tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/science-21141/articlesscience – The Conversation2024-03-26T16:24:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2258392024-03-26T16:24:16Z2024-03-26T16:24:16ZLes éclipses totales de Soleil constituent une occasion de s’intéresser à la science, à la culture et à l’histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581957/original/file-20240311-16-li8vda.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3724%2C2146&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De tout temps, les éclipses ont inspiré les sociétés à comprendre le cosmos et ses événements.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 8 avril 2024, une éclipse solaire totale se produira au Canada. C’est une occasion de vivre une expérience exceptionnelle, d’apprendre et de prendre part à l’excitation et à l’émerveillement. Des chercheurs ont expliqué comment profiter en toute sécurité de cet événement unique, plutôt que de se terrer à l’intérieur.</p>
<p>À peu près tous les 18 mois, le Soleil, la Lune et la Terre s’alignent parfaitement, et il se trouve un endroit sur notre planète <a href="https://eclipse.gsfc.nasa.gov/SEatlas/SEatlas.html">où l’on peut observer une éclipse solaire</a>. La Lune projette alors une ombre d’environ 250 km de large sur la Terre.</p>
<p>Cette obscurité diurne éphémère constitue une expérience que l’on ne voit habituellement qu’une seule fois dans sa vie. Toronto a connu sa dernière éclipse solaire totale le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+19250124&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69660&Lng=-79.41391&Elv=162.0&Zoom=8&LC=1">24 janvier 1925</a> ; la prochaine s’y produira dans 120 ans, le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+21441026&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69629&Lng=-79.29982&Elv=127.0&Zoom=8&LC=1">26 octobre 2144</a>.</p>
<p>Notre compréhension des éclipses totales de Soleil et notre réaction à celles-ci ont énormément évolué. Ces phénomènes étaient autrefois considérés comme des présages cosmiques qui annonçaient la mort des rois, de bonnes récoltes ou la nécessité de conclure de nouveaux traités territoriaux. Aujourd’hui, elles offrent une occasion unique de réfléchir à la nature physique de l’univers et au privilège cosmique d’assister à l’alignement de la Lune et du Soleil.</p>
<h2>Éclipses et développement des connaissances</h2>
<p>En raison de l’obscurité soudaine qu’elles provoquent, les éclipses solaires <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2015-03-17/pourquoi-avons-nous-peur-des-eclipses-f5dc6f2a-9aac-4c7a-ac20-b2ba1321592f">ont longtemps été perçues comme des événements catastrophiques</a>. De nombreuses sociétés ont élaboré des récits <a href="https://www.britannica.com/list/the-sun-was-eaten-6-ways-cultures-have-explained-eclipses">pour expliquer ces manifestations inhabituelles</a>, souvent empreints de peur et de violence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="illustration d’un démon brun doré mangeant un disque jaune sur un fond violet" src="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Peinture murale qu’on peut admirer au temple Wat Phang La, dans le sud de la Thaïlande, et qui représente le démon hindou Rahu avalant la Lune.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/anandajoti/10684670235/">(Anandajoti Bhikkhu/Flickr)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans les mythes indiens, on évoque un <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2017/lifestyle/eclipse-myths/">démon immortel qui cherche à se venger de Vishnu en mangeant le Soleil et la Lune</a>. Les Pomo, peuple autochtone du nord de la Californie, parlent d’un <a href="https://www.exploratorium.edu/eclipse/eclipse-stories-from-around-the-world">immense ours en colère qui tente d’avaler le Soleil</a>. Dans d’autres mythologies, les éclipses étaient considérées comme des forces célestes qui nous enlevaient notre source de chaleur et de vie.</p>
<p>Les croyances relatives aux éclipses ont incité les astronomes grecs de l’Antiquité à créer le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0103275">mécanisme d’Anticythère</a>, un ordinateur analogique complexe qui prédisait le moment des futures éclipses avec une précision de 30 minutes. Ces prédictions étaient cruciales pour la société grecque, car une éclipse solaire pouvait annoncer la mort du roi, et l’on nommait alors un pseudo-empereur qui serait tué à sa place.</p>
<p>Nos réactions aux éclipses ont évolué, et nous comprenons mieux désormais le système solaire et l’univers dans son ensemble.</p>
<p>Lors de l’éclipse du 18 août 1868, les astronomes Norman Lockyer et Pierre Janssen ont étudié la lumière de la couronne solaire et <a href="https://doi.org/10.1007/978-1-4614-5363-5">découvert un nouvel élément chimique</a>. Cet élément a été baptisé hélium, d’après le mot grec désignant le Soleil.</p>
<p>Le 29 mai 1919, Frank Watson Dyson et Arthur Stanley Eddington ont observé la <a href="https://doi.org/10.1098/rsta.1920.0009">trajectoire courbe de la lumière des étoiles</a> pendant une éclipse totale de Soleil, donnant lieu au premier <a href="https://timesmachine.nytimes.com/timesmachine/1919/11/10/118180487.pdf">« triomphe de la théorie d’Einstein »</a> de la relativité générale.</p>
<p><a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="anciens fragments carrés verdâtres" src="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fragments d’un mécanisme d’Anticythère exposés dans un musée d’Athènes, en Grèce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Vivre une éclipse</h2>
<p>Contrairement à divers autres événements cosmiques, tels que les pluies de météorites ou les comètes, qui nécessitent des télescopes coûteux ou des <a href="https://darksky.org/what-we-do/international-dark-sky-places/">endroits où le ciel est sombre</a>, les éclipses sont accessibles à tous. Pour la regarder sans prendre de risques, il suffit de se munir de lunettes spéciales ou d’une <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/jeunes-educateurs/activites/experiences-amusantes/projecteur-eclipse.asp">boîte en carton</a>.</p>
<p>De nombreuses universités canadiennes profitent de l’éclipse solaire totale pour inciter les gens à suivre ce phénomène astronomique en toute sécurité. À titre d’exemple, l’Université Queen’s de Kingston, au Canada, met à disposition du public <a href="https://www.queensu.ca/physics/2024-total-solar-eclipse/eclipse-glasses">120 000 lunettes</a> pour permettre une observation sûre de l’éclipse.</p>
<p>Dans une optique éducative, des centaines <a href="https://exoplanetes.umontreal.ca/emplois-formation/ambassadrices-et-ambassadeurs-de-leclipse-programme-de-formation/#:%7E:text=Notre%20programme%20d%E2%80%99Ambassadrices%20et,les%20observer%20en%20toute%20s%C3%A9curit%C3%A9">d’ambassadeurs de l’éclipse</a> se rendent dans les écoles pour discuter avec les élèves de l’importance de vivre cette expérience d’une manière riche et sans risques. Ils animent des ateliers sur la construction de boîtes à éclipse solaire servant à projeter l’image du Soleil pendant l’éclipse, expliquent les phénomènes uniques que l’on peut remarquer pendant les éclipses, telles que les <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/astronomie-eclipse-soleil-plus-belles-images-657/photos-grains-baily-ces-perles-lumiere-3901/">grains de Baily</a> et l’<a href="https://www.nasa.gov/image-article/diamond-ring-effect/">effet d’anneau de diamant</a>, et aident les gens à découvrir l’immensité du système solaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un cercle noir entouré d’un anneau lumineux plus épais dans le quadrant inférieur droit" src="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’effet des grains de Baily se produit lorsque des irrégularités dans le relief accidenté de la Lune permettent à la lumière du Soleil de passer à certains endroits juste avant la phase totale de l’éclipse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.nasa.gov/resource/baileys-beads/">(Aubrey Gemignani/NASA)</a></span>
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<p>Ces initiatives démontrent la valeur universelle de la science et encouragent le développement de la curiosité scientifique hors des salles de classe et des institutions.</p>
<p>L’éclipse d’avril est non seulement l’occasion d’inspirer une nouvelle génération de scientifiques, mais elle sert également à faire progresser les connaissances scientifiques. Contrairement aux expériences de Dyson, d’Eddington et de Lockyer qui se limitaient au monde universitaire, les institutions d’aujourd’hui mobilisent le public pour mener des expériences de science citoyenne.</p>
<p>Lancé par la NASA, le <a href="https://eclipsemegamovie.org/goals">projet Eclipse Megamovie</a> utilisera des photos prises pendant la totalité de l’éclipse solaire pour étudier la couronne solaire. En 2017, des images prises pendant une éclipse totale ont permis aux chercheurs de détecter un nuage de plasma dans la couronne solaire. L’éclipse de 2024 sera une occasion de l’étudier plus en détail.</p>
<p>Toute personne disposant d’un appareil photo reflex numérique et d’un trépied peut soumettre une photo de l’éclipse solaire totale au projet Eclipse Megamovie. Les données publiques collectées pour l’éclipse de 2024 dépasseront de loin ce qui pourrait être accompli par une seule expérience ou en un seul lieu.</p>
<p>L’éclipse solaire totale d’avril, et d’autres à venir, nous rappelleront que la science est passionnante et inspirante, et que l’expertise scientifique a une grande valeur universelle. Une telle coïncidence céleste est l’occasion de nouer un dialogue avec les collectivités et de discuter de l’origine et de la mécanique de notre système solaire, tout en associant le public à la découverte scientifique au moyen d’images recueillies auprès de la population.</p>
<p>Il ne reste plus qu’à espérer un ciel dégagé et à s’émerveiller une fois de plus devant le cosmos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225839/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nikhil Arora reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mark Richardson est basé à l'Institut canadien de recherche en astroparticules Arthur B. McDonald, qui a reçu un financement du Fonds d'excellence en recherche du Canada.</span></em></p>Les éclipses ont inspiré des mythes, des prédictions et des découvertes scientifiques. L’éclipse solaire totale du 8 avril est une occasion unique de s’intéresser à la science et au cosmos.Nikhil Arora, Postdoctoral fellow, Physics, Engineering Physics & Astronomy, Queen's University, OntarioMark Richardson, Manager for Education and Public Outreach, Adjunct Professor of Physics and Astronomy, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253412024-03-08T11:05:37Z2024-03-08T11:05:37ZLes faux travaux académiques se multiplient : pourquoi ils représentent un danger et comment y mettre fin<p>Dans les années 1800, les colons britanniques en Inde ont tenté de réduire la population de cobras, qui rendait la vie et le commerce très difficiles à Delhi. Ils ont commencé à payer une prime pour les cobras morts. Cette stratégie <a href="https://fee.org/articles/the-cobra-effect-lessons-in-unintended-consequences/">a très vite entraîné la généralisation de l'élevage de cobras pour l'argent</a>. </p>
<p>Ce risque d'effets non voulus est parfois appelé <a href="https://econowmics.com/the-cobra-effect-unintended-consequences/">“l'effet cobra”</a>. Il peut également être résumé par la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7901608/">loi de Goodhardt</a>, du nom de l'économiste britannique Charles Goodhart. Il a déclaré que lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure.</p>
<p>L'effet cobra s'est enraciné dans le monde de la recherche. La culture du “publier ou périr”, qui valorise les publications et les citations par-dessus tout, a donné lieu à sa propre panoplie de “programmes d'élevage de cobras”. Cette approche a entraîné la généralisation de pratiques de recherche douteuses, telles que la surestimation de l'impact des résultats de la recherche pour rendre les travaux plus attrayants pour les éditeurs. </p>
<p>Cela a également conduit à l'essor des usines à papier, des organisations criminelles qui vendent les travaux des auteurs universitaires. <a href="https://publicationethics.org/sites/default/files/paper-mills-cope-stm-research-report.pdf">Un rapport sur le sujet</a> décrit les usines à papier comme (le)</p>
<blockquote>
<p>processus par lequel de faux manuscrits sont soumis à une revue moyennant rémunération au nom de chercheurs dans le but de leur fournir une publication facile ou d'offrir des droits d'auteur à la vente.</p>
</blockquote>
<p>Ces faux articles ont de graves conséquences pour la recherche et son impact sur la société. Tous les faux articles ne sont pas rétractés. Et même ceux qui le sont se retrouvent souvent dans des analyses documentaires systématiques qui sont, à leur tour, utilisées pour élaborer des orientations politiques, des lignes directrices cliniques et des programmes de financement. </p>
<h2>Comment fonctionnent les usines à papier ?</h2>
<p>Les usines à papier s'appuient sur le désespoir des chercheurs - souvent jeunes, souvent surchargés de travail, souvent à la périphérie du monde universitaire, luttant pour surmonter les obstacles à l'entrée - pour alimenter leur modèle d'entreprise. </p>
<p>Leur succès est alarmant. Le site web de l'une de ces entreprises, basée en Lettonie, revendique dans une annonce la publication de plus de 12 650 articles depuis son lancement en 2012. Selon <a href="https://publicationethics.org/sites/default/files/paper-mills-cope-stm-research-report.pdf">une analyse</a> de deux revues seulement, menée conjointement par le Comité d'éthique des publications et l'Association internationale des éditeurs scientifiques, techniques et médicaux, plus de la moitié des 3440 articles soumis sur une période de deux ans se sont révélés être des faux. </p>
<p>On <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-03464-x">estime</a> que toutes les revues, quelle que soit leur discipline, voient le nombre de faux articles soumis augmenter fortement. Actuellement, le taux est d'environ 2 %. Cela peut sembler peu. Mais étant donné le nombre important et croissant de publications scientifiques, cela signifie qu'un grand nombre de faux articles sont publiés. Chacun d'entre eux peut gravement nuire aux patients, à la société ou à la nature lorsqu'il est mis en pratique.</p>
<h2>La lutte contre les faux articles</h2>
<p>De nombreuses personnes et organisations luttent contre les usines à papier.</p>
<p>La communauté scientifique a la chance de pouvoir compter sur plusieurs “détecteurs de faux articles” qui consacrent bénévolement leur temps à débusquer les faux articles dans la littérature. <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-01363-z">Elizabeth Bik</a>, par exemple, est une microbiologiste néerlandaise devenue consultante en intégrité scientifique. Elle consacre une grande partie de son temps à rechercher dans la littérature biomédicale des images photographiques manipulées ou des textes plagiés. Il y a <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-00439-9">d'autres</a> <a href="https://www.aps.org/publications/apsnews/202307/wise.cfm">qui font ce travail</a> aussi.</p>
<p>Des organisations telles que <a href="https://blog.pubpeer.com/publications/45D03A8E43685FFF089F58330F5DC5#1*">PubPeer</a> et <a href="https://retractionwatch.com/">Retraction Watch</a> jouent également un rôle essentiel en signalant les faux articles et en faisant pression sur les éditeurs pour qu'ils se rétractent.</p>
<p>Ces initiatives et d'autres, comme le <a href="https://www.stm-assoc.org/stm-integrity-hub/">STM Integrity Hub</a> et <a href="https://united2act.org/">United2Act</a>, dans lesquelles les éditeurs collaborent avec d'autres parties prenantes, tentent de résoudre le problème. </p>
<p>Mais il s'agit d'un problème profondément enraciné. L'utilisation d'une intelligence artificielle générative telle que ChatGPT aidera les détectives, mais entraînera probablement une augmentation du nombre de faux documents, qui sont désormais plus faciles à produire et plus difficiles, voire impossibles, à détecter.</p>
<h2>Arrêtez de payer pour des cobras morts</h2>
<p>Pour changer cette culture, il faut modifier l'évaluation des chercheurs. </p>
<p>Les chercheurs doivent être reconnus et récompensés pour leurs pratiques de recherche responsables : l'accent doit être mis sur la transparence et la responsabilité, un enseignement de haute qualité, une bonne supervision et une excellente évaluation par les pairs. Cela permettra d'élargir le champ des activités qui rapportent des “points de carrière” et de déplacer l'accent de l'évaluation de la quantité vers la qualité.</p>
<p>Heureusement, il existe déjà plusieurs initiatives et stratégies axées sur un ensemble équilibré d'indicateurs de performance pertinents. La <a href="https://sfdora.org/">Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche</a>, établie en 2012, appelle la communauté des chercheurs à reconnaître et à récompenser les différents résultats de la recherche, au-delà de la simple publication. Les <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3000737">Principes de Hong Kong</a>, formulés et approuvés lors de la 6e Conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche en 2019, encouragent les évaluations de la recherche qui favorisent les pratiques de recherche responsables tout en minimisant les incitations perverses qui conduisent à des pratiques telles que l'achat de paternité ou la falsification de données.</p>
<p>Ces questions, ainsi que d'autres liées à la protection de l'intégrité de la recherche et à l'instauration de la confiance, seront également débattues lors de la <a href="https://wcri2024.org/">8e conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche</a> qui se tiendra à Athènes, en Grèce, en juin de cette année. </p>
<h2>Ouverture</h2>
<p>Les pratiques relevant de la “<a href="https://www.fosteropenscience.eu/content/what-open-science-introduction">Science ouverte</a>” seront essentielles pour rendre le processus de recherche plus transparent et les chercheurs plus responsables. Open Science est le terme générique d'un mouvement composé d'initiatives visant à rendre la recherche universitaire plus transparente et plus équitable, allant de la publication en libre accès à la science citoyenne.</p>
<p>Les méthodes ouvertes, par exemple, impliquent le <a href="https://www.cos.io/initiatives/prereg">pré-enregistrement</a> des caractéristiques essentielles d'un plan d'étude avant son lancement. Un <a href="https://www.cos.io/initiatives/registered-reports">rapport enregistré</a> contenant l'introduction et la section sur les méthodes est soumis à une revue avant le début de la collecte des données. Il est ensuite accepté ou rejeté en fonction de la pertinence de la recherche et de la solidité de la méthodologie.</p>
<p>L'avantage supplémentaire d'un rapport enregistré est que les commentaires des évaluateurs sur la méthodologie peuvent encore modifier les méthodes de l'étude, puisque la collecte de données n'a pas commencé. La recherche peut alors commencer sans pression pour obtenir des résultats positifs, ce qui élimine l'incitation à modifier ou à falsifier les données. </p>
<h2>L'évaluation par les pairs</h2>
<p>Les pairs évaluateurs jouent un rôle important en matière de prévention de publication d'articles erronés ou falsifiés. Dans ce système, l'assurance qualité d'un article est effectuée de manière totalement volontaire et souvent anonyme par un expert du domaine ou du sujet concerné. </p>
<p>Toutefois, la personne qui effectue le travail d'évaluation ne reçoit aucun crédit ni aucune récompense. Il est essentiel que ce type de travail “invisible” dans le monde universitaire soit reconnu, célébré et inclus dans les critères de promotion. Cela peut contribuer de manière significative à la détection de pratiques de recherche douteuses (ou pires) avant la publication.</p>
<p>Cela favorisera une évaluation par les pairs de qualité, limitant ainsi le nombre d'articles douteux qui parviennent à passer à travers ce processus, tout en offrant davantage d'opportunités de réussite académique, brisant ainsi la culture toxique “publier ou périr”</p>
<p><em>Cet article est basé sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=64UTTIJr6wk">une présentation</a> donnée par l'auteur principal à l'université de Stellenbosch, en Afrique du Sud, le 12 février 2024. Natalie Simon, consultante en communication spécialisée dans la recherche, qui fait partie de l'équipe de communication de la 8e conférence mondiale sur l'intégrité de la recherche et termine actuellement un doctorat en sciences et technologies à l'université de Stellenbosch, a coécrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lex Bouter est le président fondateur de la Fondation des conférences mondiales sur l'intégrité de la recherche et coprésident de la 8e WCRI qui se tiendra à Athènes du 2 au 5 juin 2024.</span></em></p>Les fabricants d'articles de recherche exploitent la détresse des chercheurs pour soutenir leur modèle économique.Lex Bouter, Professor of Methodology and Integrity, Vrije Universiteit AmsterdamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247732024-03-07T16:19:17Z2024-03-07T16:19:17ZComment la réforme du lycée éloigne les filles des maths et des sciences<p>Le discours public met aujourd’hui l’accent sur la promotion des femmes dans les métiers scientifiques et techniques. Favoriser leur accès à ces voies prestigieuses est présenté comme un enjeu majeur, pour l’économie du pays comme pour l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<p>Dans ce contexte, les effets de la <a href="https://www.ouest-france.fr/bac/bac-fin-des-series-un-grand-oral-et-du-controle-continu-partir-de-2021-5565067">réforme du lycée instaurée en 2019</a> posent question. Celle-ci qui a mis fin au système des séries générales de baccalauréat (voie scientifique, voie littéraire, voie économique) offrant une plus grande latitude dans la composition des programmes de première et terminale, à partir d’un socle commun et d’enseignements de spécialité. Cependant, cette organisation modulaire s’est accompagnée d’une chute massive des inscriptions dans les disciplines scientifiques au lycée, <a href="https://collectif-maths-sciences.fr/2022/10/04/reforme-du-lycee-vers-des-sciences-sans-filles-1-2/">qui touche particulièrement les filles</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>Alors que la place des femmes a été déclarée <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/grande-cause-du-quinquennat-budget-consacre-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes">grande cause du quinquennat 2017-2022</a> et que les enjeux autour des sciences revêtent une dimension internationale, on observe en France un retournement d’ampleur inédite sur l’égalité d’accès aux sciences au lycée général, en contradiction avec les intentions affichées. C’est ce qui ressort quand on reconstruit les évolutions des effectifs des bacheliers et bachelières depuis 60 ans.</p>
<h2>Les sciences au baccalauréat, un enjeu de la Vᵉ République</h2>
<p>Le nombre d’élèves en formation scientifique est crucial au regard des compétences techniques et scientifiques nécessaires aux transitions environnementales, sociales et économiques du pays. La plupart des acteurs économiques <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-ecoles-d-ingenieurs-mobilisees-face-a-la-penurie-de-talents-dans-l-industrie.N2188593">font état de leurs difficultés à recruter</a> et demandent d’augmenter rapidement le nombre de personnes formées à un niveau Bac+5 dans ces domaines.</p>
<p>Analyser la situation actuelle nécessite de prendre en compte les profondes modifications du contexte scolaire de la V<sup>e</sup> République. Jusqu’au début des années 1960, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/baccalaureat-23150">baccalauréat</a> ne concerne qu’une petite partie de la population, surtout issue de la classe bourgeoise urbaine. Guidées par les différents plans de développement économique et social, les politiques éducatives d’alors vont <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">ouvrir largement l’accès aux études secondaires et supérieures</a>.</p>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1965/09/10/les-changements-seront-tres-limites-en-1965-bull-classe-de-seconde-litteraire-sans-latin-bull-mathematiques-facultatives-pour-les-philosophes_3146226_1819218.html">La réforme Fouchet de 1965 du lycée général</a> supprime la sélection pour entrer en terminale et créé de nouvelles séries, dans lesquelles les volumes horaires de sciences et de mathématiques augmentent. On assiste à partir de la fin des années 1960 à une <a href="https://books.openedition.org/purh/1561">massification rapide de l’accès au bac général</a> : si celui-ci <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_08-les_evolutions_de_l_enseignement_superieur_depuis_50_ans_croissance_et_diversification.php">ne concerne que 11 % d’une classe d’âge en 1962, cette part s’élève à 18 % en 1975</a> et à près de 44 % en 2022.</p>
<h2>Le poids des sciences dans le bac général</h2>
<p>Dans l’étude que nous avons menée, on qualifie de bac « sciences » les cursus en terminale générale incluant au moins 12h hebdomadaires de sciences, dont 5h30 de mathématiques. Avant 1994, cela équivaut aux séries C, D et E puis, entre 1994 et 2019, à la série S et, depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000037208167">réforme de 2019</a> aux doublettes de spécialités maths/sciences (soit numérique et sciences informatiques (NSI), soit physique-chimie (PC), soit sciences de l’ingénieur (SI) ou encore sciences de la vie et de la terre (SVT)). Les parcours sans spécialité maths en terminale ne seront pas comptabilisés.</p>
<p>Nous reconstituons à partir des <a href="https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/notes-dinformation.aspx">archives des données publiques</a> l’évolution des effectifs du bac sciences depuis 1962 pour la filière générale.</p>
<p>Après une forte croissance jusqu’en 2020, l’effectif chute de près de moitié depuis la réforme : il revient au niveau de 1988. Les bacheliers généraux étant moins nombreux en 1988, le poids relatif des sciences dans le bac général en 2022 est donc très inférieur à celui de 1988, comme nous l’illustrons ci-dessous :</p>
<p>Alors que le bac sciences constituait environ la moitié des bacs généraux entre 1962 et 2020, sa part chute à 27 % depuis la réforme. Même en comptabilisant l’ensemble des parcours sciences n’incluant que 3h de maths en option, cette part reste inférieure à 38 % en 2022.</p>
<p>Cette rupture marque une réduction inédite de la formation scientifique au lycée. Affirmer <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/discours-de-frederique-vidal-la-commission-culture-education-et-communication-du-senat-sur-la-lpr-45569">« l’importance vitale de la science pour notre pays »</a> et « en même temps » en réduire à ce point l’accès est paradoxal. Comment expliquer ce hiatus de la politique publique ? L’analyse de la composition des élèves concernés, en particulier selon le genre, permet d’en donner un éclairage.</p>
<h2>Filles et garçons : un inégal rapport aux sciences</h2>
<p>Créé en 1808 pour les garçons de l’élite bourgeoise auxquels les lycées sont alors réservés, le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/10047-napoleon-cree-le-baccalaureat-premier-grade-universitaire">baccalauréat est la porte d’accès aux études supérieures</a>. Il ne deviendra accessible qu’en 1925 aux filles qui peuvent dès lors suivre les mêmes études que les garçons. Leur progression régulière dans les études secondaires aboutit à partir de 1968 à leur domination en nombre au baccalauréat général. Elles constituent actuellement environ 57 % de l’ensemble des bacheliers généraux, proportion stable depuis plusieurs décennies mais inégalement répartie selon les parcours.</p>
<p>Dans les parcours scientifiques, traditionnellement masculins, l’évolution des filles et des garçons montre leur progression régulière, avec un retard des filles sur les garçons qui se réduit peu à peu jusqu’en 2020. L’écart est alors le plus faible jamais atteint, signe d’un progrès notable pour l’égalité d’accès aux sciences entre les filles et les garçons :</p>
<p>Depuis la réforme de 2019, les effectifs scientifiques s’effondrent : la baisse est de 30 % pour les garçons et de 60 % pour les filles.</p>
<p>On représente sur le graphique ci-dessous l’évolution de la part du bac sciences selon le genre : il montre une relative stabilité entre 1962 et 2020 pour les filles et les garçons, avec une augmentation progressive de la part des bachelières scientifiques entre 1986 et 2020 :</p>
<p>La réforme de 2019 marque une rupture avec une baisse inédite du taux d’accès au bac sciences en 2022 tant pour les filles que les garçons, pour lesquels ce recul est moins marqué : les inégalités de genre se sont nettement aggravées depuis la réforme. C’est ce que montre ce graphique comparant la proportion des bacs sciences entre les garçons et les filles :</p>
<p>Si l’avantage a toujours été aux garçons, on constate un lent progrès vers l’égalité depuis 1986 et jusqu’en 2020. Après la réforme, en 2022, un garçon a 2,3 fois plus de chances qu’une fille d’avoir un bac « sciences », c’est l’inégalité la plus forte observée au cours de toute la V<sup>e</sup> République.</p>
<h2>Un recul inédit de l’égalité face aux sciences au lycée</h2>
<p>Le XX<sup>e</sup> siècle a permis l’ascension scolaire des filles <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047727?sommaire=6047805">qui sont désormais plus nombreuses que les garçons dans les études supérieures</a>. Pour autant, leur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6960132">égalité économique ou sociale est loin d’être atteinte</a> encore aujourd’hui. Rappelons que, dans la société française, le droit d’une femme à ouvrir un compte bancaire ou à travailler sans l’accord d’un tuteur a moins de 60 ans. Autrement dit, le rôle de la femme tel qu’il est défini dans la société du XX<sup>e</sup> siècle limite son ascension sociale.</p>
<p>Un meilleur équilibre dans les <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus075.pdf">orientations vers les débouchés professionnels les mieux rémunérés</a>, dont celles vers les très masculines sciences et techniques, représente donc un enjeu de justice sociale. Le retour en arrière consécutif à la réforme de 2019 sur les progrès réalisés en ce sens au lycée général durant la V<sup>e</sup> République, nous place dans une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine.</p>
<p>Une telle organisation au lycée n’aboutit finalement qu’à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes.</p>
<p>Si la question du rapport des femmes aux sciences ne saurait se réduire à celle du bac, cette réforme, fondée sur un choix de « spécialités » sans garantir de socle de connaissances solides en mathématiques et en sciences, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">contraint leur orientation et devenir professionnel, diminuant fortement les chances d’une promotion sociale et économique</a>.</p>
<p>Dans la longue succession des réformes du lycée, celle de 2019 est unique par son impact massif sur l’affaiblissement des filières scientifiques et la parité. Le gouvernement en mesure-t-il la portée ? Cette étude montre que l’effet des multiples discours concernant l’égalité face aux sciences est négligeable par rapport à l’effet d’un changement de structure du système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélanie Guenais est vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du Collectif Maths&Sciences. </span></em></p>Depuis la réforme du lycée de 2019, la proportion de filles suivant des cours de maths et de sciences jusqu’au baccalauréat a chuté. Le point sur une situation inédite.Mélanie Guenais, Maîtresse de conférences en mathématiques, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231092024-03-05T16:01:10Z2024-03-05T16:01:10ZLes scientifiques héroïnes de fiction influencent-elles les choix d’orientation des adolescentes ?<p>Les filles n’auraient-elles que peu d’intérêt pour les sciences ? C’est ce que pourrait laisser penser <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2023-357695">leur sous-représentation persistante dans les filières et professions dédiées à ces disciplines</a>. Pourtant, les <a href="https://www.autrement.com/la-bosse-des-maths-nexiste-pas/9782746755734">recherches</a> en sociologie montrent que ce n’est pas faute de goût ou d’aptitudes qu’elles sont <a href="https://www-cairn-info.srvext.uco.fr/revue-francaise-de-pedagogie-2021-3-page-109.htm">relativement absentes de ces domaines</a>.</p>
<p>Une explication se situerait plutôt du côté des normes sociales qui influencent les filles dans leurs choix. Si la famille et l’école jouent un rôle important dans l’incorporation de ces normes, la culture, par les représentations et les modèles qu’elle véhicule, contribue à structurer le rapport que les adolescentes ont aux sciences et à influencer leurs choix d’orientation. C’est ce que montrent les résultats de l’<a href="https://www.lecturejeunesse.org/wp-content/uploads/2023/09/LJ_Filles-et-Sciences.pdf">enquête initiée et encadrée par l’association Lecture Jeunesse</a>, soutenue par le ministère de la Culture.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/miss-france-ambassadrice-des-maths-aupres-des-filles-220298">Miss France, ambassadrice des maths auprès des filles ?</a>
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<p>En enquêtant auprès de 45 lycéennes amatrices de mathématiques, nous avons cherché à répondre aux questions suivantes : quels contenus culturels les filles qui aiment les sciences consomment-elles ? Quel rapport ont-elles à ces contenus et comment ceux-ci façonnent leurs représentations des sciences ? Existe-t-il des <em>role models</em> féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?</p>
<p>Dans le cadre de cette recherche, le terme « science » désigne l’ensemble des disciplines relevant des sciences formelles, de la matière et de la vie, par opposition aux sciences humaines et sociales. L’enquête examine l’ensemble des supports culturels (contenus écrits et audiovisuels, musées, jeux, pratiques amateurs, etc.) qui diffusent les sciences, ensemble désigné sous le terme de culture scientifique.</p>
<h2>Les loisirs scientifiques, une pratique minoritaire chez les adolescentes</h2>
<p>La culture scientifique des lycéennes est peu développée : sur les 45 filles interrogées, seules neuf déclarent avoir des loisirs scientifiques réguliers. L’influence de l’origine sociale sur ces activités est notable : les filles issues des milieux favorisés les plus dotées en capital économique et culturel sont plus susceptibles d’avoir des loisirs scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-si-peu-de-filles-en-mathematiques-222028">Pourquoi si peu de filles en mathématiques ?</a>
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<p>L’étude révèle en outre que, si goût des lettres et goût des sciences ne sont pas incompatibles, les lectures d’ouvrages scientifiques demeurent rares. En effet, alors que les trois-quarts des filles disent aimer lire et y consacrer du temps, seulement cinq d’entre elles lisent des ouvrages de sciences. Les lectures scientifiques sont donc minoritaires, même chez les grandes lectrices.</p>
<p>Invitées à chercher les sciences dans tous les livres, films ou séries qu’elles connaissent, les filles identifient quelques titres (films de science-fiction, biopics de scientifique, séries, <em>animes</em>, etc.) qu’elles associent à la thématique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=194&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578313/original/file-20240227-28-7ak5sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques exemples de titres que les filles associent aux science.</span>
