tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/securite-22959/articlessécurité – The Conversation2024-03-20T16:05:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2260342024-03-20T16:05:16Z2024-03-20T16:05:16ZFaut-il s’inquiéter de voler dans des avions Boeing ?<p>Cela fait des décennies que le géant américain de l’aérospatiale Boeing assure des voyages aériens sûrs. Depuis les années 1990, Boeing et son concurrent européen Airbus dominent le marché des gros porteurs.</p>
<p>Mais cette année, Boeing a fait parler d’elle pour de bien mauvaises raisons. En janvier, une porte <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20240206-incident-737-max-des-boulons-cens%C3%A9s-bloquer-la-porte-%C3%A9taient-manquants-selon-l-enqu%C3%AAte">s’est détachée d’un Boeing 737 MAX</a> en plein vol, déclenchant une enquête des autorités fédérales de régulation des États-Unis.</p>
<p>Plus récemment, un avion de la marque a perdu un pneu au décollage, un autre a dû rebrousser chemin en raison d’une fuite de liquide, un moteur a pris feu, un train d’atterrissage s’est affaissé, et un appareil a « chuté » en vol, blessant des dizaines de passagers. Un ingénieur de Boeing, lanceur d’alerte concernant le contrôle qualité de fabrication des avions 787 et 737 MAX de la société <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/aeronautique/etats-unis-un-ancien-employe-de-boeing-se-suicide-apres-avoir-alerte-sur-des-problemes-de-construction_AV-202403120030.html">s’est suicidé le 9 mars dernier</a>.</p>
<p>En tant que voyageurs, devons-nous nous inquiéter ?</p>
<h2>Beaucoup d’incidents, mais pas tous imputables à Boeing</h2>
<p>La récente série d’événements a certainement été dramatique, mais tous ne peuvent pas être imputés à Boeing. Cinq incidents se sont produits sur des avions appartenant et exploitées par United Airlines. Ils sont liés à des facteurs échappant au contrôle du constructeur, tels que des problèmes de maintenance, la présence potentielle de débris de corps étrangers et une éventuelle erreur humaine.</p>
<p>Un <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/nouvel-incident-sur-un-boeing-un-b-777-de-united-perd-une-roue-de-250-kilos-qui-endommage-plusieurs-voitures-991232.html">Boeing 777 de United Airlines</a> reliant San Francisco au Japon a perdu un pneu au décollage, un problème de maintenance qui n’est pas lié à Boeing. L’avion s’est posé sans encombre à Los Angeles.</p>
<p>Un vol <a href="https://www.mercurynews.com/2024/03/12/united-airlines-reports-fifth-flight-incident-in-a-week-as-jet-turns-back-due-to-maintenance-issue/">United Airlines de Sydney</a> à destination de Los Angeles a dû retourner à Sydney en raison d’un problème de maintenance après qu’un liquide se soit échappé de l’avion au moment du départ.</p>
<p>Un <a href="https://www.nbcnews.com/news/us-news/passenger-video-shows-flames-shoot-united-airlines-engine-midflight-rcna142217">United Airlines 737-900</a> reliant le Texas à la Floride s’est retrouvé avec du papier bulle dans le moteur, ce qui a provoqué un <a href="https://skybrary.aero/articles/compressor-stall">décrochage du compresseur</a>. Il s’agit d’une interruption du flux d’air vers un moteur en fonctionnement, qui provoque un retour de flamme et émet des flammes.</p>
<p>Un <a href="https://simpleflying.com/united-boeing-737-max-houston-runway-incident/">United Airlines 737 Max</a> reliant le Tennessee au Texas a subi un affaissement du train d’atterrissage après un atterrissage normal. Le pilote a continué jusqu’au bout de la piste avant de sortir sur une voie de circulation – peut-être à une vitesse trop élevée – et l’avion s’est retrouvé dans l’herbe et le train d’atterrissage principal gauche s’est affaissé.</p>
<p>Le cinquième événement s’est produit lors d’un vol United Airlines 737-8 entre les Bahamas et le New Jersey. Les pilotes ont signalé que les pédales de direction, qui contrôlent les mouvements gauche et droit de l’avion en vol, étaient bloquées en position neutre pendant l’atterrissage.</p>
<h2>Des préoccupations liées au contrôle qualité</h2>
<p>La défaillance, en janvier, de la porte de sortie s’est produite sur un vol d’Alaska Airlines. Les autorités de régulation américaines enquêtent actuellement sur <a href="https://www.vox.com/money/24052245/boeing-corporate-culture-737-airplane-safety-door-plug">l’assurance qualité de la fabrication</a> de Boeing à la suite de cette défaillance.</p>
<p>Cette porte a été installée par un sous-traitant de Boeing, Spirit AeroSystem. Les boulons de la porte n’étaient pas correctement fixés et la porte est tombée en vol. Le même avion avait connu une série d’alarmes de pressurisation lors de deux vols précédents et devait faire l’objet d’une inspection de maintenance à la fin du vol.</p>
<p>Spirit a vu le jour après que Boeing a fermé ses propres usines de fabrication dans le Kansas et l’Oklahoma, et Boeing est actuellement en train de <a href="https://www.cnbc.com/2024/03/01/spirit-aerosystems-boeing.html">racheter la société</a> afin d’améliorer le contrôle qualité. Spirit travaille actuellement avec Airbus, mais cela pourrait changer.</p>
<h2>Ce qui a changé chez Boeing</h2>
<p>Des critiques affirment que la <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2024/03/12/boeing-whistleblower-death-plane-issues/">culture de Boeing a changé</a> depuis qu’Airbus est devenu un concurrent majeur au début des années 2000. L’entreprise a été accusée de privilégier le profit au détriment de la qualité de l’ingénierie.</p>
<p>D’anciens membres du personnel ont fait part de leurs préoccupations concernant les calendriers de production serrés, qui augmentaient la pression exercée sur les employés pour qu’ils terminent les avions à temps. Cette situation a conduit de nombreux ingénieurs à remettre en question ces processus et l’administration fédérale de l’aviation (FAA) a infligé une amende à Boeing pour manquement au contrôle de la qualité, après la découverte d’outils et de débris sur des avions en cours d’inspection.</p>
<p>Plusieurs employés ont témoigné devant le Congrès américain sur les problèmes de production liés au contrôle qualité. Sur la base des conclusions du Congrès, la FAA a commencé à inspecter de plus près les processus de Boeing.</p>
<p>Plusieurs employés de Boeing ont fait remarquer que le taux de rotation du personnel était élevé pendant la pandémie de Covid. Cette situation n’est pas propre à l’entreprise, car tous les processus de fabrication et les installations de maintenance des compagnies aériennes dans le monde ont également été touchés par un taux de rotation élevé.</p>
<p>Il en résulte une grave pénurie d’ingénieurs de maintenance qualifiés et de pilotes. Ces pénuries ont créé plusieurs problèmes qui empêchent l’industrie du transport aérien de revenir aux <a href="https://www.aviationbusinessnews.com/mro/critical-shortage-of-engineers-means-looming-crisis-for-aviation-warns-aeroprofessional/">niveaux pré-pandémiques</a> de 2019. Les compagnies aériennes et les centres de formation à la maintenance du monde entier travaillent d’arrache-pied pour former des remplaçants, mais cela prend du temps car on ne devient pas ingénieur qualifié ou pilote de ligne du jour au lendemain.</p>
<p>Alors, peut-on encore voler en toute sécurité sur des avions Boeing ? Oui, c’est le cas. Malgré les incidents dramatiques rapportés par les médias et les messages sur les réseaux sociaux <a href="https://twitter.com/DaveMcNamee3000/status/1767636549288824990">se moquant de l’entreprise</a>, le transport aérien reste extrêmement sûr, y compris pour Boeing.</p>
<p>Nous pouvons nous attendre à ce que ces problèmes concernant les avions Boeing soient maintenant corrigés. L’impact financier a été considérable, de sorte que même une entreprise motivée par le profit exigera des changements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doug Drury ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entreprise américaine Boeing est synonyme de sécurité des voyages aériens depuis des décennies, mais ces dernières semaines, elle a été confrontée à une grave série de problèmes.Doug Drury, Professor/Head of Aviation, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211892024-01-25T15:49:10Z2024-01-25T15:49:10ZLe Canada doit mettre en œuvre des mesures de sécurité pour protéger les enfants en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569360/original/file-20240109-19-9s4t5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de cas de cyberprédation a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La récente législation sur la vérification de l’âge sur les sites proposant du contenu pour adultes a donné lieu à une situation intéressante au Parlement canadien. Le 13 décembre dernier, le <a href="https://www.parl.ca/legisinfo/en/bill/44-1/s-210">projet de loi S-210</a>, soit la Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, a en effet été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes à l’issue d’un <a href="https://www.ourcommons.ca/Members/en/votes/44/1/609">vote de 189 voix contre 133</a>.</p>
<p>Étonnamment, la plupart des députés libéraux ont voté contre, car le gouvernement travaille sur son propre <a href="https://www.canada.ca/en/canadian-heritage/campaigns/harmful-online-content.html">projet de loi sur les préjudices en ligne</a>. Ce projet de loi a été promis pour la première fois en 2019, mais n’a pas encore été déposé en raison des <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/online-protection-act-1.7042880">complications plus vastes</a> qu’il soulève.</p>
<p>Avec le plein appui des conservateurs, du NPD, du Bloc Québécois et de certains députés libéraux, le projet de loi S-210 a pu faire l’objet d’un examen en comité. Il a par ailleurs été adopté par le Sénat au printemps 2023.</p>
<p>Le projet de loi S-210 prévoit qu’avant d’accéder à des sites proposant du contenu pour adultes, toute personne doive obligatoirement passer par un processus de vérification de l’âge afin de prouver qu’elle est adulte. La vérification de l’âge est déjà obligatoire pour accéder aux sites de jeux de hasard et à ceux qui vendent des produits tels que l’alcool, le tabac et le cannabis.</p>
<h2>Protéger les mineurs</h2>
<p>Une législation semblable au projet de loi S-210 a été adoptée ou mise en œuvre avec succès dans diverses parties du monde, dont <a href="https://euconsent.eu/">l’Union européenne</a>, le <a href="https://www.internetmatters.org/resources/uk-age-verification-law-for-pornography-sites-explained-parent-guide/">Royaume-Uni</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2023/04/30/business/louisiana-kids-age-porn-law.html">plusieurs États</a> américains.</p>
<p>Pourtant, les législateurs canadiens sont divisés quant au projet de loi S-210. Les détracteurs du projet de loi ont en effet émis de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/porn-site-age-verification-proposed-bill-1.7060841">vives inquiétudes</a> au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</p>
<p>Mes recherches doctorales portent sur les systèmes anonymes de vérification de l’âge visant à protéger la vie privée des personnes utilisatrices. Je collabore aussi volontairement avec le Conseil de gouvernance numérique du Canada à l’élaboration de <a href="https://dgc-cgn.org/standards/find-a-standard/">normes techniques pour les technologies de vérification de l’âge</a>.</p>
<p>Toute discussion sur la protection de la vie privée et la sécurité dans le cadre de la vérification de l’âge en ligne doit tenir compte de certains facteurs clés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un jeune garçon fixe l’écran d’un ordinateur portable dans l’obscurité" src="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les partisans du projet de loi S-210 affirment qu’il protégera les enfants, tandis que ses détracteurs ont émis de vives inquiétudes au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Vérification de l’âge en ligne</h2>
<p>Bien qu’il existe <a href="https://avpassociation.com/avmethods/">différents mécanismes</a> de vérification de l’âge en ligne, les méthodes les plus populaires sont la comparaison de pièces d’identité, la reconnaissance faciale et la vérification par un tiers.</p>
<p>La comparaison de pièces d’identité est une méthode courante de vérification de l’âge dans le cadre des transactions en personne. Par exemple, on doit présenter une pièce d’identité délivrée par le gouvernement, comme un permis de conduire ou une carte d’assurance maladie, lorsqu’on achète de l’alcool en magasin. De même, lors d’une transaction en ligne, une personne peut téléverser une image de sa pièce d’identité.</p>
<p>La technologie de <a href="https://www.britannica.com/technology/OCR">reconnaissance optique de caractères</a> permet ensuite d’extraire les données du document, en particulier la date de naissance. En outre, une <a href="https://www.incognia.com/the-authentication-reference/what-is-liveness-detection">vérification de légitimité</a> peut être effectuée en comparant la photo du document avec une photo instantanée de la personne afin d’en garantir l’authenticité.</p>
<p>Une personne peut également prouver son âge par l’intermédiaire d’un tiers autorisé, tels que sa société de carte de crédit ou sa banque. Cette méthode s’appuie sur les relations existantes avec ces entités de confiance et sur les informations qu’elles détiennent pour confirmer l’âge de la personne.</p>
<p>La vérification de l’âge basée sur la biométrie est un domaine émergent depuis une dizaine d’années, grâce à l’intelligence artificielle. Les chercheurs examinent <a href="https://doi.org/10.1109/MS.2020.3044872">différentes données biométriques</a> pour estimer l’âge, notamment les <a href="https://www.yoti.com/blog/yoti-myface-liveness-white-paper/">images faciales et les vidéos</a>, la <a href="https://doi.org/10.1109/ICPCSN58827.2023.00082">parole</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/ICACC-202152719.2021.9708286">empreintes digitales</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/RTSI55261.2022.9905194">signaux cardiaques</a> et <a href="https://doi.org/10.1049/ic.2013.0258">l’iris</a>.</p>
<p>Durant l’analyse faciale, une personne est invitée à fournir un égoportrait en direct sous la forme d’une image ou d’une vidéo, qui est ensuite analysée par des outils d’intelligence artificielle afin d’estimer son âge. Cette méthode a été <a href="https://iapp.org/news/a/how-facial-age-estimation-technology-can-help-protect-childrens-privacy-for-coppa-and-beyond/">testée de manière exhaustive</a> et est à présent déployée dans différents pays par diverses entités, notamment <a href="https://www.telegraph.co.uk/business/2023/12/15/google-develops-selfie-scanning-block-children-porn/">Google</a> et <a href="https://www.bbc.com/news/technology-63544332">Meta</a>.</p>
<h2>Une option moins invasive</h2>
<p>Lorsque plusieurs options sont disponibles, une personne peut choisir celles avec lesquelles elle se sent le plus à l’aise. Le projet euCONSENT est un réseau fondé par la Commission européenne pour protéger les enfants en ligne. Ce réseau a récemment mené un <a href="https://euconsent.eu/a-summary-of-the-achievements-and-lessons-learned-of-the-euconsent-project-and-what-comes-next/">projet pilote approfondi</a> sur la vérification de l’âge en ligne auprès de 2 000 enfants et adultes dans cinq pays européens.</p>
<p>Les réactions des personnes participantes ont montré que l’estimation faciale était le premier choix, préféré par 68 % d’entre elles. Les répondants la considéraient en effet comme une option facile, rapide et moins invasive. La vérification par un tiers (par l’intermédiaire d’une société de carte de crédit) était l’option la moins populaire, préférée par seulement 3 % des participants.</p>
<p>Les données personnelles des utilisateurs (pièces d’identité, images faciales ou renseignements bancaires) doivent être protégées par l’application de règlements stricts, semblables aux politiques de l’Union européenne en matière de <a href="https://gdpr-info.eu/">réglementation générale sur la protection des données</a>.</p>
<p>Le projet de loi S-210 propose de mettre en œuvre des méthodes fiables de vérification de l’âge qui collecteront les informations personnelles des utilisateurs uniquement aux fins de vérification, après quoi les données seront immédiatement détruites.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le visage d’un homme est numérisé par son téléphone cellulaire" src="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’analyse faciale peut permettre de déterminer l’âge d’un utilisateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des RPV qui posent des défis</h2>
<p>Les <a href="https://www.pcmag.com/how-to/what-is-a-vpn-and-why-you-need-one">réseaux privés virtuels</a> (RPV) sont souvent utilisés pour échapper à la vérification de l’âge. Les personnes utilisatrices font transiter le trafic Internet par des serveurs situés dans différents endroits, ce qui donne l’impression qu’elles accèdent au contenu à partir d’une région où il n’y a pas de restrictions d’âge.</p>
<p>Ce problème peut être résolu par les <a href="https://www.apnic.net/ip-geolocation-service-providers/">services de géolocalisation IP</a>, qui comparent la localisation déclarée d’une personne avec son adresse IP réelle, ce qui permet d’identifier toute divergence.</p>
<h2>Protéger les enfants</h2>
<p>Outre la préparation technologique, la sensibilisation de la société s’avère également cruciale pour garantir l’adoption appropriée de mesures de vérification de l’âge, ce qui nous ramène aux aspects législatifs.</p>
<p>Le nombre de cas de cyberprédation <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/social-media-online-child-luring-reports-spike-canada-1.6739824">a été multiplié par dix</a> au cours des cinq dernières années au Canada. Des incidents tragiques sont survenus où des enfants se sont suicidés après avoir été victimes d’abus en ligne. En octobre dernier, un <a href="https://urldefense.com/v3/__https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/police-link-suicide-of-12-year-old-prince-george-b-c-boy-to-online-sexual-extortion-1.7041185__;!MtWvt2UVEQ!DF5HkrmBKV19KkIeKL-ea2wsl0zQDjXailbkNU8v_hglKA5S_bli3hS-fFnKq-jM1tMU5hYhryCzTQawM4J5fnd%24">garçon de 12 ans s’est suicidé en Colombie-Britannique</a> après avoir été victime de sextorsion virtuelle.</p>
<p>La question est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant que des mesures ne soient mises en place pour protéger les enfants ? Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu d’aller de l’avant et de sécuriser les espaces en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221189/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Azfar Adib a reçu des financements de MITACS.</span></em></p>La cyberprédation des enfants est en forte hausse au pays. Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu de sécuriser les espaces en ligne.Azfar Adib, Public Scholar & PhD Candidate, Electrical and Computer Engineering, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182902023-12-11T20:43:57Z2023-12-11T20:43:57ZDonnées personnelles : comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563997/original/file-20231206-15-l9fpxn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1352&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, plus optimiste face au développement des technologies abandonne probablement plus facilement une part de contrôle sur ses données personnelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photographie-de-silhouette-de-lhomme-1tnS_BVy9Jk">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans quelle mesure les différentes générations sont-elles plus ou moins sensibles à la notion de surveillance ? Un regard sur les personnes nées au tournant des années 80 et 90 montre que ces dernières abandonnent probablement plus facilement une part de contrôle sur les données personnelles et n’ont sans doute pas eu totalement conscience de leur grande valeur.</em></p>
<hr>
<p>Peut-être qu’à l’approche des <a href="https://lcp.fr/actualites/jeux-olympiques-gerald-darmanin-defend-l-usage-de-la-videosurveillance-algorithmique">Jeux olympiques de Paris</a>, avez-vous vaguement protesté lors de la mise en place d’un fichier vidéo algorithmique ? Et puis avez-vous haussé les épaules : un fichier de plus. Peut-être par résignation ou par habitude ? Comme d’autres, vous avez peut-être aussi renseigné sans trop vous poser de questions votre profil MySpace ou donné votre « ASV » (âge, sexe, ville) sur les chats Caramail au tournant des années 1990-2000 et encore aujourd’hui vous cliquez quotidiennement sur « valider les CGU » (conditions générales d'utilisation) sans les lire ou sur « accepter les cookies » sans savoir précisément ce que c’est.</p>
<p>En effet, peut-être, faites-vous partie de ce nombre important d’individus nés entre 1979 et 1994 et avez-vous saisi au vol le développement de l’informatique et des nouvelles technologies. Et ce, sans forcément vous attarder sur ce que cela impliquait sur le plan de la surveillance des données que vous avez accepté de partager avec le reste du monde…</p>
<h2>World Wide Web</h2>
<p>Pour se convaincre de l’existence de cette habitude rapidement acquise, il suffit d’avoir en tête les grandes dates de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet : Apple met en 1983 sur le marché le premier ordinateur utilisant une souris et une interface graphique, <a href="https://www.macg.co/aapl/2019/11/quand-apple-france-presentait-la-souris-de-lisa-en-1983-109435">c’est le Lisa</a>.</p>
<p>Puis le World Wide Web est <a href="https://home.cern/fr/science/computing/birth-web">inventé par Tim Berners-Lee en 1989</a>, <a href="https://www.c3iparis.fr/histoire-internet/">36 millions d’ordinateurs sont connectés à Internet en 1996</a>, Google est <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/09/27/32001-20180927ARTFIG00001-google-a-20-ans-1998-cette-annee-si-speciale-pour-l-industrie-des-nouvelles-technologies.php">fondé en 1998</a> et Facebook <a href="https://www.europe1.fr/technologies/En-2004-Facebook-ressemblait-a-ca-643360">est lancé en 2004</a>. L’accélération exponentielle d’abord des machines elles-mêmes, puis des réseaux et enfin du partage de données et de la mobilité a suivi de très près les millennials.</p>
<p>La génération précédente, plus âgée, a parfois moins l’habitude de ces outils <a href="https://sites.ina.fr/cnil/focus/chapitre/2/medias">ou s’est battue contre certaines dérives initiales, notamment sécuritaires</a>. La suivante, qui a été plongée immédiatement dans un monde déjà régi par l’omniprésence d’Internet et des réseaux, en connaît plus spontanément les risques (même si elle n’est pas nécessairement plus prudente).</p>
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<p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Nos vies modes d'emploi » explore nos rapports intimes au monde induits par les bouleversements technologiques, féministes et écologiques survenus au tournant du XXIe siècle.</em></p>
<p><em>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162">Les amis, notre nouvelle famille ?</a></em></p>
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<h2>Un certain optimisme face à l’informatique</h2>
<p>Probablement du fait de ce contexte, la génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 est aussi celle qui est la plus optimiste face au développement des technologies.</p>
<p>Cet état de fait apparaît d’autant plus clairement que la « génération Z », plus jeune, est <a href="https://www.alrc.gov.au/publication/for-your-information-australian-privacy-law-and-practice-alrc-report-108/67-children-young-people-and-attitudes-to-privacy/generational-differences-in-attitudes-to-privacy/">marquée généralement par une plus grande apathie voire un certain pessimisme</a> notamment quant au devenir des données personnelles.</p>
<p>En effet, aujourd’hui, les plus jeunes, déjà très habitués à l’usage permanent des réseaux sociaux et aux surveillances de toute part, se trouvent très conscients de ses enjeux mais font montre d’une forme de résignation. Celle-ci se traduit notamment par le « privacy paradox » <a href="https://www.jstor.org/stable/44820900">mis en lumière par certains sociologues</a> et qui se traduit par une tendance paradoxale à se réclamer d’une défense de la vie privée tout en exposant très largement celle-ci volontairement par l’utilisation des réseaux sociaux.</p>
<p>A contrario, cette confiance en la technologie se manifeste spécialement par une forme de techno-optimisme, y compris lorsqu’il s’agit de <a href="https://journals.openedition.org/ress/623">l’usage de données personnelles</a>. Cet état d’esprit se traduit dans de nombreux domaines : lorsqu’il s’agit de <a href="https://acteurspublics.fr/articles/sondage-pour-2-francais-sur-3-le-numerique-est-une-priorite-pour-ameliorer-notre-systeme-de-sante">l’usage des données de santé</a> par exemple ou plus généralement quant à l’utilisation des technologies pour régler des problèmes sociaux ou humains <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-green-2022-1-page-27.htm">comme le réchauffement climatique</a>.</p>
<h2>La priorisation de valeurs différentes</h2>
<p>Cet optimisme est aussi visible lorsqu’il s’agit d’évoquer les <a href="https://theconversation.com/fiches-s-et-autres-fichiers-de-police-de-quoi-parle-t-on-vraiment-148640">fichiers policiers ou administratifs</a>. S’il n’existe pas de données précises sur l’acceptation des bases de données sécuritaires par chaque tranche d’âge, il n’en demeure pas moins que la génération des 30-45 ans n’est plus <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/data/sous-giscard-la-creation-de-la-cnil-apres-un-safari_149753">celle de l’affaire Safari</a> dont l’éclatement, après la révélation d’un projet de méga-fichier par le ministère de l’Intérieur, <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/9870-creation-de-la-commission-nationale-de-l-informatique-et-des-libertes-cnil">a permis la naissance de la CNIL</a>.</p>
<p>Cette génération a, au contraire, été marquée par des événements clés tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2009.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i_k8ozkY2I4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La CNIL fête ses 40 ans.</span></figcaption>
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<p>Ces événements, et plus généralement le climat dans lequel cette génération a grandi et vit aujourd’hui, la conduisent à être, d’après les études d’opinion récentes, <a href="https://www.leparisien.fr/politique/notre-grande-enquete-sur-les-francais-la-famille-et-la-securite-au-coeur-de-leurs-preoccupations-21-10-2023-FOGHMCJXUNEKZLYAJJOENJMKLM.php">plus sensible aux questions de sécurité que d’autres</a>. Elle entretient ainsi un rapport différent à la sécurité, moins encline à subir des contrôles d’identité répétés (<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/13/controles-d-identite-les-jeunes-7-fois-plus-controles-que-le-reste-de-la-population_5079101_4355770.html">qui sont bien plus fréquents chez les plus jeunes</a>) mais plus inquiète pour l’avenir et plus sensible aux arguments sécuritaires.</p>
<p>Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité, par exemple à <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/237256-jo-2024-les-francais-largement-favorables-a-lutilisation-de-cameras-intelligentes/">l’occasion de l’organisation des futurs Jeux olympiques et paralympiques en France</a> ou rendus utiles pour <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/04/03/l-espace-public-quasi-militarise-devient-un-laboratoire-securitaire_1784168/">permettre la gestion d’une pandémie comme celle du Covid-19</a>.</p>
<h2>De l’acceptation à l’accoutumance</h2>
<p>Les deux phénomènes – optimisme face au développement des technologies et sensibilité à la question sécuritaire – sont d’autant plus inextricables qu’il existe un lien important entre usages individuels et commerciaux des technologies d’une part et usages <a href="https://theconversation.com/la-reconnaissance-faciale-du-deverrouillage-de-telephone-a-la-surveillance-de-masse-184484">technosécuritaires d’autre part</a>. En effet, les expériences en apparence inoffensives de l’utilisation récréative ou domestique des technologies de surveillance (caméras de surveillance, objets connectés, etc.) favorisent l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils qui renforcent le sentiment de confort <a href="https://esprit.presse.fr/actualites/asma-mhalla/un-etat-de-surveillance-permanent-43127">tant personnel que sécuritaire</a>.</p>
<p>La génération des trentenaires et quadra actuelle, très habituée au développement des technologies dans tous les cadres (individuels, familiaux, professionnels, collectifs, etc.) et encore très empreinte du techno-optimisme de l’explosion des possibilités offertes par ces outils depuis les années 1990 est ainsi plus encline encore que d’autres à accepter leur présence <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-mardi-04-avril-2023-7028156">dans un contexte de surveillance de masse</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563313/original/file-20231204-29-jez5b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cet état d’esprit favorise en conséquence une plus grande acceptation encore des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.moon-event.fr/les-nouvelles-tendances-technologies/maxim-hopman-iayklkmz6g0-unsplash/">Maxim Hopman/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>La <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/barometre-numerique-2022.pdf?v=1675075293">pénétration très importante de ces dispositifs</a> dans notre quotidien est telle que le recours aux technologies même les plus débattues comme l’intelligence artificielle peut sembler à certains <a href="https://www.lepoint.fr/societe/menace-ou-progres-les-francais-face-a-l-intelligence-artificielle-18-04-2023-2516712_23.php">comme le cours normal du progrès technique</a>. Comme pour toutes les autres générations, l’habituation est d’autant plus importante que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_cliquet">l’effet cliquet</a> conduit à ne jamais – ou presque – remettre en cause des dispositifs adoptés.</p>
<h2>L’existence de facteurs explicatifs</h2>
<p>Partant, la génération des 30-45 ans, sans doute bien davantage que celle qui la précède (encore marquée par certains excès ou trop peu familiarisée à ces questions) que celle qui la suit (davantage pessimiste) développe une forte acceptabilité des dispositifs de surveillance de tous horizons. En cela, elle abandonne aussi probablement une part de contrôle sur les données personnelles dont beaucoup n’ont sans doute pas totalement <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/de-l-importance-de-la-valeur-de-nos-donnees-837808.html">conscience de la grande valeur</a>.</p>
<p>Au contraire, les réglementations (à l’image du <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">Règlement général sur la protection des données</a> adopté en 2016 et appliqué en 2018) tentant de limiter ces phénomènes sont parfois perçues comme une <a href="https://www.cnil.fr/sites/cnil/files/atoms/files/barometre_ifop_rgpd-2018.pdf">source d’agacement</a> au quotidien voire comme un <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/donnees-personnelles-comment-gagner-la-bataille">frein à l’innovation</a>.</p>
<p>Sur le plan sécuritaire, l’acceptabilité de ces fichages, perçus comme nécessaires pour assurer la sécurité et la gestion efficace de la société, pose la question de la confiance accordée aux institutions. Or, là encore, il semble que la génération étudiée soit moins à même de présenter une défiance importante envers la sphère politique <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/83-des-jeunes-francais-n-ont-pas-confiance-en-la-politique-17729/">comme le fait la plus jeune génération</a>.</p>
<p>Demeurent très probablement encore d’autres facteurs explicatifs qu’il reste à explorer au regard d’une génération dont l’état d’esprit relativement aux données personnelles est d’autant plus essentiel que cette génération est en partie celle qui construit le droit applicable aujourd’hui et demain en ces matières.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Nabat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les expériences en apparence inoffensives des technologies de surveillance ont favorisé l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils.Yoann Nabat, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186342023-11-30T05:31:34Z2023-11-30T05:31:34ZL'armée malienne prend Kidal : les répercussions d'une reconquête stratégique<p>Le 14 novembre 2023, une colonne des Forces armées maliennes (FAMA), appuyée par des “instructeurs russes” dont le nombre reste indéterminé, est rentrée à Kidal, ville située dans l’extrême nord du Mali. </p>
<p>La reconquête de la ville, fief de la rébellion de 2012, obtenue presque sans combattre contre les groupes armés regroupés au sein du <a href="https://cadre-strategique.com/">Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD)</a>, représente pour la junte militaire au pouvoir à Bamako un succès symbolique qui répond à plusieurs objectifs : alimenter sa campagne d’expansion, affaiblir la rébellion et laver les revers subis <a href="https://www.jeuneafrique.com/53207/politique/arm-e-malienne-les-affrontements-de-kidal-chronique-d-une-d-route-annonc-e/">entre 2012 et 2014</a>.</p>
<h2>Un succès pour les souverainistes</h2>
<p>Depuis le coup d'Etat à Bamako perpétré par un groupe de militaires, réalisé en deux temps entre <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">août 2020 et mai 2021</a>, le nouveau gouvernement a articulé son projet politique autour d'un discours politique aux forts accents nationalistes et même “<a href="https://www.oecd.org/publications/populist-civil-society-the-wagner-group-and-post-coup-politics-in-mali-b6249de6-en.htm">populistes</a>”, axé notamment sur la reconquête du Nord. Dans un contexte où la <a href="https://kar.kent.ac.uk/84798/">dynamique “centre-périphérie”</a> a représenté depuis l’indépendance en 1960 un véritable défi pour la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/nationalities-papers/article/abs/azawad-a-parastate-between-nomads-and-mujahidins/BCAF4BFEECCEAD70F15CCC8D123AC4E2">construction de l'Etat malien</a>, l’assujettissement des groupes armés menaçant l’unité nationale a constitué <a href="http://news.abamako.com/h/197255.html#:%7E:text=C'est%20un%20livre%20de,question%20du%20Nord%20du%20Mali.">une des principales priorités</a> pour les souverainistes au pouvoir à Bamako.</p>
<p>C'est aussi sous cet éclairage qu'il faut lire la <a href="http://news.abamako.com/h/197255.html#:%7E:text=C'est%20un%20livre%20de,question%20du%20Nord%20du%20Mali.">rupture avec la France</a> et le rapprochement avec <a href="https://www.politico.eu/article/wagner-africa-mali-operations-will-continue-russia-sergey-lavrov-vows/">la Russie</a>, dont les violents effets sur la conduite des opérations de “contre-terrorisme” étaient déjà devenus visibles <a href="https://www.hrw.org/news/2022/04/05/mali-massacre-army-foreign-soldiers">dans le centre du pays</a>.</p>
<p>En outre, le <a href="https://press.un.org/fr/2023/cs15341.doc.htm">retrait</a> de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a aussi représenté un des passages nécessaires pour préparer l’opération visant à reprendre le contrôle militaire sur les régions du Nord. Depuis plusieurs mois, cette mission était confrontée a une mise en péril sans précèdent du processus de paix. Faut-il le rappeler, la pierre angulaire de cette mission était le soutien à la mise en oeuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation (APR).</p>
<p>C’est en particulier <a href="https://minusma.unmissions.org/la-minusma-ferme-son-camp-de-kidal-marquant-la-fin-de-sa-pr%C3%A9sence-dans-la-r%C3%A9gion">le départ anticipé des casques bleus</a> de leur base à Kidal, achevé le 31 octobre, qui a accéléré les événements de manière décisive. Même si des combats majeurs n’ont pas été enregistrés pendant l’avancée de la colonne de l'armée malienne partie de Gao vers Kidal, plusieurs témoignages ont fait état de <a href="https://www.reuters.com/world/africa/mali-drone-strikes-kill-civilians-town-kidal-officials-rebels-say-2023-11-07/">civils tués pendant l’opération</a>. </p>
<p>Sur le plan régional, on note un <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231117-le-niger-et-le-burkina-ont-l%C3%A9g%C3%A8rement-contribu%C3%A9-%C3%A0-l-offensive-de-l-arm%C3%A9e-malienne-sur-kidal">appui logistique limité </a> mais symboliquement important de la part des armées burkinabè et nigérienne, qui forment avec le Mali une <a href="https://theconversation.com/burkina-faso-mali-et-niger-signent-un-pacte-de-defense-lalliance-des-etats-du-sahel-en-quete-dautonomie-strategique-215361">Alliance des États du Sahel (AES)</a>. Celle-ci est dotée d’une <a href="https://www.sig.bf/2023/09/charte-deu-liptako-gourma-instituant-lalliance-de-etats-du-sahel-aes/">charte</a> où le règlement, y compris par la force, de toute rébellion armée est clairement affiché comme un des principaux objectifs.</p>
