tag:theconversation.com,2011:/global/topics/cote-divoire-22147/articlesCôte d'Ivoire – The Conversation2024-03-01T09:50:49Ztag:theconversation.com,2011:article/2206522024-03-01T09:50:49Z2024-03-01T09:50:49ZCôte d'Ivoire : comment relancer la politique d'accès à la santé pour tous<p>Depuis 2011, l'Etat ivoirien a lancé des <a href="https://www.hfgproject.org/evaluation-de-la-gouvernance-du-secteur-sante-en-cote-divoire/">initiatives</a> visant à promouvoir la santé pour tous, plaçant la <a href="https://psgouv.ci/welcome/details_sous_menu3/oprationnalisation-progressive-de-la-couverture-maladie-universelle-cmu594">Couverture maladie universelle </a>(CMU) au centre de sa politique de santé. Mais la mise en œuvre de la CMU est confrontée à plusieurs défis. En septembre 2022, une visite de deux ministres dans deux hôpitaux d’Abidjan <a href="https://www.pressecotedivoire.ci/article/14760-cmu-dans-6-mois-lenrolement-pourrait-etre-payant">a révélé une sous-utilisation importante de la carte CMU</a>.</p>
<p>En tant que socio-anthropologue ayant travaillé sur <a href="https://hal.science/hal-03691264">les politiques de préparation et de réponses aux épidémies dans le système de santé en Côte d'Ivoire</a>, je m’attache ici à mettre en perspective les enjeux et défis liés à la mise en œuvre de la CMU en Côte d'Ivoire. Ce travail repose sur une analyse approfondie de documents. Il a été réalisé grâce au soutien de <a href="https://raee.fr/?PagePrincipale">l’Institut de recherche pour le développement au Réseau anthropologie des épidémies émergentes</a> et son Groupement de recherche international.</p>
<p>Les documents examinés sont composés notamment de rapports d'étude, de plans de développement sanitaire, d'articles scientifiques en lien avec la politique de santé en Côte d'Ivoire, de rapports d'activités, de discours en lien avec la CMU sur les réseaux sociaux, d'articles de presse. </p>
<h2>Les politiques d’assurance maladie de 1960 à 2011</h2>
<p>De 1960 à 1980, le gouvernement ivoirien <a href="https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1988_num_41_162_3264">a offert gratuitement</a> les soins et les médicaments aux populations. A partir de 1980, ces politiques basculent vers la “gratuité partielle” ou à la <a href="https://revues-ufhb-ci.org/fichiers/FICHIR_ARTICLE_1876.pdf">“gratuite quasi-totale”</a>. Dès 1994, le recouvrement des coûts après l’adoption de <a href="https://iris.who.int/handle/10665/202070">l’Initiative de Bamako s’est généralisé </a>, restant en vigueur jusqu’en 2010. En 2000, le gouvernement de <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Laurent_Gbagbo/121002">Laurent Gbagbo</a> avait entrepris d’instituer un <a href="https://iris.who.int/handle/10665/202070">système d’Assurance maladie universelle (AMU)</a>. Mais l’AMU est restée entravée par la <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/etat-des-lieux-des-inegalites-en-cote-divoire">rébellion de 2002</a>. Comme en 1980, en 2011, les nouvelles autorités annoncent une mesure d’exemption totale des frais médicaux. En 2015, conformément à une promesse de campagne du président sortant, Alassane Ouattara, la CMU est lancée pour un meilleur accès aux soins de santé moyennant une contribution mensuelle de 1000 francs CFA (environ 1,5 USD) par personne. </p>
<h2>Les cadres réglementaires et institutionnels</h2>
<p>La CMU, sous le président Alassane Ouattara, a acquis des fondements légaux et institutionnels. D’un point de vue légal, elle a été instituée par la loi du <a href="https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=5188&d=2">24 mars 2014</a>. Le <a href="https://www.juriafrica.com/lex/decret-2017-149-1er-mars-2017-30479.htm">décret du 1er mars 2017</a> fixe la liste des affections, des actes de médecine et de biologie et la liste des médicaments couverts par la CMU. </p>
<p>Les<a href="https://www.scribd.com/document/534281022/ARRETE-INTERMINISTERIEL-Prestations-CMU"> arrêtés interministériels du 4 janvier et 04 avril 2019 fixent les tarifs des actes de santé</a>. Le décret du 8 septembre 2021 permet la nomination d’un directeur de cabinet adjoint chargé de la CMU. En septembre 2022, à l’issue d’un conseil des ministres où la sous-utilisation de la carte CMU a été évoquée, le gouvernement décide de l’imposer pour accéder à certains services publics. Mais cette décision s’inscrit aussi dans une perspective d’inciter les populations à se faire enrôler massivement. Le gouvernement a par ailleurs annoncé que l’enrôlement pour la CMU serait payant dans les six mois après la décision d’imposer la carte CMU pour accéder à certains services publics. L’examen des documents montre que la CMU a connu quelques avancées, d’un point de vue légal, réglementaire et institutionnel, dans sa mise en place, ces dernières années. Toutefois, comme le besoin de se soigner ne se décrète pas, ces textes n’ont pas favorisé l’adhésion massive escomptée des populations.</p>
<h2>Les fragilités des politiques</h2>
<p>L'analyse temporelle et contextuelle de la mise en œuvre de la CMU montre que cette politique de santé s’insère dans la continuité de ce que le sociologue <a href="https://theconversation.com/profiles/francis-akindes-1053308">Francis Akindès</a> qualifie de <a href="http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2017-4-page-5.htm">“sentiers sinueux d’une sortie de crise en Côte d’Ivoire”</a>. Lesquels travaux ont été particulièrement marqués par un <a href="https://www.gouv.ci/doc/presse/1477497207RAPPORT%20FINAL_CDVR.pdf">processus de réconciliation inabouti </a>(avec une justice partiale).</p>
<p>Selon <a href="https://www.gouv.ci/doc/presse/1477497207RAPPORT%20FINAL_CDVR.pdf">le rapport</a> de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, dès sa prise de pouvoir, “le président de la République avait déclaré qu’il était profondément attaché à une justice équitable”. Cependant, le rapport atteste que “plusieurs centaines de personnes proches de l’ancien président Laurent Gbagbo étaient contraintes à l’exil ou incarcérées, alors que peu de partisans de Alassane Ouattara à qui des faits graves étaient reprochés n'avaient été traduits en justice”.</p>
<p>D’autres incohérences dans des politiques sociales comme celle consacrée aux <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CRII_089_0078">logements sociaux</a>, à la gratuité de l’école, à l’informatisation de l’inscription des étudiants et élèves et au renouvellement des cartes nationales d’identité ont alimenté les imaginaires d'une importante partie de la population ces dernières décennies. Or, <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/health-promotion/population-health/ottawa-charter-health-promotion-international-conference-on-health-promotion/chartre.pdf">la Charte d'Ottawa en 1986</a> stipule que la paix est une condition préalable à la promotion de la santé. Un post de l’OMS sur les réseaux sociaux en janvier 2023 rappelait : “Health for peace, peace for health” (la santé pour la paix, la paix pour la santé). Il est donc important de souligner que dans la<a href="http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-3-page-197.htm"> société du soupçon</a> et de forte <a href="https://www.fnac.com/a5527963/Robert-Castel-La-Montee-des-incertitudes">“montée des incertitudes”</a>, une telle politique nécessite un travail de construction de la confiance.</p>
<p>La dépendance aux financements extérieurs et la faible implication des populations constituent d'autres points faibles de la politique de santé.<br>
Tout d'abord, <a href="https://www.hfgproject.org/measuring-monitoring-progress-toward-universal-health-coverage-case-study-cote-divoire/">la mise en place</a> de la CMU en Côte d'Ivoire repose sur le travail d’un groupe de réflexion. Aucun des documents consultés ne mentionne une étude préalable pour la mobilisation, notamment des <a href="https://www.cnps.ci/independant/">travailleurs indépendants, perçus comme les principaux bénéficiaires de la CMU</a>. Néanmoins, le gouvernement compte sur leur bonne volonté pour payer leurs cotisations via notamment des<a href="https://www.ipscnam.ci/services/je-paie-ma-cotisation/"> plateformes de paiement en ligne</a>. </p>
<p>Des étudiants ayant souscrit à la CMU dès la phase pilote affirment n’avoir jamais payé leurs cotisations. Une internaute soutient s’être retrouvée avec 50 000 FCFA (82 USD) d’arriérés et n’a pu utiliser sa carte lorsqu’elle en avait besoin. La faible contribution des populations diminue les recettes fiscales et renforce <a href="https://ucp-fm.com/uploads/documentations/6388a0fde5e42-suivis-plan-national-de-developpement-sanitaire-pnds-2021-2025-VF.pdf">la dépendance de l’Etat</a> à l’aide extérieure pour certains programmes de santé. Comme le souligne la Banque mondiale, certes, “<a href="https://documents.banquemondiale.org/fr/publication/documents-reports/documentdetail/277191561741906355/situation-economique-en-cote-divoire">accroître les recettes fiscales</a> permettra au gouvernement de maintenir son programme d’investissements afin d’améliorer les services sociaux…”. Mais, nous estimons que l'autre défi majeur de l'Etat pour la CMU est de parvenir à se doter d’instruments de contrôle des cotisations des sans-emploi et des travailleurs du secteur informel. </p>
<h2>Les enjeux géopolitiques du financement</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.amazon.com/Americas-Vital-Interest-Global-Health/dp/0309058341/ref=sr_1_1?crid=3U810XLT87UNUkeywords=America%27s+Vital+Interest+In+Global+Health&sprefix=america%27s+vital+interest+in+global+health%2Caps%2C378&sr=8-1">le rapport</a> de la Commission de l’Institute of Medicine en 1997, les politiques de santé s’insèrent dans la perspective de la santé globale. Cette approche <a href="https://factsreports.revues.org/1564">introduit l'aide pour la santé</a> dans les systèmes de coopération canalisés par des mécanismes capitalistes de financement. Des mécanismes qui impliquent divers acteurs ayant des intérêts contradictoires. Or, la santé relève des politiques sociales dont l'application des exigences du capitalisme est susceptible d'entraver sa démocratisation.</p>
<p>Certains leviers du succès de la CMU restent ainsi tributaires de la complexe politique d’articulation des intérêts nationaux avec les enjeux de santé globale. Or, les <a href="https://ucp-fm.com/uploads/documentations/6388a0fde5e42-suivis-plan-national-de-developpement-sanitaire-pnds-2021-2025-VF.pdf">les partenaires mondiaux</a> n'interviennent que pour certaines maladies spécifiques. En outre, en mettant en place la CMU, le gouvernement veut non seulement respecter ses engagements envers les populations, mais aussi envers la communauté internationale. </p>
<p>En Côte d'Ivoire, la CMU s’insère dans la continuité des politiques de sortie de crise chaotique. Lesquelles incohérences alimentent la méfiance des populations et détériorent la confiance envers le gouvernement. Si la CMU a des ancrages légaux et institutionnels, elle reste fragilisée par l’absence d’un travail de mobilisation locale, la faiblesse des recettes fiscales et l’absence de stratégies pour favoriser le paiement des cotisations des acteurs du secteur informel. </p>
<h2>Que faire?</h2>
<p>Pour <a href="https://www.fnac.com/a1346596/Olivier-Nay-Le-gouvernement-du-compromis">mobiliser les populations</a>, il importe d'impliquer davantage les organisations de la société civile du secteur de la santé, les municipalités et les conseils régionaux qui sont supposés être des courtiers dans les actions publiques. </p>
<p>En ce qui concerne les cotisations des travailleurs indépendants, notamment les agriculteurs, nous suggérons que les autorités travaillent avec les acheteurs des produits agricoles, les coopératives d'agriculteurs et les agriculteurs eux-mêmes pour définir dans quelle mesure leurs cotisations annuelles peuvent être prélevées directement lors de la vente des produits. </p>
<p>Il nous paraît nécessaire de multiplier les sites d'enrôlement dans les villes, d'organiser des campagnes d'enrôlement dans les villages, mais en privilégiant les centres de santé comme principaux sites d'enrôlement. </p>
<p>Il semble également important de travailler à favoriser davantage la disponibilité et l'accès aux médicaments dans les pharmacies publiques ou privées accréditées. </p>
<p>Ces différentes suggestions nécessitent néanmoins un travail sociologique ou anthropologique approfondi pour une meilleure compréhension des représentations liées à cette politique de santé afin de mieux éclairer les actions de sa mise en œuvre et favoriser l’adhésion des populations</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Firmin Kra à bénéficié d’un soutien financier du Réseau Anthropologie des Epidémies Emergentes (RAEE) porté par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). </span></em></p>Le défi majeur de l'Etat est de parvenir à se doter d’instruments de contrôle des cotisations des sans-emploi et des travailleurs du secteur informel.Firmin Kra, Enseignant-chercheur, Université Alassane Ouattara de BouakéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2242752024-02-26T12:23:15Z2024-02-26T12:23:15ZApprentissage bilingue : leçons de l'Afrique de l'Ouest sur ce qui marche le mieux<p>Les enfants vivant dans des communautés multilingues apprennent souvent à l'école une langue qui ne correspond pas à celle qu'ils parlent à la maison. Ce décalage les empêche de participer aux discussions en classe et d'apprendre à lire. Il en découle des résultats d'apprentissage médiocres, des redoublements et des abandons scolaires.</p>
<p>Les programmes d'éducation bilingue qui incluent les langues maternelles sont de plus en plus populaires pour améliorer les résultats scolaires. L'éducation bilingue est associée à de meilleures <a href="https://doi.org/10.1017/S1366728908003386">compétences linguistiques et d'alphabétisation</a>, à une réduction des redoublements et des taux d'abandon scolaire dans le <a href="https://hdl.handle.net/10986/10331">monde entier</a>. L'intégration des langues maternelles dans l'éducation valorise également les identités culturelles des enfants, améliorant la confiance, <a href="https://doi.org/10.1080/09500789808666737">l'estime de soi</a> et <a href="https://doi.org/10.1007/s11159-012-9308-2">l'apprentissage</a>. </p>
<p>Mais le simple fait de dispenser un enseignement bilingue ne garantit pas de meilleurs résultats scolaire. C'est la conclusion d'un récent <a href="https://doi.org/10.1080/13670050.2023.2290482">article</a> que nous avons publié et dans lequel nous avons examiné les programmes bilingues dans six pays francophones d'Afrique de l'Ouest : Niger, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Cameroun. </p>
<p>Nous avons trouvé des résultats mitigés, entre les pays et les programmes et au sein de ceux-ci.</p>
<p>Nous avons identifié deux séries de facteurs qui limitent ou contribuent à la qualité de l'enseignement bilingue. Il s'agit de :</p>
<ul>
<li><p>des facteurs de mise en œuvre, tels que la formation des enseignants et les ressources disponibles dans les salles de classe;</p></li>
<li><p>des facteurs socioculturels, tels que la perception des langues maternelles dans l'éducation.</p></li>
</ul>
<p>Nos résultats soulignent la nécessité de prendre en compte le contexte local lors de l'application des programmes d'éducation bilingue. </p>
<h2>L'éducation bilingue en Afrique de l'Ouest francophone</h2>
<p>Notre équipe a mené des recherches en Côte d'Ivoire de 2016 à 2018. Nous avons mesuré les compétences linguistiques et de lecture des enfants dans leur langue maternelle et en français, et comparé les résultats entre les enfants scolarisés dans des écoles francophones ou bilingues du Projet École Intégrée. </p>
<p>Les enfants des écoles francophones ont obtenu de meilleurs résultats que leurs camarades des écoles bilingues dans les <a href="https://doi.org/10.1037/edu0000723">évaluations de la langue et de la lecture</a>. Les enseignants ont révélé qu'ils disposaient de meilleures ressources pédagogiques et qu'ils se sentaient mieux préparés dans les écoles francophones. </p>
<p>Nous avons voulu savoir si les programmes d'éducation bilingue dans d'autres pays francophones de la région avaient connu des expériences similaires. En 2022, nous avons recherché dans les bases de données universitaires la littérature en anglais et en français qui traitait de la mise en œuvre des programmes et mesurait les résultats de l'apprentissage et de la scolarisation dans le cadre des programmes d'éducation bilingue. Nous avons examiné neuf programmes provenant de six pays : Niger, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Cameroun. </p>
<p>Ces pays sont d'anciennes colonies ou territoires français. Le français est la langue officielle ou de travail et souvent la langue d'enseignement à l'école. Toutefois, ces pays sont très multilingues. Environ <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/niger.htm">23</a> langues vivantes sont parlées au Niger, <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/senegal.htm#:%7E:text=Groupes%20minoritaires%3A%20environ%2040%20langues,0%2C4%20%25">39</a>%2C%20etc.) au Sénégal, <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/mali-dans-un-pays-aux-70-langues-pourquoi-nen-navoir-quune-seule-officielle-1424862">68</a> au Mali, <a href="https://www.statista.com/statistics/1280625/number-of-living-languages-in-africa-by-country/">71</a> au Burkina Faso, <a href="https://www.statista.com/statistics/1280625/number-of-living-languages-in-africa-by-country/">78</a> en Côte d'Ivoire et <a href="https://www.statista.com/statistics/1280625/number-of-living-languages-in-africa-by-country/">277</a> au Cameroun. </p>
<p>Notre étude a montré que les enfants peuvent tirer profit de l'apprentissage de deux langues. Cela est vrai qu'il s'agisse de deux langues officielles, comme dans les écoles camerounaises <a href="https://doi.org/10.1007/s10993-019-09510-7">Dual Curriculum Bilingual Education (Programme d'éducation bilingue)</a> (français et anglais), ou d'une langue maternelle et du français, comme dans les <a href="https://doi.org/10.1086/447544">écoles communautaires</a> du Mali. Les enfants peuvent également en bénéficier, qu'ils soient progressivement initiés à une langue tout au long de l'école primaire ou que les deux langues soient introduites en même temps.</p>
<p>Mais le manque de ressources et l'absence de prise en compte des conditions locales ont affecté les résultats. Les programmes qui ont abouti à des résultats positifs en matière de scolarisation et d'apprentissage ont identifié et ciblé des défis communs liés à l'école et à la communauté.</p>
<h2>Formation des enseignants et ressources</h2>
<p>Un défi commun lié à l'école était que les enseignants ne disposaient pas de matériel pédagogique dans toutes les langues d'enseignement.</p>
<p>Le programme <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000161121">Pédagogie Convergente</a> au Mali, par exemple, a permis aux enseignants de disposer de matériel en français et dans leur langue maternelle. Les enfants ont obtenu de meilleurs résultats en français et en mathématiques. </p>
<p>Mais certains enseignants du même programme ne disposaient pas toujours de <a href="https://books.google.ca/books/about/Patterns_of_French_literacy_development.html?id=MoNnAAAAMAAJ&hl=en&redir_esc=y">matériel</a> pédagogique dans leur langue maternelle. Et certains enfants avaient des difficultés à lire et à écrire. </p>
<p>Un autre problème commun est que les enseignants ne se sentent pas préparés à enseigner dans toutes les langues, car la formation des enseignants se fait souvent dans une langue officielle, comme le français. Le <a href="https://www.adeanet.org/clearinghouse/sites/default/files/docs/interieur_11_burkina_fre.pdf">Programme d'éducation bilingue</a> au Burkina Faso, par exemple, s'est efforcé de former les enseignants dans leur langue maternelle afin qu'ils se sentent à l'aise pour suivre le programme bilingue. </p>
<p>Les enfants des écoles bilingues du Burkina Faso ont obtenu des <a href="https://doi.org/10.1080/13670050802149275">taux de réussite</a> supérieurs à la moyenne à l'examen du certificat d'études primaires, <a href="https://www.memoireonline.com/06/22/12997/m_Le-rapport-des-enseignants-aux-langues-nationales-en-tant-que-mdiums-et-matires-den.html">ont moins redoublé</a> et sont restés plus longtemps à l'école que les enfants des écoles françaises traditionnelles. </p>
<p>Ces deux exemples contrastent avec les écoles bilingues de Côte d'Ivoire, où les enseignants manquaient de matériel et de formation dans leur langue maternelle. En conséquence, les enfants ont démontré de moins bonnes compétences en langue et en lecture que leurs camarades dans les écoles uniquement françaises.</p>
<h2>Facteurs socioculturels</h2>
<p>Nous avons identifié des défis communs liés à la communauté, notamment en ce qui concerne l'adhésion de la communauté et la perception de l'enseignement dans la langue maternelle. </p>
<p>Par exemple, les familles ayant un statut socio-économique élevé craignaient que <a href="https://doi.org/10.1080/13670050208667760">les écoles expérimentales du Niger</a> n'entravent la maîtrise du français par les enfants et ne compromettent leur entrée dans l'enseignement secondaire. </p>
<p>Des programmes tels que le <a href="https://ared-edu.org/wp-content/uploads/2021/07/DC-Senegal-Workshop-Findings_04.2019-FINAL-ENG.pdf">Projet d'appui à l'éducation de qualité en langues maternelles pour l'école primaire</a> au <a href="https://doi.org/10.1080/13670050.2020.1765968">Sénégal</a> se sont efforcés de combattre les perceptions négatives en éduquant les familles sur les avantages de l'éducation bilingue. Les enfants du programme sénégalais ont obtenu de meilleurs résultats que leurs camarades des écoles françaises traditionnelles dans toutes les matières scolaires.</p>
<p>Les mêmes programmes ont parfois donné des résultats différents en fonction de la communauté. Par exemple, bien que les enfants scolarisés dans des écoles bilingues au Burkina Faso aient obtenu de bons résultats, les <a href="https://doi.org/10.1007/s11159-021-09885-y">parents</a> ont estimé que les programmes français étaient mieux adaptés pour la poursuite des études dans le secondaire. </p>
<h2>Quelles conséquences pour l'enseignement bilingue ?</h2>
<p>Notre étude a mis en évidence que les efforts visant à fournir aux enseignants les ressources dont ils ont besoin et à favoriser le soutien de la communauté ont été systématiquement associés à des résultats positifs en matière de scolarisation et d'apprentissage. </p>
<p>Toutefois, l'efficacité de ces initiatives peut varier selon les communautés, en raison de contraintes de ressources différentes et de différences socioculturelles. Les études qui ont révélé des résultats moins satisfaisants ont également identifié la présence de défis communs. Par conséquent, l'éducation bilingue peut favoriser des résultats d'apprentissage positifs si des efforts sont déployés pour surmonter les défis communs en fonction des besoins des communautés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224275/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Même si ‘éducation bilingue peut améliorer les résultats d'apprentissage, il est important de tenir compte du contexte local.Kaja Jasinska, Assistant Professor, Applied Psychology and Human Development, University of TorontoMary-Claire Ball, PhD student, Developmental Psychology and Education, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210652024-01-12T19:26:37Z2024-01-12T19:26:37ZCAN 2023 : tout ce qu'il faut savoir sur une année record pour la plus grande compétition de football d'Afrique<p>La plus grande fête du football en Afrique, la <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/">Coupe d'Afrique des Nations 2023 (CAN)</a> masculine, est organisée par la Côte d'Ivoire en Afrique de l'Ouest et se terminera par la finale le 11 février 2024.</p>
<p>Plus que jamais, l'attention mondiale sera rivée sur les événements de la 34e édition de la Coupe en raison de la participation de certains athlètes qui font partie des plus éminents dans le domaine du football. Ajoutez à cela le fait que le tournoi se déroule pendant l'hiver européen et qu'il n'est donc pas confronté à la concurrence d'autres tournois internationaux majeurs, à l'exception de la Coupe d'Asie de l'AFC. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/africa-cup-of-nations-showcases-the-continents-finest-footballers-and-chinas-economic-clout-220313">Africa Cup of Nations showcases the continent's finest footballers – and China's economic clout</a>
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<p>Le tournoi a ses <a href="https://english.aawsat.com/sports/4766406-asian-cup-afcon-scheduling-%E2%80%98not-good%E2%80%99-players-says-arsenal%E2%80%99s-tomiyasu%C2%A0">détracteurs</a>, en particulier en Europe, où plusieurs clubs perdront des joueurs clés au profit d'équipes africaines. Malgré cela, rares sont ceux qui doutent que La CAN entre dans une nouvelle ère.</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=Chuka+Onwumechili&btnG=">chercheur</a> en communication sportive axée sur le football africain, je pense que ce sera une année record pour la CAN. Les vedettes mises à part, le tournoi continue de se développer en termes d'audience mondiale, d'amélioration des infrastructures, d'attention médiatique et d'augmentation des récompenses.</p>
<h2>Une dotation record</h2>
<p>La <a href="https://www.cafonline.com">Confédération africaine de football</a> (Caf) a annoncé une <a href="https://www.sportingnews.com/us/soccer/news/afcon-2023-prize-money-total-winners-africa-cup-nations-2024/3cef2e95886cf6b323253685">augmentation de 40 %</a> des récompenses pour les vainqueurs de la CAN. Le pays champion remportera 7 millions de dollars US, le vice-champion 4 millions, le troisième 2,5 millions et le quatrième 1,3 million. Bien qu'encore loin de l'Europe, ces récompenses <a href="https://en.as.com/en/2021/07/10/soccer/1625920368_059485.html">sont plus importantes</a> que celles ofertes par la Copa America (le championnat de football sud-américain) en 2021.</p>
<h2>Les stars</h2>
<p>Les joueurs africains vedettes sont des noms connus en Europe, grâce à des postes de haut niveau dans des clubs de premier plan. De grands noms comme <a href="https://www.transfermarkt.co.za/victor-osimhen/profil/spieler/401923">Victor Osimhen</a> (Nigeria), <a href="https://www.transfermarkt.co.za/achraf-hakimi/profil/spieler/398073">Achraf Hakimi</a> (Maroc) et <a href="https://www.transfermarkt.co.za/mohamed-salah/profil/spieler/148455">Mohamed Salah</a> (Égypte) représenteront tous leur pays lors du tournoi. Ils ont recueilli les trois plus grands <a href="https://www.espn.com/soccer/story/_/id/39091926/nigeria-striker-osimhen-african-footballer-year">votes</a> pour le titre de Joueur africain de l'année 2023. En outre, d'autres finalistes des Caf Awards - Fiston Mayele (Congo), Peter Shalulile (Namibie) et Percy Tau (Afrique du Sud) - participeront également au tournoi. A cette liste s'ajoute le sensationnel gardien de but marocain <a href="https://www.transfermarkt.co.za/bono/profil/spieler/207834">Yassine Bounou</a>.</p>
<h2>Les téléspectateurs du monde entier</h2>
<p>Le tournoi sera un événement mondial. La Caf a <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/news/caf-concludes-extensive-global-tv-broadcast-agreements-ahead-of-the-kick-off-of-the-totalenergies-africa-cup-of-nations-cote-d-ivoire-2023/">annoncé</a> une nouvelle série d'accords sur les droits de diffusion. Il s'agit notamment d'accords avec la BBC et Sky au Royaume-Uni, Band TV au Brésil, beIN et Canal+, entre autres. Ces accords signifient que le tournoi sera suivi en direct dans 180 pays à travers le monde. La Caf a également annoncé plus de 6 000 demandes d'accréditation de médias. C'est plus du double des demandes reçues lors de la précédente édition de la CAN.</p>
<h2>Des infrastructures de classe mondiale</h2>
<p>La Côte d'Ivoire a mis tout en œuvre pour que la CAN de cette année soit un événement de classe mondiale. On estime que le pays hôte a dépensé <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67719900">1 milliard de dollars</a> pour rénover les routes, les stades, les hôpitaux et d'autres infrastructures en préparation du tournoi. Outre la rénovation des stades existants, le pays a construit trois nouveaux sites. Il y a deux nouveaux stades d'une capacité de 20 000 places. Le <a href="https://www.afrik-foot.com/en-ng/afcon-2023-laurent-pokou-stadium-san-pedro">Stade Laurent Pokou</a> est situé à San-Pédro dans l'extrême sud-ouest du pays et le <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/stade-amadou-gon-coulibaly/">Stade Amadou Gon Coulibaly</a> à Korhogo dans le nord. </p>
<p>La plus grande nouvelle infrastructure, le <a href="https://www.modernghana.com/sports/1284721/2023-afcon-six-world-class-stadiums-ready-for.html">Stade Alassane Ouattara</a>, est située juste à l'extérieur de la capitale économique, Abidjan, et a été construite avec 260 millions de dollars pour accueillir 60 000 spectateurs sous un même toit. </p>
<p>Certains de ces sites, comme celui de Korhogo, sont accompagnés d'hôtels, de villas et de routes nouvellement construits. En tant que pays hôte, la Côte d'Ivoire bénéficiera également d'une base de supporters qui pourrait renforcer le moral de son équipe et ses chances de victoire.</p>
<h2>Les favoris</h2>
<p>Une saine rivalité entre les nations - en particulier entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Nord - va intensifier les enjeux de la CAN de cette année. Vingt-quatre équipes participent à la phase de groupes et 16 d'entre elles se qualifieront pour la <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67615678">phase à élimination directe</a>. Cela signifie que trois équipes se qualifieront à partir de quatre poules sur sur les six. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/womens-afcon-2022-nigeria-sweats-as-morocco-and-cote-divoire-usher-in-new-era-177844">Women's Afcon 2022: Nigeria sweats as Morocco and Cote d'Ivoire usher in new era</a>
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<p>Bien que le Maroc soit devenu la première équipe africaine à atteindre la demi-finale d'une Coupe du monde de football masculin, il pourrait avoir du mal à remporter la CAN. Le Maroc a <a href="https://tribune.com.pk/story/2452923/morocco-seek-end-to-48-year-african-trophy-drought">remporté un seul</a> titre de la CAN, en 1976 en Éthiopie, et a atteint la finale en 2004 à Tunis. Mais le pays nord-africain fait partie des favoris en Côte d'Ivoire. Le pays hôte et le champion en titre, le Sénégal, se joindront à aux Marocains. Le Nigeria et l'Algérie sont également des candidats sérieux, tandis que le Mali fait figure d'outsider.</p>
<p>Compte tenu de tous ces développements, il ne fait aucun doute que le tournoi établira des records d'audience et d'affluence des stades, ouvrant ainsi une nouvelle perspective pour le tournoi le plus prestigieux d'Afrique. </p>
<p>La CAN a débuté ce 13 janvier 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chuka Onwumechili does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>L'augmentation des récompenses, plusieurs nouveaux contrats de diffusion et les plus grands noms du football africain définiront l'édition 2024 de la CAN.Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648950102583648256"}"></div></p>
<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128852023-09-11T17:24:06Z2023-09-11T17:24:06Z« France au revoir » : quand les objets du quotidien racontent les relations Afrique-France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547272/original/file-20230908-15-15dren.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C613%2C459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kiosque avec percolateurs de la marque italienne Gaggia, Ouagadougou, Burkina Faso, janvier 2019.
