tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/tourisme-21268/articlestourisme – The Conversation2024-03-19T16:57:01Ztag:theconversation.com,2011:article/2233822024-03-19T16:57:01Z2024-03-19T16:57:01ZIl y a 150 ans, Glasgow était « the place to be » pour la jeunesse<p>Il y a 150 ans, à Glasgow, loin des jeux vidéos, d’internet et des réseaux sociaux, la jeunesse populaire avait sa propre manière de se divertir. Des établissements de loisir aux attractions foraines, un large choix de divertissements se développait et allait forger, progressivement et non sans heurts, la notoriété actuelle de Glasgow en tant que capitale écossaise du loisir et de la culture.</p>
<p>Pour comprendre comment la jeunesse a participé à la construction de cette notoriété, il faut se replonger dans la société victorienne de Glasgow des années 1850 à 1900, alors en pleine mutation.</p>
<h2>Une société qui se transforme</h2>
<p>La période victorienne (1837-1901) marque un tournant décisif dans l’histoire sociale et culturelle de Glasgow. Étant le cœur industriel de l’Écosse, la ville attire une population de plus en plus nombreuse et hétérogène.</p>
<p>Dans les années 1850, les Irlandais d’Ulster arrivent en masse dans le port de Glasgow, poussés par la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/la-grande-famine-en-irlande-1845-1851-8496022">Grande Famine</a> et à la recherche de meilleures conditions de vie. De même, les habitants des Highlands sont victimes de la famine, mais ils subissent aussi la réforme agraire, qui les pousse à quitter leurs campagnes. Puis pour des raisons économiques, des immigrés des pays baltes, des pays de l’Est et enfin d’Italie <a href="https://www.johngraycentre.org/about/archives/brief-history-emigration-immigration-scotland-research-guide-2/">viennent petit à petit s’établir dans la ville</a>.</p>
<p>Entre 1851 et 1901, le nombre d’habitants passe alors de 329 097 à presque 800 000, dont quasiment la moitié d’entre eux sont âgés de moins de 25 ans. Grâce à cet afflux de main-d’œuvre étrangère, jeune, peu qualifiée et donc peu onéreuse, Glasgow devient ainsi la plus grande ville d’Écosse et, du point de vue économique, la Seconde Ville de l’Empire britannique.</p>
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<p>Néanmoins, la ville n’est pas prête à accueillir si rapidement une telle population et les nouveaux arrivants s’entassent à la hâte dans des logements exigus et insalubres. Au centre de la ville, les égouts à ciel ouvert se jettent dans les eaux polluées du fleuve Clyde et la pauvreté ajoute au tableau noir des fumées des usines, les conflits communautaires et religieux, les <a href="https://www.theglasgowstory.com/story/?id=TGSD0">épidémies, l’alcoolisme, la corruption, le crime, la délinquance et la prostitution</a>.</p>
<p>C’est au cœur de cette décrépitude urbaine et sociale que va se réinventer progressivement, au-delà des différences culturelles de chacun, un outil fédérateur porté par la jeunesse : le divertissement populaire.</p>
<h2>Le divertissement comme moyen d’émancipation</h2>
<p>Le besoin de se divertir n’est pas un phénomène <a href="https://www.researchgate.net/publication/308709630_Sports_et_Loisirs_Une_histoire_des_origines_a_nos_jours">propre à la seconde moitié du XIXᵉ siècle</a>. Mais dans la société victorienne de Glasgow, affectée par tant de bouleversements socio-économiques, le développement du divertissement est nécessaire. Il contribue à restaurer des repères sociaux pour la population issue de quartiers populaires, qui trouve dans le divertissement un exutoire à son quotidien difficile.</p>
<p>C’est d’autant plus vrai pour les adolescents, dont le temps de travail est peu à peu réduit par la promulgation des lois qui régulent le travail des femmes et des enfants en usine, les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Factory_Acts">Factory Acts</a>. Pour la plupart nés ou ayant grandit sur le sol glasgvégien, ces adolescents profitent de ce nouveau temps libre pour se regrouper, loin du fardeau du rejet social et de la discrimination que portent, pour un grand nombre d’entre eux, leurs parents pauvres ou/et immigrés.</p>
<p>Parmi les lieux les plus prisés de la jeunesse, il y a tout d’abord les music-halls et les théâtres à scène ouverte, appelés « free-and-easy ». Puis viennent les cabarets dansants, qui constituent des lieux privilégiés de rencontre et d’échange à travers la musique et la danse. Les « penny theatres », quant à eux, offrent aux jeunes gens la possibilité d’assister à des pièces de théâtre un peu plus sophistiquées que celles qui se jouent dans les rues.</p>
<p>Se développant considérablement à partir des années 1860 afin de répondre à la demande, ces établissements ont en commun la particularité de proposer des tarifs d’entrée à très bas prix toute l’année. À l’inverse, l’entrée des « pubs hybrides » est gratuite. Par compensation, les tarifs des boissons sont plus élevés au sein de ces pubs, dont le nom <a href="https://www.google.fr/books/edition/Scotland_and_the_Music_Hall_1850_1914/hn1kuc21R8cC?hl=fr&gbpv=1&dq=paul+maloney+pubs+hybrides&pg=PA37&printsec=frontcover">suggère que les arrière-salles sont transformées pour recevoir du public</a>.</p>
<p>Enfin, l’un des événements annuels qui attirent le plus la jeunesse des quartiers populaires est la foire de Glasgow, qui prend peu à peu des allures de fête foraine. De nombreux manèges et cirques y font leur apparition dans les années 1870 : les swing-boats (nacelles suspendues à des fils), les lions de Miss Lily Day, Willie Campbell « le Géant de Glasgow », Mr. Tche Mah « le Nain chinois ». Ces attractions incarnent autant de sujets de curiosité, de fantasme et de rêve que s’approprie la jeunesse des quartiers pauvres de Glasgow.</p>
<p>Pour les adolescents, en passe de devenir adultes, l’entrée dans la sphère sociale publique est un moyen de se dissocier de la cellule familiale et d’affirmer leur individualité au sein de la société. Ces sorties représentent alors une opportunité de découvrir les autres et de se découvrir eux-mêmes. Les jeunes hommes construisent leur masculinité par la séduction, la consommation d’alcool ou quelques fois par la violence, lors de conflits durant lesquels ils s’opposent physiquement <a href="https://www.google.fr/books/edition/The_Moral_Statistics_of_Glasgow_in_1863/X31GAAAAYAAJ">aux figures de l’autorité ou à leurs pairs</a>.</p>
<p>À l’inverse, les jeunes femmes construisent leur féminité en s’émancipant des contraintes morales que la société impose aux femmes. Par la danse, la consommation d’alcool ou encore la promiscuité avec le sexe opposé, elles bravent les interdits et s’affirment en tant que femmes indépendantes. Ainsi portée par le vent du changement, la jeune génération ouvrière revendique à travers une nouvelle culture urbaine et cosmopolite son émancipation à l’autorité d’un monde qu’elle considère comme révolu.</p>
<h2>Entre contrôle et pérennisation de la culture populaire</h2>
<p>À partir des années 1860, les classes aisées et les associations religieuses, notamment protestantes, commencent à s’inquiéter de voir se développer ces nouveaux lieux de divertissement, qu’ils considèrent comme les lieux de débauche de la jeunesse populaire. Parce que cette jeunesse doit garantir le devenir économique et social de la ville, ils entendent donc contrôler la façon dont elle se divertit.</p>
<p>Par exemple, les directeurs de la Magdalene Institution – où sont internées les jeunes femmes perçues comme déviantes –, se soulèvent contre le Parry’s Theatre, qu’ils considèrent comme l’établissement le plus dangereux du centre-ville. Celui-ci est alors fermé, puis racheté par John Henderson Park qui, à la tête de l’institution, convertit ce « temple vil du diable » en <a href="https://www.theses.fr/2023GRALL016">lieu de prière pour les classes populaires</a>.</p>
<p>En 1863, J.H. Park et les membres de la Glasgow Temperance Mission – association contre l’alcoolisme – tentent aussi de faire interdire la foire de Glasgow, qui sera délocalisée dans le quartier de Parkhead. Le motif est que les spectacles sont de caractère douteux et que la gestion des manèges est entre les mains de personnes issues de la communauté des gens du voyage, jugées « non fréquentables », tel qu’en témoigne un article publié dans le <a href="https://britishnewspaperarchive.co.uk/"><em>Glasgow Herald</em> en 1869</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les pères mènent une vie d’oisiveté et de dissipation, les mères possèdent peu de qualités maternelles, et leurs enfants sont élevés sans éducation et parfaitement ignorants de la différence entre le bien et le mal. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les années 1870, les classes aisées dénoncent quant à elles l’attitude des femmes étrangères qui se produisent sur les planches de la scène glasvégienne. Leurs costumes frivoles et leur maquillage sont jugés vulgaires et indécents. Ainsi, les spectacles de french cancan proposés par le music-hall Whitebait en 1875 soulèvent un tollé dans la presse locale et la municipalité interdit leur représentation.</p>
<p>Malgré ces efforts mis en œuvre pour contrôler la façon dont se divertit la jeunesse, la municipalité ne peut totalement bannir de Glasgow les lieux de divertissement populaires, car ils sont économiquement indispensables à l’épanouissement d’une société qui, par le développement des voies ferrées et du tourisme, s’ouvre peu à peu au monde. Aujourd’hui encore, cette culture urbaine et cosmopolite se lit sur les devantures des pubs et des théâtres. Elle se vit à l’occasion des concerts et des festivals bouillonnants que la municipalité propose tout au long de l’année.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanette Pradon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des établissements de loisir aux attractions foraines, la notoriété actuelle de Glasgow en tant que capitale écossaise du loisir et de la culture est un héritage du XIXᵉ siècle.Fanette Pradon, doctorante en civilisation britannique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187512023-12-06T17:44:46Z2023-12-06T17:44:46ZTransport aérien, croisières… La piste des « passeports carbone » pour limiter l’impact du tourisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562156/original/file-20231031-15-1auro3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=64%2C0%2C7128%2C4748&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/woman-carries-luggage-airport-terminal-403443151">Shine Nucha/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’été 2023 a marqué un tournant pour l’industrie du voyage. À la fin du mois de juillet, les arrivées de touristes internationaux dans le monde <a href="https://www.unwto.org/news/international-tourism-swiftly-overcoming-pandemic-downturn">ont atteint 84 % des niveaux d’avant la pandémie</a>. Dans <a href="https://joint-research-centre.ec.europa.eu/jrc-news-and-updates/eu-tourism-almost-full-recovery-pre-pandemic-levels-2023-10-23_en">certains pays européens</a>, comme la France, le Danemark et l’Irlande, la demande touristique a même dépassé son niveau prépandémique.</p>
<p>C’est peut-être une excellente nouvelle <a href="https://skift.com/insight/state-of-travel/">sur le plan économique</a>, mais il est à craindre que ce retour au <em>statu quo</em> n’ait déjà des conséquences désastreuses sur les plans environnemental et social.</p>
<p>L’été 2023 a été marqué par des vagues de chaleur record dans de nombreuses régions du monde. Les gens ont dû fuir les <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/24/greece-wildfires-corfu-evia-rhodes-heatwave-northern-hemisphere-extreme-weather-temperatures-europe">incendies de forêt en Grèce</a> et <a href="https://www.independent.co.uk/climate-change/news/hawaii-fires-update-biden-b2393188.html">à Hawaï</a>, tandis que des <a href="https://www.manchestereveningnews.co.uk/news/world-news/foreign-office-issues-spain-weather-27339111">alertes météorologiques</a> extrêmes ont été émises dans de nombreuses destinations de vacances populaires telles que le Portugal, l’Espagne et la Turquie. Les experts <a href="https://theconversation.com/european-heatwave-whats-causing-it-and-is-climate-change-to-blame-209653">ont conclu à la responsabilité du changement climatique dans ces conditions météorologiques extrêmes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-risques-de-temperatures-extremes-en-europe-de-louest-sont-sous-estimes-213015">Les risques de températures extrêmes en Europe de l’Ouest sont sous-estimés</a>
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<p>Le tourisme fait partie du problème. Le secteur du tourisme génère <a href="https://wttc.org/Portals/0/Documents/Reports/2021/WTTC_Net_Zero_Roadmap.pdf">environ 10 %</a> des émissions de gaz à effet de serre à l’origine de la crise climatique.</p>
<p>Les effets négatifs du tourisme sur l’environnement sont devenus si graves que certains suggèrent que des changements radicaux dans nos habitudes de voyage sont inévitables. Dans un <a href="https://www.intrepidtravel.com/sites/intrepid/files/basic_page/files/A%20Sustainable%20Future%20For%20Travel%20From%20Crisis%20To%20Transformation-231016-02.pdf">rapport</a> de 2023 sur l’avenir des voyages durables, le voyagiste Intrepid Travel a proposé l’idée de « passeports carbone » pour aider l’industrie du tourisme à survivre.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un passeport carbone ?</h2>
<p>L’idée du passeport carbone repose sur l’attribution à chaque voyageur d’un quota annuel de carbone qu’il ne peut pas dépasser. Ces quotas permettent ensuite de « rationner » les déplacements.</p>
<p>Ce concept peut sembler extrême. Mais l’idée de quotas de carbone personnels n’est pas nouvelle. Un <a href="https://publications.parliament.uk/pa/cm200708/cmselect/cmenvaud/565/565.pdf">concept similaire</a> – appelé « échange personnel de droits d’émission de carbone » – a été discuté à la Chambre des communes du Royaume-Uni en 2008, avant d’être abandonné en raison de sa complexité apparente et de la possibilité d’une résistance de l’opinion publique.</p>
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<p><a href="https://www.nature.org/en-us/get-involved/how-to-help/carbon-footprint-calculator/">L’empreinte carbone annuelle moyenne</a> d’une personne aux États-Unis est de 16 tonnes, l’un des taux les plus élevés au monde. Au Royaume-Uni, ce chiffre s’élève à 11,7 tonnes, soit plus de cinq fois le chiffre recommandé par l’<a href="https://www.openaccessgovernment.org/the-average-british-carbon-footprint-is-five-times-over-paris-agreement-recommendations/152669/">accord de Paris</a> pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en deçà de 1,5 °C. (<em>En France, celle-ci est <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/en_SNBC-2_summary.pdf">du même ordre de grandeur</a>, ndlt</em>)</p>
<p>Au niveau mondial, l’empreinte carbone annuelle moyenne d’une personne est plus proche de quatre tonnes. Mais pour avoir les meilleures chances d’empêcher la hausse des températures de dépasser les 2 °C, l’empreinte carbone mondiale moyenne <a href="https://www.nature.org/en-us/get-involved/how-to-help/carbon-footprint-calculator/">doit baisser</a> à moins de deux tonnes d’ici à 2050. Ce chiffre équivaut à environ <a href="https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2019/jul/19/carbon-calculator-how-taking-one-flight-emits-as-much-as-many-people-do-in-a-year">deux vols aller-retour</a> entre Londres et New York.</p>
<p>Le rapport d’Intrepid Travel prévoit que les passeports carbone seront utilisés d’ici 2040. Cependant, <a href="https://www.politico.eu/article/travel-short-haul-flights-europe-under-fire-climate-change-cop26/">plusieurs lois et restrictions</a> ont été mises en place au cours de l’année écoulée, ce qui suggère que nos habitudes de voyage sont peut-être déjà sur le point de changer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Boeing 777 avec Manhattan en arrière-plan à l’aéroport JFK de New York." src="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=155&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556889/original/file-20231031-23-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=195&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un vol Londres-New York génère un peu moins d’une tonne de CO₂ par passager.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/new-york-january-2-boeing-777-93592174">Eliyahu Yosef Parypa/Shutterstock</a></span>
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<h2>Pourquoi cibler le transport aérien</h2>
<p>Entre 2013 et 2018, la quantité de CO<sub>2</sub> émise par les vols commerciaux dans le monde <a href="https://theicct.org/sites/default/files/publications/ICCT_CO2-commercl-aviation-2018_20190918.pdf">a augmenté de 32 %</a>. Certes, les améliorations en matière d’efficacité énergétique réduisent lentement les émissions par passager. Mais une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1352231014004889">étude</a> de 2014 a révélé que, quels que soient les efforts déployés par l’industrie pour réduire ses émissions de carbone, ils seront contrebalancés par la croissance du trafic aérien.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété</a>
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<p>Pour que les réductions d’émissions aient un effet significatif, les prix des billets devraient augmenter de 1,4 % par an, ceci afin de décourager certaines personnes de prendre l’avion. Or, en réalité, les <a href="https://www.climatecentral.org/news/increase-in-flights-will-outweigh-carbon-cuts-17875">prix des billets sont en baisse</a>.</p>
<p>Certains pays européens commencent à prendre des mesures pour réduire les voyages en avion. En Belgique, depuis le 1<sup>er</sup> avril 2023, les passagers des vols court-courriers et des avions les plus anciens sont <a href="https://www.euronews.com/green/2022/12/12/private-jets-and-short-haul-flights-face-pollution-busting-tax-increases-in-belgium">soumis à des taxes plus élevées</a> afin d’encourager d’autres formes de voyage.</p>
<p>Moins de deux mois plus tard, la France a interdit les <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-65687665">vols intérieurs court-courriers</a> lorsque le même trajet peut être effectué en train en deux heures et demie ou moins. <a href="https://businesstravelerusa.com/news/spain-to-follow-frances-lead-plans-to-ban-short-haul-domestic-flights/">On s’attend à ce que l’Espagne</a> fasse de même prochainement.</p>
<p>Un projet similaire pourrait également voir le jour en Allemagne. En 2021, un <a href="https://www.cleanenergywire.org/news/seventy-percent-germans-favour-banning-short-haul-flights-survey">sondage YouGov</a> a révélé que 70 % des Allemands soutiendraient de telles mesures pour lutter contre le changement climatique si des parcours alternatifs par train ou par bateau étaient disponibles.</p>
<h2>Des croisières qui polluent</h2>
<p>Le transport aérien n’est pas le seul à être sous le feu des critiques. Une <a href="https://www.transportenvironment.org/wp-content/uploads/2023/06/The-return-of-the-cruise-June-2023.pdf">enquête</a> menée en 2023 par la Fédération européenne pour le transport et l’environnement a révélé que les navires de croisière rejettent quatre fois plus de gaz sulfuriques – dont il est prouvé qu’ils provoquent des pluies acides et <a href="https://www.forbes.com/sites/jamesellsmoor/2019/04/26/cruise-ship-pollution-is-causing-serious-health-and-environmental-problems/">plusieurs affections respiratoires</a> – dans l’atmosphère que l’ensemble des 291 millions de voitures en circulation en Europe.</p>
<p>De telles statistiques ont contraint les destinations touristiques européennes à <a href="https://www.ft.com/content/8727387d-590d-43bd-a305-b5ec208a4dfe">prendre des mesures</a> contre l’industrie des croisières. En juillet, le conseil municipal d’Amsterdam a <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-66264226">interdit aux bateaux de croisière</a> d’accoster dans le centre-ville afin de réduire aussi bien le tourisme que la pollution, une initiative qui a fait ses preuves ailleurs.</p>
<p>En 2019, Venise était le port européen le plus pollué, en raison du grand nombre de bateaux de croisière. Mais elle est tombée à la 41<sup>e</sup> place en 2022 après l’interdiction faite aux grands navires de croisière d’entrer dans les eaux de la ville, <a href="https://www.transportenvironment.org/discover/europes-luxury-cruise-ships-emit-as-much-toxic-sulphur-as-1bn-cars-study/">ce qui a permis de réduire de 80 % la pollution atmosphérique à Venise provenant des navires</a>.</p>
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<img alt="Gondoles au premier plan d’un énorme bateau de croisière à Venise." src="https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556894/original/file-20231031-23-krj8r8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2022, Venise a interdit aux grands navires de croisière d’accoster dans ses eaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/gondolas-on-background-huge-cruise-ship-243221659">Ugis Riba/Shutterstock</a></span>
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<h2>Changer de destination</h2>
<p>Le rapport d’Intrepid Travel souligne également que le changement climatique aura bientôt un impact non seulement sur la façon dont nous voyageons, mais aussi sur <a href="https://joint-research-centre.ec.europa.eu/jrc-news-and-updates/global-warming-reshuffle-europes-tourism-demand-particularly-coastal-areas-2023-07-28_en">là où nous voyageons</a>. Les températures brûlantes diminueront probablement l’attrait des destinations balnéaires traditionnelles, incitant les touristes européens à rechercher des destinations plus fraîches pour leurs vacances d’été, telles que la Belgique, la Slovénie et la Pologne.</p>
<p><a href="https://www.travelweekly.com/Travel-News/Tour-Operators/Travelers-seek-cooler-destinations-this-summer">Plusieurs agences de voyages</a> ont signalé une augmentation sensible des réservations de vacances vers des destinations européennes plus fraîches comme la Scandinavie, l’Irlande et le Royaume-Uni pendant la saison haute de l’été 2023.</p>
<p>Quelle que soit la solution, changer nos habitudes de voyage semble inévitable. Des destinations du monde entier, de <a href="https://www.theneweuropean.co.uk/barcelonas-war-on-tourism-ada-colau/">Barcelone</a> à la <a href="https://www.dw.com/en/italy-tourism-bans-controls-fees-restrictions/a-66453047">Riviera italienne</a> en passant par <a href="https://theconversation.com/death-on-everest-the-boom-in-climbing-tourism-is-dangerous-and-unsustainable-114033">l’Everest</a>, appellent déjà à limiter le nombre de touristes pour lutter contre la foule et la pollution.</p>
<p>Les vacanciers doivent se préparer à modifier leurs habitudes de voyage dès maintenant, avant que ce changement ne leur soit imposé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ross Bennett-Cook ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si rien n’est fait pour changer nos habitudes de voyage, le temps de l’industrie du tourisme pourrait être compté. Des « passeports carbone » pourraient-ils faire partie de la solution ?Ross Bennett-Cook, Visiting Lecturer, School of Architecture + Cities, University of WestminsterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169182023-11-05T18:27:51Z2023-11-05T18:27:51Z« Plus haute ZAD d’Europe » : faut-il encore aménager les glaciers alpins ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557244/original/file-20231102-30-tfg6ng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C62%2C1561%2C943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En s’installant à 3400 mètres d’altitude sur le glacier de la Girose dans le massif des Écrins, les Soulèvements de la Terre ont tenu la plus haute Zone à défendre (ZAD) d’Europe. </span> <span class="attribution"><span class="source">Les Soulèvements de la Terre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 8 au 10 novembre, la France accueille le One Planet – Polar Summit, premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles, pour appeler à une mobilisation exceptionnelle et concertée de la communauté internationale. Dans les Alpes, les projets d’aménagements des glaciers à des fins touristiques ou sportives sont pourtant toujours en cours malgré <a href="https://theconversation.com/rechauffement-climatique-sur-le-mont-blanc-le-nombre-de-jours-de-gels-va-seffondrer-dici-2100-116858">leur disparition annoncée</a>. C’est le cas par exemple dans le massif des Écrins (Hautes-Alpes), sur le glacier de la Girose où il est <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/sata-nouveau-gestionnaire-du-telepherique-meije-grave-1245155.html">prévu d’implanter depuis 2017</a> le troisième tronçon du téléphérique de la Grave.</p>
<p>Du 7 au 13 octobre dernier, les <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">Soulèvements de la Terre</a> (SLT) ont occupé le chantier afin d’en bloquer les travaux préparatoires. Ce nouvel aménagement a pour objectif de prolonger les deux tronçons existant, qui permettent depuis 1978 d’accéder au col des Ruillans à 3 221 mètres et ainsi rallier à terme le Dôme de La Lauze à 3559 mètres. Porté par la Société d’aménagement touristique de la Grave (SATG) et la municipalité, ce projet est estimé à <a href="https://www.ledauphine.com/hautes-alpes/2019/07/25/en-route-vers-la-tres-haute-montagne">12 millions d’euros</a>, investissement dont le bien fondé <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/troisieme-troncon-du-telepherique-a-la-grave-des-habitants-craignent-une-jonction-avec-l-alpe-d-huez-et-les-deux-alpes-2616292.html">divise les habitants de La Grave depuis cinq ans</a>.</p>
<p>En jeu derrière ces désaccords, la direction à donner à la transition touristique face au changement climatique : renforcement ou bifurcation du modèle socio-économique existant en montagne ?</p>
<h2>Une occupation surprise du glacier</h2>
<p>Partis du village de La Grave à 1 400 mètres dans la nuit du 6 au 7 octobre, une quinzaine de militants des SLT ont gravi 2 000 mètres de dénivelé avec des sacs à dos de 15 à 20 kg. Au terme de 12 heures d’ascension, ils ont atteint le haut d’un rognon rocheux émergeant du glacier de la Girose où doit être implanté un pylône du nouveau téléphérique. Ils y ont installé leur camp de base dans l’après-midi, avant d’annoncer sur les réseaux sociaux la création de « la plus haute zone à défendre (ZAD) d’Europe ».</p>
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<p>Par cette mobilisation surprise, les SLT ont montré qu’ils pouvaient être présents sur des terrains où ils ne sont pas forcément attendus et que pour cela :</p>
<ul>
<li><p>ils disposent de ressources logistiques permettant d’envisager une mobilisation de type occupationnelle de plusieurs jours à 3 400 mètres d’altitude</p></li>
<li><p>ils maîtrisent les techniques d’alpinisme et l’engagement physique qu’implique la haute montagne.</p></li>
</ul>
<p>Sur le glacier de la Girose, les conditions de vie imposées par le milieu n’ont en effet rien à voir avec celles des autres ZAD en France, y compris celles de La Clusaz (en <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">novembre 2021</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/10/20/a-la-clusaz-une-zad-contre-la-neige-artificielle_6146621_3244.html">octobre 2022</a>), premières du type en montagne, dans le bois de la Colombière à 1 400 mètres d’altitude. Au cours de la semaine d’occupation, les températures étaient toutefois clémentes, oscillant entre -7° à 10 °C, du fait d’un automne anormalement chaud.</p>
<h2>Une communication bien rodée</h2>
<p>Très rapidement, cette occupation du glacier a donné un coup de projecteur national sur ce <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/23/a-la-grave-le-telepherique-qui-divise-la-mecque-du-hors-piste_6103207_3234.html">projet controversé d’aménagement local</a>. Dès son annonce publique, les articles se sont succédés <a href="https://www.liberation.fr/environnement/dans-les-hautes-alpes-une-zad-en-pleine-lutte-des-glaces-20231009_O46222K5CFF77ASIGBEHEGNUQ4/">dans les médias nationaux</a> à partir des éléments de communication (photographies, vidéos, communiqués de presse, live sur les réseaux sociaux) fournis par les SLT depuis le glacier de la Girose. Les militants présents disposaient en effet des compétences et du matériel nécessaires pour produire des contenus professionnels à 3400 mètres. Ils ont ainsi accordé une attention particulière à la mise en scène médiatique et à sa dimension esthétique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une attention particulière a été accordée par Les soulèvements de la terre à la mise en scène médiatique, notamment dans sa dimension esthétique..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Soulèvements de la terre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien qu’inédite par sa forme ainsi que les lieux et les moyens mobilisés, cette mobilisation s’inscrit dans une <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10888">grammaire politique</a> partagée faisant référence au <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">bien commun ainsi qu’aux imaginaires et narratifs habituels des SLT</a>, qu’elle actualise à partir de cette expérience en haute montagne. Elle est visible dans les stratégies de communication mobilisées : les références à la ZAD, à la stratégie du désarmement, l’apparition masquée des militants, les <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/travaux-geles-sur-le-glacier-nous-reviendrons-au-printemps-s-il-le-faut">slogans tels que</a> la « lutte des glaces », « nous sommes les glaciers qui se défendent » et « ça presse mais la SATArde ». Une fois déployée, cette grammaire de la mobilisation est aisément reconnaissable par les publics, qu’ils y soient favorables ou non.</p>
<h2>Une plante protégée sur le chantier</h2>
<p>Cette occupation du glacier a été imaginée dans l’urgence en quelques jours par les SLT pour répondre au début des travaux préliminaires entrepris par la SATG quelques jours auparavant. Son objectif était de stopper ces derniers suite à la décision du tribunal administratif de Marseille de rejeter, le 5 octobre, un référé liberté <a href="https://www.placegrenet.fr/2023/10/06/troisieme-troncon-du-telepherique-de-la-grave-le-tribunal-administratif-rejette-le-recours-des-opposants-aux-travaux/615285">demandant leurs interruptions d’urgence</a>. Déposé le 20 septembre par les associations locales et environnementales, ce dernier visait notamment à protéger l’androsace du Dauphiné présente sur le rognon rocheux.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Androsace du Dauphiné.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabien Anthelme</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette plante protégée, dont la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-90612-w">découverte formelle ne remonte qu’à 2021</a>, a été identifiée le 11 juillet sur les lieux par deux scientifiques du Laboratoire d’écologie alpine (CNRS, Université Grenoble Alpes et Université Savoie Mont Blanc) et certifiée par l’Office français de la biodiversité (OFB). Leur <a href="https://reporterre.net/IMG/pdf/rapport_expertise-ecologique_lagrave_leca_ofb.pdf">rapport d’expertise écologique</a> a été rendu public et remis aux autorités administratives le 18 juillet : il montre qu’il existe plusieurs spécimens de l’androsace du Dauphiné dans un rayon de moins de 50 mètres autour du projet d’implantation du pylône. Or, elle ne figure pas dans l’étude d’impact et le <a href="https://alpinemag.fr/droit-de-reponse-frederic-aubry-agrestis/">bureau d’étude qui l’a réalisée affirme l’avoir cherchée sans la trouver</a>.</p>
<p>Deux jours après le début de l’occupation, la SATG a demandé à la préfecture des Hautes-Alpes l’évacuation du campement des SLT afin de pouvoir reprendre au plus vite les travaux. Le 10 octobre, la <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/une-zad-a-3500m-d-altitude-les-soulevements-de-la-terre-continuent-leur-lutte-des-glaces-contre-un-projet-de-telepherique-2854469.html">gendarmerie s’est rendue sur le glacier</a> pour notifier aux militants qu’un arrêté municipal interdisant le bivouac jusqu’au printemps avait été pris. Et que le campement était illégal, et donc passible de poursuites civiles et pénales.</p>
<p>En réponse, un nouveau recours « référé-suspension » en justice a été déposé le lendemain par les associations locales et environnementales pour stopper les travaux… à nouveau <a href="https://www.ledauphine.com/environnement/2023/10/30/telepherique-la-requete-des-associations-rejetee">rejeté le 30 octobre par le tribunal administratif de Marseille</a>. Cette décision s’appuie sur l’avis de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et du préfet des Hautes-Alpes qui estiment que le <a href="https://alpinemag.fr/telepherique-la-grave-associations-deboutees-requete-prefet-hautes-alpes/">risque d’atteinte à l’androsace du Dauphiné n’était pas suffisamment caractérisé</a>. MW et LGA envisagent désormais de former un recours en cassation devant le Conseil d’État.</p>
<p>Entre-temps, les SLT ont décidé de redescendre dans la vallée dès le 13 octobre, leur présence n’étant plus nécessaire pour empêcher le déroulement des travaux, puisque les conditions météorologiques rendent désormais leur reprise impossible avant le printemps 2024.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1712817279556084122"}"></div></p>
<p>Bien qu’illégale, cette occupation « à durée déterminée » du glacier pourrait permettre à la justice d’aboutir à un jugement de fond sur l’ensemble des points contestés par les associations locales et environnementales. En ce sens, cette occupation a permis de faire « gagner du temps » à Mountain Wilderness (MW) et à La Grave Autrement (LGA) engagées depuis cinq ans contre le projet. Leurs actions menées depuis le 3 avril dernier, date du <a href="https://ram05.fr/la-grave-le-permis-de-construire-pour-le-troisieme-troncon-est-delivre">permis de construire accordée par la mairie de la Grave à la SATG</a>, n’ont jusqu’alors <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-telepherique-grave-troisieme-mobilisation-glacier-girose">pas été en mesure d’empêcher le début des travaux</a>… alors même que leurs recours juridiques sur le fond ne vont être étudiés par la justice que l’année prochaine et que les travaux auraient pu avoir lieu en amont.</p>
<p>Cette mobilisation des SLT a aussi contraint les promoteurs du projet à sortir du silence et à prendre position publiquement. Ils ont ainsi dénoncé <a href="https://www.ledauphine.com/environnement/2023/10/10/telepherique-de-la-meije-le-chantier-encore-bloque-par-les-soulevements-de-la-terre">« quatorze hurluberlus qui ne font rien de leur vie et entravent ceux qui travaillent »</a>, ce à quoi la presse montagne a répondu <a href="https://alpinemag.fr/les-glaciers-disent-merci-aux-hurluberlus/">« les glaciers disent merci aux hurluberlus »</a>.</p>
<h2>Sanctuarisation et manque de « cohérence »</h2>
<p>En Europe, cette mobilisation des SLT en haute montagne est inédite dans l’histoire des contestations socio-environnementales du tourisme, et plus largement dans celles des mouvements sociaux. Cela lui confère une forte dimension symbolique, en même temps que le <a href="https://www.geo.fr/environnement/la-mer-de-glace-le-symbole-des-effets-du-changement-climatique-en-france-206016">devenir des glaciers est lui-même devenu un symbole du changement climatique</a> et que leur artificialisation à des fins touristiques ou sportives suscite de plus en plus de critiques dans les Alpes. Dernier exemple en date, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/reportage-suisse-polemique-autour-d-une-piste-de-ski-creusee-dans-un-glacier-pour-la-coupe-du-monde_6143841.html">creusement d’une piste de ski dans un glacier suisse à l’aide de pelles mécaniques</a> afin de permettre la tenue d’une épreuve de la coupe du monde de ski.</p>
<p>Une telle situation où un engin de travaux publics brise de la glace pour l’aplanir et rendre possible la pratique du ski alpin a déjà été <a href="https://alpinemag.fr/sauvons-la-girose-un-des-derniers-grands-glaciers-des-alpes/">observée à la Grave en septembre 2020</a>. L’objectif était alors de faire fonctionner le vieux téléski du glacier de la Girose, que le troisième tronçon du téléphérique entend remplacer à terme… sauf que l’objectif de ce dernier est d’accroître le nombre de skieurs alpins sur un <a href="https://www.actumontagne.com/people/glaciologue-dun-jour-sur-le-glacier-de-la-girose/">glacier qui subit de plein fouet le réchauffement climatique</a>, ce qui impliquera ensuite la <a href="https://alpinemag.fr/les-glaciers-disent-merci-aux-hurluberlus/">mise en place d’une sécurisation des crevasses à l’aide de pelleteuses</a>. Dans ce contexte, la question que pose la mobilisation des SLT peut donc se reformuler ainsi : ne faut-il pas désormais laisser le glacier de la Girose libre de tout moyen de transport pour en faire un avant-poste de la transition touristique pour expérimenter une nouvelle approche de la montagne ?</p>
<p>Cette question résonne avec la position du gouvernement français au One Planet Summit sur la <a href="https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/one-planet-polar-summit-glaciers-antarctique-arctique-a-quoi-va-servir-le-sommet-polaire-organise-par-la-france-a-paris-les-8-et-9-novembre-2023-2274784.html">nécessaire sanctuarisation des écosystèmes que représentent les glaciers</a>… dont le projet d’aménagement du glacier de la Girose représente « quelques accrocs à la cohérence », reconnaît Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, du fait d’un dossier complexe.</p>
<h2>Un dialogue à rouvrir pour avancer</h2>
<p>Au lendemain de la fin de l’occupation du glacier par les SLT, le 14 octobre, une manifestation a été organisée à l’initiative des Enseignes de La Meije (association des commerçants de la Grave) pour <a href="https://www.ledauphine.com/societe/2023/10/14/troisieme-troncon-du-telepherique-a-la-grave-les-pour-manifestent-aussi">défendre l’aménagement du troisième tronçon du téléphérique</a>. Pour eux, comme pour la SATG et la municipalité, l’existence de la station est en péril sans celui-ci, <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-telepherique-grave-quel-modele-economique-projet-un-troisieme-troncon">ce que conteste LGA dans son analyse des retombées économiques sur le territoire</a>. Le bureau des guides de la Grave est <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/23/a-la-grave-le-telepherique-qui-divise-la-mecque-du-hors-piste_6103207_3234.html">lui aussi divisé</a> sur le sujet. Le débat ne se résume donc pas à une opposition entre les amoureux du glacier, là-haut, et ceux du business, en bas ; entre ceux qui vivent sur le territoire à l’année et les autres qui n’y sont que quelques jours par an ; entre des « hurluberlus qui ne font rien de leur vie » et ceux qui travaillent, etc.</p>
<p>Comme partout en montagne, le débat à la Grave est plus complexe qu’il n’y paraît et appelle à rouvrir le dialogue si l’on prend au sérieux l’inévitable bifurcation du modèle de développement montagnard face aux effets du changement climatique. Considérer qu’il n’y a pas aujourd’hui <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-edito-deux-montagnes-irreconciliables">deux montagnes irréconciliables</a> n’implique pas d’être d’accord sur tout avec tout le monde en amont. Les <a href="https://theconversation.com/a-la-clusaz-des-pistes-existent-pour-dejouer-lartificialisation-de-la-montagne-183539">désaccords peuvent être féconds</a> pour imaginer le devenir du territoire sans que l’artificialisation du glacier soit l’unique solution pour vivre et habiter à La Grave.</p>
<p>Si les travaux du troisième tronçon du téléphérique étaient amenés à reprendre au printemps prochain, les SLT ont d’ores et déjà annoncé qu’ils reviendront occuper le glacier de la Girose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216918/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d’excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).</span></em></p>Les militants des Soulèvements de la Terre ont quitté le glacier de la Girose dans les Hautes-Alpes. Mais la question de l’aménagement de la haute montagne – et de l’avenir de son modèle touristique – demeure.Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142822023-09-28T14:15:43Z2023-09-28T14:15:43ZDjerba classé patrimoine mondial : un succès en forme de défi<p>_L’Unesco a approuvé <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1640/">l'inscription de l'île de Djerba</a> sur la liste de son patrimoine mondial. Le site tunisien est réputé pour ses ruines antiques, ses villages blanchis à la chaux, ses mosquées, églises et synagogues. Aliou Niane de The Conversation Afrique a demandé à Najoua Tobji Ben Rejeb, chercheure en patrimoine environnemental et architectural, quelles étaient les spécificités du site qui ont poussé à cette décision et ses possibles retombées.</p>
<h2>Pouvez-vous retracer l'historique du site ?</h2>
<p>Ouverte sur la mer, <a href="https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1952_num_5_18_1786">Djerba</a>, la plus grande île du sud de la Méditerranée, a connu depuis l'Antiquité une histoire agitée et mouvementée. Sa situation géographique dans le sud-est de la Tunisie lui a garanti un emplacement stratégique entre les deux rives du bassin méditerranéen et lui a permis de jouer, très tôt, les rôles de terre d'accueil et de plaque tournante marchande entre l'Afrique subsaharienne et l'Europe. </p>
<p>Par ailleurs, l'avènement de l'islam à Djerba a constitué un tournant décisif dans l'histoire de l'île, notamment à cause de la spécificité du <a href="https://journals.openedition.org/asr/2957">rite ibadite</a> embrassé par sa population. </p>
<p>Au XIe siècle, la société à Djerba, était organisée selon un système à dominance musulmane ibadite côtoyant des minorités juive et chrétienne; ce qui conférait à l’île un <a href="http://www.revuedelamediterranee.org/index_htm_files/Tobji_V-1_2018.pdf">caractère multiconfessionnel</a>.
