tag:theconversation.com,2011:/global/topics/intelligence-21874/articlesintelligence – The Conversation2024-01-16T16:20:13Ztag:theconversation.com,2011:article/2207122024-01-16T16:20:13Z2024-01-16T16:20:13ZLa curieuse joie d’avoir tort : de l’importance de l’humilité intellectuelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568230/original/file-20231214-23-ck96kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=121%2C0%2C6081%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parfois, de nouvelles informations permettent de prendre une nouvelle direction. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/man-stands-at-a-crossroads-in-the-forest-in-autumn-royalty-free-image/1708245189">Schon/Moment via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>On attribue cette déclaration à Mark Twain : « Je suis en faveur du progrès ; c’est le changement que je n’aime pas ». Une phrase qui souligne la tendance humaine à désirer la croissance tout en opposant une forte résistance au dur labeur qui l’accompagne. Je peux certainement m’identifier à ce sentiment.</p>
<p>J’ai été élevé dans un foyer évangélique conservateur. Comme beaucoup de ceux qui ont grandi dans un environnement similaire, j’ai appris un ensemble de croyances religieuses qui ont encadré la façon dont je me comprenais le monde qui m’entourait. On m’a appris que Dieu est aimant et puissant, et que ses fidèles sont protégés. On m’a appris que le monde était juste et que Dieu était bon. Le monde me semblait simple et prévisible – et surtout, sûr.</p>
<p>Ces croyances ont volé en éclats lorsque mon frère est décédé de manière inattendue alors que j’avais 27 ans. Sa mort à 34 ans, avec trois jeunes enfants, a choqué notre famille et notre communauté. Outre le chagrin, certaines de mes hypothèses les plus profondes ont été remises en question. Dieu n’était-il pas bon ou n’était-il pas puissant ? Pourquoi Dieu n’a-t-il pas sauvé mon frère, qui était un père et un mari gentil et aimant ? Et à quel point l’univers est-il injuste, insensible et aléatoire ?</p>
<p>Cette perte profonde a marqué le début d’une période au cours de laquelle j’ai remis en question toutes mes croyances à la lumière de mes propres expériences. Au bout d’un temps considérable, et grâce à un thérapeute exemplaire, j’ai pu réviser ma vision du monde d’une manière qui m’a semblé authentique. J’ai changé d’avis sur beaucoup de choses. Le processus n’a pas été agréable. Il m’a fallu plus de nuits blanches que je n’ose l’imaginer, mais j’ai pu réviser certaines de mes croyances fondamentales.</p>
<p>Je ne l’avais pas réalisé à l’époque, mais cette expérience relève de ce que les chercheurs en sciences sociales appellent <a href="https://doi.org/10.1177/0146167217697695">l’humilité intellectuelle</a>. Et honnêtement, c’est probablement en grande partie la raison pour laquelle, en tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=2rkql34AAAAJ&hl=en&oi=ao">professeur de psychologie</a>, je m’intéresse tant à l’étudier. L’humilité intellectuelle a <a href="https://theconversation.com/us/topics/intellectual-humility-125132">fait l’objet d’une attention accrue</a>, et elle semble d’une importance cruciale à notre époque, où il est plus courant de défendre sa position que de changer d’avis.</p>
<h2>Ce que signifie l’humilité intellectuelle</h2>
<p>L’humilité intellectuelle est une forme particulière d’humilité liée aux croyances, aux idées ou aux visions du monde. Il ne s’agit pas seulement de croyances religieuses, mais aussi d’opinions politiques, d’attitudes sociales diverses, de domaines de connaissance ou d’expertise ou de toute autre conviction forte. L’humilité intellectuelle a des dimensions à la fois internes et externes.</p>
<p>L’humilité intellectuelle implique la prise de conscience et l’appropriation de nos propres <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2017.12.014">limites et préjugés</a>, de ce que l’on sait et de la manière dont on l’a appris. Elle exige une volonté de <a href="https://doi.org/10.1080/00223891.2015.1068174">réviser ses opinions</a> à la lumière de preuves solides.</p>
<p>Sur le plan interpersonnel, il s’agit de <a href="https://doi.org/10.1177/009164711404200103">maîtriser son ego</a> afin de pouvoir présenter ses idées de manière modeste et respectueuse. Il s’agit de présenter ses convictions d’une manière qui ne soit pas défensive et d’admettre que l’on a tort quand c’est le cas. Cela implique de montrer que vous vous souciez davantage d’apprendre et de préserver les relations que d’avoir « raison » ou de faire preuve de supériorité intellectuelle.</p>
<p>Une autre façon de concevoir l’humilité, intellectuelle ou autre, est d’être au bon niveau dans une situation donnée : pas trop haut (ce qui est de l’arrogance), mais pas non plus trop bas (ce qui est de l’autodépréciation).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="male standing with mic, seated audience, in a casual business seminar" src="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565899/original/file-20231214-29-aopjwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avoir confiance en son domaine d’expertise n’est pas croire que l’on sait tout sur tout.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/business-people-with-raised-arms-during-seminar-royalty-free-image/966267126">Morsa Images/DigitalVision via Getty Images</a></span>
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<p>Je connais assez bien la psychologie, mais pas beaucoup l’opéra. Lorsque je me trouve dans un cadre professionnel, je peux profiter de l’expertise que j’ai acquise au fil des ans. Mais lorsque je me rends à l’opéra avec des amis plus cultivés, je devrais écouter et poser davantage de questions, plutôt que d’affirmer avec assurance mon opinion très peu informée.</p>
<p>Les quatre principaux aspects de l’humilité intellectuelle sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Ouvert d’esprit, évitant le dogmatisme et étant prêt à réviser ses croyances.</p></li>
<li><p>Curieux, vous recherchez de nouvelles idées, des moyens de vous développer et de grandir, et vous êtes capable de changer d’avis pour vous aligner sur des preuves solides.</p></li>
<li><p>Réaliste, en admettant vos défauts et vos limites, en voyant le monde tel qu’il est plutôt que tel que l’on voudrait qu’il soit.</p></li>
<li><p>être capable d’apprendre, en réagissant sans se mettre sur la défensive et en changeant son comportement pour s’aligner sur de nouvelles connaissances.</p></li>
</ul>
<p>L’humilité intellectuelle est souvent un travail difficile, surtout lorsque les enjeux sont importants.</p>
<p>En commençant par admettre que, comme tout le monde, vous avez des biais cognitifs et des défauts qui limitent votre savoir, l’humilité intellectuelle peut consister à s’intéresser sincèrement aux croyances de votre parent au cours d’une conversation lors d’une réunion de famille, plutôt que d’attendre qu’il ait terminé pour lui prouver qu’il a tort en lui faisant part de votre opinion – qui est supérieure.</p>
<p>Il peut s’agir d’examiner les mérites d’un autre point de vue sur une question politique brûlante et les raisons pour lesquelles des personnes respectables et intelligentes peuvent ne pas être d’accord avec vous. Lorsque vous abordez ces discussions difficiles avec curiosité et humilité, elles deviennent des occasions d’apprendre et de progresser.</p>
<h2>Pourquoi l’humilité intellectuelle est un atout</h2>
<p>Bien que <a href="https://theexperimentpublishing.com/catalogs/summer-2023/humble/">j’étudie l’humilité</a> depuis des années, je ne la maîtrise pas encore à titre personnel. Il est difficile de nager à contre-courant des normes culturelles qui <a href="https://doi.org/10.1177/1948550609355719">récompensent le fait d’avoir raison et punissent les erreurs</a>. Il faut travailler constamment pour la développer, mais la science psychologique a mis en évidence que cette attitude comporte de nombreux avantages.</p>
<p>Tout d’abord, il faut tenir compte des avancées sociales, culturelles et technologiques. <a href="https://theconversation.com/intellectual-humility-is-a-key-ingredient-for-scientific-progress-211410">Toute avancée significative</a> dans les domaines de la médecine, de la technologie ou de la culture est due au fait que quelqu’un a admis qu’il ne savait pas quelque chose et qu’il s’est ensuite passionné pour la recherche du savoir avec curiosité et humilité. Pour progresser, il faut <a href="https://doi.org/10.1016/j.paid.2016.03.016">admettre ce que l’on ne sait pas</a> et chercher à apprendre quelque chose de nouveau.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="animated people talking over a meal" src="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565900/original/file-20231214-15-2ngmpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’humilité intellectuelle peut rendre les conversations moins conflictuelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/extended-family-having-meal-together-royalty-free-image/1256317730">Compassionate Eye Foundation/Gary Burchell/DigitalVision via Getty Images</a></span>
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<p>Lorsque les gens font preuve d’humilité intellectuelle, leurs relations avec les autres s’améliorent. Des recherches ont montré que l’humilité intellectuelle est associée à une <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2015.1037861">plus grande tolérance à l’égard des personnes avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord</a>.</p>
<p>Par exemple, les personnes intellectuellement humbles acceptent mieux les personnes qui ont des opinions <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2016.1167937">religieuses</a> et <a href="https://doi.org/10.1080/15298868.2020.1714711">politiques</a> différentes des leurs. L’ouverture <a href="https://doi.org/10.1080/15298868.2017.1361861">aux nouvelles idées</a> en est un élément central, de sorte que les gens sont moins sur la défensive face à des perspectives potentiellement stimulantes. Ils sont <a href="https://doi.org/10.1080/17439760.2015.1004554">plus enclins à pardonner</a>, ce qui peut aider à réparer et à maintenir les relations.</p>
<p>Enfin, l’humilité facilite le développement personnel. L’humilité intellectuelle vous permet d’avoir une <a href="https://theconversation.com/teens-dont-know-everything-and-those-who-acknowledge-that-fact-are-more-eager-to-learn-214120">vision plus juste de vous-même</a>.</p>
<p>Lorsque vous <a href="https://doi.org/10.1111/phpr.12228">pouvez admettre et assumer vos limites</a>, vous pouvez aussi demander de l’aide dans les domaines où vous avez une marge de progression et vous êtes <a href="https://theconversation.com/turning-annual-performance-reviews-into-humble-encounters-yields-dividends-for-employees-and-managers-216949">plus réceptif aux informations reçues</a>. Lorsque vous vous limitez à faire les choses comme vous les avez toujours faites, vous manquez d’innombrables occasions de croissance, d’expansion et de nouveauté – autant de choses qui peuvent provoquer l’admiration, l’émerveillement, et font que la vie vaut la peine d’être vécue.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.obhdp.2019.04.008">L’humilité peut ainsi favoriser le sentiment d’authenticité</a> et le développement personnel.</p>
<h2>L’humilité ne signifie pas qu’il faut se laisser faire</h2>
<p>Malgré ces bénéfices, l’humilité a parfois mauvaise presse. Les gens peuvent avoir des idées fausses sur l’humilité intellectuelle, il est donc important de dissiper certains mythes.</p>
<p>L’humilité intellectuelle n’est pas un manque de conviction ; on peut croire fermement à quelque chose jusqu’à ce que l’on change d’avis et que l’on croie autre chose. Ce n’est pas non plus être timoré. Vous devez placer la barre très haut en ce qui concerne les preuves dont vous avez besoin pour changer d’avis. Il ne s’agit pas non plus de se dévaloriser ou d’être toujours d’accord avec les autres. N’oubliez pas qu’il s’agit d’être au bon niveau, et non de se déprécier.</p>
<p><a href="https://www.intellectualhumilityscience.com/">Les chercheurs travaillent d’arrache-pied</a> pour valider des méthodes fiables permettant de cultiver l’humilité intellectuelle. Je fais partie <a href="https://www.templeton.org/grant/applied-research-on-intellectual-humility-a-request-for-proposals">d’une équipe</a> qui supervise un ensemble de projets visant à tester différentes interventions destinées à développer l’humilité intellectuelle.</p>
<p>Certains chercheurs examinent différentes façons d’engager des discussions, et d’autres explorent le rôle de l’amélioration de l’écoute. D’autres testent des programmes éducatifs, et d’autres encore cherchent à savoir si différents types de commentaires et l’exposition à divers réseaux sociaux peuvent renforcer l’humilité intellectuelle.</p>
<p>Des travaux antérieurs dans ce domaine suggèrent que <a href="https://doi.org/10.1177/009164711404200111">l’humilité peut être cultivée</a>, et nous sommes donc impatients de voir quelles seront les voies les plus prometteuses qui émergeront de ce nouveau projet.</p>
<p>Il y a une autre chose que la religion m’a enseignée qui était légèrement erronée. On m’a dit que trop apprendre pouvait être problématique ; après tout, qui souhaite apprendre au point de perdre sa foi ?</p>
<p>Mais dans mon expérience, ce que j’ai appris en perdant la foi a pu sauver la part de ma foi que je peux vraiment approuver et qui me semble authentique par rapport à mes expériences. Plus vite nous ouvrirons notre esprit et cesserons de résister au changement, plus vite nous trouverons la liberté qu’offre l’humilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Certains des travaux décrits ont été soutenus par des subventions de la John Templeton Foundation accordées à Daryl Van Tongeren et à ses collègues. Cet article a été produit avec le soutien du Greater Good Science Center de l'université de Berkeley et de la John Templeton Foundation dans le cadre de l'initiative du GGSC sur la sensibilisation à la science de l'humilité intellectuelle.</span></em></p>L’humilité intellectuelle consiste à admettre ses propres préjugés et la possibilité de se tromper dans ses croyances ou sa vision du monde.Daryl Van Tongeren, Associate Professor of Psychology, Hope CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199172023-12-14T19:10:18Z2023-12-14T19:10:18ZPourquoi notre cerveau est-il devenu aussi énergivore ?<p>C’est l’un des grands paradoxes de l’évolution. L’humain a démontré que le fait d’avoir un <a href="https://theconversation.com/why-do-humans-have-such-large-brains-our-study-suggests-ecology-was-the-driving-force-96873">gros cerveau</a> est la clé de son succès dans l’évolution, et pourtant ce type de cerveau est extrêmement rare chez les autres animaux. La plupart d’entre eux se débrouillent avec de petits cerveaux et ne semblent pas avoir besoin de plus de neurones.</p>
<p>Pourquoi ? La réponse sur laquelle la plupart des biologistes se sont accordés est de dire que les gros cerveaux sont coûteux en termes d’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Et, compte tenu du mode de fonctionnement de la sélection naturelle, les avantages <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9234964/">ne dépasseraient tout simplement pas les coûts</a>.</p>
<p>Mais s’agit-il seulement d’une question de taille ? La façon dont nos cerveaux sont organisés affecte-t-elle leur coût énergétique ? Une nouvelle étude, <a href="http://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adi7632">publiée dans Science Advances</a>, apporte des réponses intéressantes.</p>
<p>Tous nos organes ont des coûts énergétiques de fonctionnement, mais <a href="https://www.jstor.org/stable/2744104">certains sont peu élevés et d’autres très chers</a>. Les os, par exemple,demandent assez peu d’énergie. Bien qu’ils représentent environ 15 % de notre poids, ils n’utilisent que 5 % de notre métabolisme. Les cerveaux sont à l’autre extrémité du spectre, et avec environ 2 % du poids du corps humain typique, leur fonctionnement utilise environ 20 % de notre consommation d’énergie totale. Et ce, sans aucune réflexion particulièrement intense – cela se produit même lorsque nous dormons.</p>
<p>Pour la plupart des animaux, les avantages qu’apporterait un cerveau si énergivore n’en vaudraient tout simplement pas la peine. Mais pour une raison encore inconnue – peut-être la plus grande énigme de l’évolution humaine – les humains ont trouvé des moyens de surmonter les coûts d’un cerveau plus gros et d’en récolter les bénéfices.</p>
<p>Il est certain que les humains doivent supporter les coûts les plus élevés de leur cerveau, mais ces derniers sont-ils différents en raison de la nature particulière de notre cognition ? Le fait de penser, de parler, d’être conscient de soi ou de faire des additions coûte-t-il plus cher que les activités quotidiennes typiques des animaux ?</p>
<p>Il n’est pas facile de répondre à cette question, mais l’équipe à l’origine de cette nouvelle étude, dirigée par Valentin Riedl de l’université technique de Munich, en Allemagne, a relevé le défi.</p>
<p>Les auteurs disposaient d’un certain nombre d’éléments connus pour commencer. La structure de base des neurones est à peu près la même dans tout le cerveau et chez toutes les espèces. La densité neuronale est également la même chez l’homme et les autres primates, de sorte qu’il est peu probable que les neurones soient le moteur de l’intelligence. Si c’était le cas, certains animaux dotés d’un gros cerveau, comme les orques et les éléphants, seraient probablement plus « intelligents » que les humains.</p>
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<img alt="Elephant and woman in village Surin Thailand." src="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565485/original/file-20231213-19-jr94u6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les éléphants ont de plus gros cerveaux que les humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">venusvi/Shutterstock</span></span>
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<p>Ils savaient également qu’au cours de l’évolution humaine, le néocortex – la plus grande partie de la couche externe du cerveau, connue sous le nom de cortex cérébral – s’est développé plus rapidement que les autres parties. Cette région, qui comprend le cortex préfrontal, est responsable des tâches impliquant l’attention, la pensée, la planification, la perception et la mémoire épisodique, toutes nécessaires aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Ces deux observations ont amené les chercheurs à se demander si les coûts énergétiques de fonctionnement varient d’une région à l’autre du cerveau.</p>
<p>L’équipe a scanné le cerveau de 30 personnes à l’aide d’une technique permettant de mesurer simultanément le métabolisme du glucose (une mesure de la consommation d’énergie) et la quantité d’échanges entre neurones dans le cortex. Ils ont ensuite pu examiner la corrélation entre ces deux éléments et voir si les différentes parties du cerveau utilisaient des niveaux d’énergie différents.</p>
<h2>Des résultats surprenants</h2>
<p>Les neurobiologistes ne manqueront pas d’analyser et d’explorer les moindres détails de ces résultats, mais d’un point de vue évolutif, ils donnent déjà matière à réflexion. Les chercheurs ont constaté que la différence de consommation d’énergie entre les différentes zones du cerveau est importante. Toutes les parties du cerveau ne sont pas égales, énergétiquement parlant.</p>
<p>Les parties du cerveau humain qui se sont le plus développées ont des coûts plus élevés que prévu. Le néocortex demande environ 67 % d’énergie en plus que les réseaux qui contrôlent nos mouvements.</p>
<p>Cela signifie qu’au cours de l’évolution humaine, non seulement les coûts métaboliques de nos cerveaux ont augmenté au fur et à mesure qu’ils grossissaient, mais qu’ils l’ont fait à un rythme accéléré, le néocortex se développant plus rapidement que le reste du cerveau.</p>
<p>Pourquoi en est-il ainsi ? Un neurone est un neurone, après tout. Le néocortex est directement lié aux fonctions cognitives supérieures.</p>
<p>Les signaux envoyés à travers cette zone sont médiés par des substances chimiques cérébrales telles que la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline (neuromodulateurs), qui créent des circuits dans le cerveau pour aider à maintenir un niveau général d’excitation (au sens neurologique du terme, c’est-à-dire d’éveil). Ces circuits, qui régulent certaines zones du cerveau plus que d’autres, contrôlent et modifient la capacité des neurones à communiquer entre eux.</p>
<p>En d’autres termes, ils maintiennent le cerveau actif pour le stockage de la mémoire et la réflexion – un niveau d’activité cognitive généralement plus élevé. Il n’est peut-être pas surprenant que le niveau d’activité plus élevé impliqué dans notre cognition avancée s’accompagne d’un coût énergétique plus élevé.</p>
<p>En fin de compte, il semble que le cerveau humain ait évolué vers des niveaux de cognition aussi avancés non seulement parce que nous avons de gros cerveaux, ni seulement parce que certaines zones de notre cerveau se sont développées de manière disproportionnée, mais aussi parce que la connectivité s’est améliorée.</p>
<p>De nombreux animaux dotés d’un gros cerveau, comme les éléphants et les orques, sont très intelligents. Mais il semble qu’il soit possible d’avoir un gros cerveau sans développer les « bons » circuits pour une cognition de niveau humain.</p>
<p>Ces résultats nous aident à comprendre pourquoi les gros cerveaux sont si rares. Un cerveau de grande taille peut permettre l’évolution d’une cognition plus complexe. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’augmenter la taille des cerveaux et l’énergie au même rythme, mais d’assumer des coûts supplémentaires.</p>
<p>Cela ne répond pas vraiment à la question ultime : comment l’homme est-il parvenu à franchir le plafond de l’énergie cérébrale ? Comme souvent dans l’évolution, la réponse se trouve dans l’écologie, la source ultime d’énergie. La croissance et le maintien d’un cerveau de grande taille – quelles que soient les activités sociales, culturelles, technologiques ou autres auxquelles il est destiné – nécessitent un <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.1991.0111">régime alimentaire fiable et de qualité</a>.</p>
<p>Pour en savoir plus, nous devons explorer le dernier million d’années, la période où le cerveau de nos ancêtres s’est réellement développé, afin d’étudier cette interface entre la dépense énergétique et la cognition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le cerveau humain utilise 20 % de l'énergie que nous consommons, un chiffre élevé qui n’existe chez aucune autre espèce.Robert Foley, Emeritus Professor of Human Evolution, University of CambridgeMarta Mirazon Lahr, Professor of Human Evolutionary Biology & Director of the Duckworth Collection, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2047862023-09-19T13:49:55Z2023-09-19T13:49:55ZLa flexibilité cognitive est essentielle pour naviguer dans un monde en mutation. Voici comment votre cerveau apprend de nouvelles règles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531648/original/file-20230613-15-y6xoup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une classe de neurones inhibiteurs peut établir des connexions à longue distance entre les deux hémisphères du cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(kinbostanci/iStock via Getty Images Plus)</span></span></figcaption></figure><p>Dans un monde en constante évolution, la flexibilité et l’adaptation sont des qualités que l’on met en pratique tous les jours. Modifier des comportements familiers en réponse à de nouvelles situations, comme dans le cas d’un nouveau chantier qui vous oblige à changer d’itinéraire ou pour retrouver votre émission préférée après avoir téléchargé une nouvelle application de diffusion en continu, est une compétence essentielle.</p>
