href="https://poliverse.fr">Poliverse</a> créé par une équipe de chercheurs et qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Gonthier a reçu des financements de l'ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010) </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tristan Guerra a reçu des financements de l'ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010).</span></em></p>Les résultats d’une expérimentation réalisée pendant le mouvement des « gilets jaunes », montrent que les candidats préférés dans une élection sont ceux qui soutiennent le RIC.Frédéric Gonthier, Professeur de science politique, Sciences Po GrenobleTristan Guerra, Doctorant en science politique, Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1832812022-05-22T16:02:21Z2022-05-22T16:02:21ZLa confiance politique exige la reconnaissance du mérite<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/presidentielle-2022-103116">L’élection présidentielle 2022</a> tout comme le premier tour du scrutin législatif a mis en lumière une fracture qui sépare la France de la confiance de la France de la défiance. En fait, toutes les études que l’on peut mener depuis des années montrent que le clivage entre les mouvements politiques dits « populistes » de droite ou de gauche et les partis politiques ou les mouvements défendant les institutions de la V<sup>e</sup> République vient traduire en langue politique cette opposition entre deux ensembles de citoyens.</p>
<p>Alors que les populistes privilégient la démocratie directe, le contrôle permanent des élus et l’action immédiate des citoyens sur l’action publique, les anti-populistes entendent préserver le monde des métiers de la politique et une certaine distance entre les électeurs et les élus. Ceux-ci doivent pouvoir appréhender un monde complexe où les effets des politiques publiques se déploient sur le temps long. Cette dichotomie se retrouve très clairement entre ceux qui prônent le renforcement de la souveraineté nationale et ceux qui, au contraire, souhaitent un renforcement de l’échelon européen.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aux-origines-des-fractures-francaises-183037">Aux origines des fractures françaises</a>
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<p>La question qui se pose est de savoir sur quoi repose la <a href="https://theconversation.com/de-la-societe-distante-a-la-societe-mefiante-182817">défiance</a> ou la confiance politique. La confiance, rappelons-le, est la capacité de s’engager dans une relation sociale avec les autres, qu’il s’agisse de particuliers ou d’institutions, sur la base du pari qu’ils tiendront leurs engagements et respecteront la parole donnée. La confiance suppose donc un engagement moral mais aussi le respect et donc la revitalisation permanente d’un lien social pour que les individus puissent faire « communauté » et puissent ainsi garantir la sécurité de leurs échanges.</p>
<p>La confiance est donc centrale non seulement dans la vie économique et celle des marchés, dont une partie des transactions se dénouent à terme, mais également dans la vie politique puisqu’elle fonde le choix électoral au-delà des préférences idéologiques ou des intérêts que l’on entend défendre. À quoi sert de voter si les programmes ne sont pas respectés, si le personnel politique change d’avis, si de nouveaux acteurs imprévus interviennent dans le champ de la décision ?</p>
<h2>Une défiance qui alimente la vie politique</h2>
<p>Une analyse même rapide des niveaux de confiance dans les institutions politiques montre d’une part que ces derniers sont très bas, notamment au regard de ce que l’on trouve dans les enquêtes comparatives menées au sein du <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/BONNE%20VERSION%20FINALE-1.pdf">Baromètre de la confiance politique du Cevipof</a>, d’autre part, qu’ils distinguent clairement les institutions politiques locales comme le maire – qui est le seul à bénéficier d’une confiance assez élevée quels que soient les choix politiques des enquêtés.</p>
<p>Ces résultats différencient aussi clairement les électeurs et les candidats des partis politiques défendant les institutions de la V<sup>e</sup> République de tous ceux qui défendent une révision profonde de ces institutions au nom de la démocratie directe et de la représentation proportionnelle de toutes les forces politiques à l’Assemblée nationale. On peut ainsi le constater lorsqu’on croise le vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 et le niveau de confiance dans le système politique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463977/original/file-20220518-23-nobg4a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’élection présidentielle de 2022 est venue parfaitement illustrer ce mécanisme de fracturation de la vie politique puisque son résultat est de créer une tripartition de l’espace politique français entre le macronisme, la France insoumise et le Rassemblement national dont la logique est en réalité binaire. Elle oppose ceux qui ont confiance dans le système politique – et qui se rallient peu ou prou au macronisme pour la préparation des élections législatives – et tous ceux qui rejettent cette élection comme étant le résultat soit d’un vote par défaut (c’est l’appel de Jean-Luc Mélenchon à se faire élire Premier ministre) soit d’un verrouillage médiatique et oligarchique de la vie politique (thème largement développé par le Rassemblement national).</p>
<p>Mais on le voit bien : la crise de confiance conduit à mener la critique du Président élu bien au-delà de la contestation du bilan de son précédent quinquennat ou de son programme politique d’avenir pour remettre en cause la légitimité du résultat des urnes. Ce dernier, lié à un taux d’abstention particulièrement élevé, tend à rendre la démocratie représentative exécrable pour une grande partie de l’électorat, partie la plus modeste, la moins diplômée et se vivant dans une situation d’exclusion sociale.</p>
<h2>Les explications habituelles et leurs limites</h2>
<p>La défiance politique n’est pas nouvelle et, pourrait-on dire, reste associée à l’idée même de démocratie puisqu’un régime démocratique limite le mandat des élus dans le temps, divise les pouvoirs, place leur action sous le contrôle du juge au regard des règles de droit et notamment de la Constitution, met en place des mécanismes de contrôle des finances publiques (« Pas de taxation sans représentation » sera le mot d’ordre de la révolution américaine) et d’évaluation des politiques publiques. Cela étant, la défiance reste ainsi maîtrisée et ne porte pas sur les mécanismes de contrôle eux-mêmes.</p>
<p>Or la défiance politique contemporaine est différente en ce qu’elle s’associe fortement et à la défiance interpersonnelle (celle que l’on porte spontanément à autrui) et à la défiance envers la science et toutes les procédures rationnelles censées rendre compte de l’action publique comme les statistiques ou les rapports officiels. La crise de la Covid-19 a mis en évidence, par exemple, que la défiance envers la politique sanitaire du gouvernement n’était que le sous-produit d’une défiance générale à l’encontre des pouvoirs publics et que plus la parole experte et scientifique s’éloignait des milieux de la décision gouvernementale et <a href="https://www.cae-eco.fr/la-gestion-de-la-crise-sanitaire-en-france-au-miroir-de-la-defiance-politique-et-dune-societe-peu-cohesive">plus la confiance augmentait</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
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<p>Cette défiance principielle vient donc rendre inopérantes les explications habituelles que l’on donne de la critique que les citoyens portent à l’encontre du monde politique en général et des élus en particulier.</p>
<p>On ne peut pas ainsi expliquer le niveau de défiance par les mauvais résultats obtenus par les gouvernements sur le terrain économique. L’illustration en est clairement donnée aujourd’hui en France où le niveau de confiance à l’égard d’Emmanuel Macron est très bas (de l’ordre de 34 %) alors même que le niveau de chômage n’a pas été aussi bas depuis une décennie. Plus généralement, <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/22714-la-democratie-representative-est-elle-en-crise">l’analyse historique du long terme</a> montre que la confiance dans le personnel politique a commencé à baisser sous la V<sup>e</sup> République à partir de 1974, de manière inexorable et sans que les résultats des divers gouvernements qui se sont succédé aient eu le moindre effet.</p>
<p>On ne peut pas non plus expliquer la défiance par le seul jeu des institutions. Pour de nombreux commentateurs, il suffirait de modifier les modes de scrutin et de multiplier les référendums ou les procédures de <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/279196-la-democratie-participative-par-loic-blondiaux">démocratie participative</a> pour que la confiance revienne. Passer au scrutin proportionnel pour élire les députés permettrait sans doute de représenter plus fidèlement au sein de l’Assemblée nationale les diverses sensibilités politiques. Mais ce n’est pas parce qu’un député est élu sur une liste que les électeurs vont avoir davantage confiance en lui.</p>
<p>L’élaboration des listes fait l’objet de nombreuses tractations au sein des partis politiques dans le cadre de marchés professionnels. On le voit très clairement dans le cadre des élections régionales, où le scrutin proportionnel <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01486206/document">permet de filtrer successivement</a> celles et ceux qui sont en mesure de gagner. On peut également multiplier les référendums, mais le niveau de confiance politique dans un pays comme l’Italie qui les pratique fréquemment, et notamment pour révoquer certaines lois, n’est pas supérieur à celui que l’on observe en France.</p>
<p>La confiance dans le personnel ou les institutions politiques ne varie pas non plus selon la structure plus ou moins décentralisée d’un pays. Elle est par exemple fort basse en Espagne qui s’est organisée pourtant sur un modèle de quasi-fédéralisme en <a href="https://www.europeansocialsurvey.org/findings/topline.html">confiant</a> les politiques publiques les plus importantes sur le plan domestique aux communautés autonomes.</p>
<h2>La reconnaissance sociale du mérite</h2>
<p>En fait, une analyse comparative approfondie met au jour un phénomène commun à des pays aussi différents que l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. La confiance politique ne naît et ne dépend pas du fonctionnement du système démocratique mais bien de la cohésion sociale et de la reconnaissance du mérite qui servent de socle aux idéaux démocratiques.</p>
<p>Il existe une corrélation très forte entre ces deux dimensions et ce n’est pas un hasard si la démocratie est très majoritairement considérée comme étant en bonne santé <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100078680">dans les pays d’Europe du Nord</a> où l’on retrouve également un niveau bien plus bas de conflits sociaux dans le milieu du travail comme une mobilité sociale plus grande qu’en France. Selon les <a href="https://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/mobilite-sociale-france-sait-vraiment">analyses de l’OCDE</a>, l’inertie sociale d’une génération à l’autre est bien plus basse au Danemark (12 %) ou en Suède (26 %) qu’en France (53 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/presidentielle-2022-le-macronisme-a-la-recherche-de-la-meritocratie-perdue-158853">Présidentielle 2022 : le macronisme à la recherche de la méritocratie perdue</a>
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<p>Cependant, au-delà des questions de mobilité sociale se pose une question d’ordre moral. C’est bien le <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100861310">sentiment de ne pas voir son mérite reconnu</a> qui constitue le ressort le plus puissant de la défiance politique, quels que soient sa catégorie socioprofessionnelle, son niveau de diplôme, son âge, ses revenus. La France reste le pays où le sentiment d’injustice sociale voire de mépris ont les effets politiques les plus dévastateurs puisqu’il remet en cause non pas seulement les politiques publiques mais l’évaluation qui peut en être faite. Cette absence de reconnaissance sociale touche même les catégories supérieures (le quart des professions supérieures considèrent ainsi que la société les traite avec mépris), venant rendre les idéaux égalitaires républicains bien illusoires.</p>
<p>On entre ici de plain-pied dans ce que l’on appelle aujourd’hui le malaise démocratique qui repose finalement sur l’idée d’un mensonge institutionnel, voire d’un mensonge d’État, sur la réalité de la méritocratie. Certes, le sujet est loin d’être nouveau en matière d’éducation. Mais la question déborde aujourd’hui largement cet horizon, où l’on conteste les critères de l’excellence ou de la performance, pour englober l’ensemble du statut social miné par la dévalorisation des diplômes, par l’existence de marchés professionnels fortement corporatisés et hiérarchisés en fonction des trajectoires scolaires et des ressources sociales (en témoignent les <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03459716/document">trajectoires fort contrastées des énarques</a>), par l’illégitimité qui touche un succès social dès lors qu’il ne se justifie que par le travail.</p>
<p>Une autre lecture de l’élection présidentielle de 2022 est donc d’y voir une lutte autour de la question méritocratique, développée sur le terrain libéral par le macronisme au nom d’une plus grande ouverture des vies professionnelles, réclamée également par les gauches recherchant un point d’équilibre entre l’égalité et l’équité, sans doute présente aussi dans les droites radicales qui se sont engouffrées sur le terrain du pouvoir d’achat mais aussi de l’invisibilité sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une autre lecture de l’année électorale montre que le malaise démocratique repose aussi sur l’idée d’un mensonge institutionnel.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830372022-05-15T16:21:41Z2022-05-15T16:21:41ZAux origines des fractures françaises<p>Les élections présidentielles de 2022 ont alimenté les analyses sur une France profondément divisée, voire fracturée – selon des clivages à la fois politiques, sociaux et culturels.</p>
<p>Journalistes, sociologues, hommes politiques <a href="https://www.lepoint.fr/politique/apres-la-presidentielle-reconcilier-les-deux-france-25-04-2022-2473296_20.php">s’inquiètent de cette situation</a> et, tel le président du Sénat <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/gerard-larcher-il-faut-recoudre-une-france-fracturee-20220510">Gérard Larcher</a>, appellent à « recoudre une France fracturée » alors que les élections législatives se profilent déjà.</p>
<p>Ces antagonismes ne sont pourtant pas nouveaux dans une vie politique française traditionnellement organisée selon un schéma bipolaire.</p>
<p>Pourquoi inquiètent-ils donc tant aujourd’hui ?</p>
<h2>Le poids de la Révolution française</h2>
<p>Né pendant la Révolution française, le <a href="https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/le-clivage-droite-gauche-est-bien-vivant/">clivage droite-gauche</a> a d’abord reposé sur des facteurs politiques. Dans le grand Ouest, le combat entre les Bleus républicains et les Blancs royalistes a laissé des traces pendant plus d’un <a href="https://www.lhistoire.fr/la-r%C3%A9volution-coup%C3%A9-la-france-en-deux">siècle</a>.</p>
<p>Les souvenirs des combats de la Révolution ont nourri l’imaginaire des élites politiques, qu’elles soient républicaines ou contre-révolutionnaires, et la mémoire de l’ensemble de la population. Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, partout en France, partis et hommes politiques se sont affrontés sur la forme du régime, parfois les armes à la main. Et lorsque la République s’est définitivement enracinée, un siècle après la Révolution, ce sont encore des questions politiques qui ont nourri des divisions politiques apparemment inconciliables.</p>
<p>A la fin des années 1890, l’affaire Dreyfus a fracturé l’opinion entre dreyfusards, attachés aux libertés publiques et à l’état de droit, et antidreyfusards, fidèles à l’Armée et à l’autorité. Cette ligne de faille traverse même les familles : le dessin du caricaturiste Caran d’Ache, publié dans Le Figaro du 14 février 1898, montre l’effet dévastateur de l’affaire Dreyfus sur un repas de famille dégénérant en pugilat généralisé, parce qu’« ils en ont parlé ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Caricature parue dans les colonnes du Figaro, le 14 février 1898" src="https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462966/original/file-20220513-19-iuuv5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Caricature de Caran d’Ache (Emmanuel Poiré, 1858-1909), parue dans les colonnes du <em>Figaro</em>, le 14 février 1898. Le dessin décrit la division de la société au cours de l’Affaire Dreyfus. « Surtout ! ne parlons pas de l’affaire Dreyfus ! » « Ils en ont parlé ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Lorsque l’Affaire Dreyfus s’estompe, la question religieuse prend le relais et nourrit non seulement le clivage entre la gauche anticléricale et une droite attachée aux libertés religieuses, mais aussi l’affrontement entre deux France : la <a href="https://www.cairn.info/histoire-de-la-laicite-en-france--9782130624455.htm">laïcité</a> a d’abord été un combat. Et si la Grande Guerre a été l’occasion d’un apaisement durable des passions religieuses, elle n’a pas mis un terme aux affrontements parfois sanglants qui scandent la vie politique en France comme dans les autres pays européens.</p>
<h2>Front contre front</h2>
<p>Dans les années 1930, le <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_deux_france_du_front_populaire_gilles_richard_gilles_morin-9782296057029-26129.html">clivage droite-gauche</a> alimente le combat entre deux « fronts », ce terme emprunté à la guerre étant évocateur. D’un côté, le Front populaire rassemble toute la gauche (y compris les communistes) pour apporter aux ouvriers et paysans le pain, la paix, la liberté, contre la menace fasciste représentée par les ligues d’extrême droite qui, le 6 février 1934, avaient manifesté violemment contre la République parlementaire. D’un autre côté, le Front de la liberté rassemble toutes les droites, y compris les mouvements les plus extrémistes, pour lutter contre la menace que feraient courir à la Nation les communistes et, pour certains, les juifs et les francs-maçons. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le combat entre collaborateurs et résistants prolonge, de façon tragique, cette lutte sans merci entre deux France.</p>
<p>C’est au moment du Front populaire que le clivage droite-gauche fait explicitement référence à une réalité sociologique – qui perdure, sous une forme parfois fantasmée, jusqu’à la fin du XX<sup>e</sup> siècle. La droite regrouperait les milieux socialement conservateurs, c’est-à-dire les possédants, les classes moyennes indépendantes, une partie des paysans. La gauche, elle, rassemblerait les milieux populaires (ouvriers et paysans) ainsi que la bourgeoisie intellectuelle.</p>
<p>Dans tous les discours qu’il prononce au cours de son long chemin vers l’Élysée, au cours des années 1970, François Mitterrand développe cette vision politique. Il l’exprime encore dans son discours d’investiture, le <a href="https://www.elysee.fr/la-presidence/l-investiture-de-francois-mitterrand">21 mai 1981</a>. « En ce jour où je prends possession de la plus haute charge », affirme-t-il, « je pense à ces millions et ces millions de femmes et d’hommes, ferment de notre peuple, qui, deux siècles durant, dans la paix et la guerre, par le travail et par le sang, ont façonné l’histoire de France, sans y avoir accès autrement que par de brèves et glorieuses fractures de notre société. C’est en leur nom que je parle alors que […] la majorité politique démocratiquement exprimée des Français vient de s’identifier à sa majorité sociale ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PDbCOcX0nP0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cérémonie d’investiture de François Mitterrand en 1981 (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>L’exercice durable du pouvoir par la gauche n’a pourtant pas mis fin aux fractures de la société. Celles-ci alimentent une insatisfaction croissante de l’opinion et des électeurs face à une classe politique jugée incapable de résoudre les difficultés économiques et les tensions sociales qui en résultent.</p>
<h2>Effets de la mondialisation libérale</h2>
<p>À partir des années 1980, l’émergence du Front national, l’érosion des partis de gouvernement, la progression de l’abstention et ce que l’on n’appelait pas encore le « dégagisme » sont autant de facettes d’une <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/francais-et-la-politique_9782738102416.php">crise politique</a> durable et multiforme : depuis 1974 et jusqu’en 2022, aucun président de la République n’a pu être réélu, sauf en situation de cohabitation.</p>
<p>Lorsqu’en 1995, il se présente pour la troisième fois à la présidence de la République, Jacques Chirac exploite délibérément l’insatisfaction qui prévaut dans les milieux populaires. S’inspirant d’une note du sociologue Emmnanuel Todd, plutôt marqué à gauche, il mène campagne sur la <a href="https://www.cairn.info/la-fracture-sociale--9782130520696.htm">« fracture sociale »</a>, qu’il définit ainsi dans son livre-programme <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782841110247-la-france-pour-tous-jacques-chirac/">« La France pour tous »</a> : « La France souffre d’un mal plus profond que ne l’imaginent les acteurs politiques, les responsables économiques, les intellectuels en vogue et les célébrités du système médiatique. Le peuple a perdu confiance. Son désarroi l’incite à la résignation. Il risque de l’inciter à la colère ». Il constate alors « la gravité de la fracture sociale qui menace – je pèse mes mots – l’unité nationale ». Intégrant une vision populiste dans un discours républicain, Chirac constate le fossé croissant entre « le peuple » et les élites.</p>
<p>Ce nouvel antagonisme social ne se superpose plus au clivage droite-gauche. N’est-ce d’ailleurs pas un candidat de droite, Jacques Chirac, qui entend défendre le peuple contre les élites ? Et, quelle que soit leur couleur politique, les gouvernants successifs apparaissent comme les « présidents des riches » – c’est le terme utilisé à l’encontre de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_president_des_riches-9782707169617">Nicolas Sarkozy</a> comme d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_president_des_ultra_riches-9782348073496">Emmanuel Macron</a> – et cristallisent contre eux une colère populaire croissante.</p>
<p>Fragmentée au point d’être comparée à un <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-archipel-francais-jerome-fourquet/9782021406023">archipel</a> par certains analystes, la société française du XXI<sup>e</sup> siècle est traversée par une fracture essentielle, celle qui oppose gagnants et perdants de la mondialisation libérale. Les principaux partis de gouvernement (PS et UMP puis LR), héritiers d’un autre temps – celui des trente glorieuses –, n’ont pas pris en compte ce nouvel antagonisme, qui s’est surtout exprimé sur la question européenne. Les deux référendums sur l’Europe, en 1992 (sur le traité de Maastricht) et en 2005 (sur le traité constitutionnel européen), ont exprimé cette opposition qui traverse aussi bien la gauche que la droite.</p>
<h2>Tripartition du champ politique</h2>
<p>La première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, redéfinit le paysage politique français en fonction d’un clivage qui structurait l’opinion et la société française depuis près de vingt ans.</p>
<p>Le nouveau président rassemble « la France qui va bien », pour reprendre l’analyse développée alors par le candidat socialiste <a href="https://www.lepoint.fr/politique/pour-hamon-macron-est-le-president-de-la-france-qui-va-bien-20-06-2017-2136937_20.php">Benoît Hamon</a>. Et s’il prend pour principal adversaire les « nationalistes » rassemblés autour de Marine Le Pen, il s’oppose en fait aux aspirations contestataires, parfois contradictoires, qui traversent cette France qui se sent à l’écart, oubliée, voire stigmatisée.</p>
<p>Le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 n’exprime pas seulement l’opposition de trois pôles politiquement et idéologiquement opposés, il dessine la géographie d’une France fracturée. Rarement un scrutin n’aura manifesté un tel enracinement géographique des électorats : Marine Le Pen recueille ses meilleurs résultats dans les campagnes et les villes moyennes, Jean-Luc Mélenchon dans les banlieues et les villes de tradition ouvrière, Emmanuel Macron dans les grandes métropoles et les banlieues résidentielles.</p>
<p>Le clivage droite-gauche, qui a coupé la France en deux pendant près de deux siècles, a cédé la place à une fragmentation géographique et sociale qui n’a pas encore produit tous ses effets sur l’organisation du champ politique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-france-en-demi-teinte-fracturee-dans-ses-territoires-et-sa-societe-181915">Une France en demi-teinte, fracturée dans ses territoires et sa société</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/183037/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathias Bernard est président de l'Université Clermont Auvergne. </span></em></p>Le clivage droite-gauche a cédé la place à une fragmentation géographique et sociale qui n’a pas encore produit tous ses effets sur l’organisation du champ politique.Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816362022-05-11T18:47:08Z2022-05-11T18:47:08ZSources d’information et orientation politique : ce que nous apprend Twitter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458900/original/file-20220420-18-p2mos4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=134%2C0%2C5321%2C3699&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>Plusieurs études du discours médiatique ont mis en lumière, par des analyses quantitatives et qualitatives, des soutiens à peine voilés de <a href="https://lesfocusdulcp.wordpress.com/2022/01/26/lelection-presidentielle-2022-vue-par-cyril-hanouna-1-la-pre-campagne-automne-2021/">certains médias envers certains courants politiques</a>. Et si l’on inversait la question ? Bien qu’on ait tendance à considérer, par exemple, qu’un lecteur régulier du Figaro s’oriente politiquement à droite, peut-on établir des corrélations à grande échelle entre choix de sources d’information et orientation politique ?</p>
<p>Des études basées sur des enquêtes d’opinion ont montré notamment la part grandissante des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information et le rôle qu’ils jouent dans la formation de l’opinion publique depuis une décennie, à l’image des évolutions observées lors de deux dernières élections aux États-Unis (voir <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/les-effets-des-reseaux-sociaux-dans-les-campagnes-electorales-americaines">ici</a> et <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/les-partis-politiques-sur-les-reseaux-sociaux-un-entre-soi">ici</a>).</p>
<p>Les médias traditionnels ont intégré cette donnée et utilisent les réseaux sociaux en se faisant l’écho des discussions qui y ont lieu mais aussi en y diffusant des informations via des comptes dédiés.</p>
