tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/strategie-21680/articlesstratégie – The Conversation2024-03-11T16:11:39Ztag:theconversation.com,2011:article/2243912024-03-11T16:11:39Z2024-03-11T16:11:39ZComment une idée politique s’impose-t-elle dans le débat public ?<p>Le Rassemblement national a récemment revendiqué sa <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/projet-de-loi-immigration-la-victoire-ideologique-du-rassemblement-national-est-de-plus-en-plus-forte-chaque-jour-se-targue-jordan-bardella_6253689.html">« victoire idéologique »</a> à propos du vote de la loi sur l’immigration. De fait, alors que les <a href="https://www.academia.edu/11495225/Vers_lextr%C3%AAme_avec_Luc_Boltanski_2014_">idées d’extrême droite</a> étaient autrefois marquées d’une forte illégitimité intellectuelle et politique, restant cantonnées dans des <a href="https://www.cairn.info/revue-agone-2014-2.htm?contenu=sommaire">espaces sociaux assez restreints</a>, certaines de ses conceptions comme la <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-03398326">« préférence nationale »</a>, et de ses formules, comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2019-2-page-111.htm">« grand remplacement »</a>, tendent à occuper une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/21/fait-divers-immigration-les-idees-d-extreme-droite-se-diffusent-dans-les-medias-et-l-opinion_6212070_823448.html">place grandissante</a> <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/la_grande_confusion">dans les médias et le débat politique</a>.</p>
<p>La réussite de telles idées, qui semblent (du moins à celles et ceux qui ne les partagent pas) <a href="https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/221123/ceux-qui-ont-banalise-l-idee-folle-du-grand-remplacement">« folles »</a> et dangereuses conduit à questionner les <a href="https://www.atlande.eu/clefs-concours/1061-les-idees-politiques-comme-faits-sociaux-terrains-methodes-denquete-analyses-9782350309330.html">mécanismes sociaux</a> par lesquels des idées s’imposent politiquement au-delà de leur contenu propre et de l’éventuelle force intrinsèque de leurs arguments.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-medias-peuvent-influencer-la-signification-dune-information-201408">Comment les médias peuvent influencer la signification d’une information ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Gagner la bataille des idées</h2>
<p>Dans la vulgate marxiste, les idées sont d’abord vues comme le reflet des positions économiques et sociales. Pour les philosophes <a href="https://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000c.htm">Karl Marx et Friedrich Engels</a>, « les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante ». En imposant sa domination économique, la classe bourgeoise impose donc également, selon Marx et Engels, ses idées, idées qui dissimulent la réalité des rapports sociaux (les inégalités et l’exploitation) en justifiant l’ordre existant.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="////" src="https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578919/original/file-20240229-18-cklp59.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le philosophe italien Antonio Gramsci (1891-1937), fondateur de la notion d’hégémonie culturelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Renouvelant l’approche marxiste, certains auteurs ont souligné l’autonomie relative des idées en considérant qu’elles n’étaient pas déterminées aussi mécaniquement par l’infrastructure économique et qu’elles pouvaient être inversement porteuses d’une transformation sociale. Pour le militant et théoricien communiste <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_oeuvre_vie_d_antonio_gramsci-9782348044809">Antonio Gramsci</a>, puisque la suprématie économique de la classe bourgeoise repose sur tout un « appareil d’hégémonie » (école, administration, médias…) qui diffuse sa conception du monde, ses croyances et les fait accepter, la classe dominée doit construire, grâce à ses propres intellectuels « organiques » (c’est-à-dire « organiquement » liés à leur classe sociale), une contre-hégémonie, afin d’enclencher une dynamique révolutionnaire. Pour Gramsci, la bataille des idées est une dimension essentielle de la bataille politique.</p>
<p>Initialement formulée dans un horizon marxiste, cette théorie de « l’hégémonie culturelle » a été réappropriée dans des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-quete-de-politique/en-quete-de-politique-du-samedi-14-octobre-2023-8145689">perspectives politiques très opposées</a>. C’est le cas dès les années 1960 en Italie avec le groupe postfasciste <em>Ordine nuovo</em>.</p>
<p>En France, suite à la victoire de François Mitterrand en 1981, l’essayiste d’extrême droite Alain de Benoist et le <a href="https://www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_2010_num_174_1_4229">GRECE</a> (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), laboratoire d’idées de la <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1993_num_40_1_3005">« Nouvelle Droite »</a> dont il est le cofondateur en 1969, se font les défenseurs d’un « gramscisme de droite ». En 2007, c’est <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/166441-interview-de-m-nicolas-sarkozy-ministre-de-linterieur-et-de-lamenage">Nicolas Sarkozy</a> qui s’en revendique : « J’ai fait mienne l’analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées » déclare-t-il alors. Cette antienne a depuis été reprise par <a href="https://aoc.media/analyse/2022/04/03/a-droite-gramsci-et-ses-avatars/">Eric Zemmour</a> notamment.</p>
<h2>Stratégies rhétoriques</h2>
<p>Dans cette lutte idéologique, les stratégies de présentation des idées sont cruciales. On peut par exemple s’appuyer sur une logique de scandalisation en empruntant une rhétorique outrancière ou un style « populiste ». <a href="https://www.youtube.com/watch?v=p7w3PJzsA2w">« Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas »</a> affirmait ainsi Jean-Luc Mélenchon en 2010 afin de réintroduire dans le débat une certaine forme de conflictualité politique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p7w3PJzsA2w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jean-Luc Mélenchon déclare lors d’un meeting en 2010 : « Je suis la bruit et la fureur, le tumulte et le fracas ».</span></figcaption>
</figure>
<p>La stratégie inverse, qui consiste à viser une certaine normalisation, peut aussi être employée. De longue date, le <a href="https://www.cairn.info/les-faux-semblants-du-front-national--9782724618105-page-25.htm">Front national</a>, renommé Rassemblement national, a cherché la respectabilité en dissimulant une partie de son idéologie afin de la rendre davantage acceptable et de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/marine-le-pen-prise-aux-mots-cecile-alduy/9782021172102">mieux la diffuser</a>.</p>
<p>Le recours à l’autorité de la science ou de l’expertise constitue aussi un procédé classique de ces entreprises de légitimation. Depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, du <a href="https://www.pulaval.com/livres/le-marxisme-dans-les-grands-recits-essai-d-analyse-du-discours">marxisme</a> au <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2017-3-page-71.htm?contenu=resume">néolibéralisme</a>, beaucoup d’idéologies politiques se sont présentées comme des sciences.</p>
<p>Mais au-delà de son apparente rationalité ou cohérence, l’efficacité persuasive d’une idée politique réside dans son aptitude à <a href="https://www.decitre.fr/livre-pod/peur-espoir-compassion-indignation-9782247117680.html">mobiliser des affects</a> (joie, colère, peur, indignation, compassion…) et à déployer des récits spécifiques. On se souvient ainsi comment le candidat écologiste à la présidentielle de 1974 René Dumont avait cherché à alerter sur l’épuisement des ressources naturelles en <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i09167743/rene-dumont-je-bois-devant-vous-un-verre-d-eau-precieuse">buvant un verre d’eau à la télévision</a>. Dans un autre genre, le clip de campagne d’Eric Zemmour mettait en scène <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/eric-zemmour-les-ressorts-emotionnels-de-sa-video-de-candidature-analyses_4846243.html">l’imaginaire du « grand remplacement »</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1_weZ8284-0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Candidat à l’élection présidentielle de 1974, René Dumont, écologiste, tente de sensibiliser les téléspectateurs au gaspillage. INA.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Circulations intellectuelles</h2>
<p>La fortune d’une idée ne tient pas qu’aux stratégies de communication et à l’habilité rhétorique de ses promoteurs. Pour s’imposer, elle suppose d’être relayée par une multitude de médiateurs, de « passeurs » et de vecteurs comme des <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2009-1-page-8.htm">intellectuels</a>, des journalistes, des éditeurs, des <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2019-2-page-7.htm?contenu=article">partis politiques</a>, des <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2011-1-page-5.htm">militants</a> ou des groupes de réflexion.</p>
<p>Le succès des idées d’extrême droite doit sans doute beaucoup à la constitution de ce qui a été désignée comme une <a href="https://www.cairn.info/revue-quaderni-2015-2-page-101.htm?contenu=resume">nébuleuse « néo-réactionnaire »</a> regroupant des essayistes, romanciers, journalistes – tels que Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Eric Zemmour ou Mathieu Bock-Côté – qui partagent un certain nombre de topiques : une conception essentialisante de l’identité nationale, le rejet de l’immigration, la dénonciation de la « bien-pensance », etc.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’économiste austro-hongrois Friedrich Hayek (1899-1992), considéré comme l’un des pères du néolibéralisme" src="https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578920/original/file-20240229-28-f8qt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’économiste austro-hongrois Friedrich Hayek (1899-1992), considéré comme l’un des pères du néolibéralisme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikicommons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, les travaux académiques consacrés aux idées néolibérales ont souligné l’importance jouée par la <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2002-5-page-9.htm">société du Mont-Pèlerin</a>, ce groupe de réflexion fondé en 1947 sous l’égide de l’économiste Friedrich Hayek (dans la localité suisse du Mont-Pèlerin), qui, via l’organisation de conférences, la traduction d’ouvrages et leurs relais dans les élites du monde occidental ont contribué à diffuser leurs idées économiques dans les instances internationales telles que le <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1998_num_121_1_3241">FMI ou la Banque Mondiale</a> jusque dans les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/business_model-9782348042706">« business schools » et les universités</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La carrière d’une idée politique est ainsi tributaire non seulement des ressources matérielles ou financières des acteurs qui travaillent à sa circulation mais aussi et surtout de leurs ressources symboliques. Les sociologues français Pierre Bourdieu et Luc Boltanski ont bien analysé comment <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/839981-la-production-de-l-ideologie-dominante-pierre-bourdieu-luc-boltanski-demopoliis">l’idéologie dominante</a> se façonne et circule à travers des lieux prétendument « neutres ». Il s’agit, dans les années 1970 en France, d’institutions comme le Commissariat général au Plan, de grandes écoles comme Sciences Po ou l’ENA ou encore de revues comme <em>Esprit</em>, qui permettent à des membres des élites caractérisés par le cumul des fonctions (par exemple, inspecteur des finances, directeur de cabinet et enseignant à Sciences Po), de se rencontrer.</p>
<h2>Des supports médiatiques aux appropriations ordinaires</h2>
<p>Cependant, une idée ne s’impose véritablement que si elle est reçue et surtout <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2015-1-page-7.htm?contenu=resume">appropriée</a> par de larges publics au-delà même des champs intellectuel et politique. À cet égard, si les effets des médias sont loin d’être directs et unilatéraux, ils n’en demeurent pas moins essentiels.</p>
<p>Le rôle des réseaux socionumériques apparaît aujourd’hui évident dans la diffusion de certains discours tels que le <a href="https://www.cairn.info/revue-mots-2022-3.htm">complotisme</a> ou des thèmes chers à l’extrême droite. Ils contribuent à faire émerger de nouvelles figures d’<a href="https://www.cairn.info/revue-quaderni-2023-2-page-39.htm?contenu=article">« influenceurs »</a> politiques. On le constate du coté des identitaires : ils ont su aussi mettre à profit ces moyens de communication, pour diffuser la notion de <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2022-2-page-47.htm">« remigration »</a> qu’ils ont largement popularisée sur X (ex-Twitter), au point qu’il n’est peut-être pas excessif de parler d’un <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/8455">« gramscisme numérique »</a>.</p>
<p>Plus généralement, au sein même des médias grand public, on a souvent souligné le développement depuis une dizaine d’années d’un <a href="https://www.afsp.info/pdf.php?id=7505">espace médiatique de droite radicale</a> contribuant <a href="https://www.fayard.fr/livre/comment-sommes-nous-devenus-reacs-9782213716473/">à discuter et donc légitimer des idées d’extrême droite qui étaient jusque-là considérées comme taboues</a>.</p>
<p>Au-delà des journaux télévisés et des émissions politiques, les <a href="https://www.cairn.info/la-politique-sur-un-plateau--9782130594383.htm?contenu=sommaire"><em>talk-shows</em></a> se sont imposés comme des lieux de « débat » politique, qui peuvent contribuer à la banalisation de certains messages : <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/touche-pas-a-mon-peuple-claire-secail/9782021544732">Touche pas à Mon Poste !</a> est ainsi accusé de faire le jeu du Rassemblement national et de Reconquête à travers la surreprésentation des invités d’extrême droite et de leurs thèmes (insécurité, immigration…).</p>
<p>Les idées politiques peuvent également se loger dans une grande variété de productions médiatiques, artistiques ou culturelles, y compris celles qui sont considérées comme mineures : un genre musical tel que le rap peut se faire aussi bien le support d’idées <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2015-1-page-153.htm">postcoloniales</a> – avec des groupes comme Ministère des Affaires populaires, La Rumeur… – que <a href="https://journals.openedition.org/clo/4385">racistes</a> comme on le voit avec l’émergence d’un « rap identitaire » porté par des figures telles que Millésime K, Kroc Blanc, Amalek…</p>
<p>Elles ne se diffusent donc pas que par des canaux ni même des porte-paroles labellisés comme politiques. La réussite définitive d’une idée politique peut d’ailleurs se mesurer à sa capacité à se masquer comme telle en s’imposant sur le mode de l’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_discours_ideologique_ou_la_force_de_l_evidence_thierry_guilbert-9782296049307-25348.html">évidence</a> et à devenir, pour reprendre les mots des politistes <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2017-3-page-5.htm">Mathieu Hauchecorne et Frédérique Matonti</a>, « si profondément incorporée qu’elle n’a le plus souvent pas besoin d’être mise en mots et peut dans bien des cas s’exprimer ou agir à l’insu des personnes qui l’utilisent. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Passard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les luttes idéologiques, les stratégies de présentation des idées sont cruciales.Cédric Passard, Maître de conférences en science politique, Sciences Po LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202252023-12-20T19:57:59Z2023-12-20T19:57:59ZGérald Darmanin, symbole des illusions perdues du macronisme ?<p>Le projet de loi sur l’immigration était annoncé comme un moment décisif pour les différents acteurs de la vie politique française et en particulier pour Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Il constitue sans doute un tournant important pour l’homme politique et illustre a plusieurs égards les difficultés auxquelles font face Emmanuel Macron, le macronisme et le système politique français dans son ensemble.</p>
<p>Les derniers événements ont été particulièrement difficiles pour le ministre même si celui qui a remis <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/gerald-darmanin/info-franceinfo-vote-de-rejet-de-la-loi-immigration-gerald-darmanin-a-propose-sa-demission-refusee-par-le-president-lors-d-un-entretien-lundi-soir-a-l-elysee_6237198.html">sa lettre de démission, refusée par l’Élysée</a> (suite au vote de la motion de rejet de la loi sur l’immigration) <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/en-direct-loi-immigration-nous-sommes-plus-pres-d-un-accord-que-d-un-desaccord-affirme-darmanin-20231218">se félicite</a> aujourd’hui de la séquence politique qui a vu l’adoption de cette même loi.</p>
<p>L’homme politique est-il pour autant renforcé de cet épisode et que nous dit-il de l’état du macronisme ?</p>
<h2>Une image d’homme de droite</h2>
<p>Si Gérald Darmanin a pu publiquement <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/gerald-darmanin/presidentielle-2027-gerald-darmanin-estime-qu-edouard-philippe-est-le-mieux-place-mais-s-interroge-sur-son-envie_6109053.html">interroger sa volonté</a> de se positionner dans la course pour le poste de président de la République, il fait très clairement parti des personnes qui pourraient prétendre à la succession d’Emmanuel Macron.</p>
<p>Darmanin s’est construit une image d’homme de droite attaché au respect de l’ordre et son rôle de ministre de l’Intérieur a donné corps à ce positionnement. Mais plusieurs ratés (<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/16/gerald-darmanin-doit-tirer-les-lecons-du-chaos-au-stade-de-france_6162045_3232.html">incidents du Stade de France</a>, <a href="https://www.lexpress.fr/societe/terrorisme-islamiste-darmanin-plaide-pour-une-injonction-de-soins-FJ5FEWIDYZCEVKUAN3CSTXHOG4/">attaques terroristes</a>…) et polémiques (<a href="https://www.lepoint.fr/societe/gerald-darmanin-maintient-ses-propos-sur-karim-benzema-25-10-2023-2540792_23.php#11">affaire Karim Benzema</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/gerald-darmanin/accusations-de-viol-a-l-encontre-de-gerald-darmanin-le-non-lieu-en-faveur-du-ministre-de-l-interieur-est-confirme-en-appel_5620133.html">accusation de viol</a>…) ont écorné sa réputation d’efficacité et de rigueur. Le rejet de « son » projet de loi sur l’immigration porte un coup certain à ses ambitions personnelles qui s’appuyaient en grande partie sur sa légitimité en matière de sécurité.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Difficile pourtant de prévoir ce qu’il adviendra des ambitions présidentielles de Darmanin tant la période qui s’ouvre est inédite sous la V<sup>e</sup> République. <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/la-ve-republique/les-grandes-etapes-de-la-ve-republique">Pour la première fois</a>, un président encore jeune quittera la présidence sans avoir été battu… alors que la possibilité qu’<a href="https://fr.news.yahoo.com/emmanuel-macron-pourrait-il-se-representer-en-2032-151353458.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAAEKnCJD-4Puu94CtwDzyqMxOwQpDP1vGFHerRERgF4B1jyXWISobCd63hHgltqw3Oh95r1Db3-hkKua6TWiKp0H1yAoVvvxfn1Yr3jSxxiXfgw8aSkHR0_DL6ujHfEb48njeoWtcR5S6knPk_DbXa0vZG6669MwJO4f0YDYY0TT3">il puisse se représenter de manière non consécutive</a> n’est pas écartée.</p>
<p>Jamais, une telle situation n’était arrivée et la succession d’Emmanuel Macron risque donc de réserver des stratégies et des montages politiques nouveaux.</p>
<p>Pour la première fois, la <a href="https://www.lejdd.fr/politique/presidentielle-2027-marine-le-pen-caracole-en-tete-edouard-philippe-favori-du-camp-macroniste-dapres-un-sondage-139319">favorite des sondages</a> et de l’élection présidentielle pourrait être Marine Le Pen, la candidate du parti représentant l’extrême droite française. Dans ce contexte, le positionnement d’homme de droite de Darmanin et sa connaissance des dossiers régaliens, légitimés par son passage place Beauvau, seront sans doute recherchés par ceux qui décideront de se lancer dans la bataille face à Marine Le Pen.</p>
<h2>Pas de vrai virage politique, sauf vers la droite</h2>
<p>Lors de sa première élection présidentielle, Emmanuel Macron s’était fait élire en promettant de <a href="https://theconversation.com/la-gauche-et-la-droite-font-elles-encore-sens-en-france-178181">dépasser le clivage droite/gauche</a>.</p>
<p>Les sujets mis en avant, à l’image de l’immigration, et les mesures prises, comme dans le cadre de la réforme des retraites, semblent entériner l’idée que le parti présidentiel penche désormais fortement <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-lheritier-cache-de-nicolas-sarkozy-178669">à droite</a>.</p>
<p>Le départ d’anciens alliés issus de la gauche, à l’instar tout récemment de <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/daniel-cohn-bendit/europeennes-daniel-cohn-bendit-rompt-avec-macron-et-appelle-les-ecologistes-a-rejoindre-glucksmann-1f927344-9804-11ee-b5ab-4c9dbbc4ce19">Daniel Cohn Bendit</a>, parait d’ailleurs confirmer ce virage.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nCnZvB09N6I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Immigration : le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale le 19 décembre 2023, HuffPost.</span></figcaption>
</figure>
<p>Lors de la seconde élection, il avait déclaré que le résultat morcelé du premier tour l’obligeait à faire de la politique autrement et qu’il avait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SMHd9uYD5H8">compris le message</a>. L’épisode des échanges et négociations entre Darmanin et Les Républicains (LR) lors de la loi sur l’immigration donne pourtant l’image de manœuvres politiciennes peu en accord avec l’idée de nouvelles pratiques politiques et de la recherche d’un consensus autour d’un projet commun. Alors que certains en appellent à une <a href="https://books.openedition.org/putc/157?lang=fr">VIᵉ république</a>, la façon dont les jeux de pouvoir s’organisent sous et autour d’Emmanuel Macron rappelle en tous points celles des époques précédentes.</p>
<p>La loi sur l’immigration symbolise à plusieurs égards la « politique à l’ancienne » que l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron devait faire disparaître. En ce sens, elle illustre l’échec de la tentative de faire de la politique autrement. La <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/un-parlement-en-toc-l-amertume-d-une-deputee-macroniste-decidee-a-ne-pas-se-representer-a-l-assemblee-5879426">décision de certains élus macronistes</a> de ne pas rempiler suite au premier quinquennat, avaient déjà en partie mis en exergue ce phénomène. Force est constater que l’utilisation répétée du 49.3 semble témoigner des <a href="https://www.lopinion.fr/politique/les-deputes-macronistes-doivent-encore-apprendre-a-perdre">difficultés du camp présidentiel</a> à <a href="https://theconversation.com/macron-incarnation-de-la-theorie-des-paradoxes-et-de-ses-limites-195300">co-construire, à négocier, à convaincre</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changer-de-constitution-pour-changer-de-regime-180160">Changer de constitution pour changer de régime ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un décalage profond avec les électeurs</h2>
<p>L’incapacité de parvenir à mettre en place de nouvelles pratiques politiques illustre un phénomène plus profond pour la V<sup>e</sup> République et le système démocratique : celui du décalage entre la façon dont les décideurs politiques comprennent les messages des urnes et des élections et la réalité des aspirations des électeurs et de la population. L’affaire de la loi sur l’immigration vient rappeler que le macronisme n’est pas parvenu à combler ce décalage… qui s’est sans doute amplifié au cours des dernières années suite à des scandales comme <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/dossier/affaire-benalla-macron-garde-du-corps-video-manifestant">l’affaire Benalla</a> ou la crise des <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/qui-sont-les-gilets-jaunes-et-leurs-soutiens.html">« gilets jaunes »</a>.</p>
<p>Mais l’épisode de la loi sur l’immigration est aussi un tournant politique car la motion de rejet de la loi sur l’immigration a donné lieu à un vote uni de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/loi-immigration-et-integration-ce-quil-faut-savoir-1902727">LR, du Rassemblement national (RN) et de la gauche</a>. Cette alliance, bien que de circonstance, montre à quel point le Rassemblement national est devenu un <a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-premier-courant-politique-francais-182977">parti comme les autres</a> au sein de la vie politique française.</p>
<h2>Un parfum de fatalité ?</h2>
<p>Le Front Républicain contre l’extrême droite s’est transformé en un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/13/l-arc-republicain-un-concept-destine-a-exclure-certains-du-champ-de-la-legitimite-politique_6205527_3232.html">Arc Républicain</a> visant tous les extrêmes. Et les partis « traditionnels » s’allient désormais de plus en plus avec le RN au hasard des circonstances. La <a href="https://www.lopinion.fr/politique/la-strategie-de-la-cravate-du-rn-fonctionne-t-elle">stratégie de Marine Le Pen</a> visant à cultiver une image sérieuse et modérée à l’Assemblée Nationale semble donc porter ses fruits, d’autant plus qu’elle positionne son groupe parlementaire en complète opposition avec la <a href="https://www.leparisien.fr/politique/la-on-va-dans-le-mur-au-sein-de-lfi-la-strategie-de-la-bordelisation-fait-debat-16-12-2023-SOHC2BQIXBDGXHV45XZP6OGKZE.php">stratégie volontiers provocatrice</a> et belliqueuse de LFI et de certaines personnalités de gauche.</p>
<p>Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron, qui avait affirmé qu’il parviendrait à faire baisser l’extrême droite en France, ne parvient pas à empêcher l’expansion du RN. Les figures comme Gérald Darmanin semblaient pourtant <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1182443/article/2022-05-20/gerald-darmanin-l-atout-droite-pop-de-macron-rempile-l-interieur">destinées à élargir le spectre du parti présidentiel</a> et devaient faire barrage au parti d’extrême droite en se positionnant sur ses thématiques et ses idées. Les déboires du ministre de l’Intérieur illustrent au contraire les limites des stratégies de lutte contre l’extrême droite visant à s’appuyer sur des personnalités censées reprendre et représenter leurs idées pour attirer les électeurs.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-rn-trou-noir-du-paysage-politique-francais-219757">Le RN, « trou noir » du paysage politique français</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais l’expansion du RN est à mettre en perspective avec les succès des partis d’extrême droite dans plusieurs pays d’Europe comme en <a href="https://fr.euronews.com/2023/10/22/giorgia-meloni-un-an-a-la-tete-de-litalie">Italie</a> ou au <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/extreme-droite-aux-pays-bas-l-original-triomphe-toujours-de-la-copie_6202071_3232.html">Pays Bas</a> ou par exemple en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/20/en-argentine-le-choc-et-les-interrogations-apres-l-election-triomphale-de-javier-milei-a-la-presidence_6201228_3210.html">Argentine</a>. L’exemple français n’est pas exceptionnel et ces succès donnent un parfum de fatalité à l’incapacité d’Emmanuel Macron et du camp présidentiel à contrer l’expansion du parti présidé par Jordan Bardella.</p>
<p>La période de turbulences économiques, sociales, géopolitiques et environnementales actuelle est aussi un terrain particulièrement fertile pour la montée des extrêmes et des populismes. Dans le cas de la France, cette montée ne pourra être un tant soit peu contenue que si des personnes comme Gérald Darmanin et Emmanuel Macron parviennent à éviter des séquences comme celle de la loi sur l’immigration tant elles mettent en lumière les illusions perdues de leur aventure politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220225/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment Gérald Darmanin incarne l’échec d’une « nouvelle façon » de faire de la politique.Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191662023-12-13T20:42:03Z2023-12-13T20:42:03ZQuand les dirigeants utilisent le storytelling pour atténuer leurs erreurs stratégiques<p>Que dire en cas d’accident stratégique, lorsque l’ombre de la faillite commence à planer sur l’entreprise et que collaborateurs et investisseurs commencent à paniquer ? Les récents déboires de <a href="https://theconversation.com/casino-une-debacle-previsible-depuis-plus-dune-decennie-209170">Casino</a> et Alstom en France et les déroutes début 2023 de <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> et <a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Silicon Valley Bank (SVB)</a> à l’étranger rappellent l’éternelle et permanente possibilité de la sortie de route, au-delà des cas exemplaires de Kodak et Nokia.</p>
<p>Le déni et la distribution d’accusations forment le réflexe le plus fréquent des dirigeants exposés à de tels épisodes. « Des rumeurs et fausses conceptions » sont à l’origine de la faillite de SVB, plaidait encore son <a href="https://www.ft.com/content/56d98a9c-d59e-4296-bf94-2a1926017818#post-d131de91-9f18-49d2-91f6-3186827abaaa">président-directeur général</a> (PDG)… plusieurs mois après avoir été chassé de son poste.</p>
<p>Cependant, si l’image d’infaillibilité attachée au pouvoir peut aveugler ses titulaires au point de nier l’évidence, nos études montrent que d’autres formes de storytelling permettent au contraire de donner du sens lorsqu’il faut reconstruire une stratégie sur de nouvelles bases. Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/14761270231195295">article</a> tout juste publié par <em>Strategic Organization</em>, nous avons identifié un processus dialectique par lequel les dirigeants réussissent à contourner le paradoxe de leur maintien au pouvoir après et malgré un épisode d’échec stratégique.</p>
<h2>Deux « lignes éditoriales » alternatives</h2>
<p>Cette perspective de storytelling, mise au jour par l’analyse de dizaines d’interviews avec des présidents et directeurs généraux de grandes entreprises européennes des services financiers employant au total près d’un million de personnes, repose sur la notion d’erreurs stratégiques. Elle comporte deux grandes dimensions.</p>
<p>La première dimension est contre-intuitive. Elle consiste à reconnaître, mobiliser l’erreur stratégique et à s’en emparer pour impulser le changement. Déclarer l’erreur permet d’écarter deux « lignes éditoriales » alternatives, mais moins crédibles : la dénégation, dont les risques augmentent au fur et à mesure du développement de la crise ; et l’accusation de personnes ou groupes, perçue comme trop facile – dans l’affaire Kerviel, c’était la stratégie choisie par le dirigeant de l’époque Daniel Bouton et la Société générale, et elle s’est <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/Affaire-Kerviel-la-Societe-generale-condamnee-a-payer-450-000-euros-a-l-ancien-trader-789381-3154016">avérée coûteuse</a> pour les deux.</p>
<p>Introduire cette notion d’erreur apparaît comme une voie subtile, parce que l’erreur implique une certaine prise de responsabilité de la part de l’entreprise. Reconnaître et mobiliser l’erreur signifie affirmer que l’entreprise a dévié d’une règle qu’elle aurait dû observer. Les dirigeants qui en font usage énoncent la règle qu’il aurait fallu respecter, celle qui servira de guide pour définir la nouvelle stratégie.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La règle de prudence, marque de fabrique de <a href="https://www.ft.com/content/0d37a6df-68cb-4541-9e9e-aa20c574fa85">UBS</a>, s’impose désormais à Credit Suisse à la place de la profitabilité au prix de trop forts risques. Il aura cependant fallu en passer par une faillite, l’intervention des pouvoirs publics, et l’élimination du top management. Chez <a href="https://www.reuters.com/business/autos-transportation/alstom-appoint-new-chairman-cut-1500-staff-2023-11-15/">Alstom</a>, à la règle de croissance des commandes succède la priorité aux livraisons et au flux de trésorerie. Pour l’instant, la direction a réussi à se maintenir.</p>