<p>Pour réaliser ces adaptations, votre cerveau modifie ses schémas d’activité au sein d’une structure appelée <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.neuro.24.1.167">cortex préfrontal</a>, une zone du cerveau essentielle pour les fonctions cognitives telles que l’attention, la planification et la prise de décision. Mais on ignore quels circuits précis « demandent » au cortex préfrontal d’actualiser ses schémas afin de modifier le comportement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i47_jiCsBMs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le cortex préfrontal du cerveau est responsable des fonctions exécutives telles que la maîtrise de soi et la prise de décision.</span></figcaption>
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<p>Notre équipe de <a href="https://scholar.google.com/citations?user=EYE8lYIAAAAJ&hl=en">neuroscientifiques</a>, étudie la manière dont le cerveau traite les informations et ce qui se passe lorsque cette fonction est altérée. Dans nos recherches récemment publiées, nous avons découvert une <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">catégorie particulière de neurones</a> dans le cortex préfrontal qui pourrait permettre une flexibilité du comportement et qui, lorsqu’ils présentent des dysfonctionnements, risquent de mener à des pathologies telles que la schizophrénie et les troubles bipolaires.</p>
<h2>Les neurones inhibiteurs et l’apprentissage de nouvelles règles</h2>
<p>Les <a href="https://www.brainfacts.org/brain-anatomy-and-function/cells-and-circuits/2021/how-inhibitory-neurons-shape-the-brains-code-100621">neurones inhibiteurs</a> atténuent l’activité d’autres neurones dans le cerveau. Jusqu’à présent, les chercheurs considéraient que ces neurones n’envoyaient leurs signaux électriques et chimiques qu’aux neurones situés à proximité. Cependant, nous avons découvert une catégorie particulière de neurones inhibiteurs dans le cortex préfrontal qui communiquent sur de longues distances avec ceux de l’hémisphère opposé du cerveau.</p>
<p>Nous nous sommes demandé si ces connexions inhibitrices à longue portée participaient à la coordination des changements dans les schémas d’activité des cortex préfrontaux gauche et droit. Ce faisant, ils pourraient fournir les signaux cruciaux qui vous aideraient à modifier votre comportement au bon moment.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image microscopique d’un interneurone" src="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522868/original/file-20230425-22-cg77ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les fluctuations de l’activité neuronale se manifestent sous forme d’ondes cérébrales ou d’oscillations neuronales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/G2ScFK">(NICHD/McBain Laboratory via Flickr)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Pour tester la fonction de ces connexions inhibitrices à longue portée, nous avons observé des souris effectuant une tâche qui leur exigeait d’apprendre une règle pour recevoir une récompense, puis de s’adapter à une nouvelle règle afin de continuer à recevoir la récompense. Cette tâche consistait pour les souris à creuser dans des bols pour y trouver de la nourriture cachée. Au départ, une odeur d’ail ou la présence de sable dans un bol peuvent indiquer l’emplacement de la nourriture cachée. L’indice caractéristique associé à la récompense change ensuite, ce qui oblige les souris à apprendre une nouvelle règle.</p>
<p>Nous avons découvert que la suppression des connexions inhibitrices à longue portée entre les cortex préfrontaux gauche et droit <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">provoquait chez les souris un blocage</a>, ou une persévérance, vis-à-vis d’une règle, et les empêchait d’en apprendre de nouvelles. Elles n’ont pas été capables de modifier leur stratégie et d’apprendre que l’ancien repère n’avait plus de sens et que le nouveau repère indiquait la présence de nourriture.</p>
<h2>Les ondes cérébrales et la flexibilité comportementale</h2>
<p>Nous avons également fait des découvertes surprenantes sur la manière dont ces connexions inhibitrices à longue portée créent une flexibilité comportementale. Plus précisément, elles synchronisent un ensemble d’« ondes cérébrales » appelées <a href="https://doi.org/10.1523/jneurosci.0990-16.2016">oscillations gamma</a> dans les deux hémisphères. Ce sont des fluctuations rythmiques de l’activité cérébrale qui se produisent environ 40 fois par seconde. Ces fluctuations peuvent être détectées pour de nombreuses fonctions cognitives, par exemple lorsque vous effectuez une tâche qui nécessite de garder des informations en mémoire ou de faire différents mouvements selon les informations affichées sur l’écran d’un ordinateur.</p>
<p>Bien que les scientifiques aient observé la présence d’oscillations gamma depuis plusieurs décennies, leur fonction est controversée. Beaucoup de chercheurs pensent que la synchronisation de ces fluctuations rythmiques dans diverses régions du cerveau n’a aucune utilité. D’autres ont émis l’hypothèse que cette synchronisation entre différentes régions du cerveau améliorait la communication entre ces régions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les fluctuations de l’activité neuronale se manifestent sous forme d’ondes cérébrales ou d’oscillations neuronales.</span></figcaption>
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<p>Nous avons trouvé un rôle potentiel complètement nouveau pour la synchronisation gamma. Lorsque les connexions inhibitrices à longue portée coordonnent les oscillations gamma dans les cortex préfrontaux gauche et droit, elles semblent également <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">ouvrir la communication entre eux</a>. </p>
<p>Quand les souris apprennent à ignorer une règle précédemment établie qui ne conduit plus à une récompense, ces connexions synchronisent les oscillations gamma et semblent empêcher un des hémisphères de maintenir des modèles d’activité inutiles dans l’autre hémisphère. En d’autres termes, les connexions inhibitrices à longue portée semblent éviter que les données provenant d’un hémisphère ne « se mettent en travers » de celles de l’autre hémisphère lorsque ce dernier essaie d’apprendre quelque chose de nouveau.</p>
<p>Par exemple, le cortex préfrontal gauche peut « remémorer » au cortex préfrontal droit votre itinéraire habituel pour vous rendre au travail. Mais lorsque des connexions inhibitrices à longue portée synchronisent ces deux zones, elles semblent également interrompre ces rappels, et permettre à de nouveaux schémas d’activité cérébrale correspondant à votre nouveau trajet de se mettre en place.</p>
<p>Enfin, ces connexions inhibitrices à longue portée <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-06012-9">déclenchent aussi des effets durables</a>. En coupant ces connexions, ne serait-ce qu’une seule fois, les souris ont eu du mal à apprendre de nouvelles règles plusieurs jours plus tard. À l’inverse, la stimulation rythmique de ces connexions pour synchroniser artificiellement les oscillations gamma peut inverser ces déficits et rétablir un apprentissage normal.</p>
<h2>Flexibilité cognitive et schizophrénie</h2>
<p>Les connexions inhibitrices à longue portée jouent un rôle important dans la flexibilité cognitive. L’incapacité à mettre à jour de manière appropriée les règles apprises précédemment constitue une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16965182/">forme caractéristique de déficits cognitifs</a> dans les troubles psychiatriques tels que la schizophrénie et les maladies affectives bipolaires.</p>
<p>La recherche a également mis en évidence des <a href="https://doi.org/10.1523/jneurosci.0990-16.2016">déficiences dans la synchronisation gamma</a> et des anomalies dans une catégorie de neurones inhibiteurs préfrontaux, dont ceux que nous avons étudiés, chez les personnes souffrant de schizophrénie. Dans ce contexte, notre étude suggère que les traitements qui ciblent ces connexions inhibitrices à longue portée peuvent contribuer à améliorer la cognition chez les individus atteints de schizophrénie en synchronisant les oscillations gamma.</p>
<p>De nombreux détails sur la manière dont ces connexions affectent les circuits cérébraux demeurent inconnus. Par exemple, nous ne savons pas exactement quelles cellules du cortex préfrontal reçoivent des informations de ces connexions inhibitrices à longue portée et modifient leurs schémas d’activité pour apprendre de nouvelles règles. Nous ignorons également s’il existe des voies moléculaires particulières qui produisent des changements durables dans l’activité neuronale. </p>
<p>La réponse à ces questions pourrait dévoiler la façon dont le cerveau passe avec souplesse de la conservation à la mise à jour d’informations anciennes, et conduire éventuellement à de nouveaux traitements de la schizophrénie et d’autres maladies psychiatriques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204786/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vikaas Sohal est financé par les National Institutes of Health, la Simons Foundation Autism Research Initiative, le UCSF Dolby Family Center for Mood Disorders et le Bay Area Psychedelic Research consortium.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kathleen Cho est financé par les National Institutes of Health, la Simons Foundation Autism Research Initiative, le UCSF Dolby Family Center for Mood Disorders et le Bay Area Psychedelic Research consortium.</span></em></p>Une meilleure compréhension des circuits cérébraux intervenant dans l’adaptation comportementale pourrait déboucher sur de nouvelles méthodes de traitement de plusieurs maladies, dont la schizophrénie.Vikaas Sohal, Professor of Psychiatry, University of California, San FranciscoKathleen Cho, Principal Investigator in Neuroscience, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128312023-09-13T19:52:24Z2023-09-13T19:52:24ZPourquoi les discriminations nourrissent l’ignorance – et inversement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548083/original/file-20230913-15-v3c4g9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C0%2C743%2C443&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Margaret Qualley, dans la série Maid, interprète une jeune femme devenue femme de ménage pour échapper à une relation abusive. Son personnage, discriminé, éprouve des difficultés à rendre compte de son expérience afin d’être comprise par son entourage. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>En 2021, une <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/fc5a96e5fc19ccdcf46fd9d55339591b/Dares%20Analyses_testing_discrimination_embauche.pdf">étude menée sous l’égide de la DARES</a> sur les discriminations <a href="https://theconversation.com/quy-a-t-il-de-discriminant-dans-un-cv-les-enseignements-de-la-recherche-experimentale-151808">à l’embauche</a> conduit à la conclusion suivante : « en moyenne, à qualité comparable, les candidatures dont l’identité suggère une origine maghrébine ont 31,5 % de chances de moins d’être contactées par les recruteurs que celles portant un prénom et nom d’origine française ». Plus généralement, en dix ans, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6473349">l’Insee constate une hausse de 4 points</a> des discriminations dont les trois principales sources sont le sexe, l’origine et l’âge. Face à une telle tendance, le <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rap-origine-num-15.06.20.pdf">Défenseur des droits</a> en appelait à « l’urgence d’agir » et rappelait que « ces discriminations, souvent peu visibles, entravent de façon durable et concrète les parcours de millions d’individus, mettant en cause leurs droits les plus fondamentaux ».</p>
<p>Si de nombreux travaux issus de disciplines comme <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2019-1-page-91.htm">l’économie</a>, la <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-soc-071811-145508">sociologie</a> ou la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2014-05943-001">psychologie</a> nous offrent des ressources pour penser ce problème, qu’en est-il de la philosophie contemporaine ?</p>
<p>Une réponse pourrait se trouver dans le concept d’<a href="https://ndpr.nd.edu/reviews/epistemic-injustice-power-and-the-ethics-of-knowing/">« injustice épistémique »</a> forgé par la philosophe Miranda Fricker qui identifie une cause des discriminations dans nos attitudes intellectuelles. À la lumière de cette notion, les injustices sociales ne sont plus seulement liées au fait de mal agir mais également de « mal penser ».</p>
<p>Cette notion est un facteur qui aggrave systématiquement ces injustices – quelle que soit leur nature.</p>
<p>En effet, l’ignorance et l’absence de recul quant à nos propres préjugés, et la confusion entre culture dominante et intelligence entretient ce phénomène.</p>
<p>L’appartenance à un groupe social dominant peut ainsi conduire à croire que son raisonnement est « le bon », « le seul » voire « le meilleur » donc supérieur par nature à celui des groupes dominés. En parallèle, l’accès aux connaissances et le temps disponible pour apprendre et s’informer sont inégalement distribués selon les milieux sociaux ou les habitudes familiales ; or ce sont, entre autres, les connaissances qui permettent de raisonner, de se mettre à la place d’autrui, d’accéder aux débats d’idées. </p>
<h2>Qu’est-ce que l’« injustice épistémique » ?</h2>
<p>Partons de nos vies ordinaires et de l’importance que notre crédibilité joue dans les relations sociales. Pour construire des relations de confiance donc, tout simplement, d’initier notre processus d’intégration à la société, nous avons un double besoin : d’une part, être cru donc jugé comme digne de confiance et, d’autre part, être compris. Si un individu ment de manière répétée, il est probable que sa crédibilité soit remise en cause ; et c’est là une conclusion raisonnable et juste à en tirer.</p>
<p>Toutefois, si la crédibilité d’une personne est remise en cause en raison de son statut social c’est-à-dire de son appartenance à un groupe social particulier alors on peut parler d’injustice épistémique. « Injustice » car c’est un droit inaliénable que d’être reconnu dans sa capacité à raisonner. Comme le rappelle l’article premier de la <a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». « Epistémique » car cette injustice est relative au domaine de la connaissance.</p>
<h2>Discrédit et incompréhension</h2>
<p>Dans son célèbre ouvrage <em>Epistemic Injustice. Power and the Ethics of Knowing</em> publié en 2007, Miranda Fricker théorise l’injustice épistémique à partir de ces deux formes : testimoniale et herméneutique.</p>
<p>L’injustice testimoniale est un discrédit intellectuel attribué à autrui en raison de son statut social et nourri par les préjugés. Un premier exemple que cite Miranda Fricker est celui d’un policier qui ne croit par une personne en raison de sa couleur de peau. Un autre est tiré du film <em>Le talentueux Mr Ripley</em> où le personnage Herbert Greenleaf décrédibilise l’accusation pour meurtre défendue par Marge Sherwood en déclarant : « Marge, il y a l’intuition féminine et puis il y a les faits ». Par ces mots, Greenleaf discrédite Marge non au regard du contenu de ses propos ou de son attitude intellectuelle mais de son genre. Dans la suite du récit, cette remarque sexiste lui permettra d’écarter tout soupçon à son égard jusqu’à ce que soit réhabilité la parole de Marge et, ainsi, découvert le véritable coupable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548355/original/file-20230914-15-vj9s66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour bien raisonner, encore faut-il avoir conscience de ses privilèges.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/32945713230/in/album-72157691229705502/">Flickr / Jeanne Menjoulet</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Lorsqu’une situation, comme celle vécue par Marge, se présente, alors la personne discriminée peut éprouver des difficultés à rendre compte de son expérience afin d’être comprise. Pour Miranda Fricker, le second type d’injustice épistémique qualifié d’herméneutique trouve son origine dans les ressources interprétatives collectivement partagées. Ainsi, il est difficile pour la victime de formuler des énoncés compréhensibles car les mots ou les faits qu’elle relate sont absents du langage ou de la culture de son groupe. Un cas saillant est celui du harcèlement sexuel que la culture dominante rend difficile à tant à dénoncer qu’à énoncer en raison de l’absence de notions communes pour nommer ce genre de faits.</p>
<p>Les deux formes d’injustice épistémique nourrissent l’ignorance des oppresseurs. Dans un cas, ils se rendent coupables de leur bêtise par car ils se laissent guider par leurs préjugés. Dans le second, ils sont en partie victimes de la situation intellectuelle de leur groupe qui présente des carences en matière de ressources interprétatives.</p>
<h2>Un problème démocratique</h2>
<p>Du point de vue des opprimés, les enjeux démocratiques de notre problème sont évidents : privés du droit à l’égale dignité, méprisés intellectuellement, l’attitude des oppresseurs participe à les exclure de l’espace public. L’aveuglement partagé quant aux récits de leurs expériences conduit à exclure leurs points de vue de l’espace de formation du jugement et de décision. La riche littérature évoquée en introduction de cet article permet de mesurer les conséquences pratiques d’un tel état de fait.</p>
<p>Du point des oppresseurs, que l’on aimerait ignorer mais que le respect de l’égale dignité nous interdit, le problème se situe dans l’impossibilité d’accéder à une citoyenneté libre car éclairée. <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/lumieres">En termes kantiens</a>, la difficulté est liée à l’incapacité de l’oppresseur à sortir de son état de « minorité » pour parvenir à celui de « majorité ». Cette minorité « consiste dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui » et, plus encore, dans le manque de désir de penser par soi-même. Les préjugés acquis, souvent involontairement, dès l’enfance et développés au cours de son histoire personnelle placent l’oppresseur dans un état d’aliénation que les philosophes de Lumières ont combattu avec force.</p>
<p>Comme le rappelait Kant dans <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/lumieres"><em>Qu’est-ce que les Lumières ?</em></a>, « la diffusion des lumières n’exige autre chose que la liberté, et encore la plus inoffensive de toutes les libertés, celle de faire publiquement usage de sa raison en toutes choses ». Or, notre malheur en la matière est qu’« il est […] difficile pour chaque individu en particulier de travailler à sortir de la minorité qui lui est presque devenue une seconde nature ».</p>
<h2>Comment résister à la bêtise pour devenir un citoyen libre et éclairé ?</h2>
<p>« Sapere aude » (« Ose savoir ») pourrait-on déclarer avec Kant qui voyait, dans cette injonction au courage d’utiliser sa propre intelligence, « la devise des lumières ». Aussi, dans la continuité de la théorie développée par Miranda Fricker qui conçoit l’injustice épistémique comme un vice intellectuel, la résistance à la bêtise impliquerait de résister aux vices et de cultiver la vertu. Par exemple, il s’agirait pour chacun de lutter contre sa propre arrogance intellectuelle qui le conduit à mépriser la capacité d’autrui à penser ou encore sa paresse de l’esprit qui le pousse à se contenter de ses préjugés et de ses fausses croyances.</p>
<p>Toutefois, la raison seule ne saurait suffire. Si l’on suit les traces de <a href="https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/les-vertus-epistemiques/responsabilisme-vertus-epistemiques-et-vertus-morales">la philosophe Linda Zagzebski</a>, la vertu est une motivation stable à poursuivre le bien. En matière de connaissance, cela implique donc que résister à la bêtise passe par la régulation de nos désirs en direction de la vérité et de la connaissance. Sans ce désir de la vérité et de la connaissance, indispensable pour devenir maître de ses pensées, l’individu peinera à revoir ses jugements tant ce qui le guide n’est pas le vrai mais plutôt ce qui comble d’autres désirs (le pouvoir, l’argent, la gloire, l’autorité, la certitude, le désir d’avoir raison, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ah-ces-chinois-ils-travaillent-dur-quand-le-racisme-se-veut-bienveillant-147305">« Ah ces Chinois, ils travaillent dur ! » : quand le racisme se veut « bienveillant »</a>
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<hr>
<p>Enfin, la résistance à l’injustice épistémique ne saurait se réduire à un travail individuel sur ses propres croyances. C’est là un aspect important de la théorie de Miranda Fricker qui relie la connaissance à la politique. En effet, les institutions démocratiques, portées par l’État, joue un rôle central de garant des libertés. Dès lors, on attend d’elles un certain pouvoir de régulation de nos mauvaises conduites notamment celles injustes qui nuisent à la liberté d’autrui.</p>
<p>En premier lieu, on peut <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2015-2-page-105.htm">légitimement attendre de l’école</a> qu’elle favorise la formation vertueuse de nos intelligences et nourrissent en chaque citoyen le goût voire le désir de la vérité, de la liberté, de la raison et de la justice. Ensuite, il est impératif que la culture épistémique des institutions publiques (police, justice, etc.) place au cœur de ses principes le sens de la vertu et la résistance aux vices. Enfin, un espace public qui garantit la libre expression des conflits et garantit aux <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2013-12-page-978.htm&wt.src=pdf">opprimés la possibilité de dénoncer les injustices</a> qu’ils subissent est indispensable à l’établissement d’une société véritablement démocratique. C’est en ce sens que le <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2013-12-page-978.htm&wt.src=pdf">philosophe José Médina</a>, à la suite de Fricker, invite à la « résistance épistémique » c’est-à-dire « l’utilisation de nos ressources épistémiques et de nos capacités pour affaiblir et changer les structures normatives de l’oppression ainsi que les formes complaisantes du fonctionnement cognitif-affectif qui soutiennent ces structures ».</p>
<p>Les récits de fiction qui mettent en avant des expériences de vie invisibilisées ou les mouvements sociaux qui remettent en cause l’ordre dominant quant à la manière de penser le sexe, la famille ou le travail sont de bons exemples de cette « résistance épistémique ». Par cette lutte, les opprimés participent à leur propre émancipation ainsi qu’à celles de leurs oppresseurs aliénés par l’ignorance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212831/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ousama Bouiss ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les injustices sociales et les discriminations sont causées, entre autres, par des raisonnements trop peu informés et qui manquent de recul.Ousama Bouiss, Doctorant en stratégie et théorie des organisations, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1919942022-10-11T14:52:41Z2022-10-11T14:52:41ZLes récipiendaires de prix Nobel sont des personnes créatives qui sortent des sentiers battus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488358/original/file-20221005-26-yktx34.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C17%2C5657%2C3763&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carolyn Bertozzi, professeure à Stanford, discute de ses recherches lors d'une entrevue, peu après avoir appris qu'elle avait reçu le prix Nobel de chimie, le 5 octobre dernier. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Noah Berger)</span></span></figcaption></figure><p>Les experts recommandent souvent que pour <a href="https://www.forbes.com/sites/joshbersin/2012/03/09/why-leaders-must-be-experts-keys-to-success-from-ge/?sh=26db7fd12cf3">maximiser ses chances de réussite</a>, une personne devrait se <a href="https://hbr.org/2011/07/the-big-idea-the-age-of-hyperspecialization">spécialiser ou faire ses recherches dans un domaine en particulier</a>. Pourtant, nos travaux récemment publiés révèlent que le succès des visionnaires passe par une approche plus large.</p>
