tag:theconversation.com,2011:/global/topics/cacao-25183/articlescacao – The Conversation2024-03-28T16:38:35Ztag:theconversation.com,2011:article/2265782024-03-28T16:38:35Z2024-03-28T16:38:35ZSaveur, texture, préparation… la science du chocolat décortiquée<p>Qu’il soit dégusté sous forme d’onctueuses truffes, dans un gâteau fondant ou même bu sous forme de chocolat chaud, les Français consomment en moyenne <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/paques-5-chiffres-qui-prouvent-la-passion-des-francais-pour-le-chocolat-1401131">plus de 7 kilogrammes de chocolat par an</a>. Les êtres humains apprécient le chocolat <a href="https://www.nature.com/articles/s42003-018-0168-6">depuis au moins 4 000 ans</a>, à commencer par les Méso-Américains qui préparaient une boisson à partir des graines de cacao. Aux XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles, les <a href="https://agriculture.gouv.fr/de-la-feve-la-tablette-lhistoire-du-chocolat">cacaoyers comme la boisson se sont répandus dans le monde entier</a>, et le chocolat est aujourd’hui une industrie mondiale qui pèse des <a href="https://www.statista.com/forecasts/983554/global-chocolate-confectionery-market-size">centaines de milliards de dollars</a>.</p>
<p>En tant que scientifique de l’alimentation, j’ai mené des recherches sur les molécules volatiles qui donnent son goût au chocolat. J’ai également développé et enseigné un cours universitaire très populaire sur la science du chocolat. Voici les réponses aux questions les plus fréquentes que j’entends sur cet aliment unique et complexe.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des mains tiennent une cabosse de cacao fendue, montrant les graines à l’intérieur." src="https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=508&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=508&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=508&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584782/original/file-20240327-24-cu1qya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=639&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Entre les fèves de cacao à l’intérieur la cabosse et le chocolat que vous dégustez, il se passe beaucoup de choses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/@rodrigoflores_photo">Rodrigo Flores/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Comment le chocolat acquiert-il sa saveur caractéristique ?</h2>
<p>Au départ, le cacao n’est qu’une fève au goût plutôt fade, emballée dans une cabosse qui pousse sur le cacaoyer. Le développement de la saveur caractéristique du chocolat passe par deux étapes clés : la fermentation et la torréfaction.</p>
<p>Immédiatement après la récolte, les fèves sont empilées sous des feuilles et <a href="https://theconversation.com/lingredient-secret-qui-donne-si-bon-gout-au-chocolat-des-microbes-fermenteurs-158332">laissées à fermenter pendant plusieurs jours</a>. Des bactéries créent les substances chimiques, appelées précurseurs, nécessaires à l’étape suivante : la torréfaction.</p>
<p>L’arôme que vous connaissez comme étant distinctif du chocolat est formé lors de la torréfaction par ce que les chimistes appellent la <a href="https://www.alimentarium.org/fr/savoir/la-reaction-de-maillard">réaction de Maillard</a>. Cette réaction nécessite deux types de composés, le sucre et les protéines, tous deux présents dans les fèves de cacao fermentées. Lorsqu’ils sont réunis sous la haute température de la torréfaction, le sucre et les protéines réagissent, ce qui produit cet arôme merveilleux.</p>
<p>La torréfaction est un art à part entière. Des températures et des durées différentes produisent des arômes différents. Si vous goûtez quelques tablettes de chocolat sur le marché, vous vous rendrez vite compte que certaines entreprises torréfient à une température beaucoup plus élevée que d’autres. Les températures plus basses maximisent les notes florales et fruitées, tandis que celles plus élevées créent davantage de notes de caramel et de café. Le choix de la meilleure température est en définitive une question de préférence personnelle.</p>
<p>Il est intéressant de noter que la réaction de Maillard est également à l’origine de la saveur du pain fraîchement cuit, de la <a href="https://theconversation.com/faire-griller-une-saucisse-au-barbecue-est-une-affaire-de-chimiste-164407">viande grillée</a> et du café. La similitude entre le chocolat et le café peut sembler évidente, mais avec le pain et la viande ? La raison pour laquelle ces aliments sentent tous si différemment est que les substances chimiques aromatiques qui se forment dépendent des types exacts de sucre et de protéines. Le pain et le chocolat en contiennent des différents, de sorte que même si vous les grilliez exactement de la même manière, vous n’obtiendriez pas la même saveur. Cette spécificité explique en partie pourquoi il est si difficile de fabriquer un bon arôme artificiel de chocolat.</p>
<h2>Combien de temps peut-on conserver le chocolat ?</h2>
<p>Une fois les fèves torréfiées, leur délicieux arôme a été créé. Plus vous attendez pour le consommer, plus les composés volatils responsables de l’odeur s’évaporent et moins il reste d’arômes à déguster. En général, vous disposez d’environ un an pour consommer du chocolat au lait et de deux ans pour du chocolat noir. Ce n’est pas une bonne idée de le conserver au réfrigérateur, car il absorbe l’humidité et les odeurs des autres produits qui s’y trouvent, mais vous pouvez le conserver au congélateur en le fermant hermétiquement.</p>
<h2>Quelle différence pour le chocolat en poudre ?</h2>
<p>Pour fabriquer du chocolat chaud en poudre, les fèves sont trempées dans une solution basique afin d’augmenter leur pH avant d’être torréfiées. Le fait d’augmenter le pH permet de rendre le cacao en poudre plus soluble dans l’eau. Mais lorsque les fèves ont un pH plus élevé pendant la torréfaction, la réaction de Maillard est modifiée, ce qui entraîne la <a href="https://ift.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1750-3841.2009.01455.x">formation de différents arômes</a>.</p>
<p>Les experts décrivent la saveur du chocolat chaud comme une saveur douce et suave avec des notes terreuses et boisées, tandis que la saveur du chocolat ordinaire est piquante, avec une note finale presque citronnée.</p>
<h2>Qu’est-ce qui fait la texture du chocolat ?</h2>
<p>Historiquement, le chocolat était consommé comme une boisson, car les fèves moulues sont très granuleuses, loin de la texture lisse et crémeuse que l’on peut obtenir aujourd’hui.</p>
<p>Après avoir retiré les coquilles et broyé les fèves, les chocolatiers modernes ajoutent du beurre de cacao, la graisse contenue dans les fèves, mais qui n’en contiennent naturellement pas assez pour obtenir une texture lisse.</p>
<p>Ensuite, les fèves et le beurre de cacao subissent un processus appelé <a href="https://www.chocmod.com/chocolaterie/30-conchage">conchage</a>. Lorsque ce procédé a été inventé, il fallait une semaine à un attelage de chevaux marchant en cercle, faisant tourner une grosse meule, pour pulvériser les fèves en particules suffisamment petites. Aujourd’hui, des machines peuvent effectuer ce broyage et ce mélange en huit heures environ. Ce processus permet d’<a href="https://ifst.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1745-4549.2008.00272.x">obtenir une texture lisse</a> et d’éliminer certaines odeurs indésirables.</p>
<h2>Pourquoi le chocolat est-il un ingrédient capricieux ?</h2>
<p>Le chocolat que vous achetez en magasin a été tempéré. Le tempérage est un processus qui consiste à chauffer le chocolat à la bonne température pendant la production, avant de le laisser refroidir jusqu’à ce qu’il devienne solide. Cette étape est nécessaire à cause du gras contenu dans le beurre de cacao.</p>
<p>La graisse du beurre de cacao peut naturellement exister sous six formes cristallines différentes lorsqu’elle est solide. Cinq d’entre elles sont instables et veulent se transformer en la sixième forme, la plus stable. Malheureusement, cette sixième forme a un aspect blanc et une texture granuleuse. On lui donne le nom d’efflorescence. Si vous voyez une barre de chocolat avec des taches blanches, c’est qu’elle a « fleuri », ce qui signifie que la graisse s’est réarrangée pour prendre la sixième forme cristalline. Elle reste comestible, mais n’a pas le même goût.</p>
<p>Il est impossible d’empêcher l’efflorescence de se produire, mais vous pouvez la ralentir en chauffant et en refroidissant le chocolat par une série de cycles de température. Ce processus entraîne la cristallisation de toutes les matières grasses sous la deuxième forme la plus stable. Il faut beaucoup de temps pour que cette forme se réarrange en une sixième forme blanche et granuleuse.</p>
<p>Lorsque vous faites fondre du chocolat chez vous, vous brisez ce tempérage. Dès le lendemain de la préparation de vos pâtisseries, le chocolat présente déjà généralement une surface grise ou blanche peu attrayante.</p>
<h2>Le chocolat est-il un aphrodisiaque ou un antidépresseur ?</h2>
<p>Malheureusement, la <a href="https://www.caminteresse.fr/sciences/chocolat-non-il-nest-pas-aphrodisiaque-117681/">réponse courte est non</a>. Manger du chocolat peut vous rendre plus heureux, mais c’est parce qu’il est délicieux, et non parce qu’il modifie chimiquement votre cerveau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sheryl Barringer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Derrière la fermentation, la torréfaction, le broyage qui transforment le cacao en tablettes de chocolat, bonbons et pâtisseries, c’est de la science qui se cache.Sheryl Barringer, Professor of Food Science and Technology, The Ohio State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125762023-09-05T17:00:10Z2023-09-05T17:00:10ZQuand le boom du cacao au Liberia pousse à la déforestation<p>En 2018, le président libérien, l’ancien footballeur George Weah, et son homologue burkinabé d’alors, Roch Marc Christian Kabore, passaient un accord visant à faciliter le mouvement des Burkinabés au Liberia pour l’agriculture. Cette rencontre a notamment eu pour conséquence d’accélérer le boom du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cacao-25183">cacao</a>, commencé en 2016, dans ce pays de cinq millions d’habitants situé en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Or, si le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/liberia-35312">Liberia</a> suit la trajectoire historiquement observée depuis quatre siècles, ce boom, qui fait l’objet de nos <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">récentes recherches</a>, pourrait bien devenir inarrêtable et conduire à une <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">déforestation systématique</a> encore peu reconnue aujourd’hui dans l’Est du pays, à proximité de la frontière avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cote-divoire-22147">Côte d’Ivoire</a>.</p>
<p><iframe id="9KTq9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9KTq9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs indices montrent aujourd’hui que c’est bien le cas : en effet, l’économie du cacao repose sur des <a href="https://www.researchgate.net/publication/295010922_Modele_simplifie_des_cycles_du_cacao">migrations massives</a> et tous les migrants sont quasiment tous des hommes jeunes, peu ou pas scolarisés. 88 % d’entre eux viennent du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/burkina-faso-24087">Burkina Faso</a>, pour seulement 7 % de nationalité ivoirienne, et 5 % de Maliens, Guinéens et autres.</p>
