tag:theconversation.com,2011:/fr/topics/valorisation-des-dechets-67758/articlesvalorisation des déchets – The Conversation2024-01-25T09:55:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2212722024-01-25T09:55:07Z2024-01-25T09:55:07ZL’obligation de tri des biodéchets va-t-elle enfin faire décoller la méthanisation en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570710/original/file-20240122-15-tacfxw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une unité de méthanisation agricole</span> <span class="attribution"><span class="source">Jérémy-Günther-Heinz Jähnick </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) impose depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024 à tous les professionnels de trier les biodéchets, et en particulier aux collectivités locales de fournir des solutions de collecte des biodéchets aux particuliers.</p>
<p>De quoi accélérer le développement de la méthanisation en France ? En tout cas de quoi sérieusement reconfigurer le secteur : jusqu’alors, la méthanisation était surtout pratiquée en milieu rural par des agriculteurs.</p>
<p>Elle tend désormais à se développer en <a href="https://theconversation.com/micro-methaniseurs-la-solution-pour-mieux-valoriser-les-dechets-en-ville-81723">milieu urbain</a>, péri-urbain et industriel avec même, parfois, des innovations inattendues comme la micro-méthanisation dans des conteneurs maritimes. Tour d’horizon.</p>
<h2>Un besoin de valorisation croissant</h2>
<p>Jusqu’au 30 décembre 2023, les organisations générant moins de cinq tonnes de déchets par an n’avaient pas d’obligation de les trier. Mais depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024, tous les professionnels sont concernés sans seuil minimum.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><a href="https://alchimistes.co/obligation-compostage-dechets-alimentaires/#entreprises">Même les plus petits</a> : restaurants proposant moins de 150 couverts par jour, hôtels de moins de 100 lits, points de vente alimentaires de moins 900 mètres carré, cantines scolaires de moins de 350 élèves ou Ehpad de moins de 70 résidents…</p>
<p>Du côté des particuliers, ceux-ci ne sont formellement pas obligés à trier, mais <a href="https://theconversation.com/dechets-alimentaires-a-quoi-va-servir-le-nouveau-tri-a-la-source-221052">fortement incités à le faire</a> parce que les communes ont l’obligation depuis 2024 de leur fournir une solution de collecte des biodéchets. La <a href="https://www.fnade.org/ressources/documents/source/1/4866-ANALYSE-PROSPECTIVE-FNADE-D-ORIENTATION-DES-FLUX-DE-DECHETS-A-HORIZON-2050-VDEF.pdf">croissance du flux de biodéchets à traiter</a> devrait ainsi s’accélérer au cours des prochaines années.</p>
<p>Une croissance qui va profiter au <a href="https://theconversation.com/lhistoire-peu-connue-du-compost-en-france-de-la-chasse-a-lengrais-a-la-chasse-au-dechet-220411">compostage</a> et à la méthanisation, deux solutions préconisées par les pouvoirs publics pour valoriser les biodéchets.</p>
<p>En tant qu’outil de la transition énergétique et compte tenu de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie Nationale Bas-Carbone de la France</a>, la méthanisation devrait logiquement être privilégiée par les entreprises et les collectivités locales convaincues par le besoin de décarbonisation.</p>
<h2>Quel modèle d’affaires pour la méthanisation ?</h2>
<p>La méthanisation est un processus de conversion de la matière organique en biogaz, c’est-à-dire en méthane d’origine biologique. Son essor répond à des enjeux d’économie circulaire – réduction et recyclage des biodéchets – et de décarbonisation de l’économie – baisse des émissions de gaz à effet de serre.</p>
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<p>Il existe évidemment des enjeux d’aménagement du territoire et d’emploi dans les territoires ruraux qui <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-territoires-doivent-semparer-de-la-bioeconomie-76243">sous-tendent le développement territorial de la méthanisation</a>.</p>
<p>De fait, aujourd’hui la méthanisation est principalement pratiquée par des <a href="https://eci-sig.ademe.fr/adws/app/bb11ce07-5cc9-11eb-a8fe-7dd6c4f9bb1d/index.html">exploitations agricoles situées en milieu rural</a>. Leurs intrants sont les effluents d’élevage, certains <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vZJ1Di_BuP8">déchets agricoles</a> ou agroalimentaires et les <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-quune-culture-intermediaire-vocation-energetique">cultures intermédiaires à vocation énergétique</a> (CIVE), plantées et récoltées entre deux récoltes principales afin d’être valorisées dans les usines de méthanisation.</p>
<p>Les méthaniseurs peuvent être exploités par des agriculteurs seuls ou encore par des groupements dont la taille peut aller de <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/dechets/ces-agriculteurs-du-finistere-veulent-transformer-les-biodechets-en-energie-et-en-engrais-ca985cb6-644e-11ee-84ee-9e4a9c99baa2">quelques agriculteurs</a> à <a href="https://www.lepopulaire.fr/peyrat-de-bellac-87300/agriculture/la-methanisation-a-grande-echelle-le-pari-de-74-agriculteurs-de-haute-vienne-et-de-l-indre_13684935/">plusieurs dizaines</a>. Ces groupements sont souvent nécessaires pour rassembler le capital nécessaire à la construction de l’unité et surtout disposer d’un volume suffisant de matière organique pour alimenter le méthaniseur.</p>
<p>En effet, la matière première est stratégique dans le modèle d’affaires du biogaz. Il faut trouver un volume de déchets suffisant car les unités doivent fonctionner au maximum de leur capacité pour être rentables. Il faut également que la matière ait un pouvoir « méthanogène » le plus élevé possible pour produire le maximum de biogaz. Or, des différences existent <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2013-3-page-44.html">entre les différents types de biodéchets</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571137/original/file-20240124-23-pemai3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre d’unités de méthanisation par région et répatition sectorielle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ADEME-SINOE/Business Geografic -- Ciril GROUP</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelques unités de <a href="https://eci-sig.ademe.fr/adws/app/bb11ce07-5cc9-11eb-a8fe-7dd6c4f9bb1d/index.html">méthanisation non agricoles existent aujourd’hui en France</a>, en particulier en <a href="https://www.arec-idf.fr/prometha/la-filiere-francilienne/etat-des-lieux/#notedbdp">Ile-de-France</a>, mais leur nombre est dérisoire par rapport à l’ensemble des unités en fonctionnement.</p>
<p>L’augmentation des volumes de biodéchets à traiter dans les métropoles peut amener ce type de méthanisation à se développer, tout comme les <a href="https://projet-methanisation.grdf.fr/la-methanisation/la-methanisation-quest-ce-que-cest/les-typologies-des-sites-en-injection">unités agricoles territoriales</a> situées à proximité des grands centres urbains, et qui pourraient gérer tout à la fois des déchets agricoles et des déchets urbains.</p>
<h2>Zones industrielles et toits d’hypermarchés</h2>
<p>Dans la mesure où la méthanisation est essentiellement rurale et que le gisement de biodéchets est plutôt urbain, de nouveaux acteurs se positionnent avec des stratégies d’implantation encore jamais vues : dans des zones industrielles et même sur le toit d’hypermarchés en milieu urbain !</p>
<p>La start-up Bee & Co, par exemple, propose des unités de micro-méthanisation dans des conteneurs maritimes. Un tel équipement a été <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/de-lassiette-a-lelectron-veolia-teste-la-methanisation-ultra-locale-a-marseille-2039362">installé à Marseille par Véolia sur le toit d’un centre commercial</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571141/original/file-20240124-29-jmn6ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De petites unités de méthanisation peuvent être installées dans des conteneurs maritimes. De quoi les installer partout.</span>
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<p>On assiste également à un redécoupage des fonctions. Par exemple, jusqu’alors, l’<a href="https://projet-methanisation.grdf.fr/cms-assets/2021/09/GUIDE-HYGIENISATION-VF-sept21.pdf">hygiénisation des biodéchets</a> – c’est-à-dire l’élimination des agents pathogènes par un processus de réchauffement des biodéchets à 70 °C – était réalisée à la ferme. Or, on assiste depuis quelques temps à la création d’unités spécialisées dans ce domaine, qui <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/dechets/faire-du-gaz-avec-nos-dechets-de-table-d15dd78e-99d1-11ee-97d2-9b86ef7e3954">pré-traitent les biodéchets avant de les envoyer chez les méthaniseurs</a>.</p>
<p>Cette réorganisation des fonctions permet de traiter davantage de biodéchets, de façon plus industrielle et en réalisant des économies d’échelle.</p>
<p>De nouveaux collecteurs et transporteurs de déchets sont également apparus. C’est le cas de <a href="https://actu.fr/normandie/le-havre_76351/elle-valorise-les-dechets-de-la-coquille-saint-jacques-une-entreprise-du-havre-recompensee_47233562.html">Bin’Happy</a>, entreprise créée au Havre et qui se développe actuellement sur toute la Normandie.</p>
<p>Outre les économies d’échelle, c’est la proximité à la fois géographique et relationnelle qui est recherchée par les opérateurs.</p>
<h2>Des méthaniseurs oui, mais loin des yeux</h2>
<p>Réussir un projet de méthanisation ne va pas de soi. Lorsque la distance entre les habitations et l’unité de méthanisation n’est pas considérée comme suffisante par les citoyens, cela peut créer de la contestation.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/ca-sent-le-gaz-pour-la-methanisation-en-france-68401">L’opposition aux projets de méthanisation</a> prend souvent la forme du phénomène <a href="https://www.scienceshumaines.com/syndrome-nimby-et-interet-general_fr_10872.html">NIMBY, pour « Not in my backyard »</a> (ce que l’on pourrait traduire par « Pas de ça chez moi »).</p>
<p>Ce à quoi les opposants ajoutent d’autres arguments, tels que des problèmes d’odeurs ou de trafic de camions accru que les projets de méthanisation peuvent engendrer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-methanisation-a-t-elle-mauvaise-presse-88280">pour les riverains</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-methanisation-a-t-elle-mauvaise-presse-88280">Pourquoi la méthanisation a-t-elle mauvaise presse ?</a>
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<p>Pour autant, il ne faut pas réduire l’opposition des riverains au seul phénomène NIMBY. Une <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/6619">étude</a> a montré que l’acceptation sociale d’un projet de méthanisation au niveau local dépend de la juste répartition des bénéfices et des inconvénients.</p>
<p>Autrement dit, d’une bonne gestion du projet qui passe par une participation active des habitants, et non pas une simple consultation « descendante », ainsi que de la confiance et de la transparence entre les promoteurs du projet et les résidents.</p>
<p>Car la méthanisation n’est pas seulement un projet énergétique, c’est un projet de territoire. C’est ce qu’est venu récemment rappeler une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1462901122002076">autre étude</a>, qui rappelle que la méthanisation implique des décisions qui affectent le développement, l’environnement et la population locale d’un territoire.</p>
<p>Alors comment faire ? Une piste serait le renforcement des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09640568.2019.1680158">gouvernances territoriales</a> afin de s’assurer que ces décisions soient prises de manière « inclusive », en tenant compte des besoins et des aspirations de tous les acteurs locaux.</p>
<p>Cela passe par une plus grande implication des citoyens qui va au-delà de la simple consultation. Par exemple grâce au financement participatif, qui a l’avantage d’associer de façon active les habitants et de redistribuer les bénéfices de l’unité. C’est ainsi que des éleveurs de vaches laitières en Loire-Atlantique, à Blain, ont réussi à mobiliser les investisseurs privés pour <a href="https://fr.enerfip.eu/placer-son-argent/investissement-bioenergie/biogaz-de-l-isac/">financer la construction de l’unité de méthanisation de biogaz de l’Isac</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La chaire "Modèles entrepreneuriaux en agriculture", dirigée par Roland Condor, a reçu des financements de la Région Normandie, de Cerfrance Normandie et du Crédit Mutuel Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’alors, la méthanisation a surtout été déployée en France par le secteur agricole. L’obligation de tri des biodéchets peut-elle l’aider à se généraliser, malgré l’opposition récurrente des riverains ?Sebastien Bourdin, Professeur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieRoland Condor, Titulaire de la chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture », EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210522024-01-25T09:54:59Z2024-01-25T09:54:59ZDéchets alimentaires : à quoi va servir le nouveau tri à la source ?<p>Le 1<sup>er</sup> janvier 2024 est entrée en vigueur l’obligation, pour toutes les collectivités, de <a href="https://infos.ademe.fr/economie-circulaire-dechets/2024/le-tri-a-la-source-des-biodechets-cest-maintenant/">proposer à leurs habitants une solution de tri à la source</a> et de valorisation de leurs biodéchets : autrement dit, de l’ensemble de leurs déchets alimentaires et déchets verts.</p>
<p>En France, les biodéchets représentaient en 2017 83kg par habitant et par an, correspondant à <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4351-modecom-2017-campagne-nationale-de-caracterisation-des-dechets-menagers-et-assimiles.html">1/3 de nos ordures ménagères</a>. Précisons que l’enjeu actuel pour les collectivités porte surtout sur les déchets alimentaires, produits par toute la population ; les déchets verts étant dans la majorité des cas traités sur place ou grâce à des solutions déjà existantes.</p>
<p>Si elle exige pour les consommateurs et les collectivités de s’y adapter, cette nouvelle étape dans le tri des déchets est <a href="https://theconversation.com/dechets-verts-et-alimentaires-des-detritus-sous-exploites-77112">indispensable</a> d’un point de vue énergétique et environnemental, puisqu’elle va d’une part éviter une incinération et un enfouissement qui n’avaient pas lieu d’être, et d’autre part générer des bénéfices environnementaux pour la production d’énergie et l’agriculture : ces biodéchets auront en effet deux destinations principales, les <a href="https://theconversation.com/lhistoire-peu-connue-du-compost-en-france-de-la-chasse-a-lengrais-a-la-chasse-au-dechet-220411">amendements organiques</a> et le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/methanisation-33105">biométhane</a>.</p>