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<p>Les adolescentes sont néanmoins peu attachées à ces contenus qu’elles ne regardent qu’occasionnellement. Elles ne les envisagent pas comme des supports d’apprentissage des sciences, ce qui contraste avec l’usage didactique qu’en font les garçons qui, comme l’a montré le chercheur David Peyron, <a href="https://davidpeyron.wordpress.com/textes-et-extraits/science-fiction-et-etudes-scientifiques-comment-les-amateurs-justifient-ils-les-liens-entre-pratiques-culturelles-et-etudes-menees/">perçoivent « le monde imaginaire comme lieu d’expérimentation des savoirs »</a>.</p>
<p>Enfin, lorsque les adolescentes apprécient ces contenus, c’est rarement en raison de leur dimension scientifique. <em>Les figures de l’ombre</em>, qui relate l’histoire de trois femmes ingénieures afro-américaines travaillant pour la NASA, est par exemple le « film préféré » de l’une des adolescentes interrogées. Or, cette dernière précise bien que son intérêt pour le film n’est pas dû à sa dimension scientifique :</p>
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<p>« Je pense que ça me plait aussi beaucoup parce qu’il y a un rapport avec la société : c’est des femmes noires, c’est un combat… c’est pas juste des sciences. J’pense qu’un film ou un livre juste sur les sciences… je ne sais pas si ça me suffirait. »</p>
</blockquote>
<h2>La mise à distance des loisirs scientifiques alimente un sentiment d’incompétence en sciences</h2>
<p>Pour la plupart des adolescentes, tout ce qui touche aux sciences relève du travail scolaire et n’est pas perçu comme une source possible de divertissement. Certaines filles rejettent même avec véhémence l’idée d’avoir une passion extrascolaire pour les sciences.</p>
<p>À travers ce rejet se joue une mise à distance de la figure repoussoir du <em>geek</em> « qui aime les maths, les mangas et les jeux vidéo » et qui consacre son temps libre aux sciences. Pour les filles, situer les sciences hors du champ des loisirs revient ainsi à rejeter l’assignation au masculin qui accompagne l’investissement des sciences.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578323/original/file-20240227-22-df6sw8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Echange issu des entretiens qualitatifs menés dans le cadre de l’enquête de Lecture Jeunesse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette mise à distance empêche la naissance d’un sentiment de familiarité avec les sciences qui nourrit la confiance en soi dans ces disciplines. Par ailleurs, la culture scientifique est un attendu implicite des filières académiques puis des milieux professionnels scientifiques. La méconnaissance de certaines références culturelles scientifiques est perçue comme un manquement et exclut les filles des dynamiques de groupe dans ces environnements.</p>
<p>Au bout de compte, cela alimente chez les filles le sentiment que leur travail ne fera jamais le poids contre la culture accumulée des garçons, et conduit en parallèle leurs camarades et collègues masculins à les juger incompétentes.</p>
<h2>Investir le pouvoir incluant de la culture à travers les « role models » féminins</h2>
<p>À travers les mécanismes d’identification qu’ils permettent, les objets culturels ont le pouvoir d’inspirer les jeunes filles en leur proposant des modèles féminins. Or, dans son état actuel, la culture scientifique est excluante : les femmes y sont invisibilisées ou représentées de façon stéréotypée.</p>
<p>Les rares représentations de femmes scientifiques sont en outre souvent contreproductives. Figures trop impressionnantes pour susciter l’identification, femmes dotées d’un don inné pour les sciences ou ayant dû faire face à l’adversité pour suivre leur vocation : les représentations féminines dans l’offre culturelle contemporaine véhiculent l’idée que les femmes scientifiques ne peuvent pas être des femmes ordinaires et heureuses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=554&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578326/original/file-20240227-24-ip7gt2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de figures féminines contreproductives.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La création de modèles de proximité est donc fondamentale : les adolescentes ont besoin de rencontrer des femmes scientifiques ordinaires et accessibles. Le rôle majeur que peut jouer la fiction est encore insuffisamment investi : les modèles féminins efficaces pour donner aux filles l’envie de s’engager vers les sciences sont encore à inventer.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Clémence Perronnet, Lydie Laroque et Aurore Mantel (de l’association <a href="https://www.lecturejeunesse.org/">Lecture Jeunesse</a>).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Perronnet a reçu pour cette étude une bourse de La Chaire Femmes et Sciences, Paris-Dauphine PSL Université (en partenariat avec la Fondation L’Oréal, La Poste, Generali France, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lydie Laroque est membre du laboratoire EMA et du comité scientifique de Lecture Jeunesse</span></em></p>Existe-t-il des « role models » féminins, réels ou fictifs, qui inspirent et encouragent ces filles à s’engager dans des voies scientifiques ?Clémence Perronnet, Chercheuse en sociologie à l'Agence Phare rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220282024-01-31T15:56:20Z2024-01-31T15:56:20ZPourquoi si peu de filles en mathématiques ?<p><em>À 17 ans, une fille française sur deux n’étudie plus les mathématiques, contre seulement un garçon sur quatre. Publié en janvier 2024 chez CNRS Editions, <a href="https://www.insmi.cnrs.fr/fr/matheuses">« Matheuses – Les filles, avenir des mathématiques »</a> se penche sur ces inégalités pour mieux les combattre.</em></p>
<p><em>À travers 10 chapitres, la chercheuse Clémence Perronnet, la médiatrice scientifique Claire Marc et la mathématicienne Olga Paris-Romaskevitch apportent des réponses scientifiques à des questions comme « Faut-il avoir des parents scientifiques pour réussir en maths ? », « Les maths sont-elles réservées aux élites ? » ou encore « Les modèles féminins créent-ils des vocations chez les filles ? »</em></p>
<p><em>Ci-dessous, nous vous proposons de lire la conclusion de cet ouvrage conçu aussi bien comme une enquête sociologique qu’un cahier de maths.</em></p>
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<p>Les parcours en mathématiques commencent dès la petite enfance, avec l’influence forte de la <a href="https://ses.ens-lyon.fr/articles/muriel-darmon-et-le-concept-de-socialisation-28849#section-1">socialisation familiale</a>. On a beaucoup plus de chances de s’intéresser aux maths et d’être encouragée dans cette voie lorsqu’on a des parents scientifiques – et surtout, pour les filles, une <a href="https://www.cairn.info/inegalites-sociales-et-enseignement-superieur--9782804171162-page-131.htm">mère scientifique</a>. Ces héritages familiaux sont purement sociaux et ne reposent pas sur la transmission d’un goût ou d’un talent génétique. Contrairement aux idées reçues, notre intérêt, notre curiosité et nos compétences en mathématiques ne sont jamais déterminés à l’avance par des caractéristiques biologiques. L’intelligence n’est pas innée, et ce n’est pas elle qui fait la compétence en mathématiques : celle-ci ne s’acquiert que par l’entraînement. Ce n’est donc pas parce qu’on est brillant, génial ou naturellement talentueux qu’on devient bon en maths. À l’inverse, c’est au fur et à mesure qu’on les pratique et qu’on s’y investit que l’on nous reconnaît talent et intelligence, parce qu’on investit cette discipline qui détient un important pouvoir symbolique et social.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/grandes-ecoles-80-fois-plus-de-chances-dadmission-quand-on-est-enfant-dancien-diplome-198036">Grandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé</a>
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<p>Il y a néanmoins une très grande inégalité de traitement dans cette reconnaissance, puisque <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2004/04/BOURDIEU/11113">l’intelligence</a> est beaucoup moins facilement accordée aux femmes qu’aux hommes. Les discours pseudoscientifiques qui prétendent prouver l’origine biologique de l’intelligence et les processus d’évaluation à l’œuvre dans le système scolaire <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2017-5-page-68.htm">desservent systématiquement les femmes</a>. Celles-ci sont toujours considérées comme naturellement moins douées – alors même que des décennies de recherche scientifique établissent que le sexe biologique ne détermine aucunement les capacités cognitives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>Ces inégalités de traitement expliquent la sous-représentation des femmes dans certaines sciences (mathématiques, informatique, ingénierie…) mais aussi leur surreprésentation dans d’autres (biologie, chimie, médecine…). En effet, les disciplines scientifiques ne sont pas investies de la même façon selon la valeur qu’on leur prête dans le monde social. <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2015-5-page-10.htm">Les hiérarchies disciplinaires</a>, de genre et sociales se croisent pour construire un espace social et sexué des sciences. Au sommet, les mathématiques et la physique sont considérées comme les plus fondamentales et théoriques ; ce sont elles qui recrutent le plus d’hommes et de personnes des classes favorisées. Les champs de l’ingénierie, de la technologie et de l’industrie, associés à l’application et à la technique, ont un recrutement tout aussi masculin mais davantage populaire. Enfin, les sciences du vivant comme la médecine et la biologie, focalisées sur l’activité de soin et de sollicitude, sont les plus féminisées. Cela n’en fait pas des sciences plus égalitaires, puisque la présence des femmes s’y explique toujours par la croyance en des différences de nature entre les sexes (ici, l’existence de qualités féminines liées au <em>care</em>).</p>
<p>Le cas particulier de l’informatique montre bien la façon dont les liens entre genre, savoir et pouvoir produisent des orientations inégalitaires. Loin d’être le résultat de préférences ou de compétences « naturelles », <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">l’absence des filles en informatique est le résultat d’une éviction</a>. Alors qu’elles étaient majoritaires dans cette discipline à ses débuts, les <a href="https://www.le-passeur-editeur.com/les-livres/essais/les-oubli%C3%A9es-du-num%C3%A9rique/">femmes en ont été exclues</a> lorsqu’elle a pris de l’importance et est devenue le lieu d’enjeux de pouvoir économiques et politiques. Aujourd’hui, en milieu scolaire comme en milieu professionnel, les femmes sont confrontées à des comportements sexistes constants de la part de leurs professeurs, camarades et collègues, et leur prétendue incompétence et incompatibilité avec l’informatique servent à justifier leur évincement.</p>
<p>L’absence d’intérêt ou de <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">confiance en soi</a> n’est jamais le point de départ de la situation des femmes en mathématiques : elle est le résultat de leur expérience. Les filles perdent confiance en constatant les efforts infructueux de leurs mères, en rencontrant page après page des personnages qui leur enseignent la résignation face à la domination et en étant la cible quotidienne de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/une-femme-scientifique-sur-deux-revele-avoir-ete-victime-de-harcelement-sexuel-au-travail">violences sexistes et sexuelles</a> dans une société qui leur vante pourtant ses mérites égalitaires. Dans leur vie quotidienne comme dans la fiction, tout indique et rappelle aux filles leur <a href="https://www.syllepse.net/moi-tarzan-toi-jane-_r_62_i_520.html">incompétence « naturelle »</a> en mathématiques et les sanctions qui les attendent si elles essayent malgré tout d’investir ce champ du savoir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wstW5jy_WAU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Why science is for me (The Royal Society, 2020).</span></figcaption>
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<p>Ces sanctions sont les plus fortes pour les adolescentes noires, arabes ou asiatiques et issues des milieux populaires, qui expérimentent une triple discrimination sexiste, raciste et classiste. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2020-2-page-155.htm">Les mathématiques sont les plus élitistes des sciences</a>, mais leur aspiration universaliste produit une illusion de neutralité qui minimise le poids de la classe et de la race dans les parcours. <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1585">La norme du désintéressement</a> dissimule ainsi les conditions matérielles privilégiées qui sont nécessaires à la pratique des mathématiques pures, les plus valorisées.</p>
<p>Faire le choix des mathématiques quand on est une fille impose une transgression des normes de genre et un inconfort que seules les adolescentes les plus favorisées peuvent tolérer – non sans sacrifices. L’absence des groupes dominés en sciences est produite structurellement. Elle n’est ni une affaire de parcours individuels ni un phénomène purement psychologique. Les femmes, les personnes des classes populaires et les personnes non blanches ne s’autocensurent pas en sciences : elles sont censurées socialement par le poids des rapports de domination.</p>
<p>Dans ce contexte, des actions en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0742051X21001864">non-mixité</a> comme les <a href="https://www.fr-cirm-math.fr/lescigales.html">stages des Cigales</a> peuvent jouer un rôle important. En protégeant pour un temps les filles des violences sexistes, elles leur permettent de se consacrer pleinement à la pratique des mathématiques. Elles favorisent également une prise de conscience des inégalités et mettent en avant des modèles de femmes scientifiques encore trop rarement accessibles pour les adolescentes.</p>
<p>Néanmoins, ces actions ne feront progresser l’égalité qu’à condition de renoncer aux croyances en la différence « naturelle » entre les sexes, et de reconnaître les autres rapports de domination structurant le champ scientifique. Si elles peuvent suspendre temporairement les rapports sexistes, les actions en non-mixité de genre n’échappent ni à l’élitisme ni au racisme. Faute de prendre en compte l’ensemble de ces rapports sociaux, elles bénéficient davantage aux filles des classes les plus favorisées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571894/original/file-20240129-15-9ackwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">CNRS éditions</span></span>
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<p>Pour avancer vers l’égalité et réaliser véritablement leur ambition universelle, les mathématiques doivent repenser complètement leur histoire, leur fonctionnement et leur sens. Pour servir l’intérêt général, elles doivent refuser d’élever une minorité au détriment de la majorité. Cela impose de prendre conscience de la façon dont la pratique actuelle des maths rend impossible l’accès de tous et toutes aux savoirs et aux carrières.</p>
<p>Parce que les inégalités sont sociales et structurelles, les outils pour les résorber doivent l’être également. Les actions ponctuelles et périphériques à destination des groupes sociaux exclus sont nécessairement insuffisantes. Les mathématiques ont besoin d’une transformation interne et collective des pratiques, fondée sur le refus de construire la discipline sur la réussite personnelle de quelques individus jugés exceptionnels, et sur le rejet systématique de toutes les approches naturalisantes des femmes et des hommes, mais aussi des questions de goût, de talent et de mérite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémence Perronnet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À 17 ans, en France, une jeune fille sur deux ne suit plus de cours de maths, contre seulement un garçon sur quatre. Le livre « Matheuses » décrypte les freins à l’œuvre. Extrait.Clémence Perronnet, Chercheuse en sociologie rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209232024-01-24T16:29:39Z2024-01-24T16:29:39ZÀ quelle fréquence devez-vous laver vos draps et vos serviettes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568705/original/file-20231109-17-a2kns6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7536%2C5026&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsque vous vous séchez, vous déposez des milliers de cellules cutanées et des millions de microbes sur la serviette</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/laundry-fresh-woman-smelling-towel-after-2246392501">(Shutterstock)</a></span></figcaption></figure><p>Tout le monde semble avoir un avis différent sur la fréquence de lavage des serviettes et des <a href="https://7news.com.au/video/lifestyle/cleaning/dr-karl-on-how-often-you-should-wash-our-sheets-bc-6320410318112">draps</a>. Alors que de nombreuses personnes se demandent si quelques jours ou quelques semaines suffisent, une enquête menée au Royaume-Uni a révélé que <a href="https://www.bbc.com/news/newsbeat-61259074">près de la moitié des hommes célibataires</a> ne lavaient pas leurs draps pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre mois d’affilée.</p>
<p>Il est évident que quatre mois, c’est trop long, mais quelle est la fréquence idéale ?</p>
<p>La literie et les serviettes sont des articles très différents et doivent donc être lavées à des intervalles différents. Alors qu’une semaine ou deux suffisent généralement pour les draps, il est préférable de changer les serviettes tous les deux jours.</p>
<p>De toute façon, qui n’aime pas la sensation que procurent des draps propres ou l’odeur d’une serviette fraîchement lavée ?</p>
<h2>Pourquoi vous devriez laver vos serviettes plus souvent</h2>
<p>Lorsque vous vous séchez, vous déposez des milliers de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2018.02362/full">cellules cutanées</a> et des millions de <a href="https://www.ajicjournal.org/article/S0196-6553(23)00402-9/fulltext">microbes</a> sur la serviette. Et comme vous utilisez votre serviette pour vous sécher après une douche ou un bain, elle reste souvent humide.</p>
<p>Chaque nuit, vous laissez également une grande quantité de peaux mortes, de microbes, de sueur et d’huiles <a href="https://theconversation.com/your-bed-probably-isnt-as-clean-as-you-think-a-microbiologist-explains-163513">sur vos draps</a>. Mais à moins que vous ne produisiez une transpiration nocturne excessive, votre literie n’est pas mouillée après une nuit de sommeil.</p>
<p>De plus, les serviettes sont fabriquées dans un matériau plus épais que les draps et ont donc tendance à rester humides plus longtemps.</p>
<p>En quoi l’humidité pose-t-elle problème ? Les serviettes mouillées sont un terrain propice à la prolifération des bactéries et des moisissures. <a href="https://www.qld.gov.au/housing/public-community-housing/public-housing-tenants/looking-after-your-home/safety/mould">Ces dernières</a> adorent les environnements <a href="https://www.asthmaandlung.org.uk/living-with/indoor-air-pollution/allergies">humides</a>. Et bien qu’elles ne soient pas nécessairement visibles (il faudrait une croissance importante pour pouvoir les voir), elles peuvent donner lieu à une odeur désagréable.</p>
<p>Outre les odeurs, l’<a href="https://www.nhs.uk/common-health-questions/infections/can-clothes-and-towels-spread-germs/">exposition à ces microbes</a> dans vos serviettes et draps peut provoquer de l’<a href="https://aafa.org/allergies/types-of-allergies/insect-allergy/dust-mite-allergy/">asthme</a>, des irritations cutanées allergiques ou d’autres <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/11/4/04-1094_article">infections cutanées</a>.</p>
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<img alt="Un couple en train de changer les draps de leur lit." src="https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558551/original/file-20231109-17-6185x9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les gens ne sont pas toujours d’accord sur la fréquence à laquelle il faut changer les draps.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/black-couple-changing-bed-sheet-together-1051726535">(Shutterstock)</a></span>
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<h2>Quelle est donc la fréquence idéale ?</h2>
<p>Pour la literie, cela dépend de plusieurs facteurs, par exemple si vous prenez un bain ou une douche juste avant de vous coucher, ou si vous vous mettez au lit après avoir transpiré pendant une longue journée et que vous prenez votre douche le matin. Dans ce dernier cas, vous devrez laver vos draps plus fréquemment. Règle générale, une fois par semaine ou toutes les deux semaines suffisent.</p>
<p>Les serviettes devraient idéalement être changées plus fréquemment – environ tous les deux jours – alors que vous devriez remplacer votre débarbouillette après chaque utilisation. Comme elle est complètement mouillée, elle le restera plus longtemps et retiendra davantage de cellules cutanées et de microbes.</p>
<p>En lavant vos serviettes à une température élevée (par exemple, 65 °C), vous <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34465009/">éliminerez de nombreux microbes</a>. Si vous souhaitez économiser de l’énergie, vous pouvez utiliser une température plus basse et ajouter une tasse de vinaigre à l’eau de lavage. Le vinaigre tuera les microbes et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8231443/">empêchera les mauvaises odeurs</a> de se développer.</p>
<p>Nettoyez régulièrement votre machine à laver et séchez le pli dans le caoutchouc après chaque lavage, car c’est un autre endroit où les microbes aiment proliférer.</p>
<h2>Serviettes malodorantes</h2>
<p>Vous lavez régulièrement vos serviettes, mais les mauvaises odeurs persistent ? Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que vous les avez laissées dans la machine à laver trop longtemps après le lavage. Surtout s’il s’agit d’un cycle à l’eau chaude, la période pendant laquelle les serviettes restent chaudes et humides permet aux microbes de se développer. En <a href="https://textbookofbacteriology.net/growth_3.html">laboratoire</a>, le nombre de ces bactéries peut doubler toutes les 30 minutes.</p>
<p>Il est important de suspendre votre serviette pour la faire sécher après utilisation et de ne pas la laisser dans la machine à laver après la fin du cycle. Si possible, étendez vos serviettes et votre literie au soleil. Elles sécheront ainsi complètement rapidement et conserveront cette agréable odeur de coton frais et propre. La sécheuse est une bonne option en cas de mauvais temps, mais il est toujours préférable de les étendre dehors dans la mesure du possible.</p>
<p>Par ailleurs, même si votre serviette est destinée à être lavée, ne la jetez pas dans la corbeille à linge si elle est encore mouillée, car elle constitue un endroit idéal pour la prolifération des microbes. Le temps que vous fassiez votre lessive, la serviette et le reste des vêtements à proximité risquent d’avoir acquis une senteur désagréable. Et il peut être difficile de redonner à vos serviettes une odeur de propreté.</p>
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<img alt="Une jeune femme chargeant une machine à laver." src="https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6709%2C4476&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558550/original/file-20231109-15-2gv66g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les serviettes doivent être lavées plus souvent que les draps.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-woman-taking-laundry-out-washing-1727564893">(Shutterstock)</a></span>
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<h2>Qu’en est-il des serviettes et des draps « autonettoyants » ?</h2>
<p>Certaines entreprises vendent des serviettes « à séchage rapide » ou des serviettes et des draps « autonettoyants ». Les serviettes à séchage rapide sont fabriquées à partir de matériaux synthétiques tissés de manière à sécher rapidement. Cela permet d’éviter la prolifération des microbes et des mauvaises odeurs qui se développent lorsque les serviettes restent humides pendant de longues périodes.</p>
<p>Mais la notion de produits autonettoyants est plus complexe. La plupart de ces produits contiennent du <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/chem-2016-0005/html">nanoargent</a> ou du cuivre, des métaux antibactériens qui tuent les micro-organismes. Les composés antibactériens stoppent la croissance des bactéries et peuvent être utiles pour limiter les odeurs et réduire la fréquence à laquelle vous devez nettoyer vos draps et serviettes.</p>
<p>Cependant, ils n’élimineront pas la saleté comme les huiles, les squames et la sueur. Même si j’aimerais beaucoup que les draps et les serviettes se nettoient tout seuls, la réalité est tout autre.</p>
<p>En outre, l’emploi excessif d’antimicrobiens <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6636436/pdf/idr-12-1985.pdf">tels que le nanoargent</a> peut <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2021.652863/full">favoriser la résistance des microbes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220923/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rietie Venter a reçu des fonds de divers organismes de financement nationaux et internationaux.</span></em></p>Alors qu’une semaine ou deux suffisent généralement pour les draps, il est préférable de laver les serviettes tous les deux jours. Voici les explications d’un microbiologiste.Rietie Venter, Associate professor, Clinical and Health Sciences, University of South AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196842023-12-20T20:25:45Z2023-12-20T20:25:45ZSi les humains disparaissaient, qu’adviendrait-il de nos chiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564992/original/file-20231206-29-g9446.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C5080%2C3376&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La quête de l’humain pour trouver le compagnon canin idéal a donné naissance à plus de 400 races, chacune dotée d’une combinaison unique de caractéristiques physiques et comportementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’humains considèrent que les chiens sont nos meilleurs amis. Mais vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il adviendrait de votre chien si nous disparaissions soudainement ? Les chiens domestiques peuvent-ils se passer des humains ?</p>
<p>Au moins 80 % <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691196183/a-dogs-world">du milliard de chiens</a> que compte la planète mènent une vie indépendante et libre, ce qui nous donne des pistes de réponse.</p>
<p>Que seraient nos chiens si nous n’étions pas là pour les influencer et prendre soin d’eux ?</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un chien ?</h2>
<p>Les chiens détiennent le titre d’espèce domestiquée la plus réussie sur Terre. Pendant des millénaires, ils ont <a href="https://iview.abc.net.au/show/dog-s-world-with-tony-armstrong">évolué sous notre regard attentif</a>. Plus récemment, l’élevage sélectif a engendré une diversité induite par l’être humain, ce qui a donné naissance à des races singulières allant de l’imposant dogue allemand au minuscule chihuahua.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562913/original/file-20231201-15-zku7cs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La diversité actuelle des races canines est le résultat de l’élevage sélectif moderne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La quête de l’humain pour trouver le compagnon canin idéal a donné naissance à plus de 400 races, chacune dotée d’une combinaison unique de caractéristiques physiques et comportementales. À l’origine, les chiens étaient élevés principalement pour remplir des <a href="https://theconversation.com/managing-mutations-of-a-species-the-evolution-of-dog-breeding-96635">fonctions qui nous étaient utiles</a>, telles que la garde de troupeaux, la chasse et la protection. Cette pratique ne s’est imposée qu’au cours des 200 dernières années.</p>
<p>Selon certains experts, le rôle d’animal de compagnie n’est qu’un autre type de travail pour lequel les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159122000983">humains ont sélectionné des chiens</a>, l’accent étant alors mis davantage sur l’apparence. Les éleveurs jouent un rôle essentiel à cet égard, car ils choisissent délibérément les caractéristiques souhaitables et influencent ainsi l’orientation future des races.</p>
<h2>Sommes-nous bons pour les chiens ?</h2>
<p>Nous savons que certaines caractéristiques qui nous plaisent ont de graves répercussions sur la <a href="https://theconversation.com/vets-can-do-more-to-reduce-the-suffering-of-flat-faced-dog-breeds-110702">santé et le bien-être</a> de l’animal. Ainsi, les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0137496">chiens à face plate ont du mal à respirer</a> en raison de leurs voies nasales étroites et de leurs voies respiratoires courtes. Ce <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00480169.2014.940410">manque d’air</a> peut engendrer des crises d’asthme. Ces chiens sont également sujets à des problèmes de peau, d’yeux et de dents plus fréquents que les bêtes à museau long. <a href="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562919/original/file-20231201-21-o3gi7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chiens à face plate tels que les carlins et les bouledogues ne sont pas toujours à l’aise dans le corps qu’on leur a créé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nombreux chiens modernes nécessitent une intervention médicale pour se reproduire. Ainsi, les bouledogues français et les chihuahuas doivent souvent subir une césarienne pour mettre bas, car la tête des chiots est <a href="https://kb.rspca.org.au/knowledge-base/what-are-the-welfare-risks-associated-with-difficulty-giving-birth-in-brachycephalic-dogs/">très grosse par rapport</a> à la largeur du bassin de la mère. Cette dépendance à l’égard de la chirurgie pour la reproduction met en évidence le profond impact de l’élevage sélectif intensif sur les chiens.</p>
<p>Si les chiens domestiques ont tout à gagner à faire partie d’une famille humaine, certains mènent une vie très isolée et contrôlée dans laquelle ils ont une possibilité réduite de <a href="https://frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2023.1284869/">faire des choix</a> – un élément important pour leur bonheur.</p>
<h2>Les chiens sans humains</h2>
<p>Imaginez maintenant un monde où les chiens ne seraient plus soumis à la sélection et aux soins des humains. Les conséquences immédiates seraient frappantes. Les races dont les besoins fondamentaux, tels que nourriture, abri et soins de santé, dépendent largement de nous auraient du mal à s’adapter et nombre d’entre elles succomberaient aux dures réalités d’une vie sans soutien humain.</p>
<p>Cependant, cela n’affecterait probablement que moins de 20 % des chiens (ce qui correspond à peu près à ceux qui vivent dans nos maisons). La plupart des chiens du monde sont en liberté. Ce phénomène est très courant en Europe, en Afrique et en Asie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562921/original/file-20231201-17-4hsi2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De nombreux chiens vivent de manière autonome au milieu des humains, comme ces chiens dans la rue en Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que ces chiens ne soient pas domestiqués au sens traditionnel du terme, ils cohabitent avec les humains. De ce fait, leur survie dépend presque exclusivement des ressources produites par l’homme, telles que les dépotoirs et les dons de nourriture. En l’absence des humains, la <a href="https://theconversation.com/explainer-theory-of-evolution-2276">sélection naturelle</a> entrerait rapidement en jeu. Les chiens dépourvus de caractéristiques essentielles à leur survie, telles qu’adaptabilité, capacité de chasser, résistance aux maladies, instinct parental et sociabilité, déclineraient progressivement.</p>
<p>Les chiens extrêmement grands ou petits seraient désavantagés, car la taille influe sur les besoins caloriques, la régulation de la température corporelle en fonction de l’environnement et la vulnérabilité aux prédateurs.</p>
<p>Des stratégies comportementales limitées, comme le fait d’être trop craintif pour explorer de nouveaux lieux, seraient également néfastes. Et bien que les chiens stérilisés puissent présenter des caractéristiques avantageuses pour la survie, ils ne pourraient transmettre leurs gènes aux générations futures.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563817/original/file-20231206-23-djskol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’élevage de chiots sans soutien humain est pratiqué avec succès dans le monde entier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mdpi.com/2075-4450/14/7/618">(Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Fini les races hybrides</h2>
<p>Au final, un nouveau type de chien verrait le jour, déterminé par la santé et la réussite comportementale plutôt que par les goûts humains.</p>
<p>Les chiens ne s’accouplent pas seulement avec des individus de leur race et peuvent en choisir des très différents d’eux lorsque l’occasion se présente. Avec le temps, les races distinctes s’estompent, et les accouplements spontanés conduisent à une apparence qui se rapproche du « chien de village », semblable aux « chiens de camp » des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/11771801231167671">communautés autochtones isolées en Australie</a> et aux chiens que l’on voit Asie du Sud-Est.</p>
<p>Ces chiens sont généralement de taille moyenne, avec une morphologie équilibrée, un pelage court de différentes couleurs et des oreilles et une queue droites. Toutefois, des variations régionales comme un pelage plus touffu peuvent apparaître en raison de facteurs tels que le climat.</p>
<p>Avec le temps, les chiens retrouveraient un mode de vie de canidé sauvage. Ces bêtes adopteraient probablement des comportements sociaux et alimentaires semblables à ceux de leurs congénères sauvages actuels, tels que le <a href="https://www.publish.csiro.au/book/7138/">dingo d’Australie</a>. Ils pourraient vivre en <a href="https://7news.com.au/news/wildlife/dingo-drone-footage-captured-by-thermal-camera-on-qld-property-shows-family-fun-time-c-12586477">petits groupes familiaux sur des territoires définis</a>, revenir à une saison de reproduction annuelle, pratiquer une chasse sociale et recevoir des soins parentaux attentifs (en particulier de la part des pères).</p>
<p>La transition serait plus facile pour certaines races, en particulier les chiens de troupeau et ceux qui vivent déjà de manière autonome dans les villages ou dans la nature.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une bonne vie de chien</h2>
<p>Dans leur livre <a href="https://www.babelio.com/livres/Pierce-Le-rappel-de-la-foret/1428413">Le rappel de la forêt</a>, Jessica Pierce et Marc Bekoff explorent l’idée de préparer nos chiens à un avenir sans humains. Ils nous encouragent à leur donner davantage d’autonomie et, par conséquent, de bonheur. Cela peut signifier de les laisser simplement choisir la direction de leur promenade ou prendre leur temps quand ils reniflent un arbre.</p>
<p>En réfléchissant à un éventuel avenir sans humains, une question se pose : nos actions à l’égard des chiens sont-elles durables, dans leur intérêt et conformes à leur nature ? Ou correspondent-elles plutôt à nos désirs ?</p>
<p>En envisageant la façon dont les chiens pourraient vivre sans nous, nous pourrions peut-être trouver des moyens d’améliorer leur vie avec nous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562914/original/file-20231201-15-2sncwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Pour offrir une bonne vie aux chiens, il faut penser à leur bien-être mental, à leur santé et à leur environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/219684/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si nous n’étions pas là pour façonner, nourrir et soigner nos chiens, que leur arriverait-il ?Bradley Smith, Senior Lecturer in Psychology, CQUniversity AustraliaMia Cobb, Research Fellow, Animal Welfare Science Centre, The University of MelbourneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146072023-12-13T20:37:12Z2023-12-13T20:37:12ZLa science des rêves et des cauchemars : que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous dormons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550970/original/file-20230830-27-ozyppi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C5946%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/photo-of-a-woman-sleeping-near-fluffy-clouds-8264248/">Pexel/Ron Lach</a></span></figcaption></figure><p>La nuit dernière, vous avez sans doute dormi <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352721816301292">sept ou huit heures</a>. Vous avez probablement eu une ou deux heures de sommeil profond, surtout si vous êtes jeune ou actif physiquement. En effet, le sommeil <a href="http://apsychoserver.psych.arizona.edu/jjbareprints/psyc501a/readings/Carskadon%20Dement%202011.pdf">se modifie avec l’âge</a>, et <a href="https://www.hindawi.com/journals/apm/2017/1364387/">l’exercice physique</a> affecte l’activité cérébrale. Vous avez également eu environ trois ou quatre heures de sommeil léger.</p>
