tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/semences-32525/articlessemences – The Conversation2024-03-04T17:01:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2247822024-03-04T17:01:23Z2024-03-04T17:01:23ZComment les nouveaux OGM relancent la question de la brevetabilité du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579512/original/file-20240304-21-wh3xb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C55%2C5264%2C3882&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles conséquences les nouveaux OGM auront sur la diversité des semences ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/farmer-spraying-green-wheat-field-644903410">oticki/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Présentées comme une solution miracle par leurs promoteurs et comme des « OGM cachés » par leurs opposants, les nouvelles techniques d’édition des génomes sont en débat au Parlement européen.</p>
<p>Un des enjeux qui a occupé jusque-là les eurodéputés a été de distinguer parmi les plantes produites par ces nouvelles technologies génomiques celles qui pourraient résulter de mutations ou de techniques de sélection considérées comme naturelles, et qui, à ce titre-là pourraient être exemptées des exigences des réglementations des OGM.</p>
<p>Le 7 février 2024, le texte adopté a tranché cette question de la façon suivante : les plantes dont le génome a subi moins de vingt modifications peuvent être exemptées d’évaluation, à condition que les modifications opérées aillent dans le sens d’une agriculture durable, c’est-à-dire, par exemple, en produisant des plantes bénéficiant d’une meilleure résistance aux sécheresses ou aux nuisibles.</p>
<p>Toujours le 7 février, et de manière plus surprenante, le <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20240202IPR17320/new-genomic-techniques-meps-back-rules-to-support-green-transition-of-farmers">texte</a> adopté par le Parlement demande une interdiction de breveter ces nouvelles modifications génétiques. C’est un véritable coup de théâtre car la question de la propriété intellectuelle était à l’origine censée être remise à plus tard, afin de favoriser l’adoption rapide d’un texte favorable à l’usage de ces nouvelles techniques. Il faudra donc scruter de près l’évolution de cette question au cours des prochaines étapes législatives, lors des négociations entre la Commission, le Parlement et le Conseil.</p>
<p>En tant que membres du Comité des enjeux sociétaux de <a href="https://www.semae.fr/">SEMAE</a> (interprofession réunissant tous les acteurs des semences), comité interdisciplinaire d’experts indépendant, nous avons préparé en 2023 un <a href="https://www.semae.fr/comite-des-enjeux-societaux/">avis</a> sur les enjeux de la propriété intellectuelle des semences. Cet article se fonde sur cet avis afin d’éclairer le débat.</p>
<p></p><div style="position: relative; width: 100%; height: 0; padding-top: 56.2500%; padding-bottom: 0; box-shadow: 02px 8px 0 rgba(63,69,81,0.16); margin-top: 1.6em; margin-bottom: 0.9em; overflow: hidden; border-radius: 8px; will-change: transform;"> <p></p>
<iframe loading="lazy" style="position: absolute; width: 100%; height: 100%; top: 0; left: 0; border: none; padding: 0;margin: 0;" src="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?embed" allowfullscreen="allowfullscreen" allow="fullscreen" width="100%" height="400"> </iframe>
<p></p></div><a href="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?utm_content=DAF-KwuvThs&utm_campaign=designshare&utm_medium=embeds&utm_source=link" target="_blank" rel="noopener"></a> <p></p>
<h2>Le certificat d’obtention végétale (COV) contre le brevet industriel</h2>
<p>Dans le monde des semences, la propriété intellectuelle est régie depuis 1961 par un cadre plus souple que celui du brevet et plus à même de correspondre aux mécanismes d'évolution des génomes et d'adaptation, objets d’incessants croisements. Ce cadre, c’est celui du Certificat d’Obtention Végétale ou COV, droit de propriété intellectuelle établi par la convention de l’Union Internationale de la Protection des Obtentions Végétale (UPOV).</p>
<p>Le COV garantit à la personne ou l’entreprise qui le détient le monopole d’exploitation commerciale d’une variété végétale, pour une durée de vingt ou vingt-cinq ans. Mais le COV donne également le droit à toute personne d’utiliser cette variété pour en créer une nouvelle. C’est ce qu’on appelle l’exemption du sélectionneur. Ainsi, le sélectionneur utilise systématiquement différentes variétés commerciales dans ses schémas de sélection et, par de multiples opérations de croisement et sélection, peut obtenir une nouvelle variété. Si celle-ci est distincte, homogène et stable, elle sera protégée par un nouveau COV, indépendant de ceux des variétés utilisées.</p>
<p>Autre caractéristique importante, le COV autorise l’agriculteur à reproduire ses semences. C’est ce que l’on appelle le privilège du fermier. C’est la reconnaissance du rôle essentiel des communautés agricoles qui, depuis le néolithique, ont contribué collectivement à la constitution de ces ressources génétiques. Cela a commencé par la domestication de plantes sauvages, grâce au repérage et à la sélection de certains caractères favorables, en général dans un temps long et sur une ou plusieurs régions étendues. Les ressources génétiques se sont ensuite diversifiées avec les migrations des humains dans de nouveaux environnements, les ajustements des caractères et de leurs combinaisons en fonction de besoins, coutumes, préférences sans cesse renouvelés, intégrant les mutations génétiques spontanées et les croisements naturels survenus entre variétés et avec les formes sauvages avoisinantes. La diversité des plantes cultivées s’est ainsi considérablement diversifiée, produisant une manne qu’on appelle les ressources génétiques. Le privilège du fermier reconnaît cette contribution.</p>
<p>Concrètement, lorsque les variétés ne sont pas des hybrides (cas du maïs), l’agriculteur peut garder une partie de sa récolte qu’il utilisera comme semence l’année suivante. En France, c’est monnaie courante pour bon nombre de cultures comme les céréales à paille (blé, orge, avoine…) pour lesquelles l’agriculteur achète en moyenne des semences commerciales moins d’une année sur deux. A la différence de la plupart des autres pays, le droit européen des brevets reconnaît le privilège du fermier.</p>
<h2>Comment le brevet s’est immiscé dans le monde des semences</h2>
<p>Mais avec les techniques d’ingénierie génétique, le brevet d’invention est entré dans le monde des semences. Or l'esprit de celui-ci est très différent du COV : une invention dépendant d’un brevet existant ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation du propriétaire de ce brevet. Cette transformation de la propriété intellectuelle a été l’un des moteurs de la concentration des entreprises qui a atteint des niveaux inquiétants. En témoigne la situation aux États-Unis où le ministère de l’agriculture (<a href="https://www.ams.usda.gov/sites/default/files/media/SeedsReport.pdf">USDA</a>), juge très préoccupante la concentration dans les segments de marchés marqués par une utilisation généralisée des OGM protégés par brevets (maïs, soja, coton). Sur les 17208 brevets industriels concernant les plantes déposés à l’office américain des brevets (USPTO) entre 1976-2021. Les trois premiers groupes (Corteva, Bayer et Syngenta) en détiennent 71%. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au niveau international, quelques grands groupes, en général liés à la chimie, dominent les marchés Dans le monde, la <a href="https://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/55/executivesummary/default.asp">culture d’OGM</a>, concentrée sur quatre espèces (soja, maïs, coton et colza représentent 99 % des surfaces cultivées d’OGM) et sur deux caractères (tolérance aux herbicides et résistance aux insectes), mais qui s'étend sur plus de 200 millions d'hectares ne peut que diminuer la diversité des assolements, et <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2002548117">leurs conséquences environnementales défavorables</a>. De plus, par exemple en Argentine, la surface consacrée au soja et au maïs a été multipliée par 4 en 30 ans pour atteindre 24 millions d’hectares et s'est étendue aux dépens des espaces naturels, sans pour autant répondre à des besoins humains essentiels, mais plutôt pour favoriser la production de protéines animales. Comme l’indique un avis récent de <a href="https://www.academie-technologies.fr/publications/avis-sur-les-nouvelles-technologies-genomiques-appliquees-aux-plantes/">l’Académie des technologies</a>, ces éléments tempèrent le bilan des OGM généralement présenté sous un jour très favorable, mais avec<a href="https://philpapers.org/rec/HICGMC"> peu d'évidences scientifiques</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-largentine-sest-entierement-faconnee-autour-des-ogm-220481">Comment l’Argentine s’est entièrement façonnée autour des OGM</a>
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<p>L’Europe a jusque-là été relativement protégée de ce mouvement du fait de l’embargo de facto sur l’utilisation des OGM en culture et du fait d’une législation qui interdit de breveter la variété végétale. À l’heure des débats sur les nouveaux OGM, pour la très grande majorité des acteurs européens impliqués, le COV doit rester le pilier de la protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales.</p>
<p>Car le COV permet une innovation ouverte, c’est-à-dire qui résulte d’un échange intensif de connaissances et de ressources génétiques entre une diversité d’acteurs. Il a largement fait la preuve de son efficacité. Ce système est d’ailleurs d’une étonnante modernité car il promeut l’innovation combinatoire qui est clé pour les domaines à fort contenu informationnel. Dans de tels domaines, c’est en effet la combinaison originale d’un ensemble d’éléments qui crée la valeur, pas les éléments isolés. Aussi, il est essentiel d’éviter que les brevets sur les caractères génétiques limitent les possibilités de création de combinaisons originales.</p>
<p>Bien qu’en Europe les variétés en tant que telles ne soient donc pas brevetables, elles peuvent cependant être dépendantes de brevets qui revendiquent des caractères génétiques. Par exemple, une variété tolérante au glyphosate ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation de Bayer qui, depuis l’acquisition de Monsanto, détient les brevets sur ce caractère de tolérance. Les ressources génétiques se trouvent alors confisquées par des brevets. Ce risque de confiscation a des implications internationales, notamment pour les régions tropicales aujourd’hui en lourdes difficultés économiques, dont on séquence le génome des végétaux pour en extraire des connaissances.</p>
<h2>Les nouvelles technologies génomiques à l’ombre des brevets</h2>
<p>Concernant les nouveaux OGMs, avant même de parler de la propriété intellectuelle des nouvelles variétés de plantes produites, il faut d’abord se pencher sur la propriété intellectuelle des techniques utilisées pour produire ces mutations, en premier lieu la technique CRISPR-Cas9. Les brevets sur cette technologie de base ont été déposés par ses inventrices Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna et les institutions auxquelles elles sont affiliées (UC Berkeley, MIT/Broad Institute, Université de Vilnius, Université de Vienne…).</p>
<p>Les grands groupes de la chimie comme Corteva et Bayer ont ensuite acquis des licences – souvent exclusives – pour l’utilisation des techniques d’édition des génomes sur les plantes. Corteva, notamment, a pu réunir des licences sur les brevets détenus par ces grandes institutions de recherche. Les brevets de base (brevets sur les technologies d’édition) sont complétés par de très nombreux brevets d’application sur les plantes, à la fois sur la mise au point de techniques et sur les traits.</p>
<p>Dans ce contexte, de nombreux acteurs considèrent qu’il est très difficile de s’assurer de la liberté d’opérer lorsque l’on crée une variété nouvelle car :</p>
<ul>
<li><p>le cadre réglementaire est flou et sujet à des interprétations diverses ;</p></li>
<li><p>les offices de brevets n’ont pas les compétences pour appliquer strictement les règles d’exclusion à la brevetabilité ;</p></li>
<li><p>l’accès à l’information sur le champ des brevets est complexe et coûteux. Les acteurs du secteur parlent de « buisson de brevets », voire de « champ de mines » pour décrire cette situation.</p></li>
</ul>
<p>Différentes initiatives privées ont été prises pour tenter de résoudre le problème de l’information et celui de l’accès, notamment la création de plates-formes visant à faciliter l’accès aux brevets (International Licensing Platform ILP – pour les semences potagères – et Agricultural Crops Licensing Platform ACLP – pour les semences de grande culture-). Néanmoins, ces dispositifs de droit privé n’offrent aucune garantie à moyen et long terme.</p>
<p>De plus, il est très probable qu’avec l’évolution technologique on associe de nombreux caractères brevetés dans une même variété : tolérance à un herbicide, tolérance au stress hydrique, résistance aux nuisibles (insectes et champignons), teneur en acides gras spécifiques ou en protéines… On se retrouvera ainsi fréquemment dans des situations où une variété sera obtenue, par exemple, à l’aide de trois technologies différentes permettant d’introduire quinze gènes recombinants édités. La confiscation de la ressource génétique par les brevets sera alors irréversible. D’ores et déjà, de nombreuses variétés OGM sont modifiées pour deux caractères transgéniques ou plus. Les plantes tolérantes à un herbicide et résistantes aux nuisibles représentent plus de 40 % des variétés cultivées dans le monde.</p>
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<h2>Pour une innovation ouverte et les ressources génétiques comme bien commun</h2>
<p>Ces quarante dernières années ont vu une extension du domaine de la brevetabilité qui conduit à une restriction de l’espace des recherches pré-compétitives et publiques. L’observation vaut autant pour les connaissances scientifiques fondamentales que pour les organismes vivants. Même si la résistance s’est organisée en Europe et dans d’autres parties du monde, le brevet a considérablement progressé, imposant dans le monde vivant des conceptions empruntées au monde de la mécanique et de la chimie.</p>
<p>Compte tenu de l’importance des enjeux, le régime de la propriété intellectuelle des plantes doit faire l’objet d’une politique ambitieuse, visant à maximiser la diversité sous toutes ses formes. Il est essentiel de restaurer un régime de propriété qui garantisse véritablement le libre accès aux ressources génétiques. Remettre les principes du COV au cœur de la propriété intellectuelle des plantes impose d’interdire les brevets non seulement sur les variétés, mais aussi sur les plantes et sur les caractères génétiques.</p>
<p>C’est le cœur des amendements votés au Parlement européen par les commissions environnement et agriculture ainsi qu’en plénière. Ajoutons que, compte tenu des nombreux brevets déjà accordés, cette interdiction devrait être complétée par une autre disposition. Il s’agit de pouvoir obliger le titulaire d’un brevet à concéder une licence permettant d’utiliser l’objet de son brevet contre rémunération. De telles licences obligatoires existent en droit européen. Néanmoins, elles sont conditionnées à un critère qui les rend inopérantes. L’inventeur dépendant du premier brevet doit en effet démontrer que son invention apporte un « progrès économique considérable ». Il faudrait donc supprimer cette condition dirimante.</p>
<h2>La diversité comme réponse aux menaces et aux défis</h2>