<h2>Nouveau gouverneur de Kidal</h2>
<p>La reconquête de Kidal a permis à la junte malienne de célébrer la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/mali-assimi-go%C3%AFta-annonce-que-larm%C3%A9e-sest-empar%C3%A9e-de-la-ville-de-kidal-/3053552">“souveraineté rétablie”</a> dans le pays, et de renforcer sa <a href="https://www.e-ir.info/2023/09/17/historicizing-the-reactionary-dimensions-of-contemporary-pan-african-statecraft/">rhétorique panafricaniste et autoritaire</a> qui se trouve à la base d'un projet politique en cours de déploiement bien au-delà des frontières du Sahel. </p>
<p>Sur le terrain, le 22 novembre, le gouvernement a annoncé avoir <a href="https://www.jeuneafrique.com/1507428/politique/au-mali-le-general-gamou-nouveau-maitre-de-kidal/">nommé le général El Hadji ag Gamou</a> nouveau gouverneur de la région de Kidal. Ancien leader de la rébellion des années 1990, <a href="https://www.jeuneafrique.com/1344555/politique/mali-gamou-un-general-aussi-incontrolable-quindispensable/">ag Gamou</a> a intégré les FAMA avant de participer à la fondation de la milice “pro-gouvernementale” Gatia pendant le conflit de 2012. </p>
<p>Il est, depuis plusieurs décennies, une des grandes figures du nord du Mali, capable de redéfinir constamment son système d’alliances et ses loyautés afin de naviguer et survivre dans un cadre caractérisé par le recours constant <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13629395.2016.1230942">à la violence politique</a> armée et la forte diffusion d'activités économiques informelles ou même <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17502977.2021.1896207">criminelles</a>. </p>
<p>Dans le contexte actuel du nord du Mali, une lecture de la nomination d’ag Gamou sous le prisme des <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/25889">antagonismes entre lignages dominants ou aristocratiques</a> (Ifoghas) et vassaux (Imghads), selon la catégorisation sociale de la communauté touareg née de la conquête coloniale française, peut sembler réductrice. La nomination d'ag Gamou vise-t-elle à rassurer les populations qui ont fui la zone face aux risques d’exactions par les “instructeurs russes”? C'est en tout cas l'une des interprétations plausibles de sa promotion par Bamako. En effet, des <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231126-mali-%C3%A0-kidal-l-arm%C3%A9e-prend-des-mesures-contre-les-incursions-les-pillages-continuent">témoignages attribuent le ciblage des domiciles </a> pillés dans la ville de Kidal à ces instructeurs russes. </p>
<p>Par-dessus tout, l'entrée des FAMA à Kidal signe un retour des unités issues de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/11/dans-le-nord-du-mali-l-armee-reconstituee-poussee-a-quitter-son-camp-de-kidal_6193753_3212.html">l'armée “reconstituée” (GTIA 8)</a> sans le CSP-PSD, affaibli dès les premières heures des combats par <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230925-mali-division-au-sein-des-groupes-arm%C3%A9s-du-nord-le-msa-quitte-le-cadre-strat%C3%A9gique-permanent">des divisions</a> qui ont davantage fragilisé sa représentativité politique. Pourtant, le mouvement avait dit inscrire son action dans le cadre de revendications liées aux préoccupations (sécurité, développement) des populations des régions du nord. </p>
<h2>Nouvelle phase du conflit</h2>
<p>La stratégie de sortie de crise de 2012 s’articulait, jusqu'ici, autour de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR, signé en mai-juin 2015), avec l'Algérie comme cheffe de file des garants de sa mise en oeuvre. Son application en était toujours aux aspects périphériques (désarmement, démobilisation et reinsertion, un mécanisme opérationnelle de coordination) au détriment des questions de développement qui ont pourtant fondé le discours indépendantiste en 2012. Alors que l’avenir de ce document s’écrit désormais en pointillés – bien qu’il n’ait été dénoncé par aucune des parties -, la médiation internationale est demeurée passive face à la résurgence du conflit. </p>
<p>La reprise des affrontements a surtout illustré la perte d'influence de cette médiation internationale, Algérie en tête. La perte de profondeur stratégique sur le dossier malien intervient dans une conjoncture sahélienne où Alger était engagé dans une dynamique de renforcement de sa diplomatie. Son plan de sortie de crise au Niger suite au renversement de M. Bazoum a suscité des tensions.</p>
<p>Bien que la prise de Kidal ne soit pas présentée comme une défaite dans les déclarations du CSP-PSD, elle marque le début d'une nouvelle phase dans le conflit, impliquant de nouveaux acteurs (AES, “instructeurs russes”) et de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/08/au-mali-les-drones-de-l-armee-malienne-frappent-kidal-bastion-des-rebelles-du-nord_6199040_3212.html#:%7E:text=Kidal%2C%20symbole%20de%20l'insoumission%20du%20Nord&text=Pour%20la%20premi%C3%A8re%20fois%20depuis,puis%20trois%20autres%20mardi%207.">nouveaux moyens militaires.</a> </p>
<p>Avec cette perte de l’influence de la médiation sur les acteurs maliens, un retour à l’APR parait illusoire dans un contexte où la donne n’est plus la même. Même s’ils faisaient des concessions, il serait difficile pour les leaders du CSP-PSD de reprendre le contrôle de l’espace politique dans la région de Kidal où un nouveau “leadership”, soit il lié aux factions qui ont quitté l'alliance, ou aux mouvances découlant de l'islam rigoriste, pourraient les supplanter. </p>
<h2>Le rôle de Iyad ag Ghali</h2>
<p>Par ailleurs, alors que <a href="https://fasopo.org/sites/default/files/varia1_n47.pdf">les rapports de force</a> entre lignages se renégocient sur l’échiquier du nord du Mali, l’islam rigoriste se diffuse sur place avec le rôle clé d'acteurs de premier plan comme Iyad ag Ghaly, leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). </p>
<p>Depuis la chute de Kidal aux mains des FAMA, plusieurs interlocuteurs pointent la mise en retrait dans les combats du GSIM après que le CSP-PSD, soupçonné d’entretenir des liens opérationnels avec cette mouvance armée se réclamant de l’islam, eut opposé un refus “stratégique” à Iyad ag Ghaly pour combattre sous la même bannière. </p>
<p>Les spéculations sur une possible alliance entre le GSIM et les séparatistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont été relancées en janvier dernier, dans le sillage du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/01/au-mali-rencontres-secretes-du-djihadiste-iyad-ag-ghaly-face-a-la-poussee-de-ses-rivaux_6160078_3212.html">déplacement à Kidal</a> d'Iyad ag Ghaly.</p>
<p>La visite a surtout soulevé des interrogations sur la <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/frequenter-les-infrequentables/">place d’Iyad ag Ghaly</a> dans les enjeux du Nord du Mali et dans les régions du centre, auxquelles la violence s’est étendue depuis plusieurs années. Au-delà de ses connexions éventuelles et de ses projets avec les anciens groupes signataires de l'accord d'Alger, son déplacement dans un contexte de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/08/21/mali-barkhane-vient-clore-un-cycle-de-trente-annees-d-operations-exterieures-de-la-france-en-afrique_6138595_3212.html">retrait du dispositif Barkhane </a>interroge. Cette mobilité fait ainsi de lui un “joker” avec lequel la nécessité de dialoguer pourrait revenir sur le devant de la scène au Mali, passée l’euphorie de Kidal.</p>
<p>Alors que le GSIM garde toujours une capacité de nuisance, il reste à observer quelle stratégie déploiera la rébellion. Le scénario le plus probable étant un déplacement des foyers du conflit entre les FAMA et les rebelles en dehors de Kidal. </p>
<p>L'épisode de Kidal s'insère dans une vision politique du régime politico-militaire malien qui tente d'imposer le retour de l'Etat par la force dans les portions du pays où le monopole de la violence lui est disputé par d'autres acteurs en armes. Or, un règlement du conflit au Mali passe par la négociation d'un nouveau contrat social au niveau des territoires pour “réparer” les rapports entre l'Etat et les communautés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218634/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edoardo Baldaro receives funding from F.R.S.-FNRS - Fonds National de la Recherche Scientifique, Belgium </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bokar Sangaré receives funding from Université libre de Bruxelles (ULB). </span></em></p>La reconquête de Kidal marque une nouvelle phase du conflit impliquant de nouveaux acteurs ainsi que de nouvelles stratégies militaires.Edoardo Baldaro, Postdoctoral Research Fellow, Université Libre de Bruxelles (ULB)Boubacar (Bokar) Sangaré, Doctorant, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158432023-11-19T16:39:41Z2023-11-19T16:39:41ZValorisation de la biomasse : comment éviter les accidents industriels ?<p>En 2008, la <a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2013.08.018">raffinerie Sugar Imperial aux États-Unis a explosé</a>, causant la mort de 14 personnes : de la poussière de sucre en suspension dans l’air dans la zone d’emballage a pris feu. En 2014, c’est une <a href="https://doi.org/10.1002/prs.12063">usine allemande qui produisait du biogaz à partir de déchets agricoles</a> qui a subi une explosion due à une accumulation de méthane dans une zone de stockage.</p>
<p>Aujourd’hui, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biomasse-51131">biomasse</a> est valorisée comme matière première au sein de bioraffineries : des déchets agricoles, des résidus forestiers, des algues ou encore des solides provenant des eaux usées sont par exemple utilisés pour faire du carburant, des peintures ou des <a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">plastiques</a>. Ces procédés, s’ils se généralisaient, pourraient rendre l’industrie chimique plus durable, en réduisant ses impacts environnementaux et <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-19-7506-6_17">notre dépendance aux matières premières fossiles</a>, à condition de ne pas faire concurrence au secteur alimentaire.</p>
<p>Mais les procédés verts valorisant la biomasse ne sont pas intrinsèquement plus sûrs que leurs homologues valorisant les matières fossiles.</p>
<p>Ainsi, l’intérêt économique ne doit pas être le seul élément guidant le développement de procédés utilisant la biomasse comme matière première : la communauté de recherche travaille aussi à les rendre plus sûrs pour les humains et l’environnement, en étudiant leurs <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2009.11.006">impacts environnementaux</a> et <a href="https://doi.org/10.3390/ijms20204992">toxicologiques</a>, et en développement des <a href="https://doi.org/10.1016/j.ssci.2018.10.024">méthodes fiables d’évaluation des risques industriels</a>.</p>
<h2>La biomasse pour réduire notre dépendance au pétrole</h2>
<p>L’industrie chimique est toujours très dépendante de matières fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel. Même s’il peut être difficile d’avoir le chiffre exact, on estime que plus de 90 % des produits chimiques sont toujours <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2022.133920">fabriqués à partir des matières fossiles</a> – ce qui pose des <a href="https://unece.org/sustainable-energy/publications/carbon-neutrality-unece-region-technology-interplay-under-carbon">problèmes environnementaux</a> (augmentation des émissions de gaz à effet de serre), géopolitique (problème de dépendance énergétique) et économique (augmentation des prix due à la déplétion des sources notamment).</p>
<p>C’est pendant les crises pétrolières des années 1970 que la filière a connu un regain d’intérêt pour l’utilisation de la biomasse comme matière première. Ces crises ont par exemple poussé le gouvernement brésilien a lancer des programmes, comme « Proalcool », dont le but était la production d’éthanol pour remplacer l’essence et <a href="https://doi.org/10.1016/j.bjm.2016.10.003">diminuer leur dépendance vis-à-vis des pays exportateurs de pétrole</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse</a>
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<h2>Explosions de gaz et de poussières</h2>
<p>Les principales causes d’accidents signalées sont en effet liées aux stockages non surveillés, où, en l’absence de barrières de sécurité adéquates, il existe des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2015.04.004">risques d’incendie et d’explosion de poussières</a> – ces explosions sont déclenchées par une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">combustion rapide de particules inflammables en suspension dans l’air</a>.</p>
<p>Plus les particules sont petites, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">plus la combustion est rapide et explosive</a>.</p>
<p>Si le nuage de poussière enflammé n’est pas confiné, il ne provoque qu’un incendie « éclair ». Mais <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389406013604">si le nuage de poussière enflammé est confiné</a>, même partiellement, la chaleur de combustion peut entraîner une augmentation rapide de la pression, avec propagation de la flamme à travers le nuage de poussière et dégagement de grandes quantités de chaleur et de produits de réaction.</p>
<p>Pour qu’il y ait un incendie, il faut rassembler trois éléments : de l’oxygène, un combustible et une source d’allumage ; trois facteurs qui constituent ce que l’on appelle le « triangle du feu ».</p>
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<img alt="explosion en laboratoire, sous une hotte" src="https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=651&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558648/original/file-20231109-23-3levg6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=818&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Explosion de poussière de biomasse dans un équipement de laboratoire appelé « tube de Hartmann ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">José Delgado, INSA Rouen Normandie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour qu’il y ait une explosion de poussière, il faut cinq éléments – on parle de pentagone : un combustible (poussière inflammable), un comburant (oxygène), une source d’allumage, la possibilité de mettre en dispersion les poussières et le confinement de ces poussières.</p>
<p>Les barrières de sécurité reposent à inhiber l’un des sommets du triangle ou du pentagone. Pour les incendies, on peut procéder à une détection précoce avec des <a href="https://www.icheme.org/media/11801/hazards-26-paper-64-fire-and-explosion-hazards-in-the-biomass-industries.pdf">capteurs de température sans fil pour la température d’un tas de biomasse,</a> par exemple, ou <a href="https://www.ieabioenergy.com/wp-content/uploads/2013/10/Health-and-Safety-Aspects-of-Solid-Biomass-Storage-Transportation-and-Feeding.pdf">séparer les pieux avec des murs en béton</a>. Pour les explosions de poussières, on peut notamment <a href="https://www.icheme.org/media/11801/hazards-26-paper-64-fire-and-explosion-hazards-in-the-biomass-industries.pdf">rendre les silos inertes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/accidents-industriels-apprendre-aux-robots-a-nous-aider-189157">Accidents industriels : apprendre aux robots à nous aider</a>
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<p>En plus, des risques liés aux explosions de gaz ou de poussières, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.psep.2020.07.017">risque d’emballement thermique a également été observé en laboratoire</a>. L’emballement thermique correspond à la montée en température dans une cuve, de façon non contrôlée et non souhaitée, ce qui peut avoir pour conséquence la destruction de la cuve sous l’effet de l’augmentation de la pression due à l’augmentation de la température de façon non contrôlée ou un effet missile projetant la cuve sur plusieurs kilomètres.</p>
<p>La valorisation de la biomasse implique des <a href="https://doi.org/10.1016/j.psep.2020.07.017">étapes d’hydrogénation ou d’oxydation</a>, qui sont particulièrement dangereuses car elles peuvent être exothermiques, c’est-à-dire dégager de la chaleur. Ces étapes se retrouvent dans les procédés de valorisation de la biomasse car elles permettent de fonctionnaliser les molécules issues de cette biomasse.</p>
<blockquote>
<p>« L’industrie chimique a un problème récurent avec les accidents liés à la réactivité. Ce problème est dû à la nature complexe de la réactivité chimique. » (<a href="https://www.mtu.edu/chemical/department/emeriti-faculty/crowl/">Daniel A. Crowl, professeur émérite de génie des procédés à Michigan Tech aux États-Unis</a>)</p>
</blockquote>
<p>Cette remarque s’applique amplement à la valorisation de la biomasse, car plusieurs réactions « parasites » qui dégagent de l’énergie (exothermiques) peuvent avoir lieu. Par exemple, la fonctionnalisation des huiles végétales en époxyde, intermédiaires importants pour la fabrication de polymères, peut être parasitée par le peroxyde d’hydrogène, qui peut, dans certaines conditions de température et de concentration, se décomposer en oxygène conduisant à une augmentation rapide de la pression fragilisant le réacteur.</p>
<h2>Comment sécuriser les procédés industriels de valorisation de la biomasse ?</h2>
<p>Pour évaluer les risques industriels, on s’appuie généralement sur des retours d’expérience – mais cette méthode demande que les procédés soient largement répandus et déployés à l’échelle industrielle, ce qui n’est pas encore le cas de la biomasse. Afin de combler ce manque, on pourrait s’orienter vers des approches probabilistes dites « de sécurité », déjà utilisées dans divers domaines, comme celui du <a href="https://doi.org/10.1016/j.matpr.2023.07.059">pétrole et gaz</a> et celui du <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/publications/magazines/bulletin/bull25-4/25402043036.pdf">nucléaire</a>.</p>
<p>L’un des principaux défis des procédés valorisant la biomasse et les bioraffineries est le manque de retour d’expériences par rapport aux analyses de risques et de la mise en place des barrières de sécurité. En effet, la plupart des méthodes d’analyse de risque reposent sur du retour d’expérience, et les procédés de valorisation de la biomasse sont plus récents que ceux utilisant des matières fossiles. Ces analyses sont essentielles pour pouvoir industrialiser ces procédés à partir des données laboratoires.</p>
<p>Récemment, nous avons ainsi pu utiliser la méthode ARAMIS (Accidentology and Risk Analysis Method for Industrial Systems) développée par l’INERIS pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.ssci.2018.10.024">évaluer les risques pour la production de γ-valerolactone</a>. Cette méthode permet d’identifier des scénarios d’accident possibles, et donc d’affiner la gestion des risques de l’usine, lorsque des barrières de sécurité doivent être sélectionnées et mises en œuvre.</p>
<p>Face au manque de retours d’expérience, d’autres approches sont développées. Les méthodes probabilistes permettent d’évaluer et quantifier les risques, les incertitudes et les probabilités associés à des événements ou des phénomènes. Elles reposent sur la théorie des probabilités pour analyser et prendre des décisions en tenant compte des incertitudes inhérentes.</p>
<p>Par exemple, le <a href="https://www.icheme.org/media/9064/xxiii-paper-68.pdf">risque d’explosion de poussières</a> est le produit de la probabilité qu’une explosion de poussières se produise et des conséquences de l’explosion de poussières. Les conséquences pourraient être prévisibles avec des expériences ou des modèles, par exemple en utilisant des outils de simulation. La probabilité d’une explosion est le produit de la probabilité de trouver une source d’inflammation efficace (« énergie minimale d’inflammation ») et la probabilité d’avoir une atmosphère explosive (c’est-à-dire la bonne concentration de poussière dans l’air). Elle peut être calculée à l’aide d’une technique appelée « analyse des arbres de défaillances » (<em>fault tree analysis</em>, FTA), née dans l’industrie aérospatiale et de plus en plus populaire dans les industries de transformation chimique ; il s’agit d’une technique de modèle logique déductif qui <a href="https://www.researchgate.net/profile/Risza-Rusli/publication/261316596_Preliminary_risk_assessment_for_the_bench-scale_of_biomass_gasification_system/links/5565326c08ae06101abe02ac/Preliminary-risk-assessment-for-the-bench-scale-of-biomass-gasification-system.pdf">génère la liste de combinaisons de défaillances susceptibles de déclencher un accident</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Leveneur a reçu des financements de la Région Normandie, de l'ANR, de la Métropole de Rouen et Campus France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valeria CASSON MORENO ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La valorisation de la biomasse n’est pas sans risque, comme tous les procédés industriels. Comment évaluer les risques d’accident ?Sébastien Leveneur, génie des procédés, INSA Rouen NormandieValeria CASSON MORENO, Associate Professor of Chemical Engineering, University of PisaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166482023-11-12T10:58:35Z2023-11-12T10:58:35ZÉlection présidentielle de Madagascar : comprendre les stratégies et risques pris par les candidats<p>Initialement prévue le 9 novembre 2023, l’élection présidentielle à Madagascar a été <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/madagascar-lelection-presidentielle-est-reportee-dune-semaine-2671181">reportée au 16 novembre</a> à cause d’une blessure qui a handicapé l'un des candidats. Treize candidats sont en lice, dont le président sortant, Andry Rajoelina, qui a dû démissionner conformément aux dispositions de la Constitution.</p>
<p>Onze (mais finalement dix) d'entre eux, regroupés sous le nom de “Collectif des candidats”, contestent le déroulement du processus électoral. Ils exigent la disqualification d'Andry Rajoelina en tant que candidat en raison de sa <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/15/madagascar-le-president-rajoelina-est-bien-francais_6177722_3212.html">nationalité française qui aurait entraîné la perte de sa nationalité malgache</a>. Ils exigent aussi le remaniement (sinon le remplacement) de l'actuelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni), de la Haute cour constitutionnelle (HCC) et du gouvernement collégial dirigé par le Premier ministre Christian Ntsay. Ils sont en effet convaincus que ces institutions sont biaisées et soutiennent officieusement la candidature de Rajoelina. </p>
<p>Enfin et surtout, ils demandent une négociation (une “discussion sur table ronde”, comme ils disent) pour résoudre le conflit et répondre à leurs demandes. Pour le moment, la Fédération des églises chrétiennes (FFKM) et la présidente de l'Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa, essayent d'offrir en vain leur médiation.</p>
<p>Je suis un enseignant-chercheur en science politique. J'ai étudié la politique malgache pendant plusieurs années, en me focalisant sur <a href="https://scholar.google.com/citations?user=RLyAnTAAAAAJ&hl=en">le processus de démocratisation, les conflits et transitions politiques</a>. Je pense que cette élection présidentielle est cruciale pour l'avenir du pays, et il convient d'analyser les stratégies et les risques pris par chacun des candidats.</p>
<h2>Les revendications de l'opposition</h2>
<p>L'analyse des revendications du “Collectif des dix candidats” suggère qu'il est impossible de les satisfaire compte tenu du contexte actuel. D'une part, forcer Andry Rajoelina à participer à une négociation qui pourrait aboutir à sa propre disqualification en tant que candidat est tout à fait inconcevable. D'ailleurs, il a été révélé dernièrement qu'au moins deux autres candidats ont aussi une double nationalité franco-malgache : <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Jean-Jacques-Ratsietison-interpelle-a-ete-libere.html">Jean Jacques Ratsietison</a> et Sendrison Raderanirina.</p>
<p>Deuxièmement, l’actuel gouvernement collégial, la Ceni et la HCC n’accepteront jamais de cautionner une telle négociation, ni de se dissoudre et de céder le pouvoir à un nouveau gouvernement de consensus, à de nouvelles Ceni et HCC rebaptisée <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20130813-madagascar-nouvelle-cour-electorale-speciale-prete-serment">“Cour électorale spéciale” comme en 2013</a>. La satisfaction de ces revendications suppose qu'une nouvelle crise politique grave ou guerre civile survient. Ce qui pourrait justifier une implication de la communauté internationale, en particulier des institutions régionales telles que la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et l’Union africaine, pour faciliter <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">une transition</a> similaire à celle de 2009 à 2013 afin de résoudre le conflit et sortir le pays de la crise politique.</p>
<p>Le Collectif des candidats a entamé ses <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/a-madagascar-l-opposition-a-andry-rajoelina-descend-dans-la-rue-a-un-mois-de-la-presidentielle_6192052_3212.html">manifestations de rue le 2 octobre 2023.</a> Il entend les poursuivre jusqu'à ce que ses revendications soient satisfaites. </p>
<p>Cependant, de leur côté, Andry Rajoelina et deux autres candidats, Siteny Randrianasoloniaiko et Sendrison Raderanirina, ont lancé leur campagne électorale. Bien que les manifestations du Collectif soient généralement pacifiques, dès le début, les autorités locales et nationales ont recouru à des moyens sévères (particulièrement, l’utilisation à outrance des gaz lacrymogènes) et à <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/madagascar-lonu-sinquiete-de-la-repression-de-manifestations-lapproche-des-elections">des arrestations pour les réprimer</a>. </p>
<h2>Une situation volatile</h2>
<p>Dès lors, la question qui se pose à l'heure actuelle est de savoir si l'élection présidentielle aura lieu, comme prévu, au 16 novembre. Jusqu’à maintenant, rien n’est sûr car la situation est très volatile et la tension entre les deux camps risque de dégénérer à tout moment, surtout à l’approche de la date fatidique. Malgré tout, une chose est sûre : le gouvernement en place, la Ceni et la HCC, qui soutiennent dans une certaine mesure leur ancien patron, Andry Rajoelina, sont déterminés à ce que l’élection présidentielle se tienne à la date prévue. Reste à savoir alors s’ils réussiront dans cette entreprise.</p>
<p>Une autre question qui mérite d’être examinée est de savoir si une élection, qui risque de se dérouler dans un contexte de manifestations massives de rue et peut-être de violences, sera considérée comme “libre, équitable et acceptée par tous”. Cela dépendra des évaluations des différents observateurs électoraux et surtout des partenaires financiers dont le pays dépend pour sa survie économique. Plusieurs organisations de la société civile et la <a href="https://midi-madagasikara.mg/sadc-pour-lapaisement-a-madagascar/">SADC ont déjà annoncé leur participation en tant qu'observateurs</a>. </p>
<p>D'autres organisations nationales et internationales sont aussi attendues. De plus, la plupart des partenaires financiers ont contribué aux <a href="https://www.madagascar-tribune.com/Les-premiers-fonds-du-Basket-Fund-arrivent.html">fonds de financement de l’ élection</a>. </p>
<p>Pourtant, cette élection comporte des risques importants aussi bien pour Andry Rajoelina et son équipe que pour les membres du Collectif des candidats. Pour les premiers, s’ils s’entêtent à organiser l’élection dans de telles conditions, sans essayer de diminuer la tension, ils risquent de faire face à un durcissement du mouvement de l’opposition et éventuellement à une guerre fratricide. De plus, même s’ils réussissent à tenir l’élection dans ces conditions, ils pourraient finalement aboutir à des résultats qui ne seront reconnus ni au niveau national, ni à l’échelle internationale. Dans ce cas, le <a href="https://rowman.com/ISBN/9781442272354/The-Political-Crisis-of-March-2009-in-Madagascar-A-Case-Study-of-Conflict-and-Conflict-Mediation">scénario de 2009</a> pourrait encore réapparaitre.</p>
<p>Pour les membres du Collectif des candidats, le risque le plus apparent serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina. </p>
<p>Le Collectif et ses partisans doivent être convaincus de la légitimité de leurs revendications pour risquer leur santé, leur liberté, et même leur vie dans les manifestations de rue. Ils doivent aussi avoir à leur disposition les moyens (matériels, financiers, et autres) nécessaires pour faire face à un gouvernement déterminé à tout faire pour tenir l’élection. </p>
<p>En définitive, les risques sont énormes pour toutes les parties impliquées. Il est important de peser attentivement les actions de chaque camp dans cette situation tendue. La stabilité politique et sociale du pays et son avenir dépendent, en grade partie, de la manière dont ces défis seront relevés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Ratsimbaharison does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Pour l'opposition malgache, le risque serait de perdre l’élection sans y participer, c’est-à-dire que ses membres se seront disqualifiés eux-mêmes au lieu de disqualifier Andry Rajoelina.Adrien Ratsimbaharison, Professor of Political Science, Benedict CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157242023-10-16T17:03:10Z2023-10-16T17:03:10ZFace aux attaques terroristes, comment protéger les enseignants ?<p>Trois ans après la mort de <a href="https://theconversation.com/lettre-aux-enseignants-en-premiere-ligne-pour-defendre-les-valeurs-de-la-republique-148315">Samuel Paty</a>, professeur d’histoire-géographie tué à la sortie de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), l’assassinat ce vendredi 13 octobre 2023 de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/14/attaque-a-arras-la-france-en-urgence-attentat-apres-un-nouvel-assassinat-d-enseignant_6194319_3224.html">Dominique Bernard, professeur de français de la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras</a> ouvre à nouveau la question des protections à assurer dans les établissements scolaires, en particulier pour les professeurs qui peuvent subir des agressions venant de l’extérieur mais doivent aussi faire face à des mises en cause inadmissibles en interne, en particulier pour ce qui concerne les enseignements en EPS, SVT ou histoire.</p>
<p>Peut-on vraiment « sanctuariser » les établissements et les enseignements ? Un certain nombre d’annonces qui ont été faites dans le passé apparaissent difficilement applicables ou laissent dans l’ombre certains aspects du problème pourtant bien réels.</p>
<h2>L’expérimentation des portiques à l’entrée des établissements</h2>
<p>Pour sécuriser l’entrée des établissements scolaires, on songe immédiatement aux annonces concernant la mise en place de portiques, évoquée depuis une quinzaine d’années. En mai 2009, en visite au collège de Fenouillet en Haute-Garonne où une enseignante avait été poignardée par un élève de cinquième après son refus de lui retirer une punition, le ministre de l’Éducation Xavier Darcos avait ainsi déclaré <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/15/des-portiques-de-detection-de-metaux-pourraient-etre-mis-en-place-a-l-entree-des-ecoles_1193777_3224.html">envisager l’installation de dispositifs de détection de métaux</a> devant certains établissements.</p>
<p>Un mois plus tôt, à la suite de <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/une-bande-armee-seme-la-panique-au-sein-d-un-lycee-11-03-2009-438054.php">l’intrusion d’une bande armée dans un lycée professionnel de Gagny en Seine-Saint-Denis</a> se soldant par une dizaine de blessés, Xavier Darcos s’était déjà prononcé pour l’implantation de caméras de surveillance dans les collèges et lycées. Cependant, ces nouveaux dispositifs sont à la charge des départements et des régions, et peu d’entre eux s’engagent alors dans cette voie.</p>
<p>À la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, lors de la campagne des élections régionales, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, futurs présidents des régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/portiques-de-securite-dans-les-lycees-une-heure-pour-faire-rentrer-1-000-eleves-2350348">avaient demandé l’installation de portiques de sécurité à l’entrée de tous les lycées</a>. Le plus engagé dans cette voie était Laurent Wauquiez qui avait annoncé que sa région doterait ses 320 lycées de portiques tels qu’on peut en trouver dans les aéroports, afin de contrer le « terrorisme, l’intrusion d’armes à feu et le trafic de drogues ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Expérimentation des portiques à l’entrée des établissements, retour au lycée Albert Londres de Cusset (journal <em>La Montagne</em>, 2016).</span></figcaption>
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<p>Le nouveau président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes avait décidé d’expérimenter cette mesure dans quinze établissements pilotes. Mais six mois après l’annonce, la région a dû faire marche arrière et a opté pour de simples tourniquets avec badge. Les conseils d’administration des établissements concernés ne se sont en effet pas prononcés pour les portiques mais plutôt pour des remises aux normes des clôtures, des réparations des grillages ou des caméras de surveillance. En mars 2017, alors que la fusillade dans un lycée de Grasse relance le débat, sur France Inter, Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire des chefs d’établissement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WidnQLHCJuQ">rappelle les écueils logistiques à ce type de dispositifs</a> :</p>
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<p>« Le calcul a été fait par nos collègues, notamment dans la région Auvergne-Rhône-Alpes où le projet a existé. Pour un lycée d’un millier d’élèves, il fallait qu’ils arrivent une heure en avance pour passer les contrôles de sécurité alors qu’on lutte déjà pour que les élèves arrivent à l’heure normale. Ce n’est techniquement pas sérieux. »</p>
</blockquote>
<p>Mais Philippe Tournier revendique non moins nettement que les établissements scolaires soient dotés d’agents de sécurité : « cela existe dans les hôpitaux, dans les centres commerciaux, dans les mairies et même au ministère de l’Éducation nationale mais toujours pas dans les établissements scolaires. Nous ne demandons pas des gardes armés devant les établissements. Ce n’est absolument pas notre demande. Mais on dit que la sécurité est un métier ». Des équipes mobiles de sécurité sont alors chargées de lutter contre la violence scolaire mais elles ne représentent que 500 personnes pour 60 000 établissements. Le ministre de l’Éducation nationale. En octobre 2023, Gabiel Attal vient d’annoncer <a href="https://www.bfmtv.com/politique/attaque-au-couteau-a-arras-gabriel-attal-annonce-le-deploiement-de-pres-de-1000-personnels-de-prevention-et-de-securite-du-ministere-dans-les-ecoles-et-etablissements-scolaires_VN-202310130948.html">« le déploiement de 1 000 personnels de sécurité »</a> dans les établissements scolaires.</p>
<h2>Les signaux d’alerte au sein des collèges et lycées</h2>
<p>Les menaces qui pèsent sur les enseignants ne sont pas seulement extérieures, les mises en cause peuvent tout à fait venir de l’intérieur des établissements scolaires. Et, de ce point de vue, on doit prendre en compte le constat déjà alarmant dressé il y a une vingtaine d’années par l’inspecteur général Jean-Pierre Obin.</p>
<p>En juin 2004, ce rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, rédigé donc par Jean-Pierre Obin à l’issue d’inspections menées dans une soixantaine d’établissements scolaires dits « sensibles », est remis au ministre de l’Éducation nationale François Fillon. Son intitulé : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Obin"><em>Les signes et manifestations d’appartenances religieuses dans les établissements scolaires</em></a>. La question du port du voile y est présentée dans ce rapport comme « l’arbre qui cache la forêt » des détériorations de la vie scolaire et des contestations de certains enseignements, notamment en éducation physique et sportive, en sciences de la vie et de la Terre et en histoire. À l’évidence, ce qui est le plus alarmant était laissé dans l’ombre alors qu’on se focalise généralement sur des « signes extérieurs » tels que le port du voile.</p>