<h2>Où en est-on ?</h2>
<p>La mise en place de cette réglementation est le fruit d’un long processus débuté il y a une dizaine d’années. En 2010, le Grenelle II de l’environnement initiait le processus, puis la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-relative-transition-energetique-croissance-verte-tepcv">loi de transition écologique pour la croissance verte</a> du 17 août 2015 fixait une échéance de tri des biodéchets pour tous les producteurs (et non seulement les gros producteurs non ménagers) au 1<sup>er</sup> janvier 2025.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1528981579179&uri=CELEX:32018L0851">L’Union européenne</a> a ensuite repris cette mesure pour l’appliquer à l’ensemble des États-membres et en a avancé l’échéance à 2024. Les collectivités connaissaient donc le changement à venir depuis 2015. Pourtant, en décembre 2023, seuls 30 % de la population française, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), est couverte par une solution de tri à la source de ses biodéchets. Ce chiffre devrait atteindre les 40 % courant 2024.</p>
<p>Parmi les freins qui expliquent ce retard, on peut citer l’extension parallèle des consignes de tri pour la poubelle jaune à emballages. Certaines collectivités ont priorisé cette question, repoussant à 2024 celle des biodéchets. En outre, la loi n’étant pas punitive pour les collectivités qui ne mettraient pas en place ce tri, la seule sanction qui s’appliquent à elles est indirecte : la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042910922">taxe générale sur les activités polluantes</a> (TGAP), qui s’applique aux poubelles noires, augmente depuis 2019 et jusqu’en 2025 passant de 17€/tonne à 65€/tonne pour les installations de stockage de déchets non dangereux.</p>
<p>Les collectivités ont donc intérêt, en principe, à en diminuer le volume en sortant les biodéchets. Pourtant, la mise en place de la gestion de ce nouveau flux représente, elle aussi, un coût important pour la collectivité. Les solutions de tri à la source et la valorisation impliquent en effet des investissements, qui sont accompagnés par l’État via des fonds dédiés aux biodéchets, comme le <a href="https://aides-territoires.beta.gouv.fr/aides/bab0-soutenir-le-tri-a-la-source-et-la-valorisatio/">Fonds vert en 2024</a>.</p>
<h2>Deux formes de tri à la source</h2>
<p>Pour la mise en place du tri des biodéchets, deux choix s’offrent aux collectivités : la gestion de proximité ou la collecte – au porte à porte ou via des bornes d’apport volontaire proches de leurs logements, dans lesquels les citoyens viennent déposer leurs déchets.</p>
<p>Dans le premier cas, il s’agit d’un compostage individuel ou partagé dans les résidences où c’est adapté : les déchets sont compostés sur place – un processus d’une durée de 9 mois – puis sont utilisés par les habitants eux-mêmes sur leurs espaces verts – potager, plates-bandes, pots de fleurs, pelouse…</p>
<p>Dans le second cas, les biodéchets sont collectés et envoyés vers une unité de traitement : soit une compostière industrielle, soit un méthaniseur.</p>
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<p>Restes de repas, épluchures, coquilles d’œufs… Les déchets alimentaires étant assez spéciaux à traiter, les plates-formes doivent pour y être autorisées obtenir des agréments sanitaires : ce sont des ensembles de protocoles et de règles à respecter pour s’assurer qu’il n’y a aucun risque pour la santé des humains et des animaux (hygiénisation, montée en température et surveillance des potentiels pathogènes). Ces installations requièrent donc des équipements spécifiques.</p>
<h2>Matière organique pour restaurer nos sols</h2>
<p>Commençons par l’usage le plus répandu, à savoir le compostage. En plein air ou plus rarement à l’intérieur, la matière se transforme en compost au cours d’un processus qui dure entre 4 et 6 mois : l’activité des micro-organismes fait monter en température les biodéchets jusqu’à 70 °C, ce qui vient dégrader la matière organique. S’ensuivent des phases de maturation qui aboutissent à l’obtention d’une matière stable et d’un compost mûr.</p>
<p>Ce compost est ensuite revendu au milieu agricole et va servir à enrichir le sol en matière organique, afin de lui conférer une meilleure rétention de l’eau et limiter l’érosion des sols. Un enjeu crucial de préservation des sols et des cultures, dans un contexte de fréquence accrue des épisodes de sécheresse. Il diminue en parallèle les besoins en engrais, dont l’usage augmente à mesure que les sols se dégradent.</p>
<h2>Méthanisation pour la souveraineté énergétique</h2>
<p>L’autre possibilité pour la valorisation des biodéchets est la méthanisation : sous l’action de micro-organismes naturellement présents dans les biodéchets, la matière organique est dégradée lors d’un processus appelé fermentation anaérobique. Cette dégradation est réalisée en conditions contrôlées et en enceinte fermée qui permet l’absence d’oxygène, contrairement au compostage qui est une réaction aérobie.</p>
<p>De cette réaction est obtenue du biogaz ainsi qu’une fraction solide – le digestat – qui est généralement recompostée ou épandue directement sur des sols agricoles. Contrairement au compostage, la méthanisation ne monte pas suffisamment en température pour hygiéniser les déchets alimentaires. Les installations doivent donc investir dans des équipements supplémentaires pour cette étape obligatoire de traitement.</p>
<p>Cette production de biogaz, réinjectée dans les réseaux, constitue un substitut du gaz naturel importé et répond donc à un enjeu de souveraineté énergétique – le gaz naturel représente <a href="https://www.grdf.fr/institutionnel/role-transition-ecologique/gaz-energie-avenir/gaz-mix-energetique">16 % du mix énergétique en France et 42 % de notre consommation en chauffage</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lobligation-de-tri-des-biodechets-va-t-elle-enfin-faire-decoller-la-methanisation-en-france-221272">L’obligation de tri des biodéchets va-t-elle enfin faire décoller la méthanisation en France ?</a>
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<h2>Choix territorial, enjeu foncier et acceptabilité</h2>
<p>Mais le choix va surtout répondre à des enjeux territoriaux. En effet, la répartition des unités de traitement déjà existantes s’inscrit dans une logique historique : dans les zones qui pratiquaient et pratiquent l’élevage, les méthaniseurs sont nombreux puisque le besoin en compost est faible tandis que la méthanisation permet de valoriser les effluents d’élevage ou les résidus de culture chez les céréaliers.</p>
<p>Dans le sud de la France, les plates-formes de compostage sont plus plébiscitées puisque les cultures sont plutôt maraîchères (vergers, viticulture, etc.). L’enjeu d’installation des plates-formes étant de bien s’assurer du besoin territorial de la matière produite, le but n’étant pas de produire du compost à Lille pour l’envoyer à Marseille.</p>
<p>Au fur et à mesure du développement de la filière émergent des enjeux importants sur le foncier avec une forte concurrence entre les secteurs : où installer les nouvelles plates-formes ? Comment adapter l’existant ? A cela se mêlent des enjeux d’acceptabilité, ces solutions pouvant générer des nuisances selon l’endroit où elles se trouvent. Généralement les installations de traitement de déchets sont éloignées des aires d’habitation.</p>
<p>À ce stade, aucune des deux n’est plus préconisée que l’autre. Des études menées par l’Ademe sont en cours sur l’analyse cycle de vie complète de chaque procédé afin d’évaluer les coûts environnementaux associés à chacun au regard des bénéfices qui en découlent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Muriel Bruschet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle obligation du tri à la source pour les collectivités, encore peu mise en œuvre, est pourtant indispensable.Muriel Bruschet, Référente Nationale Biodéchets, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069012023-06-14T16:38:42Z2023-06-14T16:38:42ZPourra-t-on un jour traiter des cancers avec des sous-produits de l’industrie textile ?<p>Les cancers sont la cause principale de mortalité précoce dans les pays développés, entraînant <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/le-cancer-devient-la-premiere-cause-de-deces-dans-les-pays-riches-1128575">près de 1,5 million de décès annuels dans l’Union européenne</a>. Ils constituent un enjeu de santé publique majeur. La diversité de leurs formes, localisations et expressions implique que les traitements mettent en œuvre une grande variété de modalités thérapeutiques complémentaires, des <a href="https://www.mediachimie.org/ressource/zoom-sur-les-traitements-des-cancers-petites-ou-grosses-mol%C3%A9cules">rayons X, chimiothérapie, chirurgie, immunothérapie entre autres</a>.</p>
<p>Parmi l’arsenal des traitements développés pour cibler des cancers de types très différents, la <a href="https://doi.org/10.3389/fchem.2021.686303">« photochimiothérapie »</a> (dite aussi photothérapie dynamique ou <em>PDT</em> en anglais) utilise l’interaction entre un colorant et une source lumineuse, qui génère des composés chimiques qui sont toxiques pour les cellules. </p>
<p>Ce protocole thérapeutique est utilisé depuis une quarantaine d’années, et de manière croissante depuis le début des années 2000, en milieu clinique principalement pour le <a href="https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-424/nouvelle-lumiere-sur-la-therapie-photodynamique-cutanee">traitement de cancers de la peau ou de l’épithélium</a>, mais également dans le <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2007/02/medsci2007232p127/medsci2007232p127.html">traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge</a> (une maladie caractérisée par le développement anarchique de vaisseaux sanguins au niveau du centre la rétine conduisant à une dégradation puis une perte progressive de la vue). </p>
<p>La photochimiothérapie présente des avantages en comparaison aux autres chimiothérapies, notamment parce qu’elle permet de cibler plus finement les cellules cancéreuses (par rapport aux cellules saines de l’organisme) par une irradiation lumineuse sélective.</p>
<p>Avec nos collaborateurs, nous avons <a href="https://doi.org/10.1093/nar/gkad365">récemment montré</a> qu’une nouvelle molécule, dérivée d’un colorant abondamment utilisé dans l’industrie, présente des propriétés remarquables pour la photochimiothérapie. Nous espérons qu’elle pourrait être une perspective intéressante dans de futurs protocoles de traitement de cancers par cette méthode.</p>
<h2>La lumière peut transmettre de l’énergie à son environnement</h2>
<p>La lumière est porteuse d’énergie. Cette même énergie qui permet la photosynthèse et apporte à la terre les conditions climatiques propices au développement de la vie est absorbée par les molécules et matériaux qui constituent notre environnement, ce qui <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/numero/les-couleurs-de-la-vie-mecanismes-de-production-fonctions-et-diversite-p12-n397-398/?lang=en">leur confère leur couleur</a>. Certaines molécules, appelées « colorants » ou « pigments », présentent des teintes particulièrement vives et caractéristiques qui ont été mises à profit depuis l’aube de l’humanité <a href="https://www.mediachimie.org/sites/default/files/chimie_art_129.pdf">pour la réalisation d’œuvres picturales ou la teinture de vêtements, comme pour le colorant utilisé comme base moléculaire dans notre étude, en particulier</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fiole de colorant photoluminescent" src="https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530335/original/file-20230606-17-sfan3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le composé de la nouvelle étude est dérivé d’un colorant industriel. À la lumière du jour, il est jaune, mais sous ultra-violets, il apparaît vert : c’est la photoluminescence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Clément Cabanetos</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Suite à l’absorption d’un photon, chaque molécule de colorant atteint un état d’énergie élevé, dit « excité », qui est par nature instable : afin de retrouver sa stabilité, la molécule va chercher à se débarrasser de cet excès d’énergie. Généralement, elle <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Photoacoustique">vibre fortement et transmet cette chaleur à son environnement</a>. </p>
<p>Elle peut aussi se désexciter en émettant un nouveau photon, d’énergie un peu plus basse que celui absorbé – et donc d’une couleur différente. Ce phénomène est appelé <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/physique-photoluminescence-15951/">« photoluminescence »</a> et explique par exemple la <a href="https://www.123couleurs.fr/exp%C3%A9riences/exp%C3%A9riences-lumi%C3%A8re/el-fluophospho/">brillance des vêtements blancs sous l’éclairage ultra-violet des boîtes de nuit</a>.</p>
<p>Lorsqu’aucun de ces deux mécanismes n’est possible, la molécule utilise son énergie excédentaire pour produire des transformations chimiques. C’est ce qu’on appelle la « photochimie », dont les utilisations pratiques couvrent une très large gamme d’applications, allant du <a href="https://www.mediachimie.org/sites/default/files/Lumiere_p19.pdf">stockage de l’énergie à la production de médicaments ou de matériaux polymères</a>.</p>
<h2>Comment utiliser la lumière pour attaquer des cellules cancéreuses ?</h2>
<p>Une application moins connue mettant en jeu ce processus est la photochimiothérapie. Le concept est relativement simple : une molécule, appelée « photo-sensibilisateur », est appliquée localement sur la zone à traiter, ou injectée par voie intraveineuse. Elle s’accumule dans les cellules cancéreuses, idéalement avec une forte sélectivité (c’est-à-dire qu’elle ne s’accumule pas, idéalement, dans les cellules saines). </p>
<p>Puis, sous l’effet d’une irradiation lumineuse, dont la longueur d’onde peut s’étendre, suivant le type de tumeur à traiter et la profondeur ciblée, du <a href="https://doi.org/10.3389/fchem.2022.967312">proche UV au proche infrarouge</a> la molécule excitée va transmettre l’énergie absorbée aux molécules voisines, en premier lieu de <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/2007-308-309-mai-juin-p.26-Barberi.pdf">dioxygène</a>. </p>