<p>Le Liberia a connu deux guerres civiles, en 1989-1996 puis 1999-2003. Ces guerres ont déclenché l’émigration de Libériens et Libériennes vers la Côte d’Ivoire. Cet épisode a contribué à tisser des liens entre les réfugiés et certaines communautés, notamment les Burkinabés. Durant leur séjour en Côte d’Ivoire, ils ont pu par ailleurs se familiariser avec la langue française, facilitant le contact avec les travailleurs du monde agricole.</p>
<p>En 2002, alors que la crise libérienne se solutionnait, la rébellion ivoirienne éclatait, ce qui a conduit des Burkinabés et Ivoiriens à fuir au Liberia. Les réfugiés ont alors planté des champs de riz et de maïs pour survivre, mais ils ont aussi découvrent la richesse des sols forestiers du Liberia, très peu exploités.</p>
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<p>Les premières demandes de terre vont être adressées aux villageois libériens car les terres manquent de plus en plus en Côte d’Ivoire. Ces demandes sont facilement acceptées par les autochtones libériens qui ont vu en Côte d’Ivoire la force de travail des Burkinabés et leur réussite. Ce boom libérien bénéficie donc aussi de la grande expérience des migrants, accumulée notamment en Côte d’Ivoire. Dans l’échantillon de notre dernier travail de recherche, 66 % des migrants ont d’ailleurs déjà une petite plantation en Côte d’Ivoire (3 ha en valeur médiane) et 25 % sont fils ou frères de planteurs.</p>
<h2>Accès sans capital</h2>
<p>Au Liberia, la plupart de ces migrants obtiennent 10 hectares (ha) de forêt, principalement par un contrat de « planter-partager » : l’autochtone libérien concède 10 ha de forêt au migrant qui s’engage à planter la totalité en cacao. Lorsque la plantation entre en production, elle est partagée, 6 ha pour le preneur et 4 ha pour le cédant.</p>
<p>En d’autres termes, à part un modeste cadeau et une éventuelle commission à un intermédiaire, le migrant accède à la forêt sans capital. Certains d’entre eux vont en profiter pour acquérir de plus grandes surfaces et les recéder dans un nouveau contrat de planter-partager. Dans tous les cas, cet accès facile à la forêt constitue l’un des facteurs universels expliquant la puissance des booms cacao depuis quatre siècles.</p>
<p>La source d’information citée par les planteurs est tout aussi typique des booms cacao : les réseaux familiaux qui transfèrent rapidement les informations ont ainsi constitué un moteur du développement de la filière.</p>
<p><iframe id="6Ap0U" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6Ap0U/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un petit <a href="https://books.google.fr/books/about/Catapila_chef_du_village.html?id=Az38oAEACAAJ&redir_esc=y">roman</a>, l’écrivain ivoirien Venance Konan a magnifiquement illustré le dynamisme inarrêtable des migrants burkinabés devant une forêt, vue comme une future cacaoyère. Avec l’accent local, ils sont assimilés par les autochtones à de véritables « catapila » (« caterpillar », ou chenille en français). Pour accéder à cette ressource économique, ils s’installent vaille que vaille au Liberia, parfois en risquant leur vie. Ils traversent par exemple en pirogue le Cavally, fleuve qui marque la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, alors qu’ils ne savent pas nager.</p>
<p>Au bilan, les conflits en Afrique de l’Ouest ont généré des migrations précacaoyères, des brassages de population. Tous les ingrédients d’un puissant boom de cacao ont ainsi été réunis au Liberia. Il pourrait désormais s’accélérer par effet d’imitation à travers les réseaux de migration, sans oublier l’impact du manque de terre et du vieillissement des vergers en Côte d’Ivoire.</p>
<p>Toute action de contrôle de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deforestation-23274">déforestation</a> en Côte d’Ivoire jouera en outre un accélérateur des migrations et déforestation au Liberia. D’autant plus qu’il semble désormais difficile de convaincre un pays souverain qu’il ne peut pas opter pour un scénario qui a été largement appliqué par les autres pays producteurs de cacao…</p>
<hr>
<p><em>Abelle Galo Kla, président de l’ONG Initiative pour le développement du cacao (ID-Cocoa), a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Ruf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor du nombre de plantations dans ce pays d’Afrique de l’Ouest repose sur les avantages que les migrants, en grande partie burkinabés, tirent de l’exploitation.Francois Ruf, Agro-économiste, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963202022-12-12T18:36:14Z2022-12-12T18:36:14ZConsommer « zéro déforestation » en Europe : la menace d’effets contre-productifs en Afrique centrale<p>Les consommateurs européens sont aujourd’hui responsables de <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/c1d3ef3e-d07e-4229-91e5-41001b47dba8">10 % de la déforestation mondiale</a> via leurs importations de produits agricoles et forestiers.</p>
<p>Les principaux produits en cause sont le soja, le bœuf, le cacao, l’huile de palme, l’hévéa et le bois. Si l’Union européenne tente d’endiguer ce phénomène, cela ne sera pas sans conséquence dans les pays du Sud, comme ceux riverains du bassin du Congo.</p>
<h2>Un règlement (trop ?) ambitieux</h2>
<p>Un règlement européen est en cours d’élaboration pour empêcher la mise sur le marché de l’UE de produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts. Le futur règlement a fait l’objet de trois propositions par la Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen entre novembre 2021 et septembre 2022.</p>
<p>Le 6 décembre 2022, un accord préliminaire a été trouvé entre ces trois instances. Il stipule que les différents produits visés (soja, bœuf, cacao, huile de palme, hévéa et bois) ne pourront plus être importés au sein de l’UE s’ils proviennent de parcelles déboisées, même si les détails techniques restent encore à discuter dans les prochaines semaines. Ce règlement entrera en vigueur en 2023.</p>
<p>Le principal mécanisme envisagé par le règlement est celui de la <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/b42e6f40-4878-11ec-91ac-01aa75ed71a1/language-fr/format-PDF">« diligence raisonnée »</a>, qui sera imposée à tous les importateurs de produits agricoles et forestiers suspectés de contribuer à la déforestation ou à la dégradation des forêts.</p>
<p>Dans ce cadre, les opérateurs devront montrer qu’ils ont mis en place les procédures adéquates pour atténuer le risque de déforestation associé aux produits qu’ils veulent faire entrer sur le marché européen.</p>
<p>Pour faire simple, cela consiste à démontrer que le produit provient d’une parcelle géographiquement délimitée qui n’a pas fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020. Ces preuves de « non-déforestation » seront d’autant plus nombreuses à fournir que le produit proviendra d’un pays considéré comme à risque de déforestation, selon six critères indiqués dans le règlement. Ce sera manifestement le cas de la plupart des pays d’Afrique centrale.</p>
<p>Cette future réglementation européenne pose également de nouvelles contraintes aux producteurs du Sud : en imposant par exemple sa volonté d’un arrêt de toute forme de déforestation, en fournissant unilatéralement ses définitions des concepts clefs de « forêt », « dégradation forestière »… ou en exigeant une traçabilité des produits jusqu’à leurs parcelles de production.</p>
<p>La faible concertation avec les pays producteurs sur le contenu et le tempo de mise en œuvre de ce règlement fait craindre une application difficile sous les tropiques. En Afrique centrale, plus spécifiquement, deux phénomènes menacent le succès de la mise en œuvre du règlement européen : la concurrence avec les marchés asiatiques et les stratégies nationales de développement agricole.</p>
<h2>Des exportations qui se détournent des marchés européens : le cas du bois d’œuvre</h2>
<p>Même si le rôle de l’UE dans la déforestation globale reste non négligeable, son marché ne constitue pas – et de loin – le principal débouché des produits agricoles et forestiers qui ont généré de la déforestation. Si l’on s’en tient aux exportations, les marchés asiatiques <a href="https://www.fao.org/faostat/fr/#compare">détiennent une place prépondérante</a> (pour le bois et l’huile de palme) ou grandissante (pour le cacao et le caoutchouc) dans le commerce de ces cultures de rente en provenance d’Afrique centrale.</p>
<p>Le meilleur exemple de la substitution progressive des marchés européens par des marchés asiatiques est donné par le secteur du bois d’œuvre.</p>
<p>Depuis une quinzaine d’années, les exportations de grumes et de sciages d’Afrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC) varient annuellement <a href="https://www.observatoire-comifac.net/">entre 1,6 et 2,9 millions de mètres cubes</a>. Depuis 2011, les pays asiatiques sont devenus la principale destination des bois exploités en Afrique centrale, au détriment des marchés européens qui sont en <a href="https://www.observatoire-comifac.net/">nette perte de vitesse sur la dernière décennie</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant les exportations de bois d’Afrique centrale entre 2008 et 2018" src="https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500028/original/file-20221209-34322-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des exportations de grumes et de sciages en provenance d’Afrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC) entre 2008 et 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.observatoire-comifac.net/">Données Cornifac</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les nouvelles exigences du règlement européen, qui vont bien au-delà du seul respect de la légalité comme le tente avec difficultés le plan d’action FLEGT (Forest law enforcement, governance and trade) de l’UE depuis dix ans, risquent de renforcer cette tendance à la « fuite » des produits d’Afrique centrale vers des marchés moins exigeants et presque aussi rémunérateurs.</p>
<h2>Des stratégies nationales de développement pariant sur une croissance forte du secteur agricole : le cas du cacao</h2>
<p>Les pays d’Afrique centrale sont <a href="https://theconversation.com/ce-qui-emerge-dans-lemergence-de-lafrique-99165">tous engagés dans une course à l’« émergence »</a> à l’horizon 2035-2040. Cette vision est portée par des documents stratégiques de développement qui font la part belle au secteur primaire, à la fois pour assurer la sécurité alimentaire d’une population en croissance rapide et accroître fortement les recettes fiscales associées aux exportations.</p>
<p>Le cacao est révélateur de cette tendance : tous les États d’Afrique centrale se sont engagés dans une relance massive de la production du cacao, avec des objectifs de <a href="https://minepat.gov.cm/fr/download/strategie-nationale-de-developpement-2020-2030">doublement, au moins, des exportations d’ici 2030</a>.</p>