<p>Réfléchir ainsi au devenir de la propriété intellectuelle des plantes c’est donc déboucher rapidement sur des réflexions techniques, des zones grises du droit, des confrontations entre plusieurs systèmes juridiques. Mais les répercussions de ces décisions légales peuvent être colossales. C’est la diversité génétique de notre agriculture qui est en jeu. Or si les promoteurs des nouveaux OGM aiment mettre en avant les atouts de leurs technologies pour proposer une agriculture résiliente aux dérèglements climatiques et environnementaux, il est essentiel de garder en tête l’importance première de la diversité des systèmes agricoles.</p>
<p>Cette diversité se décline à différents niveaux : diversité génétique au sein des espèces cultivées pour introduire de nouveaux caractères, diversité interspécifique pour bénéficier d’espèces mieux adaptées au nouveau régime climatique, diversité des assemblages d’espèces et des systèmes de production, diversité des paysages agricoles pour restaurer la biodiversité des espaces cultivés et diminuer l’usage des pesticides et des engrais.</p>
<p>Face à la crise environnementale et climatique, la diversité sous toutes ses formes constitue en effet la meilleure assurance, la clé de la robustesse et donc de la capacité d’adaptation de l’activité agricole. Concernant les semences, alors que le paradigme dominant de la variété végétale distincte, homogène et stable (DHS) a conduit à adapter le milieu de culture à la semence, il faudra dans de nombreux cas faire l’inverse : adapter les semences aux caractéristiques des agro-écosystèmes. Une plus grande intégration de la création variétale et de l’agronomie système s’avère essentielle pour opérer un tel changement et réussir la transition agroécologique.</p>
<p>Dans ce cadre, la protection intellectuelle dans le domaine des semences végétales doit soutenir une activité de création variétale accrue et diversifiée au service de tous les systèmes de culture et non la freiner.</p>
<hr>
<p><em>Les personnes suivantes ont également participé à la rédaction de cet article :</em> </p>
<p><em>Anne-Claire Vial, agricultrice sur une exploitation de production de semences et d’ail pour la consommation et présidente d’Arvalis (association créée et dirigée par les professionnels des filières des céréales à paille, pommes de terre, lin fibre, maïs, sorgho et tabac, reconnue par les pouvoirs publics)</em></p>
<p><em>Jean-Martial Morel, paysan maraîcher et semencier à Chavagne.</em></p>
<p><em>Marcel Lejosne, agriculteur dans le Nord de la France depuis 1989. Entre 2007 et 2012, il a également saisi l'opportunité d'aider à développer la production de pommes de terre à l'île Maurice avec une entreprise mauricienne. Depuis, il dirige des entreprises spécialisées dans la production végétale à des fins industrielles ainsi que pour le marché du frais. Il est membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Benoit Joly préside le Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, organisation qui rassemble tous les acteurs de la filière semence et membre de l'Académie d'Agriculture de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rey Alexandrine est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Françoise ADAM-BLONDON est membre de la section Ressources Génétiques du Comité Technique Permanent de la Selection des Plantes Cultivées et membre du conseil scientifique de l’IFB (Institut Français de Bioinfiromatique). Elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR et des programmes de recherche de la commission Européenne dans le cadre de ses activités de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Messéan est vice-président de l'Association Française d'Agronomie, membre de l'Académie d'Agriculture de France, membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE et expert auprès de l'EFSA (European Food Safety Authority). Il a reçu des financements de l'Union Européenne pour des projets de recherche sur la transition agroécologique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet est membre de l'Académie d'Agriculture de France et du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, du conseil scientifique de la commission du génie biomoléculaire, du haut conseil des biotechnologies. Il a reçu divers financements pour des projets de recherches sur la biodiversité.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Glaszmann Jean Christophe est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lorène Prost est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR, de l'OFB et du CASDAR dans le cadre de ses activités de recherche publique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Dron est membre du Comité aux Enjeux Sociétaux de SEMAE et de l'Académie d'Agriculture de France. </span></em></p>Les nouvelles techniques d'édition du génome sont en discussion au parlement européen. En jeu : la diversité de l'agriculture de demain.Pierre-Benoit Joly, Directeur de recherche, économiste et sociologue, InraeAlexandrine Rey, Juriste, CiradAnne-Françoise ADAM-BLONDON, Directrice de Recherche en biologie et amélioration des plantes, InraeAntoine Messéan, Chercheur en agronomie système, InraeDenis Couvet, Professeur en écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Jean Christophe Glaszmann, Agronome, chercheur en génétique végétale, CiradLorène Prost, directrice de recherche en agronomie système, InraeMichel Dron, Professeur émérite en Biologie Végétale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974802023-05-03T13:38:17Z2023-05-03T13:38:17ZMigrer sans pattes ni ailes ? Le défi de la migration assistée des arbres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510177/original/file-20230214-24-as6jr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux, mais sur une période différente.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>S’il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux ! Mais sur une fenêtre temporelle différente. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>C'est ce que nous allons approfondir dans cet article, le premier de notre nouvelle série estivale. En tant que chercheurs en écophysiologie forestière, nous étudions le fonctionnement des arbres en relation avec des dynamiques écologiques à plus large échelle. Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. Face à ces nouveaux problèmes, nous cherchons de nouveaux outils. Parmi ceux-ci, la migration assistée des arbres. </p>
<p>Et pour nous inspirer, cet extrait d'une chanson de notre poète national, Gilles Vigneault. </p>
<blockquote>
<p>J’ai planté un chêne au bout de mon champ,</p>
<p>perdrerai-je ma peine ?</p>
<p>perdrerai-je mon temps ?</p>
</blockquote>
<p>Débarrassons-nous d’abord des définitions : la migration assistée réfère au <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">« mouvement d’espèces, assisté par l’humain, en réponse aux changements climatiques »</a>. Nous avons l’habitude d’associer le terme « migration » au déplacement des personnes ou aux vols saisonniers des oiseaux. </p>
<p>Il peut donc paraître étrange d’associer la migration aux arbres, qui sont typiquement enracinés au sol et ne bougent pas. Mais est-ce vraiment le cas ?</p>
<h2>La forêt mouvante</h2>
<p>La migration des arbres se produit par la dispersion des semences, la germination, puis l’établissement de nouveaux semis. Ceux-ci, après un certain temps, produisent de nouvelles semences et contribuent à une lente expansion géographique.</p>
<p>Les stratégies de migration peuvent différer selon les espèces d’arbres : les <a href="https://www.zoom-nature.fr/les-samares-des-erables-des-autogires-tres-performants/">samares d’érable</a>, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limitées par leur poids imposant. Cependant, les nouveaux semis ont besoin d’années, souvent de décennies, pour pousser et produire des semences qui peuvent migrer plus loin que leurs parents.</p>
<p>Ce mouvement, qui se met en place à l’échelle des siècles, généralement trop lent pour notre conception du temps, peut <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1752-4571.2007.00013.x">devenir limitant</a> face aux changements rapides induits par l’homme dans les systèmes climatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="glands de chêne" src="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les samares d’érable, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limités par leur poids imposant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Changements rapides, arbres lents</h2>
<p>Les changements climatiques actuels induisent des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">modifications rapides</a> des conditions environnementales ; <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo2681">aucun événement</a> de réchauffement naturel du passé ne s’est produit à une vitesse comparable. Ces changements climatiques exercent ainsi de fortes pressions sur les écosystèmes forestiers, notamment en modifiant les conditions des habitats.</p>
<p>La grande majorité des arbres ont des vitesses de migration <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ddi.13630">inférieures à la rapidité de déplacement des habitats favorables</a>. Cela signifie que leur migration vers de nouveaux habitats favorables (par exemple, des régions froides devenant plus chaudes au nord) ne pourra pas compenser la perte d’habitats dans d’autres zones (par exemple, des régions chaudes devenant plus sèches au sud).</p>
<p>Ce décalage entre la modification des conditions d’habitats et la migration naturelle des arbres entraîne une perte de vigueur des forêts. Pour beaucoup d’espèces, <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/57/11/939/234280">on prévoit un déclin</a> qui peut compromettre les écosystèmes forestiers locaux.</p>
<h2>Aider les arbres à migrer</h2>
<p>Nous sommes appelés à trouver des stratégies pour harmoniser les forêts aux nouvelles conditions climatiques. Cela motive les chercheurs et les gestionnaires à envisager de nouvelles approches pour solutionner ce problème, en recourant par exemple à la <a href="https://doi.org/10.5849/jof.13-016">migration assistée</a>. </p>
<p>Le déplacement artificiel et la plantation de semences peuvent accélérer le processus de migration naturel et aider à surmonter les barrières géographiques, telles que les chaînes de montagnes ou les grandes surfaces d’eau.</p>
<p>La migration assistée peut donc être appliquée pour maintenir des écosystèmes forestiers fonctionnels dans le futur. Ce n’est pas seulement important pour la conservation des espèces, mais aussi pour le maintien de l’ensemble des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780080983493000244">services</a> offerts par les forêts, par exemple la production du bois ou la séquestration du carbone de l’atmosphère.</p>
<p>En général, les transferts sur de courtes distances sont plus faciles à réaliser, tandis que la migration sur de plus longues distances nécessite une planification plus minutieuse. Comme cette dernière présente des risques écologiques plus élevés, elle n’est généralement considérée <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">que pour des actions de conservation</a>. </p>
<p>Mais assez parlé de théorie, passons à des exemples concrets.</p>
<h2>Un exemple canadien</h2>
<p>L’érable à sucre (<em>Acer saccharum</em>) est une espèce d’arbre emblématique au Canada. À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/ES15-00238.1">souffrent d’une concurrence accrue</a> de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique (<em>Fagus grandifolia</em>).</p>
<p>Parallèlement, des chercheurs ont constaté que les régions au nord de l’aire de répartition de l’érable deviennent de <a href="https://academic.oup.com/forestscience/article/67/4/446/6270781">plus en plus propices à cette espèce</a>. Dans ce cas, la migration assistée pourrait favoriser une adaptation plus rapide des forêts nordiques aux nouvelles conditions, et rendre des services appréciés des propriétaires forestiers locaux, comme la production de sirop d’érable. Alors, pourquoi ne pas simplement aller de l’avant avec cette technique ?</p>
<h2>Pionniers</h2>
<p>En 2019, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a établi une plantation expérimentale d’érable à sucre à la limite nord de son aire de répartition, dans la région du Saguenay, au Québec. L’expérience est menée en partenariat avec une entreprise agricole familiale de la région, qui a choisi de consacrer une partie de ses terres à la recherche scientifique et à sa vision d’une érablière productive pour les générations futures.</p>
<p>La plantation, qui compte environ 500 jeunes arbres issus de plusieurs populations du Québec et des États-Unis, fêtera sa quatrième année de vie au printemps 2024. D’ici quelques décennies, de l’excellent sirop d’érable pourrait être produit, en plus des précieuses données scientifiques recueillies jusqu’alors.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="érable à sucre" src="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) souffrent d’une concurrence accrue de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Essais de migration</h2>
<p>Des études similaires ont été réalisées par le réseau de recherche <a href="https://dream-forests.org/membres/">DREAM</a>, un projet du gouvernement du Québec (MRNF), du USDA Forest Service et de l’Université Laval. Les essais, incluant une dizaine d’espèces d’arbres plantées en mélange, se situent dans la région de Portneuf au Québec et au Wisconsin (États-Unis). On y teste les effets des différents facteurs, tels que le microclimat, le broutement et la concurrence végétale, sur l’acclimatation des plants. De plus, on compare la performance des plants de populations méridionales, adaptées à des conditions similaires aux prédictions du climat futur, à celle des populations locales.</p>
<p>Réaliser ce type d’étude expérimentale permet d’obtenir des informations précieuses sur les caractéristiques qui peuvent aider ou nuire à la réussite des projets de migration assistée. Par exemple, on peut comprendre quelles espèces ou populations sont plus sensibles aux <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/58/3/253/230872">évènements de gel tardif</a> ou au <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40725-021-00148-5">broutement des herbivores</a>.</p>
<p>La mise en place d’essais scientifiques aujourd’hui peut aider à bien comprendre les dynamiques et les risques liés à la migration assistée, afin que nous puissions faire les meilleurs choix d’aménagement forestier pour les années et les générations futures. </p>
<p>Les changements climatiques progressent vite et les forêts ne poussent pas au même rythme : il est donc important de commencer à planter aujourd’hui les forêts de demain. </p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Emilie Champagne de la Direction de Recherche Forestière du Québec (Ministère des Ressources Naturelles et des Forêts) pour les contributions et commentaires au texte écrit et les Jardins Gobeil pour la collaboration et l’aide matérielle avec le maintien de la plantation expérimentale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197480/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Mura a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) dans le cadre du projet Alliance-Érable, partenaires le gouvernement du Québec (ministère des Ressources naturelles et des Forêts), le Centre Acer, les Productrices et Producteurs acéricoles du Québec, le Syndicat des Producteurs de bois du Saguenay Lac-Saint-Jean et l'Université du Québec en Outaouais (UQO). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Raymond est membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (QC, Canada). Elle a reçu du financement du Plan pour une économie verte du Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Gouvernement du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sergio Rossi est membre de l'Ordre des Ingénieurs Forestiers du Québec (QC, Canada) et de l'Ordine dei Dottori Agronomi e Forestali di Padova (Italie).