<p>Le dioxygène est en effet présent partout dans l’organisme car il est un carburant indispensable à la production d’énergie par la machinerie cellulaire. Mais sa forme excitée, dite « singulet », conduit à un emballement de sa réactivité chimique. Ainsi, <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/36118-Le-double-visage-radicaux-libres-fois-cause-protection-cancer">produire cette forme excitée « singulet » à proximité de biomolécules aussi importantes que l’ADN ou l’ARN</a> fait l’effet d’une bombe : des cascades de réaction oxydatives conduisent à la <a href="https://doi.org/10.3390/molecules28104085/">dégradation des séquences de bases nucléiques</a>, qui codent l’information génétique. Ceci empêche la production de protéines, enzymes et autres biomolécules indispensables au bon fonctionnement de la cellule.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="deux photos de microscopie" src="https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530372/original/file-20230606-17-aygjdi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des cellules cancéreuses avant et après traitement par une nouvelle molécule sensible à la lumière. Le colorant rouge est un indicateur indirect de la dégradation cellulaire. La barre d’échelle représente 20 micromètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marco Deiana et Nasim Sabouri, Université de Umea, Suède</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Devenue non viable, la cellule va rapidement déclencher une cascade de mécanismes qui conduit à sa mort par « apoptose » et à son <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2002/07/medsci2002188-9p853/medsci2002188-9p853.html">élimination par le système immunitaire</a>.</p>
<p>La photochimiothérapie présente de <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/numero/lutte-contre-le-cancer-un-arsenal-therapeutique-progressivement-renouvele-p118-n270/?lang=en">nombreux avantages, notamment par rapport aux autres chimiothérapies</a> classiquement utilisées dans le traitement du cancer : bien que dans toute chimiothérapie, le traitement soit dès l’origine conçu pour s’accumuler préférentiellement dans les tissus cancéreux, une certaine proportion de la molécule va inévitablement s’accumuler dans des cellules saines, notamment si ces dernières ont des phases de multiplication rapide. C’est ainsi que la <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/cancer/pr%C3%A9vention-et-traitement-du-cancer/effets-secondaires-de-la-chimioth%C3%A9rapie">plupart de ces traitements s’accompagnent</a>, parmi les effets secondaires les plus visibles, d’une perte des cheveux, et sont généralement mal tolérés par l’organisme. </p>
<p>Dans le cas de la photochimiothérapie, ces effets secondaires sont minimisés par le fait que l’activation du traitement nécessite, en plus de la molécule, un second levier : l’irradiation lumineuse du tissu à traiter. </p>
<p>En revanche, le traitement par photochimiothérapie est <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-lumiere-a-lassaut-du-cancer">limité par la profondeur de pénétration de la lumière</a>, ce qui <a href="https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/AETMIS/Rapports/Cancer/2004_01_fr.pdf">restreint son utilisation aux cancers superficiels de la peau (carcinomes), ou accessibles par endoscopie</a> (cancers de la vessie, de la prostate, de l’œsophage, des poumons…) ou encore en <a href="https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2013/02/photon201364p31.pdf">appui à une intervention chirurgicale d’exérèse (c’est-à-dire retrait) de la tumeur</a> notamment par coelioscopie. </p>
<p>Dans ce cadre, les travaux pionniers d’une équipe française Inserm du CHU de Lille ont conduit au développement d’une <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2018/12/msc180138/msc180138.html">approche novatrice alliant microchirurgie et photochimiothérapie pour le traitement du glioblastome</a>, l’une des formes de tumeurs cérébrales les plus agressives.</p>
<h2>Une nouvelle molécule prometteuse pour la photochimiothérapie</h2>
<p>Ainsi, nous avons développé avec nos collègues du CNRS, de l’université d’Anjou, de l’ENS, de l’université de Yonsei en Corée du Sud et de l’université d’Umea en Suède une nouvelle molécule dont les premières études <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/lutte-contre-le-cancer-une-molecule-derivee-d-un-colorant-textile-s-attaque-aux-cellules-cancereuses_5802002.html">semblent indiquer</a> une efficacité exceptionnelle en photochimiothérapie. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="simulation moléculaire" src="https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530342/original/file-20230606-29-kt0qxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interaction du colorant (orange) avec des petits fragments d’ADN (bleu) – modélisation moléculaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Natacha Gillet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette molécule a été conçue selon le <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/chimie/quel-avenir-pour-le-recyclage-du-plastique-25043.php">principe du « surcyclage »</a>, c’est-à-dire la valorisation par modification chimique d’une molécule existante afin de lui apporter de nouvelles propriétés. </p>
<p>La molécule que nous avons utilisée est un colorant jaune utilisé à la tonne depuis les années 1970 comme <a href="http://www.epsilonpigments.com/solvent-dyes/oil-soluble-dyes/Solvent-Yellow/Solvent-Yellow-98.html">colorant pour l’industrie textile et plastique</a>. Nous avons fonctionnalisé ce colorant en lui ajoutant des groupements chimiques, ce qui la rend extrêmement photosensible et capable d’exciter la forme singulet du dioxygène. </p>
<p>Au contact des cellules cancéreuses (<em>in vitro</em>, sur cellules cancéreuses ou <em>ex vivo</em> sur des <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2022/09/msc220192/msc220192.html">organoïdes tumoraux de pancréas de souris</a>), le colorant s’accumule spécifiquement au sein des « exosomes ». Les exosomes sont des compartiments cellulaires surexprimés dans les cellules cancéreuses, qui sont <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2018/04/medsci2018344p303/medsci2018344p303.html">impliqués dans la communication intercellulaire</a>, et <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2021/12/msc200648/msc200648.html">très probablement dans les processus de diffusion des cancers par métastase</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cancer-ce-ne-sont-pas-seulement-les-cellules-qui-deraillent-mais-tout-leur-environnement-183384">Cancer : ce ne sont pas seulement les cellules qui déraillent, mais tout leur environnement</a>
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<p>Nous avons identifié, à l’intérieur de ces exosomes, que la molécule de colorant modifié interagit avec des fragments spécifiques d’ADN. Sous irradiation par lumière bleue, ces fragments se dégradent fortement, ce qui conduit à une mort cellulaire. De façon cruciale, cette mort cellulaire est atteinte à des concentrations du colorant photosensibilisateur 10 à 100 fois inférieures aux composés utilisés cliniquement, généralement accumulés dans le noyau ou les mitochondries des cellules (des compartiments considérés comme les rouages essentiels de la machinerie cellulaire). </p>
<p>En revanche, en l’absence d’irradiation, aucune toxicité n’est observée même à des concentrations élevées de la molécule, ce qui laisse espérer des effets secondaires modérés en comparaison aux traitements PDT existants, <a href="https://goodmed.com/medicaments/61430956">par exemple la temoporfin</a>. Bien que le chemin soit encore long avant une utilisation clinique, cette molécule et plus généralement le ciblage des exosomes pour la PDT apparaissent riches en promesses.</p>
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<p><em>Les projets <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-EURE-0012">Molecular Materials for Organic Electronics/Photonics</a> et <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE05-0029">Benzothioxanthene et dérivés : motifs prometteurs pour l'électronique organique – BTXI-APOGEE</a> sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>brevet d'invention (suède) portant sur la découverte, non encore publié.
Financement public de mes recherches même si pas sur projet portant directement sur l'invention</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Cabanetos a reçu des financements de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche) : APOGEE (ANR-20-CE05-0029); EUR LUMOMAT (ANR-18-EURE-0012)</span></em></p>Une nouvelle étude montre qu’un dérivé de colorant industriel permet de détruire des cellules cancéreuses « in vitro » et « ex vivo » et pourrait un jour compléter l’arsenal de la photothérapie dynamique.Cyrille Monnereau, Docteur en chimie et science des matériaux, professeur associé, ENS de LyonClément Cabanetos, CNRS researcher, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2002462023-03-21T17:49:30Z2023-03-21T17:49:30ZPourquoi mettre des matières plastiques dans son composteur est une mauvaise idée<p>Les Français ont pris l’habitude de trier leurs déchets quotidiens – emballages plastiques, papier ou <a href="https://theconversation.com/dechets-verts-et-alimentaires-des-detritus-sous-exploites-77112">biodéchets</a> (déchets de cuisine, de repas ou de jardin). Le <a href="https://theconversation.com/temoignage-compostou-une-recherche-action-au-service-des-ecosystemes-et-de-la-population-143570">compostage domestique</a> s’est ainsi largement répandu dans l’habitat individuel. Les composts obtenus permettent ainsi aux particuliers d’enrichir la terre de leurs jardins en matière organique. Dans le cas de l’habitat collectif, des composteurs de proximité offrent parfois la possibilité de déposer des biodéchets, ce qui nécessite davantage d’organisation et de suivi pour les utilisateurs.</p>
<p>Ces pratiques sont appelées à se développer de plus en plus : dès le 31 décembre 2023, il sera en effet interdit de jeter ses biodéchets dans la poubelle classique. Conformément à la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/">loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire</a>, ils devront être triés à la source afin d’être valorisés.</p>
<p>Par dérogation, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045393787">arrêté du 15 mars 2022</a> autorisera la collecte conjointe de certains <a href="https://theconversation.com/plastiques-la-delicate-question-du-cycle-de-vie-des-emballages-150014">emballages</a> et déchets compostables, méthanisables et biodégradables avec ces biodéchets. Il sera alors possible d’éliminer avec ces derniers des sacs en papier-carton ou en matières plastiques dites « compostables en compostage domestique ».</p>
<h2>« Matières plastiques compostables »</h2>
<p>Ces dernières sont, comme toutes les autres matières plastiques, des mélanges composés de polymères et d’additifs. Les constituants de ces mélanges ont, en général, pour origine des substances chimiques issues du pétrole, mais ils peuvent également provenir de la biomasse, avec une origine végétale (ex : la cellulose issue du bois) ou animale (ex : la caséine du lait).</p>
<p>Certaines matières plastiques briguent le titre de matières plastiques biosourcées, même si elles ne sont qu’en partie fabriquées à partir de ressources issues de la biomasse. Aujourd’hui, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000042883258/2021-01-01">teneur minimale en matières biosourcées</a> (50 % depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2020) est uniquement réglementée pour les produits en plastique à usage unique.</p>
<p>Pour les autres applications, aucun seuil réglementaire n’est imposé en cas de revendication « biosourcée ».</p>
<h2>Des critères définis par deux normes</h2>
<p>Les matières plastiques dites compostables doivent répondre à deux critères : être biodégradables, c’est-à-dire être décomposées naturellement par des organismes biologiques (micro-organismes, etc.) et se dégrader dans des conditions de laboratoires spécifiques bien définies (température, durée du procédé, hygrométrie, etc.).</p>
<p>Selon celles appliquées (telles que la température et la durée de l’essai), on parle alors soit de compostage industriel (40-50 °C, 6 mois), soit de compostage domestique (25 °C, 12 mois).</p>
<p>L’ensemble de ces conditions est défini dans deux normes : la norme européenne <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-13432/emballage-exigences-relatives-aux-emballages-valorisables-par-compostage-et/fa049121/454">NF EN 13432:2000</a> pour le compostage industriel des emballages et la norme <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-t51800/plastiques-specifications-pour-les-plastiques-aptes-au-compostage-domestiqu/fa060127/1525">NF T51-800:2015</a> pour le compostage domestique des matières plastiques.</p>
<h2>Matières plastiques et compost domestique</h2>
<p>Pour satisfaire aux exigences de compostabilité en milieu domestique décrit dans la norme NF T51-800 :2015, les matières plastiques estampillées « compost domestique » se doivent de répondre aux critères suivants :</p>
<p>Le matériau à tester ne doit pas contenir de substances préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement telles que des substances CMR (Cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), des perturbateurs endocriniens, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Sous l’effet du compostage, à une température inférieure à 30 °C, le matériau doit se fragmenter en petits morceaux. À l’issue de 12 semaines d’essai, seuls 10 % de la masse initiale du matériau doit présenter une taille supérieure à 2 mm. Les résidus de désintégration dans le compost doivent être non distinguables à l’œil nu (distance de 0,5 m).</p>
<p>Dans un délai de 12 mois, au moins 90 % des constituants du matériau doivent se biodégrader pour donner de l’eau, du gaz carbonique et de la biomasse microbienne. Aucun impact négatif sur la qualité du compost ne doit être observé à l’issue du test de compostabilité.</p>
<h2>Des tests peu applicables en compost domestique</h2>
<p>Les conditions de test présentées dans la norme NF T51-800 :2015 se sont pas facilement transposables dans un composteur domestique. Il ne peut, par exemple, pas y avoir une température d’essai constante à 25 °C pendant 12 mois.</p>
<p>La norme T51-800 :2015 précise en outre que les essais doivent se dérouler avec seulement 1 % en masse de matières plastiques alors que les particuliers vont continuer à alimenter leurs composteurs en biodéchets (et donc éventuellement en matières plastiques compostables). Il est ainsi impossible de garantir que tous les matériaux dits compostables se dégraderont en un an si ce taux recommandé par la norme NF T51-800 est dépassé.</p>
<p>Dans ces conditions de test, le taux minimal de biodégradation à respecter est de 90 % après une période d’essai de 12 mois. Or, aucune étude supplémentaire n’est exigée sur les 10 % restant des constituants qui ne se seraient pas dégradés. Donc, si certains d’entre eux présentent un caractère dangereux pour l’humain et l’environnement, ils risquent d’être épandus dans le jardin domestique et <em>in fine</em> contaminer les aliments cultivés.</p>
<h2>Compostage domestique vs industriel</h2>