<p>Le rapport n’est pas rendu public par le ministère. Et pour cause : le ministre de l’Éducation nationale François Fillon ne rompt pas avec la tentation de mettre en avant ce qui est le plus visible. Il revendique ostensiblement d’avoir été moteur dans l’interdiction du port du voile par les élèves dans les établissements scolaires tout en se prononçant pour l’extension de cette interdiction à l’université. Près d’un an plus tard, en mars 2005, peu après sa publication sur le site de la Ligue de l’enseignement, le rapport est discrètement placé sur le site du ministère, sans qu’aucune autre initiative ne soit prise par le ministre François Fillon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/signes-religieux-a-lecole-une-longue-histoire-deja-212646">Signes religieux à l’école : une longue histoire déjà</a>
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<p>Les contestations des enseignements pointées par le rapport « Obin » n’ont pas cessé depuis, tant s’en faut. C’est ce qui explique sans doute qu’une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/DLR5L15N40765">proposition de loi</a>« visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’Éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs » a été déposée fin octobre 2020. Elle tient en un article unique : insérer après le deuxième alinéa de <a href="https://www.doctrine.fr/l/texts/codes/LEGITEXT000006070719/articles/LEGIARTI000006417223">l’article 131-1 du code pénal</a>, un nouvel alinéa disant que</p>
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<p>« Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l’exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale, déterminés par le Conseil supérieur des programmes, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »</p>
</blockquote>
<p>Cette proposition a été faite par le <a href="https://www.cafepedagogique.net/2023/01/03/une-loi-de-defense-laique-face-aux-mises-en-cause-de-reconquete/">sénateur de l’Oise, Olivier Paccaud</a>, professeur agrégé d’histoire-géographie, en compagnie d’une cinquantaine de sénateurs appartenant pour la plupart au groupe Les Républicains. Elle n’a pas abouti.</p>
<p>Elle avait pourtant eu un précédent il y a déjà plus d’un siècle. Fin janvier 1914, la Chambre des députés avait en effet voté u <a href="https://theconversation.com/debat-la-defense-des-enseignements-la-ques-oubliee-du-projet-de-loi-sur-les-principes-republicains-150574">ne série de dispositions afin d’« assurer la défense de l’école laïque »</a>. Il était acté que quiconque exerçant sur les parents une pression matérielle ou morale, les aurait déterminés à retirer leur enfant de l’école ou à empêcher celui-ci de participer aux exercices réglementaires de l’école, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un mois et d’une amende de seize francs à deux cents francs or. Enfin, quiconque aurait entravé ou tenté d’entraver le fonctionnement régulier d’une école publique sera frappé des mêmes peines, lesquelles seront sensiblement aggravées s’il y a eu violence, injures ou menaces.</p>
<p>Il avait fallu cinq ans pour que la loi de 1914 soit votée. De 1910 à 1913, de nombreux projets de « défense laïque » s’étaient succédé mais n’étaient pas allés jusqu’au bout. La III<sup>e</sup> République avait elle aussi connu des tergiversations avant le passage à l’acte…</p>
<p>Il ne saurait pourtant être question d’occulter que certaines mises en cause effectives de certains enseignements ne sauraient être tolérées, même si cela arrive moins souvent que certains le pensent. Mais cela existe, et ce qui est intolérable ne doit pas être toléré. Cela appelle la possibilité de mesures coercitives effectives, afin notamment que ceux qui font front se sentent effectivement soutenus lorsque la limite est dépassée. Cela appelle une « défense laïque » renouvelée des enseignements et des enseignants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Trois ans après la mort de Samuel Paty, l’assassinat de Dominique Bernard, professeur de français à Arras, relance le débat sur les portiques de sécurité et protections des établissements scolaires.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087072023-10-12T17:22:43Z2023-10-12T17:22:43ZMoi, M. Martin, je vous raconte ma vie de super riche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552070/original/file-20231004-19-5ee4u9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C2038%2C1324&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bernard Arnault, plus grosse fortune française prononce un discours devant les élèves de Polytechnique en 2017. Pour beaucoup, il incarne l'idéal-type du très très riche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bernard_Arnault_%285%29_-_2017.jpg">Jérémy Barande / Ecole polytechnique Université Paris-Saclay/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Si je me permets de prendre la plume dans The Conversation aujourd’hui, c’est que je trouve qu’on ne nous donne pas assez la parole. Nous ? Les riches. Bien sûr, on montre la richesse, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Mais si l’on réfléchit bien, on nous entend peu. Il faut dire que beaucoup de mes congénères préfèrent se cacher. Ce n’est pas mon cas. Laissez-moi vous raconter ce que c’est que d’être riche et, passez-moi l’expression, ce que l’on nous offre…</p>
<p>Commençons par le commencement. Vous savez ce que c’est qu’un riche, vous ? Bien entendu, vous en avez une idée, tout le monde en a une. Généralement, ce n’est pas soi-même. Tout le monde ? Pas tout à fait, si l’on réfléchit bien. L’État, par exemple, se garde bien trop de définir explicitement ce qu’est un riche. Il existe un seuil officiel de pauvreté mais pas de <a href="https://www.inegalites.fr/Comment-mesure-t-on-la-pauvrete-en-France">seuil de richesse</a>.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas que l’on manque de manières de la définir ! La plus évidente consiste à regarder du côté de ce que l’on possède. Un riche possède un patrimoine élevé, financier et/ou immobilier. Pour vous permettre de vous situer, en France, en 2017, 10 % seulement des ménages ont un patrimoine net supérieur à 549 600 euros, 5 % à 794 800 euros et 1 % à 1 745 800 euros. J’ai la chance – même si je n’aime pas trop ce terme – de compter parmi ces derniers.</p>
<p>On peut aussi regarder du côté des revenus. Un riche touche beaucoup d’argent régulièrement. Pour être parmi les 10 % les mieux payés, il faut gagner plus de 3 261 euros net, 4 090 euros pour être parmi les 5 % et 6 651 pour compter parmi les 1 % (dont je fais partie, mais vous l’aviez sans doute deviné à ce stade).</p>
<p>Il existe des définitions plus subtiles. Par exemple, on peut penser qu’être riche, c’est ne pas avoir besoin de travailler pour vivre, parce que l’on peut vivre de ses rentes. Il faudrait pour cela posséder un <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">patrimoine financier de 1,4 million d’euros</a>. C’est aussi mon cas au passage.</p>
<h2>Les définitions implicites de la richesse</h2>
<p>On pourrait convoquer d’autres définitions de la richesse, qui ne manquent pas. Mais je voudrais évoquer celles que j’aime qualifier de « définitions implicites » de la richesse. De quoi s’agit-il ? De celles de l’administration, fiscale en l’occurrence, qui établit, sans trop le crier sur les toits, des seuils de richesse.</p>
<p>Prenons l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), que je connais bien. L’État estime qu’à partir d’un certain niveau de patrimoine immobilier (en l’occurrence, 1,3 million d’euros, après abattements), on doit être assujetti à un impôt spécifique. C’est bien qu’on est jugé (trop ?) riche à partir de ce seuil ! Mais on peut également citer le plafonnement des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-si-difficile-de-reformer-les-niches-fiscales-191801">niches fiscales</a>, c’est bien qu’au-delà d’un certain niveau de revenu, on est trop riches pour en bénéficier davantage.</p>
<p>Certes, ce plafonnement n’est contraignant en théorie que pour les célibataires touchant plus de 4 470 euros par mois (ou pour les couples avec deux enfants ayant plus de 13 400 euros de revenus). Mais là encore, l’État reconnaît qu’au-delà d’une certaine limite, on est trop riches pour bénéficier de ristournes fiscales.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie--9782707146823-page-8.htm">Les définitions de la richesse</a> ne manquent donc pas mais sans définition officielle, les riches sont statistiquement et institutionnellement invisibilisés. On compte les pauvres – mais pas les riches. Je ne suis pas naïf et je sais bien que cette invisibilisation a des effets sociaux : en ne nous comptons pas, on complique nécessairement la mise en place de politiques publiques spécifiques à l’égard des riches. Grand bien m’en fasse.</p>
<h2>Sécurité fiscale vs Sécurité sociale</h2>
<p>Accumuler, c’est bien. Gagner de plus en plus, chaque année, c’est très satisfaisant, je ne vous le cache pas. Mais sécuriser sa richesse, c’est encore mieux. Car si j’espère évidemment accroître ma fortune, ce que je souhaite par-dessus tout, c’est la maintenir. Et l’État, c’est formidable, nous y aide. Je vais vous parler franchement : le « fisc », comme on dit, est un fidèle allié. J’ai d’ailleurs trouvé un nom pour ça : la « Sécurité fiscale ». C’est un peu comme la Sécurité sociale, mais pour les riches.</p>
<p>Laissez-moi vous donner quelques exemples pour montrer que les règles fiscales en vigueur dans notre pays, loin de nous faire fuir, nous permettent d’y passer des jours paisibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation du 10 décembre contre le projet de « réforme » des retraites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49199944323">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Commençons par l’<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N20074">impôt sur la fortune immobilière</a> (IFI), dont je vous ai déjà parlé. Ma modeste fortune s’élève à 4,3 millions d’euros, dont 2,3 millions en immobilier. Je vous passe les calculs, mais mon IFI s’élève à environ 450 euros mensuels, soit 3 % de mes revenus. Très honnêtement, ce n’est pas la mer à boire.</p>
<h2>Le fisc cet allié</h2>
<p>Mais laissez-moi vous raconter le plus drôle… Savez-vous qui détermine le montant de mon patrimoine immobilier ? Le fisc à l’aide des statistiques très précises qu’il possède sur les ventes ? Une intelligence artificielle qui s’appuierait sur le prix des annonces immobilières ? Des inspecteurs des impôts qui se déplaceraient sur place ? Que nenni : c’est moi ! Oui, c’est moi qui détermine le montant de la fortune sur laquelle je vais être taxé : il s’agit d’un <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-declarer-limpot-sur-la-fortune-immobiliere-ifi">impôt déclaratif</a>…</p>
<p>Pour tout vous dire, il n’est pas impossible que je l’estime à la baisse. Nos gouvernants ont moins de pudeur avec les bénéficiaires du RSA, comme le montrent les discussions actuelles sur l’éventuelle réforme de cette prestation pour aller vers plus de contrôle.</p>
<p>Il faut également compter sur le <a href="https://www.economie.gouv.fr/particuliers/prelevement-forfaitaire-unique-pfu">Prélèvement forfaitaire unique</a> (PFU), mis en place en 2018 pour éviter que les revenus du capital ne soient trop taxés (à un taux qui peut être inférieur, pour une raison qui m’échappe moi-même, à ceux appliqués aux revenus du travail). Je peux également évoquer la faiblesse relative des taux supérieurs de l’impôt sur le revenu. Le taux supérieur est en effet actuellement de 45 % (au-delà de 168 994 euros de revenus sur une année). Je ne vais pas me plaindre : il était systématiquement entre 60 % et 70 % pendant les Trente Glorieuses.</p>
<p>Vraiment, croyez-moi, la fiscalité française n’a vraiment rien de confiscatoire pour les riches. J’ai l’impression qu’on fait tout pour qu’elle nous soit douce. Vive la Sécurité fiscale !</p>
<h2>Sécuriser le consentement à l’impôt</h2>
<p>Mais l’État va plus loin dans sa louable ambition de sécuriser la richesse. Non seulement je peux difficilement dire que je suis étranglé par les impôts, mais je peux en partie présider leur destinée, grâce aux fameuses niches fiscales. C’est la manière qu’a l’État, sans doute, de sécuriser mon consentement à l’impôt.</p>
<p>Le cas le plus emblématique est sans doute celui des salariés à domicile, dont l’État prend en charge le coût, dans une certaine limite. Comme j’emploie une femme de ménage, mes impôts sont réduits d’un peu plus de 5 000 euros (soit à peu près le montant de mon IFI !). Une partie des impôts que je suis censé payer me profite directement. Et les dons aux partis politiques, vous connaissez ? Chaque don à un parti politique ouvre droit à une réduction d’impôt de 66 % de son montant, dans une certaine limite. Mais cette réduction d’impôt ne s’applique que si… on est imposable à l’impôt sur le revenu. Cela signifie que quand je fais un don à mon parti politique préféré (peut-être aurez-vous deviné lequel), on m’en rembourse les deux tiers – alors que mon concierge, pas assez payé pour être imposable comme <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/impots-fiscalite/impots/cinq-chiffres-etonnants-sur-les-impots-des-francais-21d85be6-1f6b-11ec-a4db-d0e3da9e796f">près de la moitié des ménages en France</a>, y est entièrement de sa poche quand il effectue un versement à son parti (qui n’est pas le même que le mien, comme vous pouvez l’imaginer).</p>
<p>Non content de m’épauler ainsi dans le maintien de ma richesse, l’État m’aide à la transmettre. Je ne sais pourquoi les Français détestent à ce point les droits de succession. Franchement, je suis bien placé pour savoir que même quand on est riches, ce n’est pas grand-chose. Non seulement les <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-dois-je-calculer-les-droits-de-succession">taux d’imposition</a> en ligne directe sont faibles, mais il existe des abattements. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur les 4,3 millions de patrimoine que nous possédons avec mon épouse, nos deux enfants ne devraient s’acquitter, à notre mort, que de 15 % de la somme. Il leur restera de quoi voir venir.</p>
<h2>Les riches, des assistés ?</h2>
<p>Voila ce que c’est que d’être riche. Il me reste qu’à remercier tous les acteurs qui m’assistent dans la gestion de ma richesse : les gestionnaires de fortune, les notaires et les avocats fiscalistes, capables de trésor d’ingéniosité pour m’aider à payer le moins d’impôts possibles. Comme me l’a dit un jour dans un grand éclat de rire l’un d’entre eux :</p>
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<p>« Vous savez M. Martin, certains sont plus égaux que d’autres face au droit fiscal ! »</p>
</blockquote>
<p>Et bien entendu, l’État lui-même, qui me semble tout faire pour m’aider à maintenir mon rang. Si vous saviez comment l’administration fiscale me reçoit… Alexis Spire, dans son ouvrage <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/faibles-et-puissants-face-a-limpot/"><em>Faibles et puissants face à l’impôt</em></a>, publié en 2012, le raconte très bien. L’administration fiscale sait me faire sentir que je ne suis pas un contribuable comme les autres et, bien souvent, on trouve le moyen de s’arranger.</p>
<p>De vous à moi, en mon for intérieur, je me surprends à penser que les vrais assistés ne sont pas les récipiendaires du RSA comme le gouvernement aime à les pointer, mais bien nous, les (très) riches ! Et si, le coût de la richesse – car elle a un coût, vous l’avez compris maintenant – était supérieur au coût de la pauvreté pour le bien commun ?</p>
<p>Alors, de quoi M. Martin est-il le nom ?</p>
<p><em>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui. M. Martin est un riche imaginaire, à la fois une construction et une réalité. M. Martin n’est pas une personne, mais il n’est pas rien. Il est le nom d’une réalité statistique : l’idéal-type financier et fiscal d’un très riche (1 % des plus riches en France).</em></p>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié en partenariat avec la <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">revue Terrain</a> et son numéro 78 <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24889">« Capitalisme sauvage »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui.Arthur Jatteau, Maître de conférences en économie et en sociologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149862023-10-11T10:49:35Z2023-10-11T10:49:35ZSécuriser les grands événements sportifs : que faut-il attendre des outils technologiques ?<p>Être responsable de la <a href="https://theconversation.com/topics/securite-22959">sécurité</a> de grands <a href="https://theconversation.com/topics/sport-20624">événements sportifs</a> semble une tâche ingrate. Les ratés sont retentissants, alors que l’invisibilité de la sécurisation est la marque du succès. Par ailleurs, une certaine humilité s’impose, les menaces étant plurielles : affrontements entre supporters, attentats, intrusions en tribune, mouvements de foule, délinquance d’appropriation… Les mesures prises contre un risque peuvent de surcroît en amplifier d’autres. Le <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Dans-les-archives-de-Match-Sheffield-l-agonie-sur-le-stade-956278">drame d’Hillsborough</a>, le 15 avril 1989, lors duquel des supporters ont perdu la vie écrasés contre les barrières anti-envahissement de terrain, est tristement resté dans les mémoires.</p>
<p>Quelques jours avant le début de la <a href="https://theconversation.com/topics/coupe-du-monde-de-rugby-a-xv-140889">Coupe du monde de rugby</a> 2023, le gouvernement français affichait sa <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20230906-s%C3%A9curit%C3%A9-du-mondial-de-rugby-ne-pas-se-louper-%C3%A0-moins-d-un-an-des-jo">confiance</a>, assurant avoir tiré les leçons de la <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/ligue-des-champions/ligue-des-champions-l-uefa-accable-la-police-francaise-apres-la-finale-liverpool-real-madrid-au-stade-de-france-20230213">finale chaotique</a> de Ligue des champions 2022, avec les <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-olympiques-2024-144556">Jeux olympiques et paralympiques</a> 2024 en ligne de mire. Plusieurs évolutions attestent une prise de conscience des erreurs commises : anticipation du recrutement d’agents de sécurité, révision des voies d’acheminement vers le Stade de France, billetterie intégralement électronique, intensification de la lutte contre la délinquance en amont des événements puis le jour J via un recours accru aux effectifs de sécurité publique.</p>
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<p>Des problèmes faisant écho aux incidents de Saint-Denis sont néanmoins apparus à Bordeaux et Marseille au deuxième jour de la compétition. Ni violence ni délinquance, mais une <a href="https://www.liberation.fr/sports/rugby/coupe-du-monde-de-rugby-des-supporteurs-anglais-bloques-et-des-joueurs-liberes-20230909_XZPQ43L2PJCXLOBFTGA5TXUDNU/">absence de fluidité</a> dans l’acheminement des spectateurs vers les stades, puis en tribune : panne de transports en commun, rames insuffisantes, arrivées tardives et concentrées sur certaines portes d’accès, signalétique approximative, lenteur des contrôles de sécurité, inexpérience de stadiers parfois non qualifiés, scanners défectueux… Les dizaines de milliers de fans irlandais et anglais concernés n’ont pas manqué de fustiger à nouveau <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/rugby/coupe-du-monde/coupe-du-monde-de-rugby-organisation-epouvantable-regrette-un-journaliste-irlandais-apres-le-premier-couac-20230909">« l’organisation à la française »</a>. Des <a href="https://www.theguardian.com/sport/2023/sep/09/queueing-chaos-sees-hundreds-of-fans-miss-start-of-england-v-argentina">peurs relatives à de potentiels mouvements de foule</a> ont été exprimées. L’allègement des procédures de sécurité et l’ouverture de voies d’accès initialement fermées ont finalement <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/rugby/coupe-du-monde/angleterre-argentine-l-acces-au-velodrome-perturbe-des-tribunes-clairsemees-au-coup-d-envoi-20230909">accéléré l’admission des spectateurs.</a></p>
<h2>Jeux d’acteurs</h2>
<p>Ces situations rappellent que, pour accueillir convenablement des dizaines de milliers de personnes en une à deux heures, le nombre de policiers déployés ou le passage à une billetterie dématérialisée importent moins que la coopération entre acteurs (opérateurs de transport, agences privées de sécurité, forces de l’ordre, collectivités locales, exploitants de stades, bénévoles, etc.). Une connaissance fine des habitudes du public (comme l’arrivée généralement tardive des fans britanniques au stade) rend aussi plus à même d’anticiper les <a href="https://www.lequipe.fr/Rugby/Article/Galere-d-acces-aux-stades-les-raisons-d-un-couac-dans-l-organisation-du-mondial/1419098">conséquences opérationnelles liées aux pics d’affluence</a>. C’est ce que nous observons, avec nos lunettes de sociologue, dans le cadre de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2021-3-page-451.htm">travaux de recherche</a>.</p>
<p>Deux évolutions majeures apparues depuis la finale de Ligue des champions méritent une attention particulière. La première est la création d’une nouvelle entité interministérielle, le <a href="https://www.interieur.gouv.fr/actualites/grands-dossiers/jeux-olympiques-et-paralympiques-de-paris-2024/j-500-avant-jo-2024">Centre national de commandement stratégique</a> (CNCS), censée améliorer la coordination en situation de crise. Elle permet le monitoring collectif des événements sportifs, sous l’égide du ministère de l’Intérieur : les informations de terrain sont partagées et analysées pour procéder, le cas échéant, à des ajustements du dispositif sécuritaire et de la communication. A priori, c’est une réponse pertinente aux manquements à l’origine du chaos au Stade de France identifiés dans un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-776/r21-776.html">rapport sénatorial</a> : hypercentralité du commandement de la police, communication partielle des informations, manque de complémentarité des actions, pluralité des postes de commandement à l’origine de flottements…</p>
<p>Il convient cependant de ne pas sous-estimer l’importance du <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/13/violences-au-stade-de-france-planification-ratee-modele-de-police-inapproprie-un-rapport-sans-concession-sur-le-fiasco-de-la-finale-liverpool-madrid_6161670_3224.html">dialogue</a> en amont de l’événement, lorsque sont prises les décisions fondatrices en termes de gestion des flux de spectateurs. Or, la composition du CNCS montre que les tensions apparues pendant l’organisation de la finale de Ligue des champions 2022 perdurent : la Ville de Paris, en conflit avec la Préfecture de Police de Paris, n’y figure pas. Enfin, les attributions du CNCS et de la cellule interministérielle de crise (qui lui préexiste) semblent redondantes (diagnostic, communication, anticipation et décision), ce qui est susceptible de nuire à la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-07/20230720-JOP-Paris-2024-complementaire.pdf">lisibilité de la gestion de crise</a>.</p>
<h2>L’économie de la promesse en marche</h2>
<p>L’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) constitue un virage plus radical. Elle semble porteuse de promesses : détection informatique de comportements classés comme anormaux dans l’espace public, traitement automatisé d’<a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-plan-de-videoprotection-de-la-prefecture-de-police-de-paris">informations massives saturant la vidéosurveillance classique</a>…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1700213935536824373"}"></div></p>
<p>La finale chaotique de 2022 a entraîné une <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/03/23/jo-2024-les-deputes-autorisent-la-videosurveillance-algorithmique-avant-pendant-et-apres-les-jeux_6166681_3242.html">accélération législative</a> conduisant à en faire usage à titre expérimental jusqu’au printemps 2025 lors d’événements sportifs, culturels et récréatifs. L’occasion a été saisie pour rendre acceptables, voire incontournables, ces <a href="https://www.laquadrature.net/2023/03/23/la-france-premier-pays-deurope-a-legaliser-la-surveillance-biometrique/">dispositifs de surveillance illégaux dans les autres pays de l’UE</a>.</p>
<p>Peu de sénateurs et députés s’y sont opposés, peut-être par <a href="https://www.laquadrature.net/2023/03/16/jo-securitaires-le-podium-des-incompetents/">manque de compréhension technique</a> mais aussi parce que plusieurs <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/lois/missions-d-information-de-la-commission-des-lois/mi-images-de-securite-lutte-contre-l-insecurite">missions</a> et <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-627/r21-6271.pdf">rapports parlementaires</a> ont préparé les esprits, ne laissant guère de place à la contradiction. Ils présentent la VSA comme un point de passage obligé. De puissantes <a href="https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net/blog/050423/videosurveillance-biometrique-derriere-l-adoption-du-texte-la-victoire-d-un-lobby">actions de lobbying</a> ont par ailleurs été entreprises d’après la Quadrature du net, association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet.</p>
<p>Cet emballement stimulé par des <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2023-1-page-46.htm">opportunités de marché</a> (a priori <a href="https://www.laquadrature.net/2023/07/11/en-visite-aux-nuits-de-lan2v-le-lobby-de-la-videosurveillance/">réservées aux entreprises françaises et européennes</a>) correspond au schéma de l’<a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/670995/progres-technique-l-economie-de-la-promesse">« économie de la promesse »</a>. Les discours sur les apports à venir de ces solutions techniques façonnent le présent et justifient des soutiens pour innover, développer puis affiner les solutions : hausse considérable du budget sécurité des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, fléchage de fonds publics, mise à l’agenda de la recherche…</p>
<p>Or, s’il peut être utile, via la VSA, de constater la formation d’une foule compacte, les moyens humains déployés sur le terrain (bénévoles, forces de l’ordre, agents de sécurité…) en sont non moins capables. Surtout, cela ne fournit pas la capacité de réagir adéquatement, qui dépend ici encore des échanges entre acteurs. Dans l’urgence, ceux-ci tendent du reste à <a href="https://www.linkedin.com/pulse/vid%C3%A9osurveillance-nous-marchions-les-yeux-band%C3%A9s-allons-gormand?trk=public_profile_article_view">préférer les retours radio du terrain aux images de vidéosurveillance</a>.</p>
<p>L’accueil de grands événements sportifs constitue souvent une fenêtre d’opportunité préalable à l’extension de ces technologies de surveillance vers d’autres domaines. L’héritage des JOP sera vraisemblablement lesté de ce <a href="https://theconversation.com/la-videosurveillance-automatisee-deja-gagnante-de-la-coupe-du-monde-de-rugby-en-france-212807">lourd legs sécuritaire</a> démultipliant la surveillance, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-video-surveillance-algorithmique-un-passage-a-une-autre-echelle-qui-change-la-nature-de-la-surveillance-1228189">normalisant l’usage légitime de l’espace public</a> et déléguant en partie à des machines, fonctionnant sur la base d’algorithmes opaques et apprenants, le repérage des comportements déviants.</p>
<p>La VSA, qui devait initialement être testée lors de la Coupe du monde de rugby, ne sera probablement pas suffisamment au point dans 9 mois pour contribuer réellement à la sécurisation des JOP. Une des caractéristiques des promesses techno-scientifiques est la mise en avant de délais exagérément optimistes quant à leur éventuelle concrétisation, comme cela a pu être démontré à propos de l’<a href="https://pum.umontreal.ca/catalogue/attentes_et_promesses_technoscientifiques">intelligence artificielle</a> ou de la <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo21/Reconnaissance%20faciale.pdf">reconnaissance faciale</a>. On a aussi tendance à croire que les dispositifs créés seront rapidement opérationnels, puis appropriés sans délai à travers des usages conformes à ceux projetés. Or il faut du temps et des ajustements pour imbriquer des nouveautés dans des habitudes et des collectifs de travail.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>S’en remettre à la vidéosurveillance algorithmique ne doit pas pousser à négliger l’essentiel : sécuriser un événement sportif requiert avant tout une coopération serrée entre de multiples acteurs.Bastien Soulé, Professeur des Universités en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), Université Claude Bernard Lyon 1Ludovic Lestrelin, Maître de conférences en STAPS, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132992023-10-03T16:32:44Z2023-10-03T16:32:44ZL’art explosif d’Hamad Butt, étoile filante de l’art britannique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551733/original/file-20231003-21-kh2s3d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C776%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cradle, une œuvre qui attire l'attention sur un danger contenu mais bien réel. </span> <span class="attribution"><span class="source">Hamad Butt</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://hamadbutt.co.uk">Hamad Butt</a>, artiste méconnu en France, est mort du sida en 1994, à l’âge de 32 ans. Diplômé de l’université Goldsmith à Londres en 1990 et condisciple notamment du célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Hirst">Damien Hirst</a>, il aura donc été une étoile filante dans le monde des plasticiens britanniques. Le <em>Guardian</em> lui a consacré un long article en <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2023/jun/12/hamad-butt-lethal-tate-rehang-evacuation">juin 2023</a>, à l’occasion de l’entrée de ses œuvres à la Tate Britain. C’est ainsi que je l’ai découvert.</p>
<p>L’historien d’art <a href="https://www.qmul.ac.uk/sed/staff/johnsond.html">Dominic Johnson</a>, professeur à la Queen Mary University de Londres, dont les recherches portent sur l’art de la performance et l’art vivant, généralement dans une perspective queer, va développer en 2024 à l’University of Southern California (Los Angeles), un <a href="https://fulbright.org.uk/people-search/dominic-johnson/">travail de recherche</a> annoncé comme :</p>
<blockquote>
<p>« la première étude scientifique de l’œuvre de cet artiste britannique originaire d’Asie du Sud dans le contexte de la relation entre l’art et le sida ».</p>
</blockquote>
<p>En attendant cette somme, j’ai eu envie de me pencher, en physicien, sur une seule pièce de Hamad Butt, intitulée <em>Cradle</em> (<em>Berceau</em>).</p>
<p>Je n’ai pas encore vu l’œuvre in situ mais sur les photos, on ressent déjà sa force, sa puissance plastique, avec cette immobilité qui appelle un mouvement, et cette idée de mouvement suspendu. L’objet peut sembler mystérieux au premier abord, surtout si on n’est pas familier du pendule de Newton, ni conscient de ce que représente le danger du gaz de chlore. Car l’œuvre s’impose, sous des dehors neutres et inoffensifs, par la présence réelle du danger, à la fois invisible et sensible.</p>
<p>Les boules de verre soufflé contiennent en effet du vrai gaz de chlore. Un très beau jaune… mortel si la dose respirée est trop importante. Ce produit toxique est un puissant irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Autrement dit, cette œuvre est effectivement dangereuse. Bien sûr, des mesures de sécurité draconiennes en font un danger qui reste potentiel, mais il est là et vous regarde dans les yeux. Cette œuvre expose le public, et c’est, à ma connaissance, unique.</p>
<h2>Un pendule de Newton, du chlore, du verre soufflé</h2>
<p>Hamad Butt installe sous nos yeux les principes de la physique et de la chimie. Pour la physique, il détourne le pendule de Newton : les cinq boules d’acier (ici en verre), par leur mouvement et leurs chocs, matérialisent deux lois de conservation fondamentales : celle de l’énergie mécanique et celle de la quantité de mouvement.</p>
<p>Une fois les boules lancées, leur comportement est spectaculaire.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Un pendule de Newton.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’artiste fait ainsi une allusion très directe au fait que la connaissance scientifique et la maîtrise technologique nous ont ouvert le contrôle et le développement du mouvement mécanisé, et surtout de la vitesse. Mais justement : le « pendule de Newton » de Hamad Butt ne bouge pas – « cradle » est peut-être une allusion ironique à ce mouvement de balancier en suspens. Il ne doit pas bouger pour des raisons de sécurité. Il évoque irrésistiblement le mouvement, mais le mettre en mouvement serait dangereux !</p>
<p>La physique et la chimie apparaissent ici dans toutes leurs dimensions : l’œuvre évoque un dispositif de recherche sorti d’un laboratoire, mais souligne dans le même temps combien l’alliance entre la science, la technologie et l’industrie ont été les éléments clés du développement au XX<sup>e</sup> siècle – son berceau. Dans cette perspective, l’œuvre de Hamad Butt est d’une grande force : par ses composants, par sa structure, elle nous rappelle comment cette société a déployé la science et la technologie à une échelle planétaire, tout en affirmant sa capacité à nous prémunir contre la plupart des dangers et des risques induits par ce développement sans précédent, sans que nous ayons à nous en préoccuper au quotidien.</p>
<p>L’irruption du VIH/sida et l’hécatombe qui en a résulté a largement pris à revers cette conviction, bien au-delà des dernières années de la vie de Hamad Butt.</p>
<h2>Le chlore, gaz dangereux et omniprésent</h2>
<p>Le chlore est un élément chimique extrêmement abondant. Le sel de mer, par exemple, est composé à parité sodium et chlore. L’eau de javel est une des mises en forme les plus connues du chlore. La manipulation du chlore, notamment industrielle, est donc très courante, mais elle reste dangereuse. En juin 2022, dans le port d’Aqaba en Jordanie, un accident a fait 13 morts et plus de 250 blessés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une fuite de chlore cause la mort de 13 personnes dans le port jordanien d’Aqaba.</span></figcaption>
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<p>Lors du chargement par une grue portuaire, la rupture du câble a précipité un lourd container de chlore directement sur le pont du bateau. Le nuage jaune très dense qui s’est répandu instantanément ne laissait aucun doute. Il y a là un parallèle saisissant avec <em>Cradle</em>, l’œuvre de Hamad Butt. La grue, les câbles de suspension et la citerne de chlore sont intégrés dans son installation. L’œuvre qui précède cet accident d’un quart de siècle est pratiquement la miniature du dispositif portuaire. Vraiment saisissant !</p>
<h2>Des usages massifs au prix d’accidents à répétition</h2>
<p>Cette mise en situation du risque, à travers le danger que représente le chlore gazeux, a été prise en charge par la collaboration avec les chimistes de l’Imperial Collège à Londres, et avec un technicien spécialiste du verre soufflé. Ils installent ici une relation entre arts et sciences très singulière, construite sur une responsabilité partagée et un engagement commun auprès du public. Ils doivent s’assurer que cette œuvre ne pose pas de problème de sécurité lors de son exposition au public.</p>
<p>C’est là une analogie de ce que font partout, et depuis des décennies, la science, la technologie et l’industrie : produire un nouveau dispositif, une innovation, trop intéressante pour ne pas prendre en charge le risque inhérent et chercher parallèlement à assurer la sécurité.</p>
<p>Mais ici, on a affaire à une installation « inutile » : ce dispositif ne sert à rien, n’a pas d’usage pratique qui justifierait la prise de risque. En réalité, sa fonction est toute autre : Hamad Butt nous rappelle ce pacte auquel nous nous associons tous en délégant à des experts les conditions de notre sécurité et de notre santé. L’accident dans le port d’Aqaba montre que nous acceptons de payer le prix d’accidents meurtriers et répétés, mais dont nous trouvons collectivement les impacts suffisamment limités pour ne pas nous passer de l’innovation.</p>
<h2><em>Cradle</em>, une œuvre complexe et multiple</h2>
<p>Lors de son départ en retraite, Steve Ramsey, le souffleur de verre, qui travaillait à l’époque de la conception de l’œuvre dans un laboratoire de recherche scientifique de l’Imperial College, a raconté sa collaboration avec Hamad Butt :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai travaillé pendant plus de deux ou trois ans avec cet artiste et il n’arrêtait pas de disparaître, alors qu’il faisait pression pour que cette œuvre soit réalisée. J’ai trouvé cela assez frustrant, mais je ne savais pas qu’il était en train de mourir du sida. »</p>
</blockquote>