<p>Nous avons examiné les carrières des <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/lists/all-nobel-prizes/">lauréats du prix Nobel</a>, qui comptent sans doute parmi les individus les plus innovants au monde. Nous avons constaté qu’ils sont <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2020.1751545">particulièrement susceptibles</a> d’être ce que nous appelons des « polymathes créatifs ». En d’autres termes, ils <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2022.2051294">intègrent délibérément des expertises formelles et informelles</a> provenant de disciplines très variées pour produire des idées et des pratiques nouvelles et utiles.</p>
<p>En fait, le témoignage de scientifiques primés qui ont été les élèves de lauréats précédents suggère que la polymathie créative est une compétence qui s’apprend. Nous nous sommes penchés sur certains d’entre eux dans nos livres <a href="https://worldcat.org/title/25233880">« Discovering »</a> et <a href="https://worldcat.org/title/47906414">« Sparks of Genius »</a>.</p>
<p>Nombre de ces lauréats décèlent des problèmes en abordant des sujets de manière nouvelle, ou les résolvent en transférant des compétences, des techniques et des matériaux d’un domaine à un autre. Ils utilisent souvent des <a href="https://worldcat.org/title/47906414">outils conceptuels</a> tels que les analogies, reconnaissance de formes, la cognition incarnée, l’interprétation de rôles et la modélisation. Dans un exemple notoire, <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1912/carrel/facts/">Alexis Carrel</a> a remporté son prix Nobel de médecine en 1912 en adaptant des <a href="https://www.thedailybeast.com/organ-transplantation-owes-a-great-debt-to-this-19th-century-french-embroiderer">techniques de dentelle et de broderie à la chirurgie de transplantation</a>.</p>
<h2>Un psychologue, inventeur et économiste</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme en costume assis derrière un bureau couvert de livres et de papiers" src="https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485692/original/file-20220920-9768-362gpb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Herbert Simon, lauréat du prix Nobel d’économie en 1978.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/HERBERTSIMONECONOMIST/21e580304ee1da11af9f0014c2589dfb/photo">AP Photo</a></span>
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<p>Herbert Simon a reçu le prix Nobel d’économie en 1978 pour « ses recherches avant-gardistes sur le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/1978/summary/">processus de prise de décision au sein des organisations économiques</a> ».</p>
<p>Il était professeur dans <a href="http://diva.library.cmu.edu/Simon/">plusieurs départements de l’université Carnegie Mellon</a>. Ses collègues le qualifiaient souvent d’ <a href="https://publisher.abc-clio.com/9780313017049/">« esprit universel »</a> en raison de son vaste éventail d’intérêts et de sa grande curiosité. Au cours de sa carrière, il a apporté des contributions majeures à la recherche en informatique, en intelligence artificielle, en psychologie et en philosophie, ainsi qu’en économie.</p>
<p>Outre ses travaux universitaires, Simon s’intéressait également <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262691857/models-of-my-life/">au piano, à la composition musicale</a>, au dessin, à la peinture et aux échecs.</p>
<p>Il faisait souvent référence à la stimulation intellectuelle, au plaisir émotionnel et aux nouvelles idées qu’il tirait de l’intégration de ses nombreux passe-temps dans son travail.</p>
<p>« <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262691857/models-of-my-life/">Je peux rationaliser toute activité dans laquelle je m’engage</a> comme étant simplement une autre forme de recherche sur la cognition », a-t-il déclaré dans son autobiographie de 1996. Il a ajouté : « <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262691857/models-of-my-life/">Je peux toujours considérer mes passe-temps</a> comme faisant partie de mes recherches. »</p>
<h2>Une généticienne, illustratrice et auteure de livres de cuisine</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme assise devant un ordinateur dans un bureau rempli d’illustrations et de livres" src="https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485693/original/file-20220920-15-cz6ne9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Christiane Nüsslein-Volhard, lauréate du prix Nobel de physique en 1995.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/july-2020-baden-wuerttemberg-t%C3%BCbingen-christiane-n%C3%BCsslein-news-photo/1227734046">Marijan Murat/picture alliance via Getty Images</a></span>
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<p>Christiane Nüsslein-Volhard a réuni des compétences tout aussi diverses pour décrocher le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1995, qui lui a été décerné pour ses <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1995/nusslein-volhard/facts/">« découvertes concernant le contrôle génétique du développement embryonnaire précoce »</a>.</p>
<p><a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1995/nusslein-volhard/interview">« Je suis très curieuse et j’aime comprendre les choses »</a>, a-t-elle déclaré lors d’une interview en 2003, « et pas seulement en sciences… ». J’ai aussi fait de la musique et j’ai étudié les langues et la littérature, entre autres. »</p>
<p>Cela inclut des incursions en tant qu’<a href="https://thenode.biologists.com/interview-christiane-nusslein-volhard/interview/">illustratrice, conceptrice de casse-têtes et auteure</a> d’un livre de cuisine très populaire.</p>
<p>Quand elle était étudiante en sciences, Nüsslein-Volhard s’est montrée tout aussi ouverte d’esprit, passant par la physique, la physicochimie et la biochimie avant de choisir l’embryologie. Ses nombreux intérêts professionnels et personnels se sont avérés utiles pour imaginer de nouvelles questions et techniques, et pour produire des résultats inédits. Elle <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1995/nusslein-volhard/interview/">conseille aux chercheurs de faire preuve d’autant de souplesse et d’idiosyncrasie</a>.</p>
<p>Dans une interview de 2017, elle a déclaré : « <a href="https://thenode.biologists.com/interview-christiane-nusslein-volhard/interview/">Vous devriez, dans la mesure du possible, éviter les sujets traditionnels</a> et changer de domaine après votre doctorat afin de pouvoir développer un profil individuel et travailler sur un sujet original, que vous aurez vous-même choisi. »</p>
<h2>L’importance de la polymathie créative</h2>
<p>Ce que nous avons constaté, c’est que Carrel, Nüsslein-Volhard et Simon correspondent au profil type des lauréats du prix Nobel, mais pas du tout à celui de la plupart des professionnels. Dans le cadre de <a href="https://scholar.google.com/citations?user=_a_E9pgAAAAJ&hl=en&oi=ao">notre recherche sur la créativité</a> au cours des 20 dernières années, nous avons rassemblé des informations sur le travail, les loisirs et les intérêts de 773 lauréats d’économie, littérature, paix, physique, chimie et physiologie ou médecine entre 1901 et 2008.</p>
<p>Notre constat est que la grande majorité de ces personnes reçoivent ou ont reçu une éducation formelle – et souvent aussi informelle – dans <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2020.1751545">plus d’une discipline</a>, qu’ils pratiquent de manière soutenue ou extensive et changent couramment de domaine. Plus important encore, nous avons découvert qu’ils ont <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2022.2051294">intentionnellement recherché des liens utiles</a> entre leurs diverses activités comme stratégie formelle pour stimuler la créativité.</p>
<p>Notre analyse révèle que les scientifiques qui remportent un prix Nobel sont environ <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2020.1751545">neuf fois plus susceptibles</a> de posséder une formation dans des métiers tels que le travail du bois et du métal ou les beaux-arts que le scientifique type.</p>
<p>Et contrairement à la plupart des experts en sciences sociales ou autres étudiants en sciences humaines, les <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2020.1751545">lauréats du prix Nobel d’économie</a> ont presque tous une formation en mathématiques, en physique ou en astronomie. Ceux du prix Nobel de littérature sont environ <a href="https://doi.org/10.1080/10400419.2020.1751545">trois fois plus enclin</a> à être des artistes et 20 fois plus à être des acteurs que les membres du grand public.</p>
<p>À la différence des <a href="https://arxiv.org/abs/2108.12759v2">professionnels types</a> qui <a href="https://doi.org/10.1207/s15326934crj0802_2">considèrent leurs loisirs comme non pertinents</a> ou même nuisibles à leur travail, les lauréats du prix Nobel perçoivent leurs intérêts et leurs passe-temps variés comme d’importantes sources de stimulation.</p>
<p>Comme l’a dit le dramaturge et acteur Dario Fo, lauréat du prix Nobel de littérature en 1997, et également peintre, dans une interview : « <a href="https://donaldfriedman.com/books/the-writers-brush/">Parfois, je dessine mes pièces de théâtre</a> avant de les écrire, et d’autres fois, lorsque j’ai des difficultés avec une pièce, j’arrête d’écrire pour pouvoir illustrer l’action en images afin de résoudre le problème. »</p>
<p>Nous avons constaté que la plupart des lauréats du prix Nobel ont fait des déclarations équivalentes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un médaillon en métal sur lequel est reproduit le profil d’un homme en relief" src="https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=577&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485699/original/file-20220920-18-xy06q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=725&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Léonard de Vinci, représenté sur ce médaillon, était un célèbre polymathe de la Renaissance européenne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/medalion-depicting-leonardo-da-vinci-leonardo-di-ser-piero-news-photo/1414123095">Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Favoriser la polymathie créative</h2>
<p>Nous pensons qu’il est possible de favoriser l’interaction fructueuse d’intérêts très variés. Une étude a révélé que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/279985369_Double_Majors_Influences_Identities_and_Impacts">gens qui ont une double spécialisation à l’université</a> sont plus disposés à adopter des comportements créatifs ou à devenir des entrepreneurs que ceux qui ne se consacrent qu’à une seule matière.</p>
<p>Une autre étude a démontré que le <a href="https://doi.org/10.1207/s15326934crj1202_1">fait d’avoir un passe-temps régulier et intellectuellement stimulant</a> – comme la musique, le théâtre, les expositions d’art visuel, les échecs de compétition ou la programmation informatique – constitue un meilleur indicateur de réussite professionnelle dans n’importe quel domaine que les notes, les résultats aux tests normalisés ou le QI. De même, nos propres recherches ont montré que les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1807189116">scientifiques de carrière se consacrant à des loisirs manuels réguliers</a> sont nettement <a href="https://doi.org/10.21300/20.3.2019.197">plus susceptibles de déposer des brevets</a> et de <a href="https://doi.org/10.1177/0891242413486186">créer de nouvelles entreprises</a> que les autres.</p>
<p>Selon nous, un monde de plus en plus complexe et varié a besoin non seulement d’experts spécialisés, mais aussi de généralistes créatifs, c’est-à-dire les polymathes qui se spécialisent dans la diversité et l’intégration, et qui poussent les connaissances au-delà de ce que les gens croient déjà possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191994/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les prix Nobel sont décernés à certaines des personnes les plus innovantes au monde. Les chercheurs qui étudient la créativité recensent ici leurs points communs ; ils expliquent ce que les gens ordinaires peuvent apprendre d’eux et comment ils peuvent les imiter.Robert Root-Bernstein, Professor of Physiology, Michigan State UniversityMichele Root-Bernstein, Adjunct Professor of Theater, Michigan State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841272022-07-11T13:35:01Z2022-07-11T13:35:01ZVoici pourquoi nous sommes plus intelligents que les chimpanzés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468247/original/file-20220610-31880-ijyfui.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C6%2C4552%2C3055&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nouvelles recherches ont comparé le cerveau des chimpanzés et des macaques à celui des humains.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’être humain est sans égal dans le domaine de la cognition. Après tout, aucune autre espèce n’a envoyé de sondes vers d’autres planètes, produit des vaccins qui sauvent des vies ou créé de la poésie. La façon dont les informations sont traitées dans le cerveau humain pour rendre tout cela possible est une question qui suscite une immense fascination, mais qui n’a toujours pas trouvé de réponse définitive.</p>
<p>Notre compréhension du fonctionnement du cerveau a évolué au fil des ans. Les modèles théoriques actuels décrivent le cerveau comme un <a href="https://mitpress.universitypressscholarship.com/view/10.7551/mitpress/9780262514620.001.0001/upso-9780262514620">« système distribué de traitement de l’information »</a>. Cela signifie qu’il possède des composants distincts étroitement reliés entre eux par le câblage du cerveau. Pour interagir entre elles, les différentes zones échangent de l’information grâce à un système de signaux d’entrée et de sortie.</p>
<p>Cela ne constitue toutefois qu’une petite partie d’une image complexe. Dans une étude <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-022-01070-0">publiée dans la revue scientifique <em>Nature Neuroscience</em></a>, nous montrons, à l’aide de données provenant de différentes espèces et de plusieurs disciplines neuroscientifiques, qu’il n’existe pas qu’un seul type de traitement de l’information dans le cerveau. De plus, la façon dont l’information est traitée n’est pas la même chez les humains et les autres primates, ce qui pourrait expliquer pourquoi les capacités cognitives de notre espèce sont à ce point supérieures.</p>
<p>Nous avons repris des concepts de ce que l’on appelle le <a href="https://people.math.harvard.edu/%7Ectm/home/text/others/shannon/entropy/entropy.pdf">cadre mathématique de la théorie de l’information</a> – l’étude de la mesure, du stockage et de la communication des informations numériques, qui est essentielle pour des technologies telles qu’Internet et l’intelligence artificielle – afin de comprendre comment le cerveau traite l’information. Nous avons découvert que les zones du cerveau n’ont pas toutes recours aux mêmes stratégies pour interagir entre elles.</p>
<p>Certaines régions du cerveau partagent des informations d’une façon très élémentaire, en utilisant des entrées et des sorties. Cela garantit que les signaux sont transmis de manière reproductible et fiable. C’est le cas des zones spécialisées dans les fonctions sensorielles et motrices (telles que le traitement des informations sonores, visuelles et liées au mouvement).</p>
<p>Ainsi, les yeux envoient des signaux à l’arrière du cerveau pour leur traitement. La majorité des informations sont fournies en double, puisqu’elles sont communiquées par chaque œil. En d’autres termes, la moitié d’entre elles ne sont pas nécessaires. Nous appelons « redondant » ce type de traitement de l’information entrées-sorties.</p>
<p>Cependant, la redondance assure solidité et fiabilité – c’est ce qui nous permet de voir encore avec un seul œil. Cette capacité est essentielle à la survie. En fait, elle est si capitale que les connexions entre ces régions du cerveau sont câblées anatomiquement dans le cerveau, un peu comme une ligne de téléphonie fixe.</p>
<p>Ce ne sont toutefois pas toutes les informations fournies par les yeux qui sont redondantes. La combinaison des informations transmises par les deux yeux permet au cerveau de traiter la profondeur et la distance entre les objets. Cela constitue la base de nombreux types de lunettes 3D au cinéma.</p>
<p>Il s’agit d’un exemple d’une manière fondamentalement différente de traiter l’information et qui s’avère plus grande que la somme de ses parties. Nous appelons « synergique » ce type de traitement de l’information où des signaux complexes provenant de différents réseaux cérébraux sont intégrés.</p>
<p>Le traitement synergique est le plus répandu dans les zones du cerveau qui gèrent un large éventail de fonctions cognitives complexes, telles que l’attention, l’apprentissage, la mémoire de travail, la cognition sociale et numérique. Il n’est pas câblé, ce qui signifie qu’il peut changer en fonction de nos expériences, en connectant différents réseaux de différentes manières. Cela facilite la combinaison d’informations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Images IRM du cerveau humain" src="https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465482/original/file-20220526-22-qp2590.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cerveau humain est extrêmement complexe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/mri-brain-scan-background-magnetic-resonance-1054661900">(Shutterstock)</a></span>
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<p>Les régions à grande synergie – principalement à l’avant et au milieu du cortex (la couche externe du cerveau) – intègrent différentes sources d’information provenant de l’ensemble du cerveau. Elles sont donc plus largement et plus efficacement connectées au reste du cerveau que les régions qui traitent les informations sensorielles primaires et celles liées au mouvement.</p>
<p>Les zones à haute synergie qui facilitent l’intégration des informations sont aussi généralement dotées de nombreuses synapses, ces connexions microscopiques qui permettent aux cellules nerveuses de communiquer.</p>
<h2>Notre particularité vient-elle de la synergie ?</h2>
<p>Nous voulions savoir s’il y a une différence dans la capacité à accumuler et à construire des informations grâce à des réseaux complexes dans le cerveau des humains et celui des autres primates, qui sont de proches parents de nos ancêtres sur le plan de l’évolution.</p>
<p>Dans ce but, nous avons examiné les données d’imagerie cérébrale et les analyses génétiques de différentes espèces. Nous avons constaté que les interactions synergiques représentent une plus grande proportion du flux total d’informations dans le cerveau humain que dans celui des macaques. Par contre, les cerveaux des deux espèces sont égaux en termes de recours aux informations redondantes.</p>
<p>Nous avons également étudié plus particulièrement le cortex préfrontal, une zone située à l’avant du cerveau qui gère un fonctionnement cognitif complexe. Chez les macaques, le traitement des informations redondantes est plus répandu dans cette région que chez les humains, chez qui il s’agit plutôt d’une zone à forte synergie.</p>
<p>Le cortex préfrontal a <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28162899/">connu une importante expansion</a> au cours de l’évolution. En observant des données provenant de cerveaux de chimpanzés, nous avons constaté que plus la taille d’une région du cerveau humain avait augmenté au cours de l’évolution par rapport à la même région chez le chimpanzé, plus son fonctionnement reposait sur la synergie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image de singes macaques rhésus au temple de Swayambhunath, au-dessus de Katmandou" src="https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465479/original/file-20220526-19-llc489.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Singes macaques rhésus au temple de Swayambhunath au Népal.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kathmandu-nepal-april-202022-rhesus-macaques-2149794919">(Shutterstock)</a></span>
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</figure>
<p>Nous avons également examiné des <a href="https://www.nature.com/articles/nature11405">analyses génétiques</a> de donneurs humains. Elles ont montré que les régions du cerveau associées au traitement des informations synergiques sont plus susceptibles d’exprimer des gènes qui sont uniquement humains et liés au développement et à des fonctions cérébrales, comme l’intelligence.</p>
<p>Cela nous a menés à conclure que le tissu cérébral humain acquis au cours de l’évolution pourrait être principalement dédié à la synergie. Il est tentant de présumer que les avantages d’une synergie accrue peuvent expliquer, en partie, les capacités cognitives supérieures de notre espèce. La synergie pourrait ajouter une pièce importante, qui manquait jusqu’ici, au casse-tête de l’évolution du cerveau humain.</p>
<p>En conclusion, nos travaux révèlent comment le cerveau humain navigue entre fiabilité et intégration des informations, sachant que les deux sont nécessaires. Le cadre que nous avons élaboré permettra d’apporter de nouvelles informations essentielles à de nombreuses questions neuroscientifiques, allant de la cognition générale aux troubles cognitifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184127/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel A Stamatakis a reçu des financements de l'Institut canadien de recherches avancées et de la bourse Stephen Erskine, Queens' College, Université de Cambridge.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrea Luppi a reçu des financements d'une bourse d'études Gates Cambridge.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Menon a reçu des financements du National Institute for Health Research (Royaume-Uni), du UK Research and Innovation (UKRI), du Medical Research Council (Royaume-Uni), de l'Institut canadien de recherches avancées (ICRA), du Addenbrooke's Charitable Trust et du Brain Research Trust (Royaume-Uni). Il a conclu des accords de consultation ou de collaboration de recherche avec NeuroTrauma Sciences LLC, Gryphon Inc, GlaxoSmithKline Ltd ; Lantmannen AB ; Pressure Neuro Ltd ; Integra NeuroSciences Ltd ; Cortirio Ltd ; et Calico LLC.</span></em></p>Les cerveaux humains semblent être configurés différemment de ceux des chimpanzés ou des macaques.Emmanuel A Stamatakis, Lead, Cognition and Consciousness Imaging Group, Division of Anaesthesia, University of CambridgeAndrea Luppi, PhD candidate in Neuroscience, University of CambridgeDavid Menon, Professor, Head of Division of Anaesthesia, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1846062022-06-09T22:11:27Z2022-06-09T22:11:27ZScientifiquement, le HPI n’existe pas<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467510/original/file-20220607-15990-1vqi5a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C7%2C1258%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le terme «&nbsp;potentiel&nbsp;» ne recouvre qu’une probabilité d’évolution qui peut être en lien -- ou non -- avec l’intelligence et le talent.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1176626">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On n’a jamais autant entendu parler du concept de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/haut-potentiel-intellectuel-hpi-123413">« haut potentiel intellectuel », ou HPI</a>. La série éponyme, qui met en scène une jeune femme d’origine modeste embauchée comme consultante par la police pour résoudre des affaires et dont la saison 2, diffusée par TF1 ce printemps, a <a href="https://www.20minutes.fr/arts-stars/television/audiences_tv/3301603-20220603-audiences-tv-audrey-fleurot-roule-concurrence-hpi-tf1">enregistré de fortes audiences</a>. Quant à la presse, elle commence à s’intéresser au marché florissant des diagnostics de HPI, qui se monnayent <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/enfant-ado/hpi-enquete-sur-un-tres-juteux-marche_5174587.html">jusqu’à 700 euros</a>, en s’interrogeant notamment sur les <a href="https://www.liberation.fr/international/diagnostics-hpi-le-business-de-la-course-a-lintelligence-20220605_7ZIUEVBC25HYVO5556SFMK4TAU/">arnaques</a> qui peuvent exister en la matière. Cette interrogation apparaît en effet d’autant plus légitime que le concept de HPI ne repose sur une aucune réalité démontrée scientifiquement.</p>
