tag:theconversation.com,2011:/global/topics/batiment-36381/articlesbâtiment – The Conversation2024-03-06T16:08:59Ztag:theconversation.com,2011:article/2247972024-03-06T16:08:59Z2024-03-06T16:08:59ZS’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
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<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSLBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLBlanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSLSophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056302024-02-08T16:52:01Z2024-02-08T16:52:01ZChanvre, bois, laine, quels matériaux pour décarboner le secteur du bâtiment ?<p>Avec la montée des préoccupations environnementales et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’usage des matériaux biosourcés dans le domaine du bâtiment, aussi bien en construction neuve qu’en rénovation, devrait connaître une forte croissance dans les années à venir.</p>
<p>Les matériaux biosourcés sont des matériaux issus de la matière organique renouvelable (biomasse) d’<a href="https://theconversation.com/faire-pousser-des-isolants-thermiques-un-panorama-des-materiaux-disponibles-en-france-185653">origine végétale</a> ou animale. Dans le bâtiment, ils se présentent sous la forme de fibres pour la constitution de laines d’isolation, ou de granulats (tiges végétales concassées) utilisés pour réaliser des mortiers ou des bétons. Ils peuvent être utilisés en plancher bas, sous forme d’isolants (sous toiture, sous plancher, sur parois), en paroi verticale et en enduit de finition (en intérieur comme en extérieur).</p>
<p>Leurs performances environnementales et notamment leur <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/neutralite-carbone-construction-atouts-materiaux-biosources">aptitude à stocker le carbone biogénique</a> – c’est-à-dire, fixé par les plantes au cours de la croissance des végétaux – confèrent à ces matériaux un rôle essentiel dans le cadre de l’application de la Réglementation environnementale 2020 (RE 2020) et plus globalement dans la mise en œuvre de la <a href="https://theconversation.com/la-planification-ecologique-existe-deja-en-france-mais-doit-devenir-operationnelle-183670">Stratégie nationale bas-carbone</a> (SNBC).</p>
<h2>D’où viennent les matériaux biosourcés ?</h2>
<p>De nombreuses matières premières organiques peuvent être utilisées pour fabriquer des matériaux biosourcés. À l’heure actuelle, une grande variété de filières existent déjà en France, avec des degrés de maturité plus ou moins importants. Sans avoir prétention à l’exhaustivité, énumérons les principales :</p>
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<span class="caption">Site de sylviculture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Louis Zimmermann</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<span class="caption">La maison Feuillette est le plus ancien bâtiment du monde construit en ossature bois et isolé en ballots de paille connu à ce jour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Pauschitz/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<li><p>Le bois : la France est la première puissance européenne en matière de volume de bois sur pied (forêts de résineux et de feuillus), mais elle est pratiquement la dernière en termes de consommation de bois par habitant, traduisant ainsi son fort potentiel de développement.</p></li>
<li><p>La paille utilisée sous forme de bottes : ce « déchet » de la culture céréalière est un matériau de construction aux origines anciennes : la plus vieille maison en paille de France – la « Maison Feuillette » à Montargis – a été édifiée en 1921 !</p></li>
<li><p>Le chanvre : cette excellente tête d’assolement qui permet la régénération des sols par rotation des cultures peut être cultivée sur quasiment l’ensemble du territoire métropolitain français et ne nécessite pratiquement aucun traitement et a besoin de peu d’eau.</p></li>
<li><p>Le lin : cette filière se tourne principalement vers le textile (fibres) et l’équipement automobile (fibres et graines), cependant une partie de la production des fibres est commercialisée sous forme d’isolants et les anas de lin sont utilisés dans des bétons végétaux.</p></li>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faire-pousser-des-isolants-thermiques-un-panorama-des-materiaux-disponibles-en-france-185653">Faire pousser des isolants thermiques: un panorama des matériaux disponibles en France</a>
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<span class="caption">Champs de Miscanthus près de Rouvres, en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andrea Kirkby/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568938/original/file-20240111-29-shkjbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Champs de coton.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Erik Anestad/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<ul>
<li><p>Le miscanthus, ou « herbe à éléphant » : cette plante herbacée originaire d’Asie, haute de 4 m, peut être plantée sur des terres inaptes, ou presque, à d’autres cultures.</p></li>
<li><p>La ouate de cellulose : ce matériau est constitué de papier recyclé (journaux et magazines), reconditionné sous la forme d’un isolant léger très performant.</p></li>
<li><p>Le coton : cet excellent isolant thermique et acoustique est exclusivement utilisé en France dans sa forme recyclée compte tenu du coût très élevé de la matière première.</p></li>
<li><p>Le colza : ce fruit du croisement d’un chou et d’une navette est cultivé depuis l’Antiquité.</p></li>
<li><p>Le tournesol : introduite en Europe au XVI<sup>e</sup> siècle, cette plante est cultivée pour ses graines riches en huile alimentaire de bonne qualité.</p></li>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-role-de-la-biomasse-dans-la-transition-ecologique-205311">Quel rôle de la biomasse dans la transition écologique ?</a>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568678/original/file-20240110-27-h67wgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gros plan sur l’écorce d’un chêne-liège.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gauthier V./Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568679/original/file-20240110-20-7nfu2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La tonte obligatoire des moutons a fait chuter le cours de la matière première.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Myri_Bonnie/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<ul>
<li><p>Le liège : ce matériau présent dans l’écorce de quelques arbres, et notamment celle du chêne-liège, protège l’arbre des insectes, du froid et des intempéries tout en lui permettant de respirer et est particulièrement prisé dans le domaine de la construction pour son imputrescibilité.</p></li>
<li><p>Le roseau : cette plante pousse dans des roselières, zones humides en bordure de lacs, d’étangs, de marais ou de bras morts de rivière.</p></li>
<li><p>Le bambou : utilisé depuis des siècles en Asie, il est aujourd’hui très convoité par les architectes contemporains occidentaux en raison de sa solidité et de sa souplesse.</p></li>
<li><p>Et enfin, la laine de mouton : déchet de la tonte obligatoire des moutons, ce matériau a vu son prix chuter fortement au cours des dix dernières années, ouvrant de nouvelles perspectives de valorisation en circuit court sur certains territoires.</p></li>
</ul>
<p>Ces matières premières peuvent être utilisées seules ou en combinaison avec d’autres matériaux pour fabriquer des produits de construction biosourcés.</p>
<h2>Vers des bâtiments plus écologiques ?</h2>
<p>Face aux impacts environnementaux du secteur de la construction et aux objectifs de neutralité carbone affichés pour 2050, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020">nouvelle réglementation environnementale RE 2020</a> ne porte plus uniquement sur la performance énergétique des bâtiments. Elle prend désormais en compte l’impact du bâtiment et de ses composants sur le changement climatique tout au long de son cycle de vie : fabrication, transport, mise en œuvre, utilisation, maintenance, remplacement et fin de vie.</p>
<p>Cela passe notamment par un nouvel indicateur, <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/reglementation-environnementale-2020-quelles-definitions">appelé Ic construction</a>. Celui-ci est calculé sur la durée de vie du bâtiment, fixée conventionnellement à 50 ans. Il ne pas doit pas dépasser une valeur seuil donnée, différente pour l’habitat individuel et pour l’habitat collectif, qui va <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043877196">baisser progressivement au cours des prochaines années</a> pour être de plus en plus restrictif.</p>
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<p>Diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout au long du cycle de vie du bâtiment et décarboner les systèmes constructifs devient donc la nouvelle exigence réglementaire.</p>
<p>Cet objectif implique de minimiser le recours <a href="https://theconversation.com/en-construction-mieux-vaut-preconiser-le-bois-pour-reduire-lempreinte-carbone-des-batiments-180752">aux matériaux dont les procédés de fabrication sont très émetteurs de gaz à effet de serre</a>. Ou encore mieux, qu’elle comprenne une part <em>significative</em> de matériaux biosourcés, capables de stocker du carbone sur toute la durée de vie du bâtiment.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/produits-biosources-greenwashing-ou-plus-value-environnementale-216398">Produits « biosourcés » : greenwashing ou plus-value environnementale ?</a>
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<h2>Des matériaux biosourcés qui piègent le carbone</h2>
<p>La séquestration de carbone correspond à la capture du CO<sub>2</sub> de l’air et à son stockage en dehors de l’atmosphère, par exemple dans la biomasse, l’océan ou les forêts. <a href="https://theconversation.com/que-sont-les-puits-de-carbone-et-comment-peuvent-ils-contribuer-a-la-neutralite-carbone-en-france-201420">Il s’agit d’un important régulateur du climat</a>.</p>
<p>Or, il s’agit également d’un des grands atouts des matériaux biosourcés fabriqués à partir de biomasse végétale. En effet, ils sont en mesure de stocker du carbone sous forme de <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/neutralite-carbone-construction-atouts-materiaux-biosources">carbone biogénique</a>, en prolongeant la durée de vie des végétaux qui ont piégé le CO<sub>2</sub> de l’atmosphère par photosynthèse.</p>
<p>En fonction de la quantité de biomasse intégrée à un matériau, cela permet mécaniquement de diminuer ses émissions totales de CO<sub>2</sub>. Dans certaines configurations, cette part de stockage carbone peut compenser en partie, voire entièrement les émissions liées à la phase de production du matériau. C’est par exemple le cas pour le béton de chanvre, <a href="https://www.interchanvre.org/documents/5.actu_presse/documents_de_reference/2006_ACV%20chanvre.pdf">qui stocke davantage de CO<sub>2</sub> que ce que sa production en émet</a>.</p>
<p>Ce stockage peut alors être considéré comme une émission négative, et dans certains cas être déduit des émissions globales du produit de construction lors de l’analyse du cycle de vie (ACV) du matériau. La capacité de stockage carbone des matériaux biosourcés peut ainsi être comptabilisée dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cycle-de-vie-21061">l’analyse de cycle de vie</a> des bâtiments lorsque celle-ci recourt à la méthodologie dite dynamique. Celle-ci inclut une <a href="https://www.construction21.org/france/articles/h/acv-dynamique-vs-acv-statique-3-3-decomposition-de-l-impact-et-approche-temporelle.html">analyse des impacts au cours du temps</a>.</p>
<p>Car les bénéfices associés au carbone piégé par les matériaux biosourcés dépendent aussi de paramètres temporels comme le temps de renouvellement de la plante, la durée de vie du matériau et la date de fin de vie du produit. La méthode de calcul du bilan carbone va elle aussi <a href="https://rpn.univ-lorraine.fr/UNT/acv-bioproduits/co/Methodo_alloc_impacts.html">influencer le bilan carbone total</a>.</p>
<p>Le choix de la méthodologie statique ou dynamique est important. Les effets du carbone biogénique sont négligés dans les analyses de cycle de vie statiques, car il est considéré que le carbone stocké par un produit est <a href="https://www.batimentbascarbone.org/wp-content/uploads/2023/04/Referentiel_BBCA_Neuf_v4.1_Option_Contribution_Neutralite_v1.0_31.03.2023.pdf">« relargué » dans l’atmosphère</a> en fin de vie.</p>
<p>La prise en compte de la temporalité et du carbone biogénique est donc essentielle dans le calcul du bilan environnemental global d’un produit, si l’on veut tirer parti des atouts des matériaux biosourcés.</p>
<h2>Les sous-produits de plantes annuelles plus avantageux que le bois ?</h2>
<p>Mais tous les matériaux biosourcés ne sont pas égaux en la matière. Les arbres, par exemple, présentent une longue période de renouvellement. Leur croissance lente implique que, pour une même quantité de carbone stockée, il faut attendre plus longtemps pour les arbres que pour les espèces végétales à croissance rapide, comme la paille ou le chanvre, qui se renouvellent en une année. Autrement dit, il faut <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/+/1ba8::la-foret-un-indispensable-pour-une-planete-decarbonee.html">plusieurs décennies pour qu’un arbre atteigne son pic d’absorption de CO<sub>2</sub></a>, contre environ un an pour une plante annuelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="La paille se renouvelle bien plus vite que les arbres, ce qui permet de fixer davantage de carbone." src="https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568671/original/file-20240110-27-p7g01m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des bottes de paille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Bisson/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il en découle une conséquence importante : les matériaux biosourcés à renouvellement rapide, comme la paille, permettent des prélèvements de CO<sub>2</sub> biogénique plus fréquents. Par conséquent, plus les périodes de renouvellement seront courtes et la durée de vie du produit longue, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360132317305644">moins l’empreinte environnementale du produit sera élevée</a>.</p>
<p>Cette remarque est fondamentale pour réaliser une évaluation complète des bénéfices environnementaux des matériaux biosourcés dans les secteurs du bâtiment et de la construction. Ainsi, il sera pertinent de privilégier la paille ou le chanvre pour l’isolation, par exemple, tout en optant pour une structure bois pour la solidité de la charpente. Le bois et les autres matériaux biosourcés à renouvellement rapide ne doivent pas être opposés, il s’agit de solutions complémentaires.</p>
<h2>L’importance des choix de construction</h2>
<p>L’ACV utilisée pour évaluer l’impact environnemental d’un bâtiment repose sur le <a href="https://www.asso-iceb.org/wp-content/uploads/2012/11/guide_bio_tech_l_energie_grise_des_materiaux_et_des_ouvrages.pdf">calcul</a> de l’énergie utilisée pour la fabrication et l’utilisation des matériaux et équipements, dite <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quappelle-t-lenergie-grise">« énergie grise »</a> et sur les consommations en usage du bâtiment.</p>
<p>Or, cette énergie grise représente les trois quarts de l’énergie consommée durant toute la durée de vie d’un bâtiment neuf <a href="http://www.vegetal-e.com/fr/actu_4669/la-re-2020-prendra-en-compte-la-capacite-des-materiaux-de-construction-a-stocker-du-carbone.html">selon l’Ademe</a>. Autrement dit, au moment d’entrer dans un bâtiment neuf, ce dernier a déjà entraîné la consommation de 75 % de l’énergie qu’il consommera pendant toute sa durée de vie, généralement estimée à 50 ans pour les bâtiments actuels.</p>
<p>Pour les calculs d’analyse du cycle de vie, l’utilisation du bois en construction a donc un impact positif, mais minoré par rapport aux végétaux à cycle court. Ceci étant dû au temps de régénération du bois en forêt, qui est similaire voire supérieur à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0950061816313046">durée de vie des bâtiments</a>. Tandis que les plantes à cycle annuel (colza, tournesol, chanvre, paille…) mobilisent les surfaces agricoles sur une durée nettement plus faible que pour les productions forestières.</p>
<p>Ainsi, sur 50 ans et pour une surface égale, la séquestration de carbone et la quantité de matériau utilisable sera bien supérieure pour ces cultures que pour les arbres d’une forêt.</p>
<p>Enfin, comme il ne s’agit pas de cultures dédiées mais de coproduits végétaux, leur utilisation dans la construction est encore plus vertueuse d’un point de vue environnemental : en effet, elles apportent aussi une <a href="https://theses.hal.science/tel-01835828/document">plus-value économique à l’agriculteur</a> sur une production à vocation alimentaire.</p>
<p>Tout pour plaire, donc… ou presque : il faut aussi s’assurer des performances acoustiques et surtout thermiques (isolation) de ces matériaux. Sans quoi, les gains de CO<sub>2</sub> réalisés lors de la construction pourraient être amoindris par une consommation d’énergie accrue lors de la vie du bâtiment.</p>
<p>À cet égard, les biomatériaux présentent des performances équivalentes, voire meilleures que les matériaux traditionnels en <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/neutralite-carbone-construction-atouts-materiaux-biosources">permettant d’amortir les variations de températures extérieures</a></p>
<p>et de <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/materiaux-biosources-emissions-polluants-interieur-deuxieme">réguler l’humidité intérieure dans les bâtiments</a>. D’un point de vue économique enfin, le choix des matériaux biosourcés <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/10/170614-cerema-etat-connaissancecouts-biosources.pdf">ne représente pas systématiquement un gros surinvestissement</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Arnaud a reçu des financements de l'Ademe : Subvention pour mener des programmes de recherche et de développement de l'Ademe</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Etienne GOURLAY a reçu des financements de l'ADEME et de l'ANR.</span></em></p>Les matériaux biosourcés, d’origine végétale (bois, chanvre, paille…) ou animale (laine…), présentent l’avantage de séquestrer du carbone. De quoi verdir le secteur de la construction ?Laurent Arnaud, Responsable du Domaine Bâtiment au CEREMA (Dr-HDR), CeremaEtienne GOURLAY, Responsable d'études scientifiques "Performances des Matériaux Biosourcés", CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2192402023-12-11T10:24:39Z2023-12-11T10:24:39ZMesdames du bâtiment : quelle place pour les artisanes dans ce « milieu d’hommes » ?<p>Clothilde Coron, professeure en sciences de gestion à l’Université Paris-Saclay, observe dans ses <a href="https://scholar.google.com/citations?user=K3wO4V8AAAAJ&hl=fr">travaux</a> que les femmes subissent toujours <a href="https://theconversation.com/la-persistance-des-stereotypes-entretient-les-inegalites-professionnelles-femmes-hommes-199320">deux sortes de ségrégation dans les activités professionnelles</a> : verticale, c’est le célèbre <a href="https://theconversation.com/topics/plafond-de-verre-44233">plafond de verre</a> ; horizontale, certaines activités leur restant difficiles, si ce n’est impossibles, d’accès. Le secteur du <a href="https://theconversation.com/topics/batiment-36381">bâtiment</a> fait partie de ces dernières.</p>
<p>Quelques <a href="https://www.ffbatiment.fr/actualites-batiment/presse/journee-de-la-femme-2023">tentatives de féminisation</a> ont été lancées, mais force est de constater qu’elles portent peu leurs fruits. Ainsi, le nombre de femmes stagne aux alentours de <a href="https://www.batiactu.com/edito/femmes-dans-btp-constante-evolution-65820.php">12 % dans le bâtiment</a>. Les femmes restent en outre cantonnées dans les bureaux, les activités commerciales, et éventuellement des activités de finition, des <a href="https://theconversation.com/topics/stereotypes-24543">postes réputés féminins</a>. Elles ne sont que <a href="https://www2.attestationlegale.fr/2022/04/la-feminisation-du-secteur-btp-et-construction-un-vaste-chantier/#:%7E:text=En%202020%2C%20la%20part%20des,co%2Ddirig%C3%A9e%20par%20une%20femme">1,6 % à travailler sur les chantiers</a>.</p>
<p>Depuis les années 2000, de nombreuses <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1468-0432.00106">études</a> en management ont observé la place des femmes dans le bâtiment, y compris en <a href="https://theconversation.com/ma-femme-est-peintre-en-batiment-et-alors-ou-est-le-probleme-115856">France</a>. La plupart des résultats s’avèrent peu encourageants entre <a href="https://riunet.upv.es/bitstream/handle/10251/107373/WomenBarriersFinal.pdf">identification d’un plafond de verre</a> ou conclusions telles que « elles doivent <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EJTD-11-2019-0186/full/html">travailler deux fois plus dur pour faire leurs preuves</a> ». On recense à la fois des <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2019-4-page-119.htm?contenu=article">freins psychologiques et des freins physiques</a> à la présence de femmes sur les chantiers. Toutes ces études, toutefois, se sont penchées sur le cas de femmes salariées dans le bâtiment. Dans notre <a href="https://hal.science/tel-03893268/">travail de thèse</a>, nous avons voulu observer l’intégration de femmes dans le bâtiment, non pas en tant que salariées, mais en tant qu’artisanes.</p>
<h2>Une bonne surprise !</h2>
<p>L’artisanat est un milieu qui peine également à faire place aux femmes. Si des efforts sont déployés par les instances représentatives, la part de femmes <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5014069">stagne aux alentours de 25 %</a>. Certains métiers restent plus particulièrement très difficiles d’accès. Les femmes artisanes du bâtiment seraient <a href="https://www.capeb.fr/www/capeb/media/dp-capeb-cnfa-journee-des-femmes-8-mars-2021-version-finale-.pdf">au mieux 4 %</a>. Nous avons donc cherché à savoir si les artisanes étaient bien accueillies dans ce milieu d’hommes, en tant que cheffes d’entreprises. Les artisanes que nous avons rencontrées sont toutes des femmes de terrain, et sont régulièrement sur les chantiers au contact des autres artisans et des clients.</p>
<p>À l’issue de nos travaux, nous avons fait un constat inattendu au regard des études mentionnées précédemment : les femmes, artisanes du bâtiment, s’avèrent plutôt bien accueillies par les hommes artisans. Julia, électricienne nous explique par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Oui, ça se passe très, très bien. Avec les plaquistes, les maçons… il n’y a pas de soucis. »</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs facteurs l’expliquent. Premièrement, les artisanes sont majoritairement impliquées dans des travaux de rénovation, ou sur des chantiers de taille moyenne. On y retrouve ainsi beaucoup moins d’hommes, qui par ailleurs sont eux aussi chefs d’entreprises artisanales. Il n’y a donc pas – autant – d’effet « de meute » que sur des opérations plus vastes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633794343956885506"}"></div></p>
<p>Le deuxième point est que le bâtiment est un secteur en tension : des artisans qui pourraient embaucher un peu ne trouvent pas forcément la main-d’œuvre qualifiée qu’ils recherchent. Collaborer et sous-traiter des chantiers à une artisane motivée et compétente est une solution parfaitement viable pour ces artisans hommes. C’est ce que Faustine, électricienne a observé :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on change de région, il faut quand même retrouver du travail. Et quand on n’est pas connue, c’est un peu compliqué. Ici, les électriciens étaient contents que j’arrive, parce qu’ils manquaient de main-d’œuvre : j’ai saisi l’occasion. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la présence de femmes sur ces chantiers est aussi bien perçue, car l’ambiance devient alors différente, chose déjà constatée par <a href="https://theconversation.com/ma-femme-est-peintre-en-batiment-et-alors-ou-est-le-probleme-115856">Agnès Paradas, chercheuse à l’université d’Avignon, et ses collègues</a>. Une satisfaction pour Sabine, peintre :</p>
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<p>« En tant que femme, comme on est un peu la mascotte, c’est vraiment super bien de se dire qu’on a le pouvoir de pouvoir faire quelque chose de positif et d’amener une bonne ambiance positive, de pousser les garçons à avoir envie de travailler parce qu’ils vont être dans cette ambiance. »</p>
</blockquote>
<p>Bref, pour ces femmes, l’intégration parmi les artisans hommes se passe plutôt bien.</p>
<h2>Déconstruisons quelques clichés</h2>
<p>Faire place des femmes dans le bâtiment reste néanmoins chose difficile, notamment à cause des préjugés. Nous avons abordé durant nos entretiens la difficulté physique des métiers. S’il ressort que ces femmes ne prétendent pas avoir la force physique d’un homme, cela ne leur pose absolument aucune difficulté. Car les hommes aussi ont du mal à accomplir certaines tâches seuls, et s’aident entre eux. Lucille est couvreuse et nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on travaille dans une ambiance qui est saine et qu’il y a du respect, quand ça ne devient pas une compétition, tout le monde n’est pas en train de regarder si on va y arriver ou pas. On demande de l’aide, et cela se fait sans problème : il n’y a pas de souci, on n’est jamais coincée parce qu’on est une femme et qu’on ne peut pas y arriver. »</p>
</blockquote>
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<p>Il n’y a donc aucune tâche qui ne peut être accomplie par une femme sur un chantier. Même si Orbiane reconnaît qu’en maçonnerie, avec son petit gabarit cela a été parfois difficile, elle accomplit son travail aussi bien que les hommes :</p>
<blockquote>
<p>« On fait ce qu’on peut physiquement, on se fait aider, il ne faut pas hésiter à aller sur un élévateur. »</p>
</blockquote>
<p>Certaines ne manquent d’ailleurs pas d’ingéniosité pour accomplir des tâches qui sont physiquement éprouvantes, y compris pour des hommes. Ainsi, Théodora, charpentière, lève ses charpentes à la corde plutôt que de les porter et de risquer blessures et accidents de travail. Elle utilise cette méthode, pour le plus grand plaisir de ses salariés – des hommes :</p>
<blockquote>
<p>« Le levage à la corde, c’est toute une institution : on lève comme ça et eux ils ne lèveraient jamais autrement. Ils y ont tellement pris goût que c’est un jeu, c’est un plaisir. Le jour où on sort les cordes, on est tous des gamins ».</p>
</blockquote>
<p>Ces femmes que nous avons rencontrées, même dans des métiers difficiles, sont la preuve que le bâtiment aurait tout à gagner à accueillir en nombre des femmes, dans tous les métiers. Nous faisons nôtres les <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2006-2-page-97.htm">mots de la sociologue Stéphanie Gallioz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« les femmes ont toujours occupé des emplois à fort taux de pénibilité requérant force et résistance (agricultrice, aide-soignante). Mais dans ces cas-là, cette pénibilité peut être plus ou moins minorée, voire ignorée. »</p>
</blockquote>
<p>Si une femme peut s’occuper d’une personne âgée seule, d’animaux d’élevage seule, elle est assurément et sans aucun doute possible en mesure de monter un mur de parpaing seule, et aussi bien qu’un homme. Rappelons également à toutes fins utiles que durant les guerres, les femmes ont toujours suppléé les hommes partis au front, dans tous les secteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Blanchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes artisanes restent encore très minoritaires dans le secteur du bâtiment. Elles semblent pourtant bien accueillies par leurs homologues masculins.Grégory Blanchard, Enseignant-chercheur. Recherche : artisanat, identités, TPE. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2155482023-10-12T17:26:41Z2023-10-12T17:26:41ZLa conférence sociale sur les bas salaires acte les difficultés à négocier des hausses collectives dans les entreprises<p>Pressé d’agir pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés dans un contexte d’inflation, le gouvernement a convoqué les partenaires sociaux pour une <a href="https://www.sudouest.fr/economie/conference-sociale-sur-les-bas-salaires-le-gouvernement-annonce-ce-rendez-vous-pour-le-16-octobre-16751525.php">conférence sociale</a> sur « les carrières et les branches situées sous le salaire minimum », ce lundi 16 octobre. Trois thèmes seront plus précisément abordés : les « minima conventionnels, les classifications et les déroulés de carrière », puis « les temps partiels et les contrats courts », et enfin « les exonérations de cotisations, primes d’activité et tassement des rémunérations ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1705104986969874766"}"></div></p>
<p>Cette conférence sur les bas salaires apparait toutefois comme un signe de la dévitalisation du rôle des branches dans la régulation du rapport salarial dans un nombre considérable de secteurs d’activité, où les salaires se déterminent en <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2023/09/18/que-sait-on-du-travail-quel-role-pour-la-branche-dans-la-definition-des-conditions-d-emploi-et-des-salaires-en-france_6189853_1698637.html">dehors de toute référence à sa convention collective</a>. Elle est en cela aussi l’aboutissement d’une politique constante de ce gouvernement, et de ses prédécesseurs sur ces vingt dernières années, consistant, au moyen d’une multitude de réformes du « dialogue social », à donner la priorité aux négociations d’entreprise dans la construction des compromis salariaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1704400673423364601"}"></div></p>
<p>Mais que cela signifie-t-il de négocier dans les entreprises quand les syndicats <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/17b3ae156eb512bed6bef61a7ebb2407/DR_IRP_2021.pdf">y sont de moins en moins présents</a> (en 2021, seulement 11,2 % des entreprises de 10 salariés ou plus disposaient d’au moins un délégué syndical, représentant 57,5 % des salariés du champ), ou quand les moyens mis à disposition des élus du personnel ont été <a href="https://ires.fr/publications/cfdt/lordonnance-de-2017-sur-le-cse-un-affaiblissement-de-la-democratie-sociale-en-entreprise/">diminués par les ordonnances Travail de 2017</a> ?</p>
<p>La question de la réalité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dialogue-social-44601">dialogue social</a> dans les entreprises, en fonction en particulier des contextes de marché des entreprises et des contextes de travail des salariés, est l’objet de notre ouvrage collectif <a href="https://editions-croquant.org/dynamiques-socio-economiques/917-un-compromis-salarial-en-crise-que-reste-t-il-a-negocier-dans-les-entreprises-.html"><em>Un compromis salarial en crise. Que reste-t-il à négocier dans les entreprises ?</em></a> qui vient tout juste d’être publié aux Éditions du Croquant.</p>
<h2>La négociation salariale, une réalité très inégale</h2>
<p>En croisant analyse statistique et enquête de terrain, nous y montrons que la négociation de nouveaux compromis entre employeurs et salariés sur les conditions de rémunération et de travail de ces derniers est devenue très difficile. La priorité donnée à la négociation d’entreprise contribue également à creuser encore plus les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-salariales-103013">inégalités entre salariés</a>, en renforçant la précarité des moins diplômés, des salariés des petites entreprises, ou encore des travailleurs « essentiels » du secteur sanitaire et social.</p>
<p>Peut-on négocier dans des petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou de représentants du personnel syndiqués, et dans lesquelles les salariés sont pris dans des relations de subordination directes avec leur patron ? La réponse est clairement non : la négociation collective dans ce type d’entreprises, qu’on a appelé « petites entreprises paternalistes », reste déjà très rare et quand elle a lieu, on ne peut qualifier d’accord son issue tant il s’agit davantage d’une décision unilatérale de l’employeur !</p>
<p>Or ce sont dans ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">petites et moyennes entreprises</a> (PME) paternalistes qu’on trouve principalement les salariés peu qualifiés, mal rémunérés, comme les travailleurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/logistique-27386">logistique</a>, du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/batiment-36381">bâtiment</a> ou du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commerce-20442">commerce</a>. Même quand les employeurs sont disposés à accorder quelques avantages salariaux, ou autre, à leurs salariés pour les fidéliser ou en attirer de nouveaux (salariés) dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre dans certains de ces secteurs, leurs marges de manœuvre restent très contraintes par leur dépendance à un donneur d’ordre ou à un marché économique à bas coûts de plus en plus concurrentiel.</p>
<p><iframe id="qeETg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/qeETg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, lorsque les salariés sont plus qualifiés et disposent de davantage de ressources pour monnayer leurs savoir-faire professionnels, le rapport de force apparait certes différent. Dans notre analyse, on retrouve ces salariés dans des PME du type « innovantes et dynamiques », à l’instar des start-up ou des cabinets de conseil, et qui se situent sur des marchés internationalisés ou de niche avec des produits à haute valeur ajoutée.</p>
<p>Cependant, les négociations collectives appuyées par de réels échanges restent rares dans ce type d’entreprises. Même si ces organisations apparaissent plus souvent dotées que les précédentes de représentants du personnel, ces derniers sont rarement syndiqués face à des employeurs résolument hostiles à la présence syndicale et qui assoient l’hégémonie de leur pouvoir par le maintien de politiques de rémunération très individualisées.</p>
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<p>La présence syndicale reste donc un préalable à la possibilité de construire de nouveaux compromis salariaux favorables aux salariés, par les ressources qu’ils peuvent mobiliser et le rapport de force qu’ils peuvent engager. Cela étant dit, leur capacité de mobilisation s’est amenuisée sous l’effet de la précarisation et de l’éclatement des collectifs de travail. En outre, leurs marges d’action réelles dans les négociations se sont largement affaiblies, dans un contexte de financiarisation des plus grandes entreprises et de néolibéralisation des politiques publiques.</p>
<h2>Pression des actionnaires et de l’État</h2>
<p>C’est le cas des grands groupes industriels ou ceux de la grande distribution (les « entreprises néo-fordistes en tension » dans notre typologie) : la présence syndicale y est beaucoup plus forte et implantée depuis plus longtemps, de sorte que la négociation des salaires via les négociations annuelles obligatoires (NAO) s’est institutionnalisée.</p>
<p>Toutefois, du fait des fortes pressions des actionnaires et des risques de délocalisation pour certaines de ces entreprises, les syndicats peinent à obtenir de nouveaux avantages sociaux ou des augmentations de salaire conséquentes – quand ces négociations ne sont pas vidées de leur substance par l’absence d’autonomie de la direction d’établissement (les décisions étant prises uniquement au niveau de la tête de groupe).</p>