</span> <span class="attribution"><span class="source">P. Fornasetti</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>« France au revoir ». Étonnamment, cette expression, courante en Côte d’Ivoire comme au Burkina Faso, ne signifie pas que la France doit être « reconduite à la frontière », contrairement à ce que le <a href="https://theconversation.com/au-sahel-la-france-poussee-dehors-176067">contexte actuel</a> pourrait laisser entendre au vu des diverses crises qui secouent le continent.</p>
<p>Non sans ironie, elle traduit le point de vue de ces objets que, à Ouagadougou comme à Abidjan (Côte d’Ivoire), on appelle ainsi : « France au revoir ». Comme si ces objets pouvaient parler et adresser une salutation cordiale à la nation française… tout en quittant son sol.</p>
<h2>« Derrière l’eau »</h2>
<p>Voitures, télévisions, réfrigérateurs, vêtements, radios, machines à laver, ordinateurs, batteries… Achetés ou récupérés par la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/europe-spectre--migrations-subsahariennes/">diaspora ouest-africaine en Europe</a>, ces biens traversent les mers par container, atteignent les marchés <a href="https://www.theses.fr/2020EHES0176">puis les maisons</a>, d’Afrique de l’Ouest. Une nouvelle vie commence alors : celle du « France au revoir ».</p>
<p>Or, malgré ce nouveau nom, leur provenance n’est que rarement française. Ils peuvent venir d’Italie, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique… voire de Singapour. La référence à la France est métonymique, elle est là pour désigner l’Europe, l’Occident : cet espace que le parler populaire ivoirien nomme « derrière l’eau », ou Bengué en nouchi (l’argot d’Abidjan).</p>
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<p>Mes interlocuteurs expliquent cette métonymie par le rôle que l’ancienne puissance coloniale a joué dans l’accès des Africains à certains produits. On pourrait alors penser que l’engouement ivoirien pour les « France au revoir » n’est que la trace d’un rapport de domination. On aurait tort. Cette idée n’a bien entendu pas manqué de circuler, notamment dans le sillage <a href="https://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010022319">d’intellectuels anti-impérialistes</a> comme les <a href="https://leseditionsdeminuit.fr/livre-D%8Eveloppement_du_capitalisme_en_C%99te_d%D5Ivoire_(Le)-1901-1-1-0-1.html">théoriciens de la « dépendance »</a>.</p>
<p>D’après eux, l’importation ou l’imitation de styles de vie occidentaux serait la traduction idéologique de la dépendance économique des sociétés colonisées. On retrouve aujourd’hui cette idée dans <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-quete-de-politique/en-quete-de-politique-du-samedi-11-mars-2023-3515900">certains usages de la notion de néo-colonialisme</a> et dans le débat sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HOWWWg3wx7o">l’impact écologique du marché de seconde main en Afrique</a> qui a contribué à la promulgation d’une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ekhIRFZQRNc">loi très débattue en Côte d’Ivoire</a>.</p>
<p>Pourtant, il est possible de penser autrement, en cessant, pour paraphraser <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/244606?journalCode=jmh">Marshall Sahlins</a>, de voir des Blancs derrière tout ce que font les Africains.</p>
<h2>Made in France ?</h2>
<p>Produits industriels, mais d’occasion, les « France au revoir » se distinguent notamment des produits dits « chinois » que l’on achète neufs. Objets prestigieux, la présence d’un label peut contribuer à les rendre attractifs même si, une fois achetés, ils exigent souvent d’être réparés ou adaptés. Vendus comme des produits de qualité à prix avantageux, on les trouve aussi bien dans les marchés populaires d’Abidjan que chez des revendeurs spécialisés.</p>
<p>Ici, le qualificatif <em>français</em> est globalement positif. Pourtant, lorsque je demande à mes interlocuteurs « Pourquoi le « France au revoir » est-il « français » ? », ils insistent à l’unanimité sur le rôle du colonisateur :</p>
<blockquote>
<p>« C’est certainement en relation avec la colonie, le pays colonisateur. À l’époque, si t’es francophone d’Afrique, ta première référence est la France. Donc, tout ce qui venait de derrière l’eau était assimilé à ce qui vient de la France, peu importe la marque. » (Ancien enseignant, retraité, 220 logements, Adjamé, 11 janvier 2023)</p>
</blockquote>
<p>La provenance géographique du « France au revoir » importe peu aux consommateurs. Le qualificatif <em>français</em> est, plutôt, associé à une forme d’authenticité qui prime sur l’aspect géographique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est parce que c’est des pièces d’origine, c’est pas de la contrefaçon, c’est solide. C’est plus solide même que les pièces que tu prends dans les magasins là. » (Assistant mécanicien I, 220 logements, Adjamé, 11 janvier 2023)</p>
</blockquote>
<p>Ce qui intéresse les consommateurs n’est donc pas l’origine géographique des objets mais leur qualité d’usage, le fait qu’ils soient « costauds » ou « solides ». On est loin de la valorisation du produit du terroir, de la filière courte ou du « local » que nous voyons mise en avant partout en Europe (y compris dans la grande distribution). Si le « France au revoir » n’est pas « français » pour des raisons géographiques, cette appellation résulte peut-être de son histoire.</p>
<h2>Les ancêtres du « France au revoir »</h2>
<p>Les objets de provenance européenne ont une longue histoire en Afrique subsaharienne, qui remonte à une époque antérieure au partage colonial, au moins <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.4324/9780429487552/development-indigenous-trade-markets-west-africa-claude-meillassoux">aux commerces induits par les deux traites : transsaharienne et atlantique</a>. Ces circulations anciennes ne sont toutefois pas prises en compte par mes interlocuteurs ivoiriens dans leurs définitions du « France au revoir ». </p>
<p>D’après eux, les premiers dateraient de la fin de la période coloniale, de l’époque où la figure de l’« évolué », le fonctionnaire, ayant étudié à « l’école des Blancs » et recevant un salaire, représentait le modèle de la réussite personnelle. Les attributs de cette figure emblématique étaient alors ceux d’un style de vie à l’occidentale : voiture, radio, téléphone. Mais, là aussi, le label de « France au revoir » répondait souvent à des exigences concrètes, et non à une simple fascination pour l’Occident.</p>
<p>La voiture est, en effet, un des principaux ancêtres du « France au revoir ». Il y en a un autre, moins flamboyant, mais tout aussi important et omniprésent : la <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2008-2-page-391.htm">fripe</a>, qui habille à présent une très large part de la population.</p>
<p>Si la voiture et la fripe sont pensées comme les deux principaux ancêtres des « France au revoir », l’une est un bien de prestige, l’autre pas. Dans les années 1960 et 1970, même achetée d’occasion et dans une ville comme Abidjan, la voiture était l’apanage de la minorité riche. </p>
<p>Ce n’est qu’à partir des années 1980 que le marché de l’automobile s’est démocratisé : l’importation par container de véhicules « France au revoir » alimente depuis le secteur des transports en commun d’Abidjan, malgré les politiques de douane restrictives adoptées par les pouvoirs publics. D’après mes interlocuteurs, c’est seulement après 1993, date du décès de Félix Houphouët-Boigny (« père » de la nation et protagoniste de la <a href="https://afriquexxi.info/Les-origines-meconnues-du-mot-Francafrique">« françafrique »</a>, et avec l’arrivée au pouvoir d’Henri Konan Bédié (<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/africa/article/abs/modernity-autochthony-and-the-ivorian-nation-the-end-of-a-century-in-cote-divoire/8DDA50F132BF27EF24574C2C070959E4">premier successeur d’Houphouët-Boigny et chantre de l’« ivoirité »</a>), que les frais de douane ont baissé.</p>
<h2>Des nouveaux modèles de réussite</h2>
<p>Durant cette période de crise du secteur public, le modèle de l’« évolué » décline au profit d’une pluralité de <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2001-2-page-5.htm">figures de la réussite</a> associées aux économies de la débrouille, du commerce et du secteur privé, mais aussi à l’arnaque, au risque et à la ruse, et confortées par le néolibéralisme triomphant. C’est dans cette conjoncture que l’accès à des biens anciennement de prestige comme la voiture se popularise :</p>
<blockquote>
<p>« Avant, c’était quand tu étais vieux que tu pouvais avoir une voiture. Maintenant, c’est les « France au revoir » qui ont permis aux jeunes qui se débrouillent, aussi, de se payer une voiture. » (Assistant mécanicien I, 220 logements, Adjamé, 11 janvier 2023)</p>
</blockquote>
<p>Dans les années 1980 et 1990, quand l’offre croît et se diversifie, le « France au revoir », jusque-là objet de prestige, devient un bien ordinaire. Pourtant, et c’est là une forme de détournement, l’ambiguïté du prestige du « France au revoir » est que celui-ci dérive, aussi, de son acquisition à bas prix. Parfois même, être propriétaire d’un « France au revoir » n’est pas nécessaire pour bénéficier de son aura, comme en témoigne l’usage d’objets « France au revoir » <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-arts_photographiques_en_afrique_jean_bernard_ouedraogo-9782747543774-15310.html">dans la photographie de studio</a>, qui a pris son <a href="https://www.dukeupress.edu/unfixed">essor en Afrique de l’ouest</a> depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Les « France au revoir » des ancêtres</h2>
<p>Des années 1960 aux années 1980, de nombreux photographes de studio ont mis à la disposition de leurs clients des objets de la modernité occidentale pour enjoliver leurs portraits. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546993/original/file-20230907-7302-y1yp5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photo du studio de Malik Sidibé, 2004.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/97/Malick_Sidibe%27s_studio_2.jpg/1024px-Malick_Sidibe%27s_studio_2.jpg">Robin Taylor/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette pratique a été rendue célèbre à travers les œuvres de photographes réputés, et (re)découverts récemment par les Occidentaux, comme le Sénégalais <a href="http://www.revuenoire.com/edition/casset-et-precurseurs/">Mama Casset</a>, les Maliens <a href="https://www.seydoukeitaphotographer.com/galerie/icons/">Seydou Keita</a> et <a href="https://www.dazeddigital.com/art-photography/article/38020/1/previously-unseen-photographs-of-malick-sidibe-s-west-africa">Malik Sidibé</a>, le Burkinabè <a href="https://www.weinsteinhammons.com/%C3%A0voltaphoto1">Sory Sanlè</a> ou le Ghanéen <a href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/524190?sortBy=Relevance&ft=Philip+Kwame+Apagya&offset=0&rpp=40&pos=1">Philip Kwame Apagya</a>. </p>
<p>Certains de leurs clichés montrent une personne bien habillée qui pose, debout, assise ou accroupie, avec une radio ou un téléphone en bakélite. Ailleurs, le sujet s’apprête à emprunter l’escalier d’un avion sur le point de décoller. D’autres poses immortalisent une ou deux personnes entourées d’un riche mobilier de salon à l’européenne avec des télés, des radios, voire des frigos, etc. En mettant en scène des voyages, des liens matériels à l’Occident, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/27/burkina-faso-sory-sanle-l-il-oublie-des-annees-yeye-et-de-l-euphorie-de-l-independance_6119330_3212.html">ces images donnent un visage nouveau</a> aux Africains de tous bords.</p>
<p>En jouant avec les registres du cosmopolitisme et de l’appartenance, ces photos rappellent les <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2000-1-page-16.htm">« écritures africaines de soi »</a> chères à Achille Mbembe. Mais pour populaires qu’elles soient auprès des Occidentaux, en Afrique elles sont aujourd’hui l’image d’une époque révolue qui, selon l’un de mes interlocuteurs abidjanais, fait « gaou », autrement dit plouc en nouchi.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BkHfD0WnahU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Un gaou à Paris « » (Magic System, 2001).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une filière organisée en autonomie</h2>
<p>Les vendeurs au détail, les transitaires, les fournisseurs, les transporteurs et les expéditeurs forment un réseau qui connecte les classes populaires ivoiriennes et burkinabés à leurs diasporas en Europe, « à l’extérieur » comme ils le disent. </p>
<p>En outre, la diffusion des « France au revoir » est liée aux mobilités internes à l’Afrique. En témoigne l’étiquetage national ou ethnique qui accompagne les descriptions du réseau que font mes interlocuteurs, les principaux acteurs apparaissant comme étrangers. Les boutiquiers sont « Nigérians » ou « Igbos », les photographes de studio d’Adjame étaient aussi « Nigérians » mais « Anango » ; les revendeurs de pièces détachées sont « Guinéens », les transporteurs sur roues sont des « gens du nord ».</p>
<p>Depuis l’époque coloniale, cette catégorie floue désigne, <a href="https://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010012775">dans le contexte spécifique de la Côte d’Ivoire</a>, un ensemble de populations dites également Dioulas (et regroupant sommairement des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/african-studies-review/article/abs/war-of-who-is-who-autochthony-nationalism-and-citizenship-in-the-ivoirian-crisis/4AB0FA0DE5B0E3284A0C0A79EDDA1C96">sous-catégories, tout aussi floues</a>, comme les Jolas, Senoufos, Malinkés, Bambaras, Mossis…) dont l’appartenance géographique se situerait à la fois dans la partie septentrionale du territoire de la Côte d’Ivoire et en dehors de celle-ci, au Mali, au Burkina Faso, au Sénégal.</p>
<p>Autrement dit, la diffusion des « France au revoir » n’est pas pensable en dehors des mobilités internes, régionales et internationales d’Africains.</p>
<p>La consommation de « France au revoir » permet ainsi aux classes populaires et moyennes ivoiriennes d’adopter des styles de vie à la fois ancrés dans le cosmopolitisme et régis par une logique propre.</p>
<p>Les modes d’approvisionnement, de distribution, de vente, ainsi que les critères de valorisation des « France au revoir » constituent des exemples d’autonomie face aux modèles du capitalisme occidental. Non seulement car la captation en Europe de ces marchandises est une figure inverse de l’extractivisme occidental, mais aussi parce qu’en tant qu’objets de détournements, de revalorisations et d’appropriations par des acteurs africains, les « France au revoir » sont la matérialisation même de cette autonomie. À rebours des hypothèses « dépendantistes », on retrouve ici cette « part sauvage » qui échappe au capitalisme occidental dont traite notamment le <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24889">dernier numéro de <em>Terrain</em></a>.</p>
<hr>
<p><em>Tous les extraits d’entretiens et les photos présentés dans ce billet ont été collectés à Abidjan en janvier 2023 et les toponymes mentionnés viennent préciser les quartiers ou les communes de collecte, au sein de l’agglomération abidjanaise. L’article <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/">a été co-publié en collaboration avec la revue Terrain</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212885/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pietro Fornasetti a reçu des financements du musée du quai Branly - Jacques Chirac. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clara Duterme et Ismaël Moya ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les objets importés de l’Europe en Afrique de l’Ouest ont un nom : France-au-revoir, comme un pied de nez à la situation française sur le continent.Pietro Fornasetti, Anthropologue, chercheur associé à l'IMAF, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125762023-09-05T17:00:10Z2023-09-05T17:00:10ZQuand le boom du cacao au Liberia pousse à la déforestation<p>En 2018, le président libérien, l’ancien footballeur George Weah, et son homologue burkinabé d’alors, Roch Marc Christian Kabore, passaient un accord visant à faciliter le mouvement des Burkinabés au Liberia pour l’agriculture. Cette rencontre a notamment eu pour conséquence d’accélérer le boom du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cacao-25183">cacao</a>, commencé en 2016, dans ce pays de cinq millions d’habitants situé en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Or, si le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/liberia-35312">Liberia</a> suit la trajectoire historiquement observée depuis quatre siècles, ce boom, qui fait l’objet de nos <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">récentes recherches</a>, pourrait bien devenir inarrêtable et conduire à une <a href="https://www.researchgate.net/publication/354925056">déforestation systématique</a> encore peu reconnue aujourd’hui dans l’Est du pays, à proximité de la frontière avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cote-divoire-22147">Côte d’Ivoire</a>.</p>
<p><iframe id="9KTq9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9KTq9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs indices montrent aujourd’hui que c’est bien le cas : en effet, l’économie du cacao repose sur des <a href="https://www.researchgate.net/publication/295010922_Modele_simplifie_des_cycles_du_cacao">migrations massives</a> et tous les migrants sont quasiment tous des hommes jeunes, peu ou pas scolarisés. 88 % d’entre eux viennent du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/burkina-faso-24087">Burkina Faso</a>, pour seulement 7 % de nationalité ivoirienne, et 5 % de Maliens, Guinéens et autres.</p>
<p>Le Liberia a connu deux guerres civiles, en 1989-1996 puis 1999-2003. Ces guerres ont déclenché l’émigration de Libériens et Libériennes vers la Côte d’Ivoire. Cet épisode a contribué à tisser des liens entre les réfugiés et certaines communautés, notamment les Burkinabés. Durant leur séjour en Côte d’Ivoire, ils ont pu par ailleurs se familiariser avec la langue française, facilitant le contact avec les travailleurs du monde agricole.</p>
<p>En 2002, alors que la crise libérienne se solutionnait, la rébellion ivoirienne éclatait, ce qui a conduit des Burkinabés et Ivoiriens à fuir au Liberia. Les réfugiés ont alors planté des champs de riz et de maïs pour survivre, mais ils ont aussi découvrent la richesse des sols forestiers du Liberia, très peu exploités.</p>
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<p>Les premières demandes de terre vont être adressées aux villageois libériens car les terres manquent de plus en plus en Côte d’Ivoire. Ces demandes sont facilement acceptées par les autochtones libériens qui ont vu en Côte d’Ivoire la force de travail des Burkinabés et leur réussite. Ce boom libérien bénéficie donc aussi de la grande expérience des migrants, accumulée notamment en Côte d’Ivoire. Dans l’échantillon de notre dernier travail de recherche, 66 % des migrants ont d’ailleurs déjà une petite plantation en Côte d’Ivoire (3 ha en valeur médiane) et 25 % sont fils ou frères de planteurs.</p>
<h2>Accès sans capital</h2>
<p>Au Liberia, la plupart de ces migrants obtiennent 10 hectares (ha) de forêt, principalement par un contrat de « planter-partager » : l’autochtone libérien concède 10 ha de forêt au migrant qui s’engage à planter la totalité en cacao. Lorsque la plantation entre en production, elle est partagée, 6 ha pour le preneur et 4 ha pour le cédant.</p>
<p>En d’autres termes, à part un modeste cadeau et une éventuelle commission à un intermédiaire, le migrant accède à la forêt sans capital. Certains d’entre eux vont en profiter pour acquérir de plus grandes surfaces et les recéder dans un nouveau contrat de planter-partager. Dans tous les cas, cet accès facile à la forêt constitue l’un des facteurs universels expliquant la puissance des booms cacao depuis quatre siècles.</p>
<p>La source d’information citée par les planteurs est tout aussi typique des booms cacao : les réseaux familiaux qui transfèrent rapidement les informations ont ainsi constitué un moteur du développement de la filière.</p>
<p><iframe id="6Ap0U" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6Ap0U/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un petit <a href="https://books.google.fr/books/about/Catapila_chef_du_village.html?id=Az38oAEACAAJ&redir_esc=y">roman</a>, l’écrivain ivoirien Venance Konan a magnifiquement illustré le dynamisme inarrêtable des migrants burkinabés devant une forêt, vue comme une future cacaoyère. Avec l’accent local, ils sont assimilés par les autochtones à de véritables « catapila » (« caterpillar », ou chenille en français). Pour accéder à cette ressource économique, ils s’installent vaille que vaille au Liberia, parfois en risquant leur vie. Ils traversent par exemple en pirogue le Cavally, fleuve qui marque la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, alors qu’ils ne savent pas nager.</p>
<p>Au bilan, les conflits en Afrique de l’Ouest ont généré des migrations précacaoyères, des brassages de population. Tous les ingrédients d’un puissant boom de cacao ont ainsi été réunis au Liberia. Il pourrait désormais s’accélérer par effet d’imitation à travers les réseaux de migration, sans oublier l’impact du manque de terre et du vieillissement des vergers en Côte d’Ivoire.</p>
<p>Toute action de contrôle de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deforestation-23274">déforestation</a> en Côte d’Ivoire jouera en outre un accélérateur des migrations et déforestation au Liberia. D’autant plus qu’il semble désormais difficile de convaincre un pays souverain qu’il ne peut pas opter pour un scénario qui a été largement appliqué par les autres pays producteurs de cacao…</p>
<hr>
<p><em>Abelle Galo Kla, président de l’ONG Initiative pour le développement du cacao (ID-Cocoa), a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Ruf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor du nombre de plantations dans ce pays d’Afrique de l’Ouest repose sur les avantages que les migrants, en grande partie burkinabés, tirent de l’exploitation.Francois Ruf, Agro-économiste, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2106012023-08-01T06:24:45Z2023-08-01T06:24:45ZLes forces de maintien de la paix de l'ONU quittent le Mali après dix ans de présence : ce qu'il faut pour une transition en douceur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540049/original/file-20230730-118729-a9qx57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des Maliens manifestent contre la force de maintien de la paix de l'ONU à Bamako en septembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ousmane Makaveli/AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté le 30 juin 2023 pour <a href="https://news.un.org/en/story/2023/06/1138257">mettre fin à sa mission de maintien de la paix au Mali</a>, la <a href="https://minusma.unmissions.org/en">Minusma</a>, après que le Mali a officiellement demandé son retrait complet. Plus de <a href="https://minusma.unmissions.org/en/personnel">11 000 militaires de 53 pays</a> devraient quitter le pays d'ici le 31 décembre 2023. </p>
<p>La Minusma a été déployée pour la première fois au Mali en <a href="https://minusma.unmissions.org/en/history">avril 2013</a> pour soutenir le processus politique du pays et aider à <a href="https://betterworldcampaign.org/mission/mali-minusma#:%7E:text=The%20United%20Nations%20Multidimensional%20Integrated,fragile%20transition%20to%20constitutional%20order.">rétablir la paix et la stabilité</a>. A la <a href="https://www.britannica.com/place/Mali/2012-coup-and-warfare-in-the-north">mi-2012</a>, le nord du pays était sous le <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/13466?lang=en">contrôle de groupes terroristes</a>.</p>
<p>La récente demande du Mali de <a href="https://www.bbc.com/news/world-60419799">retrait des troupes de maintien de la paix de l'ONU</a> n'est pas une surprise. </p>
<p>Après un coup d'État en <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-53830348">2020</a> et un autre en <a href="https://theconversation.com/inside-malis-coup-within-a-coup-161621">2021</a>, les relations entre les autorités maliennes et la Minusma se sont détériorées. L'ONU a publié <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/05/malian-troops-foreign-military-personnel-killed-over-500-people-during">un rapport</a> accusant les troupes maliennes et leurs alliés d'avoir massacré au moins 500 civils en 2022. Elle a également accusé le gouvernement malien <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">de s'ingérer dans ses opérations</a>. </p>
<p>Ces événements ont incité certains pays à commencer à retirer leurs soldats de la mission de maintien de la paix. En <a href="https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/mali/minusma-crossroads">novembre 2022</a>, la Côte d'Ivoire a informé l'ONU que ses 900 soldats quitteraient la mission. Trois jours plus tard, le Royaume-Uni a annoncé également le retrait de ses troupes. </p>
<hr>
<p>
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<strong>
Read more:
<a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">UN troops to withdraw from Mali: what will change in terms of security</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>En tant que politologue qui fait des <a href="https://scholar.google.ca/citations?hl=en&user=9T47R7AAAAAJ&view_op=list_works&sortby=pubdate">recherches sur les questions de sécurité au Sahel</a> sur les questions de sécurité au Sahel, dont le Mali fait partie, je pense que pour que le Mali puisse effectuer une transition pacifique vers la démocratie, deux éléments clés sont nécessaires.</p>
<p>Premièrement, <a href="https://africacenter.org/spotlight/fatalities-from-militant-islamist-violence-in-africa-surge-by-nearly-50-percent/">les nouvelles menaces terroristes</a> dans <a href="https://www.britannica.com/place/Sahel">le Sahel</a> exigent le développement de nouveaux instruments et de nouvelles approches militaires, notamment une lutte commune contre les insurgés terroristes islamistes. Aucun pays de la région n'a <a href="https://www.researchgate.net/publication/350213273_Gestion_des_menaces_terroristes_au_Sahel_et_en_Afrique_de_l'Ouest">la force nécessaire</a> pour mener seul la lutte contre le terrorisme. Le Mali doit coordonner ses efforts militaires avec ses voisins : Algérie, Burkina Faso, Guinée, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Niger et Sénégal. </p>
<p>Deuxièmement, le Mali doit accompagner l'aspect militaire de la lutte contre le terrorisme par des initiatives de développement visant à prévenir la radicalisation. Sans ces mesures, le pays et ses citoyens pourraient être confrontés à une instabilité accrue.</p>
<h2>Ce qu'il faut faire</h2>
<p>Le 3 juillet 2023, les autorités maliennes et une délégation de la Minusma se sont mises d'accord sur un <a href="https://peacekeeping.un.org/en/minusma-presents-its-withdrawal-plan-to-malian-foreign-minister">plan de retrait</a>. Ce plan prévoit le transfert des tâches, de la logistique, de la sécurité et de la communication stratégique à Bamako d'ici décembre.</p>
<p>Le Mali a mis en place des mesures pour le retrait des troupes de l'ONU depuis qu'un nouveau gouvernement a pris le pouvoir après le coup d'État de 2020. Le Conseil national de transition a approuvé la création d'une école de guerre en septembre 2021 pour <a href="https://www.maliweb.net/armee/le-mali-cree-son-ecole-de-guerre-2945251.html">renforcer l'appareil de sécurité nationale et former les futurs cadres de l'armée</a>. </p>
<p>L'objectif était de remplacer les troupes étrangères par des troupes locales en cas de retrait. La <a href="http://news.abamako.com/h/277568.html">première cohorte</a> a déjà terminé sa formation. La deuxième promotion est sur le point d'obtenir leurs diplômes. </p>
<p>Alors que le retrait de l'ONU créera un vide sécuritaire, <a href="https://www.lareussitemali.com/mali-la-2eme-promotion-de-lecole-de-guerre-fait-sa-rentree-solennelle/">augmentant la vulnérabilité du Mali aux défis liés à la sécurité et au terrorisme</a>, les diplômés de l'école de guerre pourraient aider à combler ce vide. </p>
<p>Mais pour que cela fonctionne, les autorités maliennes doivent s'assurer que les soldats locaux soient capables d'occuper les zones qui étaient sous le contrôle des forces de maintien de la paix. En outre, le gouvernement devra offrir des possibilités d'emploi aux plus de 800 civils travaillant avec la Minusma et créer de nouvelles activités économiques pour combler le vide laissée par leur départ. Cela permettra de minimiser tout impact négatif supplémentaire sur le <a href="https://www.ilo.org/global/topics/employment-intensive-investment/countries/WCMS_327090/lang--en/index.htm">taux de chômage déjà fragile</a> du Mali. Bamako s'est dit <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">capable de sécuriser ses 23 millions de citoyens</a>, mais n'a pas encore précisé comment il compte le faire. </p>
<p>Le gouvernement doit également mettre en œuvre les recommandations de la conférence nationale sur <a href="https://modelemali.com/2021/12/30/conclusions-des-assises-nationales-de-la-refondation-de-letat-niveau-national-decembre-2021/">la refondation de l'État</a>. Il s'agit notamment d'organiser des élections crédibles, équitables et transparentes. Un accord de transition adopté par le <a href="https://www.africanews.com/2022/02/21/mali-parliament-approves-new-charter-allowing-a-five-year-democratic-transition//">parlement en 2022</a> avait donné au gouvernement de transition deux ans pour rendre le pouvoir aux civils. </p>
<p>Cependant, les progrès en la matière ont déjà été remis en question. Le président intérimaire Assimi Goïta a récemment <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-66282417">adopté une nouvelle constitution</a> qui renforce ses pouvoirs.</p>
<p>La principale préoccupation est maintenant de savoir si le gouvernement militaire respectera la période de transition et organisera des élections qui redonneront le pouvoir à un président démocratiquement élu d'ici 2024. Pour y parvenir, il faut des <a href="https://www.studiotamani.org/29484-mali-la-cedeao-favorable-a-une-transition-supplementaire-de-12-mois">mesures gouvernementales</a> qui rétablissent la sécurité dans tout le pays, favorisent la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/01/02/mali-peuls-et-dogons-des-freres-devenus-ennemis_1771562/">réconciliation nationale</a> et promeuvent la bonne gouvernance. </p>
<h2>Pourquoi c'est important</h2>