<p>Ce propos éclaire d’un jour nouveau l’œuvre de Hamad Butt, celui que Dominic Johnson a choisi pour ses recherches. Difficile en effet de dissocier ce rapport à la maladie, à la finitude, au danger de l’œuvre de Hamad Butt.</p>
<p>Avec des œuvres qui s’imposent par leur présence physique et potentiellement dangereuses face aux visiteurs, et qui génèrent ces interrogations si contemporaines, Hamad Butt reste au cœur de nos vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Méconnu en France, Hamad Butt sera prochainement mis à l’honneur à la Tate Britain. Le travail de l’artiste des années 1990 impose une réflexion inédite sur les dangers de notre ère technologique.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118512023-09-12T14:08:41Z2023-09-12T14:08:41ZCoup d’État au Niger : de la surprise à l'installation au pouvoir<p><a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-a-ete-a-lorigine-du-coup-detat-au-niger-un-expert-enumere-trois-facteurs-determinants-210749">Le coup d'État au Niger</a>, le 26 juillet, a été une surprise tant pour les Nigériens que pour le reste du monde. Cette surprise peut s'expliquer par trois raisons. </p>
<p>La première concerne le fait qu'aucun événement ou situation récent (attentat terroriste, tension sociale, blocage politique, etc.) n'était susceptible de déboucher sur un coup de force. </p>
<p>La deuxième raison est que de nombreux Nigériens pensaient qu'un coup d'État avait peu de chances d’aboutir, car le parti au pouvoir avait réussi à contrecarrer plusieurs <a href="https://www.crisisgroup.org/fr/africa/sahel/niger/tentative-de-coup-detat-au-niger-eviter-la-confrontation-armee">tentatives</a>. </p>
<p>La troisième et dernière raison est la forte présence de troupes étrangères (françaises et américaines) sur le territoire nigérien. Cela pouvait laisser penser que ces puissances étrangères feraient tout pour éviter un <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-niger-laboratoire-du-nouveau-dispositif-militaire-francais-en-afrique-24-05-2023-2521445_3826.php">scénario malien ou burkinabé</a> au Niger. De ce point de vue, la particularité de ce coup d'État est d'avoir interrompu la première transition démocratique d'un président élu à un autre président élu au suffrage universel. </p>
<p>Le caractère surprenant et le contexte dans lequel s'est déroulé le coup d'État du 26 juillet, ont engendré toutes sortes de théories du complot et des rumeurs, dans les rues de Niamey et dans les médias étrangers, pour tenter d'en expliquer les raisons. Parmi les versions qui circulent, figure celle accusant la Russie ou le groupe Wagner, d'avoir fomenté le putsch ou l'ancien président <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/coup-detat-au-niger-lancien-president-mahamadou-issoufou-sexprime-2662001">Issoufou Mahamadou</a> d'être complice de Abdourahmane Tchiani en raison de leur proximité. </p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur les dynamiques sociales et politiques au Sahel, nous pensons que pour analyser les raisons réelles qui ont conduit à ce putsch, il faut comprendre la relation entre le président Mohamed Bazoum et le commandant de la garde présidentielle Tchiani, et le lien que ces deniers entretiennent avec leur mentor, l'ancien président Issoufou Mahamadou.</p>
<h2>De l'opposition politique au pouvoir</h2>
<p>Issoufou Mahamadou est le président du <a href="https://pnds-tarayya.net/">Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme</a> (PNDS-Tarayya) depuis sa création en 1990. Il a réussi à constituer un large cercle de partisans et un vaste réseau à l'intérieur et à l'extérieur du pays, faisant de lui l'un des principaux acteurs de la vie politique nigérienne. </p>
<p>Issoufou a également réussi à faire de sa région natale Tahoua, située dans le nord-ouest du pays, non loin de la frontière malienne, son principal fief politique. Bazoum, qui était la deuxième personnalité du parti depuis sa création, avait gardé un profil bas dans le parti. Ce qui a empêché toute division au sein de cette organisation. Bazoum, a plusieurs fois déclaré, son entière confiance et sa ferme fidélité à Issoufou Mahamadou. </p>
<p>Bazoum a toutes les raisons d'afficher sa loyauté, envers celui qui l'a imposé comme candidat à sa succession, malgré l'opposition d'une frange du parti. L'opposition a aussi attaqué la candidature de Bazoum à la justice, soulevant la question d’éligibilité liée à <a href="https://levenementniger.com/niger-contestation-de-la-nationalite-de-bazoum-la-cour-dans-un-jeu-flou/">l'authenticité</a> de son certificat de naissance. </p>
<p>Une fois au pouvoir, Bazoum s'est retrouvé piégé par les ingérences de son prédécesseur. Mahamadou Issoufou a toujours voulu garder la main sur le pouvoir. Malgré ses deux mandats à la tête de l'État (2011-2021), il a maintenu ses proches aux postes clés de l'État, après l'accession de Bazoum au pouvoir. L'exemple le plus illustratif est le cas de son fils Sani Issoufou, qui détenait le portefeuille du ministère des mines et du pétrole dans le gouvernement d'Ouhoumoud Mahamadou. </p>
<p>Ce dernier, est aussi un des fidèles d'Issoufou. De plus, dans ses discours, Bazoum a toujours insisté sur la continuité de la gestion d'Issoufou en qualifiant son mandat de <a href="https://nigerdiaspora.net/32-politique-niger/18847-renaissance-acte-iii-de-la-continuite-a-la-rupture">“renaissance acte trois”</a>. Mais dans ses actions, il s'est démarqué de la politique de son successeur en faisant de la lutte contre les détournements de deniers publics sa priorité et <a href="https://theconversation.com/niger-le-coup-detat-augure-des-lendemains-incertains-pour-le-pays-210815">en changeant la politique sécuritaire</a> du pays.</p>
<h2>Se défaire de l'étau</h2>
<p>Cette nouvelle politique a suscité <a href="https://www.jeuneafrique.com/1474423/politique/coup-detat-au-niger-et-si-le-petrole-expliquait-tout/">le mécontentement</a> au sein de son parti, notamment certains milieux d'affaires qui ont vu leurs intérêts menacés. C'est par exemple, sur instruction du président Bazoum, que certaines personnes proches de l'ancien régime Issouffou ont été <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/niger-mohamed-bazoum-annonce-larrestation-dune-trentaine-de-hauts-cadres/2560128">traduites en justice</a> pour détournement de fonds publics. </p>
<p>Sur le plan sécuritaire, il y a eu l'arrivée massive de militaires français, mais aussi de nouveaux acteurs civils au palais présidentiel, désormais en charge des questions de sécurité, comme son conseiller spécial avec rang de ministre, l'ancien chef rebelle touareg, <a href="https://www.jeuneafrique.com/1472040/politique/rhissa-ag-boula-au-niger-la-resistance-doit-etre-lobjectif-de-tous/">Rhissa Ag Boula</a>. Cette nouvelle approche sur le plan sécuritaire, a engendré un malaise au sein de l'armée qui s'est vue reléguée au second plan. Bien avant le coup d'État, certains hommes d'affaires proches du parti au pouvoir ont fait part de leur mécontentement, face à la gestion de Bazoum, car ils n'avaient plus accès aux marchés publics comme c'était le cas à l'époque d'Issoufou. </p>
<p>Bazoum comptait s'appuyer sur des acteurs locaux et des partenaires extérieurs, pour assurer la sécurité de son pays. Une démarche mal accueillie par l'armée, et au premier rang le commandant de la garde présidentielle, qui a eu du mal à accepter le nouveau changement de politique de son nouveau patron. </p>
<p>Plusieurs sources ont indiqué que le commandant de la garde présidentielle, le général de brigade Tchiani, qui se voyait de plus en plus exclu de la gestion de l'Etat, s'en est plaint à son véritable chef, l'ancien president Issoufou Mahamadou qui l'a maintenu à son poste qu'il occupait de 2011 jusqu'au 26 juillet, le jour du coup d'État. </p>
<p>Conscient du contexte propice au changement, Tchiani réussit à rallier l'armée à sa cause et à obtenir le soutien d’une partie de la population de Niamey, opposée à la gestion clanique du PNDS. C'est ainsi que le Niger a tourné le dos à ses alliés occidentaux, pour se rapprocher des régimes de Bamako et de Ouagadougou.</p>
<h2>Soutien de la jeunesse</h2>
<p>Le succès de ce putsch est dû à la détermination du général Tchiani. Dès le premier jour du putsch, certains observateurs avaient cru qu'il allait renoncer à sa tentative grâce à la médiation de son chef, Mahamadou Issoufou. Mais ce dernier, n'a pas réussi à faire reculer Tchiani. Finalement, un compromis fut trouvé entre les différents corps de l'armée pour éviter tout affrontement. </p>
<p>La détermination du général Tchiani, à la tête du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), lui a permis non seulement de rallier l'armée à sa cause, mais aussi de faire échouer toute tentative de médiation. Le bras de fer qui a débuté le premier jour entre le CNSP et la France – en raison de la reconnaissance de Bazoum comme seul président légitime par Paris – a largement contribué à susciter le soutien de la jeunesse, qui s'est mobilisée pour soutenir le CNSP et exiger le retrait des forces françaises stationnées dans le pays, pour protester contre les sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao). Les agissements de la France et de la Cedeao ont donc poussé en quelque sorte le général Tchiani à envisager <a href="https://theconversation.com/niger-un-coup-detat-pas-comme-les-autres-211242#:%7E:text=Celui%20du%2026%20juillet%202023,consid%C3%A9rablement%20affaibli%20durant%20cette%20p%C3%A9riode.&text=Le%20coup%20d%27%C3%89tat%20ne,au%20sein%20m%C3%AAme%20du%20parti">une rupture</a> avec les Occidentaux.</p>
<h2>S’inspirer du cas malien</h2>
<p>Tchiani semble déterminé à rester au pouvoir, eu égard aux échecs de la diplomatie. La junte de Niamey semble prendre le même chemin que le Mali et le Burkina Faso. Quelques jours après la prise du pouvoir à Niamey, les putschistes regroupés au sein du CNSP ont rapidement dépêché une importante délégation à Bamako et Ouagadougou, avec à leur tête le numéro deux de la junte, l'ancien chef d'état-major général <a href="https://www.letemps.ch/monde/figure-de-la-junte-nigerienne-le-general-mody-est-arrive-a-bamako">Salifou Mody</a>. </p>
<p>Les déclarations de soutien se poursuivent et les visites de délégations se sont intensifiées entre les trois pays. Tout comme au Mali, la stratégie des militaires à Niamey est de rassembler les Nigériens au tour d'un nationalisme qui permet de galvaniser les foules et en même d'asseoir leur pouvoir politique. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iuBIANVh3TY ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un débat télévisé sur les actions à entreprendre par les militaires au pouvoir sur la télévision publique du Niger.</span></figcaption>
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<p>L'opinion nigérienne ignore encore le projet politique, économique, culturel et social des militaires. L’approche sécuritaire semble être la rupture avec la France, comme ses deux voisins auparavant. Si la junte continue sur sa lancée actuelle, le Niger connaîtra probablement un scénario à la malienne. </p>
<p>La question de l'intervention militaire de la Cedeao et la présence de militaires français au Niger sont les deux principales ressources politiques que le CNSP mobilise en sa faveur. Dès ses premiers communiqués, le CNSP s'en est pris à la France en dénonçant des “efforts de déstabilisation et de violations des frontières nigériennes”. Le CNSP a aussi dénoncé tous les <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/niger-les-putschistes-denoncent-des-accords-militaires-avec-la-france-04-08-2023-2530554_3826.php">accords militaires et de défense</a> signés avec la France. </p>
<p>A contrario, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aVwdAd0ooJ4">les déclarations</a> des autorités françaises rejetant toute option de quitter le territoire nigérien, renforcent le sentiment souverainiste au sein de l'opinion publique locale.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/17/niger-la-cedeao-se-reunit-au-ghana-pour-discuter-d-une-eventuelle-intervention-armee_6185718_3212.html">La marge de manœuvre</a> de la Cedeao semble très réduite dans cette nouvelle crise politique. Elle joue peut-être sa dernière carte de crédibilité. Le discours de “rétablissement de la démocratie”, est devenu dans le discours des putschistes, celui d’une “attaque contre le Niger”. </p>
<p>La présence militaire française est de plus en plus contestée en Afrique, comme en témoignent <a href="https://www.jeuneafrique.com/1476799/politique/au-niger-week-end-de-manifestations-contre-la-france-avant-la-fin-de-lultimatum-donne-a-son-ambassadeur/">les manifestations</a> devant sa base au Niger. La diplomatie française ne semble pas avoir tiré les leçons de ses échecs précédents. Elle gagnerait beaucoup à se faire plus discrète. Plus elle est visible, plus elle renforce les autorités militaires nigériennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La stratégie des militaires est de rassembler les Nigériens au tour d'un nationalisme animé par un discours de fierté nationale qui permet de galvaniser les foules.Ibrahim Bachir Abdoulaye, Assistant de recherche et doctorant à Bayreuth International Graduate School of African Studies, Bayreuth International Graduate School of African StudiesLamine Savané, PhD science politique, ATER, CEPEL (UMR 5112) CNRS, Montpellier, Post doctorant PAPA, Université de SégouLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128072023-09-07T15:36:04Z2023-09-07T15:36:04ZLa vidéosurveillance automatisée, déjà gagnante de la Coupe du monde de rugby en France<p>Ce vendredi 8 septembre 2023, débutera en France la <a href="https://www.rugbyworldcup.com/2023/">Coupe du monde de rugby organisée dans dix villes hôtes réparties dans le territoire</a>. L’enjeu est bien sûr sportif et économique… mais il est aussi sécuritaire.</p>
<p>En ce sens, l’événement sera l’occasion pour les pouvoirs publics d’expérimenter pour la première fois en France l’usage de la vidéosurveillance automatisée ou algorithmique (VSA). </p>
<p>Le principe de cette technique est de pouvoir détecter en temps réel et de manière automatisée (grâce au recours à des logiciels), des comportements ou des situations définies comme à risque. </p>
<p>Il peut s’agir, par exemple, de détecter un bagage abandonné ou un mouvement de foule. Cette technique se distingue de la reconnaissance faciale qui permet d’identifier biométriquement une personne et <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/11/23/jo-2024-la-reconnaissance-faciale-ne-sera-pas-experimentee-durant-les-jeux_6151265_3242.html">qui a été exclue pour le moment</a>. </p>
<h2>Un cadre légal permissif</h2>
<p>Le recours à ce type de dispositif, jusqu’alors impossible, a été permis par l’article 10 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000046777392/">Loi du 19 mai 2023 « relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions »</a>. Celui-ci autorise le traitement automatisé d’images issues des caméras de vidéosurveillance déjà implantées (ou qui le seront, par exemple près des stades ou des fans zones) et celles des caméras installées <a href="https://www.interieur.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/nouvelle-reglementation-sur-captation-dimages-de-drones-dans">sur les drones</a> qui pourront survoler les foules. </p>
<p>Si les <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/03/20/jo-de-paris-2024-pourquoi-la-videosurveillance-automatisee-fait-debat_6166273_4408996.html">débats ont été nombreux</a> et les <a href="https://www.laquadrature.net/2023/01/05/mobilisation-generale-contre-la-legalisation-de-la-videosurveillance-automatisee/">contestations associatives importantes</a>, est ainsi désormais autorisé « à titre expérimental », le traitement algorithmique de ces images, afin d’assurer la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, « par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes ». Ce sont ainsi des logiciels, le <a href="https://www.nextinpact.com/lebrief/69124/le-nouveau-business-videosurveillance-algorithmique-automatisee">plus souvent développés par des entreprises privées</a>, qui permettent cette analyse automatisée des vidéos.</p>
<p>Malgré le titre du texte adopté par le Parlement, cette expérimentation <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/03/23/jo-2024-les-deputes-autorisent-la-videosurveillance-algorithmique-avant-pendant-et-apres-les-jeux_6166681_3242.html">s’étend bien au-delà des Jeux de 2024</a>. Déjà entrées en vigueur, ces dispositions autorisent les pouvoirs publics à user de ce nouveau dispositif dès maintenant dès lors que les circonstances prévues sont réunies. Or, tel semble être le cas pour l’organisation d’une compétition internationale comme la Coupe du Monde de rugby en France. Il faut également noter que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047561974/#JORFARTI000047561986">l’article du 10 de la loi prévoit la fin de l’expérimentation, pour le moment, au 31 mars 2025</a>, soit environ sept mois après la fin des compétitions olympiques à Paris.</p>
<p>Les termes employés par l’article 10 sont peu précis, notamment lorsqu’il s’agit de « manifestations récréatives ». Cette indéfinition pourrait permettre juridiquement de voir s’appliquer la VSA à d’autres événements comme des festivals, des concerts ou d’autres rassemblements comme les traditionnels marchés de Noël.</p>
<h2>Une expérimentation risquée</h2>
<p>Le risque de telles expérimentations permises largement réside, précisément, dans l’abandon de leur caractère exceptionnel et temporaire, tel que la loi le précise actuellement. En ce sens, l’organisation des grands événements comme la Coupe du monde de rugby en France peut constituer un <a href="https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2023-1-page-46.htm">accélérateur de ces politiques exceptionnelles qui se voient ensuite pérennisées</a>. Les exemples étrangers ne manquent pas comme l’adoption de lois controversées, <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20171031-le-japon-adopte-une-loi-anti-conspiration-suscite-inquietude">à l’image d’une loi « anti-conspiration »</a> par le Japon à l’occasion des précédents Jeux olympiques.</p>
<p>En France, l’exemple de <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/La-circulation-transfrontiere/Le-passage-rapide-aux-frontieres-exterieures-PARAFE">PARAFE</a>, dispositif de reconnaissance faciale pour le passage de frontière, est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/les-aeroports-parisiens-se-mettent-a-la-reconnaissance-faciale-06-07-2018-2233828_23.php#11">particulièrement parlant</a>. Expérimenté en 2005, il a été pérennisé en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000824452">2007</a> puis étendu en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032372112">2016</a>. </p>
<p>Dès lors, il est possible de douter du caractère réellement expérimental du recours à <a href="https://www.cairn.info/la-globalisation-de-la-surveillance--9782707156259-page-166.htm">ces dispositifs de surveillance</a>. Ce constat est d’autant plus préoccupant qu’il sera difficile de tirer un bilan à ce titre après l’organisation de ces grands rassemblements sportifs. En effet, en l’absence (évidemment souhaitable) de tout événement dramatique, on ne manquera sans nul doute de saluer l’efficacité de ces outils — alors même que cette réussite serait sans doute expliquée par bien d’autres facteurs — tandis que s’il devait advenir un quelconque incident, on soulignerait la pertinence de renforcer <a href="https://www.cairn.info/revue-futuribles-2022-4-page-87.htm">ces dispositifs de surveillance et de contrôle</a>.</p>
<p>Ainsi, le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/10/adoptee-pour-les-jo-de-paris-2024-la-surveillance-algorithmique-n-a-jamais-fait-ses-preuves_6164900_3232.html">dispositif technosécuritaire aurait toujours raison</a> et ce d’autant plus que l’organisation de telles compétitions peut apparaître comme une <a href="https://www.sudouest.fr/sport/jeux-olympiques/les-jo-de-paris-vitrine-de-la-techno-police-16152110.php">« vitrine sécuritaire »</a> pour les États concernés aux yeux du monde.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/la-reconnaissance-faciale-du-deverrouillage-de-telephone-a-la-surveillance-de-masse-184484">accoutumance à ces outils</a>, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_cliquet">l’effet cliquet</a> — selon lequel il est <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/14/l-effet-de-cliquet-ennemi-de-la-democratie_4505904_3234.html">difficile de revenir en arrière une fois un cap passé</a> — rendent tout retour en arrière encore plus invraisemblable. </p>
<h2>Un dispositif biaisé</h2>
<p>Sur le fond, le but de la vidéosurveillance automatisée est de permettre la détection « en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques » à partir des images de vidéosurveillance, dont les <a href="https://theconversation.com/video-surveillance-ou-vont-nos-donnees-171622">règles d’usage et de conservation ne sont pas modifiées</a>. Ces alertes sont alors ensuite transmises aux services de sécurité (au sein des postes de commandement ou dans des centres de vidéosurveillance) qui prennent les mesures nécessaires.</p>
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<p>Un tel fonctionnement permet aux défenseurs de ces techniques de soutenir le caractère subsidiaire de ces outils qui ne viseraient qu’à renforcer l’efficacité des forces de sécurité qui demeurent seuls décisionnaires. La vidéosurveillance automatisée <a href="https://lcp.fr/actualites/jeux-olympiques-gerald-darmanin-defend-l-usage-de-la-videosurveillance-algorithmique">ne serait en ce sens pas plus dangereuse</a> pour les libertés que la vidéosurveillance classique.</p>
<p>Or, une telle présentation nous semble en réalité peu réaliste. En effet, deux biais importants peuvent, à notre sens, être mis en évidence.</p>
<p>D’une part, en amont, utiliser la VSA impose aux concepteurs de ces outils ou aux donneurs d’ordre de définir très précisément et à l’avance les comportements à risque qui devront être recherchés par les caméras <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000048007150">au-delà de la liste relativement générale adoptée par décret</a>. Or, ces <a href="https://www.laquadrature.net/2022/03/23/quest-ce-que-la-videosurveillance-algorithmique/">« patterns »</a> ne correspondent pas nécessairement — voire rarement — à des infractions pénales puisqu’il peut s’agir du simple fait de ne pas respecter le sens de circulation majoritaire. En ce sens, leur définition revient à ériger une forme de norme sociale nouvelle renforçant encore davantage le <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2010-2-page-127.htm">sentiment de contrôle et l’intériorisation par les individus de cette norme</a>. </p>
<p>D’autre part, en aval, si l’action humaine est toujours nécessaire (la VSA n’autorise heureusement pas les arrestations automatiques), celle-ci se trouve particulièrement biaisée par la manière dont fonctionnent ces dispositifs. En effet, la VSA conduit à une forme de « présomption de risque » auquel il appartient ensuite à la personne soupçonnée de répondre (« pourquoi avez-vous l’air anxieux ? »). Le rôle de la police est alors profondément modifié et la <a href="https://theconversation.com/fiches-s-et-autres-fichiers-de-police-de-quoi-parle-t-on-vraiment-148640">garantie des droits, comme la présomption d’innocence, mise à mal</a>.</p>
<h2>Une incarnation du mythe du « risque zéro »</h2>
<p>En définitive, présentée comme une nécessité induite par l’impossibilité pour des agents humains de <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/la-police-nationale-prend-les-commandes-des-cameras-de-villeurbanne">garder un œil attentif sur des dizaines d’écrans</a> (là où deux autres solutions seraient envisageables : réduire le nombre de caméras ou recruter davantage d’agents), la vidéosurveillance automatisée contribue à renforcer le <a href="https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/IMG/pdf/H_L154_5._La_dictature_du_risque_zero_.pdf">mythe d’un « risque zéro »</a> impossible à atteindre. </p>
<p>Plus encore, cette course en avant permanente impose un autorenforcement impossible à limiter. Très concrètement, pour permettre à la VSA de fonctionner effectivement, les pouvoirs publics ont investi également très largement dans le renforcement du parc de caméras de vidéosurveillance qui, elles-mêmes, nécessiteront toujours davantage d’automatisation. Le ministre de l’Intérieur annonçait il y a peu en ce sens <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/833970/prevention-de-la-delinquance-les-credits-dedies-a-la-videosurveillance-vont-tripler/">44 millions d’euros en 2024 pour la vidéosurveillance, soit environ 15 000 nouvelles caméras</a> dont l’emplacement est décidé en grande majorité par les municipalités. Le piège est d’autant plus grand que s’y engouffrent les <a href="https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net/blog/050423/videosurveillance-biometrique-derriere-l-adoption-du-texte-la-victoire-d-un-lobby">industriels et géants de la sécurité et du numérique</a>, <a href="https://lesjours.fr/obsessions/thales-surveillance/ep1-nice-safe-city/">heureux de vendre leurs solutions aux collectivités</a>.</p>
<p>Derrière le bel événement que représente l’organisation en France de la Coupe du monde de rugby, et bientôt celle des Jeux olympiques et paralympiques, il faut ainsi toujours rester sur ses gardes quant à l’avènement de techniques de surveillance ou de contrôle qui, présentés comme efficaces voire nécessaires pour garantir la sécurité de telles compétitions sportives, n’en demeurent pas moins dangereuses pour nos libertés et la démocratie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Nabat est membre de l'Observatoire de la surveillance en démocratie de l'université de Bordeaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elia Verdon est membre de l'Observatoire de la surveillance en démocratie de l'université de Bordeaux.</span></em></p>Des algorithmes peuvent être utilisés pour repérer des comportements et événements classés « à risque » lors de grands événements – une automatisation qui présente aussi des risques pour les libertés.Yoann Nabat, Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, Université de BordeauxElia Verdon, Doctorante en droit public et en informatique, CERCCLE (EA 7436) et LaBRI (UMR 5800), Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100752023-08-21T15:47:27Z2023-08-21T15:47:27ZUne petite histoire de la « Suge » ou comment le service de sécurité de la SNCF s’est tourné vers le marché<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538309/original/file-20230719-21-4i9jfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C51%2C1312%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jusque dans les années 1990, les agents de la Suge étaient, du fait de la nature de leurs missions, bien plus discrets qu'aujourd'hui.</span> <span class="attribution"><span class="source">cqfd2/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous les avez peut-être croisés au moment de partir en vacances : 2 800 agents patrouillent dans les gares et les <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">trains</a>, prêtent assistance lors d’opérations de contrôle des billets, enquêtent sur les vols de métaux, les tags qui ont lieu dans les emprises ferroviaires, ou les pratiques organisées de fraude de titres de transport. La <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> est une des seules entités publiques, avec la RATP, à posséder son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032285804#:%7E:text=Les%20services%20internes%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9,au%20bon%20fonctionnement%20du%20service.">propre service de sécurité</a>. On le nomme « Service de Surveillance générale de la SNCF » ou plus communément la « Suge ».</p>
<p>C’est à son histoire que nous nous sommes intéressés dans nos <a href="https://www.cairn.info/la-sncf-a-l-epreuve-du-xxi-e-si%C3%A8cle--9782365123136-page-127.htm">travaux</a>. La Suge d’aujourd’hui ne ressemble plus aux agents en civil que l’on peut voir dans la bande dessinée <a href="https://www.furet.com/livres/la-brigade-du-rail-tome-1-le-tueur-du-lyon-geneve-frederic-marniquet-9782361181369.html"><em>La brigade du rail</em></a> de Frédéric Marniquet, Olivier Jolivet et Sylvaine Scomazzon. Dès les années 1970, un mouvement de transformations du service s’enclenche pour se concrétiser pleinement au tournant des années 1990, les dernières réformes ferroviaires parachevant un « agencement marchand » du service de sûreté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En effet, à l’instar d’autres services de la SNCF, la Suge s’est lentement éloignée d’une régulation de nature « civique » pour adopter une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/909">régulation de nature « marchande »</a>. La sûreté va être progressivement conceptualisée et gérée comme un bien échangeable sur un marché, au point même que la Direction de la Sûreté de la SNCF peut aujourd’hui vendre ses services à une société concurrente telle que Trenitalia, Renfe ou Transdev.</p>
<p>Cette évolution, nous avons pu la retracer grâce à l’exploration de fonds d’archives inédits conservés au Centre national des archives historiques de la SNCF situé au Mans. Ils ont été éclairés par des entretiens menés auprès de chefs d’équipes et d’agents.</p>
<h2>À l’origine, la protection des marchandises</h2>
<p>La Suge puise ses origines dans les « polices spéciales » mises en place au lendemain de la Première Guerre mondiale par les premières compagnies privées de chemin de fer, insatisfaites de l’action policière des forces publiques. Elle voit officiellement le jour en 1937 lors de la naissance de la SNCF. Ses agents ont longtemps exercé en civil, avec pour mission principale de lutter contre les vols de marchandises remises à la SNCF, commis en partie par des cheminots. Est alors explicitement exclue de leur mission la prévention des « actes de malveillance ou tentatives criminelles ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du magazine Stop Police du 5 décembre 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Progressivement, leur mission s’élargit aux vols de biens appartenant à la SNCF et aux voyageurs, ainsi qu’aux délits spécifiquement cheminots (vols de caisse et trafic de titres de transport notamment). Pendant près d’un demi-siècle, les tâches des agents de la Suge consistent ainsi essentiellement en des filatures, planques, enquêtes et fouilles de placards des employés de la SNCF. Ils étaient alors naturellement peu appréciés de leurs collègues. La Surveillance générale va jusqu’à tenir un « fichier des indésirables » où sont inscrits les employés renvoyés pour vols répétés et autres fautes, afin d’éviter leur éventuelle réembauche.</p>
<p>Ces missions historiques vont néanmoins se trouver érodées par deux évolutions majeures des années 1970 et 1980 : la baisse tendancielle du transport de marchandises et la montée des préoccupations sécuritaires à l’échelle nationale.</p>
<p>À partir de 1984, en effet, le transport de voyageurs devance le fret en matière de recettes. Les services de la SNCF se tournent alors rationnellement vers leur nouveau client principal. D’autant que, en parallèle, les <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1954">gares se transforment</a> : d’un lieu dont l’entrée et la sortie étaient strictement contrôlées, avec des gères-files et des salles d’attente qui pouvaient être fermées à clef avant accès au train, elles deviennent de <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1950">véritables lieux de vie</a>, avec restaurants, marchands de journaux et autres services de la vie quotidienne.</p>
<p>Si la Suge n’est pas dissoute avec le déclin des convois de marchandises mais réorientée vers les voyageurs, c’est également parce que, dans le même temps, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_france_a_peur-9782707165039">délinquance</a> en général et celle dans les transports publics en particulier acquièrent une place de plus en plus importante dans l’agenda des autorités publiques. Au cours des années 1990, la SNCF procède ainsi à une grande reconfiguration du service, préfigurant une conception marchande de la sûreté ferroviaire.</p>
<h2>Donner de la visibilité à la sûreté</h2>
<p>En 1981, déjà, la Surveillance générale n’est plus sous la tutelle de la Direction du Transport mais de la Direction juridique, témoignant d’une attention plus grande aux questions de droit et de légalité. L’année suivante, des « dispositifs d’alerte automatique » font leur apparition dans certaines gares. Ils visent à la fois à obtenir l’intervention de la Police ou de la Gendarmerie et à « dissuader les malfaiteurs par le déclenchement d’une alarme sonore et puissante ».</p>
<p>Les choses s’accélèrent au tournant des années 1990, quand les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont cherché à faire émerger les questions de sûreté comme « un objectif stratégique fondamental » des entreprises publiques. Le commissaire divisionnaire Guy Pochon est, dans ce cadre, détaché à la SNCF en 1989. Sa mission est d’étudier et de proposer des pistes à la Suge afin d’améliorer son action de protection des usagers et des agents. Il y importe ses savoir-faire policiers.</p>
<p>Pour l’entreprise, il s’agit désormais de mettre en visibilité son action en matière de sûreté auprès de ses clients voyageurs, de « montrer du bleu ». La sûreté n’est ainsi plus définie comme un enjeu de propriété privée (lutter contre le vol de marchandise), mais de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2016-1-page-44.htm?ref=doi">maintien de l’ordre</a> (s’assurer du bon écoulement des flux et du bon déroulement des activités commerciales extra-ferroviaires).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agents de la Suge se rendent aujourd’hui bien visibles, comme ici en gare de Houilles – Carrières-sur-Seine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire#/media/Fichier:SUGE_-_S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire_Houilles_-_Carri%C3%A8res-sur-Seine_(2020).jpg">Kevin B/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il apparaît clairement que la sûreté est aujourd’hui pour la SNCF un argument de vente : garantir la sûreté est un préalable, une condition de possibilité du développement de l’activité de transport et des activités commerciales extraferroviaires. Cette fonction de support, les responsables de la Suge l’ont pleinement intégrée, comme nous l’indique un directeur :</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de protéger les agents de la SNCF, c’est aussi un gage pour nous, pour faire venir la clientèle dans les trains. »</p>
</blockquote>
<p>L’utilisation récurrente du terme « client » pour désigner le voyageur est assez révélatrice de l’intégration par les agents Suge, de la portée commerciale de leur mission.</p>
<h2>Des uniformes et des contrats</h2>
<p>Deux éléments en particulier matérialisent ces évolutions. Le plus visible, sans doute, est le passage à l’uniforme dans les années 1990, changement qui a pu être <a href="https://www.theses.fr/2017PESC1052">mal vécu par certains agents</a>. Exit l’investigation policière en civil, les filatures et les enquêtes et l’impression valorisante de passer pour un inspecteur de police et d’inspirer la méfiance ; désormais, c’est la polyvalence qui est mise en avant. Aider un parent avec sa poussette, demander aux personnes d’enlever leurs pieds des sièges, intimer aux voyageurs d’arrêter de fumer, disperser un groupe de jeunes jugé trop bruyant, renseigner et orienter des usagers sur les quais, établir une <a href="https://www.theses.fr/2022UPSLD055">contravention pour outrage sexiste</a>, intervenir en cas de violence, contacter les forces de l’ordre si besoin, voilà ce qu’attend un directeur de zone sûreté :</p>
<blockquote>
<p>« La posture du métier a complètement changé. On est beaucoup plus sur une posture de prévention et de visibilité, de service aux clients. Quand on est en civil et armé, on se fiche bien de donner un horaire à quelqu’un qui vous le demande dans une gare : il ne sait pas que vous êtes de l’entreprise. Quand on a “SNCF” dans le dos, l’attitude n’est pas la même : elle se rapproche des autres métiers de l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>L’autre grande évolution concerne le fonctionnement interne dans la mesure où la direction de la sûreté se met à entretenir des relations contractuelles avec les autres entités de la SNCF. Chaque année, des contrats sont établis au niveau national puis déclinés dans les entités territoriales du groupe, à partir d’un catalogue de prestations : enquête, contrôle, diagnostic, sécurisation des trains et des gares, lutte antifraude, expertise. La sûreté devient ainsi un service consommable qui s’échange sur un marché interne à l’entreprise ferroviaire en fonction du prix des prestations et des ressources humaines et matérielles dont dispose la Suge.</p>