<p>L’Ademe a également démontré <a href="https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/530-compostage-domestique-et-industriel-des-sacs-plastiques-compostables-domestiquement-et-des-sacs-en-papier.html">dans une étude</a> que le taux de désintégration de certains sacs en matières plastiques dites compostables était inférieur à celui préconisé dans la norme <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-t51800/plastiques-specifications-pour-les-plastiques-aptes-au-compostage-domestiqu/fa060127/1525">NF T51-800</a>, en raison d’un brassage insuffisant du contenu du composteur par les utilisateurs. Il restait alors des fractions de taille supérieure à 2 mm.</p>
<p>Le processus de compostage domestique est moins performant qu’un compostage industriel puisque la température d’essai est moins élevée (25 °C contre 55 °C environ). Il ne s’applique pas à toutes les matières plastiques dites compostables car certaines ne se dégradent pas dans un composteur domestique. Il faut donc d’abord les faire collecter par des professionnels afin qu’elles soient orientées vers des composteurs industriels et valorisées.</p>
<p>Comme il n’est légalement pas possible d’aller vérifier chez les particuliers si les matériaux et les utilisateurs respectent toutes les exigences figurant dans la norme de compostage domestique, l’Anses incite les pouvoirs publics <a href="https://www.anses.fr/fr/proscrire-matieres-plastiques-biodegradables-compost">à interdire l’introduction de matières plastiques</a> (compostables ou non) dans des composteurs domestiques, une contamination de l’environnement ou des cultures locales ne pouvant être exclue après l’épandage d’un compost par un particulier. Elle fonde cet avis sur un <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2021SA0202Ra.pdf">rapport d'expertise collective</a>, qui présente une synthèse des connaissances scientifiques disponibles à ce sujet. </p>
<p>Elle recommande que ces matières plastiques soient collectées puis triées par les industriels en vue de faire l’objet d’un traitement approprié (compostage industriel, méthanisation, recyclage, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La capacité de biodégradation des matières plastiques dites « compostables » dépend de certaines conditions qu’il n’est pas toujours possible de garantir en compostage domestique.Stéphane Leconte, coordinateur scientifique, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Aurélie Mathieu-Huart, adjointe à la cheffe d'unité Evaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Isabelle Manière Guerrero, coordinateur scientifique, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946982022-12-14T18:42:45Z2022-12-14T18:42:45ZGestion des déchets : en Côte d’Ivoire, l’immense potentiel de l’économie circulaire<p>En 2018, la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire/publication/cote-divoire-economic-outlook-understanding-the-challenges-of-urbanization-in-height-charts">Banque mondiale</a> présentait une image contrastée de la Côte d’Ivoire, soulignant à la fois sa solide croissance économique et sa forte exposition aux dérèglements climatiques. L’importante déforestation dont le pays fait l’objet n’est en effet pas sans conséquences sur ses émissions de gaz à effet de serre et sa production agricole, avec des perturbations des saisons qui affectent l’agriculture.</p>
<p>Ce constat a incité les autorités ivoiriennes à fixer des objectifs dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. La Côte d’Ivoire <a href="http://www.gouv.ci/Main2.php">s’est ainsi engagée</a> à réduire de 28 % ses émissions de gaz à effet de serre (d’ici à 2030) et à augmenter substantiellement la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique (de 42 % d’ici à 2030).</p>
<p>Pour atteindre ces objectifs, elle a listé des actions à mener, dont font partie la gestion durable et la valorisation des déchets. Une dimension d’autant plus importante que les Ivoiriens produisent en moyenne 0,64 kg de déchets par habitant par jour, soit bien davantage que dans le reste de l’Afrique subsaharienne où la moyenne <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/cote-divoire/croissance-population.php">s’élève à 0,46 kg par jour</a>.</p>
<p>Dans <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/30317">son rapport de 2018 sur les déchets</a>, la Banque mondiale indiquait, qu’en moyenne, chaque Terrien produisait <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/immersive-story/2018/09/20/what-a-waste-an-updated-look-into-the-future-of-solid-waste-management">0,74 kg de déchets par jour</a>. Une moyenne qui cache évidemment de fortes disparités : en Amérique du Nord, elle atteind par exemple plus de 2 kilos par habitant.</p>
<p>Au regard de la croissance de la quantité des déchets municipaux, qui devrait augmenter de <a href="https://www.institut.veolia.org/sites/g/files/dvc2551/files/document/2021/11/L%E2%80%99%C3%A9conomie%20circulaire%20-%201.%20Un%20mod%C3%A8le%20de%20gestion%20des%20d%C3%A9chets%20%C3%A0%20r%C3%A9inventer.pdf">70 % d’ici à 2050</a>, le modèle de l’économie circulaire apparaît comme une solution. <a href="https://www.afrik21.africa/ouganda-les-femmes-au-coeur-de-la-gestion-durable-des-dechets-plastiques%E2%80%89/">La Côte d’Ivoire et l’Ouganda</a> se penchent donc sur ce modèle, <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/economy/20151201STO05603/economie-circulaire-definition-importance-et-benefices">défini par le Parlement européen</a> comme un mode de production et de consommation qui consiste à partager, louer, réutiliser, réparer, remettre à neuf et recycler le plus longtemps possible les matériaux et produits existants.</p>
<h2>Une filière « traitement des déchets » à inventer</h2>
<p>Depuis 1960, la politique de gestion des déchets mise en œuvre par les divers maîtres d’ouvrage n’a pas prévu une filière propre au traitement de déchets. Pendant une quarantaine d’années, les déchets étaient simplement acheminés vers un centre de transfert et des centres de groupage. Ces centres de groupage et de transfert ne sont pas de vrais centres de traitement de déchets. Ils permettent uniquement de regrouper ceux-ci en grande masse par zone géographique de production, avant de les acheminer vers leur lieu de décharge et/ou valorisation.</p>
<p>Si la forte croissance de la population (de <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/cote-divoire/croissance-population.php">3,6 en 1960 à 27 millions en 2021</a>) et l’urbanisation rapide de la Côte d’Ivoire ont engendré une hausse conséquente de la production, celle-ci n’a pas été suivie d’une progression des quantités collectées. Sur les 280 tonnes de déchets plastiques produites chaque jour à Abidjan, <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">seuls 5 % sont recyclées</a>.</p>
<p>Le reste est destiné en général aux <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe">décharges situées dans les quartiers pauvres</a>. Forte source de pollution, ces déchets aggravent les problèmes liés à l’assainissement. À noter que la mauvaise gestion des déchets est à l’origine de <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">60 % des cas de paludisme, de diarrhée et de pneumonie chez les enfants</a>.</p>
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<h2>Des avancées légales</h2>
<p>Outre les déchets organiques des ménages, les déchets automobiles ne cessent d’augmenter. L’importation incontrôlée de véhicules d’occasion et leur utilisation constituent engendrent une pollution et une production de déchets conséquentes. D’autant plus que la vente des véhicules d’occasion est une <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjwuO6WoaD6AhUM2xoKHeaJA1gQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Fjournals.openedition.org%2Fcom%2Fpdf%2F6044&usg=AOvVaw05PoPjZfk3Lw3I0sqUdkqu">spécialité des villes portuaires ouest-africaines</a> (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo).</p>
<p>Une récente réglementation mise en place par les autorités ivoiriennes sur la limitation de l’âge des véhicules d’occasion vise justement à <a href="https://www.douanes.ci/sites/default/files/base_documentaire/c_1936.pdf">réduire cet impact de pollution</a>.</p>
<p>De même, l’introduction d’une <a href="https://afrique.latribune.fr/economie/budget-fiscalite/2017-12-19/cote-d-ivoire-une-ecotaxe-pour-financer-le-recyclage-des-dechets-762141.html">redevance sur les importations</a> de produits électriques et électroniques neufs ou de seconde main en état de marche suivant le « principe pollueur-payeur » et le « principe de la responsabilité étendue du producteur » constituerait une avancée pour la réduction des déchets.</p>
<h2>Un potentiel important</h2>
<p>Les possibilités concrètes en matière d’économie circulaire sont nombreuses.</p>
<p>Les déchets organiques produits par les ménages et les fermes agricoles peuvent par exemple servir à produire de l’énergie grâce à la production de biogaz issu de la méthanisation. Le digestat venu de la fermentation des déchets organiques peut être utilisé comme fertilisant pour l’agriculture. Avec un potentiel considérable, puisque le secteur agricole est un pilier de l’économie ivoirienne, <a href="https://www.cirad.fr/dans-le-monde/nos-directions-regionales/afrique-de-l-ouest-foret-et-savane-humide/pays/cote-d-ivoire">qui occupe plus de la moitié de la population active</a>.</p>
<p>Les déchets plastiques peuvent être transformés en granulés et réutilisés comme matière première secondaire. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), à travers un programme d’éducation des jeunes enfants, a ainsi utilisé les déchets plastiques pour fabriquer des briques qui ont servi à <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">construire des salles de classe</a>.</p>
<p>Plus globalement, la structuration d’une économie circulaire en Côte d’Ivoire peut aussi s’appuyer sur les nombreuses initiatives existantes de façon informelle. Car la récupération et la réutilisation des déchets en Afrique n’a pas attendu qu’émerge et se popularise le concept d’économie circulaire. La conscience de la ressource qu’ils renferment est présente depuis bien longtemps.</p>
<p>D’elle-même, la population ivoirienne développe en effet déjà des activités génératrices de revenus qui obéissent à la règle des 4 R (réduire, réemployer, réutiliser, recycler).</p>
<h2>Les collecteurs, une économie circulaire informelle</h2>
<p>À travers la collecte de déchets notamment, pour laquelle les récupérateurs se sont progressivement organisés en groupement de façon informelle. Ils collectent et revendent ainsi certaines catégories de déchets (carton, fer, bouteilles, verre…) dotés d’un fort intérêt économique pour les artisans, les commerçants (grossistes et détaillants), les sociétés industrielles et commerciales installés dans les marchés et dans les zones industrielles de la Côte d’Ivoire.</p>
<p>Comme l’entreprise sociale <a href="https://startupbrics.com/greentech-coliba-abidjan-dechets-collecte/">Coliba</a>, engagée dans la transformation des déchets plastiques, qui a monté un centre de formation permettant d’intégrer 6 000 collecteurs de déchets informels dans la chaîne de valeur. L’entreprise prévoit ainsi créer environ 500 emplois directs et indirects à temps plein dont 70 % de ces postes seront occupés par des femmes. À noter que la collecte et la vente des déchets sont déjà réalisées <a href="https://www.afrik21.africa/ouganda-les-femmes-au-coeur-de-la-gestion-durable-des-dechets-plastiques%E2%80%89/">à 80 % par des femmes</a> en Afrique.</p>
<p>Les prix moyens de vente du kilo des déchets récupérés (les plastiques, les papiers, les cartons, les textiles, les métaux ferreux et non ferreux et les verres) sur le marché étant compris entre 0,09 et 0,27 euro, le potentiel économique des déchets est estimé à près de <a href="https://www.researchgate.net/publication/324452308_Analyse_du_potentiel_de_creation_d%27emplois_verts_dans_la_filiere_de_gestion_des_dechets_solides_menagers_en_Cote_d%27Ivoire">48,5 millions d’euros</a>.</p>
<h2>Un secteur des déchets à structurer</h2>
<p>À la principale décharge d’Abidjan, le nombre de travailleurs dans le tri était estimé <a href="https://www.scirp.org/%28S%28lz5mqp453edsnp55rrgjct55%29%29/reference/referencespapers.aspx?referenceid=2128934">à 5 000 personnes en 2010</a> et ne cesse d’augmenter.</p>
<p>Au regard du contexte, l’économie circulaire peut contribuer à améliorer la gestion des déchets en Côte d’Ivoire tout en luttant contre la pauvreté en créant un modèle générateur de nombreux emplois.</p>
<p>Mais une structuration du secteur des déchets est nécessaire pour permettre une meilleure organisation des personnes ou des réseaux concernés, la gestion étant en majorité informelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noukignon Kone-Silue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Côte d’Ivoire, la récupération informelle des déchets existe de longue date. Une pratique sur laquelle le pays peut s’appuyer pour construire une véritable économie circulaire dans le pays.Noukignon Kone-Silue, Economiste - RSE, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925732022-11-21T19:26:25Z2022-11-21T19:26:25ZRecycler 100 % des métaux, un objectif atteignable ?<p>Popularisé par l’engouement autour de l’économie circulaire, le recyclage a le vent en poupe. Charriant la promesse d’un modèle fonctionnant en vase clos et marquant son indépendance par rapport à des ressources minières au bilan écologique souvent dénoncé, le recyclage multiplie les avantages théoriques sur le papier.</p>
<p>Cet apport de métaux recyclés dits secondaires se substitue en effet à une partie des besoins auparavant assurés par les mines (métaux dits primaires), et permet donc d’éviter les déchets et contaminations associés à la mine tout en diminuant notre dépendance à l’importation de métaux depuis des pays potentiellement sensibles géopolitiquement.</p>
<p>D’un point de vue énergétique, une tonne d’acier, d’aluminium ou de cuivre recyclée est en outre moins énergivore que son équivalent primaire – avec des économies d’énergie <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8607">allant de 60 à 90 %</a>. Les volumes de métaux recyclés réintroduits dans la boucle, enfin, sont autant de matières qui n’iront pas finir dans les décharges avec le lot de pollutions et de coûts qu’elles auraient pu générer.</p>
<p>Pourtant, et sans même viser la circularité parfaite, l’essor du « tout » recyclage pour l’ensemble des métaux est loin d’être aussi simple et relève davantage d’une route semée d’embûches.</p>
<h2>Comment on mesure le recyclage</h2>
<p>Commençons par préciser ce que l’on entend derrière ce vaste concept de recyclage. Quatre différentes façons de l’évaluer permettent de l’appréhender : le taux de collecte, le taux d’efficacité du recyclage, le taux de recyclage en fin de vie des éléments et le taux d’incorporation de <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8702">matière recyclée dans les produits</a>.</p>