<p>L’enjeu est crucial pour ces gouvernements puisque la vente du cacao représente une source majeure de revenus pour des centaines de milliers de petits producteurs ruraux. Au Cameroun, par exemple, ce sont plus de <a href="https://knowledge4policy.ec.europa.eu/publication/analyse-de-la-cha%C3%AEne-de-valeur-cacao-au-cameroun_en">400 000 cacaoculteurs qui bénéficient tous les ans de 150 millions d’euros</a> sous forme de salaire et de profit.</p>
<p>Or, si une partie de cette croissance de la production peut s’appuyer sur la régénération des vieilles plantations plantées dans les années 1950-60, il est peu probable que de telles mesures soient suffisantes pour atteindre les objectifs annoncés. Un tel essor de la cacaoculture, s’il est avéré en Afrique centrale, va manifestement se faire en partie au détriment de surfaces forestières.</p>
<p>Une menace identique apparaît d’ailleurs avec les filières huile de palme et hévéa, qui annoncent des objectifs de développement fort ambitieux pour la prochaine décennie.</p>
<p>L’imposition par le règlement européen d’un arrêt à court terme de la déforestation (même légale) risque de heurter de tels objectifs de croissance du secteur primaire, qui sont pourtant considérés par les États comme le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté en milieu rural.</p>
<h2>Le règlement européen, outil efficace de lutte contre la déforestation dans le bassin du Congo ?</h2>
<p>Un nombre très limité de concertations avec les pays riverains du bassin du Congo a été organisé par les instances européennes dans la phase d’élaboration du règlement, malgré l’importance de ces forêts pour l’environnement global.</p>
<p>Cette quasi-absence de dialogue ne peut qu’accentuer les risques d’une application faible du règlement puisque déconnectée des stratégies légitimes de développement économique de ces pays. Elle pourrait même renforcer la possibilité d’un résultat contre-productif en incitant l’Afrique centrale à réorienter ses exportations agricoles vers des marchés moins exigeants.</p>
<p>Se pose finalement la question de la portée réelle de ce règlement : est-elle de garantir une consommation labellisée « zéro déforestation » aux citoyens européens, les libérant ainsi d’une mauvaise conscience de contribuer à la dégradation de l’environnement global, ou vise-t-elle un ralentissement significatif de la déforestation à l’échelle mondiale ?</p>
<p>Dans ce dernier cas, une plus large implication des pays producteurs du Sud est nécessaire à la conception et la future application du règlement afin d’optimiser sa compatibilité avec les objectifs de développement durable choisis dans ces pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage d’un nouveau règlement qui prévoit d’empêcher la mise sur le marché de l’Union européenne de produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts.Guillaume Lescuyer, Docteur en socio-économie, CiradChloé Tankam, Socio-économiste, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1879522022-09-20T18:28:09Z2022-09-20T18:28:09ZLutte contre la « déforestation importée » en Europe : quelles conséquences pour des millions d’Africains ?<p>Dans la foulée de la COP26, et soucieuse de corriger son statut de second « importateur mondial de déforestation » après la Chine, l’Union européenne a décidé le <a href="https://www.touteleurope.eu/environnement/pacte-vert-europeen-les-dates-cles/">17 novembre 2021</a> de muscler <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">son Green Deal</a> pour rendre le vieux continent climatiquement neutre en 2050.</p>
<p>Rappelons qu’un « importateur de déforestation » est un pays, un continent ou une entreprise, <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-poids-exact-de-la-france-dans-la-deforestation-importee-qui-touche-lamazonie-174658">qui importe des produits issus d’une déforestation</a>. Pour le moment, la liste des produits que l’UE ne fera plus venir est assez courte, mais lourde de conséquences : la viande de bœuf (et le cuir), le cacao, le café, le soja et l’huile de palme. </p>
<p>Les mauvais esprits pourraient ironiser sur le fait que la Beauce était autrefois couverte de forêts (primaires ?), et que les céréales qui y sont cultivées proviennent aussi de la déforestation, mais l’humour n’est pas de mise quand il s’agit de sauver la planète.</p>
<p>D’ailleurs, cette mesure n’a fait sourire personne dans les pays directement visés d’Afrique de l’Ouest. Si les éleveurs peuls de la zone sahélienne n’en sont pas à nourrir leurs vaches avec du fourrage récolté sur des espaces déforestés, et encore moins avec du soja, les cultivateurs et planteurs de Côte d’Ivoire, du Ghana et de toute la région forestière sont concernés par au moins trois des cinq produits figurant sur la liste noire (café, cacao, huile de palme).</p>
<p>Or ces différentes productions agricoles sont essentielles à leur prospérité.</p>
<h2>20 % des Ivoiriens vivent du cacao</h2>
<p>Le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le 1<sup>er</sup> producteur mondial avec plus de <a href="https://www.rti.info/economie/11123">2,2 millions de tonnes en 2021</a>, fait vivre près de <a href="https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=13247&d=3">6 millions de personnes</a> dans le pays, soit près de 20 % de la population.</p>
<p>L’huile de palme, dont elle est le 9<sup>e</sup> producteur mondial avec près de 500 000 tonnes en 2021, <a href="https://agritrop.cirad.fr/597525/1/FIRCA.Palmier%20%C3%A0%20huile_Analyse%20fonctionnelle_FINAL.Ao%C3%BBt%202020.pdf">subvient directement aux besoins de 220 000 personnes</a>, tandis que 2 millions d’habitants de la Côte d’Ivoire vivent des activités liées au secteur.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le café enfin, dont elle fut longtemps le 3<sup>e</sup> producteur mondial, n’occupe plus la place centrale (<a href="https://www.rti.info/economie/11123">61 000 tonnes en 2021 contre 380 000 en 2000</a>), mais continue d’assurer des compléments de revenus intéressants aux paysans de la zone forestière dans le Sud-Est du pays.</p>
<p>C’est dire que sanctionner ces cultures risque de déstabiliser sérieusement l’économie ivoirienne en même temps que de mettre en danger le tissu social.</p>
<h2>Hévéa, anacarde, banane… prochains sur la liste ?</h2>
<p>Et l’on peut pressentir que d’autres piliers de sa richesse (hévéa, anacarde, coton, banane, ananas) tomberont un jour ou l’autre dans les cibles de l’UE puisqu’ils sont également issus d’une déforestation. Le pays a produit 950 000 tonnes de caoutchouc naturel en 2020, <a href="https://www.agenceecofin.com/caoutchouc/2503-86529-cote-d-ivoire-la-production-de-caoutchouc-naturel-a-atteint-950-000-tonnes-en-2020">soit 80 % du latex provenant du continent africain</a> (4<sup>e</sup> rang mondial).</p>
<p>Les savanes du Nord ivoirien ont produit <a href="https://www.agenceecofin.com/noix-de-cajou/2010-92483-cote-d-ivoire-la-production-d-anacarde-est-estimee-a-1-million-de-tonnes-en-2021">1 million de tonnes d’anacardes en 2021</a> (1er rang mondial) et 250 000 petits producteurs regroupés en coopérative ont commencé à assurer la transformation en amandes de cajou (3<sup>e</sup> exportateur mondial). C’est également dans les savanes au nord que 130 000 petits exploitants ont produit <a href="https://www.agenceecofin.com/coton/1005-88052-la-cote-d-ivoire-prevoit-une-recolte-record-de-580-000-tonnes-de-coton-en-2021/2022">580 000 tonnes de coton en 2021</a> (2<sup>e</sup> rang africain).</p>
<p>Quant aux fruits essentiellement destinés à l’Europe, ils représentent <a href="https://agritrop.cirad.fr/594999/">300 000 tonnes de bananes</a> et <a href="https://agriculteurivoirien.org/ananas.html">170 000 tonnes du fameux « ananas de Côte d’Ivoire »</a> qui occupe la seconde place sur les marchés européens.</p>
<p>Deux questions (de simple bon sens) viennent alors à l’esprit.</p>
<h2>Des cultures qui stockent du carbone</h2>
<p>D’abord, s’il est vrai qu’il a fallu déforester pour introduire les cultures de rente qui font la prospérité de la Côte d’Ivoire, n’a-t-on pas ensuite « reforesté » en plantant, dans l’ordre d’apparition dans les paysages, des caféiers, des cacaoyers, des palmiers à huile, des hévéas et des anacardiers ?</p>
<p>N’a-t-on pas remplacé la forêt dite « primaire » par une autre forêt, composée d’arbres ou d’arbustes dont la capacité de puits à carbone n’est pas forcément inférieure ? Car même le palmier à huile affiche un <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo13/promo13_G10/www.controverses-minesparistech-2.fr/_groupe10/index19a2.html?page_id=268">assez bon bilan en termes de stockage de carbone</a>.</p>
<p>Quant au cacao, les experts européens ont-ils perdu de vue (ou jamais su) qu’il s’agissait d’un arbuste qui pousse généralement sous ombrière naturelle, à l’abri d’arbres plus haut que lui, donc en pleine forêt, même si celle-ci n’est plus « primaire » ?</p>
<h2>Une population multipliée par 8 depuis 1960</h2>
<p>Ensuite, n’a-t-on pas d’abord déforesté pour simplement se nourrir ? L’emblématique culture sur brûlis, encore très largement pratiquée notamment sur les fronts pionniers dits « forestiers » des régions de climat tropical, répond d’abord aux besoins alimentaires d’une population dont on rappelle – au risque de passer pour néo-malthusien – <a href="https://ideas4development.org/demographie-et-insecurite-croissantes-dans-le-sahel-trois-scenarios-davenir/">qu’elle a été multipliée par cinq depuis 1960</a> dans la zone sahélienne, où l’élevage bovin est très répandu et où les troupeaux ont probablement suivi une courbe démographique similaire.</p>
<p>Quant à la population de la Côte d’Ivoire, <a href="https://www.ins.ci/RGP2021/RGPH2021-RESULTATS%20GLOBAUX_VF.pdf">elle a été multipliée par huit dans le même temps</a> (de 3,504 millions en 1960 à 29,389 millions au recensement de 2021). Produire huit fois plus de produits vivriers suppose de multiplier par huit soit les rendements soit les surfaces cultivées.</p>
<p>Le pacte vert européen entend stopper les importations de produits issus de la déforestation. Mais une telle décision aura des impacts considérables sur les populations qui dépendent de ces cultures.</p>
<p>En 2021, la Côte d’Ivoire <a href="https://www.fao.org/faostat/en/#data/QCL">a consacré plus de 2 millions d’hectares de terre</a> à sa production d’igname (4,970 millions de tonnes), de manioc (2,047 millions de tonnes), de banane plantain (1,519 million de tonnes), de riz (673 000 tonnes) et de maïs (608 000 tonnes). Combien de centaines de milliers d’hectares nouveaux ont été défrichés (donc déforestés) pour cela ?</p>
<p>Et ce calcul ne tient pas compte des besoins en bois de chauffe, alors que cette source d’énergie domestique est loin d’être remplacée par des produits de substitution, dont on aimerait qu’ils soient de préférence « verts ».</p>
<h2>Déforestation postérieure à 2020</h2>
<p>Certes, on admettra peut-être (ou pas) le raisonnement qui précède, selon lequel on a remplacé des forêts par des arbres. En contrepartie, on objectera sans doute qu’on a bouleversé la biodiversité. C’est exact. Mais c’est aussi ce que l’Europe avait fait en remplaçant ses bocages par de l’openfield, et cette transformation était liée – déjà – à des questions de rendement et de productivité. </p>
<p>Avons-nous de meilleures propositions à formuler pour le continent africain ?</p>