<p>Nous pouvons alors utiliser les données massives que fournissent ces plates-formes pour obtenir, de façon automatique, une cartographie des pratiques d’information en fonction de l’orientation politique des usagers. Nous essayons ainsi de répondre à la question « Qui lit/écoute/regarde quoi ? » en fonction de son orientation politique.</p>
<p>Dans ce but nous avons observé, depuis septembre 2021, presque 22 millions d’utilisateurs de Twitter qui suivaient (<em>follow</em>), au moins, un candidat à l’élection présidentielle de 2022 en France, et/ou le compte Twitter de 20 médias parmi les plus importants du pays, tous formats confondus (TV, radio, Internet, presse traditionnelle). Sur ce total de 22 millions, seulement 11 millions suivaient au moins l’un des candidats (le reste ne suivant aucun candidat, et uniquement un ou ou plusieurs des médias retenus).</p>
<p>Le choix de Twitter est motivé, d’une part, par le fait que la plate-forme facilite l’accès aux données pour la recherche. D’autre part, la nature des billets postés (<em>tweets</em>) – nombre de caractères limités, utilisation des mots clés (<em>hashtags</em>), rapidité de réaction des utilisateurs – permet de tirer des informations sur les usagers sans avoir recours à des techniques plus compliquées d’analyse textuelle.</p>
<p>Nous avions suivi une procédure similaire pour analyser l’évolution du paysage politique au cours des <a href="https://epjdatascience.springeropen.com/articles/10.1140/epjds/s13688-021-00285-8">dernières élections présidentielles argentines</a>, en 2015 et en 2019.</p>
<p>Après avoir filtré les utilisateurs « actifs », c’est-à-dire, ceux qui publient des tweets sur la plate-forme ou qui relayent (<em>retweet</em>) ceux des autres, nous avons détectés ceux qui déclarent être localisés en France.</p>
<p>Nous avons ensuite classé les usagers en fonction du candidat soutenu, en considérant comme indicateur de « soutien » le fait de produire un retweet direct (sans ajouter de commentaire) des tweets du candidat en question.</p>
<p>Nous avons aussi créé une catégorie « partisan ». Nous y avons rangé les usagers dont plus de 75 % des retweets d’aspirants à la magistrature suprême correspondent à un même candidat. Par exemple, une personne dont 75 % des retweets de candidats sont des messages postés par Valérie Pécresse est considérée comme partisane de cette dernière.</p>
<p>De la même façon, nous avons identifié les usagers ayant un « média préférentiel », c’est-à-dire un média qui concentre plus de 75 % de leurs retweets de différents médias.</p>
<p>Pour l’analyse du comportement des partisans, nous avons choisi de ne retenir que les comptes qui déclarent être situés en France. Les utilisateurs ont la possibilité de remplir eux-mêmes, sur leur profil, un champ indiquant où ils se trouvent géographiquement. Cette déclaration étant facultative sur Twitter, il n’y a qu’une minorité d’utilisateurs qui déclarent une localisation. Suivant une méthode <a href="https://epjdatascience.springeropen.com/articles/10.1140/epjds/s13688-021-00285-8">déjà testée dans une étude similaire</a>, nous cherchons sur le profil des utilisateurs, une mention (pays, région, ville) permettant de les situer en France. Ce critère strict réduit notre base de données mais nous permet de diminuer l’effet des biais potentiellement introduits par des comptes étrangers et/ou automatisés.</p>
<p>Ainsi, au 20 mars 2022, à moins de trois semaines du premier tour, 3,7 % des 11 millions de comptes étudiés – soit environ 400 000 comptes – se déclarent en France.</p>
<h2>La distribution des données pour chaque candidat</h2>
<p>La Figure 1, montre le total de followers des différents candidats et leur classification, au 20 mars 2022. On peut voir comment se distribuent les presque 11 millions de followers de candidats ainsi que la population correspondant aux différents filtres appliqués.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Statistiques des différentes catégorisations des followers des candidats" src="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 1.</strong> <strong>Followers</strong> : total des comptes qui suivent le candidat sur Twitter. <strong>Actifs</strong> : followers qui suivent le candidat et publient des posts (tweets) ou transfèrent (retweet) ceux des autres utilisateurs. <strong>Exclusifs</strong> : comptes Twitter qui suivent exclusivement le candidat. <strong>Actifs & exclusifs</strong> : comptes qui suivent exclusivement le candidat et qui sont actifs (tweet et/ou retweet). <strong>Partisans</strong> : comptes Twitter dont plus de 75 % des retweets correspondent au candidat. <strong>Partisans & « en France »</strong> : partisans localisés en France. Noter que l’échelle verticale est logarithmique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>On observe que pour le candidat Macron, sur un total de 7,6 millions de followers, il y a environ 2,6 millions de followers exclusifs (qui suivent Emmanuel Macron mais aucun autre candidat, ni média de la liste) et qui ne retweetent jamais.</p>
<p>Ceci pourrait s’expliquer, puisqu’il s’agit du président sortant. Il est naturel que des utilisateurs soucieux de suivre l’actualité présidentielle s’abonnent au compte du locataire de l’Élysée, sans pour autant s’en sentir politiquement proches.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentage de followers exclusifs et de partisans de chaque candidat" src="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span></span>
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<p>Le Tableau 1 (ci-contre) donne le pourcentage des followers parmi les 11 millions de comptes analysés, qui ont décidé de suivre exclusivement un seul candidat (ni autre candidat, ni aucun des médias considérés). Ces comptes ne sont pas nécessairement des partisans (ces derniers étant définis par des retweets majoritaires du candidat), en revanche ils manifestent une attention particulière pour le candidat.</p>
<p>Ainsi, mis à part le cas déjà évoqué du président candidat, ce tableau met en évidence des pourcentages élévés d’attention exclusive envers Éric Zemmour, suivi par Marine Le Pen et Jean Lasalle. Tous les autres candidats ayant moins de 10 % de followers exclusifs.</p>
<h2>Quels partisans suivent quels médias ?</h2>
<p>La Figure 2 (ci-dessous) montre la proportion des partisans des différents candidats qui ont décidé de suivre sur Twitter les informations diffusées par les différents médias. Il faut, par exemple, la lire ainsi : « 39 % des partisans de Nathalie Arthaud sont abonnés au compte Twitter de Médiapart ».</p>
<p>On voit que l’attention des partisans est majoritairement captée par des quotidiens nationaux de presse écrite (y compris en ligne, comme @Médiapart), ainsi que par l’Agence France-Presse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentages des partisans localisés en France qui suivent les différents médias" src="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 2.</strong> Pourcentages des partisans localisés en France qui suivent les différents médias. Chaque case représente le pourcentage des partisans du candidat, indiqué sur la ligne, qui suivent le média indiqué sur la colonne. La colonne tout à droite indique le pourcentage de partisans qui ne suivent aucun média, pour chaque candidat. Pour améliorer la lisibilité, les candidats ont été classés de l’extrême gauche en haut à l’extrême droite en bas, et un code couleur est attribué aux pourcentages qui sont lisibles dans chaque case. L’échelle de couleur est présentée à droite du tableau et indique que plus la couleur vire au jaune, plus le pourcentage est élevé. Noter que le total par ligne ne fait pas 100 % car un même partisan peut suivre plusieurs médias.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Sans surprise, on observe que le compte du journal <em>Le Monde</em> (@lemondefr) est très suivi, notamment par des partisans des candidats Anne Hidalgo, Yannnick Jadot et Valérie Pécresse, tandis que celui du <em>Figaro</em> (@Le_Figaro) est nettement préféré par les partisans de Valérie Pécresse.</p>
<p>On remarque que les partisans de Valérie Pécresse suivent le compte de BFM (@BFMTV) et celui du <em>Parisien</em> (@le_Parisien) beaucoup plus que les autres.</p>
<p>Finalement, la couleur nettement plus sombre de la partie inférieure du tableau fait ressortir le fait qu’en général, les partisans des candidats d’extrême droite suivent beaucoup moins les comptes des médias que les autres.</p>
<p>On observe surtout une prédominance des comptes des chaînes d’information en continu (@BFMTV, @CNews) chez ces partisans, préférées aux quotidiens nationaux.</p>
<h2>Quels partisans relayent les messages de quels médias ?</h2>
<p>Si l’on s’intéresse à l’adhésion que les partisans des candidats expriment par rapport aux informations diffusées par les comptes des médias, le paysage change radicalement.</p>
<p>La Figure 3 donne la proportion des partisans des différents candidats qui ont relayé (retweet) les informations publiées sur Twitter par les différents médias. Il faut, par exemple, la lire ainsi : « 32,2 % des partisans de Fabien Roussel ont retweeté au moins une fois un tweet de BFMTV ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentages partisans en France qui retweetent les différents médias" src="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 3.</strong> Pourcentages partisans localisés en France qui retweetent les différents médias. Chaque case représente le pourcentage des partisans du candidat, indiqué sur la ligne, qui relayent les tweets du média indiqué sur la colonne. Pour améliorer la lisibilité, les candidats ont été classés de l’extrême gauche en haut à l’extrême droite en bas, et un code couleur est attribué aux pourcentages qui sont lisibles dans chaque case. L’échelle de couleur est présentée à droite du tableau et indique que plus la couleur vire au jaune, plus le pourcentage est élevé. Noter que le total par ligne ne fait pas 100 % car un même partisan peut relayer les tweets de plusieurs médias.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>On observe une nette prédominance de retweets des chaînes d’information en continu. Il faut noter que celles-ci ont tendance à publier plus de contenu vidéo que les comptes de la presse traditionnelle, ce qui peut contribuer au résultat observé.</p>
<p>Cependant, il est intéressant de remarquer que, à l’exception des partisans de Fabien Roussel, cette tendance à relayer les chaînes d’information en continu s’accentue chez les partisans de candidats de droite et d’extrême droite.</p>
<p>On voit aussi que les comptes des radios publiques, @franceinter et @franceinfo, sont nettement plus relayés par les partisans d’Anne Hidalgo et de Yannnick Jadot que par les partisans des autres candidats.</p>
<h2>Quels partisans relayent <em>exclusivement</em> les messages de quels médias ?</h2>
<p>Les partisans ayant un média préférentiel, en se limitant à relayer les messages de ce dernier, révèlent un fort alignement avec l’orientation éditoriale du média en question.</p>
<p>La Figure 4 (ci-dessous) montre la proportion des partisans du candidat correspondant à chaque ligne ayant relayé majoritairement les tweets des médias indiqués sur les colonnes. Il faut ainsi lire : « 3,3 % des partisans de Yannick Jadot ont France Inter pour média préférentiel ».</p>
<p>En général, le pourcentage de partisans concentrés sur un unique média est faible. Les plus grandes proportions de partisans se concentrant sur peu de médias se trouvent à l’extrême droite du spectre politique.</p>
<p>Ce phénomène évoque les <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2023301118">« chambres d’écho »</a> observées sur les réseaux sociaux : les utilisateurs sont confrontés à des opinions similaires ou à des informations issues d’un nombre très restreint de sources, qui encadrent et renforcent un récit commun.</p>
<p>Comme sur la Figure 3, on retrouve la prééminence de @BFM et @CNews et on peut clairement observer l’inversion des préférences entre les partisans de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour : les premiers suivent davantage BFM, tandis que le seconds sont davantage amateurs de CNews, en accord avec les <a href="https://lesfocusdulcp.wordpress.com/2022/01/26/lelection-presidentielle-2022-vue-par-cyril-hanouna-1-la-pre-campagne-automne-2021/">études qui ont suivi les nombreuses polémiques</a> concernant un excès d’attention de @CNews pour ce dernier.</p>
<p>Finalement, on note (figures 2 à 4) que les partisans de l’extrême gauche et de l’extrême droite ont un comportement assez différent par rapport aux médias. Tandis que ceux de l’extrême droite concentrent leur attention sur peu de médias, ceux de l’extrême la gauche se distribuent sur un panel bien plus large.</p>
<p>Cette simple analyse statistique de données publiques fournit une cartographie qui permet de mesurer des tendances générales dans le choix fait par les partisans des différents candidats concernant l’accès à l’information et sa diffusion.</p>
<p>Même si les résultats sont limités aux utilisateurs de Twitter, la mesure de leur rapport aux médias traditionnels donne un socle sur lequel baser les discussions concernant le rôle des médias dans la formation de l’opinion en période électorale.</p>
<hr>
<p><em>Ce travail a été financé en partie par le projet OpLaDyn (Trans-Atlantic Platform Digging into Data Challenge : 2016-147 ANR OPLADYN TAP-DD2016) et le Labex MME-DII (contrat No. ANR Référence 11-LABEX-0023).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elle a reçu des financements de ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémi Perrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse massive des données de Twitter permet de caractériser les préférences en matière d’information des sympathisants des différents candidats à l’élection présidentielle.Laura Hernandez, MCF-HDR Physique. Thèmes de recherche: application des notions et méthodes de Physique à l'étude des problèmes presentant des structures et dynamiques complexes, tout domaine disciplinaire confondu., CY Cergy Paris UniversitéRémi Perrier, Doctorant en systèmes complexes, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1823072022-05-10T21:49:28Z2022-05-10T21:49:28ZUne marée bleu Marine ? Plongée dans l’élection présidentielle du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais<p>Malgré ses <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1165877/article/2022-04-12/presidentielle-2022-dans-le-bassin-minier-le-candidat-macron-en-full-contact">déplacements</a> de l’entre-deux tours à Lens, Liévin et Carvin, Emmanuel Macron n’a pas su convaincre les habitantes et les habitants du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.</p>
<p>Lors du deuxième tour des élections présidentielles, les électeurs de la région ont assez largement plébiscité la candidate du <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1169918/article/2022-04-24/presidentielle-resultats-second-tour-nord-pas-de-calais">Rassemblement national</a>. Marine Le Pen arrive ainsi en tête dans la quasi-totalité des villes de ce territoire populaire en mutation sociale, économique et politique.</p>
<p>Mais ces résultats sont-ils le signe d’un basculement complet de cet ancien <a href="https://www.researchgate.net/publication/262892197_Le_bassin_minier_bastion_de_la_gauche">bastion de gauche</a> au profit de l’extrême droite ? Une analyse électorale fine permet de nuancer cette idée.</p>
<h2>Une dynamique bleu Marine qui s’accentue lors de ce second tour</h2>
<p>On pouvait s’y attendre, Marine Le Pen qui avait déjà réalisé de très <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/05/11/comment-le-pas-de-calais-a-bascule-du-ps-au-fn_1568912/">bons scores en 2017</a>, confirme et termine en tête dans le bassin minier du Nord Pas-de-Calais avec une <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/presidentielle-2022-les-gens-qui-votent-le-pen-se-sentent-seuls-et-oublies-de-l-aisne-au-bassin-minier-le-rassemblement-national-explose-ses-scores-2531416.html">moyenne de 60 % lors de ce deuxième tour</a> en progressant même de 5 % par rapport à 2017.</p>
<p>Elle réalise des scores encore plus élevés dans les deux communes frontistes de ce territoire que sont Hénin-Beaumont (67 %) et, plus récemment acquise, Bruay-la-Buissière (69 %). Mais on peut aussi observer de très bons scores dans des villes de gauche, jusque 77 % à Marles-les-Mines ou même 57 % à Lens, bastion socialiste. Ces résultats sont même souvent en hausse par rapport à 2017. Elle progresse ainsi de 130 000 voix dans le Nord-Pas-de-Calais. À Lens, par exemple, elle avait obtenu 7316 voix au deuxième tour de 2017 contre 7631 cette année. Même son de cloche pour Hénin-Beaumont où elle gagne 875 voix par rapport à 2017.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1488901990147047424"}"></div></p>
<p>Ces différentes percées se font au détriment du président sortant qui recule en partie dans ce territoire par rapport au second tour de 2017.</p>
<p>Dans le Nord-Pas-de-Calais il perd 65 000 voix et cette chute est encore plus forte dans les villes au cœur du bassin minier. À Lens il perd 796 voix et obtient 42 % des suffrages contre 46 % en 2017. Même à Valencienne, l’une des rares mairies de droite du bassin Minier et l’une des rares plaçant Emmanuel Macron en tête, il perd 708 voix passant de 63 % en 2017 à 58 % aujourd’hui.</p>
<p>Mais cette analyse ne saurait être complète sans porter une attention particulière à l’abstention, qui comme le vote pour Marine Le Pen est toujours plus élevée dans le bassin Minier que dans le reste de la France. Même si elle est moins spectaculaire que ce qu’on pouvait attendre elle est en moyenne à 28 % dans le bassin minier (+3 % par rapport à la moyenne nationale) et atteint des sommets dans certaines villes comme Lens avec 37 % (+2,5 % par rapport à 2017).</p>
<p>Ainsi, rapporté à cette abstention, ça n’est « que » une électrice ou un électeur sur trois qui a voté pour Marine Le Pen lors de ce second tour dans le bassin minier. De plus, ces résultats sont aussi à mettre en perspective du premier tour de ces présidentielles qui donne à voir d’autres nuances et forces politiques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Annonce des résultats à Hénin-Baumont.</span></figcaption>
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<h2>Un premier tour faisant émerger trois pôles politiques</h2>
<p>Si Emmanuel Macron perd des voix lors du second tour, les résultats du premier montrent une autre réalité. Dans le Pas-de-Calais il récupère ainsi la deuxième place, occupée par Jean Luc Mélenchon en 2017, et gagne 40 000 voix passant de 18 % en 2017 à 24 % cette année. Progression encore plus nette dans le Nord où il gagne 6 % entre 2017 et 2022 terminant ainsi à 26 %. Cette tendance s’observe aussi dans le bassin Minier, il gagne ainsi 4 points à Lens, 2 à Hénin-Beaumont et jusque 6 à Béthune.</p>
<p>Ces résultats peuvent se comprendre lorsque l’on regarde la chute des partis traditionnels qu’étaient Les Républicains et le Parti socialiste. Si, contrairement aux Républicains, le Parti socialiste a été très fort dans ce territoire, les deux partis observent une chute continue de leurs scores, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse ne dépassent quasiment jamais les 2 % dans le bassin minier. De par son positionnement politique, entre les deux candidates, c’est probablement le président sortant qui a le plus bénéficié de cette chute.</p>
<p>L’écologiste Yanick Jadot sous-performe lui aussi très fortement dans le bassin minier ne dépassant que très rarement les 2,5 % alors qu’il obtient 4,7 % des suffrages au niveau national. Quant au communiste Fabien Roussel, élu député dans ce bassin minier, il réalise de meilleurs scores dans ce territoire que dans le reste de la France dépassant régulièrement les 4 % avec un pic à plus de 12 % dans le fief communiste d’Avion.</p>
<p>À gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon, qui comme au niveau national, se retrouve largement en tête. Pour autant il n’a pas convaincu dans le bassin minier autant qu’il a pu le faire à Lille par exemple ou il a recueilli 40,5 % des suffrages. Dans ce <a href="https://theconversation.com/des-terrils-bleu-marine-quelle-place-pour-le-rassemblement-national-dans-le-bassin-minier-164668">territoire encore fortement marqué par la gauche</a> l’insoumis souffre de la division avec le PCF et ne recueille que rarement plus de 20 % des suffrages (22 % à Lens et Carvin).</p>
<p>C’est bien Marine Le Pen qui termine en tête dès ce premier tour dans le bassin minier. Elle dépasse quasiment toujours les 40 % avec des pics très élevés dans ces fiefs, 51 % à Hénin-Beaumont et 52 % à Bruay-la-Buissière. Mais elle réalise aussi de très bons scores dans de plus petites villes comme Auchel avec 50 % des suffrages ou Noeux-Les-Mines avec 48 %. Dans ce territoire du bassin minier, elle a pu profiter du faible score de son concurrent à l’extrême droite, Éric Zemmour, qui y réalise des scores plus faibles que dans le reste de la France. Il dépasse rarement les 5 % et obtient ses meilleurs scores dans les très rares villes plaçant Emmanuel Macron en tête de ce premier tour comme Drouvin-le-Marais avec 8,5 % ou Vaudricourt avec 8 %.</p>
<h2>Une tendance qui pourrait s’inverser ?</h2>
<p>Les résultats de ces présidentielles dans le bassin minier sont sans grande surprise, ils s’insèrent dans des dynamiques profondes, de long terme et qui touchent l’ensemble du territoire : les percées de plus en plus fortes du Rassemblement national, la perte de vitesse du parti socialiste et une augmentation, plus légère que prévu néanmoins, de l’abstention.</p>
<p>Les éléments permettant d’expliquer ces tendances sont multiples et se jouent à plusieurs échelles, nous en retiendrons ici les plus saillants.</p>
<p>Dans un premier temps il faut se pencher sur la sociologie du bassin minier qui correspond assez bien à une partie de l’électorat Le Pen. On observe une surreprésentation d’ouvriers, d’employés, de personnes avec un faible niveau de diplôme et de salaire et on sait que Marine Le Pen réaliste de bons scores chez <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/rassemblement-national/les-classes-populaires-et-marine-le-pen-746462">ces franges de la population</a>.</p>
<p>Ces résultats s’expliquent ainsi plus par proximité sociologique, entre les profils des habitantes et des habitants du bassin minier et une partie de l’électorat RN, que par une supposée proximité idéologique plus forte dans le bassin minier qu’ailleurs. Cet électorat populaire permet aussi de comprendre les faibles scores d’Éric Zemmour qui réussit mieux dans des territoires <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/ce-que-revele-la-radiographie-d-un-electorat-zemmouriste-si-different-de-l-electorat-lepeniste-20220325">plus aisés et historiquement de droite</a>.</p>
<p>De même pour le candidat écologiste dont la base électorale se concentre bien plus dans les métropoles que dans les territoires populaires comme le bassin minier. C’est plus surprenant pour le candidat de la France insoumise qui semble avoir plus convaincu dans les territoires populaires proches des métropoles (52,5 % à Roubaix) que dans le bassin minier. Enfin, cette sociologie populaire permet de comprendre l’abstention dont on sait qu’elle touche <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/presidentielle-2022/pourquoi-les-classes-populaires-s-abstiennent-elles-davantage-745895">plus fortement les personnes les plus précarisées</a>.</p>
<p>Un autre élément important à prendre en compte pour comprendre ces scores, et les nuancer, relève du caractère national de la campagne. Au niveau local le bassin minier reste dirigé par la gauche, le RN ayant parfois du mal à présenter des <a href="https://www.lemonde.fr/blog/terrainscampagnes/2020/03/13/et-si-les-terrils-lensois-restaient-rouges/">candidats issus du territoire</a>. Cependant, les élections présidentielles s’apparentent à un autre contexte dans lequel les enjeux nationaux prennent le pas sur l’ancrage local. Ainsi, plusieurs électeur.ices que j’ai rencontrés lors de mon travail de thèse m’ont expliqué avoir voté à gauche pour les élections municipales à Lens, le candidat socialiste a été élu dès le premier tour, mais pour Marine Le Pen à ces élections présidentielles.</p>
<p>Dans un contexte de désunion des gauches, le Rassemblement national à su incarner une offre politique permettant de canaliser les différentes colères des habitantes et habitants du bassin minier dénonçant tour à tour les « élites » et « l’assistanat ». Mais l’enjeu pourra se révéler bien différent lors des élections législatives à venir.</p>
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<img alt="Jean-Luc Mélenchon s’exprime lors de la première convention de la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » (Nupes) à Aubervilliers, le 7 mai 2022" src="https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462035/original/file-20220509-13-zlfctm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Luc Mélenchon s’exprime lors de la première convention de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien de Rosa/AFP</span></span>
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<p>Si plusieurs circonscriptions de ce territoire ont été récupérées en 2017, cela s’est fait dans un contexte de division de la gauche, avec souvent une candidate ou un candidat distinct pour la France insoumise, le Parti socialiste et le Parti communiste. L’union des gauches qui semblent se dessiner pour les élections à venir pourrait inverser la tendance en présentant une candidate ou un candidat unique qui pourrait bénéficier de l’influence encore forte de la gauche au niveau local.</p>
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<p><em>Pierre Wadlow réalise actuellement une thèse sur la politisation des classes populaires du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au CERAPS, sous la direction de Carole Bachelot</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Wadlow ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les résultats de la présidentielle dans le bassin minier s’insèrent dans des dynamiques profondes, de longs termes : percée du RN perte de vitesse du PS et augmentation de l’abstention.Pierre Wadlow, Doctorant en science politique, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821782022-05-02T19:06:08Z2022-05-02T19:06:08ZPrésidentielle aux Antilles : « Le vote d’extrême droite était lié aux problèmes sociaux »<p><em>Après un plébiscite pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle, la candidate du Rassemblement national (RN) a obtenu, deux semaines plus tard, près de 61 % des voix en Martinique et en Guyane, et même près de 70 % en Guadeloupe, réalisant son meilleur résultat dans ces départements où les scores de l’extrême droite sont habituellement faibles lors des scrutins locaux et nationaux. Fred Reno, chercheur en sciences politiques à l’Université des Antilles décrypte les logiques qui ont conduit à ces résultats.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Comment expliquer que les électeurs des régions d’outre-mer aient voté aussi massivement pour Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle ?</strong></p>
<p><strong>Fred Reno :</strong> Les outre-mer ont voté en majorité pour la candidate Le Pen contre Macron. La question qui se pose est : comment des Noirs, des afrodescendants ont pu voter pour le Rassemblement national, un parti qui renvoie au racisme, aux discriminations… On peut réduire Le Pen à l’extrême droite mais les choses sont plus complexes que cela. Il faut relativiser ce vote en évitant d’en faire un vote d’extrême droite. C’est un vote pour Le Pen, contre Macron mais pas un vote d’extrême droite au sens où les gens auraient adhéré aux valeurs du RN.</p>