<p>Dans le secteur des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/services-29744">services</a>, les contraintes sont parfois d’un autre ordre. Notre enquête a par exemple mis à jour le modèle socio-économique qui caractérise les organisations du secteur sanitaire et social, qu’elles aient le statut d’entreprise commerciale ou d’association. Les budgets et même les normes de travail y sont largement encadrés par les pouvoirs publics, laissant peu de marges de manœuvre aux directions dans leur gestion du personnel et donc dans la détermination des salaires.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=714&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553453/original/file-20231012-17-mjmwd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=897&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://editions-croquant.org/dynamiques-socio-economiques/917-un-compromis-salarial-en-crise-que-reste-t-il-a-negocier-dans-les-entreprises-.html">Éditions du Croquant (août 2023)</a></span>
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</figure>
<p>Pourtant, les salariés et les salariées – le plus souvent des femmes – subissent des conditions de travail particulièrement difficiles. Dans ce type d’organisations, le dialogue social ne permet le plus souvent que de décrocher de faibles primes pour la plupart des salariés et ne répond pas aux problématiques centrales d’organisation du travail et d’amélioration des conditions de travail.</p>
<h2>Une nécessaire intervention de l’État</h2>
<p>En même temps qu’elle a affaibli la capacité des représentants syndicaux à obtenir des compromis salariaux favorables aux salariés, et plus encore pour celles et ceux qui subissent de mauvaises conditions de travail et de rémunération, la décentralisation de la négociation collective a renforcé sa subordination aux logiques du marché et a modifié en conséquence la nature des compromis négociés.</p>
<p>De fait, négocier les salaires au niveau de l’entreprise a activement contribué à l’individualisation et à la flexibilisation des politiques de rémunérations en facilitant le développement des primes – d’intéressement, de participation, ou plus récemment la <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35235">« prime Macron »</a> – qui dépendent des résultats de l’entreprise ou n’a pas vocation à être pérennisé pour la dernière citée.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>, elle, touche pourtant durablement le revenu des salariés, ce qui justifie d’autant plus une intervention active de l’État pour créer les conditions d’une hausse généralisée et durable des salaires pour l’ensemble des salariés, par le mécanisme de la loi et des conventions de branche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La rencontre entre le gouvernement et les partenaires sociaux du 16 octobre intervient dans un contexte de recul des syndicats et de flexibilisation dans la fixation des revenus.Camille Signoretto, Maître de conférences en économie, membre du LADYSS, Université Paris CitéBaptiste Giraud, Maître de conférences en science politique, membre du LEST et de l'IRISSO, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033482023-05-03T20:47:03Z2023-05-03T20:47:03ZLutte contre le réchauffement : comment les villes montrent la voie par l’expérimentation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524133/original/file-20230503-25-xvfehm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C426%2C4128%2C2669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur les bords du Rhône à Lyon. </span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Girot / Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Novembre 2022 : la COP27 s’achève sur des engagements <a href="https://theconversation.com/cop27-will-be-remembered-as-a-failure-heres-what-went-wrong-194982">manquant d’ambition</a>, <a href="https://www.reuters.com/business/cop/cop27-climate-summit-missed-chance-ambition-fossil-fuels-critics-say-2022-11-28/">étouffés</a> par les producteurs d’énergies fossiles et des garanties financières nettement insuffisantes ; cette fin de conférence mondiale sur le réchauffement climatique avait ainsi laissé les observateurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-03812-3">frustrés</a> et <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221107-why-are-we-here-climate-activists-shunted-to-cop27-sidelines">déçus</a>. </p>
<p>Malgré la déception, <a href="https://theconversation.com/6-reasons-2023-could-be-a-very-good-year-for-climate-action-197680">l’espoir de trouver des solutions</a> à la hauteur de ces problématiques de plus en plus complexes demeure.</p>
<p>Le constat est bien connu : les politiques ambitieuses, à l’image d’un <a href="https://theconversation.com/green-deal-seeks-to-make-europe-the-first-climate-neutral-continent-by-2050-128887">Green New Deal</a> européen ou des traités approuvés par l’ONU, se heurtent à l’éternelle difficulté d’emporter l’adhésion politique, et sont en outre notoirement peu fiables. </p>
<p>Parmi les échecs récents, citons le fiasco qu’a constitué en 2017 la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Donald Trump avait alors <a href="https://edition.cnn.com/2017/06/01/politics/paris-pittsburgh-trump-nationalist-decision/index.html">clamé</a> avoir été élu pour représenter « les habitants de Pittsburgh, pas ceux de Paris ».</p>
<h2>De Pittsburgh à Paris</h2>
<p>Ce qui aurait pu apparaître comme une mise en garde contre l’imprévisibilité des États à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique a finalement servi à nous rappeler que les actions concrètes s’opèrent souvent à d’autres échelles. </p>
<p>En 2017, il a ainsi fallu moins d’une semaine aux maires de Pittsburgh et de Paris, Bill Peduto et Anne Hidalgo, pour publier un <a href="https://www.nytimes.com/2017/06/07/opinion/the-mayors-of-pittsburgh-and-paris-we-have-our-own-climate-deal.html">communiqué commun</a> réaffirmant les objectifs de l’Accord de Paris. Depuis, des centaines de villes aux États-Unis et dans le monde ont adhéré à des pactes pour le climat, à l’image de la campagne <a href="https://www.wearestillin.com/">« We’re Still In »</a> ou le <a href="https://www.globalcovenantofmayors.org/">Global Covenant of Mayors</a>, initiatives soutenues par des philanthropes et des personnalités politiques.</p>
<p>La volonté des maires de jouer un rôle significatif dans la résolution des problèmes les plus urgents de la planète suggère qu’un des moyens d’inverser le cours du changement climatique est de se concentrer sur l’expérimentation et l’innovation à partir de la base.</p>
<p>Au lieu d’essayer de mettre en œuvre de grands projets ambitieux, les villes et les communautés peuvent continuer à montrer la voie par l’expérimentation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La maire de Paris Anne Hidalgo s’exprimant sur les villes durables lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/23460775051">Public domain</a></span>
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</figure>
<p>Les villes méritent-elles un tel optimisme ? Oui, avec une réserve, comme le montre l’exemple de la construction économe en énergie, que j’ai étudiée ces dernières années au sein du <a href="https://pacscenter.stanford.edu/research/civic-life-of-cities-lab/">Laboratoire de la vie civile des villes</a> de l’université de Stanford et à l’<a href="https://miurban.uchicago.edu/">Institut Mansueto d’innovation urbaine</a> de l’université de Chicago. </p>
<p>La construction verte représente une part essentielle de la solution au problème du changement climatique. Selon les <a href="https://architecture2030.org/why-the-building-sector/">estimations</a>, 40 % des émissions carbone dans les villes industrialisées sont générées par le secteur du bâtiment, tandis que la construction verte connaît depuis deux décennies une croissance rapide et constante.</p>
<p>Les innovations technologiques utilisées dans la construction de bâtiments verts <a href="https://theconversation.com/a-green-trifecta-how-a-concrete-alternative-can-cut-emissions-resource-use-and-waste-192501">existent déjà</a>. Leur application généralisée, en introduisant des standards raisonnablement élevés dans la construction et la rénovation de bâtiments, pourrait <a href="https://www.c40.org/what-we-do/scaling-up-climate-action/energy-and-buildings/">marquer une différence significative</a> dans la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. </p>
<p>Si les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments n’ont jamais été aussi élevés, un <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/co2-emissions-buildings-and-construction-hit-new-high-leaving-sector">rapport de situation</a> de la COP27 indique toutefois que l’augmentation des émissions de CO<sub>2</sub> engendrées par les nouvelles constructions surpasse l’efficacité énergétique des bâtiments. Si construire des bâtiments plus écologiques n’est <a href="https://theconversation.com/we-cant-afford-to-just-build-greener-we-must-build-less-170570">pas suffisant</a>, la construction verte montre que les villes peuvent se trouver à l’avant-garde de profonds changements.</p>
<p>Pour autant, la recherche globale de solutions techniques ne rend pas compte d’un élément essentiel dans l’action menée par les villes en faveur du climat : toutes n’ont pas adhéré d’emblée à ce mouvement en direction de constructions plus vertes, et certaines demeurent à la traîne. Les municipalités de plus petite taille, plus pauvres et dirigées de manière plus conservatrice sont moins susceptibles de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. </p>
<p>Mes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0275074020930362">recherches</a> suggèrent que cette situation n’est pas seulement liée à des raisons politiques ou à un manque de moyens financiers, mais aussi à l’absence d’une société civile dynamique.</p>
<h2>L’écologisation par la base</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/722965">nouvelle étude</a> publiée dans la revue <em>American Journal of Sociology</em>, j’ai analysé le recours au <a href="https://www.usgbc.org/leed">LEED</a> (Leadership in Energy and Environmental Design) – une certification développée par le US Green Building Council qui promeut la haute qualité environnementale des bâtiments – dans plus de 10 000 villes et villages aux États-Unis. </p>
<p>Dans ce cadre, j’ai répertorié les villes qui se sont tournées les premières vers la construction verte. Puis j’ai inventorié le nombre de bâtiments d’une ville faisant partie des quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/323383/leed-registered-projects-in-the-united-states/">60 000</a> à avoir reçu la certification LEED, 15 ans après être devenue un standard disponible dans le domaine du bâtiment.</p>
<p>Je montre que les villes qui témoignent d’une présence plus importante d’organisations à but non lucratif et d’une volonté à prendre des risques pour s’engager dans une mission sociale ont emprunté plus tôt le virage vers la construction verte. Les villes qui jouissent d’un secteur associatif plus vigoureux comptent également un nombre plus élevé de bâtiments efficaces sur le plan énergétique. </p>
<p>Washington DC, par exemple, fait partie des villes leaders aux États-Unis en termes de construction verte et bénéficie d’un riche réseau d’organisations à but non lucratif. Un des planificateurs urbains de cette ville m’a dit en 2017 que « le nombre de bâtiments LEED représente un critère de référence important de l’impact du secteur du bâtiment sur le climat ».</p>
<p>Pourquoi ce lien si étroit ? Dans des villes comme Chicago, Cincinnati et San Francisco, ce sont les musées, les laboratoires et les fondations qui, au début des années 2000, ont ouvert la voie aux premiers bâtiments verts. Les immeubles de bureaux, les résidences d’habitation et les commerces leur ont emboîté le pas lorsqu’il est apparu évident que les bâtiments possédant une bonne efficacité énergétique permettaient à la fois de réaliser des économies et de bénéficier d’une reconnaissance nationale. Le lien manifeste entre organisations à but non lucratif et construction verte demeure, même lorsque l’on prend en compte les mesures de réglementation municipales qui relèvent les standards environnementaux.</p>
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<img alt="Le Plateau Mont-Royal" src="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C3159%2C2085&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Cela ne signifie pas que les maires peuvent se contenter de déléguer les initiatives pour le climat aux communautés locales. La législation locale crée une réelle différence. D’après mes analyses, environ 10 à 18 bâtiments écologiques supplémentaires sont construits chaque année après que la mairie a adopté une mesure d’incitation ou d’obligation d’obtention d’une certification verte pour les nouveaux bâtiments.</p>
<p>Le législateur adopte surtout de telles mesures dans des villes qui possèdent déjà une forte proportion de bâtiments écologiques, construits par des promoteurs passionnés de durabilité. Les États peuvent alors s’inspirer des réglementations locales réussies en matière de construction verte et <a href="https://www.usgbc.org/articles/illinois-and-california-lead-green-building-practices">placer la barre plus haut</a> pour les municipalités et les promoteurs.</p>
<h2>Faire pression en faveur de la neutralité carbone</h2>
<p>En conclusion, ces résultats suggèrent que les initiatives en faveur de la construction écologique ne sont pas issues des politiques nationales et internationales, ni même des politiques proactives développées par les maires. </p>
<p>La solution provient des organisations à but non lucratif qui attestent concrètement de la validité d’un concept, des organismes spécialisés engagés (tels que le <a href="https://worldgbc.org/">World Green Building Council</a> ou encore le <a href="https://www.usdn.org/index.html">Urban Sustainability Directors Network</a>), qui élaborent et diffusent des protocoles d’action, ainsi que des administrations des villes qui rendent les meilleures pratiques visibles – voire obligatoires lorsqu’elles ont fait leurs preuves.</p>
<p>De nombreuses villes, de New York à Buenos Aires en passant par Copenhague, s’engagent sur la voie de la <a href="https://www.bbc.com/future/article/20211115-how-cities-are-going-carbon-neutral">neutralité carbone</a>. Si nous voulons atteindre cet objectif, nous devons faire en sorte que dans les villes du monde entier puisse s’épanouir une société civile qui aura la place d’expérimenter et de partager ses expériences. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contre-la-clim-concevoir-des-villes-eoliennes-en-zone-tropicale-132483">Contre la clim, concevoir des « villes éoliennes » en zone tropicale</a>
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<p>Il est donc primordial de soutenir le tissu associatif et les communautés locales qui œuvrent pour lutter contre le dérèglement climatique, même lorsque les retours sur investissement ne sont pas immédiats. Cela veut dire fournir à ces structures les moyens financiers et les ressources qui leur permettront de prendre des risques.</p>
<p>Les solutions de « haut niveau », mobilisant de grandes ambitions, ne régleront pas le problème du changement climatique. Les événements tels que la COP demeurent un lieu essentiel pour que les administrations infranationales partagent leurs meilleures pratiques. Néanmoins, la majeure partie de l’action devra s’opérer aux interfaces entre les administrations locales et les organisations citoyennes. </p>
<p>La prochaine grande idée sur la manière dont nous parviendrons à enrayer le changement climatique ne viendra pas de Dubaï, qui accueillera la COP28 en 2023, mais de Lyon, Montréal, Nairobi, Grenoble ou Vienne. Pour que cela se concrétise, nos dirigeantes et dirigeants doivent s’inspirer d’expérimentations et d’innovations vues sur le terrain et s’employer à cultiver une société civile dynamique avec au moins autant de sérieux qu’elles et ils mènent les pourparlers entre États centrés sur leurs propres intérêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christof Brandtner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que les maires, ce sont les organisations à but non lucratif qui constituent la véritable force des villes pour réaliser les transitions locales face aux dérèglements climatiques.Christof Brandtner, Assistant professor in organisational and economic sociology, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2005682023-02-23T20:32:02Z2023-02-23T20:32:02ZSéisme en Turquie : la catastrophe humanitaire s’explique aussi par la corruption généralisée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511962/original/file-20230223-2744-jvfo37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C0%2C1088%2C720&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au moins 45&nbsp;000 personnes ont trouvé la mort après le séisme de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter qui a frappé la Turquie et la Syrie début février.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2023_Turkey–Syria_earthquake_montage.jpg#/media/File:2023_Turkey_Earthquake_Damage.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 février 2023, un séisme de magnitude <a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us6000jllz/executive">7,8 sur l’échelle de Richter</a> a frappé la Syrie et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, détruisant notamment Antakya (l’antique cité d’Antioche). Pour les assureurs, il s’agit d’un « act of god », une catastrophe naturelle sans cause humaine, mais l’ampleur des victimes avec 45 000 décès recensés à ce jour (et peut-être plus de 100 000 avec les disparus) et des millions de sinistrés a très vite suscité la colère des Turcs contre l’exécutif.</p>
<p>En réponse, le pouvoir a dénoncé leur indécence face à la « catastrophe du siècle » qui ne serait due qu’à <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/160223/seisme-en-turquie-la-colere-prend-le-pas-sur-le-deuil">« la main du destin »</a> selon le président Recep Tayyip Erdogan. Les autorités ont très vite <a href="https://www.lemonde.fr/en/international/article/2023/02/08/twitter-down-in-turkey-as-quake-response-criticism-mounts_6014930_4.html">coupé le réseau Twitter</a> comme de nombreux sites Internet et procédé à <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/02/08/erdogan-turkey-aftermath-earthquake-politics/">l’arrestation des critiques des secours</a> puis le Conseil supérieur de la radio-télévision a sanctionné le 22 février <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/22/seisme-trois-medias-turcs-sanctionnes-pour-avoir-critique-le-pouvoir_6162898_3210.html">trois chaines de télévision</a> qui avaient blâmé le gouvernement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624740523733819395"}"></div></p>
<p>Les risques sismiques dans la région étaient en effet parfaitement <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-64566296">connus des scientifiques</a>, comme le rappelait le sismologue néerlandais Frank Hoogerbets du Solar System Geometry Survey (SSGEOS) dans un tweet du 3 février dernier « tôt ou tard il y aura un séisme d’une magnitude d’environ 7,5 dans cette région ».</p>
<p>Les accusations se sont ainsi rapidement cristallisées sur l’autorité de gestion d’urgence des catastrophes naturelles, l’AFAD, créée en 2009 et dirigée par Ismail Palakoglu, un diplômé d’une faculté de théologie qui a réalisé l’essentiel de sa carrière au ministère des Affaires religieuses et dénué de compétences dans le domaine. Les équipes d’aide internationales ont d’ailleurs déploré la désorganisation des premiers secours et le peu d’appui de l’AFAD dans leur travail.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1621479563720118273"}"></div></p>
<p>Le gouvernement a même tenté d’entraver l’aide civile : le ministre de l’Environnement, de l’urbanisation et du changement climatique, Murat Kurum, a ainsi décrété que les dons ne pourront être collectés que par l’intermédiaire de l’AFAD et que le <a href="https://rojinfo.com/le-gouvernement-turc-entrave-laide-aux-regions-sinistrees-par-le-seisme/">matériel de secours des organisations non gouvernementales (ONG) sera confisqué</a>.</p>
<h2>Engagements non tenus</h2>
<p>Quand l’actuel président <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recep-tayyip-erdogan-21581">Recep Tayyip Erdogan</a> est devenu premier ministre en 2003, quatre ans après le séisme d’Izmit qui avait fait <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Seisme-Turquie-1999-tremblement-terre-dIzmit-faisait-17-000-morts-2023-02-07-1201254106">plus de 17 000 victimes</a>, il s’était engagé à renforcer les normes de construction et les constructions existantes. Pourtant, fin 2022, après un séisme de magnitude 5,9, l’Union des architectes et ingénieurs turcs affirmait dans un communiqué que « la Turquie avait <a href="https://time.com/6253208/turkey-earthquake-syria-updates/">échoué à prendre les mesures nécessaires</a> en cas de tremblement de terre », relevant de sérieux problèmes dans la conception, la construction et le contrôle des bâtiments.</p>
<p>Les premiers responsables de la fragilité des bâtiments sont les promoteurs qui cherchent systématiquement à réduire leurs coûts de construction en employant massivement le béton peu cher et en limitant la quantité d’acier destinée à le renforcer.</p>
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<p>Les dispositifs antisismiques existent pourtant depuis longtemps, comme en atteste la résistance des bâtiments dans des pays à haut risque sismique comme le Japon et le Chili où on a dénombré <a href="https://lepetitjournal.com/istanbul/actualites/seisme-en-turquie-linevitable-questionnement-du-respect-des-normes-de-construction-356572">525 morts et disparus</a> dans un séisme bien plus puissant, de magnitude 8,8 le 27 février 2010. Plus grave encore, pour agrandir les espaces dans les étages inférieurs, les promoteurs turcs détruisent fréquemment certaines colonnes de soutien des immeubles, pour pouvoir ouvrir des magasins ou des chaines de supermarchés.</p>
<p>Pour tenter de calmer la colère populaire, les autorités ont immédiatement arrêté et incarcéré une quarantaine d’entrepreneurs et maîtres d’ouvrage. Pour leur défense, ces derniers ont rejeté la faute sur les autorités locales qui ont accordé les permis de construire, ces dernières reconnaissant ne pas disposer de compétences en interne et se défaussant à leur tour sur les bureaux de certification privés sous-traitants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo de Tayyip Recep Erdogan" src="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511959/original/file-20230223-787-238kgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Devenu premier ministre en 2003, Tayyip Recep Erdogan s’était engagé à renforcer les normes de construction.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Recep_Tayyip_Erdogan_%282020-03-05%29_02.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Comme ailleurs dans le monde, ce sont les administrations locales qui délivrent les permis de construire, mais la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/corruption-21440">corruption</a> est telle en Turquie qu’il est facile d’obtenir un permis moyennant le versement d’un pot-de-vin. Preuve par l’absurde d’une corruption locale généralisée, Erzin, une ville de 42 000 habitants située dans une région dévastée n’a subi ni dommage, ni victimes, ni blessés.</p>
<p>Le maire de la commune, Okkes Elmasoglu, a en effet expliqué qu’à la différence de nombre de ses confrères, il n’avait jamais autorisé de construction illégale. « Certains ont essayé », a-t-il précisé, interrogé par <em>Le Monde</em>, « Nous les avons alors signalés au bureau du procureur et pris la décision de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/16/derriere-le-bilan-humain-des-seismes-en-turquie-des-annees-de-corruption-et-de-laisser-faire-du-pouvoir_6162015_3210.html">démolir les édifices</a> » en chantier. Dans sa ville, à la différence de ses voisines, la majorité des habitations sont soit individuelles, soit à quatre étages et le bâtiment le plus élevé n’en compte que six.</p>
<h2>Amnisties récurrentes</h2>
<p>La corruption ne se limite pas aux potentats locaux au contraire, elle est même le résultat d’un système généralisé au niveau national mêlant incurie, incompétence, détournement de fonds publics, népotisme et électoralisme méthodiquement tissé depuis vingt ans par Erdogan et son parti, l’AKP.</p>
<p>Créée en 1984 pour pallier le manque de logements sociaux et freiner l’étalement des quartiers informels, l’Agence nationale du logement social (TOKI) rattachée au bureau du premier ministre en 2004 puis au président en 2018 s’est vite imposée comme l’acteur et le promoteur le plus puissant du secteur foncier et immobilier du pays. Outil principal des grands chantiers de logements et d’infrastructures du parti au pouvoir depuis 20 ans, elle a pour mission de faciliter l’accès à la propriété des nouvelles classes moyennes et populaires, cœur électoral du pouvoir en place.</p>
<p>La connivence croissante entre le pouvoir politique et le secteur de la construction, de notoriété publique, a fini par éclater au grand jour le 17 décembre 2013 avec <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/12/17/vaste-coup-de-filet-dans-l-entourage-de-m-erdogan-en-turquie_4336062_3214.html">l’arrestation d’une cinquantaine de personnalités</a> accusées de malversations, de corruption et de blanchiment d’argent ainsi que d’avoir délivré des permis de construire mettant en danger la sécurité de certains édifices. Mais six mois plus tard, le nouveau procureur chargé du volet immobilier des enquêtes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212567115000118">abandonnait subitement les charges contre tous les suspects</a>.</p>
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<img alt="Réfugiés dans un gymnase" src="https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511961/original/file-20230223-25-lm89i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le séisme du 6 février a fait des millions de sinistrés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2023_Turkey–Syria_earthquake_montage.jpg#/media/File:2023_Gaziantep_Earthquake_Shelter.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Après chaque séisme, le gouvernement turc procède rituellement à des arrestations de promoteurs qui sont non moins rituellement amnistiés un peu plus tard. Au total, les pouvoirs publics ont accordé une dizaine d’amnisties générales dans le secteur de la construction depuis 2002, permettant ainsi aux propriétaires de logements non conformes de régulariser leur situation moyennant le paiement de droits.</p>
<p>Plus de 7 millions de bâtiments en ont bénéficié, dont 300 000 se trouvent dans les dix villes les plus touchées par l’actuel tremblement de terre. Au moment du séisme, une nouvelle loi d’amnistie était d’ailleurs en discussion au parlement en prévision des prochaines élections…</p>
<h2>Le pouvoir en place fragilisé</h2>
<p>Comme dans les tragédies antiques, le drame du 6 février est peut-être le signe avant-coureur de la fin du règne du président Erdogan. L’État de droit s’est d’ailleurs <a href="https://carnegieeurope.eu/strategiceurope/88887">considérablement affaibli ces 20 dernières années</a> et la Turquie pointe aujourd’hui seulement à la <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la">149ᵉ place sur 180 États</a> dans le classement l’ONG Reporters sans frontières en matière de liberté de la presse.</p>
<p>En outre, le niveau de vie des Turcs est laminé par une inflation officiellement proche de 60 % (mais en réalité sans doute du <a href="https://globalvoices.org/2022/09/01/undertones-in-turkeys-plunging-economy-conspiracy-and-corruption-allegations-abound/">double</a> selon les économistes indépendants) provoquée par une politique monétaire absurde qui prétend la <a href="https://www.economist.com/special-report/2023/01/16/the-turkish-economy-is-in-pressing-need-of-reform-and-repair">réduire en diminuant les taux d’intérêt</a>.</p>
<p>Le président Erdogan avait avancé les élections présidentielle et législative initialement prévues en juin au 14 mai 2023 mais le séisme a bousculé ses plans en exacerbant la colère populaire. La constitution interdit en l’état de repousser les législatives (sauf en cas de guerre) et le parti présidentiel ne dispose que de 333 sièges, loin du seuil des 400 parlementaires nécessaire à la modifier.</p>
<p>L’opposition craint toutefois que le pouvoir qui a déclaré l’état d’urgence (et non pas, comme cela aurait été plus logique, l’état de catastrophe naturelle) pour trois mois ne demande un délai pour se consacrer à la reconstruction du pays en transformant l’état d’urgence actuel en un état permanent.</p>
<p>À l’approche du <a href="https://www.herodote.net/29_octobre_1923-evenement-19231029.php">centenaire de la proclamation la République turque</a>, le 29 octobre 1923 par Mustafa Kemal Atatürk, autour des principes de sécularisation, d’occidentalisation et de modernisation du pays, la démocratie turque vit sans doute aujourd’hui son heure de vérité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de l'association anticorruption française Anticor et de l'organisation non gouvernementale Amnesty international France.</span></em></p>Les villes qui sont parvenues à limiter les constructions illégales ont enregistré des bilans humains moins lourds après le tremblement de terre du 6 février.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1887552022-08-15T20:27:28Z2022-08-15T20:27:28ZDossier : Les sciences au service de Notre-Dame de Paris<p><em>Dès le lendemain de l’incendie la communauté scientifique se mobilise en créant l’Association des scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame de Paris. Depuis trois ans, ils aident à la restauration, accumulent de nouvelles connaissances sur les techniques de construction mais aussi sur le climat de l’époque. Découvrez ces travaux extraordinaires au travers de ce dossier spécial.</em></p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/dou-viennent-les-bois-de-notre-dame-les-scientifiques-menent-lenquete-185746">D’où viennent les bois de Notre-Dame ? Les scientifiques mènent l’enquête</a></h2>
<p>La gestion et l’alimentation en bois du chantier de construction de Notre-Dame restent aujourd’hui encore largement méconnues.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/estimer-la-solidite-des-vou-tes-de-notre-dame-apres-lincendie-186333">Estimer la solidité des voûtes de Notre-Dame après l’incendie</a></h2>
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<img alt="Les voûtes et arcs-boutants de du choeur de Notre Dame" src="https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479128/original/file-20220815-22-s7tnqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Structure en pierres de taille d’un ensemble voûte/arcs-boutants du chœur de Notre-Dame. Ici, le maillage utilisé dans certaines simulations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maurizio Brocato et Paul Nougayrede, GSA Paris-Malaquais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les voûtes de Notre-Dame de Paris constituent un joyau architectural, mais aussi un défi pour les modélisateurs impliqués dans la restauration de la cathédrale.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/etudier-la-charpente-de-notre-dame-pour-connaitre-la-meteo-medievale-184990">Étudier la charpente de Notre-Dame pour connaître la météo médiévale</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Poutres carbonisés devant un vitrail" src="https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479130/original/file-20220815-12-6nut7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bois carbonisés de la charpente Notre-Dame de Paris après l’incendie en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexa Dufraisse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les bois de la charpente de Notre-Dame de Paris nous racontent un millénaire d’histoire partagée entre les hommes et les forêts.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/de-fer-et-de-feu-les-metaux-de-notre-dame-a-travers-les-siecles-185748">De fer et de feu : les métaux de Notre-Dame à travers les siècles</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Voûtes et décombres de Notre-Dame." src="https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479133/original/file-20220815-19-o7q87s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de la croisée de Notre-Dame de Paris en décembre 2020. On voit à gauche les agrafes de fer ancrées au sommet des murs, là où se tenait auparavant la charpente incendiée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maxime L’Héritier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>En 2019, l’incendie de Notre-Dame a révélé que la structure de la cathédrale, élevée à partir des années 1160, était renforcée de nombreuses armatures de fer.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-les-acousticiens-peuvent-reconstruire-le-son-de-notre-dame-117279">Comment les acousticiens peuvent reconstruire le « son » de Notre-Dame</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479134/original/file-20220815-20-68pj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Reconstitution de Notre-Dame.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brian FG Katz, CNRS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des mesures acoustiques ont été réalisées dans la cathédrale en 2013 et un modèle acoustique géométrique 3D de la nef a été créé. Ce travail sera très utile pour reconstruire le « son » de Notre-Dame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188755/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Toutes les disciplines scientifiques participent à la restauration et à l’accroissement des connaissances de la cathédrale.Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceElsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1629542021-09-15T19:11:07Z2021-09-15T19:11:07ZL’impression 3D, une révolution pour le secteur du BTP ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416769/original/file-20210818-13-gxa2gc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1385%2C920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'imprimante du BTP Maxi printer de «&nbsp;Constructions 3D&nbsp;».</span> <span class="attribution"><span class="source">Constructions 3D</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un <a href="https://chroniques-architecture.com/dubai-apis-cor-impression-3d-bureaux/">immeuble de bureaux de deux étages</a> a été imprimé à Dubaï en 2019, devenant le plus grand bâtiment imprimé au monde par sa surface, 640 mètres carré. En France, XtreeE prévoit de construire cinq maisons destinées à la location pour fin 2021 dans le projet <a href="https://xtreee.com/project/viliaprint-cinq-maisons-individuelles/">Viliaprint</a>. <a href="https://www.constructions-3d.com/">Constructions 3D</a>, avec qui je réalise ma thèse, a imprimé les murs du pavillon de son futur siège en seulement 28 heures.</p>
<p>Aujourd’hui, il est possible d’imprimer des bâtiments. Entre sa rapidité et la variété des formes architecturales qu’elle permet de réaliser, l’impression 3D laisse envisager un secteur du BTP plus économe et plus écologique.</p>
<p>L’impression 3D consiste à reproduire un objet modélisé sur ordinateur grâce à la superposition de couches de matière. Aussi appelée fabrication additive, elle se développe dans le monde entier et tous les domaines, de la plasturgie à la médecine, ou de l’agroalimentaire à la construction.</p>