<p>Des évaluations différentielles des priorités en matière de sûreté peuvent alors avoir lieu entre ces différents acteurs. Au moment de notre enquête à la gare du Nord, par exemple, les responsables de l’activité « Voyages » demandaient systématiquement que des agents soient présents au départ voire à l’intérieur du dernier TGV de la journée. Le personnel de la Suge avait, lui, l’impression que cette mission n’était plus prioritaire, comme l’a souligné un agent interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde sait que le dernier train est sécurisé, il ne se passe donc jamais rien : on préférerait être du côté Transilien où les enjeux sont plus importants. »</p>
</blockquote>
<p>Ces relations contractuelles obligent également la direction de la sûreté à soigner sa légitimité : la base de données Cézar répertoriant les faits de sûreté a été mise en place, de même que des procédures de <em>reporting</em>. Ensemble, ils permettent d’avoir une représentation des évènements ayant lieu dans les emprises ferroviaires et un suivi serré de l’activité des agents Suge. Ce fonctionnement est porteur <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1157?lang=en">d’une représentation comptable du travail de la Suge</a> : le bon chef d’équipe est celui qui remplit le nombre d’heures prévues.</p>
<h2>Une marchandisation en question</h2>
<p>On est là en plein dans ce que le sociologue Michel Callon nomme <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/sociologie-des-agencements-marchands/">« agencement marchand »</a>. Ce processus se caractérise entre autres par la « passivation d’un bien », c’est-à-dire, un cadrage qui fait de ce bien un objet d’échange, et par l’« activation d’agences qualculatrices », c’est-à-dire, la formalisation de prestations et leur valuation. C’est bien ce qu’il advient à la sûreté ferroviaire, d’autant plus que les réformes de 2015 et de 2018 autorisent la SNCF à vendre ses prestations de sûreté aux entreprises ferroviaires concurrentes, ainsi qu’aux gestionnaires d’infrastructures et aux autorités organisatrices de transport.</p>
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<p>Cet agencement marchand de la sûreté pose alors aux moins deux questions. La première est celle de la légitimité des priorisations, avec un risque de surfocalisation sur les usagers et comportements qui « gênent » l’activité commerciale (notamment <a href="https://journals.openedition.org/sdt/19923">vers les SDF</a> et les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520304413/adventure-capital">groupes de jeunes racisés</a>) sans représenter un véritable risque du point de vue de la sûreté. La seconde est celle de l’arbitrage entre les différents commanditaires : les contrats d’une autorité organisatrice de transport seront-ils, par exemple, prioritaires sur les demandes des entreprises ferroviaires ? Comment garantir une équité entre les différents territoires ?</p>
<p>Ces questions paraissent d’autant plus importantes alors qu’il est régulièrement question d’élargir les pouvoirs des agents de la Suge (et du service homologue de la RATP). Ils peuvent désormais, par endroit, <a href="https://actu.fr/societe/contre-le-terrorisme-et-les-violences-la-sncf-peut-desormais-vous-fouiller-en-seine-maritime_39103722.html">fouiller les bagages de n’importe quel voyageur ou procéder à une palpation de sécurité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Castagnino a reçu des financements d'Université Paris-Est, de l'association Rail&Histoire, et de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Les transformations du service de sécurité de la SNCF reflètent largement l’histoire de l’entreprise ferroviaire, du déclin du fret jusqu’à l’ouverture à la concurrence.Florent Castagnino, Enseignant chercheur en sociologie, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115962023-08-18T12:57:20Z2023-08-18T12:57:20ZVoici pourquoi il faut retirer son ordinateur portable de son sac lors du contrôle de sécurité à l’aéroport<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542674/original/file-20230714-15-diyhpf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=69%2C688%2C5742%2C2884&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La sécurité dans les aéroports a drastiquement changé après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Quiconque a pris l’avion au cours des dix dernières années sait à quel point les aéroports peuvent être une source de stress.</p>
<p>Imaginez la scène. Vous avez quitté votre domicile trop tard. Dans votre course effrénée pour atteindre votre porte d’embarquement, vous être ralenti par le contrôle de sécurité. Et comme si ce n’était pas assez, les employés vous lancent : </p>
<blockquote>
<p>Les ordinateurs portables doivent être retirés des sacs, s’il vous plaît.</p>
</blockquote>
<p>Mais quel est le rapport entre votre ordinateur portable et la sécurité ?</p>
<h2>Le jour qui a changé le transport aérien pour toujours</h2>
<p>La sécurité dans les aéroports a changé radicalement à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Avant le 11 septembre, il était possible de passer la sécurité avec un <a href="https://www.npr.org/2021/09/10/1035131619/911-travel-timeline-tsa">couteau avec une lame de 15 cm</a>. C’est d’ailleurs de cette manière que les auteurs des attentats du 11 septembre <a href="https://www.npr.org/2021/09/10/1035131619/911-travel-timeline-tsa">ont embarqué leurs armes à bord</a>.</p>
<p>Après le 11 septembre, les protocoles de contrôle ont changé du jour au lendemain. Et ce, dans le monde entier. Aux États-Unis, les entreprises de sécurité privées dont les employés étaient payés au salaire minimum ont été remplacées par un programme fédéral comprenant du personnel de sécurité hautement qualifié. Tout ce qui pouvait être <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2013.00654/full">considéré comme une arme</a> était confisqué.</p>
<p>Dans le monde entier, les voyageurs ont soudain été contraints de <a href="https://books.google.com.au/books?hl=en&lr=&id=6hBnJ-1hRp0C">retirer leurs chaussures</a>, leurs ceintures et leurs vêtements d’extérieur, ainsi que leurs téléphones, leurs ordinateurs portables, leurs liquides et tout ce qui pouvait être utilisé comme élément d’un engin explosif improvisé.</p>
<p>Ces procédures ont duré plusieurs années. Des méthodes de contrôle <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212478013000944">plus avancées</a> ont par la suite été mises au point pour identifier efficacement certaines menaces. Aujourd’hui, dans certains pays, il n’est plus nécessaire d’enlever ses chaussures pour passer les contrôles de sécurité.</p>
<p>Dans ce cas, pourquoi faut-il encore sortir son ordinateur portable de son sac ?</p>
<h2>Les scanners aéroportuaires ont beaucoup évolué</h2>
<p>La machine par laquelle passent vos sacs et vos appareils électroniques est un scanner à rayons X. </p>
<p>La raison principale pour laquelle vous devez sortir votre ordinateur portable de votre sac réside dans le fait que sa <a href="https://www.smh.com.au/traveller/reviews-and-advice/why-do-i-have-to-remove-my-laptop-from-my-bag-at-the-airport-xray-machine-20170320-gv1vqs.html">batterie</a> et autres composants mécaniques sont trop denses pour que les rayons X puissent les pénétrer de manière efficace, surtout si la technologie est moins récente. Il en va de même pour les câbles d’alimentation et les autres appareils électroniques tels que les tablettes et les appareils photo.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537439/original/file-20230714-21-x0ojbc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En raison de la taille et de la composition des composants de votre ordinateur portable, les rayons X ne peuvent pas les pénétrer aussi bien que d’autres matériaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Si ces appareils sont présents dans votre sac, il n’est pas possible pour les agents de sécurité de déterminer s’il y a un risque. Ils sont alors contraints de signaler le sac pour une fouille physique, ce qui ralentit le processus. Il est donc plus facile de retirer tous les appareils dès le départ.</p>
<p>Un ordinateur portable à l’intérieur d’un sac peut également dissimuler d’autres objets qui pourraient être dangereux. Le fait de le scanner séparément permet de voir ses composants internes sur l’écran. Dans certains cas, il peut même vous être demandé de l’allumer pour prouver qu’il s’agit bien d’un ordinateur fonctionnel.</p>
<p>Grâce aux nouvelles technologies de balayage à vues multiples, les agents de sécurité peuvent analyser le sac sous plusieurs angles afin de déterminer si un objet est dissimulé ou déguisé. Par exemple, des personnes ont essayé de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212478013000944">mélanger des pièces d’armes à feu</a> avec d’autres objets pour tenter de passer le contrôle sécurité. </p>
<p>Certains aéroports ont mis en place un <a href="https://www.smh.com.au/traveller/inspiration/no-more-removing-liquids-and-gels-laptops-at-melbourne-airport-as-new-scanners-installed-20191002-h1ijdf.html">scanner 3D</a> qui permet aux voyageurs de faire passer leurs bagages au contrôle de sécurité sans avoir à retirer leur ordinateur portable. Si l’on ne vous demande pas d’ôter le vôtre de votre sac, c’est probablement parce que l’un de ces systèmes dispendieux est utilisé.</p>
<p>Mais le perfectionnement de la technologie n’éliminera pas les délais engendrés par les contrôles dans les aéroports. La raison qui explique que ces contrôles représentent un goulot d’étranglement majeur est liée à la vitesse à laquelle le personnel scanne les images (ce qui dicte la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212478013000944">vitesse du tapis roulant</a>).</p>
<p>En attendant de trouver un moyen d’automatiser l’ensemble du processus et de l’exécuter avec une supervision humaine minimale, il faut s’attendre à des retards.</p>
<h2>Et les scanners corporels dans tout ça ?</h2>
<p>Mais vos bagages ne sont pas les seuls à être scannés au contrôle de sécurité de l’aéroport. Vous l’êtes aussi ! </p>
<p>Le grand cadre par lequel vous passez est un <a href="https://science.howstuffworks.com/transport/flight/modern/airport-security3.htm">détecteur de métaux</a>. Son utilité est de découvrir des armes ou autres objets illégaux qui pourraient être dissimulés sous vos vêtements. Les détecteurs de métaux des aéroports utilisent des radiations non ionisantes, ce qui signifie qu’ils n’émettent pas de rayons X. </p>
<p>En revanche, les scanners corporels de plus grande taille sont un type de machine à rayons X. Ils peuvent être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212478013000944">actifs ou passifs</a>, ou une combinaison des deux.</p>
<p>Les scanners passifs détectent simplement les radiations naturelles émises par votre corps et tout objet qui pourrait être dissimulé. Les scanners actifs émettent des radiations de faible énergie pour créer un scan de votre corps, qui peut ensuite être analysé. </p>
<p>Le type de machine que vous traversez dépend de l’endroit où vous vous trouvez. Par exemple, les scanners à rétrodiffusion, qui émettent des rayons X, étaient autrefois <a href="https://electronics.howstuffworks.com/gadgets/high-tech-gadgets/backscatter-x-ray.htm">largement utilisés</a> aux États-Unis. Ils ne le sont plus aujourd’hui. Ce type d’appareil actif est également interdit <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-et-risque-pour-sante/radiation/sources-rayonnements-quotidien/scanners-corporels-aeroports.html">au Canada</a>, en <a href="https://www.homeaffairs.gov.au/about-us/what-we-do/travelsecure/passenger-screening">Australie</a> et <a href="https://www.forbes.com/sites/daviddisalvo/2011/11/15/europe-bans-airport-body-scanners-over-health-and-safety-concerns/">dans l’Union européenne</a>.</p>
<p>Un autre type de scanner émet des <a href="https://science.howstuffworks.com/backscatter-machines-vs-millimeter-wave-scanners.htm">ondes millimétriques</a> de plus faible énergie, au lieu de rayons X, pour visualiser le passager. Les fréquences des ondes millimétriques sont considérées comme des rayonnements non ionisants. C’est ce type de scanner que l’on retrouve dans les <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-et-risque-pour-sante/radiation/sources-rayonnements-quotidien/scanners-corporels-aeroports.html">aéroports canadiens</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537440/original/file-20230714-27-gwwiup.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les scanners à ondes millimétriques produisent généralement un scan 3D d’une personne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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</figure>
<h2>L’IA dans nos aéroports</h2>
<p>L’intelligence articifielle (IA) est omniprésente. Même dans nos aéroports. Les progrès des systèmes d’IA ont le potentiel de transformer l’avenir de la sécurité aéroportuaire.</p>
<p>Pour l’instant, les contrôleurs humains doivent identifier les menaces potentielles dans les images scannées. Mais qu’arriverait-il si une <a href="https://thinkspace.csu.edu.au/artiificialintelligenceinsecuritycheck/article/">IA performante pouvait</a> être utilisée pour le faire à partir d’une base de données d’images ? Elle y parviendrait en une fraction du temps.</p>
<p>Certains aéroports utilisent déjà des <a href="https://www.in-security.eu/index.php/editorial/the-future-of-airport-security-faster-smarter-safer">tomodensitomètres</a> avancés pour produire des images 3D haute définition. À l’avenir, cette technologie pourrait être améliorée par l’IA afin de détecter les menaces beaucoup plus rapidement. </p>
<p>En théorie, les tomodensitogrammes pourraient également être utilisés pour les êtres humains et leurs bagages. Cela permettrait-il aux voyageurs de passer au scanner corporel tout en portant leurs bagages ? C’est bien possible.</p>
<p>En attendant, vaut mieux s’organiser pour quitter la maison à l’heure !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211596/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doug Drury ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans certains pays, il n’est plus nécessaire d’enlever ses chaussures pour passer les contrôles de sécurité. Mais la plupart du temps, il est encore nécessaire d’enlever son ordinateur portable.Doug Drury, Professor/Head of Aviation, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2076772023-06-27T18:21:49Z2023-06-27T18:21:49ZProposition de loi sur la reconnaissance faciale : un pas de plus vers la surveillance généralisée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532933/original/file-20230620-27-gixgri.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C42%2C4076%2C2685&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">«Assemblée redondante», 2015, UQAM. Cette installation de l'artiste Rafael Lozano-Hemmer détecte et enregistre les visages des passants de la rue Sainte-Catherine à Montréal. Ces miroirs numériques superposent les traits de ceux qui les contemplent avec ceux des précédents spectateurs, créant d’évanescents portraits composites. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/art_inthecity/37559606661">art_inthecity/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Malgré de <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/reconnaissance-faciale-un-debat-utile-et-necessaire-875195.html">nombreux débats dans l’opinion publique</a>, la <a href="https://theconversation.com/la-reconnaissance-faciale-du-deverrouillage-de-telephone-a-la-surveillance-de-masse-184484">reconnaissance faciale</a> n’a jamais fait en France l’objet d’une loi, ni dans le sens d’une interdiction ni d’une autorisation. C’est sur cette dernière voie que s’est pourtant lancé le Sénat en adoptant lundi 12 juin une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1342_proposition-loi">proposition de loi</a> autorisant son usage sur la voie publique à titre expérimental pour une durée de trois ans.</p>
<p>La proposition de loi émane de deux sénateurs (Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet) qui étaient déjà les auteurs d’un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-627/r21-627.html">rapport d’information déposé il y a un an</a> sur la reconnaissance biométrique. Elle est encore loin d’être adoptée définitivement puisque la proposition doit encore être votée par l’Assemblée nationale et que le <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/reconnaissance-faciale-une-proposition-de-loi-censee-ecarter-tout-risque-dune-societe-de-surveillance">gouvernement ne semble pas y être favorable</a>. Toutefois, elle interroge déjà au regard du <a href="https://theconversation.com/reforme-de-lechange-des-donnees-policieres-en-europe-vers-une-surveillance-renforcee-182778">risque</a> de l’avènement d’une société de surveillance <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/lexplosif-debat-sur-la-reconnaissance-faciale-relance-1407975">dont le spectre apparaissait dès le rapport de mai 2022</a>.</p>
<h2>Une banalisation de la reconnaissance faciale sur la voie publique</h2>
<p>En effet, le texte adopté fait certes de l’interdiction de la reconnaissance faciale le principe formel mais autorise de fait de nombreux usages qui renversent la dynamique générale. Il propose plusieurs cas d’usage de la reconnaissance faciale sur la voie publique qui en banalisent considérablement le recours.</p>
<p>Premièrement, l’article 2 du projet suggère une « expérimentation de dispositifs d’authentification biométrique sans consentement pour l’accès à certains grands événements ». Très concrètement, il s’agirait d’autoriser l’usage de la reconnaissance faciale pour vérifier que les personnes se déplaçant dans une zone protégée autour d’un grand événement (<a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/emmanuel-macron-a-lyon-quartier-boucle-rues-interdites-a-la-circulation-stationnement-prohibe-la-securite-est-maximale-pour-sa-visite-prevue-ce-lundi-8-mai-2768322.html">par exemple, la visite du chef de l’État</a>) sont bien autorisées à le faire. L’usage de la technique est donc ici limité à certaines personnes et à un cadre géographique déterminé et ponctuel.</p>
<p>Pourtant, même ce premier scénario en apparence anodin pose difficulté. Le choix de mettre en place des dispositifs d’authentification biométrique sans consentement surprend là où il serait possible de laisser les individus concernés décider (utiliser un sas automatisé par reconnaissance faciale pour pénétrer dans la zone ou se soumettre à un contrôle classique d’identité par un policier), dans un meilleur équilibre avec les droits fondamentaux. En ce sens, le consentement des citoyens à ce dispositif pourrait contribuer à une dynamique de collaboration entre ces derniers et l’État en matière de sécurisation des grands évènements. Techniquement, il pourrait être assuré notamment par le biais de <a href="https://theconversation.com/la-reconnaissance-faciale-du-deverrouillage-de-telephone-a-la-surveillance-de-masse-184484">la reconnaissance biométrique à la main de l’usager</a>.</p>
<p>Deuxièmement, l’article suivant du même texte autorise les services de police et de gendarmerie à recourir à des logiciels de reconnaissance faciale sur les images recueillies dans le cadre d’investigations relatives à certaines infractions. Cette fois, l’identification visée se ferait a posteriori et non en temps réel. Cette pratique est en réalité <a href="https://www.laquadrature.net/2022/05/03/le-conseil-detat-sauve-la-reconnaissance-faciale-du-fichier-taj/">déjà autorisée en partie par le fichier TAJ</a> très utilisé par les forces de police et de gendarmerie. Elle serait cependant ici très encouragée. La même possibilité est parallèlement donnée également aux services de renseignement à partir des images de vidéosurveillance de la voie publique.</p>
<h2>Une reconnaissance en temps réel</h2>
<p>Troisièmement, les auteurs de la proposition souhaitent voir expérimentée la reconnaissance biométrique en <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1342_proposition-loi#D_Article_5">temps réel sur la voie publique plus largement encore</a>. Cette possibilité serait donnée pour assurer la sécurité de « grands événements sportifs, récréatifs ou culturels » et devrait permettre d’identifier « sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées faisant peser une menace grave et immédiate sur l’ordre public ».</p>
<p>En d’autres termes, il s’agit de repérer dans une foule des individus préalablement identifiés, à l’image de <a href="https://www.20minutes.fr/nice/2454127-20190218-video-nice-reconnaissance-faciale-testee-carnaval-premiere-france">l’expérimentation qui avait eu lieu au carnaval de Nice</a>.</p>
<p>Similairement, les services de police judiciaire seraient également autorisés à déployer ces techniques en dehors même d’événements particuliers pour repérer des individus dans le cadre d’enquêtes portant sur des infractions particulièrement graves (comme le terrorisme). Les images soumises à cette identification en temps réel sont celles de la <a href="https://www.cnil.fr/fr/videosurveillance-videoprotection">vidéosurveillance</a>, mais peuvent aussi être celles de <a href="https://theconversation.com/video-surveillance-ou-vont-nos-donnees-171622">caméras embarquées dans des véhicules par exemple</a>.</p>
<p>Dans ces derniers scénarios, la surveillance se fait beaucoup plus massive puisqu’il s’agit bien de permettre l’usage de la reconnaissance faciale partout où cela serait utile et de manière très large. Si seulement quelques individus sont effectivement visés par ces techniques, elles concernent de fait tous ceux qui passeront dans le champ des caméras puisque pour reconnaître un individu dans une foule, il faut nécessairement scanner le visage de tout le monde. Chacun devient de fait un potentiel suspect. L’usage de la reconnaissance faciale sur la voie publique revient alors à un <a href="https://twitter.com/Ccesoir/status/1669446177568243717">contrôle d’identité permanent</a> de tous au nom de la recherche de quelques-uns.</p>
<h2>Le même chemin que la Chine ?</h2>
<p>Ces techniques sont celles déjà mises en œuvre dans <a href="https://www.courrierinternational.com/article/surveillance-en-chine-jusque-chez-soi-pas-moyen-dechapper-la-reconnaissance-faciale">d’autres pays comme la Chine</a>. Avec cette proposition de loi, la France emprunte insidieusement le même chemin. Le texte adopté par le Sénat conduit d’ailleurs à admettre ce qui avait été précisément refusé jusqu’ici, <a href="https://www.challenges.fr/france/jo-2024-des-cameras-intelligentes-mais-pas-de-reconnaissance-faciale_852863">y compris pour l’organisation des Jeux de Paris 2024</a>.</p>
<p>Si la proposition entoure ces pratiques de garanties, celles-ci sont plus formelles que réelles. Par exemple, le recours à la reconnaissance faciale pour une enquête de police peut se faire avec la simple autorisation du procureur de la République, alors même que ce magistrat <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/18/le-double-visage-des-procureurs-de-la-republique_6052677_3232.html">ne présente pas les garanties d’indépendance</a> qui pourraient être attendues pour user d’une technique particulièrement intrusive.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AuxgoNMqLFU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Reconnaissance faciale en Chine » (France 24, 2017).</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, les moyens employés pour assurer techniquement la reconnaissance faciale ne sont <a href="https://information.tv5monde.com/international/reconnaissance-faciale-nouvelles-polemiques-apres-lechec-cuisant-de-la-police-de">pas exempts d’erreurs,</a> <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/02/12/une-etude-demontre-les-biais-de-la-reconnaissance-faciale-plus-efficace-sur-les-hommes-blancs_5255663_4408996.html">voire de biais</a>. Ces approximations pourraient mener à atteindre très directement les droits d’individus innocents en conduisant notamment à des <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/02/16/intelligence-artificielle-la-reconnaissance-faciale-envoie-un-innocent-en-prison-11003949.php">arrestations injustifiées dues à la présence de « faux positifs »</a>.</p>
<h2>Gare à l’effet cliquet</h2>
<p>Enfin, tout ceci ne serait-il qu’expérimental ? Au regard de la pratique des vingt dernières années, l’argument n’est pas convaincant.</p>
<p>En effet, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_cliquet">l’effet cliquet</a> conduit à ne jamais remettre en cause ce qui est acté une fois la limite franchie, même à titre expérimental. Entre autres, le <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/La-circulation-transfrontiere/Le-passage-rapide-aux-frontieres-exterieures-PARAFE">dispositif PARAFE</a> a d’abord été expérimenté en 2005 avant de devenir permanent dans la majorité des aéroports internationaux <a href="https://www.cnil.fr/fr/reconnaissance-faciale-dans-les-aeroports-quels-enjeux-et-quels-grands-principes-respecter">au regret de la CNIL</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lart-et-la-mode-a-lassaut-de-la-reconnaissance-faciale-128171">L’art et la mode à l’assaut de la reconnaissance faciale</a>
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<p>La tendance est même celle d’une amplification des usages permise bien au-delà de l’exceptionnalité promise. Par exemple, le recours à des drones par les préfectures pour surveiller des manifestants n’est autorisé que depuis quelques mois, mais <a href="https://www.bfmtv.com/tech/actualites/manifestation-rave-party-en-un-mois-les-autorites-ont-autorise-50-operations-de-surveillance-par-drone_AV-202305160344.html">a déjà eu lieu à de très nombreuses reprises</a>. De la même manière, le <a href="https://www.cnil.fr/fr/fnaeg-fichier-national-des-empreintes-genetiques">fichage génétique</a> promis à la fin des années 1990 pour les seuls criminels sexuels s’est depuis très largement étendu.</p>
<p>En définitive, cette proposition de loi apparaît ainsi comme le symbole d’une exploitation sécuritaire du <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/22/le-solutionnisme-technologique-cette-foi-en-l-innovation-qui-evite-de-penser-le-changement_6166463_3232.html">« solutionnisme technologique »</a>. Elle incarne cette croyance absolue et irrationnelle que la technologie serait par principe une bonne idée et une solution efficace aux maux de la société. Elle traduit d’ailleurs un manque de réflexion technique et juridique sur ces questions : autorisations déjà existantes en partie, confusion dans les termes utilisés (<a href="https://www.cnil.fr/fr/definition/reconnaissance-faciale">authentification et identification</a>), solutions techniques plus protectrices des droits fondamentaux non évoquées.</p>
<p>Elle semble ainsi répondre avant tout à des enjeux court-termistes d’affichage entraînés par une <a href="https://journals.openedition.org/champpenal/11931">forme de populisme sécuritaire</a> en promettant toujours plus de sécurité sans penser en profondeur les enjeux sociétaux, philosophiques, juridiques et techniques que le recours à ces technologies entraîne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207677/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L'usage d'outils de reconnaissance faciale sur la voie publique à titre expérimental pour une durée de trois ans pose la question d'une surveillance généralisée de la population.Yoann Nabat, Docteur en droit privé et sciences criminelles, Université de BordeauxElia Verdon, Doctorante en droit public et en informatique, CERCCLE (EA 7436) et LaBRI (UMR 5800), Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083022023-06-22T10:50:18Z2023-06-22T10:50:18ZSubmersible du Titanic : le point de vue d’un expert sur les conditions de sécurité <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533436/original/file-20230622-27-iafkau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=132%2C172%2C1784%2C991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le submersible Titan n'a toujours pas été retrouvé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">OceanGate</span></span></figcaption></figure><p>Les cinq passagers du submersible <em>Titan</em> disparu depuis quatre jours près de l’épave du <em>Titanic</em> sont considérés comme morts, a annoncé le jeudi 22 juin l’entreprise OceanGate, organisatrice de l’expédition. Dans le même temps, les garde-côtes américains ont précisé qu’un navire sous-marin avait localisé un « champ de débris », situé par 3 800 mètres de fond.</p>
<p>Si les circonstances de l’accident ne sont pas encore connues, ce drame interroge sur la sécurité de telles expéditions.</p>
<p>Le contexte dans lequel le <em>Titan</em> a disparu est inquiétant. Des rapports <a href="https://newrepublic.com/post/173802/missing-titanic-sub-faced-lawsuit-depths-safely-travel-oceangate">détaillant des documents judiciaires</a> issus d’une affaire datant de 2018 montrent qu’OceanGate a licencié un employé, David Lochridge, après qu’il a exprimé des inquiétudes quant à la sécurité du submersible.</p>
<p>Lochridge n’était pas d’accord avec OceanGate sur la meilleure façon de démontrer la navigabilité de l’engin, et s’est opposé à la décision d’OceanGate d’effectuer des plongées sans <a href="https://www.cofrend.com/jcms/mdc_110743/fr/les-essais-non-destructifs">« essais non destructifs »</a> préalables sur la coque du navire pour prouver son intégrité. Ces derniers visent à caractériser l’état d’intégrité des structures ou de matériaux de l’engin.</p>
<p>Toujours en 2018, une <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/20/us/oceangate-titanic-missing-submersible.html">lettre envoyée</a> à OceanGate par le Comité des véhicules sous-marins habités de la <em>Marine Technology Society</em>, signée par 38 experts, a exprimé des réserves quant à la sécurité du submersible. Ils <a href="https://int.nyt.com/data/documenttools/marine-technology-society-committee-2018-letter-to-ocean-gate/eddb63615a7b3764/full.pdf">y affirment notamment que</a> « l’approche expérimentale adoptée par OceanGate pourrait entraîner des incidents (de mineurs à catastrophiques) qui auraient de graves conséquences pour tous les acteurs de l’industrie ».</p>
<p>Comme on peut le constater à la lecture de ces échanges, l’ingénierie et la réglementation des submersibles de haute mer restent un territoire quelque peu inexploré. Et comme le <em>Titan</em> opère dans les eaux internationales, il est techniquement <a href="https://time.com/6288552/what-is-submersible-titanic-tourist/">libre de toute gouvernance</a> par les réglementations d’un seul pays.</p>
<p>Dans ce cas, la plupart des concepteurs de submersibles choisissent de faire certifier la conception du navire par une société de classification. Il apparaît qu’OceanGate ne l’aurait pas fait pour le <em>Titan</em>.</p>
<h2>La navigabilité des submersibles</h2>
<p>Lorsque l’on parle de « navigabilité » d’un navire, on se demande surtout s’il est adapté à l’usage auquel il est destiné, s’il peut être exploité en toute sécurité et s’il est conforme aux normes de protection de l’environnement.</p>
<p>Pour le <em>Titan</em>, l’aptitude à l’usage pourrait se résumer à la capacité de se lancer en toute sécurité à partir d’un vaisseau mère à la surface de l’eau, de fonctionner de manière autonome jusqu’à 4 000 m (la profondeur approximative de l’épave du <em>Titanic</em>) et de refaire surface pour être récupéré par le vaisseau mère après une plongée de quelques heures.</p>
<p>La sécurité d’exploitation signifie qu’aucun équipement n’est endommagé et qu’aucun passager n’est susceptible d’être blessé (ou pire) à bord. La protection de l’environnement signifie que le submersible n’aura pas d’impact significatif sur son environnement, par exemple en polluant ou en perturbant l’écosystème.</p>
<p>Toutefois, il s’agit là d’un scénario optimiste. Les submersibles de haute mer évoluent dans un environnement hostile et les choses peuvent mal tourner.</p>
<h2>Résistance à la pression</h2>
<p>La forme des submersibles et des sous-marins est due au fait que les sphères et les cylindres sont géométriquement plus résistants aux pressions d’écrasement.</p>
<p>Au lieu de fonctionner dans une atmosphère respirable de 1 bar, le <em>Titan</em> doit résister à une pression de 370 bars dans l’eau de mer à la profondeur du <em>Titanic</em>. Tout défaut dans la coque pourrait entraîner une implosion instantanée. Quel est donc le seuil en dessous duquel une géométrie « hors-circulaire » devient un défaut ?</p>
<p>Les industries qui utilisent des navires sous-marins à des profondeurs de quelques centaines de mètres utilisent souvent des coques en acier, qui ont généralement un seuil de hors-circularité inférieur à 0,5 % du diamètre du navire. Ce critère serait-il suffisamment sûr pour la coque pressurisée du <em>Titan</em> à 4 000 mètres ?</p>
<p>Le <em>Titan</em> est constitué d’une coque composite en fibre de carbone et en titane. Il est extrêmement compliqué de concevoir et d’évaluer structurellement ces matériaux, par rapport à un matériau métallique uniquement. On peut supposer que c’est la raison pour laquelle OceanGate a équipé le <em>Titan</em> d’un « système de surveillance en temps réel de l’état de la coque ».</p>
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<p>On ne sait pas si ce système mesure réellement les contraintes à l’aide de jauges dans la coque, ou s’il s’agit (<a href="https://www.insider.com/titanic-submersible-only-warns-milliseconds-before-hull-failure-fired-executive-2023-6">comme l’a averti Lochridge</a>) d’une analyse acoustique qui n’alerterait les gens que sur des problèmes imminents « souvent quelques millisecondes avant une implosion ».</p>
<p>La sécurité de l’intégrité de la coque sous pression nécessite l’analyse de différents modes de défaillance, avant de déterminer un coefficient de sécurité pour chaque mode, en fonction de la profondeur de plongée visée.</p>
<p>Une fois la conception vérifiée (par les calculs), la validation en conditions réelles doit se faire en deux étapes.</p>
<p>Des essais non destructifs doivent être effectués sur la coque sous pression fabriquée, afin de vérifier la précision de sa géométrie et tout aspect hors-circulaire.</p>
<p>Ensuite, des plongées réelles (idéalement sans équipage) devraient être effectuées à des profondeurs progressivement croissantes, avec des jauges de contrainte utilisées pour mesurer les valeurs réelles par rapport aux prévisions. Nous ne savons pas si le <em>Titan</em> a subi de tels tests.</p>
<h2>Sauvegardes et redondance</h2>
<p>Lors de la conception de l’architecture fonctionnelle et de la sélection des équipements, le concepteur doit envisager un certain nombre de scénarios de secours :</p>
<ul>
<li><p>que se passe-t-il si les sources d’énergie principales tombent en panne ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon ordinateur tombe en panne et que le pilote perd le contrôle ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon principal système de communication tombe en panne ?</p></li>
<li><p>comment le submersible peut-il signaler au vaisseau mère qu’il y a un problème ?</p></li>
</ul>
<p>Ces scénarios obligent les architectes navals à garantir ce que l’on appelle une sécurité SFAIRP (<em>so far as is reasonably practicable</em>, ou dans la mesure du possible). Il s’agit non seulement d’atténuer les conséquences d’un accident, mais aussi d’empêcher qu’il ne se produise.</p>
<p>Concrètement, cela signifie qu’il faut disposer</p>
<ul>
<li><p>d’une réserve d’oxygène (par exemple, en attendant une équipe de secours) ;</p></li>
<li><p>de sources d’énergie principales fiables <em>et</em> de systèmes de secours ;</p></li>
<li><p>d’une autre source d’énergie (hydraulique, par exemple) en cas de perte d’énergie – ce qui permettrait, par exemple, de libérer les câbles de sécurité pour obtenir une flottabilité positive et remonter à la surface.</p></li>
</ul>
<p>Chacun de ces systèmes devrait faire l’objet d’une vérification (théorique) et d’une validation (tests) spécifiques pour l’environnement en question.</p>
<p>Les équipements disponibles dans le commerce peuvent éventuellement être installés à bord, à condition de démontrer qu’ils sont adaptés à différents scénarios. Toutefois, la plupart des composants externes (en raison de la pression d’écrasement) et des systèmes de sécurité devraient être conçus sur mesure.</p>
<p>Selon les rapports, le <em>Titan</em> utilisait certains équipements « prêts à l’emploi », mais il est difficile de dire s’ils étaient certifiés pour l’utilisation prévue à ces profondeurs.</p>
<h2>Systèmes de sécurité</h2>