<p>Le taux de collecte représente les quantités de métaux effectivement collectées chaque année sur le flux total qui parvient en fin de vie tandis que le taux d’efficacité du recyclage mesure la quantité recyclée sur la quantité qui est collectée. Le produit de ces deux derniers taux équivaut au taux de recyclage en fin de vie des éléments. Le taux d’incorporation, quant à lui, correspond à la part de matière recyclée dans le cycle de production.</p>
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<p>Chacun de ces indicateurs a son utilité. Pour minimiser la quantité de déchets à gérer dans les décharges, le taux de recyclage des éléments en fin de vie est plus pertinent, alors que pour réduire les ressources extraites à partir des mines (et l’énergie consommée associée), agir sur le taux d’incorporation de matière recyclée dans les produits aura plus d’incidence.</p>
<p>Si l’on exclut la possibilité d’une baisse de la production de produits (ou d’un découplage absolu), se rapprocher d’un taux d’incorporation de recyclé de 100 % nécessite un taux de recyclage des éléments en fin de vie de 100 %.</p>
<h2>Des produits complexes</h2>
<p>Jusqu’ici, les faits semblent contredire ce but. Une grande partie des métaux <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8702">ne sont pas ou peu recyclés</a>, c’est le cas de la plupart des métaux mineurs (parfois dits métaux rares, comme le lithium, le gallium ou l’indium). Et les métaux bien recyclés (acier, métaux de base et précieux) ont de leur côté atteint un plateau et ne progressent plus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491897/original/file-20221026-21-icnrl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des différents taux de recyclage selon les métaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données de Krausmann et coll. 2017</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Il semblerait donc que le scénario du tout recyclé se heurte à la réalité de produits qui sont souvent : complexes (nombre de composants et d’éléments), variés et dont les concentrations en métaux – jouant à la fois sur les coûts et les recettes des recycleurs – ne sont pas toujours favorables à ces derniers par rapport à la mine classique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491898/original/file-20221026-21-w6q6fo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rapport entre les concentrations dans les mines et dans les circuits imprimés d’ordinateurs (PCB) pour plusieurs métaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La diversité des produits et des composants complexifie le montage de lignes de recyclage adaptées et leur massification, d’autant plus que les courtes durées de vie technologique de certains produits peuvent rendre complètement caduc le modèle de recyclage auparavant pertinent.</p>
<p>Ainsi, le remplacement très rapide des lampes fluo compactes par leur équivalent en LED en quelques années a mis un terme aux expérimentations de recyclage des terres rares issues des premières, les flux traitables de déchets étant amenés à se tarir vite.</p>
<h2>Des conditions économiques parfois défavorables</h2>
<p>Pour continuer, le prix des métaux mais surtout sa volatilité associée n’est pas non plus toujours un terrain très favorable à la mise en place de chaînes de recyclage car celle-ci accentue l’incertitude sur le niveau des recettes. Quand bien même les prix des métaux atteindraient des niveaux élevés, différentes études passées ont démontré la faible réaction de l’offre secondaire des métaux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921344917300605?via%3Dihub">au prix de ces derniers</a>.</p>
<p>Du côté des coûts, l’extraction à partir de la « mine urbaine » n’est pas forcément un eldorado économique notamment lorsque l’on s’intéresse à la concentration des métaux mineurs. Pour ces derniers, les concentrations de la mine urbaine sont bien souvent très en deçà de celle de la mine classique. Associés à des prix moyens, ils ne représentent qu’une fraction mineure des recettes extractibles, il n’est donc pas surprenant que les métaux mineurs ne soient pas ciblés par les recycleurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491900/original/file-20221026-27-el39uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Proportion des différents métaux dans la valeur totale contenue dans les circuits imprimés d’ordinateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491901/original/file-20221026-4292-gkq5h3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Relation entre prix, dilution, valeur et métaux recyclés dans les circuits imprimés d’ordinateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizaine 2020</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593330.2016.1237552">d’autres études</a>) ont montré que la réduction en amont des quantités de métaux notamment précieux dans les produits électroniques (en particulier par la miniaturisation) a rendu beaucoup moins attractif le modèle du recyclage. Il y aurait alors, un arbitrage entre d’une part des produits complexes avec des concentrations faibles de métaux (donc économes en métaux) mais peu recyclables, et des produits plus simples mais plus gourmands en métaux et donc mieux recyclables. Le premier R de l’économie circulaire (c’est-à-dire diminuer) aurait ainsi tendance à chasser son dernier R (recycler).</p>
<p>Des effets similaires ont été observés pour les panneaux photovoltaïques dont les épaisseurs en baisse (et concentration) auraient des effets défavorables au recyclage des métaux contenus.</p>
<h2>Des contraintes multiples</h2>
<p>Enfin, il existe aussi d’autres obstacles, trop longs à développer ici, d’ordre technologiques, culturels et juridiques qui contraignent <a href="http://www.editionstechnip.com/fr/catalogue-detail/2166/les-metaux-rares-opportunite-ou-menace.html">l’atteinte du tout recyclé</a>.</p>
<p>Une mauvaise réaction face à ces constats consisterait à disqualifier l’intérêt du recyclage. Au contraire, le recyclage devra faire partie intégrante d’un modèle économique plus durable à la fois du point de vue des ressources et de l’environnement.</p>
<p>Comme le rappellent sans cesse les spécialistes des sciences de l’environnement, le recyclage n’est toutefois qu’une petite partie de la solution et sa maximisation est complexe, difficile et parfois incompatible avec d’autres leviers de l’économie circulaire. La recherche a donc encore du travail pour mieux comprendre comment dénouer ces contraintes et proposer de nouveaux modèles plus soutenables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Fizaine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « mine urbaine » semble à première vue un eldorado afin de récupérer et réutiliser les métaux. Mais les obstacles à sa mise en œuvre demeurent nombreux.Florian Fizaine, Maître de conférences en sciences économiques, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1828732022-08-08T17:23:48Z2022-08-08T17:23:48ZVieux caoutchouc cherche nouvel emploi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471343/original/file-20220628-13-2pslf2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1914%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, les pneus usagés représentant plus centaines de milliers de tonnes de déchets par an — alors qu’ils ne sont qu’une partie des déchets en caoutchouc que nous produisons.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/vVLrfAzmWYw">Imthaz Ahamed, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Sans même parfois le savoir, nous sommes entourés de caoutchouc ! Naturel et synthétique, nous le trouvons dans nos maisons, nos voitures, dans les bâtiments, les avions, les hôpitaux et sur bien d’autres lieux, en raison de ses <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/caoutchouc-un-materiau-strategique_1359667.html">propriétés très particulières</a>.</p>
<p>De nos jours, <a href="https://centre-val-de-loire.dreets.gouv.fr/sites/centre-val-de-loire.dreets.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_caoutchouc_1ere_partie.pdf">pneumatique et caoutchouc industriel</a> sont les deux principaux secteurs consommateurs et transformateurs de matières premières en caoutchouc. Une pièce industrielle en caoutchouc est d’ordinaire à usage unique. Défectueuse ou usée, elle devient un déchet. En France, en 2020, environ <a href="https://www.syndicatdupneu.org/le-recyclage-des-pneumatiques/">508 kilotonnes de pneus sont collectées puis traitées</a>. De plus, la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/quel-avenir-pour-les-fabricants-de-pieces-en-caoutchouc-pour-l-automobile.N1785377">crise sanitaire</a> et la <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/matieres-commandes-l-industrie-des-plastiques-ressent-les-premiers-impacts-de-la-guerre-en-ukraine.N1796372">guerre en Ukraine</a> ont provoqué des <a href="https://theconversation.com/problemes-dapprovisionnements-et-si-lon-sappuyait-sur-la-blockchain-175023">problèmes d’approvisionnement</a> et de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/penuries-matiere-le-caoutchouc-aussi.N1217832">matières premières</a>, avec pour conséquence, une augmentation des prix et des délais. Ces évènements intensifient la nécessité du <a href="https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/valorisation-matiere/dossier/recyclage/recyclage-enjeu-strategique-leconomie">recyclage des caoutchoucs</a>.</p>
<p>Avec une telle omniprésence, la question sur <a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">l’économie circulaire</a> se pose rapidement. Quels sont nos moyens d’action pour faciliter la valorisation de tous nos déchets contenant du caoutchouc ?</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Actuellement, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/gestion-des-dechets-principes-generaux">gestion des déchets</a> doit respecter des réglementations contraignantes. Valorisation « matière » et valorisation « énergétique » sont deux modes de traitement appliqués aux <a href="https://record-net.org/storage/etudes/10-0911-1A/rapport/Rapport_record10-0911_1A.pdf">déchets caoutchoutiques</a>. Il est alors possible d’utiliser par exemple le déchet après traitement comme une matière première destinée à une nouvelle fabrication ou l’énergie générée à la suite de sa dégradation.</p>
<h2>Pourquoi le caoutchouc est-il si indispensable ?</h2>
<p>Imperméable, élastique, fortement déformable (parfois jusqu’à 600 %), amortissant aux chocs ou rebondissant, les propriétés de chaque caoutchouc sont tributaires de sa <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Elastomere-page-2.html">nature chimique</a> et des différents ingrédients qui le composent.</p>
<p>Ils rivalisent pour s’adapter au mieux au cahier des charges du produit à fabriquer. Pour une même application, plusieurs caoutchoucs peuvent être choisis et donc les performances seront sensiblement différentes. Par exemple, une <a href="https://maindifference.net/difference-between-rubber-and-silicone/">tétine en silicone, comparée à une tétine en caoutchouc naturel</a> est dépourvue de goût, possède une durée de vie supérieure mais est plus fragile aux coups de dents de bébé.</p>
<p>Le caoutchouc naturel est <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1961/10/03/le-caoutchouc-quatre-siecles-d-histoire_2270801_1819218.html">connu depuis des siècles</a> : le peuple Maya l’employait déjà. Sa matière première est d’origine végétale : le latex, produit laiteux extrait de l’arbre hévéa. Il est récolté en effectuant des saignées directement sur l’écorce de cet arbre. La première forme de caoutchouc synthétique apparaît dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Il est principalement obtenu à partir de dérivés d’hydrocarbures ou appartient à la famille des <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Silicone.html">silicones</a>.</p>
<p>La <a href="https://lelementarium.fr/product/caoutchoucs-elastomeres-resines-styreniques/">consommation de caoutchouc</a> en 2020 se répartit entre 47 % pour le caoutchouc naturel contre 53 % pour le caoutchouc synthétique dans le monde.</p>
<p>Très complexe, le caoutchouc est un mélange de gommes (le ou les caoutchoucs purs), d’agents vulcanisant, de « charges » telles que le noir de carbone et d’autres ingrédients en <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/materiaux-th11/caoutchoucs-42615210/matieres-premieres-du-caoutchouc-am8010/">fonction des propriétés recherchées</a>.</p>
<h2>Difficile de valoriser un caoutchouc usé… mais pas impossible !</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="pneu et poudrette de caoutchouc" src="https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476245/original/file-20220727-13-3s8l5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Valorisation de caoutchouc usé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Pierre Deffarges</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’obstacle majeur à son recyclage réside dans le caractère irréversible de sa fabrication. Il est prêt à l’emploi après avoir subi un processus chimique, qui le fait passer d’un état « non vulcanisé » ou « cru », c’est-à-dire mou, déformable et sans tenue mécanique, à un état « vulcanisé » ou « cuit », c’est-à-dire dur et impossible à fondre.</p>
<p>La vulcanisation est décrite par une ou plusieurs réactions de réticulation. Le caoutchouc est un <a href="https://culturesciences.chimie.ens.fr/thematiques/chimie-des-materiaux/polymeres/materiaux-polymeres-architecture-macromoleculaire">polymère</a> décrit schématiquement par de longues chaînes macromoléculaires maintenues entre elles grâce à l’existence de liaisons <a href="https://zhao.recherche.usherbrooke.ca/cours/polymer_introduction.pdf">secondaires</a>.</p>
<p>La réaction de vulcanisation se déclenche en présence d’agent(s) vulcanisant(s) (ou réticulant(s)). Ces agents sont constitués de molécules qui réagissent sur certains sites de la chaîne polymère pour créer des ponts chimiques qui sont des liaisons fortes covalentes. L’agent permet donc de relier les chaînes macromoléculaires entre elles, ce qui rend le matériau dur et résistant. Historiquement, le premier agent vulcanisant est le soufre et le terme, en anglais (<em>vulcanization</em>) <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/et-407.pdf">provient du mot Vulcain</a>, dieu cracheur de soufre. Depuis, le terme « vulcanisation » s’est généralisé à la réticulation de tous les caoutchoucs.</p>
<p>La quantité de ponts chimiques (ou nœuds de réticulation) créés est plus élevée pour les « thermodurcissables » que pour les élastomères. Un caoutchouc s’étire jusqu’à une certaine limite donnée par ces nœuds et possède la capacité de reprendre sa forme initiale par <a href="https://orthodfr.edpsciences.org/articles/orthodfr/pdf/2009/01/or0908.pdf">reprise élastique</a>. Ces réseaux tridimensionnels sont les structures chimiques caractéristiques des caoutchoucs et procurent au matériau une cohésion à l’échelle macroscopique.</p>
<h2>La régénération des caoutchoucs se développe</h2>