Sergio Rossi a reçu des financements par des programmes publiques: le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)</span></em></p>Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. La migration assistée est un outil qui permet de faire face à ces enjeux.Claudio Mura, PhD student in Forest Ecophysiology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Patricia Raymond, Chercheuse scientifique et professeure associée, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Sergio Rossi, Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1906702022-10-03T17:35:17Z2022-10-03T17:35:17ZRetour sur le combat pour les semences paysannes en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487797/original/file-20221003-9083-pv825x.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C1189%2C824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les paysans adaptent et sélectionnent les plantes pour chaque terroir. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christine Jez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022, une nouvelle réglementation européenne s’applique pour les producteurs en agriculture biologique. Elle concerne différentes dimensions de la production (bien-être animal, harmonisation des exigences pour les produits importés), mais surtout de nouvelles mesures favorables à la production de nouvelles catégories de semences </p>
<p>Il y a tout juste deux ans, le 1er janvier 2022, les agriculteurs biologiques européens gagnaient le droit de cultiver et commercialiser leur propre graine <a href="https://www.agencebio.org/decouvrir-le-bio/les-textes-reglementaires/">adaptées à l’agriculture biologique</a>, via une nouvelle réglementation européenne. </p>
<p>Cette disposition ouvre une brèche dans le monde de la semence industrielle qui a contribué à la construction de nos paysages agricoles et de notre système alimentaire, fondés sur l’homogénéité des cultures et la stabilité des variétés. Cet idéal de la variété, rendu obligatoire pour la mise en marché de semences au milieu du siècle dernier, est enfin détrôné grâce à la nouvelle réglementation qui redonne sa place à la diversité nécessaire au bon fonctionnement des écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup plus qu’un symbole, cette évolution offre désormais la possibilité de mise en cohérence de la semence avec les principes de l’agriculture biologique (AB).</p>
<h2>De milliers d’espèces végétales cultivées… à 150</h2>
<p>L’agriculture est apparue il y a 10 000 ans avec les premières domestications des espèces cultivées. Tout au long des siècles, les paysans ont adapté et sélectionné dans chaque terroir les plantes qui sont à la base de notre alimentation et de notre culture.</p>
<p>Notre époque moderne a vu s’appauvrir considérablement notre régime alimentaire – et dans le même temps s’homogénéiser les cultures. Si plusieurs milliers d’espèces végétales ont été utilisées au fil des siècles pour l’alimentation humaine, nous n’en cultivons aujourd’hui plus qu’environ 150. Et pas plus de trois fournissent <a href="https://www.fao.org/3/V1430F/V1430F00.htm">quelque 60 % des calories et protéines tirées des plantes</a>.</p>
<p>L’industrialisation de l’agriculture a accéléré cette perte de la diversité : cela s’explique par la simplification des pratiques agricoles et des paysages, ainsi que par l’utilisation de variétés rendues stables et homogènes grâce à des artifices génétiques et biotechnologiques. L’agriculture biologique a émergé il y a un siècle grâce à des pionniers qui, très vite, ont compris les grands risques de détérioration des écosystèmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C21%2C2794%2C2086&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'association Kaol kozh présente une diversité de légumes issues de semences paysannes à une foire bio à Daoulas (Bretagne).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Véronique Chable/Inrae</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Aux débuts du bio, des variétés homogènes et stables</h2>
<p>L’agriculture biologique a commencé son développement économique en France après la Seconde Guerre mondiale. Elle y fut officialisée par la loi d’orientation agricole (LOA) de 1980. En 1991, un <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1991R2092:20070101:FR:PDF">règlement européen la reconnaît officiellement</a>.</p>
<p>Dès ce texte, l’utilisation de semences biologiques (c’est-à-dire des graines issues de plantes porte-graines cultivées selon les principes de l’AB) a été rendue obligatoire pour les agriculteurs biologiques de toute l’UE. Au début, on multipliait des variétés créées pour l’agriculture conventionnelle pour produire des semences en bio, gardant ainsi la logique d’homogénéité et de stabilité de ces variétés pour la bio. Cependant, la mise en œuvre du règlement différait d’un État membre à l’autre, <a href="https://www.liveseed.eu/wp-content/uploads/2019/01/LIVESEED-FinalV2-WebInteractive-1.pdf">car très peu de semences bio étaient disponibles à l’époque</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’association Kaol kozh explore une nouvelle collection de ressources génétiques de carottes pour engager une sélection de semences paysannes à la ferme en Bretagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Véronique Chable/Inrae</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dès son émergence, les praticiens de l’agriculture biologique ont eu à cœur de stimuler les processus vivants par des techniques spécifiques, notamment au niveau des sols mis à mal avec les intrants chimiques – mais sans se préoccuper des semences dans les premières décennies.</p>
<p>Ce règlement a été une étincelle salvatrice chez une partie des professionnels pour déclencher une réflexion sur la nature des variétés et semences du marché, et pour une prise de conscience de l’incohérence d’utiliser en bio des variétés stables et homogènes conçues pour être productives dans un contexte d’agriculture conventionnelle.</p>
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<p>Ils découvraient aussi que la plupart des variétés modernes étaient porteuses de manipulations biotechnologiques, en complète contradiction <a href="https://www.ifoam.bio/why-organic/shaping-agriculture/four-principles-organic">avec les principes de l’International Federation of Organic Agriculture Movements (Ifoam)</a>, établis au niveau international.</p>
<h2>Années 2000, retour en force des semences paysannes</h2>
<p>De cette prise de conscience du début des années 2000, des groupes d’agriculteurs ont initié des expériences de recherche participative en France et en Europe sur de nombreuses espèces pour renouveler les semences paysannes abandonnées <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DLEYIUQC3ZU,videopr%C3%A9par%C3%A9%C3%A0l%E2%80%99occasiondelapr%C3%A9conf%C3%A9rencesurlessemencesorganis%C3%A9e%C3%A0RennesetChavagnelorsdu20eCongr%C3%A8smondialdelabioIFOAMaccueilli%C3%A0Rennesenseptembre2021.">quelques décennies plus tôt</a>.</p>
<p>Elles ont de nombreux avantages sur les variétés modernes : elles sont diversifiées, évolutives, sélectionnées en respectant la biologie des espèces pour s’adapter à la diversité des écosystèmes ; en outre, elles sont échangées librement entre les membres des associations qui se sont constituées pour soutenir le travail collectif, en dehors du marché légal des semences. Des réseaux nationaux, <a href="https://www.semencespaysannes.org/">tels que le Réseau semences paysannes</a> en France, et le collectif européen <a href="https://liberatediversity.org/european-forums/lets-liberate-diversity/">European Coordination Let’s Liberate Diversity</a>, ont assuré la reconnaissance politique de la démarche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DLEYIUQC3ZU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Faire revivre la biodiversité cultivée : un projet participatif (Inrae Bretagne-Normandie).</span></figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, et pour soutenir l’ensemble du secteur bio et paysan, des <a href="https://www.solibam.eu/SOLIBAM/home.html">projets européens</a> – <a href="https://diversifood.eu/">DIVERSIFOOD</a>, <a href="https://www.liveseed.eu/">LIVESEED</a>, <a href="http://dynaversity.eu/">DYNAVERSITY</a> et bientôt LIVESEEDING – ont depuis une quinzaine d’années associé les chercheurs engagés avec les professionnels (paysans et sélectionneurs, notamment de petites entreprises bio européennes) pour faire reconnaître les spécificités de la sélection pour l’agriculture biologique, pour laquelle une semence diversifiée est essentielle pour assurer la santé des plantes, une production régulière et de qualité en AB.</p>
<p>Ces projets mobilisent aussi les citoyens en quête de produits de terroir nutritifs et aux goûts diversifiés. De ce travail collectif, des méthodes de sélection pour la diversité ont fait leurs preuves. Les résultats des projets successifs ont alimenté des actions de lobbying visant à convaincre les législateurs européens et nationaux qu’il fallait <a href="https://www.editions-apogee.com/nature-environnement/622-la-graine-de-mon-assiette.html">sortir du diktat de la variété stable et homogène en bio</a>, un succès qui se traduit aujourd’hui par l’application de cette nouvelle réglementation.</p>
<h2>2022, vers la vente de variétés bio à grande échelle</h2>
<p>Le nouveau règlement bio, appliqué depuis le début de 2022, offre la possibilité de diffuser des populations hétérogènes bio – dénommés OHM (pour Organic Heterogeneous Material, en anglais) et MHB (pour matériel hétérogène biologique, en français) ; le mot « matériel » est symbolique de la vision dominante et matérialiste du vivant qui est justement combattue par les praticiens du bio – en dehors des réseaux paysans, par des artisans semenciers (notamment en France), par des entreprises semencières bio (assez nombreuses aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse) ou encore des coopératives de producteurs.</p>
<p>Les modalités d’application du règlement notamment en matière de description de ces populations végétales cultivées – qui n’ont pas le droit d’être appelées « variétés » puisque le mot a été réservé au « matériel stable et homogène » – restent au centre des activités des projets en collaboration avec des instances officielles chargées des procédures de mise en marché.</p>
<p>En outre, il fait valoir l’existence de variétés biologiques, allant au-delà des semences, puisque tout le processus de sélection sera effectué en agriculture bio. Elles seront sélectionnées avec des méthodes naturelles sans biotechnologie.</p>
<p>Ainsi, le retour de l’hétérogénéité et le respect de la biologie des espèces vont aider le secteur bio à se rapprocher de ses idéaux exprimés dans les 4 principes établis par l’Ifoam : écologie, santé, équité et précaution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La recherche participative développée au sein de Inrae avec les acteurs de la bio, sous la responsabilité de Véronique Chable, a été soutenue par des projets de recherche aux financements diversifiés dont des financements européens FP7 SOLIBAM (GA 245058), H2020 DIVERSIFOOD (GA 633571), H2020 DYNAVERSITY (GA 773814), H2020 LIVESEED (GA 727230), de la région Bretagne, de la Fondation de France, et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Véronique Chable est engagée dans le fonctionnement et l’animation des deux associations de semences bretonnes (Kaol kozh et Triptolème) qui sont membres du Réseau semences paysannes. Au niveau européen, elle fait partie de ECO-PB (European Consortium for Organic Plant Breeding) et, au niveau international d’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movments).</span></em></p>Depuis début 2022, une réglementation européenne autorise les agriculteurs bio à faire commerce de leurs propres semences. Une évolution aux multiples implications.Véronique Chable, Chercheuse agronome, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900922022-09-14T18:08:45Z2022-09-14T18:08:45ZAu Sénégal, mobilisation pour protéger le plus grand gisement forestier du pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484659/original/file-20220914-9486-bt5hhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la partie Sud-Est du Sénégal (ici à Medina Yoro Foulah), les forêts sont menacées par des feux de brousse et la coupe abusive. Les acteurs de la DyTAES se mobilisent pour enrayer la déforestation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin / Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 7 février au 12 mars 2022, la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) – réseau qui fédère l’ensemble des acteurs de l’agroécologie du pays – <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-caravane-de-lagroecologie-126986">a entrepris une grande caravane</a> pour rencontrer les agriculteurs et agricultrices du pays.</p>
<p>Après un périple de 25 jours ponctué de multiples étapes, les caravaniers ont atteint les départements de Kolda, Velingara et Tambacounda, situés dans le sud-est du Sénégal, une zone forestière de première importance soumise à de multiples pressions.</p>
<h2>Face à face avec des coupeurs de bois clandestins</h2>
<p>Cette forêt, Oumar Dème la connaît depuis son enfance. Il l’a vue se dégrader d’année en année, sous l’agression des feux de brousse et des machettes. En 2014, lorsqu’il est devenu maire de sa commune, Ndoga Babacar (département de Tambacounda), il a décidé de consacrer son mandat à lutter contre le fléau de la déforestation illégale.</p>
<p>Un pari particulièrement risqué dans cette zone frontalière du Sénégal, en proie à la pauvreté, à la corruption et à la circulation des trafiquants de tous genres. Avec l’appui des habitants, le nouveau maire a construit un réseau de surveillance communautaire qui lui permet de savoir ce qui se passe dans chaque parcelle forestière de sa commune.</p>
<p>Un jour d’août 2019, ses informateurs lui ont révélé la présence d’un camp illégal de coupeurs de bois dans une zone reculée, à seulement quelques kilomètres de la frontière gambienne. Il prend alors une décision frappante : se rendre lui-même sur site accompagné de la presse et d’une poignée de militants afin de surprendre les exploitants clandestins !</p>
<p>Arrivé sur place, le groupe découvre une cinquantaine de jeunes hommes et femmes épuisés, le regard hagard, certains semblant en très mauvaise santé. En face des caméras, le maire sermonne le chef de camp et lui rappelle les règles d’utilisation de la forêt en vigueur dans sa commune.</p>
<p>Trois années plus tard, en 2022, alors que la nouvelle caravane de la DyTAES sillonne le pays, le constat est amer : à Ndoga Babacar comme dans tout le sud-est du Sénégal, la situation des forêts s’est dégradée.</p>
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<span class="caption">Les ouvriers d’un camp illégal de coupe de bois et de charbonnage, dans une zone isolée du Sénégal oriental à la frontière sénégalo-gambienne. Ces jeunes hommes originaires de Guinée forestière vivent avec leur famille dans des conditions précaires, sans accès à l’eau ni aux soins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482998/original/file-20220906-24-361j37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Camp illégal de coupe de bois (charbonnière, ouvrier et fagots) dans la forêt aménagée de la commune de Ndoga Babacar (département de Tambacounda) ; en août 2019, Oumar Dème (en bleu), maire de la commune, a organisé une conférence de presse dans ce camp.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<h2>Une région forestière menacée par les activités humaines</h2>
<p>La région Sud-Est du Sénégal est pourtant gâtée par la nature. Contrastant drastiquement avec le reste du pays, cette zone subtropicale bénéficie de précipitations abondantes, en moyenne 730 mm/an.</p>
<p>Ce climat clément permet de maintenir le plus grand gisement forestier du pays. La région est connue pour ses forêts classées, dont le parc national du Niokolo-Koba, inscrit sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’Unesco, abritant une faune et flore très riches. Cependant, à travers la fenêtre des voitures, les caravaniers observent le long des routes des tapis de cendres noires et une savanisation galopante. Triste conséquence du charbonnage, des feux de brousse anthropiques, de l’exploitation forestière et de la mise en culture de nouvelles terres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484661/original/file-20220914-8366-ygjnt5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Producteur maraîcher dans une zone de front pionnier de Medina Yoro Foulah (département de Kolda).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<p>Malgré une volonté politique de protéger les forêts, ces dernières disparaissent à un rythme effréné. Entre 1990 et 2015, les <a href="https://inondations-dakar.org/dataset/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement-au-senegal-2015/resource/4c161442-52bd-4770-9b5d-f063452929ab">forêts sont passées de 9,3 à 8,2 millions d’hectares au Sénégal</a>, enregistrant une perte moyenne annuelle de 40 000 ha.</p>