<p>Le retrait des troupes de l'ONU du Mali pourrait avoir des conséquences négatives sur la <a href="https://theconversation.com/un-troops-to-withdraw-from-mali-what-will-change-in-terms-of-security-209765">situation sécuritaire</a> et la croissance économique du pays. Il pourrait également compliquer <a href="https://www.africanews.com/2022/09/03/mali-ex-rebels-and-the-government-return-to-talks-after-almost-a-year//">les efforts de dialogue et de négociation avec les ex-rebelles</a>. </p>
<p>Une perte de soutien et d'engagement de la part de la communauté internationale pourrait conduire à une réduction de <a href="https://reliefweb.int/report/mali/minusma-liquidation-process-unpacked">l'aide financière et du soutien politique</a> en matière de lutte contre l'insécurité. Cela aurait un <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/3/what-next-for-mali-after-minusma-withdrawal">impact direct</a> sur la stabilité du pays – et de la région du Sahel.</p>
<p>La voie du dialogue constructif reste une condition essentielle pour une transition politique pacifique et la construction du “<a href="http://www.maliweb.net/societe/politique-espoir-mali-koura-salue-le-discours-2993460.html">Mali Koura</a>”, ou d'un nouveau Mali. </p>
<p>Le Mali a besoin de reconstruire sa société. Son peuple a <a href="https://www.studiotamani.org/43945-democratie-au-mali-les-aspirations-profondes-du-peuple-n-ont-pas-ete-comblees">aspire à une véritable démocratie et au développement</a>. Les autorités de transition doivent veiller à mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la gabegie politique, à la corruption et au népotisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210601/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mady Ibrahim Kanté does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le dialogue constructif est une condition essentielle pour une transition politique pacifique au Mali.Mady Ibrahim Kanté, Lecturer, Université des sciences juridiques et politiques de BamakoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083182023-07-16T09:59:33Z2023-07-16T09:59:33ZLa Côte d'Ivoire lance son premier satellite d'observation de la Terre fabriqué localement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533805/original/file-20230623-25-lds4rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'Afrique vue de l'espace.</span> <span class="attribution"><span class="source">Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>_La Côte d'Ivoire <a href="https://www.sikafinance.com/marches/en-2024-la-cote-divoire-va-lancer-son-premier-satellite_40502">a annoncé son intention</a> de lancer son premier satellite dans les deux prochaines années. Une équipe de scientifiques spécialisés en astrophysique et en géologie explique à The Conversation Africa les avantages potentiels de cette avancée et comment le pays envisage de concrétiser ses ambitions dans le secteur spatial. </p>
<h2>Quel type de satellite la Côte d'Ivoire prévoit-elle de lancer ?</h2>
<p>YAM-SAT-CI 01 sera un nanosatellite pour l'observation de la Terre. Un nanosatellite est un petit satellite, pesant entre 1kg à 10kg. Il sera équipé d'une caméra capable de fournir des images de la côte, des forêts, des parcs naturels et des zones urbaines du pays. </p>
<p>La construction du satellite est entièrement ivoirienne. Elle a été confiée à Universal Konstructors Associated, une entreprise privée ivoirienne promouvant le développement scientifique et technologique, en partenariat avec l'Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny de Yamoussoukro.</p>
<p>Il s'agit de la première étape vers des satellites et des capteurs plus sophistiqués qui ont de nombreuses <a href="https://theconversation.com/nanosatellite-launch-is-a-big-step-forward-for-african-space-science-175069">applications</a>. Ils peuvent par exemple détecter, surveiller et cartographier les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, l'immigration clandestine, <a href="https://theconversation.com/technique-developed-in-kenya-offers-a-refined-way-to-map-tree-cover-76709">la déforestation</a>, les activités illégales d'exploitation aurifère, <a href="https://theconversation.com/dust-in-the-atmosphere-is-a-sign-of-trouble-in-south-africas-maize-fields-147939">l'humidité des sols</a> et les réservoirs d'eau. Ils peuvent contribuer à minimiser les conséquences des inondations ou des sécheresses. </p>
<p>En Côte d'Ivoire, un tel satellite pourrait appuyer les efforts du gouvernement visant à réglementer l'exploitation minière artisanale et à lutter contre les activités illégales et la dégradation de <a href="https://theconversation.com/eyes-in-the-sky-and-on-the-ground-are-helping-forest-conservation-in-cameroon-73695">l'environnement</a>. </p>
<p>Ces applications reposent sur des algorithmes sophistiqués de traitement d'images, notamment l'utilisation de l'intelligence artificielle.</p>
<h2>Quels sont les autres avantages et retombées potentiels ?</h2>
<p>L'observation de la Terre fournit des données pour l'agriculture, la gestion des catastrophes et la planification urbaine. Le satellite prend en charge diverses applications, notamment la surveillance de la santé, de la végétation, la cartographie des ressources en eau et l'analyse des modèles de croissance urbaine.</p>
<p>Outre les avantages directs de la technologie, elle contribue au développement scientifique et économique de la nation.</p>
<p>Le projet de construction et de lancement d'un satellite s'accompagne généralement d'un renforcement des capacités dans de nombreux secteurs liés à l'industrie spatiale. Il implique des ingénieurs et des scientifiques pour développer des capteurs et le segment terrestre permettant de suivre le satellite et de communiquer avec lui. </p>
<p>D'autres avantages importants de ces projets incluent une utilisation plus large de la technologie spatiale. Le lancement d'un satellite peut conduire à une utilisation accrue des données et des produits d'observation de la Terre, fournis par les nombreux satellites en orbite autour de notre planète. </p>
<h2>Qui sera impliqué dans ce projet ?</h2>
<p>Les secteurs académique et privé ont tous un rôle à jouer dans cette aventure scientifique, technique et politique. </p>
<p>Par exemple, l'Institut National Polytechnique Félix Houphouet-Boigny a déjà prévu de mettre en place de nouveaux cursus dans le domaine de l'espace et de l'aéronautique. Une nouvelle génération de jeunes ingénieurs en bénéficiera directement. Par ailleurs, une association <a href="https://lastronomieafrique.com/author/davidbaratoux/">ivoirienne d'astronomie a été lancée</a>. Ses activités de sensibilisation visant à promouvoir l'astronomie et les sciences spatiales auprès du grand public permettront d'accroître la culture scientifique de la population. Elle pourra inspirer la jeune génération à suivre des carrières scientifiques. </p>
<p>Enfin, l'Université Félix Houphouët-Boigny dispose d'un laboratoire spécialisé en matière d'observation de la Terre depuis l'espace : le <a href="https://www.curat-edu.org/">Centre Universitaire de Recherche et d'Application en Télédétection</a>. Ses étudiants peuvent également contribuer à la conception, à la stratégie liée à la mission et aux applications des satellites ivoiriens.</p>
<h2>Que font les autres pays africains en matière de technologie spatiale ?</h2>
<p>Le <a href="https://spaceinafrica.com/reports/">rapport sur l'industrie spatiale en 2022</a> de la société de conseil Space in Africa indique que la valeur de l'industrie en Afrique devrait atteindre 22,64 milliards de dollars en 2026, contre 19,49 milliards de dollars en 2021. Le rapport indique que les nations africaines ont alloué 534,9 millions de dollars aux programmes spatiaux en 2022, contre 523,2 millions de dollars en 2021. Ces investissements indiquent que l'Afrique se prépare à une utilisation plus large de la technologie spatiale pour faire face aux divers <a href="https://theconversation.com/starlink-spacexs-new-internet-service-could-be-a-gamechanger-in-africa-200746">défis</a> auxquels elle fait face.</p>
<p>Par exemple, le 23 avril 2023, <a href="https://ksa.go.ke/taifa-1-satellite/">le Kenya a lancé son premier satellite</a>, appelé Taifa-1, avec l'aide de SpaceX. Le satellite est équipé d'une caméra optique et devrait fournir des données de surveillance agricole et environnementale pour le Kenya. </p>
<p>En 2021, la Tunisie <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/la-tunisie-lance-son-premier-satellite-23-03-2021-2418938_3826.php#11">a lancé</a> son premier satellite 100% tunisien. <a href="https://www.un-spider.org/news-and-events/news/zimbabwe-and-uganda-launched-their-first-satellites-zimsat-1-and">Le Zimbabwe, l'Ouganda</a>, <a href="https://www.pixalytics.com/egyptsat-a-launched/">l'Égypte</a> et l'Angola ont également lancé des satellites au cours des 12 derniers mois. En avril 2023, le président Macky Sall a annoncé <a href="https://africanews.space/president-macky-sall-announces-the-launch-of-the-senegalese-space-study-agency/">le lancement de l'Agence sénégalaise d'études spatiales</a>. </p>
<p>L'Égypte, le <a href="https://theconversation.com/theres-a-case-for-nigeria-and-south-africa-to-cooperate-on-outer-space-activities-174635">Nigeria</a> et l'Afrique du Sud sont les pays africains les plus avancés sur les questions spatiales. Par exemple, ZACube, lancé en décembre 2018, est un <a href="https://theconversation.com/cool-cubes-are-changing-the-way-we-play-in-space-41621">nanosatellite</a> développé par l'Agence spatiale nationale sud-africaine en collaboration avec des universités locales. Il se concentre sur la sécurité du trafic maritime dans les eaux côtières sud-africaines.</p>
<p>L'agence nationale de recherche et de développement spatiaux du Nigeria a été créée en 1999. Elle a lancé cinq satellites depuis 2003. </p>
<p>En décembre 2022, le Nigeria et le Rwanda sont devenus les premiers pays africains à signer les <a href="https://theconversation.com/outer-space-rwanda-and-nigeria-sign-an-accord-for-more-responsible-exploration-why-this-matters-203202">Accords Artemis</a>, un cadre dirigé par la NASA qui définit les meilleures pratiques en matière d'exploration spatiale durable. </p>
<p>Il est clair que de plus en plus de pays africains investissent dans les technologies spatiales. </p>
<p>La première étape consiste à sensibiliser la population sur les questions spatiales et aux avantages de l'investissement dans les technologies spatiales. Nous devons commencer à créer des cours de formation liés à l'espace et à promouvoir les sciences spatiales dans les pays africains.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208318/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>
David Baratoux reçoit des financements de l'Institut de Recherche pour le Développement Durable (IRD) et du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) français.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aziz Diaby Kassamba est affilié à l'Université Félix Houphouët-Boigny et à l'Association Ivoirienne d'Astronomie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Harris Yao Fortune, Marie Korsaga, and Pancrace Aka do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le nanosatellite ivoirien permettra de surveiller les atteintes à l'environnement et les activités illégales et de contribuer à la planification du développement.David Baratoux, Geologist, Institut de recherche pour le développement (IRD)Aziz Diaby Kassamba, Enseignant chercheur en physique de l'espace, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireMarc Harris Yao Fortune, Enseignant-chercheur, astrophysicien , Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireMarie Korsaga, Enseignant-Chercheur en physique chimie, Université Joseph Ki-ZerboPancrace Aka, Épistémologue, Historien des sciences et Logicien, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2010352023-04-05T19:19:44Z2023-04-05T19:19:44ZEn Côte d’Ivoire, les interdits culturels pèsent sur l’alimentation infantile<p>Les politiques nationales de nutrition et de santé publique définies par les États africains prennent-elles suffisamment en compte les tabous alimentaires d’origine culturelle ? Plusieurs études démontrent que des facteurs socioculturels ont une influence sur la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4405067/">conduite des parents en matière d’alimentation des nourrissons</a>.</p>
<p>Par exemple, de nombreux tabous liés aux « croyances » <a href="https://journals.openedition.org/ethnoecologie/1424">limitent la consommation par les enfants en bas âge d’aliments riches en protéines animales</a>. Les pratiques alimentaires qui consistent à s’interdire la consommation d’un aliment existent dans toutes les cultures et sociétés africaines et <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2016-3-page-113.htm">varient d’une communauté à une autre</a>.</p>
<p><a href="https://dicames.online/jspui/handle/20.500.12177/7963">Une étude conduite en 2021</a> pour l’Université Senghor d’Alexandrie dans le district sanitaire d’Abobo-Est (grande commune populaire d’Abidjan, Côte d’Ivoire) s’est intéressée à relever les croyances, connaissances et pratiques en matière d’allaitement maternel et de diversification alimentaire des mères séropositives se trouvant sous traitement antirétroviral et ayant des enfants âgés de 6 à 23 mois (la problématique avait déjà été traitée par l’Université Senghor et avait concerné les mères en général, mais cette population vulnérable n’avait pas été prise en compte au cours de cette étude). </p>
<p>Cette étude qualitative transversale s’est déroulée sur une période de cinq mois à partir d’entretiens individuels et a concerné 164 femmes, dont 91,5 % ont une charge virale indétectable. Ces femmes ont un âge moyen de 25 ans, elles ont toutes au moins un petit niveau d’études et plus de la moitié sont célibataires, ce qui les rend plus propices à écouter les conseils de femmes plus âgées en matière de nutrition de leurs enfants.</p>
<h2>Tabous culturels</h2>
<p>Parmi les aliments frappés d’un tabou, figurent fréquemment certains animaux ou végétaux riches en protéines. Chez les Agnis, peuple de l’Est de la Côte d’Ivoire, il a été constaté que les <a href="https://eujournal.org/index.php/esj/article/view/6570">imaginaires sociaux</a> sont associés à l’interdiction de consommer le poisson silure. Chez les <a href="https://www.persee.fr/doc/jafr_0399-0346_1989_num_59_1_2286">Nyabwa, un groupe ethnique de l’Ouest du pays</a>, certains poissons, notamment le silure, ne sont pas consommés et ces tabous peuvent aussi porter sur certaines viandes de brousse, les pois de terre, le taro blanc et les ignames sauvages.</p>
<p>Ces « croyances » déterminant certains comportements répondent à de multiples logiques culturelles et sociales. Parmi celles-ci, on retrouve toujours le souci de la préservation de la santé de l’enfant et celui de lui imposer des règles d’éducation. Ces règles doivent d’autant plus être respectées que leur violation exposerait l’individu, sa famille ou son groupe au courroux divin, à des fléaux ou à certaines maladies.</p>
<p>Dans ce district sanitaire, la plupart des femmes ont allaité leurs enfants mais, pour bon nombre d’entre elles, l’allaitement maternel a débuté à partir du troisième voire quatrième jour après la naissance (39 %). La raison invoquée par la majorité de ces mères tenait à la couleur jaune du premier lait, couleur qui, selon elles, signifierait que le lait n’est pas encore propre pour l’enfant, ce qui pourrait le rendre malade. Il n’y a pas de risque réel pour le bébé qui boit du lait d’une femme séropositive sous ARV, et la plupart des femmes de cette étude avaient une charge virale indétectable. Mais les femmes séropositives entendent beaucoup de rumeurs qui leur font croire que quel que soit leur traitement, puisqu’elle sont séropositives, leurs enfants seront contaminés si elles leur donnent le sein. C’est surtout à cause de ces rumeurs qu’elles ont peur ou même qu’elles refusent de donner le sein. À défaut de lait maternel, d’autres aliments sont donc donnés aux nouveau-nés : de l’eau, du miel, des décoctions et du jus de citron.</p>
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<p>S’agissant de la diversification alimentaire, même si la majorité des femmes interrogées ont déclaré savoir que l’introduction des aliments doit débuter à partir de six mois et que les fruits et les légumes dans l’alimentation des enfants sont importants à partir de cet âge, elles ont dit être confrontées aux interdits alimentaires qui existent dans leurs familles respectives – et toutes ont affirmé que ces interdits alimentaires ne sont pas liés à leur statut sérologique.</p>
<p>Les aliments « interdits » cités au cours de l’enquête étaient la patate douce, le tarot, le poisson silure, la banane, la papaye, le soja, le mil, le gombo et les pois. Les œufs, quant à eux, sont proscrits chez 35,4 % des enfants, quelle que soit leur région d’origine. La plupart des femmes interrogées déclarent que ce sont les « vieilles » qui leur ont donné ces conseils.</p>
<p>Dans cette étude, il a été constaté que les protéines, les fruits et légumes et certains tubercules étaient les aliments les plus souvent proscrits, quel que soit la religion ou le niveau d’études des mères. Dans la « croyance » locale, le fait de manger des œufs donnerait à l’enfant un ventre ballonné, et manger certains fruits tels que la banane pourrait empêcher le durcissement des os de l’enfant. En d’autres termes, l’enfant deviendrait « mou » en mangeant de la banane tôt. Ne pas respecter de tels interdits pourrait mettre les « esprits » en colère ou réduire l’intelligence des enfants. </p>
<p>Ces interdits portent sur un nombre non négligeable d’aliments locaux, alors que, dans le même temps, les produits ultra-transformés ou le pain ne sont pas écartés, ce qui incite la population à avoir recours à des aliments importés et plus onéreux.</p>
<p>Ainsi, les tabous alimentaires portent atteinte à une alimentation variée et deviennent néfastes à la santé des adultes et des enfants, y compris des nourrissons, le tout en pénalisant financièrement les ménages.</p>
<h2>Les mères écoutent leurs aînées plutôt que les autorités de santé</h2>
<p>Les mères, qu’elles soient primipares ou multipares, mettent en pratique les conseils prodigués par femmes « plus âgées » issues de leur famille ou de leur entourage. La plupart des femmes (78 %) rapportent qu’elles ne savent pas pourquoi ces aliments sont interdits, et celles qui disent le savoir (22 %) donnent des raisons qu’elles tiennent des dires des « anciens » : l’enfant risquerait de ne pas être « solide » (30,6 %), la fontanelle de l’enfant « ne se fermerait pas » (19,4 %) ou la santé de l’enfant « serait en danger ».</p>
<p>Ces résultats confirment qu’en Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays d’Afrique, les femmes enceintes et allaitantes sont sensibles aux conseils des mères et grands-mères qui relaient et transmettent des « croyances » concernant la « juste » alimentation. Les tabous alimentaires restent d’autant plus vivaces que l’alimentation et le devenir des tout-petits sont considérés comme une affaire de femmes expérimentées, qui assurent avoir vécu elles-mêmes l’impact positif de ces interdits.</p>
<p>En Afrique, depuis plusieurs années, les politiques nationales de nutrition et celles de santé publique ont fait de la production et de la consommation des produits locaux variés une de leurs priorités.</p>
<p>Ces politiques se heurtent aux « croyances » des populations locales. D’un côté, les acteurs institutionnels (médecins, infirmiers, sages-femmes, acteurs de la nutrition) fournissent des conseils alimentaires aux femmes et jeunes mamans. De l’autre, ces dernières reçoivent des informations et conseils, via les personnes plus âgées, relevant des « croyances » héritées des coutumes familiales ou africaines. Dans ce « face-à-face », les femmes africaines, qui vivent dans des communautés aussi fortes que les structures étatiques sont faibles, font souvent plus confiance à l’expérience des femmes âgées qui vivent à côté d’elles.</p>
<p>Leurs « croyances » restent donc leur principale référence pour effectuer les choix alimentaires des membres de la famille, y compris des enfants et nourrissons. Pour les acteurs institutionnels, cette réalité invite à remettre en cause les actions de sensibilisation auprès des mères et des structures sanitaires, en tenant compte des tabous alimentaires existants, qui varient selon les régions. Le Programme national de nutrition, dans ses démonstrations de diversification alimentaire, essaie d’utiliser les produits locaux de chaque région administrative. Par exemple, quand on se rend compte que les gens mangent plus de riz que de fonio, on s’adapte et on remplace l’aliment dérangeant par un autre qui a la même valeur nutritionnelle. </p>
<p>Au-delà de cette adaptation actuelle, faudra-t-il combattre frontalement ces « croyances » pour les remplacer par d’autres, fondées sur la science contemporaine, ou devra-t-on se contenter d’en limiter la portée ? Dans tous les cas, ces politiques se heurteront à des réticences, ou même à de fortes résistances. La route est longue.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Basilia Akobi, médecin nutritionniste, Agence universitaire de la Francophonie, Master en développement de l’Université Senghor d’Alexandrie (Égypte)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201035/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louise Christelle Abale ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Côte d’Ivoire, les politiques nationales de santé publique se heurtent à des croyances locales qui bannissent certains aliments et posent problème dans la mise en place d’une alimentation variée.Louise Christelle Abale, Assistante au département des sciences et techniques, Université Alassane Ouattara de BouakéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946982022-12-14T18:42:45Z2022-12-14T18:42:45ZGestion des déchets : en Côte d’Ivoire, l’immense potentiel de l’économie circulaire<p>En 2018, la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire/publication/cote-divoire-economic-outlook-understanding-the-challenges-of-urbanization-in-height-charts">Banque mondiale</a> présentait une image contrastée de la Côte d’Ivoire, soulignant à la fois sa solide croissance économique et sa forte exposition aux dérèglements climatiques. L’importante déforestation dont le pays fait l’objet n’est en effet pas sans conséquences sur ses émissions de gaz à effet de serre et sa production agricole, avec des perturbations des saisons qui affectent l’agriculture.</p>
<p>Ce constat a incité les autorités ivoiriennes à fixer des objectifs dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. La Côte d’Ivoire <a href="http://www.gouv.ci/Main2.php">s’est ainsi engagée</a> à réduire de 28 % ses émissions de gaz à effet de serre (d’ici à 2030) et à augmenter substantiellement la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique (de 42 % d’ici à 2030).</p>
<p>Pour atteindre ces objectifs, elle a listé des actions à mener, dont font partie la gestion durable et la valorisation des déchets. Une dimension d’autant plus importante que les Ivoiriens produisent en moyenne 0,64 kg de déchets par habitant par jour, soit bien davantage que dans le reste de l’Afrique subsaharienne où la moyenne <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/cote-divoire/croissance-population.php">s’élève à 0,46 kg par jour</a>.</p>
<p>Dans <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/30317">son rapport de 2018 sur les déchets</a>, la Banque mondiale indiquait, qu’en moyenne, chaque Terrien produisait <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/immersive-story/2018/09/20/what-a-waste-an-updated-look-into-the-future-of-solid-waste-management">0,74 kg de déchets par jour</a>. Une moyenne qui cache évidemment de fortes disparités : en Amérique du Nord, elle atteind par exemple plus de 2 kilos par habitant.</p>
<p>Au regard de la croissance de la quantité des déchets municipaux, qui devrait augmenter de <a href="https://www.institut.veolia.org/sites/g/files/dvc2551/files/document/2021/11/L%E2%80%99%C3%A9conomie%20circulaire%20-%201.%20Un%20mod%C3%A8le%20de%20gestion%20des%20d%C3%A9chets%20%C3%A0%20r%C3%A9inventer.pdf">70 % d’ici à 2050</a>, le modèle de l’économie circulaire apparaît comme une solution. <a href="https://www.afrik21.africa/ouganda-les-femmes-au-coeur-de-la-gestion-durable-des-dechets-plastiques%E2%80%89/">La Côte d’Ivoire et l’Ouganda</a> se penchent donc sur ce modèle, <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/economy/20151201STO05603/economie-circulaire-definition-importance-et-benefices">défini par le Parlement européen</a> comme un mode de production et de consommation qui consiste à partager, louer, réutiliser, réparer, remettre à neuf et recycler le plus longtemps possible les matériaux et produits existants.</p>
<h2>Une filière « traitement des déchets » à inventer</h2>
<p>Depuis 1960, la politique de gestion des déchets mise en œuvre par les divers maîtres d’ouvrage n’a pas prévu une filière propre au traitement de déchets. Pendant une quarantaine d’années, les déchets étaient simplement acheminés vers un centre de transfert et des centres de groupage. Ces centres de groupage et de transfert ne sont pas de vrais centres de traitement de déchets. Ils permettent uniquement de regrouper ceux-ci en grande masse par zone géographique de production, avant de les acheminer vers leur lieu de décharge et/ou valorisation.</p>
<p>Si la forte croissance de la population (de <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/cote-divoire/croissance-population.php">3,6 en 1960 à 27 millions en 2021</a>) et l’urbanisation rapide de la Côte d’Ivoire ont engendré une hausse conséquente de la production, celle-ci n’a pas été suivie d’une progression des quantités collectées. Sur les 280 tonnes de déchets plastiques produites chaque jour à Abidjan, <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">seuls 5 % sont recyclées</a>.</p>
<p>Le reste est destiné en général aux <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe">décharges situées dans les quartiers pauvres</a>. Forte source de pollution, ces déchets aggravent les problèmes liés à l’assainissement. À noter que la mauvaise gestion des déchets est à l’origine de <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">60 % des cas de paludisme, de diarrhée et de pneumonie chez les enfants</a>.</p>
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<h2>Des avancées légales</h2>
<p>Outre les déchets organiques des ménages, les déchets automobiles ne cessent d’augmenter. L’importation incontrôlée de véhicules d’occasion et leur utilisation constituent engendrent une pollution et une production de déchets conséquentes. D’autant plus que la vente des véhicules d’occasion est une <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjwuO6WoaD6AhUM2xoKHeaJA1gQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Fjournals.openedition.org%2Fcom%2Fpdf%2F6044&usg=AOvVaw05PoPjZfk3Lw3I0sqUdkqu">spécialité des villes portuaires ouest-africaines</a> (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo).</p>
<p>Une récente réglementation mise en place par les autorités ivoiriennes sur la limitation de l’âge des véhicules d’occasion vise justement à <a href="https://www.douanes.ci/sites/default/files/base_documentaire/c_1936.pdf">réduire cet impact de pollution</a>.</p>
<p>De même, l’introduction d’une <a href="https://afrique.latribune.fr/economie/budget-fiscalite/2017-12-19/cote-d-ivoire-une-ecotaxe-pour-financer-le-recyclage-des-dechets-762141.html">redevance sur les importations</a> de produits électriques et électroniques neufs ou de seconde main en état de marche suivant le « principe pollueur-payeur » et le « principe de la responsabilité étendue du producteur » constituerait une avancée pour la réduction des déchets.</p>
<h2>Un potentiel important</h2>
<p>Les possibilités concrètes en matière d’économie circulaire sont nombreuses.</p>
<p>Les déchets organiques produits par les ménages et les fermes agricoles peuvent par exemple servir à produire de l’énergie grâce à la production de biogaz issu de la méthanisation. Le digestat venu de la fermentation des déchets organiques peut être utilisé comme fertilisant pour l’agriculture. Avec un potentiel considérable, puisque le secteur agricole est un pilier de l’économie ivoirienne, <a href="https://www.cirad.fr/dans-le-monde/nos-directions-regionales/afrique-de-l-ouest-foret-et-savane-humide/pays/cote-d-ivoire">qui occupe plus de la moitié de la population active</a>.</p>
<p>Les déchets plastiques peuvent être transformés en granulés et réutilisés comme matière première secondaire. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), à travers un programme d’éducation des jeunes enfants, a ainsi utilisé les déchets plastiques pour fabriquer des briques qui ont servi à <a href="https://www.unicef.fr/article/cote-divoire-une-usine-de-briques-en-plastique-recycle-pour-construire-des-salles-de-classe/">construire des salles de classe</a>.</p>
<p>Plus globalement, la structuration d’une économie circulaire en Côte d’Ivoire peut aussi s’appuyer sur les nombreuses initiatives existantes de façon informelle. Car la récupération et la réutilisation des déchets en Afrique n’a pas attendu qu’émerge et se popularise le concept d’économie circulaire. La conscience de la ressource qu’ils renferment est présente depuis bien longtemps.</p>
<p>D’elle-même, la population ivoirienne développe en effet déjà des activités génératrices de revenus qui obéissent à la règle des 4 R (réduire, réemployer, réutiliser, recycler).</p>
<h2>Les collecteurs, une économie circulaire informelle</h2>
<p>À travers la collecte de déchets notamment, pour laquelle les récupérateurs se sont progressivement organisés en groupement de façon informelle. Ils collectent et revendent ainsi certaines catégories de déchets (carton, fer, bouteilles, verre…) dotés d’un fort intérêt économique pour les artisans, les commerçants (grossistes et détaillants), les sociétés industrielles et commerciales installés dans les marchés et dans les zones industrielles de la Côte d’Ivoire.</p>
<p>Comme l’entreprise sociale <a href="https://startupbrics.com/greentech-coliba-abidjan-dechets-collecte/">Coliba</a>, engagée dans la transformation des déchets plastiques, qui a monté un centre de formation permettant d’intégrer 6 000 collecteurs de déchets informels dans la chaîne de valeur. L’entreprise prévoit ainsi créer environ 500 emplois directs et indirects à temps plein dont 70 % de ces postes seront occupés par des femmes. À noter que la collecte et la vente des déchets sont déjà réalisées <a href="https://www.afrik21.africa/ouganda-les-femmes-au-coeur-de-la-gestion-durable-des-dechets-plastiques%E2%80%89/">à 80 % par des femmes</a> en Afrique.</p>
