tag:theconversation.com,2011:/global/topics/chine-20235/articlesChine – The Conversation2024-03-21T15:41:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2227932024-03-21T15:41:58Z2024-03-21T15:41:58ZÀ Taïwan, un paysage politique en recomposition<p>Le 13 janvier dernier s’est tenue à Taïwan une <a href="https://fr.euronews.com/2024/01/13/election-presidentielle-a-taiwan-les-taiwanais-ont-vote-le-candidat-du-parti-au-pouvoir-fa">élection présidentielle</a> dont William Lai, vice-président sortant et candidat du parti au pouvoir, le Parti démocrate progressiste (DPP), est sorti vainqueur avec un peu plus de 40 % des suffrages (l’élection se joue sur un seul tour).</p>
<p>La campagne a fait l’objet d’une large couverture médiatique, de nombreux observateurs s’interrogeant sur les conséquences que le scrutin pourrait avoir pour la stabilité de la région. <a href="https://udn.com/news/story/123307/7690800">Lai lui-même</a> a estimé que cette élection était « la plus importante au monde cette année », Taïwan étant par ailleurs <a href="https://www.economist.com/leaders/2021/05/01/the-most-dangerous-place-on-earth">régulièrement désigné par la presse occidentale</a> comme « l’endroit le plus dangereux au monde ». Si un aperçu de l’actualité internationale invite à modérer cette formule, on ne peut nier que l’attention portée au détroit et les craintes qu’il ne se retrouve à l’épicentre d’un conflit armé pèsent sur la population taïwanaise lorsqu’il s’agit d’élire la tête de l’État.</p>
<p>Toutefois, cette année, une partie de l’électorat taïwanais a souhaité se concentrer davantage sur les discussions relatives aux affaires intérieures du pays, comme l’atteste le score (26 %) obtenu par Ko Wen-je, ancien maire de Taipei et candidat du Parti populaire taïwanais (TPP), qui affirme incarner une voie non traditionnelle dans la politique taïwanaise. Sa popularité illustre la lassitude, particulièrement sensible au sein d’une partie de la jeunesse, envers les deux partis ayant gouverné Taïwan jusqu’à présent (le DPP et le Guomindang, dont le candidat a récolté 33,5 % des suffrages).</p>
<h2>Une scène politique traditionnellement bipartite</h2>
<p>Rappelons que le Parti nationaliste, ou Guomindang (KMT), fondateur de la République de Chine (ROC) en 1912, s’est exilé à Taïwan en 1949 à l’issue de sa guerre contre le Parti communiste chinois. Après quatre décennies de dictature, il est demeuré, après le processus de <a href="https://www.slate.fr/story/224031/taiwan-fulgurante-democratisation-taipei-democratie-complete-chine-incident">démocratisation</a> de la société, l’une des principales forces politiques du pays, mais connaît un déclin constant face à son principal opposant, le DPP.</p>
<p>Son dernier candidat élu à la présidence, Ma Ying-Jeou, a exercé ses fonctions de 2008 à 2016. Depuis, le KMT peine à reconquérir le pouvoir mais demeure soutenu par un électorat stable issu des franges les plus âgées de la population. Il reste bien implanté au niveau local et a remporté les <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/les-elections-presidentielle-et-legislatives-du-13-janvier-2024-taiwan">élections législatives</a> tenues en même temps que la présidentielle du 13 janvier. Il dispose désormais de 52 sièges contre 51 pour le DPP (le TPP en a 8, et 2 sont détenus par des candidats indépendants). Cette année, son candidat à la présidentielle, Hou Yu-Ih, a réuni, nous l’avons dit, <a href="https://web.cec.gov.tw/english/cms/pe/41582">33,5 % des suffrages</a>. Ses origines « taïwanaises » ont été mises en avant pour pallier la méfiance d’une partie de la population à l’encontre de la posture du KMT, jugée trop conciliante vis-à-vis de Pékin (voir plus bas).</p>
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<p>Le concurrent historique du KMT, le Parti démocrate progressiste (DPP), est <a href="https://www.dpp.org.tw/en/about">né dans les années 1980</a> sous la loi martiale et a été un acteur clé de la démocratisation du régime. Il remporte la présidentielle pour la première fois en 2000 avec Chen Shui-Bian, réélu en 2004. Suite aux deux mandats de Ma Ying-jeou (2008-2016), le DPP récupère le pouvoir avec Tsai Ing-wen, élue en 2016 puis en 2020. La victoire de William Lai en janvier dernier est un fait inédit dans un système habitué aux alternances politiques régulières : pour la première fois depuis 2000, un parti va effectuer un troisième mandat consécutif.</p>
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<p>Toutefois, ce succès est terni par la performance décevante du DPP aux législatives : il a perdu sa majorité au Yuan législatif (nom du Parlement à Taïwan), à un siège d’écart seulement du KMT. Le mandat de Lai s’annonce dès lors plus compliqué que celui de sa prédécesseure, et des compromis avec les autres forces politiques en place sont à envisager.</p>
<h2>L’impact du bon score de Ko Wen-Je (TPP), troisième homme de la présidentielle</h2>
<p>Le soutien apporté au Parti populaire taïwanais (TPP) a indéniablement affaibli le DPP et le KMT. C’est la première fois, depuis la présidentielle de 2000, qu’un parti tiers obtient un score aussi élevé (26 % des voix). Quelques mois avant le scrutin, une alliance entre le TPP et le KMT <a href="https://thediplomat.com/2023/11/how-the-taiwan-opposition-alliance-talks-fell-apart/">avait été envisagée</a>. Certains sondages prédisaient qu’elle aurait pu contrecarrer le DPP. Mais les négociations ont rapidement échoué et le leader du TPP, Ko Wen-Je, a finalement fait cavalier seul, se présentant comme le choix du pragmatisme et du changement.</p>
<p>Principalement soutenu par les plus jeunes générations (<a href="http://m.my-formosa.com/DOC_202807.htm">environ 40 % des 20-29 ans et 34 % des 30-39 ans</a>), le TPP <a href="https://www.tpp.org.tw/en/about.php">se dit rationnel</a>, ancré dans la réalité du quotidien, et souhaite replacer au cœur du débat, marqué avant tout par la question du rapport à la République populaire de Chine, des considérations plus concrètes et internes au pays. Cette année, il est parvenu à gagner huit sièges aux législatives, alors qu’il en avait remporté cinq en 2020. Son rôle au sein du Parlement pourrait être déterminant : c’est lui qui permettra de conférer une majorité au DPP ou au KMT.</p>
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<span class="caption">Parade de soutien au candidat Ko Wen-je à Da’an Park, Taipei, le 12 janvier 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ashish Valentine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le TPP est pour l’instant limité au charisme de son leader et principalement porté par la désillusion des électeurs envers les partis traditionnels ; les quatre prochaines années seront <a href="https://www.cefc.com.hk/fr/event/les-elections-presidentielle-et-legislatives-taiwanaises-de-2024-analyse-des-resultats-et-perspectives/">l’occasion de voir s’il parviendra à s’imposer</a> comme force de proposition pérenne ou si, au contraire, sa progression enregistrée en janvier 2024 n’aura été qu’un épiphénomène.</p>
<h2>Le poids des relations interdétroit dans les campagnes présidentielles taïwanaises</h2>
<p>La volonté de défendre le système démocratique et les institutions de Taïwan, à travers le maintien du statu quo, fait consensus au sein de la population et des principales forces politiques. Des nuances existent néanmoins selon les partis quant à la meilleure façon de préserver les intérêts nationaux.</p>
<p>Le KMT, attaché à ses liens historiques avec la Chine, se montre favorable à davantage d’échanges dans le détroit : il y voit une condition indispensable pour le maintien de la paix. Il adhère au <a href="http://www.kmt.org.tw/2019/01/blog-post_9.html">« Consensus de 1992 »</a> selon lequel chaque partie (les autorités de Pékin et de Taipei) est la représentante d’« une seule Chine » dont elle nourrit sa propre définition.</p>
<p>Cette posture lui est reprochée par ses détracteurs, qui la trouvent trop conciliante face aux pressions chinoises. La politique chinoise du KMT a par ailleurs été rejetée sous le dernier mandat de Ma Ying-Jeou (2012-2016). Dans sa stratégie de rapprochement économique avec la Chine, Ma a approuvé en 2014 la signature d’un accord commercial qui a donné lieu à l’occupation du Yuan législatif, pendant plus de trois semaines, par de jeunes manifestants. Ce mouvement dit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2014/03/28/a-taipei-la-revolution-des-tournesols-revele-le-malaise-des-jeunes-face-a-pekin_4391329_3210.html">« des Tournesols »</a> avait alors empêché la ratification de l’acte. Aujourd’hui encore, le KMT est tiraillé entre, d’une part, sa lutte pour le pouvoir contre le DPP (ce qui implique qu’il n’apparaisse pas trop compréhensif à l’égard de la RPC, car cela offre des arguments au parti rival) et, d’autre part, sa volonté de maintenir un dialogue constructif avec Pékin, ce qui fait sa spécificité sur la scène nationale taïwanaise. Dès lors, il peine à se présenter comme le porte-parole et le défenseur d’une population qui ne soutient plus tout à fait son récit national.</p>
<p>Le DPP, quant à lui, considère que les relations entre les deux rives du détroit doivent être basées sur une reconnaissance réciproque de la souveraineté de chaque partie, et c’est en ce sens qu’il refuse d’adhérer au Consensus de 1992 – condition préalable, pour la Chine, à toute interaction. De fait, les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/06/25/97001-20160625FILWWW00134-la-chine-suspend-les-contacts-avec-taiwan.php">canaux de communication entre Pékin et Taipei sont suspendus</a> depuis l’élection de Tsai Ing-Wen en 2016.</p>
<p>En réponse aux efforts chinois visant à isoler Taïwan, la politique étrangère de la présidente Tsai a consisté à multiplier les échanges avec le monde afin de développer l’intégration de Taïwan dans des réseaux diplomatiques, économiques, technologiques, culturels… William Lai a affirmé qu’il poursuivrait cette stratégie, n’en déplaise à Pékin qui, sans surprise, <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/Ta%C3%AFwan-elections/China-says-DPP-cannot-represent-Ta%C3%AFwan-after-Lai-s-election-win">a déploré</a> le résultat de l’élection.</p>
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<p>Quant au TPP, il se place en accord avec le souhait de la majorité de la population, Ko s’étant exprimé en faveur du maintien du statu quo. Il a par ailleurs affirmé être le <a href="https://www.twreporter.org/a/2024-election-presidential-candidates-interview-ko-wen-je">seul candidat</a> à même de dialoguer avec Pékin et Washington, sans néanmoins expliciter les moyens concrets à sa disposition pour ce faire.</p>
<h2>Une désaffection des jeunes envers le DPP et le KMT ?</h2>
<p>Les sondages sur les intentions de vote ont esquissé des tendances claires : parmi les jeunes de 20-29 ans et 30-39 ans respectivement, la majorité soutiennent le TPP (41,4 % et 34 %), puis le DPP (16,5 % et 29,2 %), contre seulement 12,8 % et 19 % pour le KMT. Ces électeurs expriment une frustration envers les deux partis traditionnels, qu’ils jugent <a href="https://www.theguardian.com/world/2024/jan/07/taiwan-braces-for-big-deal-presidential-election-as-chinas-shadow-looms">trop obnubilés par la question chinoise</a> dans leurs joutes politiques.</p>
<p>Malgré ses efforts pour renouveler ses représentants et donner plus de place à une nouvelle génération de politiciens, et hormis quelques exceptions tenant avant tout à la personnalité de ses élus locaux, le KMT a toujours l’image d’un parti « de vieux », à la communication peu attrayante et à l’idéologie vieillissante. Son attachement parfois doctrinal à l’histoire de la ROC entrave ses possibilités de se réformer, ce qui est pourtant nécessaire s’il souhaite étendre sa base électorale.</p>
<p>Le DPP, traditionnellement associé à la jeunesse, se doit également de prendre en compte les <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/12843">revendications et frustrations</a> mises en avant par une partie plus modérée de son électorat, récupérées à son compte par le TPP. Les deux mandats de Tsai Ing-Wen ont convaincu quant à la capacité du DPP à mener une politique étrangère prudente sans provoquer Pékin. Ils ont également permis de maintenir l’économie taïwanaise en bonne santé, mais des <a href="https://www.cna.com.tw/news/aipl/202401130366.aspx">critiques</a> demeurent quant aux inégalités, à l’accès de plus en plus difficile au logement et à la propriété, à l’inflation associée à des salaires qui restent bas, au taux de chômage élevé chez les jeunes…</p>
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<p>Le soutien accordé au TPP par les déçus du KMT et du DPP est-il voué à durer, ou n’est-il que conjoncturel ? Cela dépendra du positionnement de chaque parti dans la gestion des affaires locales et dans les débats au sein du Parlement, mais aussi de la performance de l’administration Lai dans les affaires nationales et internationales.</p>
<h2>Le statu quo dans le détroit peut-il être remis en cause par Pékin ?</h2>
<p>Chaque victoire du DPP réitère la volonté des Taïwanais de maintenir une distance avec la Chine et représente donc une défaite pour Pékin. Comme cela a été le cas avant et après les élections de Tsai Ing-Wen, nous pouvons nous attendre à une poursuite et à une accentuation des pressions militaires, économiques et diplomatiques visant à isoler et à affaiblir Taïwan, qui fragilisent effectivement le statu quo. Mais l’intensification des menaces chinoises ne fait que renforcer la méfiance et l’animosité de la population taïwanaise à l’égard de Pékin.</p>
<p>Un moyen plus insidieux d’impacter les esprits réside dans les <a href="https://www.irsem.fr/rapport.html">opérations d’influence et de désinformation</a> opérées depuis la Chine à l’encontre de Taïwan, qui est l’un des pays les plus touchés par ce type de manœuvres. The Reporter, média indépendant taïwanais, a récemment consacré un <a href="https://www.twreporter.org/a/chinese-hackers-breached-taiwanese-media-organizations">article</a> à la diffusion de propagande nationaliste chinoise sur des médias taïwanais par des hackers chinois. Il rappelle qu’en mars 2023, la Central News Agency, agence de presse officielle de Taïwan et important canal d’informations pour les services gouvernementaux, a subi une cyberattaque d’une ampleur sans précédent l’ayant paralysée pendant plus de cinq heures. Ce genre d’attaque est devenu presque routinier depuis 2020 et s’intensifie lors des campagnes électorales taïwanaises. Le but : influencer l’électorat à travers des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/elections-a-taiwan-la-chine-deverse-sa-propagande-sur-les-reseaux-sociaux-20240112">fake news</a> visant à décrédibiliser les candidats les moins favorables à Pékin.</p>
<p>Malgré ces pressions, la population taïwanaise poursuit sa résistance et l’expression de ses revendications à travers les urnes, réaffirmant sa volonté de défendre et de préserver son système politique. Profondément pacifique et attachée à la stabilité, elle continuera de porter au pouvoir des candidats à même de naviguer dans la géopolitique régionale sans confrontation directe avec la Chine, tout en maintenant son indépendance de fait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Inès Cavalli a reçu des financements de :
Aide à la mobilité sortante des doctorants, Collège doctoral de Bretagne, Taiwan Fellowship, Ministry of Foreign Affairs, ROC (Taïwan), Aide à la mobilité et à la recherche, CEFC Taipei.</span></em></p>Traditionnellement dominée par deux grands partis, la vie politique taïwanaise a vu émerger lors des dernières élections une troisième force appelée à jouer un rôle clé lors des prochaines années.Inès Cavalli, Doctorante en science politique et en études chinoises, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253782024-03-21T15:41:29Z2024-03-21T15:41:29ZVignobles bordelais : les investisseurs chinois les ont-ils vraiment négligés ?<p>La vague d’achats de châteaux bordelais par des investisseurs chinois serait-elle terminée ? Plusieurs signes en attestent. Aucun d’entre eux n’a montré son intérêt lors des transactions récentes. De nombreux châteaux sont même mis en vente par les anciens acquéreurs : il y avait une <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/vignoble-bordelais-sur-200-domaines-achetes-par-les-chinois-une-cinquantaine-est-a-vendre_5532906.html">cinquantaine d’offres à saisir fin 2022</a>.</p>
<p>Depuis 2012, plus de 200 acquisitions ont été réalisées par des investisseurs chinois dans le prestigieux <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vignoble</a> bordelais, des investisseurs issus principalement de l’élite économique, politique et artistique du pays. Le fondateur d’Alibaba, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jack-ma-81252">Jack Ma</a>, a, par exemple, racheté plusieurs châteaux, dont le <a href="https://www.terredevins.com/actualites/le-chateau-de-sours-revoit-les-choses-en-grand">Château de Sours</a> dans l’appellation Entre-Deux-Mers ; l’actrice <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-94717-les-chateaux-de-zhao-wei-fonctionnent-normalement-malgre-sa-disgrace-en-chine.html">Zhao Wei</a> a, elle, jeté son dévolu sur plusieurs châteaux de l’appellation Saint-Émilion.</p>
<p>Ces transactions impliquant à la fois des membres de l’élite et des actifs prestigieux détonnent dans le monde des <a href="https://theconversation.com/topics/fusion-dentreprise-109223">fusions/acquisitions</a>. Considérées indifféremment comme des « danseuses », des « opérations d’ego », des <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">« dépenses ostentatoires »</a> ou comme ce que les Anglo-saxons qualifient de « self-interest transactions », ces acquisitions atypiques sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/tie.21967">largement décriées par la littérature académique financière</a>. En produisant peu ou pas de synergies et de complémentarités entre la cible et l’acquéreur, elles seraient destructrices de valeur et vouées à l’échec. Les cas de châteaux bordelais <a href="https://www.rts.ch/info/monde/13265418-dans-le-vignoble-bordelais-des-rachats-chinois-au-gout-de-bouchon.html">laissés à l’abandon par leurs propriétaires chinois</a>, dont la presse et la télévision se font l’écho, vont dans le sens de cette perception négative, largement répandue dans l’opinion publique.</p>
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<p><em>Reportage de la RTS, novembre 2023.</em></p>
<p>À y regarder de plus près cependant, ces investissements chinois dans le Bordelais sont loin d’être tous des échecs. C’est ce que nous montrons dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/362930206_In_vino_vanitas_Social_dynamics_and_performance_of_Chinese_chateau_acquisitions_in_the_Bordeaux_vineyards">travail de recherche récent</a> qui analyse les suites de 123 acquisitions entre 2008 et 2015.</p>
<h2>Quelle intention d’achat ?</h2>
<p>Une approche sociologique nous a permis de montrer que certaines de ces transactions créent de la valeur tant d’un point de vue économique que social et symbolique. Donnant l’occasion de se distinguer socialement, ces biens sont acquis pour le prestige accru qu’ils confèrent à leurs détenteurs et qui permet de se hisser au plus haut dans l’échelle sociale.</p>
<p>Considérant ces acquisitions de châteaux viticoles comme le prolongement d’une partie d’eux-mêmes, les nouveaux propriétaires leur accordent un soin tout particulier. Ils s’investissent ainsi pleinement dans la rénovation de la propriété, l’entretien des chais et, avant tout, la confection du vin. Nous avons pu constater de nombreux exemples d’investissements significatifs dans de nouveaux outils de vinification, un recours aux meilleurs œnologues comme Michel Rolland et Stéphane Derenoncourt, et un renouvellement du vignoble pour des domaines souvent à bout de souffle. Ces acquisitions ont souvent sauvé des exploitations de la banqueroute en même temps que s’améliorait la qualité du vin.</p>
<p>Le <a href="https://www.hachette-vins.com/">Guide Hachette des Vins</a> qui couvre l’ensemble des vignobles AOC français montre même des progressions significatives pour les vins produits par certaines de ces propriétés détenues par l’élite chinoise. Ainsi en est-il des productions du couple Andrew et Melody Kuk qui ont acquis la propriété <a href="https://www.sudouest.fr/vin/investisseurs-chinois-a-pomerol-les-epoux-kuk-reaffirment-leur-attachement-au-terroir-17148857.php">La Commanderie à Pomerol</a> en 2013. Ayant fait fortune dans la finance et l’événementiel à Hongkong, ils ont renouvelé l’outil de vinification ainsi que procédé à la réfection du bâtiment de la propriété. Après quelques années, le vin de ce domaine qualifié de « belle endormie » est régulièrement présent dans les classements des meilleurs vins bordelais.</p>
<p>Ces types d’acquisitions intégrées à une stratégie d’ascension sociale apparaissent très éloignés des quelques rachats conduits par des milliardaires chinois, qui concentrent pourtant l’essentiel de l’attention des médias. Déjà au sommet de la hiérarchie sociale, ces acquéreurs s’impliquent peu dans leurs propriétés viticoles et changent fréquemment de violons d’Ingres car leur rang social ne dépend pas de la performance de leurs acquisitions. Il en résulte dans ce cas effectivement des performances souvent dégradées.</p>
<p>Statistiquement, nous observons bien cette corrélation significative entre stratégies d’ascension sociale et amélioration de la qualité du vin dans les classements.</p>
<h2>Dans le vin comme ailleurs</h2>
<p>Notre approche apporte plus généralement des clés de compréhension des motivations de ces « acquisitions ostentatoires » conduites à l’échelle internationale par les élites économiques, sportives et artistiques. Ce concept est né à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, dans les travaux de l’économiste <a href="https://www.pourleco.com/la-galerie-des-economistes/thorstein-veblen-le-snobisme-et-la-consommation-ostentatoire">Thorstein Veblen</a> qui observait les dépenses de la classe supérieure américaine. Certains comportements d’achat de ces élites ne semblent pas logiques du point de vue de la science économique mais s’inscrivent pleinement dans des stratégies d’affirmation ou de réaffirmation sociale.</p>
<p>Se concentrant dans des secteurs tels que le sport, l’hôtellerie et l’immobilier de luxe, ces acquisitions de prestige sont le fait d’investisseurs individuels très fortunés (« High-Net-Worth Individuals ») dont le nombre est estimé à 22 millions dans le monde et dont la richesse cumulée approcherait les <a href="https://www.capgemini.com/insights/research-library/world-wealth-report/">83 000 milliards de dollars</a>. Ils sont de plus en plus nombreux, conséquence des politiques néolibérales depuis la fin des années 1970, de l’effondrement de l’URSS et de l’ascension des pays émergents.</p>
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<p>Une partie de cette fortune est consacrée à des <a href="https://www.enograf.com/media/pdf/Profit%20ili%20zadovoljstvo%20-%20kompletan%20izvestaj.pdf">acquisitions de prestige</a>. Ainsi, les grands clubs de football, Paris Saint-Germain et Manchester City, sont détenus par les fonds d’investissement souverains en lien avec les familles régnantes qatariennes et émiraties, et, il y a encore peu, le Chelsea FC l’était par l’oligarque russe, Roman Abramovitch. Concernant l’hôtellerie, les palaces tels que le Bristol, le George V et le Meurice appartiennent à des personnalités fortunées étrangères, respectivement le groupe familial allemand Oetker, le prince saoudien Al-Walid Ben Talal Al Saoud et le sultan de Brunei.</p>
<p>Autant de personnalités dont la fortune ne provient pas du secteur concerné par leurs acquisitions et qui ont conduit ces acquisitions dans le but d’accéder ou de réaffirmer leur affiliation à l’élite internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Xavier Meschi est président de l'association Atlas-AFMI (Association Francophone de Management International)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Bohas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux idées reçues, seule une minorité de vignobles bordelais rachetés par des investisseurs chinois a connu des suites négatives.Alexandre Bohas, Professeur d'Affaires internationales, ESSCA School of ManagementPierre-Xavier Meschi, Professeur des Universités en sciences de gestion, Affillié à Skema Business School, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260932024-03-20T13:26:40Z2024-03-20T13:26:40ZTikTok représente-t-il une menace pour la sécurité des Canadiens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582615/original/file-20240315-30-xv5fae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C5472%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">TikTok ne représente pas plus une menace pour la démocratie que les autres plateformes de médias sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la Chambre des représentants a adopté le 13 mars une proposition de loi qui prévoit <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/point-du-jour/segments/entrevue/485186/tiktok-application-mobile-renseignement-informations-privees-risque">l’interdiction de TikTok aux États-Unis</a>, les inquiétudes concernant les menaces que TikTok fait peser sur la vie privée et la liberté des personnes ont de nouveau été soulevées. </p>
<p>De son côté, le gouvernement fédéral du Canada a révélé qu’il avait commencé à enquêter il y a plusieurs mois pour déterminer si le contrôle étranger de l’application <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057224/ottawa-canada-tiktok-securite-nationale">constituait une menace pour la sécurité nationale</a>. </p>
<p>Les représentants du gouvernement canadien considèrent que TikTok représente une menace pour les Canadiens de deux manières : en violant leur vie privée par la collecte d’un grand nombre de données ; en sabotant la démocratie par le biais de la désinformation et de la manipulation.</p>
<p>Ces menaces sont-elles théoriques ou réelles ? Existe-t-il des preuves étayant les craintes que le gouvernement chinois exerce un contrôle sur <a href="https://www.bloomberg.com/profile/company/1774397D:CH">ByteDance Ltd</a>, l’entreprise basée à Pékin qui possède TikTok ?</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que TikTok peut constituer une menace pour notre vie privée, mais pas pour notre démocratie. La plate-forme collecte peut-être trop de données, mais les craintes que la Chine utilise TikTok pour nous désinformer ou nous manipuler à des fins politiques sont injustifiées. </p>
<p>La Chine n’a pas besoin de contrôler TikTok pour influencer nos élections. Elle peut le faire assez facilement sans cette application. Les efforts actuels du Canada pour minimiser la menace que TikTok représente pour la sécurité nationale ne neutraliseront pas la menace que les médias sociaux font peser sur la démocratie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z63aqNZZm4k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Radio-Canada se penche sur l’interdiction potentielle de TikTok.</span></figcaption>
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<h2>Les préoccupations en matière de protection de la vie privée sont bien réelles</h2>
<p>Mais TikTok représente une menace pour notre vie privée. Les régulateurs européens ont notamment <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">infligé des amendes à TikTok pour avoir collecté des données</a> auprès d’utilisateurs trop jeunes pour donner un consentement valable. Ils ont aussi condamné l’application pour avoir utilisé les données privées à mauvais escient et pour avoir « incité » les utilisateurs, par le biais de leurs paramètres par défaut, à adopter un comportement portant atteinte à la vie privée des personnes. </p>
<p>Des recours collectifs au Canada et aux États-Unis ont présenté un <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/protection-de-la-vie-privee-et-transparence-au-commissariat/divulgation-proactive/cpvp-parl-bp/ethi_20231025/fe_20231025/">argumentaire similaire</a>.</p>
<p>Les experts en cybersécurité ont <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">mis en garde contre le caractère invasif de l’application</a>, car elle suit la localisation de l’utilisateur, les messages qu’il reçoit et les réseaux auxquels il accède. Les autorisations sont enfouies dans les paramètres de l’application, mais la <a href="https://www.forbes.com/sites/emilsayegh/2022/11/09/tiktok-users-are-bleeding-data/">plupart des utilisateurs ne sont pas au courant de leur existence</a> ou ne prennent pas la peine de les vérifier.</p>
<p>Fin mars, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ses trois homologues provinciaux devraient <a href="https://www.priv.gc.ca/fr/nouvelles-du-commissariat/nouvelles-et-annonces/2023/an_230223/">présenter un rapport d’enquête</a> sur la manière dont TikTok recueille et utilise nos données. La Commission recommandera très probablement de suivre l’exemple de l’Europe en adoptant une législation exigeant une plus grande transparence des données collectées par TikTok et des restrictions supplémentaires quant à leur utilisation.</p>
<h2>Craintes d’ingérence de la Chine</h2>
<p>Le 1<sup>er</sup> mars, le gouvernement fédéral a publié une nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2024/03/le-canada-resserre-les-lignes-directrices-sur-les-investissements-etrangers-dans-le-secteur-des-medias-numeriques-interactifs.html">politique selon laquelle les plates-formes étrangères</a>, comme TikTok, feraient l’objet d’un « examen approfondi » en vertu des pouvoirs conférés par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/I-21.8/index.html">loi sur l’investissement au Canada</a>. En vertu de cette loi, le gouvernement peut imposer des conditions aux investisseurs ou entreprises étrangers lorsqu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que leur présence au Canada « pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ».</p>
<p>Les ministres ont été <a href="https://www.canadianlawyermag.com/practice-areas/crossborder/federal-government-issues-additional-directions-for-interactive-digital-media/384566">clairs et directs quant à leurs préoccupations</a> : « des acteurs hostiles soutenus ou influencés par l’État pourraient tenter de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour diffuser de la désinformation et manipuler l’information ».</p>
<p><a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canada-tiktok-western-scrutiny-1.6760037">Vingt-six pour cent des Canadiens utilisent désormais TikTok</a>. La filiale canadienne de TikTok pourrait-elle prendre des mesures pour empêcher le gouvernement chinois de se livrer à la désinformation ou à la manipulation ?</p>
<h2>Pourquoi les inquiétudes sont injustifiées</h2>
<p>En février, la direction du renseignement national des États-Unis a publié une <a href="https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf">évaluation des menaces</a>, révélant que des comptes TikTok gérés par un « organe de propagande » du gouvernement chinois « ont ciblé des candidats des deux partis politiques pendant le cycle électoral américain de mi-mandat en 2022 ».</p>
<p>Cependant, comme l’a fait remarquer un commentateur dans le <em>New York Times</em>, le rapport du renseignement national ne dit pas <a href="https://www.nytimes.com/2024/03/14/opinion/tiktok-ban-house-vote.html">si les algorithmes de TikTok ont favorisé ces comptes malveillants</a>. La Chine a peut-être utilisé TikTok pour désinformer et manipuler, mais elle n’avait pas besoin de le faire en dirigeant ByteDance.</p>
<p>Une étude réalisée en 2021 par le Citizen Lab de l’université de Toronto a examiné en profondeur le code de TikTok et ses capacités de collecte de données. Ses conclusions confirment que <a href="https://citizenlab.ca/2021/03/tiktok-vs-douyin-security-privacy-analysis/">TikTok n’est pas plus invasif</a> que Facebook, Instagram ou d’autres plates-formes de médias sociaux. </p>
<p>L’étude a révélé que TikTok et sa version chinoise, Douyin, « ne semblent pas présenter de comportements ouvertement malveillants similaires à ceux que l’on trouve dans les logiciels malveillants ». Bien que Douyin contienne « des caractéristiques qui posent des problèmes de confidentialité et de sécurité, telles que le chargement de code dynamique et la censure des recherches côté serveur », l’étude révèle que « TikTok ne contient pas ces caractéristiques ».</p>
<p>Cela ne signifie pas que la Chine n’est pas en mesure d’ordonner à ByteDance de faire des choses qui pourraient nuire aux Canadiens. Mais cela confirme l’idée que la Chine n’a pas besoin de mobiliser ByteDance pour le faire ; un agent du gouvernement chinois (ou toute autre personne) peut facilement le faire en se faisant passer pour un utilisateur ordinaire.</p>
<p>En bref, les craintes d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et américaines peuvent être justifiées. Mais tout comme la Russie a pu utiliser de faux comptes sur Facebook pour interférer dans <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/Report_Volume2.pdf">l’élection présidentielle américaine de 2016</a>, la Chine peut nous désinformer et nous manipuler en utilisant n’importe quel autre des médias sociaux, contre nous. </p>
<p>Cela met en évidence la véritable menace qui pèse sur notre démocratie : les médias sociaux que nous ne pouvons pas contrôler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226093/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Diab ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Environ le quart des Canadiens utilisent TikTok. Réglementer l’application au Canada est-il la meilleure approche pour éviter toute influence politique extérieure ?Robert Diab, Professor, Faculty of Law, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2257442024-03-15T17:34:08Z2024-03-15T17:34:08ZLa prochaine pandémie ? Les animaux la vivent déjà. La grippe aviaire décime de nombreuses espèces<p>Je suis une biologiste de la conservation et j’étudie les maladies infectieuses émergentes. Quand on me demande quelle sera la prochaine pandémie, je réponds souvent que nous en vivons une en ce moment, mais qu’elle touche d’autres espèces que la nôtre.</p>
<p>Je fais référence à la souche hautement pathogène de la grippe aviaire H5N1 (IAHP H5N1) qui a tué des millions d’oiseaux et un nombre indéterminé de mammifères, surtout au cours des trois dernières années.</p>