<p>Mobiliser la notion d’erreur dans le storytelling permet aux dirigeants de dramatiser la situation pour stimuler la perception d’urgence. L’erreur offre un cadrage des épisodes de crise et lui donne un sens afin de catalyser le renouvellement stratégique, ici et maintenant.</p>
<p>La seconde dimension du storytelling que nous avons identifié permet toutefois aux dirigeants de se distancier de l’erreur et de l’échec qui y est associé. Si tous nos interlocuteurs nous ont raconté des épisodes qu’ils avaient vécus personnellement, chacun a pris soin de dissocier leur propre rôle de celui de l’organisation.</p>
<p>Collectiviser l’erreur et l’échec a émergé comme un élément déterminant de leurs récits. Comme nous l’a expliqué le président d’une des premières banques européennes :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas mon erreur, ce n’est pas l’erreur de telle ou telle personne. C’est le problème que nous devons résoudre ensemble ».</p>
</blockquote>
<p>Cette collectivisation est utile aux dirigeants car elle soulage l’opprobre qui pourrait les affecter directement. Elle a un autre avantage : elle dilue la culpabilité des équipes et des collaborateurs en la faisant porter par l’organisation entière. Elle assigne à l’entreprise une nouvelle mission – surmonter l’épisode pour passer à une nouvelle étape.</p>
<h2>Acte de pouvoir</h2>
<p>Mais cette dilution des responsabilités ne suffit pas. La notion de faute et la culpabilité associée restant inhérentes à la crise, encore faut-il aux dirigeants des moyens pour l’atténuer. Outre la collectivisation, nous avons trouvé trois mécanismes narratifs qui accomplissent cet objectif :</p>
<ul>
<li><p>Le premier passe par la temporalisation. Le discours revient alors à dire que l’entreprise n’a pas réussi à s’adapter assez vite à un changement extérieur imprévisible. Un de nos interlocuteurs a ainsi expliqué comment son entreprise, une importante compagnie d’assurances française, s’était retrouvée en défaut après un revirement de jurisprudence – jugé trop brutal.</p></li>
<li><p>Le deuxième mécanisme repose sur l’isolement : en substance, le récit énonce que l’erreur stratégique s’est développée dans une business-unit si spécifique et si éloignée de l’organisation principale qu’elle échappait naturellement à l’attention.</p></li>
<li><p>Enfin, le troisième et dernier mécanisme implique la généralisation. Le discours consiste alors à justifier l’erreur en exposant que toutes les organisations du même secteur ont été touchées – une explication plausible par exemple pour les banques à l’heure des hausses de taux.</p></li>
</ul>
<p>Dans notre schéma, si la collectivisation est systématique dans les discours, les mécanismes de temporalisation, d’isolement et de généralisation se sont avérés exclusifs l’un de l’autre, répondant ainsi à l’impératif de clarté rappelé par un article récent de la <a href="https://hbr.org/2023/09/create-stories-that-change-your-companys-culture?ab=HP-magazine-text-1">Harvard Business Review</a>.</p>
<p>Dans une perspective pratique, reconnaître une erreur stratégique pourrait ainsi offrir une nouvelle opportunité aux dirigeants. En réalité, c’est un acte de pouvoir. Lorsque les circonstances se détériorent, c’est peut-être même leur dernier recours avant le naufrage – et pour éviter leur éviction.</p>
<hr>
<p><em>La recherche a été conduite avec le soutien de la Chaire Baillet-Latour sur le management des erreurs à la Solvay Brussels School of Economics & Management</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche récent met en lumière plusieurs mécanismes narratifs qui permettent aux responsables d’atténuer leur responsabilité après une faute.Vincent Giolito, Professeur, EM Lyon Business SchoolDamon Golsorkhi, Professeur associé, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139242023-09-25T16:57:30Z2023-09-25T16:57:30ZInnovation ou exploitation : comment investir de manière pertinente en capital-risque industriel ?<p>La crise liée au coronavirus a montré que le comportement des investisseurs en capital-risque industriel s’est avéré résilient. Le capital-risque industriel (CRI), Corporate Venture Capital en anglais, est une <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie entrepreneuriale</a>, qui consiste, pour les grands groupes, à créer des fonds d’investissement pour <a href="https://doi.org/10.7202/1076015ar">financer des start-up innovantes</a>. Au-delà de leur <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">apport financier</a>, les grands groupes jouent un rôle de coaching et apportent leur savoir-faire managérial et technique aux jeunes pousses.</p>
<p>Le financement mondial soutenu par des fonds de capital-risque industriel a atteint presque 100 milliards de dollars en 2022 selon la <a href="https://www.cbinsights.com/research/report/corporate-venture-capital-trends-2022/">base de données CB insights</a>, deuxième année la plus faste après le record de 2021 (173 milliards). Cela représente environ <a href="https://pitchbook.com/data">30 % du total des opérations de capital-risque</a> de l’an passé, proportion en augmentation.</p>
<p>Les industriels ont, en la matière, le choix entre deux stratégies, qu’elles peuvent mener simultanément : l’exploration et l’exploitation. Une opération « exploratoire » désigne des <a href="https://theconversation.com/topics/investissement-20236">investissements</a> dans des <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> dont les activités se situent dans des secteurs d’activité totalement différents. Cela engage les organisations dans la recherche, l’innovation, l’expérimentation et la créativité : l’intérêt est de pouvoir acquérir de nouvelles technologies. L’« exploitation », elle, implique des start-up dont les activités principales sont identiques ou connexes. On vise alors davantage un accroissement des compétences, de la productivité et des flux de trésorerie.</p>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.jebo.2022.07.012">travaux</a> se sont donnés pour objectif de mieux comprendre les arbitrages effectués entre l’une ou l’autre. Être « ambidextres » en la matière, c’est-à-dire adopter les deux options, s’avère pour les professionnels un enjeu de résilience face aux crises et à la transition écologique. Plusieurs moyens de les articuler avec pertinence, c’est-à-dire avec un impact significativement positif sur les performances financières, ont pu être identifiés au cours de nos recherches.</p>
<h2>Innover puis exploiter</h2>
<p>Notre étude a été menée sur un échantillon de 274 investisseurs corporatifs. Elle compte au total 12 895 observations sur la période allant de 1993-2017. Les données exploitées dans cette recherche ont été recueillies à partir des bases <a href="https://www.refinitiv.com/en/products/thomson-one-wealth-solutions">Thomson VentureXpert</a> et <a href="https://www.marketplace.spglobal.com/en/datasets/compustat-financials-(8)">Standard and Poor’s Compustat</a>.</p>
<p>Une stratégie pertinente qui en ressort est dite « <strong>séquentielle</strong> » : il s’agit de faire d’un investissement exploratoire une première étape. Son issue fera alors l’objet d’un nouvel investissement pour exploitation. Motorola Solutions Venture Capital y a par exemple eu recours avec succès.</p>
<p>L’objectif principal de Motorola Solutions Venture Capital est d’allouer ses investissements principalement aux entreprises qui opèrent dans les domaines de la sûreté publique, de la sécurité, des communications critiques, de l’Internet des objets et de l’analyse de données/intelligence artificielle. À titre d’exemple, elle a réalisé des investissements dans Aerocast, Cacheon, Catch Media, DevLan One, E Ink Corporation, ou Ensemble Solutions.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/"><em>Abonnez-vous dès aujourd’hui</em></a></p>
<hr>
<p>La raison en est l’importance considérable qu’accorde le groupe aux avancées technologiques pertinentes pour ses activités principales. Elle adopte ainsi une stratégie flexible qui alterne entre les stratégies d’exploration et d’exploitation, en fonction de l’évolution de ses besoins en matière d’acquisition de connaissances.</p>
<p>Nos résultats montrent que pareille ambidextrie séquentielle augmente la performance financière des industriels. Les capital-risqueurs s’adaptent alors aux différents types d’activité et évitent plusieurs risques. À se concentrer sur l’exploitation, une entreprise s’expose par au piège d’une spécialisation à succès, c’est-à-dire surfer sur un produit qui un jour deviendra obsolète, menaçant à long terme l’existence de l’entreprise. À ne miser que sur l’exploration, l’entreprise est accaparée par la recherche et le changement technologique, ce qui la rend sujette à davantage d’échecs.</p>
<h2>Alterner régulièrement</h2>
<p>Il n’y a cependant pas de consensus sur les degrés d’équilibre entre les activités d’exploration ou d’exploitation ou sur la manière de combiner les deux activités. Notre recherche montre néanmoins la fréquence de changement dans le temps (le nombre de fois qu’une entreprise passe d’une activité à l’autre) entre l’exploration et l’exploitation a un impact significativement positif sur la performance. Cela s’explique à nouveau par la diminution du risque qu’une technologie exploitée devienne obsolète, sans solution à court terme pour la remplacer.</p>
<p>Combiner exploration et exploitation, c’est ce que savent très bien faire des sociétés comme Baxalta, Caterpillar, ou <a href="http://SALESFORCE.COM">Salesforce.com</a> inc. La réalisation conjointe d’un CRI exploratoire et d’un CRI d’exploitation stimule alors l’innovation de l’organisation grâce à l’utilisation complémentaire de ces deux activités.</p>
<p>Comme Motorola, Salesforce s’intéresse prioritairement aux entreprises lui permettant de renforcer ses domaines de compétence. La stratégie d’investissement de Salesforce reflète sa volonté de soutenir financièrement des start-up lui permettant de renforcer ses domaines de compétence comme Speakeasy Tech, Vidyard ou Dispatch Technologies, qui toutes trois œuvrent dans le domaine des logiciels et outils Internet.</p>
<p>Toutefois, pour y parvenir et permettre une exploitation plus rapide à partir de l’exploration en cours, il faut du temps, des ressources et une formation supplémentaire des managers, pas toujours en mesure d’exercer les deux activités d’exploitation et d’exploration et de passer de l’une à l’autre. C’est là tout un challenge pour les grands groupes industriels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les grands groupes qui soutiennent des start-up en leur apportant des fonds et des conseils réussissent leur stratégie en combinant des investissements dans leur secteur d'activité et en dehors.Souad Brinette, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business School - OCRE, EDC Paris Business SchoolFatima Shuwaikh, Associate professor of finance, Pôle Léonard de VinciSabrina Khemiri, Maître de conférences en finance d’entreprise, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139392023-09-24T15:34:16Z2023-09-24T15:34:16ZLes fonds activistes sont-ils de bons conseillers en affaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549117/original/file-20230919-19-bv8swm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2560%2C1705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paul Singer, PDG et fondateur d’Elliott Management.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Global_Financial_Context_Paul_Singer.jpg">World Economic Forum / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-speculatifs-99852">fonds spéculatifs</a> (<em>hedge funds</em>) <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-activistes-52359">activistes</a> comme <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/29/un-actionnaire-activiste-sera-peut-etre-a-l-origine-de-l-adaptation-d-un-mastodonte-du-petrole-a-la-transition-energetique_6100328_3234.html">Third Point</a>, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-pernod-ricard-est-une-cible-de-choix-pour-le-fonds-activiste-elliott-110911">Elliott Management</a> ou <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/on-fait-un-cadeau-a-kretinsky-atos-sattire-les-foudres-du-fonds-activiste-ciam-1977527?xtor=CS4-6235">CIAM</a> font régulièrement la une de la presse pour leur rôle de « poils à gratter » sinon de « <a href="https://www.bloomberg.com/view/quicktake/vulture-investing#xj4y7vzkg">vautours</a> de la finance ». Leur <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie</a> est d’obtenir des résultats très rapidement en mettant la main sur des entreprises dont ils pensent pouvoir doper les performances en n’opérant que de menus changements.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://doi.org/10.1111/j.1540-6261.2008.01373.x">études</a> mentionnent leur contribution à la bonne <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">santé financière</a> des sociétés ciblées malgré leur orientation court-termiste. D’autres mettent en exergue des <a href="https://doi.org/10.1093/rfs/hhr016">effets négatifs sur les rendements obligataires</a>. Ces résultats reposent cependant souvent sur des faiblesses méthodologiques.</p>
<p>Le débat autour de ces fonds s’est intensifié en raison de la montée des campagnes activistes initiées par les fonds spéculatifs au cours des deux dernières décennies, ceux dirigés par exemple par Carl Icahn (Icahn Enterprises), Paul Singer (Elliott Management) ou Daniel Loeb (Third Point). Ils se coordonnent parfois, un modus operandi que Wall Street a surnommé « meutes de loups ».</p>
<p>Souvent domiciliés aux États-Unis, ces activistes <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/leurope-et-lasie-attirent-de-plus-en-plus-les-fonds-activistes-1970772">interviennent également en Europe et en Asie</a>. <a href="https://www.diligent.com/resources/research/shareholder-activism-in-h1-2023">Aucun secteur d’activité n’est épargné</a>, avec une prépondérance pour des campagnes ciblant des firmes des secteurs de la consommation discrétionnaire (celle qui désigne les biens et services jugés non essentiels), l’industrie et les matériaux de base. Leurs motifs d’intervention reposent sur des considérations stratégiques (26 % des campagnes menées sur le STOXX 600) ou de gouvernance, comme la composition du Conseil d’Administration (24 %).</p>
<p><iframe id="AF5Zm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AF5Zm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le débat sur les bénéfices présupposés des <em>hedge funds</em> est loin d’être tranché, pourtant ces investisseurs jouent un rôle significatif dans la conduite du changement, la stratégie et la gouvernance des firmes. On est donc en droit de se poser LA question à plusieurs milliards : ces professionnels de la finance sont-ils de bons conseillers en affaires pour les firmes sujettes à leurs campagnes très médiatisées ?</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.econmod.2023.106335">recherche</a> récemment publié dans la revue <em>Economic Modelling</em>, nous avons tenté d’apporter davantage de finesse en nous intéressant au cycle de vie des entreprises ciblées afin fournir une compréhension plus globale des conséquences de l’activisme, allant au-delà des mesures isolées de la performance. Il semble exercer une influence positive notable, à certaines conditions néanmoins.</p>
<h2>Efficaces auprès des entreprises plutôt jeunes</h2>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2017.12.003">cycle de vie</a> d’une firme délimite des phases distinctes dans la trajectoire d’une entreprise, qui est influencée par des facteurs internes tels que les décisions stratégiques et des facteurs externes tels que la concurrence dans le secteur d’activité.</p>
<p>Nous nous sommes pour cela fondés sur les <a href="https://doi.org/10.2308/accr-10130">flux de trésorerie</a> pour contourner les <a href="https://doi.org/10.1007/s11142-019-9480-8">pièges potentiels</a> associés à la manipulation des bénéfices par les fonds, un aspect crucial de leur méthodologie. Un échantillon d’entreprises américaines ciblées par des campagnes activistes menées par des fonds spéculatifs entre 1999 et 2019 a été méticuleusement constitué. Le cycle de vie de chacune a été mis en regard avec celui de ses pairs sur une période de quatre ans après le lancement de la campagne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701644785067421910"}"></div></p>
<p>Les résultats montrent que les interventions des activistes entraînent des changements significatifs dans le cycle de vie des entreprises cibles. Plus précisément, les entreprises en phase d’introduction ou de croissance ont tendance plus que la moyenne à se situer dans des phases plus favorables dans les quatre années qui suivent les interventions des activistes. Les entreprises matures ont également tendance à maintenir leur stade favorable. Les entreprises en phase finale ne montrent, elles, pas d’améliorations significatives, suggérant ainsi que la capacité des <em>hedge funds</em> à prodiguer des conseils stratégiques en matière de redressement pourrait être plus limitée.</p>
<h2>Périodes longues et hedge funds expérimentés</h2>
<p>Une batterie d’analyse complémentaire montre en outre que les avantages de l’activisme des fonds ne sont pas uniformément répartis entre les entreprises cibles, mais dépendent de caractéristiques propres à la campagne menée. Ainsi, les campagnes plus longues et celles orchestrées par des investisseurs plus expérimentés dans le secteur de la firme cible se distinguent.</p>
<p>Le temps semble ainsi jouer un rôle crucial dans la capacité des <em>hedge funds</em> à créer de la valeur pour les entreprises qu’ils ciblent. Les avantages de la prestation de conseils sont plus visibles lorsque la relation entre ces fonds, les gestionnaires et les administrateurs se développe sur une période plus longue, favorisant ainsi davantage d’interactions et la recherche d’un <a href="https://doi.org/10.1007/s10551-012-1237-2">consensus amélioré</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ailleurs, conformément à la <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=zCAUDAAAQBAJ">vision de l’entreprise fondée sur les ressources</a> (qui part du principe que c’est en mettant la main sur des ressources stratégiques que l’entreprise peut obtenir un avantage comparatif durable), les résultats indiquent que la valeur ajoutée de la prestation de conseils des <em>hedge funds</em> est plus manifeste lorsque ces fonds ont une expérience plus approfondie dans le secteur et peuvent la partager avec les entreprises qu’ils visent. Cela corrobore des résultats de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2016.08.009">recherches précédentes</a>.</p>
<h2>Encore quelques zones grises</h2>
<p>Enfin, la recherche écarte l’idée que la nature conflictuelle de la campagne mène nécessairement à des résultats stratégiques supérieurs. Une campagne agressive n’est pas intrinsèquement préjudiciable ; elle ne se traduit pas toujours pour autant par des changements stratégiques optimaux.</p>
<p>Pris dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les <em>hedge funds</em> activistes ont la capacité d’offrir de précieux conseils à leurs entreprises cibles, apportant ainsi des preuves de leur contribution positive aux actionnaires des entreprises. Ils augmentent de manière significative la probabilité des jeunes sociétés d’atteindre le stade de la maturité dans les 4 ans qui suivent l’initiation de la campagne d’activisme. Ces bénéfices se manifestent néanmoins dans des cas précis, avec une cible plutôt jeune, un gérant de <em>hedge fund</em> expérimenté et une campagne longue.</p>
<p>Il reste néanmoins de nombreuses zones grises sur l’activisme actionnarial émanant des <em>hedge funds</em>, notamment leur contribution au <a href="https://doi.org/10.1016/j.jfineco.2018.06.012">capital intangible</a> des entreprises ou leur influence sur les <a href="https://www.institutionalinvestor.com/article/2bsx8ylxkok3og600c45c/portfolio/hedge-fund-activists-pivot-to-esg">pratiques ESG</a>. Deux études sur ces sujets sont d’ailleurs en cours pour appronfondir ce sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Desrousseaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les « hedge funds » ont un réel impact sur le cycle de vie des entreprises ciblées, surtout si les structures sont jeunes, si le fonds est expérimenté et si la campagne d'activisme dure.Luc Desrousseaux, Professeur en finance, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128832023-09-10T14:54:41Z2023-09-10T14:54:41ZLes multiples crises affectent les stratégies d’acquisitions des multinationales françaises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546344/original/file-20230905-24-76zl2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C0%2C1113%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2020, 23 multinationales françaises ont réalisé 64 acquisitions, contre 121 rachats opérés par 30 groupes l’année précédente.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iceninejon/16277774798">Flickr/Jonathan</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/Covid-19-82467">Covid-19</a> ou encore la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> ont constitué des crises d’ampleur mondiale qui ont remis en cause la politique d’investissement des multinationales. Ces chocs exogènes, par nature imprévisibles, ont en effet provoqué un fort climat d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/incertitude-23726">incertitude</a> et contraignent les entreprises à s’interroger sur leur politique d’acquisition.</p>
<p>Ces rachats d’entreprises permettent aux multinationales d’accélérer leur croissance et de saisir de nouvelles opportunités de développement. Elles comportent cependant de nombreux risques liés à leurs complexités financières et organisationnelles, qui sont accentuées <a href="https://theconversation.com/ces-frictions-culturelles-qui-menent-a-lechec-des-fusions-acquisitions-internationales-117059">lorsque les cibles sont localisées dans des pays éloignés</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131278602014736384"}"></div></p>
<p>Les chocs exogènes récents ont particulièrement affecté les stratégies des multinationales du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cac-40-53816">CAC 40</a> qui avaient multiplié leurs investissements dans les économies matures et émergentes avant 2020. C’est l’une des conclusions d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2023-4-page-53.htm?u=077cc613-8848-437b-a211-fcf958b89dee&WT.tsrc=email&WT.mc_id=crn-ar-RFG_311">travail de recherche</a> récent, qui a pris la forme d’une étude qualitative fondée sur l’examen systématique des rapports annuels d’activité, des sites Internet et des communiqués de presse des 40 plus grandes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/multinationales-22485">multinationales</a> cotées à la bourse de Paris ainsi que sur les articles de presse publiés sur Factiva (plate-forme de recherche d’actualités et de données mondiales).</p>
<h2>Nouveau recul en 2022</h2>
<p>L’analyse des données collectées met en relief la chute des acquisitions face au choc exogène de la pandémie : seulement 23 multinationales ont réalisé 64 acquisitions en 2020, contre 30 multinationales ayant réalisé 121 acquisitions en 2019. 17 multinationales du CAC 40 ont ainsi renoncé à une stratégie d’acquisition face au choc exogène de la pandémie. </p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Parmi celles-ci figurent des entreprises comme Publicis Groupe qui avait expliqué ce choix par le fort climat d’incertitude lié à la crise mondiale du Covid-19. Après la chute observée en 2020, les acquisitions <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/ma/nouvelle-donne-dans-les-fusions-acquisitions-mondiales-1893108">reprennent fortement en 2021</a> avant de connaître une nouvelle chute en 2022 suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. <a href="https://www.pwc.fr/fr/publications/fusions-acquisitions/global-manda-tendances-et-perspectives-2023.html">Le ralentissement se confirme</a> au premier semestre 2023.</p>
<p>Cependant, dans des secteurs d’activité favorisés par la pandémie, comme la santé, les télécommunications ou le conseil en transformation digitale, les entreprises ont multiplié les acquisitions en 2020 pour saisir de nouvelles opportunités de croissance, diversifier leurs activités ou acquérir de nouvelles compétences.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257512720821256193"}"></div></p>
<p>Par exemple, <a href="https://atos.net/fr/2021/communiques-de-presse_2021_02_18/resultats-annuels-2020">Atos a réalisé dix acquisitions en 2020</a> afin de se développer dans les domaines du numérique et de la cybersécurité. L’objectif est de répondre aux besoins de digitalisation de la relation client et de la protection des données, renforcés par la crise sanitaire liée au Covid-19. Le directeur général du groupe Atos explique dans le rapport annuel :</p>
<blockquote>
<p>« En 2020, nous avons réalisé 10 acquisitions pour accélérer notre stratégie. Nous avons également renforcé nos partenariats et élargi notre écosystème, non seulement avec des acteurs majeurs, mais aussi avec des start-up qui stimulent l’innovation. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis la pandémie, les multinationales du CAC 40 privilégient les <a href="https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-pourquoi-le-cac-40-fait-tres-largement-ses-emplettes-a-l-etranger-pour-racheter-des-start-up-1071951.html">acquisitions d’entreprises innovantes</a>, notamment de start-up, afin de renforcer leurs activités digitales. Par exemple, Publicis Groupe annonce <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20230719132025/fr/">plusieurs acquisitions dans le domaine digital</a> (Practia, Yieldify, Profitero et Corra) en 2023.</p>
<p>Notre étude révèle en outre que les multinationales ayant réalisé des acquisitions pendant la pandémie ont globalement privilégié des cibles dans les pays matures, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Parmi les 64 acquisitions effectuées en 2020, 23 opérations concernent des cibles localisées en France, 14 des cibles localisées aux États-Unis et respectivement 3 opérations des cibles localisées au Canada, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.</p>
<h2>Des cibles plus petites</h2>
<p>Les chocs exogènes semblent ainsi influencer la localisation des cibles qui sont choisies. En effet, la pandémie a été marquée par la fermeture de nombreuses frontières et les restrictions en matière de mobilité, qui rendent les rencontres entre équipes dirigeantes plus difficiles, notamment dans les pays éloignés. Les acquisitions internationales ont connu un rebond en 2021 avant d’enregistrer un nouveau ralentissement en 2022 et 2023, qui est lié au conflit en Ukraine et à la crainte d’une récession économique mondiale.</p>
<p>Notre travail met en relief que le ralentissement du mouvement des acquisitions concerne aussi la valeur des opérations effectuées. Dans un contexte de crise mondiale, la plupart des multinationales du CAC 40 ciblent des entreprises de plus petite taille aux activités complémentaires, et en particulier des start-up, afin de limiter les risques liés aux investissements effectués.</p>
<p>La dégradation de l’environnement économique mondial et la forte remontée des taux d’intérêt qui s’expliquent par la multiplication des crises semblent marquer la <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/fusions-et-dacquisitions-recul-des-mega-deals-1473948">fin des « méga-deals</a> ». Les multinationales du CAC 40 continuent de favoriser des opérations moins risquées <a href="https://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/le-cac40-achete-plus-de-start-up-etrangeres-que-francaises-1949746">et des cibles de plus petite taille</a>.</p>
<p>Dans ces périodes de forte turbulence, les multinationales françaises affichent ainsi une volonté de réduire leur exposition au fort degré d’incertitude qui caractérise les crises d’ampleur mondiale. Les comportements observés soulignent par ailleurs la tendance à une plus forte proximité des investissements réalisés et à une reconfiguration davantage régionalisée de la mondialisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie avait entraîné un ralentissement des rachats d’entreprises. Depuis, les groupes du CAC 40 ont repris le mouvement mais en sélectionnant plus finement leurs cibles.Ludivine Chalencon, Maître de conférences, finance et comptabilité, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Manon Meschi, Doctorante contractuelle à Université Côte d'Azur, IAE Nice, GRM et Professeure Assistante, ESSCA School of ManagementUlrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l'IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095552023-09-10T14:54:39Z2023-09-10T14:54:39ZL’intrapreneuriat, un subtil équilibre entre organisation et désorganisation<p>L’iLab, Léonard, The Garage, Google Labs, l’Atelier, Innovation Factory, la Fabrique… tous sont des dispositifs intrapreneuriaux, définis comme « un ensemble de ressources, d’actions, de processus, d’outils managériaux et de formes organisationnelles mis en place pour <a href="http://lelibellio.com/wp-content/uploads/2013/01/Le-Libellio-d-volume-16-num%C3%A9ro-1-Printemps-2020.pdf">favoriser l’adoption d’approches entrepreneuriales</a> au sein d’entreprises établies ».</p>
<p>Construit à partir de mythes entrepreneuriaux, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intrapreneuriat-46490">intrapreneuriat</a>, au départ, s’est formalisé au sein des organisations <a href="https://www.institut-entreprise.fr/sites/default/files/document/Note_Intrapreneuriat.pdf">depuis les années 2010</a> en France. Ces dispositifs visent à <a href="https://www.theses.fr/2020IPPAX022">susciter l’innovation</a> ou le renouvellement stratégique au sein de celle-ci.</p>
<p>Cependant, l’innovativité des projets intrapreneuriaux peut-être décevante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on constate une sélection des projets de plus en plus en <a href="https://www.strategie-aims.com/conferences/31-xXIXe-conference-de-l-aims/communications_by_author?author=Maniak+R%C3%A9mi">lien avec la ligne stratégique de l’entreprise</a>. Les intrapreneurs répondent ainsi à des problématiques d’innovation pré-identifiées par le top management, ce qui restreint le champ d’action par définition large des entrepreneurs.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a></em></p>
<p>De plus, même si l’on sait depuis des années que trouver des indicateurs de performance de l’innovation est un vœu pieu, la recherche de rentabilité des investissements reste un objectif pour les organisations. Les dispositifs d’intrapreneuriat n’échappent pas à la règle et doivent justifier de leur contribution économique au reste de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprise</a>.</p>
<p>Enfin, on constate un contrôle de plus en plus important du temps dédié au développement du projet intrapreneurial. Au début, les dispositifs intrapreneuriaux n’affichaient pas de réels objectifs de temps pour les projets hébergés, puis au fur et à mesure, on a pu constater que le temps alloué se réduisait et que des organes de gouvernance de plus en plus formalisés et standardisés émergeaient. Ce contrôle du temps de développement des projets intrapreneuriaux est justifié pour optimiser les coûts.</p>
<h2>« Comment faire cohabiter ces deux logiques ? »</h2>
<p>Cette rigidification des dispositifs intrapreneuriaux est une forme de contamination des activités d’exploration par les activités d’exploitation davantage valorisées au sein des entreprises.</p>