<p>Comment définir les HPI sans emprunter, voire empiéter, sur les concepts de don (de l’anglais <em>gift</em>, le don, ayant abouti à <em>gifted</em>, doué), d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-21874">intelligence</a> ou encore de potentiel tellement à la mode aujourd’hui ? L’étude de l’intelligence et des intelligences multiples n’est pourtant pas nouvelle ; le psychologue américain Louis Leon Thurstone y travaillait déjà en 1927. Après avoir fait passer des tests à un panel de plus de 200 étudiants, il démontra que l’intelligence était en fait composée de sept facteurs distincts les uns des autres : (1) la vitesse perceptive, (2) la vitesse numérique, (3) la fluidité verbale, (4) la pertinence verbale, (5) l’aptitude spatiale, (6) la mémoire et (7) le raisonnement. Il les appela les « aptitudes primaires mentales ». Et en 1983, Howard Gardner, autre psychologue américain confirmera cette acception de complexité. On ne parlera alors plus d’unicité de l’intelligence mais d’intelligences multiples.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce de la série HPI qui a contribué à populariser le concept (TF1, avril 2022).</span></figcaption>
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<p>Un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/quotient-intellectuel-qi-112778">quotient intellectuel, ou QI</a>, se mesure. Dans l’acception de la <a href="https://www.mensa.org/">Mensa</a>, il s’évalue sur la base d’un écart à la moyenne ou de l’appartenance à une minorité statistique en termes de réussite à des tests. La méthode <a href="https://enfant-surdoue.fr/intelligence_et_tests/les_tests_de_qi/test_de_wechsler/wechsler-adult-intelligence-scale/">WAIS</a> permet de réaliser une mesure psychométrique, autrement dit de calculer un QI : en créant sa propre échelle de mesure de l’intelligence en 1939, l’ambition du psychologue américain David Wechsler était de concurrencer le <a href="https://stringfixer.com/fr/Stanford-Binet_IQ_test">test de Stanford-Binet</a> qui était alors l’outil de référence. Le QI est donc le résultat d’une série d’épreuves en lien avec le verbe, le chiffre, l’espace ou encore le mouvement permettant de parvenir à un score positionnant l’individu au sein de panels sociaux. Au-delà de certaines moyennes, celui-ci est considéré comme HQI, autrement dit doté d’un « haut quotient intellectuel ».</p>
<h2>Le HPI, une probabilité</h2>
<p>On parle alors facilement de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/talents-63363">talent</a> ; or, le talent n’est pas la même chose que le HQI. Dans son cas, on dénote la présence de compétences remarquables chez l’individu, compétences parfaitement distinctives et identifiables mais qui ne sont pas forcément la conséquence de la présence d’une intelligence atypique. En effet, contrairement à la compétence, le talent correspond à une excellence individuelle qui se manifeste dans un domaine précis et à un moment donné. Mais à l’inverse du QI, le talent ne se mesure pas. En ce sens, si les personnes HQI sont la plupart du temps talentueuses du point de vue leur efficience, <a href="http://www.sietmanagement.fr/modele-des-capacites-dynamiques-d-teece/">notamment en termes de capacités dynamiques</a>, les individus talentueux ne sont pas nécessairement HQI car leur performance est à la fois limitée à un domaine et variable dans le temps.</p>
<p>Pour des chercheurs tels que Cécile Dejoux et Maurice Thévenet, la notion de talent peut d’ailleurs mener à l’association de <a href="https://www.cairn.info/talent-management--9782100573035.htm">notions naturellement incompatibles</a> les unes avec les autres en gestion des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a>. Le nombre de variables mobilisées par la psychologie cognitive, la sociologie et les sciences de gestion pour parvenir à un consensus n’aide sans doute pas à clarifier les positions, ce qui rend la définition du talent <a href="https://www.researchgate.net/publication/263749240_Talent_management_advancing_the_field_INTRODUCTION">difficile à stabiliser</a> et le questionnement autour de sa <a href="https://www.researchgate.net/publication/286455838_Talent_management_for_what_how_and_how_well_An_empirical_exploration_of_Talent_Management_in_practice">raison d’être en gestion</a>.</p>
<p>Venons-en maintenant au problème du potentiel et donc de son ambitieux cousin, le HPI. Si la notion de haut potentiel est encore plus complexe à définir que celle de talent, c’est pour deux raisons. La première tient au fait que la littérature ne s’accorde pas sur une acception définitive. Et la seconde est simplement la conséquence de la définition même du potentiel : une probabilité.</p>
<p>Le potentiel constitue donc une promesse ; mais il n’est que cela. Et s’il est complexe à circonscrire c’est parce qu’il ne bascule du statut de probabilité à celui de réalité qu’à l’aune de résultats dont il est souvent impossible de déterminer le levier majeur. En effet, la probabilité que représente le potentiel peut s’ancrer dans de multiples sources. Évidemment, un individu talentueux, voire HQI, aura certainement de bonnes chances de s’épanouir professionnellement. Son potentiel sera donc plus ou moins « haut ». Mais une personne travailleuse et volontaire aura également de belles chances de succès, de même que celles et ceux qui bénéficient d’importants réseaux d’influence ou dont la famille est l’héritière d’empires industriels.</p>
<p>Le potentiel est donc une perspective plus conjoncturelle que personnelle. Si le HQI est naturellement à haut potentiel, s’il vit mal sa différence, s’il s’isole et s’ennuie (<a href="https://moodwork.com/blog/well-being/boreout-brownout/"><em>bore-out</em></a>) ou entame des questionnements existentialistes (<a href="https://moodwork.com/blog/well-being/boreout-brownout/"><em>brown-out</em></a>), son potentiel sera bien inférieur à une personne au QI situé dans la moyenne mais bien dans sa peau, motivée et travailleuse.</p>
<p>Dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02123539/document">article</a> de recherche publié en 2018, nous avons étudié plus en détail cette mosaïque d’intelligences en proposant notamment une distinction entre talents, hauts potentiels et hauts quotients intellectuels, trois notions fréquemment substituées les unes aux autres, notamment dans les entreprises, et malgré l’existence de différences marquées.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment détecter les hauts quotients intellectuels en entreprise ? Interview de Philippe Mouillot et Dominique Drillon pour Xerfi canal (juin 2019).</span></figcaption>
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<p>Pour résumer, le HQI est nécessairement talentueux et à haut potentiel mais cela ne va pas forcément le rendre heureux ni le faire se réaliser professionnellement, et le talent est certainement intelligent mais pas nécessairement HQI et/ou HPI. Quant à ce dernier, il n’est qu’une probabilité d’évolution qui peut être en lien – ou non – avec l’intelligence et le talent.</p>
<p>Il est donc délicat à la fois de choisir de distinguer des candidats à un poste à partir de ces éléments, ce que nous avions discuté en 2017 dans une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02123545">publication scientifique</a>. Nonobstant ces considérations, deux questions restent tout de même en suspens : un HQI est-il une réelle preuve d’intelligence et pourquoi les trois lettres HPI sont-elles aujourd’hui privilégiées ?</p>
<h2>Éviter une mesure précise</h2>
<p>À la première question, la réponse est non. En effet, encore une fois le QI est une mesure que l’on quantifie sur une échelle qui impose naturellement une verticalité, donc une supériorité, d’où le « H ». Car qui dit « haut » exige la présence d’un « bas », de la même manière que parler de « surdoués » impliquerait <em>de facto</em> la présence de « doués » et de « sous-doués », ce qui peut être blessant.</p>
<p>Mais l’intelligence est polyforme, multiple et surtout très complexe. Un HQI peut « manquer d’intelligence » là où une personne dont les capacités mentales sont dans la moyenne peut trouver des réponses très perspicaces simplement grâce à son bon sens. En outre, quand bien même l’intelligence serait marquée, cela ne signifie pas qu’elle sera mobilisée au bon moment, pour de nobles causes ou sans être accompagnée d’arrogance. Comme notre <a href="https://econpapers.repec.org/paper/haljournl/hal-03520036.htm">prochaine publication</a> le démontre, la valeur intellectuelle vient alors s’apparenter à la sagesse, à l’empathie, à l’émotion, ou encore à l’intuition rendant le concept d’intelligence de plus en plus abscons.</p>
<p>Le HQI n’est donc pas une preuve d’intelligence absolue ; il est certes une preuve quantifiable de la présence d’une intelligence multiple permettant d’aller plus vite et plus loin mais pas forcément mieux. Et puis l’intelligence étant innée – on ne devient pas plus intelligent ou plus stupide – valoriser une vertu qui n’est pas la conséquence d’un effort ou d’un travail était sans doute une limite sociale difficile à dépasser. Voici peut-être là l’une des raisons pour lesquelles, quand bien même on a toujours considéré l’intelligence lors des phases de recrutement professionnel, on n’a paradoxalement jamais osé la mesurer avant l’embauche.</p>
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<figcaption><span class="caption">Philippe Mouillot ; « Le HQI, entre spleen et idéal » (TedX Poitiers, octobre 2020).</span></figcaption>
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<p>Quant au terme « talent », il est habile car il permet de valoriser à la fois l’intelligence et le travail sans rendre l’un prédominant sur l’autre. Imaginez un cuisinier qui aurait les outils idoines et des produits d’excellente qualité mais qui, sans entraînement à la manipulation de l’ensemble, ne pourrait pas réaliser de recettes remarquables. L’inné permettant d’acquérir plus vite et plus finement des compétences nécessitant malgré tout du travail pour parvenir à leur maîtrise, le talent permet à tout un chacun de se dire qu’il en a forcément un caché quelque part même si celui-ci est parfois très bien caché. Mais le talent s’est peu à peu vulgarisé, de très nombreuses organisations et institutions choisissant de « détecter les talents », de « promouvoir les talents », voire de « fabriquer » ou de « fournir des talents ».</p>
<p>Face à ces deux « mauvais choix » que sont le talent et le HQI, la notion de potentiel peut apparaître comme une solution pratique pour résoudre le problème de la discrimination et de la performance. Le recours au HPI permettrait d’éviter la mesure du QI, d’identifier le talent et de remettre le travail au cœur de l’équation rendant ainsi toute son incertitude à la réussite. La notion de « hauteur » démarquerait les performances des individus aux yeux de celles et ceux pour lesquels cette distinction a du sens, celle de « potentiel » nourrirait la probabilité du succès comme de l’échec rendant ainsi équitable l’accès à l’épanouissement et celle « d’intelligence » rappellerait que la vie n’est finalement qu’un subtil mélange d’inné et d’acquis. Mais que l’on se place dans l’acception HQI, HPI ou talent, même si le HQI est la seule donnée scientifiquement mesurable, aucune ne permet vraiment de qualifier ces personnes aux intelligences particulières bien réelles qui font de la ressource humaine une richesse humaine.</p>
<p>Finalement, quel que soit le terme que l’on choisisse et les <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.2000.3707712">paradoxes de gestion</a> que cela soulève, l’essentiel n’est pas de détenir les clés d’une intelligence multiple, d’un potentiel prometteur ou d’un talent unique mais bien de savoir ce que l’on compte en faire une fois que l’on a pris conscience de notre place et de notre rôle dans ce monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mouillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La notion de « haut potentiel intellectuel », qui désigne un quotient intellectuel élevé, s’impose dans le débat public mais ne recoupe aucune réalité validée par les scientifiques.Philippe Mouillot, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1764252022-02-10T16:04:38Z2022-02-10T16:04:38ZL’évolution du cerveau humain : clichés et réalité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445628/original/file-20220210-21-1rtgh0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C1931%2C1429&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un modèle 3D du crâne fossile d'_Homo sapiens_ Cro-Magnon 1.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Voici probablement la partie du corps humain qui inspire le plus de fantaisies quand il s’agit de dépeindre son évolution au cours de la grande histoire de l’humanité. Un facteur limitant évident est qu’il est impossible de trouver un cerveau fossile. Ses tissus, mous, ne se conservent pas au fil du temps. C’est évidemment contrariant pour arpenter les méandres de la paléoneurologie.</p>
<p>Par chance, les os restent bien présents et puisque le cerveau appuie sur la surface interne du crâne tout au cours de la vie de l’individu, il y dépose des marques. Enveloppe osseuse et cerveau sont imbriqués, ils se mettent en place conjointement durant la croissance. Ainsi, la forme du crâne adulte rappelle le moment du summum du développement du cerveau. Quand nous découvrons un crâne fossile, sa surface interne est moulée, soit physiquement, soit virtuellement grâce aux méthodes d’imagerie, pour reconstituer son endocrâne. C’est le reflet de la forme d’ensemble du cerveau ainsi que de fins détails, comme les limites entre les lobes et autres petits sillons qui traduisent l’extension des zones cérébrales. L’honneur est sauf, les <a href="https://paleobrain.jimdofree.com/">paléoanthropologues ont bien de quoi travailler</a> sur les cerveaux des humains préhistoriques.</p>
<p>Dans l’animation ci-dessous, on voit un modèle 3D du crâne fossile d’<em>Homo sapiens</em> Cro-Magnon 1. Le crâne est en gris et s’efface pour montrer l’endocrâne (le moulage interne du crâne qui reflète les empreintes laissées par le cerveau).</p>
<iframe src="https://gfycat.com/ifr/PotableHandsomeIrishredandwhitesetter" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen="" width="100%" height="640"></iframe>
<h2>Un cerveau de plus en plus gros</h2>
<p>Il est d’ailleurs généralement clamé que le cerveau <a href="https://www.hominides.com/html/dossiers/cerveau.php">croît en taille sans interruption depuis les premiers humains jusqu’à nous</a>. Globalement, c’est vrai. Mais cela n’a pas été une croissance régulière et continue. L’augmentation n’a pas été linéaire, la variation a connu plusieurs plateaux, des accélérations, mais aussi des diminutions avec plusieurs espèces extraordinaires.</p>
<p>Toumaï, le plus ancien bipède connu et premier humain de fait, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/nouvelles-lumieres-sur-7-millions-dannees-devolution-du-cerveau-1313351">a un endocrâne d’environ 370 cm³, ce qui représente à peine plus d’un tiers de litre</a>. C’est aussi un peu moins que le cerveau moyen des chimpanzés actuels. Poursuivons avec les Australopithèques qui vécurent sur une longue période, entre 4,5 et 1,5 millions d’années. Leur cerveau mesurait 400 à 550 cm<sup>3</sup>. Avec l’apparition du genre <em>Homo</em>, il y a environ 2,5 millions d’années, la moyenne du volume cérébral atteint 650 cm<sup>3</sup>. La stature, c’est-à-dire la taille du corps, augmente un peu aussi. Mais ces chiffres sont des moyennes globales pour des groupes. Certains Australopithèques avaient un endocrâne plus gros que certains <em>Homo</em> anciens. Ainsi, il y a une petite hausse de la moyenne, mais ce n’est pas une révolution. Pas de « Rubicon cérébral », une image longtemps employée pour dire que le cerveau d’<em>habilis</em> était proche du nôtre et bien différent de celui des Australopithèques. Cela ne se vérifie finalement pas.</p>
<p>Une rupture s’observe à partir d’<em>Homo erectus</em>. Cette espèce vécut pendant presque 2 millions d’années et fut la première à visiter tout l’ancien monde. Son cerveau atteint un volume moyen autour de 1 000 cm<sup>3</sup> avec une variation entre 600 et 1 300 cm<sup>3</sup>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C646%2C647&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445172/original/file-20220208-27-f53sq9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le crâne fossile d’<em>Homo sapiens</em> Cro-Magnon 1, vue du spécimen original et de toutes les structures internes visualisées grâce à l’imagerie. L’endocrâne, visible à gauche, est montré en orange, en avant les sinus maxillaire, sphénoïdal et frontaux sont visibles, enfin la partie droite montre les variations d’épaisseur de l’os crânien. Toutes ses structures sont maintenant accessibles et peuvent être étudiées et comparées entre de nombreux spécimens fossiles afin de mieux comprendre l’évolution humaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les plus gros cerveaux furent ceux des Néandertaliens, avec une moyenne de 1 600 cm<sup>3</sup>. Les représentants préhistoriques de notre espèce, <em>Homo sapiens</em>, avaient un endocrâne à peine plus petit, aux alentours de 1 500 cm<sup>3</sup>. Puis, la taille de cet organe a diminué et la moyenne actuelle n’est plus que de 1 350 cm<sup>3</sup>.</p>
<p>Terrible révélation : notre encéphale a rétréci au cours des derniers milliers d’années. Par ailleurs, il y a des exceptions à la tendance générale à la hausse. « l’Homme de Flores » a vécu au moins entre 800 000 et 50 000 ans en Indonésie. L’individu le plus complet avait un endocrâne de 430 cm<sup>3</sup>. Tous les spécimens sur des centaines de milliers d’années avaient une stature similaire, et donc probablement une petite tête. Sur une île voisine, Luzon, des humains dénommés <em>Homo luzonensis</em> et datés d’il y a environ 50 000 ans avaient aussi une toute petite stature. Enfin, <em>Homo naledi</em> est une autre originalité, avec ses 500 à 600 cm<sup>3</sup> de cerveau alors qu’il vivait il y a environ 300 000 ans en Afrique du Sud. Tous ces humains ont été contemporains d’autres avec des cerveaux bien plus volumineux.</p>
<h2>Intelligence et taille du cerveau</h2>
<p>Il n’y a donc pas de croissance infinie et dirigée du cerveau au cours de l’évolution humaine. Ceci démontré, il reste un sujet à aborder. Celui de savoir s’il existe une relation entre taille du cerveau et intelligence.</p>
<p>Premier élément de réponse, indiscutable. Sur 7 millions d’années, la hausse du volume cérébral s’effectue en parallèle de l’acquisition de nouvelles compétences. Cela concerne la fabrication de nombreux outils, dont la complexité croît avec le temps, l’émergence d’une forme du langage articulé, l’apparition de la culture, de comportements symboliques et des arts… Ainsi, le lien se vérifie plutôt à une large échelle mais le détail entre espèces, ou parmi des individus choisis, est plus compliqué. <em>Homo floresiensis</em> naviguait peut-être, les premiers fabricants d’outils en pierre étaient des Australopithèques, ou les différentes espèces qui cohabitaient il y a 50 000 avaient des cerveaux de grande taille mais de structure clairement différente. N’oublions pas que la taille du cerveau ne saurait être le seul critère qui permet toutes les avancées de l’humanité.</p>
<p>L’organisation interne, la forme et diverses autres paramètres biologiques sont des facteurs déterminants et font aujourd’hui l’objet de nombreux travaux. Entre autres, il a été montré que les humains fossiles partagent un cerveau asymétrique depuis des millions d’années. Ces aspects sont impliqués dans de nombreuses fonctions chez les humains d’aujourd’hui, comme le langage ou la latéralité manuelle. Des caractères communs de structure ont aussi été observés chez la plupart des fossiles du genre <em>Homo</em>, même chez les espèces plus récentes qui ont un cerveau plus petit. Ainsi, les variations de forme et structure du cerveau sont complexes chez les humains fossiles. Le cerveau des terriens d’aujourd’hui a ses particularités, une grande hauteur par rapport à sa longueur et des lobes pariétaux étendus par exemple, mais des cerveaux humains très différents ont permis à leurs propriétaires de disposer de capacités cognitives élaborées.</p>
<p>Prenons pour finir un exemple mémorable d’étude sur le lien entre taille du cerveau et intelligence. Un chercheur a exploité les bases de données de l’armée américaine pour comparer des dizaines de milliers de spécimens. Il a calculé que les individus noirs avaient un cerveau plus petit que les blancs. C’est une démonstration mathématique, la moyenne est en effet plus faible. Cette petite différence est connue, il y a bien des variations de taille entre populations. Ce chercheur a aussi mis en évidence des résultats aux tests de QI plus faibles chez les noirs que chez les blancs. Pour lui, c’était la preuve que la taille de l’encéphale est directement corrélée à l’intelligence. Il justifiait ainsi la supériorité intellectuelle des blancs sur les noirs. Ce monsieur, bien que scientifique, avait sa petite idée en tête en menant cette recherche. Ce travail est vraiment publié comme un article scientifique. </p>
<p>Mais si le résultat est « juste » d’un point de vue purement mathématique, les <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/lideologie-du-racisme-un-mauvais-usage-de-la-science-pour-justifier-la-discrimination-raciale">interprétations sont totalement fausses</a>. En effet, les données étaient biaisées, et le scientifique le savait. L’échantillon d’hommes noirs comprenait exclusivement des soldats jeunes, sans formation, issus de milieux pauvres. Les blancs étaient des militaires âgés, gradés et de milieux aisés. Ainsi, la relation observée n’était pas entre taille du cerveau et QI, mais entre ce dernier et les conditions de vie et la formation suivie !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445171/original/file-20220208-25317-lkjp80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Variation de la taille du cerveau (en cm³) au cours du temps (en millions d’années) au sein des différentes espèces humaines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Balzeau</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Un lien existe bien entre le cadre socio-économique, la formation et les résultats à des tests de QI. Par contre, la taille du crâne, la couleur de peau ou tout critère biologique ne déterminent pas les capacités intellectuelles. Il existe une variation de taille du cerveau, entre 1 000 et 2 000 cm<sup>3</sup> pour une moyenne de 1 350 cm<sup>3</sup> chez <em>Homo sapiens</em>. Les femmes ont un cerveau plus petit que les hommes, les populations européennes que les populations asiatiques, etc. Aucune étude n’a pu différencier hommes et femmes ou les différentes populations à travers la planète selon leurs capacités intellectuelles. Au final, la seule vraie relation observée lie taille du cerveau et climat. C’est pour cela qu’il faut garder un esprit critique en sciences, une éventuelle corrélation n’est pas la preuve d’une relation de causalité. Inutile de développer des thèses racistes ou sexistes basées sur l’origine, le genre, la couleur ou la supposée puissance civilisationnelle ! Pour ce qui est du cerveau, il est démontré que ce n’est pas la taille qui compte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on établir un lien entre intelligence et taille du cerveau ?Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751672022-01-18T18:26:43Z2022-01-18T18:26:43ZCamille : « C’est quoi un blob ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441323/original/file-20220118-15-7bzz3s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3840%2C2155&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un blob Physarum polycephalum. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blob_(Physarum_polycephalum).jpg">Le Bernemi/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2021, 4 500 classes de primaire, collège et lycée de France ont participé à une expérience menée par le spationaute Thomas Pesquet de l’Agence spatiale européenne. L’expérience s’est déroulée à bord de la Station spatiale internationale, qui tourne en orbite à environ 400 km d’altitude à la vitesse de 28 000 km/h. Il s’agissait d’étudier une étrange créature, tantôt en conditions de micropesanteur (pesanteur très faible de la station) dans le cadre d’une expérience intitulée « Blob-ISS », tantôt soumis à la gravité terrestre dans une expérience menée par les élèves et appelée <a href="https://missionalpha.cnes.fr/fr/elevetonblob-resultats-iss">#ElèveTonBlob</a>. Le nom vient d’un film américain d’horreur et de science-fiction de 1958 intitulé <em>The Blob</em> dans lequel un être extra-terrestre géant et gluant sème la terreur dans une ville de Pennsylvanie. Mais revenons sur Terre aujourd’hui.</p>