<p>Les prix moyens de vente du kilo des déchets récupérés (les plastiques, les papiers, les cartons, les textiles, les métaux ferreux et non ferreux et les verres) sur le marché étant compris entre 0,09 et 0,27 euro, le potentiel économique des déchets est estimé à près de <a href="https://www.researchgate.net/publication/324452308_Analyse_du_potentiel_de_creation_d%27emplois_verts_dans_la_filiere_de_gestion_des_dechets_solides_menagers_en_Cote_d%27Ivoire">48,5 millions d’euros</a>.</p>
<h2>Un secteur des déchets à structurer</h2>
<p>À la principale décharge d’Abidjan, le nombre de travailleurs dans le tri était estimé <a href="https://www.scirp.org/%28S%28lz5mqp453edsnp55rrgjct55%29%29/reference/referencespapers.aspx?referenceid=2128934">à 5 000 personnes en 2010</a> et ne cesse d’augmenter.</p>
<p>Au regard du contexte, l’économie circulaire peut contribuer à améliorer la gestion des déchets en Côte d’Ivoire tout en luttant contre la pauvreté en créant un modèle générateur de nombreux emplois.</p>
<p>Mais une structuration du secteur des déchets est nécessaire pour permettre une meilleure organisation des personnes ou des réseaux concernés, la gestion étant en majorité informelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noukignon Kone-Silue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Côte d’Ivoire, la récupération informelle des déchets existe de longue date. Une pratique sur laquelle le pays peut s’appuyer pour construire une véritable économie circulaire dans le pays.Noukignon Kone-Silue, Economiste - RSE, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1879522022-09-20T18:28:09Z2022-09-20T18:28:09ZLutte contre la « déforestation importée » en Europe : quelles conséquences pour des millions d’Africains ?<p>Dans la foulée de la COP26, et soucieuse de corriger son statut de second « importateur mondial de déforestation » après la Chine, l’Union européenne a décidé le <a href="https://www.touteleurope.eu/environnement/pacte-vert-europeen-les-dates-cles/">17 novembre 2021</a> de muscler <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">son Green Deal</a> pour rendre le vieux continent climatiquement neutre en 2050.</p>
<p>Rappelons qu’un « importateur de déforestation » est un pays, un continent ou une entreprise, <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-poids-exact-de-la-france-dans-la-deforestation-importee-qui-touche-lamazonie-174658">qui importe des produits issus d’une déforestation</a>. Pour le moment, la liste des produits que l’UE ne fera plus venir est assez courte, mais lourde de conséquences : la viande de bœuf (et le cuir), le cacao, le café, le soja et l’huile de palme. </p>
<p>Les mauvais esprits pourraient ironiser sur le fait que la Beauce était autrefois couverte de forêts (primaires ?), et que les céréales qui y sont cultivées proviennent aussi de la déforestation, mais l’humour n’est pas de mise quand il s’agit de sauver la planète.</p>
<p>D’ailleurs, cette mesure n’a fait sourire personne dans les pays directement visés d’Afrique de l’Ouest. Si les éleveurs peuls de la zone sahélienne n’en sont pas à nourrir leurs vaches avec du fourrage récolté sur des espaces déforestés, et encore moins avec du soja, les cultivateurs et planteurs de Côte d’Ivoire, du Ghana et de toute la région forestière sont concernés par au moins trois des cinq produits figurant sur la liste noire (café, cacao, huile de palme).</p>
<p>Or ces différentes productions agricoles sont essentielles à leur prospérité.</p>
<h2>20 % des Ivoiriens vivent du cacao</h2>
<p>Le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le 1<sup>er</sup> producteur mondial avec plus de <a href="https://www.rti.info/economie/11123">2,2 millions de tonnes en 2021</a>, fait vivre près de <a href="https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=13247&d=3">6 millions de personnes</a> dans le pays, soit près de 20 % de la population.</p>
<p>L’huile de palme, dont elle est le 9<sup>e</sup> producteur mondial avec près de 500 000 tonnes en 2021, <a href="https://agritrop.cirad.fr/597525/1/FIRCA.Palmier%20%C3%A0%20huile_Analyse%20fonctionnelle_FINAL.Ao%C3%BBt%202020.pdf">subvient directement aux besoins de 220 000 personnes</a>, tandis que 2 millions d’habitants de la Côte d’Ivoire vivent des activités liées au secteur.</p>
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<p>Le café enfin, dont elle fut longtemps le 3<sup>e</sup> producteur mondial, n’occupe plus la place centrale (<a href="https://www.rti.info/economie/11123">61 000 tonnes en 2021 contre 380 000 en 2000</a>), mais continue d’assurer des compléments de revenus intéressants aux paysans de la zone forestière dans le Sud-Est du pays.</p>
<p>C’est dire que sanctionner ces cultures risque de déstabiliser sérieusement l’économie ivoirienne en même temps que de mettre en danger le tissu social.</p>
<h2>Hévéa, anacarde, banane… prochains sur la liste ?</h2>
<p>Et l’on peut pressentir que d’autres piliers de sa richesse (hévéa, anacarde, coton, banane, ananas) tomberont un jour ou l’autre dans les cibles de l’UE puisqu’ils sont également issus d’une déforestation. Le pays a produit 950 000 tonnes de caoutchouc naturel en 2020, <a href="https://www.agenceecofin.com/caoutchouc/2503-86529-cote-d-ivoire-la-production-de-caoutchouc-naturel-a-atteint-950-000-tonnes-en-2020">soit 80 % du latex provenant du continent africain</a> (4<sup>e</sup> rang mondial).</p>
<p>Les savanes du Nord ivoirien ont produit <a href="https://www.agenceecofin.com/noix-de-cajou/2010-92483-cote-d-ivoire-la-production-d-anacarde-est-estimee-a-1-million-de-tonnes-en-2021">1 million de tonnes d’anacardes en 2021</a> (1er rang mondial) et 250 000 petits producteurs regroupés en coopérative ont commencé à assurer la transformation en amandes de cajou (3<sup>e</sup> exportateur mondial). C’est également dans les savanes au nord que 130 000 petits exploitants ont produit <a href="https://www.agenceecofin.com/coton/1005-88052-la-cote-d-ivoire-prevoit-une-recolte-record-de-580-000-tonnes-de-coton-en-2021/2022">580 000 tonnes de coton en 2021</a> (2<sup>e</sup> rang africain).</p>
<p>Quant aux fruits essentiellement destinés à l’Europe, ils représentent <a href="https://agritrop.cirad.fr/594999/">300 000 tonnes de bananes</a> et <a href="https://agriculteurivoirien.org/ananas.html">170 000 tonnes du fameux « ananas de Côte d’Ivoire »</a> qui occupe la seconde place sur les marchés européens.</p>
<p>Deux questions (de simple bon sens) viennent alors à l’esprit.</p>
<h2>Des cultures qui stockent du carbone</h2>
<p>D’abord, s’il est vrai qu’il a fallu déforester pour introduire les cultures de rente qui font la prospérité de la Côte d’Ivoire, n’a-t-on pas ensuite « reforesté » en plantant, dans l’ordre d’apparition dans les paysages, des caféiers, des cacaoyers, des palmiers à huile, des hévéas et des anacardiers ?</p>
<p>N’a-t-on pas remplacé la forêt dite « primaire » par une autre forêt, composée d’arbres ou d’arbustes dont la capacité de puits à carbone n’est pas forcément inférieure ? Car même le palmier à huile affiche un <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo13/promo13_G10/www.controverses-minesparistech-2.fr/_groupe10/index19a2.html?page_id=268">assez bon bilan en termes de stockage de carbone</a>.</p>
<p>Quant au cacao, les experts européens ont-ils perdu de vue (ou jamais su) qu’il s’agissait d’un arbuste qui pousse généralement sous ombrière naturelle, à l’abri d’arbres plus haut que lui, donc en pleine forêt, même si celle-ci n’est plus « primaire » ?</p>
<h2>Une population multipliée par 8 depuis 1960</h2>
<p>Ensuite, n’a-t-on pas d’abord déforesté pour simplement se nourrir ? L’emblématique culture sur brûlis, encore très largement pratiquée notamment sur les fronts pionniers dits « forestiers » des régions de climat tropical, répond d’abord aux besoins alimentaires d’une population dont on rappelle – au risque de passer pour néo-malthusien – <a href="https://ideas4development.org/demographie-et-insecurite-croissantes-dans-le-sahel-trois-scenarios-davenir/">qu’elle a été multipliée par cinq depuis 1960</a> dans la zone sahélienne, où l’élevage bovin est très répandu et où les troupeaux ont probablement suivi une courbe démographique similaire.</p>
<p>Quant à la population de la Côte d’Ivoire, <a href="https://www.ins.ci/RGP2021/RGPH2021-RESULTATS%20GLOBAUX_VF.pdf">elle a été multipliée par huit dans le même temps</a> (de 3,504 millions en 1960 à 29,389 millions au recensement de 2021). Produire huit fois plus de produits vivriers suppose de multiplier par huit soit les rendements soit les surfaces cultivées.</p>
<p>Le pacte vert européen entend stopper les importations de produits issus de la déforestation. Mais une telle décision aura des impacts considérables sur les populations qui dépendent de ces cultures.</p>
<p>En 2021, la Côte d’Ivoire <a href="https://www.fao.org/faostat/en/#data/QCL">a consacré plus de 2 millions d’hectares de terre</a> à sa production d’igname (4,970 millions de tonnes), de manioc (2,047 millions de tonnes), de banane plantain (1,519 million de tonnes), de riz (673 000 tonnes) et de maïs (608 000 tonnes). Combien de centaines de milliers d’hectares nouveaux ont été défrichés (donc déforestés) pour cela ?</p>
<p>Et ce calcul ne tient pas compte des besoins en bois de chauffe, alors que cette source d’énergie domestique est loin d’être remplacée par des produits de substitution, dont on aimerait qu’ils soient de préférence « verts ».</p>
<h2>Déforestation postérieure à 2020</h2>
<p>Certes, on admettra peut-être (ou pas) le raisonnement qui précède, selon lequel on a remplacé des forêts par des arbres. En contrepartie, on objectera sans doute qu’on a bouleversé la biodiversité. C’est exact. Mais c’est aussi ce que l’Europe avait fait en remplaçant ses bocages par de l’openfield, et cette transformation était liée – déjà – à des questions de rendement et de productivité. </p>
<p>Avons-nous de meilleures propositions à formuler pour le continent africain ?</p>
<p>Heureusement, les directives de l’Union européenne affichant l’objectif de ne retrouver sur le marché européen d’ici trois ou quatre ans que des produits « zéro déforestation » ne sont pas drastiques. Elles exigent que les opérateurs vérifient que le cacao, le café, ou l’huile de palme importés ne soient pas issus d’une déforestation postérieure à 2020.</p>
<p>Les contrôles pourront être effectués avec l’aide de Copernicus, le programme européen d’observation de la terre, sorte de caméra de vidéosurveillance dont on pourra rembobiner les images. Les nouveaux plants de cacao sous une vieille ombrière y échapperont-ils ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Déforestation importée : quel est l’impact de nos choix alimentaires ? Conso Mag, 24 décembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Risque de fragiliser une partie de la population</h2>
<p>On ne peut qu’être sensible aux préoccupations des responsables européens lorsqu’ils se penchent sur l’avenir de la planète. Mais ils vont inévitablement buter sur la contradiction majeure qui surgit quand on commence à vouloir agir : le danger n’est-il pas de fragiliser, voire de mettre en péril, une partie de la population du monde, parmi les plus pauvres, en prenant des mesures radicales au nom de la protection de l’environnement ?</p>
<p>On le voit déjà : interdire l’exploitation du charbon risque de priver d’électricité les habitants des townships sud-africains. Préserver la biodiversité dans des forêts classées d’Afrique de l’Ouest permet à la mouche tsé-tsé de se reproduire et d’y prospérer avant de se répandre dans les zones peuplées en diffusant la maladie du sommeil.</p>
<p>Il conviendrait donc que les décideurs de l’Union européenne, élus et technocrates, relisent attentivement leur copie en pensant davantage aux centaines de millions d’Africains qui vont souffrir de la mise en œuvre de ces mesures de lutte contre « l’importation de déforestation », alors qu’ils ne sont guère responsables du changement climatique, vu qu’ils émettent peu de gaz à effet de serre.</p>
<p>Dans ce contexte d’écologie politique, il faudra aussi se pencher un jour ou l’autre sur le problème de l’eau virtuelle, c’est-à-dire facturer l’eau africaine qui a servi à produire le cacao, l’huile de palme, l’ananas, la banane, etc. Mais la facturer à qui ? Certes c’est un autre sujet, mais c’est le même problème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187952/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pacte vert européen entend stopper les importations de produits issus de la déforestation. Mais une telle décision aura des impacts considérables sur les populations qui dépendent de ces cultures.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1707522021-11-02T18:03:16Z2021-11-02T18:03:16ZLéa : « Est-ce que quand on a la maladie du sommeil on dort tout le temps ? »<p>Voilà une excellente question à laquelle on ne peut répondre ni par « oui » ni par « non » parce que ça dépend du stade de la maladie, ce qui nécessite quelques explications.</p>
<p>Il faut déjà savoir que la maladie du sommeil, qu’on appelle aussi la trypanosomiase humaine africaine, est causée par un parasite : le trypanosome. Une sorte de ver microscopique transmit par un insecte bien connu : la mouche tsé-tsé ou glossine. Lorsque celle-ci pique un humain, le parasite en profite pour passer dans son corps. Il vit alors dans notre sang où il peut rester plusieurs années, provoquant de la fièvre ou des maux de tête mais pas de troubles du sommeil.</p>
<p>Jusqu’à ce que, sans qu’on ne sache vraiment quand ni pourquoi (c’est une question à laquelle les chercheurs continuent d’essayer de répondre), les trypanosomes s’installent dans notre cerveau et empêchent notre sommeil de bien fonctionner. Alors le malade ne dort plus la nuit et dort le jour. Avec le temps, les trypanosomes provoquent de nombreux autres problèmes et les personnes qui en sont atteintes peuvent mourir si elles ne sont pas soignées.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vaincre la maladie du sommeil, un défi pour la recherche / IRD.</span></figcaption>
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<p>Heureusement il existe des traitements ! Mais pour soigner les gens, encore faut-il repérer la maladie le plus tôt possible, ce qui est parfois compliqué car les premiers symptômes sont les mêmes que pour beaucoup d’autres maladies et parce que la trypanosomiase sévit souvent dans des zones d’Afrique où il y a peu de médecins.</p>
<p>Une autre méthode de lutte consiste à réduire le nombre de mouches tsé-tsé pour limiter les piqûres et le risque de transmission du parasite à l’homme. Les chercheurs ont mis au point des pièges en tissu noir et bleu parce que ces couleurs attirent les mouches. On les recouvre d’insecticides et on les pose autour des villages pour protéger les habitants.</p>
<p>Les chercheurs ont appliqué ces méthodes en Côte d’Ivoire, un pays d’Afrique qui a été particulièrement touché par la trypanosomiase humaine africaine. Ce fut un grand succès car cela a permis de quasiment éliminer la maladie : entre 2015 et 2019, seuls 9 malades ont été enregistrés dans ce pays.</p>
<p>Une victoire, mais la recherche ne doit pas se reposer sur ses lauriers, sinon la maladie du sommeil pourrait se réveiller. Heureusement les scientifiques mettent en place une surveillance pour se débarrasser durablement de ce fléau, et pour que les gens puissent enfin dormir en paix !</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Jamonneau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment fonctionne cette maladie due à un parasite qui passe dans notre corps via la fameuse mouche tsé-tsé ?Vincent Jamonneau, Chercheur, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1690402021-10-18T18:48:14Z2021-10-18T18:48:14ZComment la constitution de la Vᵉ République a modelé la décolonisation<p>La demande de pardon officielle du président Macron adressée aux harkis et l’annonce de l’adoption prochaine d’une loi de réparation <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/09/20/emmanuel-macron-demande-pardon-aux-harkis-et-annonce-une-loi-de-reconnaissance-et-de-reparation_6095314_823448.html">marquent une étape importante</a> dans le processus de réconciliation nationale de la France avec son passé colonial.</p>
<p>Le droit, et l’enseignement du droit, ont aussi leur rôle à jouer dans l’entreprise de décolonisation. En effet, une colonisation va de pair avec une domination légale, celle d’un système juridique et judiciaire pensé et appliqué pour maintenir un territoire et sa population sous le joug du <a href="http://www.bloomsburycollections.com/book/revolutionary-constitutionalism-law-legitimacy-power">colonisateur</a>.</p>
<p>La domination légale se concrétise avant tout au niveau des droits personnels, comme ce fut le cas de la différence de statut entre le <a href="http://juspoliticum.com/article/La-citoyennete-dans-l-empire-colonial-francais-est-elle-specifique-980.html">citoyen français</a> de métropole et l’indigène – dépourvu de la plupart des droits civiques. Mais elle se concrétise aussi au niveau des <a href="http://juspoliticum.com/article/La-France-libre-Vichy-l-empire-colonial-978.html">institutions</a> avec une organisation des relations de pouvoir entre la métropole et les colonies destinés à asseoir la domination de la première sur les secondes.</p>
<p>Ainsi une décolonisation est un processus de transition dite juridique. Il s’agit de débarrasser le système juridique du pays nouvellement indépendant des rapports juridiques qui le liaient à l’ancienne métropole. En France, cette transition juridique a été actée par la <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/2018/08/23/26001-20180823ARTFIG00243-le-discours-du-general-de-gaulle-a-brazzaville-le-24-ao%C3%BBt-1958.php">constitution de 1958</a>. Si cette dernière marqua le début de la V<sup>e</sup> République, elle fut surtout l’occasion pour les territoires d’Afrique francophone d’affirmer leur volonté d’indépendance.</p>
<h2>Une constitution de décolonisation</h2>
<p>Il est de bon ton, dans les facultés de droit et ailleurs, d’expliquer que la raison d’être de la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1959_num_9_1_402982?q=constitution+1958">constitution de 1958</a> repose dans l’instabilité gouvernementale de la IV<sup>e</sup> République. Cette dernière, et ses 22 gouvernements en 12 ans, était devenu dangereusement inefficace. Il fallait retrouver de la stabilité grâce à un président qui « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État » (<a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur">article 5</a>) et un gouvernement sans la menace constance d’une motion de censure du Parlement.</p>
<p>Rares sont cependant les étudiants à connaître l’objectif de décolonisation attaché à la constitution de 1958. En effet, ce point n’apparaît dans aucun des ouvrages de référence. De Gaulle, dans son <a href="https://mjp.univ-perp.fr/textes/degaulle04091958.htm">discours</a> du 4 septembre 1958 était pourtant clair : il fallait une nouvelle constitution pour </p>
<blockquote>
<p>« qu’entre la nation française et ceux des territoires d’outre-mer qui le veulent, soit formée une Communauté, au sein de laquelle chaque territoire va devenir un État qui se gouvernera lui-même ».</p>
</blockquote>
<p>Un des objectifs principaux de la constitution de 1958 était donc de finir le processus de décolonisation amorcé par la IV<sup>e</sup> République. Cette dernière, en affirmant l’égalité des peuples dans son préambule, se devait de mettre en terme à l’impérialisme français.</p>
<h2>Les étapes</h2>
<p>L’apport principal de la constitution de 1946 fut de transformer l’Empire Français en Union française à la suite de quoi le Cambodge et le Laos en 1953, le Vietnam en 1954, la Tunisie et le Maroc en 1956 retrouvèrent leur <a href="https://www.worldcat.org/title/droit-doutre-mer-et-de-la-cooperation/oclc/923234055&referer=brief_results">indépendance</a>. En dehors de ces pays, la majorité des anciennes colonies restèrent sous le statut de territoires d’outre-mer c’est-à-dire sous une tutelle encore très forte de la métropole qui décida notamment de leurs relations extérieures ou des <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1946-ive-republique">modalités de représentation politique</a> (Titre VIII, constitution de 1946).</p>
<p>La pierre angulaire du processus de décolonisation fut le référendum du 28 septembre 1958. Si en France, celui-ci servait à approuver la V<sup>e</sup> République, pour les territoires d’outre-mer, il représentait la première étape vers l’indépendance. Un « non » signifiait un rejet de la constitution et un accès immédiat à l’indépendance. Seule la Guinée opta pour cette option. Si les territoires votaient oui, ils pouvaient choisir entre un maintien du statu quo, une assimilation en tant que département ou une élévation au rang d’État membre de la Communauté. Comme l’ancien <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Constitution_de_la_France_de_1958_(version_initiale)">article 86</a> de la constitution le précisait, un État membre pouvait devenir indépendant et cesser d’appartenir à la Communauté.</p>
<p>Entre novembre et décembre 1958, tous les territoires d’outre-mer, à l’exception de la Guinée, choisirent le régime de la Communauté, après avoir voté oui au référendum. En août 1960, le Bénin, le Burkina Faso, le Chad, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Niger proclamèrent leur indépendance. En juin ce fut le tour de Madagascar suivi de la Mauritanie en novembre. La procédure d’indépendance progressive prévue par la constitution de 1958 peut donc être considérée comme un succès.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les étapes vers l’indépendance.</span>
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<h2>De l’indépendance à la dictature du parti unique</h2>
<p>Ce fut cependant un bref succès. À l’exception de Madagascar, tous les États se dotèrent d’une nouvelle constitution quelques mois à peine après leur indépendance. Ces constitutions instaurèrent toutes un régime présidentiel fort, sur le modèle de la constitution de 1958 après l’élection au suffrage universel direct du président de la République. Elles marquèrent le début des dictatures dites du parti unique qui sclérosent l’Afrique francophone depuis 1960.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chronologie comparative – de l’inclusion à la Communauté à l’adoption d’une constitution autoritaire.</span>
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<p>Une adoption si coordonnée de constitutions si similaires interroge forcément sur l’influence de l’ancienne métropole.</p>
<h2>La reproduction d’un modèle autoritaire</h2>
<p>Entre le oui au référendum et la déclaration d’indépendance, le régime de la Communauté s’appliquait. Or ce régime était caractérisé par une concentration des pouvoirs dans les mains du président de la République, lui-même président de la Communauté (article 80). Par décision présidentielle du 9 février 1959, le français resta langue officielle, la Marseillaise demeura l’hymne des États, l’armée française pouvait y stationner. La France contrôlait de fait ces anciens territoires jusqu’à l’aune de leur indépendance.</p>
<p>En 1963, le professeur de droit public <a href="http://www.worldcat.org/oclc/299896883">François Luchaire</a>, décrivait le caractère autoritaire des pays d’Afrique francophone avec les mots suivants :</p>
<blockquote>
<p>« Les États d’expression française n’ont pas eu l’impression de rompre avec l’exemple français ; bien au contraire, chacun a voulu donner à son chef d’État une autorité constitutionnelle comparable à l’autorité qui est celle du général de Gaulle en France ; parfois conseillés par des experts français, ils ont d’ailleurs utilisé les innovations contenues dans la constitution française avec les adaptations qui s’expliquent. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/169040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Fournier est Fellow du Re:constitution Programme pour l'année 2021, un programme du Forum Transregionale Studen financé par le Mercartor Stiftung.</span></em></p>La constitution de 1958 portait en elle la décolonisation juridique des territoires envahis par la France. Mais son modèle facilita aussi l’émergence de dictatures.Théo Fournier, Docteur en droit - Chercheur associé au centre Sorbonne Constitutions et Libertés (Paris 1), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1661182021-08-30T20:50:29Z2021-08-30T20:50:29ZAprès l’« ivoirité », voici la « congolité » : illustration d’une faille des démocraties modernes<p>Le 8 juillet, un projet de loi sur la « congolité » a été <a href="https://infos.cd/politique/rdc-proposition-de-loi-sur-la-congolite-nsingi-pululu-depose-le-texte-au-bureau-administratif-de-lassemblee-nationale/">déposé</a> au bureau de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) par le député Nsingi Pululu. Ce texte – toujours en examen à l’Assemblée nationale à l’heure où ces lignes sont écrites – vise à interdire à tout citoyen de la RDC ayant un parent étranger d’accéder à la magistrature suprême.</p>
<p>Si cette proposition de loi a provoqué l’inquiétude de la société civile, c’est surtout parce qu’elle a rappelé un autre concept voisin, l’« ivoirité », qui, au cours des dernières décennies, a provoqué des tensions ethno-identitaires et de <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-3-page-292.htm">graves crises politiques</a> en Côte d’Ivoire. En RDC, <a href="https://www.afrik.com/loi-sur-la-congolite-en-rdc-felix-tshisekedi-cherche-t-il-a-ecarter-moise-katumbi">certains ont vu</a> dans cette manœuvre une tentative d’<a href="https://www.afrik.com/loi-sur-la-congolite-en-rdc-felix-tshisekedi-cherche-t-il-a-ecarter-moise-katumbi">éliminer un candidat potentiel</a> à l’élection présidentielle prévue en 2023, à savoir le leader du parti « Ensemble pour la République », <a href="https://www.radiookapi.net/2021/08/24/emissions/parole-aux-auditeurs/linterview-de-moise-katumbi-sur-la-tenue-des-elections-en">Moïse Katumbi</a>, de père juif grec et de mère congolaise.</p>
<p>Beaucoup d’observateurs craignent que la RDC, <a href="https://www.icrc.org/fr/le-conflit-en-republique-democratique-du-congo-rdc">déjà fragilisée par des décennies de conflits armés</a>, ne sombre encore une fois dans des conflits fratricides, ce qui s’était produit en Côte d’Ivoire, quand l’« ivoirité » avait été <a href="https://www.liberation.fr/planete/1999/12/02/l-ivoirite-concept-a-double-tranchant-il-permet-de-se-debarrasser-des-opposants-politiques-et-des-im_292004/">utilisée</a> pour empêcher l’actuel président du pays, Alassane Dramane Ouattara, de se présenter aux présidentielles de 1995 et 2000.</p>
<p>Comment comprendre l’émergence de ces concepts ? Comment expliquer la concomitance entre leur genèse et la proximité des échéances électorales ? À qui profitent-ils ? Que nous disent-ils des rapports entre droit et politique dans la modernité ?</p>
<h2>Des concepts performatifs</h2>
<p>Les lois destinées à évincer des personnalités politiques sur la base de critères ethniques finissent toujours par produire la division de la population. Ces divisions, dans des pays qui ont connu des conflits armés et des processus de pacification encore très fragiles, sont d’autant plus dangereuses qu’elles entraînent généralement de fortes vagues migratoires vers les pays limitrophes.</p>
<p>Concernant la Côte d’Ivoire, c’est à l’aune des tensions entre autochtones et allochtones à la fin du <a href="http://www.hubrural.org/IMG/pdf/dial_2002_18.pdf">« miracle ivoirien »</a> dans les années 1980 qu’il faut analyser la genèse de ces concepts qui prônent une séparation entre « vrais citoyens » et « citoyens de seconde zone ». Ces discours ont surtout participé à désigner une partie de la population comme étant responsable des maux du pays. En effet, après le décès en 1993 de Félix Houphouët-Boigny – président depuis l’indépendance obtenue en 1960 –, la bataille de succession oppose le premier ministre Alassane Dramane Ouattara au président de l’Assemblée nationale Henri Konan Bédié. La rivalité entre les deux protagonistes va tourner à l’avantage de Bédié, la Constitution voulant qu’il devienne président intérimaire en cas de décès du président de la République, et qu’il conserve ce poste jusqu’à la présidentielle suivante, prévue en 1995.</p>
<p>Cette situation engendre une dissension puisqu’une partie du PDCI – le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire, qui avait été créé et dirigé jusqu’à sa mort par Félix Houphouët-Boigny, et présidé après son décès et jusqu’à aujourd’hui par Bédié – emmenée par Djeni Kobenan, qui est un proche de Ouattara, fait sécession pour créer en décembre 1994 le Rassemblement des Républicains (RDR). Le motif de la scission portait sur une nouvelle loi votée à l’Assemblée nationale qui exigeait que tout candidat à l’élection présidentielle soit un Ivoirien né sur le sol ivoirien et dont les deux parents sont aussi nés sur le sol ivoirien. Il fallait également <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2000-2-page-45.htm">ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité autre qu’ivoirienne</a>. Cette loi visait implicitement l’ex-premier ministre Ouattara, accusé d’être d’ascendance burkinabè alors qu’en réalité, il était né à Dimbokoro et que son père était de Kong et sa mère d’Odienné, dans le nord de la Côte d’Ivoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cvyu1pJuHyk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans le cas de la RDC, la loi sur la « congolité » va directement toucher Moïse Katumbi, allié d’abord de l’ancien président Joseph Kabila jusqu’en 2016 puis de l’actuel président Felix Tshisekedi, jusqu’en 2021. Les proches de ce dernier affirment qu’il ne se trouve pas derrière le projet de loi sur la congolité ; ce qui est sûr, en tout cas, c’est que la promulgation de cette loi lui profiterait certainement car Katumbi est largement présenté comme son principal challenger aux élections de 2023.</p>
<p>Mais bien que le texte sur la « congolité » semble viser principalement un candidat métis, il <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/19/rdc-la-proposition-de-loi-sur-la-congolite-va-diviser-les-congolais_6088773_3212.html">concerne aussi beaucoup d’autres Congolais</a>. La RDC étant entourée par neuf voisins avec lesquels elle entretient des relations transfrontalières, il est clair que l’entrée en vigueur de loi sur la congolité affecterait beaucoup de Congolais ayant de la famille dans ces pays voisins (s’il s’agit seulement de la présidentielle pour l’instant ; le risque que l’adoption de la loi entraîne l’ouverture d’une boîte de Pandore est bien réel) et, tout spécialement, ceux qui ont une parenté avec le Rwanda. </p>