<p>Les travaux consacrés à l’intrapreneuriat se sont intéressés aux conséquences que peut amener cette tension entre contrôle et liberté sur les individus et les organisations. Cette double tension contrôle-liberté peut notamment mener à une « <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-9-page-225.htm">schizophrénie individuelle et/ou organisationnelle</a> » du fait de la cohabitation de différentes logiques contradictoires.</p>
<p>Ainsi, selon <a href="https://theconversation.com/profiles/alain-fayolle-388724">Alain Fayolle</a>, professeur et directeur du centre de recherche en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entrepreneuriat-25460">entrepreneuriat</a> à EM Lyon Business School :</p>
<blockquote>
<p>« L’intrapreneur est sur une logique d’exploration (création d’un marché, d’un produit, d’un service, développement d’innovation, etc.), quand le management se situe plus sur un système d’exploitation : une logique de continuum qui fait tourner l’existant pour l’optimiser au mieux et dans un souci de rendement. Le challenge est là : comment faire cohabiter ces deux logiques ? »</p>
</blockquote>
<h2>« Zones structurées et contrôlées »</h2>
<p>Les deux livres blancs de la plate-forme dédiée à l’entrepreneuriat social Makesense, publiés en <a href="https://france.makesense.org/wp-content/uploads/sites/6/2021/03/typologie-intrapreneuriat-makesense.pdf">2021</a> et <a href="https://france.makesense.org/wp-content/uploads/sites/6/2022/09/livre-blanc-intrapreneuriat.pdf">2022</a>, identifient deux types de leviers de réussite des dispositifs intrapreneuriaux : des leviers organisés et des leviers que nous qualifierons de « désorganisés ».</p>
<p>Ainsi, les principaux leviers de réussite « organisés » de l’implémentation et de l’institutionnalisation des dispositifs intrapreneuriaux au sein des organisations seraient les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Définir les objectifs du dispositif intrapreneurial en fonction des ambitions stratégiques de l’organisation. Par exemple, si une entreprise cherche à innover de manière disruptive – ainsi, potentiellement à faire face à un désalignement entre le projet intrapreneurial et l’activité traditionnelle de l’entreprise – il faudra réfléchir à un dispositif qui permet un éloignement de l’entreprise. À l’inverse, une organisation qui cherchera à produire des innovations incrémentales (pas à pas, à partir de l’existant) pourra facilement introduire le projet dans les processus connus de l’organisation.</p></li>
<li><p>Penser aux scénarios de sorties. Il est important pour les organisations de réfléchir à la forme que peut prendre le projet en sortie de dispositif intrapreneurial (filiale, nouvelle unité d’activité, intégration du projet dans une équipe existante, etc.).</p></li>
<li><p>Accompagner les intrapreneurs. Afin de permettre le ré-arrimage de l’individu au sein de l’organisation, il est important de réfléchir à la <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2021-2-page-247.htm">trajectoire individuelle de l’intrapreneur lui-même</a> (réintégration de sa direction d’origine, évolution de poste, changement de poste, etc.)</p></li>
</ul>
<p>À l’inverse, les leviers de réussite désorganisés d’un dispositif intrapreneurial seraient le fait de :</p>
<ul>
<li><p>Laisser vivre un dispositif au moins 3 ans pour avoir du recul sur les résultats. Les travaux de Makesense mettent en avant l’importance de laisser du temps – soit une liberté sur un temps donné – au dispositif intrapreneurial pour « faire ses preuves » et comprendre les apports de celui-ci.</p></li>
<li><p>Accepter l’échec comme faisant partie de l’apprentissage sur l’intégration des dispositifs intrapreneuriaux dans l’organisation notamment dans les démarches exploratoires.</p></li>
</ul>
<p>L’identification de ces leviers apporte des premiers éléments de réponses pratiques pour résoudre cette tension entre liberté et contrôle. Les dispositifs intrapreneuriaux tendent ainsi à devenir des « zones structurées et contrôlées ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les projets entrepreneuriaux intégrés dans les grandes entreprises pour faire émerger l’innovation n’atteignent pas systématiquement leurs objectifs.Frédérique Blondel, Maître de conférences en sciences de gestion , Université Paris-SaclayÉlodie Loubaresse, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris-SaclayValentine Georget, Maître de conférences en management, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118392023-08-30T16:29:51Z2023-08-30T16:29:51ZProposer des abonnements automatiques après essai, une stratégie perdante pour les entreprises<p>Facture de téléphone ou d’énergie, il est de nos jours pratiquement impossible d’échapper aux systèmes d’abonnement. Sans compter les adhésions aux plates-formes de musique, de vidéo à la demande, les clubs de sport ou les livraisons hebdomadaires de plats « prêts à cuisiner », nous autorisons toujours au moins un abonnement en débit direct.</p>
<p>En tant que <a href="https://theconversation.com/topics/consommateurs-33275">consommateurs et consommatrices</a>, nous les multiplions et, même lorsque nous avons la ferme <a href="https://theconversation.com/topics/economie-comportementale-61690">intention</a> de les annuler après avoir regardé la série qui nous intéressait ou profité de quelques mois gratuits, bien souvent nous n’en faisons rien. On dit alors que nous sommes « inertes » face aux abonnements : nous ne menons aucune action et laissons les choses en jachère, même si le service décide d’augmenter ses tarifs ou de modifier ses conditions générales. Il s’agit là d’un trait dont de nombreuses entreprises abusent en proposant des offres d’adhésion à bas prix, avant d’augmenter les prix une fois le consommateur abonné.</p>
<p>Au moment de s’abonner, les consommateurs ont-ils conscience de leur future passivité ? Et si oui, le savoir les empêche-t-il de s’abonner à des offres d’apparence attractive ? Dans des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4065098">travaux récents</a>, menés avec Navdeep S. Sahni de l’université de Stanford et Avner Strulov-Shlain de l’université de Chicago, nous avons exploré cette pratique afin de déterminer si, en plus d’être discutable d’un point de vue éthique, elle est réellement profitable aux sociétés. Il semble bien que ce ne soit pas le cas.</p>
<h2>Des consommateurs conscients de leur passivité</h2>
<p>Il existe une pléthore de travaux fondés sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004727272200024X">comportements des consommateurs déjà abonnés</a>. Dans notre cas, nous avons cherché à prendre les choses à la racine, en considérant ce qui influence les consommateurs dans leur décision initiale, au moment de s’abonner, puis en les suivant deux années durant.</p>
<p>Lors d’une expérience sur le terrain à grande échelle, nous avons soumis des offres d’abonnement à 2,1 millions de lecteurs et lectrices lorsqu’ils se retrouvaient confrontés à la page « accès payant » d’un grand quotidien européen. Celles-ci étaient accompagnées d’une offre promotionnelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1656978130534293506"}"></div></p>
<p>Lecteurs et lectrices se retrouvaient aléatoirement confrontés à un abonnement à renouvellement automatique ou à annulation automatique. Le contrat à renouvellement automatique se transformait en abonnement payant pour les consommateurs qui acceptaient la promotion, mais ne l’annulaient pas explicitement, pratique que l’on qualifiera d’« abusive ». Le contrat avec annulation automatique ne se renouvelait qu’à condition que le consommateur acceptant la promotion clique sur « s’abonner » pour démarrer un abonnement payant, pratique « non abusive ».</p>
<p>Dans chacun des cas, nous avons aléatoirement proposé une période d’essai promotionnelle de quatre semaines ou de deux semaines, à un prix d’appel de 0,99 ou de 0 euros. Tous les autres aspects des contrats étaient identiques, afin de garantir le bon déroulement de l’expérience.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La première chose que nous avons observée est que les contrats à renouvellement automatique donnaient significativement lieu à moins d’abonnements. Les chances qu’un lecteur ou une lectrice y souscrivent sont de 28 % inférieures à celles d’un contrat à annulation automatique. Contrairement à de précédentes <a href="https://www.ausubel.com/creditcard-papers/time-inconsistency-credit-card-market.pdf">études</a> suggérant que les consommateurs ignoraient leur propre passivité, ce résultat montre qu’ils savent faire preuve de sophistication et anticiper leur propre comportement. Ayant conscience qu’après avoir vu les articles les intéressant, ils risquaient de demeurer abonnés pendant au moins une courte période, ils témoignent d’une préférence pour les contrats offrant une porte de sortie facile : l’annulation automatique.</p>
<p>Seuls 2 % (environ) de la population serait totalement passive. Ces consommateurs s’abonnent et ne résilient pas leur contrat, même lorsqu’ils n’utilisent pas le service.</p>
<h2>Davantage de résiliations</h2>
<p>L’année suivant la fin de la période promotionnelle, les consommateurs qui s’étaient abonnés aux contrats à renouvellement automatique le sont restés plus longtemps que ceux ayant opté pour l’annulation automatique. Pour les entreprises, cela suggère que sur cet horizon de temps, proposer des contrats à renouvellement automatique peut permettre d’augmenter les profits.</p>
<p>Si à la fin de la période promotionnelle, le journal comptait 21 % d’abonnés de plus parmi ceux s’étant vu proposer un abonnement automatique, ce chiffre décroît néanmoins au fil du temps : à la fin des deux ans, le fait d’avoir proposé un abonnement automatique plutôt qu’une annulation automatique conduirait à 10 % d’abonnés en moins. Autrement dit, sur le long terme, le journal a conservé davantage d’abonnés parmi ceux s’étant vu proposer l’annulation automatique et a réalisé des profits supérieurs grâce à ce groupe.</p>
<p>Les entreprises ont-elles ainsi intérêt à abuser des biais de comportements des consommateurs pour maximiser leurs profits ? Nos résultats suggèrent qu’à long terme, la réponse est « non ». Proposer une souscription automatique après une période promotionnelle, c’est non seulement se priver de potentiels abonnés qui anticipent dès le départ leur inertie, mais aussi avoir des abonnés qui, partiellement inertes, résilieront davantage leur abonnement au fil du temps.</p>
<h2>Vers des abonnements plus justes ?</h2>
<p>Ces consommateurs tendent même, par la suite, à avoir une moins bonne opinion de la société qui cherche à faire des profits ainsi. Certains contre-attaquent. Ceux qui se sont vu proposer un abonnement automatique sont 10 % de moins à accepter un nouveau contrat avec la même entreprise passés les deux ans.</p>
<p>Les effets des prix et de la durée de la période promotionnelle possèdent eux des effets moindres, sinon non significatifs.</p>
<p>De toute évidence, l’argent rapide obtenu grâce aux contrats abusifs à renouvellement automatique ne compense pas le potentiel retour de bâton. Que certaines sociétés, comme <a href="https://theconversation.com/topics/netflix-53737">Netflix</a>, agissent pour améliorer leur image auprès des consommateurs passifs en les contactant pour les aider à résilier leur abonnement pourrait bien être payant sur le long terme.</p>
<p>Les <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/abonnements-caches">organismes de régulation</a> s’inquiètent de plus en plus des offres d’abonnement abusives qui profitent du comportement passif des consommateurs. On peut donc s’attendre à voir apparaître davantage d’offres d’abonnement avec des conditions plus justes, comme la possibilité d’une annulation automatique ou un renouvellement automatique avec des rappels réguliers et une possibilité de résiliation en un clic.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Klaus Miller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une expérience montre que les consommateurs se montrent, à long terme, réticents vis-à-vis d’une société qui tenterait de jouer sur l’oubli de résilier le contrat.Klaus Miller, Professeur assistant en Marketing, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104242023-07-26T18:18:55Z2023-07-26T18:18:55ZTwitter devient « X » : un sabordage pour mieux relancer le réseau social ?<p>Depuis le début de la semaine, l’iconique oiseau bleu de <a href="https://theconversation.com/topics/twitter-22707">Twitter</a> s’en est allé. Place désormais à un « X » dont l’une des diagonales est constituée d’un parallélogramme non rempli. Un énième caprice d’<a href="https://theconversation.com/topics/elon-musk-30803">Elon Musk</a>, fantasque propriétaire du <a href="https://theconversation.com/topics/reseaux-sociaux-20567">réseau social</a> qui s’était déjà permis quelques heures durant de remplacer le logo de la plate-forme par un chien, emblème d’une cryptomonnaie dont il était accusé de manipuler le cours ?</p>
<p>Dans l’opération, de nombreux éléments donnent une impression d’impréparation, voire de <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/by-the-web/4046759-20230725-metamorphose-twitter-x-nouveau-changement-bacle-elon-musk">bâclé</a>, à commencer par ces ouvriers qui avaient pour mission de <a href="https://twitter.com/waynesutton/status/1683563753898668032">changer le logo</a> sur la façade du siège, interrompus par la police réclamant les autorisations administratives, ou le fait que Microsoft et Meta aient <a href="https://www.businessinsider.com/meta-holds-rights-to-x-twitter-rebrand-elon-musk-2023-7?r=US&IR=T">déjà déposé un logo en « X »</a>. Cependant, au-delà de ce qui relève d’anecdotes qui prêtent à sourire, de considérations juridiques ou de tout ce que le personnage d’Elon Musk présente de farfelu, on retrouve bien dans ce changement de nom des considérations hautement stratégiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683378289031761920"}"></div></p>
<p>Des marques ou des entreprises qui changent de nom est plus courant qu’on ne le pense : les barres chocolatées Raider renommées « Twix » au début des années 1990, GDF Suez devenu Engie, Covoiturage.fr rebaptisé BlaBlaCar, France Télécom en Orange, etc. Mais, quand il s’agit d’enterrer une marque comme Twitter, dont le nom est même devenu un verbe appartenant au langage courant, un puissant ancrage dont beaucoup de firmes rêveraient, nous sommes face à une opération nettement plus rare – voire inédite. Indéniablement, il s’agit d’une preuve supplémentaire qu’Elon Musk n’a pas acheté le réseau social en octobre 2022 pour ce que l’oiseau bleu était, mais bien pour ce qu’il pourrait devenir.</p>
<p>En effet, si d’aucuns se focalisent sur un maelström de faits parasites (dont Elon Musk est, il est vrai, coutumier), propres à donner l’impression que le réseau social est devenu un bateau ivre, une analyse plus approfondie laisse à penser que ce n’est sans doute pas tout à fait le cas.</p>
<h2>Diversifier… au risque de détruire ?</h2>
<p>Dès le départ, Elon Musk a fait part de son intention de faire de Twitter « the everything app », à l’instar du « the everything store » qu’est Amazon. Jeff Bezos, le fondateur du géant du e-commerce, souhaitait que chaque objet que l’on peut imaginer consommer soit disponible sur sa plate-forme, ce qui s’est fait par étape avec, dans un premier temps, une activité centrée sur la vente de livres.</p>
<p>Twitter, depuis son lancement, n’a d’autre utilité que de faire du microblogging. Son nouveau propriétaire semble désormais vouloir diversifier suffisamment sa plate-forme pour que le service originel ne soit à terme qu’un élément parmi une galaxie de services centralisés sur une même application. Le modèle dont il s’inspire est celui de WeChat (développé par le géant Tencent), dont il est aujourd’hui bien difficile de se passer en Chine. Messagerie, microblogging mais aussi géolocalisation, marketplace, moyens de paiement… tout cela est disponible sur cette plate-forme dont le nombre d’utilisateurs quotidiens est estimé à plus de 1,67 milliard.</p>
<p>Racheter Twitter, c’était acquérir un levier d’<a href="https://blog.digimind.com/fr/tendances/twitter-chiffres-essentiels-france-monde-2020">environ de 300 millions d’utilisateurs</a>, aux profils plutôt <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/les-utilisateurs-de-twitter-plus-jeunes-et-diplomes-que-les-autres-16581/">qualifiés</a>, pour les amener vers autre chose. Plutôt que de partir de zéro, il était plus simple de construire le projet global à partir d’une application solidement installée autour de laquelle greffer d’autres services monétisables.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Il s’agissait notamment de répondre à une faiblesse structurelle de Twitter très tôt identifiée par Elon Musk : l’extrême dépendance des revenus aux annonceurs publicitaires (pour près de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/de-plus-en-plus-d-annonceurs-desertent-twitter-20221104">90 %</a>). Ce modèle conduisait l’entreprise à pâtir fortement des périodes de ralentissement de l’économie mondiale, comme c’est le cas actuellement. Dans ces phases, de nombreuses entreprises rognent en effet les budgets communication car ils sont parmi les plus faciles à réduire.</p>
<p>Avec la <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/04/03/twitter-met-fin-au-chaos-de-son-systeme-de-comptes-verifies_6168069_4408996.html">fin des comptes certifiés gratuits</a> en avril 2023, une première étape a été franchie en la matière. Amener les utilisateurs les plus assidus à payer, en leur réservant les fonctionnalités les plus avancées (dépassement du nombre de caractères, édition de tweets, priorisation des tweets par l’algorithme, etc.), c’est appliquer à Twitter un modèle de monétisation de type freemium/premium parmi les plus répandus dans les jeux vidéo ou les services numériques. Un modèle qui a fait ses preuves et participe à cette logique de diversification des sources de revenus.</p>
<p>Elon Musk n’en reste pas aux utilisateurs lambda. Son objectif est de monétiser encore davantage les entités qui utilisent la plate-forme de manière intensive. L’annonce de la monétisation des fonctionnalités « pro » (notamment Tweetdeck) et de la limitation du nombre de tweets pouvant être émis ou consultés quotidiennement vise, en réalité, à capter une partie de la valeur générée par deux types d’acteurs.</p>
<p>D’un côté, les « agences d’influence », qui mobilisent la formidable caisse de résonance qu’est Twitter pour relayer, via des armées de bots, des campagnes massives aux objectifs qui vont du pur militantisme, à la désinformation, en passant par divers combats idéologiques et autres ingérences économiques ou politiques. De l’autre, les entreprises d’intelligence artificielle, qui puisent sur ce réseau ouvert images et textes pour entraîner leurs algorithmes… à des fins de monétisation future. Les mettre à contribution, revient a minima à capter une partie de la valeur générée par ces entreprises, et à se donner une chance d’entraver suffisamment leur développement pour opérer un éventuel rattrapage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683053326097588224"}"></div></p>
<p>Au-delà de ces pures considérations économiques, pour créer une nouvelle super-application à partir de Twitter, deux options semblaient ouvertes en matière d’identité.</p>
<p>La première : garder un même nom et l’enrichir de nouveaux usages, quitte à ce que le réseau dans dix ans n’ait plus grand-chose à voir avec l’objet d’origine. La seconde : casser l’image historique et aller au bout de l’entreprise de destruction de Twitter, pour mieux reconstruire sur ses cendres.</p>
<p>Pablo Picasso disait bien :</p>
<blockquote>
<p>« Tout acte de création est d’abord un acte de destruction. »</p>
</blockquote>
<p>Néanmoins, pour comprendre la voie empruntée par Elon Musk, la littérature de science-fiction – dont il est friand – semble plus appropriée que la peinture. Sa passion dévorante pour ce genre narratif n’est probablement pas étrangère à la fascination qu’il semble avoir pour la lettre « X », ou plus précisément, pour l’imaginaire auquel elle renvoie, à la fois mystérieuse lorsqu’elle est mise en équation, mais véhiculant aussi modernité et puissance. C’est elle qui a ainsi vocation à unir les différentes pièces de son groupe ; on la retrouve déjà dans la Tesla X ou dans SpaceX.</p>
<h2>Threads, un véritable concurrent pour Twitter ?</h2>
<p>Qu’augurer pour l’avenir du projet d’Elon Musk, dont les manières de faire sont parfois déstabilisantes et bien souvent imprévisibles ? Il faut ici bien distinguer ce qui relève des utilisateurs de Twitter de ce qui concerne les annonceurs.</p>
<p>Côté utilisateurs, on s’interroge notamment sur l’émergence en parallèle de Threads, nouveau réseau mis en ligne par Meta aux fonctionnalités complémentaires avec celles d’Instagram. Il enregistrait déjà <a href="https://www.bfmtv.com/tech/actualites/reseaux-sociaux/threads-depasse-les-100-millions-d-utilisateurs-moins-d-une-semaine-apres-son-lancement_AD-202307100333.html">100 millions d’utilisateurs</a> une semaine après son lancement le 5 juillet. Sera-t-il véritablement un concurrent pour Twitter ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683857105810341890"}"></div></p>
<p>Il est d’autant plus délicat de répondre à cette question qu’on ne peut présumer des véritables intentions stratégiques du groupe de Mark Zuckerberg avec ce nouveau réseau. Son lancement tombe, cependant, à point nommé, à l’heure où Twitter, en pleine reconfiguration, a un genou à terre. Deux hypothèses sont envisageables.</p>
<p>La première : Meta lance un concurrent pour récupérer tout ou partie du marché, affaiblissant, marginalisant, voire portant l’estocade au rival blessé. De fait, quand Elon Musk s’est mis à faire des choses assez discutables sur le fond comme sur la forme avec Twitter, beaucoup d’utilisateurs ont annoncé leur intention de fuir un réseau où disparaissait toute forme de modération et où des profils plus que controversés étaient de nouveau les bienvenus. On présentait hier Mastodon comme le prochain leader pour ces raisons, Threads aujourd’hui.</p>
<p>Quitter Twitter n’est cependant pas chose aisée. Pour retrouver l’intérêt de l’usage de Twitter sur une autre plate-forme, il s’agit de casser les « effets de réseau » sur lesquels capitalise la plate-forme déjà installée : en tant qu’utilisateur, l’utilité retirée d’un réseau dépend du nombre de personnes qui y sont inscrites et actives, à plus forte raison quand ces individus ont des centres d’intérêt proches. Selon cette logique, si je retrouve les mêmes fonctionnalités ailleurs mais pas la même profondeur et qualité de communauté, je vais subir une désutilité relative. Je ne suis donc pas incité à migrer d’une plate-forme à l’autre.</p>
<p>Pour tuer Twitter, il faudrait donc présenter une innovation susceptible de générer en très peu de temps une migration massive d’utilisateurs et, mieux encore, d’utilisateurs influents… Même si le nouveau réseau a su, pour l’instant, séduire des personnalités aussi diverses que la chanteuse Shakira, l’ancien joueur de basket-ball Shaquille O’Neal ou le gouverneur de Californie Gavin Newson, aucun des trois n’a cessé son activité sur Twitter. Et pour cause : Twitter reste un lieu d’influence incontournable où se côtoient quotidiennement intellectuels, politiques, journalistes, décideurs et autres personnalités du show-business. Autrement dit, le taux marginal de substitution entre les deux services ne semble pas (pour l’heure) très élevé.</p>
<p>Autre hypothèse, Meta ne s’intéresse qu’à lui-même et cherche à développer son modèle d’affaires. L’idée serait alors d’amener les utilisateurs d’Instagram à s’exprimer plus qu’ils ne le font en ajoutant des interactions textuelles à l’image et à la vidéo, données hautement monétisables. Dans cette optique, obtenir en quelques jours une centaine de millions d’utilisateurs constitue déjà un succès, et faire venir des utilisateurs de Twitter ne serait alors qu’un gain collatéral.</p>
<h2>Difficile de faire table rase</h2>
<p>Côté annonceurs, l’histoire n’est pas tout à fait la même : il n’existe pas que Twitter pour faire de la publicité digitale. Certes, tous les autres supports numériques n’ont pas nécessairement le profil d’audience de ce réseau ; il n’en demeure pas moins qu’une firme qui juge les services de Twitter insuffisamment efficaces ou qui, de près ou de loin, ne voudrait pas être associée à Elon Musk, peut arrêter sa collaboration avec le réseau social.</p>
<p>C’est aussi pour cela, outre les éléments de conjoncture susmentionnés, que Twitter a perdu <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/de-plus-en-plus-d-annonceurs-desertent-twitter-20221104">plus de la moitié de ses annonceurs</a> depuis son rachat par Elon Musk. Pire encore : 60 % des plus gros annonceurs mondiaux lui auraient tourné le dos, à l’instar de General Motors ou Pfizer. Beaucoup ne voulaient pas prendre le risque de voir une publicité pour leur firme se trouver entre deux tweets non modérés, racistes, obscènes, sexistes ou complotistes. Ou quand le projet de Musk en faveur de la « libération de la liberté d’expression » se heurte au pragmatisme des entreprises.</p>
<p>Un tel fiasco suggère peut-être qu’Elon Musk, dans sa volonté de transformation, a pu quelque peu se précipiter. Or, tout Elon Musk qu’il est, il a des comptes à rendre. De puissants investisseurs restent extrêmement concernés par la santé de ses entreprises et la survie de l’écosystème Musk. Lorsqu’il a commencé à chambouler de manière discutable la politique générale de Twitter, des cours de bourse, et notamment celui de <a href="https://www.tradingsat.com/tesla-inc-US88160R1014/actualites/tesla-inc-victime-collaterale-des-derives-de-musk-avec-twitter-tesla-n-en-finit-plus-de-chuter-en-bourse-1049499.html">Tesla</a>, ont accusé le coup. Suffisamment pour tirer la sonnette d’alarme et opérer de nouveaux changements drastiques.</p>
<p>La nomination, le 12 mai 2023, de <a href="https://www.20minutes.fr/medias/4036774-20230513-linda-yaccarino-choisie-elon-musk-diriger-twitter">Linda Yaccarino</a> comme directrice générale de Twitter n’a ainsi rien d’anodin, elle qui a fait l’essentiel de sa carrière en charge de la publicité chez NBCUniversal. Après avoir voulu réduire la dépendance du réseau social à la publicité, après avoir voulu monétiser les utilisateurs, Elon Musk place à la tête de l’entreprise une des figures américaines les plus connues dans l’univers des annonceurs.</p>
<p>Un rétropédalage qui vise, certes, à inciter les annonceurs à de nouveau faire confiance à la plate-forme. Mais un rétropédalage qui rappelle également qu’une transformation stratégique reste une entreprise extrêmement risquée, de surcroît fortement consommatrice en ressources. Les revenus que tire Twitter de la publicité sont certes dérisoires au regard de l’empire financier que constitue l’écosystème Musk, mais apparaissent essentiels pour rassurer les marchés et pour alimenter les nombreux développements engagés et à venir de X.com. En stratégie comme dans la vie, les meilleures choses nécessitent souvent beaucoup de patience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La changement de nom s’inscrit dans une stratégie qui vise notamment à monétiser davantage les contenus et à endiguer la fuite d’annonceurs échaudés par les débuts d’Elon Musk à la tête de Twitter.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100762023-07-20T15:54:19Z2023-07-20T15:54:19ZLa chute de Casino consacre-t-elle l’avènement d’un « capitalisme de corrida » ?<p>La liste des futurs « scandales » qui seront débattus dans les cours de gouvernance d’entreprise s’allonge avec un nouveau cas, celui du groupe de distribution Casino (Géant Casino, Casino Supermarchés, Petit Casino, Monoprix, Franprix, Leader Price, Cdiscount, etc.). Le lundi 17 juillet 2023, le conseil d’administration a annoncé la poursuite des négociations pour relancer le groupe avec l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky et le milliardaire français Marc Ladreit de Lacharrière, associés au fonds britannique Attestor, actant la chute du groupe dirigé par Jean-Charles Naouri qui avait conduit au placement sous procédure de sauvegarde des principales holdings en 2019.</p>
<p>Rappelons brièvement l’intrigue. Le 17 décembre 2015, le fond activiste américain Muddy Waters, dirigé par Carson Block, <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2019/09/retenir-de-loffensive-de-muddy-waters-casino">lance une attaque contre Casino et ses holdings</a> de portage en publiant un rapport d’alerte au vitriol. Ce rapport met en évidence le surendettement des holdings qui détiennent les sociétés du groupe, ainsi qu’une trajectoire stratégique défavorable qui ne permettrait pas de générer suffisamment de liquidités pour rembourser les dettes à long terme.</p>
<p>L’opacité de la structure de gouvernance était étrillée. Les auteurs du rapport soulignaient que ce manque de transparence pouvait faciliter tous les abus. La conclusion était sans appel : il était urgent de vendre les actions, de préférence « à découvert ». Et Muddy Waters de se précipiter pour mettre cette recommandation en pratique, provoquant une chute de 20 % du cours de bourse.</p>
<h2>Un travail de justicier… autoproclamé</h2>
<p>Cet épisode 2015-2023 fait immanquablement penser au film <em>Wall Street</em> (1987) d’Oliver Stone. Le personnage principal, Gordon Gekko (incarné par Michael Gouglas), fait figure de matador sans pitié qui repère ses proies et ne parie que quand il est certain. Il l’assume : nous vivons dans un monde darwinien ; les dirigeants sont toujours suspectés d’abuser de leurs positions d’autorité pour s’enraciner et s’enrichir indûment sur le dos de la société, et donc des actionnaires ; dans ces conditions, il répond à ses détracteurs qu’il « ne détruit pas les sociétés » mais qu’au contraire, il les « libère ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VVxYOQS6ggk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du film d’Oliver Stone <em>Wall Street</em> (1987) : « Greed is good » (l’avidité est une bonne chose).</span></figcaption>
</figure>
<p>Omettant bien sûr, en public lors des assemblées générales, de répéter ce qu’il confie au jeune apprenti Bud Fox en privé : que le destin d’un mouton est de se faire tondre.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-TLCaDbBv_s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du film d’Oliver Stone « Wall Street » (1987) : « The art of war » (l’art de la guerre).</span></figcaption>
</figure>
<p>Adaptée au cas Casino et à la figure de Muddy Waters Research et de son dirigeant Carson Block, l’analogie est frappante. On retrouve dans les discours les mêmes postulats d’une forme de darwinisme économique et financier, fondé sur l’efficience à long terme des marchés.</p>
<p>Dans cette conception, les faillites et disparitions sont considérées comme nécessaires et donnent sa dynamique au système. Le travail du justicier est donc d’identifier les cibles à abattre puis de hâter le processus de mise à mort par les cessions de titres à découvert.</p>
<p>C’est exactement ce qui s’est produit dès 2015 avec le rapport de Muddy Waters sur Casino. Mais par-delà ce cas déjà emblématique, ce sont les mêmes ressorts argumentatifs et idéologiques que l’on trouve au cœur de l’attaque de <a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/gotham-city-research-accuse-de-nouveau-ses-imagotag-1959962">Gotham City Research</a> contre la pépite française SES-imagotag. C’est avec ce même procédé que <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/matthew-earl-le-tombeur-de-wirecard-revient-sur-son-combat-pour-faire-eclater-le-scandale-1221031">Zatarra Research</a> et son dirigeant Mattew Earl auront fait tomber <a href="https://theconversation.com/vendeurs-activistes-et-analystes-financiers-des-expertises-antagonistes-183687">l’entreprise allemande de services financiers Wirecard</a> en juin 2020.</p>
<h2>« Tunnel d’attention »</h2>
<p>L’analyse sur la base de la <a href="https://www.editions-ems.fr/boutique/encyclopedie-de-la-strategie/">recherche en sciences de gestion</a> permet cependant d’éclairer plus précisément les différents éléments de la stratégie de Muddy Waters Research pour précipiter la chute de sa cible.</p>