<p>Quand on interroge les gens qui ont voté Le Pen, ils répondent spontanément : « on a voté contre Macron et on a voté contre les élus locaux ». Le vote contre Macron est lié à des problèmes sociaux qui se posent dans le pays, la question vaccinale, l’insécurité, la délinquance… La critique qui est faite aux élus locaux est très forte. Pour beaucoup d’électeurs, les élus locaux ont failli et sont les principaux responsables de la situation parce qu’ils n’ont pas été en mesure de prendre en charge les demandes sociales.</p>
<p><strong>TC : Les votes pour Marine Le Pen ne sont donc pas des votes d’adhésion mais plutôt des votes sanction ?</strong></p>
<p><strong>FR :</strong> Oui, pour analyser cela il faut partir du premier tour. Jean-Luc Mélenchon arrive largement en tête en <a href="https://www.leparisien.fr/resultats-elections/guadeloupe/guadeloupe/">Guadeloupe</a> (56,16 %) et en <a href="https://www.leparisien.fr/resultats-elections/martinique/martinique/">Martinique</a> (53,10 %). Marine Le Pen arrive en deuxième position en Guadeloupe avec près de 18 % des voix et en troisième en Martinique avec 13 %. Les électeurs ont d’abord voté Mélenchon, s’ils étaient fondamentalement lepeniste ou d’extrême droite ils auraient voté d’emblée Marine Le Pen. C’est donc par défaut qu’ils se sont prononcés pour Le Pen au deuxième tout parce que Mélenchon n’a pas été qualifié. Le vote n’a pas de consistance idéologique, c’est un vote de protestation, de colère. Je crois que les électeurs ont instrumentalisé ces candidatures pour adresser un gros message aux élus locaux et à Emmanuel Macron.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-comprendre-la-crise-sociale-en-guadeloupe-172885">Pour comprendre la crise sociale en Guadeloupe</a>
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<p><strong>TC : Marine Le Pen est donc perçue comme une candidate antisystème, pas comme une personne d’extrême droite ?</strong></p>
<p><strong>FR :</strong> Absolument, elle est dédiabolisée à l’évidence. Les électeurs disent : « on a tout essayé jusque là, essayons extrême droite cela ne nous coûte rien finalement c’est une candidate comme les autres avec un discours qui nous parle. Elle va remettre dans leur droit les employés suspendus par la crise sanitaire, elle va régler le problème de l’eau, tous les thèmes qui nous intéressent elle les prend en charge dans son discours. »</p>
<p><strong>TC : Le vote anti-Macron s’inscrit-il dans la continuité d’un rejet des institutions et de l’État français ?</strong></p>
<p>Je ne pense pas qu’il y ait un rejet de l’État français bien au contraire, je pense qu’il y un appel à l’État, à plus d’États. Dans le contexte de mondialisation, d’incertitude, il y a une demande de protection et de sécurité. Et le discours de Marine Le Pen qui renvoie à l’autorité, à la centralisation même puisqu’elle refuse le principe de l’autonomie, je pense que cela parle à tous ces gens. Je crois que le vote anti-Macron est un vote qui renvoie aux dossiers sociaux principalement, à tous les problèmes qui n’ont pas été réglés et que Macron avait promis de régler. Il y a le sentiment que rien n’a été fait par les représentants de Macron sur place. C’est par manque d’interventionnisme étatique qu’on a rejeté Macron.</p>
<p><strong>TC : Les mobilisations qui ont eu lieu suite à l’instauration de l’obligation vaccinale et du passe sanitaire ont aussi pu influencer ces votes de protestation ?</strong></p>
<p><strong>FR :</strong> Je crois que la question vaccinale est venue se greffer sur la question sociale et elle a joué comme un catalyseur. Cela a renforcé encore plus les oppositions. Il y a un élément qui intervient à la fin, c’est quand on a su que finalement la pandémie était en baisse et que le port du masque n’était plus nécessaire, qu’on allégeait les restrictions, beaucoup de gens ont cru que les employés suspendus allaient être rappelés et allaient pouvoir retrouver leur emploi mais ça n’a pas été le cas. Cela a été perçu comme une forme de mépris par beaucoup de gens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/du-code-noir-au-chlordecone-comprendre-le-refus-de-lobligation-vaccinale-aux-antilles-francaises-172668">Du « Code noir » au chlordécone, comprendre le refus de l’obligation vaccinale aux Antilles françaises</a>
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<p><strong>TC : Durant sa campagne Jean-Luc Mélenchon s’est particulièrement adressé aux outre-mer. C’est ce qui explique qu’il soit arrivé en tête du scrutin au premier tour ?</strong></p>
<p><strong>FR :</strong> Mélenchon est l’homme politique qui a été le plus actif en Guadeloupe et en Martinique. Il a pris la parole sur des sujets importants ici, comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/martinique-les-coupures-deau-exasperent-la-population_4645133.html">l’eau</a> et le chlordécone. Pas seulement lui mais aussi ses émissaires, notamment Danièle Obono et Mathilde Panot. Cette dernière a fait un rapport avec d’autres députés sur la <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/trois-parlementaires-saisissent-la-defenseure-des-droits-sur-les-problemes-d-adduction-en-eau-en-guadeloupe-1180579.html">question de l’eau</a>. Elle eu une prise de parole qui a beaucoup plu ici, sur les réseaux sociaux notamment. Elle a été présentée comme celle qui faisait ce que ne font pas nos élus locaux.</p>
<p>Il y a un élément supplémentaire qui est la question de la <a href="http://www.slate.fr/story/216753/creolisation-concept-edouard-glissant-marotte-jean-luc-melenchon-france-insoumise">créolisation</a>. Mélenchon est le seul candidat a avoir donné une dimension culturelle à ses interventions politiques. Il a érigé la créolisation en réponse à la question du multiculturalisme en France. Même si tout le monde ne partage pas cette théorie, en se référant ouvertement à Édouard Glissant, Mélenchon parle de nous et fait de nous une référence.</p>
<p><strong>TC : Pensez-vous qu’en Guadeloupe et en Martinique les électeurs vont se mobiliser pour les élections législatives ?</strong></p>
<p><strong>FR :</strong> Il est certain qu’il y a une prise de distance avec nos élus locaux, une majorité d’entre eux ont appelé à voter Macron lors de la présidentielle. Je suis persuadé que pour les élections législatives peu de candidats vont faire référence à Macron mais je ne suis pas sûr que l’élection présidentielle va modifier en profondeur le paysage local. Je ne pense pas que la France insoumise ait une implantation locale suffisante pour avoir des députés. Ils semblent l’avoir compris parce que la FI, à la différence du RN, est en mesure de négocier avec d’autres partis de gauche comme le PCF ou le PS, et peut-être même une frange des nationalistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fred Reno ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment expliquer que les électeurs des régions d’outre-mer aient voté aussi massivement pour Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle ?Fred Reno, Professeur de science politique, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1814562022-05-01T16:46:22Z2022-05-01T16:46:22ZPourquoi crier au scandale à chaque fois qu’une personnalité utilise un jet privé ?<p>Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022, le <a href="https://vert.eco/articles/jean-castex-fait-un-aller-retour-en-jet-prive-pour-voter-devant-les-cameras">média <em>Vert</em></a> épinglait le choix du Premier ministre Jean Castex d’avoir utilisé un jet privé pour aller voter à Prades, dans les Pyrénées-Orientales. </p>
<p>Des accusations similaires se sont multipliées tout cet été 2022, visant patrons et stars sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Ces polémiques surgissent dans un contexte où les appels à baisser la consommation d’énergie des ménages se multiplient, alors que l’Union européenne doit se libérer de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie et que la publication du dernier volet du rapport du GIEC le 4 avril 2022 alerte une nouvelle fois sur l’urgence d’agir drastiquement pour freiner le dérèglement climatique.</p>
<p>Outre l’impact financier pour le contribuable du recours abusif aux jets privés de la part de responsables politiques, quels effets de tels comportements de la part des personnalités publiques peuvent-ils avoir sur les consommateurs en matière de choix énergétiques ?</p>
<p><a href="https://doi.org/10.3917/ror.152.0029">Dans une étude publiée à l’été 2020</a> dans la <em>Revue de L’organisation responsable</em>, j’ai tenté d’explorer les principales raisons qui expliquent pourquoi les individus ne diminuent pas leur consommation d’énergie domestique, malgré les invitations pressantes à le faire.</p>
<p>Dans ces travaux, j’ai établi une typologie des consommateurs en fonction de leur rapport aux économies d’énergie. Si du côté des « résistants », les motivations sont diverses, les discours et attitudes contradictoires des dirigeants apparaissent comme un facteur saillant.</p>
<h2>Ces 1001 raisons d’être réfractaire au changement</h2>
<p>Il y a d’abord ceux qui jugent que les économies d’énergie ne sont qu’un effet de mode qui passera, qu’ils en ont assez d’en entendre parler et de faire des efforts. D’autres s’assument explicitement climatosceptiques : ils ne croient tout simplement pas à la problématique environnementale, ni par conséquent à la nécessité de réduire leur consommation énergétique résidentielle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459060/original/file-20220421-34130-z0vdiu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La théorie des <em>nudge</em> suggère que l’on peut influencer les choix des individus par des incitations non financières et non contraignantes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sourav Raina</span></span>
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<p>D’autres invoquent la préservation de leur liberté individuelle : ils refusent que l’action publique s’immisce dans leur vie quotidienne et les empêchent de consommer ce qu’ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent.</p>
<p>Une autre frange encore présente une réticence générale au changement, qui va au-delà des « habitudes » et <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-99635-011">peut présenter 4 dimensions</a> : la recherche de routine, la réaction émotionnelle, la focalisation sur le court terme et la rigidité cognitive.</p>
<h2>Un sentiment d’injustice</h2>
<p>Mais il existe un autre segment chez ces « résistants » à l’économie d’énergie : celui des révoltés par l’injustice perçue à l’égard des vrais pollueurs, par l’incohérence de l’action publique et son manque de transparence.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</p>
<p>Eux estiment que les pouvoirs publics s’acharnent sur les ménages tout en se montrant laxistes vis-à-vis des grands groupes pollueurs. Notre recherche qualitative, à travers des entretiens et une netnographie, révèle que ces répondants vont, parce qu’ils jugent l’action de l’État contradictoire, jusqu’à refuser d’adopter un comportement économe en énergie.</p>
<p>Pour eux, l’État incite d’un côté la population à adopter des comportements économes, tout en ne l’informant pas par ailleurs du caractère énergivore des innovations technologiques et des nouveaux appareils.</p>
<h2>La schizophrénie des pouvoirs publics</h2>
<p>L’action publique peut en effet <a href="http://www.afsp.msh-paris.fr/congres2007/ateliers/textes/at1pautard.pdf">apparaître schizophrène</a> sur ce sujet, prise entre les enjeux de la croissance économique et de la dynamique des marchés et ceux d’une régulation des comportements des consommateurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272487/original/file-20190503-103071-lfg7xf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La barre de gauche représente la moyenne pour le mode, celle du milieu en hachuré seulement pour les déplacements à courte distance, et à droite les déplacements longue distance qui sont plus directement comparables à l’aérien en termes de motifs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-mobilite-des-francais-panorama-issu-de-lenquete-nationale-transports-et-deplacements-2008">Aurélien Bigo/Données Ademe et ENTD</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Pour les répondants révoltés, la résistance à la déconsommation apparaît donc comme une manière d’exprimer leur point de vue et de révéler leur opposition à ce double discours.</p>
<p>« Non pas du tout je ne vais pas faire le con alors que les autres dépensent de l’argent aux frais de la princesse. », « Qu’ils commencent par le haut », exprime une personne interrogée. « Pourquoi les gens au-dessus ne se serrent pas la ceinture. ».</p>
<p>« Le soir, sur les routes nationales, il y a des complexes commerciaux… qui laissent toutes les lumières allumées sur des parkings déserts. La consommation d’énergie de Las Vegas, Les politiciens qui voyagent en Jet Privé… », souligne un autre contributeur anonymisé sur le forum sur-la-toile.com.</p>
<p><em>« Calculer l’empreinte écologique : évaluer la trace laissée sur le passage sur cette Terre (en termes d’épuisement des ressources et pollution) et surtout, pour ceux qui le peuvent (c’est-à-dire les sociétés), le profit tiré de ces prélèvements (gratos), et pointez du doigt les coupables, les vrais. » (Anonymisé, forum : sur-la-toile.com)</em></p>
<p>S’ils veulent convaincre ce groupe de résistants d’agir en faveur de la maîtrise de l’énergie, les acteurs publics devront affiner leur communication et tâcher de corriger l’injustice perçue.</p>
<p>En la matière, les personnalités politiques gagneraient à prouver leur cohérence et à faire en sorte que le message qu’ils diffusent soit reflété dans leurs comportements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dhouha El Amri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’incohérence et le double discours des pouvoirs publics pèsent lourd dans la réticence des citoyens à réduire leur consommation d’énergie.Dhouha El Amri, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798072022-04-28T21:21:39Z2022-04-28T21:21:39Z« Jeunes de quartier » : « Être un grand c’est être une référence, les jeunes choisissent les leurs »<p><em>Dans cette nouvelle série d'été nous rediffusons les 6 épisodes du podcast Jeunes de quartier. Des jeunes issus de différents quartiers populaires franciliens s'expriment sur leur quotidien, leur place dans la société française et leurs espoirs.</em></p>
<p><em>Après un <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-regarde-moi-178674">premier épisode</a> consacré à la destitution des clichés sur les jeunes de quartier, un <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-ou-tout-le-monde-se-croise-179794">second</a> sur les changements qui s'opèrent depuis plusieurs années dans la ville de Pantin, un autre sur les <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-politique-elle-se-fait-a-cote-179811">formes d'engagement</a>, un quatrième épisode avec un habitant de Clichy-sous-Bois, sur les <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-2005-ca-a-marque-lhistoire-179799">émeutes de 2005</a>, puis un autre sur les <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-jai-toujours-fait-attention-179804">micro-resistances</a> utilisées par les femmes dans les quartiers, nous clôturons cette série en explorant la transmission qui s'effectue entre différentes générations au sein d'un quartier.</em></p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/6266568f633a350015383565" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em>Banlieues, quartiers, cités. En France, ces mots ont trop souvent une connotation négative. Ce que l’État français nomme depuis 2018 les <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/quartiers-de-la-politique-de-la-ville">quartiers prioritaires de la politique de la ville</a> regroupe 5,4 millions d’habitants dont 40 % ont moins de 25 ans. Mais qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? La <a href="https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part">recherche participative Pop-Part</a>, conduite dans <a href="https://jeunesdequartier.fr/quartiers">dix villes ou quartiers</a> de l’Île-de-France, et portée notamment par l’Université Paris Nanterre, s’est associée à 120 jeunes pour se saisir du sujet.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459421/original/file-20220425-16-lsjest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran du court-métrage « Engrenages », réalisé dans le cadre de la recherche participative « Pop-part » (2021).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pop-part</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les quartiers populaires, les notions de « petits » et de « grands » revêtent un sens particulier. La figure du grand est polysémique. Il est à la fois un modèle, un protecteur, un garant de l’histoire du quartier, mais aussi un supérieur auquel les petits doivent le respect voire l’obéissance. Dans le pire des cas le grand peut même jouer un rôle négatif et orienter les plus jeunes vers la violence ou la drogue. Entre petits et grands c’est le concept de transmission qui est central.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<p>À 29 ans, Lassana Traoré est un grand. Il est éducateur dans sa ville de Corbeil-Essonnes. Mamadou Diallo quant à lui a 49 ans, il a pris conscience du changement de son statut dans sa vingtaine lorsqu’il a commencé à s’engager en créant une association à Nanterre, où il vit. En plus de leur engagement, Mamadou et Lassana partagent le fait d’avoir pris part au projet Pop-part encadré notamment par Fanny Salane, enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation à l’université Paris-Nanterre. </p>
<p><strong>Extraits</strong><br>
● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kxh4S2A8Q4U">« Broke for free »</a>, Something Elated, 2011.<br>
● <a href="https://youtu.be/fH_Fkgk6PJU"><em>“Je leur ai tiré dessus pour venger la mort de mon frère.”</em></a>, Street press, 2018.<br></p>
<hr>
<p><em>Crédits, Conception et Animation Nils Buchsbaum, Réalisation Romain Pollet, Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Salane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au sein des quartiers populaires les notions de « « petit », de « grand » ou encore « d'ancien » portent un sens bien particulier.Fanny Salane, Maîtresse de conférence, chercheuse en Science de l'éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816692022-04-27T13:37:58Z2022-04-27T13:37:58ZPrésidentielle française : l’inexorable montée de la « droite radicale »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459883/original/file-20220426-16-ccqiod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8093%2C5403&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marine Le Pen, du RN, prend la parole devant ses partisans après l'annonce des premiers résultats du second tour de l'élection présidentielle française, à Paris, le 24 avril 2022. Malgré sa défaite, la droite radicale poursuit sa montée, rejoignant des électeurs de toutes les classes sociales, et de toutes les régions.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Francois Mori)</span></span></figcaption></figure><p>Emmanuel Macron a été réélu président en récoltant <a href="https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/presidentielle-2022/index.html">58,55 % des suffrages</a>, avec un écart de 17 % sur sa rivale Marine Le Pen du Rassemblement national (RN).</p>
<p>C’est un résultat moins serré que ce que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_sondages_sur_l%27%C3%A9lection_pr%C3%A9sidentielle_fran%C3%A7aise_de_2022">laissaient entrevoir les sondages</a>. En termes de pourcentage du vote exprimé, l’appui à Macron est <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/vrai-ou-fake-presidentielle-emmanuel-macron-est-il-le-plus-mal-elu-des-presidents-de-la-ve-republique-comme-l-affirme-jean-luc-melenchon_5101528.html">parmi les résultats les plus élevés depuis 1965</a>.</p>
<p>En revanche, en pourcentage des électeurs inscrits, le résultat de Macron est seulement à <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284916-resultats-de-la-presidentielle-2022-emmanuel-macron-est-reelu">38,52 %</a>, ce qui est faible pour une présidentielle française. Ce résultat n’est pas une surprise. Les politiques de Macron, de la gestion de la crise des « Gilets jaunes » à celle de la Covid-19, ont accentué l’<a href="https://fr.statista.com/statistiques/729013/avis-des-francais-sur-emmanuel-macron/">impopularité</a> du président en exercice, surtout auprès des classes ouvrières. C’est donc <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/1er-tour-abstentionnistes-sociologie-electorat">chez les soixante ans et plus et les cadres supérieurs</a> qu’il a reçu un appui le plus net, aux deux tours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Emmanuel Macron le bras levé" src="https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459884/original/file-20220426-22-hlzvbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président français, Emmanuel Macron, salue ses partisans à Paris, France, au soir de l’élection présidentielle, le 24 avril 2022. Ses politiques, de la gestion de la crise des « Gilets jaunes » à celle de la Covid-19, ont accentué l’impopularité du président en exercice, surtout auprès des classes ouvrières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Christophe Ena)</span></span>
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</figure>
<p>Le RN a quant à lui récolté 41,45 % du suffrage exprimé. C’est son meilleur résultat aux présidentielles. La formation avait récolté 20 % contre Jacques Chirac en 2002 et 33 % contre Macron en 2017. Au deuxième tour, Le Pen a bénéficié sans surprise de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/second-tour-profil-des-abstentionnistes-et-sociologie-des-electorats">l’appui de 73 % de l’électorat qui a voté Zemmour au premier tour</a>. Elle a aussi profité de l’appui de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/second-tour-profil-des-abstentionnistes-et-sociologie-des-electorats">près d’un électeur sur cinq qui avait voté pour La France Insoumise au premier tour</a>.</p>
<p>Une partie du vote RN semble être un vote « sanction » contre la <a href="https://www.opendemocracy.net/en/france-presidential-election-le-pen-macron-melenchon/?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1649849970">politique de droite du président</a>. Il n’est donc pas facile de démêler ce qui relève du vote en faveur du RN d’une part, de ce qui relève du vote anti-Macron, anti-élites et antisystème de l’autre.</p>
<p>Le deuxième tour a enfin été marqué par l’abstention de près de 28,2 % des électeurs, dans un contexte de droitisation des débats. Ce taux est en croissance depuis <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-l-abstention-au-second-tour-avoisinera-les-28-soit-2-6-points-de-plus-qu-en-2017-selon-notre-estimation-ipsos-sopra-steria_5096371.html">2007</a>, mais ce n’est pas le plus élevé que la France ait connu. Les plus jeunes, en particulier, ont tourné le dos aux deux partis sortis vainqueurs du premier tour. Comme le <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/grand-entretien-presidentielle-2022-comment-interpreter-le-resultat-de-marine-le-pen-entre-banalisation-et-plafond-de-verre_5099893.html">souligne l’historien Nicolas Lebourg</a>, cet abstentionnisme peut induire une présentation « déformée » de la société française, alors que les enquêtes d’opinion font état d’une France globalement plus tolérante sur un ensemble de questions sociales.</p>
<p>En tant que chercheurs en sociologie politique, dont nous analysons les dynamiques au Canada et en Europe de l’Ouest, nous croyons essentiel de saisir les polarisations actuelles dans leur dimension politique, idéologique et sociohistorique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme passe devant des affiches de Jean-Luc Mélenchon" src="https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459885/original/file-20220426-14-a74ibi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une femme passe devant des affiches du leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon avant un meeting de La France Insoumise à Hendaye, dans le sud-ouest de la France, le 30 mars 2022. Le Pen a profité de l’appui de près d’un électeur sur cinq qui avait voté pour La France Insoumise au premier tour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Bob Edme)</span></span>
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</figure>
<h2>« Droitisation » et enracinement de l’extrême droite</h2>
<p>L’extrême droite de l’échiquier politique réussit désormais à aller chercher des voix depuis <a href="https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/presidentielle-2022/006/976/index.html">Mayotte</a> jusqu’au XVI<sup>e</sup> arrondissement de Paris, où Reconquête et le RN y cumulaient déjà <a href="https://www.leparisien.fr/paris-75/presidentielle-a-paris-dans-le-xvie-voter-le-pen-nest-pas-chic-alors-on-y-vote-maintenant-zemmour-11-04-2022-ZA562IQKXRHVPFHASYFS7RNJI4.php">23,28 %</a> des suffrages, un score plus élevé que dans le reste de la capitale.</p>
<p>Les formations de Le Pen et Zemmour ont ainsi ratissé aussi bien auprès des « déclassés économiques » (<a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/1er-tour-abstentionnistes-sociologie-electorat">ouvriers et petits employés</a>) qu’auprès des <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/radioscopie-du-zemmourisme/">classes les plus aisées</a> de la population française.</p>
<p>Le vote d’extrême droite est bien un vote interclasses. L’élection présidentielle a confirmé la consolidation pérenne d’un électorat de droite radicale en France.</p>
<h2>La signification du vote RN</h2>
<p>Les électeurs du RN s’inscrivent dans une fracture générationnelle. Ils sont plus présents chez les 34 à 59 ans que chez les 60 ans et plus. Ces derniers sont <a href="https://www.economist.com/europe/2022/04/16/thank-the-elderly-for-keeping-europes-extremists-out-of-power">très favorables à Macron</a>, tandis que les moins de 34 ans sont plus favorables à La France Insoumise. Les 50-59 ans sont les premiers à se trouver dans ce vote RN. La génération des primovotants est celle où le taux d’abstention est le plus élevé.</p>
<p>Il est tentant de lire l’élection à travers l’opposition entre les <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/carte-resultats-presidentielle-2022-decouvrez-les-scores-du-second-tour-de-l-election-dans-votre-commune_5099896.html">centres urbains et les campagnes</a>. Cette opposition contribue à expliquer les clivages dont profite la droite populiste à plusieurs endroits. En France, par contre, l’opposition ne se vérifie pas exactement. Plus précisément, elle ne traduit pas <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/160422/vote-le-pen-sortir-d-une-lecture-binaire-entre-urbain-et-rural">l’hétérogénéité du vote rural</a>.</p>