<p>Les Congolais rwandophones, parlant le kinyarwanda, et donc d’origine rwandaise, c’est-à-dire dont les ancêtres seraient venus du Rwanda au cours des migrations survenues entre le XIX<sup>e</sup> siècle et l’indépendance de la RDC en 1960, ont longtemps été stigmatisés, accusés d’être à l’origine des rébellions que <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/LEst-RD-Congo-dechire-22-guerre-2016-08-15-1200782377">l’est de la RDC a connues</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1194913069689954305"}"></div></p>
<p>Bien que le terme « congolité » n’ait pas été évoqué auparavant et que c’est la première fois que cette idée semble être utilisée pour éventuellement écarter un adversaire politique, l’évocation de son contenu pour d’autres raisons politiques diverses date de très longtemps. En effet, l’enjeu de la congolité ne portera pas sur la question de la nationalité tout court, mais sur la nationalité d’origine. Elle rappelle de ce fait les conflits qui ont été liés au refus de la nationalité congolaise d’origine à certains rwandophones durant le règne du président Mobutu. On sait très bien combien les <a href="https://www.refworld.org/docid/45f1471311.html">lois de 1971 et de 1981</a> ont été citées par ces rwandophones parmi les mobiles à la base de leur engagement dans la première guerre du Congo qui visait à renverser le régime de Mobutu. On sait aussi combien la remise en question de ces lois lors des pourparlers de paix a permis d’établir les bases de la paix en RDC.</p>
<h2>Une ressource politique</h2>
<p>Trois leçons au moins peuvent être tirées de l’examen des expériences de l’ivoirité et de la congolité.</p>
<p>Premièrement, la concomitance de leur apparition à l’approche des échéances électorales est liée aux rapports de force politiques. Aussi, l’adhésion d’une partie de la population à ces discours est de nature à accentuer les clivages entre le nord et le sud pour la Côte d’Ivoire et entre l’ouest et l’est pour la RDC, les uns étant considérés comme les vrais nationaux et les autres des intrus. En Côte d’Ivoire, cette division est renforcée par le clivage entre un nord plutôt musulman et un sud chrétien (même si le métissage rend complexe cette dichotomie). En RDC, l’Ouest est souvent et abusivement considéré comme lingalaphone et l’Est comme essentiellement swahiliphone. Tous ces schémas simplificateurs sont largement employés pour légitimer les uns et délégitimer les autres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404548900200009730"}"></div></p>
<p>Deuxièmement, ces concepts deviennent à un moment donné des ressources politiques qui ont pour rôle non seulement de distraire la population des bilans et programmes des candidats, mais aussi de permettre à certains politiciens d’accéder ou de conserver le pouvoir. Ces lois peuvent souvent être votées par la majorité des représentants de la population, c’est-à-dire de manière démocratique. Dans ce cas, ce n’est pas une quelconque rationalité dictatoriale ou immaturité politique qui est en jeu, comme on l’a souvent trop vite avancé lorsqu’il s’agit des pays africains. </p>
<p>C’est la question du rapport entre le droit et la démocratie qui est sérieusement posée ici. Car, en démocratie, même si c’est l’État de droit qui devrait régner, celui-ci est mis en place par des acteurs politiques mus par des intérêts spécifiques. De ce point de vue, les dimensions identitaires des notions de congolité et l’ivoirité, c’est-à-dire la désignation de ceux qui, selon leurs origines, peuvent ou ne peuvent pas se prévaloir de leur appartenance à la communauté politique, se posent aussi dans plusieurs démocraties occidentales, où les sentiments identitaires et nationalistes ont souvent le vent en poupe.</p>
<p>Troisièmement, le débat sur l’ivoirité et la congolité est porteur d’enseignements importants sur les effets pervers de la nécessité d’une communauté politique. Si celle-ci exige la mise en place des modalités du gouvernement des gens, elle implique aussi une définition claire des membres du groupe, et donc l’exclusion de ceux qui n’y appartiennent pas. Or, notre modernité nous propose l’idée de la majorité pour préserver ces dérives. Mais dans ce cas, la majorité devient aussi un danger pour les minorités, ce qui pose la question cruciale de l’éthique dans la gestion démocratique des peuples. Cette éthique exige de s’imaginer, en démocratie, une politique pour les minorités susceptibles d’être à tout moment exclues par la majorité, quand bien même cela se ferait dans le respect de la légalité. Car, en effet, si une loi discriminatoire parvient à être votée dans le respect des règles établies dans un système politique donné, alors il faut admettre qu’il y a une faille au sein même de ce système.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La RDC, où un projet de loi sur la « congolité » est en discussion, risque de suivre la même voie que la Côte d’Ivoire, où l’instauration de la notion d’« ivoirité » avait eu de funestes conséquences.Aymar Nyenyezi Bisoka, Assistant professor, Université de MonsLamine Savané, PhD science politique, ATER, CEPEL (UMR 5112) CNRS, Montpellier, Post doctorant PAPA, Université de SégouLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1579032021-04-05T16:34:19Z2021-04-05T16:34:19ZCôte d’Ivoire : Facebook comme outil de contestation des mesures anti-Covid-19 dans un contexte électoral tendu<p>Depuis l’apparition du premier cas de Covid-19, le 12 mars 2020, le gouvernement ivoirien a dans un premier temps adopté une série de mesures restrictives (fermeture des frontières, instauration d’un état d’urgence et d’un couvre-feu), avant de passer à une phase d’assouplissement à partir de mai 2020. Cette riposte s’est inscrite dans un contexte politique particulièrement tendu, avec la tenue de l’élection présidentielle en octobre 2020 et la candidature controversée d’Alassane Ouattara à un <a href="https://theconversation.com/limitation-du-nombre-de-mandats-presidentiels-en-afrique-la-route-est-encore-longue-144825">troisième mandat</a>. Sur Facebook – le réseau social le <a href="https://datareportal.com/reports/digital-2020-cote-divoire">plus utilisé</a> de Côte d’Ivoire, avec 5,4 millions de membres pour 25 millions d’habitants, où certains groupes et pages affichent plus de 500 000 membres –, de vifs débats se sont enclenchés autour de la Covid-19 et de la réponse des autorités.</p>
<p>Une étude <a href="http://www.recherche-qualitative.qc.ca/documents/files/revue/edition_reguliere/numero32(2)/32-2-sayarh.pdf">netnographique</a> a été réalisée auprès des communautés Facebook, de février à décembre 2020, à partir d’une veille des publications et posts liés à la Covid-19, couplée à des entretiens avec des cyberactivistes. L’objectif était d’identifier les infox et polémiques relatives à l’épidémie circulant sur Facebook.</p>
<p>Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet <a href="https://aphro-cov.com/">APHRO-CoV</a>, financé par l’<a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/aphro-cov-appuyer-preparation-hopitaux-covid-19-afrique-francophone">AFD</a>, et dont l’objectif est de renforcer les systèmes de santé de cinq pays d’Afrique afin d’assurer un diagnostic précoce et une prise en charge adéquate et rapide des cas de Covid-19.</p>
<h2>Une contestation systématique des mesures de riposte à la Covid-19</h2>
<p>Facebook a été le théâtre d’une contestation systématique des mesures initiées par le gouvernement. De nombreux internautes ont affirmé que la gestion de la crise sanitaire a été népotiste et partisane, favorisant les intérêts de l’élite politico-économique, notamment à des fins électorales.</p>
<p>Parmi <a href="https://www.jeuneafrique.com/913192/politique/cote-divoire-polemiques-a-repetition-apres-la-mise-en-place-de-mesures-contre-le-coronavirus/">plusieurs polémiques</a>, l’« affaire de l’INJS », survenue au début de l’épidémie, a particulièrement cristallisé la dénonciation d’une gestion népotiste de la crise. Certaines personnalités proches du pouvoir, de retour de France, qui auraient dû effectuer une quarantaine dans un centre dédié situé sur le campus de l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS), ont été exemptées de cette obligation à l’initiative personnelle du premier ministre. Ce type de polémiques se nourrit des inégalités sociales encore fortes et persistantes en Côte d’Ivoire, où près de la moitié de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté et où une <a href="https://theconversation.com/en-cote-divoire-qui-sont-reellement-les-classes-moyennes-93111">classe moyenne qui peine à se développer et à se stabiliser</a>, ainsi que de la perception latente que la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2017-4.htm">politique d’Alassane Ouattara</a> profiterait essentiellement aux plus riches.</p>
<p>L’organisation des funérailles du premier ministre <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/08/cote-d-ivoire-le-premier-ministre-et-candidat-a-la-presidentielle-amadou-gon-coulibaly-est-mort_6045646_3212.html">Amadou Gon Coulibaly</a>, candidat initialement désigné à l’élection présidentielle par le parti au pouvoir, a donné lieu à des critiques dénonçant le caractère partisan de la gestion de la crise sanitaire. En effet, cinq jours après son décès survenu le 8 juillet, le gouvernement a annoncé la <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/c%C3%B4te-divoire-covid-19-fin-de-lisolement-pour-le-grand-abidjan-d%C3%A8s-le-15-juillet-/1909291">levée de l’isolement du « Grand Abidjan »</a>, alors que la Côte d’Ivoire était confrontée à un regain de l’épidémie, avec entre 200 à 300 cas par jour environ. Cette synchronicité a été immédiatement interprétée par de nombreux Facebookers comme un moyen d’organiser les <a href="https://www.jeuneafrique.com/1016648/politique/cote-divoire-amadou-gon-coulibaly-inhume-dans-son-fief-de-korhogo/">funérailles du premier ministre à Korhogo</a>, sa ville natale, et non comme une mesure fondée sur des données de santé publique.</p>
<p>Ces Facebookers, pour la plupart des opposants au pouvoir, ont également dénoncé la violation de l’interdiction de rassemblements de plus de 50 personnes en vigueur dans le Grand Abidjan, constatée lors de l’hommage à Amadou Gon Coulibaly organisé au Parc des sports de Treichville le 15 juillet.</p>
<p>À partir de cette date, il a été observé un désintérêt significatif des internautes vis-à-vis de la maladie sur les communautés Facebook. La quantité de débats consacrés à la Covid-19 a nettement baissé, et la réalité même de la pandémie a pu être contestée, les violations des mesures par le pouvoir en place étant perçues comme la preuve palpable de l’inexistence de la maladie.</p>
<p>Ce type de rapprochement entre mesures de riposte et intérêts du parti au pouvoir n’est pas isolé. La levée du couvre-feu survenue le 15 mai, soit une semaine avant la célébration de la fin du ramadan, a été interprétée comme une mesure favorisant directement les musulmans – la religion majoritaire du Rassemblement des Républicains (RDR) dont est issu le Président de la République –, tout comme la réouverture des bars et des boîtes de nuit survenue quelques jours avant la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%AFd_al-Adha">fête de la Tabaski</a> (31 juillet) ; en revanche, les festivités de Pâques, qui occasionnent chaque année des flux massifs des populations urbaines vers les campagnes, ont été interdites en avril 2020, au moment où les politiques étaient particulièrement restrictives, ce qui a été perçu comme une sanction directe envers les chrétiens, religion majoritaire de l’opposition.</p>
<p>D’autres mesures ont été appréhendées comme favorisant les intérêts politiques et électoraux du parti au pouvoir. Par exemple, le 19 août, une semaine après de vives <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-53764263">protestations contre la candidature d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat</a> qui ont fait plusieurs morts, le gouvernement a suspendu les manifestations sur la voie publique, ce qui a été justifié par le contexte d’état d’urgence instauré dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Cette mesure a alimenté un peu plus le sentiment de « deux poids, deux mesures » selon l’appartenance politique des citoyens, les opposants au président y voyant une stratégie d’étouffement de la contestation populaire. D’autant que le 22 août, soit trois jours près cette interdiction, Alassane Ouattara a tenu son meeting d’investiture dans un stade Houphouët-Boigny bondé, auprès de dizaines de milliers de partisans souvent non masqués venus le soutenir, suscitant là encore de nombreux commentaires irrités.</p>
<h2>Facebook : un espace d’expression démocratique sous tension</h2>
<p>Les débats relatifs à la Covid-19 sont rares dans les groupes Facebook et sur les pages publiques de divertissement (musique, sport, humour), qui réunissent essentiellement des jeunes. Ce sont les groupes et pages personnelles à thématique médicale et surtout politique, composés de membres aux profils socio-démographiques plus âgés et instruits, qui ont concentré les débats les plus intenses sur la Covid-19. Dans les groupes politiques qui s’affichent comme neutres, tels qu’<a href="https://www.facebook.com/groups/1130012517347579"><em>Observatoire démocratique en Côte d’Ivoire</em></a>, les débats autour de la maladie sont systématiquement transformés en sujets politiques, façonnés par les clivages partisans. Les débats sont cependant moins clivants sur les pages Facebook de cyberactivistes dont les membres partagent généralement la même obédience politique que leur créateur.</p>
<p>Cette cyberviolence se transforme parfois en violence physique. Ainsi, un cyberactiviste pro-Gbagbo, connu sous le nom de Serge Koffi Le Drône, a lancé un <a href="https://www.cotedivoire.news/cote-divoire/50190-saccage-d-un-centre-de-depistage-un-cyberactiviste-pro-gbagbo-implique.html">appel</a> qui a été suivi le 5 avril 2020, invitant les habitants de Yopougon (une commune d’Abidjan historiquement acquise à l’ex-président et adversaire historique de Ouattara, Laurent Gbagbo) à détruire le centre de dépistage Covid-19 qui y était alors en construction.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=565&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393275/original/file-20210402-23-mie0wt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=710&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Compte Facebook de Serge Koffi Le Drone</span></span>
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<p>Ce cyberactiviste a présenté ce centre comme un site de mise en quarantaine des malades, dont l’objectif réel aurait été de contaminer et de causer la mort des habitants de cette commune. Ce passage de la cyberviolence à la violence physique témoigne du pouvoir d’action du cyberespace.</p>
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<h2>Une communication des autorités nationales jugée ambivalente</h2>
<p>La communication des autorités nationales relative à la Covid-19 est perçue comme ambivalente. D’une part, le Ministère de la Santé réagit très peu aux posts qui le critiquent directement et qui sont postés sur sa page officielle, ce qui ne permet pas de contrer certaines rumeurs et polémiques. D’autre part, les déclarations publiques du chef de l’État et ses attitudes concernant la maladie sont jugées contradictoires.</p>
<p>Tandis que le 23 mars 2020, dans son message à la nation, Alassane Ouattara appelait à l’adoption des mesures barrières, le 22 août 2020, lors de son investiture à l’élection présidentielle, il enlaçait la Grande Chancelière (sans masque) et prononçait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yPqh0dA69EM">« On s’en fout de la corona ! On s’en fout de corona ! »</a>.</p>
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<p>Toutefois, un mois après sa réélection à la présidence de la République, émaillée de <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/12/02/cote-divoire-violences-postelectorales-et-repression">violences</a>, le 1<sup>er</sup> décembre 2020, sa page affichait <a href="https://www.facebook.com/AlassaneOuattara.prci/photos/a.10150690321363559/10159095447083559">« Attention coronavirus »</a>. Ce message de sensibilisation a vite été décrié sur Facebook. Pour les opposants, ce post dévoile l’expression d’une mise en scène et un mépris de la classe dirigeante envers la population, tandis que le camp Ouattara s’est félicité de ce message de santé publique. Depuis, à chaque message de sensibilisation, des Facebookers reprennent avec dérision les propos du président de la République « On s’en fout de Corona » sur sa page personnelle ou d’autres pages d’État pour désavouer les mesures de santé publique.</p>
<h2>Une défiance systématique envers les mesures mises en place, voire un déni de la Covid-19</h2>
<p>Ces différentes polémiques soulignent une <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2009-3-page-455.htm">surpolitisation</a> de la Covid-19 dans les communautés Facebook en Côte d’Ivoire. La Covid-19 n’est plus appréhendée et discutée comme un enjeu de santé publique, mais est devenue le prétexte et un enjeu symbolique d’affrontements sociaux et politiques qui la dépassent largement.</p>
<p>Facebook est une plate-forme qui contribue à alimenter ces clivages, et ce de manière exacerbée dans le contexte électoral. Les mesures sont systématiquement ré-interprétées sous le prisme des intérêts de l’élite socio-économique ou des clivages partisans. Cette défiance profonde est révélatrice d’une crise de légitimité du pouvoir et des inégalités sociales que perçoit la population ivoirienne, avec un sentiment systématique de « deux poids, deux mesures ».</p>
<p>Au final, cette surpolitisation de la maladie est un obstacle majeur à la diffusion de messages de santé publique et à l’adhésion des populations aux mesures gouvernementales, pouvant conduire jusqu’au déni de la Covid-19. Ces résultats appellent à une redéfinition de la communication en période d’épidémie de la part des autorités gouvernementales, dont le ministère de la Santé, notamment avec le lancement récent de la campagne de vaccination de la Covid-19 dans le pays qui suscite, comme dans la sous-région, de <a href="https://theconversation.com/les-populations-dafrique-sont-elles-pretes-a-accepter-le-vaccin-anti-covid-19-149104">fortes réticences</a>.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Philippe Msellati (IRD) pour ses relectures.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Fabrice Djaha a reçu des fonds de l'AFD (Agence Française de Développement) dans le cadre du projet APHRO-CoV (Appui à la Préparation des Hôpitaux dans la Réponse Opérationnelle face à la COVID-19).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Bekelynck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude poussée des contenus postés sur Facebook en Côte d’Ivoire depuis le début de la pandémie montre que la défiance envers le pouvoir provoque souvent un rejet des mesures sanitaires.Joël Djaha, Doctorant en sociologie, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireAnne Bekelynck, Chercheuse, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566622021-03-30T22:43:43Z2021-03-30T22:43:43ZDJ Arafat, bandit ou prophète ? La légende du petit nouchi ivoirien devenu Zeus d’Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/392249/original/file-20210329-23-1uvua9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C799%2C520&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Arafat Dj le, chanteur ivoirien de coupé- decalé, lors d'une prestation artistique, 2016.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Arafat_Dj_en_prestation_4.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour toute une jeunesse populaire, l’artiste de coupé décalé ivoirien, décédé tragiquement en 2019, a incarné l’ascension sociale par l’irrévérence aux normes et l’émancipation par la mise en œuvre d’un individualisme forcené.</p>
<p>Pendant mes séjours de recherche à Ouagadougou (Burkina Faso) entre 2008 et 2018, l’artiste de coupé décalé ivoirien DJ Arafat alimentait continuellement les bruits de la ville : il en constituait le fond sonore omniprésent, ses frasques et ses clashes étaient commentés à l’infini.</p>
<p>L’artiste était parfois qualifié de « bandit », un terme utilisé localement pour désigner les délinquants, mais aussi les marginaux, les libres penseurs, ceux qui s’affranchissent des normes et quittent les sentiers battus ; autant d’attributs qu’entendait incarner feu DJ Arafat. Comment ce « bandit » et son personnage ont-ils marqué le pays au point d’en devenir un symbole à la fois néo-libéral et contestataire ?</p>
<h2>Un petit nouchi</h2>
<p>Surtout, DJ Arafat a su construire sa légende comme étant celle d’un « petit nouchi » parmi d’autres, devenu « Zeus d’Afrique » grâce à un talent inné et une volonté sans failles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Petit Nouchi, septembre 2015.</span></figcaption>
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<p>Désignant le « petit délinquant » dans l’argot abidjanais, le terme nouchi a fini par englober tous les jeunes qui fréquentent activement la rue, donc la majorité des jeunes urbains des quartiers populaires.</p>
<p>Du fait qu’il a grandi dans le quartier populaire de Yopougon, la réussite de DJ Arafat est ainsi vécue comme celle de tous les nouchi, bref de tous les petits bandits du quotidien.</p>
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<figcaption><span class="caption">Hommage à Jonathan, 2003.</span></figcaption>
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<p>DJ Arafat signe son premier succès en 2003, à l’âge de 17 ans : son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HvnPPWYK3pg">hommage à Jonathan</a> célèbre la mémoire d’un ami DJ, décédé dans un accident de moto.</p>
<p>DJ Arafat meurt le 12 août 2019 à Abidjan, à l’âge de 33 ans, alors qu’il faisait une démonstration en cabrant sa moto à pleine vitesse (son dernier tube s’intitulait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=k57W2dE7x6I">« Moto Moto »</a>).</p>
<p>Cet accident laisse orphelins ses cinq enfants, nés de quatre mères différentes. Mais aussi les enfants de la rue, qu’il soutenait par des initiatives ponctuelles et qu’il projetait de pérenniser par la création d’une fondation pour « aider les veuves, les orphelins, les enfants de la rue ». Et bien sûr, ses millions de « fanatiques », qu’il appelait affectueusement « la Chine populaire », « parce qu’ils sont très nombreux ».</p>
<h2>Le roi du coupé décalé</h2>
<p>Le coupé décalé est né au début des années 2000 dans les boîtes de nuit parisiennes et londoniennes fréquentées par la <a href="https://www.cairn.info/journal-politique-africaine-2005-4-page-92.htm">diaspora ivoirienne</a>. là-bas, le chanteur Douk Saga et toute la clique de la « Jet Set », mettent en scène leur réussite à « Mbengue » (le monde des Blancs), par des démonstrations ostentatoires des attributs du succès tels que les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WRLEYaDD-cU">billets de banque, les montres en or et les grosses cylindrées</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Doug Saga Sagacité Couper Decaler Coupe Decale.</span></figcaption>
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<p>Leur musique puise dans les rythmes du ndombolo congolais et du zouglou ivoirien, tandis que le phrasé s’inspire du répertoire des DJ qui animent les soirées (les atalaku, un terme d’origine congolaise) en chantant les louanges des clients qui leur ont glissé quelques billets.</p>
<p>« Couper », en argot ivoirien, signifie escroquer, voler à l’arraché, et « décaler » partir sans payer, décamper.</p>
<p>Malgré ces connivences affichées avec le monde des bandits à la petite semaine, ce mouvement incarne avant tout la rage de réussir, la persévérance face aux obstacles, la confiance en sa propre valeur. Ici, le succès revêt une valeur morale : il sanctifie les vrais battants. L’expression renvoie ici à la logique d’une quête, qu’il s’agisse de réussite sociale ou de reconnaissance.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Enfant béni », sorti en septembre 2017, extrait de son ultime album « Renaissance ».</span></figcaption>
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<p>À la même époque, à Abidjan, le jeune Ange Didier Houon, alors âgé de 14 ans, arrête l’école et quitte son domicile familial brisé par un divorce. Il rejoint le quartier de Yopougon, réputé pour les nuits folles de sa célèbre rue Princesse.</p>
<p>Surnommé « Arafat » par ses amis libanais en raison, disait-il, de son caractère de « dictateur », il officie alors comme DJ dans différents maquis [bars], gagnant quelques billets en faisant des atalaku. Après le succès de son Hommage à Jonathan, il part en tournée en Europe, tente un moment l’aventure en France, puis s’installe définitivement à Abidjan en 2008.</p>
<p>S’il n’a pas inventé le coupé décalé, DJ Arafat a su s’approprier ce genre musical pour le faire rayonner bien au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire, et même du continent. <a href="https://africabusinessagency.com/cote-divoire-dj-arafat-premier-du-classement-forbes-afrique/">Forbes Afrique</a> et Trace Africa lui ont d’ailleurs attribué en 2015 le titre d’artiste africain le plus influent à l’international.</p>
<h2>Un guerrier au quotidien</h2>
<p>La célébrité de DJ Arafat venait également des nombreux « clashes » qu’il a entretenu avec la plupart des personnalités médiatiques et artistiques du pays, le plus souvent par vidéos interposées.</p>
<p>Ainsi, ses longues vidéos postées quotidiennement sur les réseaux sociaux mêlent informations sur ses propres activités et logorrhées agressives contre ses rivaux ou détracteurs du jour, où l’alternance entre accusations et menaces de sodomie constituent un motif récurrent.</p>
<p>Alors que ses comportements scandaleux, ses accès de violence et son agressivité permanente ne cessaient de créer l’opprobre, ses fans défendaient le plus souvent son attitude, arguant que ses excès alimentaient le dynamisme « du mouvement » du coupé décalé – même si certains de ses comportements étaient jugés excessifs, comme dans <a href="https://www.dailymotion.com/video/xpxuyn">cette vidéo</a> qui le montrait alcoolisé en train de casser de la vaisselle sur la tête de sa compagne, qu’il accusait d’infidélité.</p>
<h2>L’esthétique d’un combat</h2>
<p>L’esthétique du combat qu’il portait s’inspirait largement de cultures urbaines étasuniennes aujourd’hui mondialisées, où le succès se conquiert et s’arrache dans l’adversité ; <a href="https://www.youtube.com/watch?v=htt_UuYwm3U">« Get rich or die trying »</a> clamait ainsi le rappeur étasunien 50 Cent. À l’occasion de la sortie de son album « Renaissance », DJ Arafat <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2biumv8CjaE">affirmait</a> ainsi à RFI, dans l’émission « Légendes urbaines » (20 mars 2019) :</p>
<blockquote>
<p>« Si tu es pauvre et que tu veux être n’importe quoi dans la vie, donne-toi à fond, n’écoute pas les gens, concentre-toi sur ce que tu veux faire et bats-toi pour être ce que tu veux. Parce que c’est comme ça que j’ai été et c’est ce que je veux voir mes fans appliquer. Je veux voir des fans qui ont bataillé eux-mêmes sans compter sur l’aide de leurs parents pour avoir leurs milliards, leur voiture, leur maison. Faut jamais se laisser abattre. Et surtout, voilà, l’in-ter-diction de la vie : quand tu aimes Arafat, ne jamais prendre la honte, quelles que soient les situations. Faut toujours sortir vainqueur. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392251/original/file-20210329-21-elbupz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photo de DJ Arafat postée le 9 avril 2019 sur la page Facebook de First Magazine, magazine ivoirien d’actualité, assortie d’un commentaire reprenant librement une assertion du rappeur Booba « Tu veux t’asseoir sur le trône ? Faudra t’asseoir sur mes genoux. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">page Facebook de First Magazine</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ne négligeons pas la portée contestataire de ce discours consumériste et ultralibéral : il affirme en effet la possibilité pour les misérables d’aujourd’hui de devenir les puissants de demain.</p>
<h2>« La vie c’est la guerre »</h2>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=0q8bQ9T-t5M">Dans une émission de Peopl’Emik</a> (PPLK) célébrant l’anniversaire de sa mort, l’artiste Ariel Cheney rappelait d’ailleurs le slogan de DJ Arafat : « La vie c’est la guerre ». « C’était une sacrée philosophie, une idéologie qui mérite d’être enseignée dans les écoles aujourd’hui. Une idéologie de vie, parce que la vie c’est une guerre », s’emballait immédiatement l’une des chroniqueuses de PPLK.</p>
<p>On pourra évidemment s’étonner du fait qu’elle envisageât de faire de DJ Arafat un modèle pour les élèves du pays, lui qui a arrêté précocement l’école afin de rejoindre la rue, voire s’inquiéter de la portée d’un message qui affirme « qu’en fait, l’éducation est une option ; que ce qui compte, c’est la poursuite des biens matériels, c’est l’immédiateté, c’est s’affirmer en tant que ‘‘mâle’’ », comme le formulait le blogueur Charles Kabango dans l’une des <a href="https://blogs.mediapart.fr/charles-kabango/blog/270819/dj-arafat-spectacle-macabre-de-l-afrique-ou-l-heroisation-de-la-decadence">seules analyses critiques qu’il m’ait été donné de lire sur DJ Arafat</a>.</p>
<p>Mais dans un pays « du Sud » où règnent les inégalités, il proposait une brèche dans les hiérarchies établies. Et s’il ne portait guère l’espoir d’une transformation politique collective, il incarnait au moins le rêve d’une échappée individuelle.</p>
<h2>Un prophète ?</h2>
<p>Le jour de la mort de DJ Arafat, Abidjan est en ébullition. Toutes les animosités sont oubliées. Les personnalités publiques et politiques qui, hier, dénonçaient son comportement scandaleux se présentent en converties de longue date. Rapidement, le président ivoirien Alassane Ouattara <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/31/en-cote-d-ivoire-les-obseques-marathon-de-dj-arafat_5504885_3212.html">annonce</a> que le gouvernement financera de fastueuses funérailles nationales pour le défunt.</p>