<p>Cette souche est apparue chez les oies domestiques en Chine en 1997 et s’est rapidement propagée à l’humain en Asie du Sud-Est, avec un taux de mortalité de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1634780/">40 à 50 %</a>. Mon groupe de recherche <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1634780/">a été en contact</a> pour la première fois avec le virus en 2005 lorsqu’il a causé la mort de <a href="https://svw.vn/owstons-civet/">civettes palmistes d’Owston</a>, un mammifère menacé d’extinction, qui faisaient partie d’un programme d’élevage en captivité dans le parc national de Cuc Phuong, au Viêt Nam.</p>
<p>On ignore comment ces bêtes ont contracté la grippe aviaire. Leur régime alimentaire se compose essentiellement de vers de terre, de sorte qu’elles n’ont pas été infectées par la consommation de volailles malades, comme c’est arrivé pour des tigres en captivité de la région.</p>
<p>Cette découverte nous a incités à compiler tous les cas confirmés de mort par la grippe aviaire afin d’évaluer l’ampleur du péril que ce virus pourrait représenter pour la faune sauvage.</p>
<p>Voici comment un virus récemment détecté dans des élevages de volailles chinoises en est venu à menacer une partie importante de la biodiversité mondiale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une personne en combinaison blanche conduit un chariot élévateur à fourche transportant des dindes mortes" src="https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le virus H5N1 est apparu dans une ferme avicole chinoise en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/western-negev-israel-march-18-2006-111241157">ChameleonsEye/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les premiers signes</h2>
<p>Jusqu’en décembre 2005, la plupart des infections confirmées avaient été trouvées dans quelques zoos et refuges en Thaïlande et au Cambodge. Notre étude de 2006 a montré que près de la moitié (48 %) des différents groupes d’oiseaux (ou « ordres », selon les taxonomistes) comportaient une espèce chez laquelle on avait signalé des cas de mort par la grippe aviaire. Ces 13 ordres représentent 84 % de toutes les espèces d’oiseaux.</p>
<p>Il y a 20 ans, nous avons estimé que les souches de H5N1 en circulation étaient probablement hautement pathogènes pour tous les ordres d’oiseaux. Nous avons également observé que la liste des espèces chez lesquelles on avait confirmé une infection comprenait des espèces menacées à l’échelle mondiale et que des habitats importants, tels que le delta du Mékong au Viêt Nam, se trouvent à proximité de foyers d’éclosion chez les volailles.</p>
<p>Parmi les mammifères qu’on sait avoir été exposés à la grippe aviaire au début des années 2000, on compte des primates, des rongeurs, des porcs et des lapins. De grands carnivores tels que des tigres du Bengale et des panthères nébuleuses en sont morts, ainsi que des chats domestiques.</p>
<p>Des animaux de zoo ayant mangé des volailles infectées figurent parmi les premières victimes de la grippe aviaire.</p>
<p>Notre article de 2006 montrait la facilité avec laquelle ce virus franchit la barrière d’espèce et suggérait qu’il pourrait un jour constituer une menace pandémique pour la biodiversité mondiale.</p>
<p>Malheureusement, nous avions raison.</p>
<h2>Une maladie qui s’étend</h2>
<p>Près de vingt ans plus tard, la grippe aviaire tue des espèces de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2039158/alaska-aviaire-mammifere-infection">l’Extrême-Arctique</a> jusqu’à la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/environnement/video/la-grippe-aviaire-a-atteint-l-antarctique-une-potentielle-catastrophe-pour-les-pingouins_230419.html">péninsule antarctique</a>.</p>
<p>Ces dernières années, la grippe aviaire s’est rapidement propagée en Europe et s’est infiltrée en Amérique du Nord et du Sud, causant la mort de millions de volailles et de diverses espèces d’oiseaux et de mammifères. Selon un <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/30/3/23-1098_article">récent article</a>, 26 pays ont signalé la mort de mammifères d’au moins 48 espèces différentes des suites du virus depuis 2020, date de la dernière hausse du nombre d’infections.</p>
<p>Même l’océan n’est pas à l’abri. Depuis 2020, 13 espèces de mammifères aquatiques ont été touchées, notamment des otaries, des marsouins et des dauphins, dont certaines meurent par milliers en Amérique du Sud. Il est désormais confirmé qu’un grand nombre de mammifères charognards et prédateurs vivant sur la terre ferme, tels que des cougars, des lynx, et des ours bruns, noirs et polaires, sont également affectés.</p>
<p>Le Royaume-Uni à lui seul <a href="https://www.rspb.org.uk/birds-and-wildlife/seabird-surveys-project-report">a perdu plus de 75 %</a> de ses grands labbes et a connu un déclin de 25 % de ses fous de Bassan. Le déclin récent des sternes caugek (35 %) et des sternes pierregarin (42 %) est aussi <a href="https://maryannsteggles.com/wp-content/uploads/2024/02/Bird-flu-causing-%E2%80%98catastrophic-fall-in-UK-seabird-numbers-conservationists-warn-Bird-flu-The-G.pdf">causé en grande partie par le virus</a>.</p>
<p>Les scientifiques n’ont pas encore réussi à <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/30/3/23-1098_article">séquencer complètement</a> le virus chez toutes les espèces touchées. La recherche et une surveillance soutenue pourraient nous indiquer dans quelle mesure il peut s’adapter et s’il peut s’étendre à d’autres espèces. Nous savons qu’il infecte déjà des humains – avec quelques mutations génétiques, il risque de devenir plus contagieux.</p>
<h2>À la croisée des chemins</h2>
<p>Du 1<sup>er</sup> janvier 2003 au 21 décembre 2023, on a rapporté 882 cas d’infection humaine par le virus H5N1 dans 23 pays, dont <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/influenza/human-animal-interface-risk-assessments/influenza-at-the-human-animal-interface-summary-and-assessment--from-4-october-to-1-november-2023.pdf">461 (52 %) ont été fatals</a>.</p>
<p>Plus de la moitié des morts se sont produites au Viêt Nam, en Chine, au Cambodge et au Laos. Des infections transmises de volaille à humain ont été enregistrées pour la première fois au Cambodge en décembre 2003. On a signalé des cas sporadiques jusqu’en 2014, puis on a observé une interruption jusqu’en 2023, où il y a eu 41 décès pour 64 cas. On a détecté le sous-type H5N1 chez des volailles au Cambodge depuis 2014. </p>
<p>Au début des années 2000, le virus H5N1 en circulation avait un taux de mortalité élevé chez les humains. Il est donc inquiétant de constater que des gens meurent à nouveau après avoir été en contact avec des volailles.</p>
<p>Les sous-types H5 de la grippe aviaire ne sont pas les seuls à préoccuper les humains. Le virus H10N1 a été isolé à l’origine chez des oiseaux sauvages en Corée du Sud. On a signalé sa présence dans des échantillons provenant de Chine et de Mongolie.</p>
<p>Des <a href="https://www.frontiersin.org/journals/microbiology/articles/10.3389/fmicb.2023.1256090/full">recherches récentes</a> ont montré que ces sous-types de virus étaient pathogènes chez des souris et des furets de laboratoire et qu’ils pourraient infecter les humains. La première personne dont l’infection par le virus H10N5 a été confirmée <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2024-DON504">est décédée</a> en Chine le 27 janvier 2024, mais elle était également atteinte d’une grippe saisonnière (H3N2). Elle avait été en contact avec des volailles vivantes qui se sont révélées positives pour le virus H10N5.</p>
<p>Des espèces menacées d’extinction ont connu des morts de la grippe aviaire au cours des trois dernières années. On vient de confirmer que le virus a fait ses premières victimes dans la péninsule antarctique <a href="https://www.cidrap.umn.edu/avian-influenza-bird-flu/avian-flu-reaches-antarcticas-mainland">chez les grands labbes</a>, ce qui constitue une menace imminente pour les colonies de pingouins dont les grands labbes mangent les œufs et les poussins. Le virus a déjà tué des <a href="https://ccnse.ca/resources/evidence-briefs/la-grippe-aviaire-ah5n1-poursuite-de-la-flambee">manchots de Humboldt</a> au Chili.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une colonie de manchots" src="https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des colonies de manchots sont déjà menacées par les changements climatiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/king-penguin-colony-103683413">(AndreAnita/Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comment peut-on endiguer ce tsunami de H5N1 et d’autres grippes aviaires ? Il faut revoir complètement la production de volaille à l’échelle mondiale et rendre les exploitations autosuffisantes en matière d’élevage d’œufs et de poussins au lieu d’en faire l’exportation. En outre, la tendance aux mégafermes de plus d’un million d’oiseaux doit être enrayée.</p>
<p>Pour éviter les pires conséquences de ce virus, il faut se pencher sur sa source première : l’incubateur que sont les élevages intensifs de volailles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225744/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Bell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La grippe aviaire décime des espèces déjà menacées par le changement climatique et la perte d’habitat.Diana Bell, Professor of Conservation Biology, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247812024-03-14T18:58:15Z2024-03-14T18:58:15ZKai-Fu Lee, grand organisateur de l’IA open source en Chine… et inspiration pour la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578944/original/file-20240229-26-7xmelz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C0%2C3762%2C2504&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kai-Fu Lee en septembre 2018, à San Francisco</span> <span class="attribution"><span class="source">TechCrunch / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pendant que plusieurs géants de la Silicon Valley <a href="https://www.numerama.com/tech/1590098-lopen-source-en-ia-gagne-du-terrain-face-aux-modeles-proprietaires.html">resserrent l’accès</a> aux codes de leurs modèles d’<a href="https://theconversation.com/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">IA générative</a>, c’est l’exact contre-pied que tente de prendre Kai-Fu Lee, informaticien et homme d’affaires taïwanais basé à Pékin. Sa <a href="https://arenes.fr/livre/i-a-la-plus-grande-mutation-de-lhistoire/">volonté</a> ? Structurer un écosystème fondé sur un modèle de langage <a href="https://theconversation.com/topics/open-source-86032"><em>open source</em></a> performant dont les start-up <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">chinoises</a> seront les premières bénéficiaires.</p>
<p>Après un passage chez Apple et Silicon Graphics, cet expert mondialement reconnu de l’IA a participé à la création de Microsoft Research Asia, organisation qui a contribué à la formation d’un grand nombre d’ingénieurs chinois de premier plan. Kai-Fu Lee a également présidé l’activité recherche de Google en Chine.</p>
<p>La concurrence commerciale entre les géants de l’IA va peu à peu s’intensifier. Celle-ci opposera vraisemblablement des écosystèmes construits autour de l’exploitation des <a href="https://queue.acm.org/detail.cfm?id=3595879">différents modèles de langage disponibles</a>. Selon Kai-Fu Lee, l’écosystème qui s’imposera sera enraciné dans un modèle de langage <em>open source</em> de petite taille et facile à entraîner. Il regroupera un grand nombre d’ingénieurs informés des dernières avancées technologiques et capables de transformer celles-ci en applications commercialisables. Ces ingénieurs auront été très tôt familiarisés aux détails du modèle de langage qu’ils exploitent. Formés dans une institution qui inclut une activité de capital-risque, ils sauront développer des idées à haut potentiel commercial et susceptibles d’attirer les financements les plus importants.</p>
<p>Tel est l’environnement qu’il a cherché à bâtir depuis maintenant 15 ans.</p>
<h2>Sinovation pose les fondations</h2>
<p>En 2009, l'ingénieur lance Sinovation, une société de capital-risque spécialisée dans le financement de start-up technologiques. Durant les premières années, la firme opère aux États-Unis et en Chine. L’intensification de la guerre commerciale entre les deux pays et la difficulté croissante à conclure des accords avec des entreprises américaines conduit néanmoins la direction à fermer ses bureaux de la Silicon Valley en 2019. Aujourd’hui, Sinovation compte 400 entreprises dans son portefeuille, représentant un total de 3 milliards de dollars d’actifs sous gestion.</p>
<p>Outre ses activités de financement, conscient des apports de Microsoft Research Asia pour la formation et le développement des compétences des futurs ingénieurs, l'homme d'affaires crée en 2016 l’Institut Sinovation Ventures pour l’IA. Celui-ci assure une large diffusion des avancées scientifiques et accélère leur transformation en des applications commercialisables.</p>
<p>Le projet présente un intérêt stratégique majeur pour le développement de l’IA en Chine : il contribue à la formation d’ingénieurs de haut niveau et finance les entreprises que ces professionnels sont susceptibles de lancer.</p>
<h2>01.AI, le pari de l’open source</h2>
<p>En juin dernier, Kai-Fu Lee a lancé une nouvelle start-up, <a href="https://www.01.ai/">01.AI</a>, après avoir levé quelque 200 millions de dollars auprès des BATX, groupe d’entreprises (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiamoi) que l’on considère parfois comme des GAFAM chinois. L’objectif était de créer de premières « applications tueuses », c’est-à-dire des applications tellement convaincantes qu’elles sont adoptées par des centaines de millions d’utilisateurs à l’instar de TikTok.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706759603852128603"}"></div></p>
<p>Et les choses n’ont pas trainé ! En janvier, 01.AI a lancé un modèle d’IA « multimodal » surnommé « Yi » fondé sur 34 milliards de paramètres, soit moitié moins que ChatGPT4. Cette taille modeste facilite son entraînement. À travers le monde, de <a href="https://www.marktechpost.com/2024/02/03/meet-yi-the-next-generation-of-open-source-and-bilingual-large-language-models/">nombreux développeurs, ont déjà adopté Yi</a>.</p>
<p>Le modèle de langage de 01.Ai fait partie des <a href="https://www.numerama.com/tech/1590098-lopen-source-en-ia-gagne-du-terrain-face-aux-modeles-proprietaires.html">modèles dits open source</a>, comme l’est aussi, par exemple, LlaMA, le langage de Meta. Ils s’opposent aux modèles dits propriétaires dont les fondations techniques ne sont pas partagées. Contrairement à ce que peut laisser entendre son nom, Open IA qui fait tourner ChatGPT fait partie des modèles propriétaires, tout comme les outils développés par Google. Les intérêts associés à l’ouverture sont multiples. Elle facilite l’accès d’un plus grand nombre de chercheurs et d’ingénieurs aux modèles de langage, contribue à une meilleure formation des professionnels et permet de créer un large écosystème de développeurs chargés d’étendre les domaines d’applications de Yi.</p>
<h2>Une source d’inspiration ?</h2>
<p>La Chine se montre assez peu soucieuse du respect des libertés individuelles. Les lois encadrant le respect de la vie privée sont moins protectrices des individus et il est plus facile en Chine qu’en Occident de <a href="https://www.leto.legal/guides/la-protection-des-donnees-personnelles-en-chine-quels-impacts-sur-votre-activite">construire un ensemble de données</a> suffisamment important pour entraîner un modèle de langage. Ce malgré une <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/la-chine-adopte-une-loi-sur-la-confidentialite-des-donnees-personnelles-1811082">loi de type RGPD</a> entrée en vigueur en 2021. Beaucoup d’<a href="https://www.wired.com/story/chinese-start-up-01-ai-is-winning-the-open-source-ai-race/">observateurs</a> attribuent ainsi la compétitivité de Yi à l’ensemble de données sur lequel il a été entraîné. Ce modèle inclut deux fois moins de paramètres que GPT-4 et pourtant les <a href="https://huggingface.co/01-ai/Yi-34B-Chat">performances des deux modèles sont comparables</a>.</p>
<p>La France, elle, ne manque pas d’atouts sérieux dans l’industrie mondiale de l’IA. L’Hexagone compte, lui aussi, un <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/dans-lia-une-ecole-francaise-commence-a-emerger-1953208">nombre important de chercheurs et d’ingénieurs IA</a> de tout premier plan. Beaucoup de ces experts sont impliqués dans la création de réseaux neuronaux, de modèles d’apprentissage ou de langage pour Apple, AT&T, IBM, Google ou Meta. Les financeurs également sont au rendez-vous : Xavier Niel, Rodolphe Saadé et Eric Schmidt ont, par exemple, assuré le lancement de Mistral AI et plus récemment, en novembre 2023, du laboratoire non lucratif Kyutai. Ces deux organisations se sont engagées dans la voie de l’open source et Mistral AI propose déjà un <a href="https://techcrunch.com/2024/02/26/mistral-ai-releases-new-model-to-rival-gpt-4-and-its-own-chat-assistant/">modèle très compétitif</a>.</p>
<p>Par ailleurs, ces deux projets disposent des ressources financières nécessaires à leur développement. Kyutai a déjà levé <a href="https://www.rtl.fr/actu/sciences-tech/intelligence-artificielle-xavier-niel-lance-kyutai-un-labo-francais-de-recherche-pour-contrer-openai-chatgpt-7900322148">300 millions d’euros</a> et Mistral AI vient de finir un tour de financement de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/12/11/la-start-up-francaise-mistral-ai-a-leve-385-millions-d-euros_6205065_3234.html">385 millions d’euros</a> après avoir levé 105 millions d’euros pour son amorçage. Elle était valorisée à hauteur de 2 milliards de dollars à la fin de l’année dernière. Les ressources financières des deux organisations sont donc, aujourd’hui, supérieures à celles de 01.AI en Chine.</p>
<p>La France ne manque donc ni des compétences ni des sources de financement nécessaires au développement de solutions assurant notre indépendance technologique. Elle ne dispose néanmoins pas (encore ?) d’un écosystème autour des modèles <em>open source</em> de Kyutai et Mistral AI. En Chine, Kai-Fu Lee a adossé un institut de recherche et de formation à une société de capital risque dédiée aux financements de projets IA. Une excellente idée et que nous devrions copier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224781/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Braune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plutôt que de le taire, Kai-Fu Lee mise sur l’open source pour faire de son modèle de langage d’IA le vainqueur de la compétition qui s’enclenche.Eric Braune, Professeur associé, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230512024-03-11T14:48:08Z2024-03-11T14:48:08ZLa surveillance numérique est omniprésente en Chine. Voici comment les citoyens y font face<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577749/original/file-20240225-28-qjmkpc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C34%2C3817%2C2121&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le métro de Pékin, des usagers consultent leur téléphone intelligent, où on s’informe, se divertit, échange des messages, personnels et professionnels. Le gouvernement chinois a accès à toutes les données collectées. Comment les citoyens vivent-ils cette surveillance numérique constante?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Pensez-vous souvent aux traces numériques que vous laissez quand vous parcourez le web, achetez en ligne, commentez sur les réseaux sociaux ou passez devant une caméra à reconnaissance faciale ? </p>
<p>La surveillance des citoyens par les États se développe dans le monde entier, mais c’est une réalité de la vie quotidienne en Chine, où elle a des <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-4/surveillance-china-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=4b23b424-16f8-41ce-89e5-09d719356614">racines historiques profondes</a>.</p>
<p>En Chine, on ne paie presque plus rien en liquide. Des <a href="https://search.worldcat.org/fr/title/1043756337">« super-plateformes »</a> rendent la vie facile : on utilise Alipay ou WeChat Pay pour payer un trajet de métro ou de bus, louer un vélo, héler un taxi, faire des achats en ligne, réserver des billets de train et de spectacle, partager l’addition au restaurant ou régler ses impôts et ses factures d’électricité. </p>
<p>Sur ces mêmes plates-formes, on consulte les nouvelles, on se divertit, on échange d’innombrables messages texte, audio et vidéo, personnels et professionnels. Tout ceci est lié au numéro de téléphone de l’utilisateur, lui-même enregistré sous son identité. Le gouvernement a accès aux données collectées par Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi et autres opérateurs. </p>
<p>Les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/poi3.291">listes noires</a> (citoyens indignes de confiance), <a href="https://www.researchgate.net/publication/353602055_Blacklists_and_Redlists_in_the_Chinese_Social_Credit_System_Diversity_Flexibility_and_Comprehensiveness">listes rouges</a> (citoyens méritoires) et les systèmes de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2021-1-page-55.htm">« crédit social »</a> privés et publics ont fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, les travaux récents ont montré que ces systèmes sont encore <a href="https://www.researchgate.net/publication/369147865_Civilized_cities_or_social_credit_Overlap_and_tension_between_emergent_governance_infrastructures_in_China">fragmentés et dispersés sur le plan de la collecte et de l’analyse des données</a>. Ils sont aussi plus <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-981-99-2189-8">artisanaux</a> qu’algorithmiques, avec des processus parfois manuels d’entrée des données et peu de capacités à construire des profils intégrés de citoyens en compilant l’ensemble des données disponibles.</p>
<p>Comment les citoyens chinois vivent-ils cette exposition de tous les instants ? Dans mon ouvrage <a href="https://www.routledge.com/Living-with-Digital-Surveillance-in-China-Citizens-Narratives-on-Technology/Ollier-Malaterre/p/book/9781032517704"><em>Living with Digital Surveillance in China : Citizens’ Narratives on Technology, Privacy and Governance</em></a>, je présente une recherche que j’ai menée en 2019 en Chine. Cet ouvrage repose notamment sur 58 entretiens approfondis semi-structurés avec des participants chinois recrutés avec l’aide de mes collègues dans trois universités à Pékin, Shanghai et Chengdu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes penchées sur leur cellulaire circulent à bord d’un wagon" src="https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578075/original/file-20240226-18-45emg3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le métro de Pékin, des usagers consultent leur téléphone intelligent, où on s’informe, se divertit, échange d’innombrables messages, personnels et professionnels. Le gouvernement a accès aux données collectées par Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi et autres opérateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Démasquer et punir les contrevenants, gagner en moralité</h2>
<p>Comme mes collègues <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1461444819826402">Genia Kostka</a> et <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3958660">Chuncheng Liu</a>, j’ai constaté que de nombreux participants à ma recherche voient la surveillance comme indispensable pour remédier aux problèmes de la Chine. </p>
<p>Cet appui est sous-tendu par un système cohérent de récits angoissants, auxquels remédient des récits rédempteurs. Les récits angoissants insistent sur les lacunes morales que les participants à la recherche attribuent à la Chine : presque tous parlent du <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-6/rules-monitoring-raise-people-moral-quality-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=9424fad5-6e42-4823-874b-3a4adbf97a7b">« défaut de qualité morale »</a> de leurs concitoyens, qui se comporteraient comme des enfants ayant peu de sens moral. </p>
<p>La surveillance permet ainsi de faire appliquer les règles en punissant les contrevenants et de faire en sorte que les gens se comportent mieux. Les lacunes morales sont, dans le discours des participants, responsables du <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-7/national-humiliations-civilisation-dream-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=0167048c-9288-4a50-af2d-67ef75ca2d9a">« siècle d’humiliations »</a> vécu par la Chine depuis les guerres de l’opium et les invasions par le Japon : « civiliser » la population permettra à la Chine de gagner la reconnaissance internationale qu’elle désire ardemment. </p>
<p>Enfin, le fait de vouloir protéger sa vie privée est souvent vu comme une <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-8/saving-face-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=26e22dfc-2812-429d-a0b8-2df3e5fab205">volonté de cacher des secrets honteux pour sauver la face</a>. Là aussi, la surveillance permet de démasquer ces zones d’ombre et de gagner en moralité. </p>
<p>À ces récits de honte et de peur répondent d’autres qui agissent comme un antidote : celui du <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-10/government-protection-order-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=3bc7328b-b04b-45c3-91fc-80e059436273">gouvernement comme figure protectrice</a>, c’est-à-dire qui agit comme un parent bienveillant garantissant sécurité et prospérité à ses enfants, et celui, résolument techno-optimiste, de la <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-11/technology-magic-bullet-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=061fee9e-9fa6-4088-8fa3-9bcff0f94b6b">technologie comme solution magique</a> à tous les problèmes de la Chine et force civilisatrice qui va la propulser sur la voie de la reconnaissance internationale. </p>
<h2>Quatre types de tactiques mentales pour se distancier de la surveillance</h2>
<p>Pourtant, les personnes avec lesquelles je me suis entretenue expriment également de <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-14/misgivings-objections-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=a410f3e8-32c4-469e-9f52-c26deefb50c5">la frustration, de la peur et de la colère</a> à l’égard de la surveillance d’État. Près de 90 % d’entre eux emploient une ou plusieurs <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-13/mental-tactics-dissociate-oneself-surveillance-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=89ae4273-b251-495c-8293-92e28ba99ef3">tactiques mentales</a> pour se distancer et se protéger de la surveillance. </p>
<p>Mon analyse a permis d’en dégager quatre types :</p>
<p><strong>1 – Mettre la surveillance sous le tapis</strong></p>
<ul>
<li><p>Nier ou minimiser l’existence de la surveillance : « Personne ne regarde les caméras. Le gouvernement ne veut pas dépenser de l’argent pour payer des gens qui surveillent tout le temps. Quand ils en ont besoin, ils vérifient ; sinon, personne ne regarde. »</p></li>
<li><p>L’ignorer : « Si je n’aime pas l’idée que je n’ai pas de vie privée et de liberté, je choisis de l’ignorer, je n’y pense pas. » Ou encore : « Oui c’est vrai, mais la surveillance ne se rappelle pas à moi tout le temps. Parfois, je choisis de l’ignorer. »</p></li>
<li><p>La normaliser : « C’est normal de fournir ses données, tout le monde le fait en Chine. » ; « La plupart des gouvernements espionnent leurs citoyens. »</p></li>
<li><p>Redéfinir les restrictions comme étant temporaires, ou moindres que par le passé, ou moindres pour soi que pour d’autres, comme les fonctionnaires. Certains redéfinissent la liberté elle-même : « C’est le pays qui fait les lois, les règlements, c’est comme ça pour tous les peuples. Les autres comportements relèvent de ma liberté, par exemple ce que je vais manger ce midi. »</p></li>
</ul>
<p><strong>2 – Voir la surveillance comme ciblant les autres :</strong></p>
<ul>
<li><p>Parce que moi, je suis juste un citoyen ordinaire : « Je ne suis pas une personne influente, personne ne va vouloir regarder mes données. »</p></li>
<li><p>Ou parce que moi, je suis une bonne personne, et que « la liste noire c’est seulement pour les criminels : l’amélioration des comportements rendra le cadre de vie meilleur pour nous, qui respectons les règles. »</p></li>
</ul>
<p><strong>3 – Se mettre des œillères :</strong></p>
<ul>
<li><p>En se concentrant sur la vie quotidienne : « La plupart des gens ne se soucient pas de la vie privée. Ce qui les intéresse, c’est l’argent et le pouvoir. »</p></li>
<li><p>Ou sur l’instant présent : « On ne peut pas vivre sans AliPay. Nous avons la reconnaissance faciale ; la vidéosurveillance est partout. Ça ne me fait pas de tort pour le moment, jusqu’ici ça ne m’a pas fait de mal réel, donc je ne suis pas si inquiet. »</p></li>
</ul>
<p><strong>4 – S’en remettre au fatalisme :</strong></p>
<p>« Personne ne peut l’éviter… Je ne sais pas comment éviter ce risque, alors je l’accepte. » ; « Nous pensons que ce n’est inutile, enfin, cela ne sert à rien de passer du temps à discuter du système de crédit social puisque nous ne pouvons pas le changer. »</p>
<h2>Le poids cognitif et émotionnel de la surveillance</h2>
<p>En somme, l’imaginaire chinois de la surveillance est caractérisé par de fortes tensions psychiques : ce sont les mêmes personnes qui soutiennent la surveillance comme étant nécessaire dans le contexte chinois, et qui pourtant expriment tout le poids que cette exposition fait porter sur eux. </p>
<p>Ce poids s’exerce tant sur le plan cognitif, comme la variété des tactiques mentales d’auto-protection le montre, que sur le plan émotionnel, avec des réactions et un <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/mono/10.4324/9781003403876-15/self-censorship-ariane-ollier-malaterre?context=ubx&refId=3f08cb71-224e-498d-ac93-917dafa6d0aa">langage corporel particulièrement parlant</a>.</p>
<p>Et qu’en est-il pour nous ? Nous sommes aussi, dans les démocraties libérales occidentales, exposés à la surveillance numérique. Nos imaginaires de la surveillance sont, eux aussi, façonnés par nos environnements sociopolitiques, culturels et économiques. Mon travail me donne à penser que nos récits sur la surveillance sont pour partie communs à ceux des Chinois, et pour partie distincts. </p>
<p>Et vous, comment voyez-vous notre relation à la surveillance ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223051/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Ollier-Malaterre a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle est membre du Work and Family Researchers Network, de l'Association of Internet Researchers et de l'Academy of Management.</span></em></p>La surveillance des citoyens par les États se développe dans le monde entier, mais c’est une réalité de la vie quotidienne en Chine. La population développe des tactiques mentales pour s’en distancier.Ariane Ollier-Malaterre, Professeure de management et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la régulation du digital dans la vie professionnelle et personnelle, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245832024-02-29T09:52:02Z2024-02-29T09:52:02ZL'Afrique a besoin de la Chine pour son développement numérique mais à quel prix ?<p>Les technologies numériques présentent de nombreux avantages potentiels pour les populations des pays africains. Elles peuvent soutenir la prestation de services de santé, promouvoir l'accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, et renforcer l'inclusion financière. </p>
<p>Mais il existe des obstacles à la concrétisation de ces avantages. L'infrastructure de base nécessaire pour connecter les communautés fait défaut par endroits. La technologie et le financement font également défaut. </p>
<p>En 2023, seulement <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">83 %</a> de la population de l'Afrique subsaharienne était couverte par un réseau mobile 3G au moins. Dans toutes les autres régions, la couverture était supérieure à 95 %. La même année, <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">moins de la moitié de la population africaine</a> disposait d'un abonnement mobile actif à haut débit, derrière les États arabes (75 %) et la région Asie-Pacifique (88 %). Par conséquent, les Africains représentaient une part importante des quelque <a href="https://www.itu.int/en/mediacentre/Pages/PR-2023-09-12-universal-and-meaningful-connectivity-by-2030.aspx#:%7E:text=The%20number%20of%20people%20worldwide,global%20population%20unconnected%20in%2023.">2,6 milliards</a> de personnes dans le monde qui étaient toujours déconnectées en 2023.</p>
<p>La Chine est un <a href="https://gga.org/china-expands-its-digital-sovereignty-to-africa/">partenaire clé</a> de l'Afrique pour débloquer ce goulot d'étranglement. Plusieurs pays africains dépendent de la Chine en tant que principal fournisseur de technologie et sponsor de grands projets d'infrastructure numérique.</p>
<p>Cette relation fait l'objet d'une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">étude</a> que j'ai publiée récemment. Cette étude montre qu'au moins 38 pays ont travaillé en étroite collaboration avec des entreprises chinoises pour faire progresser leur réseau national de fibres optiques, leur infrastructure de centres de données ou leur savoir-faire technologique. </p>
<p>L'implication de la Chine a été déterminante si bien que les pays africains ont fait de grands progrès en matière de développement numérique. Malgré la persistance de la fracture numérique entre l'Afrique et d'autres régions, la couverture du réseau 3G <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">est passée de 22 % à 83 %</a> entre 2010 et 2023. Les abonnements mobiles actifs à haut débit ont augmenté <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">de moins de 2 % en 2010 à 48 % en 2023</a>. </p>
<p>Pour les gouvernements, cependant, le risque existe que le développement numérique impulsé par des acteurs étrangers maintienne en place les structures de dépendance existantes.</p>
<h2>Raisons de la dépendance à l'égard des technologies et des financements étrangers</h2>
<p>Le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">marché mondial</a> de l'infrastructure des technologies de l'information et de la communication (TIC) est contrôlé par une poignée de producteurs. Par exemple, les principaux fournisseurs de câbles à fibres optiques, un composant de réseau qui permet l'Internet à haut débit, sont Huawei et ZTE, basés en Chine, et l'entreprise suédoise Ericsson. </p>
<p>De nombreux pays africains, dont les revenus internes sont limités, n'ont pas les moyens de s'offrir ces composants de réseau. Les investissements dans les infrastructures dépendent des financements étrangers, notamment des prêts à des conditions préférentielles, des crédits commerciaux ou des partenariats public-privé. Ces éléments peuvent également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308596124000107">influencer le choix du fournisseur d'infrastructure d'un État</a>.</p>