<p>Le reste du temps, vous étiez vraisemblablement dans la phase de sommeil paradoxal (REM pour <em>rapid eye movement</em>). Bien qu’il ne s’agisse pas du seul moment où le cerveau rêve – c’est possible durant d’autres phases –, c’est celui où il est le plus probable qu’on se souvienne de l’activité cérébrale et qu’on puisse la raconter.</p>
<p>C’est possible parce que des pensées ou des sentiments bizarres nous réveillent ou parce que la dernière heure de sommeil est presque entièrement constituée de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Elizaveta-Solomonova/publication/320356182_Dream_Recall_and_Content_in_Different_Stages_of_Sleep_and_Time-of-Night_Effect/links/5a707bdb0f7e9ba2e1cade56/Dream-Recall-and-Content-in-Different-Stages-of-Sleep-and-Time-of-Night-Effect.pdf">sommeil paradoxal</a>. Quand un songe ou une alarme nous réveillent, on sort généralement du sommeil paradoxal et les images d’un rêve peuvent nous habiter encore quelques minutes. On en garde alors le souvenir.</p>
<p>Si le songe est étrange ou intéressant, il se peut qu’on en parle à quelqu’un d’autre, ce qui permet de mieux l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00426-022-01722-7">encoder</a> dans la mémoire.</p>
<p>Les rêves et les cauchemars sont mystérieux, et nous n’avons pas fini d’en apprendre sur eux. Ils font rouler notre cerveau, nettoient les pensées liées aux événements de la journée à l’échelle moléculaire et peuvent nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures d’éveil.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etre-pourchasse-perdre-ses-dents-tomber-ce-que-la-science-dit-des-reves-recurrents-160505">Être pourchassé, perdre ses dents, tomber… Ce que la science dit des rêves récurrents</a>
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<h2>Que savent les scientifiques sur le sommeil paradoxal et les rêves ?</h2>
<p>Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment. L’imagerie cérébrale a révélé que certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1087079216300673#sec3">schémas d’activité cérébrale</a> sont associés au rêve (et aux phases du sommeil qui y sont davantage associées). Mais ces essais reposent sur des témoignages personnels sur l’expérience du rêve.</p>
<p>Tout ce à quoi l’on consacre autant de temps permet sans doute d’atteindre plusieurs objectifs.</p>
<p>Au niveau physiologique de base, tous les mammifères rêvent (comme l’indiquent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053810021001409">l’activité cérébrale, le comportement pendant le sommeil et des études sur la conscience</a>) – même l’ornithorynque et l’échidné font probablement l’expérience de quelque chose de similaire au rêve (à condition que leur corps soit à la <a href="https://www.wired.com/2014/07/the-creature-feature-10-fun-facts-about-the-echidna/#:%7E:text=It%20was%20long%20thought%20that,re%20at%20the%20right%20temperature.">bonne température</a>). On peut voir une ressemblance entre leur activité cérébrale et leurs phases de sommeil et le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810021001409#b0630">sommeil paradoxal humain</a>.</p>
<p>Ce n’est pas le cas des espèces moins évoluées. Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468867319301993#sec0030">méduses</a> – qui n’ont pas de cerveau – font l’expérience de ce que l’on pourrait qualifier de sommeil sur le plan physiologique (selon leur position, leur calme, leur manque de réactivité et leur « réveil » rapide en cas de nécessité), mais sans les éléments physiologiques et comportementaux qui rappellent le sommeil paradoxal.</p>
<p>Chez les êtres humains, on considère que le sommeil paradoxal se produit cycliquement toutes les 90 à 120 minutes au cours de la nuit. Il nous empêche de dormir trop profondément et d’être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4972941/">vulnérables aux attaques</a>. Certains scientifiques avancent que nous rêvons pour éviter que notre cerveau et notre corps se refroidissent. Notre température centrale est généralement <a href="https://www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(22)00210-1/fulltext">plus élevée pendant ces phases du sommeil</a>. Si l’on doit réagir à des signaux externes ou à des dangers, il est plus facile de se réveiller <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.2147/NSS.S188911">au milieu d’un songe</a> qu’à d’autres moments.</p>
<p>Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau se met en mode actif pour un certain temps, à la manière d’un périscope qui donne accès à la conscience en nous permettant d’observer ce qui se passe à la surface, pour replonger si tout va bien.</p>
<p>Certaines données indiquent que les « rêves de fièvre » sont beaucoup moins fréquents qu’on ne le pense. En effet, on atteint moins la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.00053/full">phase du sommeil paradoxal</a> quand on est fiévreux, même si les songes qu’on fait alors ont tendance à être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3830719/">plus sombres et étranges</a>.</p>
<p>Le fait de passer alors moins de temps en sommeil paradoxal pourrait s’expliquer par la difficulté à réguler sa température corporelle pendant cette phase. Pour nous protéger, le cerveau tente de réguler la température corporelle en « sautant » cette phase du sommeil. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/23744731.2020.1756664">C’est aussi pour cette raison</a> que nous rêvons généralement moins quand il fait chaud.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bed in pink landscape" src="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Notre cerveau se nettoie quand il rêve.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/bed-on-colorful-flowers-on-cape-10079452/">Pexels/Mo Eid</a></span>
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<h2>Un nettoyage en profondeur du cerveau</h2>
<p>Le sommeil paradoxal est important pour assurer le bon fonctionnement du cerveau, comme l’indiquent des études qui utilisent l’<a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">électroencéphalographie</a> pour mesurer l’activité du cerveau.</p>
<p>De la même manière que le sommeil profond aide le corps à restaurer ses capacités physiques, le sommeil de rêve <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">« rince »</a> nos circuits neuronaux. À l’échelle moléculaire, les substances chimiques qui étayent la pensée sont déformées par l’activité cognitive de la journée. Le sommeil profond leur permet de retrouver leur forme initiale. Le cerveau est <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1241224">« lavé »</a> par du liquide céphalo-rachidien que contrôle le <a href="https://theconversation.com/on-your-back-side-face-down-mice-show-how-we-sleep-may-trigger-or-protect-our-brain-from-diseases-like-als-181954">système glymphatique</a>.</p>
<p>À un autre niveau, le sommeil paradoxal « met de l’ordre » dans nos souvenirs et nos sentiments récents. Pendant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">cette phase</a>, notre cerveau consolide les souvenirs procéduraux (la façon d’accomplir une tâche) et les émotions. Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">autres phases</a> de sommeil, au cours desquelles nous rêvons moins, sont importantes pour la consolidation des souvenirs épisodiques (les événements).</p>
<p>À mesure que la nuit avance, notre production de cortisol, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2005-01907-021">l’hormone du stress</a>, augmente. On pense que la quantité de cortisol peut influencer le type de souvenirs que nous consolidons et peut-être le type de songes que nous faisons. Cela signifie que les rêves de fin de nuit ont tendance à être <a href="https://learnmem.cshlp.org/content/11/6/671.full.pdf">plus fragmentés ou bizarres</a>.</p>
<p>Les différents types de sommeil permettent de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jb-Eichenlaub/publication/313545620_Daily_Life_Experiences_in_Dreams_and_Sleep-Dependent_Memory_Consolidation/links/5c532b0ba6fdccd6b5d76270/Daily-Life-Experiences-in-Dreams-and-Sleep-Dependent-Memory-Consolidation.pdf">consolider</a> l’activité cérébrale utile de la journée et d’éliminer les informations de moindre importance.</p>
<h2>Pensées aléatoires, sentiments réorganisés</h2>
<p>Ce classement et cette élimination des activités de la journée se déroulent pendant que nous dormons. C’est pourquoi nous rêvons souvent de choses qui se sont produites <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0264574">pendant la journée</a>.</p>
<p>Parfois, lorsque les pensées et les sentiments sont réorganisés et jetés à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3921176/">« poubelle »</a> pendant le sommeil, nous pouvons ressentir de la conscience. Des pensées et des sentiments aléatoires sont mélangés de façon insolite et merveilleuse. Le fait que nous ayons conscience de ce processus peut expliquer l’étrangeté de certains songes. Nos expériences diurnes peuvent aussi engendrer des cauchemars ou des rêves angoissants après un <a href="https://www.sleepfoundation.org/dreams/how-trauma-can-affect-dreams">événement traumatisant</a>.</p>
<p>Certains rêves semblent <a href="https://rai.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/j.1467-9655.2010.01668.x">prédire l’avenir ou sont porteurs d’un symbolisme fort</a>. Dans plusieurs sociétés, les rêves sont considérés comme une fenêtre sur une <a href="https://digitalcommons.ciis.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1050&context=ijts-transpersonalstudies">réalité alternative</a> où l’on peut envisager diverses possibilités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les souvenirs peuvent être cimentés par les rêves et les cauchemars et les alimenter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/assorted-photos-on-table-1989747/">Pexels/Suzy Hazelwood</a></span>
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<h2>Les rêves ont-ils un sens ?</h2>
<p>Nous avons une <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2716">bonne compréhension</a> des aspects thermorégulateurs, moléculaires et neuronaux des rêves. Mais leurs aspects psychologiques et spirituels restent largement méconnus.</p>
<p>Notre cerveau est peut-être conçu pour essayer de donner un sens aux choses. Les sociétés humaines ont toujours interprété des phénomènes aléatoires – le vol des oiseaux, les feuilles de thé ou les planètes – et cherché leur signification. Presque toutes les sociétés humaines considéraient les rêves comme étant plus qu’un simple fonctionnement neuronal aléatoire.</p>
<p>L’histoire des sciences nous apprend que certains phénomènes que l’on croyait magiques peuvent être compris et maîtrisés par la suite, pour le meilleur et pour le pire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214607/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les rêves font fonctionner notre cerveau. Ils nettoient les pensées des événements de la journée. Ils peuvent même nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures de veille.Drew Dawson, Director, Appleton Institute, CQUniversity AustraliaMadeline Sprajcer, Lecturer in Psychology, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187832023-12-04T16:33:53Z2023-12-04T16:33:53ZEn quête de transparence : la réglementation canadienne sur les pesticides a besoin d’une refonte. Voici pourquoi<p><a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2021/08/le-gouvernement-du-canada-suspend-sa-decision-au-sujet-du-glyphosate-pendant-quil-renforce-la-capacite-et-la-transparence-du-processus-dexamen-des-.html">En 2021, Santé Canada a annoncé le gel de la modification des limites maximales de résidus (LMR)</a> – soit le maximum autorisé de résidus de pesticides en vertu de la loi canadienne. Cette décision fait suite à un tollé général important découlant de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/consultations/limites-maximales-residus-proposees/2021/glyphosate/document.html">augmentation proposée de la LMR pour le glyphosate</a>, l’herbicide le plus largement utilisé au Canada.</p>
<p>Cette année, trois ministères (dont Santé Canada) ont accepté de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2023/06/le-gouvernement-du-canada-donne-suite-aux-engagements-federaux-en-matiere-de-pesticides.html">lever le gel de la modification des LMR</a> pour procéder aux ajustements des limites de résidus moins complexes. Par le fait même, ils ont lancé un programme de <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire/transformation/comment-nous-transformons.html">transformation</a> au sein de l’<a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/directions-generales-agences/agence-reglementation-lutte-antiparasitaire.html">Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA)</a>.</p>
<p>Cette décision visait à accroître la transparence, à moderniser leurs pratiques commerciales, à améliorer l’accès aux informations liées à la prise de décision en matière de pesticides et à accroître l’utilisation de données du monde réel et de conseils indépendants.</p>
<p>Cependant, la confiance envers l’ARLA demeure un enjeu ; <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2023/sc-hc/H114-39-2023-eng.pdf">seulement 60 % des Canadiens croient que le système de réglementation suit le rythme des progrès scientifiques</a> en matière d’évaluation des pesticides. Une pression supplémentaire qui érode la confiance des Canadiens envers la science.</p>
<h2>Défis et controverses</h2>
<p>Malgré les inquiétudes persistantes concernant les risques pour la santé humaine et environnementale, l’utilisation mondiale de pesticides <a href="https://www.fao.org/faostat/fr/#data/RP/visualize">a augmenté au cours des 30 dernières années</a>.</p>
<p>Au Canada, le recours accru aux pesticides est largement lié à l’intensification de l’agriculture dans les principales régions agricoles des <a href="https://doi.org/10.3389/fenvs.2020.556452">Prairies canadiennes, du sud de l’Ontario et du Québec</a>.</p>
<p>Faire progresser la réglementation des pesticides pour répondre aux besoins du secteur agricole canadien, tout en protégeant la santé humaine et environnementale, constitue un défi croissant.</p>
<p>Il existe <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/rapports-publications/pesticides-lutte-antiparasitaire/plans-rapports/rapport-annuel-2020-2021.html">plus de 600 ingrédients actifs dans plus de 7 600 produits pesticides homologués</a> – un nombre impressionnant, qui continue d’augmenter.</p>
<p>De 2011 à 2021, l’ARLA a homologué entre 7 et 27 nouveaux ingrédients actifs annuellement. Entre-temps, il n’a interdit que <a href="https://doi.org/10.3390/toxics11020121">32 des 531 ingrédients actifs de pesticides qui sont proscrits et réglementés dans 168 autres pays</a>.</p>
<p>Cet afflux de substances exerce une pression supplémentaire sur l’agence, qui doit examiner les volumes de données scientifiques produites à la fois par le titulaire d’homologation (le fabricant du pesticide) et par des scientifiques indépendants. Et ce, tout en évaluant en permanence la liste croissante de produits existants quant à leur sécurité pour les humains et leurs risques pour la santé environnementale.</p>
<p>Certaines décisions d’homologation de pesticides, y compris les homologations conditionnelles, ont été très controversées, soulignant le manque de transparence ou la perception de parti pris de l’industrie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6i2sJwxw5Uc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une exploration des liens entre l’utilisation des pesticides et les maladies humaines, produite par les documentaires de la Deutsche Welle.</span></figcaption>
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<p>Dans le cas du glyphosate, les ventes au Canada ont dépassé près de 470 millions de kilogrammes entre 2007 et 2018. Les inquiétudes du public concernant les risques pour la santé humaine et les utilisations réglementées ont même donné lieu à des <a href="https://www.ctvnews.ca/health/advocates-thrilled-as-court-orders-health-canada-to-reassess-glyphosate-decision-1.5772134">contestations juridiques</a>.</p>
<p>De surcroît, la décision proposée en 2018 d’éliminer progressivement trois <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/agriculteurs-utilisateurs-commerciaux/insecticides-classe-ndonicotinoides.html">insecticides néonicotinoïdes</a> neuroactifs les plus largement utilisés, les plus persistants et les plus toxiques dans l’environnement, a été <a href="https://www.nationalobserver.com/2021/04/08/news/feds-wont-ban-pesticides-deadly-bees-bugs-ecosystems">annulée en 2021</a>. Les citoyens et les scientifiques ont dû chercher des réponses pour savoir si l’influence de l’industrie avait provoqué cette <a href="https://www.wildernesscommittee.org/news/federal-pesticide-regulator-flip-flops-proposed-neonics-ban-after-years-delay">volte-face</a>.</p>
<h2>De nouveaux rôles</h2>
<p>L’année dernière, dans le cadre de son programme de transformation, Santé Canada avait pour objectif de renforcer ses processus d’examen des pesticides en établissant un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires.html">comité consultatif scientifique indépendant</a>.</p>
<p>Composé actuellement de huit experts universitaires, dont les antécédents ont été examinés pour identifier les conflits d’intérêts, le comité a été chargé de fournir des conseils objectifs et fondés sur la science pour éclairer les décisions réglementaires sur les produits antiparasitaires. Nous sommes quatre d’entre eux.</p>
<p>Depuis sa création en juillet 2022, le comité s’est réuni cinq fois avec l’ARLA de Santé Canada dans le cadre d’un <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/reunions.html">forum public</a>.</p>
<p>Le comité a été chargé de fournir des commentaires sur diverses questions telles que la communication des LMR, l’utilisation de sources de données indépendantes, la création de bases de données en libre accès sur la toxicité et l’accès aux données des titulaires d’homologation utilisées dans la prise de décision.</p>
<p>En découle un premier signe positif : l’ARLA a répondu aux <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/comite-consultatif-scientifique-produits-antiparasitaires/rapports-consultatifs.html">conseils et aux recommandations du comité</a>, ce qui devrait renforcer la confiance du public et garantir que la prise de décisions fondées sur des données scientifiques est au cœur de ses processus.</p>
<h2>Informer les nouvelles politiques</h2>
<p>Le Canada aurait dû établir depuis longtemps un <a href="https://canadacommons.ca/artifacts/1191021/a-canada-wide-framework-for-water-quality-monitoring/1744148/">programme coordonné de surveillance de l’eau</a> pour mesurer systématiquement les niveaux de pesticides à l’échelle nationale.</p>
<p>Le comité fournit des conseils scientifiques externes sur la nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/proteger-votre-sante-environnement/programmes-initiatives/surveillance-pesticides-eau/programme-pilote.html">initiative pilote du cadre de surveillance des eaux</a>.</p>
<p>Les experts du comité donnent leur avis sur les orientations concernant la sélection des sites, la fréquence de surveillance des différents types d’eaux de surface et les mesures analytiques des composés utilisés actuellement et de leurs produits de dégradation.</p>
<p>L’objectif est de garantir que ces données indispensables sur la qualité de l’eau soient rigoureuses et utilisables pour les futures évaluations des risques et la recherche scientifique indépendante.</p>
<p>Depuis peu, l’ARLA a la responsabilité supplémentaire d’améliorer les objectifs plus larges du Canada en matière de biodiversité et de protection de l’environnement en alignant ses travaux réglementaires sur le <a href="https://www.cbd.int/article/cop15-final-text-kunming-montreal-gbf-221222">Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal de 2022 – qui vise à réduire les risques liés aux pesticides d’au moins 50 % d’ici 2030</a>. Et ce, parallèlement à la promulgation du <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2023/06/projet-de-loi-s-5--loi-sur-le-renforcement-de-la-protection-de-lenvironnement-pour-un-canada-en-sante.html">Projet de loi S-5, mettant à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999</a> afin de tenir compte de l’exposition cumulative aux pesticides dans les évaluations des risques. Le comité élabore actuellement des recommandations pour éclairer les approches permettant de répondre au mieux à ces initiatives politiques importantes.</p>
<h2>Vers une gestion des pesticides plus transparente</h2>
<p>La progression vers une réglementation des pesticides plus transparente et plus solide sur le plan scientifique au Canada est attendue depuis longtemps. Et est essentielle.</p>
<p>Il est urgent de mettre davantage l’accent sur la transparence et la communication des données scientifiques qui sous-tendent le processus décisionnel en matière de réglementation des pesticides. Le manque d’accès aux données et aux informations utilisées dans l’évaluation des risques mine la confiance du public.</p>
<p>Dans la même optique, la dépendance excessive à l’égard des études confidentielles fournies par l’industrie, une application limitée des données provenant de scientifiques indépendants, un manque de données accessibles au public sur les ventes, l’utilisation et la surveillance environnementale des pesticides à base d’ingrédients actifs, exacerbent le scepticisme.</p>
<p>À mesure que l’ARLA évolue vers une plus grande transparence et réaffirme son processus décisionnel fondé sur des données probantes en matière de réglementation des pesticides, l’avis des chercheurs scientifiques indépendants qui font partie du comité jouera un rôle essentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218783/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois reçoit du financement du programme des Chaires de recherche du Canada (CRC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), d'Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), du Ministère de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques, Faune et Parcs du Québec (MELCCFP), entre autres. La Prof. Langlois est la coprésidente du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christy Morrissey reçoit actuellement un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation, d'Environnement et Changement climatique Canada, de Mitacs, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan et de la Fondation Molson. Elle est membre du Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le Prof. Eric Liberda reçoit un financement des IRSC et de Services aux Autochtones Canada pour mener des recherches sur les pesticides et l'exposition aux métaux/métalloïdes. Il est membre de la Société de toxicologie et de la Société de toxicologie du Canada. Le Prof. Liberda est le coprésident du Comité consultatif scientifique (CCS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sean Prager reçoit du financement du CRSNG, de la Fondation canadienne pour l'innovation, de Génome Canada, du ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan, de plusieurs bureaux de commercialisation et d'ONG. Il est affilié au Comité consultatif scientifique (CCS) de l'ARLA.</span></em></p>Le Canada aurait dû se doter depuis longtemps d’une réglementation sur les pesticides qui soit scientifiquement fondée, solide et transparente. Un comité consultatif scientifique nouvellement créé vise à répondre à ce besoin.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Christy Morrissey, Professor in Biology and Ecotoxicology, Toxicology Centre, University of SaskatchewanEric Liberda, Professor, School of Occupational and Public Health, Toronto Metropolitan UniversitySean Prager, Associate Professor and Entomologist, University of SaskatchewanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138172023-10-19T13:21:38Z2023-10-19T13:21:38ZChangements climatiques, pandémie : les scientifiques devraient pouvoir informer le public librement<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/06/l-ete-2023-le-plus-chaud-jamais-mesure-marque-par-une-litanie-impressionnante-d-evenements-climatiques-extremes_6188157_3244.html">Les évènements climatiques récents</a> et la pandémie ont mis en lumière le besoin de mettre en œuvre des politiques préventives et d’adaptation. Comment s’y prendre ? Notamment, en s’appuyant sur les preuves scientifiques disponibles. L’annonce par Québec le 11 septembre dernier de la création d’un comité d’experts sur l’adaptation aux changements climatiques <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">s’inscrit dans un tel objectif</a>.</p>
<p>Toutefois, plusieurs obstacles empêchent une meilleure contribution des scientifiques à la formulation de ces politiques. S’il va de soi que la science se doit d’informer l’assentiment populaire sans toutefois le remplacer, celle-ci devrait toutefois disposer d’une place de choix dans le débat politique. Pourtant, la science est souvent subordonnée à la parole politique, voire instrumentalisée. <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">La pandémie</a>, les <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">changements climatiques</a>, ou les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">récents déboires du gouvernement Ford en Ontario le démontrent</a>.</p>
<p>L’absence d’institutions scientifiques publiques autonomes en est l’une des raisons principales. En effet, le modèle démocratique de contrôle de l’administration implique dans la pratique que les organisations scientifiques publiques agissent sous le contrôle des représentants élus. Concrètement, cela signifie que des institutions comme l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ne peuvent pas librement communiquer leurs recommandations au public, et donc participer pleinement au débat politique.</p>
<p>Doctorants en science politique, nos recherches portent sur l’utilisation de la science dans les politiques publiques. Dans cet article, nous apportons un éclairage sur les conséquences découlant de l’absence d’autonomie de la part des institutions scientifiques publiques, tant au Québec qu’aux États-Unis. Nous argumentons en conséquence pour la mise en place de procédures simples qui pourraient y remédier.</p>
<h2>L’influence de l’organisation du conseil scientifique sur les choix politiques</h2>
<p>Dans un premier temps, nos recherches sur la pandémie démontrent que l’organisation du conseil scientifique – c’est-à-dire la sélection des experts, leurs disciplines, et leur niveau de transparence et d’autonomie – a des implications concrètes sur la formulation des politiques publiques. En effet, une discipline scientifique dispose d’une vision encadrée par les méthodes, et les valeurs, de cette discipline. Et il en va de même pour les scientifiques. </p>
<p>Par exemple, durant la pandémie, le conseil scientifique suédois a été organisé autour de l’agence de santé publique, laquelle disposait d’une forte autonomie dans la formulation des politiques sanitaires. Or, le chef épidémiologiste de l’agence, A. Tegnell, avait lui-même participé à des publications, plusieurs années auparavant, dans lesquelles il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19628172/">reconnaissait les incertitudes entourant des mesures sévères comme la fermeture des écoles dans un contexte de pandémie</a>.</p>
<p>L’approche d’A. Tegnell consistait à trouver un équilibre, en termes de santé publique, entre les effets délétères de politiques extrêmes, et ceux du virus sur la population ; ce qui a impliqué des mesures moins sévères qu’ailleurs dans le monde. <a href="https://www.cirst.uqam.ca/nouvelles/2021/ecouter-la-science-dans-la-conception-des-politiques-publiques-de-lutte-contre-la-Covid-19-le-cas-de-la-fermeture-des-ecoles-au-quebec-et-en-suede/">Pour Tegnell, davantage de preuves scientifiques étaient nécessaires pour justifier une telle sévérité</a>. On voit ici que l’organisation du conseil scientifique autour de Tegnell, et l’autonomie dont jouissait son agence, n’a pas été sans conséquence sur le choix politique. </p>
<p>Or, la création d’un groupe d’experts au Québec sur les changements climatiques pourrait avoir des implications similaires. D’une part, qui seront ces scientifiques ? On parle des « meilleurs experts reconnus en la matière », alors que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">l’identité de ces derniers n’est pas encore connue</a>. Et d’autre part, quel niveau d’autonomie caractérisera ce groupe ? Pourra-t-il communiquer librement au grand public ? Ces points méritent d’être éclaircis.</p>
<p>Dans les faits, le secret politique pèse lourd. L’Ontario a par exemple été récemment accusé d’avoir passé sous silence un rapport scientifique sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">conséquences des changements climatiques</a>. Durant la pandémie, les recommandations de la Santé publique du Québec ont manqué de transparence, et ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1851196/msss-revue-editeur-predateur-publication-scientifique">parfois difficilement justifié certaines mesures comme le couvre-feu</a>. Ceci implique de repenser nos institutions. </p>
<h2>L’utilisation de la science au service des intérêts privés</h2>
<p>Du côté des États-Unis, nos recherches soulignent l’impact des intérêts économiques sur les politiques d’adaptation. En Louisiane, un état républicain et conservateur, les dirigeants politiques au Sénat et à la Chambre des représentants se gardent de reconnaître l’existence des changements climatiques et leur impact sur l’immense perte de territoire et l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, incendies de forêt). </p>
<p>Les politiques actuelles visent plutôt à rétablir les processus naturels de sédimentation pour ralentir l’érosion des côtes de <a href="https://climatoscope.ca/article/reconstruire-ou-partir-les-defis-de-ladaptation-en-louisiane/">manière à préserver leur capacité à soutenir la production de pétrole et de gaz</a>. La légitimation de cette stratégie d’adaptation – la <a href="https://revuelespritlibre.org/le-controle-de-leau-en-louisiane-entre-repere-identitaire-et-menace-existentielle">restauration</a> – se fait par l’utilisation d’un discours scientifique et technique axé exclusivement sur les processus naturels du delta. Par ce biais, on ignore la science climatique et ses causes, en particulier le rôle des énergies fossiles dans l’accélération des dérèglements environnementaux et climatiques. </p>
<p>Cette sélectivité scientifique empêche l’évocation <a href="https://www.wwno.org/coastal-desk/2022-03-03/climate-change-could-prove-more-deadly-in-louisiana-without-immediate-action-report-says">d’autres options</a> d’adaptation, comme la relocalisation des populations côtières ou l’atténuation des changements climatiques. La compréhension du public quant aux effets à long terme des changements climatiques se voit ainsi brimée. </p>
<h2>Un déni partisan</h2>
<p>En argumentant que « la science » est de leur côté, même si elle ignore celle des changements climatiques, les décideurs empêchent le questionnement de leurs politiques. « La science montre que c’est la seule manière de nous sauver », proclame régulièrement le président de l’agence environnementale louisianaise. </p>
<p>Cette agence utilise un discours scientifique biaisé de manière à obtenir le soutien des républicains climatosceptiques au Sénat et à la Chambre des représentants. En évitant de contester l’influence des énergies fossiles dans le problème climatique, l’objectif est de dépolitiser l’adaptation et de la soustraire du débat public en brandissant le caractère rationnel de leurs politiques. </p>
<p>La recherche montre que le déni du changement climatique aux États-Unis <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1111/j.1533-8525.2011.01198.x">est fortement partisan</a> et qu’il s’appuie sur une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2016.1189233">« chambre d’écho » antiréflexive</a> d’outils politico-culturels conservateurs et néolibéraux. L’anti-réflexivité est <a href="https://doi.org/10.1177/0263276409356001">définie par les chercheurs Aaron McCright et Riley Dunlap</a> comme un contre-mouvement des républicains et conservateurs américains visant à préserver le système capitaliste productiviste de sa remise en question par la science climatique et les mouvements environnementaux.</p>
<p>Ces discours scientifiques antiréflexifs entretiennent l’ambiguïté sur la science climatique et sur l’impact de la production des énergies fossiles. Pire encore, ils encouragent l’ignorance et l’inaction et provoquent une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03623319.2020.1848294">« adaptation agnostique »</a>, à savoir une adaptation dénuée de toute croyance dans les changements climatiques. </p>
<h2>Pour la création d’institutions scientifiques publiques autonomes</h2>
<p>Le public devrait pouvoir être librement informé par les scientifiques.</p>
<p>Or, l’inexistence dans le paysage politique d’institutions scientifiques publiques autonomes l’en empêche, et non sans conséquences. Durant la pandémie, elle a eu un <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">effet négatif sur l’adhésion de la population, qui a commencé à questionner la légitimité des experts</a>. Dans le cas des changements climatiques, l’instrumentalisation du discours scientifique restreint le débat public, et dépolitise les enjeux climatiques au profit de la satisfaction d’intérêts privés. </p>
<p>Nous proposons donc d’étendre l’autonomie d’institutions scientifiques publiques comme l’INSPQ. D’une part, en instaurant la possibilité de communiquer librement leurs recommandations au public, en dehors de toute tutelle. Et d’autre part, en permettant la formulation de demandes citoyennes de rapports ou de recommandations scientifiques de la part du public sous la forme de pétitions. </p>
<p>Ceci permettrait d’ajouter une « troisième voix » au débat politique, qui informerait le débat en permettant au public de faire un choix libre et éclairé. Mais cela permettrait également d’apporter un discours alternatif au discours partisan et à la polarisation, sans pour autant le remplacer. </p>
<p>Des auteurs comme Zynep Pamuk proposent également la création de <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691218939/politics-and-expertise">« tribunaux scientifiques » composés d’experts et de citoyens</a>. Ces tribunaux saisis par initiative citoyenne statueraient sur des problèmes publics mobilisant des connaissances scientifiques, comme la pandémie ou les changements climatiques. Suivant le modèle judiciaire, un jury composé de citoyens voterait sur une proposition de politiques publiques – par exemple, devrions-nous interdire la voiture à essence en ville ? – au terme d’une procédure contradictoire impliquant des vues opposées d’experts dans le domaine. </p>
<p>Si ces solutions ne sont pas à écarter, bâtir sur des institutions préexistantes et leurs solides expertises en leur offrant une place plus importante dans le débat apparaît une solution réalisable à court terme, et qui étendrait à la science le principe démocratique. </p>