<p>Premier point, il apparaît essentiel d’évaluer l’impact autoréalisateur des prophéties de Muddy Waters Research dans sa communication, le rapport de 2015 ayant conduit à une chute du cours de bourse (un épisode similaire interviendra en 2018 après un simple tweet de Muddy Waters).</p>
<p>Autrement dit, de réinterroger le « <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/ronald-coase">théorème de Coase</a> » selon lequel la nature du financement serait sans impact sur la nature de l’allocation des ressources et des droits de propriété comme sur les décisions d’investissement. Les ventes massives de titres à découvert ont contribué à asphyxier le financement dès lors que l’entreprise faisait appel aux marchés financiers. Avec cette grille de lecture, le rapport de 2015 perd son statut de rapport d’alerte et devient plutôt l’allumette du pompier pyromane, avec l’objectif – d’ailleurs assumé – de rompre la confiance entre la société et les investisseurs.</p>
<p>Deuxième point : l’un des enseignements majeurs de la recherche en stratégie est que la capacité de vigilance et d’attention managériale pour saisir les opportunités nouvelles de développement est l’actif le plus rare et précieux des dirigeants et de leurs équipes de direction. C’est notamment ce qui conduit les chercheurs Robert Simons and Antonio Dávila à proposer de substituer le <a href="https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=how+high+is+your+return+on+management&ie=UTF-8&oe=UTF-8">« return on management »</a> (ROM) aux traditionnels « return on equity » (ROE) ou « return on investment » (ROI). C’est avec une logique très proche que William Ocasio a proposé dans les pages du <em>Strategic Management Journal</em> une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/%28SICI%291097-0266%28199707%2918%3A1%2B%3C187%3A%3AAID-SMJ936%3E3.0.CO%3B2-K"><em>attention based-view of the firm</em></a>, une vision de l’entreprise fondée sur l’attention.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/casino-comment-lempire-de-la-distribution-sest-effondre-208035">Casino : comment l’empire de la distribution s’est effondré</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Autrement dit, à la lumière de tels décadrages/recadrages théoriques, il est loisible de considérer qu’en contraignant les dirigeants d’un groupe à la seule focalisation sur les résultats court terme et à la valeur des actions qui garantissent les dettes, les attaques enferment en quelque sorte les équipes de direction dans un « tunnel d’attention ». Or, si la prophétie d’une disruption de la distribution alimentaire par Amazon envisagée par Muddy Waters dans son rapport de 2015 ne s’est en rien réalisée, les attaques ont assurément privé Casino d’une capacité stratégique d’attention et de vigilance pour gérer la succession des crises (Covid-19, Ukraine, inflation des prix des matières premières, hausse des taux d’intérêt, etc.).</p>
<p>Troisième point : le cas Casino montre qu’il y a une urgence scientifique à aider les entreprises françaises et européennes à s’armer au plan conceptuel et théorique pour les aider à mieux comprendre les ressorts des attaques des Gordon Gekko des temps modernes. Cette question fut en effet largement étudiée avant que le primat de la gouvernance actionnariale ne la disqualifie et ne la fasse disparaître des agendas de recherche. Cela passe par une gouvernance d’entreprise conçue aussi comme un art de la légitime défense.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Autrement dit, un système de gouvernance à l’européenne réellement capable d’exister face aux attaques ne pourra s’arrêter à la seule question des principes, tels que ceux formulés dans la loi Pacte promulguée en France en 2019 pour repenser la place et le rôle des entreprises dans la société.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538284/original/file-20230719-16-7vsyk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Encyclopédie de la stratégie », ouvrage coordonné par Jean-Philippe Denis, Taïeb Hafsi, Alain-Charles Martinet et Franck Tannery.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editions-ems.fr/boutique/encyclopedie-de-la-strategie/">Éditions EMS (première édition Vuibert, 2014)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des travaux dans l’esprit de ceux menés par Yves Gendron, Luc Paugam et Hervé Stolowy démontrent ainsi comment les fonds activistes jouent de la mise en scène et de la rhétorique <a href="https://theconversation.com/shorteurs-activistes-comment-les-fonds-speculatifs-jouent-les-justiciers-sur-les-marches-156765">pour assurer la performativité de leurs prédictions</a> pour parvenir très concrètement à leurs fins. En ce sens, ils renouent avec une certaine tradition de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2005-6.htm">recherche de langue française</a> et se révèlent d’une utilité majeure.</p>
<p>En conclusion, alors que la marche actuelle du capitalisme prend de plus en plus des allures d’arènes de Corridas et de mises à mort préméditées, on gagnerait assurément à méditer non seulement le traditionnel <em>Fly me to the moon</em> de Frank Sinatra (bande-originale du film <em>Wall Street</em>) mais aussi d’excellents titres français, moins connus à l’international, comme <em>La Corrida</em> de Francis Cabrel.</p>
<p>Puisqu’il suffit à l’évidence désormais d’un rapport publié sur Internet par un fonds activiste à découvert pour transformer une entreprise de distribution valorisée plusieurs dizaines de milliards en simple taureau du spectacle.</p>
<hr>
<p><em>Une version « long format » de cet article est disponible en <a href="https://www.dba-knowledge.com/post/vers-le-capitalisme-de-corrida-casino-jurisprudence-strat%C3%A9gique-et-organisationnelle-%C3%A0-m%C3%A9diter">français</a>, en <a href="https://en.dba-knowledge.com/post/vers-le-capitalisme-de-corrida-casino-jurisprudence-strat%C3%A9gique-et-organisationnelle-%C3%A0-m%C3%A9diter">anglais</a> et en <a href="https://de.dba-knowledge.com/post/auf-dem-weg-zum-corrida-kapitalismus-casino-eine-rechtsprechung-zum-nachdenken">allemand</a> sur le site <a href="https://www.dba-knowledge.com">dba-knowledge</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dès 2015, le fonds activiste Muddy Water lançait des attaques contre le distributeur, aujourd’hui en phase de reprise, l’asphyxiant financièrement et l’empêchant de déployer une autre stratégie.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayAlain-Charles Martinet, Professeur émérite en Sciences de Gestion, Management stratégique, Université Jean-Moulin Lyon 3Franck Tannery, Chercheur associé du laboratoire CoActis, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087102023-06-29T19:11:58Z2023-06-29T19:11:58ZStratégie territoriale des entreprises : pourquoi la transition écologique en fait une nécessité<p>Depuis quelques années, le territoire opère un retour en force dans la stratégie des entreprises <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/emmanuel-macron-vante-sa-politique-de-reindustrialisation_AD-202305130182.html">et les politiques économiques publiques</a>. Le fondateur de Tesla, Elon Musk, a ainsi annoncé il y a quelques jours qu’il était « très probable » que le constructeur fasse « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/il-est-tres-probable-que-tesla-fera-quelque-chose-de-tres-important-en-france-indique-elon-musk-20230619">quelque chose de très important</a> en France ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657944795522772995"}"></div></p>
<p>Après avoir été longtemps négligée, la question du choix de l’implantation géographique apparaît en effet de plus en plus présente dans la stratégie des entreprises. Elle est donc suivie de près par les pouvoirs publics, notamment autour du « Made in France ». Non sans résultats, comme en témoigne l’édition 2023, mi-mai, du sommet Choose France où un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/15/au-sommet-choose-france-une-moisson-record-d-investissements-etrangers_6173369_3234.html">record du volume d’investissements étrangers promis à notre pays a été atteint</a>.</p>
<p>Le rapport de l’entreprise au territoire est en effet en train de changer. La polémique autour des peluches Phryges, mascottes des JO de Paris 2024, <a href="https://www.liberation.fr/sports/jeux-olympiques/jo-de-paris-2024-les-peluches-phryges-fabriquees-en-chine-un-probleme-pour-christophe-bechu-20221115_PQSUP5FLFRBQRAMNSKCIC3AV6M/">fabriquées en Chine pour 90 % d’entre elles</a> en est un exemple révélateur. Peut-on encore accepter des délocalisations à outrance, alors que la crise Covid a brutalement rappelé la dépendance de notre pays – et de nombreux autres – en matière de production industrielle ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592517818091962368"}"></div></p>
<p>Qu’il s’agisse de <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/paracetamol-ou-en-est-la-relocalisation-de-la-production-en-france-7900219610">médicaments</a> ou de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-penurie-de-composants-electroniques-se-resorbe-sauf-dans-l-automobile.N2134717">composants électroniques dans l’automobile</a>, la globalisation a conduit à des aberrations dans les circuits d’approvisionnement, donnant l’impression que le seul argument du coût pouvait justifier des distances toujours plus longues.</p>
<p>L’échouage de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ever-given-102132"><em>Ever Given</em></a>, ce porte-conteneurs géant qui a bloqué en mars 2021 le canal de Suez, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/canal-de-suez-le-sauvetage-extreme-du-cargo-echoue-1301474">l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde</a>, a mis en lumière les limites – chaque jour plus évidentes – d’un système dans lequel « produire loin » voudrait dire « produire mieux » dans le seul sens économique du terme – comprenons donc « produire moins cher ». En effet, dans la conception traditionnelle de la stratégie, héritée des principes du modèle néo-classique de la science économique, le lieu d’implantation constitue au mieux une variable d’ajustement mais est, le plus souvent, complètement ignoré.</p>
<h2>Un élément de plus en plus distinctif</h2>
<p>En s’appuyant sur nos travaux de recherche, menés depuis une quinzaine d’années et déjà partiellement présentés dans The Conversation France, nous avons tenté de montrer que la dimension territoriale peut constituer un facteur de différenciation stratégique. Et ce, pas uniquement dans les clusters ou les grandes métropoles, mais aussi dans des zones en apparence moins attractives.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ici-plutot-quailleurs-une-decision-strategique-pour-lentreprise-et-les-territoires-91272">Ici plutôt qu’ailleurs : une décision stratégique pour l’entreprise et les territoires</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">2020, la revanche des territoires ruraux ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Très concrètement, les entreprises qui développent de façon proactive une stratégie territoriale sont de plus en plus nombreuses, ou, en tout cas, de plus en plus visibles. La <a href="https://theconversation.com/comment-les-acteurs-du-commerce-se-reancrent-sur-le-territoire-199542">dimension marketing et commerciale</a> prime souvent, faisant la part belle aux produits de « terroir ». Si on connaît bien les atouts potentiels des labels de type Appellation d’origine contrôlée (AOC) ou Indication géographique protégée (IGP), l’ancrage du produit sur une aire culturelle ou géographique s’avère être de plus en plus un élément distinctif.</p>
<h2>Une intégration des territoires indispensable</h2>
<p>Cependant, une véritable stratégie ancrée sur un territoire, ce n’est pas seulement un emballage ou une publicité : il s’agit de raisonner de façon cohérente sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Ainsi Mousline, la célèbre marque <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-nouvelles-ambitions-de-la-puree-mousline-sous-pavillon-francais-1873933">repassée en 2022 sous pavillon français</a>, achète 85 % des pommes de terre nécessaires à ses purées <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/groupe-caisse-des-depots/mousline-un-ancrage-local-fort-et-une-empreinte-carbone-deja-reduite-1906451">dans un rayon de 25 km</a> autour de son unique site de production situé dans la Somme, affirmant ainsi son attachement local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585581968581971972"}"></div></p>
<p>D’autres entreprises vont plus loin et s’inscrivent dans une logique symbiotique avec le territoire. C’est le cas de l’Institut de Tramayes, implanté dans une petite commune de Saône-et-Loire déjà réputée pour son engagement contre le dérèglement climatique ou la santé en milieu rural, qui propose des <a href="https://www.institutdetramayes.fr/qui-sommes-nous/">parcours de formation pensés à partir de projets pédagogiques</a> au service de l’écosystème local.</p>
<p>De même, les 2 Marmottes, qui produit des infusions et des thés en Haute-Savoie : l’entreprise travaille avec les petits producteurs locaux, mais va beaucoup plus loin avec une <a href="https://www.les2marmottes.com/fr/content/24-charte-des-achats-responsables">charte des achats responsables</a> qui s’engage sur les volets social, environnemental et éthique. Le projet d’entreprise repose ici sur une vision stratégique qui dépasse le critère économique pour intégrer pleinement une responsabilité sociale et environnementale à impact potentiellement positif pour le territoire.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces exemples montrent que la transition socio-écologique ne se fera qu’avec une pleine intégration des territoires dans les projets stratégiques des entreprises. Cette intégration nécessite une prise de conscience réelle des entreprises de leur propre responsabilité sociétale, mais aussi de leur intérêt à intégrer au plus vite la dimension territoriale à leurs stratégies, à leur <a href="https://theconversation.com/la-raison-detre-de-lentreprise-rebat-les-cartes-du-jeu-concurrentiel-129923">« raison d’être »</a> et à <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/entreprises-limportance-de-creer-du-lien-pour-sassurer-de-lattractivite-des-territoires-b08fdc08-c4a4-11ed-93d7-4c4cd65beb9c">leurs actions effectives</a>, dans une logique de cohérence et de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-4-page-141.htm">pleine collaboration</a> avec les acteurs publics et privés concernés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transition écologique impose un retour des questions de l’impact des activités économiques sur les territoires d’implantations. Une rupture impérative dans les stratégies d’entreprises.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR en management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2084042023-06-28T20:05:22Z2023-06-28T20:05:22ZJoséphine d’Yquem : femme entrepreneure du XIXᵉ siècle à l’origine d’un vin de légende<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533752/original/file-20230623-15-cqanj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C73%2C1024%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vignoble d’Yquem fut véritablement transformé avec Joséphine à sa tête, qui lègue notamment le château à ses héritiers.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sauternes_Ch%C3%A2teau_d%27Yquem_01.jpg">Henry Salomé / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Transformer un <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> familial en « Château d’Yquem », et faire de ce Sauternes, le symbole même du <a href="https://theconversation.com/topics/luxe-34482">luxe</a> et l’unique <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">premier cru supérieur</a> dans le <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">classement des vins de Bordeaux opéré en 1855</a>, telle est l’œuvre de Joséphine d’Yquem (1768-1851).</p>
<p>Les aléas de la vie l’ont placée, seule, aux commandes du vignoble dans une France de la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle où la loi ne laissait qu’une place réduite aux <a href="https://theconversation.com/topics/entrepreneures-83039">femmes dans le monde de l’entreprise</a>. Elle a, non seulement défendu ses terres avec énergie sous la <a href="https://theconversation.com/topics/revolution-francaise-59562">Révolution</a> et développé une production d’excellence, mais aussi fait preuve d’un sens de l’<a href="https://theconversation.com/topics/innovation-21577">innovation</a> peu commun.</p>
<p>Par ses <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">choix stratégiques</a>, elle a su aussi construire une marque emblématique.</p>
<p>Le livre <a href="https://editions.flammarion.com/josephine-dyquem/9782080279460"><em>Joséphine d’Yquem : à l’origine d’un vin de légende</em></a>, que j’ai récemment publié chez Flammarion, retrace le parcours de cette visionnaire, étonnamment tombée dans l’oubli. Il a été nourri de larges fonds d’archives, notamment celles de sa famille, conservées depuis plus de deux cents ans, mais aussi de ses écrits, de livres de comptes annotés de sa main et de sa correspondance. Ils soulignent qu’elle peut aujourd’hui être un exemple pour qui se lance dans une aventure entrepreneuriale.</p>
<h2>Une famille d’entrepreneurs</h2>
<p>Née en 1768, Joséphine est issue d’une famille d’entrepreneurs. Son père, Laurent de Sauvage d’Yquem, appartenait à la sixième génération à faire fructifier la propriété. À l’époque, elle était en polyculture, mêlant bois, forêt de pins, prés, et vignes de rouge comme de blanc, chose <a href="https://www.editions-larousse.fr/livre/histoire-sociale-et-culturelle-du-vin-9782035841766">assez courante en ce temps-là</a>.Le cru du domaine était alors apprécié des Anglais et des Hollandais, mais sans beaucoup de notoriété en France. La région, plus largement, n’était <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2007-4-page-3.html">pas connue pour favoriser la naissance de grands vins</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sa mère, Marthe, elle, ne s’intéressait pas au vin. Elle raffolait en revanche d’un aliment nouvellement arrivé en France, par Bayonne dont elle était originaire : le chocolat. Elle en a fait très tôt découvrir les saveurs amères à sa fille, exerçant ainsi son palais et ses aptitudes à la dégustation.</p>
<p>Laurent d’Yquem, ouvert à l’esprit des Lumières, souhaitait s’investir dans l’éducation de sa fille unique, et entreprit d’initier celle-ci aux enjeux de la viticulture. Bien lui en prit, car Joséphine, après une enfance heureuse parmi les vignes de la propriété, se retrouva orpheline avant ses 17 ans.</p>
<h2>Endeuillée et cheffe d’entreprise à 20 ans</h2>
<p>Son père eut tout juste eu le temps, avant sa mort, de préparer son mariage avec son plus proche voisin, Louis-Amédée de Lur Saluces, qu’elle épousa en juin 1785. Sa belle-famille, la famille de Lur Saluces, bénéficiait de puissants protecteurs à Versailles et c’est ensemble que le jeune couple décida de faire connaitre le nom d’Yquem, à la cour du Roi.</p>
<p>Il s’agissait-là de ce qu’on dénommerait maintenant une stratégie d’influence : en présentant leur vin, Joséphine et Louis-Amédée surent transformer les courtisans influents en ambassadeurs de marque, une véritable opération marketing. Le couple réussit également <a href="https://www.abebooks.fr/THOMAS-JEFFERSON-BORDEAUX-QUELQUES-VIGNES-DEUROPE/19157876554/bd">intéresser Thomas Jefferson</a>, ambassadeur et futur président des États-Unis pendant son tour des vignobles bordelais en 1787. Dans son Journal de voyage, il s’émerveille du savoir-faire qu’il observe. Il en commanda, et par la suite en fit commander au Président de l’époque, Georges Washington, un influenceur de choix !</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Quand le 29 octobre 1788, âgé de 27 ans, Louis-Amédée trouva la mort à la suite d’une chute de cheval, Joséphine se retrouva à 20 ans, avec deux enfants, seule à la tête du domaine. Comme veuve, elle avait le droit de gérer l’entreprise familiale, car elle <a href="https://bibliographienumeriquedhistoiredudroit-ifg.univ-lorraine.fr/s/droit/item/89666">changeait de statut juridique</a> : de « femme juridiquement soumise », elle devenait « capable ». Elle fit la preuve de sa forte indépendance, tout en sachant s’adapter. Quand ses arguments ne pouvaient faire plier ses interlocuteurs, elle soulignait habilement dans ses lettres, œuvrer pour son fils :</p>
<blockquote>
<p>« Les intérêts de mon fils mineur ne peuvent plus supporter de retard. »</p>
</blockquote>
<h2>Face à la fièvre révolutionnaire</h2>
<p>Sous la Révolution, Joséphine d’Yquem chercha à maintenir au mieux l’exploitation. Elle démontra une grande capacité de discernement, pour continuer à encourager les équipes. Même arrêtée, elle sut plaider sa cause en rédigeant des pétitions, comme celle du 24 novembre 1793 dans laquelle elle s’adresse aux représentants du peuple à Bordeaux :</p>
<blockquote>
<p>« La citoyenne Joséphine d’Yquem vous expose citoyens représentants qu’elle est détenue dans la maison d’arrêt du ci-devant Sommaire depuis le 24 frimaire, que sa santé depuis plusieurs années par les chagrins et les malheurs qu’elle n’a cessé́s d’éprouver est dans l’état le plus déplorable faute des secours et qu’elle est menacée des accidents les plus funestes qui priveraient les deux enfants encore en bas âges de leur seul appui. »</p>
</blockquote>
<p>En janvier 1794, de nouveau arrêtée et mise en prison, Joséphine d’Yquem alla jusqu’à offrir des bouteilles de vin à ses accusateurs. Elle réussit à obtenir une liberté conditionnelle, sous réserve de se présenter tous les 10 jours devant la municipalité de Bordeaux. On parlerait aujourd’hui au sens littéral du terme de « pots de vin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657023541273870336"}"></div></p>
<p>Dirigeante avisée, elle formait une belle équipe avec son régisseur Garros, qui lui fournissait des comptes rendus précis, plusieurs fois par semaine. Elle voulait tout savoir car c’est elle qui tranchait en dernier ressort. Cette lettre que lui adresse son régisseur l’illustre bien :</p>
<blockquote>
<p>« Madame, veuillez me dire ce que vous désirez sur cela comme sur tout. Je ferai mon possible. Le temps est devenu si beau qu’il m’a un peu guéri de la peur que j’avais pour les rameaux. La vigne est en pleine fleur, vous devez être bien tranquille pour Yquem… »</p>
</blockquote>
<h2>Un nez fin pour innover</h2>
<p>À la tête de son entreprise, Joséphine fait preuve d’un sens aigu de l’innovation, et transforme à la fois son produit, le mode de production et les débouchés commerciaux.</p>
<p>En effet, dès le début du XIX<sup>e</sup> siècle, Joséphine d’Yquem choisit de pousser au plus haut degré́ de perfection son vin par l’art des vendanges. Elle mit en place une sélection attentive des raisins visant, au détriment de la quantité, à ne sélectionner que les raisins atteints d’une « pourriture noble ». Cet oxymore superbe exprime tout l’apport du <em>botrytis cinerea</em>, ce champignon microscopique qui favorise la transmutation du jus de raisin en un vin liquoreux.</p>
<p>On saluerait aujourd’hui cette stratégie de « positionnement commercial ». Avec ses brumes matinales et son bel ensoleillement, le climat du domaine se révéla idéal pour sa maturation. Yquem se transforma alors, grâce à sa dirigeante, en un vin aux arômes surdéveloppés, jusqu’à devenir un cru rare qui compte aujourd’hui parmi les plus célèbres au monde.</p>
<p>En 1826, Joséphine fit encore preuve de son sens stratégique en construisant un chai dédié. Cela constitue une vraie transformation et modernisation d’entreprise : d’une entreprise viticole, Château Yquem devint éleveur de vins. <a href="https://books.google.fr/books/about/Entreprises_et_entrepreneurs.html?id=MaxgQgAACAAJ&redir_esc=y">Une véritable transformation d’entreprise</a>.</p>
<p>Elle sut aussi trouver aussi de nouveaux débouchés, avec la clientèle étrangère mais aussi, de manière vraiment innovante, en sollicitant les nouveaux intervenants que sont les restaurateurs, très haut de gamme. <a href="https://www.europe1.fr/emissions/les-recits-de-stephane-bern/jean-francois-potel-et-etienne-chabot-4160123">Étienne Chabot</a>, partenaire de Jean-François Potel avec lequel il a réinventé la profession de traiteur, compta par exemple parmi les premiers clients de ce circuit.</p>
<h2>Une stratège reconnue</h2>
<p>Joséphine d’Yquem se montra également à son aise pour mener une véritable stratégie marketing et construire une communication pertinente autour de son produit. Pour en souligner l’excellence et souhaitant développer la vente en bouteille, elle conçut une étiquette avec une typographie « vieil or », quasiment inchangée de nos jours. C’est elle encore qui améliora la bouteille, à propos de laquelle <a href="https://www.grasset.fr/livres/le-baiser-au-lepreux-9782246808329">François Mauriac</a> dira un jour :</p>
<blockquote>
<p>« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem. »</p>
</blockquote>
<p>Joséphine d’Yquem accorda également un soin particulier à la relation avec ses clients. À chacun, elle répondait personnellement et adoptait des techniques de fidélisation. Les clients appréciaient et commandaient à nouveau. L’un d’entre eux, mis en confiance, lui écrivit par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Permettez-moi, Madame, de vous adresser tous mes remerciements et de vous demander la préférence, s’il en est encore temps, pour le vin de Sauternes de la récolte de 98 à 456 livres la barrique. »</p>
</blockquote>
<p>Elle dirigea l’entreprise jusqu’au moment de la transmettre à son petit-fils Romain Bertrand de Lur Saluces. Sa mort survint en 1851. Dans son testament, on peut constater combien elle est attentive à chacun, mais aussi à ne pas laisser trop de documents personnels, comme si elle veillait à maîtriser son image.</p>
<p>Quatre ans plus tard, ses multiples innovations efforts trouvèrent une reconnaissance posthume lors du classement des vins de 1855, souhaité par Napoléon III pour l’Exposition universelle de la même année. Château d’Yquem fut le seul des vins blancs bordelais à être évalué́ comme <a href="https://www.bordeaux.com/fr/Notre-Terroir/Classements/Grands-Crus-Classes-en-1855">« Premier Cru Supérieur »</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christel de Lassus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un ouvrage récent retrace le parcours de Joséphine d’Yquem qui, placée par les aléas de la vie seule à la tête d’un petit vignoble familial, sut innover pour en faire le symbole même du luxe.Christel de Lassus, Professeur des Universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075252023-06-12T10:28:41Z2023-06-12T10:28:41ZQuand le greenwashing débouche sur une véritable démarche RSE<p>Beaucoup d’entreprises mettent en œuvre des politiques de <a href="https://theconversation.com/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociale et environnementale (RSE)</a> afin de se présenter sous une belle image et de gagner ainsi en légitimité aux yeux de leurs parties prenantes. Certaines ne sont toutefois pas à la hauteur de leurs prétentions.</p>
<p>Beaucoup n’entreprennent des projets écologiques qu’à des fins de marketing ou pour donner une image de marque à leurs produits. Ou bien ne font-elles que ce que la législation et la pression des parties prenantes les obligent à faire. D’autres utilisent la RSE pour obtenir des avantages concurrentiels à long terme. Elles considèrent ces « stratégies durables » comme un élément essentiel de leur stratégie d’entreprise globale. Les engagements sociaux sont alors alignés sur les objectifs commerciaux.</p>
<p>Pour mieux comprendre la responsabilité sociale stratégique des entreprises, nous avons <a href="https://www.intechopen.com/chapters/83782">analysé</a> les études et théories pertinentes sur les <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégies</a> de RSE. Il en ressort deux types de stratégies de RSE : celles introduites pour faire face à la législation environnementale et sociale et à la pression des parties prenantes (ou RSE réactive) ; et celles considérant la RSE comme un processus de différenciation organisant les performances sociales, environnementales et financières.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a></em></p>
<hr>
<p>Nous avons ainsi examiné comment de grandes entreprises dans le secteur de l’énergie semblent utiliser la RSE pour légitimer de mauvaises pratiques. Des <a href="https://www.globalwitness.org/en/campaigns/greenwashing/fossil-fuel-greenwash-since-launch-of-green-claims-code/#:%7E:text=The%20fossil%20fuel%20industry%E2%80%99s%20insidious%20record%20of%20greenwashing&text=A%202021%20study%20found%20that,action%20over%20misleading%20environmental%20claims.">messages trompeurs</a> ont pu être observés sur les médias sociaux concernant l’investissement dans des projets à faible émission de carbone, l’<a href="https://www.euronews.com/green/2022/09/23/shell-bp-exxon-seized-emails-reveal-deceptive-climate-tactics-and-greenwashing">exploration des gisements augmentant</a> en parallèle. Le secteur de l’énergie est l’un des plus grands pollueurs au monde. Il a produit <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2022/7-repartition-sectorielle-des-emissions-de#:%7E:text=En%202019%2C%20la%20production%20d,%2C%20y%20compris%20la%20construction">47 % des émissions mondiales</a>.) de gaz à effet de serre dans le monde en 2019. À partir de scandales d’« <a href="https://theconversation.com/topics/greenwashing-27714">écoblanchiment</a> » (c’est-à-dire de tromperie du public sur les réalisations environnementales ou « greenwashing »), nos <a href="https://www.intechopen.com/chapters/83415">travaux</a> expliquent également pourquoi et comment la société civile peut jouer un rôle actif dans la promotion de pratiques durables.</p>
<h2>Une RSE purement stratégique ?</h2>
<p>Sur la base d’une analyse de la littérature qui passe en revue les différentes méthodologies de plus de 100 études, nous concluons qu’il est fréquent que les entreprises de différents secteurs utilisent des stratégies élémentaires pour se conformer aux réglementations sociales et environnementales. Elles cherchent à gagner en légitimité aux yeux des parties prenantes sans faire de la responsabilité sociale des entreprises une pierre angulaire de leur stratégie globale.</p>
<p>Les entreprises énergétiques de 55 pays se sont engagées à respecter l’accord de Paris et un monde à émissions nettes nulles, visant à maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C. Mais une <a href="https://oversightdemocrats.house.gov/news/press-releases/oversight-committee-releases-new-documents-showing-big-oil-s-greenwashing">enquête du Congrès américain</a> qui a analysé 200 pages de notes internes d’entreprises a révélé que les <a href="https://www.euronews.com/green/2022/09/23/shell-bp-exxon-seized-emails-reveal-deceptive-climate-tactics-and-greenwashing#:%7E:text=A%20US%20congressional%20investigation%20into,and%20joke%20about%20climate%20collapse%5D">géants du pétrole</a> tels que Shell, Chevron et ExxonMobil se contentaient d’une adhésion de pure forme à l’accord.</p>
<p>On peut lire, par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Shell ne prévoit pas dans l’immédiat de passer à un portefeuille d’émissions nettes nulles sur notre horizon d’investissement de 10 à 20 ans. »</p>
</blockquote>
<p>Selon Richard Wiles, président du <em>Centre for Climate Integrity</em>, ces révélations constituent « la dernière preuve que les géants pétroliers continuent de mentir sur leurs engagements à résoudre la crise climatique et que les décideurs politiques ne devraient jamais leur faire confiance ».</p>
<p>Des affirmations ambiguës, des euphémismes sophistiqués ou des mensonges purs et simples semblent être devenus fréquents dans la communication des entreprises, en particulier en ce qui concerne les activités liées à la responsabilité sociale des entreprises et au développement durable.</p>
<p>Quand cela soulève des accusations d’écoblanchiment, il y a néanmoins matière pour les entreprises à repenser leurs stratégies sociales et environnementales et <a href="https://www.euronews.com/green/2022/09/23/shell-bp-exxon-seized-emails-reveal-deceptive-climate-tactics-and-greenwashing#:%7E:text=A%20US%20congressional%20investigation%20into,and%20joke%20about%20climate%20collapse%5D">introduire des changements efficaces</a>.</p>