<p>Les électeurs du RN s’inscrivent également dans une <a href="https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-second-tour-age-revenus-profession-qui-a-vote-pour-macron-ou-le-pen-24-04-2022-YBWF7LJUGBD7FI2RN7NNXTL6IY.php">fracture sociale</a>. Il canalise ainsi l’expression d’un vote de protestation. De manière symptomatique, les <a href="https://www.lepoint.fr/presidentielle/presidentielle-marine-le-pen-renverse-les-antilles-24-04-2022-2473201_3121.php">Outre-mers ont voté pour lui en 2022</a>. Cela est d’autant plus significatif que Macron y était arrivé en tête en 2017 sur un message de rupture avec la politique conventionnelle. La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ont placé la France Insoumise en tête au 1<sup>er</sup> tour, mais <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/04/24/presidentielle-2022-marine-le-pen-largement-en-tete-aux-antilles-et-en-guyane_6123517_823448.html">l’abstentionnisme au second, doublé d’un transfert de votes vers la droite, a favorisé le RN</a>.</p>
<p>Ce vote de protestation explique aussi une partie des transferts de la gauche vers la droite d’électeurs chez qui l’opposition aux élites et au système est devenue plus importante que l’axe gauche-droite. Le mouvement de protestation contre les mesures sanitaires a participé à ce <a href="https://theconversation.com/ladhesion-aux-complots-et-aux-populismes-une-question-deducation-174929">brouillage des cartes</a> qui a bénéficié aux complotistes ou aux défiants à l’égard de l’État central. Ainsi entre 2017 et 2022, plusieurs nouveaux gains du RN ont été effectués dans des régions comme le sud-est qui ont connu <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/pourquoi-la-defiance-vaccinale-est-elle-plus-forte-dans-le-sud-de-la-france/">d’importantes mobilisations contre la couverture vaccinale</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des jeunes femmes portent une pancarte et un porte-voix lors d’une manifestation" src="https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459889/original/file-20220426-22-jx81iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation contre le passe vaccinal à Bayonne, dans le sud-ouest de la France, le 14 août 2021. Le mouvement de protestation contre les mesures sanitaires a participé au brouillage des cartes électorales traditionnelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Bob Edme)</span></span>
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</figure>
<h2>Comment catégoriser le Rassemblement national ?</h2>
<p>L’enracinement du RN, au-delà de sa base historique, pose l’enjeu de qualification de ce pôle à l’extrême droite de l’échiquier politique.</p>
<p>On peut parler d’une forme de national-populisme, telle qu’elle existe dans d’autres démocraties libérales représentatives. Il faut souligner qu’elle conserve des liens (organisationnels, financiers, idéologiques) avec l’extrême droite historique.</p>
<p>Tout au long de la campagne, la lutte politique entre les partis a été accompagnée d’une lutte classificatoire pour catégoriser le RN comme formation politique.</p>
<p>En France, le <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/NoteBaroV13_GI_socialpopulisme_mars2022_V4.pdf">CEVIPOF</a> évoquait ainsi le « social populisme » de Le Pen et le « capitalisme populaire » de Zemmour. Ces catégories étaient censées rendre mieux compte du déplacement du programme politique de Le Pen vers « la gauche », car contenant davantage de mesures « sociales » ou « redistributives » qu’en 2017 et 2002.</p>
<p>S’il est vrai que la rhétorique du RN de 2022 a cherché à séduire un électorat populaire, les solutions envisagées par la formation à la crise du pouvoir d’achat restent néolibérales (baisse des impôts) et nativistes (appels contre le péril d’une « submersion migratoire »).</p>
<p>En effet, le RN affiche un programme de droite très classique sur le plan économique : soutien aux petites entreprises : baisse des taxes sur les produits énergétiques ; soutien à « la valeur travail » ; exonération d’impôt sur le revenu pour tous les moins de trente ans ; entrée précoce facilitée sur le marché du travail (dès 16 ans) ; baisse de l’impôt sur les successions ; <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/240322/le-vrai-faux-serieux-budgetaire-de-marine-le-pen">austérité budgétaire sur le plan fiscal</a>, non remise en cause de l’âge de départ à la retraite, etc.</p>
<h2>Nouvelles déclinaisons de l’extrême droite</h2>
<p>Plusieurs politologues, sociologues et historiens, de Cas Mudde et Pierre André Taguieff à <a href="https://hal.umontpellier.fr/hal-03130579">Nicolas Lebourg et Jean-Yves Camus</a>, répertorient différentes vagues d’extrême droite depuis 1945 : populismes protestataires et identitaires, droite radicale, national-populisme, etc. Ces catégories visent à rendre compte du fait que l’extrême droite s’est transformée depuis l’après-guerre, une époque où elles revendiquaient ouvertement une filiation avec les partis fascistes, qu’elles ne cachaient pas leur volonté d’en finir avec la démocratie libérale.</p>
<p>Pour décrire les formations d’extrême droite contemporaines, plusieurs trouvent plus précise la catégorie de <a href="https://voxeurop.eu/fr/cas-mudde-nous-sommes-actuellement-dans-la-quatrieme-vague-de-lextreme-droite-dapres-guerre/">droite radicale</a>, qui prône le nativisme, l’autoritarisme et le populisme.</p>
<p>Ces formations reprennent généralement le <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/31/presidentielle-2022-derriere-la-normalisation-de-marine-le-pen-un-projet-qui-reste-d-extreme-droite_6119942_6059010.html">répertoire classique de l’extrême droite</a>. Mais elles s’en démarquent en cherchant à s’intégrer dans le jeu électoral classique et en incluant à leur répertoire d’actions une défense sélective des valeurs libérales (droits des femmes, égalité et liberté, par exemple), ce que ne faisaient pas les extrêmes droites historiques. Le RN correspond bien à cette catégorie.</p>
<p>Pour ces raisons, la catégorie de droite radicale nous paraît plus précise que celle de « social-populisme » qui ne décrit pas clairement le programme économique du RN, tout en entraînant un risque de confusion avec les formations de gauche populiste latino-américaines.</p>
<h2>Le RN : une formation de droite radicale nationale-populiste</h2>
<p>Le RN s’intègre plus largement dans un national-populisme. Ce dernier cadre la vie politique en fonction de deux axes de mobilisation.</p>
<p>Sur un axe vertical, il oppose le peuple aux élites. Le projet d’une « révolution référendaire » est un classique du <em>texbook</em> populiste qui y voit une façon de plébisciter un pouvoir exécutif fort en <a href="https://theconversation.com/reviser-la-constitution-par-referendum-la-pratique-peut-elle-contredire-le-texte-181425">neutralisant les contre-pouvoirs</a>.</p>
<p>Sur un axe horizontal, il oppose les nationaux aux étrangers, en insistant sur la <a href="https://mlafrance.fr/programme">« priorité nationale »</a> pour l’accès aux droits sociaux : prestations familiales, propriété et logement. Les appels récurrents à la préservation de la « civilisation », une forme euphémisée des thèmes du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_remplacement">« grand remplacement »</a> agissent enfin comme des sifflets à chien pour capter l’électorat de Zemmour.</p>
<p>Si certains politologues estiment que le populisme a pu avoir comme effet positif de favoriser l’inclusion de voix au sein du processus démocratique dans certains pays, notre évaluation à long terme de son influence est moins optimiste. Dans sa phase actuelle, le national-populisme des droites radicales s’inscrit essentiellement dans un mouvement de dé-démocratisation et de remises en question des piliers de la démocratie libérale, des droits civils et sociaux, consolidés depuis la Seconde Guerre mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181669/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Djamila Mones est Responsable de la Recherche et du Contenu pour l'Institut d'études internationales de Montréal (IEIM).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédérick Guillaume Dufour ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le vote d’extrême droite est devenu un vote interclasses, présent en ville comme en campagne. L’élection présidentielle a confirmé la consolidation pérenne d’un électorat de droite radicale en France.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Djamila Mones, Doctorante en Sociologie | PhD Candidate in Sociology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820042022-04-27T10:21:24Z2022-04-27T10:21:24ZMacron : quelles stratégies pour ce nouveau quinquennat ?<p>En devenant, à 44 ans, le premier Président à être réélu au suffrage universel direct sans suivre une période de cohabitation, Emmanuel Macron a réussi une performance <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/1965-2017-dix-elections-presidentielles-dans-l-oeil-de-l-express_2170963.html">inédite</a> dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Ce succès cache pourtant une situation paradoxale puisqu’elle s’accompagne de la plus forte abstention au second tour d’une élection présidentielle <a href="https://www.politiquemania.com/presidentielles-1969-france.html">après Georges Pompidou en 1969</a> (31 % contre 28 % cette année) et du score le plus haut jamais obtenu par un candidat d’extrême droite à ce stade de l’élection.</p>
<p>Les célébrations et le discours qui ont suivi les résultats de ce second tour ont reflété cette situation contrastée. La fête fut courte et Emmanuel Macron n’a pas manqué de souligner les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2f-44hyGwlE">choses qu’il allait devoir changer</a> (nécessité de faire évoluer sa méthode, de prendre en compte les oppositions, de plus mettre en avant certains thèmes comme l’écologie…) alors même qu’il venait d’être élu avec le 3<sup>e</sup> meilleur score en pourcentage de la V<sup>e</sup> République (58,54 % après les 82,21 % de Jacques Chirac en 2002 et ses 66,10 % en 2017) et une performance supérieure aux <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/tous-les-sondages-de-l-election-presidentielle-2022_GN-202110220314.html">sondages de l’entre-deux tours</a>.</p>
<p>Alors que les élections législatives sont aujourd’hui largement perçues comme un <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-pour-le-3-tour-180889">3ᵉ tour</a> de la présidentielle pouvant déboucher sur une période de cohabitation (qu’aucun président nouvellement élu n’a jamais connue), les défis stratégiques apparaissent nombreux pour Emmanuel Macron.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518294914567753731"}"></div></p>
<h2>Le choix crucial du Premier ministre</h2>
<p>Les élections législatives de 2017 avaient été marquées par une abstention record (51,3 % au premier tour et 57,4 % au second tour) et par la désunion des opposants au nouveau Président. Portée par la dynamique de la victoire d’Emmanuel Macron, l’alliance entre En Marche et le MoDem avait assez largement remporté cette élection en obtenant <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Legislatives/elecresult__legislatives-2017/(path)/legislatives-2017/FE.html">350 députés sur 577 sièges</a> et le choix d’un proche d’Alain Juppé, <a href="https://www.gouvernement.fr/edouard-philippe-0">Édouard Philippe</a>, comme Premier ministre avait sans doute contribué à cette réussite.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/edouard-philippe-atout-ou-caillou-dans-la-chaussure-presidentielle-178357">Édouard Philippe, atout ou caillou dans la chaussure présidentielle ?</a>
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<p>La situation pourrait être différente cette année si le Rassemblement national décidait <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/legislatives-le-torchon-brule-entre-le-rn-et-reconquete-204250">finalement de s’entendre</a> avec le mouvement d’Éric Zemmour Reconquête ! ou si Jean-Luc Mélenchon parvenait à rassembler, sous la bannière d’une nouvelle Union populaire, l’ensemble des <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/legislatives-2022-le-mouvement-de-montebourg-souhaite-rejoindre-l-union-populaire-de-melenchon-20220425">formations de gauche</a>.</p>
<p>Le premier défi stratégique du président réélu tient donc certainement dans le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2kDvIjkTTgs">choix du nouveau premier ministre</a> et dans l’impact que cette nomination pourrait avoir sur les résultats des élections législatives du 12 et du 19 juin.</p>
<p>Après deux Premiers ministres issus des rangs de la droite (Édouard Philippe et Jean Castex), il semblerait logique, compte tenu des résultats du 1<sup>er</sup> tour et de l’annonce d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7e2G7IPDPh4">futur premier ministre en charge de la planification écologique</a>, de privilégier une personnalité plus marquée à gauche et de sensibilité écologique. Après deux hommes, l’idée d’une personnalité féminine est également <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/presidentielle-2022-emmanuel-macron-a-le-souhait-d-une-nomination-feminine-a-matignon-assure-clement-beaune-20220425">séduisante</a> et répondrait aux <a href="https://www.brut.media/fr/news/parite-en-politique-quel-est-le-bilan-d-emmanuel-macron--bc48047c-f958-437b-87fe-e95f12bb89e6">ambitions affichées en matière de parité</a>. La possibilité d’une personne venue de la société civile serait aussi sans doute une option stratégique intéressante et un signe en direction des personnes qui se sont détournées des élections ou qui <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00866466">revendiquent de nouvelles formes d’expression politique</a>.</p>
<h2>La question du leadership</h2>
<p>Deux autres éléments seront aussi à prendre en compte : la capacité de la personne nommée à mener une bataille des élections législatives qui s’annonce particulièrement virulente au regard des déclarations de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=I-d1YHVVnuU">Jean-Luc Mélenchon</a> et de la progression des votes en faveur de l’extrême droite et l’aptitude à s’entendre avec le président de la République. Ce dernier aspect renvoie à la question du leadership et à l’équilibre des pouvoirs entre le président et le Premier ministre. À ce stade, Emmanuel Macron donne l’impression de vouloir privilégier un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S142025301630084X">leadership plus transformationnel</a>, misant davantage sur la confiance aux autres et la capacité à convaincre, et moins <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-de-la-strategie-3e-ed--9782100791651-page-150.htm">narcissique</a> et jupitérien, comme cela lui a souvent été reproché. Cette volonté apparente pourrait aussi peser dans son choix.</p>
<p>Mais si l’entente et la complicité entre les deux têtes de l’exécutif sont des <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/francois-bayrou-sur-le-futur-gouvernement-il-faut-une-profonde-complicite-entre-les-deux-figures-de-l-executif-20220425">éléments importants</a>, la situation qui débute sera aussi particulière dans la mesure où Emmanuel Macron ne pourra cette fois pas se succéder à lui-même après deux mandats successifs. Les choix des personnes qui décideront de travailler avec lui, comme les projets des alliances qui vont se forger, seront forcément marqués par les <a href="http://www.slate.fr/story/221478/edouard-philippe-temps-long-vie-politique-centralite-horizons-droite-republicains">ambitions</a> que fait déjà naître la perspective de l’élection présidentielle de 2027. Les stratégies personnelles risquent de s’entrechoquer et sa capacité à contrôler le pouvoir et les rapports de force des uns et des autres sera un élément clef à mesure que la fin de son quinquennat se rapprochera.</p>
<h2>La question des alliances</h2>
<p>En matière d’alliances, les stratégies de <a href="https://public.summaries.com/files/8-page-summary/co-opetition.pdf">coopétition</a> (terme qui désigne la coopération entre compétiteurs) qu’Emmanuel Macron tentera de mettre en place risquent également d’être affectées par cette échéance et il est vraisemblable que la concurrence prenne rapidement le pas sur la coopération et la collaboration.</p>
<p>Les résultats de cette élection présidentielle ont semblé acter la fin du clivage droite/gauche qui avait structuré, jusqu’en 2017, la V<sup>e</sup> République. Cette bipolarisation historique a laissé place à un échiquier politique français composé de <a href="https://twitter.com/JLMelenchon/status/1517214843014680576">trois blocs</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reelection-demmanuel-macron-une-victoire-en-trompe-loeil-181841">La réélection d’Emmanuel Macron : une victoire en trompe-l’œil</a>
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<p>Dans ce nouveau paysage, le mouvement présidentiel représente un centre élargi. La capacité d’Emmanuel Macron à rassembler, pour les législatives et au cours des cinq années qui viennent, les anciens membres du Parti socialiste et de l’UMP tentés par le <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/le-mondialisme-contre-la-nation-et-si-marine-le-pen-se-trompait-de-critere-pour-2022-christophe-boutin">rassemblement des patriotes de tous bords souhaité par Marine Le Pen</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/marine-le-pen/presidentielle-eric-zemmour-est-credible-dans-cette-histoire-d-union-des-droites-selon-un-expert-de-la-fondation-jean-jaures_4926879.html">l’Union des Droites défendue par Éric Zemmour</a> ou la <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/legislatives/au-lendemain-de-la-presidentielle-a-gauche-une-difficile-alliance-avant-les-legislatives-7366756c-c491-11ec-9bac-e092504fc1fc">nouvelle Union populaire préconisée par La France Insoumise</a>, sera cruciale s’il souhaite mener à bien ses projets.</p>
<h2>Le « en même temps » macronien symbole d’un monde paradoxal ?</h2>
<p>Finalement, le défi le plus difficile à relever pour Emmanuel Macron dans la période qui s’ouvre concernera peut-être la pérennité de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220402-pr%C3%A9sidentielle-emmanuel-macron-renoue-avec-le-en-m%C3%AAme-temps-lors-de-son-grand-meeting">sa doctrine du « en même temps »</a>. Celle-ci revendique la prise en compte de la complexité du monde qui nous entoure pour justifier des actions et des projets en apparence opposés.</p>
<p>Cette approche fait notamment écho à la <a href="https://www.researchgate.net/publication/274709284_Toward_A_Theory_of_Paradox_A_Dynamic_Equilibrium_Model_of_Organizing">théorie des paradoxes</a> de plus en plus utilisée aujourd’hui en sciences de gestion pour comprendre et pour résoudre les tensions nées des injonctions contradictoires et des situations paradoxales auxquelles font face les organisations.</p>
<p>À un moment où les principaux opposants d’Emmanuel Macron lui reprochent le <a href="https://www.linfodurable.fr/ecologie-la-radicalite-programmee-de-hulot-face-au-gradualisme-de-macron-28438">manque de radicalité de ses décisions</a>, il s’agit d’abord de savoir si une telle stratégie peut lui permettre de rassembler et d’obtenir une majorité pour gouverner après les législatives de juin prochain. Surtout, cette approche peut-elle répondre efficacement à des problèmes aussi profonds que la force des flux migratoires, les difficultés de pouvoir d’achat ou les enjeux environnementaux ?</p>
<p>Au-delà des actions nécessaires pour réconcilier ruraux et citadins, mondialistes et nationaux, riches et pauvres, la stratégie préconisée par Emmanuel Macron en matière environnementale, et axée à la fois sur une croissance économique forte et sur la préservation de la planète, pourrait bien se heurter <a href="https://www.goodreads.com/book/show/705418.The_Limits_to_Growth">aux limites de sa méthode du « en même temps »</a>. Voilà sans doute le plus gros défi stratégique auquel fait face Emmanuel Macron s’il veut faire de son second quinquennat une réussite reconnue et incontestable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182004/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’aube de son nouveau quinquennat Emmanuel Macron fait face à de nombreux défis stratégiques. Ces enjeux le feront-il changer de méthode ?Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1756672022-04-27T10:21:09Z2022-04-27T10:21:09ZLes syndicats sauront-ils peser dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron ?<p>Le second quinquennat d’Emmanuel Macron a été entériné par un constat – la sanction d’un électorat séduit entre autre par les promesses de réformes sociales de Marine Le Pen – et un <a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/presidentielle-emmanuel-macron-et-sa-promesse-de-nouvelle-methode-a-lepreuve-du-pouvoir-1402614">engagement</a>, l’annonce d’un changement.</p>
<p>Celui-ci tiendra-t-il compte du <a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/quinquennat-2017-2022-le-bilan-contrarie-demmanuel-macron-1391326">bilan de son premier quinquennat</a>, tout particulièrement sur la question du dialogue social, <a href="https://www.liberation.fr/economie/social/macron-reelu-avec-les-syndicats-un-dialogue-social-mal-parti-20220425_RHRDSGEP4FEXZCBH36O2KG66GQ/">point d’achoppement</a> entre l’exécutif et les syndicats ?</p>
<p>L’ambition d’Emmanuel Macron de « simplifier les relations sociales et la vie interne des entreprises » en leur donnant plus de « flexibilité et de sécurisation » a été accueillie <a href="https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-ordonnances-travail">avec beaucoup de critiques</a> notamment par les <a href="https://www.cgt.fr/comm-de-presse/ordonnances-macron-ce-recul-catastrophique-de-la-democratie-sociale-ne-peut-plus-durer">dirigeants syndicaux</a>.</p>
<p>Ces derniers lui ont reproché un <a href="https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/dialogue-social/ordonnances-macron-bilan-dun-dialogue-social-degrade">dialogue social dégradé</a>, désordonné, affaibli, ne satisfaisant ni les directions, ni les représentants du personnel. Ils pointent un important recul de la <a href="https://www.fr.fnac.ch/a16478293/Stephanie-Matteudi-Les-Syndicats-peuvent-ils-mourir">démocratie sociale</a> et des « ordonnances travail » très discutables.</p>
<p>Le 26 avril 2022, le dirigeant syndical Laurent Berger (CFDT) liste ainsi dans une tribune publiée dans Le Monde <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/26/laurent-berger-monsieur-le-president-vous-ne-pourrez-pas-relever-ces-defis-tout-seul_6123731_3232.html">l’ensemble des défis à venir</a> lui demandant de convoquer « un grand rendez-vous social ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-y-a-cinq-ans-les-ordonnances-macron-instauraient-un-droit-du-travail-moins-favorable-aux-salaries-181287">Il y a cinq ans, les ordonnances Macron instauraient un droit du travail moins favorable aux salariés</a>
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<h2>Une simplification du dialogue social</h2>
<p>Si, durant son premier mandat, Emmanuel Macron n’a jamais caché son refus de développer le dialogue avec les organisations syndicales, il faut souligner que la méthode du premier quinquennat – par ailleurs entâchée par différentes crises sociales de taille, crise des « gilets jaunes », mouvement massif contre la réforme des retraites avec la grève la plus longue que la SNCF n’ait jamais connue, crise sanitaire – a été celle d’une plus grande <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/pour-suite/emmanuel-macron-et-les-syndicats-la-grande-mesentente">libéralisation du dialogue social</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron et son gouvernement ont réduit le dialogue social au seul niveau de l’entreprise en créant des mécanismes institutionnels incitant à moins de syndicalisation et à plus de représentation interne unique des salariés grâce au développement du référendum d’entreprise et au nouveau dispositif du conseil d’entreprise, fusion des instances représentatives et de l’exercice de la négociation collective réduisant sensiblement le pouvoir syndical. Il n’existe actuellement que <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/rapport_sur_le_conseil_dentreprise._dispositif_et_pratiques_sociales._christian_thuderoz.pdf">90 conseils d’entreprise en France</a> contre 90.000 Comités Sociaux et Économiques. Emmanuel Macron a déjà prévenu qu’il souhaitait porter davantage le Conseil d’Entreprise lors de son prochain quinquennat.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a travaillé à la <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/negociation-collective/article/la-restructuration-des-branches-professionnelles">fusion des branches professionnelles</a> pour tenter de calquer le modèle allemand qui possède 100 branches contre 217 en France, réduisant ainsi le nombre d’interlocuteurs.</p>
<p>Depuis 2015 et la loi Rebsamen incitant à fusionner les représentatives du personnel (délégués du personnel, Comité d’entreprise et
Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail), les <a href="https://www.lesechos.fr/2017/05/le-grand-retour-de-la-fusion-des-instances-representatives-171366">organisations patronales</a> avaient réclamé l’obligation de les fusionner en un seul Comité social et économique. Ce modèle, supprimant le CHSCT, accélérait la simplification et l’efficacité pour faire passer les projets d’entreprise et répondre aux différentes obligations légales.</p>
<p>Ce format où l’implication des organisations syndicales est de plus en plus réduite peut-il perdurer ?</p>
<h2>Des corps intermédiaires importants</h2>
<p>Les partenaires sociaux (syndicats, branches professionnelles, associations) aussi nommés <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/24103-quoi-servent-les-corps-intermediaires">« corps intermédiaires »</a> sont là pour porter un véritable poids politique, notamment en négociant des Accords Nationaux Interprofessionnels (sur la santé et le télétravail pour les plus récents), mais aussi dans la gestion des organismes paritaires (formation, retraite), et surtout, au quotidien, au sein des entreprises en négociant 100,000 accords collectifs annuels qui améliorent la vie d’un nombre important de salariés.</p>
<p>Les derniers résultats de la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/les-portraits-statistiques-de-branches-professionnelles">représentativité dans les branches professionnelles</a> montrent que le score des trois organisations syndicales les plus réformistes CFDT, CFTC et UNSA dépassent les 30 % dans 75 % des branches ; si l’on ajoute le score obtenu par la CFE-CGC, le seuil des 50 % est atteint, la capacité de signer par des organisations syndicales <a href="https://www.clesdusocial.com/la-representativite-syndicale-par-branche-en-2021">aptes au compromis</a> est alors acquise dans la majeure parties des branches. Cela signifie-t-il que le syndicalisme en France veut se montrer plus raisonnable ? Les organisations syndicales auraient-elles pris conscience qu’aborder les enjeux de demain liés aux transformations de l’emploi et à la transition écologique pourraient passer par un travail en commun sans rester arc bouter sur une culture exclusive de la confrontation ?</p>
<h2>Un bilan social très critiqué</h2>
<p>Plusieurs <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/ressources-humaines/0700758468427-cse-quel-bilan-quatre-ans-apres-la-fusion-ce-chsct-et-dp-346749.php">articles</a> et <a href="https://sudsolidairesroute.com/2022/02/01/bilan-de-la-reforme-des-cse-alerte-sur-lepuisement-et-le-decouragement-des-elus/">rapports</a> ont montré que ces fusions n’ont pas porté leur fruit et ont manqué singulièrement d’innovation, sans les effets vertueux promis sur la transformation sociale <a href="https://www.aefinfo.fr/assets/medias/documents/4/8/483220.pdf">au sein des entreprises</a>.</p>