La communauté juive de l’île est considérée par bon nombre d’historiens parmi les plus anciennes, sinon la plus ancienne des communautés juives de l’Afrique du Nord. </p>
<p>Ces spécificités cultuelles et cultuelles de la société djerbienne ont engendré, en interaction avec d'autres paramètres comme l'insularité, les conjonctures historiques et le cadre physique, un paysage spécifique où le naturel alternait avec le bâti dans une symbiose exceptionnelle.</p>
<p>D'ailleurs, le bien en série “Djerba, témoignage d’un mode d’occupation d’un territoire insulaire” englobe : </p>
<ul>
<li><p>cinq zones situées dans les vergers de l’île.</p></li>
<li><p>deux agglomérations urbaines, à savoir le village de Hara Sghira, le plus ancien des deux villages de la communauté juive de Djerba et le centre historique de Houmt-Souk.</p></li>
<li><p>22 mosquées, la synagogue la Ghriba et l’église Saint Nicolas, témoins de la cohabitation de trois communautés ayant des références identitaires et religieuses distinctes.</p></li>
</ul>
<h2>Pourquoi est-ce si crucial que le site soit désigné comme un site du patrimoine mondial ?</h2>
<p>L'inscription du site sur cette liste du patrimoine mondial constitue une reconnaissance internationale de la valeur exceptionnelle de ce patrimoine et de l'importance de sa préservation et sa mise en valeur.</p>
<p>En effet, le patrimoine djerbien constitue le témoignage exceptionnel d’un schéma distinctif de peuplement et d’occupation du sol. Toutefois, ce modèle séculaire fait, aujourd'hui, face à des défis multiples. </p>
<h2>Quels sont ces défis?</h2>
<p>Aujourd'hui, Djerba est confrontée aux enjeux de la maîtrise de la croissance urbaine et des mutations qui peuvent en découler, notamment ceux touchant ses spécificités patrimoniales. Celles-ci se manifestent dans son architecture vernaculaire résultat d’une interaction efficiente entre le Djerbien et son environnement. Ces spécificités sont également perceptibles à travers le mode traditionnel d’occupation et d’exploitation de l’espace insulaire. </p>
<p>L'inscription de Djerba sur la liste de l'Unesco pourrait jouer un rôle déterminant dans sa sauvegarde et de sa mise en valeur. En effet, l'Etat tunisien, par le plan de gestion, un des principaux constituants du dossier, s'est engagé à prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour protéger le bien. </p>
<h2>Pourriez-vous expliquer les critères d'éligibilité à la liste du patrimoine mondial et comment ce site répond à ces critères ?</h2>
<p>Selon la <a href="https://whc.unesco.org/fr/criteres">convention du patrimoine mondial</a> “pour figurer sur la liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection”. L'authenticité, l'intégrité, la protection et la gestion des biens sont également des paramètres importants à considérer lors de l'élaboration d'un dossier d'inscription. </p>
<p>D'un autre coté, le document intitulé <a href="https://whc.unesco.org/fr/orientations/"><em>Les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial</em></a> élaboré par le Comité du patrimoine mondial énumère les étapes et procédures nécessaires pour l'inscription de biens sur la prestigieuse liste de l'Unesco.</p>
<p>Le bien “Djerba, témoignage d’un mode d’occupation d’un territoire insulaire” est inscrit selon le critère V : </p>
<blockquote>
<p>être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible.</p>
</blockquote>
<p>La nature d'occupation du sol à Djerba est basée sur un système rural de morcellement du territoire. En effet, les Djerbiens ne se sont réunis ni autour d'une source d'eau ni autour d'une mosquée. Ils ont opté plutôt pour une répartition sur la totalité du territoire selon une logique défensive. La nature de la nappe phréatique et sa répartition ont contribué à l'adoption d'un habitat dispersé et incité au perfectionnement de système de citernes pour pallier le manque d'eau. </p>
<p>Ce système urbain exceptionnel était constitué de quartiers/Houma qui sont un ensemble composés de Menzels (domaines agricoles) auxquels mène un réseau de voies. Deux noyaux urbains constituent, quant à eux, une exception : il s’agit de Houmt-Souk, centre d’échange économique et commercial, et le village juif de Hara Sghira.</p>
<p>Djerba représente ainsi, selon Eric Falt, directeur du Bureau de l'Unesco pour le Maghreb :</p>
<blockquote>
<p>un témoignage exceptionnel d'un schéma de peuplement unique et d'une adaptation humaine remarquable, à travers les siècles, aux contraintes d'un environnement marqué par la rareté de l'eau et de nombreuses menaces venues de la mer.</p>
</blockquote>
<p>Ce paysage spécifique était également la résultante des périodes tumultueuses et sanglantes qu’avait connues Djerba depuis le haut moyen âge et qui avaient marqué de leur empreinte son paysage architectural et urbain. </p>
<p>Par ailleurs, le bien répond correctement aux conditions d’intégrité et d’authenticité et bénéficie d’un système adapté de protection et de gestion nécessaire pour la sauvegarde des attributs qui lui confèrent sa Valeur Universelle Exceptionnelle.</p>
<p>Selon le paragraphe 49 des _Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial,</p>
<blockquote>
<p>La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité.</p>
</blockquote>
<h2>Pouvez-vous nous expliquer le processus d'évaluation du site une fois qu'il est proposé pour cette distinction ?</h2>
<p>L’Institut national du patrimoine (INP) a proposé en 2012, au nom de l'Etat tunisien, d'inscrire l’île de Djerba sur la liste indicative du Patrimoine mondial.</p>
<p>Depuis, une équipe d'experts tunisiens appartenant à divers domaines et spécialités a travaillé à l'élaboration d'un rapport scientifique et technique détaillé, afin de répondre à toutes les exigences formulées dans les orientations de l'Unesco. Les efforts de l'Association pour la sauvegarde de l'île de Djerba (ASSIDJE) ont été, d'ailleurs, déterminants dans l'avancement du dossier. Ce travail de longue haleine s'est achevé, le 1er février 2022, par le dépôt final et officiel du dossier au siège de l'Unesco.</p>
<p>En septembre 2022, une mission technique d’évaluation du (<a href="https://www.icomos.org/fr">Conseil international des monuments et sites</a> (ICOMOS) s’est rendue à Djerba afin d’examiner le bien et les questions liées à sa protection, sa gestion et sa conservation, ainsi que celles associées à son intégrité et son authenticité, et ce conformément aux exigences établies par les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial et son Annexe 6. </p>
<p>Les informations complémentaires fournies par l'Etat tunisien, ainsi que le rapport de mission et les études de documents ont été attentivement examinés par les membres de la Commission pour le patrimoine mondial de l’ICOMOS lors de la réunion de la Commission pour le patrimoine mondial de l’ICOMOS, qui s’est tenue à la fin du mois de novembre 2022.</p>
<p>Finalement, lors de la 45ème session du Comité du patrimoine mondial qui s'est déroulée à Riyad en Arabie Saoudite, le dossier de l’intégration du bien au patrimoine mondial de l’Unesco a été examiné et accepté.</p>
<h2>Quelles seront les implications du nouveau statut du site ?</h2>
<p>L'inscription d'un site sur la liste du patrimoine mondial signifie sa valeur exceptionnelle pour l'humanité et la nécessité de le préserver pour les générations futures. Elle vise également à sensibiliser la population locale sur l'importance de la préservation du bien. Cette quête constituera un moyen efficace pour assurer la cohésion sociale autour d'une cause commune, en l'occurrence la protection du patrimoine commun et sa mise en valeur. </p>
<p>Par ailleurs, le site sera davantage protégé par les instances nationales et locales. Ce label de prestige entraînera également une augmentation du tourisme, une appréciation de la culture locale et un développement durable dans la région.</p>
<h2>Cette inscription ne fournit-elle pas des moyens financiers supplémentaires à l'Etat tunisien pour assurer la protection du site?</h2>
<p>Pour aider financièrement les Etats parties à protéger les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, l'Unesco a crée le Fonds du patrimoine mondial qui peut financer des projets concernant les biens inscrits. Cette assistance doit porter, soit sur l'assistance d'urgence ou la conservation et la gestion du bien. Pour bénéficier de cette aide financière, l'Etat tunisien doit, donc, soumettre une demande auprès du Centre du patrimoine mondial de l'Unesco.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Najoua Tobji Ben Rejeb does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Ce label de prestige entraînera également une augmentation du tourisme, une appréciation de la culture local et un développement durable dans la région.Najoua Tobji Ben Rejeb, Maître-assistante en sciences du patrimoine, Université de CarthageLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141682023-09-27T20:14:45Z2023-09-27T20:14:45ZQuel développement pour les territoires exposés aux risques côtiers ?<p>Dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/the-world-economy_9789264022621-en">PIB mondial a été multipliée par six</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">tourisme</a> qui s’est développé en parallèle, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/topics/peche-21609">pêche</a>, l’énergie, l’exploitation minière et l’agriculture ont eu un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-012-0168-2">impact particulièrement important</a> sur les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-06/20210607_Rapport_The-Climate-Change-Effect-In-The-Mediterranean-Six-stories-from-an-overheating-sea_WWF-min.pdf">écosystèmes côtiers</a>. Le tourisme a été l’une des industries qui a connu la croissance la plus rapide au monde, avec une multiplication par <a href="https://photo.capital.fr/les-chiffres-fous-du-tourisme-mondial-30549#le-nombre-de-touristes-en-augmentation-ininterrompue-depuis-7-ans-527215">27 du nombre de touristes</a>.</p>
<p>Or, la dégradation de ces <a href="https://theconversation.com/topics/ecosystemes-35522">écosystèmes</a> n’est pas sans <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/15e0af5e-fr/index.html?itemId=/content/component/15e0af5e-fr">aggraver les risques</a> pour les populations proches des mers et océans. L’aménagement des littoraux a, par exemple, souvent conduit à faire disparaître des zones humides qui étaient autant de zones d’atténuation des perturbations. Sans ces dernières, les ondes de tempête peuvent déferler à plus grande vitesse vers les terres et atteindre des hauteurs plus importantes.</p>
<p>En 2015, plus de <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-014/r15-0143.html">20 % de la population mondiale</a> vivait déjà à moins de 30 km des côtes et, si l’on en croit les projections démographiques, ces résidents seront toujours plus nombreux. Une question majeure qui se pose alors est de comprendre comment ces aires géographiques peuvent trouver un équilibre entre développement humain et conservation des écosystèmes. Comment articuler développement humain et pression anthropique croissante, qu’il importe de limiter sur des écosystèmes qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique ?</p>
<p>Pour y répondre, encore faut-il avoir bien identifié les déterminants du développement humain – estimé par la croissance économique – des pays exposés aux risques côtiers. Tel a été l’enjeu d’un travail de recherche qui a analysé le modèle économique de <a href="https://www.conservationgateway.org/ConservationPractices/Marine/crr/library/Pages/coastsatrisk.aspx">54 de ces territoires</a> sur la période 1960-2009, mis en regard de 83 autres.</p>
<h2>Prisonniers d’un cercle vicieux ?</h2>
<p>Plusieurs modèles théoriques de croissance ont été mobilisés afin d’identifier celui correspondant au mieux à l’économie des pays concernés. Le premier constat que nous en avons tiré semble plutôt inquiétant. Parce que leur croissance dépend fortement des ressources naturelles et d’un taux de fécondité élevé, ces pays pourraient être tentés de rechercher des gains économiques à court terme au détriment du moyen terme et de la viabilité de leurs écosystèmes.</p>
<p>Le fort poids des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a> dans l’économie et la dépendance aux exportations pénalise pourtant la croissance de ces pays, ce que des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1766385">travaux antérieurs</a> avaient déjà bien identifié. En effet, la liste des pays qui n’ont pas réussi à utiliser leurs abondantes ressources naturelles pour favoriser le progrès économique et social est longue.</p>
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<p>C’est un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles ». Au moins <a href="https://www.hks.harvard.edu/centers/cid/publications/faculty-working-papers/natural-resource-curse">quatre facteurs</a> contribuent à l’expliquer : la volatilité des prix internationaux de ces ressources, l’éviction permanente du secteur manufacturier (ou <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-le-syndrome-hollandais-7349314">syndrome hollandais</a>), les institutions autocratiques ou oligarchiques et les institutions anarchiques ».</p>
<p>Ces facteurs ne sont pas circonscrits au pays en voie de développement. Le « syndrome néerlandais » était une <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-021-00177-w">explication populaire</a> du processus de désindustrialisation vécu par plusieurs pays développés riches en ressources dans les années 1970 et 1980. Ce syndrome se produit lorsqu’un boom des ressources réduit les incitations à produire localement d’autres biens échangeables non liés aux ressources. Or, dépendre des exportations d’une telle ressource conduit à une appréciation de la monnaie qui pénalise les autres branches de l’économie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496440241321918467"}"></div></p>
<p><em>In fine</em>, lorsque l’exploitation des ressources naturelles n’est pas bien gérée, en faveur du bien commun, les revenus élevés, en provenance des devises liées aux exportations, ne se transforment pas en sources de richesse durable pour les pays. Les incitations sont néanmoins fortes à court terme.</p>
<p>Alors que les bénéfices économiques ne se répercutent pas sur la population, les ressources sont souvent surexploitées ou tout simplement épuisées. Cela met en évidence les pressions anthropiques supplémentaires potentielles auxquelles pourraient être confrontées ces zones côtières : conversion des terres à l’agriculture ou à l’aquaculture, construction, travaux publics requis par les exportations de ressources naturelles…</p>
<p>Nous montrons également l’importance particulière dans ces pays du <a href="https://theconversation.com/topics/fecondite-20850">taux de fécondité</a> élevé, qui stimule la croissance. Ce résultat est tout aussi inquiétant car il suggère que la dégradation des écosystèmes côtiers risque de s’accélérer : une population plus nombreuse, c’est davantage de pression à l’exploitation des ressources naturelles et d’urbanisation des littoraux. Il y a par exemple un risque de surpêche : pêcher trop de poissons et surtout trop de poissons qui n’ont pas atteint l’âge de reproduction, menaçant la pérennité de cette population de poissons.</p>
<h2>Des atouts néanmoins</h2>
<p>Il apparaît cependant que ces pays peuvent avoir des caractéristiques propices à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup de pays confrontés à des risques côtiers sont par exemple d’anciennes colonies britanniques, caractérisées par un <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">cadre juridique</a> de <em>common law</em>, un système politique parlementaire, un degré élevé d’ouverture au commerce international, un faible fractionnement linguistique et ethnique et un faible niveau de corruption dans le secteur public. Ces anciennes colonies britanniques sont généralement considérées comme ayant de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257%2Faer.91.5.1369&ref=marionomics-economia-y-ciencia-de-datos">meilleures institutions politiques et économiques</a> que les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, essentiellement parce que la Grande-Bretagne a colonisé des régions où se sont installés plus de colons, ce qui a poussé à mettre en place un système plus respectueux des droits des individus.</p>
<p>Si en termes des choix politiques, les gains à court terme sont souvent préférés à une bonne gestion locale des écosystèmes, cette préférence est plus faible lorsque les institutions sont de bonne qualité. Certaines <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0908012107">études</a> montrent que des institutions stables et légitimes permettent aux pays d’améliorer l’état des écosystèmes coralliens, notamment grâce à des réglementations de pêche et à des zones marines protégées mieux respectées.</p>
<p>Les pays fortement exposés aux risques côtiers se caractérisent également par une moindre <a href="https://theconversation.com/topics/ethnicite-86483">fragmentation linguistique et ethnique</a>, ce qui peut <a href="https://ourarchive.otago.ac.nz/handle/10523/3676">favoriser la qualité des écosystèmes côtiers</a>. Un fractionnement ethnique moindre peut se traduire par de meilleures performances environnementales, car il conduit en moyenne à une plus grande cohésion et à une meilleure communication. Une diversité des intérêts des communautés locales, de leurs structures sociales, culturelles, a souvent conduit à l’échec des projets de conservation de l’environnement marin.</p>
<p>Si la forte dépendance du développement humain à l’exportation des ressources naturelles et à un taux de fécondité élevé peut exacerber la dégradation de ces écosystèmes côtiers, l’amélioration de la qualité de leurs institutions serait ainsi propice à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farid Gasmi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche: Programme "Investissements d'Avenir".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet et Laura Recuero Virto ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les pays côtiers font face à la double contrainte d’une dépendance aux ressources naturelles et de la nécessaire protection de leurs écosystèmes.Laura Recuero Virto, Pôle Léonard de VinciDenis Couvet, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Farid Gasmi, Toulouse School of Economics – École d'Économie de ToulouseLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138242023-09-20T16:10:49Z2023-09-20T16:10:49ZLes conséquences économiques du tremblement de terre au Maroc<p>Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, le Maroc a connu <a href="https://medias24.com/2023/09/09/le-seisme-le-plus-puissant-de-lhistoire-recente-du-maroc/">sa plus grande catastrophe naturelle de l’époque moderne</a>, un séisme de magnitude 7 sur l’échelle Richter, d’un niveau supérieur au <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/maroc-il-y-a-60-ans-la-ville-d-agadir-etait-rasee-par-un-tremblement-de-terre_3849125.html">tremblement de terre d’Agadir de 1960</a>. Toute la région du <a href="https://www.bfmtv.com/international/afrique/maroc/seisme-au-maroc-la-province-d-al-haouz-compte-1351-morts-a-elle-seule_VN-202309100383.html">Haouz</a>, la ville de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/seisme-au-maroc-la-vieille-ville-de-marrakech-meurtrie-20230910">Marrakech</a> et l’arrière-pays montagneux ont été particulièrement affectés.</p>
<p>Dans l’état actuel des choses, le bilan humain s’élève à 3 000 morts et plus du double de blessés. 50 000 habitations auraient été détruites, certains villages étant complètement réduits en ruines. De nombreuses routes sont inutilisables. Une trentaine de monuments historiques – greniers villageois, ksours, mosquées – ont été détruits ou fortement endommagés. C’est le cas de la <a href="https://ledesk.ma/grandangle/quelle-renaissance-pour-la-mosquee-de-tinmel-apres-le-chaos/">mosquée de Tinmel</a>, à Talat N’Yaqoub, symbole de la dynastie des Almohades, qui était en restauration. C’est le cas aussi du <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/444/">grenier collectif du village d’Aït Ben Haddou</a>, qui est à présent partiellement en ruine.</p>
<p>Les dégâts s’étendent sur un large territoire, constitué essentiellement de zones rurales pauvres. Ils sont estimés à l’heure actuelle à environ <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/seisme-au-maroc-le-sinistre-pourrait-couter-9-milliards-deuros-au-pays-1479316">10 milliards d’euros</a>, soit 8 % du PIB du pays. Cela peut paraître considérable, mais il faut mettre ces chiffres en relation avec les transferts des Marocains de l’étranger, qui s’élèvent à une somme équivalente – 11 milliards en 2022.</p>
<p>Par ailleurs, le <a href="https://www.rtbf.be/article/economie-quelles-sont-les-forces-du-maroc-pour-reconstruire-apres-le-seisme-11254493">Maroc dispose de réserves de change d’un montant de 35 milliards d’euros</a>. Les infrastructures essentielles, notamment l’aéroport et la gare de Marrakech, n’ont pas été impactés, et l’essentiel des activités industrielles, qui se situent dans des régions éloignées du séisme ont été épargnées. Grace à son développement, le <a href="https://theconversation.com/pour-une-analyse-geographique-des-catastrophes-le-cas-du-seisme-du-8-septembre-au-maroc-213668">Maroc est donc en mesure de faire face à ce séisme</a>, d’autant qu’il s’accompagne d’une très forte solidarité publique et privée.</p>
<h2>Quel impact pour le tourisme ?</h2>
<p>Après la période de Covid, le Maroc a connu une <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/teoros/2020-v39-n3-teoros05803/1074905ar/">nette augmentation des entrées touristiques</a>, dans un mouvement de rattrapage de la situation antérieure à la pandémie. Au premier semestre 2023, ces entrées ont connu une augmentation spectaculaire de 92 %, ce qui était attendu après deux années particulièrement difficiles.</p>
<p>C’est d’autant plus important que la zone frappée dans la nuit du 8 au 9 septembre, à savoir la région du Haouz et la ville de Marrakech, est la plus touristique du pays. Si le <a href="https://www.europe1.fr/international/maroc-malgre-le-seisme-le-pays-mise-sur-le-tourisme-dici-les-prochaines-annees-4203678">tourisme représente 7 % du PIB marocain</a>, ce ratio est largement supérieur dans la région de Marrakech, qui ne compte pas beaucoup d’industries et qui vit essentiellement grâce aux recettes issues du tourisme. Nombre d’habitants de l’arrière-pays et de l’Atlas vivent aussi de l’artisanat que génère le tourisme, notamment la confection de tapis, paniers et autres.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YDt05VnDcxQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Il est cependant probable que le séisme n’ait pas d’impact majeur sur le tourisme. Même s’il retarde quelque peu le rattrapage en cours, les dégâts dans la ville de Marrakech sont minimes et ont principalement touché une partie de la médina. Les bâtiments historiques et, notamment, le minaret de la Koutoubia ont été épargnés.</p>
<p>Certains hôtels ou riads déplorent des fissures et doivent mener des expertises pour garantir la sécurité des bâtiments, mais très peu seront contraints de se lancer dans des travaux de consolidation d’envergure. Pour l’essentiel, la capacité d’accueil des infrastructures de Marrakech est préservée et la vie est normale dans la ville. De fait, le nombre d’annulations touristiques reste à ce jour très limité, même si le dernier trimestre 2023 sera moins bon que prévu.</p>
<h2>Le difficile accès aux assurances</h2>
<p>Dans l’arrière-pays, la situation est différente. Certains villages sont détruits et les infrastructures seront affectées pendant une longue période. Mais il s’agit de sites touristiques secondaires par leur fréquentation, même si les revenus générés sont substantiels pour les populations locales.</p>
<p>Cependant, un point mérite d’être souligné. Les conséquences pour les plus pauvres dans les zones rurales seront d’autant plus difficiles à supporter que les systèmes de couverture des risques sont pour l’instant assez peu adaptés à leurs situations. Il existe en effet un régime de <a href="https://lematin.ma/express/2023/details-regime-couverture-consequences-catastrophes/394071.html">couverture contre les conséquences d’évènements catastrophiques</a> (EVCAT), qui vise à indemniser les victimes des dégâts corporels et/ou matériels résultant des catastrophes naturelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1703283174560649321"}"></div></p>
<p>La <a href="https://www.evcathimaya.ma/">loi 110-14</a> met en place un régime mixte d’indemnisation qui comporte un volet assurantiel et un volet allocataire. Ceux qui disposent d’un contrat d’assurance multirisque habitation, d’un contrat automobile ou d’assurance corporelle peuvent s’adresser à leur assurance. Mais encore faut-il que le contrat inclue effectivement la protection EVCAT. Or ce dispositif date de 2020 et, d’après le <a href="https://www.acaps.ma/sites/default/files/acaps_guide_assure_vf.pdf">guide d’information de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance</a> (ACAPS), « l’insertion de la garantie EVCAT concerne les contrats souscrits ou renouvelés depuis l’entrée en vigueur de ce régime ». EVCAT ne concerne donc qu’un nombre réduit de contrats. Par ailleurs, et c’est le point le plus essentiel, la plupart des victimes n’ont pas de contrat, notamment en milieu rural.</p>
<p>Pour ceux qui ne disposent pas de contrat d’assurance, il existe un <a href="https://www.quid.ma/national/dossier-:-pourquoi-le-fonds-de-solidarite-contre-les-evenements-catastrophiques-n%E2%80%99a-pas-(encore)%20(FSCE)-ete-actionne">fonds de solidarité contre les événements catastrophiques</a> qui couvre les dommages corporels et la perte de résidence principale. Il est financé par une contribution sur les contrats d’assurance. Mais il faut un arrêté du chef du gouvernement, publié au Bulletin officiel dans un délai maximum de trois mois après la survenue de l’événement catastrophique, pour activer ce régime. Cet arrêté doit préciser la zone sinistrée, la date de l’événement, la durée de l’événement catastrophique.</p>
<p>En outre, l’activation du régime ne suffit pas. En effet, l’indemnité liée à un préjudice corporel est déterminée par l’incapacité ou le décès. La première doit être établie par un médecin exerçant dans le secteur public et le second par la fourniture de l’acte de décès. Tout cela suppose que les victimes puissent aisément s’adresser aux administrations concernées, ce qui n’est pas le cas des zones rurales. Le capital de référence qui sert de base au calcul de l’indemnité dépend du salaire ou des revenus de la victime. Ces revenus doivent naturellement être documentés par des justificatifs. Or la plupart des habitants dans les régions pauvres ne disposent pas de revenus et, s’ils en disposent, les documents sont probablement enfouis sous les décombres.</p>
<p>En ce qui concerne l’indemnité pour perte de résidence principale ou pour privation de jouissance, les choses sont aussi compliquées pour les plus pauvres. L’allocation pour privation de jouissance est fixée à six fois la valeur locative mensuelle, déterminée par un comité d’experts et encadrée par l’administration après avis de l’ACAPS. La demande d’indemnisation repose sur un rapport d’expertise rédigé par le comité d’expertise. Si le dossier est accepté, le fonds de solidarité notifie la proposition d’indemnisation au demandeur, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie extrajudiciaire.</p>
<p>On mesure ici la difficulté des procédures pour les plus pauvres qui ne sont pas toujours en possibilité de comprendre et même de lire des documents administratifs dans des villages complètement détruits, qui peuvent aussi n’avoir ni domicile ni même d’adresse.</p>
<h2>Une note d’espoir</h2>
<p>On le voit : les dispositifs mis en place pour indemniser les victimes risquent de s’adresser en priorité aux populations urbaines, titulaires de contrats d’assurance pour des dégâts partiels sur leur habitation ou leur véhicule. Les plus pauvres en zone rurale, qui sont aussi les plus impactés, risquent donc de demeurer en dehors des dispositifs mis en place. C’est pourquoi il faut espérer que le <a href="https://medias24.com/2023/09/14/don-du-roi-mohammed-vi-au-fonds-special-seisme-un-milliard-de-dh/">Fonds spécial</a> créé sur instruction royale pourra s’adresser vraiment aux plus pauvres, et que certaines organisations apporteront un accompagnement dans les démarches.</p>
<p>Finissons sur une note d’espoir. La crise peut avoir des effets positifs. En focalisant l’attention sur le <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/catastrophes/seisme/seisme-au-maroc-des-tresors-dhistoire-lourdement-endommages-930bad7a-52f6-11ee-b5f9-9df59b291d64">patrimoine matériel très riche de la région</a> et sur la situation précaire des populations, une reconstruction des infrastructures en milieu rural pourrait s’accompagner de nouvelles stratégies de tourisme durable, incluant des éléments culturels qui seraient de nature à diversifier l’offre touristique. Les conséquences dépendront finalement de la capacité du Maroc à transformer l’épreuve en opportunité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Moisseron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La catastrophe affecte en premier lieu les habitants les plus pauvres de la région frappée. Pourront-ils bénéficier pleinement des indemnisations prévues ?Jean-Yves Moisseron, Socio-économiste Directeur de Recherche IRD/HDR, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2133812023-09-14T17:30:26Z2023-09-14T17:30:26ZComment Airbnb transforme ses utilisateurs en entrepreneurs narcissiques<p>Si vous parcourez les annonces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbnb-42384">Airbnb</a> en vue d’une escapade d’un week-end, non seulement vous allez vérifier les équipements des logements, mais vous ferez également défiler les commentaires des clients précédents. Si vous mettez votre maison en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/location-36297">location</a> sur la même plate-forme, vous examinerez minutieusement les clients potentiels au préalable. N’est-ce pas ?</p>
<p>En effet, tout le monde veut être rassuré, surtout lorsqu’il s’agit de laisser entrer des étrangers chez soi. Comme le soulignait un <a href="https://www.nytimes.com/2018/01/19/realestate/surviving-a-bad-airbnb-review.html">article du <em>New York Times</em></a> en 2018 :</p>
<blockquote>
<p>« Personne ne veut louer à une personne qui a fait du dernier logement occupé un bordel improvisé ou un repaire de drogués ».</p>
</blockquote>
<p>Après tout, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> en ligne telle qu’Airbnb, Turo ou Uber ne peuvent en aucun cas contrôler chaque transaction. C’est pourquoi, pour maintenir la confiance dans leurs plates-formes, elles décentralisent le contrôle vers les utilisateurs. Comment ? Par le biais d’évaluations – tout en conservant la maîtrise de l’infrastructure de contrôle.</p>
<h2>Auto-descriptions enjouées</h2>
<p>Dans <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-12-2018-3797/full/html">notre article de recherche</a>, qui s’appuie sur les données empiriques de la thèse de doctorat de Pénélope Van Den Bussche, prix 2019 de la meilleure thèse en comptabilité de l’Association Francophone de Comptabilité, nous montrons que ce type de structure de contrôle, fondé sur les processus d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/evaluation-43771">évaluation</a> <em>peer-to-peer (pair à pair)</em>, attise le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/narcissisme-73190">narcissisme</a> des utilisateurs. En effet, les loueurs comme les locataires comptent sur les évaluations qu’ils donnent et reçoivent pour réaffirmer des caractéristiques personnelles. Autrement dit, les utilisateurs ne sont pas seulement engagés dans la maximisation monétaire. Ils cherchent également à augmenter leur propre valeur en tant que personne et la plate-forme les incite à agir de la sorte.</p>
<p>Pour étudier les mécanismes par lesquels les utilisateurs s’approprient le système d’évaluation, nous avons réalisé une ethnographie en ligne, ou « netnographie », en analysant plus de 300 commentaires d’utilisateurs sur des locations dans les principales villes européennes, et nous avons mené 17 entretiens avec des utilisateurs d’Airbnb et un entretien avec un cadre de la plate-forme.</p>
<p>Notre analyse montre d’abord que les utilisateurs apprécient le sentiment d’appartenance à une communauté. Airbnb demande aux utilisateurs de créer un profil individuel et les encourage à fournir des informations personnelles. Que cela plaise ou non – certaines personnes interrogées ont déclaré que c’était « une corvée » – ils s’y soumettent, comprenant que cela fait partie du « jeu », et affichent généralement des auto-descriptions enjouées.</p>
<p>Ces profils personnalisent les transactions et ancrent l’utilisation de la plate-forme dans une communauté. Les informations publiées élargissent également l’enjeu de l’évaluation. En effet, si le critère de « l’emplacement » concerne clairement le domicile, celui de la « communication » s’applique à la personne. Ainsi, de manière subtile, l’objet de l’évaluation se déplace du service vers la valeur propre de l’utilisateur.</p>
<h2>« Un bon point à l’école »</h2>
<p>Autre facteur d’attrait pour les utilisateurs : la norme des avis sur la plate-forme reste fortement positive, avec des commentaires récurrents sur des appartements « incroyables », « charmants » et « merveilleux ». En fait, nous avons observé que la norme est à la perfection ou à la quasi-perfection, les évaluations ne descendant jamais en moyenne en dessous de 4,5 sur 5 dans les villes les plus importantes de la plate-forme en termes d’évaluations (Los Angeles, Paris, New York et Londres).</p>
<p>En réalité, les mauvaises évaluations sont taboues. Au lieu de cela, les utilisateurs gèrent les expériences désagréables (réfrigérateurs malodorants, punaises de lit, vols, etc.) soit par des courriels privés échangés avec l’autre partie, soit par des commentaires publics euphémiques, afin de ne pas blesser l’autre utilisateur. Les commentaires sont toujours positifs en apparence, mais les utilisateurs font des allusions subtiles qui peuvent alerter le reste de la communauté, sans risquer de paraître trop critiques.</p>
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<p>Le fait de critiquer publiquement les autres sur les plates-formes <em>peer-to-peer</em> est donc problématique, notamment parce que l’utilisateur qui donne l’évaluation est potentiellement considéré comme un « casse-pied » ou un « pinailleur furieux ». À l’inverse, les utilisateurs décrivent l’attribution de bonnes critiques comme un plaisir, comme s’ils décernaient un prix. Les hôtes qui les reçoivent ont l’impression d’avoir reçu « un bon point à l’école ».</p>
<p>Dans notre article, nous citons l’exemple d’un utilisateur heureux de paraître non raciste parce qu’il avait accepté une réservation d’un Afro-Américain. Nous en concluons que les commentaires sont un moyen de donner un sens à sa propre personne et une occasion de montrer une projection idéale de soi.</p>
<h2>Éviter les « losers »</h2>
<p>En creusant davantage les subtilités du processus, nous expliquons que les utilisateurs donnent également un sens à leur propre personne à travers les autres utilisateurs qu’ils sélectionnent en décodant les faibles indices dans les évaluations. Alors que la plate-forme encourage officiellement la publication d’informations personnelles pour réduire l’incertitude de la transaction, les utilisateurs le font en recherchant des pairs : des personnes qui leur ressemblent.</p>
<p>Par exemple, Igor, un Français employé dans ce qu’il appelle des « galeries d’art branchées », précise que son annonce est uniquement en anglais pour « éviter les Français qui ne parlent pas anglais, la pire espèce. Ils ne font que des trucs touristiques ». En évitant ce qu’il appelle les « <em>losers</em> », il trouve du réconfort dans son côté branché.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran du site Airbnb en 2015 avec le slogan « Welcome home » (bienvenue chez vous)" src="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547745/original/file-20230912-25-gimdvr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les utilisateurs d’Airbnb apprécient le sentiment d’appartenance à une communauté.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Airbnb.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En tant qu’hôte, Violet explique que lorsqu’elle choisit un logement, elle cherche un quartier comparable au sien. Pour elle, Airbnb est :</p>
<blockquote>