<p>Heureusement, les directives de l’Union européenne affichant l’objectif de ne retrouver sur le marché européen d’ici trois ou quatre ans que des produits « zéro déforestation » ne sont pas drastiques. Elles exigent que les opérateurs vérifient que le cacao, le café, ou l’huile de palme importés ne soient pas issus d’une déforestation postérieure à 2020.</p>
<p>Les contrôles pourront être effectués avec l’aide de Copernicus, le programme européen d’observation de la terre, sorte de caméra de vidéosurveillance dont on pourra rembobiner les images. Les nouveaux plants de cacao sous une vieille ombrière y échapperont-ils ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/a5A17Sepj-E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Déforestation importée : quel est l’impact de nos choix alimentaires ? Conso Mag, 24 décembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Risque de fragiliser une partie de la population</h2>
<p>On ne peut qu’être sensible aux préoccupations des responsables européens lorsqu’ils se penchent sur l’avenir de la planète. Mais ils vont inévitablement buter sur la contradiction majeure qui surgit quand on commence à vouloir agir : le danger n’est-il pas de fragiliser, voire de mettre en péril, une partie de la population du monde, parmi les plus pauvres, en prenant des mesures radicales au nom de la protection de l’environnement ?</p>
<p>On le voit déjà : interdire l’exploitation du charbon risque de priver d’électricité les habitants des townships sud-africains. Préserver la biodiversité dans des forêts classées d’Afrique de l’Ouest permet à la mouche tsé-tsé de se reproduire et d’y prospérer avant de se répandre dans les zones peuplées en diffusant la maladie du sommeil.</p>
<p>Il conviendrait donc que les décideurs de l’Union européenne, élus et technocrates, relisent attentivement leur copie en pensant davantage aux centaines de millions d’Africains qui vont souffrir de la mise en œuvre de ces mesures de lutte contre « l’importation de déforestation », alors qu’ils ne sont guère responsables du changement climatique, vu qu’ils émettent peu de gaz à effet de serre.</p>
<p>Dans ce contexte d’écologie politique, il faudra aussi se pencher un jour ou l’autre sur le problème de l’eau virtuelle, c’est-à-dire facturer l’eau africaine qui a servi à produire le cacao, l’huile de palme, l’ananas, la banane, etc. Mais la facturer à qui ? Certes c’est un autre sujet, mais c’est le même problème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187952/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pacte vert européen entend stopper les importations de produits issus de la déforestation. Mais une telle décision aura des impacts considérables sur les populations qui dépendent de ces cultures.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1639372021-07-06T19:00:56Z2021-07-06T19:00:56ZPourquoi l’industrie du cacao pourrait mettre fin à la déforestation en Afrique de l’Ouest<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409726/original/file-20210705-105669-1188v4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C6155%2C4110&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La production de cacao est fortement concentrée dans quelques pays d'Afrique occidentale, dont la Côte d'Ivoire et le Ghana.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Malgré une augmentation significative <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1523908X.2021.1910020">des efforts de durabilité des entreprises</a> dans le secteur du cacao, il est presque impossible pour la plupart des consommateurs de chocolat de déterminer l’ampleur de la déforestation tropicale associée à ce plaisir coupable.</p>
<p>La fève de cacao est l’ingrédient fondamental et irremplaçable du chocolat. Ces fèves proviennent d’arbres qui nécessitent des climats et des systèmes de pollinisation spécifiques. Des conditions qui se trouvent à l’intérieur et autour des écosystèmes de la forêt tropicale.</p>
<p>Alors que la <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/industry-reports/cocoa-and-chocolate-market-100075">demande mondiale de chocolat augmente</a> en raison de la sensibilisation croissante aux <a href="https://theconversation.com/a-brief-history-of-chocolate-and-some-of-its-surprising-health-benefits-142692">avantages potentiels pour la santé</a> du chocolat noir et de la hausse des revenus disponibles dans les économies émergentes, les exploitations de cacao sont devenues les derniers <a href="https://www.mightyearth.org/wp-content/uploads/2017/09/chocolates_dark_secret_english_web.pdf">points chauds de la biodiversité</a>.</p>
<p>La production de cacao est fortement concentrée dans quelques pays d’Afrique occidentale. La Côte d’Ivoire et le Ghana produisent conjointement <a href="https://www.icco.org/statistics/#production">environ 62 %</a> du cacao dans le monde.</p>
<p>Malgré la récente <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2019/national/climate-environment/mars-chocolate-deforestation-climate-change-west-africa/">attention médiatique</a> révélant la déforestation illégale liée à la culture du cacao dans des écosystèmes très protégés, ces pays ont récemment connu les <a href="https://www.mightyearth.org/wp-content/uploads/Problems-and-solutions-concerning-the-CFI-in-Ghana-and-Co%CC%82te.-final.pdf">taux d’augmentation de la déforestation les plus élevés au monde</a>.</p>
<p>En 2018, le Ghana a connu une augmentation de 60 % de la perte de superficie de forêts par rapport à 2017, soit la plus forte augmentation annuelle au monde. La Côte d’Ivoire est arrivée en deuxième position avec 26 %. La déforestation a exercé des impacts négatifs irréversibles sur la biodiversité, la santé des sols et la capacité d’adaptation des écosystèmes face aux changements climatiques.</p>
<p>Avec mon équipe de l’Université de Victoria, mon projet de recherche <a href="https://www.sophiacarodenuto.com/research/current-research-projects">Follow the Bean : Tracing Zero Deforestation Cocoa</a> a identifié trois des principaux défis à relever pour mettre fin à la déforestation inhérente aux chaînes d’approvisionnement mondiales du cacao.</p>
<h2>Le « premier kilomètre » de la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1002/eet.1841">Le premier défi</a> réside dans la nécessité de connaître l’origine précise des fèves de cacao afin de déterminer si l’exploitation où elles ont été cultivées a remplacé la forêt primaire. La traçabilité des fèves de cacao à l’échelle de l’exploitation est particulièrement difficile dans le secteur du cacao en Afrique de l’Ouest, car la production est répartie entre des millions de <a href="https://www.kit.nl/project/demystifying-cocoa-sector/">petites exploitations de trois à cinq hectares</a>.</p>
<p>Le cacao est généralement produit dans de petites exploitations, car il est difficile d’introduire des machines pour faire le travail. Les cacaoyers nécessitent une taille régulière et des traitements chimiques pour combattre les <a href="https://upf.com/book.asp?id=9781683401674">parasites et les maladies</a>. En outre, le fruit qui produit les fèves de cacao mûrit par intermittence, de sorte que les agriculteurs récoltent à la main.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme déplace des fèves de cacao sur une bâche avec un râteau" src="https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408747/original/file-20210628-15-c4o9i4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un agriculteur fait sécher au soleil des fèves de cacao récemment récoltées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sophia Carodenuto</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Personne ne sait précisément combien de cultivateurs de cacao opèrent dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Des études précédentes suggèrent que <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2016.03.024">deux millions</a> d’agriculteurs dépendent du cacao dans la région, ce qui est probablement une sous-estimation étant donné qu’une étude récente a révélé que <a href="https://www.norc.org/PDFs/Cocoa%20Report/NORC%202020%20Cocoa%20Report_English.pdf">1,5 million d’enfants</a> travaillaient dans les exploitations cacaoyères.</p>
<p>En raison des complexités du régime foncier local, les limites des exploitations ne sont généralement pas enregistrées publiquement. En l’absence d’une carte publique des petits exploitants de cacao, il est difficile de savoir précisément d’où provient le cacao.</p>
<h2>La chaîne d’approvisionnement indirecte</h2>
<p><a href="https://www.businesswire.com/news/home/20201207005451/en/Global-Chocolate-Market-Report-2020-Market-to-Reach-US182.090-Billion-by-2025-Increasing-from-US137.599-Billion-in-2019---ResearchAndMarkets.com">La réponse la plus récente de l’industrie du chocolat</a> (140 milliards de dollars US) au défi de la déforestation a été la création de programmes de durabilité pour ses chaînes d’approvisionnement directes. Cependant, les estimations suggèrent qu’<a href="https://www.voicenetwork.eu/cocoa-barometer/">au moins la moitié de l’approvisionnement en cacao</a> en Côte d’Ivoire provient de sources indirectes.</p>
<p>L’approvisionnement indirect signifie que le cacao est acheté par l’intermédiaire de négociants locaux, dont plusieurs opèrent de manière informelle avec une surveillance publique limitée. <a href="https://doi.org/10.1002/bse.2686">On sait très peu de choses sur ces négociants locaux</a>, bien qu’ils aient généralement souvent la mauvaise réputation de profiter des agriculteurs vulnérables qui ont besoin d’argent immédiatement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/y-aura-t-il-encore-du-chocolat-en-2050-103119">Y aura-t-il encore du chocolat en 2050 ?</a>
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<p>Les programmes de durabilité <a href="https://www.lindt-spruengli.com/press-releases-and-news/english/lindt-spruengli-achieves-sustainability-milestone-100-percent-traceable-and-verified-cocoa-beans">visent souvent à éliminer ces intermédiaires</a>. Cependant, en raison de la prévalence de la chaîne d’approvisionnement indirecte, cette solution pourrait entraîner un chômage important et des implications socio-économiques connexes dans les zones où l’économie rurale dépend entièrement de la production et du commerce du cacao.</p>
<p>En collaboration avec <a href="https://janinagrabs.com/">Janina Grabs</a>, notre <a href="https://tradersandsustainability.com/">recherche collaborative</a> vise à déterminer si et comment les négociants, y compris les négociants informels, peuvent contribuer au déploiement de programmes de durabilité. Les commerçants étant souvent le seul point de contact de l’agriculteur avec la chaîne d’approvisionnement, leur rôle dans la transmission des informations et l’incitation à l’amélioration des pratiques de production peut s’avérer crucial.</p>
<h2>Pouvoir et responsabilité</h2>
<p>Le cacao est l’un des secteurs les plus consolidés au monde, avec trois entreprises qui <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-019-0978-z">contrôlent 60 % du cacao commercialisé dans le monde</a>. Ces entreprises ne sont pas orientées vers les consommateurs, avec des marques connues, et pour beaucoup de gens, elles peuvent être <a href="https://www.innovationforum.co.uk/articles/how-traders-can-be-the-facilitators-for-brand-sustainability-goals">« la plus grande entreprise dont vous n’avez jamais entendu parler »</a>, selon Ian Welsh d’Innovation Forum.</p>