<p>Une solution pour permettre le recyclage des caoutchoucs consiste à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-filiere-caoutchouc-compte-integrer-davantage-de-matieres-biosourcees-et-recyclees.N697734">incorporer les matières valorisées</a> dans de nouvelles formules : le produit recyclé est réduit à l’état de poudrettes et est utilisable directement comme <a href="https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2019.01.047">matière première</a>.</p>
<p>La « <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjq9rmE1dT4AhUExoUKHbp-Dc0QFnoECCgQAQ&url=https%3A%2F%2Fdam-oclc.bac-lac.gc.ca%2Fdownload%3Fis_thesis%3D1%26oclc_number%3D866086722%26id%3Df48263de-287b-49c4-835f-22b911b1ed51%26fileName%3D30249.pdf&usg=AOvVaw2dJy3uvnYDg__AhKQZfPMu">régénération</a> » est un procédé s’intégrant dans la « valorisation matière ». En présence de soufre, l’objectif est de rompre les liaisons chimiques carbone-soufre, soufre-soufre et/ou carbone-carbone par voies chimique, thermique et/ou mécanique. Le caoutchouc se retrouve dans un état régénéré (cassures des liaisons carbone-carbone) et/ou dévulcanisé (cassures des liaisons soufre-carbone et soufre-soufre). Lorsque les liaisons carbone-carbone sont rompues, la chaîne macromoléculaire est coupée, ce qui provoque des pertes de propriétés mécaniques à l’échelle macroscopique. Si les liaisons ciblées sont les liaisons carbone-soufre et soufre-soufre, le caoutchouc regagne partiellement sa capacité à « vulcaniser ».</p>
<p>Nos équipes de recherche en partenariat avec un industriel se sont penchées sur le comportement des caoutchoucs régénérés et sur les modifications qu’ils peuvent provoquer lorsqu’ils sont incorporés dans un mélange caoutchouc neuf. Nos premiers résultats récemment obtenus et non publiés à ce jour sont prometteurs et confirment que les matériaux recyclés possèdent des propriétés qui les rendent utilisables en choisissant le taux adéquat de matériau régénéré à incorporer en fonction de l’application industrielle.</p>
<p>Re-traités, nos vieux caoutchoucs ont un bel avenir !</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Wafaa Rmili, ingénieure recherche contractuelle au LaMé, et Mathieu Venin, co-responsable du Centre d’Étude et de Recherche des Matériaux Élastomères et travaillant au LaMé, pour leur participation et leur implication dans ce projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce projet est soutenu par la Région Centre-Val de Loire dans le cadre de son Appel à Projets de Recherche d'Intérêt Régional annuel (APR IR) et est un partenariat entre le Laboratoire de Mécanique Gabriel LaMé (LaMé) et le Laboratoire de Physico-Chimie des Matériaux Électrolytes pour l’Énergie (PCM2E) et la société Phénix-Technologies.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Berton et Stéphane Méo ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le caoutchouc est omniprésent dans nos vies… et souvent à usage unique. Comment traiter ces déchets ?Marie-Pierre Deffarges, Ingénieure recherche, Université de ToursNicolas Berton, Enseignant-chercheur en chimie, Université de ToursStéphane Méo, Professeur des Université de Mécanique, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1492882020-12-09T19:01:40Z2020-12-09T19:01:40ZRecyclage et valorisation des déchets plastiques : comment ça marche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373876/original/file-20201209-23-1jcwyq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C8%2C5725%2C3819&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand ils sont recyclés, nos déchets plastiques peuvent être extrudés, fondus puis moulés, ou transformés en molécules d’intérêt industriel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/moving-conveyor-transporter-on-modern-waste-1272692776">jantsarik / shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pendant de nombreuses années, la civilisation humaine a été habituée à vivre selon un modèle « fabriquer, prendre, jeter ». Une conséquence de ce mode de vie est la production à grande échelle de déchets plastiques. Au cours des cinq dernières décennies, la production mondiale de plastiques a augmenté régulièrement, atteignant une production annuelle globale de <a href="https://www.statista.com/statistics/282732/global-production-of-plastics-since-1950/">359 millions de tonnes en 2018</a> ; on estime que ces chiffres continueront à augmenter dans les années à venir.</p>
<p>En raison de cette production élevée, l’un des grands défis à relever est la gestion de ces déchets. Dans le passé, en raison des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001393510800159X">coûts élevés</a>, les matières plastiques n’étaient pas recyclées. Cependant, avec la <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/05/22/waste-management-and-recycling-council-adopts-new-rules/#">mise en œuvre</a> de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1516265440535&uri=COM:2018:28:FIN">nouvelles lois</a> et <a href="https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=55223">règlements</a>, il devient de plus en plus urgent de développer de nouvelles technologies efficaces, non polluantes et qui s’adaptent facilement à différents types de plastiques ; l’objectif étant de recycler <a href="https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2018/852/oj">50 % de déchets plastiques en 2025 en 55 % en 2030</a>, contre environ <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/headlines/society/20181212STO21610/plastic-waste-and-recycling-in-the-eu-facts-and-figures">35 % actuellement</a> en France et en Belgique.</p>
<iframe title="Production de déchets plastiques en Europe " style="width:48%; display: inline-block; vertical-align: top;" aria-label="chart" id="datawrapper-chart-ghRlU" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ghRlU/3/" scrolling="no" frameborder="0" height="500" width="100%"></iframe>
<iframe title="Traitement des déchets plastiques en Europe" style="width:45%; display: inline-block; vertical-align: top;" aria-label="chart" id="datawrapper-chart-dVhjF" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dVhjF/2/" scrolling="no" frameborder="0" height="500" width="100%"></iframe>
<p>Une façon de gérer ces résidus plastiques est l’incinération. Dans ce cas de figure, il est possible de tirer profit du potentiel énergétique de ces plastiques pouvant ainsi générer de l’électricité. Les déchets plastiques ont un haut <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pouvoir_calorifique">pouvoir calorifique</a>. Leur combustion permet de chauffer l’eau et de générer la vapeur. La vapeur met en rotation la turbine, dont l’énergie mécanique est convertie en électricité à l’aide d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Machine_synchrone">alternateur</a>. Cependant, cette méthode présente l’inconvénient d’émettre des gaz à effet de serre, en particulier du dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) et parfois de produits toxiques, tels que les gaz acides (HCl, SO<sub>2</sub>, HF), les dioxines, les furannes, les métaux lourds, les composés polychlorés…</p>
<h2>Comment recycle-t-on le plastique aujourd’hui ?</h2>
<p>Au fil des ans, plusieurs méthodes de recyclage ont été développées, comme le « recyclage primaire », où les plastiques usagés sont valorisés par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extrusion">« extrusion »</a>, générant des matériaux similaires aux matériaux initiaux. Toutefois, ce type de processus nécessite une collecte des déchets plastiques sélective et séparée pour chaque type de plastique : polyéthylène, polypropylène, etc., ce qui pose un problème de coûts d’exploitation importants. Le plus souvent, les déchets plastiques « triés » sont en effet des mélanges de différents types de matières plastiques.</p>
<p>Le recyclage mécanique « secondaire » comprend la collecte, le tri et le lavage des déchets. Ensuite, les plastiques sont directement fondus et moulés dans une nouvelle forme, ou transformés en granulés. Le recyclage secondaire n’est possible que lorsque les déchets plastiques sont constitués de polymères simples, car plus les déchets sont complexes et contaminés, plus il est difficile de les trier et recycler par cette technique.</p>
<p>En plus du recyclage primaire et secondaire, le « recyclage tertiaire » est un recyclage chimique. Dans ce type de recyclage, on convertit des matières plastiques en molécules plus petites, généralement des liquides ou des gaz, comme l’huile de pyrolyse ou le gaz de synthèse, qui sont couramment utilisées comme matière première pour obtenir de nouveaux carburants (kérosène, diméthyléther, gasoil) et des produits chimiques (par exemple méthanol, oléfines, alcools, engrais, insecticides, fongicides).</p>
<p>Parmi toutes les méthodes de recyclage, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.wasman.2020.01.038">« recyclage chimique »</a> a récemment attiré l’attention, en particulier les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2017.03.084">méthodes</a> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyrolyse">pyrolyse</a>, d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raffinage_du_p%C3%A9trole#Hydrocraquage">hydrocraquage</a> où les plastiques <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2017.01.142">sont mélangés</a> avec des produits pétroliers et traités simultanément avec eux dans les unités existantes de raffinage, ainsi que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz%C3%A9ification">gazéification</a>.</p>
<p>Parmi ces trois méthodes de recyclage chimique, la <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2017.09.032">gazéification</a> est particulièrement intéressante, car elle présente le grand avantage de traiter des polymères hétérogènes et contaminés tout en nécessitant peu de prétraitements. Elle permet aussi d’obtenir le « gaz de synthèse », mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone, qui est utilisé dans diverses applications comme carburant gazeux ou intermédiaire chimique, par exemple, pour la synthèse des carburants liquides et du méthanol.</p>
<h2>De nouvelles méthodes de valorisation des déchets pour l’échelle industrielle</h2>
<p>Avec des acteurs industriels du secteur, nous avons identifié des flux de déchets plastiques présentant un intérêt pour la gazéification, c’est-à-dire ceux composés de déchets de polyéthylène, polypropylène, polystyrène, de mousses de polyuréthane rigides et flexibles, d’emballages multicouches, ou encore de composites renforcés par des fibres de carbone ou de carbure de tungstène, qui ont trouvé des applications dans l’industrie aérospatiale, automobile et maritime. L’idée est de produire des produits chimiques de base à partir de déchets plastiques, en vue de leur réutilisation dans l’industrie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373304/original/file-20201207-23-1awtsur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Technologies innovantes en cours d’élaboration dans le cadre du projet PSYCHE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Khodakov</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre <a href="https://psycheplastics.eu">projet européen Interreg Psyche</a> porte sur la gazéification des déchets plastiques en gaz de synthèse et ensuite, sur la conversion du gaz de synthèse en oléfines légères. Un gazéificateur pilote fondé sur la <a href="https://www.lct.ugent.be/assets/vortex">technologie Vortex</a> élaborée par l’université de Gand, est en cours de dimensionnement à l’université catholique de Louvain. Ce gazéificateur est fondé sur le mouvement rotatif des gaz et des particules solides, qui permet de mélanger mieux les réactifs et d’obtenir un meilleur transfert de chaleur par rapport aux technologies de gazéification classiques. Le dimensionnement d’un réacteur implique le calcul de son volume et du débit des matières premières nécessaires pour obtenir la productivité souhaitée.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Réacteur Vortex (a) et nanoparticules de carbure de fer de type coquille d’œuf dans les catalyseurs pour le procédé Fischer-Tropsch (b).</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Khodakov</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, nous souhaitons produire, à partir de gaz de synthèse, des produits chimiques de base pour l’industrie, en l’occurrence des « oléfines légères » : éthylène, propylène et butylène. Les oléfines sont des blocs synthétiques essentiels dans l’industrie chimique, très utilisés dans la synthèse de divers produits tels que les polymères, les peintures et les solvants. Traditionnellement, les oléfines légères sont obtenues par <a href="https://doi.org/10.1021/ef101775x">pyrolyse</a>, <a href="https://doi.org/10.1016/j.energy.2005.04.001">vaporcraquage</a> ou par <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Fluid_catalytic_cracking">craquage catalytique fluide du pétrole</a>, mais ces procédés génèrent beaucoup de sous-produits et ils ont un coût élevé. C’est pourquoi des voies alternatives pour l’obtention d’oléfines légères sont à l’étude.</p>
<h2>Développer de nouveaux catalyseurs</h2>
<p>Le plus grand défi est le développement de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catalyse">catalyseurs</a>, substances qui augmentent la vitesse d’une réaction chimique sans paraître participer à cette réaction, sélectifs et stables lors leur fonctionnement pendant plusieurs mois. Ces catalyseurs permettent d’obtenir le rendement important en oléfines légères et évitent la formation des sous-produits dans un procédé Fischer-Tropsch qui convertit le gaz de synthèse issu de la gazéification en hydrocarbures. Notre équipe lilloise développe des catalyseurs à haute performance pour la production d’oléfines à partir de gaz de synthèse. Le gaz de synthèse issu de la gazéification des plastiques contient des impuretés nocives pour les catalyseurs. L’épuration de gaz dans le cadre du <a href="https://psycheplastics.eu">projet Psyche</a> est réalisée par le Centre de Ressources Technologiques en Chimie (<a href="https://www.certech.be/">CERTECH</a>).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373330/original/file-20201207-21-afd460.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Synthèse d’oléfines légères à partir du gaz de synthèse « Syngas » par la réaction Fischer-Tropsch.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Khodakov</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les catalyseurs à base de fer sont généralement les <a href="https://doi.org/10.1126/science.1215614">catalyseurs de choix</a> pour la synthèse des oléfines légères par la réaction Fischer-Tropsch, en raison de leur faible coût, leurs grandes sélectivités et flexibilités. La performance du catalyseur à base de nanoparticules de fer peut être améliorée par la promotion de petites quantités d’éléments différents appelés « promoteurs ». Le promoteur est généralement considéré comme un additif, qui est lui-même inactif, mais peut améliorer l’activité, la sélectivité et/ou la stabilité d’un catalyseur.</p>