<p>Pour l’impression 3D de bâtiments, le mortier, composé de ciment, d’eau et de sable, s’écoule à travers une buse reliée à une pompe via un tuyau. Les tailles et types d’imprimantes varient d’un constructeur à un autre. Il y a d’une part les imprimantes « cartésiennes » (haut/bas, gauche/droite, avant/arrière) le plus souvent installées dans un système de cage et dont la taille des éléments imprimés dépend totalement. D’autre part il existe des imprimantes munies d’un bras robotisé, comme la <a href="https://www.constructions-3d.com/la-maxi-printer">« maxi printer »</a>, qui peuvent être déplacées sur n’importe quel chantier et permettent d’imprimer directement sur place les différentes parties d’une structure, avec une plus large gamme de taille d’objets.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416771/original/file-20210818-25-18klydg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pavillon imprimé par Constructions 3D à Bruay-sur-l’Escaut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Constructions 3D</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, des spécialistes de l’impression 3D béton sont présents partout dans le monde, par exemple COBOD au Danemark, Apis Cor en Russie, XtreeE en France ou encore Sika en Suisse. Toutes ces entreprises ont un but commun : démocratiser la construction des bâtiments grâce à la fabrication additive.</p>
<h2>Du laboratoire à l’« échelle 1 »</h2>
<p>L’impression 3D nécessite des mortiers aux caractéristiques bien particulières et dont le comportement doit être en mesure d’évoluer très rapidement.</p>
<p>De fait, ces matériaux sont complexes et leur caractérisation toujours en développement : les mortiers doivent être assez fluides afin d’être « pompables » sans créer de bouchons dans le tuyau, et « extrudables » pour sortir de la buse d’impression sans blocage. Une fois déposé sous forme de cordon, le mortier doit changer très rapidement de comportement afin de supporter son propre poids ainsi que le poids des couches qui lui seront superposées. Aucun étalement de matériau ni « flambement de structure » n’est permis, car ils pourraient détruire l’objet. Par exemple, une forme simple de type carrée est sensible au flambement, c’est-à-dire à l’effondrement de l’objet, car aucune matière ne peut aider au maintien latéral des parois de la structure. Les formes composées de spirales et de courbes permettent d’augmenter la stabilité de l’objet et donc de limiter les risques de flambement.</p>
<p>Ces quatre critères (pompabilité, extrudabilité, constructibilité et esthétique) définissent le <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02900865/">cahier des charges</a> des encres cimentaires. Le mode de mise en œuvre du mortier ne doit pas en pénaliser les caractéristiques liées au service de l’objet telles que les résistances mécaniques ou les propriétés liées à la durabilité du mortier en question. Ainsi, le système d’impression, en comparaison avec une mise en place traditionnelle des mortiers, ne doit pas altérer les performances du matériau aussi bien en termes de résistances (en flexion et compression), mais également en termes de longévité.</p>
<p>De plus, le mortier doit posséder une taille de granulats et une composition globale adaptées au système d’impression. Certains systèmes, comme celui utilisé pour la « Maxi printer », nécessitent que tous les constituants du mortier hormis l’eau soient sous forme solide. Cela implique de trouver les adjuvants (produits chimiques permettant de modifier le comportement du matériau) adéquats. Les tests d’impression à l’échelle 1 nécessitent l’utilisation de très grandes quantités de matériaux.</p>
<p>Dans un premier temps les mortiers, aussi appelés encres, sont testés en laboratoire, à petite échelle, afin de limiter les quantités de matériaux utilisés. Un pistolet à silicone peut alors simuler l’impression et permettre la validation de plusieurs critères. Moins subjectifs, certains essais rendent mesurable le <a href="https://www.icevirtuallibrary.com/doi/abs/10.1680/jmacr.20.00193">caractère « constructible » des encres</a> tel que <a href="https://doi.org/10.1680/jmacr.20.00193">l’essai au « fall cone »</a> qui permet d’observer l’évolution du comportement du mortier au cours du temps, à l’aide d’un cône venant pénétrer le matériau à intervalles réguliers.</p>
<p>Une fois les mortiers validés au laboratoire, il convient de les tester à l’échelle 1, pour vérifier la pompabilité du matériau et les autres critères liés à l’imprimabilité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416772/original/file-20210818-27-13hdzxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mini printer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Hynek</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il faut noter qu’à ce jour, il n’existe pas de normes françaises ou européennes donnant des critères spécifiques de performances aux mortiers imprimables. De plus, les objets imprimés en 3D ne sont pas autorisés à être utilisés en tant qu’éléments porteurs d’un bâtiment. Il faudrait pour cela obtenir une certification, comme ce fut le cas pour le projet <a href="https://www.constructioncayola.com/batiment/article/2020/11/04/130801/viliaprint-est-parti-pour-impression-3d-beton">Viliaprint</a>.</p>
<h2>Trouver des substituts aux composants habituels du mortier pour des encres plus écologiques et économiques</h2>
<p>Les mortiers imprimables sont aujourd’hui majoritairement composés de ciment, un matériau bien connu pour son <a href="https://www.infociments.fr/ciments/les-nouveaux-ciments-bas-carbone">impact important en émission de CO₂</a>. Afin d’obtenir des encres plus écologiques et économiques, l’enjeu est donc de réaliser des encres cimentaires dont la part « <a href="https://www.infociments.fr/enjeux-societe/la-fabrication-du-ciment-source-maitrisee-de-co2">clinker</a> » (le composé principal du ciment, obtenu par calcination de calcaire et d’argile) serait diminuée, pour limiter l’impact carbone des mortiers et leur coût.</p>
<p>C’est dans cette optique que <a href="https://popups.uliege.be/nomad2018/index.php?id=207&file=1">l’IMT Nord-Europe</a> s’attelle à l’incorporation de sous-produits industriels et d’additions minérales dans ces mortiers. Par exemple, le <a href="https://www.infociments.fr/glossaire/filler">« filler calcaire »</a> est une poudre très fine de calcaire, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Laitier_(m%C3%A9tallurgie)">« laitier de haut-fourneau »</a> est un coproduit de l’industrie sidérurgique, le <a href="http://doc.lerm.fr/information-normative-le-point-sur-les-metakaolins/">métakaolin</a> est une argile calcinée (la kaolinite), les cendres volantes peuvent être issues de la biomasse (ou de la combustion du charbon pulvérisé dans les chaudières des centrales thermiques), les <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/MIDND">MIDND</a> sont des mâchefers d’incinération de déchets non dangereux, ou encore les briques concassées et broyées. Tous ces matériaux ont été utilisés dans les encres à base cimentaire pour l’impression 3D afin de remplacer partiellement voire totalement le liant, c’est-à-dire le ciment.</p>
<p>Du côté du « squelette » granulaire du mortier, habituellement composé de sable naturel, on envisage aussi des substitutions. Ainsi, le projet européen <a href="https://www.nweurope.eu/projects/project-search/cirmap-circular-economy-via-customisable-furniture-with-recycled-materials-for-public-places/">CIRMAP</a> vise à substituer totalement le sable naturel par du sable recyclé constitué le plus souvent de béton concassé recyclé, issu de la déconstruction de bâtiments.</p>
<p>Les difficultés liées aux substitutions du liant et du squelette granulaire sont multiples : les additions minérales peuvent rendre le mortier plus ou moins fluide qu’initialement, entraînant des conséquences sur les caractères extrudable et constructible de l’encre, et les résistances mécaniques en flexion et/ou compression peuvent également être fortement impactées selon la nature du matériau utilisé et le taux de substitution du ciment.</p>
<p>Bien que l’impression 3D soulève de nombreuses problématiques, cette nouvelle technologie permet la fabrication de réalisations architecturales audacieuses et devrait permettre de réduire les risques présents sur les chantiers actuels de construction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162954/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Estelle Hynek a reçu des financements de Constructions 3D, l'I-Site et la région Hauts de France.</span></em></p>Imprimer des bâtiments, c’est possible. L’objectif serait de rendre le secteur du BTP plus économe et écologique en travaillant notamment sur de nouveaux matériaux.Estelle Hynek, Doctorante en Génie Civil, IMT Nord Europe – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1479782020-10-20T19:57:45Z2020-10-20T19:57:45ZRénovation énergétique en France, des obstacles à tous les étages<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363202/original/file-20201013-15-1twz727.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2018, la France se donnait pour objectif la rénovation thermique de 500 000 logements par an. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.ecologie.gouv.fr/energie-dans-batiments">44 % de la consommation finale d’énergie</a> et 27 % des émissions de gaz à effet du pays : depuis maintenant plusieurs années, il est bien établi que le secteur du bâtiment (résidentiel et non résidentiel) représente un champ d’action stratégique pour la transition écologique en France.</p>
<p>Dans ce domaine, les politiques fixent des objectifs à la fois énergétiques, avec une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ppe_pour_consultation_du_public.pdf">diminution de 20 % de la consommation d’énergie finale en 2030</a> par rapport à 2012, et climatiques, avec une décarbonation quasi complète d’ici 2050, notamment par le passage de l’ensemble du parc au niveau <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20en%204%20pages_%20web.pdf">bâtiment basse consommation</a> (BBC).</p>
<p>Ces politiques installent donc sur le long terme des défis pour une transition énergétique ambitieuse, qui se veut également solidaire. L’État cherche en effet à réduire le nombre significatif de ménages qui souffrent du froid l’hiver (et, de plus en plus, du chaud l’été) et qui ont une part importante de leurs dépenses consacrées à l’énergie (le chauffage en particulier) : on compte aujourd’hui au moins 4,8 millions de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-energie-climat">« passoires thermiques »</a> consommant plus de 330 kWh/m<sup>2</sup> (c’est-à-dire classées F ou G dans le <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/diagnostics-de-performance-energetique-pour-les-logements-par-habitation/">« diagnostic de performance énergétique »</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V6pM26YUwBw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le diagnostic de performance énergétique donnera lieu à deux types de classement pour un logement : sa consommation énergétique et ses émissions de gaz à effet de serre. (Actu-Environnement/Youtube, 2014).</span></figcaption>
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<p>On le comprend, la rénovation énergétique du parc immobilier français doit soutenir à la fois la lutte contre le réchauffement climatique et celle contre la précarité.</p>
<p>Les feuilles de route existent – la Commission européenne vient par exemple de dévoiler son <a href="https://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/eu_renovation_wave_strategy.pdf">« Renovation wave »</a> dans le cadre duquel elle appelle à doubler le taux de rénovation d’ici 2030 – mais les <a href="https://theconversation.com/a-ce-rythme-le-plan-renovation-energetique-de-la-france-natteindra-pas-ses-objectifs-126976">résultats tardent à venir</a>. Les freins à la rénovation énergétique sont multiples et de plus en plus de voix <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/05/le-chantier-sans-fin-de-la-renovation-thermique_6054748_3234.html">expriment un point de vue critique</a> sur la politique mise en œuvre et les résultats obtenus.</p>
<p>Nous proposons de revenir sur les principales difficultés rencontrées, en tentant d’identifier les orientations stratégiques qui permettraient de les résoudre.</p>
<h2>Economies d’énergie théoriques… et réelles</h2>
<p>La rénovation énergétique fait face à plusieurs types de « défaillances des marchés », comme on les appelle en économie ; cela a pour résultat un écart d’efficacité énergétique, soit le décalage entre les économies d’énergies qui pourraient être attendues en théorie et celles réalisées en pratique.</p>
<p>Une première défaillance de marché réside dans la <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/accelerer-renovation-energetique-logements">faible « rentabilité » apparente des travaux</a>. À l’exception des passoires énergétiques, c’est-à-dire les bâtiments classés F ou G, le temps de retour d’investissement des travaux de rénovation énergétique <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-du-logement-les-conditions-de-la-rentabilite-93868">est très long</a>. Il est en effet de <a href="https://theconversation.com/la-renovation-thermique-reduit-elle-vraiment-votre-facture-denergie-126850">l’ordre de 20 à 30 ans</a>, alors que l’horizon de temps pour la décision de la plupart des ménages est de 5 à 10 ans.</p>
<p>Pour autant, la performance économique <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-du-logement-les-conditions-de-la-rentabilite-93868">dépend bien de la qualité énergétique initiale du logement</a> : alors qu’un investissement d’isolation de 30 000 € pour un logement de classe énergétique B permettrait d’économiser 1000 €/an, soit un temps de retour sur investissement (TRI) de 30 ans, le même investissement dans un logement de classe F ou G permettrait 3000 € d’économie annuelle soit un TRI bien plus court, de 10 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-du-logement-les-conditions-de-la-rentabilite-93868">Rénovation énergétique du logement : les conditions de la rentabilité</a>
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<p>Certes de <a href="https://www.primesrenov.fr/">nombreuses aides existent</a> et elles peuvent constituer un élément facilitateur, mais elles ne sont pas toujours facilement accessibles. Sans parler du cas particulier des travaux de rénovation dans les bâtiments en copropriété, où la complexité du processus de décision et de mise en œuvre est décuplée. De ce point de vue, les opérations menées par les bailleurs sociaux constituent une heureuse exception.</p>
<p>En deuxième lieu, de plus en plus d’études d’évaluation des résultats des programmes de rénovation attestent d’une faible réduction effective des consommations énergétiques à la suite des travaux. En Allemagne, après la mise en place depuis dix ans du programme phare de la Caisse de reconstruction (KfW), ce pays <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/04/en-allemagne-les-renovations-energetiques-des-batiments-n-ont-pas-fait-baisser-la-consommation_6054715_3234.html">fait aujourd’hui un constat amer</a> : des millions d’euros ont été investis et pourtant la consommation énergétique des bâtiments ne fléchit pas.</p>
<p>Comment expliquer un tel décalage ? En grande partie par ce que les économistes <a href="https://theconversation.com/la-renovation-thermique-reduit-elle-vraiment-votre-facture-denergie-126850">appellent « l’effet rebond »</a>. Pour de nombreux ménages vivant dans des logements mal isolés et bénéficiant d’opérations de rénovation, l’amélioration du confort passe avant la préoccupation de réduction des consommations d’énergie. Ainsi les économies escomptées sont souvent contrebalancées par l’augmentation de la consigne de chauffage du logement (passage de 19 °C à 21 °C par exemple) – mais à consommation et facture énergétique inchangée grâce aux travaux.</p>
<p>Ce décalage s’explique également par la surestimation de la valorisation énergétique des opérations. <a href="https://www.cerna.minesparis.psl.eu/Donnees/data17/1725-SynthA-seCEE_final.pdf">Dans un rapport détaillé, les économistes de Mines ParisTech</a> expliquent par exemple que les fiches techniques définissant les montants d’économie d’énergie des certificats d’économie d’énergie surestiment très significativement l’impact énergétique, et identifient un impact très modeste de l’investissement moyen.</p>
<p>Enfin, du côté de l’offre, la filière de la rénovation énergétique n’existe pas à proprement parler et elle n’est pas aujourd’hui à la hauteur des enjeux. Certes le « label RGE » devrait certifier que les artisans sont qualifiés pour les travaux de rénovation énergétique, mais ceux-ci <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/05/le-chantier-sans-fin-de-la-renovation-thermique_6054748_3234.html">tardent à se mobiliser dans cette branche</a> et, comme l’explique la députée Marjolaine Meynier Millefer, rapporteuse d’une mission d’information sur le sujet, « il faudrait multiplier par deux, puis trois le nombre de professionnels installés ».</p>
<p>À moins que les industriels du bâtiment ne prennent le relai pour la rénovation massive, et certains <a href="https://www.bouygues-construction.com/blog/fr/construire-durablement/accelerer-la-renovation-energetique-par-lindustrialisation/">considèrent aujourd’hui très sérieusement cette hypothèse</a>. À l’étranger, le programme <a href="http://www.energiesprong.fr/">EnergieSprong</a> constitue une expérience à suivre de rénovation d’immeubles sur un mode industrialisé.</p>
<h2>L’isolation ne règlera pas tout</h2>
<p>Mais tous les bâtiments ne pourront pas entrer dans un tel processus de rénovation industrialisée. Notre patrimoine bâti est en effet riche de sa diversité, son histoire, ses zones géographiques et climatiques. Dans certains cas, l’isolation extérieure sera impossible du fait des caractéristiques de la façade, alors même que la solution de l’isolation par l’intérieur peut significativement diminuer la surface habitable.</p>
<p>L’isolation des parois reste possible dans la plupart des cas mais elle nécessitera le plus souvent des opérations « sur mesure » faisant appel à différents corps de métier et des intervenants qualifiés. Or certaines aides – comme les opérations « coups de pouce » des certificats d’économie d’énergie vulgarisés à travers le slogan « isolation à 1 euro » – ont eu un effet pervers d’uniformisation des techniques d’isolation des parois avec des matériaux non adaptés (comme, par exemple, le polystyrène), sans <a href="https://www.cerna.minesparis.psl.eu/Donnees/data17/1725-SynthA-seCEE_final.pdf">pour autant conduire à une massification des travaux favorables à la baisse des coûts</a> ; et sans parler des <a href="https://www.bastamag.net/demarchage-abusif-malfacons-credit-consommation-fraudes-isolation-logement-combles-sous-sol-1-euro">nombreux cas de fraudes</a> observés.</p>
<p>La mise en place d’un <a href="https://theconversation.com/un-parc-immobilier-decarbone-pour-2050-la-route-sera-longue-102992">passeport du bâtiment</a> indiquant les étapes à suivre pour atteindre les objectifs escomptés devrait faciliter les mises en œuvre.</p>
<p>Dans tous les cas, l’isolation des parois ne règlera pas tous les problèmes ! Une réflexion de fond doit être engagée avec tous les acteurs pour identifier les solutions appropriées de chauffage décarboné. Elle devrait conduire à des typologies adaptées pour identifier les bons critères de choix et les bonnes conditions pour : le chauffage urbain, les mini-réseaux de chaleur, les pompes à chaleur 100 % électrique, les pompes à chaleur hybrides (électricité + gaz), le chauffage solaire etc. Cela, en tenant compte des contraintes et des coûts de réseau, à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-stocker-du-co-permettait-aussi-de-chauffer-nos-maisons-128209">Et si stocker du CO₂ permettait aussi de chauffer nos maisons ?</a>
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<h2>Prendre en compte les nouvelles aspirations</h2>
<p>Les mentalités changent et les citoyens sont de plus en plus sensibles au réchauffement climatique et plus enclins à faire des efforts – en changeant de comportement comme d’investissement économique – pour protéger la planète.</p>
<p>Il faut éviter que les difficultés rencontrées aujourd’hui ne soient contre-productives, rendant ambiguë la perception de leur impact et ne tuent le gisement réel que représente la rénovation pour les économies d’énergie et la réduction des émissions de GES.</p>
<p>Il faut désormais tout à la fois :<br>
• considérer que les coûts de la rénovation couvrent aussi des coûts d’amélioration de confort ;<br>
• accompagner au mieux les ménages pour qu’ils adoptent les bons gestes ;<br>
• garantir la qualité, l’efficacité et la performance des opérations ;<br>
• accepter que l’on puisse parfois <a href="https://theconversation.com/efficacite-energetique-est-il-vraiment-possible-de-faire-mieux-avec-moins-113796">rencontrer des limites à la réduction des consommations</a>, car il n’est pas toujours vrai que « l’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas » et, dans ce cas, assurer la mise à disposition à un coût raisonnable d’une énergie décarbonée.</p>
<p>Les pratiques et les discours tenus doivent ainsi évoluer conjointement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Sebi reçoit des financements de la part des mécènes (Air Liquide, Engie et Banque populaire AURA) de la chaire « Energy for Society » de Grenoble Ecole de Management, dans le cadre de laquelle elle participe à une recherche sur les rénovations énergétiques dans le cas de copropriétés privées. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Criqui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les freins à la rénovation énergétique sont multiples et de plus en plus de voix expriment un point de vue critique sur la politique mise en œuvre et les résultats obtenus en France.Carine Sebi, Associate Professor and Coordinator of the "Energy for Society" Chair, Grenoble École de Management (GEM)Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1427952020-07-21T17:42:24Z2020-07-21T17:42:24ZAprès le Covid-19, quelle énergie pour la reprise ?<p>Au-delà de ses effets catastrophiques sur la santé, le coronavirus provoque aussi d’importants remous dans l’économie mondiale et les finances publiques. <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-la-reconstruction-plutot-que-la-reprise-137042">La durée et l’ampleur</a> de cette crise restent aujourd’hui inconnues.</p>
<p>Peu de secteurs sortiront victorieux de cet épisode inédit : il s’agit d’un choc négatif important, inattendu et persistant qui modifiera les facteurs fondamentaux du marché pour les années à venir.</p>
<p>Le besoin de fonds de relance a également exercé une pression sans précédent sur les budgets des gouvernements. Les banques centrales ont dû imprimer des milliards pour répondre à la crise. Ce « pansement fiscal » est malheureusement loin d’être suffisant.</p>
<p>Quelles doivent être les prochaines mesures ?</p>
<p>En Europe, comme ailleurs, des voix se sont élevées pour faire de cette période l’occasion de s’attaquer de front au changement climatique. L’affectation de fonds de relance à la transition énergétique représente désormais une proposition populaire parmi les décideurs politiques… qui ne fait toutefois pas l’économie de nombreuses interrogations.</p>
<p>Parmi ces questionnements : comment le Covid-19 affectera-t-il la transition énergétique ? Comment les fonds devaient-ils être mis en œuvre pour promulguer cette relance verte ?</p>
<h2>Moins d’activités, moins d’émissions</h2>
<p>Cette crise sanitaire est à l’origine de mouvements contraires affectant la transition énergétique en France et dans le monde. En premier lieu, on observe que le ralentissement économique réduit les émissions de gaz à effet de serre. Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-0797-x">étude scientifique récente</a> montre que les émissions mondiales par habitant ont chuté de 17 % au mois d’avril, alors que les émissions de l’ensemble de l’année 2020 ne devraient être inférieures que de 4 à 7 %.</p>
<p>Pour atteindre l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris, une telle baisse annuelle serait nécessaire pendant des décennies.</p>
<p>En France, les émissions ont chuté <a href="https://theconversation.com/covid-et-baisse-des-emissions-de-co-une-nouvelle-etude-fait-le-point-secteur-par-secteur-138971">jusqu’à 34 %</a> pendant le confinement, notamment du fait du ralentissement observé dans le secteur du transport routier.</p>
<p>Par le passé, ce type de baisse momentanée a cependant été suivie d’un rebond rapide. Par exemple, les <a href="https://webstore.iea.org/weo-2015-special-report-energy-and-climate-change">émissions mondiales</a> et <a href="https://www.indicators.odyssee-mure.eu/energy-efficiency-database.html">françaises</a> de gaz à effet de serre ont mis moins de deux ans à repartir à la hausse après la baisse provoquée par la crise de 2008.</p>
<p>Un marasme économique de longue durée pourrait certainement conduire à des réductions d’émissions durables. Mais une telle récession pourrait aussi absorber les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques, pouvant nécessiter des investissements allant jusqu’à <a href="https://www.bcg.com/publications/2018/economic-case-combating-climate-change.aspx">75 000 milliards de dollars au niveau mondial jusqu’en 2050</a>…</p>
<p>Un scénario plus optimiste souligne l’avènement de changements structurels qui pourraient mettre l’économie sur une voie différente, plus verte. Mais cela peut-il vraiment être le cas ?</p>
<h2>Covid-19 et transition énergétique</h2>
<p>Pour mieux appréhender ces questions, le récent <a href="https://en.grenoble-em.com/energy-market-barometer-report">Baromètre de l’énergie</a> de Grenoble École de management a interrogé, courant mai 2020, une centaine d’experts en France.</p>
<p>Ce groupe d’experts est composé d’universitaires, de décideurs politiques et d’entrepreneurs. Nous avons recueilli leurs points de vue sur les impacts de la crise sanitaire vis-à-vis de la transition énergétique en France.</p>
<p>En l’absence d’interventions politiques spécifiques, près de la moitié des experts (44 %) estiment que la crise sanitaire renforcera la transition énergétique dans son ensemble. Pourtant, 33 % d’entre eux s’attendent au contraire : le Covid-19 ralentirait les actions en faveur de la transition énergétique ; 23 % des experts s’attendent enfin à ce qu’il n’ait aucun effet.</p>
<h2>Des comportements en évolution</h2>
<p>Les experts prévoient des évolutions de comportement à court (1 an) et long terme (5 ans), pouvant accélérer les changements structurels vers une économie faiblement émettrice en carbone (voir la figure ci-dessous).</p>
<p>Bien que les citoyens soient souvent prompts à reprendre leurs habitudes, une crise peut offrir l’occasion d’adopter, puis de conserver, de nouveaux comportements.</p>
<p>En ce sens, les experts du Baromètre de l’énergie estiment que certains changements de comportement observés actuellement – comme la diminution de l’utilisation des transports publics ou les programmes de partage de véhicules par crainte d’infection – seront transitoires.</p>
<p>En revanche, ils s’attendent à ce que certaines tendances observées – adoption de comportements plus sobres en énergie, réduction du transport aérien pour les déplacements personnels, augmentation des déplacements à vélo – se maintiennent. Dans plusieurs villes françaises, <a href="https://www.20minutes.fr/paris/2776507-20200511-coronavirus-ile-france-deconfinement-velo-change-braquet">comme Paris</a>, <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/coronavirus-ou-sont-creees-les-pistes-cyclables-provisoires-dans-la-metropole-lilloise-1588894430">Lille ou Roubaix</a>, les collectivités locales ont pris des mesures en urgence pour renforcer ces changements.</p>
<p>Dès le déconfinement, ces villes ont ainsi aménagé des pistes cyclables provisoires pour répondre au besoin de circuler de manière sécurisée et non polluante ; aménagements qu’elles n’excluent pas de rendre définitifs selon le succès rencontré.</p>
<p><strong>• Le Baromètre de l’énergie (juin 2020) : Dans votre esprit, quels seront les effets du Covid-19 dans 1 an et dans 5 ans ?</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348664/original/file-20200721-21-1359d61.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Baromètre de l’énergie juin 2020, Grenoble École de management</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>De tels changements ne suffiront cependant probablement pas à susciter une transition énergétique soutenue. Les politiques publiques ont ici un rôle essentiel à jouer ; et la manière dont les fonds de relance de l’après-crise seront dépensés pourrait bien faire la différence.</p>
<p>Une <a href="https://www.smithschool.ox.ac.uk/publications/wpapers/workingpaper20-02.pdf">récente enquête</a> conduite auprès de plus de 200 économistes et responsables économiques mondiaux a montré un consensus sur le fait qu’une relance « verte » contribuerait à une meilleure reprise économique.</p>
<p>Pour encourager la transition vers une économie à faible intensité carbone, trois grandes catégories de politiques sont concernées : la promotion des investissements dans la recherche et développement et les nouvelles technologies ; l’investissement dans la modernisation et le développement des infrastructures énergétiques ; les investissements visant à réduire l’empreinte carbone des bâtiments.</p>
<h2>Investir dans les bâtiments basse consommation</h2>
<p>Les experts du Baromètre interrogés selon ces mêmes catégories estiment que les fonds de relance devraient être affectés en priorité à l’amélioration de l’efficacité énergétique du secteur du bâtiment (voir le tableau ci-dessous).</p>
<p>On estime en France que <a href="https://theconversation.com/a-ce-rythme-le-plan-renovation-energetique-de-la-france-natteindra-pas-ses-objectifs-126976">7 à 8 millions de bâtiments</a> ont un besoin urgent de rénovations profondes en matière d’efficacité énergétique, offrant au pays un fort potentiel d’économie d’énergie.</p>
<p>Les investissements dans les technologies et les infrastructures énergétiques existantes à faible teneur en carbone ont également été mis en avant.</p>
<p>Ces deux options joueront en effet un rôle particulièrement important si les investissements privés dans le secteur des technologies durables se tarissent en raison de la combinaison d’une récession induite par le Covid-19 et de la faiblesse des prix du pétrole et du gaz.</p>
<p><strong>• Le Baromètre de l’énergie (juin 2020) : Selon vous, parmi les mesures politiques suivantes, lesquelles aideraient au mieux ?</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348666/original/file-20200721-33-13go8ye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Baromètre de l’énergie juin 2020, Grenoble École de management</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Si l’efficacité énergétique est une priorité pour nos experts concernant le plan de relance de la France, elle l’est aussi pour les citoyens ayant pris part à la récente <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Convention citoyenne pour le climat</a>.</p>
<p>Dans son discours du 14 juin, le président Emmanuel Macron qualifiait pour sa part le secteur du bâtiment de « catalyseur de changement », créateur de nouveaux emplois verts rendus possibles grâce à la « reconstruction écologique », concentrée aujourd’hui sur l’activité de <a href="https://www.batiactu.com/edito/emmanuel-macron-veut-dynamiser-renovation-thermique-59727.php">rénovation thermique</a>.</p>
<p>En plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, une rénovation thermique étendue peut également remplir une mission d’équité sociale : en diminuant la facture énergétique des personnes les plus démunies et en apportant des avantages réels en matière de santé ; le tout en mettant au travail les petits et plus gros entrepreneurs du secteur de la construction.</p>
<p>Il faut cependant rappeler qu’il n’est pas aisé de rénover les bâtiments. Et l’on sait depuis longtemps que les aspects économiques de l’efficacité énergétique semblent souvent plus avantageux que ce qu’ils n’y paraissent en pratique. Des problèmes de qualité, une mauvaise conception et parfois même des comportements <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/les-arnaques-sur-lisolation-des-combles-a-un-euro-se-multiplient-1138201">frauduleux</a> peuvent aussi rendre cette mesure moins attrayante.</p>
<p>L’épidémie de Covid-19 a suscité des demandes pour un changement radical de notre système. Les fenêtres à triple vitrage, les pompes à chaleur efficaces et les pistes cyclables ne semblent peut-être pas aussi radicales qu’on pourrait l’espérer. Mais peu d’autres mesures, ciblant les activités les plus émettrices, ont à la fois des effets secondaires socio-économiques immédiats et souhaitables, et obtenus un large soutien. Si ce n’est pas maintenant, alors quand ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142795/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Houde a reçu des financements de Swiss Federal Office of Energy et de la Swiss National Science Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Joachim Schleich a reçu des financements de la Commission européenne. Il est également employé a Fraunhofer Institute Systems & Innovation Research (ISI) en Allemagne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carine Sebi et Mark Olsthoorn ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En réponse à la crise sanitaire, L’Europe peut-elle mettre son économie sur une voie plus verte ? Le Baromètre de l’énergie a interrogé une centaine de spécialistes pour répondre à cette question.Sébastien Houde, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Carine Sebi, Associate Professor and Coordinator of the "Energy for Society" Chair, Grenoble École de Management (GEM)Joachim Schleich, Professor of Energy Economics, Grenoble École de Management (GEM)Mark Olsthoorn, Research assistant professor, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1367922020-04-28T19:33:50Z2020-04-28T19:33:50ZConstruire moins mais construire malin : le rôle de l’architecte et de son client<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329780/original/file-20200422-47841-w4ek78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C73%2C1311%2C920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Panneaux photovoltaïques, structure et façades légères en bois local (biosourcée)... cette maison dite écologique reste une résidence secondaire, inoccupée 90% du temps, et implantée au beau milieu d'un espace naturel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Cristóbal Vial Decombe</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En architecture, la frugalité est régulièrement abordée et mise en œuvre sous ses différents aspects de façon dissociée ou partielle : énergie, ressources, sols, niveau de technicité, etc. Cette approche reflète notre vision sectorisée et spécialisée du monde, ainsi qu’une certaine tendance à traiter les symptômes plutôt que l’origine des choses. Une approche holistique offre un niveau supérieur de frugalité.</p>
<p>Nous savons que tout mètre carré construit, aussi vertueux soit-il en matière de consommation d’énergie et de matériaux biosourcés, ne compensera pas les dépenses d’énergie (exploitation, production de Co2, d’extraction, de transport et de systèmes techniques mis en œuvre) nécessaires à sa mise en œuvre, s’il a été édifié inutilement. Cette surconsommation d’espace bâti agit négativement sur l’ensemble de la production architecturale et sur notre environnement proche comme global.</p>