<p>« Une affaire de gens qui ont de l’argent et qui veulent loger dans un appartement qui appartient à quelqu’un comme eux, de la même catégorie socioprofessionnelle, mais qui n’ont pas envie de rencontrer ce quelqu’un ! »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, tous les utilisateurs ne possèdent pas une telle réflexivité, beaucoup se fiant à leur « instinct » ou revendiquant leur ouverture d’esprit lors de la sélection des hôtes ou des invités. En contraste frappant avec cette apparence de tolérance, de nombreux utilisateurs excluent en effet d’autres personnes sur la base de considérations racistes ou sexistes.</p>
<h2>Un contrôle optimal et bon marché</h2>
<p>En définitive, les processus de sélection mis en œuvre par les utilisateurs d’Airbnb révèlent un écart important entre l’ouverture d’esprit qu’ils affichent et leur propension réelle à choisir des utilisateurs qui leur ressemblent. Ils finissent par discriminer plus ou moins consciemment sur la base de critères sociaux, raciaux ou de classe (fautes d’orthographe, stéréotypes raciaux, perception de la ville d’origine d’un hôte comme étant un foyer criminalité, etc.).</p>
<p>Derrière la façade de la communauté, les processus d’évaluation en ligne poussent donc les utilisateurs, qui s’appuient dessus pour limiter les risques, dans des schémas de reproduction sociale. Pour la plate-forme, le narcissisme des utilisateurs devient alors une infrastructure de contrôle optimal et bon marché.</p>
<p>Au-delà du contexte spécifique de ces plates-formes en ligne, ce phénomène est révélateur de l’omniprésence de l’évaluation dans notre société basée sur le numérique et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/algorithmes-24412">algorithmes</a>. Elle nous pousse à la reproduction sociale et produit des entrepreneurs narcissiques, dont l’esprit critique est étouffé par les mécanismes d’évaluation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213381/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude des commentaires postés sur la plate-forme de location de logements montre les effets négatifs de la logique d’évaluation par les pairs.Pénélope Van den Bussche, Doctorante en Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolClaire Dambrin, Professor in Management Control, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2106822023-08-27T19:01:03Z2023-08-27T19:01:03ZLe festival Sounds of Sahara, symbole éphémère d’une Tunisie novatrice et résistante<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544894/original/file-20230827-94298-7jvzq5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C9%2C2087%2C1418&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le set du groupe électro Jugurtha au festival Sounds of Sahara, en mars 2017. </span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran Youtube</span></span></figcaption></figure><p>Sous le régime autoritaire tunisien d’avant la révolution de 2011, l’organisation des manifestations culturelles n’échappait jamais au contrôle du pouvoir politique et ses institutions de tutelle. L’art et la culture étaient instrumentalisés pour promouvoir l’action politique du président déchu et de son parti. Comme nous l’avons montré dans <a href="https://www.theses.fr/2009TOU20031">nos travaux</a>, la scène culturelle et artistique était alors caractérisée par l’absence de manifestations avant-gardistes ou encore subversives en privilégiant celles à forte teneur politique et patrimoniale : festivals dédiés aux patrimoines historiques, culinaires, religieux et aux chants patrimoniaux. Citons à titre d’exemples le <a href="https://www.festivaldouz.org.tn/">festival international du Sahara</a> organisé à Douz depuis 1967 et le <a href="http://www.rtci.tn/festival-international-ksours-sahariens-tataouine-les-1819-20-mars-2023/">festival international des Ksour sahariens</a> né en 1979 à Tataouine dans le Sud tunisien.</p>
<p>Après la révolution, la vie culturelle du pays (du nord au sud) s’est ouverte à de nouveaux concepts à travers le foisonnement des <a href="https://mixmag.fr/feature/scene-electronique-tunisienne-assembl%E9e-17">festivals de musique électronique</a> ou encore de théâtre avec le <a href="https://www.tunisie.fr/1ere-edition-du-festival-international-du-theatre-au-sahara/">festival international de théâtre au Sahara</a>. Innovants, ces festivals cherchent à cultiver une image contemporaine, engagée et plus branchée.</p>
<h2>Les festivals de musique se multiplient</h2>
<p>Les festivals de musique rencontrent en Tunisie, comme dans d’autres pays du Maghreb (Maroc, Algérie), une croissance assimilable à une <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_57_1_1705">festivalomanie</a> qui touche autant les villes que les villages. Ces évènements, outre leur dimension artistique et culturelle, entretiennent un lien avec des territoires souvent fragiles et marginalisés. Ils participent à de nouvelles dynamiques sociétales et touristiques.</p>
<p>En février 2011, en plein couvre-feu décrété sur la capitale Tunis et sa région en raison de la situation sécuritaire incertaine après la chute de Ben Ali, le festival <a href="https://mixmag.fr/feature/scene-electronique-tunisienne-assembl%E9e-17">Under Couvre Feu</a> a été précurseur. Cette manifestation défiait les interdits : 1200 personnes se sont retrouvées pour danser afin de récolter des fonds pour venir en aide à l’hôpital de Sidi Bouzid, ville charnière dans la révolution populaire tunisienne suite à l’immolation par le feu du jeune Mohammed Bouazizi.</p>
<p>L’évènement a inspiré la création d’autres festivals de la scène électronique partout dans le pays grâce à des associations, à des collectifs d’artistes alternatifs, de passionnés et d’activistes engagés souhaitant rompre avec la censure et la répression qu’exerçait l’ex-président. Ces événements incarnent des formes d’engagement pour la valorisation du patrimoine et des paysages tunisiens (<a href="https://tunisie.co/web-tv/407/dunes-electroniques">Les dunes électroniques</a>, <a href="https://tunisie.co/article/5389/sortir/festivals/sounds-223115">Sounds of Sahara</a>) ou encore pour la protection de l’environnement (<a href="https://mixmag.fr/feature/fairground-festival-la-scene-electro-tunisienne-prend-son-envol">Fairground festival</a> à l’Ecovillage à Sousse au Nord-est et <a href="https://lexpertjournal.net/fr/dougga-fest-sound-of-stones-une-premiere-edition-unique-en-son-genre-en-tunisie/">Sound of stones</a> à Dougga au Nord-ouest). La première édition de ces festivals s’est déroulée respectivement à Tunis 2011, à Nefta 2014, à Sousse 2014, à Tozeur 2016, à Sousse 2016 et à Dougga 2017 avec l’appui de plusieurs instances et associations.</p>
<p>Pour faire face à la crise touristique, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat tunisien, en collaboration avec les professionnels du secteur, prennent des mesures pour gérer et atténuer les dégâts provoqués par les deux attaques terroristes qui avaient visé le musée national de Bardo à Tunis le 18 mars 2015 et un hôtel dans la ville de Sousse. Ainsi, <a href="https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2158">l’industrie touristique mise désormais sur l’événementiel</a> et l’exploitation de la culture sous toutes ses formes. Elle expérimente de nouvelles niches telles que les festivals de musique électronique.</p>
<h2>Résistance et engagement citoyen</h2>
<p>Le festival de musique électronique Sounds Of Sahara (S.O.S), qui s’est tenu en 2016 et en 2017, s’inscrit dans une dynamique festivalière faisant circuler divers discours, images et sonorités qui participent de la <a href="http://liseuse.harmattan.fr/978-2-343-19303-8">visibilité du territoire</a> au niveau national et international. Ce festival a investi la région du Jérid, vivant essentiellement de l’activité touristique, et qui souffre de l’instabilité politique du pays et des répercussions des attaques terroristes.</p>
<p>Conçu et mis en place suite à un appel au secours lancé par l’office du tourisme, le festival se présente selon son directeur comme un <a href="https://www.webmanagercenter.com/2017/03/13/404188/le-festival-de-musique-electronique-sounds-of-sahara-au-secours-du-tourisme-saharien-dans-les-decors-naturels-de-smaira/">SOS pour sauver la région</a> et plus largement la Tunisie dans un esprit de solidarité.</p>
<p>Ainsi, des collectifs d’artistes alternatifs, de passionnés et d’activistes engagés souhaitant rompre avec le contrôle qu’exerçait l’ex-président Ben Ali sur la culture et l’art et des stars internationales ont été invités pour soutenir la région et relever le défi : mixer en plein désert et en période d’état d’urgence proclamé dans tout le pays.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.facebook.com/90minutes.TV/videos/1254422097926982/">DJ internationaux</a> ont répondu présents venus de France, Angleterre, Allemagne et Espagne. Attirés par l’occasion de mixer dans des décors mythiques, les DJ s’engagent dans un projet à forte connotation sociale : empêcher la fermeture des hôtels, source d’emploi pour plusieurs familles dans la région, et porter le regard vers cette destination touristique pour faire revenir les vacanciers.</p>
<p>Pendant les trois jours du festival, le Jérid tunisien est devenu l’objet de désir touristique, de consommation visuelle et sonore. Un public de quatre mille personnes en provenance essentiellement du Sud tunisien, du Nord-est et Nord-ouest ainsi que de l’Algérie et de France a contribué au succès de la manifestation et dynamisé les villes de Nefta et de Tozeur. Les hôtels menacés de fermeture ont accueilli les soirées DJ et hébergé les musiciens et festivaliers qui en ont profité pour visiter une « ville en fête ».</p>
<p>Aussi Sounds of Sahara traduit-il une forme de résistance face à la violence extrémiste. Le slogan de la deuxième édition « On n’arrête pas un peuple qui danse ! », comme nous l’a explique la chargée de communication du festival, est révélateur du souhait de lutter contre les idées intégristes hostiles à toute forme artistique : la musique, la danse, tout simplement la fête. Aussi, la médiatisation du festival par des <a href="https://tv-programme.com/le-supplement_magazine/le-supplement_e364728">chaînes de télévision étrangères</a>, telle que Canal+, met en exergue ces propos de résistance.</p>
<p>L’évènement s’est également construit autour de l’idée d’un « festival qui veut lutter contre Daesh » : symbole d’ouverture, de solidarité et de résistance d’un peuple face à la violence extrémiste qui a frappé la Tunisie, mais aussi des pays Européens.</p>
<h2>Un territoire en crise</h2>
<p>Le touriste est interpellé pour vivre une expérience sensorielle et émotionnelle unique dans l’espace désertique, de « voyager hors des sentiers battus » selon le directeur du festival. L’imagerie touristique du Sahara tourne autour de la découverte, de l’aventure, de la contemplation et de l’exploration. Mais le Jérid tunisien entretient également une relation forte avec le cinéma.</p>
<p>Depuis les années 70, le septième art fait partie de son histoire et ce à l’échelle internationale. En effet, la région héberge depuis 1976 le décor du tournage de la saga Star Wars où Georges Lucas avait construit la cité MOS ESPA, capitale de sa planète Tatooine. Ce décor a été construit spécialement pour le tournage en plein désert à 20 km de Nefta. A la fin du tournage, les autorités tunisiennes ont demandé à l’équipe du film de ne pas démonter ces décors. Déjà bien connu des habitants de la région et des touristes, ce site est un produit de marque territoriale mis en avant par Sounds of Sahara. Le comité d’organisation du festival a saisi l’opportunité que la région abrite ce décor ainsi que la sortie du 7e épisode de la Guerre des étoiles en décembre 2015 pour créer une harmonie magique entre la musique électronique et les vestiges de ce film de science-fiction.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VvYUmWhx9hE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La soirée d’ouverture de la première édition 2016 s’est déroulée en plein décor « Mos Espa », aménagé pour accueillir des scènes de musiques électroniques non issues de la culture du désert. Utiliser la structure et l’imaginaire de ce site traduit la démarche artistique des organisateurs privilégiant des interactions entre lieu, expression et événement mettant ainsi le <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/2155">public dans des situations inhabituelles, voire insolites</a>. Ce qui participe à la connaissance et à la valorisation de ce patrimoine cinématographique.</p>
<p>Les organisateurs souhaitaient concentrer les moments forts du festival dans cet univers imaginaire « Star Wars » qui joue la marque de la « lisibilité du territoire » hôte et suscite l’intérêt d’un visiteur à la recherche d’expérience. Il est in fine instrumentalisé afin de marquer le territoire et en créer une image qui dépasse le temps du festival. Cet univers a d’ailleurs fait l’objet d’une campagne participative de sauvegarde et de restauration lancée en 2010 par l’association de développement du tourisme oasien et saharien, financée par des fans du monde entier.</p>
<p>le festival offre un <a href="https://wildproject.org/livres/le-paysage-sonore">paysage sonore</a> favorisant l’interaction avec une culture musicale contemporaine et internationale (Funky, House et Tech music, Progressive, Trance, Hardtek, électro-jazz) dans une perspective d’innovation, de dialogue avec l’autre et d’aspiration à la liberté et au changement.</p>
<p>Sounds of Sahara a certes montré sa capacité de créer et d’exporter des images de sécurité, de fête et de résistance en faveur de la région dans un contexte de crise et d’insécurité, cependant il n’a pas su s’inscrire dans la durée. La troisième édition SOS 2018 prévue à Chott El-Jérid n’a pas eu lieu. Les organisateurs ont rencontré des difficultés d’ordre logistique et stratégique liées notamment à l’inaccessibilité des vols vers la région.</p>
<p>Aujourd’hui, les initiatives de création de nouveaux festivals en Tunisie sont nombreuses, reste à savoir comment les inscrire dans des stratégies de management et de développement territorial de manière à ce qu’elles ne soient pas réduites à des expérimentations éphémères. L’activité festivalière se diversifie en accueillant le festival <a href="https://lapresse.tn/142894/rouhaniyet-2022-le-grand-retour/">Rouhaniyat de musique soufie</a>, <a href="https://calendrier.tunisie.co/evenement/3076/le-tozeur-international-film-festival-du-6-au-11-decembre-133311/">Tozeur international film festival</a> ou encore les <a href="https://kapitalis.com/tunisie/2019/07/15/la-2e-edition-du-festival-les-ondes-du-desert-les-21-et-22-mars-2020-a-kebili/">ondes du désert</a>.</p>
<p>Certes, la démultiplication de festivals dans le Sud tunisien représente une opportunité pour renouveler et amplifier le fonctionnement touristique de la région. Cependant, ces manifestations gagneraient à s’inscrire amplement dans une réflexion culturelle et politique sur les possibilités de repositionnement du tourisme saharien par la culture en impliquant les acteurs étatiques, privés et associatifs ainsi que la population locale dans une approche festivalière durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nozha Smati ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La démultiplication de festivals dans le Sud tunisien représente une opportunité pour renouveler et amplifier le fonctionnement touristique de la région.Nozha Smati, Enseignante chercheuse, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2111462023-08-13T13:31:56Z2023-08-13T13:31:56ZLes voyageurs statiques des hôtels-clubs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541726/original/file-20230808-16354-cnw778.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1013%2C643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Club Med de Taba Sinai Bay, en Égypte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:DL2A---Club-Med-Taba-Sinai-Bay-Egypte-ok-%284%29.png">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Des centaines de milliers d’Européens partent régulièrement en vacances en hôtels-clubs. Le célèbre club Méditerranée a inventé dans les années 1950 un nouveau type de vacances, en même temps qu’il a produit indirectement une espèce nouvelle de touristes : les « anti-voyageurs », ou voyageurs statiques. En tout cas, les « hôtels-clubs » façon « Club Med » (beaucoup d’autres acteurs se partagent ce marché gigantesque désormais) connaissent un succès qui ne se dément pas.</p>
<p>L’idée originelle était de démocratiser les vacances, d’offrir la possibilité au plus grand nombre « de partir au soleil » à coût réduit et « à la bonne franquette ». Il y avait dans le principe des premiers « clubs » l’idée de proposer des vacances accessibles à tous. Les fondateurs des « clubs de vacances », les années suivant la Seconde Guerre mondiale, sont issus d’une nouvelle bourgeoisie urbaine et sportive, attachée à l’hédonisme et à la quête de bien-être qu’ils ont connu dans les auberges de jeunesse.</p>
<p>L’historien Marc Boyer, dans son ouvrage <em>Le tourisme</em> (1972) indique : « le [village de vacances est] un centre autonome constitué par des installations de type pavillonnaire en matériaux légers, destiné à assurer des séjours de vacances de plein air selon un prix forfaitaire comportant l’usage d’installations sportives et de distractions collectives ».</p>
<p>Dans la lignée des études des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/as/2002-v26-n2-3-as554/007088ar/">imaginaires du tourisme</a> chers à Rachid Amirou et de <a href="https://editions.flammarion.com/pour-une-anthropologie-des-mondes-contemporains/9782081244863">« l’anthropologie des mondes contemporains »</a> de Marc Augé, je propose ici des clefs de compréhension du succès de ces villages repliés sur eux-mêmes pour vacanciers sédentaires.</p>
<h2>Un exotisme de pacotille</h2>
<p>Parmi les un <a href="https://www.inegalites.fr/depart-vacances">peu plus de 50 % de Français partant en vacances</a>, ils sont cet été encore très nombreux à opter pour ces « villages vacances » pour touristes sédentaires. Et on connaît les transhumances massives des vacanciers de l’Europe du Nord vers la Grèce ou <a href="https://theconversation.com/lespagne-peripherie-du-plaisir-pour-les-touristes-francais-158816">l’Espagne</a>, dont certaines côtes sont monopolisées par ces hôtels-clubs rassemblant simultanément des centaines voire des milliers de personnes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541719/original/file-20230808-25-9xukou.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans Les Bronzés à la plage, la troupe du Splendid moque gentiment les travers des hôtels-clubs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Trinacra Films</span></span>
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<p>Ce mode de congés communautaires n’a ni l’estampille plutôt populaire des campings, ni la distance feutrée des petits hôtels, ou le charme feutré et la convivialité des chambres d’hôtes et autres bed and breakfast. Enfin, on n’est pas, comme dans des airbnb, autonome chez l’habitant, avec la charge de la restauration et du ménage. En hôtels-clubs, ce sont des vacances d’un autre genre, exotiques, humides et ensoleillées. Quitte à ne pas être trop exigeant sur cet exotisme, sublimé par le papier glacé des catalogues ou dans les vidéos postées en ligne vantant un bonheur radieux, entre piscine turquoise et soleil éclatant, paillotes exotiques et bar convivial.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-touristes-frequentent-ils-des-lieux-artificiels-alors-quils-sont-en-demande-dauthenticite-208638">Ces villages de vacances</a>, aux mains de quelques grands groupes, s’étendent à perte de vue dans certaines zones et ils quadrillent les côtes méditerranéennes et caribéennes, contribuant à bétonner massivement les littoraux, de l’Espagne au Maroc, de la Grèce à la Turquie, de la Tunisie à la République dominicaine, ainsi que de certains pays africains. Les vacances statiques qu’ils proposent, rassemblant ce que l’on pourrait appeler des « anti-voyageurs », connaissent en règle générale pour principale aventure les turbulences des vols charters aux horaires aléatoires. Mais dès qu’on est arrivé, on ne sortira presque plus de sa petite bulle de chlore et de soleil. Tout est fait pour favoriser le double principe mental de la régression, et de la « suspension » des règles de vie ordinaires.</p>
<h2>Une bulle régressive</h2>
<p>Des vacances en « hôtels-clubs », il y en a bien sûr pour tous les budgets, des cases intimistes sur les plages immaculées des Bahamas ou de l’île Maurice aux villages verticaux pour touristes d’Europe du Nord de la Costa Blanca, souvenirs d’années 1970 où l’on « bétonnait » sans grand souci environnemental. Et ces disparités fondées sur les stratifications socioéconomiques et socioculturelles doivent nécessairement être présentes à l’esprit. L’analyse se centre ici sur les clubs « milieu de gamme ».</p>
<p>Ces clubs sont fermés (on en sort peu, mais on peut en sortir, en revanche les « extérieurs » n’y ont pas accès) et gardés, les repas se prennent en commun par la force des choses (sur le principe du buffet à volonté), et ils sont placés sous l’autorité souriante et la convivialité ostentatoire d’un chef de camp qui en principe, tutoie tout le monde et plaisante volontiers dans un sabir international. Et puis des « GO » (« gentils organisateurs », modèle impulsé par le Club Med) en uniforme estival, arpentent en permanence le club, proposant de participer aux activités qu’ils organisent et animent, tout en « ambiançant » les relations, ce qui n’est jamais gagné…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541727/original/file-20230808-25-eg8hiw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Village du Club Med de Santa Giulia, Corse, France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Village_de_vacances#/media/Fichier:1959_07_-_SANTA_GIULIA_05.jpg">Carte postale Yvon</a></span>
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<p>Les hôtels-clubs doivent leur succès à un principe fort : le all inclusive, sur la base d’une semaine. Le prix payé avant le départ prend tout en compte : le vol, le séjour, les activités de loisirs, la pension complète et le « snacking ». Et si certains groupes proposent des séjours de luxe à des tarifs conséquents pour cibler une clientèle haut de gamme, la plupart cassent les prix. L’axiome pragmatique fondant le principe de ces hôtels est qu’il faut « remplir pour rentabiliser ».</p>
<p>Cependant, tout est pensé pour instaurer une régression mentale et physique, assez infantilisante dans l’esprit ; Ceci n’est pas un jugement de valeur mais un constat étayé. Déjà, on ne touchera plus d’argent durant la semaine, car le principe du bracelet que chaque vacancier porte au poignet (avec ses codes-couleur et les droits et privilèges afférents) fait que le all inclusive commence par cette suspension de toute transaction économique. On mange, on boit, on « snacke » à volonté, à n’importe quelle heure, sans limitation, et sans calcul ni transaction, aucun prix n’est affiché. Les règles économiques usuelles de la vie quotidienne – choisir, acheter, payer – sont annihilées : on peut prendre tout ce qu’on veut, et « gratuitement ». Le prix et la transaction se situent ailleurs, bien sûr. Mais ils sont là gommés ; suspension et régression, encore…</p>
<p>À l’avenant, en hôtel-club, il y a peu de motivation culturelle : la plupart des vacanciers se limiteront à la visite groupée et au pas de course du village le plus proche, avec pour objectif touristique le souk, le « petit port de pêche » ou le « marché traditionnel ». Là, c’est souvent un choc inévitable, entre ceux dont on pense qu’ils sont très riches, et ceux dont on sait qu’ils sont très pauvres. Reste le frisson du marchandage de babioles ethniques qui caricaturent les traits de l’exoticité. On a ici en tête les images et l’imaginaire de la place Jemaa El Fna de Marrakech. Après ce choc, cette explosion de couleurs, d’odeurs et de saveurs – et ces frissons, on réintègrera l’insularité rassurante du club. La sortie a été organisée, d’ailleurs, par le club, avec ses navettes à heures fixes. On pourrait éventuellement faire une excursion d’une journée, mais parfaitement balisée, avec les partenaires du voyagiste.</p>
<h2>Une topographie particulière</h2>
<p>Pendant quelques jours, la vie est organisée autour de trois pôles, qui, au gré des heures, aimantent les centaines de touristes : la piscine, le buffet, la scène de spectacle.</p>
<p>La piscine, d’abord. Là, on est loin des bassins municipaux, spartiates et rectangulaires. En hôtel-club, elle est immense, s’étendant, toute en volutes, au centre du club. Elle n’est en fait jamais tout à fait une piscine – on n’y nage pas vraiment – mais une pataugeoire géante, aux formes ovoïdes, à l’eau luminescente. On a pied partout, et déjà pour les besoins des chorégraphies bruyantes de la gym aquatique. La piscine est en fait là un lieu fœtal dans l’esprit, où l’on flotte et détrempe mollement. Des bars sont parfois installés au milieu de l’eau, où l’on vient « à la source matricielle » snacker et trinquer, tout en restant dans l’eau. L’eau est chaude, les couleurs flashy. Ces piscines, bordées de centaines de transats en plastique blanc, objets de toutes convoitises et de stratégies d’appropriation donnant parfois lieu à des tensions : « je pose ma serviette, c’est le mien pour la journée », sont la promesse et, par anticipation, le souvenir de ces vacances, leur eau turquoise ouvrant sur des imaginaires de lagons tahitiens. Et puis ceci est désormais très « instagrammable ».</p>
<p>Puis les buffets, derrière lesquels s’affaire une foule anonyme et appliquée d’employés locaux, tout de blanc vêtus. Les buffets, et leurs amoncellements gargantuesques de plats standard – riz-pilaf, frites, pizzas, couscous, hamburgers, pâtes à toutes les sauces, desserts industriels, fruits… Bref, une cuisine rebaptisée « internationale », présentée en compositions arcimboldesques, et qui se donnent à profusion.</p>
<p>Le système, qui réinvestit les mythes de Cocagne ou de la Corne d’abondance, est ainsi fait – tout est à volonté – qu’on en prend presque toujours « trop ». À la fin du repas, les assiettes contiennent souvent un mixte incertain de matières et de couleurs qui partira au rebut, confirmant au passage le « péché originel » du tourisme de masse : consommer en surabondance et générer du gaspillage dans des zones de pénurie. À l’avenant, les jardins-oasis des villages de vacances, dont la luxuriance ordonnée narguent les zones quasi-désertiques alentour, pour des clichés d’Eden à bas coût.</p>
<p>Autour de la piscine ou sur la plage (quand le club est sur le littoral, cette place est alors viabilisée et souvent gardée), on bronze des heures, crème écran total sur les épaules et casque sur les oreilles, afin d’arborer au retour la preuve épidermique que l’on rentre bien de vacances. Se baigner dans la mer n’est pas une obligation, et beaucoup restent du côté de la piscine. On perçoit les oppositions symboliques à l’œuvre, nature/civilisation.</p>
<p>La sociabilité caractérisant ces clubs est paradoxale : on ignore la plupart des autres vacanciers – poliment ou pas – lorsqu’il faut jouer des coudes aux heures de pointe au buffet, ou s’approprier un transat bien placé. Et une ambiance « sociofuge » prévaut, donnant à penser qu’on est là « seuls ensemble ». On passe son temps à « s’ignorer poliment » (Yves Winkin). Et paradoxalement, on se liera souvent avec des personnes rencontrées par hasard (voisins de bronzing ou de tablée) qui vont devenir les « meilleurs amis de vacances », avec qui on discutera durant quelques jours de tout et de rien, et desquels on gardera les coordonnées. Se rappellera-t-on, se reverra-t-on, une fois la parenthèse enchantée refermée, et de retour chez soi ? Pas sûr…</p>
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<p>La scène, enfin, face au bar, voit alternativement les uns se produire en public, et les autres se donner en spectacle. Dès que la nuit tombe, et avant le night-club, beaucoup des vacanciers se retrouvent devant la scène, et même sur elle. D’abord, il y aura les saynètes des animateurs, plus ou moins prévisibles et réussis (clowns, cabaret, danse). Dans certains clubs, c’est vraiment professionnel, et dans d’autres, c’est beaucoup plus amateur. Puis les planches et les sunlights seront offerts aux vacanciers, pour des séquences incertaines pourtant immortalisées par les smarphones : karaoké, roue de la fortune, tests de culture générale et autres adaptations des jeux télévisuels.</p>
<h2>« La vacance des valeurs »</h2>
<p>Les hôtels-clubs bouclent la boucle du tourisme de masse. Ils brassent les gens et les genres. Ils offrent une détente assurée à quelques heures de vol, derrière des enclos gardant les touristes de ce qu’est l’immédiat extérieur du club, et qu’on discerne, lorsqu’on arpente les coursives des chambres situées en étage. L’idée qui semble prévaloir est celle de l’oasis. Mais cela demande un travail de dénégation de la part des vacanciers, qui doivent ignorer la différence immense caractérisant le dedans – isolat de luxe, de prévisibilité organisée, de profusion obligée – et la « vraie vie » de l’extérieur, avec des logiques qui sont à mille lieues de celle du club vacances.</p>
<p>À ce titre, on pourrait aussi considérer que ces vacances seront de moins en moins compatibles avec les <a href="https://theconversation.com/le-tourisme-de-masse-est-il-soluble-dans-le-tourisme-durable-102860">préoccupations écoresponsables saillantes</a> et le souci des cultures locales, et la rencontre interculturelle.</p>
<p>Ces clubs offrent des vacances amnésiques, dont on ramène des sensations interchangeables : le soleil qui brûle, les cocktails sucrés, les corps en uniforme estival (tee-shirts, shorts, maillots de bain) qui se croisent, les airs disco et la musique techno servant de toile de fond sonores ; ces pantomimes tribales orchestrées par des animateurs à la jovialité permanente, et la convivialité un rien forcée caractérisant les échanges et présidant aux interactions.</p>
<p>Une mise en perspective anthropologique amènerait à considérer qu’ils sont carnavalesques dans l’esprit, procédant à une série d’inversions et de suspensions, instaurant un temps festif, où les statuts sont aplanis et où les identités sont ramenées à un prénom, où les plaisirs vont prévaloir, où l’on se permet ce qu’on ne s’autorise pas forcément en temps ordinaire.</p>
<p>Mais de même, partant de la clôture et de la suspension qui les caractérisent, un parallèle peut être établi avec le succès des croisières : une croisière, c’est en fait un hôtel-club flottant. Et cet hôtel-club peut aussi être considéré comme un bateau de croisière immobile, en rade au bord de la mer. Il s’agit d’univers fermés, avec leur économie symbolique, leurs règles spécifiques, leur finalité, qui est presque la même.</p>
<p>En hôtels-clubs, on s’adonne à des plaisirs régressifs loin d’une actualité anxiogène et morose. Et ils rappellent la fulgurance d’Edgar Morin : « la valeur des vacances, c’est la vacance des valeurs ».</p>
<hr>
<p>_À paraître : « Éloge de ce qui nous lie. Modernité des rites », L’Aube, automne 2023.</p>
<p>L’auteur remercie Yves Winkin et Elodie Mielczareck pour leur lecture de cet article et leurs commentaires_.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211146/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Lardellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À quoi le succès des hôtels-clubs tient-il ? Entre régression, clichés rassurants et sociabilité codifiée, petite analyse de ces lieux de vacances standardisés.Pascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104392023-08-04T14:03:07Z2023-08-04T14:03:07ZInstagram fait de vous un très mauvais touriste – voici comment voyager respectueusement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539583/original/file-20230726-23-sls4tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C11%2C1891%2C1261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que se cache-t-il derrière ces clichés partagés sur les réseaux sociaux?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/happy-man-taking-selfie-selfportrait-bali-1908620083">(DavideAngelini/Shutterstock)</a></span></figcaption></figure><p>Les voyages reprennent de plus belle cet été… tout comme les mauvais comportements des touristes. </p>
<p>Les destinations populaires ont connu une augmentation des incidents impliquant des touristes ces <a href="http://darwin.cnn-travel-vertical.ui.cnn.io/travel/article/tourists-behaving-badly/index.html">dernières années</a>. Même le Colisée de Rome a été vandalisé, un <a href="https://www.euronews.com/culture/2023/06/30/hunt-for-tourist-who-carved-name-in-colosseum-intensifies">homme y ayant gravé son nom</a> ! Cela démontre que les comportements se sont dégradés, même dans des endroits où il y avait rarement des problèmes par le passé.</p>
<p>Qu’est-ce qui se cache derrière ces actes odieux ? <a href="https://ertr-ojs-tamu.tdl.org/ertr/article/view/541/178">Selon mes recherches</a>, l’une des réponses se trouve dans les médias sociaux. Instagram et TikTok ont permis de plus facilement découvrir les « perles cachées » et de nouveaux endroits à ajouter à sa « to do list », soit sa liste d’activités à réaliser.</p>
<p>Mais cette démocratisation du voyage a eu d’autres conséquences.</p>
<p>En voyant sur leurs médias sociaux leurs contacts voyager dans des lieux exotiques, bien des gens supposent (consciemment ou non) que le comportement qu’ils adoptent habituellement chez eux est également acceptable à l’étranger.</p>
<p>C’est ce que l’on appelle la <a href="https://fs.blog/mental-model-social-proof/">« preuve sociale »</a>, c’est-à-dire le fait de s’inspirer du comportement des autres pour orienter ses propres actions. Par ailleurs, les gens ont tendance à agir de manière plus <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0013916508319448">hédoniste lorsqu’ils sont en vacances</a>. </p>
<p>J’ai identifié d’autres mauvaises attitudes et habitudes de voyage qui sont apparues à la suite de ce que j’appelle le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212571X23000045?via%3Dihub">« tourisme induit par les médias sociaux »</a>. </p>
<p>Les touristes étant souvent hébergés dans des hôtels et des centres de villégiature loin des communautés locales, ils peuvent penser (à tort) que le fait de se rendre dans un endroit éloigné de chez eux est l’occasion d’adopter un mauvais comportement qui demeurera sans conséquences. Ils sous-estiment ou ignorent l’effet que leurs actions peuvent avoir sur les habitants ou sur l’économie locale. </p>
<h2>L’effet Instagram</h2>
<p>Lorsque les gens voyagent dans un endroit magnifique, la tentation de poster des photos et des vidéos <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13683500.2022.2086451">sur les médias sociaux est grande</a>. </p>
<p>Les touristes voient ainsi leurs amis poster des photos d’un lieu (révélées par les géotags). Ils souhaitent par la suite visiter les mêmes endroits et prendre le même genre de photos d’eux-mêmes. Ils les publieront sur les mêmes réseaux sociaux.</p>
<p>Cela peut certes consolider son <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10548408.2018.1499579">statut social</a>, mais signifie généralement que la création de contenu sur les médias sociaux a pris le dessus sur l’exploration, la découverte ou le respect des coutumes locales.</p>
<h2>Bali veut discipliner ses visiteurs</h2>
<p>Bali est la destination typique induit par les médias sociaux. L’île photogénique, qui regorge de retraites de yoga, attire énormément les influenceurs.</p>
<p>En réponse au mauvais comportement des touristes, Bali a <a href="https://thebalisun.com/balis-much-anticipated-list-of-dos-and-donts-for-tourists-revealed/">introduit de nouvelles directives</a> pour les visiteurs en juin 2023. Il s’agit notamment de règles concernant les comportements à adopter dans les temples sacrés, avec les habitants, ainsi que le respect de l’environnement. </p>
<p>Les touristes ont désormais besoin d’une <a href="https://thebalisun.com/bali-warns-tourists-must-have-international-driving-license-to-drive-scooters-on-the-island">licence</a> pour louer une moto, et ne peuvent pas s’aventurer sur une montagne ou un volcan au caractère sacré. Les voyageurs ne doivent séjourner que dans des hôtels et des villas enregistrés (ce qui aura un impact sur un certain nombre de propriétés Airbnb). Bali a mis en place une « task force touristique » responsable de faire respecter les restrictions.</p>