<p>Mactar Diop, préfet du département de Kolda, est conscient du désastre environnemental qui se joue : « la coupe du bois, les défrichements irréguliers pour la production agricole et les feux de brousse anthropiques causent la disparition de beaucoup d’espèces animales et végétales ». Le commerce illicite de bois entre le Sénégal et la Gambie contribue à la disparition progressive d’espèces forestières comme le vène (<em>Pterocarpus erinaceus</em>) et le kapokier (<em>Ceiba pentandra</em>).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483000/original/file-20220906-16-38msdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Parcelle forestière après un feu de brousse dans le département de Kolda.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484590/original/file-20220914-16-v5bblw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chaque année, les populations du département de Kolda mettent le feu aux forêts et aux jachères. Le brûlage permet de défricher rapidement les sous-bois et de stimuler la croissance de la biomasse herbacée pour nourrir le bétail. Cette pratique, lorsqu’elle n’est pas bien maîtrisée, peut également tuer les arbres et dégrader les sols.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span></span>
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<h2>Une agroécologie protectrice des forêts</h2>
<p>Lors de son passage dans le sud-est du Sénégal, la caravane DyTAES a mis en lumière plusieurs initiatives de lutte contre les feux de brousse anthropiques et la coupe abusive des arbres.</p>
<p>À Kolda, deux communes contiguës (Niaming/Médina Yoro Foulah) se sont coordonnées depuis 2020 pour mettre en défens une parcelle forestière de 20 hectares. Bien que de petite échelle, cette initiative a montré qu’avec un engagement fort des collectivités territoriales, il était possible de mettre un coup d’arrêt rapide à la déforestation.</p>
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<p>Dans le département de Vélingara, plusieurs comités de gestion des catastrophes naturelles ont été créés avec l’appui de l’ONG World vision. Ces comités organisent un réseau de surveillance et d’alerte contre l’élagage illégal des arbres. Ils implantent également des haies « pares-feux » en privilégiant l’anacardier, une essence qui produit les délicieuses noix de cajou et qui constitue une excellente barrière naturelle contre la propagation des incendies.</p>
<p>À Tambacounda, l’ONG Enda Pronat fait la promotion à grande échelle de la régénération naturelle assistée, une pratique qui consiste à protéger les jeunes arbres qui apparaissent spontanément (plutôt que de planter de nouveaux arbres).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484592/original/file-20220914-1785-zlu3u9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le secrétaire du comité environnemental de veille de la forêt de Niaming/Médina Yoro Foulah, dans le Sud-Est du Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483003/original/file-20220906-18-e9yk9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visite par les caravaniers de la forêt mise en défens de Niaming/Médina Yoro Foulah ; L’anacardier, en plus de produire des noix, permet de construire des haies vives pare-feux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD ; Malick Djitté/FONGS</span></span>
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<h2>Semer les graines du changement</h2>
<p>Lutter contre la déforestation passe également par une sécurisation et une diversification des moyens d’existence des populations. Dans le sud-est du Sénégal, ces dernières dépendent principalement de l’élevage, de la production de coton, de la riziculture et des cultures d’autosubsistance (niébé, fonio, mil, maïs, etc.).</p>
<p>Malheureusement, ces spéculations subissent de plein fouet les effets négatifs de la révolution verte. En particulier, le coton est en proie à une utilisation importante et abusive de pesticides parfois non homologués ; une situation rendue possible par le manque d’encadrement des producteurs et la porosité de la frontière sénégalo-gambienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483004/original/file-20220906-16-t31vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture conventionnelle de coton à Koussanar (département de Tambacounda) ; moissonneuses-batteuses utilisées en riziculture intensive à Anambe (département de Velingara) ; Élevage intensif de volailles à Medina Yoro Foulah (département de Kolda).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lors des étapes sud-est de la caravane, les participants ont rencontré plusieurs initiatives agroécologiques visant à réduire la dépendance des paysans et paysannes vis-à-vis des intrants extérieurs (pesticides, engrais et semences).</p>
<p>Dans le département de Vélingara, par exemple, la ferme agroécologique Biolopin à Djimini intègre intelligemment l’arboriculture, le maraîchage bio, l’élevage et la production de plantes médicinales. La ferme produit, améliore et diffuse des « semences paysannes » en collaboration avec l’Association sénégalaise des producteurs de semences paysannes (ASPSP).</p>
<p>Rustiques, résistantes et peu coûteuses, ces semences paysannes offrent une alternative précieuse aux semences distribuées par les compagnies agrosemencières, particulièrement gourmandes en intrants chimiques et dont la productivité diminue à chaque cycle cultural.</p>
<p>Lamine Biaye, fondateur de Biolopin, rappelle qu’« en agroécologie, il ne faut pas dépendre des semences extérieures […] ; il faut au contraire les produire soi-même pour être autonome. Il y a un grand vent de transition agroécologique à travers le monde, mais il n’y a pas de transition agroécologique sans semences paysannes ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483005/original/file-20220906-26-oak4z6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Visite d’un « grenier traditionnel amélioré » avec l’appui de Am Be Koun – Solidarité ; Semences et farine de mil ; Lamine Biaye, fondateur de Biolopin, présente sa collection de « semences paysannes ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin/CIRAD ; Malick Djitté/FONGS</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le département de Tambacounda, les producteurs sont également sur la voie de l’autonomisation semencière. Des banques céréalières villageoises ont été créées par l’ONG CARITAS dans 20 villages, bénéficiant à 1020 producteurs et productrices sur une superficie totale de 213 hectares.</p>
<p>À Koussanar, l’ONG ActionAid et la Fédération Yakar Niani Wouli ont mis en place une production écologique de semences bénéficiant à 40 femmes issues de 6 villages. À Saré Nopi, l’organisation Am Be Koun-Solidarité (ABK-S) a modernisé le grenier traditionnel « kourou-kourou » afin d’améliorer les conditions de conservation et de préservation des semences.</p>
<p>Après leur périple de 34 jours à travers le Sénégal, les acteurs de la caravane DyTAES vont se consacrer à la capitalisation des résultats obtenus sur le terrain et à l’ouverture d’un nouveau cycle de dialogue avec le gouvernement sénégalais. Une manière de porter la voix des ruraux du pays et d’alimenter le « plan Sénégal Émergent Vert » en cours d’élaboration.</p>
<hr>
<p><em>Laure Diallo est co-autrice de cet article. Retrouvez tous les articles sur la grande caravane de l’agroécologie au Sénégal en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/la-caravane-de-lagroecologie-126986">cliquant ici</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les étapes de la caravane évoquées dans cet article ont été organisées par les membres de la DyTAES avec l’appui financier du projet Fair Sahel (Union Européenne), de MISEROR, de Action Aid, de l’Agence Française de Développement, du Cadre National de Concertation des Ruraux (CNCR) et de Bel Fondation d’Entreprise.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Raphaël Belmin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour la dernière étape de la grande caravane de l’agroécologie 2022, cap sur la plus grande zone forestière du pays.Marie-Liesse Vermeire, Chercheuse en écologie du sol, CiradRaphaël Belmin, Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604862021-06-27T17:01:08Z2021-06-27T17:01:08ZOGM ou pas OGM ? Retour sur l’épineuse classification des « new breeding techniques »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408358/original/file-20210625-19-cgkgdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, un champignon dont les gènes ont été modifiés pour ralentir le brunissement a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2016. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8859042">Böhringer Friedrich/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 2000, les techniques de sélection génétique permettant de créer de nouvelles variétés végétales – appelées <em>new breeding techniques</em> (NBT) en anglais – ont fortement évolué, notamment grâce à la récente mise au point du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/crispr-54269">« ciseau génétique » CRISPR-Cas9</a>.</p>
<p>Les NBT ont déjà conduit à la mise sur le marché de variétés végétales en <a href="https://www.aphis.usda.gov/biotechnology/downloads/reg_loi/15-321-01_air_response_signed.pdf">Amérique du Nord</a>, comme <a href="https://www.nature.com/articles/nature.2016.19754">ce champignon</a> dont les gènes ont été modifiés pour ralentir le brunissement ; en Europe, elles suscitent depuis près d’une décennie de vifs débats ; ces derniers pointent tout particulièrement les applications infinies permises par la précision et la rapidité de ces techniques, les risques potentiels liés à des <a href="https://theconversation.com/crispr-et-les-effets-hors-cible-des-risques-encore-peu-controlables-108214">effets dits <em>off-target</em></a> (hors cibles) et, enfin, leur éligibilité ou non à la réglementation OGM.</p>
<p>Soulignons encore que l’édition du génome semble susciter plus facilement l’adhésion du public pour le médical que pour le domaine alimentaire ; les premiers OGM n’ont guère rencontré de succès auprès des consommateurs, <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi1821443/1006191ar/abstract/">encore moins chez les Français</a>.</p>
<h2>Les NBT sont-ils de nouveaux OGM ?</h2>
<p>Les NBT semblent faire l’objet des mêmes représentations négatives associées aux OGM.</p>
<p>Mais contrairement aux OGM – qui visent à insérer aléatoirement un transgène/cisgène dans un organisme vivant pour lui donner de nouvelles caractéristiques –, ces nouvelles techniques d’édition permettent, sans insertion de génome étranger, une modification ou suppression d’une séquence d’ADN (nucléotides). Elles sont aussi plus précises grâce à l’utilisation de nucléases, à l’image du ciseau moléculaire CRISPR-Cas9, permettant le ciblage de séquences d’ADN.</p>
<p>Elles pourraient ainsi permettre de sélectionner plus rapidement des plantes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/27/le-genie-genetique-paradoxalement-accepte-pour-les-vaccins-mais-refuse-pour-la-betterave_6067731_3232.html">adaptées au réchauffement climatique</a> (résistance à la sécheresse, aux maladies, réduction des pesticides). Certains scientifiques pointent un manque de recul quant aux <a href="https://www.franceinter.fr/sciences/nouveaux-ogm-le-rapport-qui-divise">potentielles mutations ou effets hors cibles, hors séquence d’ADN visée</a>.</p>
<p>Enfin, puisqu’il est difficile de faire la différence entre les mutations naturelles et celles obtenues par ces techniques, il convient aussi de s’interroger sur la <a href="https://www.nature.com/articles/nbt.2142">traçabilité des aliments issus de ces NBT</a>.</p>
<h2>La position française</h2>
<p>En juillet 2018, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les organismes obtenus par mutagénèse seraient désormais soumis aux <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000523341">obligations de la directive de 2001 sur les OGM</a> ; à l’exception toutefois de ceux « obtenus par des techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».</p>
<p>Suite à cette décision, le Conseil d’État français <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-7-fevrier-2020-organismes-obtenus-par-mutagenese">s’est prononcé en février 2020</a>, jugeant à son tour que les organismes obtenus par certaines techniques de mutagénèse doivent être soumis à la réglementation relative aux OGM.</p>
<p>Seuls les produits issus des « anciennes » techniques de mutagenèse peuvent donc être commercialisés sans autorisation préalable ; ce que les <a href="https://www.ufs-semenciers.org/">semenciers</a> et les lobbies de la sélection variétale <a href="https://www.agri-mutuel.com/politique-economie/un-flou-juridique-prejudiciable-a-la-diversite-et-a-lagroecologie/">dénoncent activement</a>.</p>
<p>Fin avril 2021, la Commission européenne a rendu un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1985">vaste rapport d’étude</a> soulignant les controverses autour de l’évaluation des bénéfices/risques, de la traçabilité ainsi qu’un manque d’uniformité des critères juridiques appliqués aux plantes issues des techniques récentes vs conventionnelles.</p>
<p>Le rapport préconise la poursuite des réflexions autour de la classification et de l’encadrement juridique des NBT, à la lumière de leur potentielle contribution aux objectifs écologiques promus par le <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_en">récent Green Deal européen</a>.</p>
<p>Interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, le ministre français de l’Agriculture, Julien Denormandie, affirmait que, contrairement aux OGM classiques, les NBT ne sont pas des « organismes modifiés » mais un « ensemble de techniques » ; à ce titre, elles devraient donc être encadrées par un cadre juridique adéquat.</p>
<p>A-t-on affaire à des « OGM » ou à des « techniques » ? Il est à ce jour peu probable que les citoyens, pour la plupart profanes en génétique, soient sensibles à cette subtilité de langage…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1408320221321084928"}"></div></p>
<h2>Rendre accessible la complexité des NBT</h2>
<p>L’applicabilité des NBT au domaine alimentaire demeure un sujet épineux et, au-delà des applications, le regard porté par le public sur les principes généraux de ces techniques mérite d’être exploré pour y voir plus clair.</p>
<p>C’est ce à quoi nous nous sommes intéressées dans le cadre d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0963662520929668">recherche récemment publiée dans la revue <em>Public Understanding of Science</em></a>.</p>
<p>Nos travaux confirment la défiance des Français pour les applications alimentaires et leur absence d’intérêt dès lors qu’une alternative de production, plus classique, existe.</p>
<h2>Tester l’acceptation ou le rejet</h2>
<p>Nous avons aussi comparé les <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26203-avis-cees.pdf">classifications scientifique et profane</a> des NBT.</p>
<p>Pour cela, des fiches de présentation simplifiées des principales NBT ont été élaborées en vue de leur utilisation dans des focus groups auxquels ont participé une cinquantaine de citoyens sans connaissances spécifiques sur le sujet.</p>
<p>Ces fiches présentaient les techniques d’édition du génome via des nucléases (SDN), de mutagenèse aléatoire, de mutagénèse dirigée par oligonucléotides (ODM), de modulation d’expression des gènes (RdDm) et, enfin, les techniques conventionnelles de cisgénèse et transgénèse.</p>
<p>Un exercice de « tri libre » proposé aux participants a permis de comprendre les logiques de classification spontanée des techniques et les critères d’acceptation ou de rejet.</p>
<h2>Les techniques les mieux tolérées</h2>
<p>Globalement, aucune technique n’est plébiscitée, mais une plus grande acceptabilité a été observée pour les techniques de modulation d’expression des gènes (RdDm) et celles utilisant une chimère (ODM), parce qu’elles ne modifient pas les séquences de nucléotides.</p>
<p>En revanche, les autres techniques ont donné lieu à deux classifications presque diamétralement opposées, mettant en évidence ce qu’on pourrait identifier comme une logique « rationnelle » et une logique « symbolique » ou plus « naturaliste ».</p>
<p>Pour la première, les participants voient la précision des techniques d’un œil positif, comme un moyen d’éviter des insertions hasardeuses. À l’inverse, les sujets répondant à une logique naturaliste accordent de l’importance à l’aléa qui fonde symboliquement les singularités naturelles.</p>
<p>Ainsi, les techniques ciblées ont-elles largement réactivé les imaginaires négatifs de l’eugénisme, visant à « améliorer » l’espèce humaine.</p>
<p>Quant aux techniques de mutation aléatoire, davantage perçues comme une imitation de la nature, elles ne sont pas, pour autant, jugées équivalentes aux processus naturels.</p>
<p>Les sujets opposent le « vrai hasard » et l’« erreur naturelle » (non viable et souvent éliminée par la nature) au « hasard intentionnel » et à l’« avatar technologique ».</p>