<p>Dans le cadre du projet PSYCHE, nous avons découvert de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02906606">nouveaux promoteurs extrêmement efficaces</a> pour les catalyseurs à base de fer. Ces promoteurs améliorent la productivité de catalyseurs et réduisent la formation des sous-produits de réaction. Ils sont à base des métaux utilisés habituellement pour la soudure tels que le bismuth, l’étain et l’antimoine, qui sont <a href="https://doi.org/10.1016/S0926-860X(00)00842-5">mobiles à la surface</a> extrêmement élevée et forment des <a href="https://hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/LRS/hal-02906598v1">nanoparticules de type coquille d’œuf</a>.</p>
<p>Forts d’une compréhension fondamentale du mécanisme de la synthèse Fischer-Tropsch, de la structure du catalyseur et de la modélisation de la cinétique de réaction en collaboration avec l’université de Gand, nous avons réussi à augmenter 10 fois le rendement en oléfines légères. Les catalyseurs nouvellement développés dans le cadre de ce projet présentent une <a href="https://doi.org/10.1016/S0926-860X(00)00843-7">stabilité accrue</a> contre le <a href="https://doi.org/10.1021/acscatal.6b00321">frittage et le dépôt de carbone</a>, ce qui permettrait leur utilisation éventuelle dans la synthèse industrielle des oléfines légères à partir du gaz de synthèse généré par la gazéification des déchets plastiques. L’efficacité carbone de synthèse d’oléfines légères à partir de déchets plastiques par cette nouvelle technologie atteint 35-40 %. Cette technologie offre une solution durable à la combustion des déchets plastiques spécifiques. L’utilisation du gaz de synthèse obtenu par la gazéification des déchets plastiques pour la production de produits chimiques crée aussi une réutilisation ce qui permet de réduire l’utilisation des matières premières fossiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andrei Khodakov a reçu des financements de programme Interreg France-Wallonie-Vlaaderen V projet PSYCHE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alan Barrios a reçu des financements de programme Interreg France-Wallonie-Vlaaderen V projet PSYCHE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Deizi Peron a reçu des financements de programme Interreg France-Wallonie-Vlaaderen avec le projet PSYCHE</span></em></p>Comment recycle-t-on les plastiques aujourd’hui ? Et comment valoriserons-nous demain ces déchets en molécules utilisables comme matières premières ?Andrei Khodakov, Directeur de recherche au CNRS, Université de LilleAlan Barrios, Doctorant, École Centrale de LilleDeizi Peron, Post-doctorante, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1389742020-06-16T20:52:44Z2020-06-16T20:52:44ZCes métaux qui viennent à manquer, un enjeu pour les sociétés de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342183/original/file-20200616-23243-zxdylq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C31%2C2568%2C1909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le minerai de zinc peut contenir d'importantes ressources en métaux critiques utiles pour les nouvelles technologies. Ici, microscopie de minerai d’Arre-Anglas (Pyrénées).</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexandre Cugerone</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>De nombreux métaux sont indispensables pour les technologies du XXI<sup>e</sup> siècle, et notamment de nombreuses technologies « vertes », par exemple les batteries, <a href="https://ec.europa.eu/environment/ecoap/about-eco-innovation/experts-interviews/32_fr#:%7E:text=Les%20cellules%20solaires%20photovolta%C3%AFques%20font,la%20production%20d%E2%80%99%C3%A9nergie%20solaire.&text=Les%20cellules%20solaires%20%C3%A0%20base,de%2080%20%25%20des%20applications%20satellitaires.">panneaux solaires</a>, aimants d’<a href="https://theconversation.com/des-chars-aux-eoliennes-irremplacables-terres-rares-64788">éoliennes</a>, ou encore la <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/cloud-computing/1031260-reseaux-de-telecommunications-de-nouvelle-generation-plus-durables-et-ecologiques/">fibre optique</a>. Certains de ces métaux sont dits <a href="https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2017/FR/COM-2017-490-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF">« critiques »</a>, car leur approvisionnement est incertain.</p>
<p>Nous cherchons à comprendre comment se concentrent certains métaux critiques dans la croûte terrestre pour les extraire plus facilement, afin d’inspirer de nouvelles méthodes d’exploration et de valorisation écoresponsable de certains déchets issus de l’exploitation minière passée, notamment en France et en Europe.</p>
<p>En effet, on trouve ces métaux critiques (<a href="https://theconversation.com/des-chars-aux-eoliennes-irremplacables-terres-rares-64788">terres rares</a>, <a href="http://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/upload/documents/Fiches_criticite/fichecriticitecobalt-180102.pdf">cobalt</a>, lithium, <a href="http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-63169-FR.pdf">platinoïdes</a>, germanium, etc.) soit en infimes quantités, disséminés dans les minerais de base comme, par exemple le <a href="http://alternatives-projetsminiers.org/wp-content/uploads/docs/Minerais/Cadmium_Germanium.pdf">zinc et le cuivre</a>, soit, parfois, dans des minéraux hyperconcentrés, plus petits qu’un dixième de millimètre. Pour bien comprendre cette différence fondamentale avec un exemple de tous les jours, considérons un seul gâteau au chocolat, avec du chocolat fondu réparti uniformément dans la pâte à gâteau, et des pépites de chocolat. Sous quelle forme le chocolat est-il le plus facile à récupérer pour les gourmands une fois le gâteau réalisé ? Les pépites bien sûr ! Le principe est le même dans notre étude : il est plus facile d’extraire les métaux critiques dans des petits minéraux concentrés (nos pépites de chocolat) plutôt que disséminés dans le minerai de base (le chocolat fondu dans la masse du gâteau).</p>
<h2>L’approvisionnement difficile des métaux « de demain »</h2>
<p>De nombreuses substances métalliques naturelles sont toujours exploitées aujourd’hui, comme les <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/wp-content/uploads/2012/07/647-page-016-019.pdf">métaux de base et métaux ferreux</a> (cuivre, zinc, fer, manganèse, etc.) ou les métaux précieux (or, argent, platine, etc.). Les <a href="https://www.dunod.com/sciences-techniques/quels-metaux-pour-demain-enjeux-ressources-minerales">« métaux technologiques »</a>, comme le <a href="https://theconversation.com/les-materiaux-de-la-transition-energetique-le-lithium-105429">« lithium »</a>, les <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/les-terres-rares-et-apres">« terres rares »</a>, le tungstène, ou d’autres métaux rares (germanium, gallium, indium), ont été rendus indispensables par la révolution numérique, et sont aussi cruciaux pour le développement de « technologies vertes ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">Pourquoi parle-t-on de « criticité » des matériaux ?</a>
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<p>Si nous continuons à extraire ces métaux technologiques, au rythme actuel et dans ces conditions, alors que la plupart sont considérés comme <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52017DC0490&from=EN">critiques</a>, nous <a href="https://theconversation.com/critical-minerals-are-vital-for-renewable-energy-we-must-learn-to-mine-them-responsibly-131547">pourrions être confrontés</a> à une crise d’approvisionnement et à des effets environnementaux importants.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340874/original/file-20200610-34692-1s5vp77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Utilisations actuelles et futures des métaux rares associés aux gisements de zinc.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Parmi ces métaux critiques, les éléments du groupe des <a href="https://theconversation.com/terres-rares-notre-ultra-dependance-a-la-chine-et-comment-en-sortir-125855">« terres rares »</a>, mais aussi le <a href="https://www.planete-energies.com/fr/medias/decryptages/la-batterie-lithium-ion-comment-ca-marche">lithium</a> et le <a href="http://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/upload/documents/Plaquettes/rp-63626-fr-cobalt.pdf">cobalt</a>, sont essentiels aux nouvelles technologies automobiles et informatiques. Le <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fchem.2020.00230/full">tungstène</a> est précieux dans certains <a href="http://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/upload/documents/Fiches_criticite/fichecriticitetungstene-publique170921.pdf">alliages aéronautiques</a>. Des métaux rares comme le gallium, le germanium et l’indium <a href="https://books.openedition.org/septentrion/15969?lang=fr">sont essentiels</a> à la fabrication de la fibre optique, de panneaux solaires et de systèmes électroniques, et pourraient améliorer les rendements des <a href="https://www.lesnumeriques.com/voiture/batterie-a-electrolyte-solide-revolution-pour-l-automobile-a3395.html">batteries lithium-ion</a>. Ces derniers sont extraits principalement en sous-produit du sulfure de zinc, dans lequel ils sont dilués.</p>
<h2>Où sont concentrés les métaux rares et comment mieux les extraire ?</h2>
<p>Notre <a href="https://doi.org/10.1130/G46791.1">étude</a> montre que les métaux rares comme le germanium, le gallium et l’indium peuvent exister en infimes quantités, disséminés dans des cristaux de métaux de bases, mais aussi dans de petits minéraux porteurs hyperconcentrés. Nous avons mis en évidence que la déformation du minerai de sulfure de zinc, contemporaine de la formation de chaînes de montagnes, favorise la re-concentration du germanium dans des minéraux hyperconcentrés (nos pépites de chocolat) au cœur des chaînes de montagnes, ici, les Pyrénées.</p>
<p>En conséquence, il devient très intéressant de rechercher les sites miniers où la déformation par des processus géologiques naturels a joué un rôle de « concentrateur naturel » de métaux rares.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340873/original/file-20200610-34696-1n80pro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une veine de sulfure de zinc (ZnS) riche en germanium et naturellement déformée dans une ancienne mine à Arre dans les Pyrénées Atlantiques. A. Affleurement d’une veine de sulfure de zinc (modifié depuis Cugerone et coll., 2019). B. Déformation naturelle dans le sulfure de zinc au microscope, matérialisée par la présence de nombreux plans de schistosité. C. Minéraux à germanium associés au sulfure de zinc.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ceci peut s’appliquer aux métaux rares énoncés, mais pourrait aussi apparaître pour d’autres métaux technologiques, comme les éléments du groupe des terres rares. De nombreux sites miniers ont anciennement été exploités pour leurs métaux de base (uniquement) et, actuellement, de nombreux terrils ou résidus miniers provenant de cette exploitation passée pourraient être valorisés. Il pourrait exister d’importantes concentrations en métaux rares dans ces terrils miniers, notamment dans les Pyrénées, le Massif central mais aussi <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00501-018-0818-5">dans les Alpes</a>, ou dans les montagnes scandinaves du nord de l’Europe, et peuvent constituer de potentielles ressources en métaux rares.</p>
<p>De plus, quand un métal rare, par exemple le germanium, est disséminé dans le minerai, l’<a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/materiaux-th11/elaboration-et-recyclage-des-metaux-non-ferreux-42370210/metallurgie-du-germanium-m2372/">extraction est complexe</a>, nécessite des processus hydrométallurgiques lourds et induit de fortes pertes durant son <a href="https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2020/mcs2020-germanium.pdf">extraction</a>. Par contre, si ces métaux rares sont concentrés (comme des pépites de chocolat dans un gâteau) dans de petits minéraux, leur séparation par divers procédés mécaniques pourrait être améliorée et être mieux exploitée, que ce soit dans les sites miniers actuels ou dans certains terrils ou déchets miniers.</p>
<p>Notre étude suggère des techniques rapides et peu coûteuses qui permettent de caractériser la texture minéralogique (taille et forme des cristaux) et la chimie d’échantillons de roches et d’y localiser les métaux rares et évaluer leur concentration et leur extraction potentielle.</p>
<h2>Sortir de la dépendance européenne quasi totale des ressources métalliques ?</h2>
<p>Actuellement, le marché mondial en métaux rares (gallium, germanium, indium) mais aussi en <a href="https://doi.org/10.1016/j.oregeorev.2015.09.019">terres rares</a> est dominé par la Chine. La dépendance de l’Europe est <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-La_guerre_des_m%C3%A9taux_rares-9791020905741-1-1-0-1.html">quasi totale</a> vis-à-vis de l’Asie, des Amériques et de l’Afrique. Mais quelles seraient les conséquences économiques sur nos industries si une crise d’approvisionnement en ressources minérales, notamment en « métaux technologiques », se présentait entre nos pays ou continents ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340879/original/file-20200610-34670-nxwxva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des pays représentant la plus grande part du marché mondial pour chaque métal dit « critique » par l’Union européenne. Les métaux rares sont encadrés en rouge. (situation en 2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ec.europa.eu/growth/sectors/raw-materials/specific-interest/critical_en">Commission européenne</a></span>
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</figure>
<h2>Impacts sociaux et environnementaux</h2>
<p>L’importation de ressources métallifères pour nos technologies du XXI<sup>e</sup> siècle, dont certains avec une forte connotation « verte » ou « renouvelables », en provenance de pays lointains avec des règles environnementales d’exploitation <a href="https://ecoinfo.cnrs.fr/2010/08/06/4-quels-impacts/">laxistes ou inexistantes</a>, est particulièrement paradoxale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/terres-rares-notre-ultra-dependance-a-la-chine-et-comment-en-sortir-125855">Terres rares : notre ultra-dépendance à la Chine (et comment en sortir)</a>