<p>L’une des nouvelles directives est de ne pas agir de manière agressive envers les habitants, les représentants du gouvernement ou les autres touristes, que ce soit en personne ou en ligne. Cela montre que les médias sociaux font partie du problème lorsqu’il s’agit de mauvais comportements de la part des touristes.</p>
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<img alt="Une foule de touristes tentent de prendre une photo de a Mona Lisa au Musée du Louvre, Paris (France)" src="https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539024/original/file-20230724-21-593w4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Prendre le cliché parfait.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/paris-france-april-3-2015-tourists-1296916258">Windcolors/Shutterstock</a></span>
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<h2>Des destinations populaires lancent des campagnes</h2>
<p>D’autres destinations ont pris des mesures similaires. L’<a href="https://pledge.visiticeland.com">Islande</a>, <a href="https://mauitourism.org/Videos/malama-pledge.htm">Hawaï</a>, <a href="https://palaupledge.com">Palau</a>, la <a href="https://www.tiakinewzealand.com">Nouvelle-Zélande</a>, le <a href="https://costarica-sanctuary.com/make-it-happen/">Costa Rica</a> et d’autres ont adopté des mesures pour que les visiteurs respectent les lois et les coutumes locales. </p>
<p>Des campagnes comme celle de la Suisse <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wXcBGfXXL4w">No Drama</a>, de l’Autriche <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Pgn3Y7kvJXE">See Vienna – not #Vienna</a>, de la Finlande <a href="https://www.theguardian.com/travel/2019/oct/17/finland-be-more-like-finn-campaign-tourism-pledge-initiatives">Be more like a Finn</a> et des Pays-Bas <a href="https://www.forbes.com/sites/dariosabaghi/2023/03/31/amsterdam-launches-stay-away-campaign-targeting-wild-party-behavior-of-young-british-tourists/">How to Amsterdam</a> visent à attirer des touristes au comportement irréprochable.</p>
<p>Lorsque ces efforts ne sont pas couronnés de succès, certains endroits, comme la célèbre baie de Maya, en Thaïlande, sont allés plus loin et ont totalement fermé leurs portes aux touristes, <a href="https://edition.cnn.com/travel/article/maya-bay-thailand-recovery-c2e-spc-intl/index.html">à tout le moins temporairement</a>. </p>
<h2>Voyager avec respect</h2>
<p>N’oubliez pas que lorsque vous voyagez, vous êtes l’invité des communautés d’accueil. Voici quelques moyens de vous assurer que l’on vous demandera de revenir. </p>
<p><strong>1. Faites des recherches</strong></p>
<p>Même si vous êtes un voyageur expérimenté, vous ne vous rendez peut-être pas compte de l’impact de vos actions sur les communautés locales. Mais un peu d’information — issue de vos propres recherches ou fournie sur place — peut vous aider à agir de manière plus appropriée. </p>
<p>Que vous soyez d’accord ou non avec les coutumes locales n’a aucune importance. S’il s’agit d’un endroit plus conservateur que celui auquel vous êtes habitué, vous devez en tenir compte, contrairement aux deux influenceurs qui ont été <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2019/08/16/bali-warns-misbehaving-tourists-will-sent-home-instagram-influencers/">arrêtés</a> après avoir eu un comportement explicite dans un temple à Bali.</p>
<p><strong>2. Rangez votre téléphone…</strong></p>
<p>Des études montrent qu’en voyage, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S016073831730097X">gens peuvent ne rien saisir</a> de leur environnement s’ils sont trop concentrés sur leur appareil.</p>
<p>Souvent, les expériences de voyage les plus mémorables sont celles où vous avez un lien significatif avec quelqu’un ou apprenez quelque chose de nouveau que vous n’avez jamais expérimenté auparavant. Cela devient plus difficile si vous regardez constamment votre téléphone. </p>
<p><strong>3… ou utiliser votre pouvoir d’influencer pour le bien</strong></p>
<p><a href="https://matadornetwork.com/read/instagram-vs-reality-tuscany-switzerland/">Certains posts sur Instagram</a> révèlent les énormes foules qui s’agglutinent dans les lieux les plus « Instagrammables ».</p>
<p>Cela peut conduire les gens à se poser des questions : vont-ils à certains endroits uniquement pour prendre l’égoportrait parfait ? Une réflexion qui pourrait conduire à un changement sociétal plus large, qui s’éloignerait du tourisme induit par les médias sociaux.</p>
<p>Si vous avez envie de publier un post, essayez de promouvoir les petites entreprises et assurez-vous de respecter l’étiquette (et la loi) pendant vos vacances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210439/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lauren A. Siegel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains touristes s’imaginent qu’ils peuvent faire n’importe quoi en vacances, surtout si cela conduit à une photo ‘instagrammable’.Lauren A. Siegel, Lecturer, University of GreenwichLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083292023-07-17T19:21:33Z2023-07-17T19:21:33ZDes draps à la télécommande télé, tous ces microbes qui peuplent les chambres d’hôtel…<p><em>Les vacances ne se passent pas toujours comme prévu… Dans notre série « Une semaine en enfer ! », nous décryptons ce qui peut aller de travers, depuis le <a href="https://theconversation.com/serie-1-pourquoi-est-on-plus-malade-en-voiture-lorsque-lon-part-en-vacances-208258">mal des transports amplifiés lors des départs en vacances</a> aux piqûres de moustiques désormais capables de transmettre des virus tropicaux, en passant par les <a href="https://theconversation.com/serie-1-des-draps-a-la-telecommande-tele-la-verite-sur-les-microbes-qui-peuplent-les-chambres-dhotel-208329">dangers microbiologiques méconnus des hôtels</a>, les « traditionnels » coups de soleil, ou les dangers insoupçonnés… du jardinage, si vous pensiez rester tranquillement chez vous.</em></p>
<hr>
<p>Pour la plupart d’entre nous, séjourner dans une chambre d’hôtel est soit une nécessité – si vous êtes en voyage d’affaires – soit quelque chose de plus exotique, attendu avec impatience puisque synonyme de vacances ou d’une excursion plus large. </p>
<p>Je suis microbiologiste, mon regard est un peu différent… Et si je vous disais qu’il y a de fortes chances que votre chambre d’hôtel, malgré son état apparemment impeccable (à l’œil nu), <a href="https://www.eurekalert.org/news-releases/922575">ne soit pas si propre que cela</a> ? Ce n’est pas une question de prix. Une chambre dans un établissement coté ne sera pas forcément moins sale.</p>
<p>En effet, la personne qui a séjourné dans « votre » chambre avant vous (et tous ceux qui vous auront précédé) aura déposé des bactéries, des champignons et des virus sur tout le mobilier, les tapis, les rideaux et les diverses surfaces. Combien il reste de ces germes abandonnés un peu partout dépend de l’efficacité avec laquelle votre <a href="http://www.europeancleaningjournal.com/magazine/articles/european-reports/bacteria-that-breed-in-hotel-rooms">chambre est nettoyée</a> par le <a href="https://www.today.com/money/hotel-maids-how-much-how-little-do-they-really-clean-1D80287464">personnel de l’hôtel</a>. Et, de façon plus générale, soyons honnêtes, ce qui est considéré comme propre par un hôtel peut être différent de <a href="https://www.huffingtonpost.co.uk/entry/dirty-spots-in-hotel-rooms_n_5ae09906e4b061c0bfa4356d">ce que <em>vous</em> considérez comme propre</a>.</p>
<p>En général, l’évaluation de la propreté d’une chambre d’hôtel est basée sur <a href="https://www.jstor.org/stable/26330308">des observations visuelles et olfactives</a> – et non sur la microbiologie des lieux… Tout invisible qu’elle soit, c’est d’elle que viennent les éventuels risques d’infection. Je vous invite à petit tour dans le monde des germes, des insectes et autres virus pour découvrir ce qui pourrait se cacher là.</p>
<h2>Tout commence à l’ascenseur…</h2>
<p>Avant même d’entrer dans votre chambre, considérez les boutons d’ascenseur de l’hôtel comme des foyers microbiens… Ils sont pressés en permanence par une foule de gens différents, qui n’ont pas forcément eu l’occasion de se laver les mains récemment. Ils ont ainsi pu déposer au passage une fraction des micro-organismes présents au bout de leurs doigts ; micro-organismes qui gagneront ensuite les doigts de la personne qui vient de le toucher. </p>
<p>Même chose pour les poignées de porte, qui peuvent être tout aussi contaminées si elles ne sont pas désinfectées régulièrement. Avant de vous toucher le visage, de manger ou de boire, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25005587/">lavez-vous les mains</a> ou utilisez un gel désinfectant !</p>
<p>Les <a href="https://www.rd.com/list/ways-your-hotel-room-could-be-making-you-sick/">infections les plus courantes attrapées dans les chambres d’hôtel</a> sont les maux de ventre – diarrhées et vomissements. Mais l’on peut aussi être contaminé par divers <a href="https://www.everydayhealth.com/cold-and-flu/surprising-ways-hotels-can-make-you-sick.aspx">virus respiratoires</a>, et développer rhume, une pneumonie… ainsi que le nouveau venu qu’est le <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/28/3/21-2318_article?ACSTrackingID=USCDC_333-DM72795&ACSTrackingLabel=Latest%20Expedited%20Articles%20-%20Emerging%20Infectious%20Diseases%20Journal%20-%20December%2029%2C%202021&deliveryName=USCDC_333-DM72795">Covid</a>.</p>
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<img alt="Porte d’entrée d’un hôtel." src="https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516459/original/file-20230320-16-kb336m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bienvenue au paradis des germes…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/bedroom-door-entrance-guest-room-271639/">Pexels/Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De façon contre-intuitive peut-être, <a href="https://ami-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jam.15121">les toilettes et salles de bains sont un espace relativement plus sûr</a>. Elles sont en effet généralement nettoyées plus soigneusement que le reste de la chambre et s’avèrent ainsi souvent être les environnements les moins colonisés sur le plan bactériologique dans les hôtels. </p>
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<p>Seuls points à surveiller de la salle de bains : le verre à dents, déjà. S’il n’est pas jetable, lavez-le avant de l’utiliser (le gel douche ou le shampoing font parfaitement l’affaire). On ne peut jamais être vraiment sûr qu’il a été nettoyé correctement. Et à nouveau les poignées de porte, qui peuvent également être colonisées par des agents pathogènes provenant de mains non lavées ou de gants de toilette sales…</p>
<h2>Où se cache le danger ?</h2>
<p>Toute la literie peut évidemment elle aussi accueillir des visiteurs indésirables. <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/26/9/20-1435_article">Une étude réalisée en 2020</a> a montré qu’après l’occupation d’une chambre par un patient présymptomatique atteint de Covid-19, de nombreuses surfaces étaient fortement contaminées par le virus. Les draps, la taie d’oreiller et la housse d’édredon étaient particulièrement touchés. </p>
<p>Si <a href="https://www.rd.com/list/dirty-hotel-room/">les draps et les taies d’oreiller</a> sont normalement changés entre deux occupants, ce n’est pas le cas des couvre-lits : ce qui signifie que ces tissus peuvent devenir des réservoirs invisibles d’agents pathogènes – <a href="https://www.indy100.com/science-tech/beds-more-germs-than-toilet">autant sinon plus qu’un siège de toilettes</a>. Cependant, <a href="https://www.thesun.co.uk/travel/17444370/hotel-sheets-clean-changed-dirty/">parfois</a>, <a href="https://www.insideedition.com/investigation-finds-sheets-werent-changed-between-guests-at-some-new-york-hotels-60419">les draps</a> ne sont <a href="https://www.frommers.com/tips/health-and-travel-insurance/hotels-dont-always-change-the-sheets-between-guests#:%7E:text=Sheets%20are%20usually%20changed%20between,they%20aren%E2%80%99t%20washed%20regularly.">pas changés entre les hôtes</a>, et là… il peut donc être préférable d’apporter les vôtres.</p>
<p>Mais une chambre d’hôtel, ce n’est pas qu’un lit. On pense moins à ce qui se trouve sur le bureau, la table de nuit, le téléphone, la bouilloire, la <a href="https://www.nature.com/articles/srep17163?utm_medium=affiliate&utm_source=commission_junction&utm_campaign=CONR_PF018_ECOM_GL_PHSS_ALWYS_DEEPLINK&utm_content=textlink&utm_term=PID100087244&CJEVENT=7cf55981c74311ed82a0034b0a18ba73">machine à café</a>, l’interrupteur ou la <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/hotel-room-tests-uncover-high-levels-of-contamination-1.1160859">télécommande de la télévision</a>… Or toutes ces surfaces ne sont pas toujours désinfectées entre les clients.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Télécommande sur un lit d’hôtel." src="https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516462/original/file-20230320-14-h6cnfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À manipuler avec attention : les télécommandes font partie des objets les plus contaminés des chambres d’hôtel !</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/remote-control-on-pink-fabric-5202948/">Pexels/Karolina grabowska</a></span>
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</figure>
<p>Des virus (norovirus responsable de diarrhées, SARS-CoV-2 du Covid, etc.) peuvent subsister sous forme infectieuse pendant des jours sur les surfaces dures. Et l’intervalle de temps typique entre les changements de chambre est souvent <a href="https://www.thesun.co.uk/travel/17444370/hotel-sheets-clean-changed-dirty/">inférieur à 12 heures</a>.</p>
<p>Les tissus d’ameublement des coussins, chaises, rideaux ou stores sont, enfin, difficiles à nettoyer et peuvent n’être désinfectés que lorsque l’hôtellerie doit enlever des taches visibles.</p>
<h2>Les invités non sollicités</h2>
<p>Si tous ces germes et ces surfaces sales ne suffisent pas, il faut aussi penser aux <a href="https://theconversation.com/punaises-de-lit-apprendre-a-les-detecter-pour-eviter-les-piqures-184437">punaises de lit</a> (<em>Cimex lectularius</em>). Ces insectes suceurs de sang ont un aspect brun-argenté et mesurent généralement de un à sept millimètres de long. Ils sont experts dans l’art de se cacher dans de petits espaces étroits et sont capables de rester dormants sans se nourrir pendant des mois.</p>
<p>Les petits espaces en question comprennent les fissures et les crevasses des bagages, des matelas et de la literie. <a href="https://www.cdc.gov/parasites/bedbugs/faqs.html">Les punaises de lit</a> sont répandues en Europe, en Afrique, aux États-Unis et en Asie – et sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0278431920301201">souvent présentes dans les hôtels</a>. Et ce n’est malheureusement pas parce qu’une chambre a l’air propre et sent bon qu’il n’y a pas de punaises de lit dans ses entrailles…</p>
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<img alt="Femme de chambre préparant un lit." src="https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516460/original/file-20230320-16-mt06d3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Merci de ne pas utiliser les coussins d’ornement comme oreiller…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/woman-in-black-blazer-and-white-dress-shirt-arranging-the-bed-6466496/">Pexels/Cottonbro studio</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Heureusement, les <a href="https://www.nhs.uk/conditions/bedbugs/">piqûres de punaises de lit</a> ne semblent pas susceptibles de transmettre de maladies à notre espèce… Par contre, les zones de piqûre peuvent s’enflammer et s’infecter.</p>
<p>Pour détecter la présence de punaises de lit, des piqûres rougeâtres découvertes au matin et des taches de sang sur les draps sont les signes d’une infestation active (utilisez une crème antiseptique sur les piqûres). D’autres signes peuvent être trouvés sur le matelas, derrière la tête de lit et à l’intérieur des tiroirs et de l’armoire : des taches brunes peuvent être des restes d’excréments. </p>
<p>Informez l’hôtel si vous pensez qu’il y a des punaises de lit dans votre chambre. Et pour éviter de les emporter avec vous lors de votre départ, nettoyez soigneusement vos bagages et vos vêtements avant de les ouvrir chez vous.</p>
<p>Étant donné que les chambres des hôtels de haut standing sont généralement utilisées plus fréquemment, une chambre plus chère dans un hôtel cinq étoiles n’est pas nécessairement synonyme de plus grande propreté, car les frais de nettoyage des chambres réduisent les marges bénéficiaires. Quel que soit votre lieu de séjour, emportez un paquet de lingettes antiseptiques et utilisez-les sur les surfaces dures de votre chambre. </p>
<p>Les consignes d’hygiène basiques restent de mise même en vacances ! Lavez-vous ou désinfectez-vous souvent les mains, surtout avant de manger ou de boire. Enfin, emportez des pantoufles ou des chaussettes épaisses afin d’éviter de marcher pieds nus sur les moquettes des hôtels, connues pour être un autre <a href="https://www.rd.com/list/dirty-hotel-room/">point chaud de la saleté</a>…</p>
<p>Avec ces quelques précautions en tête, profitez tout de même de votre séjour !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208329/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Primrose Freestone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Elles nous paraissent être des havres de paix, le point de chute idéal en vacances. Mais les chambres d'hôtel sont surtout un nid douillet pour les microbes ! Le point de vue d'une microbiologiste…Primrose Freestone, Senior Lecturer in Clinical Microbiology, University of LeicesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083932023-07-12T21:12:02Z2023-07-12T21:12:02ZÀ qui appartiennent les paysages de l’Himalaya ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534089/original/file-20230626-5406-n3ldgn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C3648%2C2654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Labour et plantation de pommes de terre dans le village d'estive de Milam (Inde), à 3 800m. </span> <span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
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</blockquote>
<p>Le soldat tient mon appareil photo, et c’est lui-même qui efface les clichés compromettants. Compromettants ? J’avais pourtant cru suivre la règle donnée à notre arrivée à Milam, village d’estive au pied d’un glacier himalayen : interdiction de photographier le camp militaire indien à proximité.</p>
<p>La frontière du Tibet, autrement dit de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2019-2-page-29.htm">l’ennemi chinois</a>, se trouve à moins de 20 kilomètres à vol d’oiseau.</p>
<p>À plus de 3 500 m d’altitude, cette haute vallée du Johar, dans l’État indien de l’Uttarakhand, a une grande valeur stratégique. Les touristes peuvent y passer lors d’un trek, attirés par les sommets voisins (la Nanda Devi, 7816 m) ou par les ruines de Milam, ce Pompéi himalayen abandonné avec la <a href="https://www.researchgate.net/publication/273463122_Politics_of_Scale_in_a_High_Mountain_Border_Region_Being_Mobile_Among_the_Bhotiyas_of_the_Kumaon_Himalaya_India">fin progressive du commerce transfrontalier</a>d epuis l’invasion chinoise du Tibet en 1959.</p>
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<span class="caption">La Police de la Frontière Indo-Tibétaine (ITBT) est souvent présente à la petite gare routière de Munsyari.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Dans la petite ville de Munsyari, voitures de touristes et hôtels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les promoteurs du tourisme (petites agences du bourg de Munsyari à trois jours de marche, tour-opérateurs de Delhi, etc.) encouragent l’arrivée de visiteurs, étrangers autant qu’indiens. Mais ce tourisme est loin d’être prioritaire face aux enjeux géopolitiques.</p>
<p>J’avais commis l’erreur de photographier, non seulement des panoramas où l’on pouvait discerner dans le lointain un bout de campement, mais aussi le temple local : or, sur son fronton était affichée une inscription remerciant l’armée de son soutien à la restauration de l’édifice.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<span class="caption">Localisation de Milam, en Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
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<p>À qui appartient le paysage dans le Haut Johar ? Assurément pas aux touristes. Aux pasteurs transhumants qui y mènent paître chèvres et bovins ? Aux rares agriculteurs qui montent à Milam cultiver de la ciboulette et des pommes de terre, ces dernières souvent vendues aux militaires ? Aux chercheurs de <a href="https://scroll.in/article/1028581/the-worlds-most-expensive-fungus-is-now-disappearing-from-the-himalayas">cordyceps</a>, ce champignon qui se vend un million de roupies le kilo (12 000 €) en raison de ses vertus médicinales et aphrodisiaques pour le marché chinois ? Assurément, le paysage appartient avant tout aux militaires.</p>
<h2>Les paysages, un pouvoir politique</h2>
<p>Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante, mais où se développe le tourisme, les paysages appréciés par les touristes sont-ils les mêmes que ceux construits par les villageois ? Il ne s’agit pas là seulement d’une question d’esthétique, <a href="http://journals.openedition.org/developpementdurable/14449">mais bien de pouvoir politique</a>. En effet, si les paysages touristiques sont les mêmes que les paysages agraires, alors leurs producteurs, avant tout les populations locales, disposent d’un certain levier pour imposer leurs vues aux promoteurs du tourisme, y compris à l’État.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Restaurant d’altitude sur le chemin des estives et du trek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Si ce n’est pas le cas, <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">il y a risque que les villageois soient dépossédés de leurs ressources</a>, au profit de nouvelles constructions paysagères édifiées aux seules fins du tourisme. Cela prendrait alors la suite d’une longue tradition historique en Himalaya indien, l’État s’efforçant depuis la colonisation britannique de contrôler les forêts au <a href="https://journals.openedition.org/ccrh/2863?lang=en">nom de l’exploitation de bois d’œuvre</a>, puis de la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2007-1-page-109.htm">protection de l’environnement</a>.</p>
<h2>Des zones agraires qui séduisent</h2>
<p>Mais voyageons plus à l’est, à 370 km à vol d’oiseau : autre terrain d’étude au Népal, les Annapurnas, et plus précisément la <a href="http://journals.openedition.org/viatourism/5266">zone du trek du Mardi Himal</a>, itinéraire ancien « rouvert » en 2012 et en plein essor depuis.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Le paysage de la haute montagne : la crête du Mardi Himal, vers 4000 m, peu avant le Upper View Point – avril 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Là, aucune restriction à la photographie ! Le touriste est roi, et bien mieux accueilli que dans le Johar, dans une zone moins stratégique, ouverte depuis plus longtemps aux étrangers, dans un pays où le tourisme <a href="https://wttc.org/DesktopModules/MVC/FactSheets/pdf/704/169_20220613165223_Nepal2022_.pdf">représente plus de 7 % du PIB</a>.</p>
<p>Les lodges sont nombreuses le long des chemins de trek. La part des touristes népalais est en forte croissance, mais ils sont venus tout comme les touristes étrangers surtout pour les cimes et les pics – avec de plus en plus une composante sportive (canyoning, parapente…).</p>
<p>Les paysages agraires, comme les terrasses rizicoles, jusque vers 1800 m, ne sont pas la principale attraction de départ. Il reste que nos entretiens révèlent que c’est souvent l’ensemble des panoramas qui sont photographiés – de fantastiques versants étagés sur parfois plus de 1000 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Battage, sur une terrasse. Khanigaon (Lwang, versant gauche de l'idi Khola) - 20 novembre 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Et la progression de la marche, qui traverse à basse altitude les villages et les champs, fait découvrir des paysages et des sociétés agraires qui séduisent, notamment les touristes occidentaux.</p>
<h2>Des locaux qui mettent en tourisme leur culture</h2>
<p>Cela est mis à profit par les populations locales, et notamment les <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1999_num_108_605_21766">Gurung, une ethnie tibéto-birmane</a>. Ils possèdent la plupart des refuges et des lodges, et leur culture est <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">mise en valeur, voire mise en tourisme</a>, par des spectacles folkloriques ou de petits musées comme celui de Ghandruk. Les chants et les danses sont appréciés des touristes, tout comme les plats « traditionnels » qui sont cuisinés avec des ingrédients cultivés localement sans intrants chimiques. Le risque de renforcer une <a href="https://journals.openedition.org/civilisations/1370">dimension « exotisante » et folklorisante</a> existe cependant.</p>
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<p>Ces initiatives privées ont des soutiens hors de la région, grâce aux émigrés qui peuvent investir leur épargne dans l’accueil touristique, mais aussi dans le cadre institutionnel de l’Annapurna Conservation Area Project (ACAP), entièrement financé par les droits d’entrée payés par les touristes (21 € par personne étrangère en 2023) ; il a une composante participative laissant un certain pouvoir de décision aux populations locales, pour le tourisme, mais aussi pour les usages agricoles ou la gestion de la forêt, et permet la redistribution d’une partie des revenus touristiques aux villages concernés.</p>
<p>Dans la zone étudiée, un programme coordonné d’hébergements chez l’habitant (<em>homestays</em>) en lien avec un réseau de chemins (<a href="https://www.nepalhighlandtreks.com/machhapuchhre-model-trek.html">Macchapucchre Model Trek</a>) a encouragé à partir de 2007 le développement local, si crucial à une époque où l’on sortait de la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2002-4-page-47.htm">guerre civile</a>. L’organisation collective au niveau de chaque village est souvent institutionnalisée par des groupes de femmes, de façon à répartir les nuitées de façon équitable entre les ménages. De fait, les <a href="http://echogeo.revues.org/14724">femmes apparaissent souvent comme les principales bénéficiaires</a>, mais cela se traduit par une surcharge de travail pour elles, surtout quand les hommes sont en migration, et les hautes castes Brahmanes et les Gurung perçoivent l’essentiel des revenus.</p>
<h2>Des communautés qui adaptent leurs intérêts aux situations</h2>
<p>Une association locale pratique un principe de distribution semblable près de Munsyari. Mais pour le reste, la situation du côté indien est fort différente. Dans le Johar, point d’ACAP, pas de politique touristique intégrée à une politique environnementale. La population dominante est celle des Bhotias, une communauté qui est parvenue à obtenir le statut de « tribu » pour bénéficier de la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/discrimination-positive">politique de discrimination positive de l’Inde</a>, alors même qu’il s’agissait de ces <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-29707-1">riches marchands transfrontaliers qui commerçaient avec le Tibet</a> tout en faisant travailler leurs terres par des métayers de castes intouchables.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">En Inde, dans le Johar, les trekkeurs empruntent les mêmes sentiers que les muletiers ravitaillant l’armée ou les villages d’estive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ils ont perdu une partie de ces terres du fait des réformes agraires, mais leur reconversion dans des activités urbaines, en plaine, à Delhi ou ailleurs, s’est faite de façon souvent fort profitable.</p>
<p>Une partie d’entre eux cherche à entretenir les hameaux d’altitude désertés, anciens relais du commerce et de la transhumance où se trouvent les autels des aïeux – les noms de famille des Bhotias incluent souvent le toponyme de leur hameau ancestral. Mais pour la plupart, leurs intérêts se trouvent ailleurs, loin de la haute montagne, y compris dans l’armée puisque comme les Gurung les Bhotia ont souvent été recrutés dès l’époque coloniale comme soldats.</p>
<p>Pour les touristes, la visibilité des Bhotia est donc faible. Un petit « Tribal Museum » leur est consacré à Munsyari, mais pour le reste le peu de tourisme culturel existant met en exergue la culture <em>pahari</em>, « des montagnes », plus que la culture d’une communauté en particulier. « Des Bhotia ? Mais n’en trouverez pas ici ! », nous répondit même une touriste du Bengale, très sure d’elle.</p>
<p>Les revenus des 10 à 15 000 touristes annuels sont bien incapables de freiner l’exode rural, qui, tout comme sur le versant sud des Annapurna, multiplie les friches à moyenne altitude, et seuls les champs autour de Munsyari sont cultivés relativement intensivement, en pommes de terre notamment. Singes et sangliers rendent l’agriculture plus difficile, ce qui engendre un cercle vicieux, car la croissance des friches favorise la multiplication de la faune sauvage.</p>
<p>Mais les touristes n’en ont cure. Si le paysage se ferme à cette altitude, il leur restera toujours de fantastiques panoramas plus haut, à l’étage des pelouses et des rocs. Le paysage rural est (encore ?) une ressource importante pour les Gurung, mais ne l’est plus pour les Bhotia.</p>
<p>Alors à qui appartient ce paysage ? Il appartient aux paysans népalais, dans la mesure où ceux-ci sont souvent partie prenante des aménagements touristiques, mais il appartient de moins en moins aux paysans indiens, soit que les enjeux militaires ou hydroélectriques prennent trop de place, soit que simplement les villageois se détournent progressivement de leurs ressources agraires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le programme de recherche qui m’a conduit à ces altitudes, financé par l’ANR, s’appelait AQAPA : À Qui Appartiennent les Paysages en Asie ? La mise en tourisme des hautes terres en Asie méridionale : dynamiques sociales et patrimonialisation des paysages dans les campagnes à minorités ethniques (Inde, Népal, Laos, Chine, Vietnam)</span></em></p>Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante et où se développe le tourisme, les paysages deviennent un enjeu aussi politique qu'esthétique.Frédéric Landy, Professeur de géographie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086382023-07-04T20:11:55Z2023-07-04T20:11:55ZPourquoi les touristes fréquentent-ils des lieux artificiels alors qu’ils sont en demande d’authenticité ?<p>Que diriez-vous d’un <a href="https://theconversation.com/topics/vacances-38872">séjour</a> sur un îlot artificiel flottant végétalisé comprenant un restaurant, un bar lounge, un beach club, ou encore une piscine d’eau douce chauffée ? Tel était ce que proposait le projet <a href="https://www.canua-island.com/fr/">Canua Island</a>, conçu pour accueillir jusqu’à 350 clients. <a href="https://www.lechotouristique.com/article/cote-dazur-clap-de-fin-pour-canua-island">Faute d’autorisation de navigation</a>, l’embarcation reste toujours pour l’heure bloquée au port de La Seyne-sur-Mer dans le Var, sous le feu de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/10/canua-island-une-plage-flottante-symbole-du-malaise-grandissant-de-la-cote-d-azur-face-au-tourisme-des-ultra-riches_6176990_3234.html">critiques sociales et écologiques</a>. Le 13 juin, les fondateurs du projet déclarent avoir <a href="https://www.lechotouristique.com/article/cote-dazur-clap-de-fin-pour-canua-island">renoncé</a>.</p>
<p>L’ilot incarne ce que l’on appelle en <a href="https://theconversation.com/topics/geographie-21809">géographie</a> le <a href="https://journals.openedition.org/gc/1013">« tourisme de simulation »</a>. Exploitant l’artifice, il est pratiqué dans des espaces détachés des spécificités géographiques, climatiques ou culturelles du lieu de leur implantation. Même dénoncé, il connaît un <a href="https://www.forbes.com/sites/rogersands/2022/11/03/these-new-theme-parks-will-captivate-your-imagination/?sh=65d11550debc">développement mondial</a> comme en témoignent divers autres projets tels que l’idée d’une serre tropicale géante (la plus grande du monde) <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/pas-de-calais-la-serre-geante-tropicalia-pourrait-pousser-en-2023-1893431">Tropicalia</a> à Berck-sur-Mer ou d’une reproduction d’un <a href="https://www.lechotouristique.com/article/europa-park-va-sagrandir-avec-une-zone-dediee-a-la-croatie">quartier croate dans le parc de loisirs allemand Europa-Park</a>. Pour les espaces déjà construits, le succès est souvent au rendez-vous. Le <a href="https://www.zoobeauval.com/">ZooParc de Beauval</a> a, par exemple, été contraint de <a href="https://www.leparisien.fr/loir-et-cher-41/cetait-le-metro-aux-heures-de-pointe-le-zoo-de-beauval-victime-de-son-succes-26-05-2023-4UF7WNWUBZCDJHDFOPAYUEKKCI.php">suspendre des réservations en mai 2023</a>. La <a href="https://www.lechotouristique.com/article/parcs-de-loisirs-vers-un-ete-de-tous-les-records">fréquentation des grands parcs de loisirs français</a> devrait, en 2023, excéder les records de 2022.</p>
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<p>Comment analyser ce paradoxe, cette coexistence entre deux mouvements contradictoires ? Au-delà du cas Canua Island, des <a href="https://theconversation.com/quel-monde-dapres-pour-le-tourisme-183738">critiques visent le tourisme de masse</a> et incitent d’ailleurs certains spécialistes à proposer une <a href="https://editionsdufaubourg.fr/livre/reinventer-le-tourisme">réinvention du secteur</a> et une <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-temps-de-reinventer-le-tourisme-138447">remise en cause des objectifs de conquête et de démesure</a> pour préférer des approches valorisant l’humain, l’écologie et l’authenticité. La quête de cette dernière est établie aussi bien par des <a href="https://hospitality-on.com/fr/tourisme/etude-booking-les-7-tendances-voyages-qui-marqueront-2022">études professionnelles</a> que par des <a href="https://www.cairn.info/theories-et-pratiques-du-marketing-de-la-culture--9782376875871-page-123.htm">recherches</a>. Malgré cela, le <a href="https://www.jstor.org/stable/40592826">triomphe du faux</a> invite aussi à s’intéresser à l’attrait pour ce tourisme de simulation.</p>
<h2>Copie authentique ou réalité originale ?</h2>
<p><a href="https://www.tourisme-espaces.com/doc/6592.publicite-invite-touriste-faire-cinema.html">En transcendant les tourismes de nature et de culture</a>, le tourisme de simulation concerne à la fois des parcs animaliers, des îles artificielles ou encore des grottes préhistoriques reconstituées comme <a href="https://www.lascaux.fr/fr">Lascaux IV</a> ou <a href="https://www.grottechauvet2ardeche.com/">Chauvet 2</a>. Il n’est, en réalité, pas strictement incompatible avec la quête d’authenticité. C’est parfois une forme d’<a href="https://www.jstor.org/stable/2776259">authenticité mise en scène</a> par les professionnels pour répondre aux attentes d’individus désirant vivre des expériences différentes de celles de leur vie quotidienne qui, elles, resteraient marquées par l’inauthenticité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534641/original/file-20230628-25-u5tx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La grotte Lascaux IV, fac simile intégral de la grotte découverte en 1940, a ouvert ses portes au public le 15 décembre 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JanManu/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour mieux comprendre l’attrait exercé par ce tourisme, on peut convoquer la notion de <a href="http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2631">simulation</a>, également appelée <a href="https://www.livredepoche.com/livre/la-guerre-du-faux-9782253041870">« hyperréalité »</a>. Elle désigne une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737010502000103?journalCode=rama">réalité, différente de la réalité matérielle</a>, qui conduit à ne plus distinguer le vrai du faux. Deux types d’hyperréalité s’opposent : celle qui constitue une copie authentique ou « améliorée » de la réalité matérielle et celle qui correspond à une réalité originale.</p>
<p>Le phénomène d’hyperréalité est une dimension de la postmodernité qui renvoie à un <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-2-page-85.htm">changement structurel de l’individu et de la société</a>. Celui-ci est notamment lié à un désenchantement produit par la crise socio-économique de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle. Il s’est traduit par l’apparition de <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2008-2-page-85.htm">pratiques de consommation paradoxales</a>.</p>