<p>Sais-tu qu’en te promenant dans une forêt de feuillus, voire dans un jardin, tu peux tomber nez à nez avec le blob ? C’est un organisme vivant d’aspect gélatineux ou compact. Dans les deux cas, il s’agit d’une seule et même cellule généralement grosse comme la main, mais qui peut devenir gigantesque. Il en existe beaucoup d’espèces. Celle qui nous intéresse ici et qui a été envoyée dans la station spatiale s’appelle <em>Physarum polycephalum</em>. Ce nom lui a été donné il y a longtemps, en 1822, par un mycologue, autrement dit un spécialiste des champignons. On la trouve sur les troncs d’arbres en décomposition, sous l’écorce ou les feuilles mortes de la litière. Tu la reconnaîtras à la couleur jaune du spécimen gélatineux, avec des veines à l’intérieur, ou brune du spécimen compact.</p>
<p>Le blob ressemble à un champignon mais ce n’est pas un champignon. Dans l’arbre du vivant, c’est un cousin des amibes, c’est-à-dire un organisme composé d’une seule cellule microscopique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZvGoASGw9I4?wmode=transparent&start=197" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les infos clés sur le blob, un génie sans cerveau (Arte).</span></figcaption>
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<p>Le blob passe par différentes formes au cours de son cycle biologique. Tout d’abord, il prend l’aspect gélatineux lorsqu’il se nourrit. Cette forme est appelée plasmode car la cellule contient des milliers de noyaux nécessaires à son fonctionnement. Sa couleur est jaune en raison de la présence de pigments. Dans la nature, il se nourrit, entre autres, de bactéries ou de champignons. Ses uniques prédateurs seraient les limaces et certains scarabées.</p>
<p>Pour être actif, il faut qu’il fasse bon ou chaud, jusqu’à environ 30 °C, et que le temps soit humide. La fourchette optimale serait entre 18 et 24 °C. S’il fait trop chaud ou trop froid, il entre en dormance en formant une masse compacte, le sclérote, qui restera ainsi pendant de longues périodes jusqu’à ce qu’il se remette à pleuvoir et que la température redevienne supportable.</p>
<p>Lorsque la nourriture est épuisée, le plasmode arrête de se nourrir et commence à se reproduire. À ce moment-là, chaque noyau à l’intérieur se divise en deux parties.</p>
<p>Les noyaux forment alors des spores contenues dans des sacs appelés sporanges, à l’extrémité d’un pied ressemblant à de la moisissure. Puis les sporanges s’ouvrent libérant énormément de spores qui se dispersent, emportées par le vent, et tombent sur le sol ou sur les arbres morts. Les spores s’ouvrent à leur tour en libérant des cellules microscopiques ressemblant à des amibes.</p>
<p>Si l’une d’entre elles en rencontre une autre de la même espèce, mais suffisamment différente, les deux fusionnent pour donner une cellule unique. C’est la reproduction sexuée. À l’intérieur, les noyaux fusionnent également et le noyau qui en résulte se met alors à se diviser d’innombrables fois en donnant au final des milliers de noyaux identiques. Dans le même temps, la cellule grandit jusqu’à former un plasmode qui deviendra alors visible, quelques fois géant.</p>
<p>Au laboratoire, le plasmode est cultivé en boîte de Petri sur des flocons d’avoine. Beaucoup d’expériences ont déjà été menées à travers le monde et notamment à l’université Paul Sabatier de Toulouse par l’équipe d’Audrey Dussutour du CNRS. L’une d’elles effectuée dans un labyrinthe a montré que le plasmode mémorise l’endroit où il se déplace et où se trouve la meilleure nourriture.</p>
<p>Quels sont les effets de la micropesanteur sur les déplacements du plasmode ? Pour y répondre, Thomas Pesquet a reçu quatre sclérotes dans une boîte hermétique et opaque au cours de l’été 2021 et les a réhydratés le 2 septembre, jour de la rentrée des classes, sans jamais ouvrir le couvercle. Pendant sept jours, une caméra placée à l’intérieur a pris une photo toutes les 10 minutes, au cours de deux protocoles, l’un appelé « exploration » où deux blobs étaient maintenus sans nourriture et le deuxième « exploitation » où deux autres blobs avaient la possibilité de consommer plusieurs sources de nourriture. Sur Terre, les classes sélectionnées par le CNES et l’Académie de Toulouse devaient mener les mêmes protocoles après avoir reçu un kit fin août et commencé la réhydratation le 11 octobre. Malgré des problèmes de fichiers vidéos inexploitables survenus à bord de la station, les films, les graphiques et les commentaires sur l’activation des plasmodes et leurs déplacements en conditions de micropesanteur et sur Terre sont partagés sur <a href="https://missionalpha.cnes.fr/fr/elevetonblob-resultats-iss">ce site</a>.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Palka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle est cette étrange créature ? Pas un animal, ni une plante, pas non plus un champignon. Le blob fascine par ses prouesses.Laurent Palka, Maître de conférences, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1394842021-12-15T20:43:45Z2021-12-15T20:43:45ZLe paradoxe de R2-D2 ou celui d’une intelligence artificielle sous influence humaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/437790/original/file-20211215-15-uza8m1.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2190%2C1696&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dessin du robot R2D2 de la saga Star Wars.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/suzi54241/6510970463">Susan Murtaugh/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cette contribution évoque une drôle d’histoire. Il s’agit d’un simple grain de sable dans un scénario pourtant bien huilé. Ce grain de sable, cette anomalie, ce bug, cette erreur permet de replacer l’intelligence humaine au centre de ce qui est présenté – bien souvent par abus de langage – comme artificiel. Ainsi, même les robots <a href="http://www.slate.fr/lien/27243/robots-mensonge-militaire">sauront bientôt mentir</a> !</p>
<p>À partir de ce paradoxe, cet article montre la <em>persistance de la présence humaine dans l’intelligence artificielle</em>. Il s’agit de dérouler et décrypter une incohérence – <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/l-ecoulement-du-temps-est-une-illusion">ou un non-temps</a> – qui renvoie à l’attitude du robot R2-D2. Celui-ci, tout au long de la saga <em>Star Wars</em>, a joué à l’humain, avec la bienveillance ou la légèreté des scénaristes de l’épopée, et a pu s’appuyer sur une mémoire qui n’a jamais été effacée.</p>
<p>Mais si R2-D2 <a href="https://www.planete-starwars.com/services/forums/episode-iv-r2d2-est-il-vraiment-amnesique--ftmain10825-0.html">n’est pas amnésique</a> alors, pourquoi n’a-t-il pas prévenu Luke du danger mortel que représentait son père ?</p>
<h2>De quel paradoxe parle-t-on ?</h2>
<p>La grande <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/star-wars-une-mythologie-contemporaine">mythologie contemporaine</a> qu’est la saga <em>Star Wars</em> nous embarque dans une séduisante incohérence. Elle met en tension le <a href="https://www.starwars-holonet.com/encyclopedie/liste-personnages-ordre-jedi.html">chevalier Jedi</a> Luke Skywalker et son père, Anakin Skywalker, qui deviendra le maléfique et génial Dark Vador. C’est en 1980, dans <em>L’Empire contre-attaque</em>, réalisé par Irvin Kershner, que le célèbre « je suis ton père » va être clamé à la face du monde. Il met en scène d’un côté le père (<a href="https://www.starwars-holonet.com/encyclopedie/personnage-vador.html">Dark Vador</a>) et de l’autre son fils (<a href="https://www.ecranlarge.com/films/critique/1155549-star-wars-lascension-de-skywalker-critique-qui-palpatouille-sans-spoiler">Luke Skywalker</a>), mais il aurait du également mobiliser l’omniprésent et tout en rondeurs robot R2-D2 <a href="https://secouchermoinsbete.fr/18772-lorigine-du-nom-de-r2d2">(Reel2/Dialogue2</a>).</p>
<p>La question qui va poser problème <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1174556-star-wars-un-fan-remarque-une-erreur-dans-la-saga-et-meme-mark-hamill-savoue-vaincu">est posée par une petite fille</a> il y a quelques années déjà. </p>
<blockquote>
<p>« Comme R2-D2 était là depuis le début de l’histoire et comme sa mémoire n’a jamais été effacée, alors pourquoi est-ce qu’il n’a pas simplement dit à Luke, à un moment donné, que Vador était son père ? » </p>
</blockquote>
<p>C’est alors que son père – qui relate l’histoire – en est <a href="https://www.journaldugeek.com/2020/04/28/star-wars-mark-hamill-erreur-saga/"> » resté planté là, sidéré, jusqu’à ce qu’elle hausse les épaules et s’en aille »</a>.</p>
<p>Comment expliquer que R2-D2 – qui avait eu la chance de pouvoir compter sur sa mémoire alors que celle de son comparse bipède le <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/C-3PO.html">droïde C-3PO</a> avait été endommagée – ait eu l’idée, l’opportunité et la possibilité de cacher un tel secret ? Pourquoi ce droïde attachant et omniprésent – dont l’ancien maître est Obiwan Kenobi – n’a -t-il pas agi en mode IA ?</p>
<h2>Quelles pistes pour aborder ce paradoxe ?</h2>
<p>De nombreuses hypothèses sont disponibles sur le web. Elles ramènent toutes à accepter l’idée d’une certaine « humanité » du robot. Nous n’en proposerons ici que 6. H1 : R2-D2 n’aurait pas voulu briser le cœur de Luke. H2 : R2-D2 n’aurait pas immédiatement compris que Luke était le fils de son ancien compagnon humain <a href="https://www.starwars-universe.com/forum/trilogie-originale-f3/pourquoi-avoir-laisse-le-vrai-nom-de-luke-t11890.html">car le nom de « Skywalker » pouvait être largement répandu sur Tattooine</a>. H3 : R2-D2 voulait le laisser découvrir seul son destin. H4 : R2-D2 s’est interdit <em>de spoiler</em> la réplique de Dark Vador d’un bip-bip inélégant ! H5 : R2-D2 est fasciné par le sulfureux Dark Vador qu’il privilégie face à son fils qu’il trouve finalement insipide. H6 : Personne ne lui a posé la question. Dans les six cas, le robot n’agit absolument pas comme un robot dont la mission est de protéger son « propriétaire ».</p>
<p>Paradoxalement l’hypothèse la plus probable est celle d’un oubli des scénaristes. Cette hypothèse est aussi la plus réjouissante… il n’est pas d’intelligence artificielle sans (faillible) intervention humaine !</p>
<h2>Pas d’intelligence sans apprentissage</h2>
<p>L’intelligence artificielle, telle que nous l’appréhendons désormais, apprend en s’inspirant plus ou moins directement de la logique d’apprentissage de l’être humain. <a href="https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/comment-lintelligence-artificielle-va-changer-nos-vies">Elle va néanmoins changer nos vies</a>. Elle procède en se basant sur les fonctions cognitives les plus classiques : langage naturel, vision, mémoire, calcul, analyse, comparaison, reproduction, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/traduire-comme-joue-au-go">traduire, jouer</a>, etc.</p>
<p>L’intersection de l’intelligence artificielle avec la psychologie cognitive et les sciences cognitives explique la part d’humanité de l’IA – et donc la part d’humanité du robot R2-D2 – en s’inspirant de l’intelligence biologique et des mécanismes humains de développement des connaissances.</p>
<p>Nous pouvons noter ensuite que l’apprentissage par observation est commun à l’humain et l’IA et qu’une complémentarité apparaît. Le machine learning supervisé permet aux processus de l’IA d’apprendre et même de s’améliorer grâce aux erreurs et aux retours humains lui proposant de mieux catégoriser les données d’entrée. Il va ensuite améliorer l’exactitude et la fiabilité des données de sortie. Nous notons aussi qu’un apprentissage non supervisé est également possible en IA. Il s’agit d’un apprentissage autonome qui n’a pas besoin d’un signal d’erreur pour se corriger. Dans le cas humain, nous faisons référence à la loi de Hebb pour comprendre certaines fonctions cognitives comme la mémoire par exemple, cette loi renvoie aux neurones qui s’activent ensemble et se relient entre eux, pour former des connexions qui se renforcent avec le temps. </p>
<p>Nous évoquons aussi l’apprentissage par renforcement qui renvoie à l’apprentissage par récompense (la carotte) ou par punition (le bâton). Là encore, les humains et les machines intelligentes sont proches. La récompense est associée à un objectif déterminé par les programmeurs, ce qui va entraîner une multiplication des tentatives et calculs pour explorer toutes les possibilités et atteindre ce but et donc, la récompense. Enfin, le deep learning est aussi un type d’apprentissage. Il s’inspire du fonctionnement du cerveau humain en faisant appel aux réseaux de neurones artificiels couplés aux algorithmes. Cette approche a mis en lumière la force de frappe des systèmes experts. Ces <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/ces-2020-on-a-teste-l-interface-neuronale-de-la-start-up-francaise-nextmind.N918794">technologies à interface neuronale</a>, couplées avec les données massivement collectées par les plates-formes sont déjà déployées dans de nombreux secteurs comme le militaire, l’industrie et la santé.</p>
<h2>Pas d’artifice sans (un peu d’) humanité</h2>
<p>À ce stade des applications en IA, il est important de mettre en lumière 4 points communs entre les intelligences artificielles et humaines :</p>
<ul>
<li><p>Il convient de s’appuyer sur des connaissances communiquées par l’entourage ou par l’environnement proche</p></li>
<li><p>Il convient de tenir compte des expériences passées</p></li>
<li><p>Il convient de produire des outputs dépendant des données d’entrée</p></li>
<li><p>Il convient de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/peut-faire-confiance-a-lintelligence-artificielle">douter</a> et d’identifier les biais cognitifs</p></li>
</ul>
<p>Enfin, pour revenir à R2-D2 et à son humanité, il semble important de signaler que les contraintes et défis éthiques sont également présents chez les machines dites intelligentes. Ainsi, une machine ne peut pas – ne doit pas ? – être seule en capacité de décider de la mort d’un humain. Nous pensons en effet qu’il n’est pas souhaitable qu’une machine puisse devenir une <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo18/promo18_G20/controverses-minesparistech.fr/groupe20/quest-ce-quun-sala/index.html">arme totalement autonome</a>. </p>
<p>L’humain doit donc faire attention à ne pas s’exclure lui-même des processus de décisions des machines. Il doit pouvoir garder le contrôle in fine surtout face à l’utilisation de langages spécifiques (les <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-algorithmes-peuvent-ils-detecter-lhumour-les-emotions-ou-les-discours-haineux">émotions, la haine, l’humour</a>, l’<a href="https://www.gradesaver.com/terminator-2-judgment-day/study-guide/irony">ironie</a>, la provocation, la <a href="https://www.lefigaro.fr/musique/la-poesie-de-brassens-resiste-encore-aux-algorithmes-20211022">poésie de Brassens</a>, etc.) qui n’implique pas forcément la compréhension du sens des mots, de la phrase, de l’image, du contexte par la machine intelligente.</p>
<h2>Pas d’autonomie sans (un peu de) contrôle humain</h2>
<p>L’individu apprend pour s’adapter et survivre. Il apprend de ses parents et de son entourage les premiers mots, dans des contextes bien déterminés, puis il essaye de les comprendre, de les recontextualiser. La <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-machines-enfin-intelligentes">machine intelligente</a> apprend pour produire un bien ou un service. Depuis les premières <a href="http://www-formal.stanford.edu/jmc/history/dartmouth/dartmouth.html">expériences de 1955</a>, elle s’appuie sur une page qui n’est jamais blanche mais qui ressemble à une vaste base de données dont elle ne comprend pas le sens. Son propos est d’essayer d’identifier des corrélations, de caractériser des similitudes et de tenter d’apporter des éléments de réponse en langage compréhensible par un humain et/ou par une autre machine. La compréhension, les décisions et les retours de l’intelligence artificielle sont purement statistiques, logiques et mathématiques. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission européenne a publié récemment les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:52021PC0206">« règles harmonisées » de l’AIA</a> pour réguler ses usages et <em>modifier certains actes législatifs de l’union.</em></p>
<p>Néanmoins, en <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Improving-Decision-Making-in-Extreme-Situations%3A-of-God%C3%A9-Lebraty/5b82fa528e2ac90025ea2f7f9f6a005928c346d6">situations extrêmes</a>, il est souvent délicat d’expliquer les décisions prises par une IA, parce que la boite noire qui nous propose la donnée de sortie n’est pas en mesure de nous expliquer la logique suivie – excepté pour des <a href="https://irem.univ-reunion.fr/spip.php?article358">logiques comme celle de Hoare</a> – à partir des données d’entrée. Le paradoxe d’un R2-D2 un peu plus faillible que la machine qu’il est censé être, reste en cela une bonne nouvelle, c’est la preuve qu’un humain est donc bien derrière ce scénario !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du conseil national des universités (section 06)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Meriem HIZAM effectue des recherches sur l'IA et la fabrique de la décision au sein du cabinet de conseil et de formationb Nicomak dans le cadre d'une convention CIFRE signée avec l'ANRT</span></em></p>La persistance de l’intelligence humaine dans l’intelligence artificielle est ici décryptée via le fameux paradoxe de l’ambiguïté du silence du robot R2-D2 dans la saga « Star Wars ».Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceMeriem Hizam, Doctorante en management des systèmes d'information, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696552021-11-14T16:47:24Z2021-11-14T16:47:24ZLes différences cérébrales entre les sexes ne se réduisent pas aux différences de taille du corps<p>En début d’année, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0149763421000804">article</a> de Lise Eliot et ses collègues de l’université Rosalind Franklin de Chicago a passé en revue plusieurs dizaines d’études documentant les différences cérébrales entre les sexes, et a conclu qu’une fois prises en compte les différences de taille (du corps) entre hommes et femmes, les différences cérébrales observées étaient totalement négligeables.</p>
<p>Au même moment, <a href="https://lscp.dec.ens.fr/en/research/teams-lscp/cognitive-development-and-pathology">mon équipe</a> au sein du <a href="https://cognition.ens.fr/fr">Département d’études cognitives</a> de l’<a href="https://www.ens.psl.eu/">ENS-PSL</a> était en train de publier les résultats d’une vaste étude d’imagerie cérébrale, qui aboutissait à des résultats différents. Cela nous a conduits à écrire et publier un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763421003900">commentaire</a> sur l’article de Lise Eliot, pour souligner de quelle manière nos résultats remettaient en cause leurs conclusions.</p>
<p>Notre étude avait un objectif plus large, consistant à documenter les variations neuroanatomiques dans l’ensemble de la population. Elle est basée sur la cohorte nommée <em>UK Biobank</em>, comprenant de nombreuses données médicales, biologiques, et sociales sur 500 000 adultes britanniques. Parmi eux, environ 40 000 ont passé une IRM cérébrale. De ce fait, notre étude n’a pas la fiabilité limitée de la plupart des études précédentes. C’est en fait la plus vaste étude sur les différences cérébrales entre les sexes jamais publiée.</p>
<h2>Qu’avons-nous donc trouvé ?</h2>
<p>Premièrement, s’il est vrai que le volume du cerveau est lié à la taille du corps, il n’est pas vrai que les différences de taille expliquent entièrement les différences de volume cérébral entre les sexes. Comme le montre la figure ci-dessous, même à taille égale, les hommes ont un cerveau plus gros en moyenne que celui des femmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Volume cérébral total en fonction de la taille (en échelle logarithmique), pour environ 20 000 hommes (points bleus) et 20 000 femmes (points mauves). Si les hommes et les femmes avaient le même volume cérébral à taille égale, les deux droites bleue et mauve seraient superposées. Ici leur décalage vertical est très significatif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Williams</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, lorsque l’on prend en compte les différences de volume cérébral total, il n’est pas vrai qu’on ne trouve presque aucune différence de volume de structures cérébrales entre hommes et femmes.</p>
<p>On en trouve de nombreuses, un peu partout dans le cerveau. Sur 620 régions cérébrales que nous avons analysées, environ les deux tiers (409/620) étaient significativement différents entre hommes et femmes, environ pour moitié relativement plus grosses chez les hommes, et pour moitié le contraire. La Figure ci-dessous montre la distribution de ces différences.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Distribution des différences entre les sexes à travers 620 régions et mesures cérébrales, à volume cérébral égal. L’axe des abscisses représente la taille des différences entre les sexes (en écarts-types), et l’axe des ordonnées montre le nombre de régions ayant une différence donnée. Les barres en bleu représentent les mesures qui sont relativement plus grandes chez les hommes, et celles en mauve les mesures qui sont relativement plus grandes chez les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Williams</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De toute évidence, les régions cérébrales ont des dimensions qui ne sont pas très différentes entre hommes et femmes. Mais de nombreuses régions montrent de petites différences statistiques. Clairement, on ne peut pas dire qu’il n’y en a pas ni qu’elles se réduisent aux différences de volume global du cerveau. Si les cerveaux des hommes et des femmes sont globalement similaires, au-delà de la différence de volume total, ils sont également proportionnés de manière légèrement différente.</p>
<p>Si ces résultats vont à l’encontre des affirmations de l’article d’Eliot, il est important de souligner aussi ce qu’ils ne montrent pas. Ils ne disent rien, ni sur les causes ni sur les conséquences de ces différences. Et le reste des connaissances scientifiques en neurosciences ne permet pas à l’heure actuelle de combler ces lacunes.</p>
<h2>Les facteurs qui induisent ces différences cérébrales entre les sexes</h2>