<p>Le relief du continent africain ajoute aux difficultés technologiques et financières. Les vastes terres et les topographies difficiles rendent le déploiement des infrastructures très coûteux. Les investisseurs privés évitent les zones peu peuplées parce qu'il n'est pas rentable pour eux d'y fournir un service. </p>
<p>Les États enclavés dépendent de l'infrastructure et de la bonne volonté des pays côtiers pour se connecter aux points d'atterrissage internationaux de fibre optique.</p>
<h2>Une solution complète</h2>
<p>On suppose parfois que les dirigeants africains optent pour les fournisseurs chinois parce qu'ils offrent la technologie la moins chère. <a href="https://www.zdnet.com/home-and-office/networking/uganda-orders-probe-into-huaweis-fiber-project/">Des témoignages anecdotiques suggèrent le contraire</a>. Les entrepreneurs chinois sont des partenaires attrayants parce qu'ils peuvent offrir des solutions complètes qui incluent le financement. </p>
<p>Dans le cadre du système dit <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00TN5G.pdf">“EPC+F”</a> (Engineer, Procure, Construct + Fund/Finance), des entreprises chinoises comme Huawei et ZTE supervisent l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction, tandis que les banques chinoises fournissent un financement garanti par l'État. L'Angola, l'Ouganda et la Zambie sont quelques-uns des pays qui semblent avoir bénéficié de ce type d'accord. </p>
<p>Les solutions globales de ce type intéressent les pays africains. </p>
<h2>Quels sont les avantages pour la Chine ?</h2>
<p>Dans le cadre de sa stratégie <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-137-57813-6_6">“go-global”</a>, le gouvernement chinois encourage les entreprises chinoises à investir et à opérer à l'étranger. Le gouvernement offre un soutien financier et attend des entreprises qu'elles améliorent la compétitivité mondiale des produits chinois et de l'économie nationale. </p>
<p>À long terme, Pékin cherche à établir et à promouvoir des normes numériques chinoises. Les partenariats de recherche et les possibilités de formation exposent un nombre croissant d'étudiants à la technologie chinoise. Le gouvernement chinois s'attend à ce que les applications mobiles et les startups en Afrique reflètent de plus en plus les principes technologiques et idéologiques de Pékin, y compris sa vision des droits de l'homme, de la confidentialité des données et de la liberté d'expression. </p>
<p>Cela s'inscrit en droite ligne avec la vision de la “<a href="https://www.orfonline.org/research/the-digital-silk-road-in-the-indo-pacific-mapping-china-s-vision-for-global-tech-expansion">Route de la soie numérique</a>” de la Chine, qui complète son initiative économique <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/chinas-massive-belt-and-road-initiative">Nouvelle route de la soie</a>, en créant de nouvelles routes commerciales. </p>
<p>Dans le domaine numérique, l'objectif est la primauté technologique et une plus grande autonomie par rapport aux fournisseurs occidentaux. Le gouvernement s'efforce d'instaurer un <a href="https://thediplomat.com/2021/04/chinas-digital-silk-road-and-the-global-digital-order/">ordre numérique mondial sino-centré</a>. Les investissements dans les infrastructures et les partenariats de formation dans les pays africains constituent un point de départ. </p>
<h2>Implications à long terme</h2>
<p>D'un point de vue technologique, une dépendance excessive à l'égard d'un seul fournisseur d'infrastructure rend l'État client plus vulnérable. Lorsqu'un client dépend fortement d'un fournisseur particulier, il est difficile et coûteux de changer de fournisseur. Les pays africains pourraient être enfermés dans l'écosystème numérique chinois.</p>
<p>Des chercheurs comme <a href="https://www.researchgate.net/profile/Arthur-Gwagwa">Arthur Gwagwa</a> de l'Institut d'éthique de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) estiment que l'exportation par la Chine de composants d'infrastructures critiques <a href="https://www.dw.com/en/africa-embraces-huawei-technology-despite-security-concerns/a-60665700">permettra l'espionnage militaire et industriel</a>. Ces allégations affirment que les équipements fabriqués en Chine sont conçus de manière à faciliter les cyberattaques. </p>
<p>Human Rights Watch, une ONG internationale qui mène des activités de recherche et de défense des droits de l'homme, <a href="https://www.hrw.org/news/2023/05/09/future-technology-lessons-china-and-us">a exprimé ses préoccupations</a> quant au risque d'un autoritarisme technologique accru lié aux infrastructures chinoises. Huawei a notamment été <a href="https://www.wsj.com/articles/huawei-technicians-helped-african-governments-spy-on-political-opponents-11565793017">accusé</a> d'être de connivence avec des gouvernements pour espionner des opposants politiques en Ouganda et en Zambie. Huawei a <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3023215/huawei-denies-helping-governments-uganda-and-zambia-spy">nié</a> ces allégations. </p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>L'implication de la Chine offre aux pays africains une voie rapide vers le progrès numérique. Elle expose également les États africains au risque d'une dépendance à long terme. La solution consiste à diversifier l'offre d'infrastructures, les possibilités de formation et les partenariats. </p>
<p>Il est également nécessaire de promouvoir l'interopérabilité dans les forums internationaux tels que <a href="https://www.itu.int/en/Pages/default.aspx">l'Union internationale des télécommunications</a>, une agence des Nations unies responsable des questions liées aux technologies de l'information et de la communication. L'interopérabilité permet à un produit ou à un système d'interagir avec d'autres produits et systèmes. Cela signifie que les clients peuvent acheter des composants technologiques auprès de différents fournisseurs et passer à d'autres solutions technologiques. Elle favorise la concurrence sur le marché et des solutions de meilleure qualité en empêchant les utilisateurs d'être enfermés dans les mains d'un seul fournisseur. </p>
<p>Enfin, à long terme, les pays africains devraient produire leurs propres infrastructures et devenir moins dépendants.</p>
<p>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephanie Arnold does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La plupart des gouvernements en Afrique subsaharienne voient d'un bon œil les investissements chinois dans l'infrastructure numérique.Stephanie Arnold, PhD Candidate, Università di BolognaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231262024-02-13T15:41:04Z2024-02-13T15:41:04ZLa globalisation à l’aube d’un nouveau cycle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574392/original/file-20240208-20-dqowjp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C5%2C1943%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le début des annes 1990, la globalisation a connu plusieurs phases. Une nouvelle s'amorce aujourd'hui.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.needpix.com/photo/1618449/technology-globalisation-business-communication-connection-world-network-global-internet">TheDigitalArtist/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La globalisation ne doit pas être conçue comme un processus de convergence aboutissant à un espace mondial plat et lisse dans lequel les technologies, les organisations structurées en réseau et les chaînes de valeur permettent à de grandes firmes installées de combiner et de recombiner des blocs d’activité en mobilisant parfois de la recherche et développement (R&D), souvent des capacités de production et de commercialisation.</p>
<p>Au-delà de l’aspect géographique, la globalisation est aussi un déroulé sur la façon dont les économies nationales et les régions qui les englobent interagissent à un niveau supérieur qualifié de global. C’est ce que nous montrions dès 2012 dans l’essai <em>Les Paradoxes de l’économie du savoir</em> (éditions Hermès Lavoisier).</p>
<p>Sur la période 1990-2022, l’évolution de la globalisation présente ainsi une discontinuité temporelle des flux mondiaux d’exportations, d’importations et d’investissements directs à l’étranger (IDE) marquée par <a href="https://www.piie.com/publications/working-papers/trade-hyperglobalization-dead-long-live">trois phases</a> : d’hyperglobalisation (1990-2008), de crise financière et de stabilisation des trois variables (2008-2011) et de déglobalisation relative jusqu’en 2022.</p>
<p>Ce constat permet une lecture selon laquelle la globalisation s’inscrit dans un cycle et, comme telle, elle a vocation à se reproduire, non pas à l’identique, mais en réorganisant les interconnexions pour répondre aux multiples contraintes économiques, technologiques et géopolitiques.</p>
<h2>Une rupture en 2008</h2>
<p>Entre 1990 et 2008, la croissance annuelle des exportations mondiales (10 %) excède celle du PIB mondial (6 %). Dans de nombreux pays et régions, on observe une forte corrélation entre les flux commerciaux et la croissance qui se soutiennent mutuellement (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>). Des transformations structurelles sont à l’œuvre, la part de l’industrie globale dans la valeur ajoutée mondiale décline de 21 % en 1990 à 16 % en 2011, la désindustrialisation des pays du Nord l’emportant sur l’industrialisation du Sud.</p>
<p>Le système d’échange global prend appui sur des créations institutionnelles (Union européenne, Accord de libre-échange nord-américain, Accord de partenariat transpacifique) et il est fondé sur une idéologie néolibérale centrée sur les entreprises et les marchés et sur des règles globales des flux commerciaux et d’investissements édictées par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC).</p>
<p>La période post-crise financière a par la suite créé de fortes pressions en faveur de la déglobalisation : inégalités croissantes et concurrence accrue, complexité croissante des chaînes de valeur et importance grandissante des considérations géopolitiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une d’un journal américain titrant sur la crise de 2008" src="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574407/original/file-20240208-28-x0v2ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le crise financière de 2008 a déclenché des pressions propices à une déglobalisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/myeye/3152750338">Myeyesees/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le ralentissement du commerce mondial à partir de 2011 a accompagné le freinage de la croissance mondiale. L’analyse de cette période exige toutefois de dissocier les biens et les services : le commerce manufacturier s’est tassé de 15,6 % du PIB mondial en 2011 à 14,5 % en 2021 alors que le commerce des services s’est accru de 6 % du PIB mondial en 2011 à 8 % en 2021.</p>
<h2>La Chine de plus en plus influente</h2>
<p>En phase d’hyperglobalisation, les flux traduisent le pouvoir économique et géopolitique des États-Unis, alors que la phase de tassement est plutôt configurée par l’influence croissante de la Chine qui peut être repérée par deux indicateurs. Le ratio exports-imports/PIB décline de 71 % en 2008 à 35 % en 2022 pendant que la part de marché des exportations manufacturières de la Chine dans les exportations mondiales augmente de 12 % en 2008 à 22 % en 2022.</p>
<p>Le premier indicateur traduit le recentrage de la Chine sur son marché intérieur et le changement d’orientation de la politique économique privilégiant désormais les biens non échangeables, notamment l’immobilier et les infrastructures. Les dépenses publiques orchestrent cette modification de la composition de la production qui a pour effet d’atténuer la compétitivité du secteur échangeable en provoquant une hausse des salaires sur le marché du travail.</p>
<p>Le second indicateur indique que, malgré l’affaiblissement de la compétitivité, le différentiel de productivité en faveur de la Chine dans les biens échangeables est si élevé que les exportations continuent de croître. Dans le même temps, la Chine a élaboré <a href="https://theconversation.com/rcep-lintegration-commerciale-en-asie-met-les-etats-unis-au-defi-de-leurs-ambitions-150474">l’Accord de partenariat économique régional global</a> qui regroupe 15 pays représentant le tiers du PIB mondial et qui représente l’accord le plus vaste de libre-échange dans le monde.</p>
<h2>Les prémisses d’un nouveau cycle</h2>
<p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle de globalisation. Les difficultés actuelles de la Chine (crise démographique, croissance économique ralentie et prévisions de croissance en baisse, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/30/la-chine-de-l-interieur-rattrapee-par-la-crise-de-l-immobilier_6191715_3234.html">effondrement du secteur de l’immobilier</a>) conduisent ce pays à redoubler d’efforts pour acquérir des positions dominantes sur des produits et des technologies critiques, tout en contrôlant les exportations de terres rares. D’où l’attitude « de-risk China » de l’Ouest global pour assurer ses approvisionnements et pour accéder à des produits et des technologies d’importance économique et géopolitique stratégique.</p>
<p></p>
<p>Le principe est qu’il n’y a pas d’opposition entre politiques industrielles et marchés. Les politiques industrielles non seulement corrigent les mécanismes de marché, mais encore elles éclairent les choix stratégiques des entreprises en orientant l’investissement vers des produits et des technologies essentielles pour la sécurité nationale et la neutralité carbone.</p>
<p>Dans ce contexte, des mesures défensives sont prises. L’imposition par les États-Unis et la Chine de multiples barrières sur leurs échanges bilatéraux poussent les entreprises à diversifier leurs sources d’approvisionnement et leurs localisations. En Chine, les IDE ont régressé sur la période 2014-2020, puis se sont effondrés entre 2020 et 2023, passant de 400 milliards à 15 milliards de dollars, pendant qu’ils augmentaient fortement vers d’autres régions : l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Inde. Le déclin marqué des importations chinoises aux États-Unis s’est traduit par une relocalisation partielle de certaines activités et par des importations accrues en provenance de Mexico (15 % en 2023 contre 13,9 % pour la Chine), du Vietnam, etc.</p>
<h2>L’enjeu de sécurité économique s’impose</h2>
<p>Début 2024, la Commission européenne s’est rapprochée des États-Unis en proposant <a href="https://www.aefr.eu/fr/actualites/6474/la-commission-propose-de-nouvelles-initiatives-pour-renforcer-la-securite-economique">plusieurs mesures pour renforcer la sécurité économique</a>. En premier lieu, développer des mécanismes de criblage des IDE en évaluant leurs effets sur les infrastructures et les technologies critiques et identifier les secteurs sensibles (semi-conducteurs, intelligence artificielle, médicaments). En deuxième lieu, elle demande aux gouvernements d’évaluer les risques potentiels d’investir à l’étranger dans les technologies avancées.</p>
<p>Une troisième initiative propose de contrôler les exportations de biens à usage dual, civil et militaire dont les mécanismes de financement de la R&D devraient être sensiblement améliorés. La proposition finale vise à doter les organisations de recherche d’outils permettant d’exercer une « diligence raisonnable » lorsqu’elles s’engagent dans une coopération internationale, afin d’éviter la capture d’informations.</p>
<p>Au bilan, les politiques industrielles contiennent des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protectionnisme-33187">mesures protectionnistes</a>. Le cycle de la globalisation se reproduit en renforçant les formes publiques de pilotage des économies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La volatilité accrue des variables économiques et les incertitudes liées aux conflits géopolitiques amorcent un nouveau cycle marqué par une multiplication des mesures protectionnistes.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224342024-02-06T14:43:40Z2024-02-06T14:43:40ZPourquoi la nouvelle année ne commence pas le 1ᵉʳ janvier en Chine ?<p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions dans un format court et accessible, <a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">l’occasion de poser les vôtres ici !</a></em></p>
<hr>
<p>En Chine, mais aussi dans d’autres pays d’Asie, par exemple, Singapour, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Indonésie ou la Malaisie, la nouvelle année ne commence pas le 1<sup>er</sup> janvier. En effet, leur calendrier est différent de celui que nous utilisons. Notre calendrier grégorien, suit le cycle de la terre autour du soleil, en 365 jours. C’est pour cela que notre Nouvel An commence toujours à une date fixe.</p>
<p>Le calendrier chinois est luni-solaire. C’est-à-dire qu’il se base à la fois sur les mouvements de la Terre autour du soleil et sur les cycles de la lune pour compter les mois et pour fixer les dates des fêtes et des évènements importants. Il suit donc les phases de la lune et les mois sont basés sur les cycles lunaires. Ensuite, des jours sont ajoutés au calcul final pour que les mois solaires et les mois lunaires coïncident.</p>
<p>Pour connaître sa date de Nouvel An, la Chine se sert du calendrier lunaire qui suit les phases de la lune. Ainsi, le premier jour de chaque mois lunaire débute à la nouvelle lune et dure environ 29,5 jours. Le premier jour du premier mois du calendrier lunaire est donc le Nouvel An chinois, aussi appelé fête du Printemps ou Nouvel An lunaire. La date est différente chaque année mais se trouve toujours entre le 21 janvier et le 19 février. Cette année, le Nouvel An se fête le 10 février 2024 et ce sera l’année du dragon.</p>
<p>En effet, dans ce calendrier, un <a href="https://youtu.be/jgcnjxbB9X0?si=_EYqbjGNFDEXv11d">animal du zodiaque est associé à chaque année</a>. Et il y en a 12. Ces animaux sont le rat, le bœuf, le tigre, le lapin, le dragon, le serpent, le cheval, la chèvre, le singe, le coq, le chien et le cochon. Ces mêmes animaux reviennent tous les douze ans, la prochaine année du dragon sera donc fêtée en 2036. D’ailleurs le dragon est considéré comme le plus puissant des douze signes du zodiaque.</p>
<h2>Des repas de fête</h2>
<p>Pour fêter le Nouvel An, comme en France, les Chinois aiment partager un bon repas en famille. Les plats sont nombreux et ils ont souvent une signification symbolique pour porter chance ou santé par exemple. Bien sûr les plats varient d’une région à une autre.</p>
<p>Parmi les plats traditionnels, il y a :</p>
<ul>
<li><p>Des raviolis ou « jiaozi » qui sont souvent farcis de légumes, de viande ou de fruits de mer. Ils sont souvent préparés en famille. Leur forme en lune évoque des lingots chinois et ils symbolisent donc la richesse.</p></li>
<li><p>Des nouilles car elles sont un symbole de longévité. Plus elles sont longues et plus on dit que les personnes invitées vivront longtemps.</p></li>
<li><p>Un poisson servi entier qui représente l’abondance car il se prononce « yu » comme le mot qui signifie « surplus. » Cela veut donc dire que les gens ne manqueront de rien pendant l’année.</p></li>
<li><p>Du poulet, symbole de l’unité de la famille et du canard pour la santé.</p></li>
<li><p>Un gâteau de riz gluant, le Nian gao, signe de prospérité pour la nouvelle année.</p></li>
<li><p>Les fruits ronds et dorés comme les oranges ou les mandarines représentent la chance.</p></li>
</ul>
<p>En Chine, le repas ne se déroule pas comme chez nous avec l’entrée, le plat principal et le dessert. On met tous les plats sur la table, souvent sur un plateau tournant, et chacun se sert et prend ce qu’il a envie de manger. Tout le monde a aussi un bol de riz.</p>
<p>Lors de la fête du printemps, qui dure une quinzaine de jours, les gens aiment faire exploser des pétards, aller voir des feux d’artifice ou des danses du dragon, se promener dans des parcs ou jouer en famille à des jeux comme le mah-jong. A cette période, on offre et on reçoit des enveloppes rouges appelées « Hongbao » et qui contiennent de l’argent.</p>
<p>La fête du Printemps est la plus importante de l’année. Elle se termine le quinzième jour du premier mois du calendrier lunaire par une dernière fête, la fête des Lanternes. Ce soir-là, on va admirer des lanternes de couleurs et de formes variées et l’on mange des boules de riz sucrées appelées « Tangyuan ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222434/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans plusieurs pays asiatiques dont la Chine, on fêtera la nouvelle année ce 10 février, l’occasion de se pencher sur le calendrier luni-solaire.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216742024-01-30T15:22:15Z2024-01-30T15:22:15ZFootball : le premier échec économique de la Chine moderne<p>Le football <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/mondial-et-si-le-football-etait-une-invention-chinoise_3068889.html">aurait été inventé par les Chinois</a> : le cuju, un jeu similaire au football, aurait été créé pour la formation militaire, plusieurs siècles avant notre ère. Malgré cette histoire lointaine et, surtout, malgré ses importants efforts récents, la Chine n’est aujourd’hui guère à l’honneur dans le sport le plus populaire du monde.</p>
<p>En termes de championnat domestique, d’abord. Alors que <a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">l’Arabie saoudite vient de faire signer plusieurs superstars planétaires pour des sommes astronomiques</a>, le championnat de la République populaire peine toujours à émerger sur la scène internationale et ses recrutements ne sont plus à la hauteur de ses ambitions.</p>
<p>En termes d’accueil de grandes compétitions, ensuite : la Chine rêve depuis longtemps d’accueillir une Coupe du monde, mais depuis qu’elle se consacre sérieusement à ce projet les organisations ont été confiées à la Russie (2018), au Qatar (2022), aux trios États-Unis/Mexique/Canada (2026), puis Maroc/Espagne/Portugal (2030) et à l’Arabie saoudite (2034).</p>
<p>En termes de résultats de sa sélection nationale, enfin : l’un des objectifs affichés par la Chine est de remporter une Coupe du monde d’ici à <a href="https://neogeopo.com/fra-archives/chine-x-futur-vers-lhegemonie-de-la-chine-en-2049-avec-10-priorites-strategiques">2049, année du centenaire de la RPC</a>. Mais le football est un domaine où les coûts d’entrée sont très élevés et Pékin l’a appris à ses dépens. Malgré les investissements colossaux consentis dans les années 2000, le bilan sportif est maigre : une seule participation à la Coupe du monde (en 2002, profitant de la qualification directe du Japon et de la Corée co-organisateurs ; la Chine perd ses trois matchs et ne marque aucun but) ; deux finales seulement en Coupe d’Asie (et une <a href="https://www.vietnam.vn/fr/bi-loai-som-o-asian-cup-2023-tuyen-trung-quoc-ngay-lap-tuc-sa-thai-hlv/">élimination piteuse dès les phases de poule cette année, avec zéro but marqué</a>) ; et un classement FIFA qui stagne entre la 70<sup>e</sup> et la 100<sup>e</sup> place depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Les seuls succès enregistrés par le football chinois l’ont été au niveau des clubs, le Guangzhou Evergrande remportant deux fois la Ligue des champions d’Asie, en 2013 et 2015, et au niveau du <a href="https://www.lequipiere.com/le-football-feminin-chinois-en-quete-de-renouveau/">football féminin</a> (neuf victoires en coupe d’Asie et finale de Coupe du monde en 1999).</p>
<p>Cet échec est surprenant pour un pays qui a réussi dans beaucoup de domaines à rattraper son retard, voire à <a href="https://theconversation.com/la-chine-est-elle-re-devenue-la-premiere-puissance-economique-mondiale-181872">dépasser les leaders mondiaux</a>. Un échec auquel Pékin ne se résigne pas : en 2021, l’agence gouvernementale en charge du sport lançait un <a href="https://www.sportstrategies.com/comment-la-chine-veut-toujours-devenir-un-geant-du-football/">nouveau plan sur 15 ans pour faire de la Chine une grande nation de football</a>. Pour la Chine comme pour d’autres pays, le football fait en effet partie aujourd’hui des enjeux géopolitiques et peut même être qualifié d’<a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2017-5-page-134.htm">élément majeur du « soft power »</a>.</p>
<h2>L’investissement massif des années 2000</h2>
<p>Après <a href="https://www.researchgate.net/publication/310037292_An_economic_history_of_Chinese_football_1994_-_2016">l’arrivée du football professionnel en 1994</a> et le lancement de la « Chinese Super League » en 2004, les années 2010 ont vu apparaître des clubs dotés de moyens considérables pour développer le football.</p>
<p>En avril 2016, un <a href="https://footpol.fr/la-chine-et-le-football-le-grand-bond-en-avant-la-geopolitique-chinoise-au-prisme-du-premier-sport-global#">« plan de développement du football à moyen et long terme (2016-2050) » est lancé</a> et le président Xi Jinping (amateur de football) déclare « en avoir assez d’être un nain footballistique alors que la Chine est un géant politique et économique ». L’idée, pour la RPC, est de ne plus accepter d’être battue sur le terrain par des pays voisins de petite taille. Le développement du football est ainsi, pour le pouvoir, un moyen d’affirmer la puissance du pays. L’investissement dans ce domaine relève donc d’une volonté politique de placer la Chine au premier rang des nations dans le sport le plus populaire sur la planète.</p>
<p>Plusieurs recrutements symboliques ont lieu : au premier sélectionneur étranger à prendre les commandes de l’équipe nationale en 1997 (l’Anglais Bon Houghton), succéderont, entre autres, des vedettes de la profession comme le Serbe Bora Milutinovic en 2000, l’Espagnol José Antonio Camacho en 2011, et l’Italien Marcello Lippi en 2016 (vainqueur de la Coupe du monde à la tête de la sélection de son pays dix ans plus tôt).</p>
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<p>Au niveau des clubs, l’année 2012-2013 est marquée par l’arrivée de stars mondiales comme l’Ivoirien Didier Drogba et du Français Nicolas Anelka au club de Shanghai Shenhua, avec des salaires d’un million d’euros par mois (un record pour l’époque).</p>
<p>En 2017-2018, c’est au tour de l’Argentin Carlos Tevez de rejoindre le même club, suivi du Brésilien Hulk au Shanghai Port FC <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/mercato-le-bresilien-hulk-rejoint-la-chine-pour-55-millions-deuros-4331206">(pour un transfert à 55 millions d’euros)</a>. Dans la plupart des cas, <a href="https://www.sofoot.com/articles/anelka-et-drogba-le-constat-dechec-du-foot-chinois-chine-chinese-super-league-mercato">l’aventure se termine mal</a> : les joueurs repartent, les supporters sont déçus et le bilan financier est désastreux.</p>
<p>En matière d’investissement, l’avancée de la Chine s’est également faite, à la même période, avec le rachat de clubs européens par des groupes privés (néanmoins liés à l’État). En 2016, le <a href="https://www.lexpress.fr/sport/le-milan-ac-officiellement-vendu-a-un-groupe-d-investisseurs-chinois_1898802.html">Milan AC est racheté pour 740 millions d’euros</a> (mais finalement, faute de paiement, le club est repris par des Américains). La même année, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/italie/football-linter-milan-rachete-70-par-le-groupe-chinois-suning-4280181">l’Inter de Milan est acheté à hauteur de 70 % par le groupe Suning</a> (pour 270 millions d’euros). En Angleterre, toujours en 2016, <a href="https://www.rtbf.be/article/west-bromwich-rachete-par-un-investisseur-chinois-9369853">West Bromwich Albion est racheté par le groupe Yunyi Guoka</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/sport/angleterre-aston-villa-rachete-par-un-groupe-chinois-18-05-2016-2040301_26.php">Aston Villa par le groupe Recon</a>. En Espagne, c’est <a href="https://www.lindependant.fr/2015/11/03/l-espanyol-barcelone-passe-aux-mains-des-chinois,2108093.php">l’Espanyol Barcelone qui a été racheté en 2015</a> pour 64 millions d’euros.</p>
<p>Des prises de participation sont également opérées dans de grands clubs, sans en prendre le contrôle, comme <a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/le-groupe-chinois-dalian-wanda-prend-20-de-latletico-madrid-1688376">l’Atletico Madrid</a> (20 % pour 45 millions d’euros en 2015). En France, les investisseurs chinois ont également racheté des clubs, comme <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/yonne/auxerre/yonne-le-proprietaire-chinois-james-zhou-nomme-president-du-club-de-l-aj-auxerre-2085133.html">l’ AJ Auxerre</a> (en 2016 pour 7 millions d’euros « seulement »), le <a href="https://www.francebleu.fr/sports/football/fc-sochaux-le-chinois-nenking-devient-officiellement-proprietaire-du-club-1587997600">FC Sochaux</a> (en 2015 pour 7 millions d’euros également), ou des parts de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/fonds-chinois-rachete-20-parts-olympique-lyonnais-1154327.html">l’Olympique lyonnais</a> (20 % en 2016) ou de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2016/06/11/des-investisseurs-chinois-entrent-au-capital-de-l-ogc-nice_1458809/">l’OGC Nice</a> (80 % en 2016).</p>
<p>Enfin, la Guangzhou Evergrande Football Academy de Qingyan est devenue la <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/2017/01/12/27001-20170112ARTFIG00210-l-academie-de-foot-chinoise-de-la-demesure-a-canton.php">plus grande académie de football au monde</a> avec 280 millions d’euros d’investissements par l’entreprise Evergrande et un partenariat avec le Real Madrid qui envoie des entraîneurs espagnols comme conseillers.</p>
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<p>Au niveau des structures, le plan de Xi JinPing prévoyait le développement d’un championnat de haut niveau avec des stades de qualité. Une ambition affichée est d’organiser une Coupe du monde (la Chine ayant déjà accueilli la Coupe du monde féminine de football en 2007). Les stades ont été construits ou agrandis avec l’implication des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Les dix plus gros entrepreneurs chinois ont tous acheté un club du championnat. Par exemple, Alibaba a pris 50 % des parts du Guangzhou Evergrande. L’État a également participé en soutenant directement des clubs (comme Shanghai Port FC). Les droits télévisuels sont passés de 7 millions de dollars en 2014-2015 à 140 millions en 2015-2016. Aujourd’hui, les stades sont là. En plus de dizaines de stades d’environ 30000 places, onze stades plus grands, d’une capacité située entre 57 000 et 80 000 places ont été construits ces 20 dernières années.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/le-football-comme-axe-majeur-du-developpement-sportif-de-la-chine-l-ambition-demesuree-d-une-nation-mineure_4450289.html">Le plan de Xi Jinping</a> prévoyait aussi de rendre le football obligatoire à l’école, de créer 50 000 académies de foot (accueillant 50 millions d’enfants) et de faire en sorte que le football représente 1 % du PIB de la Chine. Son prédécesseur, Hu Jintao, voulait passer « d’un pays de premier plan en termes d’organisations sportives à une puissance sportive de renommée mondiale ».</p>
<p>La professionnalisation a engendré une transformation des instances. Depuis 2020, l’organisation de la Chinese Super League est confiée par la Fédération chinoise de football aux clubs, dans un souci de développement commercial sur le modèle de la Premier League anglaise. Les sponsors se sont développés, avec notamment Ping An (société d’assurance), Nike, Ford, DHL, Shell, Tsingtao ou encore Tag Heuer.</p>
<h2>Le repli actuel</h2>
<p>Les investissements ont été freinés à partir de la fin des années 2010 et une nouvelle politique prônée afin de limiter le « gaspillage ». Certains grands clubs, comme Jiangsu Suning ou Tianjin Tainhai, <a href="https://lucarne-opposee.fr/index.php/actualite/afc/archives/chine/8408-chine-chinese-super-league-2021-le-monde-d-apres">mettent la clé sous la porte en 2020</a>. Le premier, racheté en 2015 par le Suning Appliance Group pour 68 millions d’euros, avait recruté à prix d’or des joueurs internationaux brésiliens (Ramires pour 30 millions d’euros et Teixeira pour 50 millions), ainsi que l’entraîneur italien Fabio Capello. Le second avait recruté le Belge Witsel pour 20 millions d’euros et le Brésilien Pato pour 18 millions d’euros.</p>
<p>Ces disparitions vont de pair avec la crise Covid qui a considérablement affaibli financièrement le football chinois. Même si le repli des investissements avait légèrement anticipé la crise sanitaire, les effets ont été catastrophiques pour la plupart des clubs.</p>
<p>Dès 2017, une <a href="https://www.letemps.ch/economie/football-chinois-somme-mettre-lordre-finances">« luxury tax » avait été imposée par le gouvernement</a> : tout club dépensant plus 6 millions d’euros d’achat d’un joueur doit payer une taxe égale à 100 % de l’indemnité de transfert (réinjectée dans le développement du football en Chine).</p>
<p>Cette mesure, accompagnée d’une surveillance accrue des finances des clubs et de leur solvabilité, a freiné ces derniers dans leur développement. La Chinese Super League a ensuite fixé de nouvelles règles avec un « salary cap » (masse salariale maximale par équipe) et un salaire maximum par joueur afin de limiter la dérive financière.</p>
<p>Les récentes <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-chine/football-lex-president-de-la-federation-chinoise-juge-pour-corruption-cced04e4-be71-11ee-8a7d-fa3ec2db0626">affaires de corruption</a> révélées au sein de la fédération chinoise de football ne font que renforcer les craintes (Chen Xuyuan, président de l’Association chinoise de football, fait l’objet d’une enquête, après l’arrestation de Li Tie, ancien entraîneur de l’ACF et Chen Yongliang, secrétaire général).</p>
<p>Aujourd’hui, le championnat chinois a une valeur marchande (prix estimé de tous les joueurs) très éloignée des plus grands championnats, avec une somme de 154 millions d’euros qui le situe à la <a href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">sixième place sur le continent asiatique</a> mais loin des européens (3,5 milliards pour la Ligue 1 en France ou 10,5 milliards pour la Premier League en Angleterre). Même le championnat des États-Unis est presque dix fois plus coté (1,3 milliard).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valeur des championnats asiatiques en prix des joueurs y évoluant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">Transfermarkt.de</a></span>