<p>Une solution qui tirerait les leçons des crises récentes, dont la pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213817/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Lemor a reçu un financement du Fond de recherche du Québec société et culture (FRQSC) dans le cadre de sa thèse de doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’existe pas d’institution scientifique publique autonome dans le débat politique. Quelles en sont les conséquences, en contexte de pandémie et de changements climatiques ?Antoine Lemor, Candidat au doctorat en science politique et chargé de cours / Political science PhD candidate and lecturer, Université de MontréalSarah M. Munoz, Doctoral researcher in political science / Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134872023-09-19T16:14:48Z2023-09-19T16:14:48ZSans culture linguistique, pas de culture scientifique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549043/original/file-20230919-23-g2q47d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C21%2C2023%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les équations ne parlent pas toutes seules. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/26222024706/in/photostream/">J. Barande / Ecole Polytechnique</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/05/m-gabriel-attal-redonnez-a-l-ecrit-des-l-ecole-primaire-ses-lettres-de-noblesse_6187830_3232.html">Dans un récent manifeste</a>, un collectif de personnalités en appelle au ministre de l’Éducation nationale pour développer à l’école « une véritable culture de la lecture et de l’écriture ». Parmi les signataires, des écrivains et écrivaines, des journalistes, des artistes. Mais pas de scientifiques, comme s’ils n’avaient ni compétence ni intérêt pour le langage et ses mots.</p>
<p>Cette dépréciation du rôle de la langue dans le travail de la science est banale. Même un sémiologue aussi averti que Roland Barthes <a href="https://www.cairn.info/plurilinguisme-et-creativite-scientifique--9791022740944-page-22.htm">écrivait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pour la science, le langage n’est qu’un instrument, que l’on a intérêt à rendre aussi transparent, aussi neutre que possible, assujetti à la matière scientifique (opérations, hypothèses, résultats) qui, dit-on, existe en dehors de lui et le précède : il y a d’un côté et d’abord les contenus du message scientifique, qui sont tout, d’un autre côté et ensuite la forme verbale chargée d’exprimer ces contenus, qui n’est rien. »</p>
</blockquote>
<p>Et le physicien que je suis se souvient avec un mélange d’hilarité et de consternation d’une scène d’un film de Hitchcock (pas l’un de ses meilleurs !), <em>Le Rideau déchiré</em> (1966), où deux savants s’affrontent devant un tableau noir, écrivant et effaçant tour à tour des formules cabalistiques, sans échanger aucun mot ou presque, topos que l’on retrouve dans le récent <em>Oppenheimer</em>.</p>
<p>Mais la science, à l’inverse de l’armée, n’a pas vocation à être une « grande muette », tant la production du savoir, y compris dans les sciences les plus formalisées, comme les mathématiques ou la physique, que son partage, par l’enseignement ou la médiation, à l’oral comme à l’écrit, ne peuvent se passer du recours à la langue.</p>
<h2>Un « langage scientifique ? »</h2>
<p>Certains, reconnaissant cette nécessité, avancent qu’il s’agirait pour faciliter l’apprentissage des sciences, de <a href="https://gaia-svt.weebly.com/blog/67-le-langage-scientifique-parlons-peu-parlons-bien">développer celui d’un prétendu « langage scientifique »</a>. Mais celui-ci n’existe tout simplement pas, et il s’agit bien ici de la langue commune, celle qui se pratique dans tout échange social. Car l’existence de terminologies spécialisées dans les diverses disciplines scientifiques, comme dans toute activité humaine, aussi bien en couture et en cuisine qu’en météorologie et en chimie, ne saurait occulter l’emploi obligatoire des règles syntaxiques et des classes grammaticales usuelles qui fondent une langue.</p>
<p>Reste que la science contemporaine manifeste une grande désinvolture dans le choix de son vocabulaire propre. Bien souvent, les termes qu’elle emploie et qu’elle diffuse relèvent plus de stratégies médiatiques, voire d’enjeux publicitaires, que d’un souci d’adéquation sémantique. Ainsi, des expressions comme <em>trou noir</em>, <em>big bang</em>, <em>supercordes</em>, <em>énergie sombre</em>, pour s’en tenir au registre de la cosmologie, aussi fascinantes soient-elles, ne rendent aucunement justice aux objets et phénomènes qu’elles concernent.</p>
<p>De fait, un « trou noir » n’est pas vide, ni vraiment noir, le « big bang » n’est pas une explosion instantanée et ne fait pas de bruit, etc. De telles expressions sont conçues par les scientifiques eux-mêmes pour séduire les profanes, mais les trompent au lieu de les éclairer.</p>
<p>Une bonne vulgarisation est nécessairement exigeante et ne peut faire l’impasse sur la difficulté et la spécificité des concepts scientifiques. Comme le disait déjà Euclide, « il n’y a pas de voie royale » pour accéder à la science. Le paradoxe est que ces facilités de langage finissent par avoir des effets régressifs sur les chercheurs eux-mêmes.</p>
<h2>Faire parler les équations</h2>
<p>Nombre des problèmes conceptuels qui continuent <a href="https://www.academia.edu/25210063/DURING_and_LEVY-LEBLOND_Les_d%C3%A9couvertes_philosophiques_n%C3%A9gatives_de_la_physique_contemporaine_2009_">à hanter la physique contemporaine</a> (la question du déterminisme, ou celle de l’origine de l’univers) trouvent leur source dans la négligence des puissances de la langue et dans la désinvolture de son usage ; le montre la coexistence d’un consensus assez général sur les formalismes mathématiques et de désaccords sur leur interprétation : c’est bien que la formalisation ne suffit en rien à énoncer et maîtriser le savoir qu’elle sous-tend. Autrement dit, les équations ne parlent pas ou plutôt ne disent rien si elles ne s’insèrent pas dans un échange communicationnel nécessairement langagier qui seul peut leur donner sens.</p>
<p>Déjà Lavoisier, dans l’introduction de son <em>Traité de chimie élémentaire</em>, publié en 1789, écrivait : « Toute science est nécessairement formée de trois choses, la série des faits qui la constituent ; les idées qui les rappellent ; les mots qui les expriment. Il en résulte qu’on ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage, et que quels que certains que fussent les faits, quelles que justes que fussent les idées qu’ils auraient fait naître, ils ne transmettraient encore que des impressions fausses, si nous n’avions pas des expressions exactes pour les rendre. »</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/petit-guide-pour-bien-lire-les-publications-scientifiques-151158">Petit guide pour bien lire les publications scientifiques</a>
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<p>Une attitude à la fois plus respectueuse et plus critique à l’égard des mots utilisés pour rendre compte des signes et des formules est en mesure souvent d’éclairer, sinon de régler, ces problèmes épistémologiques.</p>
<p>À titre d’exemple, considérons le « principe d’incertitude » introduit en théorie quantique par <a href="https://theconversation.com/heisenberg-le-physicien-de-lincertitude-124136">W. Heisenberg</a> en 1927 et qui a donné lieu à tant d’exégèses philosophiques, idéologiques, culturelles infondées. Or, près d’un siècle plus tard, il est devenu évident qu’il ne s’agit nullement d’un principe fondamental mais seulement d’une conséquence des notions quantiques de base et surtout que le terme d’"incertitude" avec ses connotations psychologiques est totalement inapproprié. Aussi emploie-t-on désormais de plus en plus la terminologie plus sobre et plus neutre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ctU8Crgeu8M">d’« inégalités de Heisenberg »</a>.</p>
<p>Il ne serait pas difficile de montrer que la situation n’est guère différente dans bien d’autres domaines de la science actuelle, à commencer par la biologie et la génétique. Ainsi de la métaphore selon laquelle l’ADN est un « code génétique » qui constituerait un « grand livre de l’hérédité ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549045/original/file-20230919-21-hzu1pe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Armand Colin</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ajoutons que les problèmes évoqués ci-dessus sont considérablement aggravés par la domination, en tout cas dans les sciences de la nature, d’un anglais abâtardi (globish) comme lingua franca. Ce langage appauvri, dépourvu de son arrière-plan culturel et de ses connotations implicites, ne favorise évidemment pas une expression maîtrisée et une évaluation critique des néologismes qu’exige le développement scientifique.</p>
<p>Il est donc nécessaire de demander aux chercheurs scientifiques, mais aussi aux journalistes et médiateurs, une conscience plus aiguë de leur responsabilité linguistique et donc d’inclure cette thématique dans leur formation professionnelle.</p>
<p>Un remarquable apport à cette entreprise est fourni par le récent livre de l’éminent linguiste Sylvain Detey, <em>Savons-nous vraiment parler ? Du contrat linguistique comme contrat social</em> (Armand Colin, 2023). Bien que portant sur la question du langage en toute généralité, nombre de ses conclusions et propositions méritent d’être étudiées et méditées par quiconque est sensible aux rôles du langage dans la pratique des sciences.</p>
<h2>Contresens et malentendus</h2>
<p>Ainsi du premier chapitre, plaisamment intitulé « La communication : un handicap pour tous ? » qui met en évidence les illusions si répandues quant à l’efficacité supposée des modes de communication spontanés, dont les faiblesses, évidentes dès lors qu’il s’agit pour nous d’utiliser une langue étrangère, ne sont qu’à peine moindres dans notre langue native, où les malentendus sont d’autant plus pernicieux qu’ils sont moins perçus.</p>
<p>Particulièrement intéressant aussi, dans le présent contexte, est le chapitre 5, « Du monolingue au polyglotte », où Detey met en lumière les différences de perception et donc d’expression entre langues, et souligne l’intérêt d’une bonne maîtrise de langues étrangères (deux au moins affirme-t-il !) quant au développement d’une meilleure maîtrise de sa propre langue. Prendre conscience de la diversité linguistique qui se manifeste y compris dans des catégories fondamentales de la pensée permet une utile compréhension des singularités et des limites qui caractérisent nos usages langagiers les plus usuels.</p>
<p>Un exemple princeps est celui de la numération, où le japonais utilise des spécificateurs, c’est-à-dire des suffixes ajoutés aux noms des nombres et déterminés par la forme des objets comptés (selon qu’ils sont longs, ou plats, etc.) ou leur nature (voitures, poissons, livres, etc.), alors que les langues européennes <a href="https://www.persee.fr/doc/clao_0153-3320_1992_num_21_1_1411">ont des termes numéraux génériques</a>.</p>
<p>On comprend dès lors, pour en revenir aux usages scientifiques de la langue, que la question est moins celle du recours à l’anglais, que celle de la qualité de cet anglais. Un exemple caricatural m’avait jadis été fourni par un ouvrage de géométrie élémentaire traduit de l’anglais, où l’énoncé d’un exercice commençait par cette phrase surprenante : « soit deux points dans un avion ». S’en était suivie une minute de sidération avant que je ne repère la confusion entre les deux sens possibles du mot « plane » en anglais (avion ou plan).</p>
<p>L’auteur conclut justement son livre en écrivant : « avant donc que d’écrire sur Internet, et de parler dans l’espace public, apprenons à penser, et à parler ou à écrire, en respectant la rationalité scientifique ». Je me permettrai seulement d’ajouter que ladite rationalité scientifique, en tant qu’elle est fondée dans le langage, a beaucoup à y gagner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213487/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Lévy-Leblond ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme dans tous les autres domaines, la qualité et la précision de l’expression orale et écrite, en sciences, impactent la transmission des idées et le raisonnement. En tenons-nous suffisamment compte ?Jean-Marc Lévy-Leblond, Physicien, épistémologue, essayiste. Professeur de l'université de Nice, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2127272023-09-03T14:17:22Z2023-09-03T14:17:22ZPourquoi tester les médicaments sur des animaux mâles est problématique pour la santé des femmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545940/original/file-20230620-25-ktr7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5958%2C4150&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pendant des décennies, les études scientifiques ont porté presque exclusivement sur des mâles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/small-experimental-mouse-on-laboratory-researchers-605226554">unoL/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Si, au cours de votre vie, vous avez déjà dû prendre un médicament, alors vous pouvez considérer que vous faites partie des bénéficiaires de la recherche scientifique menée sur des animaux de laboratoire (en général, des souris ou des rats). Mais vous ignorez probablement que, dix ans à peine en arrière, ce type de travaux reposait quasi exclusivement sur l’emploi d’animaux mâles.</p>
<p>Or, depuis quelques années, un nombre croissant de preuves récoltées lors d’études employant des animaux des deux sexes indique qu’il existe <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2020.583477/full#B110%22%22">des différences complexes au niveau du cerveau des rongeurs</a>, selon que l’on considère les individus mâles ou femelles. Ces différences sont non seulement liées à la taille, ou à la forme, mais aussi à la manière dont les cellules nerveuses se connectent les unes aux autres.</p>
<p>Ceci est potentiellement problématique, car pendant longtemps, les scientifiques ont supposé que <a href="https://books.google.co.uk/books?hl=en&lr=&id=KDicAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT19&ots=SWnevYYdZn&sig=yWbWfMXIzm32BhXKVG984Lgs-3Y&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false%5D(https://books.google.co.uk/books?hl=en&lr=&id=KDicAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT19&ots=SWnevYYdZn&sig=yWbWfMXIzm32BhXKVG984Lgs-3Y&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false">les femmes réagissaient de la même manière que les hommes lors des phases d’essais cliniques</a>), indispensables pour le développement et l’obtention d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux médicaments.</p>
<p>Mais il se pourrait que ce ne soit pas toujours le cas, et que l’on ne connaisse donc pas toutes les manières dont des médicaments développés et testés exclusivement sur des animaux mâles peuvent affecter les femmes.</p>
<p>Les scientifiques qui s’intéressent à certains problèmes de santé humaine identifient d’ailleurs de plus en plus de différences liées au sexe. Ainsi, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12890270/%22%22">les femmes ont deux fois plus de chances que les hommes</a> de se voir diagnostiquer une dépression au cours de leur vie. Or leur réaction aux antidépresseurs est également différente de celle des hommes : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la <a href="https://theconversation.com/non-la-serotonine-ne-fait-pas-le-bonheur-mais-elle-fait-bien-plus-109280">sérotonine</a> (ISRS) entraînent une réponse plus forte chez les femmes, tandis que les hommes ont une meilleure réponse aux antidépresseurs tricycliques (les antidépresseurs « classiques »).</p>
<h2>Ne jamais présumer</h2>
<p>Le fait d’avoir exclu pendant si longtemps les animaux femelles de la recherche médicale s’est traduit par des conséquences préoccupantes pour la santé des femmes. Le cas des effets indésirables des médicaments – autrement dit, les effets non désirés qui surviennent après la prise d’un principe actif (nausées, maux de tête, problèmes cardiaques…) – constitue un bon exemple de telles conséquences.</p>
<p>On considère que le risque de subir de tels effets indésirables <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7275616/%5D(https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7275616/">est doublé chez les femmes</a>) par rapport au risque encouru par les hommes (bien que ceux-ci présentent eux-mêmes des risques accrus en ce qui concerne certains effets secondaires spécifiques). Une des raisons en est que bien que les femmes soient en moyenne plus petites que les hommes, la posologie recommandée de nombreux médicaments est <a href="https://news.uchicago.edu/story/women-are-overmedicated-because-drug-dosage-trials-are-done-men-study-finds%22%22">basée sur les caractéristiques masculines.</a></p>
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<p>Les femmes qui prennent des <a href="https://academic.oup.com/ehjcvp/article/3/3/163/3058007?login=true%22%22">bêtabloquants</a> (des médicaments utilisés pour traiter les problèmes cardiaques), présentent des concentrations de ces molécules plus élevées dans leur sang que les hommes. On pourrait penser que c’est parce qu’une prise de la même quantité de médicaments se retrouvant dans un volume sanguin plus petit entraîne mécaniquement une augmentation de la concentration, mais ce n’est pas l’unique raison. En fait, les femmes métabolisent de nombreux médicaments différemment des hommes, ce qui s’explique par des taux d’hormones sexuelles et d’activité enzymatique eux aussi différents.</p>
<h2>Pourquoi les femmes ont-elles été exclues des essais ?</h2>
<p>Au cours de leurs expérimentations (que ce soit chez l’animal ou l’être humain), les scientifiques aiment réduire la variabilité autant que possible. Cela leur permet d’envisager avec un degré de confiance suffisant que s’ils observent des changements chez les sujets, ils sont bien le résultat de leurs interventions.</p>
<p>Pour cette raison, les femelles ont été largement exclues des essais cliniques en raison de leur cycle menstruel. Alors que les niveaux d’hormones stéroïdes sexuelles ne varient pas chez les hommes, chez les femmes, ils augmentent et diminuent. Ces fluctuations peuvent avoir un impact sur la fonction cérébrale, le comportement et la réponse aux médicaments. Elles augmentent la variabilité des résultats et rendent les données expérimentales plus difficiles à interpréter, ce qui accroît les coûts des recherches.</p>
<p>Cependant, les choses sont un peu différentes chez les rongeurs : leur cycle œstral (période de temps entre ovulations) est plus court que celui des femmes, d’une durée de seulement quatre ou cinq jours. Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont montré que durant cette période [le comportement des rats femelles n’est pas plus variable]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4962440/en conséquence.</p>
<p>&lt ;image id=“533216” align=“centre” alt=“Souris de laboratoire blanches, mère avec des petits” source=“tilialucida/Shutterstock” caption=“Si les études n’incluent pas de souris femelles, la manière dont les médicaments affectent les femmes ne sera pas correctement comprise.” zoomable=“true”/&gt ;</p>
<p>Une autre raison a joué dans la mise en place d’essais cliniques centrés sur les hommes : le fait que certaines des femmes en âge de procréer qui auraient pu y participer auraient pu être enceintes sans le savoir, ce qui aurait pu avoir des conséquences sur leur fœtus. La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3573415/%22%22">tragédie de la thalidomide</a> a renforcé cette crainte. Développée dans les années 1950 comme sédatif, la thalidomide est par la suite devenue un traitement populaire pour lutter contre les nausées matinales ressenties par certaines femmes enceintes – mais ce médicament n’avait pas été testé sur des femelles animales gestantes (et encore moins sur des femmes enceintes).</p>
<p>Les médecins ont rapidement réalisé que les enfants nés de mères prenant de la thalidomide présentaient de graves anomalies du développement. Mais il était déjà trop tard : on estime qu’au niveau mondial, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15172781/%22%22">environ 10 000 nourrissons sont nés avec des bras et des jambes très atrophiés, ainsi que d’autres malformations congénitales</a>.</p>
<h2>Les choses s’améliorent-elles ?</h2>
<p>Le secteur de la recherche qui analyse les interactions entre les médicaments et le cycle menstruel, les modifications survenant durant la grossesse et la prise de contraceptifs hormonaux est en plein développement.</p>
<p>On sait désormais que non seulement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S105913111400137X%22%22">certains médicaments antiépileptiques</a> peuvent réduire l’efficacité de la contraception hormonales, mais aussi que cette dernière peut elle-même diminuer l’efficacité de certains médicaments antiépileptiques. Malheureusement, il reste encore beaucoup d’inconnues, car les femmes ont été exclues des études cliniques pendant de nombreuses années.</p>
<p>Aux États-Unis, Il a été légalement exigé que les femmes soient <a href="https://orwh.od.nih.gov/toolkit/recruitment/history#:%7E:text=In%201986%2C%20NIH%20established%20a,Grants%20and%20Contracts%20in%201987%22%22">incluses dans les essais cliniques dans les années 1990</a>. Trente ans plus tard, les effets de cette décision se font sentir : près de la moitié des participants aux études cliniques financées par les National Institutes of Health (NIH - l’agence américaine de recherche médicale) <a href="https://orwh.od.nih.gov/in-the-spotlight/all-articles/nih-publishes-report-on-research-on-womens-health-for-fiscal-years-2019-2020%22%22">sont désormais des femmes</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses <a href="https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/bph.14761%22%22">revues scientifiques</a> adhèrent à la démarche <a href="https://journals.physiology.org/doi/full/10.1152/ajpheart.00605.2021%22%22">qui consiste à ne publier que les études de recherche clinique</a> dont la conception, l’analyse des données et la diffusion des résultats prend en compte le sexe. Les politiques continuent aussi à évoluer afin d’inclure désormais non seulement le sexe biologique (défini génétiquement), mais aussi le genre (l’identité personnelle).</p>
<p>Les choses ont été plus lentes en ce qui concerne l’inclusion des femelles de rongeurs dans le paysage de la recherche. En 2014, les NIH, qui dans le secteur de la recherche médicale sont l’un des plus importants bailleurs de fonds de la planète, <a href="https://doi.org/10.1038/509282a%22%22">ont annoncé que tous les scientifiques prétendant à des demandes de subvention devaient inclure dans leur projet une parité entre animaux mâles et femelles (ou cellules provenant de mâles et de femelles).</a> D’importants bailleurs de fonds d’autres pays – tels que le Canada ou la Commission européenne – ont depuis adopté la même position.</p>
<p>Le changement prend du temps. Cela s’explique notamment par les durées de recherche et développement : si elles peuvent varier considérablement, on considère généralement qu’il faut compter 10 à 15 ans pour mettre au point un nouveau médicament. Viennent ensuite les essais cliniques, qui peuvent eux aussi prendre beaucoup de temps, selon la difficulté à recruter les participants nécessaires.</p>
<p>Nous nous dirigeons vers une ère de médecine personnalisée, dans laquelle les médicaments pourront être prescrits dans le cadre d’interventions ciblées, prescrites suite à un diagnostic établi précisément pour chaque individu, selon son génome (l’ensemble des instructions génétiques qu’il porte), avec l’idée d’adapter le traitement au plus juste, étant donné que ces caractéristiques personnelles peuvent affecter la réponse. Si nous ne comprenons pas exactement comment les médicaments prescrits aux femmes les affectent réellement, elles risquent de passer à côté des nombreux avantages de ces nouvelles approches…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Toutes les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'autrice et non celles des organisations auxquelles elle est affiliée. Sarah Bailey reçoit des fonds de recherche de Camurus et DevelRx, est vice-présidente chargée de l'engagement à la British Pharmacological Society et coprésidente de la UK Bioscience Sector Coalition (universitaire).</span></em></p>La plupart des essais cliniques doivent désormais incorporer des individus des deux sexes. Mais le retard pris dans l’étude de la façon dont les médicaments affectent les femmes est loin d’être comblé.Sarah Bailey, Senior Lecturer, Neuropharmacology, University of BathLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115672023-08-31T13:26:20Z2023-08-31T13:26:20ZChatGPT, allié ou adversaire pour l’enseignement des sciences et des mathématiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543844/original/file-20230822-29-42nl8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C2038%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont pas à l'abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d'IA.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Patrick Charland), Image générée sur leonardo.ai</span></span></figcaption></figure><p>L’arrivée de ChatGPT a causé bien des remous dans le milieu de l’enseignement. Des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1983789/robot-intelligence-artificielle-cegep-plagiat">cas de fraudes académiques et de plagiat ont été rapportés</a>, notamment dans certains départements de littérature et de communication. Ce type d’outil permet en effet de générer, en quelques mots, des essais et des dissertations.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout.</p>
<p>Les robots conversationnels ont obtenu des résultats impressionnants à différents tests standardisés, tels que l’<a href="https://journals.plos.org/digitalhealth/article?id=10.1371/journal.pdig.0000198">examen de licence médicale des États-Unis</a> ou celui du <a href="https://www.forbes.com/sites/johnkoetsier/2023/03/14/gpt-4-beats-90-of-lawyers-trying-to-pass-the-bar/?sh=40103ae83027">Barreau</a>.</p>
<p>Du côté des disciplines nécessitant l’utilisation des mathématiques, leurs performances étaient initialement perçues comme assez <a href="https://arxiv.org/pdf/2302.03494.pdf">faibles</a>.</p>
<p>Toutefois, avec la récente mise à jour permettant l’accès à l’extension <a href="https://research.aimultiple.com/chatgpt-code-interpreter/"><em>Code interpreter</em></a>, renommée cette semaine <em>Advanced data Analysis</em>, ChaptGPT Plus (version payante offerte par <a href="https://openai.com/blog/chatgpt-plugins">OpenAI</a>) est soudainement devenu très puissant dans le domaine du calcul, du raisonnement et de la résolution de problèmes. Disponible depuis juillet 2023, cette extension donne à l’IA la capacité de formuler et d’exécuter du code informatique. En d’autres termes, cette extension lui permet d’effectuer différentes opérations mathématiques, de traiter des données et de transformer des fichiers.</p>
<p>En cette rentrée scolaire 2023, les enseignants et professeurs de sciences et de mathématiques ne sont donc pas à l’abri des enjeux pédagogiques qui découlent du déferlement de la récente vague d’IA. </p>
<p>Combinant nos expertises en éducation et en technologies de l’information, nous discuterons des avantages et des défis de l’utilisation de ChatGPT pour la résolution de problèmes dans le milieu de l’enseignement. </p>
<h2>Un puissant outil pour la résolution de problèmes</h2>
<p>Pour mieux en saisir les impacts potentiels en salle de classe, nous avons testé les capacités de l’extension <em>Code interpreter/Advanced data analysis</em> de ChatGPT en matière de résolution de problèmes. </p>
<p>Ainsi, nous avons choisi des problèmes relativement complexes de 5<sup>e</sup> secondaire en physique, en chimie et en mathématiques. Pour réaliser ce test, nous avons comparé les solutions élaborées par ChatGPT à celles proposées par <a href="https://www.alloprof.qc.ca/"><em>AlloProf</em></a>, une référence incontournable en matière de soutien aux élèves. Nous avons essentiellement copié-collé les énoncés de divers problèmes et avons laissé l’algorithme faire le travail.</p>
<p><em>Résultats ?</em> La capacité de résolution de problème de la nouvelle version de ChatGPT Plus est… impressionnante. Systématiquement, le robot reformule sa compréhension du problème, et explique ensuite la démarche qu’il compte utiliser, en séparant souvent le problème en diverses étapes. Il résout ensuite le problème en effectuant les divers calculs associés aux données initiales qui lui ont été soumises. Dans les tests effectués, sur des problèmes somme toute classiques, nous n’avons décelé absolument aucune erreur du robot dans sa résolution des problèmes proposés sur le site <em>Alloprof</em> ! </p>
<h2>Des exemples pour le moins impressionnants !</h2>
<p>En physique, nous avons commencé nos tests avec un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/les-forces-centripete-et-centrifuge-p1020">problème simple de calcul de la force centripète</a>, qui implique tout de même d’effectuer des changements d’unités dans les données initiales. <a href="https://chat.openai.com/share/c32fbd19-9da2-424a-8b88-50b087b50f6d">ChatGPT comprend bien le problème</a>, explique clairement sa démarche et procède aux divers calculs nécessaires. </p>
<p>Nous avons également testé ses capacités dans un <a href="https://chat.openai.com/share/9538b188-459a-4dbd-8897-5132bd3a4bba">problème sur la Loi de Hooke</a> (équation du ressort), ou <a href="https://chat.openai.com/share/b1d08c16-3715-4eef-b66a-95a3431116ee">sur les lois de Kirchhoff</a> qui régissent la conservation de l’énergie dans un circuit électrique. Mêmes résultats.</p>
<p>Pour aller encore plus loin après avoir résolu un <a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/physique/le-mouvement-de-projectile-p1012">problème de calcul de trajectoire oblique d’une balle de golf</a>, nous avons demandé à ChatGPT de réaliser un environnement virtuel interactif permettant de mieux visualiser le problème. Le robot nous a d’abord guidés dans l’installation de diverses bibliothèques de code informatique préconstruites. Puis, nous amenant dans l’environnement « Jupyter Notebook », il a <a href="https://chat.openai.com/share/18d08eca-6a8c-4d60-9d80-359c08bbb669">programmé un script</a> permettant de créer un simulateur interactif où des curseurs aident à mieux comprendre l’effet de la variation de divers paramètres (comme l’angle ou la vitesse initiale) sur la trajectoire du projectile.</p>
<p>En chimie, ChatGPT performe également très bien, que ce soit dans des problèmes de <a href="https://chat.openai.com/share/8297e09a-a7f0-46e4-85a5-ee9bc2cad54d">chaleur molaire de dissolution</a>, de <a href="https://chat.openai.com/share/c3b51730-5797-4206-8f7f-5cdfcd179896">constante de basicité</a>, <a href="https://chat.openai.com/share/0e38638c-81e9-4bcf-aeb7-dfe1a7f542a7">d’énergie de combustion</a> et même de <a href="https://chat.openai.com/share/63a732e1-b183-4976-bab8-c26a1b01e8cf">balancement d’équations</a>. Encore une fois, les explications permettent de bien comprendre toutes les étapes de la résolution de chacun des problèmes. </p>
<p>En mathématiques, que ce soit avec le « Code interpreter/Advanced data analysis » ou même avec le puissant <em>plugin</em> <a href="https://www.wolfram.com/wolfram-plugin-chatgpt/">« Wolfram »</a>, le robot semble pouvoir résoudre à peu près n’importe quel calcul. Il dispose également de capacités graphiques, affichant les solutions, par exemple le sommet et les zéros d’une équation quadratique. </p>
<h2>ChatGPT et l’apprentissage des mathématiques et des sciences</h2>
<p>Devant les développements fulgurants des algorithmes d’IA, une réflexion pédagogique doit certainement s’effectuer sur les manières de les utiliser, ou non, en salle de classe. </p>
<p>Un <a href="https://www.unesco.org/gem-report/en">rapport récent de l’Unesco</a> en appelle d’ailleurs à utiliser l’IA avec précaution et à mener diverses études pour déterminer si ces outils peuvent avoir des impacts réellement positifs dans l’apprentissage. À l’heure actuelle, on ne dispose que de très peu de données quant à l’effet des robots conversationnels sur les apprentissages à long terme. </p>
<p>En même temps, il ne faut pas se leurrer : qu’on le veuille ou non, les étudiants finiront par l’utiliser. </p>
<p>Ainsi, nous estimons que les acteurs des systèmes scolaires doivent absolument en explorer les capacités pour, notamment, réfléchir à leurs pratiques évaluatives. Cette exploration nécessite cependant des moyens : offrir des formations diverses en littératie de l’IA et rendre disponibles certaines licences d’accès à ces algorithmes.</p>
<h2>L’IA comme tuteur dans la résolution de problème ?</h2>
<p>Au-delà des réserves exprimées, plusieurs voient aussi dans ces technologies diverses opportunités pour soutenir les élèves et le personnel enseignant. C’est d’ailleurs la perspective empruntée par la Khan Academy, une organisation à but non lucratif qui a produit des milliers de courtes leçons sous forme de vidéos, et qui vient de développer son propre robot conversationnel, <a href="https://www.khanacademy.org/khan-labs">« Khanmigo »</a>, spécifiquement dédié au secteur de l’éducation. Plutôt que de préconiser une approche superficielle visant à essentiellement à se servir de l’IA pour obtenir la solution à un problème, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rnIgnS8Susg">Khanmigo inverse les rôles</a> et se place dans le rôle d’un tuteur visant le meilleur apprentissage pour l’élève. </p>
<p>Dans la même perspective, nous avons demandé à ChatGPT de jouer le rôle d’un tuteur pour nous accompagner dans la résolution de certains problèmes présentés précédemment. Une <a href="https://chat.openai.com/share/9252875c-7300-4159-88fb-7115334a8268">conversation pédagogique</a> s’est alors engagée avec ce le robot-tuteur, qui nous a soutenus par diverses questions jusqu’à la fin du problème. On lui a également demandé de nous donner des problèmes semblables pour qu’il puisse valider notre apprentissage.</p>
<p>Par ailleurs, ChatGPT peut également servir de ressource aux parents pouvant se sentir démunis face à des devoirs devenant de plus en plus complexes au secondaire. Considérant que (les <a href="https://openai.com/policies/terms-of-use">conditions d’utilisation de ChatGPT-4 impliquent l’encadrement d’un parent)</a>, c’est le parent qui peut utiliser ChatGPT pour soutenir son enfant. Cette utilisation de l’IA étend donc son rôle au-delà de la salle de classe, offrant un soutien supplémentaire aux acteurs entourant l’élève, et renforçant son potentiel en tant qu’allié dans l’apprentissage. </p>
<p>Nos travaux de recherche et ceux de nos collègues permettront, dans le futur, de mieux comprendre les avantages, les inconvénients, les opportunités et les défis de l’IA à l’école. </p>
<p>De notre pointe de vue, l’intégration de l’IA en éducation doit s’accompagner d’une conversation ouverte, transparente et bienveillante avec les élèves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211567/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), IVADO, le Fonds de recherche du Québec - Société culture (FRQSC) et le Bureau International d'Éducation de l'UNESCO (IBE-UNESCO).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hugo G. Lapierre a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société culture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Majorique Léger est financé par IVADO, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Prompt et Fonds de recherche du Québec. Alloprof est un partenaire de recherche de la Chaire en expérience utilisateur dont il est le titulaire.</span></em></p>L’utilisation de ChatGPT en milieu scolaire ne représente pas uniquement un enjeu pour l’enseignement du français. Les enseignants de sciences et de mathématiques doivent également s’y adapter.Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Hugo G. Lapierre, Chargé d'enseignement à l'Université de Montréal, Université de MontréalPierre-Majorique Léger, NSERC-Prompt Industrial Research Chair in User Experience and Full Professor of IT, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087942023-08-28T16:55:14Z2023-08-28T16:55:14Z« Le grand vertige », un roman pour penser l’inaction climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545054/original/file-20230828-253492-hp34fn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C2982%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les forêts tropicales (ici la Guyane française), combien de secrets de biologie végétale nous échappent encore ?"