<p>Cette évidence soulève la question suivante : les mètres carrés que je construis sont-ils bien utiles ? En d’autres termes, il faut réinterroger notre façon d’habiter et d’utiliser l’espace afin d’éviter le gaspillage, dont l’obligation <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/268681-loi-lutte-contre-le-gaspillage-et-economie-circulaire">vient d’être inscrite dans une loi</a>.</p>
<h2>Réévaluer les surfaces à la baisse</h2>
<p>En architecture, la transition écologique passe aussi par une baisse de la pression anthropique sur les milieux, <a href="https://theconversation.com/le-sable-une-ressource-essentielle-en-voie-de-disparition-122094">notamment le sable</a>, dont le secteur de la construction est particulièrement gourmand, et dont l’épuisement des ressources contribue notamment à l’érosion des littoraux. Elle commence inévitablement par une introspection sur nos usages et doit se traduire dans la réévaluation au plus juste des surfaces à bâtir.</p>
<p>Cette nécessaire réévaluation à la baisse de nos besoins semble être un préalable indispensable à toute approche frugale. Tout comme pour l’ensemble de nos consommations, se poser la question de ce dont nous avons réellement besoin est primordial pour ne pas poursuivre dans la voie du consumérisme de mètres carrés, dicté par notre insatiable envie de confort, par la représentation sociale nourrie par la mode à laquelle <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/2015-v59-n168-cgq02617/1037267ar.pdf">n’échappe pas l’habitat</a>.</p>
<p>Bien que cette nécessité s’impose à tous, son degré de priorité est souvent ignoré du public et ambigu pour les professionnels du bâtiment (méconnaissance ou corporatisme) et d’une partie des médias.</p>
<h2>Le mythe des bâtiments écologiques</h2>
<p>Il n’est pas rare que la presse, même spécialisée, vante de façon éblouie, les mérites de constructions dites bioclimatiques, parées de toutes les vertus écologiques (bois certifié, chauffage biomasse, panneaux photovoltaïques et dispositifs passifs ou du réemploi pour le mieux).</p>
<p>Elles s’avèrent pourtant, après analyse, très dispendieuses en termes de surface construite et de matériaux sans commun rapport avec le nombre de personnes abritées ou usages. Il s’agit bien souvent de résidences spacieuses pour peu de personnes, ou plus dispendieux en énergie, de résidences secondaires.</p>
<h2>Le bâtiment responsable d’un tiers des émissions des gaz à effet de serre</h2>
<p>En France, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1287961">nous vivons en moyenne avec 40 m² par personne</a>. Une moyenne qui cache bien sûr des inégalités selon les territoires – en 2017, dans l’unité urbaine de Paris chaque habitant disposait en moyenne de 30m<sup>2</sup> tandis que cette surface moyenne s’élèvait à 47m<sup>2</sup> dans les communes rurales. L’âge joue également : en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2586377">2017</a>, les personnes âgées vivaient en moyenne avec 60m<sup>2</sup> par personne et les moins de 30 ans avec un peu plus de 30m<sup>2</sup>. Est-ce trop ? Difficile à dire. En revanche, nous savons que le bâtiment représente <a href="http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/07/Publication-neutralite%CC%81-et-batiment-Carbone-4-ADEME.pdf">un tiers des émissions de CO₂</a> en France.</p>
<p>Celles liées à la fabrication des matières premières nécessaires – principalement celles qui compose le ciment, responsable à lui seul de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre – pèsent <a href="https://conseils.xpair.com/actualite_experts/impact-carbone-construction-batiment.htm">près de 85 % des émissions</a> de gaz à effet de serre d’un chantier, loin devant le fret de ces matériaux, l’énergie de mise en œuvre ou les déplacements des intervenants de la construction.</p>
<p>Le bâtiment est également identifié comme l’un des plus gros consommateurs de ressources et l’un des <a href="https://www.mooc-batiment-durable.fr/courses/course-v1:ICEB+2018MOOCBAT04+SESSION01/about">plus gros producteurs de déchets</a>. Un secteur donc très bien représenté chez les responsables du réchauffement climatique et de la destruction des milieux.</p>
<p>De quoi réfléchir, en premier lieu sur ce que nous bâtissons en quantité puis en qualité bien sûr.</p>
<h2>Mutualiser les espaces et les usages</h2>
<p>Chez les architectes, comprendre les usages de leurs clients, les inviter à s’interroger sur leurs modes de vie et à réévaluer avec eux leurs besoins est un axe de travail indispensable. Cela évite de les conforter dans une voracité spatiale sous l’influence d’une mode dont l’architecte peut être lui aussi victime.</p>
<p>Les structures familiales variables dans l’espace et dans le temps et les <a href="https://www.editionsmardaga.com/catalogue/logement-contemporain/">évolutions des modes de vie</a>, invitent à repenser le logement. La mutualisation de certaines fonctions, usages et espaces, par exemple la laverie commune (mesure adoptée depuis des décennies dans certains pays) ou encore la chambre d’amis, souvent inoccupée, dans un groupe d’habitations, contribuerait à la réduction des surfaces bâties de chaque logement et améliorait grandement sa qualité d’usage.</p>
<p>La cohabitation générationnelle (jeunes ou vieux) et intergénérationnelle est la forme la plus aboutie du mutualisme des différents fonctions et usages de l’habiter. Mais également le bureau partagé – 30 % des Français travaillent épisodiquement chez elle à présent – ou l’atelier de bricolage partagé qui libère les appartements.</p>
<p>De même, une réflexion sur l’évolutivité des logements et des bâtiments en phase avec l’évolution des familles et changements sociétaux. La famille dite « classique » ne représente plus que 45 % des ménages, la re-cohabitation (les jeunes adultes qui reviennent à la maison face à la crise structurelle), la fragmentation (divorce) et la recomposition des familles (géométries variables dans le temps). 35 % des personnes vivent par ailleurs seules…</p>
<h2>Étendre la réflexion à toutes les constructions</h2>
<p>Ce qui est vrai en matière de logement l’est dans d’autres secteurs d’activité du bâtiment : surfaces commerciales, bureaux, stationnement, etc. Nous connaissons tous des bureaux inoccupés, des équipements sous-exploités, des parcs de stationnement complètement vides à certains moments de la journée ou de l’année.</p>
<p>Là encore, la mutualisation est une des réponses pour combattre cette gabegie de surfaces construites, une source d’économie considérable énergétique et de matériaux mis en œuvre qui se heurte bien trop souvent à des questions de gouvernance teintées d’aspects juridiques.</p>
<p>Les combinaisons et possibilités de mutualisation entre activités et services sont multiples. Bien connues et souvent plébiscitées, elles sont encore trop peu mises en œuvre. Pourtant, elles favorisent la <a href="https://azelies.com/2018/09/25/la-mutualisation-dequipements/">cohésion sociale</a> par l’échange et la collaboration qu’elles suscitent.</p>
<p>La révision sincère de nos besoins et de notre niveau de confort, la résistance aux tentations consuméristes et aux ostentations sociales, la rénovation de l’existant, le réemploi, la mutualisation et l’évolutivité des espaces habités conduiront à une réduction, espérons significative, des surfaces bâties et à une meilleure qualité architecturale. Car elle nécessite une plus grande intelligence collaborative de l’architecte et son maître d’ouvrage.</p>
<p>« Construisons mieux », certes, mais commençons par construire moins, tel pourrait être le nouveau paradigme de l’architecture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Malek Dahbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mètres carrés les plus écologiques restent ceux que l’on ne construit pas. En la matière, la phase architecturale est essentielle.Malek Dahbi, Maître de conférences associé en architecture et urbanisme, École d'architecture de La Réunion, antenne de l'ENSAMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1335872020-03-26T18:48:10Z2020-03-26T18:48:10ZLe plus vieux matériau de construction au monde est aussi le plus écoresponsable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/320384/original/file-20200313-108885-145ly50.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1063%2C596&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une scène de la série « Game of Thrones » tournée au ksar d’Aït-ben-Haddou (Maroc), un site architectural en terre crue classé au patrimoine mondial de l’Unesco. </span> <span class="attribution"><span class="source">HBO</span></span></figcaption></figure><p>Malgré les recommandations des experts du GIEC, qui préconisaient en 2018 de réduire de 40 à 70 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050 pour tenter de limiter les effets de la crise climatique, la production mondiale de CO<sub>2</sub> a <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/les-emissions-mondiales-de-co2-ont-encore-augmente-en-2019-73425/">crû de 0,6 %</a> en 2019.</p>
<p>Dans les efforts à fournir pour réguler les activités humaines les plus émettrices, la terre crue, cette matière première la plus répandue au monde, a un rôle essentiel à jouer. Rappelons que le secteur du bâtiment génère à lui seul près de <a href="https://www.worldgbc.org/sites/default/files/2018%20GlobalABC%20Global%20Status%20Report.pdf">40 % des émissions annuelles</a> de gaz à effet de serre.</p>
<h2>Une histoire millénaire et globale</h2>
<p>Il y a <a href="https://craterre.hypotheses.org/451">11 000 ans</a>, <em>Homo sapiens</em> bâtissait déjà en terre crue dans la région de l’actuelle Syrie. Cet écomatériau millénaire reste de nos jours l’un des principaux matériaux de construction dans le monde. On estime que <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=DUbVAAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA7&dq=Building+with+Earth+Design+and+Technology+of+a+Sustainable+Architecture&ots=CCRLCrVLOL&sig=pD58uCyLhM9wqysn5YpaTxnkFo4#v=onepage&q=Building%20with%20Earth%20Design%20and%20Technology%20of%20a%20Sustainable%20Architecture&f=false">plus d’un tiers</a> de l’habitat humain est en terre crue – une proportion qui s’élève à <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=DUbVAAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA7&dq=Building+with+Earth+Design+and+Technology+of+a+Sustainable+Architecture&ots=CCRLCrVLOL&sig=pD58uCyLhM9wqysn5YpaTxnkFo4#v=onepage&q=Building%20with%20Earth%20Design%20and%20Technology%20of%20a%20Sustainable%20Architecture&f=false">plus de la moitié</a> pour les pays du Sud.</p>
<p>On trouve des exemples d’architecture en terre crue, de la plus modeste à la plus monumentale, sur tous les continents et sous tous les climats. 175 sites, intégralement ou partiellement bâtis avec ce matériau, sont classés par l’Unesco au <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/">patrimoine mondial de l’humanité</a>, soulignant la durabilité de ce mode de construction.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320243/original/file-20200312-111237-1fao6yy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En orange, les régions de répartition des constructions en terre crue. Les points indiquent les principaux sites architecturaux inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://craterre.org/">Craterre</a></span>
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<p>À titre d’exemples, citons la grande mosquée de <a href="https://whc.unesco.org/en/list/116/">Djenné</a>, au Mali : bâtie en 1907, elle reste l’un des plus grands édifices en terre crue au monde et constitue l’un des emblèmes de la culture de ce pays. En Chine, la <a href="https://whc.unesco.org/en/list/438/">Grande Muraille</a> comporte des sections longues de plusieurs kilomètres construites en terre crue, lorsque la pierre n’était pas disponible localement. Citons aussi la ville du XVI<sup>e</sup> siècle de <a href="https://whc.unesco.org/en/list/192/">Shibām</a>, au Yémen, première cité verticale et dense du monde avec des maisons-tours d’environ 30 mètres de haut, entièrement bâties en briques de terre moulée (appelée « adobes »). En raison de la guerre civile qui touche actuellement ce pays, la ville figure désormais sur la liste du <a href="https://fr.unesco.org/news/vieille-ville-sana-ancienne-ville-shibam-son-mur-enceinte-yemen-ajoutees-liste-du-patrimoine">patrimoine en danger de l’Unesco</a>.</p>
<p>Au Maroc, les quatre villes impériales – <a href="https://whc.unesco.org/en/list/170/">Fès</a>, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/331/">Marrakech</a>, <a href="https://whc.unesco.org/en/list/793/">Meknès</a> et <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1401/documents/">Rabat</a> – sont également classées au patrimoine mondial de l’humanité du fait de leurs médinas traditionnelles édifiées en adobes et pisé (c’est-à-dire en terre damée coffrée). Le pays recèle d’autre part de prodigieuses forteresses en terre ocre, appelées ksour et kasbahs. <a href="https://whc.unesco.org/en/list/444/">Le ksar d’Aït-Ben-Haddou</a> constitue un exemple emblématique de l’architecture traditionnelle amazighe du sud marocain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320385/original/file-20200313-108831-1wqlecy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Shibām (Yémen) et ses tours de briques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/23f5bce6-c03c-4838-8805-c0a71400fde5">Kebnekaise/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320387/original/file-20200313-108852-19vkfgo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Marrakech (Maroc).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/133e3ebc-2be3-4cb9-b869-e664a92300e6">Luca Di Ciaccio/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>En Europe, les constructions en terre ne se restreignent pas aux habitats ruraux. À Grenade, le palais éblouissant de l’<a href="https://whc.unesco.org/en/list/314/">Alhambra</a> (« la rouge », en arabe, en référence à la couleur de la terre), a été en grande partie (ses remparts notamment) édifié en pisé au XIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>La France est l’un des rares pays qui possèdent un patrimoine en terre édifié selon les 4 principales techniques traditionnelles – à savoir pisé, adobe, torchis et bauge – et où la majorité des bâtiments en terre date souvent de plus d’un siècle. <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/872/">Lyon</a> présente ainsi un ensemble architectural remarquable : depuis les années 1800, dans le quartier de la Croix-Rousse, on habite dans des immeubles en pisé de 4 et 5 étages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320389/original/file-20200313-108907-ill5ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les tours défensives de l’Alhambra, à Grenade (Espagne).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/b22c50ec-59d2-4d28-b454-8047d128434d">Moli Sta Elena/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
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<figcaption><span class="caption">À la recherche du pisé : boulevard de la Croix-Rousse. (Patrimoine en terre lyonnais, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Bâtir avec ce que l’on a sous les pieds</h2>
<p>La terre, le sol, sont constitués de minéraux, de matières organiques, d’eau et d’air. Les minéraux, composés essentiellement de silicates – quartz, argiles, feldspaths et micas – et de carbonates, proviennent de l’altération physique et chimique d’une roche mère. La terre à bâtir (la matière première), essentiellement minérale, est prélevée facilement dans le sol, sous la couche de terre riche en matières organiques (humus) et réservée à la production végétale.</p>
<p>Après son extraction à l’aide d’outils rudimentaires ou plus élaborés, la terre (constituée d’argile, de limon, de sable et éventuellement de graviers et de cailloux) est transformée en matériau de construction selon des modes vernaculaires ou plus contemporains. On peut les regrouper en 4 grandes familles.</p>
<ul>
<li><p>La terre compactée, non saturée en eau : pour réaliser des murs en pisé et des blocs de terre comprimée (BTC).</p></li>
<li><p>La terre empilée ou moulée à l’état plastique : pour réaliser des murs en bauge (terre empilée), des adobes.</p></li>
<li><p>La terre allégée (à l’état visqueux) grâce à des fibres végétales : pour réaliser du torchis (en remplissage d’une structure porteuse en bois), de la terre-paille, de la terre-chanvre, etc.</p></li>
<li><p>La terre coulée à l’état liquide dans des coffrages, comme un béton cimentaire fluide ou autoplaçant.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=239&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=239&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=239&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320250/original/file-20200312-111223-1rpwll5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cycle de vie de la terre crue : extraction, construction, utilisation, démolition et recyclage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
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<figcaption>
<span class="caption">Pisé : la terre peu humide est compactée à l’aide d’une dame (pisoir) dans des coffrages en bois (banches).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Blocs de terre comprimée (BTC) : la terre peu humide est comprimée dans des moules à l’aide d’une presse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
</figcaption>
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<figcaption>
<span class="caption">Bauge : la terre malléable est empilée pour former un mur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
</figcaption>
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<span class="caption">Adobe : la terre est moulée à l’état plastique et séchée à l’air libre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=186&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320245/original/file-20200312-111300-5ky00z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=234&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Torchis : la terre, mélangée à de la paille, recouvre une ossature en bois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Misse</span></span>
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<h2>Facile à travailler, saine et écologique</h2>
<p>La terre présente de nombreux avantages : c’est un matériau naturel, abondamment et localement disponible (le transport est souvent nul), à faible énergie grise (énergie consommée tout au long du cycle de vie d’un matériau) et recyclable à l’infini. Brute et diversifiée, elle offre une variété de granularités, de couleurs naturelles et de textures vivantes, garante d’une esthétique minimaliste.</p>
<p>La terre assure également un confort naturel <a href="http://www.thermique-du-batiment.wikibis.com/hygrothermie.php">hygrothermique</a> et acoustique et un climat intérieur sain. Elle offre, en effet, une régulation hygrométrique et ses murs massifs bénéficient d’une bonne inertie thermique et d’une isolation phonique. Elle ne dégage aucun COV (composés organiques volatils) et absorbe les odeurs. Ces vertus, connues de manière empirique depuis des millénaires, sont aujourd’hui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0950061811006039">confirmées scientifiquement</a>.</p>
<p>Contrairement aux matériaux industrialisés et mondialisés, la terre est facile à travailler et sa mise en œuvre est sans risque pour la santé. Elle contribue ainsi à promouvoir les <a href="https://fr.twiza.org/lot-46-construction-dune-maison-en-terre-crue,zs3351,13.html">chantiers participatifs et l’autoconstruction</a> (surtout pour les plus démunis), à valoriser la diversité des cultures constructives et à stimuler le développement local.</p>
<p>La construction en terre contribue également à la valorisation des terres d’excavation des grandes villes considérées comme des déchets. Alors que le chantier du Grand Paris Express va générer <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/03/24/97001-20150324FILWWW00453-grand-paris-environ-40-millions-de-tonnes-de-deblais.php">40 millions de tonnes</a> de terre d’ici 2030, le projet <a href="https://www.cycle-terre.eu/">« cycle terre »</a> vise à transformer une partie de ces « déchets » en écomatériaux de construction dans une logique d’économie circulaire.</p>
<p>Ces avantages écoresponsables font de la terre un matériau de construction d’avenir, une alternative aux matériaux de construction énergivores et polluants – comme la brique cuite ou le ciment (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652612006129#sec2">près de 7 % des émissions</a> de CO<sub>2</sub> à l’échelle du globe) – et une solution à favoriser dans le bâtiment pour répondre à la crise mondiale du logement (dont souffre un <a href="https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FS21_rev_1_Housing_fr.pdf">milliard d’humains</a>) et à l’urgence climatique, comme l’espèrent les signataires du <a href="https://www.frugalite.org/fr/le-manifeste.html">« manifeste pour une frugalité heureuse »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320252/original/file-20200312-111289-ypbhif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ordres de grandeur d’énergie grise de différents matériaux de construction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Abdelhak Maachi</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=192&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320253/original/file-20200312-111249-my56bd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La terre crue offre un confort naturel hygrothermique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.construction-pise.fr/IMG/pdf/pise-transition-energetique.pdf">Antonin Fabbri</a></span>
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<h2>Des limites à dépasser</h2>
<p>Mais la terre a aussi ses limites. Son principal problème réside dans sa sensibilité à l’eau. Pour y remédier, les murs en terre sont traditionnellement protégés, surtout sous un climat pluvieux, par « de bonnes bottes et un bon chapeau » : soit un soubassement (en pierre par exemple) pour empêcher les remontées capillaires, et un débord de toiture pour protéger de l’érosion due à la pluie.</p>
<p>L’ajout de ciment, à faible dosage, est aussi parfois utilisé pour limiter sa sensibilité à l’eau et augmenter, modestement toutefois, ses propriétés mécaniques. Mais le recours à cette « stabilisation » reste critiquable car elle impacte l’intérêt écologique et pénalise le cycle de vie du matériau.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320254/original/file-20200312-111277-cp2hv9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition du patrimoine architectural en terre crue. En orange : torchis, en marron : pisé, en jaune : bauge et en rouge : adobe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Craterre</span></span>
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<p>La terre crue représente <a href="https://www.tiez-breiz.bzh/restaurer-rehabiliter/les-fiches-techniques/le-materiau-terre-crue">15 %</a> du patrimoine bâti français. Cependant, le pourcentage de constructions neuves en terre reste quasi nul à l’échelle nationale, même s’il montre une progression. Le règne omniprésent du béton cimentaire, le contexte hyperindustrialisé de la construction, le lobbying, la réglementation inappropriée, les préjugés défavorables (matériau primitif pour pays pauvres !), le manque de connaissances des décideurs, ingénieurs et maîtres d’ouvrages, sont autant de raisons qui expliquent la marginalisation et l’ostracisme dont souffre ce matériau.</p>
<p>Pour dépasser ces limites, la terre crue nécessite une réglementation spécifique appropriée pour sa mise en œuvre et sa maintenance, ainsi que des tests adaptés tenant compte de ses spécificités et de sa complexité ; il s’agit d’évaluer ses propriétés physiques et sa durabilité. Le développement de la construction en terre passe aussi par la recherche scientifique, l’enseignement, la formation appropriée des futurs concepteurs et bâtisseurs et sa promotion.</p>
<p>Mais la terre crue, associée à d’autres écomatériaux tels que le bois, la pierre et les isolants biosourcés (comme le chanvre et la paille), devrait sans aucun doute contribuer à bâtir la ville de demain, résiliente et autonome.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321667/original/file-20200319-22627-15l0orn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Construction de Terra Janna à Marrakech (Maroc) : un centre de formation en construction en terre crue (centre de la terre) et une maison d’hôtes entièrement édifiés en adobes. Il s’agit d’un exemple d’architecture contemporaine écoresponsable en terre crue.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Denis Coquard</span></span>
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<p><em><a href="http://www.grenoble.archi.fr/ecole/enseignants-et-chercheurs-cv.php?cv=misse-arnaud">Arnaud Misse</a> (<a href="http://craterre.org/">CRAterre</a>, École nationale supérieure d’architecture de Grenoble), Laurent Aprin, Marie Salgues, Stéphane Corn, Éric Garcia-Diaz (<a href="https://www.mines-ales.fr/">IMT Mines Alès</a>) et <a href="https://www.montpellier.archi.fr/lifam/fr/membre/devillers-philippe">Philippe Devillers</a> (École nationale supérieure d’architecture de Montpellier) et sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133587/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdelhak Maachi a reçu des financements de la région Occitanie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rodolphe Sonnier a reçu des financements de la région Occitanie pour le projet « Terre de feu », portant sur l’étude du comportement au feu de bétons de terre (thèse Abdelhak Maachi).</span></em></p>Matériau de construction millénaire, la terre crue a aujourd’hui un rôle essentiel à jouer pour développer des constructions à faible impact environnemental.Abdelhak Maachi, Doctorant en sciences des matétriaux, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomRodolphe Sonnier, Maître Assistant des Ecoles des Mines, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1313222020-02-10T18:47:48Z2020-02-10T18:47:48ZCe que le dérèglement climatique fait à la santé des travailleurs<p>2019 a été la deuxième année la plus chaude jamais connue depuis le début des relevés météorologiques. En France, la température record de 46 °C a été enregistrée lors de l’épisode de canicule de juin. Dans un tel contexte, les conditions de travail deviennent rapidement insoutenables, tout particulièrement pour les métiers physiques et/ou en extérieur.</p>
<p>Certains secteurs professionnels sont en première ligne, c’est le cas notamment du BTP et des travailleurs agricoles ; les moyens de protection des travailleur·euse·s se limitent ici généralement à la <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/canicule-appel-a-la-vigilance-generale-dans-le-btp.2043345#!">vigilance</a>, la mise à disposition d’eau et l’adaptation des horaires.</p>
<p>Or, les prévisions des modèles climatiques sont claires : avec chaque degré (ou plus précisément <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">chaque demi-degré</a>) de réchauffement climatique, la fréquence, l’intensité et la durée d’événements extrêmes tels que les vagues de chaleur, vont augmenter.</p>
<p>Avec des cadences de travail réduites et des horaires adaptés, on peut d’ores et déjà anticiper une baisse de productivité : l’Organisation internationale du travail estime ainsi que pour les secteurs les plus exposés, la productivité pourrait <a href="https://www.ilo.org/global/topics/green-jobs/publications/WCMS_476194">chuter de 20 %</a> durant la seconde moitié du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En marge des aspects économiques, le réchauffement climatique pose également de sérieuses questions en termes de santé au travail. Les conséquences du dérèglement climatique sur la santé des travailleur·euse·s allant bien au-delà du simple inconfort.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cette-chaleur-insoutenable-qui-menace-les-regions-tropicales-119943">Cette chaleur insoutenable qui menace les régions tropicales</a>
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<h2>Les impacts des vagues de chaleur</h2>
<p>Les phénomènes climatiques les plus préoccupants en ce qui concerne la santé au travail sont certainement les <a href="https://theconversation.com/comment-la-canicule-affecte-notre-sante-100839">vagues de chaleur</a>. En effet, les capacités de thermorégulation du corps humain sont limitées : le risque d’épuisement physique apparaît en cas de hausse de la température corporelle au-delà de 38-39 °C, puis survient le risque de <a href="https://theconversation.com/canicule-sactiver-et-mourir-de-chaud-119629">« coups de chaleur »</a> pouvant être mortels au-delà de 40 °C.</p>
<p>Sur la base de <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(18)30240-7/fulltext">travaux de modélisation</a> prenant en compte à la fois des projections démographiques (tailles de populations actives) et des projections climatiques, il est ainsi possible d’obtenir des projections de l’impact sanitaire des vagues de chaleur chez les travailleur·euse·s, et ce sous différents scénarios de dérèglement climatique.</p>
<p>L’utilisation de modèles climatiques ne se restreint pas seulement à des projections de température, car d’autres paramètres jouent sur la thermorégulation comme, par exemple, le taux d’humidité qui influe sur la sudation.</p>
<p>En se reposant sur les projections de modèles climatiques distincts, un réchauffement de 2,5 °C pourrait ainsi exposer plus d’un milliard de personnes à des conditions climatiques non compatibles avec le travail pendant au moins un mois de l’année. Sous les mêmes hypothèses de réchauffement, les populations pour lesquels les conditions climatiques pourraient dépasser l’adaptation physiologique, et donc présenter un risque mortel, se chiffrent en dizaines de milliers, bien que les variations entre les modèles sont grandes sur cet indicateur.</p>
<p>Comme on peut s’y attendre, les régions les plus concernées sont les régions tropicales (voir la carte ci-dessous). En plus du risque sanitaire, la réduction de la capacité de travail des personnes exposées est susceptible d’avoir également des effets économiques, en réduisant les revenus de travailleur·euse·s, et ainsi augmenter le risque de paupérisation.</p>
<p>Ce risque pèserait avant tout sur les travailleur·euse·s les plus exposé·e·s aux effets de la chaleur, qui sont généralement les moins rémunéré·e·s (professions agricoles ou manuelles peu qualifiées), et également celles les moins susceptibles de disposer de moyens de protection comme la climatisation. Ce qui reviendrait donc à <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(18)30240-7/fulltext">creuser un peu plus les inégalités sociales</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313954/original/file-20200206-43095-1ikth3v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les conséquences des vagues de chaleur en fonction de l’augmentation globale des températures.</span>
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<h2>Qu’en est-il en France ?</h2>
<p>Dans un contexte de réchauffement climatique, les effets de vagues de chaleur constituent, on l’a vu, une menace en milieu de travail principalement dans les zones tropicales. Est-ce à dire que les travailleur·euse·s français·e·s – hors territoires d’outre-mer en zone tropicale – n’ont pas à craindre les conséquences du réchauffement climatique ? Il serait peu prudent de le croire, d’autant qu’en zone tempérée les organismes humains sont moins habitués à une telle exposition.</p>
<p>L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a <a href="https://www.anses.fr/fr/content/effets-du-changement-climatique-en-milieu-de-travail-des-risques-professionnels-augment%C3%A9s-et">publié en 2018 un rapport</a> sur la question en réponse à une saisine des Directions générales de la santé et du travail. Les conclusions sont sans appel : hormis les risques professionnels liés au bruit et ceux liés aux rayonnements artificiels, tous les risques professionnels seront affectés, et potentiellement accrus.</p>
<p>La hausse des températures est l’un des facteurs en cause : elle impacte la pénibilité du travail et peut provoquer des malaises ou des coups de chaleur. Par ailleurs, une exposition accrue à la chaleur est un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires et de façon générale pour les porteur·euse·s de maladies chroniques.</p>
<p>On peut encore évoquer le problème de l’augmentation avec la chaleur de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/communication-congres/a-review-of-quantitative-health-impact-assessments-of-ozone-and-particulate-matter-under-a-changing-climate">l’exposition à l’ozone troposphérique</a>, un facteur de risque cardiorespiratoire bien connu. Les effets de la chaleur sur la santé physique peuvent également être indirects : la chaleur peut contribuer à diminuer la vigilance et ainsi favoriser la survenue d’accidents du travail. De plus, elle rend difficilement supportables les équipements de protection individuelle.</p>
<p>Enfin, et de manière moins intuitive, la chaleur peut également impacter la santé mentale des travailleur·euse·s : elle <a href="https://theconversation.com/comment-la-canicule-detraque-notre-sommeil-119253">perturbe le sommeil et le repos</a>, augmente l’irritabilité, peut aggraver les tensions au sein d’une organisation ou avec le public, et est donc au final susceptible d’accroître les risques psychosociaux au travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-changement-climatique-risque-daccroitre-le-nombre-de-suicides-102918">Le changement climatique risque d’accroître le nombre de suicides</a>
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<p>D’autres facteurs peuvent également impacter les risques professionnels : l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes (inondations, feux de forêt, tempêtes) sont susceptibles d’accroître la fatigue physique et psychique, et là aussi d’influencer négativement sur les risques psychosociaux et les risques d’accident.</p>
<p>Enfin, les modifications de l’environnement peuvent également avoir des répercussions sur la santé des travailleurs. Des modifications des écosystèmes – l’extension par exemple des zones de distribution d’<a href="https://ij-healthgeographics.biomedcentral.com/articles/10.1186/1476-072X-12-51">espèces vectrices de maladies infectieuses</a> – peuvent se traduire par des risques biologiques accrus. Il en est de même pour l’environnement chimique de travail : les hausses de température peuvent augmenter la <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/indhealth/51/1/51_2012-0095/_pdf/-char/en">volatilité des substances chimiques</a> et ainsi augmenter l’exposition par inhalation des travailleur·euse·s.</p>
<h2>Se préparer</h2>
<p>Comment faire aux impacts du dérèglement climatique sur la santé au travail, qui constituent encore un angle mort des débats autour des enjeux climatiques ?</p>
<p>Un effort de recherche est tout d’abord nécessaire pour mieux appréhender tant les dangers et les groupes particulièrement vulnérables de la population active (en termes de secteur d’activité ou de facteurs individuels) que les méthodes d’adaptation en milieu professionnel. Cela était d’ailleurs déjà souligné dans un <a href="https://www.irsst.qc.ca/publications-et-outils/publication/i/100643/n/impacts-des-changements-climatiques-sur-la-sante-et-la-securite-des-travailleurs-r-733">rapport publié en 2012</a> par l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (IRSST) du Québec.</p>