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<p>Concernant le nombre de spectateurs dans les stades, les deux années Covid ont faussé les statistiques et la dernière saison redonne des <a href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">chiffres un peu inférieurs à ceux des années précédentes</a> – autour de 20 000 spectateurs en moyenne par match, en stagnation depuis 2014, après une montée rapide de 2009 à 2015 (passant de 14 000 à 22 000). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux d’un championnat majeur comme la Ligue 1, où l’on recense 24 000 spectateurs en moyenne.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Nombre de spectateurs dans le championnat de République de Chine par année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">Transfermakt.de</a></span>
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<h2>L’un des rares échecs internationaux de la Chine de Xi Jinping</h2>
<p>La Chine a beaucoup investi dans le football dans l’optique de gagner une place importante sur la scène internationale permettant d’asseoir sa stature de grande puissance et de développer son soft power.</p>
<p>Les résultats n’ont pas été au rendez-vous et les sommes investies n’ont pas été rentabilisées, si bien qu’aujourd’hui la Chine semble avoir reculé, pour ne pas dire renoncé. Dans ce domaine, elle est désormais largement devancée par d’autres nations asiatiques (Qatar, Arabie saoudite) dont les premiers succès seront toutefois à confirmer.</p>
<p>Cet échec d’un investissement colossal est étonnant dans le paysage économique actuel, tant les succès sont nombreux pour les projets chinois sur des domaines où la Chine partait de loin à l’échelle internationale : éolien, ferroviaire, universités, etc. La Chine semble en avoir tiré les leçons en misant davantage sur la formation (académies de football), et plus généralement en se montrant plus patiente, espérant en tirer profit plus tard avec l’éclosion de talents. Elle paraît avoir réussi à sortir suffisamment tôt de l’emballement et de la folie des grandeurs qui caractérisent les pays du Golfe et qui peuvent conduire à des pertes importantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le championnat chinois ne fait plus recette, l’équipe nationale est très faible, le pays n’a pas obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2030 qu’il convoitait…Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212452024-01-18T17:27:08Z2024-01-18T17:27:08ZAlunissage japonais : pourquoi tant de missions cherchent à se poser sur la Lune<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569509/original/file-20240116-29-1e4r8n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C4%2C1495%2C716&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mission japonaise SLIM en phase d’alunissage (vue d'artiste), prévue dans la nuit du 19 au 20 janvier 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://jda.jaxa.jp/result.php?lang=e&id=1cf84b5cf27bea8355d3f80fbcf1a721">JAXA</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 60 ans, une véritable course à la Lune eut lieu entre l’Union soviétique et les États-Unis, avec comme point d’orgue les six atterrissages Apollo entre 1969 et 1972. Puis le soufflé retomba : pas de base lunaire, pas même d’autre mission vers la Lune pendant pas mal de temps.</p>
<p>Notre satellite restant un objet scientifiquement intéressant, quelques missions lunaires se mirent en place quand même dans les années 1990, comme l’Américaine Clementine en 1994. Petit à petit, d’autres acteurs vinrent s’ajouter : le Japon (Hiten en 1990 puis Kaguya/Selene en 2007), l’Europe (SMART-1 en 2003), la Chine (Chang’e 1 en 2007) et l’Inde (Chandrayaan en 2008). Cependant, il s’agissait d’orbiteurs – des satellites tournant autour de la Lune, l’étudiant de loin.</p>
<p>Désormais, le devant de la scène est occupé par les atterrisseurs… Le Japon tentera ce 19 janvier de devenir le cinquième pays à atterrir sur la Lune avec sa sonde SLIM. C’est l’occasion de faire le point sur les missions qui constituent cette « course à la Lune », et de comprendre pourquoi notre satellite attire les convoitises.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rover en cours de déploiement" src="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans la mission japonaise SLIM, ce rover LEV doit déployé par l’atterrisseur à la surface de la Lune (vue d’artiste).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://jda.jaxa.jp/result.php?lang=e&id=2234b09331e44d2e3227f505c0434e94">JAXA</a></span>
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<p>Le signal de départ de cette nouvelle course à la Lune a été donné en 2007 avec le <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/clap-de-fin-pour-le-google-lunar-xprize-sans-vainqueur_120165">Google X-Prize</a> (le secteur privé marque le secteur spatial depuis les années 2000). Cette initiative devait récompenser le premier acteur privé à atterrir sur la Lune. Cinq équipes avaient été choisies comme finalistes mais au moment de clôturer en 2018, aucune n’avait réussi. Néanmoins, deux lancèrent quand même avec un peu de retard : l’Israélienne Beresheet lancée en 2019 et la Japonaise Hakuto-R lancée fin 2022… hélas sans succès. C’était le début, mais pas la fin. Examinons la situation actuelle.</p>
<h2>La NASA états-unienne, figure de proue entre missions publiques et privées</h2>
<p>Côté américain, le programme lunaire est multiforme. Il y a tout d’abord le programme de la NASA, actuellement baptisé Artemis, censé ramener des astronautes sur la Lune. Il a souffert de divers délais, dus à la fusée SLS… sans oublier un financement insuffisant ou des dépassements divers, qui font qu’Artemis I, mission inhabitée, n’a été lancée qu’en 2022, Artemis II (mission habitée autour de la Lune) vient d’être retardée à 2025 et Artemis III (mission habitée avec atterrissage) n’arrivera pas sur la Lune avant 2026. À noter que les Européens et les Canadiens sont impliqués dans ce programme. Artemis est aussi le nom d’accords internationaux non contraignants rassemblant 23 pays principalement d’Amérique et d’Europe et précisant des « règles » pour les activités lunaires futures.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-renvoyer-des-humains-sur-la-lune-189477">Dossier : Renvoyer des humains sur la Lune</a>
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<p>En parallèle est lancée dès 2018 l’<a href="https://www.nasa.gov/commercial-lunar-payload-services/">initiative CLPS</a> (Commercial Lunar Payload Services). Elle vise à soutenir les entreprises privées (14 actuellement) dans le développement de cargo vers le pôle sud lunaire et consiste en une somme de 2,6 milliards jusque 2028. Il faut donc relativiser un rien le côté « privé » : comme pour le développement du <a href="https://theconversation.com/industrie-spatiale-comment-reguler-le-new-space-206014">New Space</a> au début du millénaire, l’élan privé est fortement soutenu par l’argent public.</p>
<p>C’est cette année que CLPS se concrétise. <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/01/14/l-alunisseur-americain-peregrine-se-dirige-vers-la-terre-et-se-consumera-probablement-dans-l-atmosphere_6210732_1650684.html">Astrobotic vient de lancer Peregrine</a> le 8 janvier 2024, mais cette sonde n’alunira pas suite à un problème de carburant ayant mené à une explosion. Astrobotic doit aussi envoyer le rover <a href="https://science.nasaovission/viper/">VIPER de la NASA</a> en fin d’année 2024. Intuitive Machine lancera en février et dans quelques mois ses missions <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nova-C">Nova-C</a>, tandis que Firefly lancera bientôt la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Blue_Ghost">mission Blue Ghost</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rover dans un grand bac à sable" src="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le rover VIPER de la NASA, en test au laboratoire SLOPE (Simulated Lunar Operations Lab).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.nasa.gov/image-detail/amf-grc-2021-c-00740/">SLOPE lab, GRC</a></span>
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<p>Plus de missions encore sont prévues dans les années qui viennent. Point commun : il y a toujours un cargo NASA, plutôt de nature scientifique, mais il est parfois complété par du cargo privé. Par exemple, Peregrine emportait des cendres humaines… au grand dam des <a href="https://www.space.com/nasa-responds-navajo-nation-objection-human-remains-moon">Navajos qui ont protesté contre la désacralisation de la Lune</a> (la NASA leur ayant répondu que le privé faisait ce qu’il voulait).</p>
<p>Enfin, Musk développe son propre programme, avec une petite visite touristique prévue « bientôt » pour le milliardaire Maezawa…</p>
<h2>La Chine et la série Chang’e explore la face visible et la face cachée de la Lune</h2>
<p>Côté chinois, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_chinois_d%27exploration_lunaire">programme lunaire</a> porte le nom de la déesse associée à notre satellite, Chang’e. Il avance doucement mais sûrement : Chang’e-3 atterrit sur la face visible en 2013, Chang’e-4 atterrit sur la face cachée en 2019, Chang’e-5 ramène un échantillon de la face visible en 2020, et Chang’e-6 fera de même avec la face cachée cette année. On aura ensuite Chang’e-7 pour vérifier les « ressources » disponibles du côté du pôle sud et Chang’e-8 qui préparera l’utilisation in situ de celles-ci. Les atterrisseurs habités suivront dans les années 2030.</p>
<p>À noter : la Chine mène aussi un accord international visant une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_de_recherche_lunaire_internationale">« international lunar research station »</a> avec comme partenaires la Russie, le Venezuela, l’Afrique du Sud, le Pakistan, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, et l’Égypte.</p>
<h2>L’Inde, quatrième nation à réussir un alunissage</h2>
<p>Si l’Inde a signé les accords Artemis, elle possède son propre programme lunaire. La <a href="https://theconversation.com/la-mission-indienne-chandrayaan-3-est-la-premiere-a-se-poser-au-pole-sud-de-la-lune-212063">sonde Chandrayaan-3 s’est posée en 2023, ce qui a donné lieu à une grande célébration</a> – et pas mal de <a href="https://www.science.org/content/article/deeply-troubling-indian-scientists-slam-teaching-materials-moon-mission">récupération politique par le Premier ministre</a> !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="l’atterrisseur de Chadrayaan-3 sur la Lune" src="https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chadrayaan-3 sur la Lune – photo prise par le rover Pragyan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.isro.gov.in/chandrayaan3_gallery.html">ISRO</a></span>
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<p>La suite s’appelle <a href="https://global.jaxa.jp/activity/pr/jaxas/no092/02.html">LUPEX (Lunar Polar Exploration Mission)</a>, une mission prévue pour 2026 avec récolte et analyse sur place d’échantillons lunaires.</p>
<p>Restent deux acteurs non négligeables. La Russie, tout d’abord, mais elle est un peu en perte de vitesse. Après un arrêt de 47 ans, l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/exploration-lunaire-luna-25-ce-on-sait-crash-sonde-russe-lune-97950/">atterrisseur Luna 25</a> fut un échec en août 2023 et l’<a href="https://kosmosnews.fr/2023/10/16/lorbiteur-luna-26-aidera-a-choisir-le-lieu-datterrissage-de-luna-27/">orbiteur Luna 26</a> n’arrivera pas avant 2027.</p>
<p>Cette année sera aussi celle d’un nouvel essai pour la sonde privée japonaise Hakuto-R, après une <a href="https://theconversation.com/le-rover-emirati-rashid-doit-se-poser-sur-la-lune-pour-une-mission-ephemere-204283">échec lors de la phase d’approche pour se poser sur le sol lunaire fin avril 2023</a>.</p>
<h2>Pourquoi tant de convoitise</h2>
<p>Une tripotée de missions vont donc se poser sur la Lune dans les mois et les années qui viennent. Il est légitime de se demander pourquoi…</p>
<p>Plusieurs aspects entrent ici en jeu. Tout d’abord, il y a bien sûr le côté scientifique : <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-scientifiques-veulent-retourner-sur-la-lune-192798">notre satellite naturel garde encore quelques secrets et il reste donc pas mal de choses à étudier là-bas</a>, le mieux étant bien sûr de le faire sur place (avec un atterrisseur) et non de loin (avec un orbiteur). Soyons cependant clairs : faire avancer les connaissances fondamentales ne rapporte pas grand-chose, même si la science sert souvent d’alibi. L’intérêt du privé dans ce domaine est surtout de faire payer des laboratoires scientifiques qui veulent envoyer leurs missions.</p>
<p>Deuxième aspect : la fierté nationale. Comme dans les années 1960, les divers pays et chefs d’entreprise bombent le torse… la Lune apparaît ici comme un trophée, convoité par tous.</p>
<p>Troisième objectif : le tourisme. Le milliardaire japonais Maezawa serait le premier d’entre eux, et probablement pas le dernier… Reste à voir évidemment si la chose sera rentable à long terme, l’effet de nouveauté s’estompant rapidement et le nombre de clients fortunés restant faible.</p>
<h2>La Lune, nouvel eldorado minier ?</h2>
<p>Enfin, il y a évidemment l’attraction principale :les ressources lunaires… Qu’y a-t-il donc de si précieux sur la Lune ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">À qui appartiennent Mars, la Lune et leurs ressources naturelles ?</a>
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<p>De l’hélium-3, un <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/espace/minage-extraterrestre/de-lhelium-3-lunaire-pour-la-fusion-nucleaire/">isotope de l’hélium pouvant être fort utile dans les centrales nucléaires à fusion</a>. Seuls problèmes : pour l’extraire en grandes quantités, il faudra quasiment retourner toute la surface lunaire, la défigurant à jamais, et il n’existe encore aucune centrale de ce type (juste des prototypes comme ITER, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-04045-8">où la fusion est maîtrisée au mieux pendant 10 minutes</a>).</p>
<p>Divers éléments chimiques, ensuite, mais à ce niveau, les astéroïdes métalliques sont plus intéressants, le jour où l’on maîtrisera le « mining » spatial (ce qui est loin d’être le cas).</p>
<p>De la glace d’eau, enfin – surtout présente là où il fait froid, dans les cratères jamais éclairés des pôles lunaires, ce qui explique que de nombreuses missions se dirigent vers ces pôles.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de la production de dihydrogène et de dioxygène par électrolyse de l’eau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f5/Schemas_electrolyse_h2o.svg/657px-Schemas_electrolyse_h2o.svg.png?uselang=fr">Nécropotame, Wikipedia</a></span>
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<p>En lui faisant subir une électrolyse, on récupère de l’oxygène et de l’hydrogène à partir de cette eau. L’oxygène pourrait être utile pour des astronautes installés sur place – mais rappelons qu’aucune base n’est financée à ce jour, il n’y a que des <a href="https://www.esa.int/Enabling_Support/Space_Engineering_Technology/CDF/ESA_engineers_assess_Moon_Village_habitat">projets loin d’être 100 % concrets</a>. Les deux composés peuvent aussi servir de carburant pour des fusées, ce qui pourrait être utile pour des <a href="https://news.columbia.edu/news/envisioning-moon-launch-pad-explore-outer-solar-system">entreprises construisant et lançant des satellites depuis la Lune</a> – là aussi, étant donné qu’il n’y a pas encore de base lunaire, ce genre de plan (usine, base de lancement) relève à ce jour de la science-fiction. Enfin, une « station-service » sur une autoroute spatiale a été évoquée, mais les mêmes réserves s’appliquent évidemment. Bref, au mieux, l’exploitation des ressources lunaires est à envisager à très long terme, et certainement pas pour les années qui viennent.</p>
<p>Un dernier aspect semble intéressant à mentionner dans ce contexte : ces ressources lunaires peuvent être qualifiées de non renouvelables. En effet, l’hélium-3 et l’eau se sont accumulées sur des milliards d’années, et il faudra donc très longtemps pour que vent solaire et comètes remplacent ce qui serait exploité. La question est donc : est-ce une bonne idée de reproduire sur la Lune ce qu’on a fait sur Terre ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lespace-pour-tous-ou-seulement-pour-quelques-uns-143020">L’espace pour tous… ou seulement pour quelques-uns ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/221245/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yaël Nazé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de la tentative d’alunissage d’une mission japonaise, on fait le point sur la course à la Lune et ses raisons.Yaël Nazé, Astronome FNRS à l'Institut d'astrophysique et de géophysique, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212412024-01-17T16:48:30Z2024-01-17T16:48:30ZÉlection de Lai Ching-te à Taïwan : quel impact sur la relation avec Pékin ?<p>Le 13 janvier 2024, le vice-président sortant Lai Ching-te (William Lai), membre du Parti démocrate progressiste (DPP) de la présidente Tsai Ing-wen (élue en 2016 et réélue en 2020), a <a href="https://fr.euronews.com/2024/01/13/election-presidentielle-a-taiwan-les-taiwanais-ont-vote-le-candidat-du-parti-au-pouvoir-fa">remporté l’élection présidentielle taïwanaise</a> avec 40,1 % des suffrages. Il devance les représentants des deux autres grands partis taïwanais : Hou You-yi (Kuomintang, 33,5 %) et Ko Wen-je (Parti populaire taïwanais, 26,5 %). Ces deux formations avaient brièvement envisagé une candidature commune mais n’étaient pas parvenues à s’entendre et se présentèrent en ordre dispersé.</p>
<p>Lai, 64 ans, sera pour les quatre prochaines années le septième président de la République de Chine (Taïwan), le cinquième démocratiquement élu et le troisième issu du DPP. Si l’élection présidentielle est marquée par la continuité du pouvoir du DPP, qui s’engage dans un troisième et inédit troisième mandat consécutif, le parti présidentiel, qui disposait d’une majorité absolue au Yuan législatif (Parlement, 113 sièges au total) avec 61 sièges, doit désormais affronter une opposition qui s’appuie potentiellement sur 60 sièges. En effet, à l’issue des législatives tenues le même jour que la présidentielle, le DPP a perdu 10 sièges et en dispose aujourd’hui de 51, tandis que le Kuomintang (KMT) en a remporté 14 et en possède désormais 52. Le Parti populaire taïwanais (TPP) est passé de son côté de 5 à 8 sièges entre 2020 et 2024.</p>
<p>Le nouveau président doit surtout son succès à l’incapacité de ses opposants à composer un ticket unique, à la mobilisation des électeurs du DPP et au <a href="https://www.lepoint.fr/monde/tsai-ing-wen-la-presidente-taiwanaise-meconnue-au-bilan-presque-parfait-20-12-2023-2547763_24.php">bilan globalement positif</a> du gouvernement de Tsai Ing-wen, dont il restera le vice-président jusqu’à la passation de pouvoirs le 20 mai. Il bénéficie par ailleurs d’une image positive auprès de la population. Son score est cependant très nettement inférieur à celui de Tsai, qui avait rassemblé plus de 57 % des suffrages en 2020, et 2,5 millions de voix supplémentaires. Son élection est donc un succès relatif et même mitigé pour le DPP.</p>
<h2>Prévisible maintien, voire intensification, des tensions avec Pékin</h2>
<p>Si la coexistence d’un exécutif aux couleurs du DPP et d’un Parlement dans lequel le KMT a retrouvé la place de premier parti se traduira par des oppositions sur les questions économiques et sociales, ou encore sur la politique énergétique de Taïwan (sur le nucléaire civil notamment), elle aura aussi un impact sur la relation que Taipei entretient avec Pékin.</p>
<p>Une relation difficile que l’arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen en 2016 avait tendue en raison de sa couleur politique, la RPC multipliant au cours des années suivantes les mesures visant à renforcer l’isolement diplomatique de Taïwan, et menant des <a href="https://www.brut.media/fr/international/6-questions-tres-simples-sur-la-crise-entre-la-chine-et-taiwan-7d562e5d-44b2-4fa5-b5fc-718bf2bfd7fd">manœuvres militaires associées à un discours musclé</a>.</p>
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<p>Pékin n’a d’ailleurs pas manqué de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/14/apres-la-presidentielle-a-taiwan-la-chine-repete-que-toute-initiative-en-faveur-de-l-independance-sera-severement-punie_6210763_3210.html">réagir à l’élection de Lai</a>, pointant du doigt son supposé attachement à la promulgation officielle de l’indépendance de l’île, et le fait que son score est très nettement inférieur à ceux obtenus par Tsai Ing-wen lors des scrutins précédents, comme pour remettre en cause sa légitimité.</p>
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<p>Déjà en 2016 et encore en 2020, la Chine avait manifesté son hostilité à l’égard de l’exécutif taïwanais, et fustigé la présidence de Tsai avant même qu’elle ne fût investie. Tout au long de ses deux mandats, la présidente taïwanaise s’est évertuée à <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230520-ta%C3%AFwan-la-pr%C3%A9sidente-tsai-ing-wen-promet-de-maintenir-le-statu-quo-avec-p%C3%A9kin">conserver un statu quo avec Pékin</a>, ne remettant pas en cause le bilan de son prédécesseur du KMT, Ma Ying-jeou, sur la nécessité d’entretenir une relation économique et commerciale soutenue avec la Chine, mais en insistant sur l’importance de la souveraineté taïwanaise, tant territoriale que politique.</p>
<p>Tsai Ing-wen a également rejeté le <a href="https://thediplomat.com/2022/07/the-1992-consensus-why-it-worked-and-why-it-fell-apart/">« consensus de 1992 »</a>, pierre angulaire du dialogue entre le KMT et le Parti communiste chinois (qui est d’ailleurs interprété différemment des deux côtés du détroit), provoquant l’ire de Pékin et la multiplication des provocations chinoises, notamment de nombreux <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230819-des-man%C5%93uvres-militaires-lanc%C3%A9es-par-la-chine-autour-de-ta%C3%AFwan-%C3%A0-titre-de-mise-en-garde">exercices militaires à proximité de Taïwan</a>. On se souvient en particulier des conséquences de la <a href="https://theconversation.com/ta-wan-la-strategie-indo-pacifique-des-etats-unis-a-lepreuve-189074">visite de la speaker de la Chambre des Représentants américaine, Nancy Pelosi</a>, en août 2022, et l’important déploiement de forces chinoises autour de Taïwan qui s’ensuivit.</p>
<p>La relation entre Taipei et Pékin s’est détériorée au cours des huit dernières années, et le discours chinois sur l’unification, <a href="https://www.bfmtv.com/economie/taiwan-la-menace-de-la-chine-est-elle-serieuse_VN-202401150592.html">par la force si nécessaire</a>, s’est structuré autour de <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n163/article/le-reve-taiwanais-de-xi-jinping">l’objectif de 2049</a>, année du centenaire de la République populaire de Chine.</p>
<p>Dans ce contexte, et dès lors que Pékin semble diaboliser le DPP comme étant son principal ennemi à Taïwan, les tensions vont se perpétuer dans les quatre prochaines années et la Chine poursuivra ses manœuvres militaires visant à démontrer sa détermination et ses capacités. Difficile en revanche de savoir si ces tensions seront plus fortes, cela étant lié à l’agenda stratégique chinois et à la capacité de Taipei à faire baisser la pression sans faire de compromis sur sa souveraineté.</p>
<h2>Comment les partis taïwanais travailleront-ils ensemble sur le dossier des relations avec la RPC ?</h2>
<p>La question de la souveraineté de Taïwan, notamment <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/selon-sa-presidente-taiwan-restera-libre-pendant-des-generations-979444.html">mise en avant par Tsai Ing-wen</a>, est au cœur de la relation inter-détroit telle que la conçoit Lai Ching-te.</p>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2012-2-page-113.htm&wt.src=pdf">projet indépendantiste du DPP</a>, qui avait sous la présidence de Chen Shui-bian (2000-2008) considérablement tendu la relation avec Pékin, a évolué vers une position plus modérée, axée sur un principe de coexistence pacifique et de statu quo. De son côté, le KMT a évolué d’une posture favorable à l’unification à une relation de bon voisinage avec la Chine. De fait, aucun grand parti politique taïwanais ne prône l’unification – une <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1325518/avis-population-taiwainaise-avenir-du-pays/">perspective de moins en moins soutenue par la société taïwanaise</a> – et l’on observe ainsi une convergence entre le KMT et le DPP sur ce sujet. Si les deux partis n’ont pas manqué de se critiquer mutuellement lors de la campagne, c’est essentiellement autour de slogans défendant la démocratie (pour le DPP) et la paix (pour le KMT), tandis qu’indépendance et unification ont quasiment disparu des argumentaires.</p>
<p>Dans ce contexte, et compte tenu des rapports de force au Parlement, un dialogue renforcé entre les deux grands partis politiques (auquel pourrait se joindre le TPP) est envisageable, et le nouveau président pourrait même s’appuyer sur la capacité du KMT à dialoguer avec Pékin, les deux partis n’ayant plus de divergences de fond sur le sujet. La très forte animosité entre le KMT et le DPP a laissé place à des débats de fond et à un respect mutuel, que l’impératif de coopération ne peut que renforcer.</p>
<h2>Une nouvelle phase dans l’affirmation démocratique de Taïwan</h2>
<p>De nombreux commentaires dans le monde occidental ont résumé le résultat de l’élection du 13 janvier à une <a href="https://www.wsj.com/articles/taiwans-victory-for-democracy-0594c04d">victoire pour la démocratie</a>. Cela est à la fois excessif et vérifié.</p>
<p>Excessif car aucun parti en compétition lors de l’élection n’est anti-démocratique, pas plus qu’aucun n’est pro-unification, et donc favorable à Pékin. C’est d’ailleurs Lai lui-même qui, à l’occasion d’un débat télévisé opposant les trois candidats, rappela qu’aucun d’entre eux n’était le candidat de Pékin. Par ailleurs, les deux vaincus concédèrent leur défaite très rapidement et félicitèrent le vainqueur, dans une atmosphère de respect mutuel et des institutions démocratiques taïwanaises.</p>
<p>Ce constat est cependant vérifié, ou plus exactement vérifiable, dès lors qu’il met en avant non seulement la bonne tenue de l’élection, en dépit des pressions exercées par Pékin, mais aussi la perspective d’une collaboration indispensable entre les différents partis pour faire adopter des lois. Le KMT dispose de la majorité au Yuan législatif, mais n’aura la majorité absolue qu’avec le TPP, et doit donc travailler avec le jeune parti fondé par Ko Wen-je. De son côté, l’exécutif ne pourra ignorer le poids du Parlement, et devra ainsi engager des pourparlers avec les deux partis d’opposition.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que l’exécutif est confronté à une forte opposition parlementaire (ce fut notamment le cas lors du second mandat de Chen Sui-bian, de 2004 à 2008), mais le fait que le parti présidentiel ne soit pas le premier parti représenté au Yuan législatif est en revanche inédit. Dès lors, la coopération est inévitable, sauf à envisager un blocage des institutions, ce qu’aucun des partis taïwanais ne semble aujourd’hui considérer. Jeune démocratie aujourd’hui reconnue à échelle internationale pour la force et le respect de ses institutions, Taïwan continue de marquer de précieux points qui ne font que renforcer sa visibilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Courmont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le nouveau président hérite d’une situation très tendue avec la République populaire de Chine, mais aussi d’un climat politique intérieur relativement apaisé.Barthélémy Courmont, Directeur du master Histoire -- Relations internationales, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197732024-01-14T16:26:27Z2024-01-14T16:26:27ZKouang Tchéou Wan : la concession française qui voulait rivaliser avec Hongkong<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567131/original/file-20231221-21-glb7sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C907%2C578&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Miliciens chinois et officiers français dans le territoire français de Kouang Tchéou Wan. Carte postale des années 1920 ou 1930.</span> </figcaption></figure><p>La célébration du soixantième anniversaire de <a href="https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/39242">l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine</a> (27 janvier 1964) invite à se retourner sur la longue histoire du lien entre les deux pays et, notamment, sur un épisode peu connu : celui de Kouang Tcheou Wan (KTW).</p>
<p>En 1899, la France signe un bail de 99 ans avec la Chine pour l’acquisition de ce territoire de 1 300 km<sup>2</sup>, peuplé d’environ 200 000 habitants, situé sur la péninsule de Leizhou, dans le sud de la Chine continentale. KTW aurait donc dû être restitué en 1998, peu après le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/en-1997-la-chine-recupere-hong-kong-et-fait-des-promesses-8398189">retour de Hongkong dans le giron chinois</a>. Mais il le fut dès 1946. Ce pan de l’histoire de la présence française en Chine est le symbole d’un échec de l’expansion française sur le continent asiatique.</p>
<p>L’implantation d’une concession française dans cette région est le fruit d’une politique chinoise de développement économique : au XIX<sup>e</sup> siècle, la Chine a décidé de céder des parties de son territoire à des puissances étrangères dans le but de faciliter son développement économique grâce aux investissements. C’est ainsi que la Russie (Lushunkou, 1897), la Prusse (Qingdao, 1898) ou encore le Royaume-Uni (Hongkong, 1898) se sont implantés en Chine.</p>
<p>Par le bail signé le 16 novembre 1899, Paris rattache administrativement ce territoire à <a href="https://cafi-histoires-memoires.fr/l-indochine/la-france-en-indochine">l’Indochine, instaurée en 1887</a>, et nomme sa capitale Fort-Bayard (aujourd’hui Zhanjiang), une petite ville cotière. La concession de Kouang Tchéou Wan s’est faite par le biais d’un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5839871c/f77.item">échange de lettres</a> et non pas via un traité, démontrant la grande prudence de la Chine, qui précise dans ces lettres que « cette location n’affectera pas les droits de souveraineté de la Chine sur les territoires concédés », c’est-à-dire que Pékin reprendra entièrement la main 99 ans plus tard.</p>
<h2>Une concession aux enjeux stratégiques</h2>
<p>À travers l’obtention de cette concession, la France avait pour objectif de rivaliser avec le développement économique des Britanniques installés à Hongkong un an plus tôt. Paul Doumer, alors gouverneur général de l’Indochine, a choisi cette baie où le riche sous-sol avait été prospecté par un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3754332.r=claudius%20madrolle?rk=193134;0">explorateur français en 1896</a> mais qui avait été qualifiée dans les cartes britanniques de « baie sans espoir ».</p>
<p>Avant Kouang Tchéou Wa, la France a déjà possédé des concessions en Chine à l’image de <a href="https://www.cairn.info/la-france-en-chine--9782262042097-page-226.htm">Shanghai</a> (1849-1946), <a href="https://souvenir-francais-asie.com/tag/concession-franco-britannique-de-shamian/">Canton</a> (1861-1946), <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01985187/document">Tientsin</a> (1861-1946) ou encore <a href="https://www.lepoint.fr/histoire/la-longue-histoire-des-francais-a-wuhan-03-05-2020-2373900_1615.php">Hankéou/Wuhan</a> (1886-1943). Ces précédentes concessions interdisaient cependant la construction d’un port destiné à la marine française, pour ne pas concurrencer les installations existantes (à Canton ou Shanghai), d’où le choix de KTW, où il n’y avait pas de port industriel.</p>
<p>Depuis ce port, la France pouvait ainsi exporter des produits miniers, contrôler le trafic maritime en mer de Chine méridionale pour mieux exporter, éviter la contrebande et éliminer les pirates <a href="https://www.entreprises-coloniales.fr/inde-indochine/Kouang-tcheou-Wan.pdf">(quelques centaines d’après la presse de l’époque</a>. Le phare de Fort-Bayard, construit en 1904, est emblématique de cette stratégie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte postale avec le phare de Nao Tchéou. 1905.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Phare_de_Nao-Tchéo_%28Nǎozhōu%29_1905_%28carte_postale%29.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Une chambre de commerce française est ouverte en 1930. La France organise administrativement le territoire en remplaçant les mandarins locaux, en recensant la population et les armes en circulation, en mettant en place un système d’impôts et de douane ainsi qu’un système judiciaire et un service de renseignement pour prévenir les risques de soulèvements et s’informer sur la piraterie. La présence française prend aussi une dimension militaire avec l’installation de trois bataillons d’infanterie de marine, une section d’artillerie, un bataillon de tirailleurs chinois et une milice chinoise.</p>
<h2>Le faible développement et la fin de la présence française</h2>
<p>KTW va se développer lentement et ne connaîtra pas le même succès économique que Hongkong. La population totale n’a pas réussi à dépasser les 200 000 habitants (dont seulement une centaine de Français). Dès le début, le développement est menacé par le manque de financement et l’hostilité des habitants. Les fonctionnaires ne reçoivent pas toujours leur paie, et l’approvisionnement en charbon des navires de passage est difficile tandis que les installations télégraphiques se font attendre.</p>
<p>KTW passe ainsi pour un <a href="https://journals.openedition.org/abpo/3492">« territoire oublié de la Marine »</a> marqué par un certain isolement et un quotidien morose d’après Charles Broquet, médecin de la Marine stationné à Kouang Tchéou Wan. Les épidémies de peste et la dysenterie rendent la vie sur place difficile, d’autant que les pirates, qui procèdent notamment à des enlèvements, demeurent une menace constante.</p>
<p>En matière d’échanges économiques, les exportations sont majoritairement tournées vers Hongkong, qui n’impose pas de droits de douane, au détriment de l’Indochine. La distance joue aussi un rôle, KTW se trouvant à 22 heures de route de Hongkong et 48 heures de Haiphong, la ville côtière indochinoise la plus proche. KTW devient ainsi simplement un satellite de Hongkong. Le chiffre d’affaires du commerce est toutefois trois fois supérieur à celui de La Rochelle mais correspond seulement à un quart du trafic du port aquitain (les marchandises étant plus coûteuses et plus rares).</p>