<p>S’agit-il de facteurs génétiques (chromosomes X et Y) ? De différences hormonales, précoces ou tardives ? De différences environnementales, notamment dans la manière dont les êtres humains sont élevés et traités différentiellement selon leur sexe ? Une combinaison des trois ? Certaines personnes s’empresseront d’affirmer que ces différences sont évidemment innées, d’autres qu’elles ne peuvent être qu’acquises.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, ces personnes s’avanceront bien au-delà de ce que la connaissance scientifique permet de dire. Il y a de bonnes raisons de penser qu’à la fois des différences génétiques, hormonales et environnementales peuvent induire de telles différences. Mais personne n’est à l’heure actuelle capable de préciser leurs contributions relatives et les mécanismes précis qui sont en jeu.</p>
<p>Enfin, quelles sont les conséquences de ces différences cérébrales ? Induisent-elles des différences dans le fonctionnement cognitif des hommes et des femmes ? Nous n’en savons rien. S’il existe des différences cognitives relativement robustes entre hommes et femmes, notre compréhension actuelle des bases cérébrales de ces différences cognitives est à peu près nulle. Bien que le volume du cerveau soit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160289616303385">corrélé au quotient intellectuel</a>, il ne s’ensuit pas que la différence substantielle de volume cérébral entre hommes et femmes entraîne une différence similaire des scores de QI, qui sont très proches entre les deux sexes. De manière plus générale, aucune différence cérébrale observée entre les sexes ne vient à l’appui de stéréotypes sexistes.</p>
<p>Dans l’état d’ignorance qui est le nôtre, il serait donc prudent d’éviter de trop spéculer sur les causes et les conséquences des différences cérébrales entre les sexes. Mais il serait aussi temps d’abandonner le discours tendant à nier systématiquement la possibilité même de l’existence de ces différences, car il est maintenant clair que ce discours est erroné.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin et obtenir plus de détails sur cette étude, vous pouvez consulter <a href="https://scilogs.fr/ramus-meninges/les-differences-cerebrales-entre-les-sexes/">cet article</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Une déclaration complète et maintenue à jour est disponible ici: <a href="https://scilogs.fr/ramus-meninges/dpi/">https://scilogs.fr/ramus-meninges/dpi/</a></span></em></p>La taille de nombreuses régions du cerveau diffère selon le sexe, sans pour autant démontrer de conséquences particulières sur un fonctionnement différentiel.Franck Ramus, Directeur de recherches CNRS, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1652722021-11-01T18:11:01Z2021-11-01T18:11:01ZL’énergie est devenue « intelligente ». Qu’est-ce que cela signifie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/415261/original/file-20210809-13-szjh0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5120%2C2858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De plus en plus, le concept d'énergie intelligente s’invite dans les maisons et dans les équipes de recherche québécoises</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’énergie intelligente est de plus en plus présente, autant dans les domaines des sciences et du génie que dans les médias et dans la vie quotidienne. Hilo, une filiale d’Hydro-Québec, offre des services résidentiels d’énergie intelligente, tout comme Bell, Telus ou Vidéotron, sous les appellations de « maison connectée », de « maison intelligente » ou encore de « domotique ».</p>
<p>On y vante les économies d’énergie, l’augmentation du confort (par le réglage de thermostats, par exemple) et la diminution des inquiétudes quant à un éventuel vol, dégât d’eau ou incendie.</p>
<p>Au-delà du secteur résidentiel, l’énergie intelligente se retrouve dans les secteurs du transport (véhicules électriques et leurs bornes de recharge), des réseaux électriques, etc. De nombreuses villes <a href="https://www.infrastructure.gc.ca/cities-villes/index-fra.html">se disent désormais « intelligentes »</a>, parce <a href="https://www.infrastructure.gc.ca/cities-villes/index-fra.html">qu’elles utilisent les technologies de l’information et de la communication pour améliorer la qualité de leurs services ou réduire leurs coûts</a>.</p>
<h2>Mieux définir l’énergie « intelligente »</h2>
<p>D’importantes sommes ont été investies dans des activités de recherche et de développement dans les secteurs qui lui sont associés. À titre d’exemple, de 2007 à 2013, le <a href="https://ec.europa.eu/cip/iee/index_fr.htm">programme Énergie intelligente pour l’Europe (EIE) a offert du financement pour des projets du domaine énergétique à hauteur d’environ 730 millions d’euros</a>.</p>
<p>Bien que les montants soient moins considérables chez nous, des investissements ont aussi lieu au Québec. Au début de l’année 2020, le <a href="https://mern.gouv.qc.ca/gouvernement-contribue-creation-reseau-quebecois-energie-intelligente-2020-01-24/">Gouvernement du Québec a octroyé 600 000 $</a> à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) pour lui permettre d’entamer les opérations du Réseau québécois sur l’énergie intelligente (RQEI), qui a pour but de regrouper les experts et expertes québécois de l’intelligence énergétique.</p>
<p>Mais de quoi parle-t-on, exactement, lorsqu’on emploie l’expression « énergie intelligente » ?</p>
<p>Dans les écrits scientifiques, il ne semble pas exister de définition qui fasse consensus : elle est parfois présumée ou dépend des champs d’application. Or, pour bien comprendre les enjeux, apports et défis d’une technologie qui entre dans nos maisons et dans laquelle nous investissons collectivement, il faut en définir le concept.</p>
<p>Pour tenter de cerner la notion d’énergie intelligente, notre équipe, formée de deux didacticiens des sciences et de deux physiciens, a cherché à savoir quels sont les organismes ou entreprises qui œuvrent spécifiquement dans le domaine. Nous avons ensuite répertorié les manières dont ils décrivent l’énergie intelligente et ses caractéristiques, en plus des services qu’ils offrent, via les descriptions qu’ils formulent sur leurs sites web.</p>
<h2>Un concept lié à de nombreuses applications</h2>
<p>Le concept d’énergie intelligente est principalement utilisé par des firmes d’ingénierie, des entreprises comme Hilo, des organismes subventionnaires et des équipes de chercheurs et chercheuses. Dans notre recension des descriptions de l’énergie intelligente sur les sites web de ses principaux acteurs, les applications les plus fréquemment nommées étaient :</p>
<ul>
<li><p>l’utilisation des données du système électrique afin d’en améliorer la gestion. En observant le système à l’aide d’appareils de mesure, le client peut recevoir en temps réel des informations afin d’améliorer la gestion de sa consommation d’électricité.</p></li>
<li><p>les produits peu énergivores ou pouvant être contrôlés à partir d’une application sur le téléphone ou l’ordinateur (ce que l’on appelle souvent « Internet des objets »).</p></li>
<li><p>le domaine des réseaux électriques intelligents (souvent appelés <em>smart grids</em>), c’est-à-dire des réseaux contenant des dispositifs leur permettant d’ajuster automatiquement la distribution d’électricité grâce à l’échange d’information entre le consommateur et le distributeur ;</p></li>
<li><p>la production d’électricité décentralisée, c’est-à-dire une production qui peut être faite par l’industrie ou par des consommateurs (plutôt que seulement par Hydro-Québec, par exemple) ;</p></li>
<li><p>les technologies d’emmagasinage d’énergie (notamment dans les voitures électriques) et la gestion de cette énergie stockée ;</p></li>
<li><p>la gestion des énergies intermittentes (par exemple, l’énergie éolienne, qui est seulement produite lorsque les conditions météorologiques sont favorables) ;</p></li>
<li><p>la gestion des réseaux énergétiques à l’aide de l’intelligence artificielle.</p></li>
</ul>
<h2>Le bon et le moins bon d’une énergie intelligente</h2>
<p>Évidemment, l’expression « énergie intelligente » n’est pas basée sur la nature même de l’énergie. Ce qui la rend « intelligente », c’est plutôt la capacité des systèmes à optimiser à la fois sa production, sa distribution, sa transformation et son utilisation.</p>
<p>Les différents acteurs du domaine lui associent plusieurs avantages. Le faible impact environnemental est l’avantage le plus fréquemment nommé sur les sites web des organismes répertoriés.</p>
<p>L’énergie intelligente est souvent liée aux notions d’énergie verte ou renouvelable et elle est souvent qualifiée d’écologique ou d’utile pour la transition zéro carbone. Bien que plusieurs de ces affirmations soient généralement justifiées – par exemple, l’énergie intelligente est souvent issue d’une source renouvelable (le vent, le déplacement de l’eau, etc.) –, toutes ces expressions ne sont pas interchangeables : elles désignent des idées différentes. Par exemple, alors que l’énergie intelligente réfère habituellement à l’optimisation des systèmes, l’énergie renouvelable renvoie plutôt à sa source, qui peut se régénérer en un temps raisonnable.</p>
<p>De plus, les technologies de l’énergie intelligente minimisent les pertes d’énergie, notamment en permettant l’optimisation des systèmes. Elles peuvent aussi faciliter la gestion des pointes de demande énergétique, par exemple en période de froid intense. On pourrait alors décaler automatiquement la consommation d’électricité de certains appareils dans le temps. On réduirait ainsi le besoin d’acheter de l’énergie (souvent produite à partir de sources polluantes) à d’autres entreprises lorsque la demande énergétique surpasse la production locale.</p>
<p>L’énergie intelligente serait aussi plus sécuritaire et plus fiable ; elle permettrait de réduire les coûts énergétiques des entreprises comme des particuliers et son utilisation serait plus flexible.</p>
<p>Cependant, les enjeux l’entourant sont rarement mentionnés par les acteurs du domaine. On peut par exemple penser à la sécurité des systèmes relevant les données de consommation des maisons, à la surveillance par des gouvernements et des entreprises privées et à des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1193991/scandale-fuite-vol-renseignements-personnel">fuites de données et au piratage de systèmes</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-regles-canadiennes-en-matiere-de-protection-de-la-vie-privee-en-ligne-sont-a-revoir-143496">Les règles canadiennes en matière de protection de la vie privée en ligne sont à revoir</a>
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</em>
</p>
<hr>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/415305/original/file-20210809-13-1ara64b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La surveillance par des gouvernements et entreprises privées, les fuites de données et le piratage de systèmes sont aussi à considérer dans l’étude de l’énergie intelligente.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il y a aussi la question des déchets engendrés par l’obsolescence des systèmes intelligents lorsque de nouvelles technologies seront disponibles. On sait de plus que l’entreposage des données nécessaires au fonctionnement des systèmes d’énergie intelligente a un impact environnemental considérable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lempreinte-environnementale-de-leconomie-numerique-menace-la-planete-130993">L’empreinte environnementale de l’économie numérique menace la planète</a>
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<h2>En quête d’une définition</h2>
<p>Bien que ces renseignements nous permettent de dresser un portrait plus précis de l’énergie intelligente, sa définition reste encore à clarifier. En absence d’une définition partagée, les contours du concept restent à définir : une technologie pourrait être jugée intelligente par certains parce qu’elle utilise une intelligence artificielle pour optimiser sa production. D’autres pourraient ne pas considérer la même technologie comme intelligente puisqu’elle utilise une énergie non renouvelable.</p>
<p>Si la popularité du qualificatif « intelligent » est liée à l’intérêt actuel porté au domaine de l’intelligence artificielle, l’utilisation de l’expression « énergie intelligente » semble parfois être associée, de façon générique, à de bonnes pratiques énergétiques. Au-delà de la valeur promotionnelle de cette dénomination, nous croyons que le concept d’énergie intelligente est pertinent et qu’il regroupe des champs d’activité (comme l’optimisation énergétique, les énergies renouvelables ou l’utilisation de l’intelligence artificielle) constituant un domaine des sciences de l’énergie qui appelle à être mieux circonscrit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165272/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Groleau a reçu des financements du Réseau québécois sur l'énergie intelligente, de l'Université du Québec à Trois-Rivières et du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Benard a reçu des financements du CRNSG, de l'Université du Québec à Trois-Rivières, du FRQNT et du Réseau Québécois sur l'Énergie Intelligente.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Lévesque a reçu des financements du MESI (Novascience) et du FRQ, ainsi que de la fondation Lucie et André Chagnon. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gabriel Lecompte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’énergie intelligente est de plus en plus présente, autant en sciences et en génie que dans la vie quotidienne. Mais comment cerner ce concept qui fait l’objet de plusieurs projets de recherche ?Audrey Groleau, Professeure de didactique des sciences et de la technologie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Gabriel Lecompte, Étudiant à la maitrise et assistant de recherche, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Pierre Benard, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Simon Lévesque, Professeur de physique et chercheur en production et stockage d'énergie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1662832021-08-17T18:05:56Z2021-08-17T18:05:56ZLes cinq leçons du Sudoku pour faire face aux problèmes complexes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416487/original/file-20210817-23-xmv6i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1128%2C880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour remplir la grille, un bon stratège doit chérir son crayon de papier…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.piqsels.com/fr/search?q=sudoku">Piqsels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>D’après une <a href="https://hbr.org/2014/02/develop-strategic-thinkers-throughout-your-organization">étude</a> menée auprès de 10 000 dirigeants où on les interroge sur la première qualité d’un leader pour la réussite de leur organisation, 97 % d’entre eux répondent : l’intelligence stratégique. Cependant, comme le souligne une autre <a href="https://www.strategyskills.com/pdf/The-Strategic-Thinking-Manifesto.pdf">étude</a>, qu’ils s’agissent du manque de temps, d’engagement ou de connaissances, diverses raisons conduisent les dirigeants à délaisser le travail de leur pensée stratégique voire à se trouver incapable de la maîtriser.</p>
<p>Dans cet article, nous ne proposons pas de solutions à ce problème. Plutôt, nous invitons à emprunter un chemin plus ludique pour tenter de dégager quelques principes stratégiques utiles aux dirigeants, mais aussi à tous dans les situations de la vie quotidienne, professionnelle comme personnelle, afin de faire face aux problèmes complexes.</p>
<p>Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur un jeu bien célèbre : le Sudoku, dont les joueurs du monde entier sont orphelins depuis la <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/08/17/mort-de-maki-kaji-l-homme-qui-a-popularise-le-sudoku_6091622_3382.html">disparition du Japonais Maki Kaji</a>, le 10 août dernier, à l’âge de 69 ans. Dans les années 1980, c’est lui qui avait contribué à populariser le jeu, après l’avoir découvert dans un magazine américain, en lui donnant son nom nippon (« Su » : chiffre ; et « Doku » : unique).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1427498881869393923"}"></div></p>
<p>La maison d’édition qu’il a fondée, Nikoli, a rendu hommage sur son site Internet au <a href="https://www.nikoli.co.jp/en/index.html">« parrain du Sudoku »</a>, « qui a répandu l’amour des puzzles dans le monde ». S’il existe des <a href="https://www.math.univ-toulouse.fr/%7Ejbhu/Sudoku.pdf">ancêtres du Sudoku</a> en Europe dès le XVIII<sup>e</sup> siècle, notamment le carré latin du mathématicien suisse Leonhard Euler, il faudra en effet attendre près de deux siècles pour voir les premières grilles publiées dans les journaux japonais.</p>
<h2>Triple interdépendance</h2>
<p>Le principe du Sudoku est le suivant : vous disposez d’un tableau de 81 cases, divisés en 9 colonnes, 9 lignes et 9 blocs. La règle est la suivante : vous devez compléter chaque case avec un chiffre allant de 1 à 9 en respectant simultanément les trois contraintes suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Le chiffre ne doit pas déjà se trouver sur la même colonne.</p></li>
<li><p>Le chiffre ne doit pas déjà se trouver la même ligne.</p></li>
<li><p>Le chiffre ne doit pas déjà se trouver dans le bloc.</p></li>
</ul>
<p>En somme, pour positionner un chiffre, la complexité provient du triple niveau d’interdépendance auquel il est soumis : colonne, ligne et bloc. Avec un tel jeu, qui nous confronte à cette triple interdépendance, l’intelligence stratégique, l’un des <a href="https://www.dunod.com/entreprise-economie/c-est-complexe-10-principes-pour-affronter-complexite-organisations">10 principes de la pensée complexe</a> que nous détaillons dans notre dernier livre <em>C’est complexe !</em> (Éditions Dunod), s’impose.</p>
<p>Plus précisément, cinq principes peuvent être mobilisés pour remplir avec succès la grille de 9 cases. Cinq principes qui sont autant des leçons pour développer son intelligence stratégique.</p>
<p><strong>Leçon n°1. Prenez le temps d’analyser vos connaissances disponibles, vos ignorances possibles et vos incertitudes réelles.</strong></p>
<p>Une partie de Sudoku ne débute pas avec un tableau vide. Dès le départ, vous disposez de cases déjà complétées qui constituent à la fois une ressource et une contrainte ; une ressource car il s’agit là des connaissances à partir desquelles vous pourrez poursuivre la résolution de votre problème et une contrainte car cela vient poser un cadre donc limiter vos possibilités dans le remplissage des cases.</p>
<p>Ainsi, la première étape est de prendre le temps de faire le point à la fois sur ce que vous savez déjà donc vos connaissances disponibles ainsi que ce que vous ignorez à ce stade du jeu. Cette opération, sans doute indispensable pour débuter le jeu, se révélera indispensable tout au long de la partie : sans cesse prendre le temps d’identifier ce que l’on sait et ce qu’on ignore possiblement.</p>
<p>En matière de stratégie, il s’agit là d’une leçon élémentaire : face à la complexité, pour reprendre la formule du philosophe français <a href="https://theconversation.com/jacques-bouveresse-ou-comment-penser-les-pieds-sur-terre-162125">Jacques Bouveresse</a>, subordonner d’abord votre « désir de juger au devoir de comprendre ». Comprendre la situation, rechercher les informations et connaissances disponibles et être conscient du champ possible de vos ignorances nécessaires à combler pour résoudre votre problème.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1413370269578715136"}"></div></p>
<p>Toutefois, on peut noter une différence entre le jeu et la réalité : l’absence d’incertitude. Avec le Sudoku, on comprend un peu mieux la différence éventuelle entre l’ignorance et l’incertitude – trop souvent confondues lorsque la complexité semble importante. Si l’ignorance nécessite stratégie et apprentissage, l’incertitude implique un pari. Or, dans le Sudoku, il n’y a rien à parier car il s’agit d’un jeu dont le cadre est fixé d’avance et le problème peut trouver une solution.</p>
<p>S’il fallait tirer une leçon de ce dernier point, celle-ci serait de ne pas confondre son ignorance et l’incertitude réelle dans la résolution d’un problème complexe. Si l’ignorance nécessite l’enquête et l’apprentissage, l’incertitude implique plutôt le sens du pari, la prise de risque et donc de jouer sa peau. À distinguer les deux, sans doute se rendrait-on compte que nos peurs face à la complexité émergent bien plus souvent de nos ignorances dont nous sommes aveugles que de <a href="https://theconversation.com/la-complexite-une-bonne-excuse-pour-ne-pas-agir-138953#:%7E:text=Il%20s%E2%80%99agit%2C%20selon%20l,erreur%20et%20de%20l%E2%80%99illusion.">l’incertitude réelle qui relève d’une forme de pari auquel la connaissance ne peut pas grand-chose</a>.</p>
<p><strong>Leçon n°2. « Ne pense pas mais regarde plutôt ! »</strong></p>
<p>C’est là une erreur bien courante que les amateurs de Sudoku connaissent bien : à rester trop focaliser sur la volonté de placer un chiffre dans une case, on en oublie de voir les solutions simples et évidentes ! Qu’il est aisé de passer à côté de la facilité lorsque l’esprit est embarqué dans la volonté de résoudre un problème plus complexe…</p>
<p>Aussi, lorsque nous avançons dans la partie, il arrive que la solution que nous recherchons soit déjà là, sous nos yeux : nous voulons absolument placer un 3 dans une ligne alors que celui-ci s’y trouve déjà… À cet égard, on pourrait se remémorer cette célèbre formule du philosophe et mathématicien autrichien Ludwig Wittgenstein dans ses <em>Remarques philosophiques</em> (fragment 66) : « Ne pense pas mais regarde plutôt ! ».</p>
<p>En matière de stratégie, cette leçon, si triviale, est pourtant si facile à oublier : à trop se concentrer sur des problèmes complexes, nous laissons de côté les plus simples à résoudre ou, pire, nous cherchons des informations ou des connaissances déjà disponibles. Toutefois, cela implique de faire de la première leçon une sorte de « réflexe » : prendre régulièrement le temps de faire le point sur ses connaissances disponibles et ses ignorances possibles.</p>
<p><strong>Leçon n°3. Construisez votre stratégie chemin faisant en fonction des informations dont vous disposez.</strong></p>
<p>Le genre d’erreurs évoquées précédemment peut parfois provenir de notre volonté de suivre une seule et unique stratégie sans la remettre en question. Pourtant, comme le soulignait Edgar Morin dans un chapitre intitulé « Les qualités intelligentes » du tome 3 de <em>La Méthode</em>, l’un des faisceaux de l’intelligence humaine réside dans « l’aptitude à enrichir, développer, modifier la stratégie en fonction des informations reçues et de l’expérience acquise ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1079482058311897089"}"></div></p>
<p>Chemin faisant, la notion même de « stratégie » prendra tout son sens : il ne s’agit plus d’un programme fixe à mettre en œuvre mais d’une intelligence à déployer. On comprend alors mieux ces mots du philosophe et sociologue à l’origine du concept de « pensée complexe » :</p>
<blockquote>
<p>« L’intelligence est toujours stratégie, et, dans ses exercices les plus individualisés, les plus complexes, les plus innovateurs, cette stratégie devient de l’art, comme toute stratégie qui mobilise le meilleur des aptitudes individuelles devant les incertitudes, difficultés, variabilités d’une mission à accomplir. Comme tout art, l’art de l’intelligence ne saurait obéir à des recettes ou des programmes de réalisation ».</p>
</blockquote>
<p><strong>Leçon n°4. Restez lucides sur votre propre niveau pour apprendre sans renoncer.</strong></p>
<p>Ceci étant dit, on ne se lance pas dans un Sudoku en commençant par le niveau le plus élevé. C’est là le meilleur moyen d’abandonner rapidement et de perdre l’occasion d’apprendre à y jouer. En effet, voilà un jeu qui nécessite une forte dose d’humilité et de lucidité quant à son propre niveau.</p>