<p>Dans le cas du <em>Titan</em>, un câble de liaison avec le vaisseau mère aurait assuré une communication bidirectionnelle instantanée et un taux d’échange de données plus élevé. Mais ces câbles peuvent s’emmêler avec des dangers potentiels sur le site d’une épave.</p>
<p>C’est pourquoi les câbles sont surtout utilisés pour les véhicules sans pilote ; les submersibles habités préfèrent faire confiance au pilote. Les GPS, les téléphones portables par satellite et les systèmes d’identification automatique ne peuvent pas non plus être utilisés sous l’eau. Ces outils utilisent des ondes électromagnétiques qui ne se propagent pas en profondeur (bien qu’elles puissent être utilisées en surface).</p>
<p>Certains sous-marins sont équipés d’une balise de détresse, l’équivalent d’une radiobalise de localisation des sinistres (RLS). Cette balise peut être déclenchée sur ordre du capitaine ou par l’intermédiaire d’un interrupteur « homme mort » ; si le pilote répond à un test à intervalles réguliers, une absence soudaine de réponse conduit le système à supposer que l’équipage n’est pas en mesure de le faire. Il s’agit d’une technique enseignée aux équipages des sous-marins militaires lorsqu’ils s’échouent au fond de la mer.</p>
<p>Un émetteur acoustique à haute fréquence serait encore plus efficace, car il offrirait une précision directionnelle permettant de localiser un submersible en détresse.</p>
<p>Un certain nombre de situations peuvent également se produire à la surface, dans le cas où le <em>Titan</em> aurait flotté jusqu’à la surface. Même s’il l’a fait (ou le fera), l’équipage et les passagers ne peuvent pas ouvrir l’écoutille boulonnée du vaisseau. Ils devront probablement continuer à faire face à l’atmosphère potentiellement polluée à l’intérieur.</p>
<p>La couleur blanche du <em>Titan</em> complique encore les choses, ce qui le rendrait plus difficile à repérer dans la mer à cause de l’écume des vagues. C’est pourquoi les objets flottants détectés depuis le ciel sont généralement de couleur orange ou jaune, ce qui leur confère une plus grande visibilité.</p>
<h2>L’avenir des submersibles de haute mer</h2>
<p>L’équipage et les passagers du <em>Titan</em> seront peut-être sauvés. Mais si le pire se produit, l’expertise médico-légale se demandera inévitablement si le <em>Titan</em> a respecté les seuils de base pour démontrer sa navigabilité.</p>
<p>Bien que diverses sociétés de classification proposent un ensemble de règles pour les sous-marins commerciaux et les submersibles, le choix de suivre ces règles reste un processus volontaire (que l’assureur de l’engin encourage généralement).</p>
<p>Il est temps de reconnaître qu’aller en profondeur est aussi complexe, sinon plus, que d’aller dans l’espace – et qu’assurer la sécurité des submersibles devrait être plus qu’une question de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Fusil est affilié à la Royal Institution of Naval Architects and Engineers Australia.</span></em></p>La plupart des concepteurs de submersibles doivent faire certifier la conception de leur navire par une société de classification.Eric Fusil, Associate Professor, School of Electrical and Mechanical Engineering, University of AdelaideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053572023-05-15T18:04:57Z2023-05-15T18:04:57ZOpération « Wuambushu » : comme souvent à Mayotte, la question migratoire occulte la question sociale<p>L’opération « Wuambushu » lancée le 24 avril dernier par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a de nouveau braqué les projecteurs sur la pression migratoire à Mayotte. Cette petite île française de l’océan Indien compte <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3713016">près d’un habitant sur deux qui est étranger</a>, essentiellement de nationalité comorienne.</p>
<p>L’action militaro-policière ainsi engagée a pour objectif la destruction de bidonvilles, l’expulsion de 10 000 étrangers en situation irrégulière et le démantèlement de bandes criminelles, établissant en creux un lien direct entre immigration et insécurité.</p>
<p>Cette présentation des faits – l’État va mettre de l’ordre ! – occulte la part de responsabilité que ce dernier a lui-même dans la genèse de ce désordre.</p>
<h2>Le département français le plus pauvre et le plus inégalitaire</h2>
<p>Ancienne colonie de l’empire français (1841-1946), <a href="https://www.karthala.com/hommes-et-societes/3217-le-combat-pour-mayotte-francaise-1958-1976-9782811118716.html">l’île de Mayotte a accédé en 2011 au statut de département</a> qu’elle réclamait depuis plus de cinquante ans.</p>
<p>Douze ans après, l’île offre le tableau d’une société des plus fragmentées. Le développement économique exogène porté par la création d’emplois publics profite pour l’essentiel aux métropolitains « expatriés » et à une fraction diplômée de la population mahoraise.</p>
<p>En 2018, le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622454#:%7E:text=En%202018%2C%20les%2010%20%25%20les%20plus%20ais%C3%A9s,nettement%20moins%20fortes%20%28rapport%20de%201%2C8%20en%202018%29.">taux d’emploi</a> était de 23 % pour les natifs de l’étranger, 38 % pour les natifs de Mayotte et 80 % pour les natifs de France métropolitaine. De fait, les inégalités entre ménages sont quatre fois plus importantes qu’en France métropolitaine et 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté national.</p>
<p>Rapporté au revenu médian calculé à Mayotte, le seuil de pauvreté se situe à 160 euros par mois. Les femmes et les jeunes faiblement qualifiés sont particulièrement affectés par le chômage, le sous-emploi et la pauvreté dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-6-page-82.htm">contexte de faible déploiement des politiques sociales</a>. Les étrangers, qui plus est sans-papiers, cumulent les processus de relégation sociale dans un contexte de forte répression de l’immigration.</p>
<h2>La fermeture des frontières dans un espace de circulations</h2>
<p>L’incorporation de Mayotte à la République française s’est accompagnée d’une production croissante de la frontière, de la clandestinité et de l’altérité à l’endroit des ressortissants comoriens.</p>
<p>La frontière politique séparant Mayotte des îles comoriennes voisines (Grande Comore, Anjouan et Mohéli) naît en 1975 à la suite du référendum pour l’autodétermination des Comores où seuls les Mahorais votent contre l’indépendance. <a href="https://theconversation.com/mayotte-pourquoi-ce-departement-francais-est-il-revendique-par-les-comores-192758">La France décide de conserver Mayotte à rebours de la position de l’ONU</a> qui reconnaît la souveraineté du jeune État comorien sur les quatre îles de l’archipel. Dans les faits, <a href="https://afriquexxi.info/Mayotte-une-societe-disloquee">cette frontière reste peu contraignante au cours des vingt années suivantes</a> ; les Comoriens continuent de circuler librement d’île en île pour des raisons principalement économiques et familiales.</p>
<p>La fermeture de la frontière franco-comorienne date véritablement de 1995 avec l’instauration du visa Balladur qui est presque impossible à obtenir en pratique. Elle se poursuit à partir de 2005 sous l’effet d’une politique migratoire répressive visant à expulser en masse les sans-papiers. Avec plus de 26 000 personnes en moyenne annuelle qui transitent au Centre de rétention administrative et quasiment autant d’expulsés, la <a href="https://www.lacimade.org/publication/rapport-2022-sur-les-centres-et-locaux-de-retention-administrative/">politique migratoire mise en œuvre à Mayotte bat tous les records à l’échelle nationale</a>.</p>
<p>Dans la même optique, l’État multiplie les dérogations pour <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2019-1-page-41.htm">minorer le droit des étrangers</a> et le <a href="https://theconversation.com/mayotte-comment-la-france-a-fragmente-le-droit-de-la-nationalite-139373">droit de la nationalité appliqués à Mayotte</a>. L’opération « Wuambushu » est le dernier exemple en date <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/operation-wuambushu-les-juges-contre-le-gouvernement-1389714.html">d’une politique migratoire qui s’arrange avec le droit avant que celui-ci ne lui soit rappelé</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une personne considérée par l’État comme immigrée clandestinement détenue dans un centre de rétention temporaire à Mamoudzou, sur l’île de Mayotte, le 26 avril 2023" src="https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525632/original/file-20230511-25-gcqzsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une personne considérée par l’État comme immigrée clandestinement détenue dans un centre de rétention temporaire à Mamoudzou, sur l’île de Mayotte, le 26 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patrick Meinhardt/AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré les efforts démultipliés pour enrayer la pression migratoire, Mayotte est aujourd’hui le nouveau territoire attractif de la région, comme l’ont été précédemment Zanzibar, Madagascar et La Réunion. Ceux que l’on nomme des « migrants clandestins » sont en réalité des <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2011-1-page-181.htm">« insulaires voyageurs »</a> qui ont toujours circulé dans l’archipel au gré des opportunités économiques et des mariages interîles.</p>
<p>Encore aujourd’hui, et malgré l’exaspération d’une partie croissante de la population mahoraise vis-à-vis de l’immigration, nombre de Comoriens présents à Mayotte trouvent à s’intégrer par le mariage (musulman) et par le travail (informel). Ici réside toute l’ambivalence de la société mahoraise qui, tour à tour, intègre <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/25/a-mayotte-les-comoriens-ne-sont-pas-des-etrangers_6170923_3212.html">ces étrangers si familiers</a> et les rejette dès lors qu’ils sont tenus pour être responsables de tous les maux de la société locale, et de l’insécurité en premier chef.</p>
<h2>L’insécurité civile comme symptôme d’une société fragmentée et désorganisée</h2>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/france/mayotte/operation-wuambushu-a-mayotte-la-priorite-c-est-l-arrestation-des-bandes-criminelles-qui-terrorisent-les-francais-declare-gerald-darmanin_5783960.html">L’opération « Wuambushu »</a> s’est donnée comme objectif de démanteler les 40 à 60 bandes criminelles que compte le territoire d’après les dires du ministre de l’Intérieur. Il est indéniable que l’insécurité civile et la délinquance juvénile ont augmenté de manière significative ces <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763061#consulter">20 dernières années</a>, avec une multiplication par onze des délits constatés pour une population qui a doublé sur la même période.</p>
<p>En revanche, et contrairement au discours de certains élus locaux, la délinquance juvénile n’est pas le seul fait des enfants d’étrangers. Elle témoigne plutôt des phénomènes contemporains d’exclusions qui affectent singulièrement les nouvelles générations. Les moins de 25 ans représentent 60 % de la population et connaissent des niveaux de pauvreté, de déscolarisation et de chômage particulièrement élevés. En l’absence d’emplois, de formations professionnelles, de structures d’insertion ou d’animation socioculturelle, ces jeunes se regroupent entre pairs et investissent l’espace public. Certains ont quitté le domicile familial à la suite d’un conflit ou de l’expulsion d’un parent, d’autres pour soulager leur mère isolée et paupérisée. Les conduites déviantes trouvent leur origine dans des logiques multiples (et souvent cumulées) de survie économique, de lutte contre l’oisiveté ou de réparation d’un ordre social excessivement inégalitaire.</p>
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<p>Parmi eux, les enfants d’immigrés et de sans-papiers cumulent depuis leur plus jeune âge les processus de relégation sociale et de précarisation juridique visant les étrangers. Ainsi, les mineurs isolés à la suite de l’expulsion d’un ou de leurs deux parents portent le stigmate de leur groupe d’appartenance et d’une cellule familiale brisée. Cette politique d’inimitié les conduit à intégrer progressivement le label de surnuméraire qui leur est renvoyé et, pour certains, à nourrir leur motivation déviante. À leurs yeux, la violence juvénile n’est autre qu’une réponse à la violence d’un État qui détruit des habitats, expulse des parents et grève tout espoir de naturalisation.</p>
<p>Une autre interprétation du désordre social associé aux jeunes générations tient aux transformations brutales de la société mahoraise sous l’effet de l’assimilation et de l’occidentalisation. Les institutions religieuses et villageoises qui organisaient la socialisation juvénile (école coranique, classes d’âge, médiations coutumières, éducation partagée, etc.) sont moins efficaces tandis que les nouvelles institutions exogènes (école publique, justice, parentalité, etc.) ne le sont pas encore pleinement. La société apparaît ainsi comme faiblement intégrée, dépossédée de ses règles et de son organisation, et la déviance juvénile comme l’un de ses symptômes majeurs alors qu’elle était presque inexistante jusqu’au début des années 1990.</p>
<p>La pression migratoire et l’insécurité civile sont des préoccupations légitimes à Mayotte. Toutefois, en présentant les populations les plus vulnérables comme seules responsables de la crise actuelle, on occulte la part de responsabilité d’un État périphérique et <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/une-situation-postcoloniale/">d’une gouvernance postcoloniale</a> qui accentuent les divisions sociales et régionales et provoquent des ruptures brutales sous l’effet d’une mise aux normes françaises de la société locale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Roinsard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Présenter les populations les plus vulnérables comme seules responsables de la crise actuelle, occulte la part de responsabilité de l’État français.Nicolas Roinsard, Sociologue, maître de conférence, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039792023-04-18T15:37:00Z2023-04-18T15:37:00ZIncendie de Notre-Dame : un cas de « surprise prévisible » qui aurait pu être évité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521333/original/file-20230417-22-u6hui8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=134%2C32%2C1063%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a quatre ans, la cathédrale emblématique de Paris était ravagée par les flammes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/145497889@N06/47563907512">Vfutscher/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 avril 2019, la cathédrale <a href="https://theconversation.com/fr/topics/notre-dame-de-paris-69564">Notre-Dame de Paris</a> a été dévastée par un incendie. En quelques heures, la flèche et les deux tiers de la toiture se sont effondrés. L’intérieur de la cathédrale a également subi des dégâts importants. Deux mois après l’incendie, le parquet de Paris a rendu publics les résultats de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/notre-dame-aucun-element-accreditant-une-origine-criminelle-d-apres-l-enquete-preliminaire-parquet-de-paris-26-06-2019-2321221_23.php">l’enquête préliminaire</a>. Comme il n’y a pas eu d’intrusion dans la cathédrale et que l’analyse des débris de la toiture n’a pas permis de retrouver de traces d’hydrocarbures, les enquêteurs ont écarté la piste criminelle. Ils ont avancé deux autres hypothèses pour expliquer le désastre.</p>
<p>La première hypothèse est une cigarette mal éteinte. Au moment de l’incendie, des travaux de restauration de la charpente et de la toiture étaient en cours à Notre-Dame. Interrogés par les enquêteurs, plusieurs ouvriers ont reconnu avoir fumé sur les échafaudages. L’analyse ADN des mégots récupérés à la base des échafaudages a confirmé leurs déclarations. Toutefois, l’incendie a démarré à l’intérieur de la cathédrale et les enquêteurs n’ont pas réussi à déterminer si les ouvriers avaient fumé à l’intérieur de la cathédrale. La seconde hypothèse est un court-circuit. Les ouvriers avaient entreposé une partie des échafaudages dans les combles. Il est possible que ce stockage ait abimé les branchements électriques des cloches et déclenché un court-circuit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119164304064827392"}"></div></p>
<p>Mais l’incendie de Notre-Dame ne peut pas s’expliquer entièrement par des erreurs commises par les employés « de première ligne ». Comme la plupart des autres désastres, ses causes sont plus profondes.</p>
<h2>La sécurité n’était pas une priorité</h2>
<p>D’une part, le système de sécurité incendie (SSI) de la cathédrale présentait des failles importantes. Alors que ces équipements auraient sans doute permis de sauver les combles et la flèche de Notre-Dame, il ne prévoyait ni cloisons coupe-feu ni système de brumisation automatique. Il reposait entièrement sur la détection et l’intervention humaine rapide pour étouffer le plus rapidement possible un éventuel début d’incendie.</p>
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<p>D’autre part, la sécurité ne semble pas avoir été une priorité à Notre-Dame. Alors que des travaux importants étaient en cours, le chantier ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière. Comme l’a raconté un employé de la cathédrale :</p>
<blockquote>
<p>« Contrairement à ce qui a pu être dit, personne n’allait vérifier le chantier après le départ des ouvriers. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0090261623000104">article</a> récent, nous avançons également l’hypothèse selon laquelle l’incendie de Notre-Dame est une « surprise prévisible » qui aurait pu être évitée. Les chercheurs américains et Michael D. Watkins et Max H. Bazerman définissent une <a href="https://hbr.org/2003/04/predictable-surprises-the-disasters-you-should-have-seen-coming">surprise prévisible</a> comme « un événement ou un ensemble d’événements qui prennent un individu ou un groupe par surprise, alors qu’ils disposaient de toutes les informations nécessaires pour anticiper ces événements et leurs conséquences ».</p>
<h2>Recommandations non suivies</h2>
<p>Quatre caractéristiques distinguent les surprises prévisibles des événements impossibles à prédire.</p>
<p><strong>Premièrement, les dirigeants savent que des problèmes existent… mais ils ne font rien pour les résoudre.</strong> Les incendies sont <a href="https://www.la-croix.com/France/En-France-triste-inventaire-monuments-historiques-incendies-2020-07-18-1201105487">fréquents dans les monuments historiques</a>. Le rôle joué par les travaux est également bien connu. D’après un architecte des monuments historiques :</p>
<blockquote>
<p>« On sait bien que ces incendies surviennent souvent dans ces moments-là, quand ces vieux édifices sont un peu remués ».</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, la sécurité n’a pas été renforcée pendant les travaux. Trois ans avant le désastre, des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avaient également <a href="https://www.letemps.ch/monde/europe/notredame-etait-danger-un-rapport-oublie-laffirmait-2016">tenté d’alerter</a> les pouvoirs publics sur la vulnérabilité de la cathédrale face à un éventuel incendie. Comme l’a dit l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avions dit en effet (que) le risque d’un embrasement de la toiture existait et qu’il fallait absolument la protéger et installer un système d’extinction ».</p>
</blockquote>
<p>Malheureusement, les recommandations de ce rapport n’ont jamais été suivies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119149271150804994"}"></div></p>
<p><strong>Deuxièmement, les employés se rendent compte que ces problèmes s’aggravent… mais personne ne les écoute.</strong> À Notre-Dame, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) était chargée de la sécurité incendie. Comme elle a mal entretenu le SSI, il a <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/05/31/a-notre-dame-les-failles-de-la-protection-incendie_5470055_3246.html">rapidement connu des dysfonctionnements</a>. D’après un agent de sécurité :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait des déclenchements intempestifs dans les tours et les combles. À un moment, plus d’une dizaine dans la journée… Alors comme cela devenait insupportable, la Drac nous a carrément demandé de mettre le système en veille restreinte. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil du temps, la Drac a également <a href="https://www.paj-mag.fr/2019/10/23/notre-dame-de-paris-six-mois-apres/">allégé le dispositif de sécurité</a>. Elle a notamment réduit le nombre d’agents de sécurité et décidé de fermer le PC sécurité la nuit. Cette situation préoccupait beaucoup les agents de sécurité. Pour l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Je trouvais que c’était devenu trop dangereux. J’en parlais à ma femme, je lui disais qu’on était tellement peu nombreux là-bas que, s’il se passait quelque chose, la responsabilité était trop grande. »</p>
</blockquote>
<p><strong>Troisièmement, résoudre ces problèmes impliquerait des dépenses non négligeables.</strong> Comme on l’a vu, les enquêteurs ont avancé deux hypothèses pour expliquer l’incendie de Notre-Dame : une cigarette mal éteinte et un court-circuit. Ils ont également conclu à « une dégradation involontaire par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». En d’autres termes, le désastre provient essentiellement de négligences en matière de sécurité. La sécurité a un coût. Comme beaucoup d’autres organisations, la Drac n’a pas assez investi dans ce domaine… et les conséquences ont été dramatiques.</p>
<h2>Une préférence pour le statu quo</h2>
<p><strong>Quatrièmement, résoudre ces problèmes nécessiterait la remise en cause le <em>statu quo</em>.</strong> Bien que les failles du SSI de la cathédrale soient rapidement apparues, son concepteur et son successeur ont toujours refusé de revenir sur la décision d’équiper la charpente de cloisons coupe-feu et <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/04/19/pourquoi-n-y-avait-il-pas-d-extincteurs-automatiques-dans-la-cathedrale_1722451/">d’extincteurs automatiques</a>. Leur réticence à « mutiler » la charpente a finalement conduit à sa destruction complète. Alors que le clergé aurait pu demander à la Drac d’améliorer les normes de sécurité à Notre-Dame, il a – lui aussi – préféré le <em>statu quo</em>. Cela lui a notamment permis de <a href="https://www.europe1.fr/societe/incendie-a-notre-dame-de-paris-des-cloches-electrifiees-a-lorigine-du-sinistre-3894921">faire électrifier plusieurs cloches</a> dans les combles et la flèche… ce qui est contraire à toutes les règles de sécurité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-sciences-au-service-de-notre-dame-de-paris-188755">Dossier : Les sciences au service de Notre-Dame de Paris</a>
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<p>Quatre ans après l’incendie de Notre-Dame, le dossier est <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/notre-dame-de-paris-l-enquete-sur-l-origine-de-l-incendie-bientot-classee-20220819">sur le point d’être classé</a>. Le ministère de la Culture semble cependant avoir tiré des enseignements de cette surprise prévisible. En 2020, il a demandé un <a href="https://www.sudouest.fr/france/notre-dame-de-paris/notre-dame-de-paris-quot-plan-de-securite-quot-des-cathedrales-sept-monuments-ne-sont-toujours-pas-aux-normes-2007524.php">audit des 86 autres cathédrales françaises</a> en recommandant de porter « une attention toute particulière aux installations électriques et aux procédures mises en place à l’occasion de travaux ».</p>
<p>En février 2022, le Général Georgelin, président de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale, a également annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/04/14/jean-louis-georgelin-avec-notre-dame-de-paris-on-reconstruit-une-cathedrale-du-xxi-si%C3%A8cle_6169448_3246.html">l’installation de parois coupe-feu</a> et d’un système de brumisation des poutres. C’est une bonne nouvelle… mais la charpente du XIII<sup>e</sup> siècle et la flèche sont perdues à jamais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Barthélemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alertes sur les risques, inertie face aux problèmes de sécurité identifiés… Le drame du 15 avril 2019 présente des caractéristiques qui le distinguent des événements impossibles à prédire.Jérôme Barthélemy, Professeur et Directeur Général Adjoint, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2034322023-04-10T19:25:16Z2023-04-10T19:25:16ZLa militarisation du maintien de l’ordre en France : vers une dérive autoritaire ?<p>Depuis l’utilisation du 49.3 par Élisabeth Borne le 16 mars, les manifestations connaissent un regain de colère qui se traduit par une <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-03-28/les-manifestations-de-2023-sont-elles-vraiment-plus-violentes-qu-avant-f6d3d97a-dc41-4347-91a9-05ba1f86ece3">augmentation des incidents en marge des manifestations</a> contre le projet de réforme des retraites. La frustration et l’exaspération laissent de plus en plus souvent place <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-la-forte-et-persistante-revolte-contre-la-reforme-des-retraites-202798">à l’expression physique du mécontentement social</a> qui n’a pu se manifester concrètement au parlement.</p>
<p>Pour répondre <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-les-citoyens-au-miroir-de-leurs-blessures-emotionnelles-203182">aux jets de pierres et aux poubelles brûlées</a>, le ministère de l’Intérieur a mis en place un <a href="https://www.letemps.ch/monde/ong-denoncent-violence-policiere-repression-manifestations-france">important déploiement de force</a>, acte jugé excessif et inapproprié <a href="https://fr.myeurop.info/2023/03/28/violences-policieres-limage-de-la-france-atteinte-a-letranger/">sur la scène internationale</a> par différents observateurs comme <a href="https://www.amnesty.fr/actualites/france-manifestations-un-recours-excessif-a-la-la-force-et-aux-arrestations-abusives">Amnesty International</a>.</p>
<p>À ces accusations graves de violations répétées des droits humains (manifester, circuler librement, exprimer publiquement ses opinions sans risque), le gouvernement retourne le vecteur : ce ne seraient pas les excès d’une partie des forces de l’ordre qui poseraient problème, mais <a href="https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/que-sont-les-factieux-denonces-par-emmanuel-macron-20230322">« les factieux »</a>, ces manifestants qui voudraient renverser le pouvoir.</p>
<p>Auditionné mercredi 5 avril par la commission des lois de l’Assemblée nationale puis par le Sénat, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/04/05/gerald-darmanin-va-s-expliquer-devant-les-deputes-et-les-senateurs-sur-le-maintien-de-l-ordre_6168317_823448.html">Gérald Darmanin l’assure encore</a>, « la poussée extrêmement forte des violences » est due exclusivement à « l’ultragauche », aux « casseurs » et – s’il voulait faire dans la provocation, dit-il – aux preneurs d’otages (il parle de « prise d’otages » de la part des manifestants violents). Ces affirmations en viennent à omettre un autre facteur essentiel pour saisir la situation actuelle : <a href="https://www.europe1.fr/societe/formation-insuffisante-hierarchie-absente-deni-des-violences-ces-maux-qui-minent-la-police-4008577">l’évolution récente du protocole du maintien de l’ordre français</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lenquete-police-population-du-ministere-de-linterieur-est-trompeuse-142098">Pourquoi l’enquête « police-population » du ministère de l’Intérieur est trompeuse</a>
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<h2>Le LBD, exemple d’une militarisation accrue des forces de l’ordre</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2008-1-page-101.htm">Depuis une trentaine d’années</a>, les gouvernements successifs ont décidé de renforcer le matériel des gendarmes mobiles et des CRS qui sont les principales forces de l’ordre mobilisées pour encadrer les manifestations. L’armure, le pistolet, le gaz lacrymogène et des <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/les-jets-de-grenades-par-les-forces-de-lordre-font-a-nouveau-polemique-dans-les-manifestations-ed95e4ec-c947-11ed-b7b6-abe6ad8a6310">armes de guerre reconnues</a> comme telles par l’État (<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/09/police-un-deficit-de-formation-a-l-usage-des-fusils-d-assaut_6125349_3224.html">fusils d’assaut</a>, <a href="https://www.midilibre.fr/2023/03/27/elle-fait-le-bruit-dun-avion-au-decollage-quest-ce-que-la-grenade-gm2l-si-decriee-par-les-manifestants-11092097.php">grenades de désencerclement</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-le-lbd-reconnu-comme-arme-de-guerre-par-la-reglementation-internationale_3414301.html">LBD</a>) deviennent peu à peu partie intégrante de l’équipement standard pour le maintien de l’ordre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-abolir-la-police-la-question-fait-debat-aux-etats-unis-140477">Peut-on abolir la police ? La question fait débat aux États-Unis</a>
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<p>L’un des symboles de ce nouvel équipement est le lanceur de balles de défense (LBD). Introduit par Claude Guéant en 1995, le LBD est interdit dans le cadre des manifestations et <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/flash-ball-lbd-40-ces-armes-non-letales-denoncees-depuis-dix-ans-par-presque-tout-le-monde-4585504">expérimenté dans des unités spéciales</a> pour lutter contre le terrorisme et les prises d’otage. Ce choix s’explique aussi bien par les <a href="https://fr-fr.facebook.com/Ina.fr/videos/le-flash-ball-une-invention-fran%C3%A7aise-1995/2055936861371072/">pressions subies par le Conseil de l’Europe</a>, que par la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/6-decembre-1986-quand-la-mort-de-malik-oussekine-illustrait-les-techniques-policieres-de-l-epoque-4357262">mort de Malik Oussekine en 1986</a> qui reste encore dans les esprits des dirigeants politiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mfx0DPryCes?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’affaire Malik Oussekine, 1986, INA.</span></figcaption>
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<p>Il faut attendre <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2007/11/29/plusieurs-blesses-dans-une-manifestation-etudiante-a-nantes_983694_3224.html">au moins 2007 pour que le LBD soit utilisé à titre expérimental en manifestation</a>, et son premier usage se solde par une blessure grave. En effet, un lycéen est énucléé et, après onze années de procès, la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/07/05/97001-20180705FILWWW00208-l-etat-condamne-a-payer-86000-euros-a-un-lyceen-eborgne-par-un-flash-ball.php">justice reconnaît que le policier</a> avait illégalement et illégitimement tiré sur un manifestant inoffensif.</p>
<h2>Une « dangerosité totalement disproportionnée »</h2>
<p>Par cette décision prise en juillet 2018, le tribunal administratif fait donc suite à plusieurs condamnations émises par d’autres instances françaises : l’inspection générale des services <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2009/08/19/tir-de-flashball-a-montreuil-des-policiers-n-ont-pas-respecte-les-regles-selon-l-igs_1229952_3224.html">s’alarme du non-respect des règles</a> permettant l’usage du LBD par les forces de l’ordre en juillet 2009, la Commission nationale de déontologie de la Sécurité (qui était chargée de veiller à la déontologie des forces de sécurité publiques et privées) <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/la-commission-nationale-de-deontologie-de-la-securite-cnds-met-en-cause-l-utilisation-de-flashball-par-la-police_236191.html">s’inquiète de la « dangerosité totalement disproportionnée »</a> du LBD en manifestation, ou encore le défenseur des droits en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/jacques-toubon-tire-a-vue-sur-le-flash-ball-4955110">demande l’interdiction en manifestation</a> en 2015 tant l’arme s’avère dangereuse et inutile (même sans les LBD, « la police n’est pas désarmée », elle dispose d’autres outils moins dangereux pour maintenir l’ordre).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pourtant, en décembre 2018, le troisième acte des « gilets jaunes » marque également celui du retour en force du LBD. En seulement quatre mois, plus de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-plus-de-13-000-tirs-de-lbd-recenses-07-03-2019-2299070_23.php">13 000 tirs de LBD</a> sont réalisés contre les manifestants.</p>
<p><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/deux-ans-apres-que-sont-devenus-les-gilets-jaunes-mutiles-en-manifestation-2727108">Selon le journaliste David Dufresnes</a>, en l’espace d’un an, plus de 300 « gilets jaunes » sont sérieusement blessés et une trentaine éborgnés suite à ces tirs. Le LBD, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-le-lbd-reconnu-comme-arme-de-guerre-par-la-reglementation-internationale_3414301.html">cette arme de guerre</a> selon les réglementations françaises et <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/critiquee-par-l-onu-la-france-assume-et-justifie-l-usage-du-lbd-24-04-2019-8059386.php">internationales</a>, est passé en moins de trois décennies du statut d’arme expérimentale antiterroriste à celui d’« arme non létale ».</p>
<h2>Un maintien de l’ordre efficace et plus pacifié dans le dernier tiers du XXᵉ siècle</h2>
<p>Depuis 2018, la France a été catégorisée par le magazine <em>The Economist</em> comme une <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2019/01/08/the-retreat-of-global-democracy-stopped-in-2018">« démocratie défaillante »</a> au même titre que l’Italie, la Pologne et la Hongrie… Un résultat des plus surprenants quand on compare le protocole de maintien de l’ordre actuel avec celui adopté entre 1968 et 2000.</p>
<p>Bien qu’imparfait, le <a href="https://www.cairn.info/strategies-de-la-rue--9782724607074.htm">modèle adopté avec et après</a> les événements de 1968 par le préfet Maurice Grimaud et le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin (imités par leurs successeurs) se révèle très efficace.</p>
<p>La mise à distance des corps (entre manifestants et policiers), la construction d’une gradation de la réponse donnée par les agents, la surveillance par l’infiltration des manifestants (<a href="https://www.cairn.info/revue-parlements-2022-2-page-173.htm">afin de renseigner au mieux les forces de l’ordre de la situation</a>), le développement de nouvelles tactiques visant à s’adapter aux risques d’affrontements et la volonté de laisser les manifestants s’exprimer calmement dans l’espace public, sont autant de changements qui permettent une pacification conséquente de la rue. Des agents chargés d’appréhender les « casseurs » restaient en retrait, prêts à intervenir dès le signal reçu, sans avoir à charger contre l’ensemble du cortège. <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/maintien-de-l-ordre-les-brav-m-sont-elles-totalement-indispensables-comme-l-affirme-laurent-nunez_5751668.html">Contrairement à certaines déclarations officielles</a>, ces manifestants violents étaient déjà chaussés pour fuir, tout comme les agents étaient déjà préparés pour les poursuivre.</p>
<p>Les années 1968-1983 furent pourtant marquées par des manifestations particulièrement violentes. Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre étaient courants. Toutefois, il y avait une <a href="https://journals.openedition.org/lectures/47106">volonté politique de pacifier</a> les relations entre « la rue » et les forces de l’ordre. Cette pacification se poursuit tout au long des <a href="https://voidnetwork.gr/wp-content/uploads/2016/09/Policing-Protest-The-Control-of-Mass-Demonstrations-in-Western-Democracies-edited-by-Donatella-della-Porta-and-Herbert-Reiter-.pdf">décennies 1970-1990</a>.</p>
<p>Bien entendu, il ne faut pas idéaliser la période. Des incidents parfois très graves eurent lieu. il y eut au moins trois morts et quelques dizaines de blessés parmi les manifestants <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=21084">entre 1977 et 1999</a>, tout comme plusieurs dizaines de policiers et gendarmes furent blessés et un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/03/05/un-viticulteur-et-un-commandant-de-c-r-s-sont-tues-dans-l-aude-dans-une-fusillade-entre-forces-de-l-ordre-et-manifestants-le-midi-en-ebullition_3124627_1819218.html">CRS tué par balle en 1976</a>. Cependant, la volonté des gouvernements alors en place d’assurer un maintien de l’ordre pacifié a offert d’excellents résultats avec <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=21084">seulement 5 % d’atteintes contre les biens et les personnes</a> lors des manifestations entre 1975 et 1990.</p>
<h2>Les inquiétudes d’une tentation autoritaire</h2>