certains peuvent-ils sauver le monde?
</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Notre époque vit un douloureux paradoxe, entre les préoccupations des jeunes générations au sujet des questions environnementales et le déficit d’action des politiques à ce sujet. N’oublions pas que la France <a href="http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/L-Affaire-du-Siecle-l-%C3%89tat-devra-reparer-le-prejudice-ecologique-dont-il-est-responsable">a été condamnée</a> pour inaction climatique ! Le recours à l’action radicale semble être la seule solution pour certains et le mouvement des Soulèvements de la Terre en est l’expression directe. Après sa dissolution par le gouvernement dans l’été, cette décision <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-suspend-en-refere-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre">a été invalidée récemment</a>.</p>
<p>Comment la littérature, les arts, accompagnent-ils ce mouvement, souvent associé à la science qui donne des réponses mais dont les solutions ne sont pas écoutées, ou si elles le sont, rarement mises en œuvre ?</p>
<h2>Un roman complexe</h2>
<p>Il est difficile de résumer le roman de Pierre Ducrozet, <em>Le grand vertige</em> (Actes Sud, 2020) qui vient de paraître en édition poche, et qui fait partie du corpus imaginaire qui questionne les défis actuels.</p>
<p>Éloge du vivant, éloge du végétal en particulier, et éloge d’une conception dynamique du monde vivant… À travers des personnages divers, dont des scientifiques autant visionnaires, fantasques que géniaux, un peu agents doubles aussi, engagés mais impuissants.</p>
<p>Peut-être l’impuissance et la futilité de la science, voire ses renoncements d’aujourd’hui en <a href="http://www.ens-lyon.fr/asso/groupe-seminaire/seminaires/voirsem.php?id=jlleonhardt-1">sont-ils le sujet central</a> ? Sa remise en question surtout, comme activité <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/vertigo/2021-v21-n3-vertigo07063/1089922ar/">nécessaire aux changements dont nous avons besoin</a> pour affronter les défis actuels.</p>
<p>Pamphlet contre le pétrole et son utilisation irraisonnée, le monde actuel y est montré comme dominé par les lobbies économiques et le monde politique qui lui est inféodé. Les politiques y sont les accompagnateurs de l’économie dominante, et enterrent avec les puissants les projets trop innovants, même et surtout ceux qui fonctionnent. Car ce n’est pas ce dont ils ont besoin pour continuer à dominer ensemble. Ils préfèrent ainsi sacrifier la planète sur cet autel de la domination tranquille, assumée et peut-être finalement acceptée. Et tout fonctionne comme avant – en apparence. En attendant <a href="https://www.collapsologie.fr/fr/">« l’effondrement »</a> ?</p>
<p>Avant que l’hiver dernier n’explicite notre <a href="https://blog-isige.minesparis.psl.eu/2022/12/02/quel-avenir-pour-les-exportations-hydrocarbures-russes/">dépendance aux hydrocarbures</a> russes en Europe, le roman de Pierre Ducrozet nous présentait déjà cela comme une addiction. Le pétrole et les hydrocarbures sont notre sang ; ses pipelines, nos artères. Cette circulation majeure irrigue et soumet le monde et depuis longtemps. Les ruptures locales paralysent des parties entières du corps. Les compromis sont nombreux et douloureux, reléguant les droits de l’homme à des dommages collatéraux, aux contraintes nécessaires, comme la pollution inhérente à l’industrie. Un résumé de <a href="https://theconversation.com/avec-avatar-2-james-cameron-nous-raconte-lanthropocene-197126">l’anthropocène</a> ?</p>
<p>Les protagonistes de ce roman complexe décident donc de modifier ce fonctionnement dominant par des actions écoterroristes ciblées et détournent pour cela les moyens d’une agence européenne.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas l’éloge de l’écoterrorisme qui est ici dressé puisque les protagonistes sont sans cesse partagés sur les modes d’action, dont le succès n’est pas assuré, et déclenche tout juste une remise en question du système. Un écho aux mouvements contemporains <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/23/les-soulevements-de-la-terre-une-dissolution-problematique_6178900_3232.html">comme les Soulèvement de la Terre</a>, voire une inspiration pour les militants ?</p>
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<h2>La piste écopoétique</h2>
<p>Mais l’écoterrorisme n’est pas la seule piste empruntée par les personnages du roman. Certains d’entre eux développent également une conception <a href="https://journals.openedition.org/elfe/1299">écopoétique</a> du monde (ici nommée géopoétique), y compris de la science.</p>
<p>Le personnage principal est un scientifique qui manie plusieurs disciplines mais aussi féru de littérature, et connaisseur des arts et techniques.</p>
<p>Des disciplines dont on a pu questionner les liens depuis longtemps, mais le plus souvent pour les opposer.</p>
<p>Pourtant, on sait maintenant que la création scientifique et artistique sont reliées par des <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2015-2-page-187.htlamll">modes de fonctionnement proches, voire identiques</a>. La liberté est nécessaire au processus scientifique comme à celui de la création artistique. Mais on s’accorde à penser, histoire des sciences ou de l’art à l’appui que certaines contraintes sociétales sont nécessaire pour la science (comme les commandes pour l’art) car ce sont aussi des stimulants créatifs.</p>
<p>L’association de ces deux domaines demeure ainsi des plus fécondes, car leurs approches se nourrissent l’une de l’autre, peut-être la conséquence du fonctionnement de nos cerveaux, machines surpuissantes que nous ne savons pas toujours bien utiliser. Notamment lorsque les contraintes dominent, les commandes, les nécessités, qui laissent peu de chance au hasard, à la création. La recherche n’est pas le cumul de l’activité de tâcherons surintelligents et techno-centrés et ne l’a jamais été. Résistons sur ce point d’ailleurs. C’est indispensable.</p>
<p>Ce roman est-il une vision lucide du fonctionnement du monde ?</p>
<p>On oublie souvent que les sociétés humaines sont des sociétés régies par des <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807341777-psychobiologie">fonctionnements biologiques (ou psychobiologiques)</a>. Ce prisme un peu délaissé est pourtant l’une des clés de fonctionnement, à de nombreuses échelles, de nos microsociétés jusqu’à la mondialisation. Ayons une pensée pour l’écrivain de science-fiction visionnaire Isaac Asimov, biochimiste états-unien qui inventa la psychohistoire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Foundation_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)">dans son œuvre majeure, <em>Fondation</em> (1951)</a>, une sorte de modélisation mathématique ultime de nos sociétés et de nos comportements de groupe.</p>
<p>L’arrivée de l’IA dans tous les domaines de la science donne une résonance particulière à cette œuvre de science-fiction peut-être visionnaire. L’IA est-elle utilisée aujourd’hui pour anticiper le comportement des groupes humains, comme une sorte de neuromarketing pour dirigeants ?</p>
<p>Avec les personnages du <em>grand vertige</em>, nous naviguons entre bouffées d’optimisme, volonté de changer le monde et replis personnels, hédonisme momentané, celui propre à la jeunesse (sauve-t-elle et sauvera-t-elle le monde ?) et celui qui nous domine lors de phases d’égocentrisme propre aux individus, aux groupes humains, au fonctionnent quasi-tribal. Un peu comme si nous vivions la fin du monde. Ou son recommencement. L’écoterrorisme ne parait ainsi pas la solution perpétuelle.</p>
<p>L’auteur nous entraîne dans un grand vertige, où nous tourbillonnons avec des sentiments contrastés, une sorte de grande valse ou nous alternons entre utopies et résignations, une bipolarité qui conduit à une mélancolie permanente. Ou un vertigo hitchcockien assumé.</p>
<p>Doit-on en oublier de vivre et d’espérer ? C’est la question que semble nous poser l’auteur dans ce roman troublant mais nécessaire pour essayer de se positionner dans notre monde complexe et… vertigineux dans son fonctionnement et ses perspectives à venir, dans un exercice étonnant d’écopoétique.</p>
<p>Une écopoétique « réaliste » résolument écocritique dans la tradition du genre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre éco-poétique, éco-terrorisme et résignation, le roman de Pierre Ducrozet, récemment sorti en poche, nous tend un miroir sur le monde actuel et ses défis environnementaux.Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2097412023-08-08T13:56:47Z2023-08-08T13:56:47ZLe « blanchiment responsable » en innovation en santé est tout aussi néfaste que l’écoblanchiment. Voici comment y mettre fin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539331/original/file-20230725-21-3zft7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour développer des innovations responsables dans le secteur de la santé, il faut de bons outils et des conseils pratiques, de la conception de l’innovation jusqu’à la fin de son cycle de vie. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Selon le PDG d’Apple, Tim Cook, <a href="https://www.popularmechanics.com/technology/a40823587/guest-editor-tim-cook/">« le futur, c’est l’innovation responsable »</a>. Toutefois, des chercheurs en gestion prédisent depuis 10 ans <a href="https://www.worldscientific.com/worldscibooks/10.1142/8903#t=aboutBook">l’arrivée du « blanchiment responsable »</a> et le temps leur a donné raison. Par exemple, des outils d’IA générative, tels que ChatGPT, ont récemment <a href="https://theconversation.com/the-ai-arms-race-highlights-the-urgent-need-for-responsible-innovation-200218">soulevé des inquiétudes de blanchiment responsable</a>.</p>
<p>De la même manière que l’écoblanchiment donne la fausse impression qu’un produit est écologique, le blanchiment responsable crée l’impression qu’une innovation est responsable, sans que des pratiques concrètes soient mises en place pour résoudre des enjeux de responsabilité sociale, tels que l’équité en matière de santé, le caractère abordable et la durabilité. </p>
<p>L’innovation responsable (IR) <a href="https://econpapers.repec.org/bookchap/wsiwsbook/8903.htm">vise à réduire les impacts négatifs d’une innovation à court et à long termes</a> en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048733313000930?via%3Dihub">transformant la manière dont elle est développée</a>. Cependant, il manque une définition reconnue de l’IR, ainsi que d’outils pratiques et de critères d’évaluation clairs. Ces lacunes peuvent mener au blanchiment responsable d’une innovation, de manière intentionnelle ou non.</p>
<p>Par conséquent, tout comme <a href="https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2022/01/soyez-a-laffut-de-lecoblanchiment.html">l’écoblanchiment a nui au développement durable</a> avant l’établissement de normes et de standards reconnus (telle que la <a href="https://www.iso.org/fr/iso-14001-environmental-management.html">norme ISO 14001 Management environnemental</a>), le blanchiment responsable peut nuire à l’IR. </p>
<p>Les innovations en santé soulèvent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux complexes, en plus des préoccupations d’innocuité et d’efficacité clinique. Voilà pourquoi notre équipe de recherche experte en IR s’attaque au blanchiment responsable dans ce secteur.</p>
<h2>Pourquoi le secteur de la santé aurait-il besoin de l’IR ?</h2>
<p>Les innovations en santé sont très réglementées pour limiter les risques et les inconvénients. Après tout, leur but est de sauver des vies et d’aider les gens à se sentir mieux. De bonnes technologies sont développées par les équipes cliniques en collaboration avec des patients afin de mieux répondre à leurs besoins. Ne sont-elles donc pas déjà responsables ?</p>
<p>En 2015, notre équipe de recherche canadienne et brésilienne s’est fixé comme objectif de mieux comprendre comment l’IR s’applique au secteur de la santé dans une économie mature et une économie émergente. À cet effet, nous avons mené :</p>
<ul>
<li><p>une recension exhaustive des travaux scientifiques ; </p></li>
<li><p>plus de 85 entrevues auprès d’experts et expertes œuvrant dans les domaines de l’entrepreneuriat, du génie, du design industriel et de l’évaluation des technologies en santé ; </p></li>
<li><p>une étude approfondie d’une durée de quatre ans avec de petites et moyennes entreprises, et</p></li>
<li><p>un processus collaboratif avec des experts et des expertes pour identifier des conseils pratiques. </p></li>
</ul>
<p>Ces travaux de recherche ont alimenté le <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-981-19-3151-2">cadre conceptuel de l’Innovation responsable en santé (IRS)</a>, qui vise à développer « des innovations sécuritaires et de hautes qualités qui, à la fois, renforcent l’équité et la pérennité des systèmes de santé, apportent plus de valeur aux utilisateurs et utilisatrices, utilisent moins de ressources, sont bonnes pour l’environnement et sont économiquement viables. »</p>
<p>L’IRS rassemble cinq domaines de valeurs et chacun est défini par un objectif précis et des attributs (éléments) de responsabilité qui vont au-delà des standards d’innocuité et d’efficacité clinique : la valeur pour la santé des populations, le système de santé, l’économie, l’organisation et l’environnement. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539328/original/file-20230725-15-phzsln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’innovation responsable en santé rassemble cinq domaines de valeur et chacun est défini par un objectif et des attributs de responsabilité qui vont au-delà des standards d’innocuité et d’efficacité clinique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Après avoir défini ce qu’est l’IR dans le secteur de la santé, notre équipe a développé un guide pratique pour concevoir une innovation responsable en santé et un outil d’évaluation pour mesurer son degré de responsabilité.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_3">Cahier des charges de l’IRS</a> explique comment intégrer de manière tangible les neuf attributs de responsabilité de l’IRS tout au long du développement de l’innovation : de sa conception à la fin de son cycle de vie.</p>
<p>Ensuite, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_8">l’Outil d’évaluation IRS</a> mesure le niveau auquel chaque attribut de responsabilité est rencontré. Cet outil <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2211883718301485?via%3Dihub">a été validé par des experts et expertes à l’échelle internationale</a> et a été démontré <a href="https://www.ijhpm.com/article_3778.html">fiable</a>.</p>
<p>Ces deux outils reposent sur des échelles d’évaluation à quatre niveaux, propres à chaque attribut, où A implique un degré de responsabilité élevé et D, aucun signe particulier de responsabilité.</p>
<p>Par exemple, regardons de plus près les échelles de l’inclusivité et de l’éco-responsabilité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539329/original/file-20230725-23-n4nt02.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’outil d’évaluation utilise une échelle à quatre niveaux, où A implique un degré de responsabilité élevé et D, aucun signe particulier de responsabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’inclusivité mesure si l’équipe qui développe l’innovation a consulté de manière formelle un groupe diversifié de personnes pouvant être affectées par celle-ci (les détenteurs d’enjeux) et a expliqué comment leurs rétroactions ont été intégrées concrètement dans le produit final. Les méthodes formelles incluent les consultations (p. ex., questionnaires) et les méthodes d’engagement (p. ex., tables rondes).</p>
<p>L’éco-responsabilité mesure le nombre d’étapes clés du cycle de vie de l’innovation où l’équipe de développement a appliqué des pratiques éco-responsables, incluant <a href="https://www.ijhpm.com/article_3778.html">l’approvisionnement en matières premières, la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie utile</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539326/original/file-20230725-17-re3qbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’éco-responsabilité mesure le nombre d’étapes clés du cycle de vie où l’équipe de développement de l’innovation a appliqué des pratiques éco-responsables, incluant l’approvisionnement en matières premières, la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie utile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(In Fieri)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Pour un futur réellement responsable</h2>
<p>Pour prévenir le blanchiment responsable, l’IRS pave une nouvelle voie pour l’innovation, de sa conception à son utilisation, et ce, sans oublier sa fin de vie. </p>
<p>En travaillant avec les attributs de l’IRS dès la conception d’une innovation en santé, les équipes de développement peuvent identifier et réduire de manière tangible et mesurable les enjeux économiques, sociaux et environnementaux soulevés par leur innovation. </p>
<p>Pour bien outiller les équipes dans cette démarche, le Cahier des charges IRS offre des conseils pratiques et un exercice de réflexion sur les enjeux de responsabilité, soit la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_2">Boussole de la conception responsable</a>. De plus, une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-19-3151-2_6">boîte à outils multidisciplinaire</a> explique comment les équipes peuvent rencontrer les critères de l’IRS en appliquant des outils déjà reconnus, tels que l’<a href="https://www.fda.gov/regulatory-information/search-fda-guidance-documents/applying-human-factors-and-usability-engineering-medical-devices">ingénierie des facteurs humains de la FDA</a>, le <a href="https://www.designkit.org/methods/photojournal.html">photojournal d’IDEO</a> ou <a href="https://www.bcorporation.net/en-us/programs-and-tools/b-impact-assessment/">l’évaluation de l’impact de B Corp</a>.</p>
<p>Les décideurs politiques, les gestionnaires de la santé, les investisseurs, les bureaux de transfert des technologies, les fondations philanthropiques et les groupes de patients peuvent également utiliser les résultats de l’Outil d’évaluation IRS afin d’informer des décisions d’investissement, d’achat ou d’implantation. </p>
<p>Avec les outils et les conseils pratiques de l’IRS en main, les innovateurs et innovatrices en santé peuvent bâtir dès aujourd’hui un futur réellement responsable, et ce, de manière délibérée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209741/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Lehoux a obtenu du financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Son groupe de recherche, le CReSP, est soutenu financièrement par les Fonds de la recherche du Québec-Santé (FRQ-S).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hudson Silva et Lysanne Rivard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les nouvelles technologies de la santé soulèvent de nombreuses questions complexes. Tout comme l’écoblanchiment a terni le développement durable, il menace l’innovation dans le domaine de la santé.Lysanne Rivard, Senior Research Advisor, Center for Public Health Research, Université de MontréalHudson Silva, Senior Research Analyst, Fieri Research Program on Responsible Innovation in Health, Université de MontréalPascale Lehoux, Professor of Health Management, Evaluation and Policy, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094542023-07-27T13:56:55Z2023-07-27T13:56:55ZVoici comment le lac Crawford, en Ontario, a été choisi pour marquer le début de l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536605/original/file-20230710-25-4rzp1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lac Crawford, Ontario.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/crawford-lake-one-few-meromictic-lakes-145107226">SF photo / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vivons-nous vraiment dans l’anthropocène, la période géologique marquée par l’impact global de l’activité humaine ? Et si oui, quand a-t-elle commencé et où sur Terre peut-on le mieux comprendre ses débuts ? </p>
<p>Telles sont les questions auxquelles tente de répondre le <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">Groupe de travail sur l’anthropocène</a> (AWG), créé en 2009 par la Sous-commission sur la stratigraphie du Quaternaire pour proposer une définition de ce concept et estimer son potentiel en tant qu’unité de temps géologique.</p>
<p><a href="https://www.shh.mpg.de/2331855/press-conference">Le 11 juillet 2023</a>, le groupe a annoncé que le lac Crawford, en Ontario, avait été choisi comme le site où se trouve l’enregistrement sédimentaire qui servira à définir le début de l’anthropocène.</p>
<p>Mais qu’est-ce que ce lac a de si particulier pour être ainsi proclamé comme une sorte de ligne de démarcation entre différentes époques géologiques ?</p>
<h2>L’empreinte de la Grande accélération</h2>
<p>Depuis sa création, le groupe de travail sur l’anthropocène a évalué divers types de preuves physiques, chimiques et biologiques préservées dans les sédiments et les roches, et a publié de nombreux <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422quiontexplor%C3%A9leurnatureetleurpertinence.Depuissamiseenplace,l%E2%80%99AWGa%C3%A9valu%C3%A9lespreuvesphysiques,chimiquesetbiologiquesdistinctespr%C3%A9serv%C3%A9esdansless%C3%A9dimentsetlesrocheslesplusr%C3%A9cents,enpubliant">articles scientifiques</a> explorant leur nature et leur pertinence. </p>
<p>Ces études ont conclu que l’anthropocène est significatif à l’échelle géologique en raison de la rapidité et de l’ampleur des impacts récents de l’humain sur les processus opérant à la surface de la Terre. Nombre de ces perturbations ont généré des changements irréversibles qui surpassent ceux, plus modestes, survenus durant l’holocène — la dernière phase climatique interglaciaire — qui a débuté il y a 11 700 ans.</p>
<p>Dans les strates géologiques, l’AWG a identifié un ensemble important d’indicateurs qui coïncident avec ce que l’on appelle la <a href="https://doi.org/10.18814/epiiugs/2021/021031">« Grande accélération »</a> du milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Elle désigne la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, marquée par une augmentation sans précédent de la population humaine, de la consommation d’énergie, de l’industrialisation et de la mondialisation. Ces indicateurs sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Les radio-isotopes provenant des armes thermonucléaires dans l’atmosphère (tel le plutonium).</p></li>
<li><p>Les particules carbonées originant de la combustion à hautes températures d’énergies fossiles.</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/microplastiques-58606">Les microplastiques</a>.</p></li>
<li><p>Les changements dans la biodiversité, notamment l’extinction, le déplacement d’espèces hors de leur aire de répartition naturelle et la forte expansion des organismes domestiqués.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue partielle du dépôt géologique à la plage Tunelboca (Getxo, Espagne), un dépôt formé de résidus de fer, de briques réfractaires, de plastiques et d’autres technofossiles de l’Anthropocène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roberto Martínez</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Qu’est-ce qu’un « clou d’or » ?</h2>
<p>Au fil des ans, le groupe de travail sur l’anthropocène a largement convenu que l’anthropocène est géologiquement réel et qu’il devrait être formellement considéré comme une unité indépendante au sein de l’échelle internationale des temps géologiques. Son début se situerait au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, dans les années 1950, d’après les signaux simultanés et globaux enregistrés dans les sédiments depuis lors. </p>
<p>Le groupe de travail sur l’anthropocène a établi qu’il était nécessaire de déterminer son lieu de référence au moyen d’une limite matérielle et temporelle appelée « point stratotypique mondial » (GSSP) — communément appelée « clou d’or ». Il s’agit de la méthode la plus largement acceptée pour formaliser les unités géologiques des 540 derniers millions d’années.</p>
<h2>Les critères de sélection</h2>
<p>Depuis 2019, un projet de collaboration entre le groupe de travail sur l’anthropocène et de nombreux laboratoires de recherche est en cours dans le cadre d’une initiative internationale appelée <a href="https://www.anthropocene-curriculum.org/">Anthropocene Curriculum</a>, promue par la <a href="https://www.hkw.de/en">Maison des cultures du monde (Haus der Kulturen der Welt)</a> et <a href="https://www.mpiwg-berlin.mpg.de/">l’Institut Max Planck pour l’Histoire de la science (Max Planck Institute for the History of Science)</a>, tous deux en Allemagne.</p>
<p>Douze propositions détaillées ont été initialement soumises pour différentes sections géologiques susceptibles d’accueillir ce GSSP, situées sur cinq continents et dans huit environnements géologiques différents. Toutes ces propositions ont été publiées en 2023 dans la revue scientifique <a href="https://journals.sagepub.com/toc/anra/10/1"><em>Anthropocene Review</em></a>. Ces articles ont constitué la principale source d’information pour les membres votants du groupe de travail sur l’anthropocène au cours du processus de sélection.</p>
<p>Après en avoir éliminé plusieurs, le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422">a finalement examiné en détail neuf sites</a>. Les candidats appropriés étaient ceux qui contenaient de fines couches de sédiments pouvant être analysées d’année en année et dont l’âge pouvait également être corroboré par la présence d’éléments radioactifs afin de garantir un enregistrement sédimentaire complet.</p>
<p>Les procédures stratigraphiques établies pour décider d’un GSSP sont déjà normalisées en géologie et sont communes pour la définition de tout temps géologique. Ainsi, un « clou d’or » nécessite la présence locale d’un marqueur physique visible à l’œil nu et d’au moins un signal indicateur, tel qu’un changement géochimique, que l’on retrouve dans les sédiments et les roches du même âge et sur l’ensemble du globe.</p>
<p>La plupart des propositions ont identifié le plutonium comme l’indicateur principal et ont proposé le début de l’anthropocène à partir d’une augmentation du signal de cet élément radioactif.</p>
<h2>Et le gagnant est…</h2>
<p>Une première discussion sur les forces et les faiblesses de chaque site a débuté en octobre 2022, et la liste a été réduite à trois à la fin de l’année.</p>
<p>D’après les résultats, les sections géologiques les plus pertinentes étaient situées dans la <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221135077">baie de Beppu</a> (Japon), <a href="https://doi.org/10.1177/20530196231167019">au lac Sihailongwan</a> (Chine) et <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">au lac Crawford</a> (Canada). Après une analyse détaillée de la nature de leur signal plutonium et un nouveau vote, les sites des lacs chinois et canadien ont été retenus comme finalistes.</p>
<p>Finalement, le <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">lac Crawford</a> a reçu 61 % des votes et a donc été choisi comme site pour accueillir la proposition GSSP pour l’époque de l’anthropocène.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation du lac Crawford.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les couches de sédiments du lit du lac, à l’ouest de Toronto, ont été étudiées à l’origine pour démontrer l’occupation sporadique de la région par les peuples autochtones et la colonisation subséquente par les Européens. La nouvelle étude géologique a permis d’augmenter le nombre d’indicateurs préservés dans les différentes couches annuelles, formées d’une alternance de calcite pâle, déposée en été, et de lamines organiques foncées, accumulées en hiver.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photo de la carotte ou de l’échantillon CL-2011 avec des détails sur la profondeur et l’âge des différentes couches annuelles, indiquant la position de la limite proposée en 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La couche proposée comme marqueur visuel pour le GSSP a une profondeur de 6,1 pouces (15,6 centimètres) à la base d’une couche de calcite déposée au cours de l’été 1950. Elle a été choisie en raison de l’augmentation rapide du plutonium par la suite. Ce signal coïncide également avec une augmentation des particules carbonées et un changement majeur de l’écosystème identifié par une diminution du pollen d’orme et un remplacement des espèces de diatomées, un type d’algues.</p>
<h2>On dit « adieu » à l’Holocène</h2>
<p>Il est très important de ne pas confondre le début de l’activité humaine et l’anthropocène. L’anthropocène ne comprend pas l’impact initial de l’humain, qui était régional et s’est accru avec le temps, mais il est défini comme une conséquence de la réponse planétaire à <a href="https://doi.org/10.1038/s43247-020-00029-y">l’énorme impact de la Grande accélération</a>.</p>
<p>L’anthropocène s’inscrit dans les temps géologiques et, malgré sa courte durée, bénéficiera d’une éventuelle formalisation qui en déterminera précisément le sens et l’usage dans toutes les sciences et autres disciplines académiques. La fin d’une époque relativement stable de l’histoire de la Terre, l’holocène, sera ainsi reconnue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209454/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alejandro Cearreta reçoit un financement pour ses recherches sur l'Anthropocène de la part des projets Harea-Grupo de Geología Litoral (Gouvernement basque, IT1616-22) et Antropicosta-2 (RTI2018-095678-B-C21, MCIN/AEI/10.13039/501100011033 et ERDF A way of making Europe et Union européenne).</span></em></p>Le lac Crawford a été choisi pour identifier le début de l’anthropocène, l’époque géologique caractérisée par l’impact de l’activité humaine. La présence de plutonium a été déterminante dans ce choix.Alejandro Cearreta, Catedrático de Paleontología, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067932023-06-11T16:18:18Z2023-06-11T16:18:18ZPourquoi si peu de femmes dans les carrières scientifiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530899/original/file-20230608-25-g76o5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C4127%2C2373&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes sont toujours minoritaires dans les laboratoires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/9dxalrR0xFI">National Cancer Institute/Unsplash </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il y a environ 8 milliards d’humains en 2022, dont 50 % de femmes. Ces dernières, bien qu’aussi nombreuses que les hommes, sont sous-représentées dans les domaines scientifiques. </p>
<p>Aussi, parmi les 956 lauréats du prix Nobel, compte-t-on seulement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Place_des_femmes_dans_l%27attribution_du_prix_Nobel">60 femmes</a>, soit 6 % : les différences entre les femmes et les hommes seraient-elles de nature à justifier une telle disparité ?</p>
<h2>Des différences naturelles ?</h2>
<p>La première différence est chromosomique. L’être humain a 23 paires de chromosomes, la dernière paire étant différente selon le sexe : 2 chromosomes X pour les femmes, et un chromosome X et un chromosome Y pour les hommes. Cette différence chromosomique rend compte de celle des organes génitaux, différenciables dès la naissance dans plus de 99 % des cas. À cette différence génétique, s’en ajoute une autre : celle de genre.</p>
<p>Le genre est une norme sociale qui définit la manière dont nous devons, selon notre sexe, nous comporter (manières de prendre la parole, de s’asseoir, de marcher, de danser, etc.). Les normes varient : au XVII<sup>e</sup> siècle en France, les hommes fortunés portaient des chaussures à talon, à l’image de leur positon sociale élevée. En Europe aujourd’hui, à l’exception des Écossais, peu d’hommes portent des jupes. Mais, en Asie, la jupe est très répandue chez les hommes. Ces variations dans le temps et dans l’espace montrent que, dans l’expression de caractéristiques genrées, ce qui compte n’est pas le sexe de la personne, mais, avant tout, le contexte social et culturel.</p>
<p>Le genre se définit aussi par des stéréotypes sur des compétences et des aptitudes, souvent considérées comme innées, dont on verra qu’ils expliquent largement pourquoi les femmes sont si peu présentes dans les sciences.</p>
<p>On sait que, dès le plus jeune âge, l’environnement des garçons et des filles diffère en fonction de ces stéréotypes. Pourtant, à l’entrée en CP, les <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2021-322668">filles sont meilleures que les garçons</a> en français et aussi performantes que les garçons en maths. Or, à l’université, on ne trouve que <a href="https://femmes-et-maths.fr/enseignement-superieur-et-recherche/statistiques/effectifs-a-luniversite/">22 % de mathématiciennes</a>. Que s’est-il passé pour que presque toutes les femmes se détournent des mathématiques ? Un ensemble de phénomènes qui vont agir à la fois sur les femmes elles-mêmes, les stéréotypes, mais aussi sur les professeur·e·s, les recruteur·ses et les parents, les biais de genre.</p>