<p>Tout d’abord, ne craignez pas de résoudre vos problèmes complexes au crayon à papier. Comme nous le rappelait le philosophe français Gaston Bachelard dans <em>La formation de l’esprit scientifique</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Psychologiquement, pas de vérité sans erreur rectifiée. Une psychologie de l’attitude objective est une histoire de nos erreurs personnelles ».</p>
</blockquote>
<p>Ne craignez donc pas l’erreur ; plutôt, soyez assurés qu’elles sont la clé de votre apprentissage et de l’amélioration de vos stratégies.</p>
<p>Par ailleurs, vous verrez que plus le niveau de complexité d’un Sudoku est élevé, moins vous disposez d’informations dans le tableau pour commencer. Cela ne signifie pas que les connaissances de départ sont moins importantes ou qu’il nous faille relativiser la leçon n°1. Plutôt, cela nous démontre que plus vous serez en mesure de relativiser l’importance des connaissances disponibles pour faire face à votre ignorance, plus vous serez en mesure de faire face à des problèmes plus complexes.</p>
<p><strong>Leçon n°5. Soyez prudents et rigoureux pour éviter les escalades d’erreurs.</strong></p>
<p>À l’humilité, ajoutons la prudence et la rigueur. Il arrive parfois que tout semble aller bien pour le joueur : nous voilà à compléter le tableau à une vitesse telle, que nous sommes sûrs de rapidement en avoir terminé. Et voilà qu’un obstacle se présente… Vous avez placé deux chiffres similaires sur la même ligne… Cette erreur fatale, qui ne vous a pourtant pas empêché d’avancer, vous oblige à revenir sur votre jeu voire à tout modifier.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416486/original/file-20210817-19-fdshmg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dunod.com/entreprise-economie/c-est-complexe-10-principes-pour-affronter-complexite-organisations">Éditions Dunod</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À ce moment du jeu, n’abandonnez pas. Et en matière stratégique, <a href="https://www.strategie-aims.com/events/conferences/16-viieme-conference-de-l-aims/communications/1005-escalade-de-l-engagement-decideurs-et-responsabilite-etude-du-cas-les-amants-du-pont-neuf/download#:%7E:text=L%E2%80%99escalade%20de%20l%E2%80%99engagement%20est%20un%20comportement%20qui%20s,de%20l%E2%80%99objectif%20est%20incertaine.">évitez l’escalade de l’engagement</a>, c’est-à-dire la persistance d’un même comportement face à une décision qui entraîne l’échec. Aussi, cela nous montre que la succession de réussites peut parfois se révéler illusoire. Et c’est au moment où un obstacle, parfois tardivement, vient se poser sur votre chemin stratégique que vous le découvrez.</p>
<p>Humilité, prudence et rigueur : un bon stratège doit chérir son crayon de papier tout autant que la connaissance qu’il acquiert par ses « erreurs corrigées ».</p>
<h2>La stratégie n’est pas qu’une partie de Sudoku</h2>
<p>Si le Sudoku peut nourrir l’intelligence stratégique, il va sans dire que la vie n’est pas un jeu.</p>
<p>En effet, comme le définit l’historien néerlandais <a href="https://www.collock.com/2016/07/15/homo-ludens/">Joseph Huizinga</a> dans son célèbre <em>Homo Ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu</em>, le jeu est :</p>
<blockquote>
<p>« Une action libre, sentie comme “fictive” et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d’absorber entièrement le joueur ; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité ; qui s’accomplit en un temps et un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupe ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, le Sudoku est bien trop sérieux pour offrir une analogie suffisante avec la stratégie des organisations. « Le concept de jeu en tant que tel est d’ordre supérieur à celui de sérieux. Car le sérieux cherche à exclure le jeu, tandis que le jeu peut fort bien inclure en lui le sérieux ».</p>
<p>Toutefois, s’il nous fallait retenir une dernière leçon, alors nous aimerions simplement dire : persévérez ! Comme l’écrivait brillamment Gaston Bachelard en conclusion de <em>La Formation de l’esprit scientifique</em> : « Plus une œuvre est difficile, plus elle est éducatrice ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ousama Bouiss est consultant-chercheur au sein du cabinet Hector Advisory et membre du groupe « Reliance en complexité ».</span></em></p>Le Japonais Maki Kaji, qui a popularisé le jeu, vient de disparaître. Il lègue un outil précieux pour développer l'intelligence stratégique, l’un des principes de la pensée complexe.Ousama Bouiss, Doctorant en stratégie et théorie des organisations, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1615262021-05-31T19:08:10Z2021-05-31T19:08:10ZÀ la découverte de l’intelligence des poulpes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403576/original/file-20210531-16-1qknot3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C0%2C5475%2C3342&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un poulpe à l'oceanarium de Lisbonne au Portugal.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/i54owgDjXeY">Isabel Galvez/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que l’oscar du meilleur film documentaire vient d’être attribué à <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/capture-d-ecrans/capture-d-ecrans-26-avril-2021">« La sagesse de la pieuvre »</a>, l’intelligence de ces étranges animaux fascine de plus en plus. Comment un être si particulier perçoit-il le monde ? Bien chanceux est celui qui pourra le dire avec certitude.</p>
<p>Les poulpes, ou pieuvres, dans le langage de Victor Hugo, sont des céphalopodes, une classe d’animaux marins faisant partie des mollusques. Dotés de huit bras couverts de ventouses et d’un corps musculeux sans os ni coquille, sont endémiques de nos océans. Environ 200 espèces se répartissent dans toutes les eaux marines du globe. Alors que notre dernier ancêtre commun avec eux remonte à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/brv.12651">500 millions d’années</a>, lorsque nous les étudions, ils présentent des similitudes troublantes avec nous, à travers leurs yeux qui nous fixent, leur cerveau au fonctionnement étonnamment proche du notre ou leur curiosité et leur envie d’explorer qui nous rappellent notre propre soif de connaissances. L’étude de ces ressemblances, que nous nommons convergences évolutives, nous permet de mieux comprendre comment l’environnement et l’évolution façonnent de façon similaire organes et comportements.</p>
<p>Sur ce dernier point, le comportement des poulpes semble indiquer une intelligence impressionnante. En éthologie, la science étudiant les comportements, nous étudions cette intelligence, que nous qualifions plutôt de cognition. Les capacités cognitives peuvent se définir comme les processus par lesquels des informations issues de l’environnement sont perçues, traitées, transformées, retenues puis utilisées pour prendre des décisions et agir. </p>
<p>D’un point de vue comportemental, la flexibilité avec laquelle les individus s’adaptent et ajustent leur comportement à des situations changeantes et nouvelles est une bonne mesure de leurs capacités cognitives. <a href="https://www.cambridge.org/core/books/cephalopod-behaviour/2D21474D460811C160EFDBA35796FAC0">De nombreuses études</a> sur les poulpes montrent qu’ils présentent une grande flexibilité dans leurs comportements, que ce soit dans leur milieu naturel ou en aquarium dans un laboratoire. </p>
<h2>Doués pour l’attaque et la défense</h2>
<p>Prenons d’abord l’exemple des mécanismes de défense chez les poulpes. Face à leurs multiples prédateurs, les poulpes sont des as du camouflage, car ils peuvent imiter leur environnement en modifiant la couleur et la texture de leur peau, instantanément et de façon variée, grâce à des cellules pigmentées appelées chromatophores et à de multiples muscles couvrant leur épiderme. </p>
<p>En absence de coquille, les poulpes sont très vulnérables, et ils vont chercher à se cacher, de préférence dans un abri sous forme de cavité sous un rocher : les poulpes aménagent et entretiennent leur abri en retirant du sable et en ajoutant des pierres et des coquilles pour mieux en fermer l’entrée. D’autres vont préférer s’ensabler pour se cacher, ou se couvrir de coquillages, et certains vont même transporter leur abri dans leurs bras, un comportement considéré comme une utilisation d’outil. C’est le cas de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982209019149">pieuvre noix de coco</a>, qui a été observée en train de transporter une demi-coque de noix de coco afin de se cacher en dessous au moindre danger.</p>
<p>Les poulpes sont également de redoutables prédateurs eux-mêmes, et leurs mécanismes d’attaque s’adaptent à la grande variété de proies qu’ils consomment, à savoir tous types de coquillages et crustacés, mais aussi des poissons et même d’autres céphalopodes. Ils peuvent utiliser leur vision et leur camouflage pour chasser, ou leurs bras pour explorer, toucher et goûter l’environnement et saisir tout aliment à portée. Ils peuvent entretenir des interactions interspécifiques pour <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecy.3266">chasser, et coopérer avec certains poissons</a>, notamment des mérous, pour trouver des proies cachées. Ils apprennent à se méfier des crabes porteurs d’anémones urticantes et les attaquent prudemment sans se faire piquer. </p>
<p>Lorsqu’ils consomment coquillages et mollusques, les poulpes peuvent soit ouvrir de force la coquille, en glissant éventuellement un petit caillou pour en bloquer la fermeture, soit injecter une toxine paralysante qui permettra à la coquille de s’ouvrir facilement. <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1469-7998.1988.tb02466.x">La toxine est inoculée</a> dans un muscle très précis après avoir foré la coquille et les poulpes doivent apprendre et se souvenir à quel endroit forer chaque coquillage.</p>
<h2>Des créatures à surveiller de près au laboratoire</h2>
<p>Les capacités cognitives des poulpes sont aussi beaucoup étudiées en laboratoire. Par exemple, dans notre laboratoire EthoS, nous travaillons actuellement sur la mémoire et les capacités de planification des poulpes communs. Ce sont des animaux qui se révèlent complexes à étudier, notamment à cause de leur grande force, car ils peuvent détruire facilement les dispositifs de recherche : gare aux caméras immergées, ils sont capables d’ouvrir les boîtiers étanches pour les court-circuiter ! Par ailleurs, ils sont dépourvus d’os, et peuvent s’échapper facilement par le moindre trou ; inlassablement curieux, ils attrapent mains et épuisettes au moindre entretien de leur aquarium.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403577/original/file-20210531-19-18pqchg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Jeu chez un poulpe commun du laboratoire EthoS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lisa Poncet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’ouverture de pots, bien qu’impressionnante et souvent utilisée pour illustrer l’intelligence des poulpes, n’est pas leur capacité la plus exceptionnelle. Cette tâche leur est facile grâce à leur dextérité et leur capacité de préhension, mais finalement les poulpes sont très lents dans l’exécution de cette tâche : même surentraîné, un poulpe met toujours plus d’une minute à ouvrir le pot et à saisir le crabe. Les poulpes restent cependant doués dans leur façon de manipuler des objets en modifiant, par exemple, leur orientation pour les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0152048">glisser à travers une petite ouverture dans une paroi</a>.</p>
<p>Par ailleurs, ils excellent dans l’apprentissage discriminatif : face à deux objets, ils apprennent à attaquer un objet en échange d’une récompense, en se basant sur ses caractéristiques, comme la teinte, la forme, la texture ou le goût. Ils peuvent retenir ces apprentissages pendant plusieurs mois, et sont également <a href="https://europepmc.org/article/MED/13835825">capables de généralisation</a>, une tâche complexe qui nécessite d’élargir spontanément la règle apprise à de nouveaux objets en se basant sur leurs similitudes (taille, couleur, rugosité) avec ceux précédemment rencontrés. Par exemple, des poulpes ayant appris à reconnaître et attaquer une balle réelle sont capables de reproduire cet apprentissage sur un écran et ainsi d’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/707420">attaquer une balle virtuelle</a>. </p>
<p>Ils font preuve de discrimination conditionnelle, c’est-à-dire qu’ils peuvent modifier leur choix en fonction du contexte : par exemple, ils peuvent apprendre à attaquer un objet seulement en présence de bulles dans leur environnement et à <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Conditional-discrimination-in-Octopus-vulgaris-Tokuda-Masuda/dfa15498719f61d6d8e5685192f7fb64fb87b63f">se réfréner d’attaquer en leur absence</a>. Ils sont capables d’apprentissage spatial, et <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Conditional-discrimination-in-Octopus-vulgaris-Tokuda-Masuda/dfa15498719f61d6d8e5685192f7fb64fb87b63f">peuvent retrouver un refuge non visible</a> en se remémorant sa position dans l’espace. Ils peuvent aussi <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982211001084">utiliser des repères visuels</a> pour savoir comment orienter leur bras engagé dans un dispositif opaque. </p>
<p>Enfin, les poulpes sont capables d’apprendre en <a href="https://science.sciencemag.org/content/256/5056/545">observant leurs congénères</a>. Cela est surprenant, car ce sont des animaux décrits comme majoritairement solitaires (bien que des communautés de poulpes aient été ponctuellement observées). Cependant, après avoir observé un congénère choisir un objet particulier, le poulpe est capable de reproduire ce comportement sans apprentissage supplémentaire. Mais bien qu’impressionnants dans leurs apprentissages en laboratoire, les poulpes restent des animaux étonnamment erratiques dans leurs réponses, notamment dans les expériences de discriminations visuelles, où leurs performances dépassant rarement les 80 % de réussite quand d’autres animaux réussissent presque à la perfection.</p>
<p>Ainsi, si nous reprenons la définition de l’intelligence, nous observons que les poulpes valident toutes les conditions : ils font preuve d’une grande flexibilité dans l’obtention d’informations (utilisation de plusieurs sens, apprentissage social) dans le traitement de cette information (apprentissages discriminatifs et conditionnels), dans sa rétention (mémoire à long terme), et dans son utilisation (adaptation du comportement face aux différents prédateurs et proies).</p>
<p>Mais ne vous y méprenez pas : ce n’est pas parce qu’ils sont au centre de toutes les attentions qu’ils sont les plus intelligents de nos mers ! Dans la cour d’école des céphalopodes, le poulpe serait plutôt l’élève turbulent. La seiche, elle, serait plutôt la première de la classe. Ces cousines des poulpes sont étonnamment ignorées par le grand public, et pourtant au centre de nombreuses recherches dans les laboratoires d’éthologie du monde entier : moins touche-à-tout que les poulpes, elles ont pourtant des capacités d’apprentissages sans commune mesure, pouvant apprendre des règles complexes en très peu de temps, et une fois celles-ci acquises, elles les appliquent à la perfection.</p>
<p>Finalement, les céphalopodes nous montrent qu’il n’est pas nécessaire de chercher des formes de vie intelligentes dans les étoiles, car il en reste encore tant à découvrir dans nos mers !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161526/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lisa Poncet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (projet COMETT). </span></em></p>Présents dans les mers et les océans du monde entier, ces céphalopodes ont des capacités d’apprentissage, de défense et d’attaque exceptionnelles.Lisa Poncet, Doctorante en neuroéthologie, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594792021-04-26T17:32:24Z2021-04-26T17:32:24ZLa norme sociale, un obstacle pour les Hauts potentiels intellectuels dans le monde du travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396311/original/file-20210421-19-cb43um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5353%2C3565&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 2&nbsp;% de la population est considérée comme haut quotient intellectuel, soit 1&nbsp;300&nbsp;000&nbsp;personnes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/perplexed-young-woman-looking-coworkers-pointing-721870105">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Une curieuse tendance s’observe ces dernières années dans nos séries télévisées : celle de la mise en avant de personnes socialement décalées car porteuses d’un mode de <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/comment-apprehender-la-diversite-cognitive-de-lhumanite/">fonctionnement cognitif différent</a> et interagissant, de manière <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/atypique">« atypique »</a>, avec des environnements professionnels vus comme étant très codifiés.</p>
<p>Ainsi, les spectateurs ont pu successivement découvrir la psychologue <a href="https://profilage.hypnoweb.net/profilage/les-personnages/chloe-saint-laurent.174.36/">Chloé St Laurent</a> dans la série <em>Profilages</em>, le chirurgien <a href="https://www.infirmiers.com/actualites/actualites/a-la-tele-good-docto-serie-valorise-difference.html">Shaun Murphy</a> dans <em>Good Doctor</em> ou la documentaliste <a href="https://www.france.tv/france-2/astrid-et-raphaelle/astrid-et-raphaelle-saison-1/1380599-astrid-nielsen-jeune-femme-atteinte-du-syndrome-d-asperger.html">Astrid Nielsen</a> dans <em>Astrid et Raphaëlle</em>, dont les compétences personnelles « différentes » sont présentées comme étant un atout majeur pour les équipes avec lesquelles elles collaborent.</p>
<p>Car, au-delà de personnages distrayants et attachants, c’est sans doute là le message social que l’on peut retenir de ces séries : montrer que – sous certaines conditions – une coopération entre une majorité « normée » et une personne « différente » non seulement est possible mais peut également s’avérer fructueuse pour tous.</p>
<h2>Les HPI mis en lumière</h2>
<p>Dernier exemple en date, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s2GlB6Dv8ls"><em>HPI</em></a> (pour « Haut potentiel intellectuel »), la nouvelle série en prime-time de TF1, propose d’aller un peu plus loin dans cette exploration du « hors normes » en mettant en avant, cette fois-ci, une différence intellectuelle – un haut quotient intellectuel (<a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/que-mesure-au-juste-le-qi-quotient-intellectuel-10513">HQI</a>) – pour une fois située hors du diagnostic médical.</p>
<p>Et, ce glissement sur une population potentiellement (très) élargie – le <a href="https://www.mensa-idf.org/?action=mensa_douance">HQI</a> concerne mathématiquement <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-population/population-sexe-ages/">2 % de la population</a> soit environ 1 300 000 personnes en France –, permet de poser de manière plus ouverte la question du décalage individuel à la norme sociale et la place compliquée qu’un individu « différent » peut y trouver, même s’il n’est pas – ou s’il ne se reconnaît pas – dans la définition d’une personne en <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31029">« situation de handicap »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CKcE8rTcu64?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de la série française « HPI » diffusée sur TF1..</span></figcaption>
</figure>
<p>Et ce choix constitue un changement majeur, en brouillant les frontières que l’on croit trop souvent immuables, entre le « normal » et le <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1967/01/09/le-normal-et-le-pathologique_2610695_1819218.html">« pathologique »</a> – pour reprendre le titre de l’ouvrage du <a href="http://ehvi.ens-lyon.fr/IMG/pdf/quelques_concepts_de_canguilhem.pdf">philosophe français George Canguilhem</a> – et en proposant de ne plus faire de la norme un idéal à atteindre individuellement mais bien à transcender collectivement.</p>
<p>Depuis début 2021, une étude croisée est menée, à partir de l’IAE de Paris, sur les perceptions de la valeur ajoutée des populations HPI d’un côté, et la population managériale de l’autre, dans le but de cerner au mieux les attentes de ces deux catégories d’acteurs, amenées, de fait, à coopérer sur un même lieu de travail.</p>
<h2>Des attentes différentes</h2>
<p>L’analyse des premiers retours donne à voir un certain nombre d’éléments intéressants, en particulier sur les priorités des individus HPI et celles recherchées par l’encadrement.</p>
<p>De manière assez systématique, et en cohérence totale avec, justement, leurs compétences cognitives, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02123539/document">individus HPI</a>, lorsqu’ils sont interrogés sur leur « valeur ajoutée » pour l’entreprise, mettent en avant – voire très en avant, parfois – cette dimension vue comme objective de leurs compétences, que l’on pourrait qualifier de « technique interne » et qu’ils décrivent comme « Intuition, rapidité, capacité de faire le pas de côté […] » « Simplifier des problématiques très complexes », « Une agilité intellectuelle, [savoir] faire des liens entre différentes choses là où chez certains, c’est un peu plus segmenté ».</p>
<p>Mais, si ce goût affiché pour ce que l’on pourrait nommer « l’efficience » peut sembler extrêmement légitime dans le lieu de profit qu’est l’entreprise, elle relègue en revanche souvent mécaniquement la dimension <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-4-page-35.htm">« jeu social »</a> au second plan. Ainsi, le temps nécessaire à la création, à l’entretien quotidien de liens interpersonnels et à l’indulgence qui peut en découler, est souvent malmené… au profit de tâches jugées <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/etre-trop-doue-un-frein-pour-sa-carriere-957288">plus utiles</a>.</p>
<p>Le souci, c’est que la même question, cette fois-ci posée aux managers, affiche un ordre de priorité inversé. En effet, les compétences revendiquées ci-dessus comme un « talent » et une « valeur ajoutée » – à savoir, par exemple, « une capacité à absorber une forte charge de travail » ou « une capacité à aller au-delà des codes de l’entreprise » par le HPI – sont souvent vues comme « importantes », voire « très importantes » pour l’entreprise mais jamais citées en priorité dans les compétences recherchées au moment du recrutement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396324/original/file-20210421-13-ebhm04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les compétences mises en avant par les HPI lors d’entretien d’embauche ne sont pas les plus recherchées chez les entreprises.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/job-business-interview-office-face-mask-1813789268">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>En effet, avant de se poser la question des « compétences en plus (des autres) », les recruteurs mettent en avant les « compétences interpersonnelles » – d’autres diraient <em>soft skills</em> – à savoir : capacités d’intégration, d’adaptation… Et ces dernières, désormais princeps, font de fait de l’ombre à de potentielles compétences « différentes ».</p>
<p>On comprend bien, dans cette situation, que si la compréhension des priorités de l’entreprise n’est pas totalement partagée par les populations d’acteurs, alors peut rapidement s’infiltrer un sentiment de malaise des uns et de <a href="https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/detail/article/les-profils-atypiques-ont-ils-une-chance-de-reussir-au-plus-haut-niveau.html">défiance</a> des autres.</p>
<h2>Le choix d’investir sur le long terme</h2>
<p>Sauf que… Si l’on fait le choix de ne pas s’arrêter à ces postures individuelles « naturelles » et que l’on se recentre sur les objectifs finaux de l’entreprise, alors les deux populations se rejoignent.</p>