<h2>Du spectaculaire en toute sécurité</h2>
<p>Les offres hyperréelles présentent ainsi des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737010502000103?journalCode=rama">avantages recherchés</a> par certains individus. Elles proposent une authenticité, au rabais certes, mais <a href="https://www.jstor.org/stable/40592826">moins risquée</a> que l’authenticité « véritable », sans tous les <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780080942544-9/postmodern-marketing-stephen-brown?context=ubx&refId=e3608f4a-e093-4a77-8751-58a3460bbdd7">inconvénients</a> existants dans la réalité. <a href="https://www.tropical-islands.de/en">Tropical Islands</a>, parc aquatique berlinois, paraît par exemple plus attrayant qu’une île réelle à la chaleur étouffante et pleine d’insectes. Ces offres d’un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/016073839500008T">monde aseptisé</a> permettent de <a href="https://www.jstor.org/stable/40592826">vivre en toute sécurité des expériences</a> procurant des sensations multiples. Les <a href="https://www.golias-editions.fr/2004/01/01/disney-land/">parcs Disney</a> promettent eux aussi des sensations extrêmes tout en les contrôlant.</p>
<p>L’hyperréalité permet aussi de mettre en scène des dimensions démesurées pour offrir du spectaculaire car le <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/pub-fiction-9782708128040/">spectaculaire procure du plaisir</a>. Toutes les cabines du plus gros paquebot du monde, l’<em>Icon of the Seas</em> sont ainsi <a href="https://www.lefigaro.fr/voyages/pas-encore-construit-le-plus-gros-paquebot-du-monde-affiche-deja-complet-20221104">réservées</a> alors qu’il est toujours en construction !</p>
<p>Elle donne également l’opportunité aux individus de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/076737010301800203">s’immerger dans des expériences de consommation</a> car l’hyperréalité exploite des concepts projectifs. Au cours d’un <a href="https://calenda.org/188251">colloque</a>, des chercheurs ont émis l’hypothèse que l’immersion serait facilitée par le <a href="https://calenda.org/188251">sentiment de sécurité</a> procuré. De plus, elle serait d’autant <a href="https://www.implications-philosophiques.org/lhyperrealite-des-jeux-video-phenomenologie-dun-monde-qui-nexiste-pas/">plus grande que les offres hyperréelles sont infidèles au monde réel</a>, car l’individu n’est pas obligé de respecter les limites que ce monde impose. <a href="https://www.planetesauvage.com/">Planète Sauvage</a>, en Loire-Atlantique, propose ainsi de vivre l’« aventure sensationnelle d’un safari » africain.</p>
<p>Le caractère enclavé et sécurisé des offres hyperréelles a conduit à les qualifier de <a href="https://uk.sagepub.com/en-gb/eur/simulation-and-social-theory/book208023">« bulles touristiques »</a>. Leur <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.21832/9781845418687-016/html">nombre devrait croître</a> en raison de l’importance accordée par certains individus au risque perçu et au sentiment de sécurité.</p>
<h2>Des bulles qui sortent du champ touristique</h2>
<p>Au-delà, ces offres constituent des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737010502000103?journalCode=rama">opportunités pour les professionnels</a> qui peuvent satisfaire les attentes des individus et produire des <a href="https://www.jstor.org/stable/40592824">expériences aptes à réenchanter le consommateur</a>. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737010502000103?journalCode=rama">Consommation et loisir</a> fusionnent ainsi dans le cadre <em>du fun shopping</em> ou <a href="https://www.jstor.org/stable/40592812"><em>retailtainment</em></a> comme le fait <a href="https://odysseum.klepierre.fr/boutiques-restaurants/planet-ocean">Planet Ocean au centre commercial Odysseum</a> à Montpellier. Il s’agit aussi de rapprocher les expériences des individus pour répondre à leur <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/22/3/239/1791714?login=false">désir de vivre de multiples expériences,</a> même si les caractéristiques locales sont inadaptées. Typiquement, faire du <a href="https://www.malloftheemirates.com/en/ski-dubai">Ski à Dubaï</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534646/original/file-20230628-21-qnq3rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La plaine africaine du zoo de Beauval dans le Loir-et-Cher.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sybarite48/7973214282/">Daniel Jolivet/FlickR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’idée peut aussi être moins mercantile : contribuer à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2211973620301471">préservation d’espaces</a> fragiles a par exemple été à l’origine de la réalisation de la <a href="https://www.grottechauvet2ardeche.com/decouvrez-la-grotte-chauvet-2-ardeche/">Grotte Chauvet 2</a> ; le <a href="https://www.beauvalnature.org/conservation/programme/panda-geant">ZooParc de Beauval participe à un programme de conservation des pandas</a>. Au-delà, il y a un objectif d’éducation du public.</p>
<p>Les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/076737010502000103?journalCode=rama">limites</a> de pareilles offres apparaissent néanmoins bien vite : impact environnemental, artificialisation des terres, incitation pour les individus à ne plus souhaiter affronter les difficultés du monde réel et les amener à ne plus être en mesure de différencier le vrai du faux… Des réalités du faux, telles les files d’attente, peuvent aussi s’avérer <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780080942544-9/postmodern-marketing-stephen-brown?context=ubx&refId=e3608f4a-e093-4a77-8751-58a3460bbdd7">moins plaisantes que ce qui pourrait être expérimenté dans la réalité</a>. La marchandisation de presque tout et l’uniformisation de la planète résultant d’une exploitation excessive de l’hyperréalité peuvent déclencher des comportements de résistance de la part de certaines personnes face à une <a href="https://www.cairn.info/l-individu-hypermoderne--9782749203126-page-199.htm">« désappropriation »</a> de leur vie.</p>
<p>Tout cela invite à préconiser une modération du recours à l’hyperréalité à l’ère de l’<a href="https://www.nature.com/articles/415023a.pdf">anthropocène</a>. Ces recommandations sont d’autant plus importantes que le concept de bulle artificielle est exploité dans d’autres secteurs tels celui de l’habitat résidentiel pour donner lieu à des <em>gated communities</em> (communautés fermées) : la ville privée <a href="https://celebration.fl.us/">Celebration</a> en Floride a été initialement créée par le groupe Disney. Le projet <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-11-18/quelle-est-cette-ville-flottante-en-forme-de-tortue-geante-qui-pourrait-heberger-60-000-passagers-62de5e1e-516d-442b-8049-65eadca2aa9e">Pangeos</a>, ce yacht géant à 8 milliards de dollars en forme de tortue, mêle lui aussi à sa manière tourisme et habitat résidentiel pour 60 000 personnes. Il illustre la course à la démesure provoquée par l’hyperréalité qui aboutit à l’offre d’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/014904001300181693">extravagances</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Graillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les bulles touristiques offrent des expériences dépaysantes sans leurs inconvénients, des tropiques sans moustiques par exemple. Les limites sociales et environnementales du modèle sont nombreuses.Laurence Graillot, Maître de conférences en Sciences de gestion (marketing) - HDR, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072612023-06-15T16:42:52Z2023-06-15T16:42:52ZTourisme : qu’est-ce qui décourage les voyageurs seniors ?<p>Les voyageurs seniors représentent aujourd’hui une <a href="https://institut.amelis-services.com/bien-vieillir/voyages-tourisme/vacances-ideales-des-seniors/">source essentielle de croissance pour l’industrie touristique</a>. Ceci s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, le nombre de personnes âgées augmente fortement dans un contexte de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health">vieillissement de la population mondiale</a>. En outre, la génération actuelle de seniors apprécie particulièrement le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tourisme-21268">tourisme</a> et, entre 60 et 75 ans, la <a href="https://letourismesenior.com/chiffres-cles-du-tourisme-senior/">durée des séjours est plus longue</a> que pour les plus jeunes. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a> voyagent également davantage pendant la « saison intermédiaire », c’est-à-dire la période entre la haute et la basse saison, ce qui contribue à allonger la saison touristique.</p>
<p>Cependant, l’accès à ces différents bénéfices n’est possible que si les retraités sont en mesure de voyager lorsqu’ils le souhaitent. La compréhension de ce qui peut les empêcher de voyager reste donc essentielle pour leur permettre d’accéder aux expériences touristiques.</p>
<p>La réalisation d’une étude qualitative menée auprès de 15 seniors âgés de 60 à 85 ans, présentée en mai dernier lors de <a href="https://easychair.org/smart-program/2023AMSAnnualConference/2023-05-18.html">l’Academy of Marketing Science Annual Conference</a>, nous a permis d’identifier plusieurs types d’obstacles au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voyage-42605">voyage</a>.</p>
<h2>« J’aurais aimé parler anglais »</h2>
<p>Les contraintes liées aux loisirs, qui varient avec l’âge, peuvent être <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01490409109513147">classées en trois catégories</a>, comme l’expliquent les chercheurs américains Duane W. Crawford, Edgar L. Jackson et Geoffrey Godbey : les contraintes intrapersonnelles, interpersonnelles et structurelles.</p>
<p>Les <strong>contraintes intrapersonnelles</strong>, qui se réfèrent à des contraintes internes et psychologiques telles que l’expérience antérieure, la culpabilité, le manque de confiance en soi d’un individu, sont les plus puissantes. Elles influencent naturellement les préférences en matière de loisirs. Sur ce plan-là, nos interviewés évoquent d’abord le déclin des capacités physiques, de l’énergie ou encore de la difficulté à s’adapter à un nouvel environnement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couple de personnes âgées regardant une carte" src="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les difficultés à s’adapter à un nouvel environnement, un frein au voyage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Old_tourist_couple_%28435347929%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
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<p>Ces contraintes concernent notamment l’impact psychologique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vieillissement-22584">vieillissement</a> : la difficulté à quitter le domicile est ainsi souvent mentionnée par nos répondants. Enfin, le manque de ressources en matière de communication est évoqué, les interviewés faisant référence à leur capacité limitée à parler une autre langue que le français. Jeanne, 63 ans, regrette ses lacunes :</p>
<blockquote>
<p>« J’aurais aimé parler anglais car c’est une langue internationale. Les quelques mots que je connais, ce n’est pas suffisant pour échanger. Ça me ralentit un peu par exemple pour aller aux États-Unis ».</p>
</blockquote>
<p>Les <strong>contraintes interpersonnelles</strong>, d’ordre social et culturel, sont liées à l’association avec d’autres individus. Elles comprennent, par exemple, le fait de ne pas avoir de partenaire avec qui pratiquer l’activité. Nos répondants âgés soulignent souvent l’absence de compagnon de voyage à la suite d’un veuvage ou un divorce. Liliane, 76 ans, évoque également un partenaire qui ne partage pas les mêmes envies :</p>
<blockquote>
<p>« Mon mari et moi, nous avons des goûts opposés en matière de voyages : il veut aller au soleil, sous les cocotiers. Je n’aime pas la chaleur. Je préférerais aller dans des pays plus froids ! »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, les <strong>contraintes structurelles</strong> sont externes à l’individu et de nature contextuelle. Elles reflètent les ressources nécessaires pour s’engager dans l’activité de loisir considérée et comprennent, par exemple, le fait de ne pas avoir assez d’argent. À ce sujet, nos répondants mettent parfois en avant des ressources insuffisantes ou encore la difficulté à se séparer d’un animal de compagnie. Claudine, 74 ans, explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Je dois mettre mon chien dans un chenil quand je pars. Je n’ai pas d’autre solution, alors je le fais mais les inconvénients prennent alors le pas sur le plaisir de partir en voyage ».</p>
</blockquote>
<p>De même, nos interviewés citent leur manque de disponibilité (notamment à cause d’actions de bénévolat ou de soutien à la famille), la peur de laisser leur maison sans surveillance, mais aussi une offre de voyage qu’ils considèrent comme inadéquate. Gilles, 66 ans, regrette par exemple le peu de flexibilité qu’offrent les voyages organisés :</p>
<blockquote>
<p>« J’aime beaucoup la nature, j’aime donc prendre mon temps et m’arrêter où je veux pour admirer les paysages. Lors d’un voyage en groupe, j’aimerais m’arrêter quelque part, mais je ne peux pas le faire parce que nous devons être ailleurs à une heure précise ».</p>
</blockquote>
<h2>Profiter de la vie</h2>
<p>Les seniors constituent un potentiel économique indéniable pour les professionnels du tourisme mais leur consommation de voyages diminue jusqu’à s’arrêter complètement en raison de ces nombreuses contraintes. </p>
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<p>Pourtant, comme nous l’avons expliqué dans un autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160738317301111">travail de recherche</a>, les voyages génèrent des émotions positives et des bénéfices spirituels qui contribuent au bien-être des seniors : donner un sens à sa vie, se révéler ou encore de mieux comprendre les autres et leur relation avec la nature. En outre, à un âge où le senior est conscient de sa propre mortalité, les voyages permettent de profiter de la vie et de se créer des souvenirs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couple de personnes âgées marchant sur une plage de sable fin" src="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le voyage, source d’émotions positives chez les plus âgés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-qnycd">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La compréhension de ces freins à voyager semble donc nécessaire afin d’aider les professionnels du tourisme à adapter leurs services et leurs offres dans un contexte de vieillissement de la population. Plusieurs recommandations peuvent ici être faites pour ces professionnels, comme proposer des voyages prenant en compte l’avancée en âge de ces touristes. Ces séjours peuvent être calibrés pour éviter des temps de trajets trop longs et des transports trop fatigants, avec prise en charge dès le domicile. Le croisiériste Costa Cruises a même développé une <a href="https://www.costacroisieres.fr/experience/croisieres-over-65.html">offre réservée aux plus de 65 ans</a>.</p>
<p>Il conviendra également d’assurer la surveillance du domicile lors de l’absence du senior ainsi que la garde de leur animal de compagnie. Autant de préconisations qui permettront de lever les freins à voyager des seniors et les aideront à leur procurer bien-être physique et psychologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche a identifié une série de contraintes qui incitent les personnes âgées à renoncer aux voyages.Corinne Chevalier, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université Paris-SaclayGaëlle Moal, Enseignante-chercheure en marketing, Laboratoires L@bIsen et LEGO, YncréaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050762023-06-07T19:38:42Z2023-06-07T19:38:42ZCharmeurs de serpents à Marrakech : quand le spectacle met à mal les aspirations à un tourisme plus durable<p>La légende raconte qu’un jour, Sidi Mohamed Ben Aïssa traversait le désert avec 40 de ses disciples torturés par la faim. Les disciples se plaignirent au maître qui, dans un premier temps, ne répondit pas. Il finit par leur dire d’avaler tout ce qu’ils trouveraient, y compris vipères, scorpions et autres espèces venimeuses.</p>
<p>Des dizaines de serpents et de scorpions furent ainsi consommés et, par miracle, les hommes survécurent, tant la parole du maître était puissante. Depuis ce jour, les descendants de Ben Aïssa seraient immunisés contre les morsures de serpents, protégés par une baraka vieille de quatre siècles. On les appelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%AFssawa">Aïssaoua</a>.</p>
<p>Les charmeurs de serpents, ou Aïssaoua, font partie intégrante de la culture marocaine, leur activité a été reconnue avec l’inscription de la place Jemaa El-Fna sur la liste Unesco représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2008.</p>
<p>Pourtant, cette activité a un impact sur la biodiversité et engendre de la souffrance animale que la notion même de développement durable devrait nous inciter à prendre en compte.</p>
<h2>Serpents de Jemaa El-Fna et baraka</h2>
<p>Les serpents sont des animaux qui suscitent en Occident de nombreuses légendes, tout aussi rocambolesques les unes que les autres. Du serpent qui boit du lait aux vipères lâchées par hélicoptère, le serpent fait peur, le <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-3-page-427.htm">serpent inquiète</a>.</p>
<p>Sa présence sur le caducée, symbole de la santé, ne parvient pas à nous faire oublier qu’il est celui qui a convaincu Ève de croquer la pomme.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pas étonnant que sur la place Jemaa El-Fna, les Aïssaoua capables de dompter cet animal fascinent. Le charmeur va poser le serpent au sol, et par de nombreuses provocations stressantes, va déclencher le comportement de défense du reptile, plongeant les visiteurs dans un émerveillement empreint de peur et d’exotisme, que le lieu, avec le son des flûtes, mais aussi ses odeurs et son ambiance, contribue à véhiculer.</p>
<p>Les visiteurs ont ainsi la sensation de vivre une expérience unique qui, malgré sa fugacité, participe à la notoriété de cet espace. Le charmeur doit démontrer son pouvoir ; c’est la magie, « la baraka », qui lui permet ses interactions avec le serpent. Le discours diffusé auprès des touristes a pour but de conforter le visiteur dans ces représentations négatives et insidieuses de l’animal, contribuant dans un même temps à renforcer la magie du spectacle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526836/original/file-20230517-21-2062yt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vipère vient de mettre bas dans la caisse du charmeur, mais la moitié des jeunes sont morts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdellah Bouazza</span></span>
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<h2>Le cobra ne danse pas</h2>
<p>Les charmeurs exhibent plusieurs espèces de serpents, notamment la vipère heurtante (<em>Bitis arietans</em>), la couleuvre de Montpellier du Sahara (<em>Malpolon monspessulanus saharatlanticus</em>) et le cobra d’Afrique du Nord ou cobra noir du Maroc (<em>Naja haje legionis</em>).</p>
<p>Le cobra est difficile à trouver dans la nature, mais il constitue l’espèce la plus recherchée par les charmeurs. Il se rencontre principalement dans le Sahara atlantique et parfois dans certaines oasis au sud du Haut Atlas.</p>
<p>À l’instar des autres serpents, le cobra ne possède pas d’oreille externe, ainsi il ne « danse » pas au son de la flûte des Aïssaoua. Il adopte plutôt une position de défense en « coiffant » sa tête et suit du regard les charmeurs, qui donnent ainsi l’illusion que le serpent bouge au son de l’instrument.</p>
<p>Cette attitude charismatique donne la sensation d’une provocation, au cœur du spectacle.</p>
<h2>Sécurité du touriste, souffrance du serpent</h2>
<p>Les serpents utilisés dans les spectacles des charmeurs de la place Jemaa El-Fna sont capturés directement dans la nature, notamment dans les habitats désertiques du Bas Draâ (Tan Tan-Guelmim). Vipères et cobras sont ensuite manipulés et bloqués au cou pour leur ouvrir la gueule et leur arracher les crochets.</p>
<p>Cette opération, réalisée sans précaution d’hygiène ni anesthésie, est censée garantir la sécurité des touristes et des charmeurs. Les serpents sont ensuite maintenus dans des caisses en bois, en attendant d’être vendus aux charmeurs de Marrakech qui à aucun moment ne se déplacent eux-mêmes sur le terrain.</p>
<p>Déshydratés, sans accès à de la nourriture ni à une température favorable pour se thermoréguler, certains meurent d’une infection due à l’opération, d’autres du fait des conditions de vie stressantes associées à une nourriture inadaptée et imposée de force, comme nous avons pu l’observer sur le terrain.</p>
<h2>Le spectacle à quel prix ?</h2>
<p>Le spectacle n’a en effet de sens que par la position de défense de l’animal, position qu’il est contraint de maintenir des heures durant pour répondre aux provocations du charmeur ; un processus qui, lentement, épuise l’animal.</p>
<p>Jugée cruelle, cette pratique a <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/video-les-charmeurs-de-serpents-entre-fascination-et-polemique_4097339.html">été interdite en Inde en 1972</a>, tandis qu’elle demeure encore utorisée au Maroc. Le développement touristique de la place Jemaa El-Fna a beau avoir induit des modifications, les charmeurs font malgré tout partie des activités qui suscitent le <a href="http://www.hesperis-tamuda.com/3/data/2010/4-Ouidad%20Tebbaa.pdf">plus d’attrait pour de nombreux touristes</a></p>
<p>Inconsciemment, ces derniers participent donc sans le savoir à la souffrance et à la disparition d’espèces sauvages, nous conduisant à nous poser la question suivante : la sauvegarde du patrimoine culturel est-elle toujours compatible avec les enjeux de développement durable qu’il sous-entend ?</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/thomas-lahlafi-112a71117/?originalSubdomain=fr">Thomas Lahlafi</a>, naturaliste indépendant, et Salima SALHI (doctorante à l'Université d’Angers) ont contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jannot Laura a reçu des financements de SFR Confluence Angers </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdellah Bouazza ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette pratique qui fascine les touristes sur la place Jemaa El-Fna à Marrakech inflige de nombreuses souffrances aux serpents.Laura Jannot, Doctorante en géographie du tourisme, Université d'AngersAbdellah Bouazza, PhD in Herpetology and Conservation BiologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2040762023-05-25T16:49:50Z2023-05-25T16:49:50ZPicasso, une attraction touristique comme les autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527684/original/file-20230523-15-a07yvj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4000%2C2622&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Événement de présentation de l'année Picasso à Pékin.</span> <span class="attribution"><span class="source"> @edwardquinn.com. Turespana. Succession Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023</span></span></figcaption></figure><p>Il y a 50 ans disparaissait <a href="https://theconversation.com/picasso-le-genie-de-la-celebrite-46562">Pablo Ruiz Picasso</a> (1881-1973), souvent présenté comme « le génie du XX<sup>e</sup> siècle » et « le plus français des peintres espagnols ». En toute logique, l’année 2023 est donc <a href="https://celebracionpicasso.es">riche en événements dédiés à l’artiste</a>, des deux côtés des Pyrénées.</p>
<p>Sa Malaga natale, la Barcelone de sa jeunesse, le Paris bohème, le charme paisible de la Côte d’Azur : les hommages à l’artiste le plus prolifique du XX<sup>e</sup> siècle – et aussi l’un des plus décriés sur le plan personnel, nous y reviendrons – se succèdent dans ces lieux qui ont marqué sa vie.</p>
<p>Le calendrier binational élaboré par une commission gouvernementale franco-espagnole intègre des sites moins directement liés au peintre, comme La Corogne, où il passa une partie de son enfance, entre 10 et 14 ans, ou encore les grands musées de Madrid et Bilbao. Par ailleurs, New York, où il ne mit jamais les pieds, mais qu’il avait choisi pour exposer son <em>Guernica</em>, se joint aux célébrations.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que sa figure est associée à la publicité – pensons à la fameuse <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/publicite/pub3175453020/citroen-xsara-picasso-grimaces">Citroën Picasso</a> – ou au tourisme. L’organisme du gouvernement espagnol en charge de la promotion touristique avait déjà utilisé ses <em>Pigeons</em>, sa <em>Tête de femme</em> ou encore <em>Jacqueline au mouchoir noir</em> pour illustrer des affiches dans les années 1980-1990.</p>
<p>Mais à l’aune des récentes polémiques, comment l’image de Picasso peut continuer à alimenter des campagnes promotionnelles et touristiques ?</p>
<h2>Art et tourisme</h2>
<p>Le premier musée Picasso fut ouvert de son vivant en 1935, à Barcelone, sous l’impulsion du secrétaire particulier du peintre, Jaime Sabartés.</p>
<p>Après sa mort, les dons de sa veuve, Jacqueline Roque et de ses enfants, <a href="https://www.dailymotion.com/video/xfef5h">exonérés d’impôts par l’État français</a> et de particuliers ont permis d’ouvrir plusieurs musées : <a href="https://www.museepicassoparis.fr/fr/page-daccueil">à Paris en 1985</a> et <a href="https://museopicassomalaga.org/en">à Malaga</a> (d’abord sa maison natale en 1988, puis le musée en 2003).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527686/original/file-20230523-28-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La marinière et les yeux ronds, identifiables entre tous.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1981, Picasso était déjà à l’honneur pour les 100 ans de sa naissance. Timbres et expositions accompagnent l’événement de l’année : l’arrivée à Madrid de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/09/11/quarante-quatre-ans-apres-sa-realisation-le-guernica-de-picasso-arrive-a-madrid_3040774_1819218.html"><em>Guernica</em></a>. Œuvre de commande pour le pavillon espagnol (et républicain) de l’<a href="https://parcours.cinearchives.org/les-films-paris-1937-l-exposition-internationale-des-arts-et-des-techniques-731-22-0-1.html">Exposition universelle</a>, l’œuvre était alors conservée au MOMA, à New York. Picasso voulait que ce tableau soit exposé au Prado, avec les Velazquez et Goya, mais pas dans une Espagne encore <a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/370475">franquiste</a>. Cela ne se fit pas sans <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i13175597/guernica-au-prado">difficulté</a>, mais dès octobre 1981, soit six ans après la mort du dictateur, Madrilènes et touristes de passage pouvaient admirer le chef-d’œuvre pacifiste – d’abord au Casón del Buen Retiro puis depuis 1992 au musée de la Reina Sofía.</p>
<p>Son œuvre monumentale en fait un des peintres contemporains espagnols les plus emblématiques du XX<sup>e</sup> siècle, aux côtés de Salvador Dalí et de Joan Miró. D’ailleurs, tous trois furent associés à la promotion touristique espagnole à l’aube de l’<a href="https://www.lesechos.fr/1992/04/lexpo-92-accelere-la-modernisation-de-lespagne-924654">année 1992</a>, moment clé pour l’Espagne qui, selon la condescendante presse française entrait dans « la modernité » avec les Jeux olympiques de Barcelone, l’Exposition universelle de Séville et Madrid capitale culturelle.</p>
<p>L’<a href="http://langues.ac-dijon.fr/IMG/jpg/13-dali.jpg">œuvre de Dalí</a> apparaît alors dans des campagnes touristiques, tandis que dès 1991, le soleil de Miró devient l’<a href="https://www.hosteltur.com/183320_logo-turespana-seleccionado-perdurables-mundo.html">identité visuelle du tourisme espagnol</a>.</p>
<h2>Un pavé dans la mare</h2>
<p>Seulement voilà, après plusieurs décennies à associer Picasso à <a href="https://www.cinearchives.org/Films-CONGRES-MONDIAL-DES-PARTISANS-DE-LA-PAIX-447-533-0-1.html">sa célèbre colombe de la paix</a> déclinée sous forme de pin’s et d’affiches, l’artiste est sévèrement remis en question. Dès les années 80, le féminisme questionne et bouscule une histoire de l’art profondément masculine qui tend à reproduire les structures patriarcales.</p>
<p>Parallèlement aux actions des <a href="https://awarewomenartists.com/artiste/guerrilla-girls/"><em>Guerilla Girls</em></a> (groupe d’artistes féminines anonymes) qui dénoncent l’invisibilisation des femmes artistes dans les musées, plusieurs expositions récentes s’attellent à ce sujet : le Prado s’intéresse « <a href="https://lepetitjournal.com/madrid/a-voir-a-faire/invitadas-sois-belle-et-tais-toi-au-musee-du-prado-jusquau-1403-300010">au machisme dans l’art espagnol du XIXᵉ siècle</a> » tandis que le musée du Luxembourg présente les artistes « <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/exposition-pionnieres-au-musee-du-luxembourg-decouvrez-ces-artistes-femmes-des-annees-folles-qui-ont-fait-bouger-les-lignes_5104141.html">Pionnières</a> » du XX<sup>e</sup> siècle, au risque de <a href="https://hyperallergic.com/652334/we-dont-need-more-temporary-exhibitions-of-all-women-artists/">l’essentialisation</a>. Des publications de vulgarisation et des révélations émergent sur les pans les moins connus de la vie personnelle de Picasso – et ce n’est pas rose.</p>
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<p>En mai 2021, le podcast <a href="https://podcloud.fr/podcast/venus-sepilait-elle-la-chatte/episode/picasso-separer-lhomme-de-lartiste">« Vénus s’épilait-elle la chatte ? »</a> se penche sur le cas Picasso. Il y est question de misogynie, de tyrannie, de violences physiques et psychologiques, de viols. Julie Beauzac, sa créatrice, fonde ses propos sur les ouvrages d’Arianna Huffington, <em>Picasso : Creator and Destroyer</em> (1989) et Sophie Chauveau, <em>Picasso, le Minotaure</em> (2017) ainsi que sur les déclarations des proches de l’artiste.</p>
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<p>Mis en ligne à l’apogée <a href="https://theconversation.com/les-armes-numeriques-de-la-nouvelle-vague-feministe-91512">du mouvement #MeToo</a>, ce podcast rencontre un succès phénoménal. C’est le fameux <a href="https://theconversation.com/debat-peut-on-separer-la-femme-de-lartiste-132926">débat de la séparation entre l’homme et l’artiste</a>, entre le minotaure et le génie, opposant ceux qui veulent effacer Picasso – des enseignants évoquent d’ailleurs le <a href="https://www.eldiario.es/cultura/arte/ano-picasso-arranca-tiron-orejas-organizadores-hay-borrarlo-empezar-leerlo-nuevo_1_9309312.html">refus de certains élèves de l’étudier</a> – et d’autre part ses défenseurs qui <a href="https://theconversation.com/debat-confondre-lhomme-et-loeuvre-ou-le-retour-de-sainte-beuve-127950">n’ont pas de mots assez durs pour les premiers</a>.</p>
<p>Dans ces conditions, que faire de Picasso ?</p>
<h2>Vers une troisième voie ?</h2>
<p>Pour tenter d’ouvrir une troisième voie, les musées réagissent. À Paris, avec l’ouverture d’un Centre d’Études Picasso à l’horizon 2024, des conférences, un <a href="https://www.museepicassoparis.fr/fr/orlan-les-femmes-qui-pleurent-sont-en-colere">affichage de l’artiste féministe Orlan</a> ou encore au Brooklyn Museum avec une <a href="https://celebracionpicasso.es/en/evento/picasso-y-feminismo">exposition sur Picasso et le féminisme</a>.</p>
<p>Entre le danger de l’annulation – <em>cancellation</em> en anglais – pure et dure et l’impossibilité d’ignorer la production d’un artiste qui révolutionna l’histoire de l’art, il s’agit à la fois de privilégier la pédagogie, de ne pas oublier la nécessaire contextualisation, d’insister sur les aspects constructifs de la vie et de l’œuvre du peintre – son côté prolifique, son engagement politique humaniste – mais aussi de reconsidérer les femmes qui ont traversé sa vie, qu’elles aient été artistes, muses, victimes ou les trois à la fois.</p>
<p>Dans cette perspective, les <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/095167-000-A/pablo-picasso-et-francoise-gilot/">documentaires</a>, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins-d-ete/picasso-l-ombre-au-tableau-1004420">reportages</a> et propositions artistiques abondent. <a href="https://www.rtbf.be/article/50-ans-de-la-mort-de-picasso-il-a-detruit-la-carriere-de-plusieurs-femmes-artistes-11181241">Amande Art</a> propose ainsi un hommage à la chorégraphe <a href="https://www.museepicassoparis.fr/en/node/562">Eva Gouel</a>, la photographe et peintre <a href="https://www.beauxarts.com/grand-format/pablo-picasso-dora-maar-entre-influence-et-alienation/">Dora Maar</a>, la danseuse <a href="https://www.museepicassoparis.fr/fr/olga-picasso">Olga Khokhlova</a>, les peintres <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/pablo-picasso/culture-marie-therese-walter-la-muse-meconnue-de-picasso_5203534.html">Marie-Thérèse Walter</a>, <a href="https://museedemontmartre.fr/exposition/expo-fernande-olivier-picasso/">Fernande Olivier</a> et <a href="https://le1hebdo.fr/journal/video/145/picasso-et-franoise-gilot-la-femme-qui-dit-non.html">Françoise Gilot</a> grâce à des collages. À Barcelone, l’historienne de l’art María Llopis et ses étudiants organisent même une manifestation-performance au musée en arborant des tee-shirts « Museo Dora Maar ».</p>
<p>Un travail de visibilisation des femmes artistes qui ont gravité autour du peintre, que l’on devrait connaître autrement qu’en tant que « femmes de », est en cours – sans pour autant effacer Picasso et son œuvre.</p>
<h2>Et le tourisme dans tout ça ?</h2>
<p>Malgré les polémiques, les œuvres de Picasso se vendent en tout cas toujours à prix d’or, et sa popularité est telle que l’on oublie même parfois sa nationalité.</p>
<p>C’est cette facette de l’artiste que la commission franco-espagnole veut mettre en avant cette année. Picasso ne sera en effet jamais français : il découvre le pays à l’âge de 20 ans, s’y installe vraiment en 1904, demande la nationalité en 1940, on la lui refuse pour accointances avec l’anarchisme et le communisme. Lorsque la France revient vers lui pour le naturaliser, c’est lui qui décline la proposition. Mais peut-on le dire espagnol ? Il a passé presque toute sa vie en France, ne retournant que de façon ponctuelle en Espagne ; il ne s’y rendra pas du tout sous le <a href="http://www.revistasmarcialpons.es/revistaayer/article/view/744/805">franquisme</a>.</p>
<p>Avec cet entre-deux, la commission franco-espagnole en charge de l’année Picasso l’associe tantôt à France tantôt à l’Espagne. Il n’est pas question ici d’opter pour l’effacement, mais il ne s’agit pas non plus d’en faire l’éloge absolu.</p>
<p>Lors d’une présentation des célébrations organisées à Vallauris, dans les Alpes-Maritimes, où l’artiste séjourna de 1948 à 1955, <a href="https://www.picasso.fr/details/ojo-les-archives-novembre-2015-ojo-31-a-lire-autour-de-picasso-dominique-sassi-dans-lombre-de-picasso-20-ans-aux-cotes-du-maitre">l’ami céramiste de Picasso Dominique Sassi</a> avait évoqué les débats actuels puis, avec un talent de conteur incontestable, partagé son tendre souvenir de l’artiste.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sur les traces de Picasso entre Barcelone et Paris, 50 ans après sa mort.</span></figcaption>
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<p>Des deux côtés des Pyrénées, il est donc toujours question d’encourager le tourisme au travers de la figure de l’artiste. La campagne de promotion de Turespaña, l’organisme en charge de la promotion touristique, met en avant l’étincelle créative, l’inspiration. La véritable muse de Picasso, c’est l’Espagne – exit les femmes violentées. Le slogan « L’Espagne a inspiré Picasso. Venez y trouver votre inspiration » vise à créer du lien entre le territoire, l’artiste et le touriste. Mais il s’agit avant tout de mettre en avant le rapport affectif du touriste avec le pays. Un procédé communicationnel récurrent (déjà exploité dans les <a href="https://journals.openedition.org/ccec/11605">slogans des campagnes précédentes</a> : « I need Spain », « Spain is a part of you », « Spain is alive in you ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Un spot qui mise sur Picasso comme source d’« inspiration », pour les touristes.</span></figcaption>