<p>S’y produisent de nombreux artistes africains tels que le nigérian Davido, le congolais Koffi Olomide ou le malien Sidiki Diabaté, devant des dizaines de milliers de spectateurs réunis au stade national. S’il semblait politiquement opportun de s’attirer la sympathie des fans d’Arafat, le gouvernement a probablement aussi cherché à éviter le chaos.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sidiki Diabaté Hommage a DJ Arafat Enfant Béni, 13 août 2020.</span></figcaption>
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<p>Ainsi, pendant la cérémonie, l’animateur n’a cessé d’enjoindre « les Chinois » (les fans d’Arafat) à « aimer et à honorer leur président » (DJ Arafat), qui fut, à cette occasion, décoré Chevalier de l’ordre national par le Ministre la Culture et de la Francophonie (de Côte d’Ivoire).</p>
<p>La cérémonie et la veillée musicale se déroulent sans accroc. Mais le lendemain matin, quelques heures après son inhumation en petit comité, le caveau d’Arafat est descellé, le cercueil exposé et le couvercle renversé sous les acclamations. Pendant plus d’une heure, des centaines, voire des milliers de personnes hallucinées se bousculent autour de son cercueil. Sans lâcher leur téléphone pour filmer le corps, certains lui touchent le visage et le torse, défont sa cravate, déboutonnent sa chemise. Toujours incrédules, d’autres crient « ce n’est pas lui ! ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Enterrement de DJ Arafat, 31 août 2019, L’enterrement de DJ Arafat, l’artiste le plus connu d’Afrique de l’Ouest fut à la fois émouvant et mouvementé.</span></figcaption>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=967&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=967&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=967&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1216&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1216&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392495/original/file-20210330-21-g7evki.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1216&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Le pays est bouleversé, blessé même, par ce spectacle macabre. Pourtant, un représentant de la Yôrôgang (sa maison de production) a demandé au gouvernement de ne pas procéder à des arrestations, « <a href="https://www.linfodrome.com/people-evenements/50968-vetcho-lolas-plaide-pour-l-abandon-des-poursuites-judiciaires-contre-les-profanateurs-de-la-tombe-de-dj-arafat">arguant que c’est dans la continuité du buzz tant prisé par le « ’président de la Chine’ » que ses fans ont agi</a> ».</p>
<p>Il rappelle ainsi que DJ Arafat a incarné un modèle où la soif de célébrité et de réussite justifie tous les moyens, dans un monde néolibéral où le succès, cardinale vertu, s’acquiert par l’agressivité nombriliste et l’irrévérence aux normes établies.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié en collaboration avec le <a href="https://journals.openedition.org/terrain/">blog de la revue Terrain</a> à l’occasion de la parution du numéro 74 <a href="https://journals.openedition.org/terrain/21001">Brigands</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Muriel Champy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour toute une jeunesse populaire, cet artiste ivoirien a incarné l’ascension sociale par l’irrévérence aux normes et l’émancipation par la mise en œuvre d’un individualisme forcené.Muriel Champy, Maîtresse de conférence en anthropologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1535632021-01-28T18:05:21Z2021-01-28T18:05:21ZEn Côte d’Ivoire et en Afrique, les éléphants de plus en plus menacés d’extinction<p>L’Afrique abrite au moins 400 000 éléphants, dont environ 5 500 en Afrique de l’Ouest. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12396498/">Les recherches</a> indiquent qu’il existe <a href="https://www.nature.com/news/2010/101221/full/news.2010.691.html">deux espèces génétiques</a> distinctes : l’éléphant de forêt (Loxodonta cyclotis) et l’éléphant de savane (Loxodonta africana).</p>
<p>Parmi les grands mammifères d’Afrique, les éléphants sont les plus menacés d’extinction à cause de l’action humaine et deux phénomènes en particulier : la déforestation massive et le braconnage.</p>
<p>Les chiffres ne cessent de dégringoler à un rythme très préoccupant depuis des décennies. Et les éléphants de Côte d’Ivoire sont particulièrement affectés par cette tendance désastreuse, comme le montre l’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0232993#pone.0232993.ref006">étude</a> que nous venons de publier à la fin de l'année 2020. </p>
<h2>La population d’éléphants dans le temps</h2>
<p>À l’époque précoloniale (avant 1893), la Côte d’Ivoire abritait probablement l’une des plus grandes populations d’éléphants en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Cette population est <a href="https://portals.iucn.org/library/efiles/documents/SSC-OP-022.pdf">restée élevée</a> jusqu’à l’époque coloniale en Afrique de l’Ouest – c’est notamment pour cette raison que les puissances coloniales ont donné à la région le nom de Côte d’Ivoire. Cependant, durant ces trois dernières décennies, les populations d’éléphants ont été fortement réduites, principalement à cause du défrichement des forêts au profit de l’agriculture. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02724634.1984.10011993">Roth avait estimé en 1984</a> la population totale à 1 790 individus pour les éléphants de savane et à 3 050 individus d’éléphants de forêt, dispersés à travers toute la Côte d’Ivoire.</p>
<p>Cet effectif a <a href="https://www.iucn.org/backup_iucn/cmsdata.iucn.org/downloads/pachy14.pdf#page=24">diminué de 50 % au début des années 1980</a>. Au début des années 1990, de nouveaux déclins ont été observés : les populations d’éléphants de savane et d’éléphants de forêt sont passées respectivement à 63 et 360 individus. Ceux-ci sont confinés dans des zones protégées et leur nombre continue de baisser. En effet, la forêt restante de Côte d’Ivoire est très fragmentée et se compose en grande partie de parcs nationaux et de forêts classées nominalement protégés. </p>
<p>Le nombre d’éléphants en Côte d’Ivoire a diminué à un rythme alarmant depuis que les premiers inventaires sur les éléphants ont été réalisés. La situation est probablement encore plus alarmante aujourd’hui, avec seulement sept populations d’éléphants identifiées au cours de la dernière décennie, et totalisant environ 270 individus. Bien que cet effet n’a pas été quantifié, on peut supposer que la crise militaro-politique qui a affecté la Côte d’Ivoire de 2002 à 2011 a eu un impact négatif, voire catastrophique sur les populations d’éléphants du pays.</p>
<p>Les données les plus récentes sur la population d’éléphants de Côte d’Ivoire datent d’au moins une décennie et la collecte de la plupart de ces données n’a pas été effectuée en suivant des protocoles standards. L’objectif de <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0232993">notre étude</a> est d’obtenir des informations actualisées sur la répartition et l’état de conservation des éléphants de forêt de Côte d’Ivoire.</p>
<p>De 2011 à 2017, nous avons collecté des données sur l’occurrence des éléphants à partir de sources multiples, notamment le dénombrement des crottes le long de tracés linéaires, les recensements de conflits homme-éléphant (dégâts causés par les éléphants dans les plantations et des blessures ou morts causées de part et d’autre), les reportages dans les médias, les enquêtes et entretiens sur les signes de présence d’éléphants.</p>
<p>Nous nous sommes principalement concentrés sur le dénombrement des crottes sur les tracés linéaires effectués sur huit sites étudiés (Forêt classée de Dassioko Sud, forêt classée Port Gauthier, forêt classée Monogaga, forêt classée Niégré, forêt classée Okroumodou, parc national Azagny, forêt classée Bolo Ouest, parc national Marahoué) de 2011 à 2017.</p>
<h2>Déclin des populations d’éléphants de forêt</h2>
<p>Sur la base du dénombrement des crottes, la présence d’éléphants a été confirmée dans 4 des 25 aires protégées étudiées (Figure 1). De plus, en dehors de celles-ci, les données de conflits et les rapports des médias ont confirmé la présence d’éléphants dans quatre localités (Daloa, Dassioko, Belleville et Sikensi). Ainsi, quatre (57,1 %) des sept sites où des éléphants ont été observés sont des aires protégées alors que les trois autres (42,9 %) se trouvent en dehors de celles-ci.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379470/original/file-20210119-13-vchhkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nos résultats montrent un déclin généralisé et catastrophique de l’occurrence et du nombre d’éléphants de forêt. Sur les 25 aires protégées étudiées, 21 (84 %) ont perdu toutes leurs populations d’éléphants de forêt. Sur les quatre aires protégées (16 %) où les populations d’éléphants ont survécu, le dénombrement des crottes indique une faible densité (0,1197 à 0,168 individu/km<sup>2</sup>) d’éléphants dans ces forêts.</p>
<h2>Menaces affectant la survie des éléphants de forêt</h2>
<p>Plus de la moitié des aires protégées étudiées (FC Bolo-Ouest, FC Niégré, FC Monogaga, FC Rapide Grah, FC Haute Bolo, FC Marahouék, FC Okroumodou, FC Koba, FC Davo et FC Duékoué) ont été complètement converties en exploitations agricoles et en zones d’habitation de populations humaines. L’étude montre que la présence d’éléphants est fortement liée au niveau de protection des aires protégées.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, la population d’éléphants de forêt de Côte d’Ivoire a été réduite de 90 %. Dans le même temps, le nombre d’aires protégées abritant des fragments de forêt a diminué de 80 %.</p>
<p>En raison de la transformation/perte de leur habitat, plusieurs populations d’éléphants ont fui en dehors des aires protégées. Les conflits entre les hommes et les éléphants ont augmenté en dehors des aires protégées, exposant ainsi les éléphants au braconnage.</p>
<p>Les populations restantes d’éléphants de forêt de Côte d’Ivoire sont désormais isolées dans les aires entourées de parcelles agricoles, comme déjà signalé dans d’autres pays.</p>
<p>Avec la pression humaine croissante autour du reste des aires protégées, les conflits homme-éléphant vont inévitablement augmenter. Cela suggère que les autorités ivoiriennes doivent initier des stratégies innovantes impliquant les communautés locales, pour éviter de tels conflits qui entraînent souvent la mort de l’homme ou des éléphants et des pertes économiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153563/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sery Ernest Gonedelé Bi Université Félix Houphouêt Boigny. </span></em></p>Sous l’effet de la déforestation massive, les éléphants en Côte d’Ivoire connaissent un déclin désastreux qui les expose à la disparition si des mesures urgentes et agressives ne sont pas prises.Sery Ernest Gonedelé Bi, Enseignant-chercheur, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1502092020-11-25T20:43:01Z2020-11-25T20:43:01ZL’arnaque « à la nigériane » : un cyber-banditisme social<p>« Bonjour, cher aimé en Christ… » Qui n’a jamais reçu un de ces spams provenant prétendument d’une riche expatriée française atteinte d’un cancer promettant une forte somme d’argent en héritage, pour peu que l’on fasse une avance de frais sur la transaction ? Ils finissent généralement à la poubelle. De tels « pourriels » seraient-ils condamnés à ne jamais devenir des objets d’histoire ?</p>
<p>Ces « indésirables », largement dédaignés par les sciences humaines et sociales, disent pourtant beaucoup de nous, expéditeurs et destinataires, dans cet entrecroisement de destins sur fond de message électronique.</p>
<p>En confrontant la cinquantaine d’arnaques qui m’ont été adressées ces dernières années à celles que des internautes ont postées sur divers sites, j’ai souhaité mener <a href="http://www.editions-anacharsis.com/L-Arnaque-a-la-nigeriane">l’enquête</a>.</p>
<h2>Historique de l’arnaque</h2>
<p>Une de mes premières surprises a été de constater que l’entourloupe <a href="https://www.franceculture.fr/histoire/avant-les-mails-de-princes-nigerians-au-xviiieme-siecle-larnaque-aux-lettres-de-jerusalem">n’a rien de nouveau</a>, puisqu’elle est très proche, dans son procédé, des « lettres de la prisonnière espagnole » apparues lors de la guerre anglo-espagnole (1585-1604) et des « lettres de Jérusalem » rédigées par des voleurs français de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. L’escroquerie se moule dans le contexte sociohistorique, mais aussi technologique, de son époque.</p>
<p>Elle refait son apparition au Nigéria dans les années 1970, où elle est d’abord diffusée vers l’Europe par courrier postal, puis par fax et enfin par Internet. Souvent appelée <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Fraude-nigeriane-843">arnaque</a> « à la nigériane » ou « Fraude 419 » en référence au code pénal nigérian, cette escroquerie à l’avance de frais se développe ensuite en Afrique de l’Ouest francophone, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire, dans les années 2000.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les nouveaux escrocs du web.</span></figcaption>
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<p>Les organismes internationaux, comme Interpol, s’inquiètent de la <a href="https://www.interpol.int/fr/Infractions/Cybercriminalite">prolifération</a> de la cybercriminalité africaine. Dans son rapport de 2012, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) <a href="https://inhesj.fr/rechercher?s=cybercriminalit%C3%A9&page=0">estime</a> que « l’Afrique noire […] développe une véritable culture de l’escroquerie en ligne ». Dès lors, divers reportages mettent en scène la traque des cybercriminels, depuis la plainte en France jusqu’au <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/cote-d-ivoire/abidjan-capitale-de-l-arnaque-en-ligne-francophone_3260169.html">cybercafé d’Abidjan</a> où le brouteur (escroc) est pris en flagrant délit de rédaction d’un « faux de l’amour », d’une « loterie bidon » ou bien d’autres entourloupes.</p>
<h2>L’utilisation de l’empathie comme mode opératoire</h2>
<p>C’est toutefois l’arnaque « à la nigériane » qui a retenu mon attention parce que son mode opératoire se fonde sur la fabrique de l’empathie. Dans les versions européennes de l’époque moderne, comme dans la version d’Afrique de l’Ouest actuelle, il s’agit effectivement de créer un entre-soi, un espace de complicité et de confidentialité, afin d’isoler « le mugu » (ou pigeon en bambara) et de le toucher au cœur.</p>
<p>Pour y parvenir, les cyber-escrocs composent le portrait intime de riches expatriées françaises (le recours aux femmes devant renforcer la confiance et l’empathie) en Afrique de l’Ouest et revêtent ces « masques blancs » pour leurrer. Ils dépeignent des « gagnantes », oiseaux migrateurs d’un capitalisme mondialisé, ayant prospéré sur les ressources africaines. Si les fortunes ont été élaborées avec la complicité des gouvernements africains, à l’heure de l’agonie, il n’est toutefois pas question de laisser l’argent à ces États, volontiers jugés corrompus. Dans un dernier élan patriotique, les agonisantes souhaitent faire don de leur argent à un ou une compatriote qui aura pour mission de « sauver » l’Afrique, par la création d’orphelinats ou de centres de soins.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"752938095331291136"}"></div></p>
<p>Afin de toucher leurs victimes, les <a href="https://www.rfi.fr/fr/culture/20201103-livre-arnaque-%C3%A0-la-nig%C3%A9riane-enqu%C3%AAte-les-brouteurs-ouest-africains">brouteurs</a> réutilisent ainsi les rhétoriques qui ont accompagné les politiques coloniales, puis humanitaires, celles des « missions » des Blancs en Afrique. Et l’arnaque fonctionne justement parce qu’une grande partie des destinataires n’ont pas décolonisé leur imaginaire relatif à ce continent ainsi que leurs propres postures d’« aidants ».</p>
<p>Pour susciter l’empathie et l’adhésion, les cyber-escrocs mobilisent aussi une pathologie présente dans le quotidien des populations du Nord : le thème du cancer révèle pourtant une des failles de l’intrigue. Par moments, les brouteurs perdent la maîtrise du jeu de miroir et ne donnent plus à voir des moribondes françaises, mais des malades africaines, aux prises avec des difficultés de soins. Sous les maillages bien rodés de l’escroquerie, surgissent de véritables récits de soi et des siens.</p>
<h2>Les jeunes cyber-escrocs ivoiriens</h2>
<p>Cela m’a donné envie de poursuivre l’enquête, de répondre à l’interpellation de ces cyber-escrocs que les anthropologues <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2014-3-page-195.htm">Boris Koenig</a> et <a href="https://journals.openedition.org/jda/6327#xd_co_f=MmRkNDYxMWMtNDliNS00MWJjLTkxNDYtYmQ4Y2U5MDdkMjQx%7E">Yaya Koné</a> ont pu interroger lors de différents terrains à Abidjan : des jeunes hommes de 15 à 25 ans issus des milieux défavorisés de la métropole, souvent déscolarisés, mais parfois titulaires de diplômes. Face à un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/01/25/97002-20160125FILWWW00256-nigeria-45-des-diplomes-sont-au-chomage.php">chômage massif</a>, tous peinent à accéder au statut d’adulte, fondé sur la capacité à « entretenir » une épouse et une famille.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=804&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1010&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1010&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369596/original/file-20201116-19-uaamu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1010&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce texte s’appuie sur l’enquête de Nahema Hanafi, « L’arnaque à la nigériane, spams, rapports postcoloniaux et banditisme social », qui vient de paraître aux éditions Anacharsis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editions-anacharsis.com/L-Arnaque-a-la-nigeriane">Éditions Anacharsis</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Continuer les recherches n’avait pas pour but de tourner les <a href="https://www.ted.com/talks/james_veitch_this_is_what_happens_when_you_reply_to_spam_email?language=fr">cyber-escrocs</a> en dérision ou de les chasser, à la manière des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Croque-escroc">« croque-escrocs »</a>, mais de saisir les enjeux de cette cybercriminalité. J’ai donc suivi pendant plusieurs mois une dizaine de brouteurs sur leur compte Facebook ou Instagram, afin d’appréhender, à partir de leurs propres selfies et commentaires, leurs représentations de soi et, partant, la construction du « masque noir » de brouteur.</p>
<p>J’ai alors découvert de jeunes escrocs au « bara » (ou travail). Érigeant la cybercriminalité en véritable activité professionnelle, ils se dépeignent sous les traits de businessmen consciencieux opérant en solitaire ou en équipe depuis leurs « open spaces à l’ivoirienne » : les cybercafés. Soucieux de se protéger des autorités policières, ils cultivent le culte de la discrétion sur les réseaux sociaux, se gardant bien de dévoiler leurs secrets. Les méthodes d’ingénierie sociale qu’ils emploient, basées sur une manipulation et une emprise psychologique, ne font pas l’objet de grands discours. La monstration des gains suffit à dire leur habileté. D’autres suggèrent leur recours aux forces occultes du vaudou pour « attacher » leurs victimes, signe que ces pratiques pré-coloniales irriguent leurs usages des nouvelles technologies.</p>
<p>Au regard des pseudonymes clinquants (Zala Western Union, Papi Dollar, Maître CFA…) dont les brouteurs aiment se parer, l’ambition première du crime est bien l’enrichissement. Et les cyber-escrocs ne s’en cachent pas, car il s’agit, selon Garçon Brouteur, de « combattre la misère même dans l’agonie ».</p>
<h2>Une cyberescroquerie décoloniale ?</h2>
<p>Ces pratiques illégales s’insèrent cependant dans une trame sociopolitique qui, loin de se limiter aux débuts du XXI<sup>e</sup> siècle, s’enracine dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest et de ses relations avec les anciennes puissances esclavagistes et coloniales. La prédation cybercriminelle est effectivement moralisée par nombre de brouteurs indiquant qu’ils volent aux riches/Blancs pour redistribuer aux pauvres/Noirs.</p>
<p>En composant le masque d’un bandit au grand cœur, les cyber-escrocs proposent une version amendée d’un Robin des bois décolonial, mêlant enjeux sociaux, raciaux et économiques, par leur articulation du thème de la redistribution (le butin) à celui de la réparation (de l’esclavage et de la colonisation). En cela réside la portée politique de l’escroquerie. Les poches pleines, les brouteurs mettent en œuvre une véritable esthétique du ruissellement, depuis les maquis (bars) d’Abidjan, où ils dilapident le magot par de généreuses offrandes aux DJ locaux, mais aussi par des redistributions moins bling bling du capital, la plupart le destinant à l’entretien de leur famille.</p>
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<figcaption><span class="caption">Commissaire 5500, célèbre brouteur, distribue une partie de ses gains.</span></figcaption>
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<p>Le pouvoir de leurrer des brouteurs s’accompagne dès lors d’un versant matériel (le pouvoir d’appropriation) et d’un versant symbolique (l’inversion des hiérarchies sociales). L’arnaque « à la nigériane » métamorphose en effet la relation avec l’ancien colon ; elle est fondamentalement une expérience d’émancipation et d’empouvoirement, car les cyber-escrocs réutilisent à leurs fins les rhétoriques occidentales (coloniales et humanitaires) pour résister à l’assujettissement et aux rapports d’inégalités que présupposent les reconfigurations de l’idéologie coloniale. Ils retournent ainsi à leur profit les logiques compassionnelles leur assignant un statut d’individus fragiles qu’il convient d’aider.</p>
<p>La cyberescroquerie comme modalité de transformation sociale, voilà ce que clament les brouteurs sur les réseaux sociaux, où ils évoquent le monde qui les entoure et les moyens qu’ils conçoivent pour y prendre place. « Pas besoin de faire une classe de lettres pour gruger un Blanc », s’exclame Le Milliardaire ! Les brouteurs, dans leur affirmation d’une revanche du Sud, semblent se parer de l’aura des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_Bandits-9782355220135.html">bandits sociaux</a> (théorisés par <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/1941">Eric Hobsbawm</a>). Les valeurs qu’ils mettent en scène reconduisent toutefois un capitalisme néolibéral viril. La loi des cybercriminels est faite de performance, de concurrence et d’un certain mépris des faibles, incapables de se hisser hors de leur condition sociale. En toute chose, il s’agit d’atteindre le sommet. À ceux qui s’évertuent à combattre le primat du capital, ils répondent par les affres de la nécessité : « Être riche est une obligation chez nous », assène le célèbre President Extractor.</p>
<p>Par la marge, les brouteurs ivoiriens semblent donc proposer un nouveau modèle d’accomplissement social, dont ils élaborent les contours virils sur les réseaux sociaux, pour répondre aux difficultés des jeunes hommes défavorisés. Loin des clichés sur les capacités physiques ou artistiques des jeunes Noirs qui les conduisent à envisager des carrières de sportifs ou de chanteurs, l’arnaque « à la nigériane » valorise leur ingéniosité, et leur intelligence. Derrière la poétique de l’ostentation, qui dit sous les feux de la gloire et le brillant des montres tout le dénuement qui a précédé, s’inventent d’autres possibles – aussi criminels soient-ils – où se construit un eldorado africain, quoique virtuel, prélude à une forme de décolonisation culturelle. Ici, c’est l’argent qui migre. Autant de rêves et d’aspirations bien hâtivement supprimés par nos messageries électroniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150209/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nahema Hanafi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les arnaques en tout genre ont envahi nos boîtes mail. Entre enrichissement personnel et subversion décoloniale, l’étude des « brouteurs » ivoiriens permet de mieux comprendre ces cyber-escroqueries.Nahema Hanafi, Maîtresse de conférences en histoire moderne et contemporaine, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474342020-10-13T18:11:52Z2020-10-13T18:11:52ZMaladie du sommeil : une bataille de gagnée mais la lutte continue…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362639/original/file-20201009-23-z091is.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C248%2C5184%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Séance de dépistage de la maladie du sommeil par une équipe mobile « sous le manguier », foyer de Bonon (localité du centre-ouest de la Côte d'Ivoire), octobre 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Enfin une bonne nouvelle en matière de Santé ! Le bureau régional Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/27-08-2020-togo-is-first-african-country-to-end-sleeping-sickness-as-a-public-health-problem#:%7E:text=Le%20Togo%20a%20re%C3%A7u%20la,Afrique%20%C3%A0%20franchir%20cette%20%C3%A9tap">annonçait</a> le 27 août 2020 l’élimination de la maladie du sommeil comme problème de santé publique (EPSP) au Togo. Enthousiastes, les <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200824-togo-eradication-maladie-sommeil-trypanosomiase-africaine">journalistes n’ont pas hésité à parler d’« éradication »</a>.</p>
<p>Mais attention ! Il ne faut pas vendre la peau du trypanosome (le parasite qui cause la maladie) avant de l’avoir « traité » : celui-ci a déjà montré de quoi il était capable si on lui en laisse l’occasion. En effet, si les efforts considérables de lutte menés dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle ont permis d’endiguer une épidémie qui a fait <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1365-3156.2001.00753.x">plusieurs millions de morts dans les années 1920 et 1930</a>, et de déclarer la maladie « résiduelle » dans les années 1960, le relâchement qui a suivi, dans un contexte de nouvelles interactions entre l’homme et son environnement, a été responsable d’une réémergence puis d’une situation épidémique de nouveau très meurtrière dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2253612/">années 1990</a>.</p>
<p>Grâce à une riposte efficace qui s’est organisée autour de structures nationales dédiées à la lutte contre la maladie, avec le soutien de l’OMS et l’appui de la recherche, le nombre de cas rapportés annuellement est passé en <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0008261">2018 sous la barre des 1 000 pour la première fois de l’histoire</a>. À l’image de cette évolution, aucun cas n’a été déclaré au Togo depuis 1996 malgré un système de surveillance jugé efficace par un comité d’experts qui a donc validé l’EPSP sur la base d’un dossier soumis par le ministère de la Santé.</p>
<h2>Un processus d’élimination bien défini</h2>
<p>La maladie du sommeil ou [trypanosomiase humaine africaine](https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/trypanosomiasis-human-african-(sleeping-sickness) (THA) est causée par un parasite, le <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2817%2931510-6/fulltext">trypanosome</a>. Elle sévit en Afrique intertropicale dans l’aire de répartition de la mouche tsé-tsé (glossine), qui assure la transmission du parasite à l’homme en le piquant après s’être elle-même infectée à partir d’êtres humains ou d’animaux porteurs. Si les premiers symptômes sont souvent bénins (fièvres et céphalées récurrentes, signes cutanés), la maladie évolue lentement (parfois sur plusieurs années) vers une atteinte neurologique généralisée (dont des troubles du sommeil) qui est fatale en absence de traitement. Elle touche les populations rurales les plus vulnérables dans des zones appelées du « bout de la piste », parce que difficiles d’accès et éloignées des centres de santé. Elle est classée dans le groupe des <a href="https://www.who.int/features/qa/58/fr/">maladies tropicales négligées</a> pour attirer l’attention des décideurs et bailleurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">La maladie du bout de la piste.</span></figcaption>
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<p>Pour éviter une nouvelle réémergence, l’OMS et ses partenaires publics et privés ont défini des indicateurs permettant de suivre le processus d’élimination de la THA et de s’assurer que les objectifs fixés sont bien atteints. Ce processus se déroule en trois étapes :</p>
<ol>
<li><p>l’EPSP avec des cibles mesurables qui, lorsqu’elles sont atteintes, nécessitent de mettre en place des mesures visant à parvenir à</p></li>
<li><p>l’interruption de la transmission définie par une incidence nulle (aucun nouveau cas) puis à</p></li>
<li><p>l’éradication qui se traduit par l’absence permanente du parasite sans risque de réintroduction.</p></li>
</ol>
<p>Ces étapes sont évaluées par un comité d’experts indépendants qui formule des recommandations pour atteindre l’objectif suivant. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24709291/">objectifs fixés en 2012</a> par l’OMS étaient la validation de l’EPSP en 2020 et la vérification de l’interruption de la transmission en 2030.</p>
<p>La route vers l’éradication est donc encore longue pour une maladie comme la THA qui implique des trypanosomes, des vecteurs et de potentiels réservoirs animaux. Il faut d’ailleurs se rappeler que dans l’histoire des maladies infectieuses, <a href="https://www.who.int/topics/smallpox/fr/">seule la variole a atteint ce statut</a>. On comprendra alors que le choix des mots utilisés à chaque étape du processus est vraiment important.</p>
<h2>Une transition épidémiologique « réussie », soutenue par la recherche</h2>
<p>En l’absence de vaccin et de chimioprophylaxie – administration d’une substance chimique pour prévenir une maladie –, les stratégies de lutte contre la maladie du sommeil visent à dépister, à traiter les cas et à lutter contre la glossine vectrice pour limiter le risque de transmission. En passant en vingt ans d’un contexte épidémique à un contexte d’élimination, la maladie du sommeil a subi une transition épidémiologique sans précédent à laquelle les stratégies et les outils de lutte ont dû s’adapter.</p>