<p>Enfin, pour tous, les réactions les plus négatives s’observent pour la transgénèse/cisgénèse conventionnelle ou via des nucléases ; à la nuance près que dans la logique « rationnelle », l’utilité du gène inséré s’évalue selon son degré de complémentarité avec le génome de l’hôte et les « bénéfices » apportés ; alors que, selon la logique « naturaliste », ce gène inséré est jugé soit « trop proche » (cisgène) soit « trop loin » (transgène) et réactive respectivement les imaginaires de l’inceste et du démiurge.</p>
<h2>Renouer le dialogue</h2>
<p>Les classifications profanes des NBT se distinguent des classifications scientifiques en cela qu’elle repose sur des critères subjectifs liés à des conceptions de l’intervention scientifique, de l’aléa et à la relation symbolique entretenue avec la nature.</p>
<p>Les techniques de mutagénèse aléatoire (par pression de sélection, agents chimiques, rayonnements) et ciblée (via des nucléases) occupent une place singulière dans le paysage des NBT, en cela qu’elles génèrent des perceptions opposées.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0963662520929668">Notre étude</a> montre ainsi qu’il est possible d’interroger le grand public sur son rapport au progrès génétique.</p>
<p>L’enjeu de ce type d’initiative réside dans l’équilibre à trouver entre une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22745249/">nécessaire simplification des techniques</a>, pour les rendre accessibles à un public ne maîtrisant guère le vocabulaire requis, et une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi1821443/1006191ar/abstract/">restitution suffisamment fine</a> des principes d’intervention pour permettre une discrimination.</p>
<p>C’est à ce prix que l’on pourra peut-être éviter un rejet en bloc des NBT, sans discernement des applications médicales et alimentaires. Pour l’heure, indiscutablement, les Français ne semblent pas prêts à voir dans leurs assiettes des aliments issus de ces nouvelles techniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les NBT ont déjà conduit à la mise sur le marché de variétés végétales en Amérique du Nord, elles suscitent depuis près d’une décennie de vifs débats en Europe.Gervaise Debucquet, Enseignante-chercheuse, socio-anthropologie de l’alimentation, AudenciaMireille Cardinal, Cadre de recherche, sciences des aliments, évaluation sensorielle, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605152021-05-24T18:48:54Z2021-05-24T18:48:54ZAfrique de l’Ouest : les paysans se mobilisent pour la biodiversité agricole<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402185/original/file-20210521-13-lq0n8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C7%2C1171%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Récolte de cacahouètes au Sénégal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Georges Gobet / AFP</span></span></figcaption></figure><p>La richesse de la biodiversité agricole et celle des savoirs qui lui sont associés en Afrique de l’Ouest constituent un atout stratégique en faveur du développement durable de la région. Plus d’une vingtaine d’espèces vivrières ou destinées au commerce sont en moyenne cultivées par village.</p>
<p>Selon les zones, cependant, les conditions pluviométriques changeantes des années 1970 à nos jours ont favorisé ou au contraire limité le rendement des cultures. Le cumul annuel de pluie entre 1970 et 1989 a été en moyenne <a href="http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers19-05/010065867.pdf">réduit de 25 % par rapport aux deux décennies précédentes</a>.</p>
<p>Parallèlement, l’adoption en 2014 par l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) du cadre réglementaire de protection des obtentions végétales (UPOV 91) a modifié les cadres juridiques et institutionnels auxquels sont soumises les semences, induisant donc des changements plus globaux et non seulement climatiques.</p>
<p>La manière originale et singulière des agriculteurs de s’adapter à ces évolutions demeure encore largement méconnue. Quelles espèces choisissent-ils de cultiver ? Quelles sources d’approvisionnement en semences ? Quels facteurs derrière ces pratiques ?</p>
<p>À ces interrogations s’ajoute une préoccupation de méthode : comment établir ces constats en partenariat avec les acteurs locaux et garantir des résultats robustes et pertinents pour agir efficacement sur la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires ?</p>
<p>Telles sont les questions sur lesquelles se penche depuis quatre ans une équipe de chercheurs du Cirad de Montpellier, en lien avec cinq institutions académiques et quatre organisations paysannes du Niger, du Mali, du Burkina Faso, du Sénégal et de France.</p>
<p>Né de cette collaboration, le <a href="https://www.agropolis-fondation.fr/CoEX?lang=fr">projet CoEx</a> a permis de collecter et d’agréger des données sur les 1,5 million de kilomètres carrés de la bande sahélienne, tout en rassemblant des éléments de contextes locaux.</p>
<h2>32 espèces documentées</h2>
<p>Financé par la <a href="https://www.agropolis-fondation.fr/CoEX?lang=fr">Fondation Agropolis</a>, le projet CoEx, avec une ambition transdisciplinaire, a encouragé entre 2017 et 2021 la collaboration d’acteurs du milieu scientifique, politique et de la société civile autour de l’étude du système semencier.</p>
<p>Le processus de recherche a été mené en concertation avec ces acteurs, afin de concilier la robustesse des enquêtes et la pertinence sociale de la connaissance produite. Définir collectivement les questions de recherche et les enjeux qu’elles représentent a contribué à cette pertinence.</p>
<p>Afin de tenir compte de la diversité des contextes, des enquêtes ont été réalisées dans 144 villages, répartis dans quatre pays du Sénégal au Niger, en passant par le Burkina Faso et le Mali. La stratégie d’échantillonnage a privilégié des villages équidistants (70 km en moyenne entre eux), situés tant dans les zones sahéliennes au nord que dans des zones plus peuplées au sud.</p>
<p>Ces enquêtes ont permis de documenter la présence ou l’absence de 32 espèces cultivées, en plus d’explorer les variétés, les usages et les modalités d’approvisionnement en semences. Une attention particulière a été portée au mil, au niébé, au sorgho, à l’arachide et au maïs, qui constituent la base de l’alimentation des populations d’Afrique de l’Ouest, soit d’environ 330 millions de personnes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1376408972173975552"}"></div></p>
<h2>Un outil pour valoriser les solutions locales</h2>
<p>Désormais, il est possible de cartographier la dynamique de la biodiversité cultivée à de multiples échelles spatiales – exploitations, communes, régions, pays et multipays – et temporelles. La visualisation interactive des résultats permet de mieux comprendre la localisation, la circulation et la vitesse des transformations en matière d’espèces ou d’approvisionnement en semences.</p>
<p>Grâce à cette connaissance, les paysans, les chercheurs et les décideurs publics disposeront de précieuses informations pour mieux valoriser les solutions expérimentées localement pour faire face aux changements.</p>
<p>Trois pistes de réflexion se dessinent pour une action conjuguée des acteurs politiques, agricoles et scientifiques d’Afrique de l’Ouest.</p>
<h2>Frontière floue entre semences « paysannes » et « commerciales »</h2>
<p>On oppose habituellement les semences « paysannes » ou « traditionnelles » aux semences « commerciales » ou « améliorées ». Les premières sont issues de la gestion de l’agriculteur lui-même – le Centre africain pour la biodiversité estime que 70 à 80 % des semences cultivées sur le continent <a href="https://www.acbio.org.za/wp-content/uploads/2015/12/Seed-Sector-Sub-Sahara-report.pdf">sont issues de semences conservées par les agriculteurs</a> – et les secondes générées par la recherche agronomique ou les industries semencières privées.</p>
<p>Les pratiques d’acteurs et d’organisations collectives utilisant ces semences nous apprennent toutefois que cette ligne de démarcation n’est pas aussi nette. Une avancée majeure de cette recherche a été de documenter le fait que les paysans s’approvisionnent en semences issues d’une multiplicité de sources, sans forcément opérer de distinction entre la semence issue de programmes de sélection et celle produite par eux-mêmes.</p>
<p>L’une et l’autre sont utilisées dans les mêmes exploitations.</p>
<p>Lorsque les semences issues de programmes de sélection sont mises en culture, les grains issus de la récolte sont ensuite parfois eux-mêmes réutilisés comme semences et immédiatement requalifiés en semences paysannes.</p>
<p>À l’inverse, beaucoup de variétés améliorées par la recherche sont le fruit d’une épuration des variétés paysannes traditionnelles.</p>
<h2>Un cadre réglementaire inadapté</h2>
<p>La vision binaire, qui oppose catégoriquement semences améliorées et paysannes, ne permet pas de reconnaître que la gestion de ces entités par les agriculteurs et les sélectionneurs est en réalité fondamentalement dynamique et interconnectée.</p>
<p>Les cadres réglementaires, tels que <a href="https://www.upov.int/edocs/pubdocs/fr/upov_pub_221.pdf">UPOV 91</a> par exemple, reposent sur cette opposition binaire. Par conséquent, ils ne sont pas adaptés pour valoriser la diversité des pratiques de gestion et d’approvisionnement en semences, ni pour valoriser la diversité cultivée que ces pratiques favorisent.</p>
<h2>La richesse de pratiques diverses</h2>
<p>Les données recueillies témoignent d’une très grande diversité de pratiques d’approvisionnement ou d’usages des semences, selon les espèces, les régions ou les pays. Aucun chiffre ne résume seul la diversité des pratiques.</p>
<p>Alors que près de 75 % des semences de sorgho et de mil sont autoproduites au Mali et au Burkina Faso, le marché est une source importante pour le Sénégal et le Niger. Les provenances sont en outre elles-mêmes variables au sein de chaque pays, selon la latitude, l’usage des variétés, voire l’âge des agriculteurs.</p>
<p>Le nombre moyen d’espèces cultivées est lui aussi variable, en fonction de la latitude : alors que 22 espèces en moyenne sont cultivées aux faibles latitudes où la pluviométrie est plus importante, cette moyenne chute dramatiquement à 10 à l’approche des zones sèches du Sahel, au Nord.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1062128277207289856"}"></div></p>
<p>Ce nombre est par ailleurs plus important dans les villages anciennement implantés (18 espèces) que les villages récents (15 espèces), en lien probablement à de multiples traditions de culture, elles-mêmes plus anciennes.</p>
<p>Enfin, le nombre d’espèces est également lié au nombre de langues parlées dans des villages : chaque langue parlée s’accompagne en moyenne d’une espèce cultivée supplémentaire pour le village, la diversité cultivée étant ainsi liée à la diversité culturelle – du fait de préférences alimentaires différentes.</p>
<h2>Le rôle des organisations de producteurs</h2>
<p>Cette enquête suggère en outre que l’appartenance à une organisation de producteurs encourage également la diversité d’espèces cultivées – une tendance finement documentée au Mali.</p>
<p>Dans la région de Ségou, par exemple, les agriculteurs membres d’une organisation de producteurs cultivent en moyenne 30 % d’espèces de plus que les non-membres (12 contre 9).</p>
<p>En somme, aucun facteur n’intervient seul ou ne peut seul expliquer l’image produite par cette enquête. Les chercheurs sont cependant certains d’une chose : dans un contexte de changements globaux, la diversité des pratiques de gestion offre autant de solutions potentielles pour les agriculteurs.</p>
<h2>Un atlas de la biodiversité agricole</h2>
<p>Le travail mené suscite l’enthousiasme des chercheurs comme des agriculteurs, et la poursuite de cette collaboration pourrait s’incarner à travers la création d’un observatoire collaboratif de la biodiversité agricole et de leur dynamique spatio-temporelle en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Autrement dit, une plate-forme participative de collecte où les publics d’enquêteurs, paysans et chercheurs locaux pourraient actualiser au fil des années un atlas de diversité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comprendre le projet CoEx en 5 minutes. (Projet CoEx, 29 avril 2021).</span></figcaption>
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<p>L’observatoire tiendrait lieu d’espace de concertation entre chercheurs et agriculteurs pour faire émerger de nouvelles questions de recherche, en lien étroit avec les besoins exprimés selon les contextes locaux.</p>
<p>Avec la contribution de ce type de projet, les organisations paysannes partenaires sont aujourd’hui en mesure de construire un discours fondé sur des évidences scientifiques, voire de participer à faire mieux reconnaître le droit des agriculteurs à cultiver leurs semences et leur rôle dans la gestion de l’agrobiodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdoul-Aziz Saïdou a reçu des financements de la Fondation McKnight (CCRP programme – <a href="http://www.ccrp.org">www.ccrp.org</a>). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Guichardaz et Christian Leclerc ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Face aux enjeux du changement climatique pour les cultures ouest-africaines, des chercheurs explorent les pratiques et les semences utilisées par les agriculteurs locaux.Christian Leclerc, Ethno-biologiste, CiradAbdoul-Aziz Saïdou, Chercheur, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470962020-11-03T19:38:55Z2020-11-03T19:38:55ZLes légumineuses, une source d’azote plus durable pour la culture du maïs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361562/original/file-20201005-24-19wuxey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C11%2C3808%2C2509&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le maïs est la céréale la plus cultivée dans le monde avant le riz et le blé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/v9r31Dxg0X0">Christophe Maertens / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Lorsque l’on s’intéresse aux enjeux de sécurité alimentaire, il est une céréale qui constitue un ingrédient de base essentiel <a href="https://doi.org/10.1155/2017/1545280">dans de nombreux pays</a> : le maïs. Celui-ci est également utilisé dans l’alimentation animale et dans de nombreuses applications industrielles, notamment pour la production de biocarburant.</p>
<p>L’incroyable variabilité génétique de cette plante lui permet en effet de s’adapter aux climats tropicaux, subtropicaux et tempérés. C’est pourquoi le maïs est la céréale la plus produite dans le monde avant le riz et le blé, avec 875 millions de tonnes cultivées en 2018 pour un peu moins de <a href="http://www.fao.org/faostat/en/#data/QC">195 millions d’hectares</a>.</p>
<p>Toutes les cultures de maïs n’offrent toutefois pas les mêmes rendements. Dans de nombreux pays où le maïs constitue l’aliment de base, ils apparaissent extrêmement faibles, avec une moyenne <a href="http://www.fao.org/faostat/en/#data/QC">d’environ 1,5 tonne par hectare</a> – environ 20 % du rendement moyen des pays dits « développés ». Outre la mauvaise qualité des semences et les stress biotiques et abiotiques que ces cultures subissent, ce phénomène s’explique par la faible fertilité des sols dans ces pays.</p>
<p>Dans les sols tropicaux et subtropicaux, considérés comme des sols anciens dotés d’une faible capacité à fournir des nutriments, cela entraîne une dépendance accrue aux intrants et aux fertilisants, avec d’importants impacts environnementaux.</p>
<h2>Azote, légumineuses et rotation des cultures</h2>
<p>Le maïs a en effet besoin d’un apport considérable en minéraux pour croître <a href="https://doi.org/10.1590/S0103-84782008000400002">et en particulier d’azote</a>. Ce dernier est un composant majeur de l’ADN et des acides aminés, eux-mêmes éléments constitutifs des protéines. C’est aussi un composant de la chlorophylle, pigment vert des plantes essentiel à la photosynthèse. Dans des conditions climatiques favorables, le maïs a besoin pour obtenir des rendements élevés <a href="https://doi.org/10.1590/S0100-06832002000100025">d’une quantité d’azote supérieure à 150 kg/ha</a>.</p>
<p>La principale source d’azote (N<sub>2</sub>) sur notre planète se trouve dans l’atmosphère, mais la majorité des plantes ne peut pas l’utiliser. Les légumineuses, ainsi que les plantes de la famille des fabacées, sont seules capables de fixer l’azote atmosphérique en s’associant à des micro-organismes du sol via un procédé nommé symbiose. Une solution à la problématique du maïs serait donc d’introduire ces plantes dans le sol avant la culture du maïs, comme une culture de couverture ou des cultures intercalées dans le cadre d’une rotation.</p>
<p>La décomposition des résidus de légumineuses libérerait en effet de l’azote dans le sol que le maïs pourrait alors utiliser. La quantité fournie par ces cultures varie de 20 à 104 kg/ha et le bénéfice net d’azote pour les cultures suivantes atteint 51 kg/ha. Le procédé réduit donc considérablement les besoins en engrais de synthèse à base d’azote, tout en garantissant un <a href="https://doi.org/10.1016/j.eja.2016.05.010">fort rendement et une grande qualité du maïs</a>.</p>
<h2>Une autre fertilisation possible</h2>