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<p>On insiste sur l’inspiration, la possibilité de se réaliser grâce au voyage ; Picasso apparaît comme celui qui ouvre la voie. Selon les mots de Miguel Sanz, directeur de Turespaña, il est question de <a href="https://journals.openedition.org/ccec/14323">dépasser le regard touristique</a> habituellement posé sur son pays en regardant les choses « d’une autre façon, comme Picasso ».</p>
<p>Le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OeVsSxvyME8">spot met en scène un jeune couple en train d’admirer <em>Les demoiselles d’Avignon</em> au musée de Malaga</a> – une tapisserie créée à partir de l’original exposé à New York. S’opère alors un déclic qui lance une course dans la ville sur fond de pop sixties vitaminée <em>Bring a little Lovin’</em> du groupe espagnol Los Bravos (1968), remise à la mode par Tarantino dans <em>Once Upon a Time in Hollywood</em> en 2019. Les lieux traversés s’animent, se parent de mille couleurs et de formes cubistes.</p>
<p>À part le clin d’œil à sa célèbre marinière, on oublie un peu l’artiste, jusqu’au slogan et la bannière finale « Picasso celebración 1973-2023 » sur fond bleu et rose. Picasso n’est plus un but en soi mais une porte d’accès à une expérience personnelle.</p>
<p>C’est finalement ce que propose une bonne partie de la programmation : éveiller la curiosité des touristes à partir des lieux ou des choses qui éveillèrent celle de Picasso comme l’art rupestre, les grands maîtres du Prado et les paysages.</p>
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<img alt="Peinture « Deux femmes courant sur la plage » de Picasso" src="https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526494/original/file-20230516-17-1tgjy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux femmes courant sur la plage, réalisé à l’été 1922 à Dinard et exposé au musée national Picasso-Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cette campagne vise à encourager <a href="https://iberical.sorbonne-universite.fr/numeros/numero-21-printemps-2022/">le tourisme culturel</a> souhaité par les autorités espagnoles pour désengorger les plages pendant la saison estivale. Un défi auquel les institutions touristiques travaillent depuis plusieurs décennies dans le but de chambouler l’image persistante d’un pays de <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i14211517/vacances-en-espagne">« sol y playa »</a> ; l’ambiguïté du personnage, elle, reste entière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment « vendre » l’image de Picasso, peintre espagnol emblématique du XXᵉ siècle, alors que sa personnalité tyrannique et misogyne est de mieux en mieux connue du grand public ?Ivanne Galant, Maîtresse de Conférences, Docteure en études hispaniques, Université Sorbonne Paris NordJorge Villaverde, Historien, enseignant chercheur, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030772023-04-06T16:20:50Z2023-04-06T16:20:50ZComment la durée de séjour impacte nos critères de choix sur Airbnb<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518764/original/file-20230331-28-wjlzpz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C12%2C935%2C530&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les séjours plus longs, la recherche du calme finit par l’emporter dans la décision du locataire.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/airbnb-air-bnb-appartement-3399753/">Peggy/Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La France occupe le premier rang mondial en matière d’offre de location pair à pair par habitant. Les deux grandes plates-formes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/airbnb-42384">Airbnb</a> et Booking connectent hôtes et invités pour l’usage à court terme d’un espace non commercial. Le prix que l’invité consent à payer dépend des caractéristiques du logement : localisation, surface, quartier, équipement et services, conditions ou règles de location, et réputation. De nombreuses études académiques ont estimé <a href="https://doi.org/10.1080/13683500.2020.1806794">l’influence de chacune sur le prix</a>.</p>
<p>Cependant, notre récente <a href="https://www.revues.armand-colin.com/eco-sc-politique/revue-deconomie-regionale-urbaine/revue-deconomie-regionale-urbaine-22023/temps-valeur-hedonique-hebergements-locatifs-entre-pairs">étude</a> parue dans la <em>Revue d’économie régionale et urbaine</em>, montre que nos consentements à payer pour chaque caractéristique dépendent de notre durée de séjour. Le temps s’invite dans l’équation. Sans doute, lors de la préparation de votre séjour, avez-vous dit ou entendu : « écoute, pour deux jours, on ne va pas faire les difficiles ! » ou bien « ah non, je passe pas une semaine là-dedans ! »</p>
<p>L’introduction du temps pose de nombreuses questions. Pour de courts séjours, la centralité et la proximité des lieux touristiques ne deviennent-elles pas essentielles lorsque, faute de temps, nous ne voulons pas le perdre dans les transports ? La surface, l’équipement d’un logement ou le voisinage sont-ils si importants pour seulement 2 ou 3 nuitées ? Et si la durée de séjour s’allonge, nos préférences restent-elles les mêmes ?</p>
<h2>Des durées plus courtes à Reims et Amiens</h2>
<p>Nous fournissons des réponses en étudiant l’influence de la durée de séjour sur les consentements à payer des locataires Airbnb de logements entiers pour chaque caractéristique des hébergements. L’analyse porte sur 47 756 locations (prélevées en automne) dans les 31 premières communes françaises pour lesquelles les durées moyennes de séjour diffèrent. La durée moyenne de séjour est en France de 3,8 jours avec des variations selon les villes d’environ +/- 30 %.</p>
<p>Reims et Amiens présentent les durées les plus courtes, Brest et Toulon les durées les plus longues, sans doute en raison des temps de trajet nécessaires pour rejoindre les unes ou les autres depuis Paris.</p>
<p><iframe id="lipEO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lipEO/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Tout d’abord, si notre consentement à payer s’accroît avec la proximité du centre-ville ou du principal lieu touristique, l’allongement de la durée de séjour en réduit l’influence. Il semble donc que plus le séjour est court moins nous voulons perdre de temps dans les transports. Mais l’allongement du séjour rend la centralité et les nuisances de sa densité, moins attractives.</p>
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<p>Conformément à ce premier résultat, les quartiers centraux et touristiques ont des effets positifs sur les consentements à payer qui se réduisent avec la durée de séjour. Inversement, les quartiers résidentiels aisés (péri-centraux) ont certes un effet négatif sur les prix mais qui se réduit avec le temps. La recherche du calme finit par l’emporter.</p>
<h2>Le plus d’une piscine</h2>
<p>De façon surprenante, le consentement à payer pour des quartiers populaires, souvent à proximité du centre et partiellement gentrifiés, est élevé. Cependant, il s’atténue avec une durée qui finit par en révéler les inconvénients. La figure suivante affiche l’effet maximum (euros) sur le prix de location d’un type (pur) de quartier ainsi que l’effet de chaque journée supplémentaire sur la valeur du quartier.</p>
<p><iframe id="z2Rya" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/z2Rya/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le consentement à payer pour la surface du logement est également dépendant du temps. Si le prix s’accroît naturellement avec la capacité d’accueil, notre consentement à payer pour une plus grande surface par occupant croît avec le temps. Plus la durée de séjour augmente moins la promiscuité paraît acceptable.</p>
<p>Enfin, même le consentement à payer pour les équipements et services varie avec la durée de séjour. La figure ci-dessous montre les caractéristiques pour lesquelles la durée de séjour accroît significativement le consentement à payer des locataires.</p>
<p><iframe id="r88LH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/r88LH/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Qu’il s’agisse d’agrément (jardins, piscines, cheminées) ou de fonctionnalité (air conditionné, machines à laver, parkings, cuisine, ou espace de travail), ces équipements prennent d’autant plus de valeur que le temps de résidence s’allonge. C’est aussi le cas de l’autorisation d’héberger des animaux, parce qu’ils finissent par nous manquer ou ne peuvent se passer de nous.</p>
<p>Ces résultats donnent un regard différent sur nos préférences à l’égard des offres Airbnb. Ils permettent aussi aux hôtes d’optimiser leur(s) offre(s) de caractéristiques en fonction de la durée moyenne de séjour de leur ville d’appartenance. À l’inverse, ils peuvent aussi limiter leurs durées de séjour autorisées pour qu’elles correspondent à leur offre actuelle de caractéristiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Faye ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les locations en centre-ville vont notamment être privilégiées pour les séjours les plus courts.Benoît Faye, Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l'art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027642023-04-06T16:20:48Z2023-04-06T16:20:48ZLa Croatie dans la zone euro, l’aboutissement de 30 ans de redressement économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517866/original/file-20230328-962-6huuv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=173%2C114%2C849%2C531&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tourisme, premier facteur de la vitalité économique croate.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Croatian_flag_at_the_Ferry_Port_of_Split,_Croatia_%2848693929002%29.jpg">Dronepicr/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 1<sup>er</sup> janvier dernier, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croatie-57087">Croatie</a> est devenue le 20<sup>e</sup> pays à rejoindre officiellement la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>. Au regard du contexte marqué par la guerre en Ukraine et l’inflation, il peut sembler anachronique pour ce petit pays de la côte Adriatique de 4 millions d’habitants d’adhérer à la monnaie unique. Surtout dans une <a href="https://www.boursorama.com/bourse/devises/taux-de-change-euro-dollar-EUR-USD/">période de baisse de la devise européenne</a> et alors que les effets de la crise des dettes souveraines en Europe (2011-2015) restent patents en <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/?country=Gr%C3%A8ce">Grèce</a> et en <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/?country=Italie">Italie</a>, baisse du niveau de vie dans les deux pays depuis 2011.</p>
<p>La question de l’élargissement de la zone euro prend en outre un sens particulier depuis la crise du Covid-19, au cours de laquelle des financements gagés sur l’ensemble des pays membres de la zone euro ont été débloqués. Les émissions d’obligations portées par la zone euro pourraient également à l’avenir financer des politiques communes européennes pour la défense, l’approvisionnement, l’innovation et le développement durable.</p>
<p>Différentes crises de l’euro ont jalonné l’histoire de la monnaie unique et elles ont pour origine la notion <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2015-2-page-28.htm?ref=doi">« d’incomplétude » de la monnaie unique</a>. La création de l’euro n’a pas débouché sur une union politique <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1964_num_15_1_407595_t1_0145_0000_001">permettant une politique budgétaire</a> à l’échelle européenne ni sur une <a href="https://www.experimentalforschung.econ.uni-muenchen.de/studium/veranstaltungsarchiv/sq2/mundell_aer1961.pdf">zone monétaire optimale</a>. L’Union économique et monétaire (UEM) s’est réalisée <a href="http://gesd.free.fr/krugman93.pdf">sans réaliser de convergence économique réelle</a> des pays. L’absence d’union politique sur les grandes questions majeures, notamment fiscales, demeure un frein aujourd’hui qui empêche de créer une solidarité entre les différents États européens.</p>
<p>Néanmoins, la Croatie a des avantages à tirer de son entrée dans la zone euro : sa spécialisation (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/tourisme-21268">tourisme</a> et banque) rend son économie moins sensible à la compétitivité-prix que les pays plus tournés vers l’industrie manufacturière délocalisable. Par ailleurs, le pays a un faible poids économique dans le monde et une faible population. Il a donc intérêt (comme la Slovénie, les pays baltes) à appartenir à la zone euro pour participer à la politique monétaire européenne, ce qu’il fait en soutenant la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) depuis janvier. De plus, bon nombre d’activités du tourisme, notamment pour les touristes venus d’Allemagne, elles se <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/croatie-leuro-schengen-recompenses-dune-integration-reussie/00105692">font déjà pour une grande partie en euro</a>. Les emprunts immobiliers des citoyens et les emprunts des entreprises sont aussi déjà réalisés partiellement en euros pour obtenir des taux d’intérêt plus faibles.</p>
<p>Au-delà de ces avantages, l’intégration dans le club de la monnaie unique couronne le succès économique de la Croatie depuis la guerre et l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990.</p>
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<p>Dans une étude récente (disponible en PDF sur demande), nous avons dégagé les caractéristiques économiques et monétaires qui l’expliquent à partir de l’examen du taux de change de la kuna (la devise croate avant l’euro) et de la <a href="https://www.elibrary.imf.org/display/book/9781589068155/9781589068155.xml">balance des paiements</a> (document qui retrace les flux économiques, financiers et monétaires entre un pays et l’extérieur sur une période donnée).</p>
<h2>Une spécialisation gagnante dans le tourisme</h2>
<p>L’analyse du taux de change, de la spécialisation et du financement de l’économie croate a dégagé différentes facettes de l’insertion de la Croatie dans l’économie mondiale. Depuis 2000, la kuna s’est nettement appréciée par rapport au dollar (à l’exception de la crise des subprimes). Et, à partir de 2009, la hausse du taux de change nominal s’est réalisée sans perte de compétitivité-prix, mesurée par l’indicateur du taux de change réel externe.</p>
<p>En effet, les prix relatifs de la Croatie par rapport à ses pays partenaires ont diminué. La Croatie a été <a href="https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/explorer/croatie/les-chiffres-du-commerce-exterieur">moins inflationniste que ses principaux pays partenaires</a> : à l’exportation la Slovénie, l’Italie, l’Allemagne, la Hongrie, et la Bosnie-Herzégovine et à l’importation l’Allemagne, l’Italie, la Slovénie, la Hongrie, et l’Autriche.</p>
<p>Plus précisément, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, entre février 2009 et octobre 2022, la compétitivité-prix de la Croatie s’est redressée de 6,3 % malgré une appréciation du change grâce à une politique de désinflation compétitive : les prix relatifs croates ont diminué de 8,3 %. Cela n’a pas été le cas pour la Bulgarie et la Roumanie qui souhaitaient aussi rejoindre l’euro.</p>
<p><iframe id="ntqfo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ntqfo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’amélioration de la compétitivité-prix et la hausse du taux de change ont aidé à approfondir la spécialisation de la Croatie dans le tourisme. Le gain a en effet été utilisé pour développer son tourisme car cette activité n’est pas « délocalisable », à l’inverse de l’industrie manufacturière. (Le taux de change de la kuna a aussi bénéficié d’une montée en gamme). La hausse du taux de change de la kuna a, de son côté, favorisé une montée en gamme des activités de tourisme par rapport à ses partenaires : en conséquence les flux de recettes en kuna ont augmenté.</p>
<p>L’excédent de la balance du tourisme et celui de la balance des revenus secondaires (contributions aux organismes internationaux comme le Fonds monétaire international et l’Union européenne, aide internationale et envois d’argent à l’étranger) ont réduit l’ampleur de son déficit courant. Depuis son adhésion à l’UE, la Croatie a enregistré un excédent courant (sauf pour l’année 2020) en dépit de son déficit commercial.</p>
<p><iframe id="R7H8S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/R7H8S/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À titre de comparaison, la balance courante roumaine se détériore et celle de la Bulgarie a moins bien encaissé le choc de la crise de 2008.</p>
<p><iframe id="dkLvf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dkLvf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à la maitrise des entrées de capitaux sur son territoire, la Croatie échappe ainsi au <a href="https://eml.berkeley.edu/%7Eeichengr/research/ospainaug21-03.pdf">« cercle vicieux » de l’endettement</a> qui touche les économies émergentes. Jusqu’en 2014, les entrées de capitaux privés ont toujours été supérieures au besoin de financement courant de la Croatie, ce qui lui a permis de reconstituer ses réserves de change en devises fortes. La nature des entrées de capitaux a également joué un rôle. Les entrées nettes d’investissements directs étrangers (IDE) en Croatie ont compensé les sorties nettes d’investissements de portefeuille lors des différentes crises en Europe.</p>
<h2>Notée « A4 »</h2>
<p>La spécialisation dans le tourisme et la maitrise des entrées de capitaux privés ont permis à la Croatie d’accroître son niveau de vie depuis 1993 (voir indicateurs ci-dessous). En 2022, le PIB/tête en parité de pouvoir d’achat (PPA) mesuré en dollars de la Croatie a atteint 30 871 dollars PPA, juste derrière la Roumanie (31 420 dollars). Mais l’indice de développement humain (IDH), qui inclut le revenu, l’espérance de vie et le niveau d’éducation, dépasse celui de certains pays d’Europe centrale et orientale (PECO) : Hongrie, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie.</p>
<p><iframe id="GN1hJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GN1hJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’insertion internationale réussie de la Croatie l’a aidée à entrer dans le compartiment d’investissement « A4 » du risque pays, ce qui n’est pas le cas pour la Roumanie ou la Bulgarie (voir tableau ci-dessous). L’amélioration de la note croate correspond à tous les indicateurs à l’exception de celui de la dette publique qui est en baisse depuis 2020. Le solde budgétaire a été positif jusqu’au début de la crise sanitaire. Si l’inflation a augmenté en Europe depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle demeure plus limitée en Croatie que pour les autres PECO.</p>
<p><iframe id="YSNk2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YSNk2/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En faisant partie de la zone euro, la prime de risque de la Croatie diminue. Le 29 mars 2023, la prime de risque du bon du Trésor croate à 10 ans était par exemple de <a href="http://www.worldgovernmentbonds.com/spread/croatia-10-years-vs-germany-10-years/">149.3 points de base</a> par rapport au bond du Trésor à 10 ans allemand, à comparer avec le 604.3 affiché par la Hongrie.</p>
<p>Trois mois après avoir adopté la monnaie unique, les perspectives restent favorables pour l’économie croate. Son entrée dans la zone euro, qui se cumulait avec son intégration dans l’espace Schengen, vont favoriser le tourisme dès cet été. Les entrées de capitaux en euros vont également être stimulées par la fin du risque de change. Autrement dit, les pays étrangers qui investissent en Croatie vont désormais pouvoir rapatrier leurs profits en euros alors qu’auparavant les profits étaient libellées en kunas. Si le taux de change de la kuna baissait, les investisseurs étrangers encouraient ce risque de change qui disparaît.</p>
<p>Néanmoins, comme l’inflation est plus forte en Croatie (11 % en 2022) que dans la zone euro (8,4 %). Le gouvernement croate <a href="https://www.moneycontroller.fr/forum-financier/obligations-etat-ecarts-et-taux-interet/croatie-euro-taux-9021">va donc soutenir la BCE)</a> dans sa politique de hausse du taux d’intérêt directeur pour faire baisser l’inflation dans le pays. Les pays où l’inflation est moindre ne manqueront pas de plaider le contraire, en alarmant sur les risques qui pourraient peser sur le système financier et l’économie en cas de relèvement trop brutal des taux. En intégrant la zone euro, la Croatie va donc devoir apprendre à négocier sa politique monétaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Baulant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie de spécialisation dans le tourisme a permis à ce petit pays de la côte Adriatique d’adopter début 2023 la monnaie unique, qui lui procure désormais de nouveaux avantages.Camille Baulant, Professeure des université en sciences économiques, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984562023-02-06T18:09:18Z2023-02-06T18:09:18ZRecul du tourisme de masse : la transformation d’une station balnéaire emblématique du Sénégal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507376/original/file-20230131-7778-wacbvj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5551%2C3700&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Transats vides sur la plage de Saly, au Sénégal.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/saly-senegal-africa-april-2-2022-2149144773">Pierre Laborde/shutterstock.com</a></span></figcaption></figure><p>Saly : dans l’imaginaire de nombreux touristes et retraités européens, et notamment français, le nom même de cet <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/20/a-saly-au-senegal-on-ne-comprend-pas-comment-des-gens-peuvent-voter-extreme-droite-ici_6127017_3212.html">ancien petit village côtier sénégalais, situé sur la Petite-Côte</a>, à quelque 90 km au sud de Dakar, évoque le modèle typique de la station balnéaire.</p>
<p>Cette vision est désormais quelque peu dépassée. À Saly, la vie économique et sociale a longtemps reposé sur le dynamisme des complexes hôteliers et autres clubs de vacances célèbres gérés par les grands tour-opérateurs. Ce modèle qui s’essoufflait déjà a été profondément affecté par la pandémie de Covid-19. Certains hôtels historiques sont laissés à l’abandon, le principal restaurant est fermé et le centre commercial originel vivote.</p>
<p>Pour autant, loin de dépérir, la ville se transforme, attirant davantage la clientèle sénégalaise, tandis que les formes de la présence des Européens se transforment progressivement.</p>
<h2>Le recul du tourisme de masse</h2>
<p>La crise sanitaire mondiale de 2019 a incité les touristes de l’UE à opter pour des <a href="https://www.geo.fr/voyage/slow-tourisme-une-tendance-accentuee-par-le-Covid-19-205737">destinations moins éloignées</a> que par le passé. Et cette tendance à un tourisme « de proximité » semble perdurer.</p>
<p>Les pratiques touristiques ont évolué vers de nouvelles formes, comme les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/9437685"><em>Digital nomads</em></a> (ces personnes qui choisissent de travailler à distance, souvent depuis un lieu de villégiature), qui correspondent moins aux standards du tourisme de masse. Les nouveaux voyageurs fréquentent moins les clubs et leurs besoins s’éloignent dorénavant de plus en plus du modèle <a href="https://www.researchgate.net/publication/324099628_Towards_a_Sustainable_Sun_Sea_and_Sand_Tourism_The_Value_of_Ocean_View_and_Proximity_to_the_Coast">« Sea, sun and sand »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un quartier de Saly au Sénégal privé de ses touristes" src="https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506796/original/file-20230127-14-slqcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Place déserte à Saly au Sénégal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Fleuret/UMR ESO-Angers</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pandémie a également généré une <a href="https://africanmanager.com/senegal-loffre-locale-pour-relancer-le-tourisme/">croissance du tourisme intérieur</a>. Le Sénégal ayant été l’un des premiers pays à <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-51959820">fermer ses frontières</a> au moment de l’épidémie, les touristes sénégalais se sont réapproprié les espaces balnéaires côtiers désertés par les Européens. Certains hôteliers de prestations haut de gamme relatent qu’au moment des confinements, ils ont développé une offre promotionnelle essentiellement adressée à une clientèle dakaroise afin d’assurer un minimum d’activité dans leurs établissements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une plage au Sénégal avec des infrastructures délabrées" src="https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506797/original/file-20230127-25-oogoks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’aménagement des plages souffre du manque d’entretien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lessault/UMR ESO Angers</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La tendance a confirmé l’attrait, en nette augmentation depuis deux décennies, que suscitent les espaces côtiers chez les Dakarois. Chaque fin de semaine, l’accès à la seule plage de Saly qui soit dotée d’un parking, est pris d’assaut par des centaines de familles venant de Dakar et possédant une résidence secondaire ou séjournant en location dans des auberges alentour. Les habitants en profitent pour installer des gargotes éphémères où sont vendus poissons grillés, fruits et autres jus. Le temps d’un week-end, les Sénégalais semblent reprendre leurs droits, alors que durant la semaine cette plage est plutôt fréquentée par les touristes et résidents européens, voire leur est exclusivement réservée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des voitures sont garées aux abords d’une plage au Sénégal" src="https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506800/original/file-20230127-18-z4aiqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La plage de Saly attire un tourisme interne sénégalais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lessault/UMR ESO-Angers</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nouvelles formes de présence européenne</h2>
<p>Si le modèle de la station balnéaire dédiée au tourisme international semble avoir fait son temps, d’autres présences européennes se sont imposées localement. Dans un premier temps, Saly n’a pas échappé, à l’instar de nombreuses destinations des pays du Sud, à l’arrivée de Français retraités venus passer « l’hiver au chaud ». Pour les retraités célibataires, ces séjours longs sont parfois associés à la recherche d’un projet de vie en couple au Sénégal, de préférence avec un ou une partenaire plus jeune. Ces démarches sont assez fréquentes et pleinement assumées malgré le regard peu approbatif des populations locales, qui <a href="https://www.xibar.net/Enquete-Mariages-mixtes-au-senegal-Amours-Drames-Melodrames_a1882.html">y voient parfois une pratique immorale compte tenu des grandes différences d’âge et de ressources</a>.</p>
<p>Toujours est-il que le phénomène s’est développé depuis le début des années 2000 et se localise principalement dans une dizaine de résidences collectives fermées qui essaiment au sud de l’ancienne station balnéaire. L’autonomie de ces nouveaux résidents, par rapport à ceux des hôtels et clubs, a donné naissance à une nouvelle économie locale orientée vers l’accès à l’alimentation (multiplication des supermarchés, de grandes enseignes), vers des services résidentiels (femmes de ménage, gardiennage, piscinistes, etc.) et vers la restauration (bars, restaurants). Cette seconde forme de l’expansion de Saly semble aujourd’hui diluée à son tour par le développement de nouvelles extensions résidentielles vers le nord et vers le sud de la commune.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Plan d'urbanisation de la ville de Saly" src="https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=748&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=748&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508609/original/file-20230207-29-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=748&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La station balnéaire s'inscrit dans un plan d'urbanisation ambitieux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Fleuret/UMR ESO-Angers</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Au début des années 2020, de nouvelles implantations transforment le paysage local. Aux côtés des complexes hôteliers et des résidences collectives fermées pour retraités apparaissent de nouveaux espaces résidentiels construits de manière plus anarchique sur le modèle de la villa individuelle ou du groupement de villas. Ce mode d’expansion est dopé par l’arrivée plus récente d’entrepreneurs européens.</p>
<p>Armelle et Hervé (les prénoms ont été changés) se sont installés en location dans une villa meublée de bord de mer au moment du Covid pour fuir le confinement en France. Leur séjour les a décidés à venir s’installer définitivement à Saly. Ils ont laissé en gestion en France leur réseau de boutiques de prêt-à-porter pour venir développer de nouvelles entreprises au Sénégal. Après un premier achat immobilier sur la côte au nord de la station, ils envisagent aujourd’hui de déménager vers les extensions récentes d’un quartier au nom évocateur « La Piste des milliardaires », où les constructions se multiplient autour du golf, vers l’intérieur, en rognant sur les espaces de culture des villages environnants.</p>
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<p>De nombreux jeunes entrepreneurs ont rapidement cerné les besoins de consommation de cette nouvelle population huppée de Saly. Jean vient d’ouvrir un fast food sur l’artère principale de la ville. Ses hamburgers sont vendus aux prix que l’on retrouve en Europe avec des produits « bio » garantis « fraîcheur ». Il a bien ciblé sa clientèle. Le secteur dans lequel il exerce concentre essentiellement des résidents européens, principalement belges et français, et des résidents secondaires de l’élite dakaroise et <a href="https://www.lorientlejour.com/article/996932/libanais-du-senegal-une-etude-tente-de-dissiper-les-prejuges.html">libanaise</a>. On retrouve également dans sa clientèle des Sénégalais anciennement émigrés de retour d’Europe. Ces derniers se sont approprié les pratiques touristiques des pays d’immigration et sont de plus en plus nombreux à investir dans l’immobilier sur la Petite Côte.</p>
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<img alt="Chantier en cours pour la construction d’une villa au Sénégal" src="https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506810/original/file-20230127-23-qnhoxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chantiers de construction se multiplient à Saly.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lessault/UMR ESO Angers</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Avec le développement du modèle de la villa individuelle, qui rompt avec le modèle hôtelier classique, de nouvelles activités émergent dans différents domaines. On observe, par exemple, la multiplication des centres commerciaux. Sidy, qui a vécu 35 ans en France, a ainsi lancé son enseigne de grande distribution pour concurrencer les groupes internationaux qui ouvrent des magasins à travers tout le Sénégal et encore davantage à Saly. Jean a, lui, mis en place une offre de livraison de burgers à domicile pour diversifier la clientèle de son fast food. Ce modèle commercial occidental assez peu développé dans la région rencontre un franc succès. D’autres activités émergent sous l’effet des présences européennes. C’est le cas du <a href="https://www.au-senegal.com/le-padel-nouveau-sport-a-la-mode-au-senegal,16342.html"><em>padel</em></a>, ce jeu de raquette importé d’Espagne, qui réunit en vase clos des adeptes exclusivement d’origine européenne.</p>
<h2>L’évolution des paysages</h2>
<p>Ces tendances récentes ont un impact notable sur les paysages. Elles se traduisent par la multiplication des chantiers de construction, participent à l’expansion rapide de la zone des villas tout en opérant la jonction au nord avec le front d’urbanisation dakarois. Cet axe (zone verte sur la carte) est principalement animé par les investissements provenant d’Européens et de la diaspora sénégalaise.</p>
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<img alt="Chemin menant à une villa blanche au bord de la mer au Sénégal" src="https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506814/original/file-20230127-25-h5ylwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La piste des milliardaires, chemin bordé de villas luxueuses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Lessault/UMR ESO Angers</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De nouvelles constructions sont en plein développement sur le littoral en direction de Ngaparou. Sur cet axe, l’urbanisation est continue jusqu’à Somone. C’est aussi dans le domaine des terres agricoles périphériques, en direction de l’intérieur (vers l’autoroute), que de grandes villas et résidences privées fleurissent. C’est ici que se trouve la « piste des milliardaires » évoquée plus haut.</p>
<p>Plus au sud et vers l’intérieur, l’expansion, également très rapide, est plutôt alimentée par les migrants originaires du Sénégal ou de la sous-région (Gambie, Guinée, Niger, Mali, Mauritanie). Ces derniers sont attirés par les perspectives d’emplois générés par ce développement local soudain et cherchent à s’installer à proximité de leur lieu de travail. Ils participent ainsi à l’urbanisation du quartier « Saly Carrefour » qui rejoint désormais la ville voisine de M’Bour (zone violette sur la carte).</p>
<p>Chaque matin, la route qui relie M’Bour à Saly est prise d’assaut par des taxis informels (nommés les « clandos ») qui acheminent les travailleurs domestiques vers les zones résidentielles. Ibrahim, embauché par des propriétaires français pour surveiller un groupement de 23 villas, doit prendre trois moyens de transport différents pour venir travailler. Cela représente plus d’une heure de transport et un quart de son maigre salaire (70 000 francs CFA par mois soir un peu plus de 100 euros) prélevé chaque mois pour rejoindre son lieu de travail, six jours sur sept.</p>
<p>D’une certaine manière, l’expansion rapide observée dans le secteur résidentiel aisé vers le nord de la commune et dans celui des extensions populaires vers l’est et vers le sud éloigne encore davantage les populations locales et européennes les unes des autres. Elle renforce ainsi la ségrégation et complique l’accès à l’emploi des travailleurs locaux qui ne disposent pas des ressources pour se loger sur place.</p>
<p>La dynamique d’expansion de Saly initialement <a href="https://www.sapco.sn/">stimulée par l’État</a> dès les années 1970 à travers la promotion du tourisme balnéaire international, puis par la mise en place des grands projets d’infrastructures (nouvel aéroport, autoroute à péage) est aujourd’hui relayée par le foisonnement de nouveaux acteurs privés. Plusieurs modèles de présence européenne co-existent désormais : celui des complexes hôteliers en déclin, des résidences fermées pour seniors, des villas individuelles des entrepreneurs et de la diaspora sénégalaise. En marge, de nouveaux quartiers populaires se développent vers le sud et l’intérieur en lieu et place des anciens villages. De part et d’autre de l’ancien cœur de station, ces deux formes d’extension au contenu social très contrasté participent à la fabrique originale d’une ville satellite de Dakar devenue cosmopolite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Lessault a reçu des financements de l'Académie des Sciences. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pape Sakho est membre de l'UGI et de l'association internationale des géographes francophones. Il a reçu des financements du CNRS</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sébastien Fleuret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ancien village de pêcheurs devenu station balnéaire dans les années 1970, Saly, au Sénégal, cherche des solutions au recul du tourisme international.Sébastien Fleuret, Directeur de recherche au CNRS, géographe de la santé, Université d'AngersDavid Lessault, Chargé de recherche au CNRS, spécialiste des migrations et mobilités internationales, Université d'AngersPape Sakho, Maître de conférences CAMES, Université Cheikh Anta Diop de DakarLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1990312023-02-05T16:56:11Z2023-02-05T16:56:11ZComment les skieurs s’adaptent au manque de neige<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507832/original/file-20230202-5655-hi8om7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C928%2C605&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’impact du réchauffement climatique en montagne n’explique pas à lui seul la désaffection pour les sports d’hiver.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sierra_Nevada_Laguna_skilift_3.jpg">Kallerna/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Peu de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neige-36212">neige</a> cet hiver, la <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/la-moitie-des-pistes-de-ski-francaises-sont-fermees-a-cause-du-manque-de-neige-2682364.html">moitié des pistes fermées à Noël</a> et un enneigement parfois localement médiocre pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vacances-38872">vacances</a> de février. L’industrie du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ski-25072">ski</a> est une activité touristique affectée de plein fouet par le réchauffement climatique. Comment les skieurs répondent-ils à cette situation ? S’élèvent-ils vers les domaines alpins de haute altitude ou s’envolent-ils pour le soleil des Canaries ?</p>