<h2>Des retombées parfois positives au <em>greenwashing</em></h2>
<p>Les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JCM-06-2019-3257/full/html">effets négatifs</a> de l’écoblanchiment, tels que la tromperie et la manipulation des consommateurs, l’évitement d’actions concrètes et le blocage de la transition écologique, peuvent être importants. De cette situation peuvent cependant aussi naître des changements positifs. C’est notamment le cas lorsque les parties prenantes, les décideurs politiques et commerciaux et les chercheurs sensibilisent à ces pratiques. Les consommateurs peuvent réclamer plus de <a href="https://www.intechopen.com/online-first/83782">transparence</a> et demander des comptes aux entreprises lorsqu’elles se comportent mal.</p>
<p>L’affaire Volkswagen de 2015 est instructive. Le gouvernement américain avait découvert des « irrégularités » dans les tests mesurant les niveaux d’émissions de dioxyde de carbone affectant des milliers de voitures produites par l’entreprise allemande. L’<a href="https://www.epa.gov/enforcement/volkswagen-clean-air-act-civil-settlement">accord</a> conclu avec l’Agence américaine de protection de l’environnement a poussé l’entreprise à investir dans l’infrastructure et la technologie des véhicules électriques. Par la suite, Volkswagen est devenu un acteur clé sur le <a href="https://www.volkswagen-newsroom.com/en/press-releases/new-auto-volkswagen-group-set-to-unleash-value-in-battery-electric-autonomous-mobility-world-7313">marché des véhicules électriques</a>.</p>
<p>L’engagement public pris par les entreprises peut également inciter les employés à travailler à la réalisation de ces objectifs et contribuer à établir une norme de durabilité pour les entreprises.</p>
<h2>La société civile, motrice de changements</h2>
<p>Autre exemple, en février 2023, l’ONG internationale Global Witness a par exemple accusé l’une des plus grandes compagnies pétrolières, Shell, d’avoir <a href="https://www.globalwitness.org/en/campaigns/fossil-gas/shell-faces-groundbreaking-complaint-misleading-us-authorities-and-investors-its-energy-transition-efforts/">trompé les autorités américaines</a> et les investisseurs sur sa transition écologique.</p>
<p>Shell a révélé dans son rapport annuel 2021 que 12 % de ses dépenses d’investissement étaient consacrées au développement de solutions énergétiques renouvelables et vertes. Cependant, seulement 1,5 % a été utilisé pour développer des sources et des centrales solaires et éoliennes. Global Witness a constaté que l’entreprise entreprenait en fait des projets gaziers nuisibles au climat. L’ONG a déposé une <a href="https://www.sec.gov/newsroom/sec-stories/chair-gary-gensler-marks-2nd-year-sec">plainte</a> auprès de la <em>Securities and Exchange Commission</em> aux États-Unis pour qu’elle enquête sur les affirmations du géant mondial de l’énergie.</p>
<p>Ce n’est pas le seul scandale dans lequel Shell s’est retrouvée impliquée. En 2021, un tribunal néerlandais a jugé la filiale de Shell responsable des déversements de pétrole survenus entre 2004 et 2007 au Nigeria. Il a ordonné à l’entreprise de verser des indemnités aux quatre agriculteurs nigérians qui ont intenté le procès. La réputation de Shell a été gravement entachée. La société s’est engagée à <a href="https://corpaccountabilitylab.org/calblog/2023/2/8/shell-agrees-to-pay-15-million-euros-to-nigerian-farmers-and-fishermen#:%7E:text=A%20historic%20settlement,compensation%20for%20the%20harm%20caused.">dédommager les agriculteurs nigérians</a> à hauteur de 15 millions d’euros et à installer un système de détection des fuites.</p>
<p>Shell s’est également <a href="https://www.britishcycling.org.uk/about/article/20221017-about-bc-static-SHELL-UK-0">associée à un groupe de réflexion</a> militant pour l’environnement, <em>British Cycling</em>, afin de donner une image verte et d’améliorer l’acceptation et la désirabilité de ses produits et services. Mais très vite, British Cycling a été <a href="https://www.independent.co.uk/sport/british-cycling-cycling-shell-british-friends-of-the-earth-b2199756.html">accusée</a> d’écoblanchiment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1287449139559661569"}"></div></p>
<p>Comme nous le montrons dans notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JCM-06-2019-3257/full/html">étude</a>, lorsque les consommateurs prennent conscience d’un comportement socialement irresponsable, leur identification positive à l’entreprise est interrompue. Des citoyens ordinaires ont ainsi participé à la prise de conscience de cas d’écoblanchiment au travers de campagnes de dénonciation. En juillet 2020, une communication trompeuse d’Air France sur ses vols neutres en CO<sub>2</sub> a par exemple été <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/greve-a-air-france/vol-neutre-en-co2-la-petite-mention-d-air-france-qui-fait-tiquer-des-scientifiques_4058309.html">largement retweetée</a>.</p>
<h2>Des annonces abritées par une certaine complexité</h2>
<p>L’empreinte carbone ne peut être évaluée que si les conséquences et les émissions associées à une série de technologies sont prises en compte. Celles-ci vont de l’extraction des matières premières à l’élimination ou au recyclage. Or, de nombreuses technologies liées aux énergies renouvelables dépendent encore, dans une certaine mesure, des combustibles fossiles. De nombreuses entreprises profitent de cette complexité et du marketing pour écologiser leurs modèles d’entreprise sans procéder à des changements significatifs.</p>
<p>Pour lutter contre ce phénomène, il s’agirait alors, pour les pouvoirs publics, d’imposer une certaine transparence, d’implémenter une réglementation efficace et de développer des mécanismes de contrôle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les annonces RSE ne semblent parfois qu’une vitrine ou un moyen de répondre à quelque obligation légale. La société civile peut néanmoins s’en servir pour contraindre les entreprises à agir.Ouidad Yousfi, Associate Professor of Finance, Université de MontpellierMaha El Kateb, Ph.D candidate, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048572023-05-03T20:48:18Z2023-05-03T20:48:18ZBaisse de l’impôt sur les sociétés : comment les entreprises ont pu doublement en profiter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523844/original/file-20230502-26-tiee4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1278%2C843&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anticipant les baisses d’impôts annoncés par le législateur, des entreprises ont su décaler leur déclaration vers les années plus avantageuses.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/calculatrice-calcul-assurance-1044172/">Steve Buissinne / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les périodes d’incertitude comme celle que nous vivons actuellement – après la pandémie, la crise énergétique, l’inflation et la guerre en Ukraine – les gouvernements envisagent différentes politiques pour aider les entreprises à poursuivre leurs activités. L’une des mesures couramment envisagées par les gouvernements est la réduction de l’impôt sur le revenu des sociétés, dans le but d’aider les entreprises et, ainsi, de stimuler l’économie.</p>
<p>La loi de finances française pour 2018 a ainsi mis en place des avantages fiscaux pour les entreprises qui ont bénéficié de <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/global/Documents/Tax/dttl-tax-alert-france-28-september-2017.pdf">réductions progressives de l’impôt sur les sociétés</a> afin de stimuler leurs investissements. So taux a évolué de <a href="https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/1732-2018-is-28-500000-benefices.html">33 % en 2017 à 25 % en 2022</a>. Cette mesure pourrait expliquer une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5418035">progression des investissements</a> en France, participant d’une reprise de la croissance du PIB de 7 % en 2021 après les confinements. C’est en tout cas souvent de cette façon que se justifient des réformes fiscales : des taux d’imposition plus bas peuvent libérer des ressources qui pourraient être utilisées pour <a href="https://www.jstor.org/stable/1818123">accroître l’investissement</a> des entreprises. Le <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/baisse-dimpots-les-profits-des-entreprises-taxes-a-25-en-2022-1348495">document</a> présenté au conseil des ministres indiquait alors de fait :</p>
<blockquote>
<p>« Cette réforme […] améliore la compétitivité des entreprises en général et bénéficie en particulier aux entreprises de taille intermédiaire du secteur industriel ».</p>
</blockquote>
<p>Des <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w4171/w4171.pdf">études antérieures</a> ont cependant montré que les entreprises profitent parfois des réformes fiscales qui réduisent les taux d’imposition des sociétés par le biais d’une pratique connue sous le nom de « transfert intertemporel de revenus ». Cette stratégie vise à transférer le revenu imposable de la période où le taux d’imposition est le plus élevé vers la période où le taux d’imposition est le plus faible, afin de réaliser des économies.</p>
<h2>Une stratégie fiscale effectivement employée</h2>
<p>Voyons cela à l’aide d’un exemple. Imaginons qu’une entreprise française ait un revenu imposable de 400 000 euros en 2017 et le même en 2018. Le taux d’imposition étant de 33 % en 2017 et de 28 % en 2018 pour cette somme, la dette fiscale totale de l’entreprise pour ces deux années serait de 132 000 + 112 000) = 244 000 euros.</p>
<p>Si cette société, en utilisant des stratégies fiscales, transfère 100.000 euros de revenus de 2017 à 2018, son revenu imposable deviendra 300 000 en 2017 et 500 000 en 2018. Ainsi, l’impôt total à payer par la société pour ces deux années serait de (100 000 + 140 000) = 240 000 euros. On voit comment, en transférant une partie de ses revenus, l’entreprise a réalisé une économie d’impôt de 4 000 euros.</p>
<p>Certes, le montant ne semble pas gigantesque. Les chiffres ont ici été retenus car différentes tranches d’imposition s’appliquaient au-delà de 500 000 euros, rendant le calcul plus complexe. Gardons néanmoins en tête que c’est tout de même près de 2 % d’économie d’impôts réalisée, et que cette stratégie a pu être déployée sur plusieurs années de baisses successives entre 2017 et 2022 par des entreprises aux bénéfices qui se chiffrent en millions.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/"><em>Abonnez-vous dès aujourd’hui</em></a></p>
<hr>
<p>Récemment, nous avons mené une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3581685">étude</a> visant à déterminer si les entreprises non cotées d’un pays voisin, l’Espagne, qui a connu une réforme fiscale réduisant les taux d’imposition des sociétés, étaient, dans les faits, impliquées dans de telles stratégies. Les résultats empiriques ont confirmé que les entreprises non cotées ont utilisé la réforme fiscale pour mettre en œuvre des transferts intertemporels de revenus afin d’obtenir davantage d’économies d’impôts.</p>
<p>Les sommes correspondent en moyenne à 0,685 % des actifs totaux. Nos résultats indiquent également que les entreprises qui y ont eu recours ont utilisé les économies d’impôt pour augmenter les investissements dans l’emploi. Enfin, nous constatons également que ces investissements supplémentaires ont permis aux entreprises de conserver la main-d’œuvre nécessaire pour soutenir la croissance attendue de l’activité.</p>
<h2>Comment capter le manque à gagner ?</h2>
<p>Même si nos conclusions empiriques suggèrent que, à première vue, l’objectif de la réforme fiscale semble atteint, cela passe aussi par des mécanismes indirects. Les économies d’impôts supplémentaires, ne l’oublions pas, se font au prix d’une baisse supplémentaire de la collecte de recettes par le Trésor.</p>
<p><iframe id="YerGG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YerGG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Récemment, une <a href="https://www.oecd.org/tax/tax-policy/corporate-tax-statistics-fourth-edition.pdf">étude</a> publiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a montré que la part des recettes de l’impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales totales était de 15 % en moyenne dans 115 pays contre à peine 6 % en France. Ces chiffres sont respectivement de 3 % et 2.5 % si l’on rapporte au PIB. Cela indique que, dans l’Hexagone, seule une petite partie des recettes provient de l’impôt sur les sociétés par rapport aux autres pays de l’OCDE.</p>
<p>La France n’est pourtant pas l’un des pays où le taux d’imposition des sociétés est le plus faible. La raison de ces écarts est que le gouvernement français tire davantage de recettes fiscales d’autres types d’impôts (TVA et impôt sur le revenu en tête) que de l’impôt sur les sociétés.</p>
<p>Par conséquent, même si une réduction du taux de l’impôt sur les sociétés peut être utile en période d’incertitude car les entreprises peuvent disposer de plus de liquidités pour des investissements efficaces, les autorités fiscales devraient prévenir les comportements de planification fiscale en accordant, par exemple, des avantages aux entreprises ayant des opportunités d’investissement ou en mettant en place un ensemble de contrôles tels que des audits fiscaux plus aléatoires, pour tenter de tromper le comportement cité. De cette manière, les entreprises seront moins motivées à transférer les revenus dans le temps afin d’accéder à des flux de trésorerie supplémentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Non seulement elles ont pu bénéficier d’un taux plus avantageux, mais aussi, elles ont su mettre en place des stratégies de planification pour décaler des déclarations de revenus.Cinthia Valle Ruiz, Assistant Professor of Accounting and Tax, IÉSEG School of ManagementDomenico Campa, Associate Professor of Accounting, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024562023-03-26T15:59:20Z2023-03-26T15:59:20ZLa maximisation du profit sous contrainte énergétique, la nouvelle équation des multinationales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517171/original/file-20230323-14-u13f1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1266%2C866&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2022, les principales compagnies pétrolières ont doublé leurs bénéfices.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/97423979@N00/14155111927">Neal Wellons/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La décennie 1980 marque l’irruption des grands groupes dans l’espace mondial de la production et des échanges et le transfert des droits de décision à des fournisseurs localisés à l’étranger. Grâce aux technologies d’information et à la numérisation, le mouvement de découpage, d’externalisation et de délocalisation des tâches, appelé globalisation, a permis la mise en place de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaine-de-valeur-48789">chaînes de valeur</a> mondiales caractérisées par une forte intensité des relations et une baisse des coûts de transaction.</p>
<p>La fluidification de l’espace mondial a accru la mobilité de la production des biens et services permise par un arbitrage entre la propriété (investissements directs à l’étranger) et la coordination (relations contractuelles avec les fournisseurs). Le décentrement de l’analyse <a href="https://e.lavoisier.fr/produit/45668/9782746289024/les-paradoxes-de-l-economie-du-savoir">vers les tâches productives et de services</a> plutôt que vers les biens fournit le cadre théorique de cette démarche : les chaînes de valeur renforcent l’avantage concurrentiel en abaissant le coût du travail pour des compétences de même niveau.</p>
<p>Cette organisation est en grande partie remise en cause aujourd’hui.</p>
<h2>L’importance des actifs primaires</h2>
<p>Une vague néo-protectionniste submerge le monde. Le recentrage de la Chine sur son marché intérieur, la guerre en Ukraine, la segmentation poussée des chaînes de valeur avec pour conséquence la difficulté de contrôler l’ensemble du processus de production et l’influence grandissante du risque géopolitique, ont à la fois ralenti le processus de globalisation et l’ont réordonné géographiquement, ce qui conduit à un périmètre plus réduit de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_occidentalisation_du_monde-9782707145918">l’occidentalisation</a>.</p>
<p>La dislocation de l’espace mondial ne signifie pas la fin de la globalisation, mais une nouvelle conception de l’intégration économique privilégiant l’accès aux actifs primaires. C’est le cas de la Chine qui se globalise par les infrastructures et construit les « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">routes de la soie</a> » en élaborant des accords portant sur des actifs bruts (licences d’exploitation des matières premières, achat de terres cultivables).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-guerre-en-ukraine-transforme-la-carte-des-routes-commerciales-chine-europe-189350">La guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_6433">projet de portail mondial de la Commission européenne</a>, d’un montant de 300 milliards d’euros d’investissements public et privé entre 2021 et 2027 (Global Gateway) vise à financer des projets d’infrastructure hors de l’UE dans le but de contrer les routes de la soie chinoises et à accéder à des matières premières sensibles (terres rares, lithium), que l’UE importe aujourd’hui de Chine.</p>
<p>En fait, de nombreuses entreprises européennes sont soumises à une double contrainte : l’accès à l’énergie (actif primaire) et la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/bifurcations/">décarbonation de l’activité</a>. Les effets économiques sont considérables, y compris chez les fournisseurs. La compétitivité de l’ensemble de la chaîne de valeur est menacée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517161/original/file-20230323-14-ajxdsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">OCDE (2023)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut citer le cas de l’équipementier aéronautique français Safran, qui a ajourné fin 2022 son projet d’usine de freins carbone à Feyzin (Rhône) et accroît la production des usines déjà localisées aux États-Unis et en Malaisie, puis effectue en un second temps un investissement direct aux États-Unis, pays dans lequel le <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/prix-a-la-consommation-de-locde-mise-a-jour-7-mars-2023.htm">prix de l’énergie est resté stable</a> ces deux dernières années (l’énergie représente 40 % du coût de fabrication des freins carbone).</p>
<h2>La primauté de la demande</h2>
<p>L’accès aux actifs primaires n’offre qu’une explication partielle de la recomposition des objectifs et des modalités d’organisation des firmes globales. La numérisation et la gestion des écosystèmes ont modifié les relations entre les coûts du travail et les prix, en particulier dans les secteurs dans lesquels l’inflation progresse sous l’influence de la demande.</p>
<p>La stratégie des entreprises est d’accroître les parts de marché et de maximiser leurs chiffres d’affaires de façon à atteindre des positions quasi monopolistiques (électronique, aéronautique, chimie, pharmacie, etc.) La profitabilité réside avant tout dans la capacité d’exploiter les opportunités de croissance et d’anticiper les modifications de la demande, notamment lorsqu’elle exige l’usage de « technologies propres ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La recherche de l’avantage concurrentiel privilégiait les coûts du travail et la productivité que la démultiplication des tâches dans les chaînes de valeur favorisait. Les chaînes de valeur, recomposées sur le plan régional et plus morcelées, exigent aujourd’hui une normalisation technologique poussée : Safran précise qu’il n’y a pas d’action de décarbonation sans transformation du capital productif de tous les fournisseurs, pour être en mesure de respecter les <a href="https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/ICAO-Council-adopts-new-CO2-emissions-standard-for-aircraft.aspx">normes internationales</a> de certification des émissions de CO<sub>2</sub> pour les avions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585942686409887745"}"></div></p>
<p>Le salaire n’est pas la variable fondamentale dans la réorganisation des grandes entreprises. Ce qui devient crucial, ce sont les coûts de formation et de mobilité de la main-d’œuvre. En revanche, le coût du capital dans la transition écologique exige la maximisation du chiffre d’affaires pour permettre le déclassement des équipements, le financement de lourds investissements en nouvelles technologies, la fermeture de certaines unités.</p>
<p>La demande d’avions commerciaux reste très forte aux États-Unis (avions neufs et rénovation), ce qui justifie l’investissement de Safran qui possède 55 % de parts de marché sur le segment des avions commerciaux de plus de 100 places, devant l’américain Collins Aerospace (Raytheon Technologies). En 2021, ce sont les industries les plus concentrées qui ont connu les plus fortes hausses de prix, ce qui facilite la croissance du chiffre d’affaires et le maintien de marges de profit élevées (11,2 % pour les grandes entreprises du S&P 500).</p>
<p>Par ailleurs, la décarbonation est un moyen d’attirer de nouvelles compétences, principalement celles des nouvelles générations, sensibles à ces nouveaux enjeux.</p>
<h2>Qu’en est-il des Big Oil ?</h2>
<p>Ces entreprises (ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et TotalEnergies) doublent leurs bénéfices en 2022 (<a href="https://www.zonebourse.com/cours/action/BP-PLC-9590188/actualite/Big-Oil-double-ses-benefices-lors-de-la-superproduction-de-2022-42930073/">219 milliards de dollars</a>) en surproduisant pour répondre à une demande qui explose du fait des risques géopolitiques. Le cas de TotalEnergies est significatif d’un comportement oligopolistique qui vise à maximiser le chiffre d’affaires (augmentation de 60 % entre 2021 et 2022) et le résultat net (19,47 milliards d’euros en 2022).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623219722517991424"}"></div></p>
<p>Le développement de l’entreprise passe d’abord par le renforcement de la part de marché permis par une politique à long terme d’acquisitions (2011-2018) : de 60 % de la société US SunPower, de Saft Groupe, de Lampiris, de Direct Energie, etc. Cette stratégie de « glocalisation » (déploiement mondial sur 130 pays conjugué à un ancrage local) permet le développement d’une diversification multiénergies sous la contrainte que les produits amont (pétrole et gaz) doivent régresser progressivement à mesure que les investissements sont orientés vers les énergies renouvelables et à faible émission de carbone.</p>
<p>Le coût du capital se renchérit à la fois pour mener à leur terme les projets d’exploration et de production en cours et pour favoriser le réinvestissement dans d’autres secteurs, le risque étant de déclasser trop rapidement certains capitaux qui exigent d’être comblés par un surcroît d’investissements. L’entreprise a pour objectif d’être un acteur majeur de la transition énergétique et de devenir, en engageant notamment ses fournisseurs, un des <a href="https://totalenergies.com/info/totalenergies-publishes-its-sustainability-climate-2022-progress-report">cinq premiers producteurs mondiaux</a> d’électricité solaire et éolienne en 2030.</p>
<p>D’autant qu’aux États-Unis, <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’Inflation Reduction Act</a>, adoptée en août 2022, permet aux entreprises d’un grand nombre de domaines d’activité (du nucléaire à l’hydrogène en passant par les voitures électriques et l’isolation des maisons individuelles), quelle que soit leur nationalité, de bénéficier de 369 milliards de dollars de subventions pour verdir leur production, sous forme d’aides à l’investissement ou de crédit à la production.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décarbonation, qui nécessite beaucoup de capital, conduit les grandes entreprises à délaisser progressivement la recherche de l’avantage concurrentiel par la baisse du coût du travail.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016442023-03-15T19:57:11Z2023-03-15T19:57:11ZRapport Meadows : pourquoi les alertes de 1972 ont été ignorées par les chercheurs en management ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514806/original/file-20230312-2942-nar6hk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C52%2C1191%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines hypothèses formulées il y a 50 ans par le Club de Rome se confirment aujourd'hui.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/eau-smog-navires-pollution-6675078/">Chris LeBoutillier/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En octobre 1972, le <a href="https://www.clubofrome.org/">Club de Rome</a>, groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des fonctionnaires et des dirigeants d’entreprises, publiait le célèbre <a href="http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf">rapport Meadows</a> qui alertait les dirigeants sur le caractère non durable des stratégies poursuivies par les entreprises occidentales.</p>
<p>Ce rapport s’appuyait sur les travaux réalisés par <a href="https://mitsloan.mit.edu/ideas-made-to-matter/professor-emeritus-jay-w-forrester-digital-computing-and-system-dynamics-pioneer-dies-98">Jay Forrester</a>, alors professeur au Massachusetts Institute of Technology (<a href="https://www.mit.edu/">MIT</a>) avec l’aide de ses collègues <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donella_Meadows">Donella</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dennis_Meadows">Dennis</a> Meadows. La démarche de prospective développée par l’équipe du MIT s’articule autour de cinq variables principales : la population, la production industrielle, la production agricole, les ressources naturelles et la pollution. La conclusion des auteurs est sans appel car :</p>
<blockquote>
<p>« Si les tendances actuelles de croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources se poursuivent sans changement, des limites seront atteintes au cours des cent prochaines années. Et en découlera vraisemblablement le déclin, rapide et incontrôlable, de la population et de la production industrielle. »</p>
</blockquote>
<p>Commandité par des dirigeants et destiné à éclairer la prise de décision, on aurait pu s’attendre à ce que le <a href="https://jancovici.com/en/readings/societies/the-limits-to-growth-donella-meadows-dennis-meadows-jorgen-randers-and-behrens-william-w-iii-1972/">rapport Meadows</a> impacte le champ académique du management et en particulier les travaux en stratégie d’entreprise. Or, les alertes ont été globalement ignorées. Deux raisons complémentaires peuvent expliquer ce rendez-vous manqué.</p>
<h2>Dérive académique</h2>
<p>Tout d’abord, la conjoncture économique des années 1970 va conduire à recentrer le monde académique sur des objectifs stratégiques de performance économique et non de développement durable. Ce qui fait alors problème n’est pas la pollution et les risques d’effondrement mais bien la situation économique qui se dégrade dangereusement.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/chocs-petroliers">choc pétrolier de 1973</a> et la crise économique qui s’ensuivit a marginalisé les analyses du rapport Meadows.</p>
<p>L’urgence de la situation à court terme et la crise énergétique ont relégué au second plan les analyses de fond du rapport Meadows qui propose une prospective à l’échelle du siècle. L’internationalisation et la financiarisation de l’économie l’emporteront très largement sur les hypothèses du Club de Rome d’une fin du monde économique sous l’effet d’une croissance non maitrisée.</p>
<p>Soucieux d’être utiles aux dirigeants, les enseignants-chercheurs en management ont collé aux attentes générées par la crise économique en orientant le contenu de leurs recherches et leurs enseignements autour de ces enjeux. Les questions de compétitivité et de création d’un avantage concurrentiel l’emportent très largement comme le montre le succès des publications de <a href="https://www.hbs.edu/faculty/Pages/profile.aspx?facId=6532">Michael Porter</a> à partir des années 1980.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uky_oUmFVZ0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1972, les alertes pour la planète du rapport Meadows (Franceinfo INA, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>La deuxième raison est liée l’évolution de la recherche en stratégie d’entreprise au début des années 1980 et, en conséquence, à l’enseignement dispensé aux futurs dirigeants.</p>
<p>À la fin des années 1950, les business schools américaines ont en effet été bousculées par deux rapports : le <a href="https://www.jstor.org/stable/2390781">premier</a>, rédigé par les économistes Robert Gordon et James Howell, et le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08832323.1959.10116244?journalCode=vjeb19">second</a> par leur collègue Frank Pierson.</p>
<p>Ces études plaidaient pour une forme d’académisation du champ de la gestion sur le modèle des sciences « dures » (mathématiques, physique, etc.). Dans le même temps, ils préconisent que le cours de <em>business policy</em> reste quant à lui un cours structuré autour d’études de cas.</p>
<p>Si l’effet de ces deux rapports fut moins immédiat et visible que la crise pétrolière, ils ont toutefois conduit à une importante transformation des enseignements et des recherches en stratégie. Jugés trop empiriques et peu généralisables, les enseignements et les recherches en stratégie d’entreprises se sont par la suite développés sur la base d’un formalisme mathématique et de tests économétriques. La faisabilité d’une croissance infinie de la production industrielle dans un monde aux ressources limitées s’est alors éloignée des préoccupations des chercheurs et enseignants en stratégie d’entreprise.</p>
<p>À partir des années 1980, la légitimation du champ de la stratégie dans le concert des disciplines académiques a pris le pas sur l’analyse et la résolution de problèmes complexes auxquels les dirigeants étaient confrontés. La rigueur méthodologique et le raffinement des analyses sont progressivement passés au premier plan des préoccupations universitaires. Les chercheurs en stratégie se sont montrés de moins en moins soucieux d’engager des conversations avec les dirigeants et de s’intéresser à la stratégie telle qu’elle se pratique dans les entreprises.</p>
<p>Pourtant, un certain nombre de chercheurs en gestion, à l’instar de <a href="https://thinkers50.com/blog/thinkers50-hall-of-fame-sumantra-ghoshal/">Sumantra Ghoshal</a> et <a href="https://mintzberg.org/">Henry Mintzberg</a> à l’international et <a href="https://www.univ-lyon3.fr/martinet-alain-charles">Alain-Charles Martinet</a> en France, avaient très tôt souligné l’<a href="https://www.editions-ems.fr/boutique/homo-strategicus-capitalisme-liquide-destruction-creatrice-et-mondes-habitables/">inutilité</a> voire la <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amle.2005.16132558">dangerosité</a> de certains travaux universitaires pour les entreprises et la société plus généralement.</p>
<h2>Quand les hypothèses de 1972 se confirment</h2>
<p>Dans un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jiec.13084">article</a> publié en 2020, la chercheuse néerlandaise Gaya Herrington proposait une actualisation des analyses du rapport Meadows. Elle arrivait à la conclusion que deux scénarios identifiés par les époux Meadows en 1972 se confirment : l’arrêt de la croissance de la population mondiale, de l’industrialisation et de la production alimentaire devraient ainsi intervenir d’ici 2030.</p>
<p>En parallèle, les phénomènes climatiques extrêmes de ces dernières années ont renforcé la prise de conscience d’une transformation sans précédent des équilibres du système Terre. Nous entrons dans l’ère géologique de l’<a href="https://www.editionsbdl.com/produit/refonder-lagriculture-a-lheure-de-lanthropocene/">Anthropocène</a>. Cette transformation est aujourd’hui largement documentée scientifiquement par de nombreuses disciplines reliées aussi bien aux sciences sociales (histoire, géographie, économie) qu’aux sciences fondamentales (climatologie, archéologie, physiques…).</p>