<p>La méthode a été expérimentée sur 30 ans au sud du Brésil sur un sol très représentatif de ce territoire. Elle a permis d’étudier le potentiel des légumineuses. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vicia_sativa">La vesce</a> (en hiver) et le haricot (en été) ont été cultivés selon le modèle suivant : dans le même champ, la première a été intercalée en hiver avec de l’avoine, et la seconde avec du maïs. Les résultats de fertilisation grâce aux légumineuses ont été comparés aux résultats obtenus avec une fertilisation minérale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360486/original/file-20200929-14-9yhi1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Modèle d’expérimentation qui permet d’étudier le potentiel des légumineuses – vesce (en hiver) et haricot (en été) cultivées selon le modèle suivant : en hiver, vesce et avoine intercalés et en été, haricot et maïs intercalés dans le même champ. Les résultats de fertilisation grâce aux légumineuses sont comparés aux résultats obtenus avec une fertilisation minérale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span></span>
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<p>Au cours des premières années, la fertilisation azotée minérale a été deux fois plus efficace pour fournir de l’azote au maïs que les cultures de légumineuses : 180 kg/ha pour la première contre 80 kg/ha pour les secondes. Cette différence se répercute notamment sur le rendement, avec une différence de 2,5 tonnes/ha en faveur de la fertilisation minérale par rapport à celle des légumineuses.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Évolution de l’efficacité de l’utilisation de l’azote par la culture du maïs au cours d’une expérience de terrain de 30 ans dans le sud du Brésil à partir de l’application d’engrais azoté minéral ou de l’utilisation de légumineuses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span></span>
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<span class="caption">Haricots et maïs intercalés dans le même champ deux semaines après le semis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<span class="caption">Haricots et maïs intercalés dans le même champ deux mois après le semis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span></span>
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<span class="caption">Stock de carbone du sol après une expérience de terrain de 30 ans dans le sud du Brésil à partir de l’application d’engrais azoté minéral ou de l’utilisation de légumineuses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span></span>
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<p>Au bout de 5 ans, une augmentation de la teneur en matière organique du sol a été observée lorsque le champ était cultivé avec des légumineuses. La matière organique du sol dérivant de résidus de plantes dégradés par des micro-organismes est composée principalement de carbone et d’azote. Elle offre alors une nouvelle source d’azote aux plants de maïs, qui commencent à y répondre par une augmentation progressive du rendement.</p>
<p>Après 17 ans d’expérimentation sur le terrain, la différence de teneur en matière organique du sol, entre les deux types d’itinéraires de culture, atteint plus de 6 tonnes/ha en faveur de l’itinéraire contenant les légumineuses de couverture. Sur la période 18 à 30 ans, les différences de rendements initialement observées s’effacent et l’utilisation de l’azote issue des légumineuses devient beaucoup plus efficace.</p>
<h2>Stabiliser le CO₂ dans les sols</h2>
<p>L’augmentation de la matière organique du sol grâce aux légumineuses présente par ailleurs un autre avantage : la stabilisation du CO<sub>2</sub> présent dans l’atmosphère et introduit dans le sol par les plantes et les micro-organismes. Le CO<sub>2</sub> capté par les plantes via la photosynthèse et l’azote capté par les légumineuses via une symbiose avec des micro-organismes conduisent à rendre le résidu végétal très attractif pour les autres micro-organismes du sol.</p>
<p>Ces derniers, en consommant ces résidus végétaux, vont permettre de fixer et stabiliser le carbone dans le sol, évitant ainsi sa restitution dans l’atmosphère. C’est pourquoi nous estimons que les légumineuses <a href="https://doi.org/10.1016/j.still.2019.03.003">favorisent la séquestration du carbone dans le sol</a> : elles constituent aussi un outil efficace pour lutter efficacement et durablement contre le changement climatique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360490/original/file-20200929-16-fwcspj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tableau qui montre l’impact de l’utilisation des légumineuses sur la libération d’azote et la santé du sol conduisant à une augmentation du rendement du maïs et à l’augmentation du stock de la matière organique du sol et de la réduction de la fertilisation azotée minérale, ce qui a contribué à la durabilité environnementale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Murilo Veloso</span></span>
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</figure>
<p>Réduire la fertilisation azotée minérale entraîne à la fois une réduction des coûts pour l’agriculteur et la diminution des émissions de CO<sub>2</sub> émises lors de la production de l’engrais. L’augmentation de la matière organique du sol contribue par ailleurs à la lutte contre le changement climatique en stabilisant le CO<sub>2</sub> dans les sols et en améliorant la santé de ces derniers.</p>
<hr>
<p><em>Babacar Thioye (Institut Polytechnique UniLaSalle, Unité AGHYLE, campus de Rouen), Adrien Gauthier (Institut polytechnique UniLaSalle, unité AGHILE, campus de Rouen) et Cimélio Bayer (Universidade Federal do Rio Grande do Sul) ont contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147096/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Murilo Veloso ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les régions tropicales, la culture du maïs exige le recours massif aux intrants chimiques. Une autre solution existe, fondée sur la rotation des cultures, pour favoriser la fertilité des sols.Murilo Veloso, Enseignant-chercher en Science du Sol, Unité AGHYLE, Campus de Rouen, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470512020-10-13T18:11:46Z2020-10-13T18:11:46ZLa lutte pour une agriculture libre : bricoler et partager pour s’émanciper<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361032/original/file-20201001-22-v57jkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1495%2C958&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bricoler et partager devient un geste politique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/latelierpaysan/28004031801/in/album-72157667806902633/">L'Atelier Paysan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fabriquer ses propres machines, réparer son tracteur, échanger des semences, utiliser des logiciels open source : voici des actions qui visent à rendre les agriculteurs plus libres et plus autonomes. Ce sont des gestes qui montrent que le bricolage et le partage sont loin d’être des activités banales, mais des actes politiques.</p>
<p>Mais « libre » et « autonome » par rapport à quoi ? On dresse souvent le constat suivant : l’agriculture est devenue un <a href="https://www.northatlanticbooks.com/shop/soil-not-oil/">système verrouillé</a> et dépendant de quelques grandes entreprises. Les machines agricoles, vendues par des entreprises comme Iseki & Co (Japon) ou John Deere (Etats-Unis), sont de vraies boîtes noires, <a href="https://asmedigitalcollection.asme.org/memagazineselect/article/140/09/37/366630/Can-You-Repair-What-You-Own-For-Many-People-who">peu accessibles</a> et peu adaptables. La complexité des tracteurs les rend difficilement réparables par les agriculteurs.</p>
<p>Concernant les semences, il y a une situation de monopole avec trois multinationales (Bayer-Monsanto, ChemChina-Syngenta et Dow-DuPont) qui <a href="https://www.law.georgetown.edu/environmental-law-review/wp-content/uploads/sites/18/2019/05/GT-GELR190018.pdf">dominent le marché</a>. Et la plupart des logiciels utilisés dans les exploitations agricoles sont propriétaires (comme Agri4D, un logiciel de gestion pour arboriculteurs, céréaliers et vignerons, ou les logiciels de l’entreprise Isagri). La liste des conséquences négatives de cette emprise du marché sur les agriculteurs est longue : des prix élevés, des agriculteurs endettés, des produits standardisés, une diversité végétale et animale en décroissance, une vision d’une agriculture très productiviste et peu éthique, une dépendance envers les acteurs privés, une dévaluation et disparation des savoirs locaux et ancestraux notamment.</p>
<h2>Promouvoir l’autoconstruction</h2>
<p>Pour offrir des alternatives à cet ordre des choses, plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années. Pour promouvoir l’autoconstruction d’équipements agricoles, des réseaux comme <a href="https://farmhack.org/tools">Farmhack</a> ont été lancés aux États-Unis (en 2011) puis en Angleterre (2015) et aux Pays-Bas (2016). En Grèce, la coopérative <a href="https://www.gocrete.net/melitakes/">Melitakes</a>, créée en 2016, s’est notamment lancée dans l’autoconstruction d’une batteuse de pois chiches. Et en France, des ateliers d’autoconstruction sont organisés à partir de 2009, donnant lieu à la création de <a href="https://www.latelierpaysan.org/">L’Atelier paysan</a> en 2014. Tous ces collectifs militent pour une autonomie « équipée » dans le double sens du terme : une autonomie qui se réalise à travers des équipements et une autonomie qui se transmet en équipe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362131/original/file-20201007-14-442vj6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fabriquer soi-même une récolteuse de légumes, c’est possible. Ici le modèle inventé et partagé par Nikos Stefanakis et le groupe Melitakes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://i3.cnrs.fr/wp-content/uploads/2019/12/i3WP_19-CSI-02-Pantazis-Meyer.pdf">Alekos Pantazis</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’Atelier paysan est une coopérative qui promeut « une conception ascendante, inédite et subversive de machines et de bâtiments adaptés ». En pratique, l’Atelier paysan a formé environ 1 700 personnes et réalisé environ 80 tutoriels. La coopérative réalise et diffuse des plans de construction de machines agricoles sous licence libre (une licence qui permet d’user, modifier et redistribuer une œuvre). Une grande diversité de techniques est traitée, que ce soit des serres mobiles, des brosses à blé, ou encore des dérouleuses à plastiques par exemple. L’Atelier paysan plaide pour une <a href="https://www.latelierpaysan.org/Plaidoyer-souverainete-technologique-des-paysans">« souveraineté technologique »</a> des paysans et se positionne en faveur du <em>low-tech</em>. En même temps, il critique le modèle productiviste et fordiste de l’agriculture et une trop grande foi dans le numérique.</p>
<h2>La lutte pour la réparabilité</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361036/original/file-20201001-13-zmg7g5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le <em>hacking</em> de tracteurs.</span>
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</figure>
<p>L’autoconstruction va de pair avec la capacité de réparation des machines agricoles. La réparabilité des tracteurs est devenue l’exemple le plus médiatisé dans le domaine. L’histoire du <a href="http://openscience-thebetterscience.blogspot.com/2017/06/hacking-tractors-code-me-hacking.html">« hacking » de tracteurs</a> débute en 2017 quand des agriculteurs américains commencent à utiliser des logiciels piratés pour pouvoir réparer eux-mêmes leurs tracteurs de la marque John Deere. Leur action s’explique par le fait qu’il est techniquement et légalement impossible de réparer soi-même ces tracteurs. Seuls les techniciens de l’entreprise et les concessionnaires agréés peuvent réaliser le travail de réparation, car c’est eux seuls qui possèdent les logiciels indispensables pour faire le diagnostic, authentifier les pièces de rechange, redémarrer le moteur, etc. À ce problème s’ajoute le fait que la réparation est un processus lent et cher.</p>
<p>Ce qui, au départ, était une frustration technique et économique s’est vite transformé en <a href="https://www.vice.com/en_us/article/a34pp4/john-deere-tractor-hacking-big-data-surveillance">combat politique et juridique</a>. D’un côté, les agriculteurs se mobilisent pour que des projets de loi, comme le « Fair Repair Act », puissent contrecarrer les pratiques commerciales des constructeurs. Les agriculteurs demandent un « right to repair ». De l’autre côté, des acteurs comme John Deere (et aussi Apple) ont fait <a href="https://www.theguardian.com/environment/2017/mar/06/nebraska-farmers-right-to-repair-john-deere-apple">pression</a> – avec succès jusqu’ici – pour qu’un nouveau cadre légal ne voit pas le jour. En Europe, les débats autour du droit à la réparation ont aussi lieu actuellement, avec notamment les efforts de la <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_19_5895">Commission européenne</a> pour instaurer le droit à la réparation pour tous les produits électroniques, en vigueur d’ici 2021.</p>
<h2>Les semences paysannes</h2>
<p>La semence est un autre objet à travers lequel se joue une bataille similaire : la majorité des semences sont commercialisées par des entreprises, qui en détiennent les droits de propriété intellectuelle à travers de brevets. Par conséquent, le libre-échange des semences et le développement de nouvelles variétés par les agriculteurs sont devenus rares. Ce qui était un bien partagé pendant des milliers d’années, développé et maîtrisé par les agriculteurs, est devenu un bien privé, avec une marchandisation qui se développe surtout à partir de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Les mouvements autour des « semences paysannes » – et, plus largement, l’<a href="https://www.tandfonline.com/toc/fjps20/47/4">activisme des semences</a> – sont nés pour retransformer ce bien privé en bien commun, que ce soit dans des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Australie. En <a href="https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/30713">Europe</a>, le mouvement s’est développé surtout dans les années 2000, par exemple en <a href="https://www.semencespaysannes.org/">France</a>, en <a href="https://redsemillas.org/">Espagne</a> et en <a href="https://www.semirurali.net/">Italie</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.semencespaysannes.org/">Réseau semences paysannes</a> est un collectif qui revendique une « autonomie semencière » et milite pour « défendre les droits fondamentaux des paysans sur leurs semences » en construisant « une alternative collective aux variétés industrielles ». Au niveau législatif, le combat des réseaux de semences paysannes a porté ses fruits : la vente de semences paysannes sera autorisée en Europe à partir de 2021. Mentionnons aussi l’initiative états-unienne <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03066150.2013.875897">Open Source Seed Initiative</a>, fondée en 2012, qui s’inspire des instruments juridiques du mouvement des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02374528">logiciels open source dans le domaine de la sélection végétale</a>. Elle a notamment développé un « pledge » (gage) qui défend les libertés open source des semences, c’est-à-dire la liberté de les conserver, replanter, partager, échanger, étudier et adapter.</p>
<h2>Des mondes sociotechniques à analyser</h2>
<p>Les mobilisations autour de l’autonomie, du bien commun et du partage ne sont évidemment pas récentes. Il est cependant intéressant d’observer que de nombreux collectifs se sont constitués ces dernières années pour défendre une agriculture plus souveraine et autonome, et que de nouveaux outils techniques et juridiques sont mobilisés dans ce combat. Des changements sémantiques voir éthiques ont lieu, avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1051/agro/2009004">l’agro-écologie</a>, l’open source et la transition comme nouvelles références importantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361038/original/file-20201001-22-oslx9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour réparer des machines agricoles, il faut parfois faire appel à des compétences en électronique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tractorhacking.github.io/documentation/FutureReverseEngineering.html">Tractor hacking</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les luttes pour une agriculture libre représentent des lieux empiriquement très riches, car elles rendent visibles et palpables les mondes sociaux des différents acteurs. Elles font apparaître une diversité d’enjeux – autour de l’autonomie, la convivialité, l’identité, le numérique, le design, les savoirs et apprentissages en jeu, les dimensions et tensions politiques, juridiques et économiques, les <a href="http://www.p2plab.gr/en/"><em>communs</em> et le <em>peer-to-peer</em></a>. Elles montrent que des objets comme une graine ou un tracteur soulèvent des questions d’ordre juridique et que le bricolage, le piratage et le partage sont, plus que jamais, des gestes politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147051/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgan Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face au verrouillage des machines agricoles et des semences par des industriels, des agriculteurs utilisent les outils des communs pour promouvoir une agriculture libre.Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1266442020-02-03T20:25:20Z2020-02-03T20:25:20ZContre l’uniformisation des semences, produisons de la biodiversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304971/original/file-20191203-67017-uquxtc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=442%2C227%2C4028%2C2701&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/flore-plantes/graines/semences-sols-plantes-agriculture#">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En février 2019, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a publié un <a href="http://www.fao.org/state-of-biodiversity-for-food-agriculture/en/">rapport alarmant</a> sur l’état de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde. En mai de la même année, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques a publié un rapport tout aussi alarmant sur le <a href="https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">déclin de la biodiversité</a>.</p>