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<img alt="Une allée de supermarché avec plusieurs tablettes de chocolats" src="https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408746/original/file-20210628-17-yvjkmi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des tablettes de chocolat alignées sur les étagères d’un supermarché en Russie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Cette situation est porteuse d’opportunités, mais aussi de risques. D’une part, les entreprises s’associent de plus en plus avec les gouvernements, les groupes de réflexion et les organisations de la société civile pour atteindre les objectifs de durabilité. D’autre part, les grands acteurs de l’industrie cacaoyère ont de plus en plus tendance à abandonner les normes de durabilité de tierces parties telles que le commerce équitable, <a href="https://doi.org/10.1080/1523908X.2021.1910020">et optent plutôt pour la conception et la mise en œuvre de leurs propres programmes d’approvisionnement durable</a>.</p>
<p>Dans cette situation, les entreprises choisissent elles-mêmes les informations à divulguer à leurs clients. <a href="https://www.thehersheycompany.com/content/dam/corporate-us/images/responsibility/cocoaforgood/CocoaForGoodDownloadShareInfographic.pdf">Le rapport sur la durabilité des entreprises</a> présente souvent des producteurs de cacao heureux qui ont bénéficié de leurs programmes de durabilité, mais les clients ne sont pas informés de la complexité de questions telles que l’approvisionnement indirect.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Bien qu’il existe des <a href="https://damecacao.com/interview-gillian-goddard-sun-eaters/">artisans chocolatiers fabriquant de petits lots de produits chocolatés de la fève à la barre</a>, la grande majorité des consommateurs de chocolat restera dans l’ignorance et peu outillée pour déterminer l’impact de ses achats tant que les gouvernements, l’industrie et les consommateurs n’exigeront pas davantage de responsabilités éthiques.</p>
<p>Pour la plupart des produits chocolatés conventionnels, il reste impossible de retracer l’origine du cacao dans la mesure requise pour déterminer la déforestation. Toutefois, des évaluations indépendantes telles que la <a href="https://www.mightyearth.org/wp-content/uploads/Easter-Scorecard-2020-USA_FINAL.pdf">Chocolate Scorecard</a> font de grands progrès en matière de transparence pour les consommateurs désireux d’acheter du chocolat « éthique ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163937/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophia Carodenuto est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
</span></em></p>L’engouement des consommateurs pour le chocolat est hélas lié à déforestation illégale d’écosystèmes très protégés. Mais peu à peu, des progrès sont accomplis pour favoriser le commerce éthique.Sophia Carodenuto, Assistant Professor of Geography, University of VictoriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1583322021-04-01T15:50:56Z2021-04-01T15:50:56ZL’ingrédient secret qui donne si bon goût au chocolat : des microbes fermenteurs !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/393161/original/file-20210401-23-1r32r90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=94%2C43%2C5389%2C3768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sous leurs dehors appétissants, les oeufs et les lapins en chocolat sont en fait des aliments fermentés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En pépites dans un biscuit, fondu dans une boisson chaude et sucrée ou moulé sous la forme d’un lapin de Pâques, le chocolat <a href="https://doi.org/10.1016/j.clnu.2018.05.019">est l’un des aliments les plus consommés</a> au monde.</p>
<p>Pourtant, peu de gens savent, même les plus grands amateurs, que le chocolat a quelque chose en commun avec le kimchi et le kombucha : ses saveurs sont le résultat d’une fermentation. Ce goût si familier et tant apprécié vient de minuscules micro-organismes qui aident à transformer les ingrédients bruts du chocolat en ce produit final riche et complexe.</p>
<p>Dans des laboratoires du Pérou jusqu’à la Belgique, en passant par la Côte d’Ivoire, des scientifiques autoproclamés <a href="https://scholar.google.com/citations?user=QjIM6yUAAAAJ&hl=en&oi=ao">chocolatiers, comme moi</a>, s’efforcent de comprendre comment la fermentation modifie la saveur du chocolat.</p>
<p>Parfois, nous créons des procédés de fermentation artificiels en laboratoire. D’autres fois, nous prenons des échantillons de fèves de cacao provenant de véritables fermentations « naturelles ». Souvent, nous transformons nos lots expérimentaux en chocolat et demandons à quelques heureux volontaires d’y goûter et de nous dire quelles saveurs ils détectent.</p>
<p>Après des décennies de tests comme celui-ci, les chercheurs ont résolu de nombreux mystères concernant la fermentation du cacao, notamment les micro-organismes qui y participent et la façon dont cette étape influence la saveur et la qualité du chocolat.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme tend la main vers les cabosses qui poussent sur le tronc d’un cacaoyer" src="https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392678/original/file-20210330-15-1c6otxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un propriétaire de plantation en Côte d’Ivoire vérifie les cabosses sur l’un de ses cacaoyers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/david-youant-a-plantation-owner-checks-his-cocoa-trees-in-news-photo/77612213">Issouf Sanogo/AFP</a></span>
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<h2>De la cabosse à la barre</h2>
<p>L’aliment que vous connaissez sous le nom de chocolat commence sa vie sous la forme de graines de <a href="https://doi.org/10.19103/as.2017.0021.01">cosses de fruits en forme de ballon de football</a> qui poussent directement sur le tronc de l’arbre <em>Theobroma cacao</em>. Cela ressemble à quelque chose que le Dr Seuss, un auteur pour enfants, aurait conçu. Mais il y a déjà <a href="https://doi.org/10.1038/s41559-018-0697-x">3 900 ans, les Olmèques d’Amérique centrale</a> avaient compris que la transformation de ces gousses géantes en une friandise comestible, comporte plusieurs étapes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme tient une gousse coupée en deux et montre les graines" src="https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392680/original/file-20210330-19-1h808e1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">A l’intérieur des gousses se trouvent les graines et la pulpe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/close-up-on-cocoa-beans-in-a-halved-pod-on-septembre-25-news-photo/1270250558">Camille Delbos/Art In All of Us/Corbis via Getty Images</a></span>
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</figure>
<p>D’abord, les travailleurs ouvrent le fruit aux couleurs vives et en extraient les graines et la pulpe. Les graines, désormais appelées « haricots », durcissent et s’égouttent pendant trois à dix jours avant de sécher au soleil. Les fèves sèches sont torréfiées, puis broyées avec du sucre et parfois du lait en poudre <a href="https://www.newfoodmagazine.com/article/1949/using-science-to-make-the-best-chocolate/">jusqu’à ce que le mélange soit si lisse</a> que vous ne pouvez plus distinguer les particules sur votre langue. À ce stade, le chocolat est prêt à être façonné en barres, en copeaux ou en confiseries.</p>
<p>C’est au cours de la phase de séchage que la <a href="https://doi.org/10.1080/10408690490464104">fermentation se produit naturellement</a>. L’arôme complexe du chocolat est dû à des <a href="https://doi.org/10.1021/jf0114177">centaines de composants</a>, dont beaucoup sont générés pendant la fermentation, soit durant le processus d’amélioration des qualités d’un aliment par l’activité contrôlée de microbes. Elle permet aux graines de cacao amères, autrement insipides, de <a href="https://doi.org/10.1080/10408390701719272">développer les riches saveurs associées au chocolat</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des fèves en train de sécher remplissent des plateaux à l’extérieur sous un ciel bleu ensoleillé" src="https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392681/original/file-20210330-15-16bcdtk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les fèves sèchent au soleil dans une plantation à Madagascar, tandis que les microbes font leur travail.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/cocoa-harvest-on-the-millot-plantation-in-the-north-west-of-news-photo/590675091">Andia/Universal Images Group via Getty Images</a></span>
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<h2>Les micro-organismes au travail</h2>
<p>La fermentation du cacao est un processus en plusieurs étapes. Tout composé micro-organique produit en cours de route et qui transforme le goût des fèves modifiera également le goût final du chocolat.</p>
<p>La première étape de la fermentation est peut-être familière aux brasseurs amateurs, car elle fait intervenir des levures, dont certaines sont les mêmes que <a href="https://doi.org/10.1111/jam.13045">celles qui font fermenter la bière et le vin</a>. Tout comme la levure dans votre bière préférée, celle dans une fermentation de cacao produit de l’alcool en digérant la pulpe sucrée qui enrobe les fèves.</p>
<p>Ce processus génère des molécules au goût fruité appelées esters et des alcools au goût floral. Ces composés s’imprègnent dans les fèves et sont ensuite présents dans le produit final.</p>
<p>Au fur et à mesure que la pulpe se décompose, l’oxygène pénètre dans la masse en fermentation et la <a href="https://doi.org/10.1080/10408690490464104">population de levures diminue, laissant place aux bactéries, qui aiment l’oxygène</a>. Elles sont connues sous le nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bact%C3%A9rie_ac%C3%A9tique">bactéries acétiques</a>, car elles convertissent l’alcool généré par la levure en acide acétique.</p>
<p>L’acide pénètre dans les haricots, provoquant des changements biochimiques. La plante en germination meurt. Les graisses s’agglomèrent. Certaines enzymes décomposent les protéines en peptides plus petits, qui deviennent très « chocolatés » lors de la torréfaction qui suit. D’autres enzymes décomposent les <a href="https://doi.org/10.3389/fnut.2018.00087">molécules de polyphénols antioxydants</a>, <a href="https://doi.org/10.1093/jaoac/102.5.1388">pour lesquelles le chocolat est considéré comme un super aliment</a>. Par conséquent, contrairement à leur réputation, la plupart des chocolats contiennent très peu de polyphénols, voire pas du tout.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme au chapeau ratisse un grand plateau de graines de cacao en train de sécher" src="https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392682/original/file-20210330-13-1ygq6ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au fur et à mesure du séchage, différents micro-organismes émergent naturellement pour faire leur travail de préparation des fèves.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/man-dries-cacao-beans-at-a-plantation-in-jutiapa-news-photo/1001093156">Orlando Sierra/AFP</a></span>