<p>Si les analyses du rapport Meadows pouvaient être considérées comme isolées dans les années 1970, les choses sont très différentes dans les années 2020 car les constats se recoupent et ils émanent de multiples disciplines. Plus personne ne peut aujourd’hui ignorer les synthèses que constituent les <a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">rapports</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui sont sans équivoque.</p>
<p>La recherche en management et en stratégie d’entreprise ne peut donc plus rester sourde à ces alertes. Un des chercheurs phares de la discipline, le professeur américain Jay Barney, admet aujourd’hui qu’il serait souhaitable que les travaux, en particulier la <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.7.5.469">théorie des ressources</a> qu’il a contribué à développer, prennent mieux en compte les différentes parties prenantes de l’entreprise et plus singulièrement l’environnement naturel.</p>
<p>Un repositionnement des objets de recherche et des méthodes semble s’imposer aux enseignants-chercheurs en management et stratégie d’entreprise.</p>
<p>Ce repositionnement implique la construction de nouvelles théories, de nouvelles méthodes et de nouveaux supports de discussion et partage des connaissances. Ce travail prendra au moins une décennie et il est fort possible que d’autres disciplines académiques s’avèrent finalement mieux armées conceptuellement et méthodologiquement pour accompagner les dirigeants d’entreprises dans la construction et la mise en œuvre de nouvelles stratégies intégrant les limites planétaires.</p>
<p>Si ce sursaut épistémique n’est pas mis en œuvre rapidement, tout porte à croire que la légitimité des disciplines de gestion vont s’éroder plus vite encore que la biodiversité et autres déterminants biophysiques que les chercheurs en management se seront révélés incapable d’appréhender dans leurs recherches et enseignements.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est issu d’une <a href="https://www.ifge-online.org/lifge-celebre-les-50-ans-du-rapport-meadows-par-un-seminaire-online-le-2-fevrier/">conférence</a> organisée par l’<a href="https://www.ifge-online.org/">Institut français de gouvernement des entreprises</a> d’EM Lyon Business School ayant eu lieu le 2 février 2023 célébrant les 50 ans du rapport Meadows, avec comme invités Gaya Herrington, vice-president of ESG Research au sein du groupe Schneider Electric.</em></p>
<p>__</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La crise économique des années 1970 mais aussi la recherche de légitimité des sciences de gestion d’entreprise ont progressivement écarté les enjeux de durabilité des priorités.Guillaume Carton, Professeur associé en Stratégie, EM Lyon Business SchoolBertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, EM Lyon Business SchoolThomas Gauthier, Professeur, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1997002023-02-12T17:24:32Z2023-02-12T17:24:32ZComment Renault ou Nissan pourraient-ils gérer un échec dans la mise en place de leur nouvel accord ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509455/original/file-20230210-26-duv4me.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5926%2C3929&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">(De gauche à droite:) Makoto Uchida, CEO de Nissan, Jean-Dominique Senard, président de Renault, Takao Kato, CEO de Mitsubishi Motors et Luca de Meo, CEO de Renault ont entériné le 6 février 2023 une nouvelle alliance devant la presse.</span> <span class="attribution"><span class="source">Daniel Leal / AFP</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Renault et Nissan (ainsi que Mitsubishi) vont donc refondre leur alliance. Pour les 15 prochaines années, chacun gardera 15 % du capital de l’autre. 15 % et pas davantage. Ce sera également la participation que prendra Nissan dans <a href="https://www.agefi.fr/corporate/actualites/quotidien/20230206/renault-nissan-actent-leur-nouvelle-alliance-358495">Ampère</a>, filiale du groupe français consacrée aux véhicules électriques. La marque au losange n’a <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/renault-nissan-le-president-de-l-alliance-assure-que-renault-n-est-pas-perdant-dans-le-nouvel-accord_AV-202302080744.html">pas à y perdre</a>, assure le président de l’alliance Jean-Dominique Senart, même si elle possédait 44 % de la firme nippone dans le cadre d’un précédent accord jugé « un peu paralysant ».</p>
<p>Face à la mondialisation et la digitalisation, les stratégies d’alliances, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969593114000432?via%3Dihub">ne cessent de se multiplier</a> et jouissent d’une grande popularité dans le monde des affaires. En octobre 2022, c’étaient Microsoft et Meta, concurrents directs sur bien des points, qui mettaient des énergies en commun pour que le nouveau casque professionnel de réalité virtuelle, le <a href="https://gamergen.com/actualites/meta-et-microsoft-allient-partir-assaut-monde-professionnel-329617-1">Meta QuestPro</a>, puisse être utilisé dans la suite Microsoft Office et en particulier Teams.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1579891481237950464"}"></div></p>
<p>Il s’agit pourtant d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/strategie-21680">stratégie</a> risquée. Malgré les bienfaits attendus, le taux d’échec moyen <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9781315543673/strategic-alliance-management-brian-tjemkes-pepijn-vos-koen-burgers">avoisine les 50 %</a>. Création de valeur inférieure aux objectifs, dissolution concertée anticipée ou rupture unilatérale de la part d’un des partenaires, les performances s’avèrent souvent <a href="http://faculty.baruch.cuny.edu/tkdas/publications/das-teng_jom00_resourcebasedtheory_31-61.pdf">décevantes</a>.</p>
<p>Alors que la littérature a bien documenté les bénéfices à attendre d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alliance-76658">alliance</a> et les mécanismes qui peuvent être mis en place pour la protéger, peu de travaux, à l’instar des <a href="https://www.theses.fr/2021PA01E052">nôtres</a>, se sont intéressés à la façon de gérer l’échec, quand bien même il survient dans la moitié des cas.</p>
<h2>Éviter l’échec</h2>
<p>Selon la <a href="https://www.jstor.org/stable/3094067">définition</a> la <a href="https://journals.openedition.org/fcs/3368">plus citée</a> dans la littérature académique, celle de Ranjay Gulati, professeur à la Harvard Business School, les alliances stratégiques sont « des accords volontaires entre entreprises impliquant l’échange, le partage ou le co-développement de produits, technologies ou services ».</p>
<p>Les chercheurs ont exploré nombre des motifs les animant. Elles peuvent viser à <a href="https://www.worldcat.org/fr/title/13947161">améliorer des positions sur le marché</a> avec un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1989-31391-001">renouvellement de sa stratégie</a> ou à en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09652549300000005">atteindre de nouveaux</a>, par exemple en s’ouvrant des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/smj.4250090406">canaux de distribution</a> supplémentaires. L’idée peut aussi être de <a href="http://faculty.baruch.cuny.edu/tkdas/publications/das-teng_jom00_resourcebasedtheory_31-61.pdf">développer un avantage concurrentiel</a>, en réalisant notamment des <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/35171512/Mohr_SMJ-libre.pdf">économies d’échelle</a> ou en <a href="https://www.scirp.org/(S(i43dyn45teexjx455qlt3d2q))/reference/referencespapers.aspx ?referenceid=1428760">partageant des risques</a>. Il peut également s’agir, comme dans le cas d’Ampère, d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/smj.4250120908">acquérir ou combiner des compétences</a> et d’accéder à de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smj.4250160804">nouvelles technologies</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour maximiser la réussite de cette stratégie et par là en éviter l’échec, la littérature gestionnaire s’est en outre attachée à en comprendre les facteurs et à proposer des moyens de promouvoir les succès.</p>
<p>C’est ainsi pour réajuster les rapports de force que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/renault-24607">Renault</a> et Nissan ont revu leur partenariat. Leur déséquilibre compte en effet parmi les facteurs internes identifiés comme étant <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203077757/strategies-joint-venture-success-rle-international-business-peter-killing">sources d’échec</a>, au même titre que le <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2016-1-page-51.htm">manque de confiance</a> interfirmes et des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/014920630002600105">conflits sur les orientations</a> à court ou long terme à donner au partenariat. Certaines causes en revanche ne touchent pas à l’alliance elle-même mais au cadre plus large dans lequel elle survient : l’état du marché, son <a href="https://www.jstor.org/stable/2098529">degré de concurrence</a>, la <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/55463459/OrgSci2013-libre.pdf">substituabilité des partenaires</a> et les <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-francaise-de-gestion-2006-5-page-33.htm">réseaux d’autres alliances</a> gravitant autour.</p>
<p>Avoir identifié ces éléments a permis de formuler un certain nombre de recommandations, dans la lignée notamment des travaux d’Olivier Williamson, prix « Nobel » d’économie en 2009. Celui-ci insistait sur les structures de gouvernance permettant de limiter les comportements opportunistes.</p>
<p>Dans leur nouvel accord, Renault et Nissan ont ainsi défini des droits de vote réciproques correspondant à leur part dans le capital des deux groupes, élément qui était absent auparavant.</p>
<blockquote>
<p>« Nissan avait 15 % d’une belle entreprise qui s’appelle Renault mais sans droit de vote, c’est un peu frustrant ; de l’autre côté il y avait Renault qui avec 44 % d’une entreprise au Japon n’avait, en réalité, pas son mot à dire. Je me souviens être assis dans les assemblées générales de Nissan sans avoir le droit de parler, ce n’était pas normal », a expliqué Jean-Dominique Senard devant les caméras de BFM Business.</p>
</blockquote>
<p>Cette gouvernance peut s’incarner dans une fonction de gestion dédiée, celle d’« alliance manager » que décrivent notamment Laurène Blavet et Estelle Boucher-Pellegrin, respectivement ingénieur d’étude et maître de conférences à l’université de Montpellier.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i7PhMbP29dk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Malgré ces recommandations et bonnes pratiques, que se passe-t-il cependant si l’échec survient ? Comment les acteurs concernés en sont-ils informés, et plus largement les parties prenantes ? Comment la dissolution de l’alliance est-elle gérée ?</p>
<p>On parle d’échec, ici, si l’alliance est résiliée, si elle ne crée pas de valeur ou si les objectifs ne sont pas atteints. On exclut par ailleurs les résiliations des alliances de type intérimaire qui visent à atteindre un objectif à court terme et dont la disparition connote plus souvent un succès.</p>
<h2>Renouveler le renouvellement stratégique ?</h2>
<p>Il y a bien là un enjeu de management que nos <a href="https://www.theses.fr/2021PA01E052">travaux</a> de recherche ont tenté d’éclairer à partir d’un cas dans le secteur de la grande distribution. Un enjeu trop souvent, au regard de la fréquence des ruptures anticipées, laissé de côté par la littérature qui vise plutôt à maximiser le succès des partenariats.</p>
<p>Nous montrons premièrement que l’échec ne survient pas du jour au lendemain. C’est tout un processus et les informations quant aux difficultés liées à la création de valeur et à la performance de l’alliance se diffusent en fait progressivement au sein des organisations partenaires. Les acteurs pressentent l’échec, ils « n’y croient plus », n’en « seraient pas étonnés », ils anticipent la dissolution.</p>
<p>Pour autant, vient toujours le moment où les autorités pilotes de l’alliance (en l’espèce, le comité de surveillance) formalisent cet échec par la décision de dissolution. L’annonce est alors gérée de deux façons différentes et par deux types d’acteurs en fonction de l’audience concernée. Auprès des membres de l’alliance, la décision est présentée comme un non-évènement, ou en tout cas un évènement non surprenant :</p>
<blockquote>
<p>« Comme vous vous y attendiez, nous avons décidé de dissoudre cette alliance. »</p>
</blockquote>
<p>Ces mots sont accueillis par les acteurs comme un soulagement pour certains, comme une issue logique pour d’autres. Pour tous, l’enjeu principal porte sur la redéfinition de leurs rôles : les fonctions des acteurs et leurs périmètres d’action dans la nouvelle configuration organisationnelle doivent être adaptés rapidement.</p>
<p>Auprès des fournisseurs et des actionnaires, en revanche, les directions générales des organisations partenaires présentent l’acte comme un « renouvellement stratégique ». Pareil discours peut prêter à sourire dans la mesure où le renouvellement stratégique était au départ… un motif de formation de l’alliance ! Un simple moyen de garder la face ? La chose suggère en tout cas l’importance de penser, en même temps qu’une alliance, et même si cela donne l’impression que l’on ne veut pas croire en ses chances de succès, la manière dont on appréhenderait son échec. Sa probabilité, rappelons-le, est bien loin d’être nulle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199700/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anaïs Boutru ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Se poser la question n’est pas sans pertinence, même si l’on veut toujours croire à un succès au moment de se lancer : la moitié des alliances échoue et la situation est souvent gérée à l’improviste.Anaïs Boutru, Maîtresse de Conférences en Sciences de gestion et du Management, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1978272023-01-15T12:52:54Z2023-01-15T12:52:54ZNomination du général Guerassimov à la tête des opérations en Ukraine : un tournant dans la guerre ?<p>L’opération russe en Ukraine a un nouveau commandant en chef, le général Guerassimov. C’est un « poids lourd » et un vétéran de l’appareil militaire russe : général d’armée de 67 ans, il est depuis 2012 à la fois premier vice-ministre de la Défense et chef d’état-major des armées (CEMA) et, à ce double titre, membre du Conseil de défense nationale.</p>
<p>L’Occident le connaît car il est (à tort) considéré comme le père d’une <a href="https://www.nato-pa.int/download-file?filename=/sites/default/files/2018-12/166%20CDS%2018%20F%20fin%20-%20PARADES%20AUX%20MENACES%20HYBRIDES%20EMANANT%20DE%20LA%20RUSSIE%20-%20RAPPORT%20JOPLING_0.pdf">« doctrine » qui porte son nom</a> théorisant la guerre hybride. Il figure surtout sur les listes de sanctions individuelles adoptée par l’UE en 2014 puis en 2022 en raison de sa contribution aux actions contre l’Ukraine.</p>
<p>Quelle est la portée de cette nouvelle nomination, non seulement sur la guerre elle-même mais sur la posture stratégique de la Russie ?</p>
<h2>Nomination technique, geste politique ou inflexion stratégique ?</h2>
<p>Valéri Guerassimov, qui conserve son poste de CEMA, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-monde-d-apres/le-monde-d-apres-de-jean-marc-four-du-jeudi-12-janvier-2023-3028927">remplace</a> au commandement des forces armées russes en Ukraine le général Sourovikine, qui avait été nommé à ce poste le 8 octobre dernier. Pour autant, ce dernier n’est pas destitué : il est simplement rétrogradé aux fonctions d’adjoint de Guerassimov.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce changement soulève de nombreuses questions en raison de son <em>tempo</em>, du statut du nouveau « chef de guerre » russe et de la donne stratégique. S’agit-il d’une nomination technique d’un spécialiste des opérations militaires ou bien d’un geste politique fort destiné à l’opinion internationale ? Est-ce simplement une sanction contre le général Sourovikine après la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/14/apres-la-liberation-de-kherson-les-ukrainiens-lorgnent-sur-la-crimee_6149718_3210.html">défaite à Kherson</a> et la mort de dizaines (voire centaines) de soldats russes à <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/lhecatombe-de-makiivka-symbole-de-lamateurisme-de-larmee-russe-20230103_STXKZEAFGNADLKJKN52OFE6OJM/">Makiivka</a> le 1<sup>er</sup> janvier ?</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/86vI_yHacL0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Plus généralement, faut-il prévoir une inflexion dans la posture stratégique russe ? La valse des commandants en chef est-elle achevée et cette nomination annonce-t-elle un durcissement supplémentaire ?</p>
<h2>Un « poids lourd » militaire… et politique</h2>
<p>Guerassimov a connu un parcours typique pour les militaires professionnels de la génération née dans les années 1950 : entrés dans la carrière au moment de l’apogée de l’Union soviétique dans les années 1970, ils ont accédé aux grades d’officiers supérieurs après la fin de l’URSS en 1991. Guerassimov, comme son aîné de trois ans Vladimir Poutine, a donc connu l’ivresse de l’hégémonie militaire et l’amertume de la chute stratégique de son pays.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nous-avons-ete-humilies-le-discours-du-kremlin-sur-les-annees-1990-et-la-crise-russo-ukrainienne-176075">« Nous avons été humiliés » : le discours du Kremlin sur les années 1990 et la crise russo-ukrainienne</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Tankiste de formation, il est très sensible à la dimension territoriale de la campagne russe en Ukraine : au niveau technique, sa nomination doit permettre de répondre aux <a href="https://air-cosmos.com/article/plus-de-1200-chars-russes-hors-de-combat-en-ukraine-60863">difficultés rencontrées par les divisions blindées russes</a>. Fer de lance de l’offensive de l’hiver et du printemps 2021, les unités de tanks russes ont subi de nombreux revers, du point de vue des équipements comme sur le plan tactique. Sa compétence (même ancienne) en la matière annonce sans doute une inflexion dans l’usage des blindés en Ukraine – et donc de nouvelles avancées territoriales.</p>
<p>Surtout, Guerassimov est un officier chevronné bien au fait du fonctionnement de l’armée aux niveaux tactique, opératif (à l’échelon de l’opération) et stratégique. Sa principale expérience tactique date de la deuxième guerre de Tchétchénie (1999-2000), une campagne inflexible et très meurtrière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1613502425519759360"}"></div></p>
<p>Plus tard, c’est en tant que CEMA qu’il a supervisé la préparation, le déploiement et la réalisation de la <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/rnv_109_adamsky_campagne_syrienne_moscou_2018.pdf">campagne russe en Syrie à partir de l’été 2015</a>. En somme, à la différence du général Sourovikine, il peut se targuer d’un spectre d’expérience militaire très large, du terrain aux cercles politiques, des conflits sur le sol national aux opérations extérieures lointaines. Combinée à sa longévité au poste de CEMA et à la confiance dont celle-ci témoigne de la part de Poutine, cette carrière lui confère au sein de l’armée un prestige qui est sans équivalent, même pour le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou.</p>
<p>C’est donc un vétéran des commandements opérationnels, un apparatchik des états-majors et un familier des cercles de décision politique qui est désormais en charge de la guerre en Ukraine. Une décision qui semble confirmer qu’une nouvelle offensive russe de grande ampleur est prévue pour les prochaines semaines.</p>
<h2>Un nouveau chef pour une nouvelle offensive ?</h2>
<p>Le nouveau commandant en chef de l’opération devra renforcer la coordination interarmées, <a href="https://ecfr.eu/article/lessons-for-the-west-russias-military-failures-in-ukraine/">traditionnellement déficiente en Russie</a>. Pour bien des observateurs, la mauvaise coopération entre l’artillerie, l’infanterie et la dimension aérienne est une explication majeure des revers subis depuis août 2022, au premier rang desquels la reprise de Kherson par les Ukrainiens en octobre.</p>
<p>En outre, Guerassimov est très conscient de l’importance du <em>continuum</em> entre les outils militaires et civils dans les conflits. <a href="https://inmoscowsshadows.wordpress.com/2014/07/06/the-gerasimov-doctrine-and-russian-non-linear-war/">Dans un discours prononcé en 2013</a> sur les révolutions arabes, il avait insisté sur l’usage de moyens médiatiques, culturels, financiers et sociaux pour préparer les opérations militaires. C’est ce qui avait conduit à lui attribuer l’invention d’une doctrine de « guerre hybride ». Sa nomination pourrait donc non seulement répondre aux déficiences de coordination entre armes sur le terrain mais également préparer une offensive multidimensionnelle en 2023, par exemple dans le cyberespace, sur les scènes politiques régionales ou encore sur des théâtres territoriaux connexes comme le Caucase Sud, la mer Noire ou encore la Moldavie.</p>
<p>Le prestige militaire national lié à son statut de « héros de la Fédération de Russie » doit également permettre, dans l’esprit des dirigeants russes, de reprendre en main la mobilisation des réservistes actuellement en cours. La « catastrophe de Makiivka » le 1<sup>er</sup> janvier 2023 avait pointé un certain <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/general-trinquand-la-frappe-de-makiivka-montre-lamateurisme-des-forces-russes-XB5IDLKZ7NDFTKWVOHIOU3ECXA/">amateurisme organisationnel</a> et un certain laxisme disciplinaire des officiers encadrant les nouveaux mobilisés. L’arrivée du CEMA à la tête de l’opération devrait consolider la chaîne de commandement au sein de l’institution militaire pour améliorer la discipline à l’intérieur et, éventuellement, élargir la mobilisation, même s’il est encore trop tôt pour savoir si cette nomination prépare une mobilisation générale.</p>
<p>En somme, sur le plan militaire, cette nomination donne des indications fortes sur la nature et le rythme de la nouvelle offensive russe à venir. Celle-ci utilisera toutes les composantes des forces armées russes (terre, air, mer, cyber, forces spéciales, auxiliaires de la société Wagner) et sera probablement élargie à la région dans son ensemble : les Russes, sous Guerassimov, se montreront sans doute plus actifs en mer Noire et à partir du territoire de l’allié biélorusse. Au niveau militaire, l’opération russe en Ukraine n’est plus « spéciale » au sens où elle n’est pas l’usage d’un corps expéditionnaire chargé de prendre possession rapidement d’un État considéré comme faible. Elle devient stratégique au sens où elle est planifiée dans un sens multidimensionnel et de long terme.</p>
<h2>Syndrome Joukov ou malédiction Lebed ?</h2>
<p>Quels sont les bénéfices et quels sont les risques de cette nomination pour la direction politique et, en particulier, pour Vladimir Poutine ?</p>
<p>Changer fréquemment de commandement militaire est un aveu d’insuccès. De même, nommer le CEMA commandant d’une opération souligne que le vivier des chefs militaires est limité et que l’échelon politique se prive de « fusibles ». La rétrogradation du général Sourovikine acte les revers russes de l’automne. Et en confondant le niveau stratégique (celui du CEMA) avec le niveau opératif (celui du chef de l’opération militaire), le niveau politique s’expose. En cas d’échec patent, le bouc émissaire médiatique sera tout désigné : le CEMA. Or la proximité de celui-ci avec le ministre de la Défense et le président de la Fédération signifie que son échec serait aussi, plus directement que sous Sourovikine, celui des dirigeants du pays.</p>
<p>Enfin, sur le strict plan politique, cette nomination souligne la compétition entre cercles dirigeants pour bénéficier du soutien du président russe.</p>
<p>La guerre en Ukraine et ses résultats (maigres) pour la Russie ont aiguisé les rivalités internes. La question du dauphin de Vladimir Poutine se repose dans des termes nouveaux, plus durs mais plus ouverts. La communication publique du groupe Wagner et de son dirigeant, Evguéni Prigojine, manifeste l’appétit de promotion de celui qui a longtemps été surnommé le « cuisinier de Poutine » car il avait commencé par la création d’une chaîne de fast food. Il n’avait d’ailleurs pas hésité, fin décembre, à <a href="https://www.businessinsider.com/wagner-group-prigozhin-backs-video-cursing-russia-top-general-gerasimov-2022-12?r=US&IR=T">s’en prendre avec véhémence à Guerassimov</a>, le jugeant responsable d’un mauvais approvisionnement des troupes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1613089191578968065"}"></div></p>
<p>De même, l’ancien premier ministre et président Dmitri Medvedev essaie depuis plusieurs mois de rallier à lui les mouvements nationalistes en multipliant les déclarations xénophobes provocatrices. D’autres acteurs encore, plus discrètement, essaient d’exploiter l’évolution du conflit pour gagner les faveurs de Poutine.</p>
<p>Quant à Guerassimov lui-même, sa nomination l’expose comme jamais. Bien sûr, son autorité sera ruinée en cas de revers militaires. Mais en cas de succès, le CEMA sera également en danger. S’il tente de gagner une dimension politique, il pourrait être victime de la « malédiction Lebed ». On se souvient que le général Alexandre Lebed avait essayé d’exploiter son prestige militaire acquis en Afghanistan (du temps de l’URSS) et en Moldavie (après l’indépendance) pour <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/09/11/alexandre-lebed-a-annonce-sa-candidature-a-l-election-presidentielle-russe_3566774_1819218.html">faire une carrière politique</a>. Il avait disparu dans un <a href="https://www.letemps.ch/monde/alexandre-lebed-ne-connaitra-jamais-victoire-venir-tot-tard">accident d’hélicoptère</a> dont les causes sont controversées.</p>
<p>De même, avec cette nomination, le président Poutine pourrait être confronté à un « syndrome Joukov ». Le maréchal <a href="https://www.cairn.info/les-marechaux-de-staline--9782262085384-page-243.htm">Joukov</a> s’était imposé, en 1944 et 1945, comme l’un des grands vainqueurs militaires de la Seconde Guerre mondiale. Staline avait d’abord bénéficié du prestige de Joukov pour faire oublier l’effondrement soviétique de 1941 face à l’armée allemande. Mais il avait ensuite tout fait pour marginaliser ce maréchal très populaire avant d’engager de nouvelles purges dans l’armée.</p>
<p>En un mot, la nomination du général Guerassimov annonce non seulement une nouvelle offensive plus rigoureuse et plus continue sur le plan militaire mais aussi une nouvelle posture stratégique à l’échelle de la région… et, possiblement, une nouvelle donne politique à Moscou.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Laurent Célérier et à Florent Parmentier pour leurs contributions à cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le chef d’état-major de l’armée russe sera désormais directement en charge de la guerre en Ukraine. Cette nomination aura des effets militaires mais, aussi, politiques.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959852023-01-11T17:39:04Z2023-01-11T17:39:04ZAssocier les salariés à la gouvernance : quels profils pour quelles perspectives ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503060/original/file-20230104-22-y236e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6397%2C4300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ils ont su se faire une place, mais restent encore parfois en marge, notamment sur les questions stratégiques</span> </figcaption></figure><p>La gouvernance des actionnaires est souvent mise en avant comme au moins partiellement responsable de nombreux scandales organisationnels. <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/orpea-les-actionnaires-frondeurs-attaquent-20221103">Orpea</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/09/15/big-pharma-labos-tout-puissants-big-profits-big-scandales_6052307_3246.html">Big Pharma</a>, <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-gouvernance-de-lentreprise-de-demain-sera-partagee/?post_id=31068&export_pdf=1#:%7E:text=La%20loi%20PACTE%2C%20vot%C3%A9e%20en,a%20pas%20modifi%C3%A9%20les%20%C3%A9quilibres">fusion Suez-Veolia</a> ou <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/psa-mediapro-wirecard-les-feuilletons-dentreprises-de-lannee-2020-1276871">Unibail</a>, dans ces affaires qui ont fait l’actualité ces dernières années, ils ont chaque fois été, pour une raison ou une autre, pointés du doigt.</p>
<p>Face à cela, la France s’est posée comme <a href="https://theconversation.com/associer-les-salaries-a-la-gouvernance-dentreprise-une-invention-francaise-et-pas-allemande-191197">pionnière en matière d’association des salariés à la gouvernance</a>. La <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/269300-loi-22-mai-2019-pacte-croissance-et-transformation-des-entreprises">loi Pacte</a>, promulguée le 22 mai 2019, a approfondi ce qui semble être un véritable <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/reforme-lentreprise-modele-francais-codetermination">modèle dit de « codétermination</a> » à la française. La présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration (CA) avait été rendue obligatoire par la loi Sapin du 14 juin 2013, à raison de deux dès douze membres non-salariés. La loi Pacte a <a href="https://www.actu-juridique.fr/affaires/la-loi-pacte-et-le-droit-du-travail/">abaissée le seuil à huit</a> et élargi l’obligation, sous certaines conditions, à des entreprises non-cotées.</p>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.34847/nkl.a7a24e64">rapport récemment publié</a>, nous avons tenté de dresser un bilan de cette représentation des salariés dans les CA d’entreprises côtés du SBF 120 depuis début 2000. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/corg.12345">Des travaux récents</a> avaient fait le lien entre représentation des salariés et différentes formes de performances (économique, financière, boursière, environnementale, de gouvernance), mais pointaient aussi la nécessité d’étudier ces relations au prisme des attributs sociodémographiques de ces administrateurs singuliers : quel est leur degré d’implication à la prise de décision ?</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Nous nous sommes intéressés aux deux catégories de salariés au sein des conseils d’administration (ou de surveillance) des entreprises : les administrateurs représentant des actionnaires salariés et les administrateurs représentant l’ensemble du personnel. Les tendances que nous relevons sont à la fois originales et contre-intuitives, et pallient l’absence de données statistiques consolidées sur le sujet.</p>
<p>Parmi les multiples angles adoptés dans le rapport, nous présentons ici trois tendances significatives issues de nos résultats en matière de féminisation, de modes de représentation et d’appartenance aux comités du CA.</p>
<h2>Une féminisation en hausse… relative !</h2>
<p>La féminisation des représentants des actionnaires salariés, pour commencer par ce point, est historiquement très faible. Un progrès notable a toutefois été induit par la loi dite <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/les-quotas-obligatoires-meilleur-outil-pour-feminiser-la-direction-des-entreprises_AV-202212120480.html">« Copé-Zimmermann »</a> du 27 janvier 2011 qui imposait un quota de 40 % minimum de représentant de chaque sexe au sein des conseils d’administration.</p>
<p>La tendance à la féminisation des CA par les représentants des actionnaires salariés semble cependant désormais réversible car ils ne sont <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042339613">plus pris en compte</a> dans le calcul de ce quota depuis la loi Pacte. Cette évolution visait à harmoniser le traitement des représentants des salariés et des représentants des actionnaires salariés dans le calcul du taux de féminisation des CA.</p>
<p><iframe id="cl5oJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/cl5oJ/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette nouvelle donne comptable pourrait conduire les organisations à devoir se reporter vers d’autres leviers de féminisation. D’autant que l’on remarque par ailleurs, en moyenne, une diminution de la féminisation des représentants des salariés dans les CA diminue sur 20 ans (passant de 50 à 40 %).</p>