<p>D’après la géographe <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1925_num_34_187_8102">Andrée Choveaux</a>, l’agriculture a néanmoins fortement progressé durant la période. Avant l’arrivée de la France, la production locale de riz ne suffisait pas à la consommation locale et avait rendu indispensable le développement de nouvelles rizières afin de satisfaire les besoins grandissants.</p>
<p>Dans le même temps, la culture de la pomme de terre et du sel et la pêche ont aussi connu un développement alors que le coton, lui, n’a pu être développé en raison du climat et notamment des typhons fréquents. L’installation de sucreries, tanneries et briqueteries a complété l’industrie locale. Cependant, la Banque de l’Indochine, qui a alors le monopole de l’émission de la monnaie dans les colonies françaises d’Asie et du Pacifique, ne s’installe à KTW qu’à partir de 1925, signe d’une économie locale faible et peu intéressante.</p>
<p>Après la Première Guerre mondiale, la France souhaite mettre fin à son implantation en Chine et se recentrer sur l’Indochine, prenant conscience que KTW ne rivalisera pas avec Hongkong dont la population a doublé, atteignant plus de 600 000 habitants. En 1925, face à la pression impérialiste japonaise ayant des visées sur les côtes chinoises depuis plusieurs décennies, la France pense à transformer KTW en port de guerre. Cependant, les crédits ne suivent pas, notamment à cause de la crise économique des années 1930, et le projet ne voit jamais le jour.</p>
<p>En 1943, le territoire est occupé par le Japon. Le 18 août 1945, à Chongqing, la France et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_de_Chine_(1912-1949)">République de Chine</a> (le régime qui a précédé la RPC) signent un acte de rétrocession du territoire. Le drapeau français est retiré le 20 novembre 1945 et la ville de Fort-Bayard change de nom pour redevenir Zhanjiang. L’idée de rétrocession avait été évoquée dès 1922, mais la France militait pour une rétrocession générale de toutes les concessions étrangères, qualifiées en 1924 de « traités inégaux » par <a href="https://www.cairn.info/les-trente-empereurs-qui-ont-fait-la-chine--9782262051587-page-459.htm">Sun Yat-sen</a>, premier président de la République de Chine, soulignant leur caractère discriminatoire et déséquilibré. Une première concession britannique, Wei-Ha-Wei, avait fini par être rétrocédée en 1930 après 7 ans de négociations.</p>
<h2>L’héritage français</h2>
<p>En 1940, la France avait inauguré un monument en bronze en souvenir de l’escale de six mois à KTW du bateau Amphitrite en 1701-1702 lors de son second voyage en Chine. Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de la présence française, si ce n’est quelques monuments chinois, dont certains symbolisent l’hostilité à l’ancien pouvoir colonial.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Monument à la résistance anti-française.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Suixi_County_-_P1580467_-_Huanglüe_People_Anti-French_Resistance_Monument.jpg?uselang=fr">Vmenkov/Wikimedia</a></span>
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<p>Le quotidien des Français sur place a laissé une image ternie par le trafic d’absinthe et d’opium, dont KTW était une plaque tournante. Pour l’historien spécialiste du territoire <a href="https://www.lesindessavantes.com/ouvrage/kouang-tcheou-wan-colonie-clandestine/">Antoine Vanière</a>, la concession a été gérée comme une colonie mais avec opacité et affairisme. La France avait formé localement des cadres et une élite francophone d’un millier de personnes, avec un lycée français d’enseignement bilingue. Cependant, la francophonie a rapidement chuté dans les années 1960, lorsque parler français était considéré comme une attitude impérialiste.</p>
<p>À l’inverse, pour <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5839871c/f1.item">Alfred Bonningue</a>, fervent défenseur du colonialisme français, la présence française a été source de bienfaits avec des avancées dans les domaines sanitaires (hôpitaux), de l’instruction publique (collège Albert Sarraut) ou de la sécurité (paix, justice avec de nouveaux tribunaux et suppression des châtiments corporels). L’auteur avance une comparaison avec les investissements réalisés au Niger qui avait une population cinq fois plus importante, mais où les investissements français ont été inférieurs à 40 % de ceux réalisés à KTW.</p>
<p>L’héritage français se retrouve encore aujourd’hui à travers la religion catholique, pratiquée par environ 5 % de la population à Zhanjiang. Enfin, en 2014, la ville de Zhanjiang a construit une rue « à la française » sur le thème du voyage et des loisirs pour développer le tourisme. Cette rénovation s’inscrit dans une politique plus large qui promet de protéger et de rénover les anciens bâtiments de style français (police, église, chambre de commerce, phare), et de favoriser le développement du secteur de la mode.</p>
<h2>Zhanjiang aujourd’hui</h2>
<p>Après le départ des Français, Zhanjiang s’est développée rapidement : une base navale est construite en 1956 par le gouvernement chinois qui y abrite une flotte de guerre. Sa localisation stratégique sur les côtes de la mer de Chine a rapidement fait prospérer la ville, dont le port lui permet de commercer avec une centaine d’autres cités de Chine et d’ailleurs en Asie et dans le reste du monde.</p>
<p>Dès 1984, la Chine a ouvert la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ouverture-economique-chinoise">Zhanjiang Economic and Technological Development Zone</a>, permettant ainsi à la ville de recevoir des investisseurs étrangers. Cette zone favorise aussi l’implantation d’entreprises de biotechnologies et d’informatique. Les secteurs des chantiers navals et des industries automobiles, électriques et textiles fleurissent, tout comme les raffineries de sucre, minoteries et usines chimiques. Le tourisme se développe aussi, avec l’inauguration de parcs d’attractions. Aujourd’hui, Zhanjiang entretient des relations étroites avec Taïwan, notamment dans le domaine agricole, renforçant ainsi son rôle stratégique.</p>
<p>La présence française à Kouang Tchéou Wan de la Chine reste un échec, pour ne pas parler de <a href="https://www.cairn.info/nouvelle-histoire-de-l-indochine-francaise--9782262088019-page-170.htm">fiasco</a>. Le parallèle avec Hongkong est frappant : de tailles presque comparables – chacune abrite aujourd’hui environ 7 millions d’habitants – les deux sites ont connu des destins complètement différents et la politique économique britannique, plus audacieuse, y est pour beaucoup.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Méconnu, le territoire Kouang Tchéou Wan est un fragment de l’histoire de la présence française en Chine. Son développement économique fut un échec vis-à-vis de sa rivale Hongkong.Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648950102583648256"}"></div></p>
<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
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<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204122024-01-03T17:36:08Z2024-01-03T17:36:08ZFrance-Chine, 60 ans d’ambivalence<p>Le 27 janvier 1964, le général de Gaulle, de retour aux affaires depuis cinq ans, concrétise l’un de ses objectifs de politique étrangère : la reconnaissance de la République populaire de Chine (RPC). Quatre jours plus tard, lors d’une conférence de presse, <a href="https://www.elysee.fr/charles-de-gaulle/1964/01/31/conference-de-presse-du-general-de-gaulle-president-de-la-republique-palais-de-lelysee-paris-le-31-janvier-1964">il précise</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La masse propre à la Chine, sa valeur et ses besoins présents, la dimension de son avenir la font se révéler de plus en plus aux intérêts et aux soucis de l’univers tout entier. Pour tous ces motifs, il est clair que la France doit pouvoir entendre directement la Chine et aussi s’en faire écouter. »</p>
</blockquote>
<p>Reconnaissance tardive – elle intervient bien après celle effectuée par le Royaume-Uni en 1950, pour ne citer qu’un exemple – liée à une conjoncture défavorable (le Vietminh puis le FLN algérien étant soutenus par Pékin), mais reconnaissance effective conduisant, pour Paris, à la renonciation à tout contact diplomatique officiel avec l’« autre » Chine, la République de Chine, réfugiée sur l’île de Taïwan depuis 1949, avec à sa tête Chiang Kaï-chek. Soixante ans plus tard, les conseils du Général semblent plus que jamais d’actualité, tant la RPC est devenue un acteur incontournable des relations internationales.</p>
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<p>En 2024, le 60<sup>e</sup> anniversaire de cette reconnaissance devrait être célébré en grande pompe, tant cet exercice diplomatique est l’occasion de communiquer sur la coopération économique entre les deux pays (on se souvient du <a href="https://www.leventdelachine.com/vdlc/2014-13-14/france-chine-50-contrats-pour-le-50e-anniversaire-201403/">slogan</a>, il y a dix ans, « 50 contrats pour le 50<sup>e</sup> anniversaire »).</p>
<p>Pourtant, en six décennies, le rapport de force entre ces deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU a bien changé, au profit de la RPC. Cet anniversaire intervient dans un contexte géopolitique particulièrement tendu : rivalité sino-américaine, guerre en Ukraine, conflits au Proche et au Moyen-Orient, tensions dans l’Indo-Pacifique, influence croissante chinoise en Afrique… Autant de sujets qui structurent une relation bilatérale en pleine évolution.</p>
<h2>60 ans, 60 milliards de déficits</h2>
<p>En 1964, la Chine disposait d’un avantage démographique sur la France, mais sur le plan économique les indicateurs français étaient bien meilleurs, l’Europe occidentale jouissant alors d’une période de pleine croissance (les trente glorieuses) tandis que la Chine sortait à peine de la <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2012-2-page-329.htm">« Grande famine »</a> qui sévit entre 1958 et 1962 en conséquence de la politique désastreuse du Grand Bond en avant, qu’allaient aggraver dès 1966 les dix années noires de la <a href="https://www.cairn.info/histoire-de-la-chine--9791021001107-page-545.htm">Révolution culturelle</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567506/original/file-20231230-25-51hb2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Douanes/Réalisation Paco Milhiet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="attribution"><span class="source">Douanes/Réalisation Paco Milhiet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En 2023, la relation économique apparait des plus déséquilibrées, avec un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/avec-la-chine-un-deficit-commercial-toujours-plus-abyssal-1932406">déficit commercial français abyssal</a> de plus de 50 milliards d’euros en 2022 – le plus grand déficit commercial bilatéral français. Si les multinationales françaises continuent de faire des profits en Chine (aéronautique et spatial, agroalimentaire, produits de luxe, cosmétique), les bénéfices sur l’ensemble du tissu économique national sont moins évidents, l’ouverture tous azimuts au capitalisme d’État chinois favorisant la désindustrialisation et la perte d’avantages compétitifs de nombreux produits à haute valeur ajoutée. À l’horizon 2024, la barre symbolique des 60 milliards d’euros de déficit devrait être atteinte.</p>
<p>Certes, un tel déséquilibre bilatéral n’est pas l’apanage de notre seul pays, le déficit commercial global des pays de l’UE vis-à-vis de la Chine <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/lue-veut-reequilibrer-durgence-sa-relation-commerciale-avec-la-chine-2039750">s’élevant en 2022 à la somme astronomique de 400 milliards d’euros</a>.</p>
<p>Largement biaisés par des considérations idéologiques et le mythe d’une RPC qui respecterait les règles du commerce mondial après son accession à l’OMC (2001), les exécutifs français et européens n’ont su contrecarrer ni les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-chine-est-le-pays-le-plus-protectionniste-vis-a-vis-de-leurope-1029884">mesures protectionnistes de la Chine sur son marché intérieur</a>, ni les subventions chinoises dissimulées. Les indicateurs économiques les plus récents obligent à constater l’écrasant avantage et l’omnipotence de la RPC dans de nombreux pans de l’économie pour lesquels chaque déficit sectoriel apparaît colossal et peu réversible.</p>
<h2>Le « en même temps » à l’œuvre</h2>
<p>Oscillant entre intégration à des organismes multilatéraux censés démultiplier sa puissance et volonté de porter une voix singulière dans les relations internationales, le positionnement français vis-à-vis de la RPC est un exemple caractéristique du « en même temps » élyséen dans la pratique des relations internationales. Ainsi, dans une volonté globale visant à lier les contextes euro-atlantique et indo-pacifique, les principales organisations multilatérales auxquels la France contribue ont toutes durci leurs positions contre Pékin.</p>
<p>L’OTAN d’abord, avec deux documents doctrinaux récemment publiés, le programme <a href="https://www.nato.int/nato2030/fr/">OTAN 2030</a>, et le <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_210907.htm">concept stratégique 2022</a>, qui désignent sans équivoque la Chine comme un concurrent et une menace pour l’ordre international. L’UE ensuite, qui par le truchement d’un document-cadre publié en 2022 intitulé <a href="https://theconversation.com/le-petit-pas-inapercu-de-lue-vers-une-defense-commune-203011">« la boussole stratégique »</a>, a qualifié la RPC de « rival systémique ». Le G7 enfin, dont le dernier sommet à Hiroshima, en 2023, a abouti à un <a href="https://www.g7hiroshima.go.jp/documents/pdf/Leaders_Communique_01_en.pdf">communiqué conjoint</a> par lequel les chefs des États formant le Groupe ont adressé plusieurs reproches explicites au gouvernement de Pékin.</p>
<p>Ainsi, l’OTAN, l’UE, et le G7 voient clairement la RPC comme un concurrent, voire comme une menace. La France, pourtant membre de ces trois organisations, tient dans le cadre bilatéral franco-chinois un discours plus policé, consciente que Pékin est un interlocuteur incontournable sur un certain nombre d’enjeux transnationaux : dossier climatique, dette des pays en voie de développement, guerre en Ukraine, crise au Moyen-Orient, etc. Les observateurs ont pu constater cette singulière approche française lors de la <a href="https://theconversation.com/macron-a-pekin-les-europeens-peuvent-ils-freiner-le-rapprochement-sino-russe-201980">dernière visite d’Emmanuel Macron en Chine en avril 2023</a>, le président français appelant à cette occasion les Européens à ne pas <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/09/taiwan-emmanuel-macron-appelle-l-union-europeenne-a-ne-pas-etre-suiviste-des-etats-unis-ou-de-la-chine_6168865_3210.html">« être suivistes »</a> des États-Unis sur la question taiwanaise.</p>
<p>Par ailleurs, lors du sommet de l’OTAN de Vilnius, Emmanuel Macron a confirmé <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2023/07/09/national/tokyo-nato-office/">son refus</a> de voir une antenne de l’OTAN ouvrir à Tokyo, probablement pour ne pas susciter le mécontentement de Pékin, dont les officiels ont rappelé à de nombreuses reprises qu’ils voyaient d’un très mauvais œil l’extension de l’Organisation à la région Asie-Pacifique. La France juge qu’il est dans son intérêt de ne pas provoquer la Chine dans cette zone, à laquelle les ramifications de la relation franco-chinoise s’étendent désormais largement.</p>
<h2>L’Asie-Pacifique, future composante centrale de la relation sino-française ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/04/07/declaration-conjointe-entre-la-republique-francaise-et-la-republique-populaire-de-chine">communiqué conjoint</a> franco-chinois publié à l’issue du voyage du président français en 2023 mentionne en son point quatre que :</p>
<blockquote>
<p>« La France et la Chine s’accordent à approfondir les échanges sur les questions stratégiques et notamment entre le Théâtre Sud de l’Armée populaire de libération de la Chine et le Commandement des forces françaises en Zone Asie-Pacifique (ALPACI). »</p>
</blockquote>
<p>Une reconnaissance explicite chinoise de la légitimité française à se poser comme puissance de l’Indo-Pacifique ? C’est une évolution notable qui contraste avec la posture traditionnelle des officiels chinois, la RPC ayant longtemps considéré la France comme une puissance non légitime dans la zone. On se souvient des <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/06/02/la-france-puissance-de-l-asie-pacifique-combien-de-divisions_3422496_3216.html">remarques acerbes</a> d’un amiral chinois au Shangri-La Dialogue en 2013 : « Pour nous la France, c’est en Europe. »</p>
<p>Par ailleurs, si Pékin n’a jamais contesté ouvertement la souveraineté de Paris sur les collectivités françaises de la zone, le développement incontestable de la RPC dans le Pacifique océanien a souvent été mis en avant comme repoussoir à toute velléité indépendantiste, notamment en <a href="https://www.lefigaro.fr/international/ambitions-geostrategiques-ressources-enviables-pourquoi-la-chine-etend-son-influence-en-nouvelle-caledonie-20230725">Nouvelle-Calédonie</a>. Rappelons que deux chefs d’exécutifs indépendantistes sont actuellement aux affaires à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/08/un-independantiste-kanak-a-la-tete-du-gouvernement-de-nouvelle-caledonie_6087453_823448.html">Nouméa</a> et à <a href="https://www.lemonde.fr/outre-mer/article/2023/05/13/l-independantiste-moetai-brotherson-elu-president-de-la-polynesie-francaise_6173181_1840826.html">Papeete</a>, et revendiquent des relations spécifiques avec la RPC, parfois en dehors de la relation sino-française.</p>
<p>Une évolution significative de la relation sino-française qu’il conviendra de surveiller pendant les dix prochaines années. Si d’aucuns jugent la position française ambivalente vis-à-vis de la RPC, elle l’est assurément sur au moins deux volets : stratégique et économique. Stratégique avec, dans le rétroviseur de l’histoire, un passé proche qui ne passe pas, à commencer par la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/sous-marins-cinq-questions-sur-la-rupture-du-contrat-du-si%C3%A8cle-par-laustralie-1346834">dénonciation en 2021 par Canberra du contrat de vente à l’Australie de sous-marins français</a>, sous la pression des États-Unis, et la signature subséquente de l’AUKUS. Cet épisode a montré que Français et pays de l’anglosphère partagent les mêmes valeurs mais n’ont pas les mêmes intérêts.</p>
<p>A contrario, la France ne partage certainement pas les mêmes valeurs avec la Chine, mais les deux pays ont des intérêts communs en matière économique. Que ce soit dans le domaine de l’agro-alimentaire, des industries du luxe ou de l’aéronautique, la Chine demeure pour les fleurons de l’industrie française un marché de tout premier plan. L’Hexagone ne peut s’en aliéner les promesses.</p>
<p>En somme, la France n’entend pas entrer dans une logique de confrontation avec la Chine et risquer de perdre des parts de marché que lui raviraient sans l’ombre d’un doute ses concurrents occidentaux.</p>
<h2>Une ambivalence cultivée par Paris : « bruit à l’est, attaque à l’ouest »…</h2>
<p>Cette ambivalence française s’observe tout autant à l’égard de Taïwan. Ainsi a-t-il été décidé l’ouverture d’un <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=56&post=190872">deuxième bureau de représentation de Taïwan à Aix-en-Provence, en décembre 2020</a>. Trois ans plus tard était décidée par Emmanuel Macron l’implantation d’une usine de batteries électriques de deuxième génération du <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/lusine-de-batteries-de-prologium-attendue-en-2026-sur-le-port-de-dunkerque-7b51e36f-7857-4032-aecc-5b51fcf3ef5c">groupe taïwanais au port de Dunkerque</a>.</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? Que si le découplage économique vis-à-vis de la Chine, qu’appelle de ses vœux Washington, n’est certainement pas d’actualité pour Paris, les tensions entre les enjeux stratégiques d’une part et les enjeux économiques de l’autre ne cessent en revanche de s’accentuer. D’où la très grande prudence de la diplomatie française pour ce qui concerne l’Asie orientale et la conscience aiguë du coût que représenterait la multiplication des théâtres de crise. Ils s’ajouteraient à ceux se développant dans le périmètre sécuritaire de notre pays (Afrique sahélienne, Proche et Moyen-Orient, Europe orientale).</p>
<p>Demeure une option que semble avoir saisie l’Élysée : celle de la guérilla diplomatique. Autrement dit : survenir où on ne l’attend pas. La France s’est ainsi récemment impliquée au <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/11/au-bangladesh-emmanuel-macron-defend-sa-troisieme-voie-et-evoque-la-vente-d-une-dizaine-d-avions-a350_6188835_3210.html">Bangladesh</a> puis à <a href="https://www.lepoint.fr/monde/macron-fait-une-etape-express-et-historique-au-sri-lanka-28-07-2023-2529947_24.php">Sri Lanka</a> pour conforter sa stratégie de l’Indo-Pacifique. Elle a aussi vendu successivement des Rafale à l’Inde et à l’Indonésie, et privilégie, en lisière des hégémonies russo-chinoises, l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/01/emmanuel-macron-en-asie-centrale-pour-contrer-l-influence-de-la-chine-et-de-la-russie_6197590_3210.html">Asie centrale</a> en initiant des rapprochements inédits avec la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/21/emmanuel-macron-en-visite-en-mongolie-une-premiere-pour-un-president-francais_6174223_3210.html">Mongolie</a> et l’Ouzbékistan tout en maintenant une relation forte dans le domaine des énergies avec le Kazakhstan.</p>
<p>Les difficultés de l’heure et l’approche à la fois coopérative et concurrente que nourrit la France à l’égard de la Chine forcent Paris à plus d’agilité et d’innovation. L’année 2024 devrait sans doute le confirmer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220412/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La France a reconnu la RPC il y a 60 ans. Par la suite, et spécialement ces dernières années, Paris a cherché à combiner, dans son rapport à Pékin, défiance sécuritaire et proximité commerciale.Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), chercheur associé à l'Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris (ICP)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184532023-12-11T20:43:07Z2023-12-11T20:43:07ZLa voiture électrique accessible à tous ? Les marges de manœuvre limitées des constructeurs européens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563360/original/file-20231204-30-7z6q3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C324%2C1738%2C1036&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude la banque suisse UBS, 20&nbsp;% des voitures électriques en Europe pourraient être chinoises et 10&nbsp;% seraient des Tesla d’ici 2030.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/30998987@N03/45377046691">Flickr/Mario Duran-Ortiz</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, on assiste à une évidente électrification de l’industrie automobile : en septembre 2023, les <a href="https://www.capital.fr/auto/voiture-electrique-les-ventes-de-tesla-ont-explose-en-septembre-en-france-1480807">ventes de voitures électriques représentaient 19 % des ventes totales</a> de voitures particulières, en augmentation de 3 points sur un an. Il faut dire que cette augmentation des ventes s’inscrit dans un double contexte : une sensibilité accrue des consommateurs à l’impact environnemental de leurs achats et une législation européenne fortement incitative.</p>
<p>Pourtant, la voiture électrique se situe aujourd’hui à la croisée de plusieurs paradoxes. Si la sensibilité accrue à l’impact environnemental est un facteur essentiel dans la décision d’acheter une voiture électrique, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296322005410">prix joue évidemment un rôle central</a> dans le choix final du véhicule. Autrement dit, l’intention de mieux consommer se heurte régulièrement à la réalité financière des acheteurs, qui n’ont pas forcément les moyens d’acquérir une Tesla, dont le Model 3 est vendu à 42 990 euros.</p>
<p>De la même façon, le dispositif européen pour mettre <a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">fin à la vente des voitures thermiques d’ici 2035</a> engendre des conséquences potentiellement négatives pour l’Union européenne, en profitant notamment aux constructeurs non européens, chinois en tête. Et les aides à l’achat offertes par la France pourraient conduire au même paradoxe, comme le rappelait en octobre 2023 récemment Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances :</p>
<blockquote>
<p>« L’argent des contribuables français n’a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/25/un-bonus-ecologique-plus-exigeant-pour-freiner-les-importations-de-voitures-electriques-chinoises_6196407_3234.html">pas vocation à financer des véhicules provenant à 70 % de Chine</a>. »</p>
</blockquote>
<h2>La Chine en avance</h2>
<p>En 2022, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de voitures électriques, avec un poids significatif en Europe, où un véhicule vendu sur cinq est fabriqué en Chine. Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/am/pii/S0048733318301938">étude approfondie</a> sur quatre constructeurs automobiles chinois met en lumière une complémentarité institutionnelle, combinant politiques gouvernementales, conditions de marché et capacités technologiques, comme fondement du succès chinois.</p>
<p>Cette complémentarité institutionnelle se traduit notamment par une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/23/voitures-electriques-la-fulgurante-montee-en-cadence-de-la-chine-a-convaincu-l-europe-que-la-survie-meme-de-cette-industrie-sur-le-vieux-continent-etait-en-jeu_6196129_3232.html">politique forte de subventions publiques</a> ainsi que d’une aide de l’État chinois pour sécuriser l’accès au lithium, au nickel et aux terres rares indispensables à la fabrication des batteries.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une Tesla roule sur une route côtière" src="https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563310/original/file-20231204-27-ymgukq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tesla s’est positionnée sur le segment haut de gamme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/automobileitalia/39443478310">Automobile Italia/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Chine compte ainsi une cinquantaine de constructeurs automobiles produisant des voitures électriques. Et certains d’entre eux sont en train de devenir des géants mondiaux du secteur, notamment BYD, SAIC et GAC. Grâce à cette complémentarité institutionnelle, le leader chinois, BYD, profite de capacités technologiques exceptionnelles : le groupe possède en effet un contrôle complet de sa chaîne de production de batteries, source majeure de réduction des coûts, et compte s’appuyer sur l’attractivité du prix de ses modèles, notamment la Dolphin et la Seal, pour conquérir le marché européen.</p>
<h2>Un « Buy European Act » ?</h2>
<p>Dans le contexte de cette avancée chinoise, les constructeurs européens s’interrogent sur leurs marges de manœuvre pour prendre la tête dans la démocratisation des voitures électriques sur le Vieux Continent. Selon une <a href="https://www.ubs.com/global/en.html">étude</a> de la banque d’investissement UBS, d’ici 2030, 20 % des voitures électriques en Europe pourraient être chinoises, et 10 % seraient des Tesla. Il resterait donc 70 % du marché à conquérir. Quelles sont dès lors les marges de manœuvre des constructeurs européens pour capter ces 70 % ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Voiture du constructeur chinois BYD" src="https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563350/original/file-20231204-21-fkgyag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le constructeur chinois BYD s’appuie sur le prix pour conquérir le marché français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BYD_Tang_EV_CRI_03_2021_7569.jpg">Mariordo/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une complémentarité institutionnelle, partiellement inspirée du modèle chinois, est à l’étude et fait notamment l’objet de vives discussions au Parlement européen. En France, Bruno Le Maire et le président de la République Emmanuel Macron estiment que l’Union européenne ne pourra pas relever ce défi sans un « Buy European Act », une forme de protectionnisme européen servant de rempart aux voitures chinoises, fortement subventionnées par des aides d’État et des tarifs douaniers favorables à l’importation en Europe.</p>
<p>Dans ce contexte, les règles du bonus écologique français ont déjà été adaptées pour favoriser les voitures électriques produites en Europe. Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048733318301288">étude menée dans 50 États américains</a> a d’ailleurs démontré l’efficacité de ces incitations sur l’adoption des voitures électriques : une augmentation de 1 000 dollars de la valeur de ces aides entraîne une hausse de 5 à 11 % des nouvelles immatriculations de voitures électriques.</p>
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<p>La France veut désormais aller plus loin avec l’annonce fin septembre dernier du chef de l’État d’un dispositif de <a href="https://www.capital.fr/auto/voiture-electrique-a-100-euros-par-mois-ce-que-lon-sait-de-ce-leasing-social-voulu-par-emmanuel-macron-1480156">location de voitures électriques à 100 euros par mois</a> pour les modèles produits en Europe et pour les ménages dont le revenu fiscal est inférieur ou égal à 14 089 euros.</p>
<h2>Une gigafactory près de Lens</h2>
<p>La complémentarité institutionnelle exige néanmoins un travail de la part des constructeurs européens sur leur modèle économique. En se fondant sur les récentes avancées de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652621039780">recherche académique</a>, examinons ici les marges de manœuvre actuelles des constructeurs européens :</p>
<p>En premier lieu, l’importance des innovations technologiques, en terme notamment de batteries, n’est plus à démontrer et les partenariats semblent incontournables pour les constructeurs dans cette course à l’innovation. Le constructeur japonais Toyota a d’ailleurs fait l’objet d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048733321000044">étude</a> pour ses liens forts avec ses fournisseurs, à l’origine de transferts de connaissances majeurs. En Europe, la gigafactory récemment inaugurée près de Lens (Pas-de-Calais), visant à stimuler la production française de batteries, est le fruit de la collaboration entre Stellantis, TotalEnergies et Mercedes Benz. D’autres projets similaires devraient voir le jour.</p>
<p>Ensuite, de nouvelles propositions de valeur doivent être introduites. La <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/trapol/v73y2019icp12-24.html">recherche</a> montre que les intentions d’achat et l’adoption ultérieure de véhicules électriques sont fortement influencées par les perceptions et la confiance des consommateurs à l’égard de <a href="https://www.researchgate.net/publication/327412116_Consumer_purchase_intention_of_electric_vehicles_in_China_The_roles_of_perception_and_personality">différentes variables</a>, tels que la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11116-014-9567-9">technologie, le prix, la disponibilité et leur connaissance de l’utilisation des véhicules électriques</a>.</p>
<p>Les constructeurs doivent donc comprendre ces motivations pour capitaliser sur les sources de valeur. Par exemple, les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15568318.2019.1656310">actifs de plus de 40 ans</a> choisissent moins fréquemment des véhicules électriques que leurs homologues plus jeunes. Il apparaît ainsi essentiel pour les constructeurs d’en identifier les raisons, car cette tranche d’âge est plus encline à accepter le prix élevé des véhicules électriques tout en privilégiant la qualité comme critère principal d’achat. Cela pourrait se traduire par la vente de modèles plus chers, générant ainsi des marges plus importantes pour les constructeurs.</p>
<h2>Une production 59 % plus chère</h2>
<p>Autre marge de manœuvre dans une perspective similaire : les modèles économiques des constructeurs européens doivent intégrer l’infrastructure de recharge. Cela peut être aussi une opportunité pour les acteurs de la chaîne de valeur des véhicules électriques de tirer parti de la numérisation et trouver de nouvelles sources de création de valeur pour le client. Par exemple, l’utilisation des stations de recharge pour offrir des services numériques de tiers, notamment à des fins publicitaires, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421515302202">peut générer une valeur ajoutée supplémentaire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Voiture en cours de recharge" src="https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563362/original/file-20231204-21-5pd5vw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les infrastructures de recharge restent un enjeu majeur de la démocratisation de la voiture électrique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1059380">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, le prix des véhicules électriques doit aussi être revu à la baisse, notamment grâce aux marges de manœuvre que nous venons de citer. Leur prix reste le <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/appene/v235y2019icp1106-1117.html">frein majeur à leur démocratisation</a>. Certes, deux constructeurs automobiles français, Renault et Citroën, ont récemment annoncé le lancement de leurs premières voitures électriques à moins de 25 000 euros : la <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/retour-de-la-renault-twingo-sous-la-forme-d-une-citadine-electrique-a-20-000-e-30030447.html">Twingo Legend</a> et la <a href="https://www.lesnumeriques.com/voiture-electrique/citroen-e-c3-la-version-haut-de-gamme-est-beaucoup-plus-chere-n216033.html">Citroën ë-C3</a>, respectivement. Néanmoins, les coûts de production d’un véhicule électrique restent actuellement <a href="https://www.latribuneauto.com/reportages/economie/12653-le-cout-des-composants-dun-vehicule-electrique-significativement-plus-eleve">59 % plus élevés que ceux d’un véhicule thermique</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1724842478493118899"}"></div></p>