<p>Plus généralement, il est primordial que les organisations publiques et privées prennent la mesure des impacts qu’aura le dérèglement climatique sur les conditions de travail et la santé de leurs salarié·e·s. Cela implique donc de mettre en place conjointement une démarche d’adaptation (la préparation aux conséquences du changement climatique), mais aussi d’atténuation (la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1143492363240845312"}"></div></p>
<p>Les mesures d’adaptation nécessitent de prendre en compte dès aujourd’hui les effets actuels et futurs du dérèglement climatique dans leur évaluation et leur gestion des risques. Cela passe notamment par des informations et formations spécifiques, principalement auprès des fonctions HSE (hygiène sécurité environnement) des organisations, mais aussi de l’encadrement de proximité.</p>
<p>L’atténuation implique des changements plus globaux : décarbonation des activités, efficacité et sobriété (en termes de ressources et d’énergies). Des changements qui vont impliquer tous les domaines des organisations et vont là aussi nécessiter des personnels formés aux enjeux du changement climatique, et ce à tous les niveaux de l’organigramme, tant dans les secteurs <a href="https://formationclimatagentspublics.fr/">public</a> (et notamment <a href="https://theshiftproject.org/lavenir-de-la-planete-dans-lenseignement-superieur/">l’enseignement</a>) que privé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131322/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kévin Jean est membre du conseil d’administration de l’association Sciences citoyennes. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>William Dab est membre du comité médical conseil de Total (une à deux réunions par an). Il réalise ponctuellement des missions pour Santé Publique France.</span></em></p>En marge des aspects économiques, le réchauffement climatique pose de sérieuses questions en termes de santé au travail.Kévin Jean, Maître de conférences en épidémiologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)William Dab, Professeur du Cnam en hygiène et sécurité sanitaireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281422020-01-20T20:41:53Z2020-01-20T20:41:53ZPour être énergétiquement performant, l’habitat doit tenir compte du facteur humain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309967/original/file-20200114-151848-zxelnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=277%2C184%2C5086%2C3547&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le facteur humain joue un rôle important dans les performances effectives de l'habitat énergétiquement performant.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/house-energy-efficiency-concept-775055299">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le secteur du bâtiment résidentiel est le second secteur consommateur d’énergie finale en France (derrière celui du transport), avec environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-de-lenergie-edition-2018">50 % d’énergie carbonée</a>. Pour l’accompagner dans sa mutation, l’État français a mis en place une réglementation, la RT 2012, qui fixe un seuil maximal de consommation d’énergie pour les bâtiments neufs, et des crédits d’impôt pour la rénovation énergétique des particuliers.</p>
<p>En parallèle de ces mesures, on assiste à l’émergence d’habitats énergétiquement performants : habitats passifs (supposés avoir une consommation d’énergie extrêmement faible, voire nulle) et autres bâtiments à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment).</p>
<p>Les technologies numériques font également leur apparition dans nos habitats, pour nous assister dans la maîtrise de notre consommation d’énergie (affichage de la consommation en direct, relevés détaillés en ligne, applications, etc.).</p>
<p>Si cette réponse technique semble être cohérente, il est légitime, avec l’arrivée prochaine de la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/re2020-nouvelle-etape-vers-future-reglementation-environnementale-des-batiments-neufs-plus">nouvelle norme RE 2020</a> qui remplacera la RT 2012, de se poser la question de l’efficacité de cette réponse : la technique garantit-elle la performance énergétique du bâtiment résidentiel ?</p>
<h2>Des performances décevantes</h2>
<p>Les résultats <a href="https://www.larevuedelenergie.com/quel-est-limpact-des-travaux-de-renovation-energetique-des-logements-sur-la-consommation-denergie/">d’une étude parue fin 2019</a> ont montré que la baisse de consommation d’énergie liée à la rénovation énergétique des logements est nettement inférieure aux prédictions.</p>
<p>Selon les auteurs, les habitants rénovent leur habitat dans une optique de confort thermique plus que dans un objectif de baisse de la consommation d’énergie. Dans la même veine, des <a href="http://www.batiment-energie.org/doc/01-ENERTECH.pdf">expérimentations</a> portant sur des bâtiments énergétiquement performants ont révélé que la baisse de consommation d’énergie prévue n’était pas observée.</p>
<p>Des sociologues de l’université Toulouse II <a href="https://www.unil.ch/files/live/sites/ouvdd/files/shared/URBIA/urbia_15/Decoupe_3.pdf">se sont penchés sur la question</a>. D’après eux, les habitants n’utilisent pas les bâtiments et leurs équipements comme leurs concepteurs l’avaient prévu, ce qui ne leur permet pas de diminuer leur consommation d’énergie autant qu’espéré.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1196523088726446080"}"></div></p>
<p>Dans certains cas, ils auraient même des comportements contre-performants, qui augmenteraient leur consommation. Ces résultats sont tout à fait cohérents avec ceux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032117309061">d’une étude parue en 2017</a>, selon laquelle la dépense d’énergie des bâtiments peut être 3 fois plus importantes qu’attendu.</p>
<p>Les facteurs en jeu sont variés : l’environnement (fait-il froid ou chaud ?), le bâtiment (est-il bien isolé ?), les équipements (sont-ils économes ?) et les occupants. Les auteurs indiquent que le comportement de ces derniers est essentiel mais qu’il est le moins pris en compte dans la conception des bâtiments.</p>
<p>Les comportements jouent ainsi un rôle non négligeable dans la consommation d’énergie des bâtiments. Et les seuls aspects techniques paraissent insuffisants pour atteindre les objectifs de réduction d’énergie.</p>
<h2>Des usages parfois non anticipés</h2>
<p>Pour expliquer cet état de fait, intéressons-nous aux usages des résidents, dont l’essentiel des activités domestiques sont source de consommation d’énergie, comme, par exemple, de faire un gâteau.</p>
<p>Pour tenter de limiter les dépenses énergétiques générées par sa cuisson, ils peuvent mettre en place des actions de maîtrise de l’énergie : cuire le gâteau après un gratin pour économiser le temps de chauffe, acquérir un four plus économe. Mais ils peuvent aussi avoir des activités de gestion de l’énergie, en enlevant par exemple les feuilles mortes tombées sur des panneaux solaires.</p>
<p>La difficulté à atteindre les objectifs de réduction d’énergie dans l’habitat est probablement liée à l’inadéquation des systèmes techniques (ici, la maison ou l’application de suivi de la consommation d’énergie) aux utilisateurs et à leurs usages.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1196970975935565825"}"></div></p>
<p>En conception, on parle de « modèle de conception » pour qualifier la représentation que se fait le concepteur de l’utilisation probable de son objet par l’utilisateur : c’est une représentation hypothétique. On parle de « modèle d’utilisation » pour qualifier la représentation qu’a l’utilisateur lorsqu’il se sert de l’objet ; il s’agit ici d’une représentation réelle.</p>
<p>Lorsqu’il existe une différence trop importante entre le modèle de conception et le modèle d’utilisation, l’utilisation de l’objet est rendue moins efficace, plus difficile et peut être à l’origine d’usages non anticipés. <strong>Par exemple, aérer sa maison tous les matins dans un bâtiment passif</strong>. Ces usages non anticipés par le concepteur du bâtiment peuvent être à l’origine d’une surconsommation d’énergie. Il est donc primordial de bien comprendre l’activité des habitants pour imaginer des habitats et des équipements adaptés.</p>
<h2>Prendre en compte les biais cognitifs</h2>
<p>Reste que bien connaître l’activité des habitants n’est pas suffisant. Il faut aussi tenir compte du fonctionnement de leur cerveau, doté d’une rationalité limitée. Nos sens, notre mémoire et notre capacité à traiter des informations sont restreints.</p>
<p>Lorsque nous prenons des décisions, nous sommes donc soumis à ce que l’on appelle des « biais cognitifs » – des automatismes qui nous permettent de traiter rapidement une multitude d’informations, mais qui sont aussi à l’origine d’erreurs de raisonnement. Alors que nous pensons agir de façon rationnelle et en accord avec nos valeurs, nous avons parfois des comportements qui vont à leur encontre. Ces biais n’épargnent pas nos comportements en faveur de l’environnement.</p>
<p>En 2011, Robert Gifford <a href="https://www.researchgate.net/publication/254734365_The_Dragons_of_Inaction_Psychological_Barriers_That_Limit_Climate_Change_Mitigation_and_Adaptation">publiait un article</a> décrivant les 29 biais cognitifs auxquels nous sommes soumis et qui nous empêchent d’agir pour limiter et nous adapter au changement climatique. Une <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-019-0263-9?proof=true">étude parue en 2019</a> dans la revue <em>Nature Sustainability</em>, montre que lorsqu’un individu s’engage dans un comportement pro-environnemental (acheter un four économe en énergie), cela a une influence négative sur un autre comportement positif (surveiller sa consommation d’énergie).</p>
<p>Ce mécanisme peut être induit par un effet de compensation morale (aussi appelé « effet rebond ») : lorsqu’une action moralement positive est utilisée pour légitimer une action moralement moins positive.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1070451812719837184"}"></div></p>
<p>Prenons un exemple : un individu achète une chaudière électrique nouvelle génération pour remplacer son ancien appareil fonctionnant au fioul. Elle lui permet de ne plus consommer de fioul et s’avère plus économe en énergie. On s’attend donc à une baisse de consommation pour le chauffage. Avec son ancienne chaudière à fioul, cet usager essayait de réduire l’utilisation de son chauffage, afin de moins polluer. Désormais, il s’en soucie beaucoup moins, sa chaudière étant électrique et plus économe. Il a donc augmenté la température de son domicile, pour passer de 19° à 21 °C, et chauffe désormais son hall d’entrée.</p>
<p>Ici, le remplacement d’une chaudière à fioul par une chaudière électrique économe en énergie est à l’origine de comportements énergétiquement moins sobres, qui peuvent limiter la baisse de consommation, voire entraîner une augmentation de la consommation d’énergie pour le chauffage.</p>
<p>Dans la mesure où les biais cognitifs peuvent nettement influencer notre consommation d’énergie à la maison, il est nécessaire de les prendre en compte dans la conception de l’habitat.</p>
<h2>Favoriser la collaboration</h2>
<p>Si la technique est indispensable pour améliorer l’efficacité énergétique et la maîtrise de l’énergie, elle reste insuffisante.</p>
<p>Une réflexion sur nos comportements doit être intégrée pour penser des bâtiments n’engendrant pas d’usages aux effets limitatifs, voire contre-productifs concernant la baisse de la consommation d’énergie. L’objectif n’est pas de persuader les utilisateurs d’avoir tel ou tel comportement, mais bien de concevoir des habitats et des équipements compatibles avec les résidents, pour rendre possible la réalisation des performances énergétiques escomptées, et permettre des attitudes réellement sobres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"806748495562436608"}"></div></p>
<p>Pour cela, le bâtiment et ses équipements doivent s’intégrer à l’activité des habitants, à leurs objectifs et leur permettre de s’émanciper de leurs biais cognitifs. À cet effet, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032114007990">chercheurs autrichiens</a> proposent ainsi une liste de recommandations visant à neutraliser ces biais relativement à la consommation d’énergie dans l’habitat. Par exemple, pour tirer profit du « biais de statu quo », qui entraîne une résistance au changement, les auteurs proposent de définir par défaut les appareils sur leur mode d’utilisation le plus sobre énergétiquement. L’utilisateur doit donc fournir un effort pour utiliser un mode d’utilisation plus consommateur.</p>
<p>Il ne suffit donc pas de considérer l’habitat comme un système technique plus ou moins énergétiquement efficace, mais comme un système qui ne peut être énergétiquement efficace qu’avec ses habitants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128142/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’habitat énergétiquement performant nécessite de tenir compte des habitants pour être vraiment efficace.Antoine Martin, Doctorant en ergonomie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1280342019-12-18T18:18:38Z2019-12-18T18:18:38ZPourquoi n’y a-t-il pas davantage de constructions en bois en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304440/original/file-20191129-95264-8iw02n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=103%2C267%2C5397%2C3440&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bois est une alternative intéressante pour le secteur de la construction, l’un des plus émetteurs de CO2 en France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU3NTA1NjM4MCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMzgyMDY0MTQzIiwiayI6InBob3RvLzM4MjA2NDE0My9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiUkNYUCswTkxZd0hjVHpZU1hlRTNJZWtZbklNIl0%2Fshutterstock_382064143.jpg&pi=33421636&m=382064143&src=c39caae6-4ace-485a-970a-bc27df265efc-1-5">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’Hexagone, le secteur du bâtiment contribue à <a href="https://ile-de-france.ademe.fr/sites/default/files/neutralite-carbone-batiment.pdf">26 % des émissions</a> de gaz à effet de serre directes – jusqu’à 40 % si l’on intègre les émissions indirectes. Sa <a href="https://www.codifab.fr/actions-collectives/bois/contrat-strategique-de-la-filiere-bois-2018-2022-2170">contribution aux efforts nationaux</a> est donc indispensable pour se rapprocher de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralit%C3%A9_carbone">neutralité carbone</a> nécessaire à l’équilibre climatique.</p>
<p>En regardant les chiffres de plus près, on s’aperçoit qu’une part importante de ces émissions <a href="https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/">provient de la phase de production et de construction</a>, donc des matériaux utilisés. Même si ces résultats dépendent fortement du type d’énergie employé pendant l’exploitation du bâtiment et de son isolation, cela montre qu’une grande partie des émissions se concentre sur les premières années du cycle de vie du bâtiment. Aujourd’hui, la production de produits cimentés en <a href="http://www.construction-carbone.fr/combien-de-co2-dans-les-materiaux-de-construction/">constitue la première source</a>.</p>
<p>Une des pistes possibles pour améliorer ce bilan repose sur le recours à des produits de construction dont la production est moins intense en carbone. Un usage accru du bois constitue à ce titre un levier de réduction potentiellement important de ces émissions de gaz à effet de serre. En 2018, seuls <a href="http://afcobois.fr/wp-content/uploads/2019/07/ENQUETE_CONSTRUCTIONBOIS_JUIN_2019.pdf">6,3 % des nouveaux logements</a> étaient produits en bois.</p>
<h2>Prolonger le stockage de carbone</h2>
<p>Dans un contexte d’urgence climatique, le temps constitue l’élément le plus précieux. Et c’est justement ce temps qu’offrent les produits en bois de construction via un stockage temporaire du carbone. Car l’arbre, pendant sa croissance, séquestre du carbone.</p>
<p>Utiliser des produits en bois pour construire permet donc de prolonger la durée de vie de ce matériau et d’éviter le relargage de carbone en fin de vie de l’arbre. Le carbone stocké par les arbres demeure ainsi séquestré dans les produits en bois. La durée de vie de ces éléments utilisés dans les bâtiments étant relativement longue – de 50 à 100 ans selon les structures –, cette séquestration temporaire constitue un élément intéressant dans le développement du « puits carbone ».</p>
<p>S’ajoute à cela l’effet de substitution des produits en bois : leur production suscite moins d’émissions de gaz à effet de serre que leurs substituts issus d’autres matériaux ; leur usage a donc un effet positif dans la réduction des émissions. Et si le bois en fin de vie est réutilisé ou valorisé à des fins énergétiques, il peut encore contribuer à réduire les émissions du secteur.</p>
<p><a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">La stratégie nationale bas carbone</a>, feuille de route dans la poursuite de l’objectif de neutralité carbone, ne s’y trompe pas et fixe des objectifs élevés pour un usage accru de ce matériau : augmentation de la commercialisation du bois de quasiment un tiers d’ici à 2050 ; massification du recours au bois pour les produits de construction ; développement de l’éco-conception des bâtiments réalisés avec ce matériau.</p>
<p>Reste qu’il est essentiel d’évaluer l’impact d’un recours plus fréquent au bois pour la construction.</p>
<h2>Les vertus du bois</h2>
<p>L’usage du bois agit, on vient de le voir, à deux niveaux : la substitution (on évite des émissions) et la séquestration (le carbone est stocké).</p>
<p>L’intérêt du carbone stocké réside dans l’intégration de la temporalité des émissions, car il permet de lisser les émissions dans le temps. Une exploitation de bois pour un usage de long terme, comme dans la construction, permet de retarder l’émission de CO<sub>2</sub> qui sera produite à la fin de vie du produit, lors de l’incinération ou de la décomposition du matériau.</p>
<p>Ce décalage entraîne une augmentation des puits de carbone forestiers, du fait de la croissance de nouveaux arbres en remplacement, mais également d’une diminution de l’impact de réchauffement climatique cumulé, calculé pour mesurer l’effet des émissions de gaz à effet de serre en kgCO<sub>2</sub>-équivalent (kgCO<sub>2</sub>e). Car l’impact cumulé tient compte de l’effet annuel d’une émission jusqu’à un horizon temporel, défini à 100 ans par le GIEC. Le décalage des émissions jouant donc directement sur le cumul d’impact.</p>
<p>L’approche statique conventionnelle suppose un bilan neutre du carbone vivant sur l’ensemble du cycle de vie : ce qui a été séquestré pendant la croissance de l’arbre sera réémis au moment de la fin de vie. Une approche dynamique permet au contraire de rendre compte de l’effet du stockage temporaire, en intégrant le décalage temporel entre les émissions. L’approche statique considère donc cette réémission à terme sans tenir compte des effets positifs du retardement, tandis que l’approche dynamique en tient compte.</p>
<p>Cette <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/potentiel-de-sequestration-de-carbone-par-le-bois-etude-des-constructions-neuves-dans-le-secteur-du-logement-francais/">approche dynamique</a> est employée lorsque l’on compare deux structures – en bois et en béton – à l’échelle d’un bâtiment. Le bilan est ici sans appel : à niveau d’isolation équivalente, la structure en bois permet de gagner de 300 à 500 kgCO<sub>2</sub>e/m<sup>2</sup>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=122&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304421/original/file-20191129-95255-1foiosw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=154&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Impacts du réchauffement climatique statiques et dynamiques en kgCO₂/e/m² selon le type de construction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">???</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304422/original/file-20191129-95272-8qxa1l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=666&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la différence d’impact en MtCO₂e entre un usage accru de bois dans la construction et un usage inchangé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">skd</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’étude d’un usage accru de bois pour les constructions neuves du parc de logement français <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/potentiel-de-sequestration-de-carbone-par-le-bois-etude-des-constructions-neuves-dans-le-secteur-du-logement-francais/">montre également</a> l’intérêt du stockage permis par ce matériau : dans le cas où la part de bois de construction est triplée d’ici à 2050, et d’une croissance du parc de logement de 1 % par an, on obtient une réduction de l’impact carbone d’au moins 11 %.</p>
<h2>La filière bois française</h2>
<p>Grâce à ces multiples avantages, la construction en bois gagne en popularité et se diversifie. On trouve aujourd’hui de nombreux <a href="http://afcobois.fr/realisations/">exemples d’immeubles</a> construits dans ce matériau. <a href="https://www.certivea.fr/offres/label-e-c">Des labels et des lois</a> intègrent d’autre part la prise en compte de l’empreinte carbone dans les bâtiments et <a href="https://www.batimentbascarbone.org/label-bbca/">valorisent même le stockage</a>. Mais la massification de son usage reste encore lointaine.</p>
<p>Comprendre les enjeux économiques et environnementaux qui entourent cet usage nécessite de bien connaître les caractéristiques de la filière forêt-bois française. Pour permettre une intensification du recours au bois, il est en effet nécessaire que les ressources forestières fournissent la matière première en quantité suffisante et dans de bonnes conditions de durabilité. C’est le cas pour la France.</p>
<p>Chaque année, <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/spip.php?rubrique219">seulement 54 %</a> de l’accroissement annuel de bois est exploité, ce qui implique que la ressource forestière ne cesse de croître. Cela signifie aussi une augmentation du puits de carbone forestier à court terme. Toutefois, la pérennité de ce puits n’est pas forcément assurée, notamment du fait des risques climatiques.</p>
<p>On estime aujourd’hui de <a href="http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les-decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Forets-filiere-foret-bois-francaises-et-attenuation-du-changement-climatique">10 %à 30 % la perte du stock forestier</a> à l’horizon 2050, selon les chocs et les climats envisagés.</p>
<h2>Des ressources pas toutes exploitables</h2>
<p>Il faut en outre distinguer disponibilité brute, c’est-à-dire la différence entre l’accroissement naturel et les prélèvements, et disponibilité effective. Cette restriction dépend à la fois des coûts d’exploitation et de facteurs comportementaux des gestionnaires et propriétaires forestiers.</p>
<p>La faiblesse de cette mobilisation du bois national provient des coûts d’exploitation importants pour certaines forêts (en montagne, par exemple) et d’un fort morcellement de la propriété forestière en France. La forêt est <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/spip.php?rubrique70">privée aux trois quarts</a> et 80 % de sa surface concernent de petites exploitations de moins de 25 hectares, sans compter les zones de protection où l’exploitation des forêts est restreint.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1003827040401985536"}"></div></p>
<p>Le secteur forêt-bois français connaît par ailleurs un <a href="http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2019_121inforapbois.pdf">fort déficit commercial</a> qui cache certaines disparités : si la France exporte son bois brut, elle importe le bois transformé. Une grosse partie de ce déficit provient du <a href="https://www.fcba.fr/sites/default/files/files/Working%20paper%20COMEXTVF.pdf">secteur de la construction</a>, du fait d’insuffisances de l’offre et d’une compétitivité très forte à l’international sur certains produits. Un usage accru de bois national dans le secteur du bâtiment aurait donc l’avantage de réduire cette balance commerciale déficitaire.</p>
<p>Au déficit commercial de la filière forêt-bois s’ajoute un <a href="https://www.unece.org/fileadmin/DAM/timber/country-info/statements/France2016.pdf">manque d’articulation et de concordance</a> entre les acteurs forestiers. La filière n’est aujourd’hui pas adaptée à un usage prolongé du matériau. Des concurrences internes limitent son développement, notamment celle entre le bois de construction et le bois-énergie. Ces deux types de produits ont pourtant un fort potentiel de complémentarité dans la mesure où ils ne requièrent pas le même type de bois.</p>
<h2>Une mauvaise réputation</h2>
<p>Si l’intérêt du bois de construction est confirmé par nombre d’études scientifiques, les performances fluctuent selon les méthodologies employées – les méthodes de comptabilité du carbone issu de la biomasse via une approche dynamique étant, on l’a vu, encore peu développées. Un flou dont souffre aujourd’hui la filière.</p>
<p>Ce matériau fait en outre l’objet de nombreuses idées reçues : risque d’incendie, termites, humidité, fragilité… Le bois commercialisé est pourtant soumis à des normes strictes et détient, naturellement ou suite à des traitements, un bon comportement au feu et des protections contre les insectes.</p>
<p>Capable de se gonfler d’eau, le bois est également un régulateur naturel du taux d’hygrométrie, ce qui n’est pas le cas du béton. Certains bois, comme le <a href="http://www.woodeum.com/faq/">lamellé croisé ou le CLT</a> confèrent d’autre part aux constructions une résistance étonnante dans les zones à risque sismique.</p>
<h2>Des pistes pour changer la donne</h2>
<p>Pour lever ces freins dans le secteur du bâtiment, on peut envisager plusieurs pistes. On dira globalement que des politiques d’incitation par le prix pourraient contribuer à favoriser l’avantage carbone de l’usage du bois en substitut à d’autres matériaux.</p>
<p>L’incorporation d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1104689913000445">taxe carbone généralisée</a> sur l’ensemble de l’économie y contribuerait : le matériau bois est moins intense en carbone que d’autres matériaux, son prix serait donc moins impacté par une taxe carbone. Le secteur du bâtiment étant caractérisé par le long terme, il est toutefois nécessaire que les évolutions futures d’une telle taxe soient connues de manière prévisible et crédible par l’ensemble des acteurs.</p>
<p>Au-delà d’une politique climatique globale, un certain nombre de leviers sectoriels peuvent également être envisagés. Le choix du matériau de construction se fait à l’échelle locale, selon des choix techniques (caractéristiques de l’essence, climat local, normes), économiques et culturels (usage constructif, existence d’un matériau traditionnel, règles d’urbanisme).</p>
<p>Différentes trajectoires de <a href="http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Analyse_1371905v2.pdf">dynamisation de la filière</a> peuvent être dégagées. Pour y parvenir, des subventions directes à la consommation ou des aides à la transformation stimulant l’offre sont envisageables. Dans un second temps, une restructuration de l’appareil productif est indispensable pour mieux orienter les productions vers des produits plus avantageux en matière de stockage de carbone et d’effet de substitution.</p>
<p>Enfin, pour agir sur le bois de construction à court terme, d’autres mesures doivent être soutenues : disposer de données économiques fiables et précises, instaurer davantage de normes et de réglementations favorisant ce type de construction et diversifier les essences d’arbres, notamment les <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/disponibilites-forestieres-pour-energie-materiaux-horizon-2035-synthese.pdf">feuillus, essences sous-exploités aujourd’hui</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Delacote a reçu des financements de la chaire « Économie du climat » et du Labex « Arbre ». </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florine Ollivier Henry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Utiliser le bois dans le secteur du bâtiment permettrait à la fois de le substituer à des matériaux très émetteurs et de stocker du carbone sur une durée plus longue.Philippe Delacote, Chargé de recherche en économie, InraeFlorine Ollivier Henry, Chargée de recherche, chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1269762019-11-19T22:22:41Z2019-11-19T22:22:41ZÀ ce rythme, le plan rénovation énergétique de la France n’atteindra pas ses objectifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301769/original/file-20191114-26273-1w1stvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C181%2C5272%2C2896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU3Mzc2ODg5MCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTAwOTY5Mjg4OSIsImsiOiJwaG90by8xMDA5NjkyODg5L2h1Z2UuanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzd">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le bâtiment représente 39,5 % de la consommation finale d’énergie et 27 % des émissions de CO<sub>2</sub>. Il est donc la cible idéale des politiques publiques énergétique et climatique. La France s’est fixé de réduire de <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/action-france-lefficacite-energetique">28 % la consommation d’énergie finale</a> dans ce secteur en 2030, et prévoit la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">décarbonation quasi-complète du bâtiment d’ici 2050</a> – c’est-à-dire le niveau basse consommation dit « BBC ». Les statistiques officielles les plus récentes indiquaient que <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-10/chiffres-stats534-Phebus-juillet2014b_0.pdf">0,3 % des logements en France étaient BBC en 2012</a>. L’enjeu est donc de taille !</p>
<p>En 2018, le gouvernement s’est fixé plusieurs objectifs en la matière dans le cadre du <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/renovation-energetique-des-batiments-plan-accelerer-mobilisation-generale">Plan rénovation énérgétique des bâtiments</a>. D’une part, la rénovation thermique de 500 000 logements par an (sans spécifier la durée), dont la moitié sont occupés par des ménages aux revenus modestes. Sur ces 500 000, l’État prévoit d’avoir rénové d’ici à 2025 (objectif révisé depuis à 2028) les 7 à 8 millions de passoires thermiques (étiquettes F et G du Diagnostic de performance énergétique – DPE) habitées par des foyers propriétaires à faible revenu.</p>
<p>Ce plan annonce parallèlement que 100 000 logements sociaux devront être rénovés chaque année, permettant d’atteindre 250 000 logements occupés par des personnes aux revenus modestes. Pour les 250 000 logements restants, la rénovation devra être réalisée par les propriétaires qui auront accès à des aides financières dédiées, comme pas exemple les certificats d’économie d’énergie.</p>
<p>Dans les faits, ces objectifs apparaissent insuffisants au regard de la législation européenne, trop imprécis, et leur application s’avère difficilement contrôlable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301767/original/file-20191114-26237-1c3d7cl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’objectif gouvernemental de rénovation thermique de 500 000 logements par an.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20de%20r%C3%A9novation%20%C3%A9nerg%C3%A9tique_0.pdf">Ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un objectif flou et insuffisant</h2>
<p>En juin 2018, la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0844&from=EN">refonte de la Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments</a> (EPBD), stipulait qu’un taux moyen annuel de rénovation de 3 % serait nécessaire au niveau de l’Union européenne pour concrétiser de façon rentable les ambitions de l’Union en matière d’efficacité énergétique. Pour cela, les États membres étaient tenus d’« établir des lignes directrices claires et définir des actions mesurables et ciblées ».</p>
<p>En France, la loi transposant la directive européenne a donc fixé le nombre de logements rénovés par an à 500 000. Ce qui correspond à un taux moyen annuel de rénovation de 1,7 %, bien en deçà des 3 % préconisés par la directive et nécessaires pour atteindre l’objectif gouvernemental d’un parc décarboné à 2050. Tout comme la directive européenne, la loi ne précise par ailleurs à aucun moment les gains minimaux de performance énergétique à atteindre.</p>
<p>Le parc immobilier français compte en outre <a href="https://cler.org/plan-de-renovation-energetique-beaucoup-didees-mais-peu-de-mesures-concretes-pour-la-transition-des-batiments-et-la-lutte-contre-la-precarite-energetique/">7 millions de logements « passoires énergétiques »</a> : si le gouvernement entend les éradiquer d’ici à 2028 comme indiqué dans le Plan Rénovation, il faudrait accélérer la cadence et les rénover lourdement en priorité à un rythme annuel d’1 million de logements.</p>
<p>En raison de l’absence d’une définition officielle de la rénovation énergétique en France ou au niveau de l’Union européenne, il devient difficile de recenser correctement l’activité de la rénovation énergétique. Les bases de données existantes utilisent différents niveaux d’analyse et visent des cibles différentes – certaines bases se concentrent uniquement sur le parc de logements sociaux, d’autres le parc privé – comme le montre le tableau ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301764/original/file-20191114-26222-6yeghr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Bases de données et rapports d’activités sur la rénovation énergétique en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Carine Sebi, analyse faite en octobre 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une mise en œuvre déjà retardée</h2>
<p>Malgré des objectifs largement insuffisants, on constate que la mise en œuvre du plan gouvernemental a déjà pris bien du retard. S’il est impossible de dresser un bilan précis, une estimation grossière révèle que le compte des 500 000 rénovations énergétiques annuelles n’y est pas : en 2018, on recense <a href="https://www.union-habitat.org/actualites/dossier-la-renovation-energetique-une-priorite-nationale#content">110 000 rénovations</a> dans le logement social, <a href="https://www.anah.fr/fileadmin/anah/Mediatheque/Publications/Les_rapports_activite/Rapport-activite-2018.pdf">62 000 dans les logements privés précaires</a> et <a href="https://www.ademe.fr/travaux-renovation-energetique-maisons-individuelles-enquete-tremi">130 000</a> pour le <a href="https://www.ademe.fr/open-observatoire-permanent-lamelioration-energetique-logement-campagne-2015">parc privé</a> restant, soit un total approximatif de 300 000 rénovations annuelles concernant la période 2016-2018.</p>
<p>Même en considérant des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/constat-dechec-pour-la-renovation-energetique-des-logements-150193">estimations plus généreuses</a> – évoquant plutôt 300 000 rénovations dans le parc privé et 100 000 dans le parc social – la France ne pourra pas à ce rythme atteindre l’objectif annoncé d’un parc de bâtiment neutre en carbone d’ici à 2050.</p>
<p>Ce retard s’explique d’une part par un coût fixe élevé des rénovations thermiques : il s’élève à <a href="https://www.ademe.fr/travaux-renovation-energetique-maisons-individuelles-enquete-tremi">environ 25 900 euros</a> par logement privé pour une rénovation thermique qui permettrait de gagner deux classes (passer d’une performance énergétique D ou C à B par exemple). D’autre part, la variation du prix de l’énergie associée rend le <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-du-logement-les-conditions-de-la-rentabilite-93868">retour sur investissement très lointain</a>, et peu incitatif pour les ménages – malgré les aides proposées. Sans parler du déficit d’information constaté chez les ménages sur les aides disponibles et sur les mesures de rénovation les plus efficaces.</p>