<h2>La puissance des stéréotypes</h2>
<p>Les stéréotypes sont des traits de caractère, des capacités qui vont être attribuées de manière arbitraire à un groupe de personnes. S’ils n’ont aucun fondement scientifique, ils vont néanmoins influencer la manière dont se comportent les individus.</p>
<p>Aussi, les filles vont-elles intégrer, très tôt, l’idée selon laquelle elles ne sont pas faites pour les maths. Ces stéréotypes genrés ne sont pas récents. À la Renaissance, période noire pour l’égalité entre les femmes et les hommes, les femmes ont été exclues des domaines culturels, économiques, et politiques. Puis au siècle des Lumières, les noms féminins des professions intellectuelles et artistiques (autrice, peintresse, poétesse, doctoresse…) <a href="https://editions-iconoclaste.fr/livres/les-grandes-oubliees/">ont été supprimés</a> par l’Académie Française rendant légitime l’absence de femmes au sein de ces professions.</p>
<p>Or, des chercheuses et chercheurs de l’université d’Aix-Marseille ont testé les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S002210310900105X">compétences en mathématiques d’enfants</a> des deux sexes âgés de 12 ans séparés en deux groupes. Dans l’un, la consigne donnée aux enfants était qu’ils allaient faire un test de géométrie. Dans l’autre, la consigne était qu’ils allaient faire un test de dessin. Dans le groupe « test de géométrie », les garçons ont mieux réussi que les filles, alors que dans le groupe « test de dessin », ce sont les filles. Alors que le test est le même, les filles sont moins performantes quand on leur dit qu’elles passent un test de géométrie. C’est donc l’évocation de la géométrie qui constitue un obstacle, et non pas des différences de capacités, puisque, dans la consigne « test de dessin », elles sont meilleures que les garçons.</p>
<p>C’est l’effet du stéréotype : <a href="https://psycnet.apa.org/record/1997-04591-001">on observe des baisses de performances</a> dans les situations où les individus craignent de confirmer un stéréotype négatif attribué au groupe auquel ils appartiennent. On parle de la menace du stéréotype. Alors que le stéréotype en lui-même n’a pas de fondement biologique (au niveau cérébral, les <a href="https://www.hachette.co.uk/titles/prof-daphna-joel/gender-mosaic/9781913068011/">cerveaux de deux hommes ont autant de différences que le cerveau d’un homme et d’une femme</a>), il induit chez celles et ceux qui en sont la cible un comportement qui s’y conforme : les femmes vont être moins sûres d’elles-mêmes, et se sentir moins légitimes dans des disciplines dont les stéréotypes les excluent, comme les maths, et les sciences de manière générale.</p>
<p>Les stéréotypes vont également induire des biais chez celles et ceux qui vont enseigner, juger, évaluer et recruter. <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1211286109">Une étude</a> a montré que pour un même CV, on va juger un candidat (prénom de garçon) plus compétent qu’une candidate (prénom de fille), et on va lui proposer un meilleur salaire. C’est ce qu’on appelle un biais de genre : on traite différemment des personnes, non pas en raison de leurs compétences ou de leurs qualités, mais en raison de leur genre.</p>
<h2>L’exclusion des femmes des carrières scientifiques et ses mécanismes</h2>
<p>L’inégalité de genre, constatée à l’entrée dans les études scientifiques, s’amplifie tout au long de la carrière. Bien que leur nombre soit en augmentation, les <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/Note_DGRH_N_4_Avril_2021_La_situation_des_femmes_universitaires_dans_l_enseignement_superieur_en_2020_1405949.pdf">femmes restent encore minoritaires chez les enseignant·e·s-chercheur·ses</a>, toutes disciplines confondues (40 % en 2021), mais de manière plus prononcée en sciences (à la même date, 34 % de maitresses de conférences et 19 % de professeures en sciences et techniques).</p>
<p>Cette érosion est décrite et analysée dans le documentaire <a href="https://www.pictureascientist.com/">Picture a scientist</a>.</p>
<p>Puisque, comme souligné plus haut, les femmes sont dotées des mêmes capacités que les hommes, auraient-elles une moindre appétence pour les sciences ?</p>
<p>Il est significatif de remarquer les importantes variations d’un pays à l’autre de la part des femmes dans les cursus scientifiques. Et, apparent paradoxe, elles sont <a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">d’autant plus exclues que le pays est égalitaire</a>. En effet, les femmes qui parviennent à faire des études dans les pays où elles doivent se battre pour y accéder ont déjà accompli un choix transgressif, si bien que leur orientation disciplinaire est plus libre. On voit que ces variations s’expliquent par le contexte et, comme évoqué supra, non par le recours à des différences naturelles selon le genre. Dans les pays où l’accès des femmes aux études n’est pas en question, le stéréotype joue dans le choix des disciplines. Il impacte aussi globalement les résultats aux épreuves, selon le mécanisme connu sous le nom de menace du stéréotype décrit plus haut.</p>
<p>Aussi, dans les grandes écoles scientifiques en France, le pourcentage de femmes est-il très faible, notamment à l’ENS-PSL (École normale supérieure) comme cela a été décrit dans l’étude : <a href="https://presses.ens.psl.eu/464-cepremap-filles-sciences-une-equation-insoluble.html">Filles + sciences = une équation insoluble ?</a>. L’analyse des bulletins scolaires, en fonction de l’origine sociale et du genre, est précieuse. Elle montre que les appréciations genrées, dont on n’est pas nécessairement conscient, sont monnaie courante. Une formation spécifique des enseignant·e·s est donc souhaitable pour limiter ces biais.</p>
<p>Ce phénomène ne se limite pas aux études. <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-019-0686-3">Le comportement des jurys de promotion au CNRS</a>, a été analysé par I. Régner : ce n’est pas le biais implicite qui est responsable de l’inégalité en termes de promotion de femmes, mais sa non-reconnaissance.</p>
<h2>Pourquoi agir et comment le faire ?</h2>
<p>Il s’agit d’œuvrer pour plus d’équité à l’échelle individuelle et sociale, mais aussi pour plus d’efficacité : dans la recherche académique, mais aussi l’industrie et dans l’éducation, <a href="https://online.uncp.edu/articles/mba/diversity-and-inclusion-good-for-business.aspx">plusieurs études ont montré</a> que les groupes mixtes (genre, origine sociale…) sont plus performants.</p>
<p>Il faut donc tirer profit de ce constat à l’échelle globale. Il s’agit, face aux défis scientifiques auxquels nous sommes confrontés, de ne pas perdre 50 % des cerveaux.</p>
<p>Il faut par conséquent informer et convaincre des effets délétères des biais de genre qui sont plus communément répandus qu’on ne le croit généralement. Un moyen de s’en rendre compte est de réaliser un <a href="https://implicit.harvard.edu/implicit/">test d’association implicite</a> : on mesure alors la force de ce biais dans la difficulté, via la lenteur, à associer « homme » et « lettres », « femme » et « sciences ».</p>
<p>Un effet pervers doit être mentionné : si la représentation dans les instances universitaires est paritaire, ce qui est souhaitable, on observe cependant des effets d’épuisement sur les carrières des femmes. En effet, dans la mesure où, notamment pour les rangs A (professeures), le vivier reste inégalitaire, les femmes se trouvent individuellement sursollicitées pour des tâches collectives, non gratifiantes en particulier pour la carrière. Le résultat est en définitive contraire à l’objectif d’équité recherché.</p>
<p>Il conviendrait plutôt de se préoccuper des fondations, c’est-à-dire des conditions d’accès aux carrières de l’université et de la recherche. Des mesures incitatives pourraient être envisagées pour encourager les laboratoires à recruter des jeunes femmes en aidant leur début de carrière : financement d’accueil qui s’ajouterait à celui existant déjà, attribution d’une bourse de thèse dans les deux ans de la prise de fonction… Mesures justifiées également par les inégalités en termes d’horloge biologique. Et surtout, afin d’objectiver ces questions de biais de genre, il faut des recueils de données genrées, sur les carrières, les conditions de travail : Nancy Hopkins dans le documentaire <em>Picture a scientist</em> montre que les surfaces de laboratoire allouées aux professeures étaient, au MIT, nettement plus faibles que celles accordées aux professeurs !</p>
<p>Bref, les évolutions, même si elles vont dans le bon sens, restent très lentes. Une étude récente du ministère estime que, si l’on maintient le rythme actuel, l’égalité femmes/hommes au sein de l’ESR, bien que priorité inscrite dans la loi, ne sera atteinte qu’en 2068. Il est urgent d’agir !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis l’école primaire jusqu’aux postes de professeures des universités, les inégalités entre femmes et hommes se creusent.Clotilde Policar, Professeure, directrice des études sciences à l'ENS, École normale supérieure (ENS) – PSLCharlotte Jacquemot, Chercheuse en sciences cognitives, directrice du département d'études cognitives à l'Ecole normale supérieure, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2049782023-06-06T21:41:36Z2023-06-06T21:41:36ZÉducation : voici pourquoi les données probantes ne disent pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530293/original/file-20230606-19-p7vgd8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1997%2C1191&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En se fiant uniquement sur des données probantes, on se prive d'expériences pertinentes provenant du milieu de l'éducation, comme ici dans une recherche réalisée en 2019 par des chercheuses de l’UQO. Sur la photo, des élèves d’une école de Gatineau découvrent leur environnement à l’aide d’appareils photo.</span> <span class="attribution"><span class="source">(courtoisie du projet Hors les murs »)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En éducation, le débat sur l’importance à accorder aux données probantes refait surface à intervalles réguliers depuis une vingtaine d’années. </p>
<p><a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">Avec la récente réforme annoncée par le ministre de l’Éducation du Québec, Bernard Drainville</a>, une certaine confusion règne quant au sens à donner à ce concept.</p>
<p>Il peut être difficile de comprendre les enjeux du <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/791837/idees-l-inee-un-institut-de-la-naivete-par-excellence-en-education">débat qui s’est transporté sur la place publique</a> quant à l’utilisation des données probantes ou à la création d’un <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/organismes-relevant-du-ministre/rapport-du-groupe-de-travail-sur-la-creation-dun-institut-national-dexcellence-en-education/">Institut national d’excellence en éducation</a> (INEÉ). En effet, comment ne pas se réjouir d’un gouvernement qui affirme vouloir éclairer ses décisions par des données scientifiques indiscutables ? Qu’est-ce qui peut expliquer que certains intervenants semblent s’inquiéter de l’excellence en recherche ? </p>
<p>En tant que chercheur en fondements de l’éducation, je m’intéresse à la fois à la philosophie de la connaissance, donc aux critères qu’on utilise pour déterminer ce qui peut être jugé comme étant vrai, et à la fonction de l’éducation et de l’école. J’estime que pour bien saisir les enjeux liés à l’utilisation des données probantes en éducation, il convient d’expliquer ce qu’elles sont et le contexte dans lequel elles ont été déployées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-drainville-renforce-lautorite-du-ministre-et-elimine-les-contre-pouvoirs-205550">La réforme Drainville renforce l’autorité du ministre et élimine les contre-pouvoirs</a>
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<h2>Faire le pari du positivisme en recherche</h2>
<p>D’abord, il importe de noter que les partisans de la supériorité de ces données s’inscrivent dans une conception bien précise de ce qu’est la vérité, de ce qu’elle exige et de la forme qu’elle peut et devrait prendre.</p>
<p><a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807351370-les-donnees-probantes-et-l-education">Le concept des données probantes porte en effet toutes les caractéristiques du positivisme</a>, ce courant philosophique né au XIX<sup>e</sup> siècle qui soutient qu’il existerait des vérités, voire des lois qui expliqueraient la totalité de l’expérience humaine. Pour identifier ces lois, il suffirait d’exploiter des outils ou des instruments de mesure suffisamment précis.</p>
<p>En philosophie de la connaissance, une telle posture n’est pas tout à fait nouvelle. Elle est cependant loin de faire consensus dans le domaine scientifique et plus encore, dans celui des sciences humaines et sociales. Plusieurs chercheurs et philosophes sont en fait très critiques de la capacité du positivisme d’expliquer les choses humaines. Ils soulignent notamment que, pour assurer la validité de leurs modèles, les approches découlant du positivisme doivent <a href="https://www.cairn.info/le-metier-de-chercheur--9782738009739.htm">réduire de façon artificielle le nombre de variables en présence</a> dans une situation. </p>
<p>Sans vouloir caricaturer, en éducation, on pourrait ainsi vouloir réduire l’engagement des élèves à leur présence ou non en classe ou l’apprentissage, aux résultats que ces mêmes élèves auront obtenus à une évaluation. Il serait inutile, ou tout simplement non pertinent, par exemple, de chercher à comprendre comment les élèves définissent leur engagement ou leur réussite à l’école.</p>
<h2>Diversifier les méthodes</h2>
<p>Cette sur-simplification peut difficilement offrir une compréhension de la complexité des phénomènes humains, comme l’éducation ou l’apprentissage. Même en médecine, d’où est issu le concept de données probantes, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/070674370104600502">plusieurs chercheurs</a> montrent que les devis permettant de produire de telles données <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1098214007313742">présentent des faiblesses</a> que seule la <a href="https://www.cairn.info/de-la-defense-des-savoirs-critiques--9782348073069.htm">diversité des approches méthodologiques</a> et le jugement clinique d’un professionnel permettraient de corriger.</p>
<p>En éducation, ce qui inquiète n’est donc pas qu’on exploite la richesse évidente des données probantes, mais l’impasse qui semble être faite à toutes les autres recherches qui permettent un éclairage plus nuancé des différentes facettes de l’expérience scolaire des élèves, des personnes enseignantes, des directions, des parents et du sens qu’ils lui donnent.</p>
<p>Le discours sur les données probantes est souvent très exclusif. <a href="https://books.google.ca/books/about/Nursing_Research.html?id=HyNGxQEACAAJ&redir_esc=y">Certains auteurs</a> proposent même une hiérarchie formelle des approches méthodologiques et de la robustesse des « preuves » en recherche. C’est aussi ce qui transparait dans le discours du ministre québécois de l’Éducation lorsqu’il aborde le sujet des données probantes.</p>
<p>On peut ainsi légitimement s’inquiéter de la volonté de miser sur les seules données probantes pour comprendre des phénomènes complexes et prendre des décisions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Production d’élève dans le cadre du projet « hors les murs »" src="https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529459/original/file-20230531-21802-g606gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La pluralité des approches méthodologiques permet de corriger les angles morts des données probantes et de mieux comprendre comment les élèves donnent un sens à leur expérience. C’est le cas avec ce travail réalisé par les chercheuses Geneviève Lessard, Catherine Nadon, Stéphanie Demers, Marysa Nadeau, Marie-Thérèse Kamal, Ornella Kendjo où les élèves étaient invités à prendre en photo ce qui était important pour eux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Projet Hors les murs)</span></span>
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<h2>Au service d’une gestion publique efficace</h2>
<p>Plusieurs des critiques de l’utilisation des données probantes sont aussi préoccupés par l’utilisation qui en sera faite par les décideurs politiques.</p>
<p>L’émergence des données probantes en éducation est en effet intimement liée à l’adoption des préceptes de la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2-page-177.htm">nouvelle gestion publique (NGP)</a> et de la gestion axée sur les résultats (GAR). </p>
<p>Avec la NGP, il s’agit de calquer la gestion des services publics sur celle des entreprises privées, exclusivement centrée sur l’atteinte de résultats quantifiables. La GAR, quant à elle, est l’incarnation de la NGP en éducation, avec le double pari que la mission de l’école se résume à la réussite scolaire, et qu’il est possible d’évaluer cette réussite par les seuls résultats scolaires.</p>
<p>Or, pour plusieurs intervenants des milieux scolaires, la <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv1f2s28r">« réussite est considérée comme un phénomène complexe et ses déterminants, multifactoriels, ne sont pas seulement scolaires »</a>. Elle ne peut se résumer qu’aux résultats. Ainsi, ne suivre que des indicateurs quantifiables ne permettrait pas de témoigner de l’ampleur et de la diversité du travail accompli par les personnes enseignantes, par exemple. Les pratiques valorisées seront celles qui se mesurent aisément, et dont il est possible de quantifier les effets. Tout le reste de ce qui occupe les enseignants relève dès lors de l’angle mort.</p>
<p>On sait aussi que la NGP appliquée au système d’éducation s’accompagne de pratiques exigeantes de <a href="https://doi.org/10.1177/0741713606289025">reddition de compte et d’imputabilité</a>. Ainsi, si les résultats jugés importants par le ministre ne sont pas au rendez-vous, les écoles et les personnes enseignantes se trouvent directement mises en cause, peu importe les conditions dans lesquelles ils œuvrent. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut comprendre le débat lié à l’importance à donner aux données probantes en éducation.</p>
<h2>Ce qui est en jeu</h2>
<p>Ce qui semble donc être en jeu dans ce débat n’est donc pas simplement de savoir s’il convient de s’appuyer sur des résultats de recherche pour prendre des décisions à l’échelle du système d’éducation. Il s’agit plutôt d’un débat sur la nature de la connaissance scientifique d’abord, et ensuite sur les outils qui seront mis en place pour témoigner la réussite ou non de notre système éducatif.</p>
<p>Comprendre les différentes facettes de l’éducation exige de profiter de la diversité des regards scientifiques et de la pluralité des approches méthodologiques. Mettre un accent exagéré sur les seules données dites probantes et, plus encore, n’autoriser que la formation enseignante s’appuyant sur ces données risque de limiter le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11217-010-9191-x">pouvoir d’intervention des personnes enseignantes</a> et d’engendrer des <a href="http://link.springer.com/10.1007/s10833-016-9294-4">effets secondaires imprévisibles</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204978/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles-Antoine Bachand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le projet de loi 23 remet à l’ordre du jour le débat sur l’importance à accorder aux données probantes en éducation. Mais est-ce la meilleure méthode pour avoir un portrait juste d’une situation ?Charles-Antoine Bachand, Professeur, Université du Québec en Outaouais (UQO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1968502023-05-17T13:40:29Z2023-05-17T13:40:29ZCe que la drave nous apprend sur les forêts d’hier et de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509535/original/file-20230210-24-1s6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C992%2C504&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Amérique du Nord, la drave aurait pris fin avant la fin du 20e siècle, à l’exception de la Colombie-Britannique, où la drave est encore utilisée à petite échelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La drave fait partie intégrante de la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1730827/25-ans-fin-drave-metier-quebec-pates-papiers">culture québécoise</a>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<p>L’exploitation intensive des forêts au Québec a entraîné des <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-019-09265-z">changements majeurs</a> au niveau de leur structure et de leur dynamique depuis la colonisation. Aujourd’hui, peu de forêts vierges sont encore accessibles, ce qui limite l’étude des conditions des forêts préindustrielles. Ces connaissances sont pourtant essentielles pour l’aménagement durable des forêts. </p>
<p>Les billots de bois qui ont coulé au fond des lacs à l’époque de la drave renferment des informations inédites sur l’histoire des forêts québécoises. En tant qu’étudiante au doctorat en paléoécologie et écologie historique au <a href="https://www.uqat.ca/recherche/grema/">Groupe de Recherche en Écologie de la MRC Abitibi (GREMA)</a> de l’<a href="https://www.uqat.ca/">Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)</a>, les vestiges de la drave représentent une opportunité inouïe pour moi de reconstituer l’historique de l’exploitation et la dynamique des forêts préindustrielles au Québec. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte" src="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation de l’utilisation de la drave à travers le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Amélie Bergeron et Julie-Pascale Labrecque-Foy)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une pratique qu’on retrouve dès le Xᵉ siècle</h2>
<p>Au cours des derniers siècles, l’exploitation forestière a occupé un rôle central dans le développement économique de plusieurs pays, notamment pour la construction d’infrastructures et pour le commerce. Puisque l’accès aux routes et aux chemins de fer pour transporter les billots de bois coupés était ardu et coûteux, les compagnies forestières avaient recours à la drave. Plus précisément, la drave fait référence à l’utilisation des cours d’eau pour faire flotter et acheminer les billots de bois des sites de coupes vers les moulins à scie ou vers les ports pour leur exportation. </p>
<p>Les billots de bois étaient coupés, mis à l’eau et guidés le long des cours d’eau par des draveurs. Une fois arrivés aux moulins à scie, les billots pouvaient être entreposés plusieurs mois à la surface des lacs avant d’être pris en charge. </p>
<p>La drave aurait débuté au X<sup>e</sup> siècle en <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2018.05.002">Espagne</a>, s’est étendue en Europe au fil des siècles, et est apparue seulement au XIX<sup>e</sup> siècle en <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-005-0030-9">Scandinavie</a>, et en <a href="https://doi.org/10.3390/f7110257">Russie</a>. C’est à la même époque qu’elle débute en Amérique du Nord, notamment au <a href="https://www.erudit.org/en/journals/hq/2001-v6-n3-hq1057791/11343ac/">Québec</a>, où elle s’est étendue à l’ensemble de ses régions. La drave aurait pris fin avant la fin du XX<sup>e</sup> siècle sur ce dernier continent, à l’exception de la Colombie-Britannique, où elle est encore utilisée à petite échelle.</p>
<h2>La forêt québécoise d’aujourd’hui</h2>
<p>À l’époque de la colonisation au Québec (1800-1950), les faibles coûts de transport associés à la drave ont permis aux compagnies forestières d’exploiter de façon intensive les forêts. Cela a eu comme résultat de <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2009.06.037">modifier de façon considérable les écosystèmes forestiers</a> en termes de structure et de dynamique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Rivière fourmillant de billots" src="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À l’époque de la drave, environ 15 % du bois transporté sur les cours d’eau était perdu au fond des lacs et des rivières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque et Archives Canada/PA-165128</span></span>
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<p>Les coupes sélectives effectuées au XIX<sup>e</sup> siècle, qui visaient principalement les conifères, ont entraîné de graves changements au niveau de la <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2745.13474">composition des forêts</a>. En effet, ces dernières sont passées d’une dominance de conifères à une dominance de feuillus. Au niveau du <a href="https://doi.org/10.1641/B580207">régime des perturbations</a>, puisque les feuillus sont moins inflammables que les conifères, on observe une diminution majeure de l’occurrence des feux dans les forêts québécoises depuis la colonisation. Ces changements au niveau de la composition et la dynamique des forêts ont entraîné une diminution de la <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.ecolsys.31.1.425">résilience des forêts</a>. En d’autres termes, la capacité des forêts à retourner à leur état initial après une perturbation est désormais compromise.</p>
<p>En contexte de changements climatiques, cette perte de résilience est inquiétante, puisque les forêts risquent d’être soumises à des conditions sans précédent. Afin de prévoir comment les forêts pourraient être modifiées dans le futur, il est nécessaire d’étudier comment elles ont réagi aux modifications du climat dans le passé. </p>
<p>Ce type d’étude peut être réalisé grâce à la <a href="http://www.grdh-dendro.com/en-savoir-plus-sur-la-dendrochronologie.html">dendrochronologie</a>, c’est-à-dire l’étude de la formation des cernes de croissance des arbres. Or, au Québec, les études dendrochronologiques et nos connaissances sur les forêts préindustrielles sont limitées par l’âge des arbres, qui ont rarement plus de 200 ans. Il est donc nécessaire d’élaborer de nouvelles manières de découvrir les secrets cachés de notre forêt du passé. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les conditions anoxiques, le manque de lumières et les températures fraîches favorisent la conservation des billots de bois issus de la drave au fond des lacs. Photo par Nathalie Lasselin (www.aquanat.com) au Parc National de la Mauricie dans le cadre du projet « Cinéma Submergé » (a). Une fois retirés du fond des lacs par des plongeurs (b), les tranches transversales des billots présentent des cernes de croissance bien délimités et des cicatrices de feux (identifiées par les flèches rouges) qui permettent de dater les incendies dans le passé (c). Photos par Julie-Pascale Labrecque-Foy (b) et Amélie Bergeron (c).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Voyager dans le temps grâce aux vestiges de la drave</h2>
<p>À l’époque de la drave, environ 15 % du bois transporté sur les cours d’eau était perdu au fond des lacs et des rivières. Par exemple, pour la région de la Mauricie uniquement, cela représente plus de <a href="https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/10556/Lemay_Maud_MEnv_2017.pdf">13 millions de mètres cubes de bois</a>. Les conditions anoxiques (absence d’oxygène), le manque de lumière et les températures fraîches (5 °C) ont fait en sorte que ce bois est toujours bien préservé de nos jours. Conséquemment, ce bois issu de la forêt préindustrielle représente une opportunité unique d’étudier le passé de nos forêts.</p>
<p>Entre autres, les caractéristiques de ces billots de bois (espèce, diamètre, nombre de cernes de croissance) nous informent sur les caractéristiques des forêts préindustrielles et sur les critères de coupes de l’époque. Le passage d’un feu laisse également des cicatrices sur les arbres survivants. Il est possible de dater ces cicatrices par dendrochronologie et de reconstituer le régime naturel des feux à l’époque préindustrielle. </p>
<p>Enfin, l’analyse des <a href="https://doi.org/10.5194/cp-11-1153-2015">isotopes stables</a> retrouvés dans les cernes de croissance des billots de drave, permet de reconstituer le climat du passé. Nous pourrons ainsi déterminer comment le climat aurait influencé les feux dans le passé, et prévoir comment cette perturbation pourrait être modifiée dans le futur en raison des changements climatiques. En effet, les études qui tentent de prédire comment le régime des feux pourrait être modifié en contexte de changements climatiques ne font pour l’instant pas consensus. Cela nécessite donc davantage d’études à ce sujet. </p>
<p>Notre projet de recherche apportera de nouvelles connaissances sur les forêts préindustrielles et sur comment elles ont réagi aux changements climatiques dans le passé, ce qui permettra de guider les pratiques pour un aménagement forestier durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196850/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie-Pascale Labrecque-Foy a reçu des financements par la Bourse doctorale Vanier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), et du Fonds de recherche du Québec, Nature et technologies (FRQNT). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Miguel Montoro Girona a reçu des financements du conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) - subvention à la découverte, ainsi que de Parcs Canada (Parc National de la Mauricie) pour la réalisation de cette recherche.</span></em></p>L’exploitation forestière des deux derniers siècles a eu un impact majeur sur les forêts québécoises, mais les traces qu’elle a laissées guideront dans l’adoption d’un aménagement forestier durable.Julie-Pascale Labrecque-Foy, Étudiante au doctorat en paléoécologie et écologie historique, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Miguel Montoro Girona, Professeur d'écologie forestière, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050772023-05-09T13:33:53Z2023-05-09T13:33:53ZEn 2023, l’anglais deviendra la principale langue des thèses et mémoires au Québec<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524425/original/file-20230504-25-jk26sy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1230%2C924&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image synthétique d'une bibliothèque universitaire réalisée par Midjourney à l'aide de la commande suivante: «Plusieurs documents dans une bibliothèque universitaire moderne».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span></figcaption></figure><p>Un point de bascule sera vraisemblablement franchi en 2023. Cette année, le Québec devrait compter un plus grand nombre de thèses et de mémoires publiés en anglais qu’en français.</p>
<p>C’est l’un des constats qui émerge de la mise à jour d’une étude que j’ai présentée à la fin avril dans le cadre du forum <a href="https://frq.gouv.qc.ca/evenement/forum-la-science-en-francais-au-quebec-et-dans-le-monde-entre-richesse-et-rayonnement/">La science en français</a> organisé par les Fonds de recherche du Québec.</p>
<h2>Un corpus de 110 000 documents</h2>
<p>Comment suis-je arrivé à ces résultats ? J’ai moissonné l’ensemble des thèses et des mémoires disponibles dans les répertoires institutionnels de 17 des 20 universités du Québec (voir les notes méthodologiques en fin d’article).</p>
<p>J’avais fait ce travail une <a href="https://www.acfas.ca/publications/magazine/2016/11/combien-pages-maitrise-doctorat">première fois en 2016 pour le <em>Magazine de l’Acfas</em></a>. À l’époque, je ne m’intéressais qu’à la longueur de ces documents, par grade, par discipline, par université.</p>
<p>J’ai <a href="https://www.acfas.ca/publications/magazine/2021/04/theses-memoires-publies-au-quebec-raccourcissent">mis à jour cette étude cinq ans plus tard</a>, en y ajoutant un volet dans lequel j’ai aussi examiné la <a href="https://www.acfas.ca/publications/magazine/2021/06/trending-au-quebec-faire-son-memoire-sa-these-in-english">langue dans laquelle a été rédigé chaque document</a>. Mes données couvraient les années 2000 à 2020 et la croissance de l’anglais était manifeste.</p>
<p>Pour le forum des FRQ, j’ai fait une nouvelle mise à jour pour inclure les années 2021 et 2022 et vérifier si l’anglicisation des documents attestant des diplômes des cycles supérieurs se poursuivait. Je vous vends le punch immédiatement : elle se poursuit.</p>
<p>Mon corpus comprend donc quelque 110 000 thèses et mémoires publiées au cours des 23 dernières années (2000 à 2022). Au cours de cette période, un peu plus de 62 % de ces documents qui attestent du parcours d’une personne aux cycles supérieurs ont été rédigés dans la langue du Frère Marie-Victorin.</p>
<p>Le graphique ci-dessous montre comment les langues se répartissent en fonction du grade octroyé. À la maîtrise, 33,4 % des mémoires ont été rédigés en anglais, et c’est le cas de 46,3 % des thèses au doctorat. En somme, depuis le début du siècle, un mémoire de maîtrise du trois et une thèse de doctorat sur deux a été écrite en anglais, au Québec.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Répartition par langue -- thèses et mémoires (2000-2022)" src="https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524834/original/file-20230508-40482-249rgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Évolution dans le temps</h2>