<p>L’occasion de faire le point sur un exemple tangible de notre gestion de la biodiversité, celui des semences à la base de toute notre alimentation.</p>
<p>Depuis que nous avons pris conscience de l’érosion des ressources génétiques, il n’a été question que de limiter cette érosion, et non de contribuer à la production des ressources. Remise en contexte historique, une telle vision est intrigante et alarmante.</p>
<h2>Une vision dynamique de la biodiversité</h2>
<p>L’œuvre séminale de Charles Darwin a démontré que la biodiversité est dynamique. Le mécanisme de la divergence évolutive – par lequel les lignées s’écartent peu à peu des unes des autres et de leur racine commune – est progressif et continu. Le système entier est en perpétuelle évolution. La diversité existe à toutes les échelles (individus, variétés, familles), et toutes les lignées y contribuent. Une telle biodiversité dynamique résulte des actions combinées de l’émergence, de l’extinction et de la divergence des lignées.</p>
<p>Deux mécanismes sont impliqués dans la production de diversité : les entités (populations, variétés) doivent être suffisamment isolées pour se différencier (sous l’effet de la sélection naturelle et/ou de la dérive génétique), mais suffisamment d’échanges doivent subsister entre elles pour que leurs diversités génétiques ne s’appauvrissent pas.</p>
<p>Ainsi, la production de biodiversité résulte d’un subtil équilibre entre isolement et interconnexion. Cette vision dynamique nous oblige à intégrer le changement dans nos perspectives et à nous intéresser aux mécanismes de production de diversité plutôt qu’aux entités elles-mêmes.</p>
<h2>Les agriculteurs producteurs de biodiversité</h2>
<p>En quelques centaines de millions d’années, le processus naturel d’évolution a produit une multitude de formes vivantes, dont chacune possède des potentialités évolutives importantes. Pendant des milliers d’années, les paysans du monde entier ont cultivé certaines des plantes issues de ce processus, et en ont encore augmenté la diversité. Comment ont-ils fait ? En cultivant des espèces dans un cadre d’isolement et d’échanges, en cohérence avec la dynamique de production de biodiversité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1219522564395077632"}"></div></p>
<p>La domestication des plantes a historiquement été permise par le maintien des échanges entre les formes cultivées et sauvages, avant que chaque cultivateur sélectionne ses propres semences. Chaque lot de semences avait son individualité génétique, dont la diversité était maintenue par un système d’échanges entre paysans. Les mécanismes essentiels à la production de biodiversité étaient à l’œuvre, générant une immense diversité de formes.</p>
<p>Les ressources génétiques ainsi produites nous sont précieuses. C’est sur elles que reposent les possibilités de sélection futures de ces plantes, qui permettront d’en augmenter encore les potentialités et de mieux répondre à nos besoins (maladies, sécheresses).</p>
<h2>Une révolution industrielle</h2>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, le système a été bouleversé. Les agriculteurs se sont spécialisés : d’un côté ceux qui produisent les semences, et de l’autre ceux qui les exploitent. À partir de ce moment, les plantes n’étaient plus reproduites que dans les champs des semenciers.</p>
<p>Rapidement, le nombre d’entreprises semencières n’a cessé de décroître à cause des phénomènes de concentration industrielle, et avec elles la diversité des variétés disponibles. Les industries agrochimiques ont également décidé d’investir dans la niche. Ceci a mené à l’apparition de géants, tels que Monsanto et Bayer Corporation. Par conséquent, le nombre de plantes reproduites <a href="http://www.fao.org/fileadmin/templates/nr/documents/CGRFA/factsheets_plant_fr.pdf">est désormais en chute libre</a>.</p>
<p>Cette pratique d’« amélioration des plantes » a eu momentanément des effets positifs sur les productions agricoles. Des pays comme la France sont passés du statut d’importateur à celui d’exportateur dans le domaine agricole. Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où la question de l’« érosion des ressources génétiques » fut soulevée.</p>
<p>L’ensemble de ce nouveau système reposait sur la diversité existante des formes vivantes. Or, l’innovation génétique ne pouvait plus se produire que chez les sélectionneurs, qui représentent une part infime de l’entière communauté d’agriculteurs. Ils ne peuvent pas remplacer l’immense territoire d’évolution représenté par l’ensemble des champs <a href="http://www.fao.org/newsroom/fr/focus/2004/51102/article_51107fr.html">cultivés historiquement</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, nous exploitons ces ressources sans les maintenir (agriculture « minière »). Manifestement renouvelables pendant bien longtemps, elles sont désormais devenues épuisables. Pour faire face à cette situation, nous voyons deux voies d’action possibles.</p>
<h2>La réponse technologique</h2>
<p>Les humains peuvent croire que leur technologie palliera la perte de diversité et de ressources. Les biotechnologies permettront en effet de rechercher les gènes dont nous aurons besoin dans toutes sortes d’organismes (bactéries, poissons, plantes, etc.) pour faire face, au coup par coup, à chacune des difficultés rencontrées.</p>
<p>Dans cet état d’esprit, il est essentiel de mettre la main sur les ressources génétiques existantes. Cet héritage peut alors être conservé dans un <a href="https://www.seedvault.no/about/history/">immense congélateur souterrain</a>, où les gènes resteront à notre disposition pendant longtemps. Si l’on suit cette logique, les progrès technologiques doivent être favorisés. Le profit des entreprises innovantes doit être maximisé, et pour cela, elles doivent conserver l’exclusive propriété sur les ressources génétiques qu’elles exploitent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1146686464777998337"}"></div></p>
<p>C’est dans un tel contexte que le brevet sur l’insertion de gènes dans les plantes a finalement <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-d-intelligence-economique-2013-1-page-9.htm?contenu=article">été accepté et promu</a>. Cette voie est celle mise en avant par les firmes de biotechnologie, et suivie par une majorité d’États.</p>
<p>Elle est fondée sur la croyance que la technologie humaine deviendra suffisamment puissante, en un temps suffisamment court, pour remplacer les processus naturels de production de biodiversité. La croyance que la diversité d’aujourd’hui sera suffisante pour faire face à tous nos besoins futurs, que la biodiversité est un système fixe, dont les ressources génétiques doivent être conservées en leur état actuel.</p>
<h2>Rendre aux agriculteurs le pouvoir de produire de la biodiversité</h2>
<p>À l’inverse, les humains peuvent croire en la supériorité des processus naturels qui ont généré la biodiversité. Ces mécanismes en action depuis des milliards d’années, produisant constamment de nouvelles formes de vie en constante évolution dans des conditions toujours changeantes. Fondée sur une vision dynamique de la biodiversité, cette voie la promeut vivante et en évolution. Dans cet état d’esprit, la priorité urgente est de remettre en route le processus dynamique de production de biodiversité.</p>
<p>Pour les plantes cultivées, ceci implique de redonner aux agriculteurs la pleine et libre possession de leurs semences. Il s’agit de développer des <a href="https://www.semencespaysannes.org/">techniques de sélection participative</a>, dans lesquelles les connaissances modernes de la biologie, de la génétique, de l’écologie et de l’agronomie seraient mises en œuvre pour développer la production agricole.</p>
<p>Chaque agriculteur participerait à la sélection des plantes cultivées, de façon concertée et optimisée. Un tel système pourrait inclure des démarches biotechnologiques, mais sans aucun monopole sur les ressources génétiques pour assurer une production maximale de diversité. Un tel système serait donc incompatible avec le maintien des brevets sur l’insertion de gènes dans les plantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Henri Gouyon a reçu des financements du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Il est membre du Conseil scientifique de la fondation Nicolas Hulot</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andréa Thiebault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révolution industrielle a spécialisé les agriculteurs, coupant court aux échanges indispensables pour entretenir la biodiversité des espèces cultivables.Pierre-Henri Gouyon, Chercheur, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Andréa Thiebault, Postdoctoral fellow, Nelson Mandela UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/805762017-07-10T18:59:48Z2017-07-10T18:59:48ZCes coffres-forts qui conservent les graines de la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177582/original/file-20170710-5989-1qdsw6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En bas à gauche, l’entrée de la Réserve mondiale de semences située dans l’archipel norvégien du Svalbard. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/landbruks-_og_matdepartementet/21514393940/in/album-72157623004641656/">Landbruks-og matdepartementet</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Il y a quelque chose de tristement ironique aux inondations récemment subies par la <a href="https://www.regjeringen.no/en/topics/food-fisheries-and-agriculture/jordbruk/svalbard-global-seed-vault/id462220/">Réserve mondiale de semences</a> du Svalbard, en Norvège. Celle-ci devait être la forteresse imprenable de l’humanité contre la famine. Elle est dorénavant mise en danger par le réchauffement climatique, l’une des menaces dont elle était censée nous protéger.</p>
<p>Pour satisfaire les besoins d’une population mondiale croissante, on estime que la production alimentaire <a href="http://www.fao.org/news/story/en/item/35571/icode/">devra augmenter de 70 %</a> d’ici à 2050 ; et cela en dépit du réchauffement climatique et de la propagation de <a href="http://science.time.com/2013/09/02/a-warmer-world-will-mean-more-pests-and-pathogens-for-crops/">nouvelles maladies</a> liées à ces changements. Or les cultures à haut rendement dont nous dépendons réclament certaines conditions et ne pourront pas résister à des événements défavorables, comme les inondations ou les sécheresses.</p>
<p>Dans la nature, les espèces s’adaptent aux changements grâce à la <a href="http://evolution.berkeley.edu/evolibrary/article/evo_26">sélection naturelle</a>. Les agriculteurs participent, eux aussi, à cette sélection. Les variétés de blé et de riz élaborées lors de la <a href="https://www.thoughtco.com/green-revolution-overview-1434948">« Révolution verte »</a> – qui a permis de tripler la production alimentaire dans les pays en développement – sont ainsi le résultat d’un savant mélange entre des qualités spécifiques de multiples variétés (résistance aux maladies, courte taille et solidité des tiges, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177593/original/file-20170710-5935-1poobw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Préserver la diversité des plantes est essentiel pour assurer la sécurité alimentaire des générations futures.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Seed_bank#/media/File:Plant_tissue_cultures,_National_Center_for_Genetic_Resources_Preservation,_USDA.jpg">Lance Cheung/USDA</a></span>
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<h2>Nourrir le monde</h2>
<p>Il est aujourd’hui nécessaire de produire une <a href="http://www.nationalgeographic.com/foodfeatures/green-revolution/">nouvelle génération de cultures</a>, mieux adaptées aux changements. Les banques de graines et autres dispositifs de stockage de plantes sont indispensables dans ce but.</p>
<p>Et l’importance de la diversité des plantes pour assurer la sécurité alimentaire s’illustre parfaitement avec l’exemple chinois. Dans ce pays, les agriculteurs avaient pris pour habitude de faire pousser, en marge de leurs cultures traditionnelles de riz et de maïs, des cultures modernes à haut rendement. Au fil du temps, on s’est aperçu que ces variétés traditionnelles avaient survécu à des sécheresses alors que les plantations modernes avaient été anéanties. Les semences utilisées par les fermiers chinois sont depuis utilisées au sein d’un programme de croisement de cultures qui a permis la création de <a href="http://pubs.iied.org/pdfs/G03338.pdf">six nouvelles variétés de maïs</a>, issues de l’association de certaines spécificités de plus de 200 variétés, qu’elles soient traditionnelles ou récentes.</p>
<p>On peut aussi citer le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12284-010-9048-5">croisement</a> d’une espèce traditionnelle de riz de l’Orissa (Inde) avec des variétés modernes issues de cultures à haut rendement qui a permis aux cultures de faire face aux inondations. Un gène résistant <a href="https://potatoes.ahdb.org.uk/sites/default/files/publication_upload/What%20is%20Potato%20Blight%20V5.pdf">au mildiou</a> de la pomme de terre, l’infection fongique à l’origine de la <a href="http://www.bbc.co.uk/history/british/victorians/famine_01.shtml">grande famine</a> du milieu du XIX<sup>e</sup> siècle en Irlande, a été trouvé sur une <a href="http://apsjournals.apsnet.org/doi/abs/10.1094/MPMI-22-5-0589">pomme de terre sauvage</a> des prairies argentines et a servi à protéger la <a href="http://www.gardenfocused.co.uk/vegetable/potatoes/variety-desiree.php">variété commerciale « Désirée »</a> de cette maladie.</p>
<p>Certaines variétés de cultures sauvages et traditionnelles peuvent parfois même être à l’avant-garde de certaines innovations. L’outil d’édition génomique <a href="http://www.yourgenome.org/facts/what-is-crispr-cas9">CRISPS-Cas9</a> a ainsi permis d’accroître la productivité de plants de tomates <a href="http://www.nature.com/news/fixing-the-tomato-crispr-edits-correct-plant-breeding-snafu-1.22018">grâce à un gène</a> appartenant à l’origine à une variété sauvage.</p>
<p>À l’échelle de la planète, quelque 1 700 banques de graines collectent et protègent cette diversité, de <a href="http://www.mdpi.com/2079-9276/3/4/636">petits dépôts</a> gérés par des communautés locales à de grandes installations, comme ce réseau d’établissements rattachés à l’<a href="http://www.vir.nw.ru/">Institut Vavilov</a> en Russie ou encore la <a href="http://www.kew.org/science/who-we-are-and-what-we-do">Millennium Seed Bank</a> de Kew dans le Sussex (Royaume-Uni).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177565/original/file-20170710-5935-jfz4ij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les galeries souterraines de la réserve mondiale de graines du Svalbard.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/landbruks-_og_matdepartementet/15412643807/in/album-72157623004641656/">Landbruks- og matdepartementet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177599/original/file-20170710-5952-yvhs5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques-unes des 2,5 milliards de graines conservées au Svalbard.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/landbruks-_og_matdepartementet/21711571121/in/album-72157623004641656/">Landbruks-og matdepartementet</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177567/original/file-20170710-5982-1dc3pmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Stockage des semences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/landbruks-_og_matdepartementet/15413051500/in/album-72157623004641656/">Landbruks-og matdepartementet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des réserves menacées</h2>
<p>Mais plusieurs de ces structures ont connu ces dernières années des difficultés : deux banques afghanes ont par exemple subi des vols et l’une des installations de l’Institut Vavilov a été touchée par une inondation. Une banque de graines des Philippines a également été détruite par le typhon <a href="https://www.nasa.gov/mission_pages/hurricanes/archives/2006/h2006_xangsane.html">Xangsane</a> de septembre-octobre 2006.</p>