<p>Plusieurs acteurs ont regretté un échec et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/17/ordonnances-macron-sur-le-dialogue-social-la-revolution-culturelle-n-a-pas-eu-lieu_6106426_823448.html">« un appauvrissement »</a> du dialogue social, constatant un manque de volonté dans la pratique des relations sociales engendrant la tentation à la conflictualité directe.</p>
<p>La méconnaissance des règles de droit social, la politisation ou l'élargissement du conflit local en conflit national ou une <a href="https://www.fo44.org/2021/01/annulation-du-pse-par-manitou-group.html">judiciarisation directe pour faire annuler les Plan de Sauvegarde de l’Emploi</a> sont de plus en plus utilisés pour créer un rapport de force.</p>
<p>De même, au sein des petites entreprises où l’on pousse de moins en moins à la syndicalisation en ouvrant à d’autre acteurs, le champs de la négociation (salariés par la voie du référendum, salariés mandatés, représentants du personnel) et sans critiquer outre mesure ces nouveaux procédés de négociation qui permettent une régulation sociale au sein des petites et moyennes entreprises, on peut s’interroger sur les effets à venir de la <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-syndicats-peuvent-ils-mourir--9782493270160">stagnation de la syndicalisation</a> dans la défense des règles du droit du travail par des acteurs peu armés pour affronter les sujets à forts enjeux pour les salariés tels que la retraite, les mobilités, les transformations de l’emploi, l’actionnariat salarié etc.</p>
<h2>Le risque de désenchanter le dialogue social</h2>
<p>Placer le curseur de la régulation sociale principalement au niveau de l’entreprise et ouvrir la voie à d’autres acteurs pourrait davantage affaiblir les organisations syndicales. Cela risquerait aussi de désenchanter le dialogue social et d’augmenter l’insatisfaction des salariés eu égard à leurs représentants avec les conséquences que cela pourraient engendrer, celles d’une expression directe, désorganisée et potentiellement incontrôlable.</p>
<p>N’oublions pas, que pendant la crise Covid et malgré un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">taux de syndicalisation</a> toujours aussi faible (10,3 % en France contre 23 % en moyenne en Europe) les syndicats et les représentants du personnel ont montré qu’ils pouvaient être présents, efficaces et légitimes pour négocier des <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/04/08/pendant-le-covid-19-le-dialogue-social-continue_6035933_1698637.html">sujets à risques pour leur électorat</a>, comme les dispositions sur les congés payés réduits ou des accords d’activité partielle de longue durée.</p>
<p>Les organisations syndicales peuvent-elles demain se réinventer et peser sur le second quinquennat ? Emmanuel Macron parviendra-t-il à offrir de réelles opportunités pour valoriser et favoriser le syndicalisme en proposant de nouvelles règles du jeu ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175667/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Matteudi-Lecocq ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les annonces d’Emmanuel Macron au sortir du second tour incluront-elles un changement dans sa politique de dialogue social et pour l’avenir des syndicats ?Stéphanie Matteudi-Lecocq, Enseignante. Chercheuse au LEREDS, Directrice practice Chez Alixio, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816552022-04-26T19:47:45Z2022-04-26T19:47:45ZAbstention, vote blanc : le vote obligatoire pourrait modifier la perception de devoir civique<p>Avec un taux de participation de 63,23 % pour le second tour de l’élection présidentielle (à 17h), en baisse de près de 2 points par rapport au premier tour et aux scrutins précédents, la question de l’abstention a été au cœur de l’attention médiatique. En effet, les chiffres de la participation électorale demeurent bien d’ordinaires plus élevés pour les présidentielles que pour les autres scrutins. À titre d’exemple, en <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20191029IPR65301/chiffres-definitifs-sur-le-taux-de-participation-aux-elections-europeennes-2019">2019, aux élections européennes</a>, 50,7 % des inscrits avaient voté, et ce chiffre est même descendu à 33,4 % au premier tour des <a href="https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/taux-de-participation-au-1er-tour-des-elections-regionales">élections régionales de 2021</a>.</p>
<p>Le retrait du processus électoral d’un grand nombre d’électeurs observé actuellement en France, comme dans de nombreuses autres démocraties, mène à la question suivante : pourquoi certains citoyens votent-ils aux élections, alors que d’autres s’abstiennent ? Les chercheurs en sciences politiques et sociales se sont penchés sur cette question depuis plusieurs années, et <a href="https://www.puf.com/content/Extinction_de_vote">ils ont identifié plusieurs facteurs</a> qui peuvent expliquer la participation électorale des citoyens.</p>
<p>L’un des facteurs qui ressort de ces études est la conception du vote en tant que devoir civique (le « sense of civic duty » dans la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11109-018-9459-3">littérature anglo-saxonne</a>. <a href="https://doi.org/10.1016/j.electstud.2012.12.006">La recherche</a> a montré, par exemple, que la probabilité de voter augmentait 19 points de pourcentage lors de l’élection présidentielle américaine de 2008 quand un individu voit le vote comme un devoir civique plutôt qu’un choix personnel.</p>
<p>Dans cette perspective, le problème de l’abstention en France est possiblement lié au fait qu’un grand nombre des citoyens français ne pensent pas que le vote représente un devoir civique. Ainsi 36 % des individus interrogés dans le cadre de la dernière étude <a href="https://dataverse.harvard.edu/dataset.xhtml?persistentId=doi:10.7910/DVN/3V4IYV">« Making electoral democracy work »</a> (MEDW) en France (en 2014) ont déclaré que, selon eux, le vote n’est pas un devoir civique. Les faibles niveaux de devoir civique sont particulièrement prononcés parmi les nouvelles générations de citoyens, qui constitueront la majorité de la population éligible à voter dans l’avenir (voir la figure 1 ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458880/original/file-20220420-17-vpsw8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1. Répartition du devoir civique de voter en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données de l’étude française du « Making electoral democracy work » de 2014</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Face à de tels niveaux de perception du vote comme devoir civique, l’une des questions qui peuvent se poser est de savoir si certaines actions ou réformes pourraient modifier la donne.</p>
<h2>Une condamnation morale, financière ou administrative</h2>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1017/S0008423920000669">travaux antérieurs</a> discutent notamment le rôle de la socialisation politique ou encore des programmes d’éducation civique, mais une réforme semble en particulier avoir un fort potentiel pour accroître la perception du vote comme un devoir civique : la mise en place du vote obligatoire, tel qu’il est pratiqué, par exemple, en <a href="https://www.idea.int/data-tools/data/voter-turnout/compulsory-voting">Belgique ou encore au Brésil</a>. Dans ces pays, l’abstention est moralement condamné par l’État, ce qui peut être accompagné des sanctions de nature financière (le payement d’une amende) ou même administrative (comme <a href="https://doi.org/10.1111/2041-9066.12058">l’impossibilité temporaire de l’obtention d’un passeport par les abstentionnistes au Brésil</a>).</p>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.1089/elj.2018.0539">article publié dans le <em>Electoral Law Journal</em>, en 2020</a>, Fernando Feitosa, André Blais et Ruth Dassonneville montrent que le vote obligatoire peut être un mécanisme d’incitation et de renforcement de l’idée que le vote est un devoir civique. Les auteurs le font en analysant <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/12/21/97001-20111221FILWWW00242-au-chili-le-vote-n-est-plus-obligatoire.php">l’abolition du vote obligatoire</a> au Chili, en 2012, et en explorant dans quelle mesure la perception du vote comme un devoir civique s’est détérioré après l’abandon de l’obligation de voter dans le pays.</p>
<p>Avec cette approche méthodologique, les auteurs constatent que le devoir civique a diminué de 10 points de pourcentage, en moyenne, après la mise en œuvre de cette importante réforme électorale, résultat également observé lorsque les auteurs examinent les données de l’<a href="https://issp.org/data-download/archive/">International Social Survey Program (ISSP)</a>.</p>
<p>Pourquoi le vote obligatoire est-il positivement associé au devoir civique ? La logique est simple. En plus – et peut-être de manière plus importante que – de simplement remplir une fonction instrumentale, les lois représentent un mécanisme par lequel les États créent ou renforcent les normes sociales. Autrement dit, en définissant une action donnée comme « légale » ou « illégale », l’État signale à la population qu’une telle action est « bonne » ou « mauvaise » sur le plan moral, affectant la perception du public sur la façon dont un « bon » citoyen doit se comporter. De ce point de vue, en établissant que le vote est obligatoire, l’État signale qu’un « bon » citoyen vote, et, en revanche, qu’un « mauvais » citoyen s’abstient lors des élections, association qui favorise la perception du votre comme devoir civique de voter chez les citoyens.</p>
<h2>Les conséquences négatives du vote obligatoire</h2>
<p>L’étude de Feitosa, Blais et Dassonneville le montre, le vote obligatoire peut avoir une influence significative sur la perception du vote comme devoir civique, et par là sur la participation électorale.</p>
<p>Cependant, d’autres travaux montrent également que le vote obligatoire peut avoir des conséquences moins positives. <a href="https://doi.org/10.1017/S0007123416000041">Diverses analyses</a> ont montré, par exemple, qu’en forçant les citoyens à voter, l’État peut rendre les gens plus insatisfaits par rapport à la politique. De plus, des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11109-018-9448-6">études</a> ont montré que le vote obligatoire peut même réduire le lien entre les préférences politiques des individus et leur choix électoral, et, par cela, la représentation des certains groupes des citoyens à la politique.</p>
<p>En d’autres termes, il serait naïf de croire que le vote obligatoire constituerait la solution miracle à toutes les difficultés de la participation électorale en France, ou ailleurs.</p>
<p>Malgré cela, il est important de souligner que ce mécanisme peut avoir des vertus en période de hausse de l’abstention. Son avantage principal n’est pas de forcer les électeurs à voter mais plutôt de modifier la perception que les citoyens ont de l’acte de voter. Rendre le vote obligatoire peut contribuer à diffuser une norme sociale selon laquelle voter est un devoir citoyen, et par là à revaloriser la participation politique au sens large. En ce sens, le vote obligatoire montre comment les institutions peuvent contribuer à façonner le rapport des citoyens à la politique, un aspect souvent négligé dans les débats médiatiques, politiques et sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Imposer le vote aux citoyens ne va pas forcément renforcer leur participation au scrutin électoral. Explications.Jean-Benoit Pilet, Professeur de Science Politique, Université Libre de Bruxelles (ULB)Fernando Feitosa, Postdoctoral fellow, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1819152022-04-25T21:28:19Z2022-04-25T21:28:19ZUne France en demi-teinte, fracturée dans ses territoires et sa société<p>Étrange climat au soir de ce deuxième tour de l’élection présidentielle française : nulle explosion de ferveur, de joie collective, d’enthousiasme ni de violente colère. Comme un profond et grave soupir de soulagement poussé par une large majorité, juste contrebalancé par la déception des vaincus qui ne perdent pourtant pas l’espoir d’une prochaine revanche.</p>
<p>La France a eu peur. La France s’est fait peur. Le <a href="https://www.nouvelobs.com/election-presidentielle-2022/20220424.OBS57590/emmanuel-macron-reelu-president-une-campagne-eclair-sur-fond-de-front-republicain-fissure.html">front républicain</a> a beau avoir vécu : il reste de nombreux républicains résolus à faire barrage qui ont rejoint le camp d’Emmanuel Macron, l’aidant à remporter une belle victoire, nette et sans appel avec 18 779 641 suffrages. 17 points d’écart séparent les deux candidats, le président sortant emportant 5 482 000 voix de plus que son adversaire.</p>
<p>Dans un pays profondément fracturé, les clivages n’ont pas empêché les reports de jouer leur rôle de rééquilibrage : Emmanuel Macron recueille 8 994 063 de suffrages de plus qu’au premier tour (soit une progression de 92 %), Marine Le Pen, 5 161 391(+63,44 %). Certes, le président sortant n’atteint pas les 139 % de progression de 2017 ; mais on relèvera qu’à cette date, Marine Le Pen n’avait amélioré son score du premier tour que de 34,55 %.</p>
<h2>Moderato cantabile</h2>
<p>D’où provient alors ce paysage en demi-teinte qui se dessine aujourd’hui ? Le président réélu a lui-même modestement choisi le ton de la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/lrem/allocution-d-emmanuel-macron-avec-humilite-mais-pas-trop_2147979.html">modération</a> et assuré le service minimum dans son allocution au champ de Mars : un étonnamment bref <a href="https://www.letelegramme.fr/elections/presidentielle/discours-de-macron-l-allocution-a-suivre-ici-en-video-24-04-2022-12999921.php">discours</a> de remerciements à ses soutiens et à ses électeurs, une réaffirmation de sa volonté de représenter tous les Français. Et une confirmation de sa volonté de changement de méthode : « Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève… ».</p>
<p>C’est que ce scrutin, pour historique qu’il soit, n’a pas dissipé les brumes dans lesquelles notre pays est plongé. D’abord, il faut rappeler que pour la troisième fois en 20 ans, l’élection a été acquise contre une candidature d’extrême droite – à la différence de 1981 et 2012, où le sortant avait été battu par un adversaire inscrit dans les valeurs et la tradition républicaines.</p>
<p>Le choix, pour nombre d’électeurs n’était donc pas seulement entre deux projets politiques, mais entre <a href="https://www.lindependant.fr/2022/04/24/presidentielle-2022-macron-et-le-pen-deux-visions-de-la-france-10255522.php">deux visions de la République</a>. Ce qui introduit un biais dans la lecture du résultat et devrait inciter à la prudence quant aux comparaisons hâtives.</p>
<h2>Abstention et défiance</h2>
<p>Ce choix contraint en forme de refus vient grossir le phénomène de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220425-forte-abstention-%C3%A0-la-pr%C3%A9sidentielle-le-front-r%C3%A9publicain-n-a-plus-la-m%C3%AAme-puissance">l’abstentionnisme</a> : avec 28 %, son taux augmente de 3 points par rapport au second tour de 2017, et atteint presque le niveau du premier tour de 2002 (28,40 %). Sans toutefois égaler le record de 1969, où il avait été de 31,15 % pour le second tour opposant George Pompidou à Alain Poher. Contrairement, en effet, à ce qu’affirme Jean-Luc Mélenchon, « le plus mal élu des présidents de la République » n’est pas Emmanuel Macron, mais Georges Pompidou qui n’avait obtenu que 37,51 % des inscrits.</p>
<p>Outre son caractère récurrent depuis 20 ans, cette baisse tendancielle de la participation ne pouvait que se confirmer dans une France où l’écrasante majorité des électeurs déclarait depuis cinq ans qu’elle ne voulait plus d’un duel Macron/Le Pen et qui a dû aller boire de nouveau à cette fontaine.</p>
<p>Le rapprochement avec 1969 est d’ailleurs intéressant de ce point de vue : le deuxième tour se déroulait sans candidat de gauche et sous le signe du « bonnet blanc et blanc bonnet » proclamé alors par les communistes.</p>
<p>Autre symptôme de cette sorte de malaise face au vote : la formidable progression des votes blancs et nuls qui augmentent de plus de 286 % entre les deux tours, s’élevant à plus de 3 millions. Et qui viennent s’ajouter en soustraction des exprimés aux 831 974 abstentionnistes supplémentaires.</p>
<h2>L’expansion de l’archipel d’extrême droite</h2>
<p>Concomitant de la relative désaffection des urnes, et venant corroborer la défiance vis-à-vis de la représentation politique, il y a la <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Politique/L-extreme-droite-en-France-une-progression-constante-depuis-1953-1801337">progression régulière de l’extrême droite</a>. De 17,90 % au premier tour de la présidentielle de 2012, elle passe avec la seule Marine Le Pen à 21,30 % en 2017 avant d’atteindre 33,90 % avec le renfort d’Éric Zemmour ; on passe ainsi la barre remarquable des 30 % au premier tour, et Marine Le Pen finit à 41,46 % au second. On assiste donc à une ascension en forme d’enracinement, confirmée par un irrésistible grignotage du territoire profond.</p>
<p>La cartographie du second tour de l’élection présidentielle confirme l’érosion de territoires auparavant dévolus aux vieux partis de gouvernement. Dans 21 départements continentaux, Marine Le Pen franchit la barre des 50 % : elle consolide ses bastions dans le nord de la France, s’adjugeant le Pas-de-Calais et les trois départements de l’ancienne Picardie (avec un record au-delà de 59 % dans l’Aisne) ; dans l’Est rural également, elle confirme ses points forts (en Haute-Marne et en Haute Saône, par exemple) ; même réussite dans le Sud-Est et le pourtour méditerranéen. On la voit même circonvenir des départements du Sud-Ouest jusque-là rebelle au FN, comme le Tarn-et-Garonne ou le Lot-et-Garonne.</p>
<p>Vu des régions, l’enracinement se confirme : Marine Le Pen est en tête dans toutes les régions d’Outre-mer et en Corse (avec un record en Guadeloupe où elle devance Emmanuel Macron de 39 points !). Elle l’emporte également dans deux régions continentales : Hauts-de-France, où elle devance Emmanuel Macron de 4,5 points, et PACA (+1point). Si le président sortant l’emporte très nettement en Ile-de-France (+47 points) et en Bretagne (+33), l’écart devient plus mince en Bourgogne-Franche-Comté (+5,5), dans le Grand Est (+7) ou en Occitanie (+8).</p>
<h2>Et maintenant…</h2>
<p>Tout dans ce résultat laisse à penser que la fracture territoriale et sociale reste entière, et ne laisse guère planer d’illusion sur la possibilité d’un état de grâce pour le président réélu. D’autant qu’à écouter les oppositions, nous sommes entrés dans une nouvelle phase, « l’entre-trois tours ». Voici que des deux côtés du bloc central, on trouve désormais des mérites au respect de la constitution de la V<sup>e</sup> République : on semble découvrir que le texte permet le fonctionnement d’un vrai régime parlementaire, où le gouvernement gouverne sous le contrôle du Parlement : étrange et tardive conversion à un fait juridique qu’il y a 20 ans, nous avions analysé à un moment crucial, dans le livre <em>Voter cohabitation ? La fin de la monarchie républicaine</em>.</p>
<p>Car, sous l’épaisse couche de vernis qu’on a superposée au dispositif initial, notre régime politique est un régime parlementaire rationalisé tempéré par un président de la République doté de puissants moyens d’arbitrage. Et voilà donc que l’on se prend à rêver d’une <a href="https://www.nicematin.com/politique/apres-la-reelection-demmanuel-macron-une-cohabitation-est-elle-possible-762549">cohabitation</a>, tant décriée naguère, qui permettrait de juguler la toute-puissance présidentielle. Faute de proportionnelle, et compte tenu de la force maintenue des vieux appareils politiques dans les circonscriptions, il va falloir constituer des blocs solides pour pouvoir s’imposer sur l’ensemble du territoire, en surmontant la logique réductrice du scrutin majoritaire.</p>
<p><a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/legislatives-jean-luc-melenchon-pose-ses-conditions-au-reste-de-la-gauche-1402837">Jean-Luc Mélenchon</a> s’est déjà clairement engagé dans cet exercice, tandis que Marine Le Pen compte bien constituer à l’Assemblée nationale une force d’opposition à la mesure de son résultat du 24 avril. Dans les deux cas, cela va nécessiter des alliances parfois improbables et une surmobilisation de l’électorat, tant le mode de scrutin en vigueur, bipolaire par nature, s’accommode mal d’un jeu à trois.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, les deux prétendants malheureux devront compter avec le délai dont dispose Emmanuel Macron, d’ici les législatives, pour tracer les contours d’une pratique présidentielle élargie, seule susceptible de court-circuiter les tentatives de ses opposants. Là aussi, le chemin est étroit… et le moment est venu de se remémorer la belle phrase de Lessing : « La victoire est un résultat, ce n’est pas une preuve. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181915/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La victoire d’Emmanuel Macron montre aussi un pays divisé et sans élan. Avec de nombreux défis à relever pour le président réélu.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1783572022-04-25T21:28:14Z2022-04-25T21:28:14ZÉdouard Philippe, atout ou caillou dans la chaussure présidentielle ?<p>La ré-élection d’Emmanuel Macron ce 24 avril a été d’emblée suivie de nombreuses spéculations quant à un remaniement gouvernemental <a href="https://theconversation.com/la-reelection-demmanuel-macron-une-victoire-en-trompe-loeil-181841">tenant compte de la recomposition du paysage politique</a> à l’œuvre.</p>
<p>Dès 2016, l’offre politique d’Emmanuel Macron avait pivoté sur la <a href="https://theconversation.com/presidentielle-2017-la-tentation-du-a-politique-74450">disqualification</a> de partis jugés surannés et sur un dépassement du clivage gauche-droite. Le scénario de la campagne présidentielle 2022 qui s’achève aura montré à quel degré notre vie politique poursuit dangereusement sa <a href="https://theconversation.com/un-pays-fracture-pour-un-second-tour-incertain-181123">fracturation</a>. L’incorporation dans la majorité présidentielle, impulsée par Emmanuel Macron, de la vaste nébuleuse allant du centre gauche à une partie du parti Les Républicains (LR), affronte désormais l’enracinement d’une contestation radicale et à deux têtes, celle du Rassemblement national (RN) qui a obtenu 41,46 % des suffrages, et celle de La France Insoumise, 22 % au premier tour, porté notamment <a href="https://www.liberation.fr/politique/elections/jean-luc-melenchon-en-tete-chez-les-jeunes-un-bon-score-mais-ce-nest-pas-un-vote-dadhesion-20220411_UUVK6LEPDJDU3PRS7YCEG44K2M/">par un vote important des plus jeunes</a>.</p>
<p>Alors que les élections législatives de juin 2022 deviennent l’échéance fatidique du quinquennat qui s’ouvre, les états-majors s’organisent. C’est dans ce cadre que ressurgit la question singulière du statut d’Édouard Philippe, ancien premier ministre <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/sondage-65-des-francais-pensent-qu-edouard-philippe-ferait-un-meilleur-president">à l’insolente popularité</a>.</p>
<p>Il avait fondé son propre parti, <a href="https://horizonsleparti.fr/">Horizons</a> le 9 octobre dernier. Quatre jours après la qualification d’Emmanuel Macron pour le second tour, <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/presidentielle-2022-emmanuel-macron-au-havre-pour-parler-ecologie_5081599.html">il accueillait</a>, le président-candidat au Havre, visite qui bouclait un périple politique important : <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/emmanuel-macron-est-en-campagne-a-pau-dans-le-fief-de-francois-bayrou_VN-202203180343.html">Pau</a> (fief de François Bayrou) le 17 mars et <a href="https://www.letelegramme.fr/elections/presidentielle/pourquoi-le-candidat-macron-a-choisi-de-venir-a-spezet-04-04-2022-12973313.php">Spézet</a> (centre-Finistère, fief de Richard Ferrand) le 5 avril.</p>
<h2>Quelle architecture pour revivifier la prochaine majorité présidentielle ?</h2>
<p>Bayrou-Ferrand-Philippe : trois piliers essentiels pour le second mandat d’Emmanuel Macron mais qui <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Bayrou-et-Philippe-disent-non-au-parti-unique-de-Macron-1800878">ont aussi rejeté</a> l’idée de parti unique imaginé par le président candidat.</p>
<p>Dans ce contexte, comment le maire du Havre peut-il gérer ses contorsions entre d’un côté sa loyauté à l’égard d’Emmanuel Macron et, de l’autre, sa légitime projection politique personnelle vers l’avenir ?</p>
<p>En tant que chef d’une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1984_num_34_4_394146">majorité parlementaire « présidentialisée »</a> comme jamais, Edouard Philippe aura mis en œuvre le programme du candidat Macron pendant plus de trois ans, bien que venant d’une famille politique officiellement concurrente de la sienne (Les Républicains) lors des deux scrutins de 2017.</p>
<p>La partition de la V<sup>e</sup> République, dans son articulation entre les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000006095822">articles 8</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241062">49</a>, avait été jouée de façon audacieuse dès le 18 juin 2017 : la large majorité LREM aux législatives n’avait pas entraîné la nomination de l’un·e des sien·ne·s à Matignon au profit de Philippe puis Jean Castex, également issu de LR.</p>
<h2>Macron-Philippe, un conflit de légitimité non soldé</h2>
<p>Le problème inattendu, pour le président, est que cette créativité institutionnelle a finalement engendré un nouvel avatar de l’écart de popularité inversé entre l’Élysée et Matignon. Le potentiel narratif de ce phénomène <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/2015/01/27/01002-20150127ARTFIG00446-le-couple-hollande-et-valls-mis-a-l-epreuve-de-l-ecart-de-popularite.php">a toujours été puissant</a>, mais cette fois le défi est potentiellement de taille pour Emmanuel Macron, dont l’image personnelle est détériorée. A-t-on jamais entendu l’accusation d’arrogance ou de « Premier ministre des riches » à l’encontre d’Edouard Philippe <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/opinions/tu-quoque-mi-philippe-20210409_OZAC34AVSJCWTG2W5CS64KSL24/">notait Mathieu Lindon dans Libération en avril 2021</a> ? Non.</p>
<p>Bien que successivement promoteur inflexible de la réforme de la SNCF, de l’augmentation de la taxe carbone et de la réforme des retraites, il a même quitté Matignon <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/06/09/edouard-philippe-populaire-mais-pour-quoi-faire_1790775/">très populaire en 2020</a> alors qu’il était quasiment inconnu en y entrant le 15 mai 2017. Bien plus, il persiste à siéger en première place ce mois-ci, et de loin, dans le palmarès des <a href="https://elabe.fr/barometre-politique-avril2022%60">personnalités politiques préférées des Français</a>. Un crime de lèse-majesté, ou de « lèse-Jupiter » ?</p>
<p>À tout le moins, un <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/1583">conflit de légitimité</a> n’est pas soldé entre les deux hommes. Jusqu’à présent, Edouard Philippe parvient à en pondérer les traces par son style, ce qui le pourvoit positivement en termes d’image personnelle. Cependant, cette performance peut être fragilisée par deux facteurs : sa vulnérabilité institutionnelle et sa difficulté à assumer ses ambitions politiques.</p>
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<figcaption><span class="caption">« vous craignez que je sois le président… « Le lapsus d’Edouard Philippe dès le début de sa législature (France Info TV, 2017).</span></figcaption>