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<p>Toutes les réactions déclenchées par les bactéries de l’acide acétique ont un impact majeur sur la saveur. Ces acides favorisent la dégradation des molécules de polyphénols, fortement astringentes et d’un violet profond, en produits chimiques de couleur brune au goût plus doux, appelés quinones. C’est ici que les fèves de cacao passent d’un goût amer à un goût riche et de noix. Cette transformation du goût s’accompagne d’un changement de couleur, du rouge violet au brun, et c’est la raison pour laquelle le chocolat que vous connaissez est brun et non violet.</p>
<p>Enfin, à mesure que l’acide s’évapore lentement et que les sucres sont épuisés, d’autres espèces – dont les <a href="https://doi.org/10.1080/10408690490464104">champignons filamenteux et les bactéries <em>Bacillus</em> sporulées</a> – prennent le relais.</p>
<p>Aussi essentiels que soient les microbes dans le processus de fabrication du chocolat, certains organismes peuvent parfois ruiner une fermentation. La prolifération de la bactérie sporulée <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodres.2014.04.032"><em>Bacillus</em></a> est associée à des composés qui donnent un goût de rance et de fromage.</p>
<h2>Le terroir et ses microbes</h2>
<p>Le cacao est une fermentation sauvage : les agriculteurs s’appuient sur les microbes naturels présents dans l’environnement pour créer des saveurs uniques et locales. Cette pratique que l’on dit du « terroir » reflète les caractéristiques spécifiques d’un lieu. De la même manière que les raisins s’imprègnent du terroir régional, ces microbes sauvages, associés au processus particulier de chaque agriculteur, donnent aux haricots fermentés un goût du terroir.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les mains d’un chocolatier retirent les bonbons finis d’un moule à chocolat" src="https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392683/original/file-20210330-23-1kgttxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les chocolatiers haut de gamme sont pointilleux pour le traitement de leurs fèves.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/chocolate-production-royalty-free-image/175490857">twohumans/E+ via Getty Images</a></span>
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<p>La demande du marché pour ces <a href="https://damecacao.com/craft-chocolate-continue-to-grow/">fèves fines et d’une grande qualité est en hausse</a>. Les fabricants de chocolat gourmet à petite échelle sélectionnent à la main les fèves en fonction de leur terroir distinctif, afin de produire du chocolat avec une gamme impressionnante de nuances de goût.</p>
<p>Si vous n’avez connu le chocolat que sous la forme d’une barre attrapée à la caisse de l’épicerie, vous n’avez pas idée de la gamme et de la complexité que peut présenter un chocolat de très grande qualité.</p>
<p>Une barre de chocolat du domaine malgache d’Akesson peut rappeler les framboises et les abricots, tandis que les barres péruviennes du chocolatier canadien Qantu, fermentées à l’état sauvage, semblent avoir été trempées dans du sauvignon blanc. Pourtant, dans les deux cas, les barres ne contiennent rien d’autre que des fèves de cacao et du sucre.</p>
<p>Voilà le pouvoir de la fermentation : changer, convertir, transformer. Elle prend l’ordinaire et le rend extraordinaire, grâce à la magie des microbes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158332/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caitlin Clark ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après plusieurs tests, les chercheurs ont résolu de nombreux mystères concernant la fermentation du cacao et les micro-organismes qui donnent si bon goût au chocolat.Caitlin Clark, Ph.D. Candidate in Food Science, Colorado State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/931112018-03-27T22:22:37Z2018-03-27T22:22:37ZEn Côte d’Ivoire, qui sont réellement les classes moyennes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211599/original/file-20180322-54875-12ad5qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2038%2C1149&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le supermarche Hayat, à Abidjan.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4d/Supermarche_Hayat_2_Plateaux_%2810%29.jpg/2048px-Supermarche_Hayat_2_Plateaux_%2810%29.jpg">Hanay/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Christian Bouquet (LAM CNRS, Sciences Po Bordeaux), Anne Bekelynck (PAC-CI, ANRS Côte d’Ivoire) et Dominique Darbon (LAM CNRS, Sciences Po Bordeaux) ont participé à la rédaction de cet article.</em></p>
<hr>
<p>Certains auteurs estiment que 80 % des membres de la classe moyenne mondiale vivront en dehors des pays riches en 2030. Or, on attend beaucoup de cette « classe moyenne » pour le développement des pays émergents, notamment parce qu’elle est censée doper la consommation, donc favoriser la croissance, et contribuer à une stabilisation politique sans laquelle l’émergence économique n’est guère possible.</p>
<p>Pour le continent africain, l’engouement autour des classes moyennes est plus récent que pour les autres régions en développement. En 2011, la Banque africaine de développement (BAD) a estimé que près d’un tiers de la population du continent africain <a href="https://www.one.org/fr/blog/un-africain-sur-trois-appartient-a-la-classe-moyenne-selon-la-banque-africaine-de-developpement/">appartenait à la classe moyenne</a>. Les magazines économiques et les cabinets internationaux de marketing lui ont emboîté le pas.</p>
<h2>Mesurer un essor présupposé</h2>
<p>La Côte d’Ivoire n’a pas échappé à ce phénomène. Si la notion de classe moyenne est quasi absente des documents officiels, elle est en revanche très présente dans la presse économique et généraliste. En témoignent les deux récentes études de marché sur la classe moyenne abidjanaise conduite par Ipsos en 2015 et en 2017 <a href="http://www.cfaogroup.com/static/2017/12/08/CFAO-Livre%20blanc%20Les%20classes%20moyennes%20en%20Afrique%20Avril2016.pdf?NuQGUm6wY7DPB3RNc9hU7Q:NuQGUm6wY7DPB3RNc9hU7Q:oc94Es_nXXFuecrTA4pDjw">pour le compte de la CFAO</a> et de Unilever. Les ouvertures récentes de grands centres commerciaux à Abidjan illustrent cet engouement du secteur privé autour de l’essor présupposé des classes moyennes.</p>
<p>C’est sur la base de ces hypothèses que l’AFD (Agence française de développement) a commandé une <a href="http://www.afd.fr/fr/quelles-classes-moyennes-en-afrique">étude sur les classes moyennes</a> dans quatre pays considérés comme émergents et choisis dans des aires géographiques différentes : le Brésil, le Vietnam, la Turquie et la Côte d’Ivoire. Cette étude a été pilotée par une équipe de chercheurs en économie et science politique du GREThA (Université de Bordeaux) et du LAM (Sciences Po Bordeaux).</p>
<p>Pour la Côte d’Ivoire, à partir des données de l’enquête Niveau de Vie (ENV) des ménages ivoiriens, menée en 2015 par l’INS (Institut national de la Statistique) et portant sur un échantillon représentatif d’environ 13 000 ménages, l’équipe de chercheurs a tenté d’identifier et de caractériser les classes moyennes ivoiriennes et de mesurer les conséquences de leur éventuel « réveil » sur les politiques publiques.</p>
<h2>Après le « miracle » des années 1960-1980, le long déclin des classes moyennes</h2>
<p>Évoquer le réveil des classes moyennes prend un sens particulier en Côte d’Ivoire. Chacun a en effet en mémoire les « vingt glorieuses » des années 1960-1980, cette période du « modèle » ou du « miracle » ivoirien qui avait permis à Félix Houphouët-Boigny de narguer son voisin ghanéen Kwamé N’Krumah en lui démontrant qu’il avait eu tort de choisir le « modèle communiste ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211601/original/file-20180322-54893-qavhro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boulevard de Gaulle, à Abidjan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/53/Boulevard_De_Gaulle_-_Abidjan.jpg/1280px-Boulevard_De_Gaulle_-_Abidjan.jpg">fr.zil/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>À cette époque, grâce à la fameuse Caisse de stabilisation, des dizaines de milliers de planteurs, de la filière cacao notamment, appartenaient à la classe moyenne, ainsi que bon nombre de fonctionnaires bien calés derrière des rémunérations avantageuses, et de salariés d’un secteur privé florissant, en particulier à Abidjan.</p>
<p>Et puis la machine s’est enrayée au début des années 1980. D’abord sous l’effet des premiers programmes d’ajustement structurel (PAS) qui eurent pour conséquence principale un sérieux tour de vis sur les salaires de la fonction publique, malgré le combat d’arrière-garde du Président Houphoüet-Boigny pour « décrocher » les enseignants, les magistrats et les militaires de la grille salariale imposée par les institutions de Bretton Woods.</p>
<p>Puis le « père de l’indépendance », ancien fondateur du puissant syndicat des planteurs, perdit la <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4805776t.texteImage">« guerre du cacao »</a> avec à la clé une réduction par deux du prix garanti aux producteurs. Enfin, la dévaluation du franc CFA décidée en janvier 1994 – juste après sa mort en décembre 1993 car il s’y était toujours opposé – et la période qui suivit acheva de « déclasser » ceux qui avaient commencé à goûter à l’aisance et contribua à une « séparation irréversible » entre l’élite dominante et le reste de la population.</p>
<h2>Instabilité politique et esquisse de redressement</h2>
<p>Comme souvent, l’instabilité politique accompagna cette évolution. Celle-ci commença avec la succession d’Houphoüet, disputée entre Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, rapidement envenimée par des tensions ethniques autour de l’« ivoirité ». La Côte d’Ivoire connut alors son premier coup d’État militaire fin 1999 et fut aspirée dans une spirale de turbulences que le régime de Laurent Gbagbo (2000-2011) ne parvint pas à juguler.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xbL7CUAcrYQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans le même temps, et même si les fondamentaux de l’économie ivoirienne ne s’effondrèrent pas, les taux de croissance jusque-là prometteurs finirent pas passer dans le rouge. Autant dire que la classe moyenne n’existait pratiquement plus à la sortie de la crise post-électorale (avril 2011).</p>
<p>Depuis, le pays s’est redressé et a retrouvé un rythme moyen de croissance du PIB autour de 8 à 9 % par an, grâce à des investissements ambitieux, à un soutien sans faille de la communauté internationale et au retour des gros opérateurs étrangers. Cette croissance a contribué à booster le pouvoir d’achat et la consommation des ménages, ce qui pourrait laisser penser que la classe moyenne est en cours de reconstitution.</p>
<p>Il était donc intéressant d’entreprendre des investigations approfondies dans ce domaine, et les chercheurs bordelais, avec l’appui d’une équipe ivoirienne rattachée à l’<a href="https://www.ensea.ed.ci/">ENSEA</a> (École nationale supérieure des statistiques et des études économiques), s’y sont lancés en adoptant une méthodologie originale qui combine des méthodes quantitatives et qualitatives.</p>
<h2>Une « classe moyenne » limitée à 26 % de la population en 2015</h2>