<p>Cela a notamment été le cas en Côte d’Ivoire grâce à un appui important de la recherche multidisciplinaire au service du Programme national d’élimination, qui a permis de combattre la maladie sur tous les fronts. Plusieurs stratégies et outils actuellement utilisés en Afrique pour lutter contre la maladie du sommeil y ont été développés et/ou évalués, par exemple les <a href="https://www.ditect-hat.eu/">tests de diagnostic rapide</a> qui ont considérablement facilité l’accès au dépistage dans les centres de santé des zones rurales, et les pièges Vavoua (du nom d’une ville du centre ouest ivoirien où ils ont été évalués pour la première fois) ou les écrans imprégnés d’insecticide pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1567134819301819">lutter contre les glossines</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362646/original/file-20201009-21-owxjo4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pose d’un écran imprégné d’insecticide pour lutter contre les glossines, foyer de Sinfra (chef-lieu de département en Côte d’Ivoire), octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les résultats spectaculaires obtenus – seulement neuf cas rapportés entre 2015 et 2019 – ont aussi permis à la Côte d’Ivoire de soumettre en août 2020 à l’OMS son dossier de demande de validation de l’EPSP.</p>
<h2>Relever le défi de l’élimination en renforçant la surveillance passive</h2>
<p>L’itinéraire complexe d’un des derniers cas dépistés en Côte d’Ivoire et récemment décrit <a href="https://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0008588">dans un article scientifique publié</a> dans la revue <em>Plos Neglected Tropical Diseases</em>, illustre bien le fait que la route vers l’éradication de la THA est encore longue. Il s’agit d’une jeune fille de 11 ans qui a probablement été infectée quand elle était enfant dans le foyer endémique de Sinfra. Suite à l’apparition des symptômes en octobre 2014, déscolarisée, stigmatisée, accusée d’être possédée par un « démon » à cause des troubles neurologiques dus à la maladie, c’est dans un état comateux qu’elle sera finalement dépistée et traitée en septembre 2017. Accompagnée de sa mère qui avait dû cesser son activité pour s’occuper de sa fille, elle avait pourtant consulté plusieurs dizaines de centres de santé publics ou privés et sollicité plus d’une centaine d’agents de santé, qui lui ont prescrit des traitements non adaptés sans poser le bon diagnostic.</p>
<p>Ce retard dans le diagnostic est en grande partie dû à la situation actuelle de la maladie, qui a été progressivement oubliée par le corps médical et qui n’est plus ressentie comme une menace par les populations. Les équipes de recherche et de lutte ont donc adapté leurs stratégies en renforçant la surveillance passive dans des sites « sentinelles » à l’échelle nationale et en mettant l’accent sur la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VwDv5uQhyR0">formation des agents de santé</a>. Une étude socio-anthropologique est en cours pour nous permettre d’améliorer la sensibilisation de ces acteurs incontournables ainsi que des populations qui le sont tout autant.</p>
<p>La fillette, aujourd’hui en pleine forme physique, garde des séquelles neurologiques qui l’empêchent de vivre pleinement sa vie d’adolescente. Elle devra donc être suivie plusieurs années afin d’être définitivement guérie. Cette histoire individuelle souligne la difficulté de parvenir à l’élimination de la maladie du sommeil en Côte d’Ivoire et dans les pays qui ont réussi à diminuer fortement la transmission ces dernières années. Elle rappelle surtout que les efforts de recherche, de lutte et de surveillance doivent être maintenus afin de parvenir un jour à <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200703-maladies-tropicales-n%C3%A9glig%C3%A9es-ulc%C3%A8re-buruli-et-maladie-sommeil">éradiquer la maladie du continent africain</a>. Vaincre durablement une maladie permettrait aux pays en développement de pouvoir prioriser leurs efforts pour faire face aux multiples risques sanitaires qui peuvent subitement focaliser l’attention des autorités sanitaires comme c’est le cas actuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147434/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The partnership involved in the HAT elimination process in Côte d'Ivoire receives funding from Bill and Melinda Gates Foundation and European Union. </span></em></p>Le Togo a éliminé la maladie du sommeil comme problème de santé publique. Mais dans le pays et sur le continent, la route vers l’éradication est encore longue.Vincent Jamonneau, Chercheur et Médecin, Institut de recherche pour le développement (IRD)Dramane Kaba, Chercheur et Médecin, Institut Pierre Richet de BouakéMathurin Koffi, Généticien, Maître de Conférences, Université Jean Lorougnon GUEDE Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1458442020-09-13T15:21:26Z2020-09-13T15:21:26ZDette des pays en développement : la Covid-19 change la donne<p>Les besoins de financement pour lutter contre la pandémie de Covid-19 et relancer l’activité économique détériorent un peu plus la soutenabilité de la dette des pays à faible revenu (PFR). Ce problème s’aggrave en outre pour les États qui doivent faire face à des pics de remboursement auprès des créanciers privés.</p>
<p>C’est pourquoi, en avril 2020, le G20 a lancé l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD), qui accorde un moratoire (suspension des intérêts de la dette jusqu’à la fin de l’année 2020) aux pays qui en font la demande.</p>
<p>Les créanciers publics et privés, regroupés au sein du Club de Paris ou encore de l’Institut de finance internationale, ont discuté de l’extension de l’ISSD à la dette privée. Malgré quelques réserves, ces derniers <a href="https://blogs.mediapart.fr/amdb/blog/300420/covid-19-communique-de-presse-du-club-de-paris-et-de-l-iif">ont soutenu l’initiative</a>.</p>
<h2>Notes dégradées</h2>
<p>Au début de la pandémie, avant l’ISSD, les primes de risque des PFR sur les marchés secondaires des eurobonds, où s’échangent les titres déjà émis, <a href="https://theconversation.com/la-dette-des-etats-dafrique-subsaharienne-a-lepreuve-du-covid-19-136762">avaient surréagi</a>, mais cette surréaction était générale. Elle résultait de la fuite des investisseurs vers des titres plus liquides et de meilleure qualité et traduisait un accroissement de leur aversion au risque.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253419370899845127"}"></div></p>
<p>En effet, ces investisseurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1544612320308217?via%3Dihub">préfèrent des rendements faibles</a>, nuls voire négatifs, plutôt que de détenir des titres émergents à haut rendement, mais très risqués.</p>
<p>Le moratoire a néanmoins contribué à stopper l’envolée des primes de risques sur les marchés secondaires, laissant penser que le marché perçoit ces moratoires comme une subvention implicite du public pour rembourser le privé.</p>
<p>Malgré le contexte d’incertitude créée par la Covid-19, les rendements des titres publics sur le marché des eurobonds continuent ainsi de baisser (voir tableau ci-dessous) – ce qui résulte aussi en partie de l’abondance de la liquidité mondiale.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie, les banques centrales ont élargi les achats d’actifs aux « anges déchus » et ont injecté plus de 6 000 milliards de dollars américains – très largement au-dessus des montants de 2009. Ceci a contribué au retour de la confiance sur le marché des eurobonds, rendant <a href="http://speri.dept.shef.ac.uk/2020/07/15/the-political-economy-of-external-debt-within-low-income-countries-in-an-age-of-asset-management/">temporairement soutenable</a> la dette de certains pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357120/original/file-20200909-20-xztq52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rendements moyens des eurobonds des pays africains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calculs des auteurs sur la base des données de Cbonds</span></span>
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<p>Néanmoins, les agences de notation surveillent toujours de près la participation des pays à l’ISSD, comme en témoigne l’annonce de Moody’s d’une potentielle dégradation des notes de l’Éthiopie, du Cameroun, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire du fait de leur adhésion au moratoire.</p>
<p>La dette africaine est de plus en plus intégrée aux marchés financiers. De nombreux gestionnaires d’actifs considèrent désormais la dette africaine comme un investissement à haut rendement.</p>
<p>Toutefois, les pays africains paient leur dette plus cher, toutes choses égales par ailleurs, que les autres emprunteurs. De plus, les spreads (écarts entre les taux) évoluent de façon désordonnée d’un pays à l’autre.</p>
<h2>Un système à repenser</h2>
<p>Dans le contexte actuel, les créanciers privés ont bien compris que les moratoires et même les annulations de dette publique des pays à faible revenu permettraient d’éviter des défauts en cascade sur les marchés financiers.</p>
<p>En conséquence, le moratoire sur les intérêts de la dette n’apparaît pas comme la meilleure solution pour remédier aux dégâts économiques et sociaux provoqués par la Covid-19, et surtout, ne fait que repousser un problème de surendettement antérieur. De plus, L’ISSD confère (volontairement ou non) aux créanciers publics un rôle de « donneurs en dernier ressort » qui facilite le remboursement des créanciers privés.</p>
<p>Enfin, ce moratoire et les potentielles futures annulations de dette posent le problème de la pertinence des prêts accordés à des conditions douces. Cette forme de financement concessionnelle (mi-prêts, mi-dons) s’est développée à la suite de la création d’organes de financement spécifiques aux pays à faible revenu, telle que l’Association internationale pour le développement (AID) de la Banque mondiale en 1960, et la Facilité d’ajustement structurelle (FAS) en 1986.</p>
<p>S’intensifiant jusqu’aux années 2000, le recours massif et généralisé aux prêts concessionnels parmi les pays à faible revenu, associé à des réductions de dette, constitue un « paradigme concessionnel » : les PFR se financent à bon compte auprès des organismes publics spécialisés ; les pays à revenu intermédiaire se financent auprès des marchés.</p>
<p>L’annulation pure et simple des prêts concessionnels dans un futur proche, sans contrepartie, légitimerait un recours systématique aux dons plutôt qu’à ces formes hybrides de financement. Toutefois, le remplacement des prêts par des dons ne ferait pas disparaître le problème de subvention des prêteurs privés par les organisations d’aide au développement.</p>
<p>La création de <a href="https://voxeu.org/article/debt-standstill-covid-19-low-and-middle-income-countries">fonds spéciaux</a> alimentés par les sommes épargnées par l’ISSD avec une gestion supervisée par les organismes internationaux, comme cela a été proposé, apparaît aujourd’hui comme proche de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) qui avait été lancée en 1999, mais qui n’a pas tenu dans la durée.</p>
<p>L’ISSD d’avril 2020 a fragilisé l’ordre concessionnel qui prévalait jusqu’alors. C’est donc l’ensemble du système de financement du développement qui doit aujourd’hui être repensé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le moratoire sur les intérêts de la dette accordé par les organismes internationaux leur confère un rôle de « donneurs en dernier ressort » qui facilite le remboursement des créanciers privés.Marc Raffinot, Economie du développement, Université Paris Dauphine – PSLBabacar Sène, Directeur du Centre de Recherches Economiques Appliquées (CREA) et du Laboratoire de Finances pour le Développement (LAFIDEV) , professeur agrégé en économie spécialisé en Monnaie et Finance, Université Cheikh Anta Diop de DakarMarin Ferry, Maître de Conférences - Economie du Développement, Finances Publiques, Traitement de la dette publique dans les pays à faible revenu, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (UPEM), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448252020-08-27T18:51:51Z2020-08-27T18:51:51ZLimitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique : la route est encore longue<p>Le président ivoirien Alassane Ouattara (78 ans) a finalement <a href="https://www.jeuneafrique.com/1026412/politique/candidature-a-un-troisieme-mandat-le-pari-risque-dalassane-ouattara/">confirmé le 20 août dernier</a> qu’il briguerait un troisième mandat en octobre. Quelques jours plus tard, le parti au pouvoir en Guinée <a href="https://www.france24.com/fr/20200806-en-guin%C3%A9e-le-parti-au-pouvoir-d%C3%A9signe-alpha-cond%C3%A9-comme-candidat-%C3%A0-un-troisi%C3%A8me-mandat">a demandé</a> au président Alpha Condé (82 ans) de se présenter pour la troisième fois.</p>
<p>De tels agissements montrent que l’Afrique est loin d’en avoir fini avec <a href="https://digitalscholarship.tsu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1056&context=assr">l’ère désastreuse des présidents à vie</a>. Amorcée dans la foulée des indépendances, celle-ci s’est prolongée jusqu’à la fin des années 1990, avec des effets délétères sur la stabilité, la démocratie et le <a href="https://africacenter.org/spotlight/term-limits-for-african-leaders-linked-to-stability/">développement socio-économique du continent</a>.</p>
<p>Au cours des vingt dernières années, l’Union africaine (UA) a mis au point des moyens relativement efficaces pour lutter contre les coups d’État anticonstitutionnels contre les gouvernements. En revanche, l’UA n’a toujours pas réussi à régler le problème des présidences impériales. Du fait de cette inaction, l’organisation se voit traitée de club privé des dirigeants en place.</p>
<p>Sept des dix présidents en exercice depuis le plus longtemps sur la planète sont africains. Parmi ceux-ci figurent le Camerounais Paul Biya, <a href="https://www.prc.cm/fr/le-president/biographie">qui dirige le pays depuis 1982</a>, et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, aux commandes de la Guinée équatoriale <a href="https://www.jeuneafrique.com/personnalites/teodoro-obiang-nguema-mbasogo/">depuis 1979</a>.</p>
<p>Leurs régimes sont <a href="https://africacenter.org/fr/spotlight/limites-et-duree-de-mandat-des-dirigeants-africains-lies-a-la-stabilite/">souvent définis</a> par l’instabilité, l’absence de libertés civiles comme politiques, ainsi qu’un patrimonialisme et une corruption étendus.</p>
<h2>Là où persistent les limites aux mandats</h2>
<p>Issu des rangs de l’opposition, Alpha Condé a pris le pouvoir en 2010 après avoir remporté les premières élections pluralistes organisées en Guinée à la <a href="https://www.jeuneafrique.com/163006/politique/le-pr-sident-lansana-cont-est-mort/">mort, en 2008, de Lansana Conté</a>, lui-même arrivé à la tête du pays au moyen d’un coup d’État 24 ans auparavant.</p>
<p>Un gouvernement de transition, mis en place en <a href="https://www.dw.com/fr/guin%C3%A9e-formation-du-gouvernement-de-transition/a-5254368">2010</a>, a été suivi de l’adoption d’une <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/gn2010.htm">nouvelle Constitution</a> et de nouvelles élections.</p>
<p>Farouche adversaire de Lansana Conté, Alpha Condé s’est notamment opposé à <a href="https://www.liberation.fr/planete/2003/12/20/conte-candidat-eternel-en-guinee_456003">l’amendement constitutionnel de 2003</a> autorisant son adversaire à briguer un troisième mandat.</p>
<p>Une fois aux commandes, en 2010, Condé a rapidement consolidé son pouvoir grâce à l’hégémonie de son parti, le <a href="http://www.rpg-arc-en-ciel.org.gn/index.php/en/">Rassemblement du peuple de Guinée</a>, avant d’être réélu en 2015. En 2019, son gouvernement <a href="https://www.jeuneafrique.com/872558/politique/guinee-que-contient-le-projet-de-nouvelle-constitution-propose-par-alpha-conde/">a annoncé</a> son intention d’adopter une nouvelle Constitution visant à contourner une disposition interdisant de modifier la limite de deux mandats présidentiels.</p>
<p>L’opposition <a href="https://www.france24.com/en/20200806-guinea-s-ruling-party-asks-alpha-cond%C3%A9-to-run-for-third-presidential-term">a critiqué</a> cette initiative, jugeant qu’elle bafouait l’esprit de la Constitution de 2010, laquelle s’opposait aux mandats illimités. Dès le mois d’octobre, des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/11/05/en-guinee-nouvelle-manifestation-sanglante-contre-le-president-alpha-conde_6018063_3212.html">manifestations</a> ont eu lieu à Conakry et dans le reste du pays.</p>
<p>Elles ont contraint les autorités à reporter le référendum constitutionnel, qui s’est finalement tenu le 31 mars 2020 et <a href="https://www.dw.com/fr/que-dit-la-nouvelle-constitution-en-guin%C3%A9e/a-53053248">a abouti à l’adoption</a> de la nouvelle Constitution. Si cette dernière conserve la limite des deux mandats, elle ne dit rien de ceux déjà exercés avant son entrée en vigueur, ce qui laisse à Condé la possibilité de solliciter deux nouveaux mandats et de rester à la tête du pays jusqu’en 2032.</p>
<p>Malgré les restrictions dues au Covid-19, les manifestations <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/11/en-guinee-nouvelle-grande-manifestation-contre-le-president-alpha-conde_6022461_3212.html">perdurent</a> et plusieurs personnes ont été tuées par les forces de sécurité.</p>
<p>Les élections sont censées <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/08/12/en-guinee-l-election-presidentielle-fixee-au-18-octobre_6048771_3212.html">se dérouler</a> le 18 octobre. Alpha Condé n’a pas encore confirmé son investiture pour un troisième mandat et les groupes d’opposition n’ont pas encore présenté leurs candidats.</p>
<p>Au vu de la mainmise du président sur la commission électorale, les ressources de l’État, l’administration et les forces de sécurité, ainsi que les limites imposées aux groupes d’opposition, il est fort probable que les élections ne seront ni libres ni équitables et lui assureront la victoire. L’opposition risque de les boycotter, comme elle l’a fait pour le référendum et les élections législatives en <a href="https://www.aljazeera.com/news/2020/02/guinea-hold-contested-polls-boycotted-opposition-200224080737553.html">mars</a>.</p>
<h2>Ce qui fonctionne et ce qui reste à faire</h2>
<p>La législation sur la limitation des mandats a conduit les dirigeants africains à opérer quelques changements démocratiques. Parmi les exemples les plus récents figurent la République démocratique du Congo (2019), la Sierra Leone (2018) et le Libéria (2017). Dans ces trois pays, les élections, marquées par une forte compétition, ont été remportées par l’opposition.</p>
<p>Mais beaucoup d’autres présidents ont modifié la Constitution de leur pays pour <a href="https://africacenter.org/fr/spotlight/limites-et-duree-de-mandat-des-dirigeants-africains-lies-a-la-stabilite/">prolonger leur mandat</a>. On retrouve dans cette liste le Togo (2002), le Gabon (2003) et, plus récemment, la Côte d’Ivoire et la Guinée.</p>
<p>Les derniers abus de pouvoir prouvent qu’il reste du chemin à parcourir avant que cette pratique soit éradiquée. Un certain nombre de mesures doivent être prises d’urgence.</p>
<p>D’abord, combler les lacunes, notamment en veillant à ce que les Constitutions nouvellement adoptées tiennent compte des mandats déjà effectués. En Gambie, le <a href="https://www.constituteproject.org/constitution/Gambia_2019D.pdf">projet de Constitution</a>, qui fixe non seulement la limite à deux mandats mais comptabilise ceux effectués avant son adoption, fait figure de modèle pour le continent.</p>
<p>L’Union africaine doit, en outre, relancer ses efforts pour imposer à l’échelle du continent une limite de deux mandats présidentiels. Une disposition du projet de charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui prévoyait de le faire en 2007, a été <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-african-law/article/presidential-term-limits-and-the-african-union/1F134034E67D93524560D31A067779B7/core-reader">abandonnée</a> après que l’Ouganda a mené campagne contre son adoption. Le président ougandais Yoweri Museveni avait déjà supprimé cette limite dans son pays en <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/ouganda-que-dit-la-nouvelle-reforme-de-la-constitution-05-01-2018-2184343_3826.php">2005</a>.</p>
<p>De même, la volonté affichée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) de mettre en place une limite à deux mandats <a href="https://www.bbc.com/afrique/region/2015/05/150520_ecowas_mandate">s’est heurtée</a> en 2015 à l’opposition de la Gambie, alors sous la dictature de Yahya Jammeh, et du Togo, dont les Constitutions ne contenaient aucune limite de mandat.</p>
<p>Il faut que l’Union africaine, la Cédéao et les organisations régionales redoublent d’efforts pour instaurer cette limite des deux mandats. Ce n’est qu’au moyen d’une interdiction continentale qu’il sera possible d’empêcher les manœuvres juridiques nationales et d’enterrer le spectre des présidents à vie. Une fois cette limitation entérinée, l’Union africaine sera en mesure de sanctionner, voire d’exclure, les pays réfractaires.</p>
<p>Les organisations ne feront de toute manière qu’enfoncer une porte ouverte. Sur le continent, seuls cinq pays possédant un système présidentiel n’ont pas de limites du nombre de mandats : l’Érythrée, la Somalie, le Cameroun, le Soudan du Sud et Djibouti. La plupart de ceux qui l’avaient supprimée ont fait machine arrière, à l’instar de l’Ouganda, dont le Parlement <a href="https://www.independent.co.ug/uganda-presidential-term-limits-reinstated-age-limit-lifted-7-years-mps/">a rétabli la limitation des mandats présidentiels</a> en 2017. Toutefois, Yoweri Museveni, qui est au pouvoir <a href="https://theconversation.com/how-museveni-has-twisted-ugandas-constitution-to-cling-to-power-118933">depuis 34 ans</a>, peut encore se présenter.</p>
<p>Le Togo en a fait de même <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-48210673">l’an dernier</a>. Malgré tout, le président sortant, Faure Gnassingbe, à la tête du pays depuis 2005, pourra se présenter aux prochaines élections. Il pourrait rester en poste jusqu’en 2030.</p>
<p>Sans un effort concerté à l’échelle du continent, l’Afrique risque d’être condamnée à vivre avec le spectre des présidents à vie.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adem K Abebe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’instar de la Côte d’Ivoire, le spectre des présidences à vie plane sur beaucoup de pays africains. Aussi l’Union africaine devrait-elle imposer la limitation du nombre de mandats à deux.Adem K Abebe, Extraordinary Lecturer and editor of ConstitutionNet, International Institute for Democracy and Electoral Assistance, University of PretoriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388642020-05-19T20:53:41Z2020-05-19T20:53:41ZJustice internationale : l’enjeu Guillaume Soro<p>Un tremblement de terre politique secoue la Côte d’Ivoire. Le 28 avril, un tribunal ivoirien a déclaré Guillaume Soro, candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain, <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-52457131">coupable de détournement et de blanchiment d’argent</a>. L’ancien commandant en chef des rebelles, âgé de 48 ans, a été condamné à 20 ans de prison.</p>
<p>La dimension politique de la condamnation de Soro n’a pas échappé aux Ivoiriens, qui ont été les témoins de son ascension vers le pouvoir au cours des deux dernières décennies. Mais ce sont ses ambitions présidentielles qui expliquent en grande partie sa chute judiciaire. Sa condamnation peut être vue comme le dernier chapitre en date d’une lutte de pouvoir qui a commencé à se nouer depuis la <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-34655049">réélection</a> du président Alassane Ouattara, en octobre 2015.</p>
<p>Plusieurs éléments semblent corroborer le soupçon que les poursuites engagées contre Soro sont motivées par des raisons politiques. Son mandat d’arrêt a été rendu public alors que tout le monde savait qu’il se trouvait en Europe, ce qui lui a donné une raison impérieuse de ne pas retourner dans son pays. La décision de le poursuivre par contumace, ainsi que d’autres questions relatives à la légalité de la procédure, laissent penser que l’intention principale du gouvernement était de le tenir à distance, et non de le mettre sous les verrous.</p>
<p>Dans l’ensemble, de nombreux Ivoiriens voient dans la condamnation de Soro une tentative de l’exclure de l’élection présidentielle prévue fin octobre. Cela ouvrirait la voie à l’élection du candidat de M. Ouattara, l’actuel premier ministre Amadou Gon Coulibaly.</p>
<p>Mais ces développements ont des implications beaucoup plus larges pour la justice pénale internationale. Deux questions, liées entre elles, se posent. Pourquoi Soro est-il tombé en disgrâce ? Et sa chute donne-t-elle à la Cour pénale internationale une seconde chance – sans doute imméritée – de rendre justice pour les atrocités perpétrées pendant près d’une décennie de guerre civile dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ?</p>
<h2>L’ascension de Soro au pouvoir</h2>
<p>Il n’y a sans doute personne en Côte d’Ivoire qui ait plus contribué à l’ascension de Ouattara à la présidence que Soro. Soro était le commandant en chef des forces rebelles qui ont mis fin au régime illibéral de l’ancien président Laurent Gbagbo. La lutte militaire et politique de Soro pour renverser Gbagbo a commencé avec le <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/2268718.stm">coup d’État manqué</a> de septembre 2002. Elle a duré jusqu’à la <a href="https://www.theguardian.com/world/2011/apr/11/ivory-coast-former-leader-arrested">défaite et l’arrestation</a> de Gbagbo, en avril 2011.</p>
<p>Naturellement, Ouattara s’est senti redevable à Soro et il l’a généreusement récompensé. C’est pourquoi il a fermé les yeux sur les <a href="https://www.hrw.org/news/2011/04/09/cote-divoire-ouattara-forces-kill-rape-civilians-during-offensive">atrocités</a> perpétrées par les rebelles de Soro alors qu’ils marchaient sur Abidjan.</p>
<p>Au fil du temps et de l’effritement des loyautés nées de la guerre, le passé de Soro est cependant devenu un handicap politique pour Ouattara et une menace imminente pour la fragile démocratie ivoirienne. Mais par deux fois, Ouattara est venu au secours de son ancien allié, en refusant de se conformer à deux mandats d’arrêt contre Soro : le premier avait été <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-35051481">délivré par un juge français</a>), en décembre 2015 ; l’autre sollicité par le gouvernement du <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-35325326">Burkina Faso</a> voisin, en janvier 2016.</p>
<h2>La brouille</h2>
<p>L’attitude envers Soro a commencé à changer fin 2016, lorsque Ouattara a initié des mesures institutionnelles, politiques et judiciaires pour prendre ses distances avec son ancien allié. L’adoption de la <a href="https://www.loc.gov/law/foreign-news/article/cte-divoire-new-constitution-adopted/">nouvelle Constitution</a>, établissant un poste de vice-président et ajoutant une Chambre haute à l’Assemblée nationale jusqu’alors monocamérale, a fourni une occasion d’affaiblir la mainmise de Soro sur le pouvoir.</p>
<p>Mais c’est l’implication présumée de Soro dans les <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-39920149">mutineries de janvier et mai 2017</a> qui a marqué le point de non-retour. Soro était désormais perçu comme une menace pour l’État ivoirien. Ses finances et ses liens avec de riches bienfaiteurs ont soudainement été soumis à un examen minutieux par la justice nationale.</p>
<p>Peu disposé à accepter le rameau d’olivier proposé par Ouattara et à soutenir son successeur désigné, Soro a coupé tous ses liens restants avec le président. En février 2019, il a <a href="https://www.france24.com/en/20190208-ivory-coast-parliament-speaker-guillaume-soro-resigns-dispute-president-alassane-outtara">démissionné</a> de la présidence de l’Assemblée nationale et de son parti. Et c’est ainsi que Soro, n’étant plus sous la protection de Ouattara, est devenu une cible possible pour les poursuites internationales.</p>
<h2>Un test pour la crédibilité de la CPI</h2>
<p>Le gouvernement Ouattara verrait sans doute d’un bon œil un procès de Soro à La Haye. Un procès national serait politiquement coûteux et, étant donné la popularité de Soro et son influence sur l’armée, susceptible de provoquer des troubles publics.</p>
<p>Cependant, le recours à la justice internationale n’est pas non plus à l’abri d’un échec. La gestion calamiteuse du procès intenté contre l’ancien président Gbagbo et contre Charles Blé Goudé est encore fraîche dans la mémoire de nombreux Ivoiriens. Cet épisode judiciaire, qui s’est soldé par <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1427">l’acquittement</a> des deux hommes en janvier 2019, a contribué à <a href="https://theconversation.com/gbagbos-acquittal-suggests-confusion-and-dysfunction-at-the-icc-110200">saper la crédibilité</a> de la Cour de La Haye.</p>
<p>Dès lors, la récente condamnation de Soro offre à la Cour une occasion de se rattraper et de se racheter qu’elle ne peut se permettre de manquer. Outre le fait que la justice puisse être rendue, engager une procédure contre Soro contribuerait à dissiper l’image de partialité – ou de manque d’impartialité – dont souffre la Cour. Il s’agirait de la première poursuite internationale visant un membre de haut rang du côté « des vainqueurs » de la guerre civile. Il est utile de rappeler à ce sujet qu’universitaires et observateurs de la politique ivoirienne ont <a href="https://www.cairn-int.info/article-E_AFCO_263_0268--the-gbagbo-ble-goude-trial-for-crimes.htm">déploré</a> le silence du procureur concernant les crimes présumés commis par les forces pro-Ouattara.</p>
<p>À supposer que le bureau de la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, se saisisse de cette opportunité, comment les autorités ivoiriennes réagiraient-elles ? Plusieurs indices suggèrent que le gouvernement ivoirien souhaite que la Cour ouvre un procès contre Soro, et que le plus tôt sera le mieux. Les interactions passées entre les autorités ivoiriennes et le tribunal de La Haye semblent indiquer que les récentes décisions prises au plan national sont un appel à la CPI pour qu’elle se penche sur le cas Soro.</p>
<h2>Une double victoire ?</h2>
<p>N’oublions pas que le gouvernement Ouattara a remis Gbagbo et Blé Goudé à la Cour internationale, respectivement en 2011 et 2013. Lorsqu’il a <a href="https://edition.cnn.com/2013/09/21/world/africa/ivory-coast-first-lady-icc/index.html">refusé de livrer</a> l’épouse de Gbagbo, Simone, la justice ivoirienne a accusé celle-ci de crimes de guerre, suspendant la compétence de la CPI pour <a href="https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/20BB4494-70F9-4698-8E30-907F631453ED/281984/complementarity.pdf">raison de complémentarité</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/why-gbagbo-acquittal-is-a-bigger-blow-for-the-icc-than-the-bemba-decision-109913">Why Gbagbo acquittal is a bigger blow for the ICC than the Bemba decision</a>