<p>C’est à cause de ce type de menaces – sans parler du manque de financements – que la réserve du Svalbard a été érigée à la fois en dépôt et en réservoir pour les agriculteurs du monde entier. Et elle a déjà prouvé son utilité.</p>
<p>Depuis 2012, la guerre a interrompu le fonctionnement de la banque de graines du Centre international de recherche agricole dans les zones arides <a href="http://www.icarda.org/mission-and-vision">(ICARDA)</a> en Syrie. Celle-ci hébergeait un grand nombre de variétés spécifiques aux cultures des régions arides, mais également des variétés sauvages originaires d’Égypte ou de Mésopotamie, là où l’agriculture est née. Heureusement, ses réserves ont pu être conservées au Svalbard et l’ICARDA est parvenue à se retirer de Syrie pour établir une nouvelle banque <a href="http://www.icarda.org/blog/%5Bnode%3ABlog%20type%5Dlebanon-and-icarda-today">au Liban</a>. Un tel repli inédit pour une banque de graines.</p>
<p>Ces structures représentent un moyen efficace pour préserver les collections de plantes : dans des conditions optimales, les graines peuvent en effet être conservées en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biostase">biostase</a> pendant très longtemps. La plus <a href="http://www.pnas.org/content/109/10/4008.full.pdf?sid=4fd10ab3-a931-4679-bf92-a7038db8c1f8">ancienne graine germée</a>, issue d’une fleur de compagnon, a été par exemple enterrée dans la toundra sibérienne il y a plus de 30 000 ans. Un record, qui dépasse celui de la graine de palme vieille de <a href="http://news.nationalgeographic.com/news/2008/06/080612-oldest-tree.html">2 000 ans</a>, découverte dans l’ancienne forteresse juive de Massada.</p>
<p>Ces exemples illustrent à quel point le froid et la sécheresse aident à préserver les semences. Et les banques de graines les plus importantes suivent une feuille de route édictée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui préconise une température basse et un faible taux d’humidité.</p>
<p>C’est pour son climat sec et froid que le Svalbard a été choisi pour accueillir la réserve mondiale de semences. Si celle-ci est dotée d’un système de réfrigération qui maintient la température à -18 °C, ses créateurs avaient imaginé qu’entourées par les montagnes du Spitzberg et le permafrost, les semences pourraient rester congelées même sans électricité…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177570/original/file-20170710-5935-s8qgwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au dernier comptage réalisé en février 2017, la Millennium Seed Bank conserve dans ses réserves plus de 37 000 variétés de semences en provenance de 189 pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.kew.org/science/collections/seed-collection/about-millennium-seed-bank">Kew Gardens</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Fort heureusement, aucune semence n’a été abîmée lors de l’inondation récente de la réserve du Svalbard. Et d’autres banques de graines sont idéalement protégées, à l’image de la Millenium Bank de Kew, située dans un bunker nucléaire.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il aurait fallu que l’eau monte très haut au Svalbard pour atteindre les zones de stockage des semences ; ces dernières étaient d’autre part conservées à une température largement inférieure à 0 °C, ce qui signifie que l’eau aurait probablement gelé avant de les atteindre.</p>
<p>Il faut également noter que les semences sont conservées dans des emballages en aluminium pour les protéger de l’humidité. Reste que cette récente inondation interroge sur la situation climatique <a href="https://www.nasa.gov/topics/earth/features/warmingpoles.html">des pôles</a>. Ces derniers sont, plus que n’importe quelle autre région de la planète, concernés par le réchauffement : au Svalbard, la température à dix mètres sous le sol a <a href="https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/mountain-permafrost-1/assessment-1">grimpé de plus de 2 °C</a> depuis 1998, et elle continue d’augmenter.</p>
<p>L’imperméabilisation de la zone inondée n’avait jamais été envisagée jusqu’à présent. En dépit du réchauffement de la planète, la réserve du Svalbard reste un réservoir de qualité pour les semences, et l’un des endroits les plus sûrs en cas de scénario apocalyptique qui rendrait impossible la réfrigération. Mais elle n’est peut-être pas, changement climatique oblige, aussi sûre qu’on l’espérait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stuart Thompson a reçu des financements de ministère de l’Agriculture du Royaume-Uni et de la Nuffield Foundation.</span></em></p>La Réserve mondiale de graines du Svalbard a récemment subi une inondation. Cet accident sans gravité doit néanmoins mettre l’accent sur l’importance de ces réserves pour la sécurité alimentaire.Stuart Thompson, Senior Lecturer in Plant Biochemistry, University of WestminsterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/672782016-10-25T22:33:30Z2016-10-25T22:33:30ZÀ Alep, un patrimoine scientifique dans la tourmente<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/142925/original/image-20161024-28423-1v56f81.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C6%2C1404%2C949&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Collection de légumineuses fourragères sur sol rouge méditerranéen.</span> <span class="attribution"><span class="source">ICARDA</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Devant l’horreur de la destruction systématique d’Alep, ville à l’agonie, je souhaite apporter un témoignage en souvenir de moments très riches passés dans cette ville et de travaux scientifiques effectués dans un centre de recherches proche d’Alep : l’ICARDA, <a href="http://www.icarda.cgiar.org/">International Center for Agricultural Research in the Dry Areas</a>.</p>
<p>Entre 1995 à 2005, j’ai eu des contacts fréquents avec la ville d’Alep, et notamment avec son université, comme membre d’un groupe d’experts français (MEN-MAE). Outre le fait d’auditionner et de sélectionner régulièrement des assistants de cet établissement, désireux de venir étudier en France, nous avons accueilli au sein de notre laboratoire, une étudiante syrienne d’Alep, en vue de la préparation d’une thèse en co-tutelle (thèse réalisée en temps partagé entre Alep et Nancy). Le travail expérimental a été effectué en grande partie dans le cadre de l’ICARDA, situé à une trentaine de kilomètres au sud d’Alep. Cette coopération a généré de nombreux contacts scientifiques et humains. En raison des hostilités, le centre de recherches a dû fermer et les chercheurs s’installer dans d’autres pays.</p>
<p>Face à ces événements dramatiques je souhaiterais évoquer, à côté de la destruction des sites antiques classés par l’Unesco, la destruction et dispersion d’un patrimoine biologique et génétique inestimable, évitées d’extrême justesse.</p>
<p>Alep, une des premières cités du Moyen-Orient, habitée depuis des millénaires, est située dans la zone du croissant fertile, lieu de naissance de l’agriculture et de l’émergence de civilisations anciennes réputées (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ebla">Ebla</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ougarit">Ougarit</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sumer">Sumer</a>…). L’installation de l’ICARDA, dont la vocation concerne prioritairement la gestion agricole des zones arides et désertiques, à proximité d’Alep au site de <a href="http://www.geomondiale.fr/noms_geographiques/name.php?uni=-3493265&fid=6019&c=syria">Tel Hadia</a>, constituait ainsi un choix très judicieux.</p>
<p>Établi en 1977, l’ICARDA comportait une ferme de 950 ha, installée sur des sols rouges méditerranéens (terra rossa). Le domaine présentait un arboretum, des serres et équipements divers et surtout un périmètre important de parcelles expérimentales et parcelles de collections.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142928/original/image-20161024-28373-1nr3edt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Photos ICARDA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans ses locaux modernes très bien agencés, avec un excellent équipement scientifique analytique et informatique, ce centre accueillait de l’ordre de 600 chercheurs et collaborateurs de 32 pays différents.</p>
<p>L’ICARDA était particulièrement réputé pour sa banque de gènes ou banque de ressources génétiques végétales (semences) constituant une forme de mémoire des pratiques agricoles des zones sèches et désertiques.</p>
<p>Les semences sont à la base de notre alimentation qu’il s’agisse de fruits, de légumes, de graines diverses. Les aliments carnés eux-mêmes sont issus de la transformation des végétaux. La conservation des semences constitue donc un enjeu particulièrement important pour la survie de l’humanité. Un autre aspect préoccupant, relatif aux végétaux, concerne la perte de diversité des espèces cultivées, perte liée en grande partie à l’industrialisation de la planète et à la globalisation des échanges.</p>
<p>On constate ainsi un abandon progressif de variétés locales bien adaptées au milieu, au profit de variétés génétiquement uniformes à haut potentiel de rendement, mais relativement fragiles, ce qui peut être particulièrement préjudiciable en zones marginales. D’autres facteurs contribuent aussi à la réduction de la biodiversité : les maladies, les ravageurs, le réchauffement climatique, la modification des pratiques alimentaires et de consommation.</p>
<p>Les thématiques de recherche de l’ICARDA, concernent en premier la biodiversité et la gestion intégrée des gènes. La conservation d’une biodiversité sur le plan agricole dans les régions sèches est importante en vue d’améliorer la sécurité alimentaire, la nutrition et les ressources des habitants. Les espèces végétales concernées sont les suivantes : blé dur, blé panifiable, orge, pois chiche, lentilles, fèves, gesses, fourrages et espèces prairiales. Une attention particulière est portée à la gestion intégrée des maladies et des ravageurs, à la production de semences et leur distribution.</p>
<p>Le second thème porte sur la gestion intégrée de l’eau et des sols. On s’attache en particulier à mieux gérer les ressources rares en eau, à combattre la désertification et la dégradation des sols. En vue d’une utilisation durable de l’eau, l’accent est mis sur une meilleure politique de gestion des eaux pluviales et des systèmes d’irrigation.
Un troisième volet concerne la diversification et l’intensification durable des systèmes de production, l’amélioration de l’élevage et le relèvement du niveau de vie.</p>
<p>La dernière thématique s’attache à la politique sociale et économique. Les chercheurs (sociologues et économistes) travaillent à une meilleure compréhension et prise en compte de la pauvreté en milieu rural, au problème spécifique des femmes et des jeunes et à la levée des freins empêchant l’adoption des technologies nouvelles.</p>
<p>Les missions du Département de Recherche Génétique de l’ICARDA, (Genetic Research Section : GRS) concernent prioritairement la gestion de la collection des semences ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_de_g%C3%A8nes">banque de gènes</a> : acquisition et conservation ex-situ (conditions contrôlées), régénération, caractérisation et distribution de matériel génétique.</p>
<p>La banque de gènes a été établie en 1983. Cette collection comporte de l’ordre de 148 000 accessions (soit l’unité de base de conservation en banque de gènes, référence unique donnée à un lot de semences pour l’identifier), essentiellement des variétés populations et des écotypes sauvages de céréales (blé, orge) dont une collection remarquable d’ancêtres du blé (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89gilope">Aegilops sp</a>.), des légumineuses (lentilles, pois chiche, fèves) et des légumineuses fourragères (vesces, gesses).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142929/original/image-20161024-28382-pp9q6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Photos ICARDA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces plantes ont été collectées dans les différentes régions sèches et arides de la planète, lors de centaines de missions. 128 pays sont ainsi impliqués dans cette importante banque de gènes. À ces ressources végétales, il faut ajouter une collection de souches de bactéries du genre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rhizobium">Rhizobium</a> (1380 accessions), bactéries symbiotiques spécifiques des légumineuses.</p>
<p>La gestion et la sauvegarde de ces ressources génétiques représentent donc une des missions centrales de l’ICARDA. L’organisme est ainsi chargé de fournir aux généticiens, aux scientifiques et aux agriculteurs du matériel végétal présentant des « traits » ou caractéristiques favorables en vue d’améliorer la croissance et les rendements notamment dans le contexte du changement climatique. Les caractéristiques recherchées concernent plus particulièrement la tolérance aux stress abiotiques (sécheresse, chaleur, froid, salinité) et aux contraintes biotiques (maladies, insectes ravageurs, mauvaises herbes).</p>
<p>L’ICARDA a distribué près de 25 000 échantillons issus de ce <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plasma_germinatif">« germoplasme »</a> aux scientifiques du monde entier. Entre 2012 et 2014, l’organisme a assuré la préparation de 66 000 accessions.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/142930/original/image-20161024-28376-11hz1jq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Photos ICARDA</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En raison des hostilités, le centre de Tel Hadia a dû être fermé, et son siège déplacé à Beyrouth. Les chercheurs ont commencé à quitter l’ICARDA en 2012 et ont été relocalisés en Jordanie, au Liban, en Égypte, au Maroc, en Tunisie, en Turquie et en Éthiopie.</p>
<p>Les récents conflits dans d’autres parties de la planète ont démontré les risques importants liés à la conservation en un lieu unique des ressources génétiques. On peut citer à cet égard, la destruction ou les dommages graves causés aux banques de gènes en Afghanistan et en Irak. Conscients de ces risques, les responsables de l’ICARDA ont pris les devants et ont décidé de transférer leur collection en Norvège avant le désastre.</p>
<p>Les semences de l’ICARDA ont ainsi pu être sauvées et conservées grâce à « l’Arche de Noé végétale » située à Svalbard en Norvège.</p>
<p>Les envois de semences vers <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serve_mondiale_de_semences_du_Svalbard">Svalbard</a> ont été réalisé par l’ICARDA dès 2012, ainsi 87 % de la collection a pu être mise à l’abri. Le dernier envoi date de 2014. D’autres échantillons de l’ICARDA ont été confiés à diverses autres banques de gènes à travers le monde (CIMMYT, ICRISAT, USDA, VIR-Russia…)</p>
<p>En 2015, le directeur général de l’ICARDA a demandé à Svalbard une extraction du tunnel et un retour des semences, afin de dupliquer la banque de gène, restaurer la collection et réinstaller les plantes dans de multiples locations. 38 000 échantillons ont ainsi été retirés et les collections resemées au Liban, à Terbol dans la vallée de la Bekaa et à Rabat au Maroc.</p>
<p>Svalbard a ainsi joué pour la première fois son rôle de lieu de préservation et aussi de restitution des ressources génétiques et démontré son importance capitale dans la sauvegarde de notre patrimoine génétique végétal.</p>
<p>Grâce à la création de Svalbard et à la prévoyance des chercheurs et responsables de l’ICARDA un ensemble unique et irremplaçable de ressources génétiques des régions arides a pu être sauvé.</p>
<p>Les efforts de l’ICARDA ont été couronnés en 2015, par le « Prix d’Innovation Gregor Mendel », prix prestigieux de la <a href="https://www.croptrust.org/blog/gregor-mendel-foundation-honors-icarda/">Fondation Gregor Mendel</a>, honorant des travaux exceptionnels dans le domaine de l’amélioration des plantes.</p>
<p>Profondément affecté par l’actuel désastre en Syrie, je m’insurge avec véhémence contre la destruction de la ville d’Alep et le sacrifice de sa population. Je déplore vivement aussi qu’un Centre de recherche éminent et unique tel que l’ICARDA ait dû quitter ses installations, disperser ses moyens matériels et humains et se relocaliser ailleurs du fait de la folie guerrière. Je pense avec une profonde tristesse et compassion aux habitants sous les bombes et à tous les collègues connus et rencontrés par le passé lors de mes différentes missions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Armand Guckert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alep détruit, ce sont des morts et des blessés par milliers, mais aussi un centre abritant un patrimoine biologique et génétique précieux qui a dû être relocalisé. Témoignage.Armand Guckert, Professeur émérite à l'Université de Lorraine, Ancien Directeur du Laboratoire Agronomie et Environnement (INRA-ENSAIA), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.