<p>Le calibrage de la catégorie « gens du milieu » a été effectué sur des critères de revenus. On a estimé que la classe moyenne en Côte d’Ivoire se situait entre une borne inférieure fixée à 4 dollars par jour et par tête en parité de pouvoir d’achat (soit un niveau deux fois supérieur au seuil de pauvreté de 2$) et une borne supérieure qui exclut les 5 % les plus riches.</p>
<p>La taille moyenne des ménages de cette classe étant de 3 personnes et le chef de famille contribuant pour 90 % aux revenus du ménage, on obtient un revenu mensuel moyen par ménage approximativement compris entre 95 500 FCFA (400 dollars) et 455 000 FCFA (1 900 dollars). Cela concerne donc une large gamme de revenus, mais, cette fourchette ne représente qu’une proportion relativement limitée de la population ivoirienne : 26,4 %.</p>
<p>Cette « classe moyenne » ivoirienne présente <strong>quelques caractéristiques globales</strong> intéressantes. D’abord, les chefs de ménage de cette catégorie sont analphabètes à 48,1 %, ce qui apparaît en décalage avec les représentations habituelles. Ensuite, si 60 % habitent en ville, seuls 16 % sont abidjanais.</p>
<p>Ils affichent des comportements communs, notamment la même importance accordée à l’éducation des enfants – ce qui conduit la plupart de ces familles à opter pour l’enseignement privé, et donc à consacrer à ce poste budgétaire une part importante des revenus, passant souvent par un effort d’épargne conséquent.</p>
<h2>Un « monde du milieu » très hétéroclite</h2>
<p>Reste alors à étudier la cohérence de ce groupe qui formerait donc un quart de la population du pays. Force est de constater que l’on passe d’une catégorie limitée de « gens du milieu » à une catégorie éclatée de « gens de milieux différents ». Ainsi ont pu être identifiés <strong>cinq grands groupes</strong> qui apparaissent sur la figure 1 selon leur niveau moyen de revenu, leur degré d’informalité dans l’emploi et le poids du salariat en leur sein.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/209602/original/file-20180308-30979-zmvhrd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>La classe moyenne des <strong>travailleurs de l’informel</strong> constitue la part la plus importante (39 % du total). Les chefs de ménage y sont plutôt jeunes et leur famille est plus petite. Pour la plupart, ils sont entrepreneurs indépendants dans le secteur des transports routiers, du commerce et de la petite industrie manufacturière non déclarée. Une part significative de leurs revenus (plutôt faibles), est dédiée aux transferts (redistribution à la famille élargie). Beaucoup aspirent à devenir de véritables entrepreneurs.</p>
<p>La classe moyenne des <strong>agriculteurs</strong> – et en particulier des planteurs du Sud-Ouest – représente 25 % du total. Naturellement installés en milieu rural, ils sont relativement âgés et, s’ils attachent beaucoup d’importance à la scolarisation de leurs enfants, leur faible revenu ne leur permet pas d’y consacrer beaucoup d’argent. Ils apparaissent très vulnérables et se plaignent notamment d’être à la merci des fluctuations du marché sur les produits d’exportation (café et cacao). Ils « vivent selon la courbe ».</p>
<p>Les <strong>dirigeants, cadres et professions intermédiaires du secteur public</strong> constituent le troisième sous-groupe (17 %). Ils affichent les plus hauts niveaux moyens de revenu et d’éducation, et appartiennent pour beaucoup d’entre eux au secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur où les salaires sont relativement élevés. Mais une part substantielle de leurs revenus peut provenir d’une ou de plusieurs autres activités, notamment comme « planteurs absentéistes » (fonctionnaires investissant dans les activités de plantation).</p>
<p>La classe moyenne des <strong>retraités et inactifs</strong> (15 %), souvent représentée par des femmes, apparaît comme vulnérable et dépendante des transferts familiaux. Elle se singularise par le fait que ses membres sont souvent propriétaires de leurs logements. Mais leurs revenus sont en moyenne les plus bas de cette classe moyenne et l’augmentation de l’espérance de vie risque arithmétiquement de dégrader leur condition.</p>
<p>Enfin, la classe moyenne intermédiaire du <strong>secteur privé formel</strong> (4 %) rassemble des employés et salariés bien rémunérés, représentés surtout dans les secteurs de l’immobilier, du commercial et de la finance. Ils sont davantage que les autres connectés à l’Internet et dépensent beaucoup dans l’éducation des enfants, la santé et les communications. Eux aussi investissent volontiers dans l’immobilier ou les plantations.</p>
<h2>« Classe moyenne » : une expression avant tout performative</h2>
<p>Au-delà de ces cinq groupes, un fort dualisme se dégage. D’un côté, on trouve en minorité (21 %) une <strong>strate haute et stabilisée</strong> de la classe moyenne, constituée plutôt d’héritiers des groupes intermédiaires des années 1960-1970. De l’autre, on observe une <strong>strate basse</strong> majoritaire (79 %) <strong>et instable</strong>, composée de ménages en situation de petite prospérité en même temps que de grande vulnérabilité et dont les trajectoires sociales ascendantes et descendantes alternent au gré des différents chocs (économiques, sociaux, politiques, climatiques, etc.) auxquels ces populations sont confrontées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=564&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=709&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=709&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211602/original/file-20180322-54887-mbshbi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=709&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Cabine téléphonique cellulaire » à Abidjan (en 2012).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/90/Cabine_telephonique_cellulaire_abidjan.JPG/1024px-Cabine_telephonique_cellulaire_abidjan.JPG">Serein/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>La société est ainsi divisée en trois strates majeures : une majorité de pauvres, une strate instable de petite prospérité en expansion et les plus aisés de la petite <em>Upper middle class</em> et de la classe des 5 % les plus riches.</p>
<p>L’hétérogénéité du groupe « du milieu » conduit à une très faible et inégale politisation, dont l’expression lorsqu’elle existe repose davantage sur l’identité socioprofessionnelle (fonctionnaires notamment) que sur l’appartenance à une quelconque classe moyenne.</p>
<p>En Côte d’Ivoire, comme presque partout ailleurs en Afrique, l’expression « classe moyenne » apparaît ainsi très largement comme une expression performative, c’est-à-dire une expression permettant de créer des représentations de la réalité sociale qui ne sont que partiellement vraies mais qui intéressent – ou sur lesquelles jouent à des degrés divers – les politiques, les investisseurs et les bailleurs de fonds.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Berrou receives funding from AFD (Agence Française de Développement).
</span></em></p>En Côte d’Ivoire, comme presque partout ailleurs en Afrique, l’expression « classe moyenne » apparaît très largement comme une expression performative.Jean-Philippe Berrou, Maître de conférences en sciences économiques (LAM, CNRS), Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/859162017-12-06T21:25:09Z2017-12-06T21:25:09ZL’un des meilleurs cacaos au monde menacé par des teneurs élevées en cadmium<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/196320/original/file-20171124-21801-2l0l5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/SCbq6uKCyMY?utm_source=unsplash&utm_medium=referral&utm_content=creditCopyText">Pablo Merchán Montes/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28781181">études récentes</a> menées par une équipe du laboratoire <a href="http://www.get.obs-mip.fr/">« Géosciences Environnement Toulouse »</a> ont mis en évidence dans les fèves de cacao de variétés cultivées en Amérique latine – et tout particulièrement en Équateur – des teneurs importantes de cadmium (Cd).</p>
<p>Ce métal lourd est connu pour ses effets négatifs sur la santé, notamment des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1578573/">effets toxiques</a> sur les reins, le squelette et l’appareil respiratoire ; et son potentiel cancérigène est <a href="http://www.who.int/ipcs/assessment/public_health/cadmium/fr">internationalement reconnu</a>.</p>
<p>Cette situation concerne notamment la variété <em>fino de aroma</em>. Très réputée pour son profil aromatique et ses qualités <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/organoleptique">organoleptiques</a>, elle est recherchée et appréciée des plus fameux chocolatiers et des grandes compagnies internationales de fabrication de chocolat et autres produits dérivés.</p>
<p>L’Équateur représente le premier producteur de cette variété de cacao, devant le Pérou et la Colombie. La filière est essentiellement tournée vers l’exportation de fèves brutes, juste fermentées et séchées ; compte tenu du prix élevé de ce produit, elle fait vivre de nombreuses petites exploitations familiales. La culture du cacao représente en effet 34 % des terres agricoles du pays, selon les données 2015 de l’Instituto Nacional de Estadística y Censos.</p>
<p>Pour ce cacao, l’accès au marché européen pourrait se trouver compromis à cause de ce taux important de cadmium dans les fèves ; et cela d’autant plus qu’une nouvelle norme, fixant à 0,8 mg de Cd pour un kilogramme de chocolat à plus de 70 % de cacao, doit entrer en vigueur en Europe au <a href="http://bit.ly/2zAmVwp">1ᵉʳ janvier 2019</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=509&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196318/original/file-20171124-21801-nj49kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=640&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Petite exploitation de cacaoyers « fino de aroma » en Amazonie équatorienne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Feuilles et fèves</h2>
<p>Des analyses de sols et de plantes cultivées ont été réalisées dans le cadre du programme de recherche franco-équatorien <a href="http://www.monoil.ird.fr/">Monoil</a> dans des régions affectées par les activités pétrolières (extraction et raffinage) ; ces analyses ont été comparées à des régions témoins, toujours en Amazonie, au sud du pays.</p>
<p>Les résultats obtenus entre 2014 et 2017 indiquent que non seulement les feuilles de cacaoyer <em>fino de aroma</em> et CCN-51 – les 2 variétés les plus cultivées en Équateur – accumulent plus de Cd que les fèves ou les cabosses, mais que 50 % des fèves échantillonnées ont une teneur en Cd supérieure à la valeur seuil de 0,8 mg pour un kilogramme.</p>
<h2>Comment expliquer la présence du cadmium ?</h2>
<p>Le transfert racinaire du cadmium présent dans le sol vers la plante, et son accumulation au niveau des feuilles et des fruits, explique ces fortes teneurs. L’acidité des sols, couplée aux pratiques agricoles locales (épandages d’engrais, de pesticides, utilisation des cabosses et des feuilles comme source d’humus, etc.) semblent favoriser ce processus.</p>
<p>Les sources d’origine pétrolière ont été mises hors de cause ; en revanche, les sources naturelles issues de l’intense activité volcanique du pays ne sont pas écartées dans l’enrichissement en métaux lourds de certains sols.</p>