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<h2>La pondération, leitmotiv d’un « style Philippe » plébiscité</h2>
<p>Le <a href="https://www.klincksieck.com/livre/9782252037201/le-pouvoir-est-une-question-de-style">pouvoir est toujours une question de style</a>, notamment dans notre régime présidentialiste. Il faut donc d’abord s’attarder sur une disposition toute personnelle que l’homme a déployé jusqu’ici dans sa communication et qui dessine un style qui le distingue : la <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2014-4.htm%5D">pondération</a>. Voisine de la vertu de modération à consonance plus philosophique, elle se donne ici comme une quête constante de cohérence censée permettre au maire du Havre de gérer des paradoxes pesants. En réalité, l’idéal de civilité dont Edouard Philippe se réclame (pilier éthique de la pondération) porte une certaine vision du politique lui-même (sa traduction institutionnelle), qui est très présente dans son ouvrage <a href="https://www.editions-jclattes.fr/livre/impressions-et-lignes-claires-9782709668484/"><em>Impressions et lignes claires</em></a>. Au final, c’est une sorte de « pondération radicale » qui se dessine dans une communication dont l’enjeu consiste, pour l’homme, à résoudre une tension croissante entre la dynamique macronienne qui l’a propulsé en 2017 et ses nouveaux desseins personnels. Jusqu’ici cette pondération s’est déchiffrée principalement dans l’art oratoire du personnage. Elle est sans doute pour beaucoup dans le succès de son image.</p>
<p>La pondération d’Edouard Philippe s’est ainsi traduite dans la production d’un verbe consistant en permanence à endiguer les représentations d’une tension avec le président. Trois grands types de techniques oratoires au moins sont repérables, qui consistent pour lui à retenir ses mots et donc ses coups. En premier lieu, il affectionne les figures de style atténuant sa pensée. Ses recours à la litote sont innombrables. Par exemple, le 5 avril 2021, interrogé au sujet d’une réélection d’Emmanuel Macron, il déclarait <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/edouard-philippe-ou-l-art-de-l-esquive-les-confidences-de-l-ancien-premier-ministre-20210405">à Marion Mourgue et Mathilde Siraud au Figaro</a>, « Je ne fais pas partie de ceux qui souhaitent son échec ». Ou lorsqu’il évoque <a href="https://www.tf1info.fr/politique/video-tf1-sept-a-huit-l-ancien-premier-ministre-edouard-philippe-annonce-son-soutien-complet-a-emmanuel-macron-pour-la-presidentielle-2022-2196027.html">ses propres objectifs</a> : « Quand on veut servir son pays, il n’est pas inutile de s’y préparer intellectuellement, politiquement ».</p>
<p>Enfin, lors du lancement d’Horizons, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/09/avec-le-parti-horizons-edouard-philippe-lance-sa-nouvelle-offre-politique_6097759_823448.html">au sujet de l’âge de la retraite</a>) : « […] une question qui ne semble pas hors de proportion à régler ».</p>
<p>Ce procédé lui confère une expressivité teintée d’ironie où la frontière entre flegme et raideur est parfois ténue.</p>
<h2>Retenir ses mots et ses coups</h2>
<p>Dans une logique plus politique, Edouard Philippe investit également des stratégies rhétoriques de mise à distance des événements, ce qui le place au-dessus de la mêlée. Trois argumentaires réfutatifs sont alors à l’œuvre. D’abord une réfutation des jeux politiciens :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons besoin de femmes et d’hommes qui s’engagent sereinement, qui ne vibrionnent pas à chaque fois qu’une phrase est prononcée. » (Lancement d’Horizons, le Havre, 9 octobre)</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, une <a href="https://www.leparisien.fr/politique/anne-hidalgo-et-edouard-philippe-a-rouen-deux-presidentiables-sur-un-meme-bateau-11-02-2021-8424431.php">réfutation des dogmatismes</a> : « Il est certain qu’on se respecte, qu’on s’estime et on pense qu’en travaillant ensemble, on fait les choses un peu mieux » (avec Anne Hidalgo au sujet de l’axe-Seine).</p>
<p>Enfin, il peut s’agir de nuancer ses émotions. Sa pondération vise alors une exemplarité qui proscrit toute expressivité négative, comme le ressentiment. Par exemple en <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Macron-Castex-election-presidentielle-Edouard-Philippe-esquive-1732154">répondant à Laurent Delahousse</a> le 4 avril 2021, dans un sourire, sur les raisons de son congédiement de Matignon : « J’ai une idée. Je la garde pour moi ».</p>
<p>Edouard Philippe peaufine sa stature d’homme d’État. Sa pondération nourrit un répertoire figurant à la fois une rectitude et une compétence censées le distinguer aux yeux de beaucoup de Français. Toutefois se pose la question de la figure d’autorité qui en résulte et qui exige de l’homme qu’il s’émancipe politiquement. Or, la ligne de crête est bien mince entre les deux pôles.</p>
<h2>Loyauté personnelle et émancipation politique, une ligne de crête périlleuse</h2>
<p>« J’ai été un premier ministre extrêmement loyal. Extrêmement. Et maintenant, je suis toujours loyal, mais je suis aussi un homme complètement libre », a-t-il <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/edouard-philippe-ou-l-art-de-l-esquive-les-confidences-de-l-ancien-premier-ministre-20210405">assuré en avril 2021</a>. Mais est-ce vraiment le cas et, d’ailleurs, est-ce possible ? Edouard Philippe avait renoncé à son parti (LR) en 2017 et a fini par en créer un nouveau, dans les deux cas pour rester fidèle… à ses idées. Cette célèbre conception churchillienne des partis politiques, rappelée par Olivier Faye dans <em>Le Monde</em> dès <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/24/edouard-philippe-la-strategie-de-la-carte-postale_6053381_823448.html">septembre 2020</a> vient prouver un item puissant de sa popularité, sa fidélité à lui-même. En somme, sa loyauté. Mais le camp présidentiel <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/la-majorite-accentue-la-pression-sur-edouard-philippe-20211117">s’agace de plus belle</a>. Conflit de légitimité oblige.</p>
<p>Selon nous, la création d’Horizons a institué cet automne la mince ligne de crête sur laquelle avance Edouard Philippe depuis au moins deux ans : loyauté à Emmanuel Macron et projection personnelle vers l’avenir. Car deux hypothèques pèsent sur sa marge de manœuvre aujourd’hui. La première est institutionnelle, voire crûment logistique : l’agenda décrété au lancement d’Horizons le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/09/avec-le-parti-horizons-edouard-philippe-lance-sa-nouvelle-offre-politique_6097759_823448.html">projette vers 2027 et au-delà</a> : « Il s’agit de construire un parti pour que notre pays puisse regarder loin, raffermir sa puissance ».</p>
<p>Or, pour l’heure, ce projet situé dans l’interstice entre LR et LREM dépend de l’ancrage et des ressources politiques dont son promoteur va disposer (circonscriptions ? finances ? élus ?).</p>
<p>La seconde hypothèque est plus personnelle. Congédié de Matignon et plus ou moins snobé par les ex-LR ralliés au président, Edouard Philippe s’est vu opposer un véto élyséen, début janvier 2022, à la fusion entre le parti Agir et Horizons, dont l’un des enjeux était précisément de mutualiser les ressources du parti de Franck Riester siègeant, lui, au parlement. La riposte d’Edouard Philippe ? <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/edouard-philippe-n-a-pas-envie-qu-on-l-emmerde-puisque-c-est-un-terme-a-la-mode_AN-202201170238.html">« Je n’ai pas envie qu’on m’emmerde, puisque c’est un terme à la mode »</a>. Mais encore ?</p>
<h2>Une figure d’autorité encore en devenir ?</h2>
<p>La <a href="https://livre.fnac.com/a10444885/Collectif-La-Fabrique-de-l-autorite-Figures-des-decideurs-en-regime-mediatique">« fabrique de l’autorité »</a> du personnage se fait attendre. Trop rares sont ces séquences dans lesquelles Edouard Philippe s’autorise à esquisser une émancipation à l’égard du collectif macronien. Même chose, d’ailleurs, pour ce qui concerne l’affirmation publique de ses convictions. Sur l’âge de la retraite ou, plus impérieux encore, sur l’architecture d’une future majorité présidentielle. Surtout lorsque ces convictions contredisent la ligne décrétée par Emmanuel Macron. À la fin du meeting de lancement d’Horizons au Havre, le 9 octobre 2021, Edouard Philippe s’était autorisé le signe du « V » de la victoire, un symbole audacieux répliquant la célèbre gestuelle chiraquienne lors de la création du RPR en <a href="http://www.slate.fr/grand-format/trois-photographes-racontent-jacques-chirac-mort-ancien-president-123733">décembre 1976</a>.</p>
<p>Autre séquence, moins médiatisée, c’est en marge du meeting d’Emmanuel Macron à L’Arena, ce 2 avril 2022, dans un bar, debout et sur une chaise, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/edouard-philippe-teste-sa-popularite-en-centre-val-de-loire-20210604">qu’il a promis à des supporters de défendre l’espace d’Horizons</a> après le second tour de la présidentielle du 24 avril.</p>
<p>Dans les deux cas, le camp présidentiel réagit mal. Et pour cause. Dans <a href="https://livre.fnac.com/a15915801/Tugdual-Denis-La-Verite-sur-Edouard-Philippe"><em>La Vérité sur Édouard Philippe</em></a>,l’homme déclare certes :</p>
<blockquote>
<p>« […] Si un jour je suis élu, c’est moi qui fixerai le cap, croyez-moi. Et c’est quelqu’un d’autre qui se démènera pour y arriver. »</p>
</blockquote>
<p>En attendant, la pondération philippienne s’efforce d’articuler deux récits en tension : soutenir Emmanuel Macron et incarner une ligne politique émancipée de ce dernier. Il faut à présent qu’en découle celui d’une figure d’autorité avec laquelle il faut compter sur l’échiquier politique. Pour cela, la capacité d’Edouard Philippe à capitaliser sur son image personnelle et son envergure politique est devenue décisive.</p>
<p>Dans <a href="https://philosophie.cegeptr.qc.ca/2020/03/aristote-ethique-a-nicomaque/"><em>L’Ethique à Nicomaque</em></a>, Aristote alerte sur les limites de la modération et sur le poids des circonstances dans son maniement. La vitalité radicale des offres anti-système de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen confirme la propension de celles-ci à définir les stratégies de contrôle du débat public et médiatique. La pondération philippienne serait-elle donc à contre-courant ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Le Breton-Falézan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l'approche des élections législatives, les états-majors s’organisent. C’est dans ce cadre que ressurgit la question du statut d’Edouard Philippe, ancien premier ministre à l’insolente popularité.Isabelle Le Breton-Falézan, Maître de conférences, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818412022-04-24T20:31:14Z2022-04-24T20:31:14ZLa réélection d’Emmanuel Macron : une victoire en trompe-l’œil<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/live/2022/04/24/election-presidentielle-2022-en-direct-une-journee-de-vote-entre-perte-de-reperes-et-ressentiment-envers-le-gouvernement_6123433_823448.html">Le large succès d’Emmanuel Macron</a> contre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril 2022, ne constitue pas une surprise. Depuis plus d’un an, il était annoncé par tous les sondages d’opinion – avec une avance qui, finalement, n’a pas été modifiée par une campagne pourtant peu avare en rebondissements.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/05/20/un-an-avant-une-presidentielle-les-sondages-sont-souvent-loin-du-compte_6080892_4355770.html">En avril 2021 déjà</a>, les principaux instituts (Elabe, Harris Interactive, Ifop, Ipsos) situaient le score final du président sortant dans une fourchette allant de 54 à 57 % des voix.</p>
<p>Ce succès s’inscrit en outre dans le prolongement des résultats du premier tour, qui avaient interrompu une dynamique semblant profiter, au début du mois d’avril, aux principaux opposants à Emmanuel Macron (Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) : avec 4,5 points et 1,6 million d’électeurs d’avance sur sa poursuivante, le président sortant abordait ce second tour en situation de ballotage favorable, d’autant qu’il pouvait compter sur le soutien d’un nombre plus important de candidats du premier tour (Pécresse, Jadot, Roussel, Hidalgo – contre Zemmour et Dupont-Aignan) ainsi que sur <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220410-pr%C3%A9sidentielle-jean-luc-m%C3%A9lenchon-appelle-%C3%A0-ne-pas-donner-une-seule-voix-%C3%A0-marine-le-pen">l’appel répété</a> de Jean-Luc Mélenchon à ne pas « donner une seule voix à Mme Le Pen ».</p>
<h2>Réélection hors cohabitation</h2>
<p>Avec cette victoire, Emmanuel Macron est le premier président de la V<sup>e</sup> République à avoir été élu à deux reprises au suffrage universel sans être en situation de cohabitation. <a href="https://www.franceculture.fr/politique/22-mars-1988-le-jour-ou-mitterrand-a-electrise-la-campagne">François Mitterrand en 1988</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4GTZxFMC4fg">Jacques Chirac en 2002</a> avaient abordé l’élection dans un contexte de cohabitation qui renforçait leur position arbitrale, en surplomb de la scène politique, et leur permettait de capter l’insatisfaction des électeurs face à l’action des gouvernements dirigés par des hommes (Chirac en 1988, Jospin en 2002) qu’ils ont pu ainsi facilement éliminer au second ou au premier tour du scrutin.</p>
<p>Quant au général de Gaulle, réélu en 1965 <a href="https://www.cairn.info/histoire-politique-de-la-v-e-republique--9782200346935-page-29.htm">dans une logique de continuité</a>, il avait été choisi sept ans plus tôt par un collège de 82 000 grands électeurs – et non par le suffrage universel. Emmanuel Macron échappe ainsi à cette malédiction du « vote-sanction » <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/emmanuel-macron-face-a-la-malediction-du-sortant">contre le président sortant</a> qui a expliqué les défaites de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 et de Nicolas Sarkozy en 2012 et a poussé François Hollande à ne pas se représenter à la présidentielle de 2017.</p>
<p>Ce succès valide, semble-t-il, la stratégie qu’il a engagée dès 2017 et qui visait à le faire apparaître comme le champion des « progressistes », c’est-à-dire des libéraux européens de droite et de gauche, contre les « populistes nationalistes », rassemblés autour de Marine Le Pen. L’action et le discours du président sortant, au cours de ces cinq années, consistaient bien à consolider cette bipolarisation qui avait assuré son succès au second tour de la présidentielle de 2017 et apparaissait comme le sésame en vue d’un second mandat.</p>
<h2>Une stratégie imparfaite</h2>
<p>Cette stratégie n’a qu’imparfaitement fonctionné. En effet, le paysage politique français est aujourd’hui <a href="https://theconversation.com/les-resultats-du-premier-tour-une-stabilite-apparente-une-reconfiguration-profonde-181046">structuré autour de trois</a> – et non de deux – pôles. Le score de Jean-Luc Mélenchon, qui a gagné en cinq ans plus de voix que Marine Le Pen, <a href="https://theconversation.com/les-resultats-du-premier-tour-une-stabilite-apparente-une-reconfiguration-profonde-181046">a été la plus grande surprise</a> du premier tour de scrutin – tant la capacité du dirigeant de la France insoumise à rassembler les électeurs de gauche hostiles au libéralisme macronien a été sous-évaluée, notamment par un président sortant tout occupé à capter à son profit l’électorat de la droite traditionnelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-droite-se-dechirera-t-elle-pour-ses-idees-166844">La droite se déchirera-t-elle pour ses idées ?</a>
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<p>L’attitude des électeurs de la gauche antilibérale a été l’enjeu principal de l’entre-deux-tours. Chacun des deux candidats en lice a cherché à attirer l’électorat de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen en insistant sur le <a href="https://theconversation.com/le-programme-social-de-marine-le-pen-decrypter-le-vrai-du-faux-181307">caractère « social »</a> de son programme, Emmanuel Macron en reprenant la proposition d’une <a href="https://www.europe1.fr/politique/presidentielle-pourquoi-emmanuel-macron-a-t-il-effectue-un-virage-ecologique-4106120">« planification écologique »</a>. Sans convaincre pleinement ni faire bouger réellement les rapports de forces.</p>
<h2>Des comportements électoraux hétérogènes</h2>
<p>Les résultats du second tour semblent indiquer que les électeurs de gauche ne se sont pas comportés de façon mécanique et uniforme. Une proportion non négligeable a voté pour Marine Le Pen, notamment dans les campagnes, où Le Pen est désormais majoritaire, dans cette <a href="https://theconversation.com/france-peripherique-abstention-et-vote-rn-une-analyse-geographique-pour-depasser-les-idees-recues-175768">« France périphérique »</a> décrite par <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">Christophe Guilluy</a> ainsi que dans les <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/marine-le-pen-plebiscitee-par-les-guadeloupeens-les-saint-martinois-et-les-saint-barths-1276256.html">outre-mers</a> où la candidate du Rassemblement national recueille la plus grande partie des électeurs qui s’étaient portés en nombre au premier tour sur Jean-Luc Mélenchon : elle obtient ainsi près de 70 % des suffrages en Guadeloupe, où le dirigeant de la France insoumise avait recueilli 56 % des voix quinze jours plus tôt. Le vote lepéniste, majoritaire dans deux départements seulement (l’Aisne et le Pas-de-Calais) il y a cinq ans, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/decryptages/comment-en-trente-ans-le-vote-lepeniste-a-conquis-l-electorat-populaire-20210427">prévaut</a> désormais dans plus de vingt départements (principalement dans le nord, l’est et le sud-est de la France) et dans de nombreux territoires ruraux.</p>
<p>Une fraction un peu plus importante a voté pour Emmanuel Macron, notamment dans les grandes agglomérations où les électeurs de Mélenchon ont un profil sociologique assez proche de celui du président sortant : celui-ci conforte ainsi son ancrage dans la France des grandes villes.</p>
<p>Plus nombreux encore sont ceux qui ont refusé de choisir. Plus de 8.5 % des votants ont déposé un bulletin blanc ou nul, contre 2.2 % quinze jours plus tôt. Quant au <a href="https://theconversation.com/la-cause-cachee-de-la-montee-de-labstention-180152">taux d’abstention</a> (28 %), il est aussi nettement supérieur à celui du premier tour de 2022 (26,3 %) et du second tour de 2017 (25,4 %), lequel était déjà élevé pour un scrutin présidentiel. </p>
<p>Seul le second tour de la <a href="https://www.politiquemania.com/presidentielles-1969-france.html">présidentielle de 1969</a> a enregistré un taux d’abstention supérieur (31,2 %) : comme en 2022, le premier tour de cette élection avait été dominé par trois candidatures, celle du gaulliste Georges Pompidou (44,5 %), du centriste d’opposition Alain Poher (23,3 %) et du communiste Jacques Duclos (21,2 %), lequel avait renvoyé dos à dos les deux candidats finalistes, qualifiés de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/bonnet-blanc-et-blanc-bonnet-vraiment-1401357">« blancs bonnets et bonnets blancs »</a>. Le score réalisé par Emmanuel Macron est d’ailleurs très proche de celui qu’avait obtenu Georges Pompidou lors de cette élection (58,2 %).</p>
<h2>Dispersion de l’électorat, érosion du front républicain</h2>
<p>La tripolarisation s’accommode décidément mal du scrutin majoritaire à deux tours : c’est ce qui explique la faible proportion de suffrages exprimés par rapport au nombre d’électeurs inscrits, en 1969 comme en 2022, où elle descend en-dessous de 66 % – ce qui constitue un record pour une présidentielle. C’est ce qui explique qu’Emmanuel Macron soit à la fois l’un des présidents les mieux élus de la V<sup>e</sup> République (derrière Chirac en 2002 et lui-même en 2017) si l’on rapporte son score aux suffrages exprimés et, avec Georges Pompidou en 1969, le plus mal élu si on le rapporte plutôt aux électeurs inscrits ((38 % contre 43.5 % pour lui-même en 2017).</p>
<p>La dispersion des électeurs de gauche, et dans une moindre mesure, de la droite traditionnelle explique le résultat obtenu par Macron, qui perd plus de 8 points et près de 2 millions d’électeurs par rapport au second tour de 2017. Cette baisse est sans précédent dans l’histoire des élections présidentielles : Giscard, en 1981, et Sarkozy, en 2012, avaient respectivement perdu 3 et 5 points par rapport à l’élection qui avait permis leur victoire. Il faut y voir moins un vote-sanction (la base électorale du président sortant, au premier tour, ayant assez nettement progressé) que la <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/06/25/de-la-sfio-aux-regionales-de-2021-la-lente-erosion-du-front-republicain-dans-le-monde_6085704_4500055.html">forte érosion</a> de la logique du « front républicain », qui avait fonctionné, pleinement en 2002, majoritairement en 2017 et plus partiellement en 2022, illustrant la façon dont le vote en faveur de Marine Le Pen s’est banalisé.</p>
<p>La victoire attendue d’Emmanuel Macron ne doit pas masquer les deux principaux enseignements du scrutin : l’extrême droite obtient un niveau jamais atteint lors d’une élection en France, grâce à sa capacité à rassembler assez largement au second tour un électorat hétérogène à dominante populaire ; le paysage politique français, structuré autour de trois pôles, est en décalage avec un mode de scrutin adapté à la bipolarisation, ce qui met en question la représentativité des élus, choisis au second tour par défaut plus que par adhésion, et, au-delà, le fonctionnement même des institutions démocratiques. Ce double constat rend d’autant plus incertaine l’issue des prochaines élections législatives, qui ne seront pas marquées par la même dynamique de changement qu’en 2017, 2012 ou même 2007.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathias Bernard est président de l'Université Clermont-Auvergne.</span></em></p>Le succès d’Emmanuel Macron valide une stratégie visant à le faire apparaître comme le champion des « progressistes », mais elle n’a que partiellement fonctionné.Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815582022-04-24T20:31:13Z2022-04-24T20:31:13ZUne abstention hautement politique<p>Les estimations au second tour de l'élection présidentielle montrent une forte abstention, soit environ 28%. Un chiffre inégalé depuis 53 ans et 1969, qui avait vu plus de 30% de l'électorat décider de ne pas se déplacer aux urnes.</p>
<p>Ce taux d'abstention serait supérieur de près de 2,5 points à celui observé lors du scrutin qui avait déjà opposé Emmanuel Macron et Marine Le Pen en 2017.</p>
<p>Depuis une trentaine d'années, l'abstention est un comportement qui se développe dans toutes les démocraties occidentales (sauf bien sûr celles qui ont mis en place un vote obligatoire : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vote_obligatoire#:%7E:text=L'article%20101%20de%20la,de%20s%C3%A9nateurs%2C%20et%20r%C3%A9f%C3%A9rendums">Italie, Belgique, Grèce</a>).</p>
<p>Nous l'observons au même titre que la volatilité électorale, désignant la possibilité pour des électeurs de modifier leurs préférences politiques ou leur vote d'une échéance électorale à l'autre, tout comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2006-1-page-139.htm">vote protestataire</a>. En France l'abstentionnisme politique structurel a <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-elections-presidentielles-depuis-1965-_NG_-2012-03-20-780364">ugmente depuis les années 1990</a>.</p>
<p>Nous vivons une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/une-crise-de-la-representation-politique-plus-forte-que-jamais">crise de la représentation</a>, une <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/788457/%E2%80%89les-francais-sont-les-champions-de-la-defiance%E2%80%89/">défiance vis-à-vis du politique</a>, mais surtout la crise d'un système qui n'entend pas les besoins et les attentes des citoyens. L'ampleur des vagues abstentionnistes, élection après élection, ne peut s'interpréter qu'à l'aune d'une nouvelle forme d'abstention, une abstention politique.</p>
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<figcaption><span class="caption">L'abstention, premier parti de France ? YouTube.</span></figcaption>
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<h2>Du «cens caché» à l'abstention politique</h2>
<p>L'argument le plus souvent évoqué pour expliquer l'abstentionnisme serait l'absence d'intérêt pour la politique presque toujours complétée par l'expression de l'incompétence personnelle des citoyens.</p>
<p>Pour le politiste français <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48005184/f289.item.texteImage">Daniel Gaxie</a> le «cens caché» – en ce que le capital culturel possédé, cens caché, engendrerait une forme de suffrage censitaire – est un déterminant de l'abstention électorale : la différence de politisation entre classes sociales serait liée aux inégalités culturelles, elles-mêmes principalement déterminées par les inégalités scolaires qui séparent les groupes sociaux et donc au sentiment de compétence politique des sujets.</p>
<p>Le capital culturel engendrerait une inégale maîtrise des instruments de la politique, tels que le fait de s'inscrire au bon bureau de vote, de prendre la parole en public, de se sentir légitime à avoir une opinion. Ainsi les citoyens qui s'auto-excluraient le plus des processus démocratiques seraient ceux qui disposent d'une (perception de leur) compétence politique faible. Si le suffrage est universel de droit il deviendrait, par l'exclusion et l'auto-exclusion du vote, comme «censitaire de facto» selon Gaxie, c'est-à-dire réservé aux plus favorisés. On constate, certes, de manière générale une corrélation entre l'absence de diplôme et l'abstention ; moins la personne est diplômée, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281060">plus elle</a> <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281060">s'abstient</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique (et de l’abstention) ?</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-experiences-du-travail-influencent-elles-les-choix-de-vote-181506">Les expériences du travail influencent-elles les choix de vote ?</a>
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<h2>Un «abstentionnisme hétérodoxe»</h2>
<p>Pourtant, certains travaux de recherche et notamment ceux du politiste <a href="https://studylib.net/doc/14924038/who-abstains-in-equilibrium%3F-%E2%88%97-santiago-oliveros-haas-sch">Santiago Oliveros</a> qui a travaillé sur les élections américaines. Selon lui, les liens entre participation politique, recherche d'informations et type d'électorat (électeur aux préférences idéologiques prononcées versus électeur non partisan) sont contre – intuitifs : information et abstention ne sont pas nécessairement corrélées négativement : certains électeurs sont plus susceptibles de s'abstenir quand ils sont plus informés…</p>
<p>Émerge ce que nous avons appelé, dans une recherche en cours et à paraître un «abstentionnisme hétérodoxe», qui désigne la non-participation électorale de catégories diplômées. C'est ce que montrent nos entretiens avec des personnes diplômées et de très diplômées intéressées à la chose politique, engagées dans le débat d'idées, et qui définissent l'abstention comme un choix politique.</p>
<p>Il s'agit dans cette étude d'interroger des abstentionnistes réguliers dotés d'un capital culturel élevé, voire très élevé pour saisir leurs motivations.</p>
<blockquote>