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<p>Une solution ne serait-elle pas d’extraire nos métaux, par exemple dans certains terrils miniers riches en métaux critiques en Europe, de manières écoresponsables et respectueuses de l’environnement ? Nous avons besoin de mieux comprendre comment les minéraux critiques se forment et se concentrent en termes chimiques et géologiques, ce qui pourrait permettre de revisiter certaines anciennes mines et valoriser leurs terrils miniers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138974/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Cugerone a reçu des financements provenant d'une bourse de thèse BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) dans le cadre du projet RGF (Référentiel géologique de France), et d'un financement du programme Tellus de l'INSU-CNRS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Cenki-Tok receives funding from European Union’s Horizon 2020 research and innovation program under grant agreement No 793978. She has received funding from French national program “Référentiel Géologique de France” (RGF-Pyrénées) of the French Geological Survey (Bureau de Recherches Géologiques et Minières; BRGM), and the INSU-CNRS Tellus program. She is affiliated with The University of Sydney as well. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emilien OLIOT ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il reste des métaux dans les mines et déchets miniers. La géologie permet de comprendre comment mieux valoriser ces déchets et assurer l’approvisionnement en éléments chimiques rares mais cruciaux.Alexandre Cugerone, Docteur en Géosciences - Géologie Minière/Métallogénie - Géosciences Montpellier, Université de MontpellierBénédicte Cenki, Associate professor at Montpellier University, EU H2020 MSCA visiting researcher at Sydney University, Université de MontpellierEmilien OLIOT, Maître de Conférences en Sciences de la Terre, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1134132019-03-21T23:05:37Z2019-03-21T23:05:37ZLe déchet, une nouvelle ressource à gérer en commun ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263612/original/file-20190313-123522-1qc33o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=159%2C117%2C5338%2C3396&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près de 800 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année en France, soit 25 360 kilos de déchets par seconde.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU1MjUwMjgyMiwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNzMzMjcwMDM2IiwiayI6InBob3RvLzczMzI3MDAzNi9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiV1dSZUJQTWxTaW1heUdqWTc1L0VTcktFUFljIl0%2Fshutterstock_733270036.jpg&pi=33421636&m=733270036">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 1990, la mise en place du principe européen de <a href="https://www.ademe.fr/expertises/dechets/elements-contexte/filieres-a-responsabilite-elargie-producteurs-rep">« responsabilité élargie des producteurs »</a> (REP) oblige ces derniers (fabricants, distributeurs, importateurs) à contribuer à la gestion de la fin de vie de certains produits mis sur le marché.</p>
<p>Dans la plupart des pays, les producteurs ont choisi de déléguer cette responsabilité à des organismes collectifs. En France, on les appelle « éco-organismes ». Il y a par exemple Citeo pour la filière emballage et ESR et Ecologic pour la filière des déchets électroniques. Les producteurs s’acquittent d’une contribution calculée en fonction du volume des produits proposés.</p>
<p>Cette mutualisation est source d’efficacité mais peut conduire à une déresponsabilisation des producteurs dans leur devoir de concevoir des produits respectant l’environnement (en faisant de <a href="https://theconversation.com/comment-lecoconception-sest-imposee-dans-les-entreprises-90785">l’éco-conception</a>).</p>
<p>Un autre phénomène fragilisant les filières REP concerne la présence de <a href="https://www.scienceshumaines.com/le-probleme-du-passager-clandestin_fr_40390.html">« passagers clandestins »</a>. Ce concept désigne des agents qui profitent d’un avantage obtenu collectivement, sans contribuer à l’effort collectif et sans respecter les engagements collectifs pris en leur nom.</p>
<h2>Un modèle collectif et soutenable</h2>
<p>Dans les filières REP, les passagers clandestins correspondent à des producteurs qui faussent leur déclaration de mise sur le marché, voire y échappent. En mettant sur le marché des produits non déclarés, ils augmentent le volume de déchets à gérer par le système collectif sans honorer leur part dans le financement de la filière. L’ampleur du phénomène s’est accrue avec la vente croissante de produits par les plates-formes d’e-commerce. Des <a href="https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=ENV/EPOC/WPRPW(2017)2/FINAL&docLanguage=En">chercheurs</a> estiment que l’ampleur du problème des resquilleurs en ligne représente 5 à 10 % du marché des DEEE dans les pays de l’OCDE.</p>
<p>Ce phénomène s’apparente à une forme de <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/the-tragedy-of-the-commons/">« tragédie des communs »</a>. Titre d’un article célèbre de l’écologue Garrett Hardin (1968). Il illustre, à travers une <a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/01/04/la-tragedie-des-communs-une-idee-tragique_1620379">expérience de pensée</a>, l’incapacité d’un groupe à mener une action collective solidaire face aux forces centrifuges des intérêts individuels. Hardin en conclut que la gestion optimale d’un bien commun doit passer nécessairement par un régime de propriété individuelle ou étatique.</p>
<p>L’économiste <a href="https://www.cambridge.org/fr/academic/subjects/politics-international-relations/political-theory/governing-commons-evolution-institutions-collective-action-1?format=PB">Elinor Ostrom</a> a contesté cette thèse en montrant dans ses travaux la soutenabilité d’un modèle collectif. Il s’agit selon elle d’impliquer les usagers de la ressource dans l’élaboration de règles d’usage et de partage, et d’un système de contrôle et de surveillance.</p>
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<h2>Quand l’action collective crée des communs</h2>
<p><a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Commun-9782707169389.html">Pierre Dardot et Christian Laval</a> proposent d’aller plus loin en s’affranchissant de l’objet lui-même. Ils parlent du « commun » pour s’intéresser davantage à son activité comme <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_retour_des_communs-9791020902726-1-1-0-1.html">pratique politique</a>.</p>
<p>Ces chercheurs montrent que le commun ne préexiste pas toujours à l’action collective, ou qu’il détient une part de potentiel caché à révéler grâce à l’action collective. Ces travaux s’appuient sur des exemples de reprise en main par les habitants d’espaces publics, de systèmes de production d’énergie, de systèmes de distribution d’eau, etc.</p>
<p>Alors qu’Elinor Ostrom s’intéressait aux questions de la préservation et du partage équitable des ressources, la littérature plus récente évoque davantage la « création » de communs « dans » et « par » l’action collective.</p>
<h2>Vers le déchet-commun</h2>
<p>Dans un contexte de transition vers une économie circulaire, le déchet devient une ressource commune à valoriser : il constitue une source de pièces détachées permettant la réparation d’un appareil ou encore une source de matières recyclées pouvant être incorporées dans la fabrication d’un nouveau produit.</p>
<p>Pour être valorisé, le déchet doit suivre les étapes d’une filière impliquant de nombreux acteurs : producteurs, recycleurs, collectivités, entreprises de l’économie sociale et solidaire, etc. Ces acteurs sont liés par le même objectif : développer une filière de valorisation dans laquelle chacun trouve sa place et récupère équitablement une partie de la valeur.</p>
<p>La valorisation d’un déchet sera d’autant plus élevée que la conception du produit aura été étudiée en amont, que le tri sera précis, le traitement performant, etc. Depuis fin 2016, la filière de recyclage des bouteilles en plastique est fragilisée par la montée en volume <a href="https://www.zerowastefrance.org/urgence-agir-sauver-filiere-recyclage-bouteilles-plastique/">des bouteilles en PET opaque</a>. Ces dernières apportent un taux d’opacifiant trop important limitant le recyclage traditionnel du PET transparent. C’est un enjeu qui a mobilisé l’<a href="http://www.valorplast.com/actualites/pet-opaque">ensemble des acteurs</a> de la filière plastique et a conduit à l’émergence de solutions techniques, telle la <a href="https://www.horizondurable.info/pet-opaque-bouteille-lait-enfin-recyclable/">création d’un circuit fermé</a> de recyclage du PET opaque.</p>
<p>Ainsi un travail collectif et des savoirs doivent être créés et partagés (qualification de la matière recyclée, définition de notions à partager, identification des facteurs de recyclabilité et de réparablité, élaboration de standards de traitement, développement d’indicateurs et d’outils d’accompagnement des acteurs, etc.).</p>
<h2>L’efficacité du commun</h2>
<p>Selon le principe de REP, les producteurs ont la responsabilité de constituer et de développer des filières de traitement. Aussi leur incombe-t-il de créer de ces ressources immatérielles à partager. Mais comme le rappelle la tragédie des communs, aucun producteur n’est prêt à supporter cet effort au bénéfice de tous.</p>
<p>En France, la création des éco-organismes a permis de limiter les risques d’une logique individuelle : ils soutiennent financièrement les différents acteurs des filières REP et doivent s’assurer de la répartition de la valeur.</p>
<p>Une partie des recettes des éco-organismes est, par exemple, réinvestie dans la <a href="https://www.eco-systemes.fr/symposium-mines-urbaines-2018">recherche & développement</a>. Les éco-organismes ont développé en outre (<a href="http://www.weee-forum.org/weeelabexproject">avec leurs homologues européens</a>) des standards de traitement qu’ils imposent aux opérateurs avec qui ils contractualisent, de manière à améliorer la dépollution des déchets et la qualité de la matière recyclée.</p>
<h2>Les atouts du modèle français</h2>
<p>Au-delà du fait d’étudier le déchet comme forme de ressource commune potentielle, l’originalité du commun-déchet est qu’il est institué par l’État et opéré par des acteurs du marché, alors que la littérature met davantage en avant un commun en <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2010-1-page-111.htm">dehors du marché et de l’État</a>.</p>
<p>Le commun-déchet n’ayant pas de valeur intrinsèque au départ, il n’existe pas de communauté d’usagers naturelle se revendiquant de la gestion et de l’exploitation des déchets. Selon le principe de REP, l’État a désigné les producteurs comme étant les acteurs responsables de leur gestion. Dans ce schéma, les questions d’incitation à la participation au commun et de contrôle des objectifs sont primordiales. C’est moins le cas dans les formes de commun dans lesquelles les usagers se revendiquent d’eux-mêmes spontanément. Par exemple, dans le commun informationnel Wikipédia, une communauté d’usagers s’est spontanément regroupée et organisée. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Accueil_de_la_communaut%C3%A9">communauté</a> a d’elle-même mis en place des principes, des règles d’usage et des moyens de gestion des vandalismes et des conflits afin de préserver la qualité d’information.</p>
<p>Il s’agit dès lors de compléter les principes d’Ostrom pour les ajuster aux particularités des communs-déchets. Nos <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01753863">travaux de recherche</a> s’inscrivent dans <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/responsabiliser-pour-transformer-des-dechets-aux-mines-urbaines/">ce cadre</a> et proposent ainsi de voir la création du commun-déchet comme une technique politique de gouvernement. En créant des éco-organismes, les pouvoirs publics se sont dotés d’acteurs clés, soumis à un cahier des charges révisé périodiquement. Le commun-déchet est géré à travers une forme de corégulation entre pouvoirs publics et éco-organismes.</p>
<p>En prolongeant les travaux d’Ostrom, on peut proposer <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01753863">sept principes à cette corégulation</a>, dont le premier est la désignation d’acteurs, selon leurs compétences, collectivement responsables pour répondre à une problématique d’intérêt général. La filière DEEE présente des résultats encourageant en la matière, mais ce n’est pas le cas de toutes les filières REP. Dans certaines d’entre elles, les éco-organismes en situation de monopole bloquent le mécanisme de corégulation.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/REP_Rapport_Vernier.pdf">rapport sur les filières REP</a> de mars 2018, Jacques Vernier évoque le cas de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) dans laquelle l’unique éco-organisme, eco-DDS, refusait le nouveau cahier des charges longuement discuté dans le cadre du renouvellement d’agrément. L’absence de concurrence a rendu l’État totalement dépendant de l’éco-organisme et à un report d’un an de la publication de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=92A5C0127D35A255AD7D0D91DFEB1BD1.tplgfr22s_3?cidTexte=JORFTEXT000038215924&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000038215893">arrêté de réagrément</a>.</p>
<p>Le modèle français n’est pas la seule interprétation possible de la REP. L’Allemagne et le Royaume-Uni privilégient une approche plus individuelle de ce principe : elle conduit à limiter les interactions entre acteurs et les innovations, aboutissant à l’exportation de déchets faute de filières existantes localement. Cette <a href="https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/09c7215a-49c5-11e8-be1d-01aa75ed71a1/language-en">comparaison</a> permet de mettre en évidence les vertus du commun encouragé dans les filières REP en France.</p>
<p>L’exemple des déchets comme communs ouvre de nouvelles perspectives sur la gouvernance de l’environnement. Celle-ci ne se réduit pas à la sélection d’un instrument d’action publique entre réglementation, incitation ou engagement volontaire mais peut prendre la forme de dispositifs publics qui combinent ces approches dans une logique de responsabilisation évolutive, conçue et organisée sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Helen Micheaux a reçu des financements de la Fondation ParisTech. Son travail de thèse entre dans le cadre de la Chaire Mines Urbaines soutenue par l'éco-organisme ESR et regroupant trois grandes écoles du réseau ParisTech: Arts et Métiers, Chimie ParisTech et Mines ParisTech. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Franck Aggeri est co-responsable de la chaire ESR ParisTech "Mines Urbaines", soutenue par l'éco-organisme ESR et regroupant trois grandes écoles du réseau ParisTech: Arts et Métiers ParisTech, Chimie ParisTech et Mines ParisTech. Il développe, dans ce cadre, des recherches sur l'économie circulaire, l'éco-conception et la REP comme technique politique de gouvernement. </span></em></p>Dans le contexte de transition vers une économie circulaire, les déchets deviennent une ressource commune qui mérite d’être valorisée et gérée collectivement.Helen Micheaux, Post-doctorat, sciences de gestion, Mines Paris - PSLFranck Aggeri, Professeur de management, PSL Research University, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.