<p>À travers l’exemple du LBD, il est possible de constater que le renforcement de l’équipement du maintien de l’ordre – <a href="https://www.lesechos.fr/2017/02/securite-le-couteux-suremploi-des-crs-167042">analogue à la baisse des effectifs des agents spécialisés dans le domaine</a> – a été suivi d’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/les-violences-policieres-en-france-sont-elles-plus-frequentes-ou-sont-elles-devenues-plus-visibles_4203791.html">augmentation des accusations d’abus par les forces de l’ordre</a>. Le problème ne vient pas de la formation des CRS et des gendarmes mobiles, qualitative par le temps qui y est consacré et son <a href="https://www.lepoint.fr/societe/maintien-de-l-ordre-qui-est-responsable-08-07-2019-2323204_23.php">adaptation aux évolutions des manifestations publiques</a>, mais <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/279024-maintien-de-lordre-une-doctrine-en-debat">du changement de la doctrine</a>, du déploiement de policiers non spécialisés pour ce type de mission et des défaillances de la chaîne de commandement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rWiq0ZUC-xA?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Paris sur les Grands Boulevards, le 23 mars 2023, de nombreux manifestants sont attaqués par les forces de l’ordre de manière qualifiée de disproportionnée, YouTube.</span></figcaption>
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<p>Les sociologues Sébastien Roché et Olivier Fillieule <a href="https://www.publicsenat.fr/article/societe/violences-policieres-le-maintien-de-l-ordre-part-completement-a-vau-l-eau-et-pietine">l’ont longuement analysé</a> : si l’usage des LBD a reculé pour l’instant, les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/16/ordre-public-l-affrontement-ne-garantit-pas-la-securite_6130540_3232.html">incitations au contact avec les manifestants</a>, <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/reforme-des-retraites-les-nasses-sont-elles-vraiment-interdites-en-manifestation-21-03-2023-RDX322CFXREZ3M5GJLG7542LC4.php">l’usage répété des nasses</a>, <a href="https://www.publicsenat.fr/article/societe/violences-policieres-le-maintien-de-l-ordre-part-completement-a-vau-l-eau-et-pietine">« les interpellations de masse pour dissuader de participer au cortège »</a>, ou encore le <a href="https://www.20minutes.fr/societe/4031345-20230405-identification-policiers-conseil-etat-refuse-forcer-main-interieur">refus de veiller au bon port du RIO</a> (numéro d’identification des policiers) ne peuvent qu’alimenter les incidents et nourrir la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/27/maintien-de-l-ordre-la-brutalisation-des-interventions-est-aujourd-hui-au-c-ur-de-la-strategie-francaise_6167151_3232.html">défiance populaire à l’égard des forces de l’ordre</a>.</p>
<h2>La France montrée du doigt</h2>
<p>Ainsi, depuis le sommet de la COP21 mais plus encore les mouvements sociaux contre la loi El Khomri en 2016, l’image de la France s’est fortement détériorée à l’international. L’accroissement de la répression a commencé aussi bien à <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20160213.OBS4610/yves-sintomer-la-france-peut-evoluer-vers-un-regime-autoritaire.html">inquiéter les Français</a>, qui éprouvent une <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/contre-la-reforme-des-retraites-les-francais-soutiennent-le-mouvement-social-mais-ont-peur-de-manifester_216213.html">peur croissante d’aller</a> <a href="https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2020/12/19/j-ai-eu-peur-pour-ma-vie-face-a-l-escalade-de-la-violence-ils-ont-renonce-a-manifester_6063917_1653578.html">manifester dans la rue</a> voire <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/12/05/face-a-la-police-la-peur-d-aller-manifester_1767301/">d’exprimer publiquement leurs opinions</a>, que les observateurs <a href="https://www.nouvelobs.com/social/20230324.OBS71307/macron-parle-la-rue-lui-repond-comment-la-mobilisation-contre-la-reforme-des-retraites-est-elle-vue-de-l-etranger.html">européens et nord-américains</a>, qui voient là l’image d’un pouvoir « méprisant et insensible », « autoritaire », « brutal ».</p>
<p>Cela n’est pas nouveau. La France a déjà été condamnée pour son usage excessif et répété de la force dans son protocole de maintien de l’ordre par la <a href="https://www.la-croix.com/France/Justice/France-condamnee-violences-policieres-2017-11-16-1200892527">Cour européenne des droits de l’Homme en 2017</a> puis en <a href="https://www.lepoint.fr/faits-divers/violences-policieres-la-condamnation-qui-embarrasse-la-france-27-05-2019-2315369_2627.php">2019</a>.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/05/20/le-conseil-constitutionnel-censure-l-ex-article-24-de-la-proposition-de-loi-securite-globale_6080897_3224.html">Le projet de loi de sécurité globale</a> avait également suscité beaucoup d’inquiétudes puisqu’il cherchait à punir toute diffusion d’images de policiers et de gendarmes (<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/04/15/les-principaux-articles-de-la-loi-securite-globale-definitivement-adoptee-par-l-assemblee-nationale_6076884_3224.html">« délit de provocation à l’identification »</a>. Cela aurait <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2021/03/france-new-security-law-risks-dystopian-surveillance-state/">drastiquement réduit la possibilité</a> de poursuivre les éventuels agents responsables d’abus.</p>
<p>L’usage de la violence ne saurait être toléré dans une démocratie. Cela vaut aussi bien pour les manifestants (qui doivent en répondre devant la loi) que pour les forces de l’ordre. Comme le rappelait <a href="https://www.lemonde.fr/le-monde-2/article/2008/05/16/la-lettre-de-maurice-grimaud-aux-policiers_1046120_1004868.html">Maurice Grimaud en mai 1968</a>, « frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ». Ou, pour reprendre <a href="https://blogs.letemps.ch/frederic-maillard/author/frederic-maillard/">l’expression plus récente du socio-économiste suisse Frédéric Maillard qui tient le blog <em>L’observatoire des polices</em></a>, « les voyous ne méritent pas qu’on les [forces de l’ordre] leur ressemble ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryan Muller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le changement de la doctrine de maintien de l’ordre et des défaillances dans la chaîne de commandement illustrent une évolution inquiétante dans l’encadrement des manifestations.Bryan Muller, Docteur en Histoire contemporaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996982023-02-19T17:05:47Z2023-02-19T17:05:47ZQuel est le siège le plus sûr dans un avion ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509439/original/file-20230210-18-dt1row.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C49%2C3000%2C1944&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps de choisir votre siège.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lorsque vous réservez un vol, vous demandez-vous quel siège vous protégera le plus en cas d’urgence ? Probablement pas.</p>
<p>La plupart des gens réservent des sièges pour le confort, comme l’espace pour les jambes, la commodité ou l’accès facile aux toilettes. Les grands voyageurs (dont je fais partie) réservent parfois leur siège le plus près possible de l’avant de l’avion pour pouvoir débarquer plus rapidement.</p>
<p>Nous réservons rarement un vol en espérant obtenir l’un des sièges du milieu de la dernière rangée. Et bien, devinez quoi ? Ces sièges sont statistiquement les <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">plus sûrs dans un avion</a>.</p>
<h2>Les voyages en avion sont sûrs</h2>
<p>Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à rappeler que le transport aérien est le <a href="https://www.sbs.com.au/news/article/how-safe-is-flying-heres-what-the-statistics-say/knzczab06">mode de transport le plus sûr</a>. En 2022, il y a eu un peu moins de <a href="https://www.flightradar24.com/data/statistics">70 millions</a> de vols dans le monde, avec seulement <a href="https://www.pnc-contact.com/2023/01/02/accidents-avions-2022">174 décès</a>.</p>
<p>Selon l’analyse des données de recensement effectuée par le Conseil national de la sécurité américain, les chances de <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">mourir dans un avion</a> sont d’environ 1 sur 205 552, contre 1 sur 102 dans une voiture. Malgré cela, nous accordons peu d’attention aux accidents mortels de la route, mais lorsque nous entendons parler d’un <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jan/15/nepal-plane-crash-with-72-onboard-leaves-at-least-16-dead">avion qui s’écrase</a>, il fait la une de tous les journaux.</p>
<p>Notre intérêt pour les accidents d’avion peut résider dans notre volonté de comprendre pourquoi ils se produisent, ou quelles sont les chances qu’ils se reproduisent. Et ce n’est peut-être pas une mauvaise chose : notre intérêt permet de s’assurer que ces incidents tragiques font l’objet d’une <a href="https://apnews.com/article/plane-crashes-nepal-singapore-kathmandu-accidents-3b26342109872610d922f515fe94455b">enquête approfondie</a>, ce qui contribue à la sécurité du transport aérien.</p>
<p>Il n’y a pas vraiment lieu de s’inquiéter de la sécurité lorsque vous embarquez sur un vol commercial. Mais si vous avez toujours cette question lancinante en tête, poussée par la pure curiosité, lisez ce qui suit.</p>
<h2>Au milieu, à l’arrière</h2>
<p>Il est bon de rappeler que les accidents, par leur nature même, ne sont pas conformes aux normes. Lors du <a href="https://www.britannica.com/event/United-Airlines-Flight-232">crash du vol United 232</a> à Sioux City (Iowa) en 1989, 184 des 269 personnes à bord ont survécu à l’accident. La plupart des survivants étaient assis derrière la première classe, vers l’avant de l’avion.</p>
<p>Néanmoins, une <a href="https://time.com/3934663/safest-seat-airplane/">enquête du magazine américain <em>Time</em></a> qui a examiné 35 ans de données sur les accidents d’avion a révélé que les sièges arrière centraux d’un avion présentaient le taux de mortalité le plus faible : 28 %, contre 44 % pour les sièges de l’allée centrale.</p>
<p>C’est également logique. S’asseoir à côté d’une rangée où se situe la sortie vous offrira toujours la sortie la plus rapide en cas d’urgence, à condition qu’il n’y ait pas de feu de ce côté. Mais les ailes d’un avion stockent du carburant, ce qui disqualifie les rangées de sortie centrales en <a href="https://www.rd.com/list/flight-safety/">tant qu’option de rangée la plus sûre</a>.</p>
<p>En même temps, le fait d’être plus près de l’avant signifie que vous serez touché avant ceux de l’arrière, ce qui nous laisse la dernière rangée qui compte une sortie. Pour ce qui est de la raison pour laquelle les sièges du milieu sont plus sûrs que ceux de la fenêtre ou de l’allée, c’est, comme on peut s’y attendre, à cause du tampon que constitue la présence de personnes de chaque côté.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une vue de face de l’aile d’un avion commercial" src="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507486/original/file-20230201-24-8p3bpc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les ailes des avions commerciaux stockent du carburant, ce qui peut rendre cette zone légèrement plus dangereuse dans le cas très improbable d’une urgence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Certains accidents sont pires que d’autres</h2>
<p>Le type d’accident déterminera également la capacité de survie. Se heurter à une montagne diminuera les chances de survie de manière exponentielle, comme ce fut le cas lors d’une tragique catastrophe survenue en 1979 en Nouvelle-Zélande. Le vol TE901 d’Air New Zealand s’est écrasé sur les pentes du mont Erebus en <a href="https://nzhistory.govt.nz/culture/erebus-disaster">Antarctique</a>, tuant 257 passagers et membres d’équipage.</p>
<p>Les pilotes sont formés pour minimiser au mieux les risques potentiels en cas d’urgence. Ils essaieront d’éviter de heurter des montagnes et chercheront un endroit plat, comme un champ ouvert, pour atterrir aussi normalement que possible. La technique d’<a href="https://www.aviationsafetymagazine.com/features/the-myths-of-ditching/">atterrissage dans l’eau</a> consiste à évaluer les conditions de surface et à essayer d’atterrir entre les vagues à un angle d’atterrissage normal.</p>
<p>Les avions sont conçus pour être très robustes dans les situations d’urgence. En fait, la principale raison pour laquelle le personnel de cabine nous rappelle de garder nos ceintures attachées n’est pas le risque d’écrasement, mais les <a href="https://www.skybrary.aero/articles/clear-air-turbulence-cat">« turbulences en air clair »</a> que l’on peut rencontrer à tout moment à haute altitude. C’est ce phénomène météorologique qui peut causer le plus de dommages <a href="https://www.usnews.com/news/us/articles/2022-12-20/turbulence-persists-as-a-major-cause-of-injuries-on-flights">aux passagers et aux avions</a>.</p>
<p>Les constructeurs conçoivent de nouveaux avions avec davantage de matériaux composites capables de résister aux contraintes en vol. Dans ces modèles, les ailes ne sont pas rigides et peuvent fléchir pour absorber une <a href="https://www.wired.com/2010/03/boeing-787-passes-incredible-wing-flex-test/">charge extrême</a> afin d’éviter une défaillance structurelle.</p>
<h2>Le type d’avion fait-il une différence ?</h2>
<p>Il est vrai que certaines variables, comme l’impact de la vitesse, peuvent varier légèrement d’un type d’avion à l’autre. Cependant, la <a href="https://www.grc.nasa.gov/www/k-12/UEET/StudentSite/dynamicsofflight.html">physique du vol</a> est plus ou moins la même pour tous les avions.</p>
<p>En général, les avions plus grands ont plus de matériaux structurels et donc plus de résistance pour supporter la pressurisation en altitude. Cela signifie qu’ils peuvent offrir une protection supplémentaire en cas d’urgence, mais cela dépend, là encore, de la gravité de l’urgence.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que vous devez réserver votre prochain vol sur le plus gros avion que vous pouvez trouver. Comme je l’ai mentionné, les voyages en avion restent très sûrs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doug Drury ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les voyages en avion sont très sûrs, bien plus que les voyages en voiture. Mais cela ne nous empêche pas de nous demander où il vaut mieux s’installer.Doug Drury, Professor/Head of Aviation, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974972023-01-25T14:37:19Z2023-01-25T14:37:19ZGarantir l’inclusion des personnes en situation de handicap : la douce magie d’un espace habilitant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505188/original/file-20230118-11-69v9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C991%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'espace habilitant est un espace sécuritaire, confortable, stimulant, collaboratif, flexible et permettant le pouvoir d’agir.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Imaginez être Harry Potter, jeune humain étudiant à l’école de sorcellerie Poudlard. Vous décidez de rendre visite à votre ami Hagrid, gardien semi-géant de l’école. En arrivant chez lui, tout vous paraît beaucoup trop grand, trop lourd, inaccessible. Vous vous sentez terriblement petit, vulnérable et impuissant dans cet espace, pourtant parfaitement adapté à Hagrid. </p>
<p>À l’inverse, ce dernier se retrouve bien embarrassé lorsqu’il doit partager une table avec les autres employés de l’école. Il est trop grand, trop gros, renverse tout sur son passage… Il se sent terriblement encombrant, isolé et maladroit. Harry et Hagrid vivent, chacun leur tour, une situation de handicap qu’ils auraient aimé éviter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"521712526841507841"}"></div></p>
<p>Respectivement doctorant en sciences biomédicales et chercheur en ergothérapie à l’UQTR, nous avons travaillé à l’élaboration d’un concept, celui d’<a href="https://www.researchgate.net/publication/338066762_Le_concept_d%E2%80%99espace_habilitant_une_avenue_theorique_prometteuse_en_ergonomie">espace habilitant</a>, qui permettrait d’améliorer ces situations, encore bien présentes dans le monde des magiciens comme du commun des mortels… </p>
<p>Le concept d’espace habilitant identifie les principaux attributs nécessaires à la conception et l’adaptation des espaces. Nous vous le présentons ici dans une approche ludique, autour de l’univers d’Harry Potter.</p>
<h2>Une question d’espace</h2>
<p>Plusieurs courants se sont intéressés à la possibilité de rendre les espaces de vie plus <a href="https://inrs.ca/linrs/equite-diversite-et-inclusion/">inclusifs</a>, permettant ainsi à chacun d’y réaliser ses activités. Lorsque l’on parle d’espace, on ne pense pas seulement à un environnement physique, mais également à tout ce que cela implique : les gens qui y évoluent, le matériel présent, les conditions environnementales, les activités que chacun veut faire, la signification que ce lieu peut avoir, etc. C’est ce que l’on appelle une <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/holistique">vision holistique</a> de l’espace. </p>
<p>Plusieurs outils théoriques de disciplines diverses (architecture, philosophie, ergothérapie, sociologie, urbanisme, psychologie) peuvent aider à comprendre ces situations et la complexité de ces espaces. À titre d’exemple, le concept d’<a href="https://www.irsst.qc.ca/en/publications-tools/video/i/100167/n/concept-environnement-capacitant">environnement capacitant</a> s’attarde aux aspects inclusif, sécuritaire et développemental d’un espace. Le concept de l’<a href="https://caot.ca/document/4210/L%20-%20Les%20occupations%20et%20la%20sant%C3%A9%20(2008).pdf">habilitation aux occupations</a> va quant à lui s’intéresser à l’accompagnement individuel des personnes afin de les aider à effectuer les activités qu’ils souhaitent. Dans une vision plus collective, le concept d’<a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2775-accessibilite-universelle-conception-environnements.pdf">accessibilité universelle</a> va chercher davantage à garantir, par l’adaptation des espaces, une sécurité et une liberté d’action pour tous.</p>
<p>Afin d’englober tous ces concepts, nous nous sommes penchés sur le développement du concept d’espace habilitant.</p>
<h2>Les ingrédients nécessaires à l’espace habilitant</h2>
<p>Nous avons proposé ce concept afin d’identifier les critères fondamentaux nécessaires à l’habilitation d’un espace, c’est-à-dire favorisant le bien-être, l’inclusion et le développement de tous. C’est un peu comme si l’on décidait de concevoir une potion dans le but d’aider les professeurs de Poudlard à adapter l’école. Après concertation, <a href="https://www.researchgate.net/publication/338066762_Le_concept_d%E2%80%99espace_habilitant_une_avenue_theorique_prometteuse_en_ergonomie">six ingrédients</a> ont été sélectionnés pour préparer la potion d’espace habilitant :</p>
<ul>
<li><p>de la sécurité </p></li>
<li><p>du confort</p></li>
<li><p>de la stimulation, afin de maintenir nos sens éveillés et encourager notre développement</p></li>
<li><p>de la collaboration, qui doit favoriser la communication, le partage et la transparence entre les personnes. En effet, si chacun peut s’exprimer, être entendu, mais également entendre les réalités, besoins, envies des autres, la cohabitation sera plus aisée</p></li>
<li><p>du pouvoir d’agir, qui permettra à chacun de décider, d’être l’acteur principal et le décisionnaire de ce qu’il fait et de la façon dont il occupe l’espace </p></li>
<li><p>de la flexibilité, qui va permettre à la personne de se réapproprier son espace et de l’adapter en fonction des envies et besoins</p></li>
</ul>
<p>Mais l’être humain est complexe. Il faut donc accepter le fait qu’il est impossible de le cerner complètement et que la première version de l’espace ne sera habilitante que temporairement. C’est pour cette raison que l’ingrédient de flexibilité devient indispensable. Il faut que l’espace puisse nous permettre de le modifier en fonction de notre propre évolution.</p>
<p>Le meilleur exemple de cette flexibilité est l’aménagement d’une maison intergénérationnelle. Selon l’âge et les besoins spécifiques de ses résidents (apparition ou évolution d’un handicap, passage à l’adolescence, besoin d’agrandissement), elle sera amenée à s’adapter.</p>
<h2>Une potion réussie n’est pas suffisante</h2>
<p>Un espace sécuritaire, confortable, stimulant, collaboratif, flexible et permettant le pouvoir d’agir serait donc un espace habilitant. C’est bien, mais le problème n’est pourtant pas encore complètement résolu. Il faut d’abord et avant tout s’intéresser à la politique et à la législation du contexte dans lequel l’espace se trouve. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="grand-père tient son petit fils" src="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506179/original/file-20230124-14-u6qsnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’aménagement d’une maison intergénérationnelle est un bon exemple de flexibilité, ingrédient nécessaire à la conception d’un espace habilitant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Jimmy Cohen)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, au Québec, la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/e-20.1">loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale</a> ou encore le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/securite-publique/publications/plan-action-personnes-handicapees-2021-2022">plan d’action à l’égard des personnes handicapées du ministère de la Sécurité publique</a> cadrent, responsabilisent, orientent, soutiennent l’organisation de l’accompagnement des instances. </p>
<p>Ensuite, il importe de mobiliser l’<a href="https://ceppp.ca/actualite/quest-ce-que-le-partenariat-avec-les-patients-et-le-public-7-articles-scientifiques-incontournables/">expérience vécue des personnes comme équivalente à celles des différents professionnels</a> qui vont penser et concevoir les espaces. Et oui, si le professeur Rogue est expert des potions et le professeur Flitwick des sortilèges, ils ne pourront rien faire sans l’expertise acquise par le vécu des personnes qui vivent une situation de handicap au quotidien. Cette expertise située est le facteur central à la bonne mise en place d’un espace habilitant.</p>
<p>Si, lors de la conception de Poudlard, des semi-géants, des nains, des centaures, des étudiants avaient pu s’exprimer et participer à la conception de l’école, il est certain que ni Harry ni Hagrid n’auraient à revivre ce genre de situation. Ils auraient le sentiment d’être dans les meilleures dispositions pour réaliser leurs occupations et poursuivre leur combat contre les forces du mal !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197497/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lefay Galaad a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Therriault a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).</span></em></p>La volonté des politiques publiques d’améliorer l’inclusion et le maintien des personnes en situation de handicap dans leurs espaces de vie est soumise à nombreux défis.Lefay Galaad, Candidat au doctorat en sciences biomédicales, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Pierre-Yves Therriault, Professeur titulaire au Département d'ergothérapie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1941042022-12-08T19:26:18Z2022-12-08T19:26:18ZNos objets connectés sont encore trop facilement piratables<p>Montres, télés, frigos… les objets connectés envahissent aujourd'hui notre quotidien personnel et professionnel. Ces objets sont malheureusement de plus en plus la cible d'attaquants qui peuvent tenter des les corrompre dans différents buts.</p>
<p>La corruption d'objets connectés peut par exemple permettre de désactiver une alarme d'un domicile ou de déverouiller un portail automatique. Elle peut aussi s'avérer plus complexe et plus dangereuse : on peut parfaitement imaginer la corruption d'une montre connectée dans un lieu public (le métro par exemple), qui par la suite, peut être utilisée à son tour pour corrompre des objets situés dans l'environnement professionnel du possesseur de la montre lorsque ce dernier se rend au travail.</p>
<p>Si ces objets sont difficiles à sécuriser, c'est notamment, car leur écosystème est complexe. En effet, de multiples objets voient régulièrement le jour et peuvent coexister dans les mêmes lieux. Ils n'utilisent pas nécessairement les mêmes protocoles de communication qui sont parfois utilisés sans aucun mécanisme de chiffrement, parfois propriétaires de certaines entreprises et donc non documentés.</p>
<p>Selon nos tests en laboratoire, nous avons pu observer que les objets connectés sont souvent mis sur le marché sans avoir été au préalable analysés sérieusement du point de la sécurité, et ceci en partie, car les développeurs ne sont pas suffisamment formés et sensibilisés.</p>
<h2>Un travail d'attaque et de défense</h2>
<p><a href="https://www.laas.fr/public/fr/tsf">L'équipe TSF</a> (Tolérance aux fautes et Sûreté de Fonctionnement Informatique) du LAAS-CNRS (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes) dans laquelle je travaille, s'intéresse à la sécurité des objets connectés depuis une dizaine d'années. Nos études ont porté à la fois sur les aspects offensifs (analyses de vulnérabilités), ainsi que les aspects défensifs (conception de mécanismes de protection ou de détection d'intrusion).</p>
<p>Les aspects offensifs ont été développés dans le cadre de plusieurs thèses. Dans le cadre de la thèse de <a href="https://theses.hal.science/tel-01195780">Yann Bachy</a>, nous avons travaillé sur l'analyse de vulnérabilités de Box ADSL et des TV connectés, qui ont fait partie historiquement des premiers objets connectés à intégrer nos domiciles. Dans la cadre de ces travaux, nous avions par exemple montré qu'il était possible, depuis le lien TNT utilisé par les téléviseurs pour recevoir les flux audio et vidéo, de corrompre une TV connectée de façon à lui faire ensuite perpétrer des attaques sur le réseau local du domicile (par exemple, désactiver le pare-feu intégré dans la Box ADSL).</p>
<p>Concrètement, nous avons travaillé avec des TV connectées utilisant la voie hertzienne terrestre (TNT) pour recevoir les flux audio et vidéo. Nous avons fabriqué un émetteur audio et vidéo illégitime qui émet sur les mêmes fréquences que celles utilisées par la TNT. L'attaque a donc été réalisée à distance, et s'est ensuite propagée dans le domicile.</p>
<p>Plus récemment, dans le cadre des thèses de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03841305/">Romain Cayre</a> et Florent Galtier (thèse en cours), nous avons travaillé sur l'analyse de vulnérabilités des protocoles de communication tels que <em>Bluetooth Low Energy</em> (BLE) et <em>Zigbee</em>, utilisés notamment pour les claviers et souris sans fils mais aussi pour les ampoules connectées. Nous avons pu notamment mettre en évidence une attaque originale, permettant à un objet connecté uniquement équipé d'un émetteur BLE d'émettre des données compréhensibles par un objet disposant uniquement d'un récepteur Zigbee. Pour donner une image, cette attaque pourrait correspondre à un individu qui parle uniquement anglais et qui, tout en parlant anglais, est parfaitement compris par une personne ne parlant que l'espagnol.</p>
<p>Nous avons pu également identifier une faille critique dans la spécification même du protocole BLE qui permet à un attaquant de pouvoir injecter des données dans une communication BLE établie entre deux objets.</p>
<p>Cette attaque, a été relayée par le consortium BlueTooth SIG (le réseau de partenaires qui définissent le standard BlueTooth), nous leur avions signalé son existence. Elle est d'autant plus dangereuse qu'elle est inhérente au protocole lui-même et donc présente dans tous les objets BLE du marché aujourd'hui. Et si l'activation systématique du chiffrement (qui est malheureusement trop peu faite aujourd'hui) limite fortement son efficacité, elle ne l'empêche pas complètement.</p>
<h2>Des objets qui se font passer pour ce qu'ils ne sont pas</h2>
<p>Sur le plan défensif, nous avons apporté des contributions dans le cadre
de plusieurs thèses également. Nous nous sommes notamment intéressés aux mécanismes de détection d'intrusions mais aussi à des systèmes d'empreintes numériques qui permettent de lutter contre les attaques d'usurpation (un objet malveillant tentant de se faire passer pour un objet légitime).</p>
<p>Il est difficile de détecter des intrusions sur les protocoles de communication des objets connectés, car il s'agit de protocoles sans fil, pour lesquels il suffit d'être à portée radio pour tenter des attaques. Ce sont souvent des protocoles pairs à pairs, c'est-à-dire sans passage obligé par un relai sur lequel habituellement, il est plus facile de réaliser de la détection.</p>
<p>Certains protocoles sans fil, comme le wifi, nécessitent en général un relai (un point d'accès wifi) pour que 2 objets puissent communiquer. Ils passent par la passerelle et c'est elle qui transmet l'information. Mais d'autres protocoles, dits pairs à pairs, permettent à des objets de communiquer directement entre eux, sans passage par un relai. Ils sont donc plus difficiles à surveiller.</p>
<p>Nous avons choisi de nous focaliser sur la couche physique (la couche radio), par opposition à la couche logicielle, des protocoles de communication pour détecter des intrusions. Dans la thèse de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02880658v2">Jonathan Roux</a>, nous avons utilisé des algorithmes de machine learning pour «apprendre» et caractériser les communications radios légitimes d'un environnement composés d'objets connectés. Une fois ce modèle des communications radio légitimes établi, toute anomalie constatée (c'est-à-dire toute communication qui correspond à une déviation de ce modèle) est considérée «anormale» et donc potentiellement une attaque, et provoque la levée d'une alerte. Nous identifions la fréquence d'émission sur laquelle l'attaque est lancée, la date à laquelle elle est lancée ainsi que l'emplacement géographique de l'attaquant.</p>
<p>Dans le cadre des thèses de Romain Cayre et Florent Galtier, nous avons également travaillé sur des mécanismes de protection des environnements IoT. Comme il est particulièrement facile pour un attaquant de se faire passer pour un objet légitime en falsifiant certaines informations échangées lors des
communications (l'identité même de l'objet, les services fournis, etc), il est nécessaire de trouver un autre moyen pour permettre d'identifier un objet malveillant qui se fait passer pour un objet légitime.</p>
<p>Nous avons pour cela travaillé sur la caractérisation des émissions radio d'un objet. La aussi, ces travaux se sont donc focalisés sur la couche physique des
protocoles de communication. Les signaux physiques émis par un objet peuvent être distingués des signaux émis par un autre objet et peuvent ainsi représenter une forme d'empreinte d'un objet permettant de l'identifier. Nous avons utilisé ce mécanisme pour pouvoir caractériser des objets légitimes d'un environnement connecté (en stockant leur empreinte radio dans une base de données) et détecter des intrus potentiels se faisant passer des objets légitimes en comparant leurs empreintes numériques à celles stockées dans la base.</p>
<p>Enfin, dans la cadre de ces thèses également, nous avons travaillé sur la conception et l'implémentation de mécanismes de détection d'intrusion directement intégrés au sein des contrôleurs radios des objets connectés,
de façon à pouvoir détecter tout type d'attaque, y compris les plus subtiles connues aujourd'hui, par les objets eux-mêmes. L'intégration s'est avérée efficace et possible sur plusieurs contrôleurs radio du marché qui équippent aujourd'hui les objets connectés. L'intérêt de cette approche est que les objets eux-mêmes intègrent des capacités défensives et qu'ils peuvent directement réagir à ces attaques, sans avoir recours à une sonde externe.</p>
<hr>
<p><em>L'ensemble de ces travaux a été le fruit d'un travail impliquant plusieurs chercheurs de l'équipe : Eric Alata, Guillaume Auriol et Mohamed Kâaniche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194104/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux de thèse de Yann Bachy et Romain Cayre ont été en partie financées respectivement par Thalès et Airbus Protect.</span></em></p>Les objets connectés sont de plus en plus présents autour de nous, mais leur sécurité n'est pas toujours optimale.Vincent Nicomette, Professeur des Universités, INSA ToulouseLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1865172022-10-30T19:56:31Z2022-10-30T19:56:31ZLes enjeux sécuritaires de la Coupe du Monde au Qatar<p>Régime <a href="https://www.puf.com/content/Al_Jazeera_Libert%C3%A9_dexpression_et_p%C3%A9tromonarchie">« rentier, oligarchique et clientéliste »</a>), le Qatar a, comme l’explique le chercheur <a href="http://dx.org/10.1080/19406940.2014.966135">Danyel Reiche</a>, mis en place une politique de <em>soft power</em> par le sport. Celle-ci, initiée à partir de 1995 après la prise de pouvoir du cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, a été renforcée en 2008 par la <a href="https://www.gco.gov.qa/en/about-qatar/national-vision2030/">Qatar National Vision 2030</a>, un programme ayant pour objectif à la fois de renforcer la sécurité nationale et de garantir le maintien au pouvoir de la famille régnante.</p>
<p>C’est dans ce cadre que, du 20 novembre au 18 décembre (<a href="http://www.dohaaccueil.com/IMG/pdf/fete_nationale.pdf">jour de fête nationale</a>), le Qatar accueillera la 22<sup>e</sup> Coupe du monde FIFA. De vives polémiques ont agité les années séparant l’attribution de la compétition (2010) – controversée et entachée de <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2021/11/19/coupe-du-monde-de-football-2022-l-ombre-tenace-du-soupcon-sur-l-attribution-du-mondial-au-qatar_6102856_1616938.html">soupçons de corruption</a> – de son organisation. Ces polémiques portent notamment sur le <a href="http://www.2022mag.com/qatar-les-couts-du-mondial-2022/">coût des travaux</a> estimé à 200 milliards de dollars ; sur <a href="https://www.geo.fr/environnement/coupe-du-monde-de-football-au-qatar-un-signal-desastreux-pour-la-planete-209896">l’empreinte écologique</a> de l’événement, bien que ce sera le Mondial géographiquement le plus ramassé depuis le tout premier, organisé en 1930 à Montevideo ; sur les conditions de travail sur les chantiers, <a href="https://information.tv5monde.com/info/mondial-2022-des-ouvriers-reduits-en-esclavage-au-qatar-25602">quasi esclavagistes</a> et le <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2021/feb/23/revealed-migrant-worker-deaths-qatar-fifa-world-cup-2022">nombre de décès d’ouvriers, pointés en particulier par une enquête du <em>Guardian</em></a>… Liste non exhaustive.</p>
<p>Toutes ces questions sont tout à fait pertinentes mais, à l’approche du Mondial, d’autres interrogations importantes émergent, ayant trait à l’accueil des supporters, ainsi qu’à la sécurité globale.</p>
<h2>Un afflux de touristes inédit</h2>
<p>Le Qatar accueillera durant la Coupe du Monde près de 1,5 million de touristes, pour une population totale de 2,9 millions de personnes (dont 90 % d’immigrés, parmi lesquels Gianni Infantino, le président de la FIFA, qui s’y est <a href="https://information.tv5monde.com/info/gianni-infantino-vit-desormais-au-qatar-un-mauvais-signe-pour-le-football-440800">récemment installé</a> !), sur un territoire équivalent à la région Île-de-France.</p>
<p>Ce Mondial est un important enjeu touristique pour un pays qui accueillait près de 3 millions de touristes par an au milieu des années 2010 (avant le blocus de 2017 et la crise du Covid) Ces supporters se concentreront sur un périmètre très réduit : sept des huit stades se trouvent à Doha ou dans un rayon de 20 km (à Al-Rayyan et Al-Wakrah), et seulement 75 km séparent le stade le plus au Nord (à Al-Khor) de celui le plus au Sud (à Al-Wakrah).</p>
<p>La première partie de la compétition (du 21 novembre au 2 décembre) sera très sensible puisque la phase de poules verra se jouer 48 rencontres, soit quatre par jour, impliquant des déplacements massifs et incessants de huit cohortes de supporters, au contraire des Coupes précédentes où seuls deux équipes et leurs fans se trouvaient simultanément dans une même ville.</p>
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<p>La gestion des flux des foules sera donc un gros enjeu. Helmut Spahn, le directeur de la sécurité de la FIFA, estime que 350 000 supporters seront réunis en même temps à Doha, mais <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-foules-plus-gros-enjeu-de-la-coupe-du-monde-au-qatar/1334474">se montre toutefois confiant</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut gérer ça. Mais nous pouvons faire l’histoire et je suis presque sûr que nous y arriverons. »</p>