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<p>Soro a lui aussi été condamné pour des crimes qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour pénale internationale. Il n’y a pourtant pas pire pays où se trouver que la France pour ceux qui cherchent à échapper à la justice internationale. Depuis 25 ans, les autorités françaises ont pris l’initiative d’enquêter, d’arrêter et de remettre aux tribunaux pénaux internationaux des suspects provenant de nombreux pays – des Balkans occidentaux au Rwanda en passant par la République démocratique du Congo, le Tchad, la République centrafricaine, la Libye et la Syrie.</p>
<p>Enfin, les poursuites engagées par la CPI ont, pour les accusés, des conséquences politiques et personnelles considérables, qui peuvent durer au-delà de leur acquittement. La preuve en est que, dans l’attente de leur <a href="https://www.ijmonitor.org/2019/11/gbagbo-ble-goude-trial-the-latest-decisions-of-the-appeals-chamber/">jugement en appel</a>, Gbagbo et Blé Goudé n’ont pas pu rentrer chez eux et reprendre leur carrière politique.</p>
<p>Un procès contre Soro serait une victoire tant pour le tribunal de La Haye, qui a grand besoin de redorer sa crédibilité, que pour l’administration ivoirienne sortante, qui cherche à transférer en douceur le pouvoir à quelqu’un qui poursuivra dans la même voie que Ouattara.</p>
<p>Il reste à voir si Soro acceptera la sombre situation qui est la sienne ou s’il se battra, par tous les moyens nécessaires, pour réaliser son rêve de s’emparer de la présidence de la Côte d’Ivoire.</p>
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<p><em>La traduction vers la version française a été assurée par le site <a href="https://www.justiceinfo.net/fr/">Justice Info</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138864/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marco Bocchese ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ancien chef rebelle ivoirien Guillaume Soro vient d’être condamné par un tribunal de son pays à vingt ans de prison pour corruption. La CPI pourrait également se saisir de son cas.Marco Bocchese, Visiting Assistant Professor, Department of Political Science, University of Illinois ChicagoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323212020-03-04T18:09:29Z2020-03-04T18:09:29ZMieux mesurer les performances des PME camerounaises, ivoiriennes et sénégalaises<p>Depuis les travaux pionniers de <a href="https://hbr.org/1992/01/the-balanced-scorecard-measures-that-drive-performance-2">Kaplan et Norton en 1992</a> qui ont créé le <a href="https://www.investopedia.com/terms/b/balancedscorecard.asp"><em>balanced scorecard</em></a> (BSC), une abondante littérature s’est développée autour de la problématique de l’universalité de cet outil. Cette méthode dite du « tableau de bord prospectif » est un outil de mesure et de pilotage de la performance de l’entreprise. La focalisation sur la création de valeur dans la gestion des entreprises ces dernières décennies a suscité l’apparition de nouvelles méthodes et techniques comme l’<a href="https://www.investopedia.com/terms/a/abc.asp"><em>activity-based costing</em></a>), l’<a href="https://www.investopedia.com/terms/a/abm.asp"><em>activity-based management</em></a>, le <a href="https://www.accountingtools.com/articles/2017/5/14/target-costing"><em>target costing</em></a>, le benchmarking ou encore, donc, le <em>balanced scorecard</em> (BSC). Ces évolutions ont davantage concerné les grandes entreprises que les PME, ces dernières ayant des difficultés pour s’approprier ces diverses techniques.</p>
<p><a href="http://intercostos.org/documentos/congreso-15/TAKOUDJOU-NIMPA.pdf">Notre récente étude</a> vise à comprendre pourquoi les PME camerounaises, ivoiriennes et sénégalaises peinent à adopter le BSC.</p>
<h2>Qu’est-ce que le tableau de bord prospectif ?</h2>
<p>Le <em>balanced scorecard</em> (BSC) peut être défini comme un tableau de bord intégrant, en plus des indicateurs financiers, des indicateurs non financiers. L’idée fondamentale et novatrice de Kaplan et Norton réside dans la recherche d’un équilibre entre les objectifs de court terme et de long terme, entre les performances externes (actionnaires et clients) et internes (employés efficaces et innovants). Dans sa représentation générique, le BSC est organisé autour de quatre axes principaux :</p>
<ul>
<li><p>L’axe « finance » : il mesure classiquement le niveau et l’évolution des performances financières de l’entreprise.</p></li>
<li><p>L’axe « clients » : il regroupe des indicateurs qui permettent d’évaluer ce qui génère une satisfaction présente ou future du client.</p></li>
<li><p>L’axe « processus internes » : il indique la façon dont la gestion des opérations et des processus peut contribuer à fournir un avantage concurrentiel à l’entreprise.</p></li>
<li><p>L’axe « apprentissage organisationnel » : il concerne essentiellement la façon dont sont gérés les moyens humains et les savoirs en vue d’atteindre les objectifs stratégiques de la firme.</p></li>
</ul>
<p>À partir de 1996, Kaplan et Norton étayent leur démarche en ajoutant un ensemble d’hypothèses de relations de cause à effet entre les quatre axes. La plus courante est l’influence de la motivation des salariés sur la satisfaction des clients, qui stimule à son tour le niveau des ventes et donc la rentabilité financière. L’autre hypothèse réside dans l’ordre de préséance des axes du BSC. Ainsi, l’axe financier est relégué en dernier, pour signifier que l’entreprise doit se préoccuper d’abord des questions des ressources humaines, ensuite de la qualité de ses processus et produits qui contribuent à la satisfaction des clients, pour enfin obtenir des résultats financiers escomptés.</p>
<h2>Les freins à son adoption</h2>
<p>Le BSC est présenté comme un modèle universel, générique de performance, suffisamment standard et prêt à l’emploi (<a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2002-3-page-7.htm">Bourguignon et coll., 2002</a> ; <a href="https://econpapers.repec.org/article/wlycoacre/v_3a34_3ay_3a2017_3ai_3a2_3ap_3a991-1025.htm">Cooper et coll., 2017</a>). Toutefois, les pratiques managériales ne peuvent pas être appliquées de la même façon dans les PME que dans les grandes entreprises. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0925527306002064">L’adoption et l’application d’outils ou de pratiques de gestion dans les PME</a> ne répondent pas donc aux mêmes logiques et ne produisent pas nécessairement les mêmes effets.</p>
<p>Dans les cas du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, qui ont fait l’objet de notre étude, les barrières à la mise en place du BSC ont été regroupées en trois catégories :</p>
<ul>
<li><p>les facteurs inhérents aux attributs de l’outil : complexité de la mise en œuvre, coût élevé, caractère excessivement standardisé ;</p></li>
<li><p>les facteurs inhérents aux PME : absence d’objectifs formels (très peu de PME consignent par écrit leurs objectifs en début d’année ; ce qui rend difficile l’évaluation de l’activité et donc la mise en place d’un tel outil de gestion) ; ressources humaines peu qualifiées et turn-over important ; utilité du BSC perçue comme faible, bases de données uniquement financières ; absence de communication entre la direction et les opérationnels ; culture d’entreprise ne favorisant pas l’adoption de nouveaux outils ;</p></li>
<li><p>les facteurs environnementaux : absence de base de référence ou de valeurs cibles dans les secteurs d’activité (une bonne utilisation du BSC suppose d’avoir au préalable des normes qui orientent l’action de l’entreprise ; or l’informel caractérisant les PME ne permet pas toujours d’avoir ses références qui servent de base de comparaison) ; et faible diffusion du BSC dans les PME.</p></li>
</ul>
<h2>Un BSC « sur mesure » pour les PME</h2>
<p>Trois points majeurs méritent d’être relevés dans l’étude de l’applicabilité du BSC dans les PME d’Afrique subsaharienne francophone.</p>
<p>Premièrement, nous montrons que les PME étudiées équilibrent partiellement l’utilisation des indicateurs financiers et non financiers dans la confection de leurs tableaux de bord. Particulièrement, les indicateurs liés à la satisfaction du client et à la qualité des biens ou services sont pris en compte par les PME. Les indicateurs financiers dictent encore leur loi, même si l’on note un début de prise en compte des indicateurs non financiers.</p>
<p>En fait, le relatif équilibre qui est souligné ici montre que ces PME n’utilisent pas les quatre axes tels que préconisés par les auteurs de cet outil. On note encore une forte prépondérance des indicateurs financiers sur les indicateurs non financiers. La proportion des PME prenant en compte, de manière effective, les indicateurs liés à la satisfaction ou à la qualité des produits, reste très infime (trois PME sur les douze interviewées). Par conséquent, l’applicabilité du BSC dans le contexte des PME reste difficile ; ce sont des tableaux de bord à deux ou trois axes, bref du « sur mesure », et donc pas fondamentalement des BSC au sens des auteurs de cet outil de gestion.</p>
<p>Deuxièmement, nous constatons que les principaux obstacles à la mise en place du BSC sont d’ordre structurel (taille, ressources humaines peu qualifiées, faible technologie) et surtout comportemental (faible utilité perçue, culture d’entreprise, absence de communication de stratégie formelle). En effet, l’apport que pourrait avoir un tel outil et la relation de causalité énoncée par Kaplan et Norton restent encore flous dans l’esprit des dirigeants de ces PME. C’est à ce niveau que réside le principal écueil à l’adoption du BSC ; les autres aspects (complexité, coût élevé de la mise en œuvre, etc.) sont secondaires.</p>
<p>Troisièmement, les enjeux de l’utilisation du BSC sont nombreux pour ces PME. Dans un environnement caractérisé par des évolutions technologiques de plus en plus rapides et par le raccourcissement du cycle de vie des produits d’une part, et, par le rôle fondamental accordé au savoir et à d’autres actifs intangibles d’autre part, les performances financières futures sont souvent mieux évaluées par les indicateurs non financiers que par des indicateurs financiers.</p>
<p>On le voit, la mise en place d’un tel outil reste très difficile dans le contexte des PME d’Afrique subsaharienne francophone. Il en résulte que plus de vingt ans après sa création, le BSC reste encore très sous-utilisé dans le contexte des PME africaines en général.</p>
<h2>Quelques solutions pour améliorer l’utilisation du BSC ?</h2>
<p>Nous avons recensé dans le cadre de notre étude trois domaines d’action afin de faciliter l’utilisation du BSC dans ces PME.</p>
<ul>
<li><p><strong>Partager la vision stratégique de l’entreprise</strong> : L’implantation réussie du BSC requiert nécessairement l’élaboration et l’appropriation de la stratégie par tous les acteurs de l’entreprise. Dans les PME, la première barrière réside dans la vision qui n’est pas partagée. Le rôle d’« homme-orchestre » joué par le dirigeant de la PME ne lui laisse pas le temps de discuter des options stratégiques avec ses collaborateurs, et lorsqu’elles existent très peu d’entreprises les exécutent réellement. On constate donc une faible propension des directions générales à communiquer leur stratégie.</p></li>
<li><p><strong>Formaliser les objectifs et les valeurs cibles</strong> : Le tableau de bord ne peut se comprendre que dans une entreprise ayant des « buts » et dans laquelle un processus de fixation d’objectifs a été mis en place au niveau des individus. À cet effet, les données dans le système d’information doivent être disponibles. La mise en œuvre du BSC obéit également à cette exigence. En revanche, dans la plupart des PME, on note une absence de formalisation des objectifs. Il est donc nécessaire de clarifier et surtout de traduire la stratégie en objectifs opérationnels. Les PME devraient aussi organiser la communication d’informations au sein de leur secteur d’activité afin de dégager des valeurs cibles moyennes pour les indicateurs communément utilisés dans le BSC. Cela permettrait de faciliter les comparaisons et servirait de base de référence.</p></li>
<li><p><strong>Briser les résistances culturelles</strong> : Il n’y a <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2010-2-page-31.htm">pas de performance économique durable</a> sans satisfaction durable des partenaires commerciaux de l’entreprise, sans maîtrise des processus et sans l’appui de ressources humaines compétentes et motivées. La culture de l’entreprise devrait conduire, d’une part, à l’intégration d’objectifs non financiers au management traditionnel ; et d’autre part, à l’amélioration des outils de gestion, tout en préservant les valeurs de l’entreprise.</p></li>
</ul>
<p>Même si la <a href="http://members.home.nl/j.s.sterk/AQM/The%20Balance%20on%20the%20Balanced%20ScorecardA%20Critical%20Analysis%20of%20Some%20of%20Its%20Assumptions.pdf">relation de causalité entre les axes du BSC</a> reste encore problématique, cette approche permet de porter l’attention de l’entreprise sur des éléments intangibles qui sont créateurs de valeur future. En effet, les objectifs financiers restent le but ultime, et leur mesure s’impose in fine. Mais le capital-client, les processus et l’apprentissage organisationnels sont fondamentaux pour atteindre les objectifs financiers.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’applicabilité du BSC dans les PME d’Afrique subsaharienne reste problématique, au regard du caractère standard de cet outil de gestion et à l’hétérogénéité et à la spécificité des PME.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132321/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Takoudjou Nimpa works in University of Dschang-Cameroon, AFC . He is affiliated with International Federation of Operational Research Societies (IFORD). </span></em></p>Au Cameroun, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, les PME adoptent très rarement les outils modernes de mesure de performance tels que le tableau de bord prospectif. Voici pourquoi.Alain Takoudjou Nimpa, Maître de Conférences agrégé en Sciences de Gestion, Université de DschangLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323202020-02-27T19:52:07Z2020-02-27T19:52:07ZLa Bourse régionale des valeurs mobilières, instrument majeur de l’économie ouest-africaine<p>En 1993, le Conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a décidé de créer une <a href="https://www.brvm.org/">Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM)</a> commune aux huit pays membres : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Togo, la Guinée Bissau, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le processus de mise en place de la Bourse régionale s’est déroulé en plusieurs étapes et a abouti au démarrage de ses activités en 1998. Elle dispose d’antennes nationales au niveau de chaque pays membre. Ses principales missions sont d’organiser le marché boursier, la cotation et la négociation des valeurs mobilières, la diffusion des informations boursières, la promotion et le développement du marché.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-congolaise-de-gestion-2018-2-page-75.htm">Notre recherche</a> sur ce sujet est motivée par le fait que malgré la multitude des études empiriques sur la performance des fonds mutuels (<a href="http://finance.martinsewell.com/fund-performance/Ippolito1989.pdf">Ippolito, 1989</a> ; <a href="https://econpapers.repec.org/article/cupjfinqa/v_3a29_3ay_3a1994_3ai_3a03_3ap_3a419-444_5f00.htm">Grinblatt et Titman, 1994</a> ; <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-6261.1995.tb04800.x">Brown et Goetzmann, 1995</a> ; <a href="https://www.amazon.com/Random-Investing-Burton-Malkiel-2007-01-30/dp/B01K3OLMXQ">Malkiel, 2007</a>), aucune étude scientifique ne s’est réellement penchée sur les stratégies et décisions d’investissement appliquées par les gestionnaires de ces fonds dans l’UEMOA, encore moins sur leurs performances, d’où la nécessité de combler cette lacune.</p>
<p>L’objectif de la proposition est double : (1) Porter un jugement sur la performance des fonds mutuels et la justification de leur raison d’être ; (2) Détecter les meilleurs fonds mutuels à travers un classement selon leur <a href="https://www.pearson.fr/resources/titles/27440100815470/extras/7458_chap06.pdf">performance ajustée au risque</a>.</p>
<h2>L’organisation de la gestion collective des valeurs mobilières</h2>
<p>Afin de faciliter l’investissement en actions et en obligations, et d’impulser une dynamique de développement plus forte du marché, les autorités de régulation du marché des valeurs mobilières de l’UEMOA ont mis en place un cadre réglementaire permettant l’émergence et le développement de fonds mutuels via des sociétés de gestion. Au sein de l’UEMOA, les fonds mutuels sont des portefeuilles de valeurs mobilières détenues collectivement par des investisseurs institutionnels – ou particuliers qui en délèguent la gestion à une société de gestion de placement collectif.</p>
<p>Ces fonds mutuels ont été institués à la BRVM grâce à l’instruction <a href="http://www.crepmf.org/Wwwcrepmf/Reglementation/pdf/Instructions/INSTRUCTION%20021.pdf">n° 21/99 du 2 juillet 1999</a> relative à la classification des organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Cette instruction précise dans son article premier :</p>
<blockquote>
<p>« La gestion collective des valeurs mobilières s’effectue au sein des Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). »</p>
</blockquote>
<p>Les principaux avantages des fonds mutuels pour les clients (particuliers, investisseurs institutionnels) sont la sécurité des placements (du fait de la diversité des investissements), la souplesse (grâce aux liquidités dont disposent les fonds) et la simplicité de fonctionnement (la gestion des actifs du fonds mutuels étant déléguée à un gestionnaire).</p>
<p>Le graphique suivant présente la répartition des actifs gérés par les OPCVM :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316752/original/file-20200224-32678-2bhqub.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des actifs gérés par les OPCVM de l’UEMOA au 31 décembre 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On constate que les Fonds mutuels de l’UEMOA investissent avant tout sur la catégorie obligations, avec plus de 40 % des encours, ce qui est peut-être une indication qu’une bonne partie des investisseurs veulent prendre moins de risques.</p>
<h2>Un développement spectaculaire</h2>
<p>La gestion collective de l’épargne des agents économiques investie en valeurs mobilières par les professionnels à travers les fonds mutuels a connu un développement spectaculaire au cours des dernières années à la bourse régionale.</p>
<p>Les deux premiers fonds mutuels ont vu le jour 26 juin 2000 ; depuis, cette forme de gestion d’actifs ne cesse de se développer. Le nombre de fonds créés a progressé de manière remarquable : fin 2016, on compte sur le marché 57 fonds mutuels dont 1 Société d’investissement à capital variable (SICAV) diversifiée, 3 fonds communs de placement (FCP) obligations à court terme, 13 FCP obligations à moyen et long termes, 9 FCP actions et 31 FCP diversifiés (dont 5 fonds communs de placement d’entreprise, FCPE).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316751/original/file-20200223-92518-17hl136.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre d’OPCVM gérés par SGO à la BRVM au 31 décembre 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces dernières années, des flux d’investissement très importants ont été dirigés vers les organismes de placement commun en valeurs mobilières. Le montant des actifs gérés par les sociétés de gestion a connu une expansion extraordinaire et se chiffre en 2016 à 665,38 milliards de FCFA contre 279,66 milliards en 2015, soit une progression de 57,97 % par an.</p>
<p>Ce dynamisme s’explique, sans doute, par une multiplication de l’offre, avec la création de nouvelles sociétés de gestion.</p>
<h2>Les bonnes performances des fonds mutuels</h2>
<p>L’<a href="https://www.cairn.info/revue-congolaise-de-gestion-2018-2-page-75.htm">étude</a> de la performance des fonds mutuels sur un échantillon de 13 fonds communs de placement à la BRVM faisant partie des catégories obligations, actions et diversifiés, sur la période allant du 2 septembre 2013 au 16 décembre 2016, à travers trois indicateurs de performance ajustée au risque – le <a href="https://www.andlil.com/definition-du-ratio-de-sharpe-130658.html">ratio de Sharpe modifié</a>, le <a href="http://www.clubampere.org/glossaire/ratio-dinformation/">ratio d’information</a> et le <a href="http://www.performance-metrics.eu/papers/measure/Treynor_Mazuy_1966_Short_Description.pdf">ratio de Treynor-Mazuy</a> –, montre que les fonds mutuels de la BRVM sont en moyenne plus performants que l’<a href="https://www.sikafinance.com/analyses/chronique-comprendre_les_indices_boursiers-86">indice BRVM Composite</a>. Celui-ci représente la valeur moyenne des l’ensemble des actions cotées à la bourse.</p>
<p>En outre, les gestionnaires de fonds mutuels à la BRVM possèdent de réelles capacités en termes de sélectivité et d’anticipation du marché. De tels résultats justifient l’intérêt d’investir dans ces types de placements financiers. Enfin, le classement par catégories indique que les fonds mutuels les plus performants sont FCP actions, suivis des fonds FCP diversifiés. Les FCP obligations sont les moins performants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Modou Dieng ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La bourse régionale des valeurs mobilières de l’Afrique de l’Ouest joue un rôle majeur dans la mobilisation l’épargne locale via les investisseurs institutionnels.Modou Dieng, Enseignant-chercheur en économie, Université Alioune Diop de BambeyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1248002020-02-06T18:15:50Z2020-02-06T18:15:50ZLa crise ouverte des hôpitaux publics en Côte d’Ivoire<p><em>Les chiffres indiqués dans le présent article proviennent de notre thèse de doctorat, intitulée « Facteurs déterminants des conduites déviantes chez les professionnels de santé des hôpitaux publics en Côte d’Ivoire » et soutenue publiquement le 15 décembre 2018 à l’Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire.</em></p>
<hr>
<p>Depuis plusieurs décennies, les pratiques indésirables telles que les paiements informels, la maltraitance des malades, les détournements de médicaments, l’absentéisme, l’enrichissement illicite des agents, etc. en milieu hospitalier en Côte d’Ivoire font l’objet de <a href="https://news.abidjan.net/h/573474.html">critiques diverses</a>. En dépit des actions entreprises par l’État pour éradiquer ce phénomène – nouvelles dispositions juridiques, construction d’infrastructures, amélioration du budget de fonctionnement des hôpitaux –, on constate que la situation ne s’améliore pas.</p>
<p>Le <a href="https://www.nationalplanningcycles.org/sites/default/files/planning_cycle_repository/cote_divoire/pnds_2016-2020.pdf">Plan national de développement sanitaire (PNDS)</a> a clairement identifié qu’il existe un problème de « comportement répréhensible de certains personnels de santé ».</p>
<p>Dans le même temps apparaissent de plus en plus de structures sanitaires privées illégales, détenues par des agents en fonction qui y consacrent plus de 60 % de leur temps de travail.</p>
<p>Ce phénomène ne date pas d’hier. En 2008, selon un <a href="http://www.pndap-ci.org/pdf/HMN_CIV_Assess_Final_2009_08_fr.pdf">rapport</a> du ministère de la Santé et de l’hygiène publique paru l’année suivante, sur 1 242 structures sanitaires privées recensées dans la zone sud du pays, 847 ne possédaient aucune autorisation d’ouverture. La plupart de ces structures sanitaires privées (854 exactement) étaient des centres de soins infirmiers ; 591 d’entre eux, soit 69 % du total, fonctionnaient dans l’illégalité. Généralement, dans ces lieux de soins, les employés sont des fonctionnaires des hôpitaux publics qui abandonnent leur poste pour y travailler. Ces déploiements illégaux des agents dans ces structures laissent apparaître de multiples pratiques indésirables et discriminatoires dans les établissements sanitaires de l’État.</p>
<p>Selon le PNDS 2016-2020, 44 % des usagers sont contraints de procéder à des paiements informels pour être pris en charge. Le <a href="https://www.slideshare.net/HFGProject/resources-evaluation-de-la-gouvernance-du-secteur-sant-en-cte-divoire-evaluation-de-la-gouvernance-du-secteur-sant-en-cte-divoire">rapport d’évaluation de la gouvernance du secteur de la santé</a> indique que le niveau d’accessibilité des usagers à l’affichage des prix des actes et des médicaments est de 18 % dans l’ensemble des 225 établissements visités. Au niveau du traitement des usagers, le rapport relève que seulement 34 % des traitements mis en œuvre respectent les protocoles/directives nationaux de prise en charge des cas. On note, par ailleurs, un taux d’absentéisme des agents pouvant atteindre 67 % (IGSLS, 2014), ce qui augmente le temps d’attente des usagers.</p>
<p>Tout cela renforce la représentation sociale négative de ces agents, accentue la crise de confiance entre les agents et les usagers, et dégrade la qualité des soins apportés à la population.</p>
<h2>La situation difficile des professionnels de la santé</h2>
<p>Les conditions de travail des travailleurs de la santé ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être. Notre enquête à ce sujet a montré que les moyens matériels mis à la disposition des agents de santé suffisent pour la prise en charge de 25 % à 50 % des patients qu’ils reçoivent chaque jour. Ce qui signifie qu’au moins 50 % des usagers qui se rendent dans les hôpitaux publics subiront les inconvénients de ce déficit. En outre, ces malades sont impérativement confrontés à l’épreuve de la sélection discriminatoire à travers laquelle ce sont les plus offrants qui bénéficient des soins adéquats.</p>
<p>Selon, le PNDS, le budget de l’État alloué au secteur de la santé reste faible et se stabilise en moyenne à 5 %, ce qui demeure en deçà des 15 % fixés lors de la <a href="http://www.ppdafrica.org/docs/policy/abuja-f.pdf">déclaration d’Abuja</a> en avril 2001.</p>
<p>Cette réalité indéniable qui s’impose, la plupart des temps, aux agents s’associe à la question cruciale de leur traitement salarial et du besoin d’amélioration de leurs conditions de travail. En effet, le rythme de travail des agents imposé par le nombre élevé de patients les oblige à effectuer des heures supplémentaires sans contrepartie.</p>
<p>Les seuls coupables généralement pointés du doigt sont les professionnels, traités de « corrompus » et d’« irresponsables », accusés de « mauvaise foi », etc. Mais la responsabilité du gouvernement reste entière.</p>
<p>L’analyse des résultats de notre enquête a montré que plus de la moitié des travailleurs de la santé exprimaient un manque d’implication dans leur tâche parce qu’ils se trouvent soit en insécurité, soit démotivés, et avaient l’envie de démissionner. Cependant, ils restent à leur poste parce qu’il leur garantit un revenu minimal qui leur permet d’assurer leur survie. Ils sont aussi prêts à aller proposer leurs services à des structures sanitaires privées, et ont tendance à encourager ceux d’entre eux qui parviennent à ouvrir leur propre structure sanitaire privée.</p>
<h2>Les patients, les seules victimes à payer le prix</h2>
<p>L’analyse de l’orientation des différents types de pratiques anormales collectées dans les hôpitaux publics en Côte d’Ivoire auprès des agents de santé montre que, dans 76,90 % des cas, ces pratiques ont un impact direct sur les usagers. En plus de se sentir psychologiquement affectés par l’indifférence, par la discrimination et par le mauvais accueil du personnel, ils se voient imposer des paiements informels.</p>
<p>Au vu de l’atmosphère psychologique qui règne dans les hôpitaux, le danger reste permanent pour les usagers. La peur de subir une injustice peut expliquer des réactions défensives qui se traduisent dans des actes d’agressivité commis par des parents de malades ou par des malades eux-mêmes. Face à cette malheureuse réalité vécue chaque jour dans plusieurs hôpitaux publics en Côte d’Ivoire, quelle solution pertinente peut-on envisager pour améliorer le travail des agents de santé ?</p>
<h2>La nécessaire intégration des psychologues dans les hôpitaux</h2>
<p>95,05 % des agents de santé qui ont répondu à notre enquête considèrent la présence de psychologues auprès d’eux comme une initiative salutaire. Seul 1,30 % des agents affirment le contraire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312862/original/file-20200130-41541-7tx78t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Appréciation des psychologues auprès des agents de santé.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En plus des efforts fournis par le politique – construction de nouveaux hôpitaux, recrutement de nouveaux agents, amélioration du budget alloué à la santé –, des actions centrées sur la santé physique et psychologique des soignants restent à pourvoir.</p>
<p>Comment les agents cherchent-ils à résoudre les difficultés d’ordre psychologique ? Notre étude montre que 75,90 % s’accommodent malgré eux de cette situation (ils s’habituent tant bien que mal aux difficultés sans être aidés par un spécialiste ou prennent des stimulants pour se remettre de l’impact psychologique de leur travail). Seulement 8,21 % cherchent une aide extérieure. Ils sont nombreux à juger nécessaire d’intégrer des psychologues dans les hôpitaux pour les assister dans leurs tâches.</p>
<p>Il ressort de notre étude qu’il convient de faire de ce dossier une priorité et d’apporter à l’hôpital des solutions innovantes telles que l’intégration de psychologues travaillant au sein des équipes chargées de la mise en place et du suivi de la <a href="https://cgeci.com/la-commission-energie-et-qualite-hygiene-securite-environnement-sensibilise-de-nombreuses-entreprises/">politique Hygiène, Sécurité, Environnement</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Touvoly receives funding from African Population and Health Research Center (APHRC), Nairobi, Kenya, en collaboration avec le International Development of Research Centre (IDRC) ou Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI), travers son programme African Doctoral Dissertation Research Fellowship (ADDRF) 2016. </span></em></p>Les mauvaises pratiques en milieu hospitalier sont monnaie courante en Côte d’Ivoire. Les patients sont les premiers à en souffrir.Serge Touvoly, Chercheur en psychologie du Travail et des Organisations, spécialiste des questions d'hygiène et sécurité au travail, de la déviance/psychopathologie organisationnelle et de l'amélioration de la qualité des prestations au travail, Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.