<p>«L'idée de déléguer son pouvoir me dérange. Je le mets en lien avec le mandat impératif dans le sens où je donne du pouvoir à quelqu'un… Ce que je ne veux pas faire, c'est donner la possibilité à quelqu'un de prendre des décisions sans me demander mon avis. Je suis favorable au mandat impératif dans le sens où j'accepterais que quelqu'un porte ma voix mais en le limitant aux décisions que l'on aurait prises collectivement. Pas comme les représentants que l'on a actuellement qui décident ce qu'ils veulent à partir du moment où ils ont le pouvoir ; ceux qui peuvent décider de dire «mon ennemi c'est la finance» et finalement faire passer telle loi qui l'arrange». (homme 30 ans, profession intellectuelle supérieure)</p>
<p>«L'élément déclencheur a été l'élection de 2007 qui s'est finie entre Sarkozy et Royal. Moi je votais plutôt à droite mais je n'étais clairement pas sarkoziste. Au deuxième tour, c'était clair pour moi, ni l'un, ni l'autre. Donc j'ai arrêté de voter. Au départ, je n'ai juste pas voté et ensuite je me suis dit que ne serait-ce que voter blanc aujourd'hui, ça n'a plus de sens. Voter blanc veut dire «je ne suis pas d'accord avec les gens que vous me présentez mais je donne du crédit au système». Moi aujourd'hui, je ne donne plus de crédit au système. Donc je ne vote plus.[…] Pour moi tant que le système sera comme il est, je ne voterai plus. Je suis pour changer complètement le système. Souvent quand on ne vote pas on vient nous dire que des gens se sont battus pour l'obtenir, les femmes, etc. Surtout quand on est femme. Le droit de vote a du sens lorsqu'il est pris en compte. Aujourd'hui, voter ne sert qu'à donner la parole à des gens une fois tous les 5 ans pour qu'ils choisissent quelqu'un qui ne tiendra aucune des promesses qu'il a fait et pire, qu'il fera ce qu'il veut. Ce n'est pas ça la démocratie. Moi je serais pour voter dans une société qui ressemble à une démocratie. » (Femme 50 ans profession intellectuelle supérieure)</p>
</blockquote>
<p>Interrogé sur sa participation à l'élection présidentielle 2022, un citoyen répond :</p>
<blockquote>
<p>«C'est peut-être difficile et encore ! J'assume, je ne voterai pas à cette élection qui nous enferme encore dans le jeu Le Pen – Macron, tant pis. Je ne veux pas de cette absence d'alternative. On se retrouve coincés c'est insupportable. Donc je suis très engagé, mais je reste dans l'abstention dimanche 24 avril. » (Homme, 41 ans, cadre)</p>
</blockquote>
<h2>De la «démocratie d'élection» à la «démocratie d'implication» ?</h2>
<p>Comme le montre la sociologue <a href="https://www.cairn.info/les-cultures-politiques-des-francais--9782724608021-page-17.htm">Anne Muxel</a>, il existe dans le jeu politique une nouvelle forme d'expression : une abstention «dans le jeu» qui est même l'expression d'une certaine vitalité démocratique.</p>
<p>L'abstention-protestation peut être le fait d'un <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1971_num_21_2_418057_t1_0426_0000_001">«mécontentement»</a> selon le politologue Alain Lancelot mais elle peut aussi s'apparenter à une forme de <a href="https://www.persee.fr/doc/rfea_0397-7870_1993_num_58_1_1942_t1_0436_0000_2">contestation</a> du système. Alors que le mécontentement ponctuel, lié à des évènements politiques ou au questionnement des élites, n'obère pas l'adhésion au système, la contestation du système politique en lui-même est une remise en cause de la démocratie représentative au profit des formes de démocratie directe.</p>
<p>En l'espèce, les dernières années ont vu la parole politique perdre en crédibilité : de Nuit debout aux Indignés, des «gilets jaunes» aux Convois de le liberté, c'est bien la question la démocratie représentative qui a été posée. «Nous ne sommes pas en démocratie» était l'un des leitmotivs des «gilets jaunes»</p>
<p>, mettant en question la démocratie représentative dans sa consistance et sa forme en appelant parfois de leurs vœux la tenue d'un <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-les-gilets-jaunes-nous-ne-sommes-pas-en-democratie-801973.html">référendum d'initiative citoyenne</a> (RIC), voire même l'idée d'une <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-les-gilets-jaunes-nous-ne-sommes-pas-en-democratie-801973.html">assemblée constituante tirée au sort</a></p>
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<figcaption><span class="caption">Démocratie et système représentatif ne sont pas synonymes. YouTube.</span></figcaption>
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<p>Ces mouvements successifs sont mus par <a href="https://theconversation.com/17-novembre-le-jour-des-malcontents-106966">«l'exigence radicale d'une reprise en main par les citoyens de leur destin»</a> comme le rappelle par ailleurs <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/pass-vaccinal/convois-de-la-liberte-des-revendications-proches-de-celles-des-gilets-jaunes_4955544.html">Bruno Cautrès</a>:</p>
<blockquote>
<p>«On retrouve des éléments très communs […] avec à la fois la question de la justice sociale, l'égalité, la fraternité, et puis le sentiment que le système politique n'arrive pas à écouter, qu'il n'est pas empathique, que c'est une sorte de caste qui vit dans son univers et dans l'incapacité de comprendre les Français.»</p>
</blockquote>
<p>Se combinent aujourd'hui la montée de ces nouveaux types d'abstentions et des revendications de démocratie participative.</p>
<h2>La politique : lieu d'une violence symbolique suprême</h2>
<p>Quand la politique est vécue comme lieu d'une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_2001_num_51_6_403686">violence symbolique suprême</a> de plus en plus sensible, le consensus politique qui fait le socle de la démocratie représentative va-t-il céder ?</p>
<p>Déjà des indices, comme <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/14/presidentielle-a-la-sorbonne-l-ens-et-sciences-po-des-centaines-d-etudiants-contre-le-faux-choix-du-second-tour_6122192_4401467.html">certaines des universités occupées</a> renvoient dos à dos deux radicalités «la radicalité néolibérale ou la radicalité fasciste» et récusant par là-même le choix électoral proposé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nous-ne-sommes-pas-en-democratie-ou-le-tirage-au-sort-comme-alternative-108962">« Nous ne sommes pas en démocratie » ou le tirage au sort comme alternative ?</a>
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<h2>Un retournement est-il en train de s'opérer ?</h2>
<p>L'élection a longtemps été pensée comme <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2013-2-page-157.htm">procédé aristocratique</a> : pour Montesquieu dans <a href="https://editions.flammarion.com/de-lesprit-des-lois/9782081470125"><em>L'esprit des lois</em></a>, «le tirage au sort est de la nature de la démocratie : le suffrage par choix est de celle de l'aristocratie». Puis un nouveau consensus sur la notion de démocratie s'est établi ; opérant l'exact contre-pied de la théorie classique. <a href="https://theconversation.com/nous-ne-sommes-pas-en-democratie-ou-le-tirage-au-sort-comme-alternative-108962">L'élection y devenait l'instrument de la démocratie</a>.</p>
<p>Un certain nombre d'indicateurs témoignent de la désaffection de la «politique professionnelle» dans ses modalités représentatives sans pour autant être le signe d'un désintérêt pour le politique.</p>
<p>La montée de l'abstentionnisme est patente dans les démocraties représentatives et en France en particulier. Les abstentionnismes ne sont pas nécessairement mus par une posture apolitique mais revendiquent un choix politique de remise en cause du modèle de contestation des pouvoirs par une «élite» élue, au profit de demandes de démocratie directe et de démocratie participative. Bref la crise de la représentation politique repérable dans l'ensemble des pays européens n'est pas signe d'un «déficit démocratique», mais d'une demande de démocratie.</p>
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<p><em>Béatrice Mabilon-Bonfils vient de publier un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03637979">roman graphique</a> sur le sujet des nouveaux modes de démocratie</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181558/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L'abstention massive qui caractérise les dernières élections en France témoignerait d'une demande profonde des citoyens pour une autre forme de démocratie.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéVirginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1814382022-04-24T20:31:12Z2022-04-24T20:31:12ZPourquoi les discours de défaite sont-ils (souvent) de bons discours<p>Avec 58,5 % des suffrages exprimés, Emmanuel Macron a remporté l’élection présidentielle française face à Marine Le Pen. Cette dernière a pris la parole peu après 20 heures pour accepter sa défaite mais aussi pour livrer un discours combatif. Soulignant le <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/en-direct-resultats-du-second-tour-de-l-election-presidentielle-2022-emmanuel-macron-ou-marine-le-pen-qui-sera-president-20220424">score le plus élevé jamais réalisé</a> par son camp politique, elle a annoncé vouloir continuer son engagement politique, notamment lors des prochaines élections législatives. Son discours de défaite a rapidement muté en discours de lancement de campagne, le but avoué étant de faire du « courant national la véritable opposition ».</p>
<p>Avant Marine Le Pen, le discours de Jean-Luc Mélenchon à l’issue du premier tour avait également retenu l’attention. « Faites mieux, merci. » C’est avec émotion que le candidat de la France insoumise avait livré son discours de défaite. Une prise de parole qui s’était fait remarquer <a href="https://twitter.com/renaudpila/status/1514380565419638790">pour sa qualité</a> et qui restera (peut-être) dans nos souvenirs politiques.</p>
<p>Pour Mélenchon, cette défaite électorale avait presque le <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/11/chez-jean-luc-melenchon-la-nouvelle-defaite-au-seuil-du-second-tour-a-pris-des-allures-de-victoire_6121584_6059010.html">goût d’une victoire politique</a>, celle de disputer la deuxième place à Marine Le Pen (à 421 420 voix près) et d’avoir récolté le plus de votes parmi les candidats de gauche.</p>
<p>Le candidat de l’Union populaire avait alors estimé qu’une « nouvelle page du combat s’ouvre » et lancé à la jeune génération militante le défi de faire mieux pour les prochaines échéances électorales. Celui-ci semblait, à première vue, prêt à signer un <a href="https://www.franceinter.fr/politique/maintenant-c-est-a-vous-de-faire-arrive-troisieme-melenchon-livre-un-discours-testamentaire">adieu politique</a>. Finalement, Jean-Luc Mélenchon a annoncé quelques jours plus tard <a href="https://www.youtube.com/watch?v=I-d1YHVVnuU">qu’il visait désormais le poste de Premier ministre</a> lors des élections législatives de juin prochain.</p>
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<figcaption><span class="caption">Discours de Jean-Luc Mélenchon le soir des résultats du premier tour de l’élection présidentielle.</span></figcaption>
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<h2>Marqueurs et place des émotions dans la science politique</h2>
<p>Les récits électoraux relèvent les discours de victoire comme le marqueur du début du mandat du candidat élu, où celui-ci incarne la fonction présidentielle à travers les symboles et le contenu du message, à l’image d’<a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/emmanuel-macron-elu-president-un-discours-solennel-devant-le-louvre_2181669.html">Emmanuel Macron</a> en 2017 au Louvre.</p>
<p>À l’inverse, la défaite électorale constitue un outil d’analyse intéressant des femmes et hommes politiques, mettant en lumière les émotions du candidat confronté à une réelle épreuve.</p>
<p>Alors, pourquoi les discours de défaite forment-ils des évènements politiques ?</p>
<p>Observer la défaite politique par la dimension discursive et émotionnelle permet de comprendre l’exercice rhétorique comme un bilan personnel et un passage de témoin où celui-ci marquera la fin d’une période politique.</p>
<p>L’observation des émotions en politique n’est pas nouvelle puisque dès l’Antiquité, Aristote (à propos de la <a href="https://www.livredepoche.com/livre/rhetorique-9782253056867"><em>Rhétorique</em></a>) ou Platon (dans <a href="https://www.livredepoche.com/livre/la-republique-9782253067207"><em>La République</em></a>) avaient déjà réfléchi à la nécessité de comprendre l’émotion pour explorer la nature humaine et les capacités politiques des individus.</p>
<p>Les émotions occupent tout un champ en science politique qui se divise en <a href="https://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev.polisci.3.1.221">deux grandes catégories d’analyse</a>. La première constitue la vision la plus ancienne de la discipline et explique que l’émotion ancre le comportement et les attitudes. Elle s’intéresse à l’émotion en tant que personnalité et les chercheurs concentrent leurs travaux sur les leaders politiques.</p>
<p>La seconde catégorie d’analyse explore une autre compréhension de la réponse émotionnelle. Plutôt que de croire que les émotions proviennent des perceptions cognitives, elles pourraient s’expliquer par un processus mental distinct et indépendant. Cette analyse veut que la perception cognitive découle séparément des voies neuronales émotionnelles exécutant l’évaluation. En outre, elle cherche à expliquer pourquoi les individus réagissent aux circonstances contemporaines immédiates qui les entourent.</p>
<p>C’est avec cette deuxième approche que l’on peut comprendre pourquoi les discours politiques peuvent susciter des émotions dans leurs auditoires. En effet, une réaction contemporaine à une situation politique offre un aperçu de la façon dont les individus comprennent leur situation. Par exemple, les politologues américains <a href="https://scholar.google.com/scholar_lookup?hl=en&publication_year=1999&author=JM+Miller&author=JA+Krosnick&title=The+impact+of+policy+change+threat+on+grassroots+activism.">Joanne Miller et Jon Krosnick</a> fournissent la preuve qu’un sentiment de menace suscité par l’anticipation de mesures politiques auxquelles on s’oppose peut motiver l’action tel que l’engagement militant ou le don. Cette approche s’inscrit dans une <a href="https://www.jstor.org/stable/2175845?origin=crossref&seq=1">longue tradition en psychologie</a> selon laquelle l’affect est intimement lié à la mémoire, permettant de se rappeler des expériences passées en fonction de leur valence émotionnelle et de leur importance stratégique.</p>
<h2>La fonction du discours politique</h2>
<p>Le discours politique se produit sur une <a href="https://books.openedition.org/pur/30418?lang=fr">« scène politique »</a>, c’est-à-dire dans l’espace public où l’expression a une dimension persuasive. Le linguiste Patrick Charaudeau explique que cette scène « se caractérise par un dispositif qui est mis au service d’un enjeu de pouvoir » où réside la tension entre une instance politique (le candidat) qui a vocation à « agir sur l’autre », c’est-à-dire, sur l’instance citoyenne (l’électorat). </p>
<p>Pour y parvenir, le discours politique doit produire un effet émotionnel sur son auditoire. Là encore, il y a <a href="https://journals.openedition.org/mots/22434#tocfrom1n1">deux catégories d’analyse</a> <a href="https://journals.openedition.org/mots/22434#tocfrom1n1"></a> en science politique : les études portant sur l’analyse de l’effet des messages émotionnels sur les électeurs (<a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674868366">l’interférence du discours dans les décisions des électeurs</a>) ; et les études d’observation de la « persuasion émotionnelle » par les candidats (le <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/13699?lang=fr">discours comme structure discursive</a>).</p>
<p>Ajoutons enfin la <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2003-4-page-101.htm">dimension collective du discours politique</a>, renforcée en période électorale. Le discours occupe une fonction de représentation et affirme l’appartenance partisane. Dans un rapport double, il faut voir le candidat comme le porte-parole d’une doctrine et porteur d’une vision.</p>
<h2>Le discours de défaite comme rite de passage</h2>
<p>Mais alors, pourquoi les discours de défaite peuvent sembler être de bons discours ? La réponse se trouve peut-être dans le processus du <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/gennep_arnold_van/rites_de_passage/rites_de_passage.html">rite de passage</a> et précisément du rite de sortie.</p>
<p>Il y a d’abord le contexte. Les candidats arrivent en bout de course, après une épreuve intense. Mener une campagne présidentielle est un exercice coûteux physiquement, humainement et matériellement. Les candidats sont soumis à de nombreuses sollicitations (interview, débats, réunions publiques) menant <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/histoires-politiques/histoires-politiques-28-mars-2017">au stress et à la fatigue</a>. Parallèlement, ils sont appelés à réduire la manifestation de ses émotions (<a href="https://mediaclip.ina.fr/fr/i21280360-la-colere-de-segolene-royal-face-a-nicolas-sarkozy-qui-estime-qu-elle-perd-ses-nerfs.html">au risque de se faire discréditer par leurs adversaires</a>). Désormais battus, les candidats incarnaient jusqu’ici un projet collectif (le parti, le programme) assument désormais individuellement l’échec électoral (tel <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i12047486/lionel-jospin-j-assume-pleinement-la-responsabilite-de-cet-echec">Lionel Jospin en 2002</a> ou <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2012/20120506.OBS4802/sarkozy-je-porte-toute-la-responsabilite-de-cette-defaite.html">Nicolas Sarkozy</a> en 2012).</p>
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<figcaption><span class="caption">Discours de Lionel Jospin après sa non-qualification au second tour de l’élection présidentielle de 2002.</span></figcaption>
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<p>Il y a ensuite la qualité rhétorique et le registre de langue. Le sociologue Michel Cattla <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rechqual/2020-v39-n2-rechqual05669/1073509ar/">a analysé les discours de défaite des candidats</a> et montre une récurrence de mots de bienveillance, de remerciement ou encore porteur d’espoir envers les sympathisants. Ces candidats déchus s’adressent avec un « certain parler-vrai […] sans détour ni langue de bois [et] des émotions mises à nu ». Désormais, les candidats s’adressent non plus à l’ensemble de l’électorat mais à ses électeurs, de manière plus personnelle et naturelle.</p>
<p>Enfin, le discours de défaite constitue un marqueur émotionnel unique pour l’histoire politique. Il s’inscrit dans un rituel politique composé de symboles (le seul en scène, le parterre de militants, les longs applaudissements) chargé émotionnellement. Les candidats font le bilan de leur campagne et d’une projection personnelle et politique. Ils peuvent annoncer le point de départ d’une campagne à venir (<a href="https://www.lepoint.fr/video/le-discours-de-marine-le-pen-apres-sa-defaite-a-l-election-presidentielle-07-05-2017-2125510_738.php">comme Marine Le Pen en 2017</a>) ou être un <a href="https://www.cairn.info/emotions-mobilisation--9782724610994.htm">instrument de mobilisation</a> en suscitant l’espoir d’un avenir meilleur et du maintien du combat militant. En résumé, il n’y a pas de format particulier, « ces discours sont uniques » pour M. Cattla.</p>
<p>Lorsque le discours de défaite s’accompagne d’un retrait de la vie politique (comme Lionel Jospin), l’effet de deuil accentue la charge émotionnelle. Le candidat disparaît de notre vie politique, alors qu’il occupait l’espace médiatique, encore plus en temps de campagne. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » (Lamartine).</p>
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<p><em>L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien ROBIN a reçu des financements du département de science politique de l'Université de Montréal.</span></em></p>Observer la défaite politique par les discours permet de comprendre l’exercice rhétorique comme un bilan personnel ou un passage de témoin qui peut marquer la fin d’une période politique.Julien Robin, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1817252022-04-22T15:15:28Z2022-04-22T15:15:28ZMarine Le Pen : la campagne de tous les paradoxes<p>Tout a semblé nouveau dans la troisième campagne présidentielle de Marine Le Pen. En dix ans, elle a vu évoluer, <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-de-quelles-reserves-de-voix-marine-le-pen-dispose-t-elle-pour-le-second-tour-20b99a5e-b912-11ec-bd14-a849d20f46a4">au premier tour</a>, son capital de voix de 6 421 426 en 2012 à 7 678 491 (puis 10 638 475 au second tour) en 2017, et enfin à 8 136 369 le 10 avril dernier.</p>
<p>Cette progression est d’autant plus significative qu’elle a continué à s’opérer en présence d’un challenger de poids sur les terres de l’extrême droite, Éric Zemmour (2 485 935 voix au premier tour).</p>
<p>Ces changements ont-ils accrédité la candidature de Marine Le Pen au-delà de sa posture habituelle, tribunitienne ? Ils se heurtent en tout cas à des limites et paradoxes que nous proposons d’expliciter.</p>
<h2>Un recentrage programmatique</h2>
<p>Le traumatisme du débat d’entre deux tours de 2017, où l’impréparation de la candidate à la confrontation entre programmes avait sauté aux yeux, aura convaincu le Rassemblement national d’une évidence : une campagne dont la finalité est d’apparaître non seulement digne de représenter mais capable de gouverner implique un travail en profondeur sur le programme. Si la stratégie est de conquérir une part croissante d’un <a href="https://theconversation.com/la-droite-se-dechirera-t-elle-pour-ses-idees-166844">électorat de droite en mal de leadership</a>, alors il convient d’adapter ce programme à la structure de cet électorat, notoirement plus âgé et conservateur, et pour lequel les mesures spectaculaires (comme le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/20/election-presidentielle-le-frexit-cache-de-marine-le-pen-est-un-projet-de-rupture-deletere-pour-la-france-et-pour-l-europe_6122908_3232.html">Frexit</a>, par exemple) constituent autant d’aventures indésirables.</p>
<p>Si <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/presidentielle-66-des-propositions-economiques-de-marine-le-pen-ont-une-forte">Gilles Ivaldi</a> comptabilise un plus grand nombre de mesures « sociales », le programme de Marine Le Pen n’est pas « plus à gauche » qu’en 2017, au contraire.</p>
<p>En totalité, le <a href="https://theconversation.com/le-programme-social-de-marine-le-pen-decrypter-le-vrai-du-faux-181307">programme penche toujours à droite</a>, avec des mesures comme l’exonération accrue des droits de succession, le renoncement à la retraite à 60 ans pour tous et, après hésitation, le refus d’un retour de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Sans parler, bien sûr, de ce qui reste symboliquement le pilier social et économique du programme Le Pen : une discrimination assumée et systématique entre Français et étrangers sur les prestations sociales, sanitaires ou éducatives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-programme-social-de-marine-le-pen-decrypter-le-vrai-du-faux-181307">Le « programme social » de Marine Le Pen : décrypter le vrai du faux</a>
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<h2>Une évolution significative en matière de communication</h2>
<p>L’évolution en matière de communication est cependant patente, et elle est notamment due à une mutation dans l’entourage de Marine Le Pen dont l’essentiel de la campagne 2017 avait été capturée par Florian Philippot. En 2022, ont pris place autour d’elle des conseillers principalement issus du monde de l’expertise, dont le club de réflexion les « Horaces » est le symbole singeant quelque peu les « Gracques », un think-tank social-libéral fondé à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007, puis qui a alimenté celle d’Emmanuel Macron en 2017. Très <a href="https://www.lepoint.fr/presidentielle/les-horaces-ce-club-secret-qui-a-presidentialise-marine-le-pen-20-03-2022-2468896_3121.php">bien décrits</a> par la journaliste Géraldine Woessner, les Horaces, constitués en think-tank dès 2015, étaient restés en marge de la campagne 2017.</p>
<p>S’il ne faut pas en exagérer le nombre ni l’importance au sein des élites françaises, des renforts précieux sont arrivés de membres de cabinets ministériels, d’énarques, de représentants de secteurs médicaux, sociaux et économiques, à l’image de <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/presidentielle-jean-philippe-tanguy-ladjoint-de-la-campagne-de-marine-le-pen-4102705">Jean‑Philippe Tanguy</a> (ESSEC, Sciences Po Paris), l’ancien collaborateur de Nicolas Dupont-Aignan, devenu à 35 ans directeur adjoint de la campagne de Marine Le Pen. La technicisation de l’entourage de Marine Le Pen s’est donc faite au risque d’apparaître plus « classiquement » de droite que disruptive.</p>
<p>Pour accompagner ce recentrage, le style de campagne a également été considérablement modifié. À la suppression de mesures brutales et potentiellement anxiogènes répond un travail sur la douceur de l’image (la tante peinée de la trahison de sa nièce, la mise en scène de son rapport aux chats, le soin apporté à l’accueil, au dialogue policé lors de ses déplacements sur les différents lieux de campagne). La moindre part donnée aux meetings par rapport à la visite « micro-collective » a également alimenté l’idée d’une campagne à bas bruit, potentiellement dédiabolisante.</p>
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<figcaption><span class="caption">Marine Le Pen et ses chats, RMC, décembre 2021.</span></figcaption>
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<p>Mais le grand facteur de recentrage de la campagne de Marine Le Pen sera venu de l’extérieur et contre sa volonté même. C’est la fonction majeure d’Éric Zemmour, d’autant plus utile au premier tour qu’elle a validé les efforts de la candidate du RN pour apparaître plus « démocratiquement » acceptable, contre les outrances du polémiste.</p>
<h2>Les trois fonctions d’Éric Zemmour</h2>
<p>Éric Zemmour a rempli trois fonctions dans la campagne Le Pen. La première est d’avoir démultiplié la présence des thématiques d’extrême droite, des enjeux identitaires, migratoires, qui lui sont globalement attribués. Vociférées (par Zemmour) et transformées en programme d’action publique (par Le Pen), ces thématiques ont en quelques mois ouvert la fenêtre d’Overton des opinions dignes d’être débattues dans l’espace public.</p>
<p>Selon Joseph P.Overton (1960-2003), <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/16/la-fenetre-d-overton-ou-le-champ-de-l-acceptable-en-politique_6113836_3232.html">l’élargissement de la fenêtre des opinions</a> est un travail qui consiste à faire passer des idées d’abord considérées comme « impensables » à « radicales », puis « raisonnables », puis « populaires » et enfin conduire à l’adoption de politiques publiques. Parmi ces idées, en 2022, figure bien sûr la théorie du « Grand remplacement » avec laquelle ont joué jusqu’à certains représentants de la droite républicaine, Valérie Pécresse en tête.</p>
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<figcaption><span class="caption">Valérie Pécresse (LR) aborde elle aussi le thème du « grand remplacement » cher à l’extrême droite.</span></figcaption>