<p>Comment résoudre ce dilemme ? Une solution avancée dans la <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/appene/v235y2019icp1106-1117.html">recherche</a> est de transférer une partie du prix d’achat vers les coûts d’exploitation du véhicule. Ainsi, une partie des coûts (et notamment ceux liés à la création d’infrastructure de recharge mentionnée ci-dessus) pourrait être intégrée aux frais payés par les clients lorsqu’ils optent pour des modèles de location. Ceci semble d’autant plus pertinent que la <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/trapol/v73y2019icp12-24.html">location reste le mode préféré d’acquisition</a> pour les véhicules électriques tandis que l’achat reste la préférence pour les véhicules thermiques.</p>
<p>En conclusion, <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v137y2020ics0301421519306901.html">selon une étude récente</a>, les véhicules électriques peuvent devenir pleinement compétitifs d’ici 2035. Les marges de manœuvre côté européen, dans un contexte concurrentiel mondialisé, semblent se profiler autour d’une complémentarité institutionnelle entre décideurs publics, partenariats privés et innovations technologiques. Cette complémentarité reste l’enjeu principal pour permettre aux constructeurs européens de se faire une place importante sur le marché mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218453/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les alliances autour des batteries et le modèle de la location longue durée peuvent notamment constituer des atouts face aux groupes américains et chinois.Céline Flipo, Assistant Professor, Human Resources Management, IÉSEG School of ManagementBenjamin Boeuf, Professeur associé en marketing, IESEG School of Management et LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191312023-12-10T15:49:18Z2023-12-10T15:49:18ZChine : le ralentissement économique menace-t-il la présence des entreprises moyennes allemandes ?<p>Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’Allemagne et la Chine figurent parmi les pays les plus touchés par le ralentissement économique en 2023 : l’Allemagne devrait être la seule économie européenne en récession (-0,5 %) et la Chine devrait connaître une faible croissance économique (+5 %) accompagnée d’une crise immobilière qui comporte des <a href="https://www.lexpress.fr/economie/allemagne-chine-les-sombres-previsions-du-fmi-LBWX24HJX5HQZAKVY7D2IFIFZM/">risques importants pour le secteur bancaire</a>. Ces signes inquiétants peuvent-ils menacer la présence des entreprises de taille intermédiaire (les ETI, qui désignent les organisations qui comptent entre 250 et 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 1,5 milliard d’euros) allemandes particulièrement présentes sur le marché chinois ?</p>
<p>L’Allemagne compte aujourd’hui <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lavenir-de-notre-industrie-passera-par-les-eti-1932681">12 500 ETI (contre 5 500 pour la France</a>) et ce fameux « Mittelstand » est au cœur du système industriel allemand. Ces entreprises familiales sont souvent spécialisées dans le domaine « business-to-business » (B-2-B) et se distinguent par leur compétitivité à l’échelle internationale. Elles ont mis en place des stratégies ambitieuses sur le marché chinois pour suivre leurs clients multinationaux et pour développer de nouvelles opportunités d’affaires. La Chine constitue ainsi le <a href="https://www.lesechos.fr/2017/02/la-chine-premier-partenaire-commercial-de-lallemagne-162190">premier partenaire commercial de l’Allemagne depuis 2016</a> (devant la France et les États-Unis).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"835171331800973314"}"></div></p>
<p>Dans ce contexte, nous avons réalisé un <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJEBR-03-2022-0300/full/html">travail de recherche</a> visant à comprendre les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales allemandes en Chine. Ce travail a pris la forme d’une étude qualitative longitudinale qui est fondée sur des entretiens semi-directifs avec des dirigeants de 26 ETI familiales allemandes et des données secondaires (sites web, communiqués de presse, articles de presse, etc.).</p>
<p>L’analyse des données collectées montre que les ETI familiales allemandes poursuivent des stratégies ambitieuses en Chine, mais qu’elles font face à de multiples défis sur ce marché complexe et éloigné. Elles éprouvent ainsi des difficultés pour comprendre le contexte culturel et institutionnel chinois et pour accéder aux réseaux d’affaires locaux (« guanxi ») qui sont fondés sur la confiance et la réciprocité.</p>
<h2>Trajectoires disparates</h2>
<p>Notre étude met également en relief la disparité des trajectoires suivies par les ETI familiales allemandes en Chine, qui sont marquées par des étapes d’internationalisation (augmentation des investissements), de désinternationalisation (retrait ou diminution des investissements) et de réinternationalisation (réalisation de nouveaux investissements). Deux groupes d’entreprises peuvent être identifiés.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>D’abord, les ETI qui suivent plusieurs vagues pour augmenter progressivement leurs investissements sur le marché chinois (16 entreprises sur 26). Les entreprises familiales allemandes qui suivent cette trajectoire linéaire commencent souvent par des activités d’exportation en Chine avant d’y implanter des bureaux de vente, des sociétés communes ou des filiales. Ces entreprises peuvent ainsi bénéficier d’effets d’apprentissage sur les spécificités du marché chinois et accéder aux réseaux d’affaires locaux.</p>
<p>Par exemple, Kern-Liebers, un fournisseur de bandes et de fils d’assemblage, a choisi d’exporter ses produits avant de créer une filiale dans la ville de Taicang, à 50 km de Shanghai. L’entreprise a été suivie par d’autres ETI familiales qui ont également implanté des filiales à Taicang, une ville qui accueille aujourd’hui <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb?sharetype=blocked">plus de 400 entreprises allemandes</a>. En 2023, Kern-Liebers fête le 30<sup>e</sup> anniversaire de sa présence sur place où elle a établi plusieurs filiales et sociétés communes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1708650360930283909"}"></div></p>
<p>Ensuite, on observe des ETI qui suivent plusieurs vagues pour internationaliser, désinternationaliser et réinternationaliser leurs activités en Chine (10 entreprises dans notre échantillon). Ces entreprises familiales allemandes qui suivent une trajectoire non linéaire s’établissent par des sociétés communes avec des partenaires chinois sans avoir acquis une expérience préalable par des activités d’exportation. Leur première expansion en Chine se traduit souvent par un échec, notamment en raison des différences culturelles, des difficultés pour accéder aux réseaux d’affaires et des divergences entre les objectifs des dirigeants familiaux et de leurs partenaires chinois.</p>
<p>Par exemple, Hawe Hydraulics, un fournisseur de composants et de systèmes hydrauliques, a choisi de coopérer avec une entreprise chinoise avant de se désengager du partenariat et d’établir par la suite plusieurs filiales en Chine. Face aux tensions géopolitiques, cette ETI familiale cherche aujourd’hui à diversifier la localisation de ses investissements afin de diminuer sa dépendance du marché chinois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676993641988882447"}"></div></p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent être expliquées par des exigences stratégiques (stratégie de croissance), financières (rentabilité, coûts de production) et opérationnelles (adaptation de produits), mais aussi par des objectifs de la famille fondatrice, en particulier par son intérêt de préserver la réputation de l’entreprise familiale, les cultures locales et l’héritage familial.</p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent aussi être déclenchées par la demande d’approvisionnement des clients multinationaux, les perspectives de croissance du marché chinois, la réglementation concernant les investissements étrangers (<a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-industriels-europeens-ont-ils-vraiment-a-gagner-de-l-accord-d-investissement-ue-chine.N1050614">obligation de former des « joint ventures »</a>, c’est-à-dire des accords de coopération avec des partenaires locaux), la nécessité de développer des réseaux locaux et les difficultés rencontrées avec les partenaires des sociétés communes, incitant les ETI familiales à établir des filiales possédées à 100 %.</p>
<p>À l’inverse, les étapes de désinternationalisation peuvent s’expliquer par les ressources limitées des ETI familiales, les tensions organisationnelles et le manque d’adaptation aux exigences locales. Les décisions peuvent aussi être déclenchées par des contraintes institutionnelles (droits de douane, changement de réglementation, etc.), des différences culturelles et linguistiques, la concurrence internationale et locale de même que des difficultés avec les partenaires des sociétés communes. Ces difficultés sont <a href="https://theconversation.com/entreprises-familiales-le-defi-du-retrait-progressif-pour-le-cedant-192436">exacerbées pour des entreprises familiales</a> qui opèrent sur des marchés de niche et qui cherchent à protéger leurs avantages concurrentiels et leur réputation internationale.</p>
<h2>Valeur créée par l’attachement</h2>
<p>Les étapes de réinternationalisation sont elles principalement déclenchées par des facteurs externes. On peut notamment mentionner de nouvelles opportunités d’affaires en Chine, les perspectives de croissance du marché et la rencontre de nouveaux partenaires chinois. Mais la réinternationalisation des activités peut aussi être <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/le-delicat-pari-du-changement-de-generation-a-la-tete-des-eti-familiales-1934209">motivée par l’implication de nouvelles générations</a> dans le management des ETI familiales.</p>
<p>Le ralentissement économique en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Allemagne</a> et en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Chine</a> remet aujourd’hui en cause les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales. Dans ce contexte, les phases de désinternationalisation ont tendance à se multiplier et on peut s’interroger sur les opportunités de réinternationalisation sur un marché complexe et éloigné comme la Chine.</p>
<p>Notre étude montre que les ETI familiales allemandes suivent des trajectoires d’internationalisation qui sont liées à leurs structures de gouvernance et à leur volonté de préserver leur richesse socioémotionnelle. Il s’agit de la valeur créée par l’attachement de la famille aux entreprises familiales.</p>
<p>Ces facteurs expliquent pourquoi leurs décisions d’internationalisation ne sont pas uniquement motivées par des objectifs financiers. Dans un contexte de ralentissement économique, les ETI allemandes pourraient ainsi limiter la <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb">diminution ou le retrait de leurs investissements en Chine</a>, mais elles devraient privilégier d’autres localisations pour <a href="https://www.reuters.com/markets/europe/derisking-dilemma-how-german-companies-are-tackling-china-risk-2023-10-19/">réduire leur dépendance</a> du marché chinois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La faible croissance chinoise qui se double d’une récession outre-Rhin constitue un contexte propice à la désinternationalisation des entreprises, même si des exceptions s’observent.Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l'IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’AzurAlfredo Valentino, Associate Professor, ESCE International Business SchoolAndrea Calabrò, Professeur en Entreprises Familiales & Entrepreneuriat, Directeur de la Chaire de l'Entreprise Familiale Durable et de l'Entrepreneuriat , IPAG Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184112023-12-03T16:29:40Z2023-12-03T16:29:40ZDe Rio à Dubaï : les rivalités entre les États-Unis et la Chine dans les négociations climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562959/original/file-20231201-19-nxz548.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis ne sont pas toujours simples, y compris en matière de négociations climat.</span> <span class="attribution"><span class="source">Flickr / US Department of Africulture</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-cop-une-breve-histoire-de-la-negociation-climatique-218366">COP sur le climat se succèdent</a>, et parfois se ressemblent. Depuis le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 et la signature de la <a href="https://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques</a>, jusqu’à la COP28 qui se déroule jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la communauté internationale cherche à construire une politique globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Avec une constante dans les négociations : la prévalence des enjeux géopolitiques et géoéconomiques entre puissances, avec des passions qui se sont exacerbées, un <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">ressentiment des pays du Sud</a>, et des <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-et-destruction-de-lenvironnement-que-peut-le-droit-international-183774">guerres meurtrières</a> qui ne pourront que fragiliser une diplomatie déjà bien compliquée.</p>
<h2>Un monde divisé en deux blocs</h2>
<p>En 1992, la Convention a officiellement scindé le monde en deux, une première sous les auspices onusiens. D’un côté, les pays industrialisés, dits <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">« Annexe 1 »</a>, tenus pour responsables du changement climatique. D’un autre côté, les pays en développement, Chine comprise, dits « non-Annexe 1 ».</p>
<p>Cette partition sera érigée comme principe conducteur des futures négociations. La Convention a gravé dans le marbre le <a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">« principe des responsabilités communes mais différenciées »</a>, au titre duquel seuls les pays du Nord devaient initialement s’engager à réduire leurs émissions. Ce principe n’est pas tombé du ciel : il est le résultat d’une lutte de longue haleine du Sud, avec un <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/199419/1/die-dp-2014-06.pdf">leadership fort de la Chine</a>.</p>
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<p>À peine signée, les États-Unis manifestaient déjà leur profonde réticence à son égard. Ils ont fait inscrire noir sur blanc dans le rapport officiel de Rio qu’ils s’en désolidariseraient s’il venait à être interprété comme une reconnaissance d’obligations internationales de leur part et, de surcroît, impliquer une quelconque <a href="https://digitallibrary.un.org/record/168679">« diminution des responsabilités des pays en développement »</a>.</p>
<p>À la COP1 de Berlin en 1995, alors que débutaient les pourparlers pour un protocole – ce sera <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protocole-de-kyoto-22542">celui de Kyoto deux ans plus tard</a> –, on a pourtant réaffirmé le <a href="https://unfccc.int/resource/docs/cop1/07a01.pdf">partage du globe en deux blocs étanches</a>.</p>
<h2>La polarisation entre les États-Unis et la Chine</h2>
<p>En <a href="https://www.congress.gov/bill/105th-congress/senate-resolution/98/all-info">juillet 1997</a>, Joe Biden, alors sénateur de l’État du Delaware, votera, comme tous ses collègues démocrates et républicains, contre le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/protocole-de-kyoto-22542">protocole de Kyoto</a> qui s’annonçait. L’argument invoqué : le risque qu’un tel accord n’affaiblisse l’économie américaine, absolument rien n’étant imposé aux grands émergents. La première puissance qui luttait pour maintenir son rang ne pouvait accepter une contrainte, si celle qui était en train de resserrer l’écart – la Chine – en était exemptée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop28-les-negociations-climatiques-sont-elles-entrees-dans-lere-du-pur-spectacle-218757">COP28 : les négociations climatiques sont-elles entrées dans l'ère du pur spectacle ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les <a href="https://nsarchive2.gwu.edu/">câbles diplomatiques</a> américains échangés durant les négociations pour le protocole ont été déclassifiés en 2015. La synthèse des positions à défendre par Clinton en date du 22 octobre 1997, un mois avant la tenue de la COP3 à Kyoto, est <a href="https://1997-2001.state.gov/global/global_issues/climate/background.html">sans ambiguïté</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Les États-Unis refuseront tout engagement contraignant jusqu’à ce que les pays en développement acceptent de participer significativement à la lutte contre le changement climatique. »</p>
</blockquote>
<p>Le président américain ne l’exprimera jamais publiquement ainsi, mais telle a toujours été la position de la première puissance mondiale.</p>
<h2>Vers un multilatéralisme a minima avec l’accord de Paris</h2>
<p>La COP15 de Copenhague en 2009 devait accoucher – s’était-on imaginé – d’un accord élargi, avec enfin de premiers engagements des États-Unis et des grands émergents. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2009/dec/22/copenhagen-climate-change-mark-lynas">Ces derniers, Chine en tête, s’y refuseront</a>. L’échec fut retentissant.</p>
<p>La politique climat était mise en péril par la conflictualité des relations entre les deux grandes puissances et leur incapacité à s’accorder sur des cibles ambitieuses, qui seules auraient pu entraîner les autres. Dans un accord de dernière minute conclu à huis clos, les deux grands entérineront l’abandon de Kyoto au profit d’une politique désormais <a href="https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/wp-content/uploads/2016/10/Falkner_2016_TheParisAgreement.pdf">fondée sur un système d’engagements volontaires</a>.</p>
<p>Il n’y avait en effet qu’un seul compromis possible pour assurer la survie du multilatéralisme climat, celui d’un nivellement par le bas. Ce sera le tournant de l’accord de Paris en 2015, avant tout <a href="https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2014/11/11/us-china-joint-announcement-climate-change">construit à partir des conditions du tandem sino-américain</a> : des engagements contraignants de réduction des émissions pour personne, et rien d’autre que des promesses pour tout le monde.</p>
<p>Les États, selon leur bon vouloir, se contenteront dorénavant de communiquer leurs ambitions – les <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs">« NDC »</a>, ou Contributions déterminées au niveau national dans le jargon onusien.</p>
<h2>Les grands émergents à la manœuvre</h2>
<p>Le groupe des BRICS, un club de discussion réunissant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a été créé en 2011. Ils ont été rejoints cette année par l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ensemble, ils contrôlent 54 % de la production mondiale de pétrole et 23 % des ventes agricoles. La Chine concentre, à elle seule, les <a href="https://fr.statista.com/infographie/26793/evolution-production-miniere-terres-rares-dans-le-monde-par-pays/">deux tiers de la production mondiale de terres rares</a>.</p>
<p>Avec l’Égypte, ils détiennent aussi la clé du canal de Suez, route vitale du commerce international. <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BULARD/66162">Un groupe au poids certain, et qui entend bien s’affirmer</a>.</p>
<p>Il ne s’agit toutefois pas d’un front uni. Nombre d’entre eux sont même dans des rapports rivalitaires tenaces, la <a href="https://theconversation.com/contre-linde-la-chine-joue-la-carte-nepalaise-152442">Chine et l’Inde en premier</a>. Tous font cependant bloc. Face à un <a href="https://ihedn.fr/2022/12/16/le-multilateralisme-est-aujourdhui-en-crise/">multilatéralisme en crise</a> et à une Amérique qui ne peut plus diriger seule un monde devenu multipolaire, ils aspirent à infléchir l’ordre international : « Leurs différences voire leurs divergences ne suffisent pas à anéantir leur volonté d’agir ensemble pour imaginer une nouvelle configuration mondiale. », <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2023/10/BULARD/66162">écrivait le <em>Monde Diplomatique</em> cet automne</a>.</p>
<p>Les BRICS ont un agenda climatique dont la ligne directrice n’a jamais dévié. 30 ans après la Convention, et dans un tout autre monde que celui de 1992, ils insistent toujours sur la <a href="http://brics2022.mfa.gov.cn/eng/hywj/ODMM/202205/t20220529_10694182.html">responsabilité historique des pays occidentaux</a>, et les rappellent à leurs engagements pris devant la communauté internationale à réduire leurs émissions, à financer la politique climat au bénéfice des pays du Sud, ainsi que du droit au développement de ces derniers.</p>
<p>Tous accusent le Nord de tenir un double discours, et il est vilipendé pour cela. Kenneth Rogoff, professeur d’économie à l’Université Harvard, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/climat-les-pays-du-nord-doivent-cesser-leur-hypocrisie-vis-a-vis-du-sud-1961565">écrit</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis trop longtemps, les pays riches ont donné des leçons aux économies en développement sur le changement climatique sans se les appliquer à eux-mêmes. »</p>
</blockquote>
<p>La rancœur d’une partie de la planète à l’égard de l’Occident ne faiblit pas et pourrait attiser les tensions à Dubaï.</p>
<h2>Les dérèglements climatiques rattrapés par la guerre</h2>
<p>Par delà les réticences, sinon blocages de certains, et les ambitions de quelques autres, la session de Dubaï promettait de se dérouler dans un contexte lourd. Car la menace est réelle que les discussions pour la préservation du climat soient – pour un temps que nul ne peut prévoir – plombées par l’irruption de la guerre.</p>
<p>Celle entre la Russie et l’Ukraine a déjà entraîné une <a href="https://theconversation.com/sobriete-pour-lukraine-sobriete-pour-le-climat-quelles-sont-nos-marges-de-manoeuvre-190016">augmentation des coûts de l’énergie</a> et une spirale inflationniste. Celle entre Israël et le Hamas, si elle débordait au Moyen-Orient, pourrait engendrer une nouvelle crise pétrolière.</p>
<p>La Banque mondiale <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/10/26/commodity-markets-outlook-october-2023-press-release">prévient</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Si le conflit devait s’aggraver, l’économie mondiale serait soumise à un double choc énergétique pour la première fois depuis des décennies, non seulement à cause de la guerre en Ukraine, mais aussi à cause de la situation au Moyen-Orient. »</p>
</blockquote>
<p>Le prix du pétrole pourrait alors dépasser les 150 dollars le baril, contre 90 actuellement.</p>
<p>Autant dire que l’ambiance ne sera pas à la fête à Dubaï.</p>
<h2>Les deux grands au chevet de la COP28 ?</h2>
<p>Joe Biden et Xi Jinping ont eu une entrevue le 15 novembre en Californie. Leur objectif : rassurer et montrer que leur rivalité reste sous contrôle. <a href="https://www.nytimes.com/live/2023/11/15/world/biden-xi-apec-summit">Les deux dirigeants n’ont pas évoqué</a> l’accord conclu quelques jours auparavant par leurs envoyés spéciaux pour le climat. L’un comme l’autre souhaitent pourtant éviter que Dubaï ne vire au fiasco.</p>
<p>John Kerry et Xie Zhenhua, les deux négociateurs, se sont en effet rencontrés du 4 au 7 novembre. Leur <a href="https://www.state.gov/sunnylands-statement-on-enhancing-cooperation-to-address-the-climate-Crisis/">déclaration</a> veut témoigner d’une reprise du dialogue, mais ne contient cependant aucun engagement. Elle se contente de rappeler leur volonté de maintenir le réchauffement sous la barre des 2 °C, multiplier par trois les capacités des renouvelables, et réduire les émissions pour tous les gaz à effet de serre, en particulier de méthane. Celles-ci s’envolent, et pourraient remettre en cause, à elles seules, les <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2018GB006009">objectifs de Paris</a>. </p>
<p>Leur déclaration reste muette sur le grand dossier : la sortie des fossiles et surtout du charbon, qui représente à lui seul 40 % des émissions mondiales de carbone.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562956/original/file-20231201-19-ehllq0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques dirigeants et négociateurs réunis à la COP28 de Dubaï.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paul Kagame/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Qu’espérer finalement de Dubaï ? Sans aucun doute des promesses et quelques compromis. La diplomatie est aussi l’art de masquer les tensions insurmontables.</p>
<p>La tâche ne sera pas aisée. La COP doit dresser le <a href="https://www.wri.org/insights/explaining-global-stocktake-paris-agreement">premier bilan mondial de l’action climatique depuis Paris</a> : l’échec est patent, <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/sb2023_09F.pdf">admettent les Nations unies</a>.</p>
<p>Quant au charbon, difficile d’imaginer autre chose qu’une vague formule sur la diminution de ses usages.</p>
<p>La compensation des <a href="https://theconversation.com/pertes-prejudices-et-perlimpinpin-comment-mettre-en-oeuvre-la-justice-climatique-197812">pertes et dommages</a> subis par les pays vulnérables promettait d’électriser les débats. Dès son ouverture, la COP a entériné la création d’un fonds dédié. Sur les premières promesses, totalisant 500 millions de dollars, la plus modeste est celle des États-Unis : 17,4 millions. Les pays en développement réclamaient, eux, 100 <em>milliards</em> par an pour commencer.</p>
<h2>Un nouvel âge de la question du climat ?</h2>
<p>On est entré dans le monde du <a href="https://www.overshootcommission.org/_files/ugd/0c3b70_bab3b3c1cd394745b387a594c9a68e2b.pdf"><em>dépassement climatique</em></a>. La température moyenne à la surface du globe a augmenté de 1,2 °C depuis la révolution industrielle. Le seuil de 1,5 °C devrait être dépassé, au moins temporairement, dans les <a href="https://library.wmo.int/fr/records/item/66224-wmo-global-annual-to-decadal-climate-update?offset=96">cinq prochaines années</a>.</p>
<p>À la veille de l’ouverture de la COP, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) alertait : les engagements des États placent la planète sur une trajectoire de réchauffement qui pourrait aller <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/nations-must-go-further-current-paris-pledges-or-face-global-warming">jusqu’à 2,9 °C d’ici la fin du siècle</a>. Les seules stratégies de diminution des émissions du dernier tiers de siècle ne suffisent plus. L’adaptation au réchauffement, avec des <a href="https://www.unep.org/fr/resources/rapport-2023-sur-le-deficit-de-ladaptation-au-climat">chiffres vertigineux quant à son coût</a>, est notre avenir.</p>
<p>Le multilatéralisme climat dont on hérite était aux mains de l’Occident. Celui qui vient pourrait bien être emmené par la Chine et le <a href="https://theconversation.com/the-global-south-is-on-the-rise-but-what-exactly-is-the-global-south-207959">Sud global</a>, qui représentent 80 % de la population mondiale. Tous ces pays plébiscitent l'ambition de la <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/10/SR15_Glossary_french.pdf">neutralité carbone</a>. Tous demeurent cependant accrochés à l’objectif de développement, compris comme un <em>droit</em> à émettre encore des gaz à effet de serre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La compétition entre les États-Unis, la Chine et les grands émergents a toujours rythmé les négociations climatiques. La COP28 n’y fait pas exception. Le climat, c’est avant tout de l’économie et des rivalités inexpugnables.Michel Damian, Professeur honoraire, Université Grenoble Alpes (UGA)Nathalie Rousset, Docteure en économie, ancienne chargée de programme au Plan BleuLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173202023-11-12T16:21:02Z2023-11-12T16:21:02ZQui gouvernera l’IA ? La course des nations pour réguler l’intelligence artificielle<p>L’intelligence artificielle (IA) est un terme très large : il peut désigner de nombreuses activités entreprises par des machines informatiques, avec ou sans intervention humaine. Notre familiarité avec les technologies d’IA dépend en grande partie de là où elles interviennent dans nos vies, par exemple dans les outils de reconnaissance faciale, les chatbots, les logiciels de retouche photo ou les voitures autonomes.</p>
<p>Le terme « intelligence artificielle » est aussi évocateur des géants de la tech – Google, Meta, Alibaba, Baidu – et des acteurs émergents – OpenAI et Anthropic, entre autres. Si les gouvernements viennent moins facilement à l’esprit, ce sont eux qui façonnent les règles dans lesquelles les systèmes d’IA fonctionnent.</p>
<p>Depuis 2016, différentes régions et nations férues de nouvelles technologies en Europe, en Asie-Pacifique et en Amérique du Nord, ont mis en place des <a href="https://unicri.it/topics/ai_robotics">réglementations ciblant l’intelligence artificielle</a>. D’autres nations sont à la traîne, comme l’<a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2023/nov/07/australia-ai-artificial-intelligence-regulations-back-of-pack">Australie</a> [<em>ndlr : où travaillent les autrices de cet article</em>], qui étudie encore la possibilité d’adopter de telles règles. </p>
<p>Il existe actuellement plus de <a href="https://oecd.ai/en/dashboards/overview">1 600 politiques publiques et stratégies en matière d’IA</a> dans le monde. L’Union européenne, la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni sont devenus des <a href="https://iapp.org/resources/article/global-ai-legislation-tracker/">figures de proue du développement et de la gouvernance de l’IA</a>, alors que s'est tenu un <a href="https://www.gov.uk/government/topical-events/ai-safety-summit-2023">sommet international sur la sécurité de l’IA</a> au Royaume-Uni début novembre.</p>
<h2>Accélérer la réglementation de l’IA</h2>
<p>Les efforts de réglementation de l’IA ont commencé à s’accélérer en avril 2021, lorsque l’UE a proposé un cadre initial de règlement appelé <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20230601STO93804/loi-sur-l-ia-de-l-ue-premiere-reglementation-de-l-intelligence-artificielle"><em>AI Act</em></a>. Ces règles visent à fixer des obligations pour les fournisseurs et les utilisateurs, en fonction des risques associés aux différentes technologies d’IA.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-detecter-automatiquement-les-deepfakes-212573">Peut-on détecter automatiquement les deepfakes ?</a>
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<p>Alors que la <a href="https://theconversation.com/intelligence-artificielle-normes-techniques-et-droits-fondamentaux-un-melange-risque-189587">loi européenne sur l’IA était en attente</a>, la Chine a proposé ses propres réglementations en matière d’IA. Dans les médias chinois, les décideurs politiques ont évoqué leur volonté d’être les <a href="https://36kr.com/p/2357903521299721">premiers à agir</a> et d’offrir un leadership mondial en matière de développement et de gouvernance de l’IA.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/souverainete-et-numerique-maitriser-notre-destin-171014">Souveraineté et numérique : maîtriser notre destin</a>
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<p>Si l’UE a adopté une approche globale, la Chine a réglementé des aspects spécifiques de l’IA les uns après les autres. Ces aspects vont des <a href="https://www.gov.cn/zhengce/zhengceku/2022-01/04/content_5666429.htm">« recommandations algorithmiques »</a> (par exemple des <a href="https://theconversation.com/maths-au-quotidien-comment-youtube-sait-il-quelle-video-nous-recommander-142426">plateformes comme YouTube</a>) à la <a href="https://www.gov.cn/zhengce/zhengceku/2022-12/12/content_5731431.htm">synthèse d’images ou de voix</a> ou aux <a href="https://theconversation.com/peut-on-detecter-automatiquement-les-deepfakes-212573">technologies utilisées pour générer des « deepfake »</a> et à l’<a href="http://www.cac.gov.cn/2023-07/13/c_1690898327029107.htm">IA générative</a>.</p>
<p>La gouvernance chinoise de l’IA sera complétée par d’autres réglementations, encore à venir. Ce processus itératif permet aux régulateurs de renforcer leur <a href="https://carnegieendowment.org/2023/07/10/china-s-ai-regulations-and-how-they-get-made-pub-90117">savoir-faire bureaucratique</a> et leur capacité réglementaire, et laisse une certaine souplesse pour mettre en œuvre une nouvelle législation face aux risques émergents.</p>
<h2>Un avertissement pour les États-Unis ?</h2>
<p>Les avancées sur la réglementation chinoise en matière d’IA ont peut-être été un signal d’alarme pour les États-Unis. En avril, un législateur influent, <a href="https://www.reuters.com/world/us/senate-leader-schumer-pushes-ai-regulatory-regime-after-china-action-2023-04-13/">Chuck Shumer</a>, a déclaré que son pays ne devrait pas « permettre à la Chine de prendre la première position en termes d’innovation, ni d’écrire le code de la route » en matière d’IA.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1719420925131526187"}"></div></p>
<p>Le 30 octobre 2023, la Maison Blanche a publié un <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/10/30/fact-sheet-president-biden-issues-executive-order-on-safe-secure-and-trustworthy-artificial-intelligence/">décret (<em>executive order</em>)</a> sur l’IA sûre, sécurisée et digne de confiance. Ce décret tente de clarifier des questions très larges d’équité et de droits civiques, en abordant également des applications spécifiques de la technologie.</p>
<p>Parallèlement aux acteurs dominants, les pays dont le secteur des technologies de l’information est en pleine expansion, comme le Japon, Taïwan, le Brésil, l’Italie, le Sri Lanka et l’Inde, ont également cherché à mettre en œuvre des stratégies défensives pour atténuer les risques potentiels liés à l’intégration généralisée de l’IA.</p>
<p>Ces réglementations mondiales en matière d’IA reflètent une course contre l’influence étrangère. Sur le plan géopolitique, les États-Unis sont en concurrence avec la Chine, que ce soit économiquement ou militairement. L’UE met l’accent sur l’établissement de sa propre <a href="https://www.weforum.org/agenda/2021/03/europe-digital-sovereignty/">souveraineté numérique</a> et s’efforce d’être indépendante des États-Unis.</p>
<p>Au niveau national, ces réglementations peuvent être considérées comme favorisant les grandes entreprises technologiques en place face à des concurrents émergents. En effet, il est souvent coûteux de se conformer à la législation, ce qui nécessite des ressources dont les petites entreprises peuvent manquer.</p>