<h2>La nécessité du suivi</h2>
<p>Pour l’avenir, les toutes dernières orientations politiques du gouvernement indiquent une priorité marquée pour les ménages modestes avec le retrait du crédit d’impôts (CITE) – qui jusque-là offrait à tous les propriétaires bénéficiaires jusqu’à 30 % de réduction d’impôts sans condition de revenu du ménage (plafonné à 16 000 euros selon la composition du ménage) – et la mise en place de « Ma prime rénov » » <a href="https://www.quelleenergie.fr/magazine/fiscalite-verte/fin-du-cite-la-nouvelle-prime-ma-prime-renov-2020/">qui propose une aide forfaitaire</a> dont le montant dépend du type de rénovation.</p>
<p>Elle s’oriente davantage vers les ménages modestes en ciblant les travaux de rénovation les plus efficaces. L’avantage de cette mesure est qu’elle met l’accent sur les ménages en situation de précarité énergétique qui le plus souvent logent dans cesdites passoires thermiques. Son risque est de décourager la rénovation dans les ménages les plus aisés, qui portent aujourd’hui à eux seuls <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/renovation-energetique-maintenons-laide-fiscale-pour-les-foyers-aises-1140050">50 % de l’activité du secteur</a>.</p>
<p>Faute de données fiables et d’objectifs bien définis en France, suivre les avancées en matière de rénovation énergétique dans le pays est difficile. Or sans évaluation, il sera compliqué de satisfaire les efforts engagés. Des lacunes dont le gouvernement prend toutefois conscience, puisqu’il a lancé en septembre un <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/aides-la-renovation-energetique-une-prime-et-une-plateforme-anah-des-2020">observatoire national de la rénovation énergétique</a>, dont les premières données seront rendues disponible entre 2020 et 2021.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Sebi a travaillé entre 2012 et 2017 sur des projets en lien avec le sujet de la rénovation énergétique financés par des fonds européens. Elle a notamment participé au lancement de l'Observatoire Européen du Bâtiment.</span></em></p>L’absence de suivi et des objectifs trop flous expliquent, entre autres, que le pays peine à tenir ses promesses.Carine Sebi, Assistant professor and Coordinator of the "Energy for Society" Chair, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1268502019-11-18T19:55:27Z2019-11-18T19:55:27ZLa rénovation thermique réduit-elle vraiment votre facture d’énergie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301250/original/file-20191112-178520-1rh1sug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=126%2C58%2C5178%2C3421&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude des auteurs, 1 000 euros de travaux en rénovation énergétique entraînent une diminution de 8,3€ par an de la facture énergétique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/man-installing-thermal-insulation-layer-under-233789185">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La rénovation énergétique est l’un des piliers de l’action publique en faveur de la transition énergétique. Dernière illustration en date, le plan gouvernemental de rénovation énergétique des bâtiments, qui prévoit la rénovation de <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20de%20r%C3%A9novation%20%C3%A9nerg%C3%A9tique_0.pdf">500 000 logements</a> par an pendant cinq ans. Ou le discours de politique générale de juin 2019 du premier ministre qui annonçait une réforme des aides à la rénovation. Cette priorité se manifeste par une multiplication d’instruments : éco-prêt à taux zéro, crédit d’impôt pour la transition énergétique, certificats d’économies d’énergie, diagnostic de performance énergétique, et les acronymes correspondants : éco-PTZ, CITE, CEE, DPE… Mais la rénovation énergétique des logements réduit-elle vraiment la consommation d’énergie comme elle le prétend ?</p>
<h2>Un investissement moyen rentabilisé en… 120 ans</h2>
<p>Nous venons de publier une <a href="https://www.larevuedelenergie.com/quel-est-limpact-des-travaux-de-renovation-energetique-des-logements-sur-la-consommation-denergie">étude économétrique</a> reposant sur l’observation des travaux réellement effectués par des ménages et leurs factures énergétiques avant et après travaux. Les données proviennent de l’<a href="https://ademe.typepad.fr/files/tns-sofres---me-bilan-2012---synth%C3%A8se-4-pages-3008.pdf">enquête Maîtrise de l’Énergie</a> réalisée par TNS-SOFRES pour l’Ademe. De 2000 à 2013, l’institut de sondage interrogeait chaque année un panel représentatif de 7 à 9 000 ménages sur leur dépense énergétique et sur leurs éventuels investissements dans la rénovation. Chaque ménage était sondé plusieurs années consécutives, permettant ainsi d’observer l’évolution de leurs factures après rénovation. L’enquête fut malheureusement stoppée et les enquêtes plus récentes ne fournissent plus les mêmes éléments.</p>
<p>Le modèle économétrique, que nous ne décrirons pas ici, consiste pour l’essentiel à comparer la variation de la consommation d’énergie d’un ménage réalisant des travaux avec celle des ménages n’effectuant pas de travaux ou des travaux d’un montant différent. Pour identifier un effet « toutes choses égales par ailleurs », nous effectuons cette comparaison pour une même année et entre des ménages vivant dans la même région (et donc soumis aux mêmes conditions météorologiques, macroéconomiques et réglementaires), ayant un revenu similaire et une taille de foyer identique, contrôlant ainsi l’effet de facteurs susceptibles d’affecter la consommation énergétique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1113222583149895681"}"></div></p>
<p>Notre estimation aboutit au résultat suivant : 1 000 euros de travaux ne diminuerait en moyenne la facture énergétique que de 8,4 € par an. Pour un investissement moyen de l’enquête, cela correspond à une diminution de 2,7 % de la facture. La rénovation énergétique est alors loin d’être rentable si l’on s’en tient aux seules économies d’énergie puisque le temps de retour correspondant, c’est-à-dire le nombre d’années nécessaires pour récupérer le coût de l’investissement initial, est de 120 ans.</p>
<p>Ce résultat apparaît en décalage avec le consensus actuel des experts. Notre estimation est par exemple beaucoup plus faible que celles incluses dans les fiches des opérations standardisées utilisées pour <a href="https://calculateur-cee.ademe.fr">calculer les économies d’énergie</a> générant les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE).</p>
<p>À titre d’illustration, la fiche CEE décrivant la pose d’une fenêtre ou d’une porte-fenêtre avec vitrage isolant – une opération notoirement moins efficace que d’autres – prédit un impact deux fois plus élevé que notre estimation de l’impact de l’investissement moyen.</p>
<h2>Une question de confort plus que d’économies</h2>
<p>Notre travail est une analyse a posteriori sur des données décrivant des comportements réels. Au contraire, le consensus d’experts a été construit en France à partir de modèles de simulation fondés sur des hypothèses de comportements. De ce point de vue, notre approche est plus proche d’une <a href="https://academic.oup.com/qje/article/133/3/1597/4828342">étude américaine</a> réalisée en 2018 qui identifie elle aussi des impacts très faibles – des économies d’énergie environ 2,5 fois inférieures à celles prédites par le modèle utilisé par les autorités publiques américaines pour piloter de nombreux programmes de soutien à la rénovation énergétique.</p>
<p>Comment alors expliquer la modestie de ces impacts ? Une première explication tient au fait que la première motivation exprimée par les ménages réalisant des travaux de rénovation énergétique n’est pas l’économie d’énergie, mais le confort. Or améliorer son confort équivaut en pratique à augmenter la température intérieure du logement. Après rénovation, rien ne dit que cette augmentation ne vienne annuler l’impact énergétique des travaux. Plus de confort, moins de déperdition d’énergie mais au total plus de consommation d’énergie. C’est « l’effet rebond ».</p>
<p>Par ailleurs, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous dans un marché de la rénovation où prévaut une asymétrie d’information entre des ménages peu au fait des subtilités techniques de l’opération, et des professionnels qui savent que la qualité de leur prestation ne sera observée par les clients qu’une fois les travaux terminés et la facture réglée.</p>
<h2>Cibler les fournisseurs et non les consommateurs</h2>
<p>Ce résultat conduit évidemment à s’interroger sur la pertinence des subventions à l’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel si elles sont uniquement motivées par la réduction de la consommation d’énergie. En tout état de cause, la rénovation énergétique ne constitue pas un gisement d’opérations peu coûteuses de réduction de la consommation d’énergie, et par conséquent des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>L’estimation d’un temps de retour de 120 ans concerne un investissement moyen. Or il est notoire que l’impact énergétique varie beaucoup en fonction du type de travaux réalisés. Notre étude invite donc à cibler le soutien public sur les travaux les plus efficaces (en particulier, l’isolation des combles, des murs, des planchers).</p>
<p>Enfin et surtout, ce résultat invite à déplacer la focale de l’action publique des consommateurs d’énergie vers les fournisseurs de solutions de rénovation énergétique avec un double objectif : réduire les prix et améliorer la qualité de la rénovation. D’autant que la multiplication des aides allouées à leurs clients n’a pu que dégrader leur performance sur ces deux dimensions. Des dispositifs comme l’opération en cours « isolation des combles à 1 euro » rendent ainsi presque accessoires le prix et la qualité des travaux réalisés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Glachant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que la facture énergétique des ménages est bien moins sensible à la rénovation que prévu, ce qui interroge l’action publique en la matière.Matthieu Glachant, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1245092019-10-02T17:53:45Z2019-10-02T17:53:45ZInterface, spécialiste des dalles de moquettes et… pionnier de l’économie circulaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294978/original/file-20191001-173358-4yi7cq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C30%2C1156%2C725&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre 1996 et 2017, cette multinationale dit avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 96%.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rosenfeld Media / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il est fort probable que vous n’ayez jamais entendu parler de l’entreprise Interface. Pourtant, cette multinationale basée à Atlanta aux États-Unis, cotée au Nasdaq et leader mondial de la fabrication de dalles de moquettes, est sans conteste l’un des pionniers de l’économie circulaire. À ce titre, l’entreprise vient de sortir sa première dalle de moquette <em>climate negative</em>, dont l’empreinte carbone est de moins 2 kg !</p>
<p>Tout commence en 1994 quand le CEO d’Interface, Ray Anderson, doit répondre à une demande insolite émanant de clients de l’entreprise : des architectes américains souhaitent en effet qu’Anderson fasse un discours sur la politique environnementale de l’entreprise. Comme le patron d’Interface l’avouera lui-même par la suite : « je ne voulais pas faire ce discours. Je n’avais aucune vision environnementale ».</p>
<p>Pour Ray Anderson, cette sollicitation sera le déclencheur d’une prise de conscience radicale de l’irresponsabilité de son entreprise envers le monde naturel. La lecture de « L’écologie du commerce » de l’éco-entrepreneur <a href="https://www.commercemonde.com/2018/11/ecologie-de-marche/">Paul Hawken</a> constitue une vraie révélation, une « épiphanie » pour le patron d’Interface qui, à partir de ce moment-là, décide d’engager son entreprise dans une refondation complète, un total changement de paradigme. Tout en maintenant sa position de leader sur son marché, ce qui sera le cas…</p>
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<figcaption><span class="caption">« Ray Anderson from The Corporation », vidéo Realityforachange (en anglais), 2011.</span></figcaption>
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<p>Un quart de siècle plus tard, Interface estime avoir quasiment atteint son objectif <em>Mission zero</em> pour 2020, à savoir aucun impact négatif sur l’environnement. Les <a href="https://www.interface.com/US/en-US/about/press-room/2017-EcoMetrics-Release-en_US">chiffres</a> (pour 2017) parlent d’eux-mêmes : sur la base de 1996, l’entreprise annonce avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 96 %, sa consommation d’eau de 88 %, l’utilisation d’énergies renouvelables a augmenté de 88 % au niveau du groupe et de 100 % pour son usine de Scherpenzeel aux Pays-Bas.</p>
<p>Quant à la part de matériaux recyclés et biosourcés utilisés dans les produits, elle a augmenté de 56 % depuis 1996. Si ce dernier chiffre semble moins impressionnant que les précédents, précisons que l’entreprise dispose de cinq usines de production sur quatre continents, dont une en Thaïlande. Dans ce contexte, il est clair que l’environnement réglementaire européen est <a href="https://theconversation.com/en-europe-les-initiatives-se-multiplient-pour-en-finir-avec-le-tout-jetable-67006">largement plus favorable</a> à ce type de démarche et qu’il s’agit ici des chiffres à l’échelle du groupe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-europe-les-initiatives-se-multiplient-pour-en-finir-avec-le-tout-jetable-67006">En Europe, les initiatives se multiplient pour en finir avec le tout jetable</a>
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<p>Allant toujours de l’avant, Interface a défini il y a quelques années sa stratégie <a href="https://www.interface.com/US/en-US/campaign/climate-take-back/Climate-Take-Back"><em>Climate Take Back</em></a> pour 2030 qui vise à passer du rôle d’entreprise restauratrice à celui d’entreprise régénératrice qui contribue, par ses produits, à fournir des solutions aux enjeux climatiques. Il n’est plus question de ne plus avoir d’impacts négatifs sur l’environnement, mais d’avoir un impact positif, tout en produisant des dalles de moquette !</p>
<p>Cet objectif semble à première vue bien ambitieux, voire utopique… À vrai dire, il en était de même en 1995 quand l’entreprise affirma qu’il était possible de quitter le modèle linéaire de production <em>take, make, waste</em> afin de « boucler la boucle » !</p>
<h2>Quelques enseignements</h2>
<p>Ce qui frappe d’emblée est le produit dont il est question, la dalle de moquette. On associe en effet difficilement ce produit à l’innovation. Quant aux impacts environnementaux, ils sont multiples : dérivés du plastique pour la fibre, sous-couche à base de goudron, colle utilisée, etc.</p>
<p>La grande force d’Interface est l’accent continuellement mis sur l’innovation, avec de très lourds investissements en R&D. L’entreprise possédait déjà cette culture d’innovation avant d’engager sa démarche de durabilité, et elle s’est « naturellement » appropriée les enjeux de durabilité dans une vision de l’innovation disruptive et de long terme. Ainsi, et à titre d’exemple, l’entreprise parviendra-t-elle à recycler le nylon alors que tout le monde s’accordait pour dire dans les années 1990 que cela était impossible ?</p>
<p>« Il y a toujours une solution », aime-t-on répéter chez Interface : depuis le lancement de <em>Mission zero</em>, les innovations se sont succédé à un rythme soutenu, et ce pour toutes les composantes du produit. Quant à la stratégie d’innovation d’Interface, elle repose sur deux intuitions remarquables : la première est le lien que l’entreprise fera d’emblée entre innovation et design, dans une approche décrite par la pionnière du biomimétisme Janine Benyus. Ainsi, les designs aléatoires imités des couverts forestiers en automne permettront de remplacer plus aisément des parties d’une surface de moquette tout en se distinguant par leur design unique.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Biomimicry in action – Janine Benyus », vidéo Ted Talks (en anglais), 2018.</span></figcaption>
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<p>L’autre élément véritablement pionnier a été la volonté, dès le départ, d’associer les fabricants de fibre (responsables de près des deux tiers des émissions au long du cycle de vie) à la démarche. C’est ainsi qu’Interface travaillera étroitement avec le fabricant italien Aquafil sur des projets toujours plus innovants, jusqu’à créer en 2011 <a href="http://net-works.com"><em>Net-Works</em></a>. Ce business inclusif soutient des populations pauvres aux Philippines et au Cameroun en les rémunérant pour la collecte de filets de pêche abandonnés qui sont un fléau pour la biodiversité marine, filets qui sont ensuite réintégrés par Aquafil dans le processus de production et revendus à Interface.</p>
<p>Cette culture de l’innovation irrigue l’ensemble de l’organisation : toujours à la recherche de recyclabilité et de nouveaux matériaux biosourcés, Interface a fait de la supply chain (chaîne d’approvisionnement) une fonction clé qui contrôle d’ailleurs la production ! En liant constamment innovation, design, marketing et développement durable, l’entreprise a conservé sa position de leader sur le marché. On doit également souligner l’importance de la collaboration constante de l’entreprise avec les meilleurs experts (dès le départ de l’aventure avec Paul Hawken, Janine Benyus ou encore l’ONG suédoise <a href="https://thenaturalstep.org"><em>The Natural Step</em></a>).</p>
<h2>Défis permanents</h2>
<p>On peut ensuite légitimement se demander pourquoi le modèle déployé par Interface n’est pas plus largement dupliqué, même si l’entreprise a été jusqu’à créer une filiale de conseil au Royaume-Uni. L’un des éléments clés est sans conteste le charisme de Ray Anderson son fondateur et de l’impulsion unique qu’il a donnée, soutenue par une culture d’entreprise très horizontale qui mobilise l’ensemble des employés et des parties prenantes clés. Malgré sa taille, Interface a gardé un esprit pionnier, toujours prête à apprendre de ses échecs (les « successful failures »).</p>
<p>Par ailleurs, Interface a dynamisé ses principaux concurrents, contribuant à fortement élever les standards environnementaux du secteur. Quant à généraliser le modèle Interface à d’autres secteurs, outre la question de la culture d’entreprise et de leadership, se posent les enjeux de taille et de portefeuille de produits. On imagine la difficulté pour une multinationale avec une gamme étendue et diversifiée de produits d’adopter la démarche d’Interface ! C’est d’ailleurs pourquoi la démarche circulaire est en général testée pour quelques produits et sur certains sites de production. Enfin, l’engagement des fournisseurs est clairement une autre difficulté majeure.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1151416296824856576"}"></div></p>
<p>Quoi qu’il en soit de la réussite de ce modèle, les difficultés ne manquent pas et Interface doit sans cesse relever de nombreux défis. Parmi ces derniers, citons la taille : l’entreprise ne cesse de croître, et maintenir le modèle est de plus en plus délicat, notamment dans les pays en développement où la vision circulaire se heurte à de nombreux obstacles notamment institutionnels et économiques. La structure de l’actionnariat est de toute évidence une autre difficulté : étant cotée au Nasdaq, l’entreprise est soumise à un actionnariat dont les motivations sont essentiellement liées au profit.</p>
<p>Interface a dû d’ailleurs récemment adopter une stratégie de défense agressive (un <em>poison pill</em>) pour se protéger d’une OPA qui risquait de mettre en danger son modèle. Enfin, la poursuite de l’aventure, avec la nouvelle stratégie pour 2030, est un défi de tous les jours : comme me l’ont confié plusieurs responsables de l’entreprise, travailler pour Interface est exaltant, passionnant, mais aussi épuisant !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Delbard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 1995, ce fabricant américain innove pour réduire son empreinte carbone recyclant, par exemple, des filets de pêche. Prochaine étape : des produits à impact positif !Olivier Delbard, Professeur au département d'économie, de droit et de sciences sociales, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1220942019-09-12T22:26:13Z2019-09-12T22:26:13ZLe sable, une ressource essentielle en voie de disparition<p>Inévitablement associé dans la conscience collective aux plages de nos vacances, le sable fait pourtant l’objet de convoitises bien au-delà du tourisme. Juste après l’eau, il constitue la seconde ressource minérale exploitée par l’homme !</p>
<p>Résultat de l’altération d’une roche mère par des agents le plus souvent météoriques – l’eau, le vent, l’action des cycles de gel et dégel – sa nature dépend donc de sa source : il existe autant de sables différents que de roches sur la planète ! Trois critères relatifs à ses grains permettre de le caractériser : la nature (minérale ou organique), la forme (morphoscopie) et les dimensions (granulométrie). Ces deux dernières dépendent de la durée du transport et de ses agents de transport : le vent et l’eau, laquelle peut être pluviale, fluviale ou marine.</p>
<p>Omniprésent dans notre quotidien même si nous l’ignorons, le sable entre notamment dans la composition du béton, son premier consommateur. Or l’exploitation et l’utilisation de cette ressource n’est pas sans conséquence environnementales, économiques, sociales et culturelles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288567/original/file-20190819-123736-2lj1pv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plage de sable noir, Fidji.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Bernon</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Des dizaines de milliers d’années pour le produire</h2>
<p>Outre les plages et les fonds marins, nos terres aussi regorgent de sable. En France, les bassins sédimentaires <a href="http://sigesaqi.brgm.fr/Structure-et-histoire-simplifiees.html#321">aquitain</a> et <a href="http://sigessn.brgm.fr/spip.php?article18">parisien</a> renferment sous nos pieds de vastes formations sableuses. Cette présence sur le continent, en surface ou en sous-sol, provient d’un environnement passé où le transport et le dépôt de sédiments sableux étaient possibles.</p>
<p>Des dizaines voire centaines de milliers d’années sont nécessaires pour que la nature produise du sable en grande quantité. Deux conditions doivent être réunies : un climat favorable à l’érosion des sols et une zone propice au dépôt de sédiments. D’une manière générale, lors des phases glaciaires, le volume des calottes glaciaires continentales s’accroît, le niveau marin s’abaisse et la ligne de rivage recule. Les rivières parcourent alors de longues distances avant d’atteindre l’océan, ce qui accentue leur pouvoir érosif : ce contexte favorise la formation et le dépôt de sédiments sableux.</p>
<p>La dernière époque glaciaire s’est achevée il y a un peu plus de 18 000 ans. À titre d’exemple, dans le golfe de Gascogne, le niveau marin global se situait alors à 120m environ en dessous du niveau actuel. Depuis, la mer <a href="http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-67152-FR.pdf">est remontée plus ou moins régulièrement</a>. Il y a 14 000 ans, son niveau était à -80m par rapport à l’actuel et il y a 9 000 ans à -20m. Depuis 5 000 ans environ, il a plus ou moins cessé de s’élever, limitant fortement les apports sédimentaires. Cet appauvrissement au cours des derniers millénaires induit que le stock de sable présent sur nos côtes n’est plus renouvelé. Malgré cela, il demeure largement mobilisé par les activités humaines.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292173/original/file-20190912-190035-vo7wk8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Variation du niveau marin relatif lors des derniers 150 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Imbrie et coll., 1984 ; Stanley, 1995 ; Menier, 2003 ; BRGM et ONF, 2018</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<span class="caption">Rivages holocènes dans le sud du Golfe de Gascogne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Prat & Auly, 2010, d’après Gensous, 1971.</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>De graves conséquences environnementales</h2>
<p>Comme évoqué antérieurement, le secteur de la construction est le plus gourmand en sable. Celui-ci entre en effet dans la composition du béton et du verre, mais est également utilisé dans les remblais maritimes. Or, tous les sables ne sont pas adaptés à ces usages. Les grains du désert, par exemple, sont trop petits et trop ronds pour fabriquer du béton. Raison pour laquelle les sables continentaux, des rivières et des plages subissent une telle pression. Mais ces précieux grains se glissent aussi dans des objets plus inattendus. Ils jouent par exemple un rôle central dans le processus de construction de nos ordinateurs, de nos cosmétiques ou encore de nos voitures.</p>
<p>Ces applications nombreuses impliquent des extractions massives. Le sable est prélevé de terre dans des carrières, aspiré par des dragues au fond de l’océan, ou raclé à la pelle mécanique dans les rivières et sur le littoral. Autant de méthodes qui affectent la qualité de l’eau – en augmentant la turbidité par exemple – de l’air et du sol. Elles bouleversent les paysages et les écosystèmes, affectant la biodiversité.</p>
<p>Ces prélèvements en milieu naturel sont par ailleurs susceptibles de modifier le fonctionnement hydrologique des cours d’eau, la morphologie des côtes et les courants marins, et tout particulièrement de provoquer l’érosion des sols et du littoral. Au risque d’exposer les populations à des risques accrus d’inondation, de submersion marine et d’érosion.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288562/original/file-20190819-123741-f5f7yu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exploitation de sable en bordure de rivière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UNEP, 2019/Minette Lontsie</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Cible des trafics</h2>
<p>Les conséquences potentielles de l’exploitation du sable ne sont donc pas qu’environnementales, mais aussi économiques, humaines, sociales et culturelles. À titre d’exemple, l’appauvrissement des sols et la disparition des plages affectent les secteurs de l’agriculture et du tourisme.</p>
<p>La demande en sable au Maroc a provoqué le développement de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/les-plages-du-maroc-vont-elles-survivre-aux-mafias-du-sable_3449149.html">filières illégales d’extraction du sable</a> sur le littoral, et l’<a href="http://www.harvarddesignmagazine.org/issues/39/built-on-sand-singapore-and-the-new-state-of-risk">extension de Singapour</a>, essentiellement sur des remblais maritimes, est à l’origine de tensions avec les pays voisins. En Inde, l’exploitation du sable pour ses minéraux est aussi <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-22-juin-2019">entachée d’illégalité et de corruption</a>.</p>
<p>Bien sûr, son extraction n’est pas non plus sans impact sur le réchauffement climatique. <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/environment/global-material-resources-outlook-to-2060_9789264307452-en#page1">Un rapport de l’OCDE de février 2019</a> indique ainsi que la production de béton actuelle occasionne 9 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre, et projette ce chiffre à 12 % en 2060.</p>
<h2>Sobriété, efficacité et matériaux alternatifs</h2>
<p><a href="https://www.unenvironment.org/news-and-stories/press-release/rising-demand-sand-calls-resource-governance">Une autre étude, de l’ONU cette fois</a>, également publiée en 2019, fait état de l’exploitation de sable à l’échelle mondiale. Elle s’intéresse pour cela à la production de ciment dans 150 pays. En considérant que le béton comporte 25 % de sable et 45 % de sédiments grossiers par unité de volume, elle conclut que les granulats (qui englobent les deux) constituent les matériaux les plus exploités sur la planète.</p>
<p>En 2010, leur consommation annuelle mondiale, tous usages confondus, <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:75919">était estimée à 40 gigatonnes</a>. En 2017, la seule production de béton en a nécessité 30 gigatonnes. Une quantité qui pourrait atteindre les 50 gigatonnes par an en 2030 – des chiffres qui dépassent largement les apports naturels par les fleuves. Étant donné la demande croissante en sable et les conséquences de son exploitation, ce rythme apparaît insoutenable. Comme pour l’énergie, la sobriété et l’efficacité feront partie de la solution.</p>
<p><a href="https://www.unenvironment.org/news-and-stories/press-release/rising-demand-sand-calls-resource-governance">Le rapport de l’ONU</a> propose notamment de réduire la consommation du sable par l’emploi des matériaux alternatifs, la densification urbaine, ou encore l’investissement dans la rénovation et l’entretien du bâti existant – plutôt que dans la démolition et la reconstruction. Il préconise également de miser sur le recyclage et l’innovation pour limiter les extractions en milieu naturel.</p>
<p>Afin d’encourager le déploiement de ces solutions, il apparaît indispensable d’homogénéiser les pratiques et les réglementations en matière d’extraction du sable.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit en partenariat avec l’Observatoire de la côte Aquitaine.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Bernon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sable de nos plages qui semble inépuisable se renouvelle en réalité très lentement et constitue la seconde ressource minérale la plus exploitée par l’homme après l’eau.Nicolas Bernon, Ingénieur risques naturels - littoral, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1193352019-06-25T19:47:54Z2019-06-25T19:47:54ZS’inspirer de l’architecture traditionnelle pour faire face à la canicule<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280971/original/file-20190624-97785-1ogwa5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=74%2C5%2C1772%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au cours du siècle, les températures moyennes dans certaines zones de la péninsule arabique pourraient avoisiner les 60° C.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/erwinb/4159979618/">Erwin Bolwidt/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la France subit depuis quelques jours un épisode de canicule particulièrement intense, certaines régions du monde sont habituées de longue date à une telle chaleur. Ce qui ne les empêche pas d’être aussi exposées à la hausse des températures : que ce soit dans la Péninsule arabique, en Iran ou en Irak, elles pourraient atteindre dans les prochaines années des niveaux insupportables.</p>
<p>Certains lieux, comme <a href="http://gulfnews.com/news/uae/environment/temperature-shoots-up-to-52-degree-celsius-in-al-ain-and-other-parts-of-uae-1.118206">Al Ain</a>, aux Émirats arabes unis, ou encore le Koweït, connaissent déjà des températures dépassant les 50 °C. Et <a href="http://nature.com/articles/doi:10.1038/nclimate2833">selon une étude publiée en 2016</a>, les effets du changement climatique et la hausse des émissions de gaz à effet de serre pourraient pousser la température moyenne autour des 55 ou même 60 degrés.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreux résidents du Golfe trouvent refuge dans les maisons, les centres commerciaux ou les voitures climatisées. Mais à mesure que montent les températures, augmente aussi le besoin de rafraîchir les lieux de vie d’une façon moins onéreuse, plus durable et moins énergivore. L’histoire de la région offre heureusement une source d’inspiration architecturale très riche pour combattre la canicule.</p>
<h2>Une histoire de la chaleur</h2>
<p>Historiquement, la population du Golfe se composait de paysans vivant près d’oasis dans des villages agricoles, de Bédouins campant dans leur tente en plein désert, ou encore de résidents des villes. Compte tenu de la <a href="https://www.un.org/development/desa/en/news/population/world-urbanization-prospects.html">tendance globale</a> à l’urbanisation, regardons de plus près comment ce dernier groupe surmontait la chaleur.</p>
<p>Les bâtiments traditionnels des villes et des villages du Golfe sont conçus pour maximiser l’ombre, diminuer le gain thermal issu de la radiation solaire, réguler la température des bâtiments et faciliter la circulation de l’air. À l’origine de ces effets, une combinaison astucieuse de matériaux de construction, d’emplacement et de conception.</p>
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<span class="caption">Une combinaison de matériaux naturels.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/erwinb/4158964098/sizes/l">Erwin Bolwidt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Des éléments naturels comme le calcaire et la vase – dans certains cas mélangés à des plantes du désert locales – fournissent un matériau de construction capable de réguler les températures des bâtiments. Le matériau en lui-même absorbe l'humidité en conditions humides, qui peut ensuite s’évaporer pendant les journées chaudes et ensoleillées pour fournir un léger effet de refroidissement. La texture sableuse et la couleur des bâtiments réduisent en outre l’absorption et l’émission de chaleur rayonnante.</p>
<figure class="align-left ">
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<span class="caption">Des ruelles étroites pour maintenir la fraîcheur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/felibrilu/5534583869/sizes/l">Felibrilu/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Les constructions traditionnelles sont placées à proximité les unes des autres, séparées par des ruelles étroites. Cela signifie que le rapport de la surface exposée au soleil par rapport au volume total du bâtiment est minimisé, limitant les pics de chaleur pendant la journée.</p>
<p>De nombreuses structures traditionnelles comprennent également une cour intérieure, où l’on trouve souvent des arbres et un puits d’eau. Cette cour est entourée de toutes parts par des chambres ou des murs, pour maximiser la zone d’ombre au cours de la journée et créer un espace de convivialité le soir venu. Lorsque le soleil écrase le milieu de journée, la cour intérieure fonctionne comme une cheminée : elle envoie l’air chaud vers le haut et le remplace par l’air plus frais des pièces attenantes – encourageant ainsi une circulation de l’air et créant un effet rafraîchissant.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/99692/original/image-20151026-18446-1ksjh0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les moucharabieh, pour une meilleure circulation de l’air.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/seier/2078287373/sizes/l">seier+seier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le verre n’est pas un matériau répandu dans ces bâtiments traditionnels. Une pièce compte généralement deux fenêtres externes : une toute petite, située tout en haut du mur et maintenue ouverte pour permettre à l’air de circuler et laisser entrer la lumière naturelle. Une seconde, plus large, et fermée par des volets de bois, avec des rainures pour permettre qu’un courant d’air pénètre dans la pièce tout en préservant l’intimité. Certaines pièces possèdent aussi des fenêtres qui donnent sur la cour intérieure pour un meilleur rafraîchissement. Enfin, le moucharabieh – fenêtre en saillie avec treillis en bois sculpté, généralement située aux étages supérieurs d’un bâtiment – permet une meilleure circulation de l’air ainsi qu’une meilleure vue.</p>