<p>Comment s’adapter à un avenir encore et toujours moins blanc ?</p>
<p><a href="https://www.skivintage.com/PBSCProduct.asp?ItmID=13122916">« Skiez 365 jours par an »</a>. Ce slogan publicitaire des années 1980 de Tignes, une station alpine bâtie <em>ex nihilo</em>, témoigne d’une époque révolue : le développement des sports d’hiver et la croyance en une neige éternelle. Les glaciers fondent et le manteau neigeux rétrécit. Les remontées mécaniques pour le ski estival ne tournent plus en France que quelques semaines par an. Les domaines s’ouvrent aussi plus tardivement pour le ski d’hiver.</p>
<p>L’an dernier, la célèbre station savoyarde du massif de la Vanoise avait fermé ses remontées le 1<sup>er</sup> juillet <a href="https://www.francebleu.fr/infos/environnement/savoie-le-glacier-d-ete-a-tignes-ferme-avec-un-mois-d-avance-a-cause-du-rechauffement-1656697381">après 10 jours seulement d’exploitation</a> et décalé l’ouverture de son domaine, pourtant de haute altitude, après La Toussaint. Cette commune compte désormais <a href="https://cimalpes.com/fr/destinations/stations/tignes/">30 000 lits</a> – l’échelle qui a remplacé le décompte du nombre d’habitants des stations – et près de <a href="https://www.tignes.net/ski/securite/neige-de-culture-damage">500 enneigeurs</a> – la dénomination qui s’est substituée à celle, moins gracieuse, de canon à neige.</p>
<h2>Comparaisons difficiles</h2>
<p>Au cours des 50 dernières années, la durée d’enneigement dans les Alpes a reculé d’environ un mois et la moyenne des hauteurs de neige a diminué de plusieurs centimètres par décennie.</p>
<p>Cette phrase résume à grands coups de carres les résultats d’une recherche internationale d’envergure. <a href="https://tc.copernicus.org/articles/15/1343/2021/tc-15-1343-2021.pdf">Cette étude a porté sur des données recueillies entre 1971 et 2019</a> dans plus de 2 000 stations météorologiques des Alpes européennes. Elle utilise de nombreuses définitions et mobilise toute une série d’hypothèses et modèles qui, comme pour tout travail scientifique, présentent des limites et se prêtent à discussion.</p>
<p>Par exemple, la présence d’un seul centimètre d’épaisseur de neige suffit pour définir une journée d’enneigement, un seuil qui ne satisfera évidemment pas un skieur. Par ailleurs, les tendances estimées ne sont souvent pas statistiquement significatives, car la variabilité interannuelle des conditions d’enneigement en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/montagne-25073">montagne</a> est extrêmement forte alors que la période d’observation, quelques dizaines d’années, n’est pas si longue.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apocalypse-snow-quand-leconomie-francaise-du-ski-file-tout-schuss-vers-labime-132613">Apocalypse snow : quand l’économie française du ski file tout schuss vers l’abîme</a>
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<p>Le recul historique des flocons est également bien établi par des études de portée nationale, que ce soit pour les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-44068-8">Alpes françaises</a>, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-016-1806-y">helvétiques</a> ou <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Climate-change-impacts-and-adaptation-in-winter-Abegg-Agrawala/eae5df22cfc4406ec0d13e050856b3d17c82fd93">autrichiennes</a>. Notez que la réduction de l’enneigement en épaisseur et en durée est plus ou moins marquée selon les situations locales, en particulier l’altitude, la latitude, ainsi que l’exposition et l’inclinaison des versants.</p>
<p>Difficile du coup aux skieurs de comparer la fiabilité de l’enneigement entre les stations pour choisir son domaine. L’altitude moyenne du domaine n’est qu’une très grossière approximation et connaître avec précision l’intervalle entre le point bas et le point haut de la station n’apporte guère plus d’éléments pertinents de décision.</p>
<p>Rien de surprenant à cette évolution retracée par les travaux précédents : dès lors que la montagne se réchauffe, un peu plus d’ailleurs que la plaine, il s’ensuit qu’il pleut plus qu’il ne tombe de flocons, que la neige chute en moindre quantité, fond plus vite, arrive plus tard en début de saison et repart plus tôt en fin de saison. Adieu flocons d’antan.</p>
<h2>Parkings saturés</h2>
<p>Dans l’adaptation de l’industrie du ski au recul de l’enneigement, la partie est inégale entre l’offre et la demande, c’est-à-dire entre les stations et les skieurs. D’un côté, des équipements et des hommes spécialisés, ancrés dans un territoire, peu mobiles ; d’un autre, des touristes et vacanciers, soient des consommateurs labiles et qui se déplacent vite et facilement.</p>
<p>Sur le papier, les consommateurs de neige sont placés devant <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01490408609513081?journalCode=ulsc20">trois options</a> : skier ailleurs, skier à d’autres périodes, ou choisir d’autres loisirs.</p>
<p>La première, contrairement aux deux autres, n’entraîne pas forcément une baisse de fréquentation et du nombre de jours-skieur en montagne (c’est-à-dire d’utilisateurs payant des remontées mécaniques par journée). En revanche, elle redistribue les cartes en faveur des stations qui bénéficient d’une plus grande fiabilité d’enneigement. Soit, à très grands traits, les stations de haute altitude. Tignes et Val Thorens plutôt que qu’Abriès ou Chamrousse, sans parler des stations du Jura, des Pyrénées, des Vosges et du Massif central.</p>
<p>Quelle déception en effet de trouver des télésièges et télécabines sans vie après avoir programmé à l’avance son séjour de ski. Adapter son calendrier de skieur à celui d’un enneigement plus fiable, par exemple partir en vacances de neige en février et non plus à Noël ou à Pâques, réduit la durée de fréquentation des stations et, vous l’avez peut-être remarqué avec une pointe d’agacement voire plus, allonge les queues en bas des remontées mécaniques et à l’entrée des selfs et restaurants d’altitude. Sans parler de la saturation des parkings…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Remonte-pente à l’arrêt dans un paysage avec de la neige au loin" src="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelle déception de trouver des remonte-pentes sans vie après avoir programmé à l’avance son séjour de ski….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/3295116/free-photo-image-32100-adventure-building">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Cet encombrement peut finir par refroidir les ardeurs des skieurs et en décourager plus d’un. Faute d’assurance d’avoir de la neige et à cause de la congestion, les destinations touristiques hivernales garantissant soleil, chaleur et sable fin gagnent en attractivité. D’autant que les plages exotiques sont alors moins bondées qu’en été.</p>
<p>Peu d’études cherchent à cerner le comportement des skieurs. Un paradoxe car la demande pour les sports d’hiver décroît dans les pays occidentaux, ce qui devrait inciter à en mieux comprendre les ressorts.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre de jours-skieur (en millions) décomposé en fonction de la région de la région d’origine du visiteur. Depuis le début des années 2000, la fréquentation annuelle des stations de ski varie principalement en fonction des conditions météorologiques et oscille entre 350 et 380 millions de jours-skieur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">2022 International Report on Snow & Mountain Tourism</a></span>
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<p>Rappelons en effet que le ski est un marché mature. Mesurée en nombre de jours-skieur, la demande mondiale fluctue depuis le début du siècle autour de <a href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">350-380 millions par an</a>. Elle est en légère baisse depuis 2009-2010 dans les Alpes qui concentrent environ 40 % des jours-skieurs de toutes les pistes de la planète.</p>
<p>Une tendance à la baisse qui sortirait renforcée en incluant l’hiver de la pandémie. Rappelez-vous ces images de stations fantômes pour cause de fermeture des remontées et des limites drastiques imposées alors au déplacement. Avec cette précision administrative toute française qu’en montagne le rayon de promenade autour du domicile correspondait <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/confinement-l-interdiction-des-sorties-en-montagne-prolongee-en-savoie-et-haute-savoie-1585753351">à 100 mètres de dénivelé</a> et non, comme ailleurs dans l’Hexagone, à la distance parcourable.</p>
<p>Attention, n’imputez pas en totalité au manque de neige l’essoufflement de la demande pour les sports d’hiver, et donc la pure manifestation d’une adaptation parfaite des skieurs au réchauffement climatique. La démographie en est peut-être aujourd’hui encore la première cause et puis d’autres paramètres jouent également. Le <a href="https://www.economist.com/international/2018/01/27/winter-sports-face-a-double-threat-from-climate-and-demographic-change">vieillissement de la population réduit la clientèle de ski alpin</a> et n’est pas compensé par l’arrivée en nombre suffisant de nouveaux pratiquants.</p>
<h2>Chutes et collisions</h2>
<p>Il est vrai qu’il s’agit d’un loisir dont l’apprentissage n’est pas instantané – maîtriser son allure et dessiner de beaux virages réclament du temps. Ni un loisir forcément plaisant : onglées, mal aux pieds, lunettes pleines de buée, chutes, collisions, etc. Pour certains, une fois passée la corvée de retirer ses chaussures à crochets, le retour à l’appartement est vécu comme le meilleur moment de la journée. Surtout devant un chocolat chaud et une tarte aux myrtilles !</p>
<p>De plus, en France comme en Suisse et en Autriche, les classes de neige initiant les écoliers des métropoles se raréfient. Enfin, le ski reste un loisir très cher. Il est <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/23/sports-d-hiver-sports-de-riches-moins-d-un-francais-sur-dix-part-en-vacances-au-ski_5261604_4355770.html">réservé à une petite partie de la population</a>. Par rétrécissement successif : celle qui part en vacances, moins nombreuse encore celle qui part en vacances d’hiver, et encore un peu moins nombreuse toujours celle qui choisit alors de se rendre à la montagne.</p>
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<p>La <a href="https://www.alti-mag.com/alti-guide/qui-fait-du-ski-en-france">clientèle des stations de ski</a> présente un profil bien connu : revenu plutôt élevé, niveau d’études au-dessus de la moyenne, urbain le plus souvent du centre de grandes villes ; des caractéristiques qui se recoupent mais avec une nette différenciation géographique : les CSP+ de Brest s’adonnent moins aux sports d’hiver que ceux de Grenoble.</p>
<p>Selon les très rares et trop anciennes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13683500.2017.1410110">études disponibles</a>, les skieurs interrogés sur leur adaptation au recul de la neige privillégiraient la montée en station d’altitude et le glissement des dates de séjour aux semaines les plus propices plutôt que le changement de destination vers le soleil ou ailleurs.</p>
<p>Vous remarquerez que je n’ai pas parlé d’un report sur place de la clientèle vers d’autres activités que le ski. C’est parce que ce changement dépend plutôt de l’adaptation des stations au réchauffement climatique et de leurs propositions de loisirs de montagne sans neige, un sujet épineux mais bien balisé tant par les <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/9270">chercheurs</a>, les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/tourisme_montagne_enjeux_climatiques">élus</a> et même les <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/14-stations-ski-Alpes-nord-face-rechauffement-climatique-Tome-2.pdf">auditeurs de la Cour des comptes</a>.</p>
<h2>La pente de la technologie</h2>
<p>Jusqu’à présent, les stations se sont principalement adaptées en glissant sur la pente de la technologie, celle du damage et de <a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">la production de neige artificielle</a>, aussi nommée neige « de culture » en France, neige « programmée » en Italie, ou neige <a href="https://www.economist.com/international/2018/01/27/winter-sports-face-a-double-threat-from-climate-and-demographic-change">« technique » en Allemagne</a>.</p>
<p>De nombreuses stations prévoient de poursuivre cette ligne de défense contre le changement climatique en multipliant les canons à neige et les installations de l’arrière (salle de pompage, retenue collinaire, etc.). Une voie qui n’est pas sans <a href="https://www.annales.org/re/2022/resumes/avril/09-re-resum-FR-AN-avril-2022.html">conséquences néfastes pour l’environnement</a>, mais aussi pour les skieurs, même parmi ceux les moins concernés par l’avenir de la planète.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Canons à neiges dans la station de Cortina d’Ampezzo, en Italie" src="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Canons à neiges dans la station de Cortina d’Ampezzo, en Italie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Latemar_snow_guns.jpg">Tiia Monto/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour ces derniers, l’augmentation du prix des forfaits et donc le renchérissement du ski-loisir constitue le désagrément le plus évident. La neige artificielle réclame en effet de lourdes infrastructures et des dépenses élevées pour la faire fonctionner ; des investissements et des coûts techniques qui s’ajoutent à ceux du parc des remontées mécaniques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">Production de neige : le piège de la dépendance pour les stations de ski ?</a>
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<p>Or les <a href="https://skidata.io/tarif/">forfaits coûtent déjà cher</a>. Comptez 63 euros par personne et par jour pour accéder à l’espace Killy (Tignes-Val d’Isère), 57 euros pour les Portes du Soleil (Avoriaz-Champéry) ; et entre 20 et 40 euros pour des domaines de tailles plus modestes. Le haut revenu moyen des skieurs ne met pas les stations à l’abri d’une érosion de la clientèle face à l’augmentation du prix. Face à la baisse de la qualité également : glisser sur un ruban blanc encombré et bordé à ses côtés d’une pelouse jaunâtre et terreuse manque singulièrement de charme.</p>
<h2>L’échec des ski-dômes japonais</h2>
<p>C’est tout de même mieux que de skier sous cloche, me direz-vous. Les ski-dômes ont bien des clients et il s’en construit même des nouveaux. Vrai, mais leurs pistes de quelques dizaines de mètres le plus souvent servent surtout d’initiation au ski et ils sortent de terre avant tout en Chine où la pratique du ski ne se conjugue pas historiquement avec neige naturelle.</p>
<p>Au Japon en revanche, les centres de ski d’intérieur ferment les uns après les autres. Ils connaissent la <a href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">même désaffection de clientèle que le ski de plein air</a> qui est particulièrement marquée et rapide dans ce pays aux si nombreux centenaires.</p>
<p>Le ski sous cloche relève aussi du parc d’attractions et subit également à ce titre la concurrence des parcs de loisir en tout genre. Une rivalité d’autant plus désavantageuse pour les ski-dômes que la clientèle n’a pas à s’équiper et à s’activer, mais simplement à suivre passivement les attractions en habits et chaussures de tous les jours.</p>
<p>Pour skier 365 jours par an version ultra-artificielle et tendance globish la municipalité de Tignes a un temps envisagé la construction d’un <a href="https://dja.archi/fr/projets/selection/ski-line-tignes-73/">« Ski-Line de piste in-door »</a>. 400 mètres de glisse couverts à l’année dans un frigo géant avec remontée en télésiège des skieurs et, à côté, pour les surfeurs d’eau douce un bassin à vague artificielle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oeEgJx7flKQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bientôt une piste couverte à Tignes ? (8 Mont-Blanc, 2016).</span></figcaption>
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<p>Ce projet démesuré est resté à ce jour dans les cartons. Il ne devrait pas en sortir. La fin d’un monde est passée par là : celui d’une société sans pandémie, d’un accès immuable à une énergie et une eau bon marché ; mais aussi d’une clientèle indéfectible de skieurs consommateurs, au porte-monnaie sans fond ; et peut-être désormais plus préoccupés par leur empreinte sur la planète – souhaitons-le.</p>
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<p><em>François Lévêque a publié chez Odile Jacob <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lere-des-entreprises-hyperpuissantes-touche-t-elle-a-sa-fin-157831">« Les entreprises hyperpuissantes. Géants et Titans, la fin du modèle global ? »</a>. Son ouvrage a reçu le <a href="https://www.melchior.fr/note-de-lecture/les-entreprises-hyperpuissantes-prix-lyceen-lire-l-economie-2021">prix lycéen du livre d’économie</a> en 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199031/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la diminution progressive de l’enneigement en montagne, le consommateur se retrouve face à trois options : skier ailleurs, skier à d’autres périodes… ou choisir d’autres loisirs.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1981012023-01-26T18:07:11Z2023-01-26T18:07:11ZAu Cap-Vert, des paysages idylliques racontent l’histoire de l’esclavage et de la créolisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505350/original/file-20230119-5264-omk19c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Hortelã, sur l'île de San Nicolau, la culture de canne à sucre évoque l'histoire du passé esclavagiste de l'archipel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pierre-Joseph Laurent, 2022</span></span></figcaption></figure><p>Désormais desservies par quatre aéroports internationaux, Boa-Vista, Mindelo, Praia et Sal, les îles du <a href="https://theconversation.com/faire-famille-dans-le-monde-globalise-lexemple-dune-famille-capverdienne-124209">Cap-Vert</a> sont devenues en une décennie une destination prisée pour ses plages et ses paysages. Autour des ruines de « <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/fazenda">fadenzas</a> », certaines grandes propriétés terriennes tombées dans l’oubli, le prix des terrains à bâtir peut s’envoler. La spéculation foncière et immobilière attire aujourd’hui les investisseurs de la diaspora et les étrangers charmés par ces sites.</p>
<p>Une histoire en chasse une autre, mais subrepticement, plus de cinq siècles d’histoire se donnent toujours à voir dans la morphologie de ces lieux.</p>
<p>Au sud de Santo-Antão, entre montagne et océan, avec ses maisons agglutinées sur une étroite coulée volcanique, <a href="https://3.bp.blogspot.com/-xo7Uw7OtQwA/T6LRMgBtX3I/AAAAAAAAAEM/CmrLXLE86Y8/s1600/IMGP0017.JPG">Tarrafal do Monte Trigo</a> est l’un d’entre eux. L’endroit n’est plus, depuis la mort du fondateur, la <em>fazenda</em> de la <a href="https://atlanticitalies.net/2020/03/02/jose-silva-evora-defends-his-phd-thesis-on-land-water-and-power-in-rural-cape-verde/">famille Ferro</a>. Instituée durant le XIX<sup>e</sup> siècle, elle se déployait sur 62,5 hectares dans une vallée fertile, encaissée, alimentée par une importante source d’eau. Elle fait partie aujourd’hui de ces lieux dont la valeur s’enflamme. La <em>fazenda</em> constitue le trait d’union entre la période esclavagiste (de la fin du XV<sup>e</sup> siècle à environ 1650) et aujourd’hui.</p>
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<img alt="Dans les ruines de certaines fazendas, la spéculation immobilière fait rage. Casa Ferro, Tarrafal do Monte Trigo, Santo-Antão" src="https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505347/original/file-20230119-12-9junu6.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans les ruines de certaines fazendas, la spéculation immobilière fait rage. Casa Ferro, Tarrafal do Monte Trigo, Santo-Antão.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Joseph Laurent, 2022</span></span>
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<h2>Louer des terres à ses anciens esclaves</h2>
<p>La <em>fazenda</em> émerge de la marginalisation du Cap-Vert du commerce atlantique (dès 1650) lorsque ruinés, les maîtres des plantations esclavagistes, appelés <em>morgados</em>, réorientent leur base d’accumulation. Elle ne repose plus sur la production agricole et la main-d’œuvre servile, mais la location de terres.</p>
<p>Les maîtres revendent leurs esclaves, en affranchissent d’autres, tout en gardant certains pour leur service. L’effondrement précoce de cette société esclavagiste (comparativement, la traite des Africains commence à la Martinique en 1635) ne signe pas la fin de l’<a href="https://theconversation.com/esclavage-ce-que-les-etats-unis-peuvent-apprendre-de-lafrique-en-matiere-de-reparations-161022">esclavage</a>. Même après l’abolition officielle au Cap-Vert en 1869, elle se maintient dans les faits, dans la dépendance physique et psychique des paysans sans-terre (d’anciens esclaves devenus métayers : pour louer leurs terres, ils cèdent la moitié de leur production au propriétaire).</p>
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<p>Dans la <em>fazenda</em>, le propriétaire est un seigneur respecté. Le métayer lui doit tout, l’eau, la terre et aussi de l’aide pour son mariage, le baptême d’un enfant ou l’organisation de funérailles. Les métayers et leurs familles reçoivent au prorata des services rendus et des relations personnelles entretenues avec le propriétaire et sa famille. Ainsi, sachant que les terres cultivables sont rares, pour mieux asseoir sa domination, le propriétaire module la qualité et la quantité des terres octroyées aux métayers, ainsi que les heures d’eau allouées pour irriguer. Les rapports clientélistes conditionnent les privilèges distillés en fonction de la familiarité, de l’intimité, ambivalente lorsqu’elle glisse vers les prestations de services sans fin, sexuelles parfois.</p>
<p>La <em>fazenda</em> se caractérise donc surtout par l’édification d’un espace mental façonné par des <a href="https://theconversation.com/le-travail-pour-autrui-survivance-de-lesclavagisme-dans-nos-economies-150317">rapports sociaux clientélistes</a> entre les métayers (<em>parceiros</em>) et les anciens maîtres des esclaves, eux-mêmes basés sur la dépendance induite d’un crédit permanent.</p>
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<img alt="Corvo, Santo Antão, Cap-Vert" src="https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505349/original/file-20230119-15-x0j325.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Corvo, Santo Antão, Cap-Vert.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Joseph Laurent, 2022</span></span>
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<h2>Des dettes inextinguibles</h2>
<p>Toujours en vie, quelques témoins peuvent détailler le fonctionnement de la <em>fadenza</em> Ferro (fondée en 1880). Il s’agit d’un trésor historique et ethnographique consigné dans la mémoire des habitants, car les relations sociales établies au sein de la <em>fazenda</em> Ferro sont similaires à celles qui émergèrent dans la seconde moitié du XVII<sup>e</sup> siècle. Ces relations perdureront, sans changements notoires, jusqu’en 1980 avec l’avènement de la réforme agraire du Cap-Vert. Celle-ci octroiera un certain nombre de titres fonciers aux paysans sans-terre (les métayers), sans parvenir à vraiment atténuer l’inégale répartition foncière précédemment instituée.</p>
<p>De surcroît, si depuis la réforme de 1980, les propriétaires n’imposent plus de la même manière la monoculture de la canne au détriment des cultures vivrières, elle reste prépondérante dans l’archipel (la monoculture a longtemps renforcé les famines, en dépit de la richesse potentielle de certaines zones comme Tarrafal). Et le mécanisme de répartition des coûts pour la location de la terre n’a pas changé. Le métayer doit toujours payer sa dette pour la terre louée, à <em>meio</em>, c’est-à-dire que 50 % de tout ce qui est produit sur les parcelles louées revient au propriétaire, dont 50 % de l’alcool de canne produit par les métayers. De ce pourcentage, tous les vingt litres d’alcool fabriqué, le <em>parceiro</em> doit encore au propriétaire quatre litres pour s’acquitter du coût de la fabrication du rhum. Ce mécanisme de répartition des coûts pour la location de la terre dite à <em>meio</em> (en métayage) et de la production du rhum sont toujours en vigueur aujourd’hui.</p>
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<h2>La plantation esclavagiste renforce la créolisation</h2>
<p>Dans les îles de Santiago et de Fogo où s’est initialement déployée la société esclavagiste, de nombreux sites évoquent donc encore le commerce des esclavages et l’économie de plantation. Ces lieux invitent également à prendre la mesure de phénomènes culturels liés à l’esclavage. À partir de la seconde moitié du XV<sup>e</sup> siècle, débarquèrent dans l’archipel inhabité, des Luso-Africains (des courtiers installés à demeure sur les côtes d’Afrique de l’Ouest), des esclaves (majoritaires et issus de différentes sociétés africaines) et des Portugais (aristocrates et colons) : les prémisses d’une société créole.</p>
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<img alt="Ribeira Grande était une cité cosmopolite où débarquèrent les esclaves, avec le pilori (XVIᵉ siècle) symbole du pouvoir, Cidade Velho, Santiago" src="https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505346/original/file-20230119-22-a583dl.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ribeira Grande était une cité cosmopolite où débarquèrent les esclaves, avec le pilori (XVIᵉ siècle) symbole du pouvoir, Cidade Velho, Santiago.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Joseph Laurent, 2022</span></span>
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<p>Dans sa dimension culturelle et sociale, la <a href="http://www.edouardglissant.fr/creolisation.html">créolisation</a> est une <a href="https://www.editions-depaysage.fr/livres/linvention-du-cap-vertde-la-creolisation/">manière de se transformer en continu</a>, de façon imprévisible, en suscitant d’étranges équilibres provisoires lorsque chaque composante de la société en devenir semble agir sur l’autre et être agie par l’autre, sans en prendre toujours la mesure. Ainsi, la rencontre entre la culture catholique des maîtres des esclaves et celles des esclaves aux origines diverses est inégale : l’une tente d’imposer aux autres leurs manières de penser, de comprendre, de parler, de vivre – en vain.</p>
<p>Progressivement, c’est plutôt le catholicisme qui s’est créolisé et donc aussi les maîtres qui ont appris des esclaves : le travail d’une terre aride, le savoir culinaire, la pharmacologie. Une faille s’esquisse ainsi dans cette société inégalitaire. Les esclaves s’y faufilent pour affecter le maître. Par leur compétence, leur habilité, leur ruse, certains esclaves obtiennent quelques bénéfices.</p>
<p>Avec la créolisation, la culture qui s’invente mobilise les sentiments, l’intimité, l’affectivité et, plus encore, la <a href="https://fondationuniversitaire.be/en/content/linvention-du-cap-vert">capacité d’affecter l’autre à distance</a>, par la compréhension de plus en plus partagée d’un imaginaire en commun, pétri notamment de peurs (dont celle de la sorcellerie).</p>
<p>La société créole s’est produite petit à petit. La créolisation est un processus historique involontaire, inachevé, toujours en cours. Se rendre au Cap-Vert, c’est en être le témoin… Ou, possiblement, en être un acteur ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Joseph Laurent a reçu des financements du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) de Belgique pour mener ses recherches au Cap-Vert</span></em></p>Si le Cap-Vert est aujourd'hui une destination touristique prisée pour sa beauté naturelle, le pays recèle aussi une riche histoire marquée par l'esclavage et le complexe processus de créolisation.Pierre-Joseph Laurent, Professeur en anthropologie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922772022-11-17T17:23:47Z2022-11-17T17:23:47ZLes ressources du Groenland, entre protection de l’environnement et tentation du profit<p>Le Groenland est au cœur de l’intrigue dans la <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/06/02/borgen-le-pouvoir-et-la-gloire-sur-netflix-une-femme-au-pouvoir-quelques-mandats-plus-tard_6128567_3246.html">série danoise <em>Borgen, le pouvoir et la gloire</em></a>, qui fait suite aux trois saisons de <em>Borgen. Une femme au pouvoir</em> (diffusée avec succès dans plus de 60 pays), une saga qui s’inscrit <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2020-4-page-217.htm">dans la lignée des séries politiques</a>, de <em>West Wing</em> à <em>House of Cards</em>. Les scénaristes imaginent qu’on découvre une forte réserve de pétrole dans le sous-sol du Groenland, ce qui attise les appétits des investisseurs et des grandes puissances.</p>
<p>Ce « pays vert », vaste territoire de près de 2,2 millions de kilomètres carrés, est rattaché au Danemark de longue date, rattachement souvent mal vécu par les habitants, après avoir même été une colonie danoise jusqu’en 1953. En 1979, l’île a accédé au statut de « territoire autonome » et son économie dépend toujours fortement des subsides versés par Copenhague.</p>
<p>Si certains Groenlandais réclament une autonomie plus grande voire l’indépendance, et dénoncent une « colonisation » danoise (effectuée dès le XVIII<sup>e</sup> siècle par des missionnaires danois comme Hans Egede, surnommé « l’Apôtre du Groenland » et fondateur de la ville de Nuuk, aujourd’hui capitale du territoire), la population locale de 57 000 habitants se trouve dans une situation difficile, marquée par la corruption et un taux de suicide élevé chez les Groenlandais, affectés souvent par la dépression, l’alcoolisme et le désespoir lié au climat gris et froid et au manque de perspectives.</p>
<h2>Des matières premières convoitées</h2>
<p>Le Groenland, à l’heure du réchauffement climatique et de la fonte des glaces (sa calotte glaciaire a <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/01/depuis-vingt-ans-la-calotte-glaciaire-du-groenland-a-perdu-4-700-milliards-de-tonnes_6111857_3244.html">perdu 4,7 millions de milliards de litres d’eau</a> depuis 2002), est devenu un territoire de plus en plus <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">convoité, notamment pour ses réserves d’eau très pure</a>.</p>
<p>À tel point que certains entrepreneurs, voyant dans ce trésor une manne financière juteuse, vont jusqu’à vendre cette eau au même prix que des grands vins de Bordeaux, comme l’explique un article du journal <em>Le Monde</em>. « Il les vend jusqu’à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/emploi/comment-les-icebergs-finissent-dans-des-bouteilles-vendues-plus-de-10-euros-le-litre_AN-201908030050.html">12 euros</a> l’unité la [bouteille], en Chine, dans les pays du Golfe, aux États-Unis ou encore au Danemark. La marque Inland Ice, distribuée aussi dans les restaurants gastronomiques, promet une eau qui a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">« la pureté de la préhistoire » et le « goût d’il y a cent mille ans</a> ». M. Vildersboll, qui travaillait auparavant dans l’industrie pétrolière, y voit un « nouveau pétrole ».</p>
<p>Outre cet « or bleu », le Groenland regorge de richesses minières dans son sous-sol, comme le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">fer, le nickel, l’or et les métaux rares, comme le cobalt</a>, très convoitées aujourd’hui car nécessaires à la fabrication des téléphones portables. Jeff Bezos et Bill Gates sont d’ailleurs sur le coup, toujours selon <em>Le Monde</em> : </p>
<blockquote>
<p>« KoBold Metals, l’entreprise dont ils sont actionnaires et qui utilise l’intelligence artificielle pour explorer de nouveaux gisements, a lancé, en mars, ses premiers forages près de la baie de Disko, dans le sud-ouest du pays, afin d’y prospecter du nickel, du cuivre et du cobalt. »</p>
</blockquote>
<p>L’île contient également de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/au-groenland-plongee-dans-la-mine-de-rubis-de-l-extreme_6136397_3234.html">l’uranium, un gisement de rubis</a> et de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/la-farine-de-roche-un-nutriment-prometteur-issu-de-la-fonte-des-glaces-du-groenland_6136569_3234.html">farine de roche, boue riche en limon</a> qui pourrait, « selon les recherches d’un géologue danois, contribuer à rendre fertiles des régions arides dans le monde ».</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/06/au-groenland-le-sable-pour-nouvel-horizon_6140426_3244.html">Enfin, le Groenland recèle d’importants gisements de sable</a>, précieux alors que le sable qui vient à manquer est très convoité pour la construction de bâtiments.</p>
<p>Le Groenland, dont le nom signifie « pays vert », pourrait par ailleurs <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/14/le-groenland-pret-a-tirer-profit-du-rechauffement-climatique_6022862_3244.html">profiter du réchauffement climatique pour se lancer dans l’agriculture</a>.</p>
<h2>Au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs</h2>
<p>Le pays est aussi le centre <a href="https://theconversation.com/comment-les-dereglements-climatiques-ont-fait-entrer-le-groenland-dans-la-mondialisation-143911">d’enjeux géopolitiques</a> majeurs : en effet, comme l’analyse le journaliste Julien Bouissou, « dans une région qui fait officiellement partie de la sphère d’influence américaine depuis la doctrine Monroe de 1823, et la signature d’un traité entre Copenhague et Washington en 1951, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">l’industrie minière peut servir de cheval de Troie à l’influence chinoise</a> ».</p>
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<p>L’île est convoitée à la fois par les États-Unis, la Russie et la Chine. « En 2018, le Groenland a […] refusé un prêt chinois pour financer la construction de deux aéroports. Dans le même temps, Washington a avancé ses pions. En 2020, les États-Unis, qui disposent déjà sur place, à Thulé, d’une base militaire avec des systèmes d’alerte avancés contre les missiles balistiques et d’une station de surveillance des satellites, ont ouvert leur premier consulat à Nuuk. »</p>
<p>De plus, le pays se situe proche de la nouvelle « Route du Nord » qui permettrait, grâce à la fonte des glaces de l’Arctique, aux navires-cargos porte-conteneurs venus de Chine de faire le trajet vers l’Europe plus rapidement que par les routes maritimes jusque-là existantes.</p>
<h2>Vers une « exception environnementale » ?</h2>
<p>En juillet 2021, le gouvernement autonome du Groenland, dirigé par une majorité écologiste, a toutefois <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-fossiles/isr-rse/climat-le-groenland-met-fin-a-l-exploration-petroliere-sur-son-territoire-150037.html">décidé d’interdire l’exploration et l’exploitation pétrolières sur l’île</a>, afin d’éviter de porter atteinte à l’environnement naturel. C’est une décision historique, un renversement copernicien, qui consiste à faire passer les impératifs écologiques avant ceux du profit économique.</p>
<p>Se pose en effet l’enjeu de la préservation de la nature et de l’écosystème au Groenland, où l’urbanisation et l’extraction minière croissantes provoquent une extinction progressive de la flore et la faune (avec la disparition des baleines notamment).</p>