<p>Alphabet, Meta et Tesla ont soutenu les appels en faveur d’une <a href="https://www.reuters.com/technology/musk-zuckerberg-gates-join-us-senators-ai-forum-2023-09-13/">réglementation de l’IA</a>. Dans le même temps, <a href="https://techcrunch.com/2023/10/27/ais-proxy-war-heats-up-as-google-reportedly-backs-anthropic-with-2b/">Google</a>, propriété d’Alphabet, a comme Amazon investi des milliards dans Anthropic, le concurrent d’OpenAI ; tandis qu’xAI, propriété d’Elon Musk, le patron de Tesla, vient de lancer son premier produit, un <a href="https://mashable.com/article/elon-musk-x-ai-update">chatbot appelé Grok</a>.</p>
<h2>Une vision partagée</h2>
<p>La loi européenne sur l’IA, les réglementations chinoises sur l’IA et le décret de la Maison Blanche montrent que les pays concernés partagent des intérêts communs. Ensemble, ils ont préparé le terrain pour la <a href="https://www.gov.uk/government/publications/ai-safety-summit-2023-the-bletchley-declaration/the-bletchley-declaration-by-countries-attending-the-ai-safety-summit-1-2-november-2023">« déclaration de Bletchley »</a>, publiée le 1<sup>er</sup> novembre, dans laquelle 28 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, l’Australie et plusieurs membres de l’UE [<em>ndlr : dont la France et l’Union européenne elle-même</em>], se sont engagés à coopérer en matière de sécurité de l’IA.</p>
<p>Les pays ou régions considèrent que l’IA contribue à leur développement économique, à leur sécurité nationale, et à leur leadership international. Malgré les risques reconnus, toutes les juridictions s’efforcent de soutenir le développement et l’innovation en matière d’IA.</p>
<p>D’ici 2026, les dépenses mondiales consacrées aux systèmes centrés sur l’IA pourraient <a href="https://www.idc.com/getdoc.jsp?containerId=prUS49670322">dépasser les 300 milliards de dollars américains</a>, selon une estimation. D’ici 2032, selon un rapport de Bloomberg, le marché de l’IA générative <a href="https://www.bloomberg.com/company/press/generative-ai-to-become-a-1-3-trillion-market-by-2032-research-finds/">pourrait valoir à lui seul 1,3 billion de dollars américains</a>.</p>
<p>De tels chiffres tendent à dominer la couverture médiatique de l’IA, ainsi que les bénéfices supposés de l’utilisation de l’IA pour les entreprises technologiques, les gouvernements et les sociétés de conseil. Les voix critiques sont <a href="https://theconversation.com/lia-profite-dune-couverture-partiale-des-medias-204238">souvent mises de côté</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/presenter-lia-comme-une-evidence-cest-empecher-de-reflechir-le-numerique-211766">Présenter l’IA comme une évidence, c’est empêcher de réfléchir le numérique</a>
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<h2>Intérêts divergents</h2>
<p>Au-delà des promesses économiques, les pays se tournent également vers les systèmes d’IA pour la défense, la cybersécurité et les applications militaires.</p>
<p>Lors du sommet international sur la sécurité de l’IA au Royaume-Uni, les <a href="https://www.reuters.com/technology/china-took-part-leaders-ai-meeting-even-though-uk-did-not-acknowledge-2023-11-03/">tensions internationales étaient manifestes</a>. Alors que la Chine a approuvé la déclaration de Bletchley faite le premier jour du sommet, elle a été exclue des événements publics le deuxième jour.</p>
<p>L’un des points de désaccord est le <a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-sinspirer-du-systeme-de-credit-social-chinois-176171">système de crédit social</a> de la Chine, qui fonctionne de manière peu transparente. Le <em>AI Act</em> européen considère que les systèmes de notation sociale de ce type créent un risque inacceptable.</p>
<p>Les États-Unis perçoivent les investissements de la Chine dans l’IA comme une <a href="https://www.nscai.gov/2021-final-report/">menace pour leurs sécurités nationale et économique</a>, notamment en termes de cyberattaques et de campagnes de désinformation. Ces tensions sont bien sûr susceptibles d’entraver la collaboration mondiale sur des réglementations contraignantes en matière d’IA.</p>
<h2>Les limites des règles actuelles</h2>
<p>Les réglementations existantes en matière d’IA présentent également des limites importantes. Par exemple, il n’existe pas de définition claire et commune d’une juridiction à l’autre des différents types de technologies d’IA.</p>
<p>Les définitions juridiques actuelles de l’IA ont tendance à être très larges, ce qui soulève des inquiétudes quant à leur applicabilité en pratique, car les réglementations couvrent en conséquence un large éventail de systèmes qui présentent des risques différents et pourraient mériter des traitements différents.</p>
<p>De même, de nombreuses réglementations ne définissent pas clairement les notions de risque, de sécurité, de transparence, d’équité et de non-discrimination, ce qui pose des problèmes pour garantir précisément une quelconque conformité juridique.</p>
<p>Nous constatons également que les juridictions locales lancent leurs propres réglementations dans le cadre national, afin de répondre à des préoccupations particulières et d’équilibrer réglementation et développement économique de l’IA.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.shrm.org/resourcesandtools/legal-and-compliance/state-and-local-updates/pages/california-artificial-intelligence-regs.aspx">Californie</a> a introduit deux projets de loi visant à réglementer l’IA dans le domaine de l’emploi. <a href="http://english.scio.gov.cn/chinavoices/2022-09/23/content_78435351.htm">Shanghai</a> a proposé un système de classement, de gestion et de supervision du développement de l’IA au niveau municipal.</p>
<p>Toutefois, une définition étroite des technologies de l’IA, comme l’a fait la Chine, présente le risque que les entreprises trouvent des moyens de contourner les règles.</p>
<h2>Aller de l’avant</h2>
<p>Des ensembles de « bonnes pratiques » pour la gouvernance de l’IA émergent de juridictions locales et nationales et d’organisations transnationales, sous le contrôle de groupes tels que le <a href="https://press.un.org/en/2023/sga2236.doc.htm">conseil consultatif de l’ONU sur l’IA</a> et le <em>National Institute of Standards and Technology</em> des États-Unis. Les formes de gouvernance qui existent au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Europe et, dans une moindre mesure, en Chine, sont susceptibles de servir de cadre de travail à une gouvernance globale.</p>
<p>La collaboration mondiale sur la gouvernance de l’IA sera sous-tendue par un consensus éthique et, plus important encore, par des intérêts nationaux et géopolitiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’approche globale de l’Europe, les lois ciblées de la Chine et le décret spectaculaire des États-Unis laissent entrevoir trois voies à suivre.Fan Yang, Research fellow at Melbourne Law School, the University of Melbourne and the ARC Centre of Excellence for Automated Decision-Making and Society., The University of MelbourneAusma Bernot, Postdoctoral Research Fellow, Australian Graduate School of Policing and Security, Charles Sturt UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171512023-11-09T16:42:58Z2023-11-09T16:42:58ZLa Chine : de l’imitation à l’innovation ?<p>Le 1<sup>er</sup> mars 2023, plusieurs articles se sont fait l’écho d’une <a href="https://www.aspi.org.au/report/critical-technology-tracker">étude de l’Institut stratégique australien</a> qui affirme que dans 37 technologies émergentes sur 44, la <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">Chine</a> dispose d’une « avance stupéfiante ». Ce texte reflète une crainte de plus en plus répandue dans les milieux occidentaux, à savoir que nos démocraties seraient sur le point d’être dépassées par le modèle de croissance chinois, fondé sur une alliance inédite entre <a href="https://theconversation.com/topics/capitalisme-23342">capitalisme</a> de marché et <a href="https://theconversation.com/topics/communisme-26345">régime politique communiste</a>.</p>
<p>Cette crainte est-elle fondée ? Si la Chine a réalisé des progrès considérables en matière d’innovation, nos <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">travaux</a> montrent qu’elle reste dépendante de l’Occident et qu’elle devra surmonter plusieurs limites encore avant de pouvoir s’affirmer comme leader en matière d’innovation.</p>
<h2>Des capacités d’innovation accrues</h2>
<p>À partir de 1978, sous l’impulsion de Deng Xiaoping, le modèle chinois a d’abord privilégié les projets tournés vers l’exportation et le développement de substituts aux produits importés. Les autorités ont encouragé les investissements comportant d’importants transferts de technologie et une part élevée de composants fabriqués localement. En raison de l’avantage comparatif fondé sur le faible coût de sa main‑d’œuvre, la Chine est ainsi devenue l’atelier du monde, fondé sur la séquence importation – transformation – réexportation, grâce aux firmes multinationales qui ont participé au développement des activités d’assemblage.</p>
<p>Le succès du modèle de croissance chinois réside ainsi pour partie dans l’ampleur des transferts de technologie des pays développés. Au début des années 2000, les entreprises à capitaux étrangers ont contribué à près du tiers de la production manufacturière.</p>
<p>Depuis deux décennies, le développement des capacités d’innovation chinoises a été fulgurant : le nombre de citations de brevets chinois par les étrangers a connu une croissance de 33 % par an entre 1995 et 2005. Il a atteint <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.31.1.49">51 % par an</a> entre 2005 et 2014. Comme le soulignent Antonin Bergeaud, professeur associé à HEC, et Cyril Verluise, chercheur associé au Collège de France, depuis deux décennies, la Chine a réalisé une <a href="http://longtermproductivity.com/perso/Techdiff.pdf">forte percée</a> dans sa contribution aux technologies de rupture : impression 3D, blockchain, édition du génome, vision artificielle, stockage de l’hydrogène et véhicules sans chauffeurs par exemple.</p>
<h2>La Chine, encore dépendante des États-Unis</h2>
<p>Cependant, si la Chine a réalisé des progrès significatifs en termes de qualité des brevets, son influence sur le développement des technologies considérées reste limitée. Cela vaut en particulier pour ce qui concerne la recherche fondamentale à l’origine des innovations de rupture, où les laboratoires américains continuent d’être leaders.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706759603852128603"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">travaux que nous menons au Collège de France</a> confortent l’idée d’une Chine qui se trouve dans une forme de dépendance asymétrique vis-à-vis des États-Unis. À partir de la base de données Scopus, nous avons analysé les effets sur la recherche de la <em>China Initiative</em> mise en place par Washington fin 2018 pour lutter contre l’espionnage technologique chinois. Dans la pratique, celle-ci s’est traduite par des procédures administratives plus complexes ainsi que par des financements plus restreints pour des projets communs entre chercheurs chinois et américains, allant même jusqu’à interdire la poursuite de certains projets.</p>
<p>Si notre étude confirme bien une tendance au rattrapage technologique des États-Unis par la Chine, elle conforte également la vision d’un Empire du Milieu pour longtemps encore dépendant de son rival : en résumé, les chercheurs chinois ont davantage besoin de collaborer avec des chercheurs américains que l’inverse.</p>
<p>Nous constatons notamment que la <em>China Initiative</em> a fait sensiblement baisser la qualité moyenne des publications des chercheurs chinois ayant préalablement travaillé avec des co-auteurs américains. Cet effet négatif a été plus marqué sur les sujets dominés par les États-Unis avant le choc. Par ailleurs, la <em>China Initiative</em> a obligé ces chercheurs chinois à se réorienter vers des partenariats scientifiques hors des États-Unis, notamment vers l’Europe, mais cela ne leur a pas permis de maintenir la qualité de leurs publications.</p>
<p>Comme l’écrit Gérard Roland, professeur à l’Université de Berkeley, la Chine produit certes de nombreux brevets, mais ils concernent essentiellement des <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674270367">innovations incrémentales</a> et non des innovations de rupture. Entre 1998 et 2018, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11127-020-00850-1">aucune des nouvelles molécules découvertes dans l’industrie pharmaceutique</a> ne l’a été en Chine, contre 56 % aux États-Unis.</p>
<h2>Des faiblesses persistantes</h2>
<p>En Chine, l’État est à la fois directement entrepreneur et planificateur, un modèle radicalement différent du modèle schumpétérien occidental dans lequel l’innovation repose sur des d’entrepreneurs et un écosystème favorisant l’initiative privée. Autant le modèle chinois apparaît-il efficace pour combler le retard technologique dans une économie en rattrapage, autant celui-ci implique plusieurs faiblesses qui empêchent la Chine de devenir un leader en matière d’innovation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557842/original/file-20231106-21-jqrqq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La centralisation du pouvoir et le manque de liberté individuelle ne contribuent pas à attirer les talents et les capitaux étrangers – contrairement aux États-Unis. Comme le montre notre <a href="https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2023-05/Does%20Chinese%20Research%20Hinge%20on%20US%20Coauthors%20Evidence%20from%20the%20China%20Initiative%20Philippe%20Aghion.pdf">étude</a>, le développement de collaborations scientifiques avec des chercheurs américains jusqu’en 2018 avait permis aux chercheurs chinois, non seulement de profiter de l’excellence académique américaine, mais également de bénéficier à travers leurs coauteurs d’une liberté qu’ils ne trouvaient pas chez eux. Par ailleurs, le système éducatif chinois encourage peu à la créativité.</p>
<p>La méthode chinoise, où l’État investit massivement en R&D avec le secteur privé, peut se révéler efficace dans une économie de rattrapage. Cependant, stimuler les dépenses n’est pas suffisant pour permettre l’innovation. L’omniprésence de l’État dans le système bancaire chinois engendre une allocation non optimale du capital en favorisant le financement des entreprises publiques et liées à l’État – y compris les entreprises non rentables – au détriment des entreprises privées. En Chine, les entreprises qui investissent en R&D ont la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">même croissance que celles qui ne le font pas</a>.</p>
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<p>Enfin, la Chine pâtit d’une insuffisante protection des droits de propriété intellectuelle et de faibles normes de qualité : en 2023, elle se situe au <a href="https://www.internationalpropertyrightsindex.org/country/china">50ᵉ rang (sur 125 pays) pour l’indice international de la propriété intellectuelle</a>. Or, les réformes économiques améliorant la protection des investisseurs et l’indépendance du système judiciaire sont des conditions préalables pour nourrir une économie de l’innovation.</p>
<p>Si elle a connu un développement technologique plus affirmé que certains ne le prévoyaient il y a encore deux décennies, la Chine n’a pas encore atteint le stade où elle peut pleinement jouer le rôle de leader scientifique et technologique. Pour devenir une économie capable d’initier des innovations de rupture, la Chine doit s’ouvrir davantage au lieu de se fermer. Elle risque sinon de connaître le « syndrome argentin », celui des économies qui, à l’issue d’un rattrapage très dynamique, s’arrêtent au milieu du gué.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en amont des Jéco 2023 qui se tiendront à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par imitation, la Chine a su rattraper son retard technologique à une vitesse vertigineuse ; son modèle économique l’empêche néanmoins encore d’émerger comme un leader en matière d’innovation.Philippe Aghion, Professeur à l'INSEAD, professeur invité à la LSE et titulaire de la Chaire Économie des institutions, de l'innovation et de la croissance, Collège de FranceCéline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2154742023-11-08T20:42:48Z2023-11-08T20:42:48ZQuand les Occidentaux ont découvert l’art chinois<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558401/original/file-20231108-21-q9dtu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C752%2C511&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Édouard Chavannes (1865-198), Qufuxian, sépulture de Confucius, les deux hommes de pierre, Chine, 1907, négatif verre au gélatino-bromure d’argent, mission Chavannes du 26 au 29 juin 1907.</span> <span class="attribution"><span class="source">Musée des Arts asiatiques-Guimet</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Nous devons avoir un esprit international : l’art n’a pas de frontière. Les objets parcourent le monde comme des ambassadeurs silencieux. »</p>
</blockquote>
<p>C’est en 1956 que le marchand d’art C.T. Loo, qui possédait deux galeries spécialisées dans l’art chinois, à Paris et à New York, prononce cette phrase qui frappe par son actualité : il a compris le rôle que l’art peut jouer dans le rayonnement d’un pays et dans les relations internationales. Il écrit aussi en 1949 : « Nous espérons que cette exposition permettra de mieux faire connaître le grand passé de la Chine et, ce faisant, de promouvoir la compréhension entre nos pays. »</p>
<p>C.T. Loo confère aux œuvres d’art le rôle de promoteur de leur pays, il ne renierait certainement pas la notion de <a href="https://theconversation.com/comment-la-chine-a-fait-de-lart-contemporain-une-arme-de-soft-power-170129">soft power</a> qu’on attribue désormais à l’art et qui occupe une place importante dans l’affirmation de la puissance des États.</p>
<h2>Géopolitique du patrimoine</h2>
<p>Cette pensée visionnaire montre que les œuvres d’art sont un élément à prendre en compte pour comprendre les relations internationales passées et actuelles. Les enjeux patrimoniaux ne relèvent plus uniquement du domaine culturel, ils sont aussi d’ordre politique et géopolitique. Ainsi parle-t-on depuis quelques années, du concept de « géopolitique du patrimoine », au cœur de l’ouvrage d’Emmanuel Lincot, <em>Géopolitique du patrimoine. L’Asie d’Abou Dabi au Japon</em>, publié en 2021. Ces enjeux patrimoniaux ont fait l’objet d’analyses pour le <a href="https://theconversation.com/rapport-savoy-sarr-les-oeuvres-dart-otages-du-debat-sur-la-colonisation-107449">continent africain</a> mais peu pour l’Asie alors que cette question patrimoniale se pose avec autant d’acuité que pour <a href="https://theconversation.com/restituer-les-biens-culturels-a-lafrique-idee-davenir-ou-depassee-96945">l’Afrique</a>.</p>
<p>C’est notamment le cas pour la Chine, qui souhaite retrouver son patrimoine conservé dans les collections publiques et privées occidentales.</p>
<p>Ces collections, notamment constituées d’artefacts de la Chine archaïque (période que l’on peut faire s’étendre du Néolithique à la fin du premier empire Han en 220), se sont constituées pour une large part pendant la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle et ont fait l’objet d’un processus de « patrimonialisation » : les Occidentaux ont intégré ces objets à leur patrimoine.</p>
<p>Retracer l’histoire de ces objets d’art permet de comprendre comment se sont formées les grandes collections occidentales d’art chinois entre 1900 et 1950 et d’analyser les répercussions géopolitiques actuelles.</p>
<h2>De l’attrait pour les chinoiseries au goût pour les œuvres d’art archaïques chinoises</h2>
<p>Jusqu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les Occidentaux connaissent essentiellement l’art chinois à travers ses porcelaines, ses « chinoiseries ».</p>
<p>Le début du XX<sup>e</sup> siècle marque un tournant : <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2016-2-page-90.htm">l’installation forcée des Occidentaux sur le sol chinois</a>, le développement des fouilles archéologiques, <a href="https://guimet-photo-pelliot.fr/essais/essai_1.php">entreprises notamment par des Européens</a>, la période politique troublée <a href="https://www.fayard.fr/livre/la-chine-au-XXe-si%C3%A8cle-9782213023632/">que connaît la Chine</a> vont faire naître un moment particulier dans l’histoire des relations entre la Chine et l’Occident à travers l’histoire de l’art : des pièces de la période archaïque chinoise, très différentes des « chinoiseries » jusqu’alors aimées par le public occidental, arrivent en Occident dès les premières années du XX<sup>e</sup> siècle et entrent immédiatement dans les collections des grands musées et des grands collectionneurs. Un changement sémantique se produit : on ne parle plus de « chinoiseries » mais d’« antiquités chinoises », d’« objets d’art » de la Chine.</p>
<h2>Les promoteurs de l’art chinois en Occident</h2>
<p>Un petit groupe de marchands d’art, dont la figure de proue est le chinois C. T. Loo déjà évoqué, est considéré comme le principal protagoniste de la découverte, de la diffusion et de la promotion des arts asiatiques en Europe et aux États-Unis.</p>
<p>Ces marchands jouent un rôle dans la découverte de pièces archéologiques de la Chine archaïque, ils organisent des réseaux pour acheminer les pièces en Occident puis créent les conditions nécessaires à leur vente auprès des musées et des collectionneurs. Ils n’ont plus, comme les marchands de curiosité, des boutiques, véritables bric-à-brac, mais des galeries où ils mettent en scène les œuvres d’art et organisent des expositions. C’est le cas notamment de C.T. Loo dans sa Pagode à Paris. Ces marchands sont donc responsables de la perception de cet art chinois, jusqu’à aujourd’hui puisque les collections d’art chinois des grands musées occidentaux se sont constituées pendant ce premier XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Les archéologues et les sinologues ont aussi été des acteurs de cette patrimonialisation, en organisant des missions archéologiques en Chine d’où ils rapportent des pièces anciennes et en participant à la connaissance de ces objets grâce à leurs publications scientifiques. C’est le cas notamment du Français Édouard Chavannes dont la mission en Chine en 1907 et 1908 a enrichi la collection de la <a href="https://heritage.bnf.fr/france-chine/fr/mission-chavannes-article">section Extrême-Orient du musée du Louvre</a>.</p>
<h2>De l’objet d’art à l’objet de collection</h2>
<p>Le goût européen est formé à l’art chinois depuis l’époque moderne mais de façon partielle. D’ailleurs, quand <a href="https://theconversation.com/faut-il-relire-pierre-loti-97410">Pierre Loti</a> voit pour la première fois ces objets alors qu’il est à Pékin au moment de la <a href="https://www.retronews.fr/conflits-et-relations-internationales/echo-de-presse/2019/06/08/1900-revolte-des-boxers">révolte des Boxers</a>, il écrit dans son livre <a href="https://editions-magellan.com/livres/les-derniers-jours-de-pekin/"><em>Les derniers jours de Pékin</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Là, tout est incompréhensible et d’aspect effroyable ; on se sent profondément étranger à l’énigme des formes et des symboles. »</p>
</blockquote>
<p>L’art chinois archaïque semble difficile à appréhender mais ces pièces inconnues des Occidentaux sont <a href="https://theconversation.com/appropriation-culturelle-peut-on-voler-une-culture-136885">tout de suite bien accueillies</a>, ces derniers ayant soif de découvrir l’Extrême-Orient depuis la fin des années 1800. Le marchand <a href="https://tokonomamagazine.com/2019/07/26/les-wannieck-un-couple-entre-paris-et-pekin/">Léon Wannieck</a> entend parler d’un ensemble de bronzes archaïques découverts dans le village de Liyu en Chine en mars 1923. Il se rend sur place et achète une partie des objets avant qu’ils ne soient complètement dispersés. Il les expédie en France où ils connaissent rapidement un large retentissement. En 1934, les bronzes sont exposés au musée de l’Orangerie sous l’impulsion de sa femme Marie-Madeleine Wannieck, un événement prétexte à une levée de fonds afin que cet ensemble entre dans les collections des musées nationaux. L’entreprise est un succès et les bronzes peuvent aujourd’hui encore être admirés au <a href="https://www.guimet.fr/collections/chine/bouteille-hu-pour-les-boissons-fermentees/">Musée national des arts asiatiques – Guimet</a> à Paris.</p>
<p>Se pencher sur la question de l’appropriation par le public occidental de ce nouvel art consiste à élaborer une « anthropologie du regard » : le public européen et américain possède ses modes de perception spécifique, ses mécanismes d’appropriation intellectuels propres. Par ailleurs, les objets qui arrivent dans les collections occidentales changent de fonction : d’objets religieux par exemple, ils sont transformés en objets d’art. Ils prennent une valeur marchande et esthétique nouvelle. On peut dire alors avec le philosophe Jean Baudrillard, dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-systeme-des-objets"><em>Le système des objets</em></a> : « l’objet pur dénué de fonction ou abstrait de son usage, prend un statut strictement subjectif : il devient objet de collection. »</p>
<h2>Patrimoine et conscience collective</h2>
<p>Ce sujet fait surgir la question de la perception qu’a un peuple de ses richesses patrimoniales. Cette problématique, enjeu politique et géopolitique, s’est posée avec acuité rapidement à l’Occident, à l’Europe notamment qui s’est d’ailleurs rapidement intéressée aux patrimoines étrangers, comme le patrimoine chinois.</p>
<p>Du fait de la révolution culturelle en Chine au cours de laquelle le patrimoine national a été détruit – entre 1966 et 1976 – on dit souvent que la Chine ne s’intéresse à son patrimoine que depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle, les autorités ayant compris que ce soft power est à valoriser quand on veut être une puissance mondiale. Or, cette vision est caricaturale. Dès le XII<sup>e</sup> siècle, sous la dynastie Song, des fouilles archéologiques sont organisées. Les empereurs collectionnent les œuvres d’art antique. Alors même que la Chine est affaiblie au début du XX<sup>e</sup> siècle, des campagnes de fouilles archéologiques sont lancées sous l’égide de l’<a href="https://www.ehess.fr/fr/academia-sinica-taiwan">Academia Sinica</a> créée en 1928. La Chine connaît donc la richesse de son patrimoine.</p>
<p>Se pencher sur la formation des collections d’art chinois archaïque implique donc de réfléchir aux questions patrimoniales et à leurs enjeux géopolitiques dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle mais aussi à leurs résonances actuelles. Cela s’inscrit dans un mouvement global de réflexion sur la question des <a href="https://theconversation.com/restitution-des-biens-culturels-mal-acquis-a-qui-appartient-lart-89193">restitutions</a> à leur pays d’origine des œuvres d’art conservées dans les pays occidentaux.</p>
<p>Comprendre pourquoi et comment ces œuvres d’art ont intégré les plus grandes collections grâce à un groupe de marchands d’art avisés dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle permet de répondre au questionnement actuel, notamment en ce qui concerne la question des provenances. Il apparaît donc indispensable de permettre le développement des recherches des historiens sur l’histoire des collections occidentales formées d’objets venus d’ailleurs afin que la question des provenances soit évoquée en toute transparence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Valle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La géopolitique du patrimoine, à travers les questions de restitutions et de provenance des objets d’art, fait l’actualité. On parle de l’Afrique mais l’Asie, notamment la Chine, est aussi concernée.Elsa Valle, Doctorante, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165542023-10-30T16:17:24Z2023-10-30T16:17:24ZLes hommes déclarent qu'ils consacrent plus de temps aux tâches ménagères et qu'ils aimeraient en faire plus : enquête réalisée dans 17 pays<p>Dans les pays du Sud, les femmes effectuent entre <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=7">trois et sept fois plus de tâches de soins</a> que les hommes. Ces tâches comprennent les travaux domestiques et se concentrent principalement sur les soins aux enfants. </p>
<p>Il faut espérer que cette situation évolue. Le <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf">Rapport 2023 sur la situation des pères dans le monde</a>, intitulé “Centrer les soins dans un monde en crise”, a exploré les expériences et l'implication dans les soins de 12 000 hommes et femmes, dont beaucoup sont des parents, dans 17 pays. L'enquête s'est penchée sur ceux qui s'occupent des soins, comment ils s'en occupent, pour qui, et sur ce que les hommes et les femmes pensent des soins.</p>
<p>Je suis l'un des cinq coauteurs du rapport, qui révèle une remarquable appréciation des soins de la part des personnes interrogées. Dans une enquête en ligne, ils ont massivement associé les soins à des termes positifs. L’“amour” est le mot le plus fréquemment mentionné dans tous les pays. </p>
<p>Parmi les autres mots fréquemment cités figurent “aide”, “protection”, “attention”, “responsabilité”, “santé”, “gentillesse” et “famille”.</p>
<p>La plupart des hommes ayant participé à l'enquête ont déclaré qu'ils effectuaient des tâches de soin et qu'ils étaient disposés à en faire davantage. Mais de nombreux obstacles se dressent sur leur chemin, notamment les normes sociétales et les contraintes financières. Si les résultats de l'étude laissent entrevoir des changements, ils montrent également que le rythme de ces changements est beaucoup trop lent. </p>
<h2>Pression croissante en faveur d'une plus grande égalité</h2>
<p>Au début de cette année, les États membres des Nations unies ont désigné à l'unanimité le 29 octobre <a href="https://www.un.org/fr/observances/care-and-support-day">journée internationale des soins et de l'assistance</a>. Cela veut dire qu'il y a de plus en plus de reconnaissance de la valeur des soins et du travail de soins et met en évidence le besoin urgent de répartir plus équitablement les responsabilités en matière de soins. </p>
<p>Fournir des soins à une autre personne peut être une expérience positive, favorisant l'empathie et des relations constructives. Cependant, la répartition inégale des <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_633115/lang--en/index.htm">soins</a> entre les hommes et les femmes entrave depuis longtemps la participation des femmes au travail rémunéré. </p>
<p>En 2018, l'Organisation internationale du travail a estimé que 606 millions de femmes en âge de travailler n'étaient pas en mesure de le faire en raison des tâches de soin non rémunérées. Et le lourd fardeau de ce travail de soins a eu des <a href="https://www.researchgate.net/publication/354252144_Women's_wellbeing_and_the_burden_of_unpaid_work">conséquences néfastes </a>sur le bien-être physique et mental des femmes.</p>
<h2>Aller dans la bonne direction</h2>
<p>Le rapport sur la situation des pères dans le monde révèle que les mères continuent d'assumer une plus grande part de responsabilité dans les tâches de soins, telles que le nettoyage, les soins physiques et émotionnels pour les enfants, la cuisine et les soins pour le/la conjoint(e). Les femmes ont déclaré avoir effectué 1,32 fois de plus de soins physiques aux enfants et avoir fait 1,36 de fois de plus de ménage que les hommes dans tous les pays étudiés dans le rapport. </p>
<p>Mais les pères de pays aussi divers que l'Argentine, l'Irlande, la Chine, la Croatie et le Rwanda ont également déclaré consacrer un nombre d'heures important à diverses tâches non rémunérées au sein du foyer.</p>
<p>L'étude sur la situation des pères dans le monde attribue cette évolution à plusieurs facteurs, dont l'impact du <a href="https://www.who.int/europe/emergencies/situations/covid-19#page=58">COVID-19</a>, l'évolution des normes sexospécifiques relatives à la prestation de soins et des facteurs structurels tels que les systèmes de soins et les politiques en matière de congé parental.</p>
<p>Dans 15 pays, entre 70 et 90 % des hommes sont d'accord avec l'affirmation suivante : “Je me sens autant responsable des tâches de soins que ma partenaire”. </p>
<p>Fait encourageant, dans certains pays comme <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf">l'Afrique du Sud (85 %) et le Rwanda (93 %)</a>, les hommes n'étaient pas d'accord avec l'affirmation suivante : “On ne devrait pas apprendre aux garçons à coudre, à cuisiner, à faire le ménage ou à s'occuper de leurs frères et sœurs”.</p>
<p>Les hommes plus conscients de leurs émotions et ouverts à solliciter un soutien émotionnel étaient <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=22">deux à huit fois</a> plus susceptibles de s'occuper d'un membre de leur famille que ceux qui n'étaient pas conscients de leurs émotions. </p>
<p>Les hommes qui passaient plus de temps à s'occuper des autres ressentaient un plus grand bien-être. Les personnes interrogées qui se sont déclarées satisfaites de leur participation à l'éducation de leurs enfants étaient <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=8">1,5 fois</a> plus susceptibles d'être d'accord avec l'affirmation “Je suis la personne que j'ai toujours voulu être” et de faire état d'un sentiment de gratitude dans la vie que les personnes interrogées qui ne se sont pas déclarées satisfaites de l'éducation de leurs enfants. </p>
<h2>Tout le monde doit participer</h2>
<p>Il est important de reconnaître que la prise en charge d'un enfant ne peut pas dépendre uniquement des efforts individuels. Les hommes et les femmes ont besoin du soutien des communautés, des systèmes de soins et des politiques pour prodiguer des soins de manière efficace. </p>
<p>Plus de la moitié des mères et des pères considèrent que <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=8">l'activisme</a> en faveur des politiques de congé pour soins est une priorité. Ce sentiment varie : 57 % des pères et 66 % des mères en Inde, et 92 % des pères et 94 % des mères au Rwanda soutiennent cette cause.</p>
<p>Les femmes sont plus enclines que les hommes à <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=54">donner la priorité aux politiques de soins</a>, au même titre que les politiques de santé et d'égalité entre les hommes et les femmes. Les préoccupations concernant le coût de la vie étaient sont assez répandues chez les deux sexe, avec un peu plus de femmes (58 %) que d'hommes (53 %) exprimant cette inquiétude. </p>
<p>L'étude a révélé qu'une proportion importante de personnes dans tous les pays ont déclaré <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=54">prendre des mesures </a> pour améliorer les politiques de soins. La majorité d'entre elles (74 %) ont discuté de la question avec leurs amis et leur famille, tandis que 39 % des femmes et 36 % des hommes ont signé ou partagé des pétitions en ligne. En outre, 27 % des femmes et 33 % des hommes ont participé à des manifestations appelant à l'amélioration des politiques de soins.</p>