<figure class="align-left ">
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<span class="caption">La tour éolienne crée de la ventilation naturelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/felibrilu/5534589927/sizes/l">Felibrilu/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Certains immeubles sont dotés d’une tour éolienne, qui crée une ventilation naturelle par la circulation de l’air frais. Les ruelles étroites leur permettaient d’être recouvertes dans la plupart des cas par des matériaux légers provenant de palmiers dattiers pour éviter la lumière directe du soleil. Cela a permis une meilleure circulation de l’air entre les rues et les cours des bâtiments, via les pièces.</p>
<p>Toutes ces caractéristiques permettent de garder les bâtiments traditionnels au frais. Mais une question demeure : comment appliquer ces méthodes aux villes d’aujourd’hui ?</p>
<h2>Des bâtiments modernes… et chauds</h2>
<p>Les édifices actuels du Golfe sont principalement construits en verre réfléchissant, béton et asphalte, ce qui se traduit par des températures qui grimpent en flèche pendant la journée, en raison d’une forte réflexion, ou d’une haute absorption, et d’une émission élevée de chaleur rayonnée.</p>
<p>Grâce à la recherche et aux progrès dans le domaine des matériaux de construction et de dallage, de conception, de planification urbaine, d’isolation et d’usage des énergies renouvelables, les villes du Golfe pourraient conserver un mode de vie confortable, tout en émettant moins d’émissions carbone et en utilisant moins d’énergies fossiles.</p>
<p>La ville de Masdar aux Émirats arabes unis a ainsi tenté de combiner certaines traditions architecturales aux technologies modernes en augmentant le nombre de zones à l’ombre, en créant des rues étroites et en construisant une tour éolienne.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Fonctionnement du puits de chaleur.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>Le recours à l’isolation pourrait également restreindre le besoin d’air conditionné et la consommation d’électricité. D’ici là, des matériaux nouveaux ou naturels – qui absorbent la moisissure et accentuent la capacité thermique (c’est-à-dire la propension du matériau à maintenir des températures plus basses par des températures plus hautes) – pourraient réguler le gain de chaleur et faciliter le processus de rafraîchissement naturel.</p>
<p>J’ai développé une nouvelle technologie (brevetée) afin de réguler les températures des édifices dans des conditions d’extrême chaleur, en utilisant un puits de chaleur dans le sol. Il permettra au sol d’échanger de la chaleur avec l’enveloppe du bâtiment, réduisant ainsi son gain thermique lors des journées chaudes.</p>
<p>Au cours des dernières années, les pays du Golfe ont commencé à prêter attention aux énergies renouvelables et aux mesures durables. La recherche et le développement devraient progresser davantage dans ce domaine si l’on veut que les populations puissent vivre confortablement dans les conditions climatiques attendues, tout en diminuant leur dépendance à la consommation de carburants fossiles ainsi que leurs émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amin Al-Habaibeh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le Golfe persique, où les températures devraient exploser au cours du XXIᵉ siècle, l’architecture traditionnelle pourrait aider les populations à s’adapter à cette chaleur.Amin Al-Habaibeh, Professor of Intelligent Engineering Systems, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1186952019-06-13T23:47:21Z2019-06-13T23:47:21ZParis et Londres se lancent dans la course à la neutralité carbone pour 2050<p>Alors que le Parlement français s’apprête à examiner le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1908.asp">projet de loi relatif à l’énergie et au climat</a>, revenons sur l’objectif de « zéro émissions nettes » (ZEN) inclus dans ce projet. Et faisons également le parallèle entre la France et le Royaume-Uni, qui avancent des objectifs similaires dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>En France, cet « objectif ZEN » pour 2050 vient remplacer l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990 – appelé <a href="https://theconversation.com/debat-non-lobjectif-de-neutralite-carbone-pour-2050-nest-pas-un-recul-90893">« facteur 4 »</a> et inscrit dans la loi de transition énergétique de 2015.</p>
<p>Au Royaume-Uni, ce même objectif – recommandé par le Comité sur les changements climatiques (<a href="https://www.theccc.org.uk/">CCC</a>) dans son <a href="https://www.theccc.org.uk/publication/net-zero-the-uks-contribution-to-stopping-global-warming/">rapport publié le 2 mai</a> – a pour but de remplacer l’objectif actuel de diviser les émissions d’au moins 80 % sur la même période ; il a été adopté dans la loi ce mercredi 12 juin.</p>
<p>Ce sont les deux plus gros pays à considérer un objectif de cette ambition dans un texte législatif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/net-zero-emissions-by-2050-says-uk-government-now-what-118712">Net zero emissions by 2050, says UK government – now what?</a>
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<p>À l’heure actuelle, un petit nombre de pays – la <a href="https://theconversation.com/transition-ecologique-et-competitivite-industrielle-lexemple-suedois-63122">Suède</a>, le Danemark et la Norvège –, ont déjà adopté dans la loi un objectif de neutralité carbone, mais avec le recours à des mécanismes d’achat de permis d’émissions internationaux ; ce type de recours étant exclus des projets considérés en France et dans la recommandation du CCC en Grande-Bretagne, bien que cet aspect de la recommandation est contesté par le gouvernement. D’autres pays – comme l’Éthiopie, le Costa Rica, le Bhutan, les Iles Fiji, l’Islande, les Iles Marshall et le Portugal – ont également annoncé l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 dans des documents stratégiques mais sans portée législative.</p>
<p>L’objectif ZEN en 2050 se veut aligné avec l’accord de Paris, qui vise à limiter l’augmentation de la température globale bien en dessous de +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">rapport spécial sur le « 1,5 °C »</a> paru en octobre dernier, le GIEC montrait que les émissions mondiales atteignaient la neutralité pour le CO<sub>2</sub> vers 2050 dans les trajectoires compatibles avec 1,5 °C, et vers 2070 pour 2 °C ; les émissions des autres gaz à effet de serre étaient également fortement réduites dans ces trajectoires. Le rapport du CCC britannique montre aussi que la neutralité « tous gaz à effet de serre » est atteinte vers 2070 dans les scénarios compatibles avec 1,5 °C. L’objectif ZEN de neutralité tous gaz à effet de serre en 2050 est donc plus ambitieux que la contrainte globale cohérente avec un réchauffement de 1,5 °C.</p>
<h2>Émissions comparées des deux côtés de la Manche</h2>
<p>Les deux pays se trouvent aujourd’hui dans des situations similaires sur de nombreux points. Ils ont une population semblable, des niveaux de développement comparables, et leurs émissions de gaz à effet de serre territoriales sont de <a href="https://www.gov.uk/government/collections/uk-greenhouse-gas-emissions-statistics">7 tCO₂e/habitant</a> pour le Royaume-Uni et <a href="https://citepa.org/fr/activites/inventaires-des-emissions/secten">6,7 tCO₂e/habitant</a> pour la France en 2017.</p>
<p>Les trajectoires d’émissions depuis 1990 sont globalement décroissantes, avec une décroissance plus forte pour le Royaume-Uni qui partait d’un niveau plus élevé en 1990 ; une situation essentiellement due à la structure de son système électrique (qui s’appuyait alors largement sur des centrales à charbon) ainsi qu’à un rattrapage important au niveau de la gestion des déchets (voir la figure ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279149/original/file-20190612-32327-1qdp54n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Guivarch et C. Le Quéré, basé sur les données du CITEPA (France) et BEIS (RU)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les émissions du secteur industriel décroissent de façon significative et similaire dans les deux pays (voir la figure ci-dessous). <a href="https://www.theccc.org.uk/publication/reducing-uk-emissions-2018-progress-report-to-parliament/">Selon les analyses du CCC</a>, cette décroissance serait expliquée, au Royaume-Uni, par les changements de structure économique, l’amélioration de l’efficacité énergétique, et la réduction de l’intensité carbone du mix énergétique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=173&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279150/original/file-20190612-32347-194ljo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=218&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">C. Guivarch et C. Le Quéré, basé sur les données du CITEPA (France) et BEIS (RU)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les émissions du secteur des bâtiments ont baissé ces dix dernières années dans les deux pays, avec des décroissances plus fortes outre-Manche. Par contre, les émissions du secteur des transports stagnent dans les deux pays, avec, depuis 1990, une légère décroissance au Royaume-Uni et une augmentation en France.</p>
<p>Soulignons enfin que l’agriculture et les puits de carbone sont très différents dans les deux pays. En France, l’agriculture, secteur économiquement plus important, émet deux fois plus qu’au Royaume-Uni ; quant aux puits de carbone, reposant largement sur l’accroissement du carbone stocké dans les forêts, ils sont plus forts en France. Les décroissances d’émissions dans ces deux secteurs sont comparables (voir la figure ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279151/original/file-20190612-32373-1jll24h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Guivarch et C. Le Quéré, basé sur les données du CITEPA (France) et BEIS (RU)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ajoutons que les émissions associées aux transports internationaux (aviation et transport maritime) ne sont pas incluses dans les émissions telles que rapportées aux Nations unies dans le cadre de l’accord de Paris. L’objectif ZEN 2050 recommandé par le CCC inclut ces émissions, alors qu’elles sont exclues du projet de loi énergie de la France dans sa forme actuelle.</p>
<p>Les émissions provenant de l’aviation, relativement faibles pour l’instant, seront responsables, si les autres secteurs ont suivi les trajectoires de décroissance envisagées, de la majorité des émissions restantes en 2050. Elles devront donc être compensées par des puits de carbone ou autres mécanismes d’extraction de CO<sub>2</sub>, nécessitant une augmentation importante des puits à prévoir (voir la figure ci-dessous, à partir de données pour le <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/789811/Final_greenhouse_gas_emissions_tables_2017.xlsx">Royaume-Uni</a> et la <a href="https://www.citepa.org/fr/activites/inventaires-des-emissions/ccnucc">France</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279152/original/file-20190612-32342-1ovc7oe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=353&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Guivarch et C. Le Quéré, basé sur les données du CITEPA (France) et BEIS (RU)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Les émissions « cachées »</h2>
<p>On le voit, France et Royaume-Uni ne considèrent pas quantitativement, dans leurs objectifs ZEN 2050, les émissions associées à la consommation de produits et services provenant de l’étranger.</p>
<p>Or, les émissions associées à la production à l’étranger de biens et services consommés en France ou au Royaume-Uni sont importantes. L’empreinte carbone – qui intègre ces émissions « importées » – des deux pays dépasse ainsi de beaucoup leurs émissions territoriales : elle s’élève à <a href="http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Projet%20strategie%20nationale%20bas%20carbone.pdf">11 tCO₂/habitant/an pour la France</a> et à <a href="https://www.gov.uk/government/statistics/uks-carbon-footprint">11,9 pour le Royaume-Uni</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279153/original/file-20190612-32373-12svcmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Guivarch et C. Le Quéré, basé sur les données SNBC révisée (France) et DEFRA (RU)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Après considération des produits du territoire consommés à l’étranger (les émissions « exportées »), les émissions résultant de la balance commerciale sont très importantes et ont augmenté depuis le milieu des années 1990 (voir la figure ci-contre) avec, peut-être, une stagnation de leurs tendances depuis 2005 au Royaume-Uni et depuis 2011 en France. Ces émissions sont difficiles à contrôler du fait de leur production à l’étranger, mais n’en demeurent pas moins la responsabilité des consommateurs.</p>
<p>Le projet de loi énergie et climat de la France indique que ces émissions doivent être maîtrisées… mais ne donne pas d’objectifs quantitatifs. Outre-Manche, la recommandation du CCC indique que ces émissions devraient décroître en réponse à certaines mesures d’efficacité, mais reconnaît que ces émissions ne pourront être réduites à zéro que lorsque les émissions globales atteindront ce seuil.</p>
<h2>Le temps presse</h2>
<p>Le Royaume-Uni a réussi à faire décroître rapidement ses émissions dans la décennie passée, qui sont maintenant près du niveau français.</p>
<p>Cette décroissance rapide a été recommandée, accompagnée et suivie par le Comité sur les changements climatiques (<a href="https://www.theccc.org.uk/">CCC</a>) depuis sa mise en place en 2008, qui a prioritairement mis l’emphase sur la décarbonation de la production d’électricité qui sous-tend celle des autres secteurs. Aujourd’hui, les deux pays en sont à un point où les émissions doivent décroître rapidement dans les prochaines décennies pour atteindre leurs objectifs ZEN en 2050.</p>
<p>L’enjeu majeur est d’amorcer et d’accélérer la transition dans les secteurs plus difficiles à décarboner car plus diffus – ceux des transports et du bâtiment tout particulièrement.</p>
<p>En créant le Haut Conseil pour le climat en novembre 2018 (dont nous faisons partie), la France a voulu se doter de l’appui d’un groupe d’experts indépendant dans son approche – inspiré du CCC britannique – pour accompagner la transition.</p>
<p>Le Haut Conseil pour le climat français est ainsi chargé d’évaluer la mise en œuvre de la stratégie nationale bas-carbone de la France, et de proposer des actions correctrices le cas échéant, tout en prenant en compte les impacts sociaux-économiques de la transition pour les ménages et les entreprises ainsi que les impacts environnementaux. Son premier rapport sera rendu public le 25 juin prochain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Guivarch fait partie de l’équipe des auteurs du 6e rapport du GIEC. Elle est membre du Haut Conseil pour le climat français. Céline Guivarch a reçu des financements de la Commission européenne, du ministère de la Transition écologique et solidaire, de l’Ademe, du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique, de l’Agence internationale de l’énergie, de la Banque mondiale, d’EDF, de Renault, de la chaire « Modélisation prospective pour le développement durable » et de l’Institut pour la mobilité durable. Elle est membre de l’association « Météo et climat ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Le Quéré est présidente du Haut Conseil pour le climat. Pour ses recherches sur le cycle du carbone, elle a reçu des financements de la Commission européenne, la Société royale du Royaume-Uni, le Natural Environment Research Council (RU). </span></em></p>En inscrivant leur ambition à atteindre la neutralité carbone dans un cadre législatif, la France et le Royaume-Uni se distinguent dans la lutte contre le changement climatique.Céline Guivarch, Économiste au Cired, directrice de recherche, École des Ponts ParisTech (ENPC)Corinne Le Quéré, Royal Society Research Professor, University of East Anglia, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182792019-06-05T04:31:58Z2019-06-05T04:31:58ZÉtude : la pollution de l’air intérieur, un problème méconnu par un Français sur deux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277908/original/file-20190604-69075-1tnzixc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aérer quotidiennement son logement, une action essentielle pour lutter contre la pollution de l’air intérieur. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/man-opening-window-home-refresh-room-621144887?src=Y0tvhg_oFAvShqEio_g9hw-1-7">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La pollution de l’air intérieur est restée relativement méconnue jusqu’au début des années 2000, contrairement à <a href="https://theconversation.com/la-pollution-de-lair-un-probleme-pour-92-de-la-population-urbaine-mondiale-70855">celle de l’air extérieur</a>, réglementée depuis des décennies et davantage médiatisée. Or, dans les climats tempérés, nous passons en moyenne 85 % du temps dans des environnements clos – logements, écoles, bureaux, transports… –, où nous pouvons être exposés à de nombreux polluants.</p>
<p>La question de la qualité de l’air intérieur est ainsi devenue une préoccupation majeure de santé publique partout dans le monde.</p>
<p>L’air – intérieur ou extérieur – est estimé pollué lorsqu’un agent chimique, physique ou biologique vient modifier les caractéristiques naturelles de l’atmosphère. Parmi les polluants les plus nocifs pour la santé, les matières particulaires (elles sont formées d’un mélange complexe de particules solides et liquides de substances organiques et minérales en suspension dans l’air : sulfates, nitrates, ammoniac, chlorure de sodium, carbone, matières minérales et eau), le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre.</p>
<p>Outre les apports de l’air extérieur, les sources potentielles de pollution dans les bâtiments sont nombreuses : appareils à combustion, matériaux de construction, produits d’entretien, peintures, tabagisme, acariens, etc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/h24-confines-a-la-maison-quatre-conseils-pour-limiter-la-pollution-de-lair-chez-soi-75237">H24 confinés à la maison, quatre conseils pour limiter la pollution de l’air chez soi</a>
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<h2>Un coût sanitaire et socio-économique exorbitant</h2>
<p>La pollution de l’air est l’un des principaux risques environnementaux mondiaux et le 4<sup>e</sup> plus gros facteur de <a href="https://www.oecd.org/fr/environnement/indicateurs-modelisation-perspectives/Consequences-economiques-de-la-pollution-air-exterieur-essentiel-strategique-web.pdf">risque de mortalité dans le monde</a>. Elle est à l’origine de maladies respiratoires et cardiovasculaires, de cancers, d’allergies et d’asthme, mais aussi indirectement de baisses de la productivité (confort, bien-être au travail…).</p>
<p>Jusqu’à 8 fois <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/521_Guide_Qualitel.pdf">plus pollué que l’air extérieur</a>, l’air intérieur a entraîné 3,8 millions de décès prématurés dans le monde en 2016. En France, l’<a href="http://www.oqai.fr/ModernHomePage.aspx">OQAI</a> juge sa qualité mauvaise dans 60 % des logements et note que 34 % des locaux tertiaires (soit un bureau sur deux et trois salles de classe sur cinq) ne sont pas équipés d’un dispositif de ventilation et de traitement de l’air.</p>
<p>Les conséquences peuvent être lourdes pour la collectivité qui doit supporter un coût de quelque <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/449_Rapport_Cout_economique_PAI_Avril2014.pdf">19 milliards d’euros</a> entre les décès prématurés, la prise en charge des soins, les pertes de productivité au travail… Parmi les publics les plus exposés, les <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/527_PPT_Atelier_OQAI_Juin_2018_ECOLES.pdf">enfants</a> et leurs 40 respirations/minute (contre 16 pour un adulte) motivent à traiter en priorité la qualité de l’air intérieur des espaces clos <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/batir-pour-la-sante-des-enfants-9789992017760/">accueillant un jeune public</a>.</p>
<p><a href="https://www.veolia.com/fr/newsroom/dossiers-thematiques/ameliorer-qualite-air">Une étude</a>, réalisée par Elabe pour le groupe Veolia et publiée ce 5 juin à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement portant cette année sur la pollution de l’air, a été conduite auprès de milliers de citoyens en France, en Belgique et à Shanghai. Il s’agit d’évaluer l’état des connaissances du grand public sur la question de la pollution de l’air intérieur. Voici les principaux enseignements de cette enquête.</p>
<h2>Prise de conscience et manque d’informations</h2>
<p>Si 90 % des Français considèrent que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent à leur domicile, dans les transports et les bâtiments publics, la plupart évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, notamment dans les lieux privés.</p>
<p>Ainsi, 52 % sont « surpris » (dont 14 % « très surpris ») d’apprendre que nous sommes davantage exposés à la pollution de l’air à l’intérieur de notre logement et des bâtiments que nous fréquentons qu’à l’extérieur. Voire même trois sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. A contrario, la qualité de l’air intérieur des lieux ouverts au public ou de passage divise ou interroge : moins d’un Français sur deux y juge l’air de bonne qualité.</p>
<p>Le sentiment de manquer d’informations prévaut en matière de prévention, de mesure de la qualité de l’air intérieur, de solutions et d’impact sanitaire : moins d’un Français sur deux considère être bien informé sur les gestes à adopter. Sur le terrain des solutions de mesure et de traitement, 67 % se disent mal informés sur les moyens disponibles et près de deux sur cinq ignorent purement et simplement l’existence des capteurs de mesure et des appareils de ventilation et de filtration qui se déclenchent automatiquement en fonction de la qualité de l’air intérieur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Elabe/Veolia 2019</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des résultats assez comparables à ceux de la Belgique, où 60 % des sondés sont surpris (dont 16 % très surpris) d’apprendre que l’exposition à la pollution de l’air intérieur est plus importante. Ainsi, trois Belges sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. Une évaluation significativement plus positive que pour l’air extérieur, jugé de mauvaise qualité par un sur deux au niveau du pays et par plus d’un sur trois pour leur quartier ou leur commune (contre deux Français sur cinq au niveau du pays et moins de trois sur dix au niveau de la commune).</p>
<p>À Shanghai, les résidents établissent majoritairement un lien entre leur santé et la qualité de l’air qu’ils respirent, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur domicile ou des bâtiments qu’ils fréquentent. Ils sont 95 % à considérer que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent chez eux, dans les transports et les bâtiments ouverts au public.</p>
<p>Pourtant, de la conscience de l’enjeu à la bonne information, il y a un pas qui n’est pas encore franchi. S’ils déclarent en majorité avoir connaissance des gestes de prévention (76 %), de la qualité de l’air intérieur des lieux qu’ils fréquentent (55 %) et des moyens disponibles pour l’améliorer (64 %), la plupart des sondés évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, dans les lieux privés comme dans les bâtiments publics.</p>
<h2>Comment améliorer la situation ?</h2>
<p>L’OMS estime que le coût de la pollution de l’air pourrait s’élever à plus de <a href="http://www.oecd.org/fr/env/la-pollution-de-l-air-pourrait-causer-entre-6-et-9-millions-de-deces-prematures-et-couter-1-du-pib-d-ici-2060.htm">1 % du PIB mondial en 2060</a>. Un défi sanitaire qui requiert l’implication de tous les acteurs de la qualité de l’air intérieur – de la régulation, de l’information et des solutions – comme le confirme une grande majorité des sondés dans les pays couverts par l’étude Elabe/Veolia.</p>
<p>En France, les ministères de l’Environnement et de la Santé ont lancé en 2013 le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/qualite-lair-interieur">plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur</a>. Avec, entre autres temps forts, la mise en œuvre d’une surveillance dans certains établissements publics, dont les écoles et les crèches. Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2018, elle est devenue obligatoire dans les crèches et les écoles maternelles et élémentaires. Elle sera généralisée à tous les établissements de ce type à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2023.</p>
<p>Si l’ensemble des acteurs, publics et privés, à tous les niveaux jusqu’au plus local ont un rôle à jouer en matière d’amélioration de la qualité de l’air intérieur, les Français considèrent à 45 % (selon l’étude Elabe/Veolia) que l’État a un rôle « très important » à jouer et que la réglementation est, pour 85 % d’entre eux, un levier « important » ou « très important ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Victoria est directeur du développement durable de l’entreprise Veolia. </span></em></p>Si les dangers de la pollution de l’air extérieur sont aujourd’hui bien connus, ceux relatifs à l’air que l’on respire dans les espaces clos le sont beaucoup moins, révèle une étude internationale.Pierre Victoria, Professeur associé en développement durable, Sciences Po RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1158562019-06-03T20:03:38Z2019-06-03T20:03:38Z« Ma femme est peintre en bâtiment… et alors, où est le problème ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270417/original/file-20190423-175528-13x62kd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C4%2C991%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le bâtiment, 90 % des emplois sont occupés par les hommes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kurhan / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Un nombre grandissant de femmes poussent la porte du secteur du bâtiment pour bâtir leur carrière, en assumant leur passion pour leur métier. Dans un secteur où 90 % des emplois sont <a href="https://www.inegalites.fr/Une-repartition-desequilibree-des-professions-entre-les-hommes-et-les-femmes?id_theme=22">occupés par les hommes</a>, comment ces femmes vivent-elles leur activité professionnelle ? Surtout, assiste-t-on à une transformation du secteur de l’artisanat du bâtiment ou bien plus largement, à une évolution de la société ?</p>
<p>L’<a href="https://fondation.edu.umontpellier.fr/programmes-dactivites/chaire-cocreatec/projet-de-valorisation-de-la-mixite-hommes-femmes-dans-les-entreprises-artisanales/">étude</a> menée par la <a href="https://fondation.edu.umontpellier.fr">chaire CoCréatec</a> (Fondation Université de Montpellier), financée par le Fonds social européen (2016-2018), montre que les femmes arrivent aujourd’hui dans ce secteur avec de nouvelles ambitions, apportant un souffle de changement porteur d’amélioration de la performance globale.</p>
<p>Même si notre enquête relève que seulement 60 % des artisans estiment plutôt ou tout à fait favorable l’arrivée de femmes dans leur entreprise, la poussée de certains métiers vers la mixité devient une réalité. Ont été interrogés des femmes et des hommes, chefs d’entreprise, salariés et parties prenantes travaillant dans le secteur du bâtiment. Chacun s’accorde sur la nécessité d’accorder aux femmes de véritables statuts de dirigeantes et d’artisanes opératives, notamment en luttant contre les stéréotypes.</p>
<p>C’est ce qu’il ressort de la série de verbatims ci-dessous.</p>
<h2>Contourner l’obstacle physique</h2>
<p>La pénibilité dans certains métiers du bâtiment reste une réalité, surtout dans le gros œuvre (les activités contribuant à la construction de l’ossature d’un bâtiment) : manutention, transport de charges, un travail physique.</p>
<blockquote>
<p>« Je suis censée travailler jusqu’à 73 ans, vous imaginez refaire un plafond ? »</p>
<p>« Il y a quand même beaucoup de manutention, déjà pour moi c’est un frein pour qu’une femme fasse ce métier. »</p>
</blockquote>
<p>Mais les activités des entreprises du bâtiment ne se limitent pas à ces aspects physiques :</p>
<blockquote>
<p>« Mis à part soulever des poids très lourds, une femme peut réaliser les mêmes tâches qu’un homme. »</p>
</blockquote>
<p>La difficulté physique reste un frein pour certains métiers dans la pensée collective, tandis que d’autres comme la menuiserie, voient la mixité s’installer dans les centres de formation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les métiers de la menuiserie attirent de plus en plus les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Robert Kneschke/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Néanmoins, cet obstacle physique semble pouvoir être contourné. D’abord, les évolutions techniques permettent de réduire la charge physique, facilitant l’insertion des femmes, mais allégeant également le travail des hommes. Ensuite, les femmes interrogées manifestent une grande ingéniosité pour éviter les obstacles physiques (recrutement de salariés, intérimaires, collaboration avec d’autres entreprises, positionnement sur des chantiers adaptés, etc.). Finalement, la difficulté physique paraît plus présente dans les esprits que dans la réalité des chantiers.</p>
<p>Le vrai problème aujourd’hui, c’est « qu’on n’a pas tous les corps de métier ». Les dépôts de CV par des femmes sont absents de certains métiers ; les filles sont également quasi absentes de certaines formations, malgré la <a href="https://www.education.gouv.fr/cid4006/egalite-des-filles-et-des-garcons.html">politique pro-mixité</a> engagée par le ministère de l’Éducation nationale, puis diffusée par les rectorats. Mais alors, qu’est-ce qui bloque encore ?</p>
<h2>La réponse est peut-être… nous tous</h2>
<p>Parents, chefs d’entreprises, clients, collègues, amis, époux, voisin, enfants… l’étude montre clairement que le poids de la société freine énormément la motivation des femmes. Le cercle familial exerce une pression particulièrement dissuasive pour les jeunes. Quand bien même les parents sont eux-mêmes artisans, ils dissuadent leur fille d’entrer dans le métier :</p>
<blockquote>
<p>« Dès le début, mon père m’a dit que peintre n’était pas un métier pour les femmes. »</p>
</blockquote>
<p>La contrainte généralement exprimée par les femmes-chefs d’entreprise se retrouve dans ce secteur : les responsabilités familiales. Elles sont d’ailleurs soulignées par les partenaires des femmes engagées dans le secteur du bâtiment bien plus que par elles-mêmes : « on ne sait pas à quelle heure il faut finir… c’est un peu compliqué ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1103782062484541441"}"></div></p>
<p>Un autre frein à la mixité dans l’artisanat du bâtiment relève d’un empêchement social, véhiculé à travers des stéréotypes associés à un clivage entre métiers.</p>
<blockquote>
<p>« Il faut qu’il y ait de la mixité dans tous les métiers, pas seulement dans les métiers du bâtiment. » (parole de femme)</p>
<p>« On ne renseigne pas correctement notre jeunesse. À mon avis, c’est volontaire. » (parole d’homme regrettant la sous-représentation féminine parmi les jeunes apprentis)</p>
</blockquote>
<p>Les témoignages exprimant des freins venant de la société sont nombreux. L’étude montre bien que la rugosité reprochée à ce secteur n’est en réalité que le reflet d’une société identifiant l’artisan du bâtiment par une virilité exacerbée. Prenons l’exemple de cette femme menuisier à qui une cliente répond :</p>
<blockquote>
<p>« Mais, c’est vous le menuisier ? Alors je ne veux pas de devis, un menuisier est un homme, je ne veux pas de vos services ! »</p>
</blockquote>
<h2>De « femme d’artisan » à « artisanes »</h2>
<p>Les stéréotypes aident à structurer notre représentation de l’autre. D’une certaine manière, ils organisent notre regard sur la société en catégorisant la population. En revanche, ils risquent de limiter le rôle des femmes à des tâches essentiellement administratives, puisque l’inconscient collectif du XX<sup>e</sup> siècle nous a appris qu’il y a des « femmes d’artisans » et non des « artisanes ». La « femme d’artisan » seconde son mari, l’« artisane » assume une fonction de chef d’entreprise.</p>
<p>Les stéréotypes deviennent réellement dangereux lorsqu’ils se transforment en préjugés, c’est-à-dire lorsqu’ils atteignent un niveau discriminatoire assimilant le rôle de second à une incompétence dans la direction. Ce que montre notre étude, c’est la prégnance d’une responsabilité partagée entre femmes et d’hommes dans ces préjugés. Les uns se complaisent dans leur leadership, tandis que les autres, formatées par une éducation patriarcale, se glissent confortablement dans l’ombre des premiers. Résultat plus étonnant, nous n’avons pas constaté de fracture générationnelle dans ces comportements.</p>
<p><strong>« Elles sont différentes » : vision traditionnelle</strong></p>
<p>Les stéréotypes peuvent être négatifs, découlant des contraintes matérielles, dues à la dureté de certaines activités du bâtiment.</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont des métiers physiques… c’est vrai que pour une femme c’est peut-être un peu compliqué. »</p>
</blockquote>
<p>Mais la vision stéréotypée présente aussi des aspects non discrimants, exprimés tant par le ressenti des hommes que par celui des femmes. En matière de gestion et d’organisation, les femmes apparaissent meilleures :</p>
<blockquote>
<p>« La différence sur les chantiers, c’est l’organisation. Déjà, elles arrivent à l’heure à la réunion… Elles sont bien plus rigoureuses que les mecs. » (parole d’homme)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les préjugés sont entretenus à la fois par les hommes et les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mark Agnor/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les femmes sont également valorisées dans la relation clientèle :</p>
<blockquote>
<p>« Dans la mentalité des gens, le fait de faire faire des travaux par une femme, ça les rassure sur la propreté du chantier ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la qualité des relations avec les salariés, mais aussi les partenaires, est vue comme supérieure pour les femmes. En conséquence, leur rôle de directeur des opérations semble s’immiscer dans le quotidien des entreprises artisanales, sans qu’il soit formellement assumé, ni contractuellement généralisé.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce fait une femme sur le chantier ? » : discrimination hostile</strong></p>
<p>Le regard peut être franchement désapprobateur :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois on a l’impression, on ressent, qu’on prend une place… »</p>
</blockquote>
<p>Mais plus souvent se pose le problème de reconnaissance professionnelle, difficile.</p>
<blockquote>
<p>« C’est pas une femme qui va m’apprendre mon boulot. »</p>
</blockquote>
<p>En tout état de cause, l’erreur, voire la simple maladresse, n’est pas tolérée de la part d’une femme sur les chantiers (alors qu’elle serait acceptée de la part d’un artisan homme… ).</p>
<p><strong>« Je ne suis pas sûre que j’aurais été testée si j’avais été un homme » : sur-exigence professionnelle</strong></p>
<p>La femme arrivant sur un chantier ressent l’impression d’un examen de passage imposé par ses collègues masculins. Sa compétence est a priori mise en question :</p>
<blockquote>
<p>« Ils émettent des doutes… Ils ne font pas confiance. »</p>
</blockquote>