<p>Faut-il donc faire passer avant l’enjeu du profit économique, celui de la <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5296">préservation du patrimoine mondial, comme le prône l’Unesco</a> ? Cette institution culturelle internationale qui a <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1VNtLQU2MYk">créé en 1972 la liste du patrimoine culturel et naturel mondial</a>, y a classé en 2004 le fjord d’Ilulissat, site naturel remarquable et seul vestige dans l’hémisphère nord de la dernière période glaciaire du quaternaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fjord Ilulissat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fjord_glac%C3%A9_d%27Ilulissat#/media/Fichier:Greenland_Ilulissat-36.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/etudes-de-cas/ilulissat">Ce classement est générateur de tourisme</a>, qui pose comme sur d’autres sites classés dans le monde la question de la tension entre préservation et <a href="https://theconversation.com/en-laponie-les-consequences-paradoxales-du-tourisme-sur-le-peuple-sami-128736">mise en tourisme</a>. L’impératif de préservation porte par ailleurs non seulement sur la nature, mais aussi sur la culture du Groenland : protection de la langue vernaculaire, l’inuktitut groenlandais (ou kalaallisut), langue rare de la famille eskimo-aléoute, aujourd’hui menacée d’extinction du fait de l’urbanisation et de la mondialisation culturelle.</p>
<p>Est-ce à dire qu’il faudrait créer une « exception environnementale », de même qu’existe une « exception culturelle » ? Rappelons que <a href="https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2013-2-page-183.htm">c’est la France qui a popularisé cette notion d’exception culturelle</a>, qui signifie que la culture ne doit pas être considérée comme une marchandise comme une autre, un simple objet de profit, mais comme un bien supérieur, auquel tout le monde doit avoir accès. L’Unesco a ensuite universalisé cette conception, en adoptant en 2005 la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-2-page-11.htm">Convention sur la diversité culturelle</a>, entrée en vigueur en 2007.</p>
<p>Le Groenland pourrait-il alors faire valoir à la fois l’exception culturelle et l’exception environnementale, c’est-à-dire faire passer les impératifs de préservation de son environnement naturel exceptionnel et de sa culture inuite avant les enjeux rapaces de profit financier ? Aux Groenlandais d’en décider.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pays qui regorge de ressources précieuses en eau, en sable, en fer, en or, en nickel, en pétrole… tente de freiner leur exploitation.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898882022-11-08T19:01:37Z2022-11-08T19:01:37ZŒnotourisme durable, quels défis pour la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494151/original/file-20221108-20-1r65f8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C1011%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vin et paysages</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En recevant plus de 90 millions de touristes étrangers en 2019, la France conservait sa place de première destination touristique mondiale. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6204889">Insee</a>, cette même année, la somme des dépenses touristiques en France atteignait les 170 milliards d’euros, soit presque 7 % du PIB français.</p>
<p>Parmi les 43 sites classés <a href="https://whc.unesco.org/fr/syndication">patrimoine mondial de l’Unesco</a> sur le territoire français, quatre sont directement liés à la viticulture : la <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/932">juridiction de Saint-Émilion</a> (depuis 1999), le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/933">Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes</a> (depuis 2000), les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1465">coteaux, maisons et caves de champagne</a> (depuis 2015) et les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1425">climats du vignoble de Bourgogne</a> (depuis 2015).</p>
<p>Selon <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">Atout France</a>, l’agence de développement touristique de la France, un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d’un séjour. Les derniers chiffres disponibles font état de 10 millions d’œnotouristes en 2016, pour une dépense globale de 5,2 milliards d’euros sur le territoire français. Ces chiffres n’ayant pas été actualisés depuis six ans, il est difficile de mesurer l’essor ou la contraction du phénomène œnotouristique en France.</p>
<p>La création du <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">pôle œnotourisme Atout France</a> en 2020 n’a pour le moment pas remédié au manque de données nationales sur la consommation touristique dans les destinations ou sur les achats de vin à la propriété. Nombre d’investissements sont faits sur la base de chiffres pour le mieux anciens voire inexistants. La comparaison avec les pays voisins est rendue tout aussi difficile par l’absence de chiffres actualisés à l’échelle globale, comme le souligne l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a> dans un récent <a href="https://webunwto.s3.eu-west-1.amazonaws.com/s3fs-public/2022-09/Wine%20Tourism%20Measurment_Presentation.pdf">rapport</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dégustation de vin" src="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dégustation de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’il est difficile de distinguer et de dénombrer précisément les œnotouristes, il est plus simple d’obtenir des informations sur l’offre. L’offre œnotouristique n’est pas un phénomène récent. Les premières initiatives collectives remontent à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle : la première route des vins (<a href="https://www.dijonbeaunemag.fr/route-grand-crus-histoire-dune-naissance-miraculeuse/">route des Grands Crus</a>) entre Dijon et Santenay a vu le jour en 1937. Mais il s’agit le plus souvent d’initiatives isolées, en général limitées à l’ouverture du chai au public pour une visite-dégustation.</p>
<h2>L’œnotourisme peut-il être durable ?</h2>
<p>La 6<sup>e</sup> conférence de l’<a href="https://www.unwto.org/fr">organisation mondiale du tourisme</a> sur l’œnotourisme a eu lieu en septembre dernier à Alba (Italie) autour de la question suivante : comment l’œnotourisme peut-il devenir durable ?</p>
<p>Afin de mieux comprendre les enjeux de l’œnotourisme durable pour la France, une définition des termes est nécessaire. L’œnotourisme durable combine tourisme durable et œnotourisme. Selon l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a>, le tourisme durable est un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, actuels et futurs, répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels de l’environnement et des communautés d’accueil.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité" src="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atout France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Du bilan carbone à la construction d’un plan d’action</h2>
<p>La région viticole de <a href="https://sonomawinegrape.org/scw/sustainability/">Sonoma</a> en Californie constitue un modèle à l’international. Elle est devenue en l’espace de seulement 5 ans la région viticole la plus labellisée durable au monde : entre 2014 et 2019, 99 % des 500 domaines de la région ont reçu une certification durable. Cette particularité stimule les ventes de vin (8 milliards de dollars par an) et constitue un facteur différenciant d’attractivité territoriale : pas moins de 1,2 milliard de dollars sont dépensés chaque année dans le comté de Sonoma par les œnotouristes.</p>
<p>En 2022 le <a href="https://www.vins-bourgogne.fr/">Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne</a> (BIVB) a développé, conjointement avec <a href="https://www.adelphe.fr/">Adelphe</a> entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages des entreprises françaises « Objectif Climat » : une méthodologie complète de réduction et de neutralisation carbone à l’échelle d’une filière et d’un territoire viticole. L’objectif ? Dans un premier temps, mesurer puis établir une trajectoire de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à un seuil incompressible, et enfin compenser les émissions incompressibles.</p>
<p>La transformation de la trajectoire en plan d’action est co-construite avec les acteurs de la filière au fil de huit ateliers : le premier, portant sur l’œnotourisme durable a eu lieu récemment. Les suivants abordent des thèmes complémentaires : emballage, fret, réduction au chai, réduction à la vigne, compensation à la vigne, compensation par les forêts et enfin mobilité et déplacements.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-bilans-carbone-sont-incertains-et-comment-les-ameliorer-188930">bilan carbone</a> est un outil qui prend en compte un seul paramètre : les émissions carbone. Lorsqu’on parle de durabilité, de multiples autres indicateurs sont pris en compte pour aborder les trois piliers de la durabilité : social, économique et environnemental.</p>
<p>Le bilan carbone est un indicateur imparfait, qui ne prend pas en compte des aspects comme l’impact sur la biodiversité ou la qualité de l’air mais qui a l’avantage d’être mesurable.</p>
<p>Dans un contexte de tension sur les approvisionnements, et compte tenu du poids très important de l’emballage dans le bilan carbone de la filière, le lavage et le réemploi des bouteilles ouvertes et consommées lors des dégustations ou des séjours des œnotouristes au domaine commencent à apparaître comme une nécessité.</p>
<h2>L’épineuse question de la mobilité</h2>
<p>D’après les calculs du BIVB, le bilan carbone des 3 600 domaines, 270 maisons de négoce et 16 caves coopératives de Bourgogne atteint les 380 000 tonnes équivalent CO<sub>2</sub>. Beaucoup plus à l’hectare que le vignoble bordelais (13 tonnes équivalent CO<sub>2</sub> par hectare contre 4 à Bordeaux), si l’on se réfère à un article paru récemment dans la <a href="https://www.larvf.com/quand-le-vin-passe-au-regime-sans-carbone,4804605.asp">Revue du Vin de France</a>.</p>
<p>La décision stratégique de prendre en compte ou non les déplacements des œnotouristes peut comptablement avoir un impact déterminant sur le bilan carbone d’une région viticole. À titre d’exemple : selon le BIVB les déplacements représentent 26 % du bilan carbone du vignoble bourguignon, et 79 % de ces émissions générées par les déplacements le sont par des œnotouristes. Ne pas comptabiliser les déplacements des œnotouristes réduirait sur le papier le bilan carbone de la région viticole de 20 %.</p>
<p>Dans cette logique de prise de conscience de l’impact des mobilités touristiques et des liens que le monde vigneron doit tisser avec son territoire, l’Interprofession des Vignerons du Sud-Ouest a entamé en 2022 un dialogue scientifique et œnotouristique avec l’Agence française des biens de Compostelle. Ils s’associent pour étudier puis valoriser les liens existants entre l’implantation des vignobles du sud-ouest, leur richesse ampélographique (relative à l’étude des cépages), leur diffusion et la préservation des paysages de vignes sur le parcours des pèlerins. Il s’agit de faire des pèlerins des ambassadeurs de la qualité paysagère et des vins du Sud-Ouest.</p>
<h2>Le rôle clef des pouvoirs publics</h2>
<p>En 2022, près de 9 Français sur 10 ont choisi la France pour destination. L’<a href="https://www.inegalites.fr/depart-vacances">Observatoire des Inégalités</a> constate que seuls 54 % des Français partent en vacances au moins une fois par an, et ce taux chute à 37 % pour les Français les plus modestes. Le développement de l’œnotourisme permet de répartir l’activité touristique tout au long de l’année et pas seulement pendant les mois de juillet et août. Le temps du vigneron n’est pas le temps du touriste. C’est à la fin de l’été que les travaux des vignes et les vendanges nécessitent le plus de main-d’œuvre. Il est donc nécessaire pour les domaines de disposer d’une équipe dédiée à l’œnotourisme.</p>
<p>Le manque de communication entre privé et public est souvent mentionné comme un frein au développement d’activités œnotouristiques expérientielles par les domaines. En encourageant les formations spécifiques mettant en avant une approche de la durabilité, les pouvoirs publics contribueraient à créer des emplois tertiaires et à fixer des populations dans des zones rurales, parfois même des zones rurales à revitaliser (ZRR). Pour les domaines, dans un contexte de manque de main-d’œuvre, la communication (faire-savoir) sur les trois piliers de la durabilité constitue un atout de séduction et de fidélisation autant pour les équipes que pour les clients en quête de sens.</p>
<p>Les vignerons comme les appellations irriguent culturellement leur territoire. En faisant rentrer dans les chais expositions, concerts ou théâtre, en rénovant le bâti vernaculaire ancien ou encore en faisant appel à des architectes pour créer un bâti contemporain, ils participent de l’offre culturelle et patrimoniale du territoire. Ils sont donc partie prenante dans l’attractivité touristique, économique et culturelle de leur village, de leur intercommunalité ou de leur département.</p>
<p>Tous les plans de développement touristique régionaux récents en France s’axent autour de la durabilité. Les pouvoirs publics mesurent la nécessité de fédérer tous les professionnels qui participent à l’accueil des visiteurs, d’aménager les sites visités sur un plus grand périmètre, de s’intéresser aux modalités selon lesquelles les touristes arrivent, circulent et repartent pour l’ensemble des moyens de transport, de mobiliser les habitants, d’informer les visiteurs, de mesurer les progrès et les échecs et d’assurer une information transparente.</p>
<p>Reste à savoir si les efforts des pouvoirs publics seront suffisant pour répondre aux besoins des professionnels de la filière et fédérer les initiatives individuelles. L’amélioration de la lisibilité et de l’approche durable de l’offre œnotouristique sera déterminante pour impulser le développement de l’attractivité touristique des territoires viticoles.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé grâce à l’aide précieuse de Jeremiás Balogh (Associate Professor – Corvinus University of Budapest), de Jeanne Fabre (Chef de projet œnotourisme chez Famille Fabre), Nicolas Ravel (Responsable Services Techniques Vignoble de la Cave de Tain), Anne Reutin (Consultante freelance pour la décarbonation du secteur vitivinicole), Charlotte Waeber (Chargée de mission tourisme durable Région Bourgogne Franche Comté), Bérangère Amestoy (Consultante en œnotourisme) et Lucie Guillotin (Responsable Développement Durable – Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>France GERBAL-MEDALLE est membre du Parti radical de gauche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Rigaux et Magalie Dubois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d'un séjour sur le territoire français. Mais à quelles conditions cet oenotourisme peut-il être responsable ?Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Charles Rigaux, Professeur assistant en sociologie à l'Université de Bourgogne, Chercheur associé à la chaire UNESCO Cultures et Traditions du vin, Université de Bourgogne – UBFCFrance Gerbal-Medalle, Chercheur associée au LISST-Dynamiques Rurales, Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916382022-10-13T19:11:09Z2022-10-13T19:11:09ZTourisme polaire : comment les compagnies tentent de répondre aux enjeux de durabilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487362/original/file-20220929-22-tu91by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C30%2C1092%2C643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le «&nbsp;Commandant Charcot&nbsp;» au large du Groenland.</span> <span class="attribution"><span class="source">Studio Ponant</span></span></figcaption></figure><p>En octobre 2021, la <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/voyages/le-commandant-charcot-le-premier-navire-dexploration-polaire-de-ponant-1351917">compagnie du Ponant mettait à l’eau le <em>Commandant-Charcot</em></a>, un nouveau navire polaire de 28m de large, 150m de long, 9 ponts et une capacité jusqu’à 245 passagers. Dans la foulée de la pandémie et de la prise de conscience de la nécessité d’un tourisme plus durable, ce lancement a déclenché un flot de critiques. L’organisation non gouvernementale (ONG) Greenpeace en a parlé comme d’un <a href="https://lesjours.fr/obsessions/svalbard-pole-nord/ep5-tourisme/">« tourisme tragique »</a> ; des chercheurs comme du « tourisme de la dernière chance… » ; et des magazines titraient « Tourisme polaire, la <a href="https://www.frustrationmagazine.fr/tourisme-polaire-la-bourgeoisie-a-lavant-garde-de-la-destruction/">bourgeoisie à l’avant-garde de la destruction »</a> ou encore <a href="https://reporterre.net/30-000-euros-pour-voir-fondre-l-Arctique">« 30 000 euros pour voir fondre l’Arctique »</a>.</p>
<p>Pour les professionnels du tourisme, la région Arctique apparaît comme un véritable levier de croissance. Le nombre de visiteurs annuels a ainsi presque doublé entre 1995 et 2017, passant de <a href="https://www.researchgate.net/publication/341775278_Polar_tourism_and_environment_change_Opportunity_impact_and_adaptation/link/5ef19f8892851ce9e7fccf83/download">35 millions à 66 millions</a>. Cependant, il y a en effet de quoi s’interroger : les zones visitées, particulièrement exposées au réchauffement climatique, se caractérisent par leur grande fragilité. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la <a href="https://www.liberation.fr/sciences/2020/04/28/au-pole-nord-la-banquise-estivale-disparaitra-avant-2050_1786712/">banquise d’été pourrait ainsi disparaître au moins une fois avant 2050</a>, avec de lourdes conséquences sur la faune et les populations locales.</p>
<p>Dans ce contexte, faut-il interdire purement et simplement le tourisme polaire ? Ou alors existe-t-il des voies pour concilier les impératifs environnementaux avec les intérêts des croisiéristes ? Certaines de ces interrogations ont été soulevées lors d’un <a href="https://univ-droit.fr/actualites-de-la-recherche/manifestations/42680-croisieres-et-crise-sanitaire">colloque</a> organisé en avril 2022 par l’Université de Nantes – UFR Droit et STAPS dans le cadre d’un programme européen « Les croisières face à la crise sanitaire ». Parmi les intervenants figuraient notamment Patrick Marchesseau, le « pacha » du <em>Commandant-Charcot</em>, qui en parallèle de la conférence a répondu en détaillant les initiatives de la Compagnie du Ponant pour limiter l’impact de ces voyages arctiques.</p>
<h2>Rapport parlementaire</h2>
<p>Il assure tout d’abord que le nouveau navire polaire a été conçu pour limiter au maximum son impact environnemental :</p>
<blockquote>
<p>« C’est le seul navire au monde à disposer de trois différentes énergies : diesel marine léger (DML) avec un taux maximum de 0,1 % de soufre ; gaz liquéfié naturel (GNL) en carburant principal, car c’est le plus vertueux, et un parc de batteries de 4,5 mégawatts. Ces batteries permettent de fonctionner en 0 émission et 0 nuisance, en stoppant tous les groupes, durant 1 à 2 heures. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487496/original/file-20220930-25-bw0i4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le commandant Marchesseau.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Outre les émissions, les interrogations environnementales concernent aussi le risque d’un naufrage, avec des pertes humaines éventuelles, mais aussi un désastre écologique dans un environnement pur et vierge, donc à faible résilience. Pour prévenir ce risque, une expédition test, sans passager, a été menée en septembre 2021. Le député Jacques Maire a fait un résumé détaillé de cette opération à l’Assemblée nationale, dans un document intitulé : « Une première française : le <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/407934/3980280/version/2/file/rapport+commandant+charcot+d%C3%A9finitif+corrig%C3%A9_compressed+%281%29.pdf">Commandant Charcot au Pôle Nord – une présence durable ?</a> ».</p>
<p>Ce rapport a permis d’identifier les points sensibles, de tester la collaboration entre les pays présents en Arctique, d’évaluer les différentes possibilités de secours et d’ores et déjà de suggérer quelques modifications dans les process ou les matériaux mis à l’épreuve, ainsi que des améliorations. La compagnie s’est également engagée à poursuivre régulièrement les tests de matériels de survie polaire et autant que faire se peut, à collaborer avec des chercheurs.</p>
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<p>Renforcer la recherche dans la zone arctique constitue, au-delà du cas du <em>Commandant-Charcot</em>, un enjeu essentiel pour la région. Le <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2022_04_strategie_polaire_de_la_france_a_horizon_2030.pdf">document Stratégie polaire française à l’horizon 2030</a> explique ainsi que :</p>
<blockquote>
<p>« Les liens de la France avec les mondes polaires sont riches par leur histoire autant que par leur diversité […] et qu’avec plus de 200 chercheurs travaillant sur les régions arctiques et subarctiques, la France possède une très forte expertise, ancienne comme internationalement reconnue. » […] Il est notamment prévu que dans la tradition de Jean Malaurie (aventurier et grand scientifique français), une attention accrue soit accordée à la recherche française sur l’Arctique en sciences humaines et sociales.</p>
</blockquote>
<h2>Une « grande artère de la mondialisation »</h2>
<p>Concernant plus spécifiquement la croisière, le document résume parfaitement la problématique en indiquant :</p>
<blockquote>
<p>« Un océan, passant d’un statut d’espace fermé à celui d’une possible très grande artère de la mondialisation, pose nécessairement un certain nombre de questions. Celles de normes plus respectueuses de l’environnement pour les navires qui transitent dans des zones particulièrement sensibles et notamment d’un tourisme de croisière responsable… »</p>
</blockquote>
<p>La collaboration avec la recherche fait ainsi partie des promesses de la compagnie du Ponant, pour que les croisières aient une utilité autre que strictement économique. Elle offre notamment la possibilité à <a href="https://escales.ponant.com/defi-sciences-polaires/">quatre scientifiques d’embarquer à chaque croisière</a> et se veut un appui à d’autres expéditions.</p>
<p>La France soutient l’idée et la réalité d’une recherche construite prioritairement dans un cadre de coopération internationale, mais sur le terrain également la collaboration est indispensable. Patrick Marchesseau a ainsi évoqué l’aide apportée récemment à brise-glace norvégien Kronprins Haakon qui souhaitait se rendre au pôle Nord et avait échoué quelques années auparavant :</p>
<blockquote>
<p>« Ayant eu l’information de sa volonté de retenter le pôle lors d’une mission de 35 jours en juillet 2022 et de ses craintes, après concertation avec la Compagnie du Ponant, j’ai contacté le commandant et lui ai proposé nos services pour lui <a href="https://www.actunautique.com/2022/07/en-arctique-un-paquebot-brise-glace-ouvre-la-voie-a-un-navire-oceanographique.html">ouvrir une voie à travers la glace</a>. Cette proposition a permis l’ouverture d’échanges pour les années futures. En Antarctique (mer de Bellinghausen), en février 2022, le <em>Sir David Attenborough</em>, navire scientifique anglais avait déjà fait appel à nous pour les mêmes raisons ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487495/original/file-20220930-23-e0ibmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une photo de la rencontre entre le Comandant-Charcot et le navire Sir David Attenborough (studio Ponant) en Antarctique en février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Studio Ponant</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Éveiller les consciences</h2>
<p>La recherche et la diffusion de la connaissance apparaissent aujourd’hui d’autant plus essentielles que, dans le <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2022_04_strategie_polaire_de_la_france_a_horizon_2030.pdf">document Stratégie polaire française à l’horizon 2030</a>, il est mentionné :</p>
<blockquote>
<p>« À l’échelle nationale, tous les acteurs partagent le constat d’un déficit de connaissance sur les réalités polaires contemporaines dans le grand public […]. Afin d’y remédier, une politique éducative et culturelle volontariste doit s’adresser à l’ensemble des publics concernés… ».</p>
</blockquote>
<p>Un éveil des consciences permis par le voyage ? Dans son rapport, le député Jacques Maire juge l’argument « pas réellement recevable ». Patrick Marchesseau, se montre lui plus mesuré :</p>
<blockquote>
<p>« Plus nos passagers seront sensibilisés en amont, plus ils accepteront les indispensables restrictions. C’est un véritable privilège que de découvrir les hautes latitudes et cela ne peut se faire sans précautions extrêmes, voire sans limites, comme certains monuments pour lesquelles des quotas de visite se pratiquent. La découverte des pôles impose le respect, en plus de changer parfois les regards ».</p>
</blockquote>
<p>D’autres partagent ce point de vue. Très attendu, le nouveau navire de la Compagnie norvégienne <em>Northern Xplorer</em> annonce des <a href="https://northernxplorer.com/">croisières zéro émission</a>. Son dirigeant Rolf Sandvik, pionnier de la propulsion électrique avec les navires <em>Vision of the Fjords</em>, un navire hybride (2016) et <em>Future of the Fjords</em>, un navire entièrement électrique (2018), naviguant dans des fjords classés au patrimoine mondial de l’Unesco, veut pousser plus loin la réflexion. Au-delà des navires vertueux, il veut réfléchir à une conception différente des séjours, peut-être des rotations réduites en distance et surtout une interaction réelle avec les communautés locales. La compagnie annonce vouloir créer des emplois locaux, stimuler l’économie de communautés entières et privilégier les secteurs touristiques les moins fréquentés, de manière à limiter l’impact sur l’environnement local.</p>
<h2>Transfert d’expertise</h2>
<p>Elle est rejointe par une toute jeune compagnie française, Exploris, relancée en septembre 2022, dont le créneau est similaire à celui de la Compagnie du Ponant : les croisières d’expédition, en particulier dans les zones polaires. La compagnie, dirigée par un ex-fondateur du Ponant Philippe Videau, exploite aujourd’hui un seul navire, le <em>Silver Explorer</em>, rénové en 2018. Il est prévu de limiter la capacité à un maximum de 120 passagers en zones polaires, de limiter les débarquements et de se concentrer sur la destination.</p>
<p>Lors de la manifestation <em>Sea Tech Weak</em> à Brest le 28 septembre 2022, un représentant de <a href="https://theconversation.com/institutions/ifremer-2458">l’Ifremer</a> déclarait en aparté :</p>
<blockquote>
<p>« Ces bateaux d’opportunité peuvent soulager les navires scientifiques à condition pour les croisiéristes d’accepter de s’adapter en partie aux contraintes de la recherche scientifique. Nous-mêmes avons appris à pratiquer le transit valorisé, consistant à réfléchir au mieux aux parcours et à la durée des missions ».</p>
</blockquote>
<p>Les débats ont également mis en exergue le fait qu’au-delà des déclarations d’intention, les compagnies doivent donner un caractère beaucoup plus concret à leurs engagements vis-à-vis des communautés autochtones. Comme un certain nombre de travaux de recherche en témoignent, cela peut passer par un transfert d’expertise aux habitants d’une communauté pour qu’ils prennent en main le développement du tourisme sous tous ses aspects (opération, partenariat et commercialisation), mais également par une offre de formations adaptées au contexte nordique et in fine par l’intégration des produits touristiques autochtones dans les mêmes conditions que celles offertes aux opérateurs étrangers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noëlle Rimaud est membre du Comité Charente-Maritime de l'Institut Français de la Mer</span></em></p>Navires à l’empreinte environnementale réduite, collaboration avec les scientifiques… Les opérateurs adaptent leur offre tandis que la demande augmente.Marie-Noëlle Rimaud, Professeur associé, pôle marketing, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1903032022-09-25T15:37:29Z2022-09-25T15:37:29ZTourisme en Asie du Sud-Est, la reprise post-Covid au défi du climat<p>Au cours des dernières décennies, l’industrie touristique a été le secteur le plus porteur de croissance dans les pays du Sud-Est asiatique : entre 2000 et 2019, le <a href="https://data.aseanstats.org/dashboard/tourism">nombre total de visites dans l’Asean</a> a augmenté progressivement, passant de 39,1 millions de personnes à 143,5 millions, avec un taux de croissance annuel moyen de 6,7 %. En dix ans, de 2010 à 2019, la contribution du tourisme au PIB a presque doublé, augmentant de 197,3 milliards de dollars à 393,12 milliards de dollars – et atteignant ainsi les 12 % du PIB de l’Asean à la fin de cette période.</p>
<p>Mais les perturbations de la mobilité mondiale <a href="https://theconversation.com/la-Covid-19-ou-comment-un-choc-planetaire-permet-de-mieux-lutter-contre-le-surtourisme-151899">induites par le Covid-19</a> et ses multiples vagues ont eu une incidence considérable sur l’industrie, le plaçant dans une position précaire.</p>
<p>Selon <a href="https://data.aseanstats.org/dashboard/tourism">ASEANStats</a>, en 2020, le nombre de visiteurs visitant l’Asean a subi son premier creux depuis 2000, avec seulement 26,1 millions de personnes, soit une baisse de 81 % par rapport à 2019. La Thaïlande, en tant que destination touristique populaire, a connu la plus forte chute des arrivées de voyageurs, de 39,9 millions en 2019 à 6,7 millions en 2020. Une <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/ditcinf2021d3_en_0.pdf">récente estimation</a> de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) met en évidence que l’Asean a perdu environ 8,4 % de son PIB total.</p>
<p>À ces pertes considérables générées par le Covid-19 se greffent celles causées par l’aggravation des catastrophes naturelles. Alors que les économies de la région reprennent progressivement leur activité touristique, notamment grâce à une vaccination rapide, l’intégration des projections climatiques au tourisme sud-est asiatique apparaît plus que jamais nécessaire.</p>
<h2>Une reprise freinée par le changement climatique</h2>
<p>Car la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes avec des tempêtes, des inondations et des sécheresses plus fréquentes, ne sera pas sans effet sur les flux touristiques. Deux effets conjoints expliquent cet impact :</p>
<p>Il est probable, d’une part, que les touristes vont progressivement fuir les zones où les conditions météorologiques deviennent imprévisibles et dangereuses, pour privilégier des endroits moins risqués.</p>
<p>Les conséquences du changement climatique, d’autre part, vont obliger les entreprises touristiques présentes dans les zones concernées à investir dans des mesures d’adaptation : construire un remblai, acquérir des équipements écologiques, réparer les dégâts des tempêtes, etc. Autant de frais qui seront inévitablement répercutés sur les consommateurs sous la forme d’une stratégie de prix plus élevés pour les produits et services touristiques.</p>
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<p>Cela pourrait inciter les touristes à <a href="https://theconversation.com/le-tourisme-post-Covid-sera-t-il-virtuel-153206">se tourner vers des destinations plus économiques</a> et, dans un cercle vicieux, diminuer les ressources des entreprises touristiques pour s’adapter au changement climatique. Pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652620342499?via%3Dihub">l’Indonésie</a>, l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique, les dernières études montrent que chaque augmentation de 1 % de la température et de l’humidité relative est associée à une baisse du nombre de touristes internationaux de 1,37 % et 0,59 %, respectivement.</p>
<h2>Les ressources naturelles endommagées</h2>
<p>Au-delà des risques et du prix, les ressources naturelles qui font l’attractivité touristique de l’Asie du sud-est souffrent en elles-mêmes du changement climatique : les plages et les récifs coralliens de l’Asean sont par exemple déjà gravement endommagés. Sur la plage de Cua Dai au Vietnam, l’érosion atteint ainsi 150 mètres sur 3 kilomètres. En Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande, on observe une augmentation significative du blanchissement des coraux.</p>
<p>Le trésor culturel se voit également affecté, puisque trois sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en Asie du Sud-Est sont parmi les plus vulnérables aux tempêtes et aux inondations : le risque de glissements de terrain dans l’ancienne Hoi An au Vietnam, le changement de végétation du parc national de Komodo en Indonésie et l’érosion des sols dans les rizières en terrasses des Cordillères aux Philippines.</p>
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<p>Malgré les confinements massifs dans de nombreux États, qui ont réduit les <a href="https://www.unwto.org/sustainable-development/climate-action">émissions de gaz à effet de serre dans le monde de 7 %</a> en 2020, cette baisse atteint à peine les objectifs de l’Accord de Paris.</p>
<p>Le Climate Action Tracker a d’ailleurs qualifié l’action climatique de l’Indonésie et du Vietnam de « très insuffisante » et a trouvé celle de Singapour et de la Thaïlande « critiquement insuffisante » – des pays pourtant très touchés par le changement climatique.</p>
<h2>Un guide d’action pour le tourisme régional</h2>
<p>Une action collective fondée sur des principes communs plutôt que des actions et des initiatives individuelles est donc indispensable. Pour l’industrie du tourisme, il existe actuellement un <a href="https://asean.org/wp-content/uploads/2012/05/ATSP-2016-2025.pdf">plan stratégique du tourisme de l’Asean 2016-2025</a>, qui met l’accent sur la préservation de l’environnement et les mesures d’adaptation au changement climatique dans la croissance du tourisme.</p>
<p>Pour aller plus loin, l’Asean pourrait s’inspirer des projets menés dans d’autres régions, comme le Guide stratégique d’Eco-union pour l’adaptation au changement climatique des destinations touristiques pour la Méditerranée. Il offre des cadres et des pratiques spécifiques pour le tourisme d’adaptation au changement climatique à choisir et évaluer avec les acteurs locaux. Le processus de planification stratégique devra ensuite définir et attribuer des rôles et des devoirs aux parties prenantes afin de transformer les objectifs d’adaptation en actions.</p>
<p>Les métropoles, qui sont des sites très populaires de l’Asean ne doivent pas non plus être négligées. Le Guide de l’OMC sur l’adaptation au changement climatique dans les villes suggère à ces dernières de modifier leurs plans directeurs en matière d’utilisation des terres et de transport, tout en investissant dans les infrastructures pour accroître la résilience – comme l’amélioration du réseau routier dans une plaine inondable densément peuplée, par exemple.</p>
<p>Les rapports soulignent aussi la nécessité de collecter des données afin de suivre, vérifier et évaluer l’efficience et l’efficacité des efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<h2>Des pays inégaux face aux enjeux</h2>
<p>L’Asean est par ailleurs une région hétérogène en matière de développement. Les pays les plus « avancés » de la zone, comme Singapour et la Malaisie, possèdent les ressources pour promouvoir un tourisme mieux adapté au changement climatique.</p>
<p>La <a href="https://www.germanwatch.org/sites/default/files/publication/20432.pdf">Thaïlande, le Vietnam ou le Myanmar</a> sont les plus lourdement concernés à long terme par le changement climatique mais ne disposent pas de moyens (financières, technologiques) abondants pour faire face.</p>
<p>Dans l’urgence actuelle, la stratégie de réouverture dans ces pays à la fois vulnérables aux dérèglements et très dépendants du tourisme doit se pencher attentivement sur les enjeux environnementaux. Car si les catastrophes climatiques dégradent les attractions touristiques, cette attractivité deviendra difficile à conserver.</p>
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<p><em>Thu Giang Nguyen, enseignante-chercheuse à la Faculté d’économie internationale de l’Université du commerce extérieur du Vietnam, a contribué à la rédaction de cet article. Cet article est une version développée d’un article publié pour la première fois dans <a href="https://fulcrum.sg/hot-and-bothered-climate-challenges-for-aseans-tourism-reopening/">Fulcrum</a>, le site de commentaires et d’analyses de l’ISEAS-Yusof Ishak Institute.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Phi Minh Hong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les économies de la région reprennent leur activité touristique, la prise en compte des projections climatiques apparaît plus que jamais centrale.Phi Minh Hong, Assistant Professor of Economics, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.