<p>Quand on répartit les données en fonction des années, on se rend compte de la croissance de l’usage de l’anglais depuis une vingtaine d’années.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Langue des thèses et mémoires, par année" src="https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524850/original/file-20230508-5314-5a6s8x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les proportions indiquées avant 2007 sont peu représentatives, puisque les répertoires institutionnels contiennent moins de documents publiés ces années-là. Mais depuis, la tendance est claire. En 2022, sur les 4 452 thèses et mémoires que j’ai trouvés dans les répertoires institutionnels au moment de mon moissonnage (février 2023), 2 200 étaient rédigés en anglais, 2 248 l’étaient en français et quatre dans une autre langue. Si cette tendance se maintient, l’anglais dépassera le français en 2023 pour la production aux cycles supérieurs au Québec.</p>
<p>En distinguant les mémoires et les thèses, le portrait se raffine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Langue des mémoires de maîtrise, par année" src="https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524851/original/file-20230508-174052-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Langue des thèses de doctorat, par année" src="https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524852/original/file-20230508-6263-siuomh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 4.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au deuxième cycle, on compte encore une majorité de mémoires publiés en français. Mais au troisième cycle, le français est minoritaire depuis 2018 déjà.</p>
<h2>Situation dans les universités francophones</h2>
<p>Cette prédominance de l’anglais s’explique peut-être parce que les deux universités anglophones de Montréal, McGill et Concordia, comptent pour près du tiers des documents que l’on retrouve dans les répertoires institutionnels québécois. Excluons-les pour ne se concentrer que sur les 15 universités francophones du Québec.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Langue des mémoires de maîtrises (universités francophones seulement)" src="https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524854/original/file-20230508-203147-qxlqc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 5.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Langue des thèses de doctorat (universités francophones seulement)" src="https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524855/original/file-20230508-180826-b1hxfo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 6.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les deux graphiques ci-dessus montrent que la langue française y est plus vigoureuse. L’anglais progresse néanmoins de telle manière qu’en 2022, une maîtrise sur six et un doctorat sur trois publié dans l’une des 15 universités francophones du Québec l’a été dans la langue de Rutherford.</p>
<h2>Répartition par institution</h2>
<p>Les deux graphiques ci-dessous, qui présentent la proportion de mémoires et de thèses publiés en anglais par année, et par institution, montrent que la situation n’évolue pas au même rythme partout.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion des mémoires de maîtrise publiés en anglais, par institution, par année" src="https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524859/original/file-20230508-52143-mzeorz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 7.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion des thèses de doctorat rédigées en anglais, par institution, par année" src="https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524860/original/file-20230508-230994-el0xnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 8.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils montrent assez clairement que c’est au doctorat que ça se passe, notamment dans les universités qui se spécialisent en génie. En 2021 et 2022, 198 des 304 doctorats décernés à Polytechnique Montréal et à l’ÉTS l’étaient sur la base d’une thèse écrite en anglais (65 %).</p>
<h2>Raffiner les métadonnées</h2>
<p>Cela dit, au Québec, il est rare qu’une thèse ou qu’un mémoire soit rédigé intégralement en anglais. On trouve toujours minimalement un résumé en français.</p>
<p>Dans certains cas, une maîtrise ou un doctorat consiste à publier (en anglais) des articles dans une revue scientifique. Leurs signataires font alors l’effort de rédiger des introductions et des conclusions générales en français.</p>
<p>C’est ce qu’on retrouve, par exemple, dans <a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/1f4c0e05-55cb-42d7-85fd-75ac16dd581f">ce mémoire réalisé à l’Université Laval</a>. L’introduction est quand même costaude avec ses 44 pages. La conclusion fait pour sa part 16 pages. Toutes les deux sont écrites en français. Mais les quatre articles qui composent l’essentiel du mémoire sont rédigés en anglais et font 114 pages. La langue qui a été attribuée à ce document est donc l’anglais. Mais en réalité, il faudrait pouvoir indiquer que son contenu est en anglais à 65 % et en français à 35 %.</p>
<p>Les métadonnées associées aux mémoires et thèses ne permettent pas de préciser dans quelle proportion une langue est utilisée dans un document. Les normes qui définissent ces métadonnées, comme <a href="https://www.dublincore.org/specifications/dublin-core/dcmi-terms/#language">Dublin Core</a> par exemple, disent que plusieurs langues peuvent être attribuées à un même document. Mais il faudrait les peaufiner pour pouvoir ajouter la proportion de chacune. On aurait alors un portrait sans doute plus fin, et peut-être moins dramatique, de la part du français dans les études supérieures.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que le tableau de la place du français demeure sombre dans toutes les activités scientifiques au Canada et au Québec. <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rs/2018-v59-n3-rs04512/1058718ar/">Le chercheur Vincent Larivière observait déjà</a> qu’en 2015, les travaux publiés par les chercheurs québécois et indexés dans le <em>Web of Science</em> étaient en anglais dans une proportion de près de 100 % en sciences naturelles et en génie, de 95 % en sciences humaines et sociales, et d’environ 67 % dans les arts et les humanités.</p>
<p>Plus récemment <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1976062/anglais-recherche-demandes-subventions-universites-">Radio-Canada a démontré</a> que 95 % des recherches financées au Canada entre 2019 et 2022 l’ont été après une demande rédigée en anglais. Les données que je présente viennent compléter le portrait en se penchant sur la langue utilisée par les scientifiques en herbe que sont les étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat.</p>
<p>Il semble ainsi qu’à toutes les étapes, des études aux cycles supérieurs jusqu’à la publication dans les revues savantes, en passant par le financement de la recherche, la science au Québec doit se faire en anglais pour être reconnue.</p>
<p>Bien sûr, l’anglicisation de la science est un phénomène mondial. Il touche des puissances en recherche comme l’Allemagne, la France, le Japon ou la Chine. Mais la science n’est-elle pas également, au même titre que la littérature, la musique ou le cinéma, le reflet d’une culture ?</p>
<p>===</p>
<h2>Notes méthodologiques</h2>
<p>Les données ont été parfois extraites directement des répertoires des institutions, parfois moissonnées à partir de la <a href="https://www.erudit.org/fr/theses/">section thèses et mémoires d’Érudit</a>. Je décris cette opération de façon détaillée dans un <a href="https://github.com/jhroy/theses2021">répertoire github</a>. Environ 103 000 documents ont été recueillis de cette manière.</p>
<p>Environ 500 ont été ajoutés grâce aux métadonnées de <a href="https://about.proquest.com/en/products-services/pqdtglobal/">Thesis and Dissertations de ProQuest</a> fournies par <a href="https://ebsi.umontreal.ca/repertoire-ecole/professeurs/professeur/in/in15573/sg/Vincent%20Larivi%C3%A8re/">Vincent Larivière</a>, que je remercie.</p>
<p>Environ 6 000 autres ont été ajoutés grâce à aux métadonnées de <a href="https://bibliotheque-archives.canada.ca/fra/services/services-bibliotheques/theses/Pages/theses-canada.aspx">Thèses Canada, de Bibliothèque et archives Canada</a>, fournies par Alexander Jerabek, Pierre Nault et Mélanie Verville, des <a href="https://bibliotheques.uqam.ca/">Bibliothèques UQAM</a>, que je remercie également.</p>
<p>Les trois institutions absentes sont :</p>
<ul>
<li><p>l’Université Bishop’s, parce que son <a href="https://eprints.ubishops.ca/cgi/search/bishops">répertoire institutionnel de l’Université Bishop’s</a> ne contient aucun mémoire ni aucune thèse ;</p></li>
<li><p>le siège de l’UQ, parce qu’il n’accueille aucun étudiant ;</p></li>
<li><p>le Collège militaire royal de Saint-Jean, parce que bien qu’il ait été reconnu comme université au Québec en juin 2021, <a href="https://espace.rmc.ca/jspui/">son répertoire institutionnel</a> ne permet pas de déterminer si un mémoire ou une thèse a été réalisée à son campus de Kingston ou à celui de Saint-Jean.</p></li>
</ul>
<p>Enfin, quand j’ai fait ma présentation au forum des FRQ, il y avait encore 1 500 documents dont j’étais incapable d’identifier le grade. Il s’agissait surtout de thèses et de mémoires de l’Université Laval, qui a mis à jour <a href="https://corpus.ulaval.ca/">son répertoire institutionnel</a> en 2021, le rendant plus difficile à moissonner ! Mais j’ai depuis réussi à trouver la manière d’y accéder programmatiquement. Les données que je présente dans cet article sont donc complètes. Je les rends accessibles dans <a href="https://doi.org/10.5683/SP3/E7MS9S">Boréalis, le dépôt institutionnel de données de recherche de l’UQAM</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205077/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Hugues Roy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De la publication dans les revues savantes, en passant par le financement de la recherche, la science au Québec doit se faire en anglais pour être reconnue.Jean-Hugues Roy, Professeur, École des médias, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2045032023-04-26T17:01:48Z2023-04-26T17:01:48ZLe rôle des scientifiques canadiens dans le projet du génome humain montre pourquoi il est crucial de financer la recherche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522819/original/file-20230425-2394-800nf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1917%2C1003&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche et la vision des scientifiques canadiens ont été fondamentaux dans le projet du génome humain. Aujourd'hui, le manque de financement menace la recherche sur les découvertes au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span></figcaption></figure><p>Le 25 avril, le monde a célébré la <a href="https://www.unige.ch/biblio/fr/infos/sites/cmu/actus/journee-de-ladn/#:%7E:text=Le%2025%20avril%20se%20c%C3%A9l%C3%A8bre,Maurice%20Wilkins%20et%20Rosalind%20Franklin.">Journée de l’ADN</a> qui coïncide cette année avec le 70<sup>e</sup> anniversaire de la découverte de la structure en double hélice, et le 20<sup>e</sup> anniversaire de l’achèvement du <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/projet-human-genome">Projet du génome humain</a>.</p>
<p>Les Canadiens ont été au premier plan de ce Projet. En 1986, le Montréalais <a href="https://lebulletel.mcgill.ca/a-la-memoire-de-charles-r-scriver/">Charles Scriver, un éminent généticien de l’Université McGill</a> récemment décédé, avait convaincu le célèbre Howard Hughes Medical Institute (HHMI), aux États-Unis, de réunir les groupes qui pourraient financer et exécuter le projet du génome humain. Les lauréats du prix Nobel Walter Gilbert et James Watson ont assisté à cette réunion <a href="https://books.google.ca/books/about/The_Book_of_Man.html?id=ys5qAAAAMAAJ&redir_esc=y">et cela a été déterminant pour la suite</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TCnG7R50IlU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le séquençage du génome.</span></figcaption>
</figure>
<p>Charles Scriver était bien conscient de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK234203/">l’importance du séquençage du génome humain</a> sur la génétique clinique et son impact sur la santé humaine. La réunion a été un catalyseur majeur <a href="https://books.google.ca/books/about/The_Book_of_Man.html?id=ys5qAAAAMAAJ&redir_esc=y">pour le développement du projet du génome humain</a>.</p>
<p>S’inspirant de Charles Scriver, un projet pour établir une preuve de concept, ou validation de principe, était nécessaire. Elle a été fournie par la découverte du gène de la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">mucoviscidose</a>, une maladie génétique qui touche l’appareil respiratoire et digestif, par Lap-Chee Tsui et Jack Riordan, alors à l’Université de Toronto, et Francis Collins, alors à l’Université du Michigan. En 1990, ils ont écrit : </p>
<blockquote>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21548331.1990.11704019">Plus largement, le clonage du gène CF fournit un démarrage rapide dans l’effort international pour cloner et cartographier l’ensemble du génome humain</a></p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/resoudre-le-casse-tete-de-la-mucoviscidose-et-de-ses-traitements-une-percee-digne-dun-prix-nobel-175486">Résoudre le casse-tête de la mucoviscidose et de ses traitements, une percée digne d’un prix Nobel</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces pionniers avaient accompli la <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.2475911">tâche herculéenne d’identifier le gène chez les sujets normaux porteurs d’une seule mutation causant la mucoviscidose chez les patients homozygotes</a>. Aujourd’hui, grâce à ces découvertes scientifiques canadiennes, les <a href="https://www.fibrosekystique.ca/uploads/RapportsDeDonneesAnnuel2021-WEB.pdf">patients atteints de mucoviscidose ont une experience de vie de 57 ans</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DpOA94FA4H4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dr Charles Scriver, Lauréat du Temple de la renommée médicale canadienne. 2001.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les formidables possibilités de l’ADN</h2>
<p>Un seul de ces pionniers, cependant, a été en mesure de diriger le projet extrêmement difficile du génome humain. <a href="https://www.gairdner.org/winner/francis-s-collins">Francis Collins a reçu le prix Gairdner International du Canada en 2002</a> pour son leadership exceptionnel dans ce projet, et en particulier pour l’effort international visant à cartographier et séquencer les génomes humains et autres espèces.</p>
<p>Un autre lauréat du prix Gairdner International, reconnu pour son leadership dans le projet du génome humain, est <a href="https://www.gairdner.org/winner/james-d-watson">James Watson</a>. Sa découverte de la double hélice lui a valu un <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1962/watson/facts/">prix Nobel en 1962</a>.</p>
<p>Il y a cependant eu controverse : les données expérimentales sur la double hélice étaient en fait une radiographie d’un cristal d’ADN faite par la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosalind_Franklin">physicochimiste britannique Rosalind Franklin</a>, morte prématurément à l’âge de 38 ans, et privée de la reconnaissance de ses recherches.</p>
<p>Les conséquences de la découverte de l’ADN et du séquençage du génome humain ont été fondamentales pour la recherche médicale à l’échelle mondiale. Comme le <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2030694">résume Francis Collins en 2021</a>, les gènes de plus de 5 000 maladies rares ont été découverts, de même que pour l’Alzheimer, la schizophrénie, les maladies cardiaques et le cancer.</p>
<p>C’est aussi grâce à l’ADN que nous pouvons retracer les origines de nos familles, grâce à la généalogie génétique. Le prix Nobel en 2022 a été décerné à Svante Pääbo, de l’Institut Max Planck, de Leipzig, pour le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2022/press-release/%22%22">nouveau domaine de la paléogénomique</a>. Ses découvertes impliquant le séquençage complexe de l’ADN génomique de nos ancêtres disparus ont conduit à la découverte d’une nouvelle branche d’humains primitifs, maintenant connue sous le nom de Dénisoviens.</p>
<p>Aujourd’hui, la généalogie génétique des humains modernes et anciens a été développée par l’analyse de l’ADN de plus de 7 000 génomes différents. Ces nouvelles études ont défini la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10027547/">localisation géographique du cheminement de nos ancêtres</a>, remontant à plus de 800 000 ans ! </p>
<h2>La Journée de l’ADN peut-elle avoir une importance au Canada ?</h2>
<p>Le dévouement de nos remarquables chercheurs, Lap-Chee Tsui, Jack Riordan et Charles Scriver, a inspiré et conduit au projet du génome humain. Cependant, le projet n’impliquait pas le Canada. La principale raison en était le financement. Le projet du génome humain a été largement financé par les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis, pour les laboratoires du <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.042692499?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%2520%25200pubmed">Dr Waterston, à l’Université de Washington, et du Dr Eric Lander, au MIT</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-scientifiques-canadiens-ont-contribue-au-vaccin-arnm-mais-la-recherche-fondamentale-est-en-peril-au-pays-190942">Des scientifiques canadiens ont contribué au vaccin ARNm. Mais la recherche fondamentale est en péril au pays</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’un des éminents journalistes et commentateurs politiques du Canada, Paul Wells, a récemment déploré la <a href="https://paulwells.substack.com/p/building-pyramids-from-the-top-down">détérioration, depuis des décennies, du financement de la recherche au Canada</a>.</p>
<p>Le pays continuera de perdre le talent dont il était fier. En 2019, le Canada se classait au 18<sup>e</sup> rang mondial pour le nombre de chercheurs par 1 000 habitants, alors qu’il était au 8<sup>e</sup> rang en 2011. Une telle perte est insoutenable pour relever les défis d’une inévitable prochaine pandémie, des changements climatiques et des ravages des maladies.</p>
<p>Charles Scriver, Lap-Chee Tsui et Jack Riordan ont démontré la valeur de la recherche exploratoire au Canada. Elle sauve des vies humaines à l’échelle mondiale. Le Canada devrait se souvenir de son héritage.</p>
<p><em>John Bergeron remercie Kathleen Dickson en tant que co-auteure et Francis Glorieux (Hôpital Shriners pour enfants de Montréal et le Centre universitaire de santé McGill) pour ses idées, corrections et modifications.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204503/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chercheurs canadiens ont été à l’avant-plan de la recherche sur l’ADN. Cependant, le manque de financement menace leur capacité à relever les défis de l’avenir.John Bergeron, Emeritus Robert Reford Professor and Professor of Medicine, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039772023-04-24T13:58:35Z2023-04-24T13:58:35ZUn esprit sain dans un corps sain ? Voici ce qu’en dit la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522189/original/file-20230420-26-nosmra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C988%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exercice physique serait-il inutile au fonctionnement cognitif ?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les effets positifs de l’activité physique sur la santé sont indéniables. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lexercice-bon-pour-le-corps-certes-mais-egalement-pour-le-cerveau-174429">L’exercice, bon pour le corps, certes, mais également pour le cerveau !</a>
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<p>Cependant, une étude récente remet en cause le célèbre adage <em>Mens sana in corpore sano</em>, ou « un esprit sain dans un corps sain ». Les auteurs y contestent l’importance de l’exercice physique pour la santé de notre cerveau et de notre cognition.</p>
<p>Chercheurs en santé, neurosciences et psychologie, nous avons publié, quelques jours plus tard, une étude qui vient alimenter ce débat scientifique.</p>
<p>Qui a tort, qui a raison ? La réponse n’est pas si simple. Voici ce qu’il en est. </p>
<h2>L’exercice physique serait-il inutile au fonctionnement cognitif ?</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01554-4">première étude</a> a été publiée le 27 mars 2023. Il s’agit d’une revue de 24 méta-analyses qui réexamine les données de 11 266 personnes en bonne santé, en utilisant une approche plus rigoureuse que les analyses antérieures. </p>
<p>Bien que la quasi-totalité des 24 méta-analyses incluses dans cette étude ait démontré un effet positif de l’exercice physique régulier sur les fonctions cognitives, les auteurs soutiennent que ces analyses manquaient d’ajustements. Ils soulignent par exemple que le niveau d’activité physique en début d’intervention ainsi que la tendance de la communauté scientifique à ne publier que les résultats significatifs étaient rarement pris en compte. Une fois ces ajustements effectués, les auteurs aboutissent à des résultats suggérant que les bénéfices de l’exercice physique sont en réalité plus faibles que ceux estimés dans les précédentes méta-analyses, voire négligeables. </p>
<p>Sur la base de ces résultats, les auteurs se disent convaincus que les organismes de santé publique tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) devraient retirer l’amélioration de la santé cognitive et de la réussite scolaire de la <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity">liste</a> des bienfaits de l’activité physique. </p>
<p>Dans la dernière phrase du résumé de l’article, les auteurs mettent notamment le lecteur en garde contre les affirmations et les recommandations liant l’exercice physique régulier aux bénéfices cognitifs chez les personnes en bonne santé, tout du moins, jusqu’à ce que des preuves scientifiques plus fiables s’accumulent. </p>
<p>Il n’a pas fallu attendre longtemps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641810112154140672"}"></div></p>
<h2>Une approche génétique : la randomisation mendélienne</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-32150-1">seconde étude</a>, la nôtre, est une étude génétique incluant près de 350 000 personnes, publiée 4 jours plus tard, soit le 31 mars. Nous y apportons des preuves scientifiques à l’appui des bénéfices cognitifs de l’activité physique d’intensité modérée et élevée. </p>
<p>Ces preuves sont basées sur la méthode de randomisation mendélienne à deux échantillons, qui exploite les variations aléatoires de notre ADN survenant lors de la conception, donc avant la naissance. </p>
<p>Lorsqu’on compare deux humains, 99,9 % de leur matériel génétique est identique. On peut considérer l’ADN comme une longue chaîne de briques, appelées nucléotides. Il y a quatre types de briques, agencées de manière aléatoire : la thymine, l’adénine, la guanine et la cytosine. Ainsi, une fois sur 1 000, la brique d’ADN varie entre ces deux humains. Ces variations génétiques, appelées « snips », peuvent par exemple donner une brique de cytosine à un certain endroit de l’ADN d’une personne et une brique de thymine au même endroit chez une autre personne.</p>
<p>Le premier échantillon de notre étude, comptant 91 084 personnes, a été utilisé pour identifier les variations génétiques qui aboutissaient à des différences d’activité physique, mesurée à l’aide de <a href="https://axivity.com/product/ax3">capteurs de mouvement</a> portés au poignet. </p>
<p>Le second échantillon de notre étude, qui comptait 257 854 personnes, a été utilisé pour tester si ces variations génétiques associées au niveau d’activité physique influençaient le fonctionnement cognitif de manière proportionnelle. Si c’était le cas, nous pouvions conclure à un effet causal de l’activité physique sur la fonction cognitive.</p>
<h2>Preuves génétiques des bienfaits cognitifs de l’activité physique</h2>
<p>Dans notre étude utilisant une nouvelle méthode de <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-26970-w">randomisation mendélienne</a>, plus précise et plus robuste que les versions précédentes, les résultats montrent que des niveaux d’activité physique modérés et élevés conduisent à une amélioration du fonctionnement cognitif. </p>
<p>Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’effet de l’activité physique modérée (marche rapide, vélo) était 1,5 fois plus important que celui de l’activité physique d’intensité élevée (course à pied, basketball, ski de fond). L’intensité de l’activité physique que nous pratiquons est donc importante. Et, surtout, nos résultats soulignent qu’il n’est pas nécessaire de se pousser jusqu’à l’épuisement pour obtenir les bénéfices cognitifs d’une activité physique régulière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme sur un vélo" src="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522211/original/file-20230420-24-a4l2ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les bénéfices cognitifs de l’activité physique modérée sont 1,5 fois supérieurs à ceux de l’activité physique soutenue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>L’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice</h2>
<p>Quand l’ensemble de l’activité physique des participants était considéré (incluant les activités sédentaires et les activités physiques d’intensité légère), nos résultats ne montraient plus d’effet sur le fonctionnement cognitif. Ce résultat confirme l’importance d’atteindre des intensités suffisantes pour profiter des bénéfices cognitifs de l’exercice physique. </p>
<p>Ces résultats concordent avec ceux d’une <a href="https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1113/JP283582">étude récente</a> qui souligne l’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice pour la libération d’une protéine appelée BDNF dans le cerveau. Cette protéine est impliquée dans la création de nouveaux neurones, de nouvelles connexions entre ces neurones et de nouveaux vaisseaux sanguins permettant de nourrir ces neurones. </p>
<p>Cette protéine, dont la <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/abs/10.1139/apnm-2018-0192">production augmente au cours de l’exercice</a>, est donc un des mécanismes physiologiques permettant d’expliquer les effets bénéfiques de l’activité physique sur le fonctionnement cognitif. L’existence même de ce mécanisme explicatif renforce les résultats soutenant ces effets bénéfiques.</p>
<h2>Pourquoi les résultats divergent ?</h2>
<p>Plusieurs différences peuvent expliquer la divergence de résultats entre la méta-analyse basée sur des essais contrôlés randomisés et notre étude basée sur la génétique. </p>
<p>Tout d’abord, la méta-analyse s’intéresse uniquement aux personnes en bonne santé, ce qui n’est pas le cas de notre étude. Ensuite, notre étude différencie les activités physiques d’intensité modérée et élevée alors que la méta-analyse ne fait pas cette distinction. Enfin, la randomisation mendélienne évalue des effets à long terme, tout au long de la vie, alors que la méta-analyse se base sur des interventions durant entre 1 mois et 2 ans. </p>
<p>Puisque nous abordons ici les aspects temporels de l’activité physique, il nous parait important de rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. En effet, une <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2727269">étude</a> de 2019 avait montré que commencer à être actif tard dans la vie procurait les mêmes effets positifs sur la santé qu’avoir été actif toute sa vie.</p>
<h2>Un esprit sain dans un corps sain</h2>
<p>Sur la base de nos résultats, il semble que l’amélioration du fonctionnement cognitif ait encore sa place sur la liste des bienfaits de l’activité physique. Comme c’est souvent le cas en sciences, il est plus raisonnable de ne pas prendre de décision hâtive et d’attendre les résultats des études scientifiques à venir avant de modifier les lignes directrices de promotion de l’activité physique. </p>
<p>Dans le climat sociopolitique actuel de méfiance envers la science, il est important de ne pas se précipiter sur la base d’une seule étude analysant différemment des données déjà existantes, et aboutissant à des conclusions contredisant des années de recherche basées sur ces mêmes données. </p>
<p>L’accumulation de preuves convergentes provenant de différentes équipes de recherche doit être un prérequis incontournable avant toute modification du message de santé publique. Comme le montre cet article, nous n’en sommes pas du tout là, et les effets de l’activité physique sur de très nombreux versants de la santé physique et mentale restent indéniables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203977/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu P. Boisgontier est chercheur principal à la Bruyère Research Institute (BRI) d'Ottawa, membre et ancien co-président de la Society for Transparency, Openness, and Replication in Kinesiology (STORK), éditeur en chef de Communications in Kinesiology (CiK), membre de Peer Community In (PCI) et fondateur de PCI Health & Movement Sciences. Il a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Banting Research Foundation (BRF), de Mitacs, et de la Fondation Canadienne pour l'Innovation (FCI).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Boris Cheval a reçu des financements du fonds national suisse (FNS)</span></em></p>Une nouvelle étude met en lumière les bénéfices cognitifs de l’activité physique alors qu’une autre semble dire le contraire, alimentant le débat scientifique sur la question. Voici ce qu’il en est.Matthieu P. Boisgontier, Associate Professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaBoris Cheval, PhD. Neuropsychologie de l'activité physique, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983382023-03-01T19:57:06Z2023-03-01T19:57:06ZVégétaliser les cours de récréation pour encourager la curiosité des enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505845/original/file-20230123-19-knrts8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1278%2C864&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le contact avec la nature aide les enfants à grandir.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Leaves_in_the_air_%28Unsplash%29.jpg">Scott Webb / Wikimedia Commons </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Parfois, une fausse dichotomie est créée entre l’espace de la salle de classe comme lieu d’apprentissage et d’enseignement et l’espace extérieur comme lieu de loisirs. Mais la cour de récréation n’est pas seulement un lieu de divertissement. Une aire de jeux avec un minimum de matériaux offre aux enseignants un environnement intéressant pour développer des pratiques scientifiques avec les enfants, d’autant que de plus en plus d’écoles maternelles transforment leurs cours pour y faire une plus grande place à la nature.</p>
<p>La présence accrue de matériaux non structurés et d’éléments tels que l’eau, le sable, la terre ou les plantes donne davantage de possibilités d’exploration qu’une aire de jeux traditionnelle avec des murs et un sol en béton.</p>
<p>Malgré la faible importance pédagogique accordée au temps passé dans la cour de récréation, celui-ci peut contribuer aux apprentissages et au bien-être des enfants. En plus de susciter l’attention, le défi, le plaisir et l’excitation, le jeu stimule le développement cognitif. Il encourage la manipulation pour obtenir des informations à partir d’objets et incite au raisonnement scientifique lorsque les enfants découvrent les relations de cause à effet ou étudient les utilisations possibles des matériaux.</p>
<p>Lorsque les enfants sont engagés dans de petits défis ou d’enquêtes, le jeu et l’apprentissage se rejoignent. Les enseignants peuvent faciliter ce lien en reliant le jeu aux expériences du programme scolaire et en favorisant les questions qui encouragent les enfants à observer, classer, prédire, expérimenter et exprimer toutes leurs découvertes.</p>
<h2>Varier les espaces</h2>
<p>De nos jours, les enfants passent malheureusement de moins en moins de temps à explorer la nature. Dans de nombreux cas, leur contact avec les espaces verts est influencé par les peurs et le besoin de contrôle des adultes, mais ils souffrent aussi du manque d’espaces appropriés en dehors de la salle de classe.</p>
<p>De nombreux terrains de jeux scolaires ne comportent généralement pas d’éléments naturels, ou alors leur présence est anecdotique et sans intérêt pédagogique. Cependant, de plus en plus d’écoles introduisent progressivement et consciemment des matériaux non structurés dans la cour de récréation traditionnelle, et réalisent même des transformations complètes en la végétalisant.</p>