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<p>La deuxième fonction d’Éric Zemmour est d’avoir porté la fonction tribunitienne assortie d’une radicalité assumée qui, en retour, a servi de « paratonnerre » à la candidate RN. Le meilleur exemple est ici la référence, passée au rêve d’un Poutine français qui, par son outrance, a comme protégé Marine Le Pen de mentions trop insistantes à ses liens, au moins aussi clairs, avec le président russe et son entourage, notamment bancaires. À l’occasion du débat du 20 avril, leur évocation par Emmanuel Macron n’a pas manqué de la déstabiliser.</p>
<p>La troisième fonction Zemmour est enfin électorale. Tandis que l’extrême droite, au fil des années, se révèle assez haute au premier tour dans une élection majoritaire, elle pâtit au second d’une absence de réserve, de ralliements. Cette fois, le capital Zemmour (avec une pénétration dans des segments aisés rétifs au vote Le Pen) se <a href="https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-8-cartes-pour-tout-comprendre-au-premier-tour-11-04-2022-ODGYZTRWUJDJ5P5QGX4MQMI37M.php">révèle disponible pour un second tour plus ouvert</a>, si tant est que les deux puissent s’additionner.</p>
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<span class="caption">Carte de voix RN avec un focus sur la région Occitanie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Coursière/CEPEL</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Carte Reconquête ! avec un focus sur la région Occitanie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Coursière/CEPEL</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La carte du premier tour montre combien les deux électorats se distinguent à l’échelle inter-régionale. Cependant, en faisant une focale sur la seule Occitanie, on voit aussi que l’électorat Zemmour est fort sur les zones mêmes où le vote Le Pen est élevé : Aude, Gard, Pyrénées Orientales, Hérault. On peut étendre ce constat à l’ensemble du littoral. Marine Le Pen atteint 26,6 % contre 14 % à Éric Zemmour dans les Alpes Maritimes, les mêmes sont à 26,2 % et 10,8 % dans les Bouches-du-Rhône, 30,6 % et 13,3 % dans le Var. Mais dans cette carte des reports possibles pointe peut-être un des paradoxes de la campagne de 2022 de Marine Le Pen, qu’il faut maintenant souligner.</p>
<h2>Deux limites électorales</h2>
<p>Une première limite de la stratégie de campagne de Marine Le Pen s’illustre dans la distribution spatiale des votes en sa faveur : la comparaison entre les cartes de 2017 et 2022 fait d’abord état de la grande stabilité de l’électorat RN. S’il y a bien, dans une certaine mesure, extension du soutien électoral à Marine Le Pen, il ne s’agit en rien d’une généralisation qui témoignerait de la banalisation du vote d’extrême droite. La carte du vote RN du dimanche 10 avril laisse apparaître des lacunes précisément là où la dédiabolisation pouvait avoir son effet. C’est d’abord le cas des centres urbains où la candidate du RN affiche un déficit d’autant plus considérable dans un contexte où la mobilisation est relativement homogène d’un territoire à l’autre. Au sein des communes de plus de 100 000 habitants, Marine Le Pen n’a obtenu en moyenne que 12,3 % des suffrages exprimés, contre 29,5 % pour Emmanuel Macron et 31,3 % pour Jean‑Luc Mélenchon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vote-metropolitain-et-ses-fractures-lexemple-de-montpellier-181188">Le vote métropolitain et ses fractures : l’exemple de Montpellier</a>
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<p>C’est aussi le cas dans la partie ouest du pays, traditionnellement plus rétive au vote RN – la ligne de démarcation du vote reliant Le Havre et Perpignan persiste, malgré la progression des scores du RN sur une très grande partie du territoire métropolitain, <a href="https://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_2003_num_21_3_2098">aujourd’hui comme dans les années 1980</a>.</p>
<p>À cette première limite s’en ajoute une d’ordre sociologique. La modération du discours ne s’est pas traduite par une progression du vote RN au sein des franges supérieures, et ce dernier reste pour l’essentiel un vote populaire. Ce paradoxe tribunitien est d’autant plus préjudiciable à Marine Le Pen dans sa quête du pouvoir que le vote en sa faveur se heurte à l’obstacle du vote Mélenchon, lui aussi très performant au sein de segments des classes populaires <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/generation-climat-vote-musulman-decroissants-radiographie-de-l-electorat-melenchon-20220415">(petite fonction publique, électorat d’origine immigrée</a>, majoritairement hostiles à l’extrême droite.</p>
<p>Ces deux limites font que l’électorat du RN reste sans doute encore trop spécifique pour espérer une victoire au second tour de l’élection présidentielle, malgré l’intensification de la campagne de la candidate <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-marine-le-pen-en-deplacement-dans-le-calvados-ce-lundi-de-paques-9b7ad526-be73-11ec-b798-7f300568f0c5">notamment dans l’ouest</a>.</p>
<h2>Une limite politique</h2>
<p>Enfin, la stratégie de campagne de Marine Le Pen se heurte à une troisième limite, cette fois-ci d’ordre politique. Celle-ci, bien visible durant cet entre-deux tours, se décline en trois éléments.</p>
<p>Le premier pointe les limites de la carte de l’expertise. Le débat du 20 avril 2022 en a apporté la démonstration. Souvent embarrassée et en défensive sur les points les plus techniques de son programme, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/debat-du-second-tour-marine-le-pen-a-voulu-faire-du-macron-en-vain_2172117.html">elle a échoué</a> à déstabiliser le candidat sortant sur son bilan.</p>
<p>Ce dernier, en traitant Marine Le Pen (presque) comme une rivale ordinaire, a accrédité son changement de stratégie – sa dédiabolisation – pour mieux la dominer sur le terrain de la gouvernementalité. Parallèlement, cet entre-deux-tours a mis en évidence les difficultés de la candidate et de son entourage à faire face aux critiques récurrentes à l’encontre du socle idéologique traditionnel du RN et de <a href="https://www.leparisien.fr/politique/presidentielle-a-pertuis-la-campagne-de-marine-le-pen-selectrise-15-04-2022-4QOU4PFIVZA2TOQTTWCVADX77A.php">ses positions conservatrices et anti-immigration</a>.</p>
<p>Un deuxième élément s’ajoute à cette difficulté : malgré la progression de ses scores électoraux, Marine Le Pen souffre encore d’un déficit de ralliements y compris venus de la droite et, parfois, <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/15/presidentielle-2022-robert-menard-se-met-en-retrait-de-la-campagne-de-marine-le-pen_6122372_6059010.html">au sein même de son propre camp</a>. Ce déficit s’explique en grande partie par un troisième élément, qui tient à la persistance de la marque Le Pen, encore infamante pour beaucoup.</p>
<p>Dimanche 24 avril, une majorité d’électeurs devra arbitrer entre deux passions tristes : la peur d’une présidence Le Pen, l’atout maître du président sortant, et le ressentiment envers Emmanuel Macron dont entend profiter la candidate du RN. Cet arbitrage de tous les dangers renvoie pour Marine Le Pen à deux grandes intrigues : sa capacité à maintenir dans le vote, au-delà de la présidentielle, les franges populaires qui lui semblent acquises, tout en consolidant son extension territoriale et la normalisation sur laquelle elle s’appuie.</p>
<p>De ce point de vue, la rencontre des électorats Le Pen et Zemmour constituera sans nul doute une clef pour un leadership durable. À plus long terme, le défi consiste pour le RN à dépasser la frontière entre les deux blocs populaires que constituent les votes Le Pen et Mélenchon. Entre respectabilité à droite et légitimation populaire, toutes les contradictions d’une campagne se dévoilent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181725/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour accompagner le recentrage du parti lepéniste, le style de campagne a été considérablement modifié, sans pour autant convaincre et rallier les électeurs. Explications.Emmanuel Négrier, Directeur de recherche CNRS en science politique au CEPEL, Université de Montpellier, Université de MontpellierJulien Audemard, Associate research scientistLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815132022-04-21T18:13:16Z2022-04-21T18:13:16ZUn nouveau plan nucléaire pour la France ? Quand l’histoire éclaire l’actualité<p>Le 10 février 2022, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonçait le lancement d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/electricite-emmanuel-macron-souhaite-relancer-la-filiere-nucleaire_4954434.html">ambitieux programme de construction de réacteurs nucléaires</a>. D’autres candidats et candidates (Marine Le Pen, Éric Zemmour, Valérie Pécresse ou encore Fabien Roussel) ont également placé le nucléaire au cœur de leur programme énergétique.</p>
<p>Si cette situation rappelle immanquablement le <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1974-pierre-messmer-lance-le-premier-grand-plan-nucleaire-civil-francais">« plan Messmer »</a> – qui lança en 1974 la construction du parc électronucléaire français – ces deux situations sont-elles vraiment comparables ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Février 2022 : Emmanuel Macron annonce 6 nouveaux réacteurs EPR en France. (Euronews, 2022).</span></figcaption>
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<h2>Deux périodes, deux crises énergétiques… des contextes différents</h2>
<p>Aujourd’hui, comme au milieu des années 1970, la France connaît une crise énergétique majeure, dans un contexte géopolitique très tendu. En effet, la crise pétrolière de 1973, liée à la guerre du Kippour et à l’embargo pétrolier des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), clôt la période des Trente Glorieuses durant laquelle le nucléaire civil ne représente qu’une très faible part du mix énergétique français.</p>
<p>Si nous connaissons également une crise énergétique aujourd’hui, amplifiée par la guerre en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">Ukraine</a>, la situation semble bien différente. Avec une croissance économique en berne, la France, désormais pays le plus nucléarisé au monde, se questionne sur son avenir énergétique.</p>
<p>Enfin, les arguments en faveur de l’énergie nucléaire ont évolué. Si la lutte contre le changement climatique a progressivement pris le dessus sur celui de l’indépendance nationale, les tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique ont tendance, aujourd’hui, à faire ressurgir brutalement ce second argument.</p>
<h2>Avant le plan Messmer, 20 ans de développement du tissu industriel</h2>
<p>D’un point de vue industriel, en 1974, EDF et le CEA ont une vingtaine d’années d’expérience de construction de réacteurs. Ces organismes conçoivent, réalisent et exploitent des <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/le-rayonnement-de-la-france/">réacteurs dits « uranium-naturel-graphite-gaz » (UNGG) à double emploi civil et militaire</a>. Les ingénieurs du CEA et d’EDF rencontrent alors de nombreuses difficultés pour mettre au point un réacteur qui soit compétitif sur le plan économique.</p>
<p>Malgré de gros efforts de rationalisation et d’optimisation, le projet franco-allemand d’une centrale UNGG à Fessenheim, devant être construite en 1965, est <a href="https://u-paris.fr/theses/detail-dune-these/?id_these=2706">repoussé à de nombreuses reprises puis abandonné en 1969</a>. Les autres réacteurs de la même technologie connaissent, au même moment, de nombreux incidents et même un <a href="https://theconversation.com/17-octobre-1969-saint-laurent-des-eaux-retour-sur-un-accident-nucleaire-francais-125322">accident nucléaire à Saint-Laurent-des-Eaux en 1969</a>.</p>
<p>Cette même année, la technologie française est abandonnée au profit des réacteurs à eau pressurisée (REP) américains dont un <a href="https://twitter.com/Mangeon4/status/1314145874088525824?s=20&t=zUSRDfFx4CA-mH-JmQbrZQ">seul exemplaire fonctionne depuis 1967 dans les Ardennes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">1974, la France lance son programme nucléaire civil. (Ina Sciences).</span></figcaption>
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<p>Le plan Messmer impose un rythme de construction correspondant <a href="https://www.decitre.fr/livres/un-si%C3%A8cle-d-energie-nucleaire-9782304030587.html">au maximum des capacités de l’industrie française</a>, héritage de l’expérience du programme UNGG et du lancement de deux REP à Fessenheim et Bugey. EDF forme alors massivement le personnel d’exploitation de ses centrales nucléaires, souvent issu des centrales thermiques ou d’anciens exploitants des centrales UNGG. Le nucléaire, qui a alors le vent en poupe, accueille également beaucoup de jeunes ingénieurs pour accompagner la conception et la réalisation de dizaines de réacteurs.</p>
<h2>Aujourd’hui, une filière nucléaire en difficulté qui cherche à se relancer</h2>
<p>Vingt ans après la mise en service de la dernière centrale (Civaux en 2002), le tissu industriel s’est progressivement délité. <a href="https://www.economie.gouv.fr/rapport-epr-flamanville">Des travaux</a> sur les déboires de l’EPR de Flamanville pointent des pertes de compétences industrielles dans la soudure, l’ingénierie et la gouvernance du projet.</p>
<p><a href="https://www.theses.fr/2014ENMP0090">D’autres travaux</a> mettent en évidence des mécanismes de désapprentissage liés à une longue période d’absence de projets et un profond renouvellement générationnel des équipes d’ingénieurs. La reprise en main de Framatome par EDF en 2018, et plus récemment le rachat de la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/edf-n-achete-qu-une-partie-des-activites-nucleaires-a-ge.N1783472">partie nucléaire de General Electric, également par EDF</a>, dénotent d’une volonté de maîtrise centralisée des outils de production de l’industrie pour renouer avec le succès.</p>
<p>Depuis l’annonce d’Emmanuel Macron en février 2022, de <a href="https://www.leparisien.fr/economie/business/le-nucleaire-civil-un-gisement-demplois-23-03-2022-JRKEJXMXXJD3JPVOVNKDQZLHTA.php">nombreux articles</a> pointent le besoin en personnel d’EDF qui lance une campagne de recrutement et de communication dans l’optique de faire resurgir l’intérêt pour la filière nucléaire.</p>
<h2>Dans les années 1970, une contestation articulée autour des sites d’implantation</h2>
<p>Développer le plan Messmer ne fut pas un long fleuve tranquille et le programme nucléaire fut très contesté.</p>
<p>Lors de la présidentielle de 1974, l’opposition au nucléaire civil est minoritaire. Pour autant, la société française semble partagée et une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">opposition très forte se structure autour des sites d’implantation</a>.</p>
<p>Les opposants organisent de grandes manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Certaines se terminent dans la violence, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7701118901/creys-malville-manifestation">comme à Creys-Malville (un manifestant meurt en 1977)</a> et des attentats sont même perpétrés sur les chantiers, comme à Fessenheim ou au domicile du PDG d’EDF.</p>
<p>Avant l’accident nucléaire de Tchernobyl (1986), la question du risque nucléaire est présente dans les oppositions, mais est loin d’être le seul critère de contestation. On insiste notamment sur la lutte contre un État qui impose ses choix aux citoyens et aux territoires.</p>
<p>Cette contestation n’empêchera finalement pas le déploiement du plan Messmer, hormis l’abandon de quelques sites (<a href="https://twitter.com/mangeon4/status/1311551958600355843">comme Plogoff ou le Pellerin</a>).</p>
<p>Le choix des sites est stratégique : on construit de nouvelles centrales très vite, parfois là où il y avait déjà du nucléaire, souvent sur des sites ruraux souffrant de dépopulation et où les communes <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-4-page-153.htm">entendent profiter des retombées financières</a>.</p>
<p>On peut supposer qu’aujourd’hui l’opposition autour des sites en construction serait sans doute très différente, les futurs réacteurs étant prévus sur des sites déjà nucléarisés.</p>
<h2>Des « maladies de jeunesse » moins acceptées aujourd’hui</h2>
<p>L’expertise et le contrôle de la sûreté nucléaire ont <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066034">fortement évolué depuis les années 1970</a>, avec la création d’une Autorité de Sûreté (ASN) en 2006 et d’un expert public (IRSN) en 2002.</p>
<p>À l’époque du plan Messmer, les services de l’État, fortement liés au monde industriel, acceptaient les « maladies de jeunesse » qui touchaient les réacteurs (<a href="https://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/foasso_c">par exemple, des problèmes de corrosion sur les couvercles de cuve</a>), mais qui ne sont plus tolérées aujourd’hui comme en témoigne le chantier de l’EPR.</p>
<p>Néanmoins, en cas de relance du nucléaire, on peut aussi faire l’hypothèse d’une forte pression politique pour ne pas trop freiner le programme et pousser à un <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01499002">retour d’une forme de souplesse du point de vue réglementaire</a>. À l’inverse, la question du risque nucléaire est vive dans l’opinion publique depuis l’accident de Tchernobyl et de Fukushima, ce qui pourrait fortement impacter le déroulement d’un nouveau programme de construction de réacteurs.</p>
<p>Si la mise en perspective historique s’avère pertinente, il n’y aura pas de plan « Messmer 2 », mais une nouvelle histoire du nucléaire civil en France à l’issue encore bien incertaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec les promesses d’un nouveau plan nucléaire pour la France, l’histoire du programme nucléaire des années 1970 et du « plan Messmer » est-elle en train de se répéter ?Michaël Mangeon, Chercheur associé EVS-RIVES ENTPE, enseignant vacataire Paris Nanterre, consultant., Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMathias Roger, Chercheur en histoire et sociologie des sciences et des techniques, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1817322022-04-21T18:06:18Z2022-04-21T18:06:18ZDossier : Présidentielle 2022, une campagne sans jeunesse ?<p>Dimanche 10 avril, date du premier tour de la présidentielle 2022, quatre électeurs sur dix parmi les moins de 35 ans ne se sont pas déplacés jusqu’aux urnes. Alors même que ce type de scrutin national mobilise traditionnellement plus la population, le taux d’abstention est donc en progression chez les jeunes par rapport à 2017. Cette évolution tient-elle à un décalage entre leurs attentes et les programmes mis en avant par les différents partis ? Ou reflète-t-elle une transformation du rapport au politique ?</p>
<p>Pour remettre en perspective ces questions, nous vous proposons de relire quelques analyses publiées sur The Conversation autour des élections, de la jeunesse, et des politiques qui lui sont dédiées, avec Anne Muxel (Sciences Po), Tom Chevalier (Rennes-1), Patricia Loncle (EHESP), Camille Peugny (Université de Versailles Saint-Quentin), Rustam Romaniuc (Montpellier Business School), Élodie Gentina (IÉSEG School of Management), Nicolas Charles (Université de Bordeaux) et Romain Pierronnet (Université de Lorraine).</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comprendre-labstention-des-jeunes-en-cinq-questions-181127">Comprendre l’abstention des jeunes en cinq questions</a></h2>
<p>Si les jeunes boudent plus souvent les urnes que leurs aînés, leur niveau d’abstention était particulièrement élevé ce 10 avril 2022. Quatre électeurs de moins de 35 ans sur dix n’auraient pas voté.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/le-vote-jeune-existe-t-il-179871">Le vote jeune existe-t-il ?</a></h2>
<p>Dans les campagnes électorales, la catégorie « jeunesse » est souvent utilisée pour parler, non des enjeux de jeunesse, mais d’autre chose – l’État, la Nation, la citoyenneté…</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/les-jeunes-et-le-politique-au-dela-du-vote-des-formes-dengagement-multiples-177648">Les jeunes et le politique : au-delà du vote, des formes d’engagement multiples</a></h2>
<p>Si le vote reste l’outil de participation politique le plus massif, les différentes générations n’ont pas la même attitude vis-à-vis de cet outil.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-faire-pour-inciter-les-jeunes-a-voter-179245">Comment faire pour inciter les jeunes à voter ?</a></h2>
<p>Les sciences comportementales montrent que nos décisions sont influencées par celles des autres, comme par les discours qu’on tient. Des résultats à mobiliser pour lutter contre l’abstention ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/choix-detudes-orientation-professionnelle-donnons-aux-jeunes-le-droit-de-se-tromper-174930">Choix d’études, orientation professionnelle : « Donnons aux jeunes le droit de se tromper »</a></h2>
<p>La crise a fait ressortir les déficits des politiques publiques vis-à-vis de la jeunesse, soulignant aussi une articulation entre la formation et l’emploi qui laisse rarement une deuxième chance.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/derriere-lautonomie-des-universites-des-enjeux-de-societe-180700">Derrière l’autonomie des universités, des enjeux de société ?</a></h2>
<p>Pour augmenter leurs ressources propres, les universités sont incitées à développer la formation continue alors que c’est la formation initiale diplômante qui reste décisive dans la société actuelle.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/les-jeunes-acteurs-de-la-transition-energetique-174629">Les jeunes, acteurs de la transition énergétique ?</a></h2>
<p>S’ils sont nombreux à se mobiliser lors des manifestations pour le climat, les jeunes changent-ils vraiment leurs habitudes de vie au quotidien ? Quelques éclairages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Avant le deuxième tour de l’élection présidentielle 2022, retour sur quelques analyses de nos auteurs et autrices autour du vote des jeunes, de leurs attentes et des politiques qui leur sont dédiées.Aurélie Djavadi, Cheffe de rubrique EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798112022-04-21T18:05:59Z2022-04-21T18:05:59Z« Jeunes de quartier » : « La politique elle se fait à côté »<p><em>Dans cette nouvelle série d'été nous rediffusons les 6 épisodes du podcast Jeunes de quartier. Des jeunes issus de différents quartiers populaires franciliens s'expriment sur leur quotidien, leur place dans la société française et leurs espoirs.</em></p>
<p><em>Après un <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-regarde-moi-178674">premier épisode</a> consacré à la destitution des clichés sur les jeunes de quartier, un <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-ou-tout-le-monde-se-croise-179794">second</a> sur les changements qui s'opèrent depuis plusieurs années dans la ville de Pantin, ce nouvel épisode se penche sur les multiples formes d'engagement des jeunes de quartiers.</em></p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/62611096201c9e001404b4de" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Banlieues, quartiers, cités. En France, ces mots ont trop souvent une connotation négative. Ce que l’État français nomme depuis 2018 les <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/quartiers-de-la-politique-de-la-ville">quartiers prioritaires de la politique de la ville</a> regroupe 5,4 millions d’habitants dont 40 % ont moins de 25 ans. Mais qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? La <a href="https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part">recherche participative Pop-Part</a>, conduite dans <a href="https://jeunesdequartier.fr/quartiers">dix villes ou quartiers</a> de l’Île-de-France, et portée notamment par l’Université Paris Nanterre, s’est associée à 120 jeunes pour se saisir du sujet.</em></p>
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<p>Les jeunes des quartiers populaires s’engagent de multiples façons. À l’échelle locale comme à l’échelle internationale. Sur des enjeux de solidarité, d’accueil de justice. S’ils expriment un éloignement vis-à-vis de la politique institutionnelle, cela ne les empêche pas de prendre la parole, y compris en se présentant aux élections locales ?</p>
<p>Pour parler de la question de l’engagement et de la solidarité, nous recevons <strong>Marie-Hélène Bacqué</strong> chercheuse à l’université Paris-Nanterre, sociologue et coordinatrice du projet Pop-Part auquel ont participé <strong>Thibaut Noël</strong> et <strong>Djieneba Konte</strong>.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<p>Thibaut a 26 ans. Originaire de Pantin, militant politique, il a notamment participé au mouvement des « gilets jaunes » et a participé à la création d’un collectif pour venir en aide aux réfugiés. Djienaba a 20 ans. En deuxième année de droit à l’université de Nanterre, elle s’est présentée sur une liste citoyenne aux élections de sa ville, Aubervilliers et s’engage régulièrement auprès de lycéens avec son association, Parle, afin de les initier aux concours d’éloquence.</p>
<p>Loin de l’image d’une jeunesse désintéressée de la vie politique, les parcours de ces jeunes nous éclairent sur d’autres type d’engagements qui se font bien souvent en dehors des partis politiques.</p>
<p><strong>Extraits</strong><br>
● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kxh4S2A8Q4U">« Broke for free »</a>, Something Elated, 2011.<br>
● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iMe_gnXTYcg"><em>Covid-19 : la solidarité s’organise dans les quartiers nord de Marseille</em></a>, France 3 PACA, 2020.<br>
● <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rclIpDH2kYY"><em>Concours d’éloquence dans le 93 : la parole comme une arme</em></a>, France Inter, 2016.</p>
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<img alt="Courverture de « Jeunes de quartier », 2021" src="https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456826/original/file-20220407-14-o9b0te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« Jeunes de quartier », 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>La recherche Pop-Part a donné lieu à un ouvrage, <a href="https://jeunesdequartier.fr">« Jeunes de quartier. Le pouvoir des mots »</a>, coordonné par Marie-Hélène Bacqué et Jeanne Demoulin, paru chez C&F Éditions, ainsi qu’un site <a href="https://jeunesdequartier.fr/">Jeunesdequartier.fr</a>, des dizaines de vidéos, réalisées par les jeunes mais également une pièce de théâtre, mise en scène par le Kygel Théâtre à partir de textes de l’ouvrage, et un film sur le processus de la recherche, réalisé par Géraldine Kouzan.</em></p>
<p><em>Crédits : Conception et animation, Cléa Chakraverty. Réalisation : Romain Pollet. Chargé de production : Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179811/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Bacqué a reçu des financements pour cette recherche dans le cadre de l'ANR Pop-Part dont elle est responsable et coordinatrice (<a href="https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part/">https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part/</a>).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clea Chakraverty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre recul des services publics et défiance envers les politiques, les habitants de banlieues s’organisent en collectifs pour répondre à ces carences.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceMarie-Hélène Bacqué, Sociologue, urbaniste, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.