<p>Les décideurs politiques ont un rôle important à jouer dans les réformes visant à améliorer le congé parental. De meilleures données permettent d'élaborer de meilleures politiques. Il faut donc disposer de statistiques plus précises sur, par exemple, le nombre de pères qui prennent un congé parental et la répartition du temps consacré aux soins entre les hommes et les femmes. </p>
<p>Il est essentiel de faciliter le partage des tâches ménagères entre les hommes si l'on veut que les pays <a href="https://www.equimundo.org/wp-content/uploads/2023/07/State-of-the-Worlds-Fathers-2023.pdf#page=81">prospèrent</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wessel Van Den Berg travaille pour Equimundo : Centre pour les Masculinités et la Justice Sociale</span></em></p>Le dernier rapport sur la situation des pères dans le monde indique que dans 15 pays, entre 70 et 90 % des hommes se sentent autant responsables des tâches ménagères que leurs conjointes.Wessel Van Den Berg, Research fellow, Stellenbosch UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141222023-09-26T19:11:20Z2023-09-26T19:11:20ZQuel rôle pour les BRICS dans l’économie mondiale ?<p><a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/czv7nd5lx09o">S’émanciper de l’influence des puissances occidentales</a> et constituer une nouvelle force économique et géopolitique. Tel est le souhait qu’ont exprimé les <a href="https://theconversation.com/topics/brics-137487">BRICS</a> (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/bresil-23640">Brésil</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-du-sud-37411">Afrique du Sud</a>), lors de leur 15<sup>e</sup> sommet qui s’est tenu à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 22 au 24 août 2023. C’est aussi ce qui ressort lors du <a href="https://www.ungeneva.org/fr/news-media/news/2023/09/85056/antonio-guterres-exhorte-le-g77-et-la-chine-defendre-un">G77</a> qui s’est achevé le 16 septembre à la Havane.</p>
<p>Il ne s’agit pas de rompre avec ces puissances, mais de s’affirmer face à elles. Ces États, à l’instar d’autres pays émergents, considèrent qu’ils subissent les effets négatifs du développement des économies avancées, par exemple en matière environnementale, tout en devant en payer le prix. Ils souhaitent donc limiter leur dépendance et accroitre leur pouvoir de décision.</p>
<p>On retrouve parmi les BRICS des situations très diverses. Le principal point commun à ces pays est d’être des économies émergeant grâce à une forte croissance, représentant des marchés attractifs pour les investisseurs internationaux, et n’appartenant plus au groupe des pays en développement sans être entrées dans celui des pays développés.</p>
<p>Le sommet de Johannesburg s’est conclu par l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/sommet-des-brics-six-nouveaux-pays-integrent-le-bloc-des-pays-emergents_6022967.html">adhésion de 6 nouveaux pays</a> à partir de 2024 : l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, et l’Iran. Les candidats étaient nombreux et un futur élargissement est probable. Ce sommet très médiatisé fut un succès, notamment pour la Chine, très favorable à de nouvelles adhésions, celles-ci concernant des pays avec lesquelles elle entretient de solides relations.</p>
<p>Quelles sont les raisons de cette évolution ? Et quelles peuvent en être les conséquences ?</p>
<h2>Peser sur la gouvernance mondiale</h2>
<p>Deux jours avant le sommet, le président sud-africain a affirmé sa <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/21/sommet-des-brics-l-afrique-du-sud-refuse-une-competition-entre-puissances-mondiales_6186049_3212.html">volonté de non-alignement</a> sur les grandes puissances. Il a ainsi confirmé la position de nombreux pays refusant de condamner l’agression russe en Ukraine afin de ne pas suivre la volonté de l’Europe et des États-Unis.</p>
<p>Ce sommet a donc été l’occasion de rappeler l’ambition de nombreux États du sud de reconfigurer leur rôle dans la gouvernance mondiale. Cela fait plusieurs années que les BRICS souhaitent accroitre leur poids au sein des institutions internationales, particulièrement le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ce vœu avait particulièrement été exprimé lors du premier G20 en 2008.</p>
<p>Ces demandes répétées ont fait l’objet d’un vote de principe en 2012 au FMI et une modification de ce que l’on appelle les « quotes-parts » en 2015. La <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2015/09/14/01/49/pr1625a">quote-part</a> d’un pays détermine le montant maximal de ressources financières qu’il s’engage à fournir au FMI ainsi que le montant maximal de prêt qu’il pourra en obtenir. Surtout, en matière de gouvernance, elle représente le pouvoir de vote dans les décisions de cette instance mondiale. Ces quotes-parts sont révisées au moins tous les 5 ans par le Conseil des gouverneurs.</p>
<p>Or, malgré de profonds changements dans l’économie mondiale, les économies développées continuent d’être très majoritaires dans ce pouvoir de décision. La <a href="https://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2021/03/05/Fifteenth-General-Review-of-Quotas-Quota-Formula-and-Realigning-Shares-50149">15ᵉ révision</a> présentée en 2020 n’a donné lieu à aucune modification des quotas, exacerbant le mécontentement des pays émergents : les BRICS restent en position de faiblesse par rapport aux économies avancées. Plusieurs modifications ont été proposées notamment dans la méthode de calcul, sans résultat jusqu’à maintenant. Cette méthode tient pour l’heure compte, par ordre d’importance, du PIB, du degré d’ouverture de l’économie, de sa stabilité et des réserves en or et en devises du pays.</p>
<p><iframe id="ok3zG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ok3zG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une 16<sup>e</sup> révision générale des quotes-parts est en cours et devrait être achevée d’ici mi-décembre 2023. En attendant, face à ce qu’elle considère comme une sous-estimation de son rôle dans l’économie mondiale, la Chine, en lançant l’initiative « Une ceinture, une route » (généralement appelée <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">projet des routes de la soie</a>), veut permettre la création d’institutions considérées comme des alternatives au FMI et à la Banque mondiale. La <a href="https://www.forbes.fr/business/la-banque-asiatique-dinvestissement-pour-les-infrastructures-un-acteur-emergent-influent-sur-le-marche-asiatique-des-infrastructures/">Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures</a> créée en 2013 et la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/08/24/les-ambitions-contrariees-de-la-banque-des-brics_6186379_3234.html">Nouvelle banque de développement</a>, appelée parfois banque des BRICS, en 2015, ont leurs sièges respectifs à Pékin et Shanghai.</p>
<p>La Chine détient <a href="https://dievolkswirtschaft.ch/fr/2021/07/la-banque-asiatique-dinvestissement-pour-les-infrastructures-tient-le-bon-cap/">26 % des droits de vote</a> dans la première, contre <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Institutionnel/Niveau3/Pages/4cea6593-a3f2-4fa6-ac49-643fb501230e/files/37a86bd4-c1a9-4577-86c5-c5fa8eed6a80">16 % pour la zone euro</a>, et accroit ainsi son rôle dans la gouvernance mondiale. L’ouverture de la seconde à de nouveaux pays comme l’Arabie saoudite va renforcer ses capacités financières tout en permettant à ce pays de diversifier ses placements. Elle n’est pas une alternative au FMI ou à la Banque mondiale mais elle renforce le pouvoir de négociation des BRICS.</p>
<h2>Internationaliser le Yuan</h2>
<p>Outre les instances internationales, c’est également via le marché des devises que les BRICS tentent d’acquérir un poids nouveau. Brièvement évoquée par le président du Brésil, l’existence d’une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/une-monnaie-commune-pour-les-brics-est-ce-bien-realiste-1956621">monnaie commune à ces États</a> n’a pas été retenue et semble très peu probable compte tenu de leur hétérogénéité. Celle-ci devient en outre encore plus grande avec l’élargissement du groupe.</p>
<p>Le caractère international d’une monnaie s’apprécie par son utilisation en dehors de son territoire national, pour les échanges commerciaux et financiers, comme réserve de change et sur le marché des changes. Elle est un vecteur de confiance dans les transactions internationales. Depuis la création de l’euro en 1999, la part du dollar dans les réserves des banques centrales est passée de 71 % à 54,7 % en 2023, celle de l’euro étant de 18,3 % et celle du Yuan de 2,39 %. La baisse du poids du dollar est donc réelle, mais cette monnaie continue néanmoins à dominer très largement les autres, le <a href="https://theconversation.com/topics/yuan-137493">Yuan</a> (ou Renminbi) occupant le 7<sup>e</sup> rang.</p>
<p><iframe id="RAaf6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RAaf6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est la Chine qui semble la plus à même de proposer une alternative et de permettre à certains pays de se soustraire à la domination du dollar. Le contexte y semble propice pour plusieurs raisons.</p>
<p>En faisant usage du pouvoir d’<a href="https://www.cairn.info/revue-red-2020-1-page-55.htm">extraterritorialité de leur loi</a>, permise par le statut de monnaie internationale du dollar, pour pénaliser notamment des entreprises étrangères, les États-Unis ont en quelque sorte rompu le pacte implicite qui les liait au reste du monde. En sanctionnant les pays commerçant avec ses adversaires, Washington a généré une grande inquiétude dans de nombreux pays réticents à s’aligner sur les positions américaines. D’ailleurs, à partir de 2014, début des sanctions occidentales contre la Russie, même les entreprises françaises ont <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/wp924.pdf">diminué leur usage du dollar</a>.</p>
<p>Alors que le gel des avoirs de la Russie et son <a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-lexclusion-de-la-plate-forme-swift-est-elle-une-arme-nucleaire-financiere-178217">exclusion du système de paiements internationaux Swift</a> à la suite de l’invasion de l’Ukraine a été très mal perçu par nombre de pays du sud, la Russie s’est par ailleurs tournée vers le système alternatif mis en place en 2015 par la Chine, nommé CIPS pour « China International Payment System ».</p>
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<p>L’internationalisation du Yuan progresse donc, assez lentement, mais son utilisation par les pays émergents et en développement est croissante. Il a été <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2016/09/29/AM16-NA093016IMF-Adds-Chinese-Renminbi-to-Special-Drawing-Rights-Basket">intégré aux Droits de tirage spéciaux du FMI</a> en 2016. La banque centrale chinoise multiplie les <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/391tf22-0.pdf">accords de swaps</a> qui facilitent les échanges de devises, et les prêts aux pays intégrés au projet des routes de la soie se poursuivent.</p>
<h2>Le dollar, toujours monnaie de référence</h2>
<p>En juillet 2023, le yuan ne représentait que 3,06 % des paiements en devise contre 46,46 % pour le dollar et 24,42 % pour l’euro, ce qui le place au <a href="https://www.swift.com/our-solutions/compliance-and-shared-services/business-intelligence/renminbi/rmb-tracker/rmb-tracker-document-centre">5ᵉ rang</a>. La taille du pays, son poids dans l’économie mondiale et particulièrement dans le commerce international pourrait soutenir la position du Yuan comme monnaie internationale.</p>
<p>Si l’on observe une <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w31476/w31476.pdf">diversification</a> dans l’utilisation des monnaies, l’évolution la plus probable est une poursuite de ce mouvement, avec une régionalisation permettant l’usage de monnaies locales et la poursuite d’un <a href="https://www.nber.org/papers/w21716">processus d’internationalisation du Yuan</a>, mais le dollar restant la monnaie internationale de référence. L’inconvertibilité du Yuan, le contrôle des capitaux et la taille insuffisante des marchés de capitaux de la Chine l’empêchent en effet encore de faire de sa monnaie une alternative au dollar. Celui-ci garde un rôle central dans le système monétaire international en raison du poids politique, militaire et économique des États-Unis qui, eux, présentent les garanties permettant d’avoir une monnaie internationale : un système financier de grande taille, une gouvernance de celui-ci transparente et fondée sur des règles et une faible distinction entre résidents nationaux et étrangers.</p>
<p>L’hétérogénéité des BRICS, la divergence de leurs intérêts rend difficile la coordination de leurs politiques. Comme ils ne souhaitent pas une rupture avec les États-Unis et l’Europe, ces rapprochements peuvent néanmoins leur permettre d’accroitre leur pouvoir de négociation et de peser sur la gouvernance mondiale sur les sujets fondamentaux que sont la lutte contre la pauvreté ou la soutenabilité environnementale du développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary-Françoise Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour s’affirmer face aux puissances occidentales, les BRICS recherchent notamment à renforcer leur position dans les instances mondiales et le poids du Yuan dans le système monétaire.Mary-Françoise Renard, Professeur d’économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132652023-09-12T21:50:34Z2023-09-12T21:50:34ZSanctions occidentales contre la Russie : l’Asie à la rescousse de Moscou<p>Avant d’envahir l’Ukraine en février 2022, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> avait, semble-t-il, anticipé les sanctions financières occidentales. Malgré celles-ci, et celles qui ont ciblé son commerce, l’économie russe a en effet affiché une relative solidité dans les mois qui ont suivi le début de la guerre. Ce résultat reflète la réallocation géographique rapide de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commerce-exterieur-61077">commerce extérieur</a> et sa préparation aux sanctions, avec la mise en place de nombreux circuits de contournements et un pivot manifeste vers l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, et surtout la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>.</p>
<p>En 2022, la Russie a enregistré un excédent commercial de 284 milliards de dollars vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux. Cet excédent considérable, plus du double de celui de 2019, masque néanmoins les tendances du commerce russe depuis le déclenchement du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">conflit</a>. En effet, l’excédent commercial qui atteignait près de 33 milliards de dollars en mars et avril 2022 s’est considérablement réduit depuis – 14 milliards en décembre (graphique 1a) –, mais reste toutefois supérieur à ce qu’il était en moyenne mensuelle entre 2019 et 2021 (10 milliards de dollars).</p>
<p>Sous les effets cumulés de la hausse des prix de l’énergie et de la montée en puissance progressive des sanctions, les exportations russes, après avoir progressé en début d’année, ont entamé une baisse graduelle à partir d’avril 2022 (graphique 1b). Mais, grâce à la réorientation de ses échanges vers les pays non alignés – ceux qui n’ont pas pris de sanctions à son encontre à la suite de l’invasion de l’Ukraine – la Russie a pu préserver des recettes plus élevées que celles enregistrées en moyenne entre 2019 et 2021.</p>
<h2>Un tournant commercial vers l’Asie</h2>
<p>Du côté des importations, la chute massive, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, de 18 milliards à 8,5 milliards de dollars entre février et avril 2022, a été suivie d’une reprise lente jusqu’à un retour, au dernier trimestre 2022, au niveau mensuel moyen observé sur la période 2019-2021, essentiellement grâce à la Chine (graphique 1c).</p>
<h2>Graphique 1 : Une réallocation du commerce extérieur russe vers les pays non alignés</h2>
<p><iframe id="9iHlZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9iHlZ/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="I3Cfi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/I3Cfi/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="oNQWA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNQWA/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En décembre 2022, cette dernière fournissait en effet 52 % des importations russes, contre 27,6 % en moyenne sur la période 2019- 2021, de quoi compenser la baisse des importations en provenance des pays alignés, essentiellement de l’Union européenne (UE) dont la part dans les importations russes n’était plus que de 24 % en décembre 2022 contre 48 % en moyenne sur la période 2019-2021. En définitive, l’Inde, la Chine et la Turquie ont offert des débouchés aux exportations russes tandis que, côté importations, la Chine a remplacé les pays alignés.</p>
<h2>De nouvelles destinations pour le pétrole russe</h2>
<p>Représentant 52 % de ses exportations en 2022, les produits pétroliers ont permis à la Russie d’engranger 238 milliards de dollars (exportations nettes) au cours de l’année. Malgré les restrictions croissantes visant ces produits, dans le but d’affaiblir ses recettes d’exportations et de rendre l’effort de guerre plus difficile, la Russie a profité de la hausse des prix de l’énergie, dans un contexte de reprise post-crise sanitaire, et de la fragmentation internationale quant aux sanctions à adopter en réponse à son agression pour maintenir, voire accroître sa rente pétrolière (graphique 2).</p>
<p>Alors qu’à partir de mars 2022, du fait des embargos mis en place rapidement, les flux à destination des États-Unis et du Royaume-Uni déclinent et atteignent, dès le mois de mai des quantités négligeables, que l’UE – un peu plus lentement – réduit ses importations (passant d’environ 12 milliards de dollars en mars à 6 milliards en décembre 2022), la Chine, et surtout l’Inde ont vu leurs importations augmenter (graphique 2).</p>
<h2>Graphique 2 : Les exportations de produits pétroliers déroutées vers l’Inde et la Chine</h2>
<p><iframe id="g2jzx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/g2jzx/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Une relative résilience des importations</h2>
<p>Si, grâce à la Chine, les importations russes ont fait preuve de résilience, cela ne signifie pas pour autant qu’elle s’est substituée à l’Europe sur les produits sanctionnés. La Chine peut en effet avoir accru ses exportations sur les produits non sanctionnés ou les avoir augmentées au-delà de la baisse des exportations européennes vers la Russie sur certains produits sanctionnés, et peu sur d’autres, de telle sorte que l’on observe une variation des exportations chinoises d’une ampleur qui ne reflète pas la réalité de la substitution.</p>
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<p>Et c’est, d’une certaine manière, ce que l’on constate : sur plus de 2 milliards de dollars de baisses d’importations en provenance de l’UE, la compensation a été de moins de 10 %, tandis qu’elle n’a été supérieure à 80 % que pour 515 millions de dollars de baisses d’importations.</p>
<p>Ainsi, alors que la Chine est le principal pays qui a compensé les baisses d’importations en provenance d’Europe du fait des sanctions, moins de 24 % l’ont été ; le cas le plus flagrant étant celui des importations de matériel de transport en provenance d’Europe pour lesquelles plus des 75 % de la baisse – très forte – n’ont pas été compensées.</p>
<h2>Une dédollarisation en faveur du yuan</h2>
<p>En revanche, la Chine a offert à la Russie des moyens de contourner les sanctions financières. Il faut dire que depuis les sanctions liées à l’annexion de la Crimée en 2014, la banque centrale russe a non seulement fortement accumulé des réserves, mais aussi diversifié ses avoirs étrangers. Alors que la part du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dollar-85009">dollar</a> dans les réserves s’élevait à 44 % 2014, celle-ci n’était plus que de 11 % en 2022, une partie importante des réserves ayant été transférée vers le yuan et l’or : le yuan représentait 17 % des réserves et 22 % d’entre elles étaient détenues en or fin 2022 (graphique 4a).</p>
<p>Contrairement à 2014, la banque centrale s’était donc préparée aux restrictions avant l’invasion de l’Ukraine, en « dédollarisant » ses réserves de change, ce qui a permis au rouble, après s’être fortement déprécié face au dollar à la suite du déclenchement du conflit et des sanctions de février 2022, de rapidement revenir à son niveau d’avant-guerre, atteignant le taux de 54,5 roubles pour un dollar en juin 2022, niveau jamais connu depuis 2015 – en moyenne mensuelle.</p>
<p>En autorisant en septembre 2022 la Chine à payer ses achats de gaz russe en yuans et en roubles, Moscou a aussi, par ce biais, accentué la dédollarisation de l’économie russe. Cette inflexion concerne l’ensemble des exportations : ainsi, avant l’invasion de l’Ukraine, plus de 80 % des exportations étaient libellées en monnaies des pays alignés comme le dollar et l’euro, contre 12 % pour le yuan ; ce dernier atteint fin 2022 plus de 35 % dans le paiement des exportations, la part du dollar et de l’euro étant quant à elle passée sous la barre des 50 % (graphique 4b).</p>
<h2>Graphique 3 : La diversification des réserves internationales et la dédollarisation de l’économie russe en 2022</h2>
<p><iframe id="lwdtg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lwdtg/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="KI0BL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KI0BL/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au total, l’évolution des échanges commerciaux et du rouble montre qu’il ne fallait pas attendre des sanctions occidentales un effondrement <em>immédiat</em> de l’économie russe. Leurs effets devront être appréhendés à plus longue échéance puisqu’en rendant l’effort de guerre plus difficile pour la Russie, elles devraient peser à terme sur les plans économique, financier et technologique. Ces effets commencent d’ailleurs à se faire sentir avec une dépréciation du rouble de l’ordre de 30 % depuis le début de l’année 2023 – particulièrement marquée depuis la fin du printemps – en raison notamment du poids financier de la guerre, couplé à la baisse des recettes pétrolières du fait des sanctions entrées en vigueur fin 2022.</p>
<hr>
<p><em>Cet article reprend des extraits de la lettre du Cepii de juillet-août 2023 intitulée <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13860">« Russie : sanctions occidentales et échappatoires orientales »</a> et accessible gratuitement en version intégrale sur le site du Cepii</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213265/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale l'AFSE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carl Grekou et Lionel Ragot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La relative résistance de l’économie russe s’explique notamment par la place grandissante du yuan chinois dans ses échanges financiers extérieurs.Carl Grekou, Économiste, CEPIILionel Ragot, Conseiller scientifique au CEPII, professeur d'économie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresValérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130312023-09-11T13:56:41Z2023-09-11T13:56:41ZVoici comment contenir la Chine et la Russie, superpuissances frappées d’allégations d’atrocités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546710/original/file-20230831-27-66cu2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C3051%2C2018&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, en mars 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>En Afrique du Sud, lors de la dernière réunion des BRICS, un groupe de puissances économiques comprenant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, le président russe <a href="https://www.cnn.com/2023/08/20/europe/putin-brics-no-show-analysis-hnk-intl/index.html">Vladimir Poutine brillait par son absence</a>.</p>
<p>Parce que la Cour pénale internationale a émis un <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/mar/17/icc-arrest-warrant-vladimir-putin-explainer">mandat d’arrêt</a> contre lui plus tôt cette année en raison d’atrocités présumées sur des enfants ukrainiens, Moscou s’inquiétait visiblement que Poutine soit <a href="https://www.euronews.com/2023/08/21/putin-was-meant-to-be-at-a-summit-in-south-africa-this-week-why-was-he-asked-to-stay-away">arrêté</a> s’il se rendait à Johannesburg.</p>
<p>Les atrocités de masse comprennent les génocides, les crimes contre l’humanité, le nettoyage ethnique et les crimes de guerre. Parmi tous les défis du monde actuel, l’urgence de prévenir les atrocités de masse s’impose.</p>
<p>En 2023, nous faisons face à un nombre sans précédent de personnes déplacées de force, <a href="https://www.unhcr.org/refugee-statistics/insights/explainers/100-million-forcibly-displaced.html">plus de 100 millions</a>, phénomène attribuable en partie <a href="https://www.unrefugees.org/emergencies/ukraine/">à un flot</a> exacerbé par l’invasion russe en Ukraine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-ne-doit-pas-faconner-lavenir-des-droits-de-la-personne-a-lonu-137043">La Chine ne doit pas façonner l’avenir des droits de la personne à l’ONU</a>
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<h2>Stagnation du progrès</h2>
<p>Bien qu’il y ait eu des réussites en matière de réduction des violations des droits de la personne, comme l’adoption de la doctrine <a href="https://www.un.org/fr/genocideprevention/">Responsabilité de protéger</a> des Nations unies et la création de la <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/role-international-criminal-court">Cour pénale internationale</a>, de récents événements préoccupants indiquent non seulement une stagnation du progrès, mais une régression.</p>
<p>Le fait de voir deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine et la Russie, être accusés d’atrocités de masse est particulièrement troublant.</p>
<p>La Chine est devenue de plus en plus <a href="https://www.dw.com/en/how-are-chinas-neighbors-viewing-beijings-military-plans/a-64921927">belliqueuse et agressive</a>, menaçant ses voisins et persécutant ses minorités. Les mesures de Beijing contre sa population musulmane ouïghoure ont soulevé l’indignation mondiale, <a href="https://www.ushmm.org/genocide-prevention/countries/china/case-study/current-risks/chinese-persecution-of-the-uyghurs">à la suite d’allégations</a> de génocide, de travail forcé, de détentions de masse, de répression culturelle et de destruction de mosquées.</p>
<p>De façon similaire, l’invasion russe de l’Ukraine a soulevé de graves préoccupations en matière de violation des droits de la personne. De nombreux <a href="https://www.raoulwallenbergcentre.org/images/reports/2023-07-26-Genocide-Ukraine-Report.pdf">chercheurs et experts</a> prêtent une intention génocidaire à l’armée russe en raison du massacre de civils dans des villes ukrainiennes <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/22/video/russia-ukraine-bucha-massacre-takeaways.html">comme à Boutcha</a>, des cas généralisés de torture confirmés par les <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/06/widespread-use-torture-russian-military-ukraine-appears-deliberate-un-expert">Nations unies</a> et des <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/targeted-destruction-ukraines-culture-must-stop-un-experts">tentatives continues qui semblent destinées à détruire</a> la culture ukrainienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme vêtue d’une robe bleue à motifs regarde un grand mur commémoratif sur lequel sont gravés des noms d’Ukrainiens" src="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une femme dans une robe aux motifs bleus devant une murale honorant les gens tués par les troupes russes à Boutcha, en Ukraine. Boutcha a été occupée par les forces russes pendant environ un mois au début de l’invasion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jae C. Hong)</span></span>
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</figure>
<h2>Les liens entre la Chine et la Russie</h2>
<p>L’alliance émergente entre les régimes autoritaires de Chine et de Russie est très préoccupante. Le président chinois Xi Jinping, lors de son récent voyage à Moscou, <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/xi-putin-pledge-new-world-order-chinese-leader-leaves-russia-rcna76048">a dit à Poutine</a> :</p>
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<p>Il y a des changements qui ne sont pas arrivés depuis 100 ans. Ensemble, nous provoquons ces changements. </p>
</blockquote>
<p>L’idée d’un futur ordre mondial façonné par ces deux autocrates donne une nouvelle profondeur <a href="https://www.sparknotes.com/lit/1984/quotes/character/obrien/">à cette célèbre citation</a> du romancier anglais George Orwell : « Si vous voulez un portrait de l’avenir, imaginez une botte écrasant un visage humain, à jamais. »</p>
<p>Alors que Poutine et Xi s’efforcent de transformer l’ordre international, chaque pays doit réfléchir à la grave menace qui pèse sur les droits de la personne, les normes démocratiques et l’essence même de la <a href="https://www.un.org/en/about-us/un-charter">Charte de l’ONU</a>, particulièrement à l’égard des actes d’agression</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637828614879150082"}"></div></p>
<p>Le fait de voir de grandes puissances se comporter ainsi confirme l’effritement de l’engagement mondial à prévenir ces atrocités.</p>
<p>La situation actuelle souligne l’urgence de raviver les flammes du progrès et de veiller au maintien des normes et des institutions des droits de la personne.</p>
<p>Il incombe à la communauté internationale de réaffirmer son engagement à prévenir les atrocités de masse, peu importe le statut géopolitique et la puissance économique des coupables. Cela passera par quatre piliers.</p>
<h2>Quatre moyens de faire respecter les droits de la personne</h2>
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<li><p>La sensibilisation et l’éducation doivent être améliorées pour amplifier la voix des populations présumément ciblées par la Russie et la Chine. Les populations informées peuvent faire pression sur leur gouvernement pour faire respecter les droits de la personne et obliger les criminels à rendre des comptes. Elles peuvent également exiger que les <a href="https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/china-83-major-brands-implicated-in-report-on-forced-labour-of-ethnic-minorities-from-xinjiang-assigned-to-factories-across-provinces-includes-company-responses/">entreprises arrêtent de faire affaire</a> avec les deux pays jusqu’à ce que leurs politiques et leurs comportements changent. Moscou et Beijing font tout leur possible <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/06/22/technology/xinjiang-uyghurs-china-propaganda.html">pour diffuser de la propagande</a> <a href="https://press.un.org/en/2023/sc15226.doc.htm">et de la désinformation</a> à l’échelle mondiale.</p></li>
<li><p>Des initiatives diplomatiques doivent être lancées pour veiller à ce que les <a href="https://time.com/6160282/arab-world-complicit-china-repression-uighurs/">intérêts économiques</a> n’éclipsent pas la nécessité de prévenir les atrocités de masse. Les pays doivent se regrouper pour contrer les plans d’hégémonie mondiale de Moscou et de Beijing, qui sonneraient le glas des droits de la personne et de la démocratie.</p></li>
<li><p>L’importance de renforcer les mécanismes de justice est capitale. La Cour pénale internationale doit avoir le pouvoir d’enquêter et de poursuivre tous les responsables, peu importe leur statut. Cela inclut l’exploration de moyens que la Cour pourrait utiliser même lorsqu’elle fait face à des <a href="https://www.reuters.com/world/europe/icc-member-states-say-russia-putting-prosecutor-wanted-list-is-deplorable-2023-05-20/">sanctions et à des menaces</a>.</p></li>
<li><p>Les pays doivent continuer de faire respecter <a href="https://legal.un.org/repertory/art51.shtml">l’article 51</a> de la Charte de l’ONU, « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée » et soutenir l’Ukraine dans ses efforts pour stopper l’invasion génocidaire russe. De fausses déclarations de négociations de paix masquent <a href="https://www.newyorker.com/news/essay/the-war-in-ukraine-is-a-colonial-war">l’intention russe de recoloniser</a> l’Ukraine, ce qui se produira seulement par la violence de masse et la destruction de l’identité ukrainienne. Cela enverra également un message à Beijing que <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/08/19/china-helping-arm-russia-helicopters-drones-metals-xi-putin/">son soutien</a> à l’invasion russe de l’Ukraine, sans parler d’une potentielle <a href="https://www.scmp.com/news/china/military/article/3230014/mainland-china-airs-documentary-signalling-military-preparation-taiwan-attack-and-willingness">attaque chinoise</a> sur Taïwan, s’accompagnera de conséquences.</p></li>
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<p>La communauté internationale doit reconnaître que des superpuissances commettent des atrocités et que cela fait peser une menace concrète sur la paix et la sécurité dans le monde.</p>
<p>Les pays qui commettent des génocides à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières, sans oublier <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/12/08/china-detains-journalists-dangers-2021-report/">l’emprisonnement de journalistes</a>, de <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-66408444">leaders de l’opposition politique</a> et de <a href="https://www.hrw.org/russia-government-against-rights-groups-battle-chronicle">groupes de la société civile</a>, représentent un danger pour l’humanité.</p>
<p>Lorsqu’ils sont membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’ils se concertent, ils représentent une menace totalitaire à prendre au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213031/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kyle Matthews a reçu des fonds du gouvernement du Canada (ministère du Patrimoine canadien) et de la Konrad Adenauer Stiftung. Il est affilié au Canadian Global Affairs Institute, au Conseil international du Canada et à la Fondation BMW.</span></em></p>Deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies – la Chine et la Russie – sont soupçonnés d’avoir perpétré de graves atrocités. Voici comment la communauté internationale doit agir.Kyle Matthews, Executive Director, The Montréal Institute for Genocide and Human Rights Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.