<p>Ces espaces peuvent constituer un environnement approprié pour l’apprentissage scientifique car, comme dans la nature, nous pouvons y trouver un haut degré de variabilité (dans les sons, les formes, les textures) et de stabilité (dans les modèles, les systèmes).</p>
<p>Un environnement naturel est synonyme d’un environnement riche, où l’apprentissage est stimulé et favorisé. Un terrain de jeu ou un espace extérieur naturalisé destiné à servir un objectif éducatif doit comporter, entre autres, les éléments suivants :</p>
<ul>
<li><p>l’eau accessible sous forme de ruisseaux, de fontaines ou de flaques d’eau ;</p></li>
<li><p>les roches, le sable et les différents types de sols et de chaussées ;</p></li>
<li><p>Une topographie parfois accidentée ainsi que des hauteurs avec des cordes, des tunnels, des tubes et des passages ;</p></li>
<li><p>une diversité d’arbres et de plantes ;</p></li>
<li><p>des éléments de jeu constructif et symbolique, des outils pour creuser, des seaux pour transvaser et d’autres matériaux de stockage ;</p></li>
<li><p>des chemins et des sentiers traversent l’espace, ainsi que des espaces privés pour se cacher et, bien sûr, des espaces communs pour socialiser et se reposer, entre autres choses.</p></li>
</ul>
<h2>Se mettre à hauteur d’enfant</h2>
<p>En combinant arbres, jeux, sentiers, un espace peut paraître esthétiquement ou fonctionnellement approprié à l’adulte, mais encore faut-il qu’il soit attrayant et utile pour les enfants, c’est-à-dire qu’ils en fassent pleinement usage.</p>
<p>Le fait est que l’approche des enfants fonctionne à partir d’une autre clé : ce que l’espace les « invite » à faire – et leur permet de faire. Chaque enfant interprète les propriétés fonctionnelles des espaces et les adapte ou personnalise. La fonctionnalité qu’ils vont donner à un arbre ou un bâton peut être variée. Ainsi, il est clair que, plus un espace et les éléments qui le composent sont accessibles, hétérogènes et variables, plus il offre de possibilités.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par exemple, le type d’arbres que nous avons dans notre aire de jeux influencera ce que les enfants peuvent y faire, car certains ne sont pas assez hauts ou sûrs pour que les enfants puissent y grimper. Ou encore, un espace dont la topologie est uniforme ne permettra pas aux enfants de jouer à lancer ou faire rouler des objets sur des pentes.</p>
<p>Tous ces aspects doivent être pris en compte et étudiés en profondeur lors de la conception de ce type d’espaces, ou lorsque nous souhaitons effectuer de petites interventions ou modifications sur nos aires de jeux traditionnelles.</p>
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Leer más:
<a href="https://theconversation.com/1-2-3-planthaie-faire-pousser-les-ecocitoyens-de-demain-157267">« 1 2 3 Plant’haie ! » : faire pousser les écocitoyens de demain</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/198338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Las personas firmantes no son asalariadas, ni consultoras, ni poseen acciones, ni reciben financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y han declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado anteriormente.</span></em></p>Verdir les cours de récréation n’est pas qu’une question d’esthétique, cela revient aussi à offrir aux enfants une palette d’interactions plus riche avec leur environnement.Josu Sanz Alonso, Profesor Contratado Doctor, Facultad de Educación de Donostia-San Sebastián, Dpto Didáctica de las Ciencias, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaDaniel Zuazagoitia Rey-Baltar, Docente e investigador en el Departamento de Didáctica de las Matemáticas, las Ciencias Experimentales y Sociales, UPV/EHU, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988452023-02-22T19:54:25Z2023-02-22T19:54:25ZChatGPT : (encore) une « révolution anthropologique » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511420/original/file-20230221-3563-lxu9he.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C505%2C410&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux imaginaires et mythes invitent à penser les intelligences non humaines comme constitutives des sociétés humaines.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/h9Rx3zOYZws">Christopher Campbell/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la mise en ligne de la version « Chat » de l’intelligence artificielle (IA) GPT, capable d’imiter la <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/02/20/chatgpt-n-est-qu-un-perroquet-approximatif-selon-le-ministre-delegue-au-numerique_6162562_4408996.html">production intellectuelle humaine</a>, l’effervescence autour de ces technologies fait ressurgir dans les débats la notion de « révolution anthropologique ».</p>
<p>Or, ce que nous observons, au-delà de ChatGPT, est que chaque nouvelle avancée dans des technologies dites de « rupture » relève en fait de cette <a href="https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/intelligence-artificielle-ou-enjeu-du-si%C3%A8cle">ambivalente technophilie, tentée par le technoscepticisme</a>, qui oscille entre émerveillement et frisson face aux rapides et impressionnants progrès de l’informatique et de la cybernétique.</p>
<p>Depuis la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/deep-blue-superordinateur/1-le-defi-de-l-intelligence-artificielle/">victoire de Deep Blue, le super-ordinateur, contre un humain aux échecs</a>, la tonalité est donnée : il se jouerait là un « tournant de l’histoire de l’humanité ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/y-a-t-il-de-lintelligence-dans-lintelligence-artificielle-157447">Y a-t-il de l’intelligence dans l’intelligence artificielle ?</a>
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<h2>Une multitude de dispositifs informatiques</h2>
<p>Les dernières prouesses mathématiques et technologiques ont donné naissance à une rapide massification de ce que l’on désigne comme « intelligence artificielle », appellation que des spécialistes comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=z6eY1QME-F0">Luc Julia</a> ou <a href="https://theconversation.com/y-a-t-il-de-lintelligence-dans-lintelligence-artificielle-157447">Jean-Louis Dessalles</a> contestent car cette « intelligence » se décline en fait sous une multitude de dispositifs informatiques.</p>
<p>On trouve ainsi pêle-mêle des algorithmes d’aide à la décision, notamment juridique (<a href="https://www.caselawanalytics.com/">CaseLaw Analytics</a>), reconnaissance faciale comme <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/7298682">FaceNet</a>, musique générée par algorithmes avec <a href="https://techcrunch.com/start-up-battlefield/company/jukedeck/?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmZyLw&guce_referrer_sig=AQAAAG4E8HxdhxJk1zJYMrDcYgUOqo_SEFcH5GGZzvwasxcUM8xXn--_zLmpm--QrdYMWfdvok56VAPthUhnhV9MW5QZwZ_thROLGZ_wj-EDiQCwrx0pXMX0As5aoLHIPMZuAumVKmB6CHlS0URcc-c7OdoXiR7yS12LJ-JnAdIS5p82">Jukedeck</a>, images générées par le texte avec Dall·E 2, agents conversationnels portables (Siri), domotique intelligente qui informe sur le contenu du réfrigérateur, robots humanoïdes capables d’engager et tenir une conversation… on pense ainsi à la désormais célèbre <a href="https://www.hansonrobotics.com/sophia/">Sofia</a>, qui passe de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=G-zyTlZQYpE">plateau TV</a> en conférence, ou à Ameca, dont la gestuelle et les expressions ne cessent de montrer les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IPukuYb9xWw">limites de l’humain</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IPukuYb9xWw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Robots « humanoides » Ameca.</span></figcaption>
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<h2>Un imaginaire débridé</h2>
<p>La massification des technologies et leur injection tous azimuts dans les sociétés contemporaines sont, certes, remarquables, et donnent l’impression d’une vague irrépressible de technologisation et de digitalisation des environnements humains.</p>
<p>Cette tendance nourrit un imaginaire débridé qui se pense nécessairement en rupture avec le passé, d’où la mode de la « révolution » aux accents transhumanistes. Nous serions ainsi à « l’aube » d’une « nouvelle » humanité prise dans une nouvelle « ère » technologique. Un récit qui oublie les nombreux ratés des dites technologies, d’ailleurs.</p>
<p>La « révolution de l’IA » ou « digitale » est-elle une <em>révolution anthropologique</em> ? Curieusement, ce sont les entrepreneurs comme Gilles Babinet, les historiens à succès, comme Yuval Noah Harari, les philosophes, comme Frédéric Worms, qui se sont emparés de l’expression (avec des termes plus ou moins exacts).</p>
<p>Le <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/technologie-edito-gilles-babinet-dela-technologie-revolution-anthropologique-93812/">premier</a> pour affirmer avec force que c’est bien le cas.</p>
<p>Le second, avec son livre <a href="https://www.ynharari.com/fr/book/homo-deus/"><em>Homo Deus</em></a>, pour inscrire cette révolution dans un modèle de longue durée de l’histoire humaine au péril d’une simplification à outrance qui brouille les pistes entre lecture rétrospective de l’histoire et imagination prospective.</p>
<p>Le <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/opinions/vivons-nous-une-revolution-anthropologique-20210708_ULJLHJXAOZAMZGMVQ5ZN37TPDM/">troisième</a>, enfin, avec un bien plus de mesure, pour au moins souligner la pertinence d’un questionnement sur la profondeur des transformations en cours. </p>
<p>On regrettera que les anthropologues soient malheureusement peu mobilisés sur un débat qui concerne au premier chef la discipline dont le nom est mis à toutes les sauces, à quelques exceptions près. Emmanuel Grimaud a pris à bras le corps la question essentielle de la <a href="https://theconversation.com/sentience-es-tu-la-ia-fais-moi-peur-186531">nature de l’IA</a> par comparaison avec les traits d’une humanité toujours plus questionnée sur ce qui fait sa singularité.</p>
<p>Pascal Picq, s’en est emparé dans un <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/anthropologie-ethnologie/intelligence-artificielle-et-les-chimpanzes-du-futur_9782738145611.php">genre très différent</a>, puisque le paléoanthropologue n’hésite pas à sortir du cadre strict de l’anthropogenèse (l’évolution humaine). Il inscrit la révolution digitale dans le temps long de l’évolution humaine et, contre toute réduction intellectuelle, invite à penser la complexité des formes d’intelligences animales et artificielles.</p>
<h2>Questionner la notion même de rupture</h2>
<p>Les anthropologues, habitués, par spécialisation intellectuelle, au temps long et plus enclins à considérer les continuités que les ruptures (souvent hâtivement annoncées) dans l’ordre des sociétés et les mutations culturelles, ont toutes les raisons d’être circonspects.</p>
<p>D’abord parce que tout changement technologique n’entraîne pas un changement culturel majeur. Suivant Claude Lévi-Strauss notamment dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Race_et_Histoire"><em>Race et Histoire</em></a> (1955), il faut peut-être réserver le terme à un phénomène de nature à transformer en profondeur (structurellement) l’ordre de la pensée et de l’organisation sociale.</p>
<p>Ce fut le cas avec la domestication du feu et des espèces animales, la sédentarisation et l’agriculture au néolithique, qui ne sont pas toutes des inventions (<em>ex-nihilo</em>) mais bien souvent des innovations au sens anthropologique du terme : l’amélioration d’une technique déjà élaborée par les humains. Et c’est en ce sens que l’IA et nombre de technologies digitales méritent proprement le terme d’innovation plus que d’inventions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511641/original/file-20230222-30-d0kii0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fête autour d’un feu à l’Âge de la pierre. Peinture de Viktor Vasnetsov (détail), 1883.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Domestication_du_feu#/media/Fichier:%D0%9A%D0%B0%D0%BC%D0%B5%D0%BD%D0%BD%D1%8B%D0%B9_%D0%B2%D0%B5%D0%BA._%D0%9F%D0%B8%D1%80%D1%88%D0%B5%D1%81%D1%82%D0%B2%D0%BE.jpg">Viktor Vasnetsov/Wikimedia</a></span>
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<p>En ce sens, le philosophe Michel Serres évoquait une <a href="https://www.editions-lepommier.fr/petite-poucette">« troisième révolution »</a> pour qualifier l’avènement du monde digital, après l’écriture et l’imprimerie. Il fait ainsi écho à Jack Goody, qui explique que la <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Raison_graphique-2096-1-1-0-1.html">raison graphique a métamorphosé une raison orale</a>, structurant la pensée et la communication humaine pendant des millénaires. En d’autres termes, ce ne sera pas l’unique fois, bien au contraire, où l’humanité se trouve confrontée à une réadaptation de ses manières de penser après un changement dans ses techniques.</p>
<h2>Quelle révolution ?</h2>
<p>Révolution, donc que cet <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/02/homo-numericus-la-civilisation-qui-vient-la-fin-de-dix-mille-ans-d-histoire-et-le-debut-d-une-autre_6139882_3232.html"><em>Homo numericus</em></a> comme on l’affirme ici ou là avec la force de la conviction que le présent explique tout ? </p>
<p>Si on suit l’historienne Adrienne Mayor, les civilisations de l’Antiquité ont déjà imaginé et même commencé à mettre en œuvre des technologies qui sont actuellement sur le devant de la scène, de manière embryonnaire pour l’IA ou plus aboutie pour les robots. Son <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691183510/gods-and-robots"><em>God and Robots</em></a> tord le cou à des lectures partielles et partiales d’une histoire monolithique et récente.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Peinture de Pygmalion et Galate, au Musée du Louvre. Anne-Louis Girodet" src="https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=739&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=739&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=739&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=929&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=929&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511442/original/file-20230221-18-oa3fau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=929&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Peinture de Pygmalion et Galate, au Musée du Louvre. Anne-Louis Girodet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pygmalion_amoureux_de_sa_statue#/media/Fichier:Pygmalion_et_Galat%C3%A9e_-_Anne-Louis_Girodet_-_Mus%C3%A9e_du_Louvre_Peintures_RF_2002_4.jpg">Anne-Louis Girodet, Shonagon, Wikimedia</a></span>
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<p>Elle narre ainsi les récits de Talos, « premier robot », puis le chaudron d’immortalité de Médée, les emprunts des humains aux animaux et aux Dieux pour accroître leurs pouvoirs, les premières statues « vivantes » de Dédale et Pygmalion, la création des humains plus qu’humains par Prométhée, les <a href="https://journals.openedition.org/tc/1164">automates d’Héphaïstos</a>, la première réalité virtuelle qu’incarne Pandore… Pour Mayor, la révolution numérique ne serait qu’une <em>actua</em><em>lisation</em> dans le présent d’anciennes technologies.</p>
<p>Une réinvention plus qu’une révolution, donc, et des impacts moins profonds qu’il n’y parait : les machines étaient là, depuis le début, dans l’imaginaire des humains qui ont tâtonné (dans tous les sens du terme) pour les matérialiser.</p>
<p>Certes, les technologies sont loin d’être identiques – entre les automates grecs et les machines agissantes de Boston Dynamics, l’écart est quand même sensible et toute technologie est d’abord évaluable dans son contexte – mais elles étaient déjà investies des espoirs de l’humanité d’être assistée voire suppléée dans ses tâches physiques (pour les robots) et intellectuelles (pour l’IA).</p>
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<figcaption><span class="caption">Les robots de Boston Dynamics.</span></figcaption>
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<h2>Comment les humains absorbent-ils les technologies ?</h2>
<p>La révolution est-elle d’ailleurs anthropologique ou technologique ? La leçon de l’anthropologie, c’est de considérer comment l’humain élabore des technologies et comment celles-ci sont absorbées par les systèmes sociaux et culturels.</p>
<p>La « révolution numérique » ou « digitale » engendre indubitablement des transformations dans les technologies, sans qu’elles se traduisent mécaniquement par des mutations des modèles de comportements humains. De nouveaux usages apparaissent mais les modèles de comportement peuvent infléchir les techniques, plutôt que d’être infléchis par elles.</p>
<p>Suivant les plus critiques des spécialistes de l’IA, et des technologies digitales, il s’agit de considérer la singularité de chaque technologie et de ses effets : là où la réponse sociale aux agents conversationnels semble plutôt positive et immédiate (les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/ACI-01-2022-0021/full/html">chatbots sont facilement adoptés</a>), les IA de reconnaissance faciale donnent lieu à des contournements au <a href="https://intelligence-artificielle.developpez.com/actu/317401/Des-Master-Faces-elabores-par-l-IA-sont-capables-de-contourner-plus-de-40-pourcent-des-systemes-d-authentification-faciale-selon-une-recente-etude-des-chercheurs-israeliens/">moyen de contre-systèmes informatiques</a>.</p>
<p>Suivant Picq, il faut sans doute réserver aux smartphones un sort à part, dans le sens où ils allient la matérialité d’un ordinateur portable, et la virtuosité technologique des IA. Ce terminal concentré de technologie qui a quand même changé les modes de communication, accompagné ou engendré des changements dans la mobilité humaine, dans le rapport au savoir, etc. que Pascal Picq veut l’objet véritable de la « révolution » actuelle est le <a href="https://www.lecho.be/opinions/general/pascal-picq-nos-smartphones-annoncent-une-revolution-anthropologique/10031003.html">détournement</a> dans le sens où il devient ordinateur portable plus que téléphone…</p>
<h2>L’humanité s’amuse et se fait peur</h2>
<p>Bref, depuis le feu, les armes, la magie – peut-être première technologie de transformation de la réalité humaine – <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0037768620950237">donc première réalité virtuelle de l’histoire ?</a> – jusqu’à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11841-021-00898-6">l’IA et les robots</a>, l’humanité s’amuse et se fait peur avec ses créations technologiques, utiles ou ludiques.</p>
<p>Elle se plaît parfois à les constituer <a href="https://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/l-homme-artificiel-9782738120014/">comme des créatures</a> (sans qu’elles soient nécessairement anthropomorphisées) telles que la pensée mythique les figure. Rien de surprenant dans ce cadre que certains <a href="https://www.journaldugeek.com/2023/01/12/chatgpt-la-moitie-dune-classe-triche-grace-a-lia-mais-se-fait-attraper/">trichent avec ChatGPT</a> par exemple.</p>
<p>En effet, l’humain est un être versé dans le ludisme, c’est-à-dire, qui aime le jeu comme <a href="https://www.gallimardmontreal.com/catalogue/livre/homo-ludens-essai-sur-la-fonction-sociale-du-jeu-huizinga-johan-9782070712793">l’affirmait le philosophe Johann Huizinga</a> mais aussi dans le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Luddisme">luddisme</a>, une forme de crainte suscitée par les technologies (en référence au conflit social du XIX<sup>e</sup> siècle qui avait opposé des manufacturiers à des artisans, les luddistes qui dénonçaient l’emploi de machines). </p>
<h2>La tentation du fétiche</h2>
<p>La tentation reste toutefois grande de céder au fétiche intellectuel du terme « révolution ». Dans la plupart des cas, est qualifiée de révolution un changement culturel ou socio-technique dont sont observées les prémisses et sont conjecturés les impacts qui ne sont pas encore observés.</p>
<p>Or, une révolution (sauf sans doute quand elle se décrète sur le plan <em>politique</em>) se mesure à partir d’éléments rétrospectifs et non pas d’extrapolations, qui sont assez stables dans le domaine des sciences et technologies, mais très peu fiables en sciences humaines.</p>
<p>Si l’on considère toutefois les avancées actuelles de l’Intelligence artificielle, non plus du seul point de vue d’une échelle technologique linéaire, comme la <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/informatique-loi-moore-2447/">loi de Moore</a>, mais sur le plan des absorptions culturelles et adoptions sociales des technologies, sans doute faudrait-il alors parler (d’une même voix avec les informaticiens) d’<em>évolution</em> plutôt que de <em>révolution</em> anthropologique.</p>
<p>Mais au prix d’un renversement intellectuel majeur : celui de passer d’une pensée technocentrée (qui considère que c’est la technologie qui transforme la société) à une pensée sociocentrée des techniques (la perspective inverse, donc). Une petite « révolution » donc… ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lionel Obadia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’effervescence médiatique et intellectuelle autour des technologies comme ChatGPT fait ressurgir dans les débats la notion de « révolution anthropologique ».Lionel Obadia, professeur en Anthropologie sociale et culturelle, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983572023-02-21T17:48:26Z2023-02-21T17:48:26ZEthique en recherche : comment travailler avec des personnes victimes de trauma ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511119/original/file-20230220-28-33fck4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le trauma est au coeur de certaines recherches de terrain : comment s'y confronter tout en maintenant une démarche éthique ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bBgoT9BnV3s">Grey / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Formée dans une université d’Europe centrale, j’ai démarré mes premières recherches anthropologiques de manière classique. Avec mon carnet et un stylo, j’étais en route pour rencontrer des survivants de viols de guerre en Bosnie-Herzégovine, intéressée par la question des effets à long terme des <a href="https://www.routledge.com/Trauma-Transmission-and-Sexual-Violence-Reconciliation-and-Peacebuilding/Mocnik/p/book/9780367535346">traumatismes sur la sexualité</a> dans une société post-conflit. Peu de temps après avoir rencontré le premier groupe de survivants, j’ai pris conscience que j’étais mal formée aux <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2016-1-page-3.htm">méthodes de recherche</a> sur le terrain et qu’une <a href="https://journals.openedition.org/rac/1161">éthique de conduite de recherche standardisée</a> était nécessaire.</p>
<p><a href="https://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/fp7/89888/ethics-for-researchers_en.pdf">L’examen éthique</a> a été institutionnalisé pour la première fois dans le Code de Nuremberg en 1947 comme un examen a valider pour être diplômé. En 1965, la World Medical Association a adopté une <a href="https://www.wma.net/what-we-do/medical-ethics/declaration-of-helsinki/">déclaration sur l’éthique de la recherche</a>, qui est encore aujourd’hui l’un des documents les plus importants pour établir des principes éthiques dans le domaine académique.</p>
<p>Son pivot est la conduite <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X19304590">« no harm »</a> : la recherche ne doit jamais blesser qui que ce soit ; les données ne doivent pas s’obtenir aux dépens d’autrui.</p>
<h2>Une conduite éthique difficile à atteindre</h2>
<p>En pratique, une véritable conduite <a href="https://theconversation.com/il-faut-repenser-lethique-de-la-recherche-des-reseaux-sociaux-85433">« no harm »</a> peut être difficile à atteindre, en particulier lorsque l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10508422.2010.521443">on travaille avec des traumatismes</a>, car les stimulus réveillant la <a href="https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/mecanismes.html">mémoire traumatique</a> – les déclencheurs – sont difficiles à prévoir et donc à éviter complètement.</p>
<p>Les approches méthodologiques orales standardisées, comme les entretiens semi-structurés peuvent être de facto délétères si, par exemple, on pose une question liée à une grossesse forcée ou à un viol de guerre. Je doute qu’il existe un moyen possible de poser de telles questions d’une manière totalement <a href="https://theconversation.com/recherche-comites-dethique-le-risque-dune-bureaucratie-de-la-vertu-118365">éthique</a>.</p>
<p>Outre le format méthodologique problématique, j’étais hantée par l’idée de construire une carrière sur la misère ou le malheur de certaines personnes. La plupart des recherches en sciences sociales n’ont pas d’impact positif direct pour les participants et après chaque terrain, je reviens dans ma vie universitaire confortable, tandis qu’elles et eux restent avec leur trauma et leur contexte de vie difficile.</p>
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<h2>Chercher de meilleurs outils pour ne pas nuire</h2>
<p>Cela m’a amenée à reconsidérer mon approche méthodologique et à chercher de meilleurs outils pour ne pas nuire. J’ai décidé d’appliquer une conduite de recherche qui favoriserait un échange plus mutuel.</p>
<p>Ma principale préoccupation était le respect de la conduite « no harm », mais la méthode que j’ai adoptée conserve des failles. Celle-ci utilise un paradigme méthodologique qui, selon les réglementations actuelles en matière de protection des données, pourrait ne pas être considéré comme <a href="https://theconversation.com/integrite-scientifique-les-universites-francaises-renforcent-leur-dispositif-80708">éthique</a>. J’ai en outre construit des relations amicales qui pourraient être perçues comme des biais lors de la collecte de données « objectives ». Il m’est arrivé d’improviser certaines activités dans le but de provoquer intentionnellement des réactions émotionnelles, improvisation qui, de facto, laisse les participants non informés au préalable. Enfin, cette méthode requiert un investissement personnel et émotionnel bien plus important du chercheur (ce qui, dans mon cas, a mené au burn-out).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C232%2C142%2C217&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Participante au groupe de théâtre mis en place lors de la recherche. Photo utilisée avec l’accord de la personne photographiée" src="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C232%2C142%2C217&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Participante au groupe de théâtre mis en place lors de la recherche. Photo utilisée avec l’accord de la personne photographiée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nada Zgank pour Nena Mocnik</span></span>
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<p>Concrètement, au lieu de méthodologies traditionnelles, j’ai introduit des activités axées <a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-les-traumatismes-grace-a-la-peinture-lecriture-ou-la-chanson-107326">sur le corps</a>, tels la danse ou le théâtre.</p>
<p>Dans <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569783.2019.1577729">l’une des sessions de recherche</a>, par exemple, j’ai demandé aux femmes survivantes d’utiliser le théâtre pour mettre en scène la rencontre avec le violeur. Cette activité a apporté des réponses en lien avec ma recherche (sur les impacts de traumatisme et sexualités par exemple). Elle a également permis aux victimes de potentiellement se préparer à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569783.2019.1577729">revivre la scène au tribunal</a>.</p>
<h2>Des limites aux enquêtes de qualité ?</h2>
<p>J’ai également choisi de passer beaucoup de temps avec les participants. Consacrer du temps aux participants devrait être une préoccupation éthique primordiale. Cela permet de réellement créer un lien avec eux, de sortir d’une relation purement utilitariste et peut prévenir de nombreux risques, particulièrement un nouveau traumatisme.</p>
<p>Pourtant, aujourd’hui, si on est attaché à une institution de recherche, en raison des différentes tâches que l’on nous confie, faire de la recherche de terrain de longue durée devient un privilège rare. Qui peut encore se permettre une anthropologie classique afin de comprendre en profondeur les comportements et les relations humaines ? Les pratiques de chercheurs du début du XX<sup>e</sup> siècle comme <a href="https://books.google.es/books/about/Race_Language_and_Culture.html?id=BnEV5JwQFhoC&redir_esc=y">Franz Boas</a>, <a href="https://books.google.es/books/about/An_Anthropologist_at_Work.html?id=9mEKAQAAIAAJ&redir_esc=y">Ruth Benedict</a>, et <a href="https://books.google.es/books/about/Sex_and_Temperament.html?id=tYLS3mqMa_oC&redir_esc=y">Margaret Mead</a> pour ne citer qu’eux, sont devenues des exceptions.</p>
<p>En outre, la grande majorité des ouvrages de ces chercheurs ne passeraient plus aujourd’hui l’examen éthique. Ce n’est pas seulement à cause de nombreuses lacunes et d’angles de vue désormais considérés problématiques, comme l’eurocentrisme. A l’époque, certaines conversations importantes, effectuées dans la dignité et le respect de l’autre, ont pu être analysées sans nécessairement tenir compte du consentement des individus. Dans le but de comprendre certains comportements ou schémas sociaux, ils observaient sans interagir avec les cas étudiés. Ces travaux de recherche se faisaient donc en général sans consentement. Parfois en raison de barrières linguistiques et culturelles, mais plus souvent encore parce qu’ils pensaient que cela affecterait le comportement des participants.</p>
<h2>Combiner éthique et recherche innovante</h2>
<p>Aujourd’hui, les recherches soutenues par des bourses prestigieuses – Marie Curie, par exemple – sont souvent soumises à des <a href="https://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/h2020/grants_manual/hi/ethics/h2020_hi_ethics-self-assess_en.pdf">règles éthiques très rigides</a> qui limitent la créativité et la nouveauté.</p>
<p>Pourtant, les résultats les plus époustouflants que j’ai recueillis dans mes recherches ont souvent été la conséquence d’interactions spontanées, avec beaucoup de moments de surprise et de vulnérabilité partagée. Toute <a href="https://www.routledge.com/Sexuality-after-War-Rape-From-Narrative-to-Embodied-Research/Mocnik/p/book/9780367208172">mon argumentation sur l’utilisation du corps</a> comme puissant témoin de traumatismes repose sur une découverte accidentelle. Les activités, les réactions et les expressions des femmes, au-delà de la description orale, informaient davantage sur leur traumatisme que n’importe quel entretien structuré ou groupe de discussion.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le corps, la meilleure porte d’entrée vers la mémoire du trauma ? Conférence du psychiatre Bessel Van Der Kolk.</span></figcaption>
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<p>Une recherche hautement réglementée et quasi « sous contrôle » qui se soucie excessivement de l’anonymisation totale – en supprimant tout élément permettant potentiellement d’identifier un enquêté – menace de détruire le cœur de la recherche anthropologique.</p>
<p>La « donnée » la plus utile que nous recueillons dans notre recherche est le récit, ces événements vécus de manière très personnelle et individuelle. Ils sont normalement racontés de façon très subjective, leur récit peut même être modifié par le temps qui passe et les circonstances qui changent.</p>
<p>Selon moi, la recherche de qualité en anthropologie et, plus généralement, en sciences humaines ne repose pas principalement sur des données vérifiées, mais sur la pensée critique, la reconnaissance des modèles humains et leur compréhension.</p>
<p>Une planification trop réglementée de la recherche permettra-t-elle de produire des résultats innovants, des savoir-faire révolutionnaires ? Il est nécessaire de protéger les participants, mais nous devons également protéger le courage d’expérimenter. Prendre des risques a toujours été une partie essentielle de toute contribution scientifique originale.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr. Nena Mocnik est titulaire de la bourse Marie Sklodowska Curie Eutopia COFUND Science and Innovation (bourse Horizon 2020 de l'Union européenne, convention de subvention n°945380). Elle est hébergée par GRITIM-UPF Barcelona (Groupe de recherche interdisciplinaire sur l'immigration) et CYU Paris (IDHN - Institut des Humanités Numériques).</span></em></p>Le malheur ou le trauma sont au cœur de certaines recherches de terrain : comment s’y confronter tout en maintenant une démarche éthique réaliste ?Nena Mocnik, Maria Skłodowska Curie EUTOPIA-SIF COFUND Fellow, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.