<h2>Une nouvelle donne syndicale ?</h2>
<p>Rappelons ensuite que, depuis 2013, d’après le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042339592">Code de commerce</a>, les administrateurs représentant les salariés peuvent être déterminés selon quatre modalités distinctes : élus par les salariés ; désignés par le comité d’entreprise de la société (ou le comité de groupe ou comité central d’entreprise) ; choisis par l’organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections (ou individuellement par les deux premières lorsqu’au moins deux administrateurs sont à désigner) ; nommé par le comité d’entreprise européen.</p>
<p>L’évolution légale a été tout sauf anecdotique. Elle a eu des conséquences notables sur certains attributs des administrateurs salariés, et plus largement sur la gouvernance.</p>
<p><iframe id="d1FR7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/d1FR7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On remarque notamment que l’organisation d’élections pour représenter les salariés aux CA devient un mode minoritaire dès 2014. Lors de la présentation de notre rapport à une assemblée de représentants, l’un d’entre eux nous expliquait que les raisons étaient, selon lui, très probablement liées aux coûts importants et à la complexité de l’organisation du scrutin, et que cette diminution se fait principalement au profit de la désignation par le Comité d’entreprise.</p>
<p>Dans l’internationalisation des entreprises réside un autre élément d’explication et l’apparition d’élus au niveau du Conseil européen d’Entreprise n’est pas sans conséquence. On observe déjà 15 % des représentants des salariés qui sont internationaux dès 2014. L’introduction de ces multiples modes a fait mécaniquement diminuer le taux des représentants salariés qui déclarent avoir une appartenance syndicale, et ce malgré la désignation rendue possible par les syndicats.</p>
<h2>Les comités du CA, le nerf de la guerre ?</h2>
<p>Un mot enfin sur les comités spécialisés. Leur mission est de contribuer aux réflexions du CA et d’accompagner la prise de décision de cet organe. Leur fréquence de réunion n’est pas fixe, elle est déterminée en fonction de l’avancée des travaux et ils fonctionnent par grandes thématiques (responsabilité sociale et environnementale, nominations, audit, rémunération, etc.).</p>
<p>Certaines entreprises systématisent la participation des administrateurs représentants des salariés à chaque comité spécialisé. C’est le cas d’Orange par exemple. L’Institut français des administrateurs, association qui veille à promouvoir une gouvernance responsable, <a href="https://www.ifa-asso.com/mediatheques/les-administrateurs-salaries-dans-la-gouvernance-une-dynamique-positive/">recommande</a> d’ailleurs cette systématisation, en accord avec les demandes des organisations syndicales.</p>
<p>Sur l’ensemble de la période, la participation est à la hausse, à la fois pour les représentants des salariés et pour les représentants des actionnaires salariés. Cependant, elle se fait de manière inégale selon les missions. Le comité Responsabilité sociale et environnementale (RSE), dont les créations se <a href="https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/le-virus-de-la-rse-atteint-les-%20conseils-d-administration-150003.html">multiplient</a> en lien avec les pressions sociétales et politiques, est souvent réservé aux représentants des salariés, au détriment, de <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/a-quoi-sert-un-administrateur-salarie_2017179.html">l’avis de certains représentants</a>, de leur participation au comité stratégique. C’est même un effet de glissement de l’un vers l’autre que l’on observe.</p>
<p><iframe id="Jf8M5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Jf8M5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’instar de ce qu’ont par exemple fait Capgemini ou Vinci, les deux comités Stratégie et RSE pourraient être fusionnés en un seul. Cela permet, d’une part, de ne pas aborder les questions stratégiques sans aborder les questions de RSE, et, d’autre part, d’éviter de se servir du comité RSE comme un comité d’accueil des représentants des salariés que l’on voudrait, consciemment ou non, éloigner des questions stratégiques.</p>
<p>Nous disposons en tout cas désormais des données nécessaires pour étudier la diversité des administrateurs comme un levier de bonne gouvernance. Les travaux à venir seront d’autant plus importants que leur nombre croît dans les conseils.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195985/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Gaillard est membre du Bureau et du CA de l'AGRH, et de la faculté du Business Science Institute.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mehdi Nekhili ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Féminisation, poids des syndicats, dossiers sur lesquels on les consulte… Une étude récente dresse le bilan.Mehdi Nekhili, Professeur des Universités, Le Mans UniversitéHugo Gaillard, Maître de conférences en Sciences de gestion, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970662022-12-29T17:52:11Z2022-12-29T17:52:11ZPourquoi changer le nom d’une commune ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502626/original/file-20221223-41063-6vo7oy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C770&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nouveau nom au 1<sup>er</sup> janvier pour Montreuil-sur-Mer, anciennement Montreuil, la ville de Jean Valjean.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dguendel/Wikimedia Commons</span></span></figcaption></figure><p>Bono, Cadillac, Cramchaban, Montreuil et Saint-Christophe. Telles sont les cinq communes, situées respectivement dans le Morbihan, en Gironde, en Charente-Maritime, dans le Pas-de-Calais et dans l’Allier qui <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046285138">changeront de nom au 1ᵉʳ janvier 2023</a>. Il faudra désormais les appeler Le Bono, Cadillac-sur-Garonne, Cram-Chaban, Montreuil-sur-Mer et Saint-Christophe-en-Bourbonnais.</p>
<p>L’an passé, elles étaient au nombre de 11, et le phénomène n’a rien d’une mode récente. Au cours de l’Histoire, les guerres et invasions, les regroupements et les scissions ou simplement l’évolution de la langue ont conduit nombre de communes à être rebaptisées. À la Révolution, elles n’ont pas été moins de 3000 concernées. Un décret de la Convention nationale du 16 octobre 1793 a en effet appelé à modifier « les noms qui peuvent rappeler les souvenirs de la royauté, de la féodalité ou de la superstition ». Si la plupart des communes ont ultérieurement retrouvé leur appellation d’origine, la problématique du changement de nom n’a pas pour autant disparu.</p>
<p>Depuis 1943, le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/historique-commune">fichier historique des communes de l’Insee</a>, adossé au Code officiel géographique (COG) permet de recenser les évolutions officielles. Près de 1352 changements sont ainsi recensés en plus des cinq de cette année, et ce sans comptabiliser les créations de communes nouvelles. Depuis 2000, le nombre s’élève à 165.</p>
<p><iframe id="ITxtA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ITxtA/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un allongement du nom, Saint-Loup devenu par exemple Saint-Loup-des-Bois ; Laval, Laval-en-Belledonne. Les changements d’orthographe ou de typographie (de Sougéal vers Sougeal, Montgaillard vers Montgailhard) ne sont pas rares non plus, contrairement aux simplifications telles qu’un passage de Champdeniers-Saint-Denis à Champdeniers, et aux modifications combinatoires du type Barret-le-Bas vers Barret-sur-Méouge.</p>
<p>Le choix d’un nom nouveau est, lui, encore plus rare et les nouveautés totales semblent se limiter aux cas de fusions. Dans les Côtes-d’Armor, suite à la fusion de Plémet et La Ferrière en 2016, la commune nouvelle est appelée Les Moulins (avant de reprendre le nom de Plémet dès la fin 2017).</p>
<p>Quand elle n’est pas contrainte par une réorganisation administrative, qu’est-ce qui peut bien pousser un conseil municipal à entreprendre la démarche ? Ce que nous montrons dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2007-2-page-269.htm">travail de recherche</a> récent, c’est que, bien que cela ne puisse pas être présenté comme un motif devant les administrations centrales, les enjeux d’image tiennent une place centrale.</p>
<h2>Une procédure très encadrée</h2>
<p>Revenons tout d’abord sur la procédure à suivre pour en montrer les limites. La <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/sites/default/files/Accueil/Notes%20de%20la%20DGCL/2021/Instruction%20des%20demandes%20de%20changement%20de%20nom%20des%20communes.pdf">note d’information relative à l’instruction de demandes de changement de nom des communes</a> du 6 février 2021 rappelle les différentes étapes et les différentes contraintes.</p>
<p>Est considéré comme changement de nom, toute modification du nom officiel, y compris « de simples rectifications d’orthographe ». La demande de changement doit être initiée par la commune par une délibération du conseil municipal transmise au préfet du département. Celui-ci vérifie le respect des règles de graphie liées notamment aux traits d’union, aux majuscules ou aux accents. Il sollicite l’avis du service des archives départementales, puis saisit le Conseil départemental pour avis.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Suite à la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039184994/">suppression de la Commission de révision du nom des communes</a> en 2019, l’acceptation ou le refus du changement se fait par un simple examen des dossiers par la <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/direction-generale-des-collectivites-locales">Direction générale des collectivités locales</a> (DGCL), contenant les délibérations et avis de tous les acteurs précités. Pour prendre sa décision, elle tient compte du respect des règles de jurisprudence du Conseil d’État selon lesquelles un changement de nom doit être justifié par la volonté de retrouver une appellation historique ou bien la volonté de se différencier d’autres communes.</p>
<p>En revanche, les changements fondés « sur des considérations de simple publicité touristique ou économique » sont rejetés. La DGCL peut aussi consulter des personnalités issues par exemple de la Commission nationale de toponymie, de l’Institut national de l’information géographique et forestière (l’IGN), du Centre national de la recherche scientifique (le CNRS) ou des Archives nationales.</p>
<h2>Des erreurs régulières</h2>
<p>Bien que strictement encadrée, la procédure semble néanmoins imparfaite. Notamment, car les conséquences d’une « modification des limites territoriales des communes », comme c’est le cas notamment de la création d’une commune nouvelle suite à une fusion, sont exclues de la procédure.</p>
<p>Dans cette situation, le changement de nom est décidé par les autorités ayant approuvé la fusion et fait l’objet d’un arrêté préfectoral. Or selon le média <a href="https://www.maire-info.com/administration/changement-de-nom-d%E2%80%99une-commune-la-procedure-et-les-regles-%C3%A0-respecter-article-25071">Maire Info</a>, « plus du tiers des noms de communes nouvelles créées entre 2015 et 2017 (168 sur 479) étaient orthographiés de façon impropre ». C’est-à-dire qu’ils ne respectaient pas les règles de graphie, en raison de l’absence ou d’un mauvais usage des majuscules, traits d’union ou accents. C’est le cas par exemple des nouvelles communes de « La Corne en Vexin », sans traits d’union, ou de la ville du général de Gaulle « Colombey les Deux Eglises », sans trait d’union ni accent sur « Eglises » (seul l’accent est revenu depuis).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=231&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=231&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=231&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=290&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=290&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502625/original/file-20221223-40118-h71gyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=290&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En changeant de nom à la suite d’une fusion, Colombey les Deux Églises a perdu ses tirets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">René Hourdry/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si de telles erreurs semblent désormais moins fréquentes, il est assez frappant de noter qu’un nombre élevé de changements concernent des modifications du nom qui avait été choisi lors de la création d’une commune nouvelle. En 2022, Le Hom (Calvados) est ainsi devenu Thury-Harcourt-le-Hom. Idem pour Capavenir Vosges redevenu Thaon-les-Vosges.</p>
<p>Surtout, si la procédure actuelle a le mérite d’éviter les changements abusifs ou arbitraires, elle semble ignorer les enjeux de communication liés au nom des communes, et plus généralement des collectivités. Or ils existent bel et bien.</p>
<h2>Des enjeux d’image indéniables</h2>
<p>En effet, au-delà de ce que permet la loi, l’analyse permet dans les faits de mettre en évidence quatre grands types de changements. Les changements d’orthographe ou de typographie se limitent à des modifications mineures visant généralement à simplifier l’écriture, à faciliter la prononciation ou à retrouver une graphie altérée par l’usage. Ainsi, cette année, l’orthographe « Cram-Chaban » permet de retrouver l’ancien nom de la commune, correspondant à la combinaison du nom du village « Cram » à celui de son principal hameau « Chaban ». De la même façon, le nom « Le Bono » étant très largement utilisé pour désigner la commune, il deviendra, au 1<sup>er</sup> janvier, le nom officiel en remplacement de « Bono ».</p>
<p>Les changements de différenciation sont ceux qui permettent de mieux situer géographiquement une commune et d’éviter les confusions avec des communes homonymes. Ils s’effectuent généralement en ajoutant une référence régionale ou locale, à l’instar de Saint-Christophe-en-Bourbonnais. Ce type de changement a été et reste encore largement encouragé par les pouvoirs publics. Il reste encore par exemple neuf communes françaises homonymes dénommées « Saint-Pierre ».</p>
<p>En dépit de ce que pose la note d’information prémentionnée, on retrouve également des changements d’image, ceux qui visent à donner une image plus forte, plus positive, plus moderne ou plus touristique. Ils consistent généralement à simplifier des noms à rallonge, à éliminer certains termes jugés péjoratifs tels que « froid » ou « bas » ou à choisir un nom valorisant, avec des connotations positives. Veules-les-Roses ou Condé-en-Normandie sont des appellations plus touristiques que Veules-en-Caux ou Condé-Noireau par exemple.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En 1997, la préfecture de l’ancienne région Champagne-Ardenne, Châlons-sur-Marne, devient Châlons-en-Champagne. Certes les deux noms cohabitaient dans le langage courant, mais qui niera qu’il n’y a pas aussi là des enjeux d’image et de tourisme ? De même, en Dordogne, pour Montignac qui devient en 2020 Montignac-Lascaux.</p>
<p>Ces enjeux ne sont pourtant pas nouveaux. L’<a href="http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-486113&M=tdm">ordonnance du 8 juillet 1814</a> recommandait ainsi aux communes ayant adopté des noms révolutionnaires de reprendre leur ancienne appellation dans la mesure où « leur nouvelle dénomination, inconnue même dans les départements dont ces communes font partie, est nuisible aux relations de commerce ». À une époque où les <a href="https://theconversation.com/le-maire-doit-il-gerer-une-ville-comme-une-entreprise-131094">maires sont aussi devenus des managers</a>, peut-on encore considérer que le changement de nom ne soit pas directement lié à des objectifs de communication ?</p>
<h2>Un signal</h2>
<p>Les changements stratégiques sont les plus rares. Il s’agit de marquer une rupture ou une évolution importante. Cela peut être le cas, lors d’une fusion, lorsqu’un nom totalement nouveau est choisi, à l’instar de <a href="https://www.lyonne.fr/perceneige-89260/actualites/un-cinquantenaire-a-celebrer_14176354/">Perceneige (Yonne)</a> issu de la fusion de 7 villages en 1972.</p>
<p>Ces catégories de changements ne sont pas exclusives les unes des autres. Les changements orthographiques ou de différenciation s’inscrivent ainsi généralement dans des impératifs d’image et de promotion, le nom étant à la fois, par son origine et son histoire, un composant de l’identité et le principal véhicule de cette identité.</p>
<p>Montreuil-sur-Mer permet à la fois de se différencier des trois autres communes françaises dénommées Montreuil, de valoriser une commune qui a le rang de sous-préfecture et de souligner le potentiel touristique d’un lieu connu à travers le monde pour avoir fictivement eu comme maire Jean Valjean dans le roman <em>Les Misérables</em> de Victor Hugo.</p>
<p>Quelle que soit la raison initiale des changements de nom, ils ont tous pour point commun de pouvoir être envisagés comme un signal envoyé par les autorités communales à l’ensemble des parties prenantes (administrés, touristes, commerçants, dirigeants d’entreprise et investisseurs potentiels…) leur permettant de mieux saisir l’identité de la commune. L’enjeu est de donner, à des degrés divers, une meilleure visibilité à la commune ainsi qu’une image plus distincte et plus valorisante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197066/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Delattre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cinq communes changent officiellement de nom au 1er janvier 2023, comme 165 autres l’ont fait depuis 2000.Eric Delattre, Maître de Conférences en Gestion, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932342022-12-15T18:22:04Z2022-12-15T18:22:04ZLe foot, un sport disséqué par les sciences mais au résultat souvent imprévisible<p>Alors que le football compte le plus grand nombre de pratiquants dans le monde, 265 millions de joueurs (4,6 millions en France) selon la FIFA, il représente aussi le sport le plus étudié sur le plan scientifique. Dans <a href="https://www.nlm.nih.gov/medline/medline_overview.html">Medline</a>, l’une des bases de données bibliographiques biomédicale les plus importante, indexant des articles depuis 1946, le football avec plus de 14 000 références répertoriées dépasse de plus de 60 % le second sport le plus étudié (le tennis).</p>
<p>Comme le <a href="https://www.researchgate.net/publication/342487623_Evolution_of_soccer_as_a_research_topic">relève Donald Kirkendall</a>, membre du Centre d’évaluation et de recherche médicale de la FIFA et du Comité américain de médecine sportive du football, ce corpus très quantitatif d’études exprime des tendances, des sujets prédictifs de recherche au cours du temps. En effet, des sujets spécifiques se dégagent dans la comparaison du football avec d’autres sports collectifs.</p>
<p>Les problématiques sur les blessures et leurs préventions, l’optimisation de l’entraînement pour de meilleures performances physiques, les niveaux de jeux lors des matches, se révèlent récurrentes. Les sollicitations du système cardio-vasculaire dans l’alternance des actions de jeux où les joueurs aux comportements hybrides marchent, courent, sprintent et récupèrent de manière passive ou active, intéressent particulièrement les auteurs pour les optimiser.</p>
<p>Enfin, la croissance exponentielle du nombre d’études recourant aux nouvelles technologies (GPS, cardiofréquencemètres et autres capteurs) et notamment à l’intelligence artificielle <a href="https://digitalhub.fifa.com/m/31cbb0f9e12a57b1/original/211012_WHU_Research_Report_Fifa_EN_Digital_RZ.pdf">reste un constat de progression majeur</a>.</p>
<h2>Intégrer l’individuel dans le collectif</h2>
<p>Sous cet aspect de mesures quantitatives, il existe depuis 2005 à Neuchâtel, en Suisse, <a href="https://www.football-observatory.com/?lang=fr">l’Observatoire du football</a>, un groupe de recherche spécialisé dans l’analyse statistique du football, intégré au Centre International d’Étude du Sport (CIES). À partir de 2010, l’Observatoire a développé un modèle d’analyse du footballeur où sa performance comme elle se doit, est intégrée dans son contexte de jeu collectif. C’est-à-dire que l’efficacité du joueur est perçue dans son milieu d’évolution, dépendant principalement de turbulences physiques collectives et spatio-temporelles (entre autres car les spectateurs, la météo, le lieu du match… influencent aussi cette performance).</p>
<p>Entouré de partenaires mais aussi d’adversaires, l’efficacité du joueur se déplace dans des zones de jeux spécifiques sur le terrain. Cela conditionne la nature de ses déplacements et réciproquement influence ses techniques. D’autre part, la perception de l’écoulement du temps fluctue en fonction du score du match et du différentiel positif ou négatif de l’équipe.</p>
<p>Il existe une réciprocité entre les caractéristiques dynamiques voulues du jeu et celles des joueurs, qui doivent posséder une morphologie adaptée pour exercer au plus haut niveau leurs qualités physiques de bases telles que : l’endurance, la résistance, la force, la vitesse, la coordination et la souplesse.</p>
<p>Dans ce contexte de jeu mouvant, des <a href="https://football-observatory.com/IMG/sites/mr/mr74/fr/">chercheurs caractérisent</a> des profils techniques de joueurs selon une approche par rôle. Un modèle de performance du footballeur par l’intermédiaire de huit domaines eux-mêmes subdivisés en variables se dessine :</p>
<ul>
<li><p>la défense aérienne (duels aériens gagnés – défense),</p></li>
<li><p>la défense au sol (duels au sol gagnés – défense),</p></li>
<li><p>la récupération (reprises de balles perdues/interceptions),</p></li>
<li><p>la distribution (passes),</p></li>
<li><p>la percussion (centres/dribbles réussis),</p></li>
<li><p>la mise en danger (passes pour occasions/passes de but),</p></li>
<li><p>la finition (tirs), </p></li>
<li><p>l’attaque aérienne (duels aériens gagnés – attaque).</p></li>
</ul>
<p>Ces indicateurs permettent de dresser le profil technique spécifique des joueurs tout en facilitant leurs comparaisons tout au long d’une saison. Il est possible de tester ce profilage <a href="https://football-observatory.com/IMG/sites/playerprofile/">sur le site de l’Observatoire du football CIES</a>, alimenté par les données de la société spécialisée dans les données sportives InStat avec des joueurs de renommée mondiale ayant par exemple obtenu entre autres le ballon d’or : Karim Benzema (2022), Lionel Messi (2021…), Luka Modric (2018), Cristiano Ronaldo (2017…).[]</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Exemple du profil technique de Karim Benzema, ballon d’or 2022" src="https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500144/original/file-20221210-58060-qh64s7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Karim Benzema.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dresser le profil sur l’efficacité d’un joueur de football reste difficile, d’autant plus qu’il dépend du potentiel de son équipe, des stratégies et tactiques envisagées par l’entraîneur, mais aussi du facteur chance, parfois « se trouver au bon moment et au bon endroit », du geste technique exceptionnel conditionné par un état momentané euphorique. Certains commentateurs parlent d’opportunisme ou d’exploit, d’autres plus modestes de circonstances favorables, sans doute des justifications et des explications complexes.</p>
<h2>Des modèles, par nature, imparfaits</h2>
<p>En effet, dans tout profil de sportif performatif s’entremêlent, entre autres des facteurs physiologiques et morphologiques comme énoncés précédemment mais aussi psychologiques et biomécaniques qui complètent les modèles. Cependant, comme toute proposition de modèle d’analyse, celui-ci a des vertus explicatives spécifiques tout en étant simplificatrices d’une réalité qui reste toujours difficile à maîtriser. Dans ces décompositions analytiques de la performance constituées de nombreuses variables qui interagissent aussi entre elles, les transcriptions demeurent délicates comme pour toute explication de systèmes vivants, fluides et mouvants.</p>
<p>Il existe finalement peu d’études qui analysent la performance en sports collectifs sur la durée selon l’évolution de la structure ou de la tactique du jeu. Le football intègre des systèmes dynamiques complexes et non linéaires, dont les variations ne peuvent pas être représentées selon de simples relations proportionnelles entre causes et effets. Comparées à des systèmes dynamiques sensibles à de multiples conditions, il émerge cependant des équipes de football, des <a href="https://www.editions-jclattes.fr/livre/comment-marquer-un-les-lois-secretes-du-football-9782709628365/">modèles de jeu cohérents</a> qui conduisent au but.</p>
<p>Les images diffusées des <a href="https://www.researchgate.net/publication/236637719_Evolution_of_World_Cup_soccer_final_games_1966-2010_Game_structure_speed_and_play_patterns">finales de Coupe du monde</a> entre 1966 et 2010 ont été analysées notamment pour suivre les changements dans la durée, les schémas de jeu, le type et la durée des arrêts de jeu, la vitesse de la balle, la densité des joueurs et les taux de réussite. Cela montre qu’au cours de cette période les variables ont changé de manière significative au fil du temps. Ces changements ne sont pas aléatoires, mais illustrent plutôt des modèles de jeu qui sont susceptibles de conférer des avantages aux joueurs.</p>
<p>D’une part, la durée de jeu a diminué tandis que la durée d’arrêt a augmenté ; les deux affectant les ratios travail/récupération. En effet, les résultats montrent que le nombre total d’arrêts de jeu est resté inchangé au fil du temps. Cependant il y a eu des augmentations constantes de la durée moyenne de quasiment tous les événements d’arrêts. Selon les auteurs, pour la période 1966-2010, cela correspondrait à une baisse de 10,6 % du temps de jeu.</p>
<p>La vitesse de la balle a augmenté de 15 % au cours de la période de 44 ans. La structure du jeu a évolué vers une densité de joueurs plus élevée. Finalement, l’augmentation de la vitesse de circulation du ballon et de la densité des joueurs peut être à l’origine des structures de jeu et de leur évolution. L’intensité accrue du jeu s’accompagne d’interruptions de jeu plus longues qui permettent une plus grande récupération du joueur. Cela amène à un jeu plus intense accompagné des stratégies défensives qui s’accentuent au fil du temps.</p>
<p>Depuis 1966, le Groupe d’étude technique de la FIFA publie un rapport depuis l’extraction de nombreuses données qui confirme des évolutions. <a href="https://digitalhub.fifa.com/m/c44e0555c341e3ed/original/vnyavkozqglkj1omdaoi-pdf.pdf">Le rapport 2018</a> note que malgré la volonté des grands tacticiens à contrôler le jeu sans prendre de risques excessifs, la compétition rappelle que toute stratégie et tactique peut être réduite à néant par les aléas du jeu, les « caprices du ballon rond », le facteur chance.</p>
<p>La technologie intègre l’univers footballistique pour, dans un futur proche, générer avec un groupe de joueurs potentiel, la composition optimale d’une équipe pour confronter l’adversaire du moment. Des logiques algorithmiques deviennent nécessaires car le décideur se heurte à une quantité croissante d’information à traiter. L’entraîneur toujours responsable des choix stratégiques, tactiques et techniques de l’équipe décide pour le mieux selon l’opinion des multiples membres du staff. Des ingénieurs statisticiens spécialistes de modélisations intégreront progressivement le staff pour optimiser les prises de décision <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782851809889-le-football-est-une-science-in-exacte-entraineurs-journalistes-spectateurs-comment-le-big-data-a-change-le-visage-du-football-gautier-stangret/">par le big data</a>.</p>
<p>Pour augmenter la probabilité de succès lors des prochaines compétitions, il conviendra que les équipes s’entraînent à développer leur potentiel ainsi qu’à générer des plans d’auto-organisations collectives rapides pour maîtriser les fluctuations des systèmes dynamiques spatio-temporels lors des matches. Plus précisément, depuis une défense rigoureuse et stable, les équipes devront avoir la faculté de varier de manière dynamique leurs façons de s’adapter, mais surtout de contrer les stratégies et les tactiques de l’adversaire, tout en produisant de l’originalité dans leur jeu. De la cohésion de l’équipe émerge des potentialités de performances supérieures à la somme des potentiels de chaque joueur.</p>
<p>Les tendances constatées sur le long terme suggèrent que les professionnels s’améliorent dans ces domaines grâce aux processus d’autosélection, de conditionnement et de rétroaction positive lors des stratégies réussies.</p>
<p>Sur les bases de fondamentaux stratégiques et tactiques solides, les équipes devront faire preuve d’inventivité, de créativité et d’ingéniosité. C’est par l’intermédiaire, d’un ensemble de compétences développées autour d’une intensité soutenue, lors des vitesses d’exécution, dans les transmissions de balle afin de générer une possession active, précise mais aussi turbulente et déstabilisante, que s’effectueront les différences. La réversibilité des statuts des joueurs (défenseurs, milieux, attaquants) et des rôles (récupérateurs, stabilisateurs, créateurs) dans le jeu sera fondamentale pour atteindre un football total facilitant les opportunités de buts. Ces caractéristiques devraient permettre de générer des zones de rupture, des actions de basculement chez les équipes adverses. Depuis des techniques maîtrisées, une forme physique optimisée pour une perception du jeu facilitée, les équipes possédant ces caractéristiques devraient se rapprocher du podium.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Campillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les entraîneurs font de plus en plus appel aux sciences et aux données pour optimiser les performances de leurs équipes. Mais les modèles restent imparfaits… heureusement pour le spectacle !Philippe Campillo, Maitre de conférences STAPS, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964092022-12-15T18:15:53Z2022-12-15T18:15:53ZQuel niveau d’information faut-il révéler pour convaincre un décideur ?<p>Dans un contexte où l’entreprise est tenue d’être honnête envers un décideur responsable de son avenir mais fait face à des concurrents sur son marché, quel degré d’information faut-il révéler ? Faut-il tout partager par souci de transparence ?</p>
<p>Supposons qu’une instance gouvernementale doive décider si elle autorise ou non un médicament sur le marché. Dans ce contexte d’incertitude où plusieurs entreprises sont en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decision-64396">décision</a> se basera sur le niveau d’information communiquée par l’industrie pharmaceutique, qui ne sait pas exactement ce qu’elle doit révéler.</p>
<p>Dans certains cas, il n’est en effet pas optimal de tout divulguer, car certains défauts peuvent devenir apparents. Mais une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprise</a> n’a pas pour autant le droit de mentir. Quel niveau d’information un laboratoire pharmaceutique théorique devrait-il alors communiquer aux autorités pour les convaincre ?</p>
<h2>Trouver le juste niveau</h2>
<p>Notre <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/moor.2020.1119">étude</a> est basée sur un modèle probabiliste de persuasion (ou « design informationnel ») dans une situation incertaine. Il offre plusieurs options : ne révéler aucune information, révéler des informations partielles, ou révéler une abondance d’informations. Comme notre modèle intègre aussi les concurrents, l’entreprise doit également trouver le juste niveau d’information pour convaincre le décideur que son médicament est le meilleur choix.</p>