<p>Les teneurs en Cd dans les premiers centimètres du sol étant particulièrement élevées, les chercheuses travaillent actuellement avec les petits producteurs et d’autres acteurs de la filière cacao en Équateur pour tenter de réduire l’enrichissement en cadmium des fèves, classées parmi les meilleures du monde.</p>
<p>Des expérimentations de nettoyage des sols – consistant à enlever les feuilles et cabosses habituellement utilisées comme engrais naturel – sont actuellement réalisées avec des coopératives de petits producteurs en agriculture biologique. Des amendements, permettant d’augmenter un peu le pH des sols et donc de réduire la mise en solution dans l’eau du sol du cadmium issu de la dégradation de la matière organique, viendront compléter l’amélioration des pratiques agricoles en cours.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196317/original/file-20171124-21811-y6x9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cabosse de cacao « fino de aroma » réputé pour ses qualités aromatiques, cultivé ici en Amazonie équatorienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurence Maurice</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Dangeureux pour la santé ?</h2>
<p>Des mesures de la « bio-accessibilité » du cadmium, c’est-à-dire la fraction de cet élément susceptible de rejoindre la circulation sanguine via le système digestif, dans les fèves et dans la pâte de cacao ont révélé que plus de 90 % est bio-accessible pour le système digestif humain ; cela signifie que plus de 90 % du cadmium ingéré via le cacao peut passer directement dans le système sanguin.</p>
<p>Les différentes recommandations, évoquées plus haut, sont en discussion à la fois avec les producteurs comme avec le ministère de l’Agriculture pour réduire ce risque tout en conservant les propriétés aromatiques du cacao équatorien.</p>
<p>Le risque pour la santé, calculé à partir des formules d’exposition aux métaux lourds proposées par l’Agence de protection environnementale des États-Unis et sur la base de la consommation d’une tablette de 100g de chocolat équatorien par semaine, varie de « faible » à « modéré » en fonction de l’origine des fèves.</p>
<p>Si la consommation de chocolat reste bonne pour la santé et le moral grâce aux <a href="https://www.scientificamerican.com/article/is-cocoa-the-brain-drug-of-the-future/">fortes teneurs en magnésium</a> du cacao, il est toutefois important de connaître l’origine des cacaos.</p>
<p>Le consommateur devra également varier sa consommation de chocolat en fonction des origines, des modes de production, des teneurs en cacao des produits consommés, etc. La consommation d’un chocolat à 80 % ou plus devra ainsi être plus modérée que celle d’un chocolat au lait par exemple. De quoi rassurer les amateurs de chocolat… qui pourront s’adonner à leur plaisir favori mais avec modération !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiorella Barraza a reçu des financements de Innovate Peru. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eva Schreck a reçu des financements de l’ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Maurice a reçu des financements de l’ANR.</span></em></p>Des taux anormalement élevés de ce métal lourd ont été constatés dans les fèves de variétés cultivées en Amérique latine, notamment en Équateur.Fiorella Barraza, Biologiste, Institut de recherche pour le développement (IRD)Eva Schreck, Enseignante-chercheure, laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse », Université de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul SabatierLaurence Maurice, Directrice de recherches, laboratoire « Géosciences environnement Toulouse », Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/552572016-02-24T22:07:50Z2016-02-24T22:07:50ZL’agroforesterie en exemples gagnants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/112883/original/image-20160225-15156-1gqgt00.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parc agroforestier au Cameroun. </span> <span class="attribution"><span class="source">E.T/Cirad</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’arbre se trouve au cœur des premières expériences agricoles menées par l’homme : dès le néolithique, ce dernier se livrait à l’abattis-brûlis, pratique consistant à défricher des parcelles de forêt pour y implanter des cultures, puis à laisser la jachère reconstituer le sol et la forêt après quelques années de culture. Et, depuis la nuit des temps, l’homme élève des animaux de manière nomade ou semi-nomade sur des terrains de parcours, grandes formations naturelles où les parties tendres des arbres et arbustes (le brout) jouent un rôle primordial dans l’alimentation du bétail, surtout pendant les saisons sèches.</p>
<p>En raison de l’exploitation immodérée des ressources naturelles dans le monde d’aujourd’hui, ces pratiques traditionnelles ne sont plus en équilibre avec le milieu. Il en subsiste toutefois de nombreuses traces dans l’agroforesterie contemporaine. Les <a href="http://books.openedition.org/irdeditions/3336?lang=fr">arbres fourragers</a> constituent ainsi une grande part de la ration alimentaire des troupeaux du Sahel et d’autres zones semi-arides. Les « agroforêts » tropicales, où l’on associe plusieurs strates arborescentes, des cultures de sous-bois et parfois de l’élevage, témoignent de la domestication ancienne des forêts par l’homme.</p>
<h2>Les multiples services agricoles de l’arbre</h2>
<p>Dans les paysages ruraux d’aujourd’hui, surtout en zone tempérée, les marques de cette proximité entre forêt et agriculture ont presque toutes disparu, mais l’arbre a néanmoins gardé sa place ici et là. Le bocage, les haies, les vergers fruitiers à cultures associées de la vallée de l’Isère, en France, les brise-vent de cyprès de la vallée du Rhône ou les vignes qui grimpent sur des arbres au Portugal et en Sicile, l’association entre céréales, élevage porcin et chênes dans la <em><a href="http://www1.montpellier.inra.fr/safe/conferences/Paris/4-Gerry%20Lawson%20APCA-Europe-Fr.pdf">dehesa</a></em> espagnole, sont autant de témoins d’une agriculture forestière.</p>
<p>Dans ces paysages, l’arbre crée de l’hétérogénéité. Il participe à la conservation de la biodiversité et contribue au fonctionnement équilibré des agro-écosystèmes auxquels il appartient. Enfin, et surtout, l’arbre est impliqué dans <a href="https://theconversation.com/attenuation-adaptation-50680">l’adaptation</a> aux modifications du climat, en contribuant à la <a href="https://theconversation.com/resilience-51449">résilience</a> de ces espaces face à l’aléa climatique. Il atténue aussi le changement climatique en cours, en <a href="https://theconversation.com/les-forets-tropicales-des-puits-de-carbone-hautement-vulnerables-54281">fixant du carbone</a> grâce à son importante biomasse aérienne et souterraine.</p>
<p>Les plantations de caféiers ou de cacaoyers sous arbres d’ombrage sont l’un des exemples contemporains d’agroforesterie les plus spectaculaires. On en trouve en Amérique latine, au Cameroun, au Ghana, en Indonésie. Sous ombrage, la production de fruits est de qualité et si les rendements sont légèrement inférieurs à ceux des plantations industrielles de plein soleil, le revenu final est meilleur pour l’agriculteur car les investissements de plantation, en produits phytosanitaires, eau d’irrigation, main d’œuvre, sont réduits. Les arbres d’ombrage produisent aussi du bois, tout en fixant et améliorant le sol. <a href="http://www.fao.org/docrep/005/y2328f/y2328f10.htm">Le café</a> et le cacao « agroforestiers » sont aujourd’hui recherchés dans le monde entier.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/112594/original/image-20160223-16447-q9rrpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Agriculture « multi-étagée » dans le delta du Nil en Égypte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.T/Cirad</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les champions agroforestiers</h2>
<p>Les jardins agroforestiers, tels ceux d’Indonésie, constituent peut-être le nec plus ultra de l’agroforesterie : une couche supérieure de végétation, composée de grands arbres, recouvre des arbres plus petits, des arbustes, des lianes, des palmiers et diverses plantes, lesquelles forment ainsi plusieurs strates superposées, plus ou moins tolérantes à l’ombre.</p>
<p>Des activités d’élevage, telles que basse-cour, petits ruminants, étangs de pisciculture, sont aménagées dans le sous-bois, à proximité des habitations. L’équilibre écologique de ces « agroforêts » est parfait, comparable à celui d’une forêt naturelle, notamment en raison de l’étonnante biodiversité qu’on y trouve. Ces mêmes principes d’« agriculture multi-étagée » sont aussi appliqués en Égypte, dans le delta du Nil. Des palmiers dattiers abritent trois couches superposées de cultures, en production intensive irriguée : des oliviers, des agrumes et des plantes potagères.</p>
<p>Dans les zones sèches d’Afrique, la pratique agricole la plus courante consiste à conserver dans les champs des arbres dispersés sous lesquels on entretient différentes cultures annuelles, par exemple du sorgo, du mil ou des légumineuses. Pendant la saison sèche, ces champs sont utilisés par le bétail.</p>
<p>Cette forme d’agriculture sempervirente, parfois appelée « parc agroforestier » est l’objet de toutes les attentions depuis quelques années car on lui reconnaît de multiples rôles bénéfiques, allant de la diversification des revenus à la protection du sol et de la préservation de la biodiversité jusqu’à une résilience améliorée face au changement climatique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/112585/original/image-20160223-16455-19lup81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En Nouvelle-Zélande, élevage et plantations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">www.teara.govt.nz</span></span>
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<p>Dans les zones tempérées, l’agroforesterie d’aujourd’hui prend des formes différentes. La Nouvelle-Zélande et l’<a href="http://agroforestry.org.au/main.asp">Australie</a>, par exemple, pratiquent l’élevage dans des plantations d’arbres. En France, outre la renaissance des haies rurales, on assiste à un renouveau de l’agroforesterie, sous forme d’alignements d’arbres dans des parcelles céréalières. Les recherches ont montré que de telles associations sont bénéfiques à la fois pour l’arbre et pour la culture, donc pour l’agriculteur. Et elles sont également favorables à la biodiversité, au climat et à l’environnement en général. L’arbre de l’agroforesterie, parfois appelé « arbre hors-forêt » a sans aucun doute de beaux jours devant lui.</p>
<p><br>
<em>Emmanuel Torquebiau est notamment l’auteur de <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=23970">« L’agroforesterie,
Des arbres et des champs »</a> (éd. L’Harmattan).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55257/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Torquebiau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Second volet de notre série sur l’agroforesterie, cette méthode ancestrale qui opère un retour remarqué sous nos latitudes.Emmanuel Torquebiau, Chercheur en écologie tropicale et agroforesterie, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.