<p>Une maîtrise du métier supérieure à celle des artisans hommes est exigée de la part d’une femme ; il faut faire ses preuves. Mais lorsque la compétence est reconnue et que la maîtrise technique est là :</p>
<blockquote>
<p>« Les hommes sont encore plus impressionnés. »</p>
</blockquote>
<h2>Les femmes sont-elles l’avenir du bâtiment ?</h2>
<p>Le qualificatif d’« entrepreneuriales » adjoint aux motivations des femmes à s’insérer dans le monde de l’artisanat du bâtiment est justifié à un double titre : professionnalisation et capabilité.</p>
<p><strong>L’affichage d’une professionnalisation technique</strong></p>
<p>L’orientation des femmes dans les métiers du bâtiment correspond à un choix de carrière (et non un choix par défaut) :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai pas choisi ce métier là parce que c’était pour homme ; j’ai choisi ce métier là parce qu’il me plaisait. » (parole de femme)</p>
</blockquote>
<p>En conséquence, les femmes font preuve d’une grande rigueur dans l’exercice de leur profession :</p>
<blockquote>
<p>« Quand elles disent qu’elles font quelque chose, elles le font. » (parole d’homme)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La reconnaissance professionnelle est plus difficile à obtenir pour les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gorodenkoff/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette représentation (stéréoptype ?) que se font les hommes du professionnalisme féminin semble motiver leur volonté d’accueillir plus de femmes dans la technicité de leur métier. Les hommes interrogés ont reconnu être plus vigilants sur la qualité de leur travail lorsqu’il y a des femmes dans leurs équipes. La mixité pourrait ainsi contribuer à augmenter la performance des entreprises par une amélioration générale de la rigueur professionnelle.</p>
<blockquote>
<p>« Moi, j’aime la mixité femme-homme : j’aime parce que du coup, on est meilleurs tous ensemble. » (parole d’artisan)</p>
</blockquote>
<p><strong>L’affirmation d’une capabilité, socle de la détermination entrepreneuriale</strong></p>
<p>Tenues à faire preuve de leurs compétences, les femmes sont sûres de leurs capacités.</p>
<blockquote>
<p>« Une femme peut rester elle-même, aller jusqu’au bout… il n’y a pas de raison. »</p>
</blockquote>
<p>Ces motivations portent une démarche entrepreneuriale, débouchant sur la décision de créer son entreprise. D’où la forte proportion de jeunes entreprises unipersonnelles créées par des femmes dans l’échantillon objet de notre analyse.</p>
<p>Les indicateurs de performance individuelle, organisationnelle, sociale et économique que nous avons mesurés montent en puissance lorsqu’il y a mixité dans l’artisanat du bâtiment. Non seulement le climat s’apaise, mais le professionnalisme s’améliore aussi bien dans les entreprises, que sur les chantiers où interviennent plusieurs corps de métiers. L’intérêt à déconstruire les stéréotypes encore nombreux n’en est que renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Polge, directrice de la Chaire CoCréatec (Fondation de l’université de Montpellier). Elle a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la région Occitanie et de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Agnès Paradas, chercheure au sein de la Chaire Cocréatec, a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la Région Occitanie et de la délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Caroline Debray, chercheure au sein de la Chaire Cocréatec, a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la Région Occitanie et de la délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Colette Fourcade est Secrétaire Générale de l'AIREPME, Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et PME</span></em></p>Des stéréotypes freinent encore l’essor de la mixité dans le secteur très masculin du bâtiment. Il s’agit pourtant d’un levier pour améliorer la performance des entreprises.Marion Polge, Maitre de conférences HDR en sciences de gestion, Université de MontpellierAgnès Paradas, Maître de Conférences HDR en sciences de gestion, Université d'Avignon Caroline Debray, Maître de Conférences Sciences de Gestion - Management des PME, Université de MontpellierColette Fourcade, Maître de conférences honoraire, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164782019-05-07T04:27:28Z2019-05-07T04:27:28ZPourquoi le prix du m² à Paris monte au ciel (et pourrait bientôt en redescendre)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272282/original/file-20190502-103049-m2y0qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C977%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les prix de l'immobilier résidentiel parisien ont quadruplé en 20 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">Sergii Rudiuk / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Près de 10 000 euros pour un petit carré d’un mètre de côté. C’est le prix de l’immobilier résidentiel dans la capitale. Le quadruple d’il y a 20 ans. C’est cher. Pas encore comme à Londres, mais presque. Très cher pour les familles qui voudraient s’installer ou s’agrandir. Trop cher pour les jeunes actifs qui travaillent dans Paris. Mais pourquoi donc ? Le manque de nouvelles constructions ? Les acquisitions de richissimes citoyens d’Amérique et du Golfe arabique ? Et, tout compte fait, est-ce un prix bien raisonnable et durable ?</p>
<h2>Le choix difficile d’un logement</h2>
<p>Si vous souhaitez acquérir un appartement à Paris, il vous faut lister vos préférences (quartier, surface, étage, ascenseur, proximité du métro, niveau des établissements scolaires, etc.) et surtout être prêt à en rabattre. Eh oui, votre budget n’est pas extensible. Il est contraint par votre apport personnel et la mensualité de remboursement du prêt supportable par vous et acceptable par votre banquier. Il faudra donc arbitrer, en particulier entre surface et lieu. L’écart de prix moyen du m<sup>2</sup> dans l’ancien est près de un à deux <a href="https://basebien.com/PNSPublic/_medias/pdf/chiffre/pns_conjoncture.pdf">entre le VIᵉ et le XIXᵉ arrondissement</a>. De nouveau un écart de un à deux entre Paris <em>intra muros</em> et les communes de la petite couronne.</p>
<p>Que les habitants de métropoles d’autres régions n’arrêtent pas ici leur lecture. Ce qui est dit par la suite de Paris vaut dans les grandes lignes pour Lyon, Nantes ou Strasbourg. Par exemple, la diminution du prix de l’immobilier résidentiel avec la distance au centre-ville est un cas général en France, comme ailleurs aussi en Europe. Les centres-villes sont plus denses et le foncier plus rare. De plus, ils concentrent le patrimoine historique, les musées, les salles de concert, et autres aménités recherchées par les ménages à haut revenu. </p>
<p>Le choix d’un logement ne se réduit pas à ses caractéristiques intrinsèques, il porte aussi sur le voisinage. Bref, plein de paramètres. En plus, les appartements et maisons ne sont pas valorisés de la même façon par chacun. Les coups de cœur vantés par les agents immobiliers ne sont pas les mêmes pour tous. L’immobilier est donc un bien économique très hétérogène, ce qui implique que le prix de transaction <a href="https://www.mitpressjournals.org/doi/10.1162/003465303762687794">dépend des différences</a> entre les valeurs personnelles qu’accordent l’acheteur et le vendeur pour le bien considéré ainsi que de leur pouvoir respectif de négociation.</p>
<h2>Les étrangers achètent plus cher et revendent moins cher</h2>
<p>Prenons le cas de l’immobilier de luxe, un marché tiré par les étrangers non résidents. Leur achat à Paris est un peu moins guidé par des motivations d’investissement ou de future immigration qu’à New York ou Londres, où le marché est plus liquide. Et un peu plus guidé par l’afféterie, le souci de renommée, ou l’attrait sentimental pour la ville étrangère préférée de Woody Allen. Conjuguée à une grande aisance financière, ces valeurs personnelles les conduisent à surpayer leurs vastes appartements. Et ce d’autant qu’ils sont aussi moins bien informés sur les prix que les résidents, ce qui réduit leur pouvoir de négociation. Dans un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3248902">travail de recherche récent</a>, deux économistes ont montré que le surpris de ces acheteurs bien particuliers atteignait à Paris 2 à 3 % et qu’ils revendaient aussi moins cher. Toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire pour des appartements de même qualité (surface, localisation, confort, etc.).</p>
<p>Les acheteurs étrangers contribuent à un phénomène apparu avec la globalisation : une <a href="https://www.elibrary.imf.org/abstract/IMF082/24893-9781484338292/24893-9781484338292/binaries/9781484338292_Chapter_3-House_Price_Synchronization-What_Role_for_Financial_Factors.pdf?redirect=true">synchronisation croissante</a> du prix de l’immobilier entre les <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2018/09/28/House-Price-Synchronization-and-Financial-Openness-A-Dynamic-Factor-Model-Approach-46220">métropoles internationales</a>. Actif financier, le bien immobilier fait l’objet d’arbitrages et de stratégies de portefeuille qui tendent à propager les variations de prix d’un point à l’autre de la planète, fussent-ils très éloignés.</p>
<h2>Baisse des taux, hausse de la durée des prêts</h2>
<p>Mais plus que par ce mécanisme de diffusion, la synchronisation globale croissante est avant tout le résultat de mouvements simultanés, c’est-à-dire l’effet de facteurs identiques ; les mêmes causes produisant les mêmes effets. Or, qu’est-ce qui affecte la demande pour un appartement à Paris, Munich, Vancouver ou Boston, ou encore à Nancy ou Bordeaux, qu’il soit de luxe ou non ? La facilité du crédit. Les taux d’intérêt ont connu une longue période de baisse et restent exceptionnellement bas en Europe. Pour la France, l’inflation repartant depuis quelques années rend l’endettement encore plus attractif. Par ailleurs, les banques acceptent de prêter aux particuliers sur de très longues périodes et ne font pas toujours preuve d’excès de prudence dans leurs autorisations de crédit, malgré la crise financière de 2009. La facilité de crédit augmentant la demande est un puissant moteur du renchérissement des prix immobiliers.</p>
<p>La capacité de financement des ménages s’est également accrue grâce à l’élévation des revenus, en particulier des hauts salaires. En 2018, combinée à la baisse des taux d’intérêt (nets de l’inflation) et à la hausse de la durée des prêts, elle permettait à un ménage d’acquérir un appartement à Paris de la même surface qu’en 1996 pour une mensualité quasi identique. Mais évidemment, ni le même nombre ni la même somme totale des mensualités ! La graphique ci-dessous indique qu’il en a été rarement ainsi. Pour les acquisitions des années passées, c’était plutôt moins de m<sup>2</sup> pour la même mensualité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Prix du m² à Paris et capacités de financement (1996 base 100).</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Gérard Lacoste (2018).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Observez donc que l’avantage des trois facteurs cités pour les ménages désirant accéder à la propriété a été entièrement mangé par l’élévation du prix du m<sup>2</sup>. Dit autrement, ce sont les propriétaires-vendeurs qui ont bénéficié des évolutions macroéconomiques tirant la capacité financière des ménages. Bref, baisse des taux nets de l’inflation, hausse de la durée de prêt et des revenus ont largement contribué à l’envolée du prix du m<sup>2</sup> parisien et ce sont les vendeurs qui en ont profité.</p>
<h2>Les seniors d’abord</h2>
<p>Parmi les autres facteurs fondamentaux du prix du m<sup>2</sup>, il convient également de mentionner les déterminants démographiques. Lorsque la population s’accroît la demande, donc le prix croît, et inversement. Ce facteur a peu joué pour Paris <em>intra muros</em> car sa population est à peu près stable depuis 40 ans (entre 2,1 et 2,2 millions de Parisiens). En revanche, elle vieillit. Le <em>baby boom</em> de l’après-guerre s’est aujourd’hui transformé en <em>papy boom</em>. Quel lien avec le prix de l’immobilier me direz-vous ? Eh bien tout simplement que les acheteurs sont des jeunes actifs tandis que les vendeurs sont des seniors, comme on dit aujourd’hui. Plus la population vieillit, plus il y a de vendeurs et moins il y a d’acheteurs ; l’âge croissant de la population a ainsi un effet dépressif sur le prix des logements.</p>
<p>Inversement, une plus grande proportion de jeunes dans la population a pour effet d’augmenter les prix. Deux économistes de l’Université Paris-Dauphine ont bien montré le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01138074/document">poids de cette variable</a> sur l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> en France entre 1996 et 2006, année charnière car celle de l’entrée dans la soixantaine des premiers <em>baby boomers</em>. Notez au passage que l’augmentation du prix de l’immobilier entraîne un transfert de richesse massif entre générations. L’envolée des prix parisiens profite aux vieux (appelons un chat un chat) et pénalisent les jeunes. Vous êtes peut-être pris d’un doute en songeant qu’une partie des ventes se réalisent au décès et donc que les héritiers en profitent. Vous avez raison mais les héritiers ne sont pas tout jeunes non plus, l’âge de l’héritage recule. Seulement un quart des héritiers ont moins de 50 ans.</p>
<h2>Et l’insuffisance de l’offre de neuf ?</h2>
<p>Vous êtes peut-être aussi surpris que la construction de logements ne soit pas mentionnée dans ce panorama des fondamentaux de l’envolée des prix du m<sup>2</sup> parisien. L’antienne est connue : pour Paris, comme ailleurs, les prix augmentent parce qu’on ne construit pas suffisamment. En réalité, la croissance du parc n’exerce qu’un effet modeste sur le prix. Pour la France urbaine entière, tablez sur une <a href="http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/ed120.pdf">diminution du prix de l’ordre de 2 %</a> pour une augmentation de 1 % du parc. </p>
<p>Pour Paris <em>intra muros</em>, on ne dispose pas d’estimation de cette élasticité. En la supposant identique et en calculant à la louche, une baisse de 2 % du prix sur un an impliquerait la livraison de 13 000 logements neufs (1 % du parc), soit une croissance d’un tiers du nombre annuel de transactions (de l’ordre de 40 000, soit encore un <a href="http://immotrend.fr/Nombre-Ventes-Immobilieres?id=Paris">triplement du rythme actuel</a> de construction (environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3544903?sommaire=3548956">4 400 logements neufs</a> par an). Un bond spectaculaire alors que la capitale se caractérise par une <a href="https://www.apur.org/fr/file/47076/download?token=QTXRhia8">densité de population très élevée</a>. Surtout rappelons qu’en 2018 le prix du m<sup>2</sup> parisien a augmenté de 5 %. Ce n’est pas parce qu’on ne bâtit pas assez de logements neufs que le prix du m<sup>2</sup> s’envole à Paris.</p>
<h2>La faute aux riches étrangers ?</h2>
<p>Est-ce alors la faute des richissimes citoyens d’Amérique ou du Golfe persique ? Sachez d’abord que les principaux acheteurs étrangers qui achètent à Paris sont… <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/7b66/a26f35d3d96f38ea4824400340ef3a6b862a.pdf">italiens</a>. Les acheteurs américains et moyen-orientaux représentent <a href="http://piketty.pse.ens.fr/fichiers/enseig/memothes/M%C3%A9moire2011Sotura.pdf">moins d’un quart des achats</a> réalisés par les étrangers. Le gros bataillon des acheteurs parisiens étrangers est formé par des Européens qui résident en France. Formulons donc la question différemment : les acheteurs étrangers non résidents contribuent-ils à l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> à Paris ? Question légitime puisqu’ils achètent plus cher et que leur nombre et leur proportion parmi les acheteurs parisiens n’ont pas en effet cessé d’augmenter.</p>
<p>La réponse est oui, mais très modestement selon deux travaux académiques (un <a href="http://piketty.pse.ens.fr/fichiers/enseig/memothes/M%C3%A9moire2011Sotura.pdf">mémoire de master</a> de l’École d’économie de Paris et un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3248902">article</a> paru dans la Collection des papiers de recherches d’HEC). Les deux analyses économétriques trouvent que le prix du m<sup>2</sup> n’est que faiblement affecté par les acquisitions des étrangers non résidents. Attention cependant : cette influence n’est estimée dans ces analyses qu’aux alentours du lieu de la transaction. Elle ne tient pas compte de l’effet de propagation d’une hausse de prix au-delà du voisinage considéré, c’est-à-dire du bloc d’immeubles ou du quartier, vers le reste de l’arrondissement, puis vers les autres arrondissements, puis encore vers les communes au-delà du boulevard périphérique, un peu comme les vaguelettes d’un caillou tombant dans une eau dormante. Or, cette propagation peut être puissante (voir appendice).</p>
<h2>Est-ce bien raisonnable ?</h2>
<p>Quelle que soit l’ampleur de cet effet, l’envolée des prix parisiens est-elle bien raisonnable ? L’idée reçue économique est que l’augmentation du prix de l’immobilier serait favorable à la croissance car elle augmenterait la consommation. C’est le fameux effet richesse : les propriétaires se voyant plus argentés dépensent plus, ce qui entraîne plus d’investissements et d’emplois. Il reste <a href="https://www.nber.org/papers/w15075.pdf">très controversé</a>, en particulier parce que l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> présente aussi un effet opposé : la part des dépenses consacrées à l’achat immobilier réduit la part des dépenses pour les autres biens. Il faut donc que le premier effet soit suffisamment puissant pour l’emporter sur le second. Par ailleurs, le sens de la causalité n’est pas clairement établi. Pour certains économistes interrogés sur l’effet des prix à Londres, comme <a href="https://voxeu.org/article/house-prices-and-uk-economy">Jan Eeckhout</a> de l’université barcelonaise de Pompeu Fabra, c’est plus la croissance du PIB qui entraîne le prix de l’immobilier que l’inverse.</p>
<p>Pour ce qui est de l’envolée des prix à Paris, je n’ai pas connaissance de travaux sur la question. Mon sentiment est qu’elle est plutôt néfaste. Côté plus, l’effet richesse devrait être faible car les propriétaires étant pour beaucoup retraités, y sont peu sensibles. Côté moins, l’envolée du prix distord l’investissement. La valeur du stock immobilier parisien privé s’élève à <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2018-4-page-233.htm">600 milliards d’euros</a>, soit le <a href="https://www.boursedeparis.fr/centre-d-apprentissage/les-bases-de-l-investissement-en-bourse/les-bourses-euronext">quart de la capitalisation</a> boursière des entreprises sur Euronext. Côté moins encore, des prix élevés sont pénalisants pour les ménages actifs et les éloignent, à cause des temps de transport, d’emplois correspondant mieux à leurs qualifications. Ce sont là des gains de productivité perdus et donc une croissance moindre.</p>
<p>Y voir plus clair sur les effets économiques d’ensemble de l’envolée des prix parisiens est d’autant plus important que l’on serait ainsi mieux en mesure d’anticiper ceux d’un retournement du marché. Vous en connaissez maintenant les ressorts : augmentation du taux d’intérêt (net d’inflation), durcissement des possibilités de crédit (avec la fin du rallongement de la durée des prêts) et moindre croissance des revenus. Difficile de prédire quand ces tendances pointeront en France. La seule évolution certaine est l’augmentation du nombre de personnes âgées et de décès à cause de l’arrivée des <em>papy boomers</em>. Elle conduit mécaniquement à une augmentation du nombre de ventes à Paris et donc une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01138074/document">baisse du prix</a> du m<sup>2</sup>, toutes choses égales par ailleurs. </p>
<p>Observons aussi la <a href="https://www.ubs.com/global/en/wealth-management/chief-investment-office/our-research/life-goals/2018/global-real-estate-bubble-index-2018.html">baisse des prix déjà entamée</a> dans plusieurs villes internationales dont Londres, New York et Genève. Selon l’indice global de bulle immobilière (<em>Global Real Estate Bubble Index</em>) d’une grande banque suisse, Paris se rapproche dangereusement de la zone de risque élevé. Le retournement du marché parisien n’attendra pas jusqu’à la Saint-Glinglin.</p>
<hr>
<h2>Appendice : La ville concentrique</h2>
<p>« L’unité urbaine est plus ou moins parfaite » soulignait le géographe Vidal de La Blache en décelant dans Paris la trace d’anneaux concentriques dans lesquels il voyait le reflet de <a href="https://books.openedition.org/enseditions/328?lang=fr">« sa formation harmonieuse »</a>. Les économistes l’ont rejoint un demi-siècle plus tard lorsqu’ils ont modélisé la ville. Ils ont en effet opté pour un centre réunissant production et consommation et des habitations concentriques dont le prix est d’autant plus bas qu’elles lui sont plus éloignées. Cet avantage est contrebalancé par un coût de transport plus élevé pour se rendre et repartir du centre. Cette ville est parfaite, car par la magie de quelques hypothèses et de quelques équations le prix d’équilibre du logement en fonction de la distance se fixe tout seul, aucun ménage ne souhaite s’établir ailleurs qu’à son domicile actuel et tous obtiennent le même niveau de satisfaction.</p>
<p>Ce modèle simplissime a été bien sûr été complexifié par la suite, notamment en introduisant des ménages dont les revenus diffèrent, des préférences individuelles hétérogènes pour les aménités (proximité de musées et cinémas contre celle des champs et des bois) et ainsi que pour le voisinage (inclination pour l’entre-soi ou attrait pour la mixité sociale). En introduisant aussi la localisation et la consommation d’espace des entreprises manufacturières et commerciales qui ne sont plus alors concentrées en un point virtuel. Tout cela pour mieux interpréter l’occupation de l’espace et ses gradients comme dans les figures ci-dessous empruntées d’un article de synthèse sur le modèle de la ville monocentrique et ses prolongements.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 : Occupation spatiale à Paris et dans un rayon de 30 km autour de Notre-Dame.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Occupation spatiale à Paris et autour rapportée en deux dimensions le long d’un axe Nord-Sud de part et d’autre de Notre-Dame.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La figure géométrique du cercle se retrouve également dans les travaux qui analysent la diffusion de chocs économiques dans l’espace urbain. Plouf ! Une pierre tombe au milieu du lac, comment les vaguelettes se propagent-elles concentriquement à partir du point d’impact ? Par exemple, comment va se diffuser une hausse de prix observée à tel endroit, mettons dans le quartier de La Bastille à cause de la nouvelle maison d’opéra, ou dans le quartier Saint-Germain à cause d’une <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/22644">recrudescence d’achats</a> de riches étrangers non résidents ?</p>
<p>Un <a href="http://www.revues.armand-colin.com/eco-sc-politique/revue-deconomie-regionale-urbaine/revue-deconomie-regionale-urbaine-ndeg-42017/linfluence-arrondissements-formation-prix-immobiliers">article d’économétrie</a> récent paru dans la <em>Revue d’économie régionale et urbaine</em> montre ainsi que certains arrondissements diffusent plus les prix que d’autres.</p>
<p>Les auteurs mettent en évidence que V<sup>e</sup> arrondissement est celui dont le prix exerce le rôle directeur le plus grand tandis que le XIX<sup>e</sup> arrondissement exerce le rôle directeur le plus faible. Autrement dit, une augmentation (ou une baisse) de prix dans l’arrondissement du Quartier latin et de la Sorbonne influence autrement plus l’évolution du prix du m<sup>2</sup> parisien que celle dans l’arrondissement de Belleville et de La Villette. De même, mais ailleurs et à une autre échelle, le prix immobilier à Londres se propage dans sa <a href="http://ftp.iza.org/dp4694.pdf">périphérie et bien au-delà</a>.</p>
<hr>
<p><em>François Lévêque a publié <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les habits neufs de la concurrence. Ces entreprises qui innovent et raflent tout »</a> aux éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherche de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.
</span></em></p>Plusieurs éléments montrent que la capitale suit les tendances observées à Londres, New York et Genève, où les prix repartent à la baisse.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1157552019-04-25T19:06:55Z2019-04-25T19:06:55ZNotre-Dame, La Fenice, château des Hohenzollern : pourquoi reconstruire n’est pas construire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270406/original/file-20190423-175542-5d77lt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4000%2C3000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le chantier de reconstruction du château royal de Berlin, en avril 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Berlin#/media/File:Berlin,_Germany_(April_2016)_-_044.JPG">Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2018, l’incendie du musée national du Brésil avait affecté les Brésiliens et ému le monde, mais le monument et ce qu’il renfermait n’avaient pas le statut d’icône mondiale de la cathédrale parisienne ; un statut acquis au fil du développement d’une conscientisation du patrimoine mondial.</p>
<p>La cathédrale en feu a fait l’effet d’une meurtrissure à la carte postale mentale qui avait imprégné l’imaginaire de plusieurs milliards de personnes au cours des dernières décennies.</p>
<p>Il en surgit une souffrance que l’horizon d’une reconstruction rapide veut soigner : le « nous la rebâtirons » du président Macron a entraîné un certain nombre de décisions : des autorités publiques françaises, de la Fondation du patrimoine, de gens fortunés, de donateurs divers mais nombreux. La reconstruction de Notre-Dame de Paris était bel et bien engagée, un jour seulement après le drame.</p>
<p>La valeur symbolique d’un monument médiatisé est un facteur essentiel d’action dans un projet de reconstruction. Cela touche à une valeur partagée par une communauté et plus celle-ci est large, plus cette valeur est élevée. Elle recouvre plusieurs composantes : mémoire collective, représentation collective, référents identitaires, canon esthétique partagé, intensité communicationnelle.</p>
<h2>Le temps des reconstructions</h2>
<p>Dans l’histoire récente de quelques grandes reconstructions européennes, aucune n’a bénéficié de cadres symboliques, événementiels et temporels aussi puissants, que ce soit l’opéra La Fenice à Venise, le château royal de Berlin ou Notre-Dame de Dresde (Frauenkirche).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270516/original/file-20190423-175548-r14tht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Fenice en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Teatro_La_Fenice,_Venice.jpg">YouFlavio/Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les deux derniers d’ailleurs ne sont pas liés à des accidents mais, hélas, sont des legs de la dernière guerre. Cela leur a conféré un certain attrait médiatique, plus limité que pour Notre-Dame de Paris, les racines événementielles de leur destruction étant maintenant lointaines.</p>
<p>Des deux monuments allemands, c’est la reconstruction du temple de Dresde (1994-2005) qui prit le caractère symbolique le plus universel, renvoyant aux tragédies des villes rasées par les bombardements. Au point que la reine d’Angleterre contribua par un don exceptionnel à la résurrection de l’édifice. S’ajoute à cette valeur symbolique une valeur esthétique car la <a href="https://www.frauenkirche-dresden.de/en/dates-facts-figures/">Frauenkirche</a> était réputée comme l’un des plus beaux lieux de culte du monde luthérien.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270517/original/file-20190423-175548-1kt5gsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les ruines de la Frauenkirche de Dresde en 1958.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Frauenkirche_(Dresden)#/media/File:Bundesarchiv_Bild_183-60015-0002,_Dresden,_Denkmal_Martin_Luther,_Frauenkirche,_Ruine.jpg">Giso Löwe, Bundesarchiv/Wikipédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Singularité, valeur symbolique, cadre temporel et médiatisation du projet sont cependant insuffisants pour rendre compte des enjeux de reconstruction d’un patrimoine culturel matériel. Une autre dimension, celle de l’objet même de la reconstruction, entremêlée aux précédentes, entre elle aussi en ligne de compte.</p>
<h2>Que reconstruire, et comment ?</h2>
<p>Ce qui est à reconstruire et comment on le reconstruira devient vite une question cruciale… Pour Notre-Dame, la marge de choix semble serrée. Beaucoup plus qu’elle ne l’a été à Berlin.</p>
<p>Tout le bâtiment de Notre-Dame ayant été <a href="http://www.gamsau.map.cnrs.fr/3D-monuments/presentation-intro.php">scanné</a>, il est possible de faire une réplique exacte de ce qui a été détruit. Ce n’était pas le cas pour le château des rois de Prusse, notamment pour des éléments de décoration intérieure dont les reconstructeurs n’avaient pas de références précises.</p>
<p>En vérité, la question de la copie à l’identique se scinde en deux selon qu’il s’agit de l’aspect extérieur du bâti (son image première) ou de son intérieur (ses fonctions).</p>
<p>Ainsi, le château des Hohenzollern reconstruit présentera trois façades identiques à l’ancien et une façade d’architecture contemporaine. Mais le lieu ne servira plus aux fonctions d’État qui furent les siennes jusqu’à la chute de l’empire allemand en 1918. Il reprendra sa fonction de musée – déjà en place sous la République de Weimar. Cette fonction sera cependant rehaussée grâce à son rattachement à la prestigieuse université Humboldt qui lui a donné son nom de Humboldt Forum et y déposera ses collections scientifiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HaGSC84Jj4s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Rien de tel à Paris, où la cathédrale gardera sa fonction religieuse et son caractère spirituel, entraînant la restitution d’intérieurs adéquats à un usage cultuel.</p>
<p>Sur la question des fonctionnalités du lieu à restaurer, il est intéressant de comparer la reconstruction d’un sanctuaire à celle d’un opéra. La décision de reconstruire La Fenice à l’identique concernait le faste du lieu de divertissement artistique distingué accessible au public. Mais en amont du spectacle, on fit bénéficier la production des normes spatiales et techniques les plus modernes.</p>
<p>Là encore, rien de tel est possible à Notre-Dame où l’intérieur du sanctuaire est consubstantiel au culte et vu du public, que celui-ci soit croyant ou visiteur intéressé par le monument.</p>
<p>Quant aux techniques et aux matériaux utilisés, choisira-t-on ceux de la première édification (bois pour les charpentes, réutilisation des pierres d’origine…) ou ceux d’aujourd’hui ? Les réponses seront certainement fonction du temps et du budget alloué à la reconstruction.</p>
<p>À Berlin, on n’a pas hésité à couler du béton pour les cloisons intérieures non visibles tandis qu’à Dresde, on a pu reconstruire en partie avec les pierres de l’ancienne église. Elles avaient été minutieusement référencées durant la période d’indécision et stockées sur le terrain clos où la ruine était conservée. À Paris, « l’identique » ira sans doute aussi jusqu’à utiliser le plus possible d’anciennes pierres pour la voûte.</p>
<p>On pourrait poser l’hypothèse suivante en matière de reconstruction : plus le patrimoine monumental a imprégné les esprits comme un <a href="http://www.bnfa.fr/livre?biblionumber=15727">construit social</a> « universel », plus ce symbole pèse dans la reproduction à l’identique de l’image de l’original détruit.</p>
<p>Mais on n’oubliera pas que reconstruction et objet de la reconstruction s’inscrivent aussi dans un ensemble de règles. Pour un monument classé s’appliquent des réglementations assez contraignantes légitimées par le besoin d’une (certaine) authenticité. Cette notion, centrale pour les professionnels de la conservation, l’est au final aussi pour les publics – bien que ceux-ci la reçoivent et la perçoivent à travers un storytelling. Les propriétaires et les parrains du lieu doivent donc s’en préoccuper. Dans le cas de Notre-Dame de Paris, son universalité et sa fonction cultuelle ont depuis longtemps bâti un récit que les flammes du 15 avril ont révélé d’une manière très parlante.</p>
<h2>Le choix du mode de financement</h2>
<p>Les financements choisis ne sont pas neutres, ni dans le processus de reconstruction ni dans ses résultats.</p>
<p>Un financement exclusif par le budget public, d’autant plus logique pour les tenants d’une conception stricte du bien commun qu’un patrimoine est propriété d’État, rend pour tenants du mécénat participatif une reconstruction moins notoire en la confinant aux arcanes techno-bureaucratiques.</p>
<p>Le recours à une souscription – choix certes contraint par les déficits publics – revient à l’inverse à donner une <a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2017-2-page-15.htm">dimension participative à la reconstruction</a>. Mais la donne en est modifiée, surtout avec les moyens actuels permettant de sensibiliser le plus grand nombre, en France et au-delà, à une telle opération.</p>
<p>De ce fait, la durée de l’opération devient un paramètre important de la conduite de la reconstruction. Les donateurs s’empresseraient-ils autant si l’on affichait une période indéterminée (on rebâtit mais on ne sait pas pour quand) ? Ou même si la durée annoncée dépassait le seuil psychologique des 10 ans ? À Dresde, Venise (et aussi pour le château de Windsor ravagé par les flammes en 1992), les opérations ont été conduites sur des durées courtes, inférieures à 10 ans.</p>
<p>Et à Berlin, 17 ans reste un délai court pour faire ressortir de terre l’immense palais qui sera inauguré en septembre prochain.</p>
<h2><em>Bottom up</em> et <em>top down</em></h2>
<p>À Berlin, l’initiative était partie d’en bas. Deux associations se constituent en 1998, alimentant débats et controverses. La décision formelle de la reconstruction, en 2002 revint au Bundestag, régime parlementaire oblige. Il vota la loi marquant le début officiel des travaux. À Paris, c’est le président, clé de voûte des institutions, qui proclame depuis le lieu du sinistre encore en cours, la reconstruction du monument.</p>
<p>Pour le prestigieux temple de l’art lyrique vénitien (comme auparavant pour le Liceo de Barcelone en 1994), la décision officielle a relevé des municipalités et ministères de la culture concernés. Mais l’ouverture de souscriptions y était le corollaire du caractère patrimonial des opérations à conduire. Ces projets n’auraient pas motivé de geste donateur de même ampleur s’ils s’étaient juste agi de rebâtir une salle moderne.</p>
<p>La souscription crée un pont entre le processus technique, politique et administratif, d’une part, et la communauté dont l’investissement symbolique se traduit par une opération sonnante et trébuchante.</p>
<p>On doit donc s’attendre à Paris à ce que les dons ne soient pas de simples chèques en blanc. Tous les actes décisifs sur le monument en devenir devront être motivés et expliqués : à l’heure où l’on s’interroge sur les vertus de la démocratie participative, voilà un exercice d’application grandeur nature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115755/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>.</span></em></p>Reconstruire Notre-Dame de Paris, patrimoine culturel universel, est un projet qui s’inscrit dans un contexte symbolique, médiatique et temporel contraignant.Mario d'Angelo, Professeur émérite à BSB, coordinateur de projet à Idée Europe, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.