<p>En d’autres termes, chaque entreprise (ou « designer informationnel ») cherche à convaincre, par exemple l’Agence nationale de sécurité du médicament (le décideur ou « agent »), que son produit est efficace et qu’il est préférable que les produits de ses concurrents ne soient pas approuvés. Dans d’autres cas, des départements d’une organisation ou d’une université peuvent vouloir convaincre les dirigeants de l’organisation d’ouvrir un poste dans leur département. Dans tous ces exemples, les parties concernées tentent de présenter <a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">l’information</a> de manière à orienter le comportement des décideurs. Notre étude offre un cadre théorique général pour analyser ce type de situation.</p>
<h2>Induire des croyances</h2>
<p>Nous avons étudié les situations où il existe plusieurs designers informationnels (plusieurs concurrents) et plusieurs décideurs. Dans le cas général, les designers informationnels peuvent faire passer des messages à la fois publics et privés. À chaque message ou communication, les décideurs modifient et ajustent leurs croyances et leur jugement en fonction de la sélection d’information qu’ils reçoivent. Le designer informationnel espère donc induire des croyances qui joueront en sa faveur plutôt qu’à ses concurrents.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le principal défi est alors de saisir l’équilibre entre les stratégies de divulgation de l’information et les choix des décideurs. Un décideur peut souvent agir en faveur de l’un ou l’autre des designers informationnels. Ceci est d’autant plus saillant lorsque le décideur hésite entre plusieurs choix. Dans ce cas, la moindre information communiquée par un des concurrents peut faire pencher la balance. L’équilibre décisionnel apparaît alors lorsque les décideurs parviennent à arbitrer entre les intérêts de plusieurs designers informationnels.</p>
<h2>Un nombre de messages à limiter</h2>
<p>Dans un autre modèle, chaque designer informationnel envoie uniquement des messages publics à l’ensemble des agents. Dans ce cas, nous discutons du nombre de messages (ou essais cliniques, dans notre exemple) à envoyer au décideur.</p>
<p>En nous basant sur ce modèle, nous avons trouvé un point d’équilibre, autrement dit le bon niveau d’information à partager, lorsque l’émetteur d’informations envoie un nombre limité de messages au décideur (ou effectue un nombre limité d’essais cliniques). En d’autres termes, si théoriquement le fait d’utiliser un nombre infini de messages (ou d’essais cliniques) permet d’être totalement transparent, il n’existe aucun avantage à le faire.</p>
<p>Ce résultat simplifie de manière majeure le problème consistant à trouver le volume d’information optimal à divulguer. Comme le modèle n’impose pas de limites a priori sur le nombre de messages : il serait donc théoriquement possible qu’en accumulant les messages, cela avantage le designer informationnel. Nos résultats prouvent que ceci n’est pas le cas et que le volume total d’information doit a priori être limité.</p>
<p>Divulguer des informations peut se faire de différentes manières et est potentiellement très complexe. Cependant, nous montrons que le partage d’information optimal peut généralement être identifié bien que cette tâche puisse être ardue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, il existerait une quantité optimale d’information à révéler pour les entreprises qui œuvrent dans un marché concurrentiel.Frédéric Koessler, Directeur de recherche au CNRS, professeur au département d'économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolMarie Laclau, Chercheuse CNRS, professeur associée en Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolTristan Tomala, Professeur, Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964572022-12-13T16:40:06Z2022-12-13T16:40:06ZCoupe du monde : le parcours inspirant du Maroc, ou comment tabler sur ses limites pour créer l’exploit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500733/original/file-20221213-16226-2k9x52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3434%2C2153&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les joueurs de l'équipe marocaine célèbre leur exploit d'accéder au demi-finale de la Coupe du monde, le 10 décembre 2022. Ils doivent beaucoup de leur victoire à la stratégie déployée par leur coach, Walid Regragui, qui mise tant sur les forces que les limites de ses joueurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Luca Bruno)</span></span></figcaption></figure><p>Le Maroc au dernier carré de la Coupe du monde 2022, un choc, une surprise ?</p>
<p>Ce qui peut à priori être accueilli comme <a href="https://www.menara.ma/fr/article/le-maroc-au-dernier-carre-du-mondial-la-presse-europeenne-salue-un-grand-exploit">« un exploit historique voire miraculeux »</a> à saluer et à reconnaître, est en réalité pour l’entraîneur des Lions de l’Atlas, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Walid_Regragui">Walid Regragui</a>, la consécration de l’adhésion de ses joueurs à un plan de jeu minutieusement étudié et adapté aux forces, limites et besoins de ses joueurs.</p>
<p>Mais pas seulement. Il s’agit aussi d’une réponse culturelle et identitaire à la dévaluation, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4S0aOSD-4mM">aux critiques et jugements portés sur les compétences et les capacités sportives des Africains</a>.</p>
<p>Quelle fut la stratégie gagnante de ce coach franco-marocain (né en France) dans cette Coupe du monde ? Quelles leçons peut-on en tirer ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme de dos, arborant un chandail où il est écrit ‘Morocco », salue une foule" src="https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500743/original/file-20221213-16533-fa7efg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des supporters de l’équipe marocaine célèbrent leur victoire lors d’un match de la Coupe du monde à Doha, le 4 décembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ashley Landis)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En point de presse, le sélectionneur marocain dévoile sa méthodologie de travail <a href="https://ordrepsed.qc.ca/wp-content/uploads/2022/03/Evaluation_psychoeducative_2014.pdf">qui s’apparente de très près à celle déployée dans le champ d’exercices d’un psychoéducateur</a>. Une technicité de jeu qui tient compte à la fois des difficultés d’adaptation et des capacités adaptatives du joueur. Il s’agit d’actualiser et d’optimiser un potentiel latent favorable à l’atteinte d’un objectif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VCmR2WmSsCU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Walid Regragui explique en conférence de presse sa stratégie de jeu. Le Maroc est le premier pays africain à atteindre les demi-finales en Coupe du monde.</span></figcaption>
</figure>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-les-performances-africaines-marquent-un-tournant-dans-le-football-195971">Coupe du monde: les performances africaines marquent un tournant dans le football</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Les limites et les fragilités comme agent de changement</h2>
<p>De cette perspective, les forces et les limites de la personne sont mises sur le même piédestal. La réussite devient désormais impossible si l’on ne table pas aussi sur les limites d’un individu.</p>
<p>C’est avec cet état d’esprit que Walid Regragui est parvenu à convaincre ses joueurs de renoncer à l’attaque (au vu des fragilités de l’équipe), afin de miser sur la défense. Dès lors, on assiste dans cette Coupe du monde de soccer à une nouvelle façon de procéder pour gagner : le jeu consistera principalement à empêcher l’équipe adversaire de marquer des buts.</p>
<p>Il devient donc possible de déjouer des plans, des pronostics et paris, de balayer des stéréotypes, et de susciter l’émoi, en développant un savoir-faire et un savoir-être qui placent le joueur au centre de son projet sportif. Ses fragilités et limites deviennent l’acteur et l’agent de changement de sa réussite, en exploitant toutes ses capacités et ressources.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un groupe de joueurs posent pour la photo" src="https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500744/original/file-20221213-16226-gkjrv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les joueurs de l’équipe marocaine célèbrent la victoire inattendue de leur équipe, face au Portugal,au stade Al Thumama, à Doha, le 10 décembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Luca Bruno)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce constat devient d’autant plus intéressant du fait de sa transférabilité dans le cadre d’un projet autre que sportif, tel que celui de la réussite scolaire de jeunes Québécois issus de l’immigration, mon sujet d’étude doctorale en psychologie de l’éducation.</p>
<h2>Retourner les difficultés en sa faveur</h2>
<p><a href="https://archipel.uqam.ca/13495/">Ma recherche en psychologie</a> s’est intéressée à l’identité et à l’héritage socioculturel au cœur de la réussite scolaire chez les jeunes issus de la deuxième génération de l’immigration haïtienne. J’ai tenté de répondre à la question suivante : comment ces jeunes, confrontés à des situations de vie vulnérables et fragilisantes qui auraient pu les prédestiner à un décrochage scolaire, sont-ils parvenus à réussir à l’école et à surprendre de par leur étonnant parcours scolaire ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-quebecois-dorigine-ha-tienne-reussissent-a-lecole-envers-et-contre-tout-110875">Comment les jeunes Québécois d’origine haïtienne réussissent à l'école... envers et contre tout !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’analyse et l’interprétation des résultats ont permis de proposer un modèle conceptuel qui rend compte des processus impliqués dans leur réussite scolaire. Ils démontrent comment ces jeunes sont devenus acteurs de leur réussite en parvenant à retourner les difficultés en leur faveur.</p>
<p>Les jeunes rencontrés pour cette étude ont connu des situations de vie difficiles durant leur secondaire et leur collégial. Elles ont été à l’origine d’une souffrance au plan psychologique qui a affecté leurs comportements, suscité des remises en question au plan personnel et nourri un sentiment d’incompétence et de fatalité. Cela a engendré une démotivation scolaire sous-jacente à une diminution de leur rendement académique.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contrer-le-racisme-par-la-reussite-scolaire-lexemple-des-jeunes-ha-tiens-140919">Contrer le racisme par la réussite scolaire : l’exemple des jeunes haïtiens</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette dynamique aurait pu conduire ces jeunes à abandonner l’école dès le secondaire, mais il en a été autrement : ils sont arrivés à mobiliser des ressources personnelles, culturelles et identitaires qui sont parvenues à contrebalancer les facteurs défavorables à leur réussite scolaire. À partir de là, ils ont pu puiser l’énergie nécessaire pour diriger leur parcours scolaire vers la réussite et accéder à l’université.</p>
<p>Ces jeunes, tout comme les joueurs de l’équipe nationale du Maroc, nous amènent à porter un regard optimiste sur la notion d’obstacles, de fragilités et de limites, nous rappelant le potentiel de croissance qu’elle peut receler – lorsque conceptualisée, notamment, sous l’angle de la crise.</p>
<p>Et désormais, on se souviendra dans l’histoire du soccer qu’en 2022, il est possible, contre toute attente, de faire de l’adversité un allié, un modèle de résistance et de résilience, un faire-valoir, car il s’y cache un potentiel de développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196457/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Tahiri Hassani est membre de l'Ordre des psychologues du Québec. Elle a reçu des financements du Fond de recherche du Québec-Société et culture (FRQSC) et de la Bourse de Fondation de L'UQAM.</span></em></p>Premier pays africain à atteindre les demi-finales en Coupe du monde, le Maroc s’appuie sur les techniques révolutionnaires de son coach, qui mise tout autant sur les forces que les limites des joueurs.Myriam Tahiri Hassani, Docteure en psychologie de l'éducation; psychologue clinicienne; chargée de cours, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1953002022-12-04T17:38:28Z2022-12-04T17:38:28ZMacron, incarnation de la « théorie des paradoxes » et de ses limites ?<p>Depuis très longtemps, le concept de paradoxe est mobilisé et utilisé <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/quest-ce-que-la-theorie-des-paradoxes/">dans de nombreuses disciplines scientifiques (psychologie, histoire, anthropologie…)</a>. Il a notamment pris une place importante en management et en sciences de gestion pour expliquer les organisations et leurs stratégies. Il offre une grille de lecture intéressante au moment d’essayer d’analyser l’approche stratégique d’Emmanuel Macron en matière environnementale.</p>
<p>Wendy Smith et Marianne Lewis, deux chercheuses américaines reconnues pour leurs travaux sur ce sujet, <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.2009.0223">définissent le paradoxe</a> comme une « contradiction reliant des éléments qui semblent logiques lorsqu’ils sont pris isolément mais qui deviennent irrationnels, inconsistants, voire absurdes, lorsqu’ils sont juxtaposés ».</p>
<p>La « théorie des paradoxes » se fonde sur l’idée que les individus et organisations sont en permanence confrontés à des situations paradoxales et à des injonctions contradictoires indissociables. Elle met en lumière les tensions provoquées par les paradoxes au sein des organisations par exemple faire cohabiter projets à court terme et projets à long terme, rechercher une meilleure qualité tout en augmentant les quantités, offrir plus d’autonomie aux personnes tout en les contrôlant, pratiquer la <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/quest-ce-que-la-coopetition/">coopétition avec des compétiteurs</a>…</p>
<p>Les chercheurs Marshall Scott Poole and Andrew H. Van de Ven ont montré <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMR.1989.4308389">dans leurs travaux</a> qu’il existait quatre stratégies possibles pour répondre aux tensions qui découlent de ces paradoxes : la séparation spatiale entre les deux phénomènes contradictoires ; la séparation temporelle ; la synthèse ; et enfin l’acceptation de leur existence.</p>
<h2>Le « en même temps » macronien, une approche par les paradoxes</h2>
<p>La « théorie des paradoxes » telle qu’elle existe en sciences de gestion offre une grille de lecture qui s’adapte particulièrement bien à la méthode stratégique d’Emmanuel Macron.</p>
<p>Emmanuel Macron n’est pas le premier président français à devoir affronter des situations paradoxales. Deux éléments marquent cependant une différence avec les situations antérieures. D’abord, les interactions croissantes et chaque jour plus complexes entre les activités humaines ont des effets collatéraux de plus en plus <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/sep/29/green-growth-economic-activity-environment">difficiles à maitriser</a> et multiplient les tensions. Surtout, Emmanuel Macron, en revendiquant une approche mettant en avant la complexité des choses et la nécessité de mener les projets <a href="https://theconversation.com/et-en-meme-temps-une-pensee-macronnienne-de-la-complexite-77917">« en même temps »</a> a adopté une approche qui fait écho aux principales caractéristiques de la théorie des paradoxes.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Selon cette approche, dans le cadre d’un paradoxe, les deux phénomènes contradictoires qu’il faut gérer ne sont pas dissociables et il n’est donc pas possible de choisir entre l’un ou l’autre. Le paradoxe <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-5-page-71.htm">se distingue sur ce point du dilemme</a> qui concerne deux injonctions entre lesquelles il est possible de choisir. En réaffirmant l’indépendance de la France tout en faisant la promotion d’une Europe plus souveraine, en s’opposant à l’invasion russe en Ukraine tout en <a href="https://www.france24.com/en/france/20221019-macron-s-en-m%C3%AAme-temps-on-putin-leaves-france-s-reputation-hanging-in-the-mix">continuant de dialoguer</a> avec Vladimir Poutine ou en essayant d’élargir sa majorité tout en poursuivant la mise en place de certaines mesures clivantes de son programme de 2022, Emmanuel Macron met en place des stratégies qui font coexister deux phénomènes contradictoires.</p>
<h2>La méthode « macronienne » face à la question environnementale</h2>
<p>Emmanuel Macron utilise la même méthode au moment d’aborder la question de la préservation de la planète et de la pérennité de notre modèle de croissance économique.</p>
<p>L’écologie et la défense de l’environnement ont été présentées comme des <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/ecologie">priorités de l’action publique par Emmanuel Macron</a> lors de son élection de 2017 et dans le cadre de sa réélection de 2022.</p>
<p>Malgré la présence de Nicolas Hulot comme ministre de l’Environnement et un programme présenté comme ambitieux et volontariste, le bilan écologique du premier quinquennat a été jugé sévèrement <a href="https://www.greenpeace.fr/ecologie-climat-bilan-emmanuel-macron/">par les principales organisations aux avant-postes du combat environnemental</a>. En 2022, Emmanuel Macron a pourtant réaffirmé son ambition en la matière et le caractère prioritaire de cette question en rattachant le secrétariat de la planification écologique directement à la 1<sup>re</sup> ministre et en mettant en avant les missions des deux ministères de l <a href="https://learnandconnect.pollutec.com/transition-ecologique-et-energetique-au-gouvernement-qui-fait-quoi/">a transition écologique et de la transition énergétique</a>.</p>
<p>En matière de communication, il adopte aussi une posture de premier plan en publiant des vidéos <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/climat-emmanuel-macron-defend-son-bilan-en-video-sur-les-reseaux-sociaux_VN-202211130253.html">défendant les avancées de son action écologique sur les réseaux sociaux</a>.</p>
<h2>Des difficultés à mobiliser</h2>
<p>Mais la multiplication des <a href="https://www.un.org/fr/climatechange/reports">signaux de dégradation de l’état de la planète</a> interroge le bien-fondé de l’approche paradoxale défendue jusqu’ici par Emmanuel Macron et pose plusieurs questions clefs : sera-t-il obligé d’en changer ? Réussira-t-il à la maintenir malgré l’urgence de la situation ? Décidera-t-il de se tourner vers une approche considérant la situation comme un dilemme qui l’obligerait à choisir entre croissance économique et préservation de la planète ?</p>
<p>En matière environnementale, Emmanuel Macron défend pour le moment une ligne libérale pariant sur le progrès technique et la croissance verte. Sa stratégie est basée sur l’idée que croissance économique soutenue et préservation de la planète peuvent aller de pair et qu’il faut donc accepter l’existence de ce paradoxe et mener leur poursuite en parallèle.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_FmtLxUk5C4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron a lancé sur sa chaîne YouTube des séquences pour répondre aux questions des Français sur l’écologie et l’environnement.</span></figcaption>
</figure>
<p>La réunion qui a eu lieu à l’Élysée pour inciter les <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-elysee-veut-accelerer-la-decarbonation-des-50-sites-industriels-francais-les-plus-emetteurs-de-co2.N2063977">50 sites industriels français les plus émetteurs de CO₂ à décarboner</a> leurs activités illustre cette approche. Le projet de décarbonation est clair : il faut verdir les moyens de production et les activités des sites concernés pour conserver la croissance économique la plus forte possible. Mais l’idée que la décarbonation puisse passer par une baisse de la production et potentiellement de la croissance n’est pas envisagée.</p>
<p>Pourtant, la prise de conscience sur les difficultés à privilégier à tout prix la croissance économique sans mettre en danger la préservation de la planète semble <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-La-sobriete-est-elle-un-poison-ou-un-bon-filon-pour-le-capitalisme-_3751080.html">gagner du terrain</a>. Le fait qu’Emmanuel Macron éprouve certaines <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/27/emmanuel-macron-en-retard-d-une-vision_6147532_3232.html">difficultés à mobiliser l’ensemble des Français autour d’un projet environnemental crédible et fédérateur</a> fait écho à cette évolution. La question de la pertinence de la stratégie du « en même temps » en la matière n’est peut-être pas étrangère à cette absence d’adhésion.</p>
<h2>Le rôle central de la sobriété</h2>
<p>La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont mis sur le devant de la scène le concept de sobriété, qu’Emmanuel Macron a <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/10/06/emmanuel-macron-une-conversion-contrainte-a-la-sobriete_6144702_823448.html">grandement contribué à populariser</a>. Il s’en est emparé pour donner une direction à sa lutte contre le réchauffement climatique. Mais la <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-La-sobriete-est-elle-un-poison-ou-un-bon-filon-pour-le-capitalisme-_3751080.html">notion de sobriété se pare de plus en plus des caractéristiques de la décroissance</a> en préconisant une réduction de l’activité économique et en interrogeant les bienfaits de la croissante verte.</p>
<p>Le glissement sémantique qui est en train de s’opérer entre les termes de « décroissance » et de « sobriété » est intéressant car il est très éloigné du sens donné au mot au départ par Emmanuel Macron. La sobriété commence au contraire à lentement servir de cheval de Troie aux idées décroissantes et rend acceptable la remise en cause d’une société entièrement centrée sur la croissance pour progresser et se développer.</p>
<p>Quoi qu’il advienne du concept de sobriété, la problématique environnementale représente un défi de taille pour l’approche stratégique paradoxale utilisée jusqu’ici par Emmanuel Macron tant elle pose une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/02/1115262">question existentielle majeure</a> compte tenu de nos modes de vie et des ressources naturelles disponibles. Alors que certaines critiques de la « théorie des paradoxes » commencent à émerger et à montrer les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1476127017739536">limites de cette grille de lecture</a>, il sera intéressant de voir combien de temps il parviendra à la conserver.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « théorie des paradoxes » se fonde sur l’idée que les individus et organisations font face à des injonctions contradictoires indissociables. Emmanuel Macron l’incarne tout particulièrement.Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1881902022-11-29T14:55:39Z2022-11-29T14:55:39ZLire à l’écran et lire sur papier, mêmes stratégies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480142/original/file-20220819-2804-emmjiq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C7%2C994%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stratégies de lecture sont-elles les mêmes à l’écran et sur papier? Les a-t-on adoptées ou transférées à l’écran?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Écrans d’ordinateur, tablettes, téléphones intelligents… La lecture à l’écran fait partie intégrante de notre quotidien. C’est donc sans surprise que les chercheurs s’y intéressent vivement depuis quelques décennies.</p>
<p>Mais quelles sont les stratégies de lecture qui sont mobilisées sur les supports numériques ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-modeles-masculins-pour-developper-lenvie-de-lire-chez-les-garcons-182987">Des modèles masculins pour développer l’envie de lire chez les garçons</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Nous sommes trois chercheures intéressées notamment par la littératie médiatique et nos recherches sont en lien direct avec le milieu scolaire. En éducation, la littératie médiatique correspond à l’enseignement des compétences à lire, à écrire et à s’exprimer oralement au moyen des médias (médias sociaux, vidéos en ligne, journaux, etc.).</p>
<h2>Papier, écran, même mode de fonctionnement ?</h2>
<p>Dans cet article, nous optons pour le terme plus englobant de « lecture à l’écran », et non de « lecture numérique » ou de « lecture en ligne ». En effet, une personne peut consulter un document en format PDF ou dans un logiciel de traitement de texte sans avoir accès à Internet. Elle peut également lire un livre électronique sur une liseuse dans laquelle il n’y a pas d’hyperliens à activer. Enfin, elle peut choisir de lire à l’écran au moyen de navigateurs Web et de faire une recherche par mots-clés pour avoir accès à une information.</p>
<p>Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire (traitement de texte, PDF) ou de contenus Web de toute nature (textes, hyperliens, vidéos, images fixes, images animées, publicités).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Bel adolescent lisant les nouvelles histoires tendance en ligne sur une tablette avec sa maman" src="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480145/original/file-20220819-22-vf6pat.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire ou de contenus Web de toute nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La <a href="https://theconversation.com/lire-sur-papier-lire-sur-ecran-en-quoi-est-ce-different-112493">lecture à l’écran est à la fois similaire et différente de la lecture sur papier</a>. Des <a href="https://r-libre.teluq.ca/831/">stratégies de lecture en version papier sont mobilisées en contexte de lecture à l’écran</a>. Par contre, alors que la lecture traditionnelle sur papier est plus linéaire, celle à l’écran l’est moins. Souvent, la lecture à l’écran se fait par survol (comme la lecture des sous-titres ou en diagonale).</p>
<p>Contrairement à la lecture traditionnelle sur papier, il est plus facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant, par exemple, sur l’<a href="https://books.google.ca/books?hl=en&lr=&id=JnCjwXBNJX4C">hyperlien</a> d’une vidéo ou d’une photo qui ne concerne pas nécessairement son intention de lecture.</p>
<p>La lecture à l’écran implique également l’emploi de compétences informationnelles. Celles-ci sont des savoir-faire permettant de cibler un objet de recherche, de le trouver, d’évaluer l’information trouvée et de la réutiliser au besoin. Par exemple, lorsqu’on lit à l’écran, il est souvent nécessaire de faire une recherche par mots-clés sur un moteur de recherche avec une intention de lecture précise. L’écran du téléphone intelligent ou de la tablette est à portée de main et est souvent plus rapide. C’est ce qui explique que les recherches par mots-clés soient plus fréquentes lorsqu’on lit à l’écran. Par contre, il arrive aussi parfois que l’on doive, par exemple, chercher la définition d’un mot sur notre téléphone cellulaire lorsqu’on lit en version papier.</p>
<p>Cette recherche d’information mobilise alors des stratégies de lecture à l’écran ainsi que des compétences informationnelles qui sont utilisées en constante interaction.</p>
<h2>Confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles</h2>
<p>Dans les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2010-n159-qf1504492/61599ac.pdf"><strong>recherches</strong></a>, nous notons parfois une confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ncre/2009-v12-n2-ncre0744/1017465ar.pdf"><strong>stratégies de lecture à l’écran</strong></a> permettent de comprendre les informations contenues dans les textes, que ce soit à l’intérieur des phrases, entre les phrases, de façon globale, en interprétant et aussi en rétablissant la compréhension s’il y a eu un problème de compréhension. Le fait de survoler un texte, d’identifier les idées les plus importantes et de prédire la suite d’un texte à l’écran sont des stratégies de lecture, mais elles peuvent aussi l’être en version papier.</p>
<p>Les <a href="https://www.erudit.org/en/journals/fp/1900-v1-n1-fp06343/1081276ar/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> font plutôt référence au fait d’effectuer une recherche par mots-clés en raison d’un besoin d’information, et ensuite de localiser, d’évaluer et d’utiliser ces informations en fonction de l’intention de cette recherche d’information. Les compétences informationnelles permettent de vérifier la fiabilité d’une source pour éviter de propager de fausses informations, par exemple. Toutes ces compétences informationnelles sont utilisées en contexte de lecture à l’écran, en interaction avec les stratégies de lecture.</p>
<p>Les interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran et les <a href="https://www.competencesinformationnelles.ca/"><strong>compétences informationnelles</strong></a> sont représentées dans la figure ci-dessous. Quant aux habiletés techniques (comme utiliser la barre de défilement, les flèches, les fonctions comme CTRL + F), qui permettent de bien fonctionner à l’écran et de maitriser les outils technologiques, elles permettent un va-et-vient entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles. Elles ne mobilisent cependant pas la compréhension de texte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma présentant les interactions entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles" src="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478096/original/file-20220808-3028-1jr95m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Il y a des interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran, les habiletés techniques et les compétences informationnelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Isabelle Carignan)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quelques constats et irritants du milieu scolaire</h2>
<p>Les <a href="https://view.genial.ly/618bf8a74ea7430d73e5ed49"><strong>ressources pédagogiques</strong></a> portant sur les stratégies de lecture applicables à l’écran étant très limitées, les enseignants vont souvent enseigner des stratégies de lecture applicables sur papier issues de différents modèles. Dans certains cas, ne se sentant pas suffisamment outillés, ils préfèrent en enseigner quelques-unes à l’écran ou simplement ne pas les enseigner. De même, ce ne sont pas tous les enseignants qui connaissent les compétences informationnelles ou encore qui les montrent à leurs élèves. Enfin, les stratégies et les compétences sont nombreuses et le vocabulaire utilisé diffère parfois d’un enseignant à l’autre : de quoi ajouter à la confusion que nous constatons parfois quand on parle de lecture à l’écran.</p>
<p>Par ailleurs, au secondaire, cet enseignement de stratégies et de compétences se retrouve souvent dans la cour des enseignants de français. Les enseignants des autres disciplines (mathématique, science) ne sont pas outillés et n’outillent pas nécessairement les élèves avec des stratégies de lecture à l’écran, par exemple. Au primaire, bien que les titulaires enseignent toutes les disciplines, l’enseignement des stratégies de lecture à l’écran n’est pas nécessairement réalisé non plus.</p>
<p>Les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles sont importantes à mobiliser, et ce, <a href="http://www.litmedmod.ca/sites/default/files/pdf/r2-lmm_vol15_legault-et-al.pdf">dans toutes les matières</a>. Dès un très jeune âge, le numérique est omniprésent autant en salle de classe que dans la vie personnelle des élèves. Afin d’outiller adéquatement ces derniers, il apparait nécessaire de sensibiliser les enseignants à l’importance de les montrer à leurs élèves.</p>
<p>D’autant qu’être – ou devenir – des citoyens numériques critiques et éclairés est crucial pour éviter de croire de fausses informations ou de les propager.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188190/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rien à déclarer</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>France Legault et Isabelle Carignan, Ph.D. ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Contrairement à la lecture sur papier, il est facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant par exemple sur un hyperlien.Isabelle Carignan, Ph.D., Professeure titulaire, Université TÉLUQ France Legault, conseillère pédagogique RÉCIT- responsable d'équipe, Université TÉLUQ Marie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.