</blockquote>
<p>Alors qu’il se trouvera pendant cinq semaines sous les yeux des médias du monde, le Qatar ne peut se permettre le moindre faux pas en matière de sécurité. De ce point de vue, il y a deux enjeux majeurs : la sécurité dans l’espace public et dans les stades ; et la lutte contre le terrorisme.</p>
<h2>Sécurité dans l’espace public</h2>
<p>Comment contrôler durant plusieurs semaines ces foules qui, à la différence des très nombreux travailleurs immigrés se trouvant en permanence dans le pays, disposeront de liquidités financières conséquentes puisque les prix du transport aérien et des hôtels sont très élevés, et de beaucoup de temps libre ?</p>
<p>Certains éléments de réponse à cette question ont fait l’objet de nombreuses prises de parole, informations et, aussi, fake news. Ainsi du comportement individuel et collectif dans l’espace public : il est vrai que les <a href="https://www.dohaaccueil.com/Savoir-vivre-et-coutumes">traditions vestimentaires locales exigent la couverture du corps</a>, même si une <a href="https://www.familytravel-middleeast.com/what-to-wear-in-doha-qatar/">certaine tolérance est accordée aux touristes</a>, et les démonstrations d’affection en public heurtent les valeurs culturelles locales et sont proscrites ; quant à la consommation d’alcool et l’ébriété sur la voie publique, elles sont punies par la loi. Toutefois, il est possible de se procurer de l’alcool dans certains restaurants et hôtels internationaux, et la FIFA a annoncé qu’il sera <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Coupe-du-monde-2022-la-vente-de-biere-autorisee-trois-heures-avant-les-matches/1351908">possible de se procurer de la bière</a> du principal sponsor dans les fan zones trois heures avant et une heure après les matches.</p>
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<p>Il y a peu, une information s’est répandue suite à un <a href="https://www.dailystar.co.uk/sport/football/world-cup-sex-ban-horny-27268714">article du tabloïd <em>Daily Star</em></a>, selon lequel les relations sexuelles hors mariage seraient totalement interdites. Elles le sont effectivement, mais dans la réalité bien peu d’hôtels se préoccupent de la question en demandant un certificat de mariage aux couples, car le personnel est quasi exclusivement étranger.</p>
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<p>En revanche, il est vrai que l’homosexualité n’est pas tolérée au Qatar. Elle tombe <a href="https://www.humandignitytrust.org/country-profile/qatar/">sous le coup de la loi</a> et les personnes reconnues coupables sont passibles de sept ans de prison.</p>
<p>La FIFA <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/moyen-orient/desintox-non-le-qatar-ne-prohibera-pas-les-relations-amoureuses-hors-mariage-pendant-la-coupe-du-monde-de-football_5225215.html">assure toutefois</a> qu’elle s’engage avec le Qatar à « garantir la sécurité et l’accueil chaleureux de tous les participants à la Coupe du Monde de la Fifa. Cela implique de veiller à ce que les activités des forces de l’ordre liées à la Coupe du Monde de la Fifa soient strictement nécessaires et proportionnées. Comme cela a été le cas lors de plusieurs événements internationaux que le Qatar a accueillis, la vie privée des personnes sera respectée. »</p>
<p>Toutefois, les autorités qataries ne s’y sont pas formellement engagées, et des démonstrations ostensibles <a href="https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/je-me-suis-dit-que-je-serais-tue-si-quelquun-savait-un-qatari-parle-de-son-homosexualite-a-visage-decouvert-une-premiere-20220523_JQO37KUGOBGNBEV5VQWQNJRB2M">heurteraient les nationaux</a> au point de troubler l’ordre public.</p>
<h2>Coopération sécuritaire internationale</h2>
<p>Si la conférence <a href="https://www.marhaba.qa/qatar-hosts-last-mile-security-conference-for-fifa-world-cup-qatar-2022/">« Le dernier mile de la Coupe du Monde Qatar FIFA-2022 »</a> s’est tenue en mai à Doha, en présence de responsables de la sécurité représentant chacun des 32 qualifiés, le Qatar développe de longue date des coopérations pour relever certains défis tels que la gestion de la menace terroriste, le hooliganisme, les mouvements de foule, les cyberattaques, ainsi que certaines problématiques que les autorités locales ont peu l’habitude de gérer : contrefaçon, consommation d’alcool, actions d’organisations contestataires… </p>
<p>Contrairement aux autres pays arabes du Golfe, le Qatar est en bons termes avec l’Iran, avec qui il partage le North Dome, plus grand gisement de gaz au monde, Téhéran étant même venu à son secours alimentaire lors du blocus de 2017, il est a priori peu probable qu’une attaque vienne d’ici, d’autant plus que l’équipe nationale participe au Mondial. Cependant, du fait que le Qatar a joué les médiateurs lors de la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, une éventuelle menace djihadiste pourrait venir de groupes basés dans ce pays tels que l’Organisation de l’État Islamique-Khorasan, redevenue plus active depuis le départ des Américains et qui a récemment perpétré des attentats à Kaboul et Herat et <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220813-afghanistan-un-an-apr %C3 %A8s-la-chute-de-kaboul-l-organisation- %C3 %A9tat-islamique-en-embuscade">s’oppose au pouvoir taliban</a>. </p>
<p>Toutefois, aucune menace n’a été proférée. Enfin, last but not least, un rapport commandé en 2010 par le Français Jérôme Vlacke, alors Secrétaire général de la FIFA, notait que la proximité du Qatar avec des pays ayant une présence d’Al-Qaida et son projet d’entasser des millions de fans et les joueurs dans une <a href="https://english.alarabiya.net/sports/2014/06/15/Fifa-ignored-Qatar-terror-risk-ranking-report">zone très centralisée en faisait un lieu à haut risque…</a></p>
<p>Sur ce point, la coopération avec la France (initiée dès les Jeux asiatiques de Doha en 2006) se concrétise en 2019 lors d’une visite au Qatar du premier ministre français de l’époque, Édouard Philippe, puis par un <a href="https://www.francsjeux.com/breves/un-accord-entre-paris-et-doha-sur-la-securite">accord signé à Doha le 21 mars 2021</a>. Le Qatar est alors qualifié de « partenaire stratégique pour la France ». Un <a href="https://www.senat.fr/rap/l21-462/l21-4621.pdf">projet de loi au Sénat</a> en résulte, portant sur les aspects suivants : planification, contre-terrorisme, gestion de l’ordre public, renseignement, sécurité des installations sportives, sécurité des mobilités, moyens spéciaux terrestres, moyens aériens, cybersécurité, sécurité civile.</p>
<p>Des missions d’assistance et de formation seront réalisées auprès des forces intérieures locales (échange d’informations, envoi d’experts et de spécialistes, entraînements en commun). Sont prévus aussi le déploiement de gendarmes, policiers et sapeurs-pompiers, et la mise à disposition de matériels, équipements, véhicules et engins.</p>
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<p>Autre coopération, <a href="https://www.trtfrancais.com/actualites/turquie-et-qatar-discutent-de-la-securisation-de-la-coupe-du-monde-9063168">avec la Turquie</a>, qui a formé 677 membres du personnel de sécurité qataris dans 38 domaines, et déploiera 3 000 policiers anti-émeute, 100 membres des forces spéciales, 50 chiens de détection de bombes et leurs opérateurs, et 50 experts en bombes.</p>
<p>De son côté, le <a href="https://afriqueitnews.com/tech-media/maroc-enverra-equipe-experts-cybersecurite-qatar-coupe-monde-football-2022/">Maroc enverra une équipe d’experts en cybersécurité pendant l’événement</a>, ainsi que plusieurs milliers d’agents pour gérer les foules et éviter les débordements.</p>
<p>Par ailleurs, la Royal Air Force et la Royal Navy britanniques <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2022/05/28/british-army-provide-counter-terror-policing-qatar-world-cup/">fourniront la police antiterroriste</a>, et les États alliés que sont le Royaume-Uni et le Qatar uniront leurs forces au sein d’un Joint Typhoon Squadron pour assurer la police de l’air dans le ciel. De leur côté, les États-Unis (qui disposent, à <a href="https://militarybases.com/overseas/qatar/al-udeid/">Al-Udeid, de leur plus grande base militaire au Moyen-Orient)</a>, participeront à la formation des agents dans les aéroports et à la cybersécurité.</p>
<p>Enfin, l’OTAN <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_196994.htm">apportera son soutien sécuritaire</a> par une formation contre les menaces posées par les matières chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN), par une seconde concernant la protection des personnes importantes (VIP), et une troisième pour contrer les menaces posées par les engins explosifs improvisés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/psg-manchester-city-si-loin-du-golfe-si-proche-du-golfe-168728">PSG–Manchester City : si loin du Golfe, si proche du Golfe</a>
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</em>
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<h2>La sécurité est aussi un enjeu de communication</h2>
<p>Le Qatar précise que, pendant le tournoi, un centre de coopération policière internationale sera présent afin de prévenir tout incident. Aussi, le directeur de la sécurité de la FIFA estime-t-il que le risque terroriste est « faible et sous contrôle » comparé aux Coupes du monde précédentes :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons eu des menaces d’attaque terroriste avant un Mondial, des grèves dans la sécurité privée et la police, parfois des problèmes d’infrastructures dans des stades qui n’étaient pas prêts. Ça n’est pas le cas ici. »</p>
</blockquote>
<p>L’accueil du Mondial 2022 est un enjeu d’image considérable pour le Qatar, d’où ces coopérations sécuritaires internationales. D’où, aussi, ces discours de tolérance dont on ne sait s’ils se concrétiseront positivement durant l’événement.</p>
<p>Les vives critiques subies depuis des années en ce qui concerne le non-respect des droits humains et des travailleurs ainsi que l’intolérance des mœurs mettent en évidence la face noire du pays. Tout incident relevant de ces questions pourrait <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-169.htm">brouiller le message</a> que le Qatar destine au monde concernant la qualité de l’accueil et la tolérance, composants essentiels d’une stratégie d’attractivité touristique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Raspaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’approche de la Coupe du Monde 2022 dans un pays aussi controversé que le Qatar, des questions se posent quant aux enjeux sécuritaires et à la coopération internationale.Michel Raspaud, Professeur des Universités, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909962022-09-21T18:33:18Z2022-09-21T18:33:18ZVoici pourquoi il faut interdire l’alcool à la chasse<p>Le Sénat vient de publier un rapport d’information proposant <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-882-notice.html">« d’interdire l’alcool et les stupéfiants lors de la chasse »</a> et de prendre des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-senat-propose-un-taux-maximal-d-alcoolemie-pour-la-chasse-20220916">mesures similaires</a> à celles appliquées pour la conduite. Cette idée a été fustigée par le président de la Fédération nationale des chasseurs Willly Schraen, lequel n’a pas manqué de rétorquer qu’<a href="https://www.marianne.net/societe/agriculture-et-ruralite/le-velo-bourre-cest-dangereux-aussi-nouvel-argument-du-patron-des-chasseurs-pour-esquiver-le-debat">« un mec bourré sur un vélo, c’est dangereux aussi »</a>, oubliant que les règles qui s’appliquent aux automobilistes en matière d’ébriété <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/chacun-son-mode-de-deplacement/dangers-de-la-route-velo/bien-circuler-velo">valent aussi pour les cyclistes</a>.</p>
<p>L’argument véhément du patron de la chasse française ne semble pas résister à la comparaison internationale, quand dans d’autres pays, les organisations de chasseurs recommandent l’abstention d’alcool. Prenons le site officiel d’une <a href="https://www.hunter-ed.com/newyork/studyGuide/Alcohol-and-Drugs/20103502_138053/">agence américaine d’éducation à la chasse</a> : il y est rappelé que « consommer de l’alcool avant ou pendant la chasse augmente les risques d’accident en affectant la coordination, l’audition, la vision, la communication et le jugement ».</p>
<p>Cette préconisation de bon sens n’est pas superflue, puisque l’alcool semble faire encore partie du monde cynégétique, en France comme à l’étranger.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chasse-une-histoire-avec-le-pouvoir-145191">La chasse, une histoire avec le pouvoir</a>
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<h2>Aux États-Unis, un loisir souvent pratiqué en état d’ivresse</h2>
<p>Ainsi, aux États-Unis, (où la consommation d’alcool moyenne est de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.ALC.PCAP.LI?locations=US">20 % inférieure</a> à la nôtre dans la population générale), une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01639625.2019.1631069">récente enquête</a> menée sur un échantillon représentatif de 2349 jeunes adultes indiquait que 23 % des chasseurs de sexe masculin avaient déjà pratiqué leur loisir en état d’ivresse.</p>
<p>Et en France ? Malgré l’absence de données chiffrées, le rapport sénatorial se hasarde à parler d’une « petite minorité » de personnes qui chasseraient en étant ivres.</p>
<p>Concernant les décès et incidents graves, les sénateurs sont plus précis : 9 % d’entre eux sont imputables à l’ébriété d’un chasseur.</p>
<p>Ce rapport très hexagonal ignore malheureusement la plupart des données internationales disponibles sur le sujet. Il omet de mentionner qu’aux États-Unis, <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.78.12.158">l’ébriété est présente dans 15 % des accidents de chasse</a>. Est également passée sous silence cette vaste étude danoise auprès de 1800 chasseurs qui montre que le risque d’accident impliquant une arme à feu <a href="https://journals.lww.com/jtrauma/Abstract/2009/12000/Firearm_Related_Hunting_Accidents_in_Denmark.21.aspx">croît directement avec l’alcoolémie</a></p>
<p>Le récent rapport du Sénat ne prend pas non plus la peine de clarifier en quoi l’alcool s’avère fortement accidentogène. On peut pourtant repérer trois conséquences de l’ébriété qui y contribuent.</p>
<h2>Locomotion et coordination motrice</h2>
<p>Une étude menée en Suisse dans un service d’urgence hospitalière indiquait qu’un tiers des blessures occasionnées à la chasse résultaient de chutes, par exemple quand un <a href="https://www.hindawi.com/journals/emi/2015/284908/">tireur dégringole de son mirador</a>. L’alcool favorise ce type d’incident notamment par son action perturbatrice sur l’oreille interne, qui régule l’équilibre, <a href="https://doi.org/10.1016/j.alcohol.2008.04.004">ainsi que sur le cervelet</a>. L’anticipation et la coordination du mouvement sont touchés.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://bmcresnotes.biomedcentral.com/articles/10.1186/1756-0500-3-243">recherche menée par Judith Hegeman</a> dans un laboratoire de recherche d’Amsterdam montrait que lorsque des personnes évoluent sur un tapis roulant, même à de faibles concentrations d’alcool, leur temps de réaction pour l’évitement d’obstacles est fortement majoré.</p>
<h2>Altérations visuelles et auditives</h2>
<p><a href="https://www.thieme-connect.de/products/ejournals/abstract/10.1055/s-2008-1050922">L’alcool détériore aussi la vision périphérique</a>, ce qui peut affecter l’appréciation et le respect des angles de tir. Il est responsable de la fameuse diplopie (vue dédoublée) et de <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03207543">la vision floue</a> en perturbant l’action des muscles ciliaires qui commandent le focus visuel.</p>
<p>Il favorise également <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/415330/">l’éblouissement</a>, car les muscles sphincters qui exécutent l’ouverture et la fermeture de la pupille selon la luminosité ambiante sont ralentis.</p>
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<p>À long terme, une <a href="https://theconversation.com/alcool-et-autres-substances-pourquoi-leur-dangerosite-est-elle-sous-estimee-par-les-usagers-159369">alcoolisation élevée</a> altère la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26465148/">perception des couleurs</a>, provoque des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34055263/">pathologies chroniques</a> comme la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20443769/">cataracte</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02713683.2021.1942070">favorise la dégénérescence maculaire liée à l’âge</a> (DMLA) : affection se traduisant par une <a href="https://theconversation.com/la-degenerescence-maculaire-est-la-premiere-cause-de-cecite-au-pays-comment-la-prevenir-154683">dégradation de la partie centrale de la rétine</a>.</p>
<p>Ajoutons enfin que l’alcool <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33341812/">brouille aussi l’audition</a>. Dans une étude, un chercheur d’une université coréenne a alcoolisé plusieurs dizaines de participants (0,5 gramme, soit deux verres standards), puis les a soumis à une batterie de tests incluant des tâches de détections de tonalité, des exercices de reconnaissance de mots ou de compréhension de paroles dans le bruit. Par rapport aux résultats à jeun, les capacités auditives des participants étaient déficientes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tabac-alcool-et-autres-drogues-ils-modifient-notre-epigenome-178706">Tabac, alcool et autres drogues… Ils modifient notre épigénome</a>
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<h2>Erreurs de jugement</h2>
<p>Lorsque l’on prend conscience de l’étendue des effets de l’alcool sur la vision et l’audition, on comprend mieux certains faits qui émaillent la presse régionale, comme l’incident de ce chasseur ivre, qui, visant un lièvre, <a href="https://www.lyonmag.com/article/90723/beaujolais-le-chasseur-ivre-vise-un-lievre-et-tire-sur-son-ami">criblait de plomb son acolyte</a>.</p>
<p>Pourtant, accorder un grand poids explicatif à ces altérations perceptuelles serait faire fausse route. En effet, <a href="https://www.ofb.gouv.fr/la-securite-la-chasse">selon l’Office français de la biodiversité</a> (OFB), les accidents de chasse résultent fréquemment de manques de prudence et d’erreurs de jugement, comme le fait de tirer sans identifier sa cible, le non-respect de l’<a href="https://www.chasse-nature-71.fr/reglementation-securite/">angle de 30 degrés</a> (interdiction de tirs dans les secteurs angulaires de 30 degrés à gauche et à droite) ou les tirs en direction d’habitations.</p>
<p>Comme le rappelle l’OFB, les projectiles utilisés peuvent parcourir une distance allant jusqu’à cinq kilomètres. Ivre ou sobre, quand une cible est éloignée voire mouvante, comment garantir que les balles ne toucheront pas <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/ouverture-du-proces-du-chasseur-accuse-avoir-tue-vetetiste-haute-savoie-1900586.html">plutôt un VVTiste</a>, une <a href="https://www.20minutes.fr/faits_divers/2338343-20180918-limoges-fillette-grievement-blessee-chasseur-tirait-faisan">fillette de dix ans qui joue au bord d’une rivière</a> ou une <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1143614/article/2022-02-22/femme-de-25-ans-tuee-lors-d-un-accident-de-chasse-ce-qu-sait-sur-ce-drame">jeune randonneuse</a> ?</p>
<h2>L’alcool pousse souvent à choisir l’option la plus risquée</h2>
<p>La décision d’appuyer sur la gâchette ou de s’abstenir de tirer implique une troisième dimension psychologique plus complexe : l’appréciation de la situation. Selon le rapport du sénat :</p>
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<p>« Plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves enfreignant les règles élémentaires de sécurité. S’y ajoute une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques. »</p>
</blockquote>
<p>L’évaluation du risque et la représentation des conséquences de son acte sont deux modalités qui sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33065446/">notoirement affectées par l’ébriété</a>.</p>
<p>Ceci a été montré de manière simplifiée durant une étude de 2015 menée dans un bar et durant laquelle on présentait à des hommes et femmes de 18 à 43 ans deux bocaux remplis de cartes. On les informait qu’ils pouvaient gagner un prix en choisissant l’une d’elles : dans le bocal de droite, il y avait 50 % de cartes gagnantes, tandis que la probabilité de gagner était inconnue pour celui de gauche. Les résultats ont montré que les hommes ivres (mais non les femmes) choisissaient <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25642202/">davantage l’option la plus risquée</a>. Tirer dans l’incertitude en espérant faire mouche relève probablement du même phénomène.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/consommation-dalcool-quelles-tendances-apres-un-an-de-crise-154495">Consommation d’alcool : quelles tendances après un an de crise ?</a>
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<h2>L’un des premiers facteurs d’agressivité humaine</h2>
<p>En affectant directement le cortex préfrontal, l’alcool perturbe les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hup.1194">fonctions cognitives exécutives</a> qui sont impliquées dans la capacité à envisager ou adopter plusieurs options à un moment donné pour résoudre un problème (la flexibilité cognitive), l’attention, l’inhibition de l’action et les <a href="https://compass.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1751-9004.2007.00051.x">conduites d’agression</a>. Il constitue même la substance psychoactive la plus constamment reliée à <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/drogues-alcool-et-agression-equation-chimique-et-sociale-violence">l’agression humaine dans le monde</a>.</p>
<p>Certes, ce n’est pas l’alcool mais des chasseurs qui ont tué par balle <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/11/17/en-20-ans-les-chasseurs-ont-tue-plus-de-400-personn">400 personnes</a> depuis 20 ans en France et blessé des milliers d’autres (l’alcool en a tué en réalité <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-05/inserm-expertisecollective-alcool2021-synthese.pdf">près d’un million au total</a>, mais par d’autres moyens).</p>
<p>Cependant, puisqu’il est clairement identifié comme un facteur de risque évitable, il paraît judicieux d’interdire sa consommation à des personnes qui tirent avec des carabines et des fusils semi-automatiques dans les domaines forestiers fréquentés par des publics. Alcoolisés, les chasseurs présentent un risque létal pour tous, y compris pour eux-mêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). </span></em></p>Durant la chasse, la consommation d’alcool affecte la perception, la motricité et le jugement. Pour ces trois raisons, il constitue un facteur de risque avéré d’accidents.Laurent Bègue-Shankland, Addictologue, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898192022-09-13T19:17:38Z2022-09-13T19:17:38ZSécurité : une nouvelle loi pour renforcer les pouvoirs policiers ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484094/original/file-20220912-26-s877ic.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C799%2C517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plusieurs réformes visent l'institution policière: certaines mesures pourraient renforcer la surveillance au détriment de la procédure.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Police-IMG_4105.jpg">Rama/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Parmi les priorités du <a href="https://twitter.com/GDarmanin/status/1529412226037194753">nouveau quinquennat</a> se trouvent les enjeux de sécurité. Si la précédente mandature a été l’occasion de faire évoluer les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000042563668/">lois de sécurité intérieure</a> et de mettre en place la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036830320/">loi de programmation du ministère de la Justice</a>, voici venue celle du ministère de l’Intérieur.</p>
<p>Ainsi, suite au <a href="https://www.interieur.gouv.fr/actualites/dossiers/beauvau-de-securite">Beauvau de la sécurité</a> (qui s’est tenu entre février et septembre 2021) le gouvernement a annoncé vouloir <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/beauvau-de-la-securite-ce-qu-il-faut-retenir-des-annonces-d-emmanuel-macron-3866984">porter une grande loi</a> de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI).</p>
<p>Derrière le but affiché de répondre aux <a href="https://www.interieur.gouv.fr/actualites/dossiers/beauvau-de-securite/cloture-du-beauvau-de-securite-par-president-de-republique">demandes des policiers et gendarmes</a>, un rapide tour d’horizon des principales dispositions procédurales de ce projet de loi atteste la volonté réelle d’un renforcement des pouvoirs policiers.</p>
<h2>Un projet ambitieux et surtout politique</h2>
<p>La LOPMI se présente aujourd’hui comme un court texte d’une quinzaine d’articles après une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b5185_projet-loi#D_Article_16">première version bien plus longue</a> rendue publique peu avant l’élection présidentielle et alors <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b5185_avis-conseil-etat.pdf">critiquée par le Conseil d’État</a> notamment pour des raisons de calendrier.</p>
<p>Le projet est affiché essentiellement comme une loi de programmation budgétaire <a href="https://www.interieur.gouv.fr/node/1661">assurant d’importants recrutements dans la Police nationale et la Gendarmerie</a>. Sur ces thématiques, le Gouvernement veut aller vite : le dossier est déjà déposé devant le <a href="https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-876.html">Sénat</a> en <a href="https://blog.juspoliticum.com/2017/07/05/la-procedure-acceleree-ou-la-regrettable-normalisation-dune-procedure-derogatoire-par-elina-lemaire/">procédure accélérée</a>. Politiquement, il faut montrer l’action présidentielle sur le <a href="https://theconversation.com/portrait-s-de-france-s-insecurite-de-quoi-parle-t-on-172998">terrain de la sécurité</a>.</p>
<p>Néanmoins, sous couvert de simples adaptations techniques, la LOPMI propose de profondes modifications du fonctionnement de la police judiciaire, à l’heure où celle-ci se trouve par ailleurs menacée dans son organisation. En effet, un <a href="https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/departement-prefet-que-prevoit-le-tres-decrie-projet-de-reforme-de-la-police-judiciaire">autre projet du même ministère de l’Intérieur</a> vise à départementaliser les services de la Police nationale. Cette dernière question est délicate car il pourrait résulter de cette réforme en apparence administrative une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/31/le-projet-de-reforme-de-la-police-judiciaire-menace-l-efficacite-des-enquetes-et-l-independance-de-la-justice_6139607_3232.html">perte d’indépendance de la police judiciaire</a>. Cette modification ne relève pas de la LOPMI mais d’un autre texte prévu en 2023 puisqu’une <a href="https://www.europe1.fr/politique/reforme-de-la-police-judiciaire-apres-neuf-mois-de-test-en-martinique-quel-bilan-4132174">expérimentation est déjà en cours en outre-mer</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lenquete-police-population-du-ministere-de-linterieur-est-trompeuse-142098">Pourquoi l’enquête « police-population » du ministère de l’Intérieur est trompeuse</a>
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<h2>Le risque d’une confusion des rôles</h2>
<p>Une première série d’articles vise tout d’abord à bousculer l’équilibre interne des pouvoirs au sein des services de police judiciaire.</p>
<p>De façon classique, tous les policiers et tous les gendarmes ne peuvent pas réaliser <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006574853">tous les actes d’enquête</a> comme une perquisition ou la mise en œuvre d’une garde à vue. Il s’agit là d’une garantie essentielle de notre démocratie tenant aux exigences d’expérience et de formation que requièrent certaines fonctions.</p>
<p>Or, la LOPMI (article 9) projette d’augmenter significativement le nombre des officiers de police judiciaire (OPJ) en permettant, par la suppression des conditions d’ancienneté, à tous les policiers et gendarmes sortis d’école de le devenir. Cette qualification constitue pourtant la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/268573-quel-est-le-role-de-la-police-judiciaire-dans-la-procedure-penale">plus haute fonction en police judiciaire</a> et autorise son titulaire à prendre seul de très nombreux actes comme <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14837">par exemple décider d’un placement en garde à vue</a>. Désormais, elle pourra ainsi être obtenue même par un gardien de la paix (le premier grade de <a href="https://www.devenirpolicier.fr/corps-grades">la Police nationale</a>) lors de sa <a href="https://www.devenirpolicier.fr/actualites/nouvelle-formation-initiale-des-gardiens-de-la-paix-0">formation initiale de deux ans à l’école de police</a>.</p>
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<p>À l’autre extrémité de la hiérarchie policière, la LOPMI (article 10) crée une nouvelle fonction : les assistants d’enquête. Si le but est de permettre à des personnels administratifs de prendre part à l’enquête en déchargeant les enquêteurs de certaines tâches, la liste des actes de police qui pourront être pratiqués par ces assistants d’enquête peu formés est longue et ne correspond pas à du strict secrétariat. Elle comprend notamment la <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N31786">consultation des fichiers de police aux données très sensibles</a> ou encore la notification des droits aux personnes <a href="https://www.ldh-france.org/defendre-vos-droits/vos-droits/en-garde-a-vue/quels-sont-vos-droits-en-garde-a-vue/">placées en gardées à vue</a>.</p>
<h2>Des dangers de la simplification : l’exemple de l’usage des fichiers</h2>
<p>Ensuite, un certain nombre de dispositions vise à opérer une « simplification » de certaines règles de la procédure pénale perçues comme alourdissant le travail des policiers et des gendarmes.</p>
<p>Simplifier n’est, en procédure pénale, souvent pas un objectif pertinent en lui-même, contrairement à certaines idées préconçues. En effet, en encadrant de manière précise et rigoureuse les différents actes d’investigation, les règles procédurales même complexes ont pour but d’empêcher toute dérive et de s’assurer de la nécessité et de la proportionnalité des contraintes sur les individus. Par exemple, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000023865405/">loi établit rigoureusement les situations dans lesquelles une garde à vue est possible</a> et les enquêteurs sont tenus de le mentionner dans les procès-verbaux.</p>
<p>Tel est également le cas de la consultation des <a href="https://theconversation.com/fichage-des-opinions-politiques-par-dela-les-principes-des-pratiques-limites-169033">nombreux fichiers de police</a>. En effet, celle-ci est actuellement soumise à des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038846028">conditions relativement strictes</a> (<a href="https://theconversation.com/comment-le-fichage-policier-est-il-controle-152030">bien que déjà poreuses</a>) imposant notamment par principe une habilitation personnelle des agents pouvant opérer ces consultations.</p>
<h2>Des enjeux de confidentialité bien réels</h2>
<p>L’habilitation est rendue indispensable par les connaissances spécifiques qu’impose l’usage de telles bases massives de données, particulièrement quant aux enjeux de confidentialité et face au risque bien réel de diffusion des informations illustré par l’<a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-ex-policier-soupconne-de-vendre-des-informations-sur-le-darknet-reste-en-liberte-27-11-2020-8410798.php">affaire Haurus</a> ou d’autres condamnations <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1194508/article/2022-06-18/lensois-un-policier-condamne-pour-avoir-consulte-des-fichiers-des-fins">ici</a> ou <a href="https://www.lunion.fr/id100260/article/2019-10-10/un-policier-condamne-laon-pour-avoir-consulte-les-fichiers-des-fins-personnelles">là</a>.</p>
<p>Or, sur ce point, la LOPMI (article 12) opère une modification importante en instaurant une présomption d’habilitation de tous les policiers et gendarmes. En d’autres termes, ces derniers n’auront plus à indiquer dans les dossiers d’enquête le fondement juridique qui leur permet de consulter le fichier.</p>
<p>Ce n’est que s’il y a un contrôle spontané d’un magistrat sur ce point précis que le policier ou le gendarme ayant fait cette consultation devra prouver qu’il en avait bien le droit par une habilitation. Compte tenu de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/23/l-appel-de-3-000-magistrats-et-d-une-centaine-de-greffiers-nous-ne-voulons-plus-d-une-justice-qui-n-ecoute-pas-et-qui-chronometre-tout_6103309_3232.html">réalité de la charge de travail des magistrats</a> et malgré l’idée générale que l’enquête policière <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032642007">se place toujours sous le contrôle du procureur de la République</a>, il est très improbable que de tels contrôles spécifiques puissent avoir lieu en pratique.</p>
<p>Dès lors, ce type de simplification apporte en réalité le risque de dérives importantes en renforçant considérablement de fait les prérogatives policières.</p>
<h2>La généralisation des amendes forfaitaires délictuelles</h2>
<p>Enfin, la réforme la plus problématique opérée par la LOPMI est sans doute la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle à tous les petits délits.</p>
<p>L’amende forfaitaire est un procédé connu de tous pour les contraventions. Il consiste dans le <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32803">règlement d’une amende dont le montant est fixe</a> – même s’il peut être diminué ou majoré selon les délais de paiement – qui permet de solder l’infraction. La <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/reglementation-liee-la-route/regles-de-circulation-et-infractions-routieres/infractions-et-classes">plupart des contraventions routières</a> reposent sur ce principe.</p>
<p>Pour autant, se développe depuis quelques années l’usage de ce procédé pour les délits, c’est-à-dire pour des infractions d’une plus grande gravité pour lesquelles une peine d’emprisonnement est normalement prévue. Depuis septembre 2021, la consommation de stupéfiants peut ainsi faire l’objet d’une <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14256">amende forfaitaire de 200 euros</a>.</p>
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<p>La LOPMI (article 14) propose d’étendre cette procédure à tous les délits punis actuellement d’une peine d’un an d’emprisonnement ou moins. Pêle-mêle, devront être concernés par exemple l’outrage, la vente à la sauvette, le non-respect du secret professionnel, le bizutage ou encore l’exhibition sexuelle.</p>
<p>L’amende forfaitaire délictuelle est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006071154/LEGISCTA000033443397/">donnée directement par le policier ou le gendarme</a> par un procès-verbal sans passage devant un magistrat. Pourtant, contrairement à l’amende contraventionnelle routière, elle emporte certaines des conséquences d’un délit jugé au tribunal correctionnel. Elle sera dès lors <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006138155/">inscrite au casier judiciaire</a> pendant au moins trois ans, ce qui peut poser problème pour l’obtention de certains emplois.</p>
<p>Ainsi, loin d’être une dépénalisation ou une mesure de clémence, l’amende forfaitaire délictuelle peut apparaître comme un <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/chronique/amende-forfaitaire-delictuelle-l-inegalite-devant-loi">outil très répressif</a> et inégalitaire, d’autant plus qu’il conduit à la verbalisation systématique d’infractions pour lesquelles les magistrats peuvent habituellement opérer une certaine appréciation selon le profil des auteurs et le contexte.</p>
<p>Sa généralisation est le symptôme inquiétant, comme d’autres dispositions de la LOPMI, d’un renforcement des pouvoirs policiers au détriment du contrôle de l’autorité judiciaire pourtant seule garantie d’indépendance et des libertés individuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoann Nabat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un rapide tour d’horizon des principales dispositions procédurales du projet de loi dit LOPMI atteste la volonté d’un renforcement des pouvoirs policiers.Yoann Nabat, Doctorant en droit privé et sciences criminelles, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.