<p>En effet, si l’on admet que l’entreprise a besoin de compétences d’innovation pour avancer et que les soft skills et autres codes font parfois un peu défaut <a href="https://theconversation.com/integrer-ceux-qui-nont-pas-les-codes-en-entreprise-un-equilibre-delicat-a-trouver-118285">aux HPI</a>, alors la solution consisterait, simplement, à faire en sorte que cette acquisition puisse se faire en interne, via une sensibilisation de l’encadrement, des coachings individuels ou collectifs, ou autre action permettant la réappropriation de ces éléments identifiés comme indispensables, par et pour l’entreprise.</p>
<p>C’est-à-dire, dans tous les cas, en investissant un temps individualisé pour que chacun trouve, non pas une place, mais sa place dans le collectif.</p>
<p>Comme le souligne Elizabeth Tchoungui, directrice exécutive Responsabilité sociétale chez Orange :</p>
<blockquote>
<p>« La diversité cognitive, encore trop souvent méconnue, est une chance et une opportunité pour l’entreprise. […] Et je suis convaincue que la diversité est source d’innovation et de performance durable. […] J’ai la profonde conviction, que plus un profil est atypique, plus il a une force insoupçonnée ».</p>
</blockquote>
<p>Soit investir dans l’individualité pour un apport supplémentaire et complémentaire au collectif. Un pari sur l’avenir collectif en pariant sur la différence individuelle ?</p>
<h2>La normalité sera-t-elle d’être tous différents ?</h2>
<p>Et si l’on accordait à la télévision cette vision prédictive de la société de demain ? Comme le soulignait déjà en 2015 Laurence Hersberg, directrice du Festival Série Mania, <a href="https://www.humanite.fr/laurence-herszberg-les-series-servent-de-miroirs-la-societe-571630">« Les séries servent de miroirs à la société »</a>. En faisant le choix de présenter des particularités cognitives sous un jour favorable – c’est-à-dire non plus comme une « déficience » mais bien comme une possibilité d’apport de compétences différentes à <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2019-3-page-99.htm">l’intelligence collective</a> de l’organisation qui les emploie – le petit écran se fait non seulement le porte-parole d’une minorité de plus en plus en recherche de visibilité, mais propose aussi des pistes à explorer pour l’entreprise, considérant chaque individu en termes de gestion simultanée de ses potentialités négatives – les risques, notamment psychosociaux – et positives – ces opportunités qu’on appelle le <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2016-3-page-9.htm">talent</a>.</p>
<p>Mais, du coup, cela entraîne une nouvelle question. Car, finalement, cette gestion particulière que les acteurs impliqués revendiquent comme une réponse « différente » à une personne « différente », ne serait-elle pas, tout simplement, une réponse « adaptée » que chaque individu, indépendamment de sa distance à ce fantasme mathématique qu’est la norme, devrait recevoir ? Ainsi que le résume simplement un manager : « [La solution est peut-être] d’arrêter de faire des HPI une catégorie à part. HPI ou non, chaque personne est différente. Et, si elle a des forces/faiblesses peu importe qu’elle soit HPI ou non ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur une recherche en cours menée au sein de l’IAE de Paris, sous la co-direction de Rémi Bourguignon, professeur à l’Université Paris-Est et Stéphane Saussier, professeur à l’IAE de Paris</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dutriaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différences des personnes au quotient intellectuel élevé demandent à l’employeur d’adopter des approches de long terme pour qu’elles puissent réaliser tout leur potentiel.Cécile Dutriaux, Doctorante, chaire EPPP, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500012020-11-20T11:00:52Z2020-11-20T11:00:52ZEt si les machines pouvaient nous rendre plus humains ?<p>En termes de calcul, les ordinateurs ont atteint des capacités bien supérieures aux nôtres depuis longtemps. Cela leur permet aujourd’hui de résoudre un certain nombre de tâches dans des domaines aussi variés que la reconnaissance d’image, le traitement automatique de la langue telle que nous la parlons (langue naturelle), la détection de fraude ou le ciblage marketing. Ces progrès ont été rendus possibles en particulier grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, qui nécessitent à la fois beaucoup de données et une grande puissance de calcul. Pour autant, l’intelligence se résume-t-elle à une capacité de calcul ?</p>
<p>Aujourd’hui, des robots et personnages virtuels apparaissent dans notre environnement en incarnant de plus en plus souvent des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/5191189">rôles sociaux particuliers</a> : tuteur virtuel, conseiller, compagnon, coach, etc.. Dans ces contextes d’usages, les machines doivent être dotées d’une certaine forme d’intelligence sociale et émotionnelle pour être capable de coopérer et de s’engager dans une interaction sociale avec l’utilisateur. L’intelligence sociale se définit comme la capacité de reconnaître et d’exprimer des comportements sociaux, tels que la politesse ou la dominance, et la capacité de gérer ces comportements pour construire une <a href="https://www.ocf.berkeley.edu/%7Ejfkihlstrom/PDFs/2010s/2011/KihlstromCantor_SocialIntelligence_3e_2011.pdf">relation sociale</a> avec un autre individu et <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=5L_7TjmvdYgC">l’amener à coopérer</a>. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/s15327965pli1503_02?journalCode=hpli20">L’intelligence émotionnelle</a> se définit quant à elle comme la capacité de reconnaître, exprimer et gérer ses propres émotions et celles d’autrui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"593380227553693696"}"></div></p>
<p>Du point de vue de la machine, cette intelligence socio-émotionnelle est d’autant plus importante que l’utilisateur lui-même a une propension à adopter un comportement social face à ces entités artificielles : c’est le paradigme CASA (« Computers Are Social Actors »). De nombreux travaux ont montré une tendance naturelle, souvent inconsciente, à adopter des comportements sociaux envers la machine (politesse, sourires). Les utilisateurs ont de plus tendance à <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-642-04380-2_19">anthropomorphiser les systèmes interactifs</a>, même les plus simples d’entre eux, en leur attribuant un genre, une ethnie, et une personnalité.</p>
<p>Dans la perspective de doter les systèmes interactifs d’une intelligence sociale et émotionnelle sont nés deux courants de recherche de l’intelligence artificielle : l’<a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=GaVncRTcb1gC">Informatique Affective</a> (<em>Affective Computing</em>) et le <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/7258495">traitement automatique des signaux sociaux</a> (<em>Social Signal Processing</em> (SSP)).</p>
<h2>La coopération entre l’humain et la machine</h2>
<p>Ces courants de recherche ont pour objectif de développer des systèmes interactifs (personnages virtuels, robots ou avatars) capables de reconnaître, comprendre et exprimer des émotions et des comportements sociaux. Ceux-ci peuvent cependant être source d’inquiétude pour les utilisateurs, une inquiétude largement entretenue par les médias ou le cinéma. Qu’une machine ait une grande puissance de calcul est acceptable, mais le fait qu’on la dote d’émotions, une caractéristique si humaine, peut l’être beaucoup moins. Le propos de cet article est de montrer que l’enjeu de la recherche sur ces thématiques n’est pas de remplacer l’humain mais de permettre aux machines de mieux reconnaître ses émotions pour s’adapter à son comportement. En voici quelques illustrations.</p>
<p>Les robots, les avatars ou les personnages virtuels peuvent par exemple être utilisés pour promouvoir des coopérations entre individus grâce à des <a href="http://web.tecnico.ulisboa.pt/franciscocsantos/MyArticles/PaivaSantosSantos-AAAI2018-BlueSky.pdf">comportements “prosociaux”</a>. Les questionnements sur l’utilisation de l’IA et son impact éthique et sociétal sont récents. Ainsi émerge un nouveau courant de recherche, <a href="http://web.tecnico.ulisboa.pt/franciscocsantos/MyArticles/PaivaSantosSantos-AAAI2018-BlueSky.pdf">l’informatique prosociale</a>, qui se définit comme « l’informatique visant à soutenir et à promouvoir des actions qui profitent à la société et aux autres ». Nous le savons, le comportement des machines peut influencer le comportement humain. Par exemple, un simple regard de robot suffit à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12110-007-9012-2">déclencher un comportement altruiste</a> chez l’humain. Il faut donc être conscient de cela pour décider comment utiliser ces capacités pour le bien-être de tous. En d’autres termes, si la recherche permet de développer des technologies socio-émotionnelles, c’est à la société, c’est-à-dire nous tous, de décider comment utiliser ces technologies.</p>
<p>Dans un domaine différent, l’e-éducation, un intérêt croissant est apparu autour de la « formation par la simulation » à l’aide d’environnements virtuels. Un certain nombre de travaux ont été conduits autour de dispositifs permettant à une personne d’entraîner ses compétences sociales à l’aide de <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s12193-018-00291-7.pdf">personnages virtuels</a> (« Virtual Agents for Social Skills Training (VASST) ». Par exemple, le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-03161-3_35">projet Tardis</a> propose un personnage virtuel jouant le rôle d’un recruteur utilisé pour former aux entretiens d’embauche. Le système permet de détecter et d’analyser en temps réel la production de l’utilisateur (hésitations, silence, posture, gestes, expressions du visage, etc.). Des indices comportementaux en sont extraits, permettant de donner des indications sur la qualité de l’entretien et de fournir un retour à l’utilisateur. Plusieurs expérimentations ont montré que des systèmes de ce type sont efficaces en termes d’entraînement.</p>
<p>Dans le <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/30601563/Fostering_empathic_behaviour_in_children_and_young_people_LH-SJJ-RA_Jan_25th_2011_20%282%29_20%283%29.pdf?1361178345=&response-content-disposition=inline%3B+filename%3DFostering_Empathic_Behaviour_In_Children.pdf&Expires=1605713903&Signature=Rlwb3gC5R9XI-gfb%7EEaNKKeTRIA4xHZ6HnPTyF3gL5TwBWBKiRcRdah-FLdJkTd54oXDo4416jqsAKEHfv%7Ezh6BHosJUGe03L3JuWeasGhIvdgjD94-UU7GBJtd7wH7n9bQqqjn1UTDa%7EE5JwflduLivSepQDkXvJM1Mf%7EKbuOB0NYtrQgoluPWJxA1c9WDxlZWADb8yrAORKEe-YM1ksxdVmi3hZhWJTkqXLN2RGI6p8JI4V7vVGA4C6yq7-yWFTKnFyTpPfbdaDMS4hlxhL3xQmFSItOaLLuoZOkEe7mTrwH8NiRCx4HELuW-g%7Ep6nOe5Dhv7cR8jx%7EvtqmDKsXA__&Key-Pair-Id=APKAJLOHF5GGSLRBV4ZA">projet eCUTE</a>, les enfants et les jeunes adultes sont confrontés à différentes situations utilisant des personnages virtuels pour la sensibilisation aux différences culturelles permettant en particulier de développer leur capacité d’empathie. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-540-77039-8_19">La plate-forme FearNot !</a> a de son côté été développée pour lutter contre les comportements de harcèlement scolaire à l’école. Elle repose sur la capacité des individus à ressentir de l’empathie y compris pour des personnages virtuels. En jouant le rôle de la victime à travers un personnage virtuel dans une situation de harcèlement scolaire, les harceleurs changent leur comportement. Dans un autre registre, des travaux montrent également, grâce à une audience virtuelle capable de s’adapter au comportement de l’orateur, la possibilité de s’entraîner à la <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/3267851.3267874">prise de parole en public</a>. Par exemple, un comportement inadapté de l’orateur engendrera une audience virtuelle simulant l’ennui.</p>
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<figcaption><span class="caption">Cicero 2.0 : audience virtuelle/Mathieu Chollet.</span></figcaption>
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<p>Dans le <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/3308532.3329418">projet VICTEAMS</a>, un environnement de réalité virtuelle peuplé de personnages virtuels est développé afin de former les leaders d’équipes médicales dans des situations de crise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Projet VICTEAMS/Domitile Lourdeaux.</span></figcaption>
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<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs12193-018-0289-8">Dans nos propres travaux</a>, nous avons développé un environnement permettant aux médecins de s’entraîner à l’annonce d’événements indésirables face à un patient virtuel. La façon dont les médecins délivrent des mauvaises nouvelles à un patient a en effet un impact significatif sur le processus thérapeutique (évolution de la maladie, effets secondaires des traitements, litiges, etc.). Cependant, les cliniciens expérimentés de même que les étudiants restent très peu formés sur cette problématique (coût, manque de temps) en dépit des préconisations faites par la Haute Autorité de la Santé (HAS). Pour répondre à cette demande, nous avons développé une plate-forme de réalité virtuelle dans laquelle le médecin peut dialoguer naturellement avec une patiente virtuelle. Le système permet de reconnaître et de comprendre en temps réel le discours du médecin. Le moteur de dialogue traite ainsi le message et génère la réponse de l’agent virtuel, exprimée à la fois verbalement par une synthèse vocale expressive ainsi que par un ensemble de comportements non-verbaux traduisant notamment son état émotionnel (e.g. expressions faciales d’émotion, gestes de douleurs, etc.).</p>
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<figcaption><span class="caption">Projet Acorformed/Magalie Ochs.</span></figcaption>
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<p>Il existe bien d’autres exemples d’applications, par exemple pour aider les enfants autistes, pour lutter contre nos phobies sociales, ou encore pour accompagner les personnes âgées dans leur vie quotidienne. Dans tous ces exemples, l’objectif n’est pas de remplacer l’humain mais bien de compléter des besoins liés au cloisonnement social, au manque de formation, etc. Les personnages virtuels, les robots, ou les avatars peuvent nous aider, nous, humains, à nous rendre plus humains.</p>
<h2>Le côté sombre de l’intelligence artificielle</h2>
<p>Sans aucun doute, nous ne devons être ni naïfs, ni exagérément optimistes face à l’intelligence artificielle. Il existe des risques éthiques, sociaux, politiques (notamment de manipulation et de discrimination) dans ces applications face auxquels nous chercheurs, avons le devoir de veiller. Nous avons un devoir collectif face à cela. Notre rôle est de poursuivre le développement et l’avancée de ces techniques. Mais il est dans le même temps nécessaire d’assurer la transparence la plus complète sur nos systèmes, ce qu’ils sont capables de faire, ce qu’ils ne peuvent toujours pas faire, et ce qu’ils ne seront jamais capables de faire. C’est cette transparence qui permettra à la société entière de décider collectivement les usages que l’on doit envisager pour ces techniques. Les machines sont à notre service et non l’inverse, une machine ne doit pas prendre une décision à notre place. Et nous devons, ensemble, imposer cette transparence. C’est à cette condition que nous pourrons veiller à ne pas être déshumanisés par des machines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les ordinateurs et les robots sont aujourd’hui dotés de compétences sociales leur permettant de converser avec nous en se montrant capables d’exprimer des émotions.Magalie Ochs, Chercheuse en Intelligence Socio-Emotionnelle Artificielle, Aix-Marseille Université (AMU)Noël Nguyen, Professeur, Aix-Marseille Université (AMU)Philippe Blache, Directeur de Institute of Language, Communication and the Brain, Aix-Marseille Université (AMU)Roxane Bertrand, Chargée de recherche CNRS, Linguiste, Analyse des Interactions, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472812020-11-20T11:00:50Z2020-11-20T11:00:50ZIntelligence artificielle : entre science et fiction<p>Les fantasmes actuels associés à l’intelligence artificielle (IA) trouvent leur origine dans la science-fiction (SF). Bien avant qu’on parle d’IA, bien avant les découvertes d’Alan Turing dans les années 1950. Bien avant cela donc, les robots – du Tchèque robota signifiant corvée – avaient déjà envahi la littérature de SF. En 1883, les robots agricoles ou “Atmophytes” de Didier de Chousy dans <em>Ignis</em> ou les androïdes de Karel Čapek en 1920 dans sa pièce de théâtre <em>R.U.R</em>, offrent une première représentation du lien étroit entre robots et autonomie de la pensée. Dans <em>R.U.R</em>, les robots finissent par se révolter contre l’humanité. D’emblée dominante, cette représentation destructrice et apocalyptique n’est pourtant pas la seule qui sera véhiculée par la SF.</p>
<h2>Entre complexe de Frankenstein et « empathie machinique »</h2>
<p>Robots et IA mêlés, la SF a construit un rapport ambivalent aux machines, tout à la fois fondé sur le complexe dit « de Frankenstein » et sur l’empathie machinique. Pour l’écrivain Isaac Asimov, le complexe de Frankenstein, celui de la révolte contre l’humanité, trouve sa source dans l’œuvre de Marie Shelley (1818 !) où la créature artificielle tue son créateur. Un siècle plus tard, un des premiers robots de cinéma, Q l’Automaton (<em>The Master Mystery</em>, 1918), renvoie aussi à cette idée.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Q » The Automaton at The Houdini Museum Of NY at Fantasma Magic/Fantasma Magic.</span></figcaption>
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<p>À l’opposé, l’empathie machinique, c’est l’idée qu’une machine entretient un lien émotionnel avec l’humanité, qu’elle serait prête à tout pour nous protéger (<em>AI</em>, l’IA enfant, <em>Wall-E</em>, etc). Le premier robot de ce type à voir le jour dans la SF est le personnage d’Adam Link (dans <em>Amazing Stories</em> de 1939 à 1942) créé par les frères Binder, Earl et Otto. Isaac Asimov s’en inspirera pour proposer des robots bienveillants envers l’humanité dans des nouvelles consacrées à des héros de métal gouvernés par les trois lois de la robotique (un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;</p>
<p>un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Il ira encore plus loin dans « L’Homme bicentenaire » (<em>Stellar Science fiction</em>, 1976) : c’est ici le robot qui veut devenir humain pour intégrer notre condition mortelle et abolir son immortalité de machine indestructible.</p>
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<figcaption><span class="caption">WALL-E Bande Annonce VF 2008 HD/Films Exclu.</span></figcaption>
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<p>La représentation fictionnelle de l’IA évolue aussi en suivant le contexte des avancées scientifiques. La SF d’aujourd’hui ne reproduit plus, par exemple, cette image d’un ordinateur géant, centralisé et omnipotent mais bien cette IA dématérialisée, présente dans de petites unités, partout et nulle part à la fois, comme dans <em>HER</em> de Spike Jonze (2014) ou dans <em>Les Machines fantômes</em> d’Olivier Paquet (2019). L’IA est désormais représentée comme une entité impalpable qui envahit le monde. On nage ici en pleine réalité car les IA sont désormais partout (assistant personnel, voiture, téléphone, etc.).</p>
<p>Ainsi, souvent, l’imaginaire dépasse la réalité car il repose sur un postulat indépassable, celui d’une IA ayant surpassé l’humain.</p>
<h2>L’IA, une intelligence parmi d’autres</h2>
<p>On peut définir l’intelligence comme la capacité à utiliser une expérience passée pour s’adapter à une situation nouvelle. Prenons l’exemple d’Alfred. Si Alfred fait x fois la même erreur face à la même situation, on perçoit le problème. Si par contre Alfred est capable de s’adapter rapidement à un changement dans son environnement pour réaliser une tâche en utilisant des ressources, non proposées immédiatement, mais qui font appel à ce qu’il a appris ailleurs, là Alfred fait preuve d’intelligence.</p>
<p>Les IA sont une sorte d’intelligence parmi d’autres et, comme toutes les intelligences, elles font des erreurs pour trouver la bonne solution. L’auto-correction et l’amélioration continue nous permettent ainsi d’évoluer tout en apprenant de nos erreurs. Même combat pour les IA, avec l’apprentissage automatique (machine learning) permis par l’accès à un nombre massif de données depuis les années 2010. Plus précisément, la machine cherche des liens entre les données récoltées pour les catégoriser. Elle fait alors preuve d’« intelligence », à l’instar d’Alfred. Mais elle n’est pas autonome de l’action humaine, pour avoir accès aux données mais surtout pour réagir face « à un problème nouveau ».</p>
<p>Prenons le cas d’une voiture autonome. Pour s’adapter à la route, ces véhicules “lisent” le paysage, les panneaux de signalisation, etc. Il suffit cependant d’un petit détail pour tromper l’IA, par exemple d’un petit autocollant posé sur un panneau de signalisation. Nos IA ne sont pas encore assez performantes pour éviter ce type de leurre, d’où la nécessité d’un conducteur humain pour parer à ce type d’éventualité.</p>
<h2>Intelligence générale et intelligence spécialisée</h2>
<p>La croyance dans les représentations fictionnelles de l’IA provient aussi du fait que le grand public ne fait pas la distinction entre deux sortes d’intelligences, celle considérée comme « générale » et celle dite « spécialisée ». On parle d’intelligence générale pour désigner une capacité d’apprentissage et d’adaptation quasi infinie et très rapide. Elle permet de prendre des décisions tout en se plaçant dans un contexte moral. L’intelligence humaine, ou animale, est une intelligence générale. L’intelligence spécialisée désigne, elle, la capacité à agir sur des tâches spécifiques ou des objectifs extrêmement précis. C’est là où nous sommes aujourd’hui en matière d’IA.</p>
<p>Les IA sont des systèmes qui sont entraînés à réaliser des tâches spécifiques de plus en plus compliquées. Ces systèmes nous semblent alors intelligents. Certains algorithmes peuvent effectivement devenir experts dans un domaine très précis (reconnaissance faciale, jeu d’échecs, etc) mais ils ne savent faire que cela. Votre GPS, par exemple, ne pourra jamais comprendre des images du jour au lendemain, la reconnaissance faciale ne pourra pas planifier votre chemin… enfin pas sans qu’on l’ait explicitement programmée.</p>
<p>L’IA aujourd’hui n’a pas la capacité d’adaptation requise pour prendre des décisions autonomes. Que penser de la situation imaginée par A. Proyas en 2004 dans son film <em>I-Robot</em> où le robot « Adam » préfère sauver le policier plutôt que la petite fille car il avait une meilleure capacité de survie ?</p>
<h2>L’IA peut-elle devenir plus intelligente que l’humain ?</h2>
<p>Des IA plus intelligentes que l’humain ordinaire, est-ce simplement possible ? Surpasser l’humain sur un plan intellectuel sous-entend que l’IA serait capable de prendre des décisions pour nous.</p>
<p>Évidemment que la thématique est source d’inspiration pour les œuvres sciences-fictionnelles qui abordent ici une question essentielle sur laquelle la science n’a pas encore de réponse : quels buts poursuivent les machines ? Le thème de l’annihilation de l’humanité pour créer une civilisation machinique se retrouve dans Matrix (où les machines asservissent les humains à leur insu pour utiliser la chaleur et l’activité électrique de leur corps comme source d’énergie). Wall-E propose une lecture plus empathique de la prise de décision par l’IA. Dès les années 1980, Tron livrait cette vision de la création d’un monde parfait, épuré des erreurs humaines, sorte de première utopie cyberpunk pour machines et programmes mais un enfer pour l’humain.</p>
<p>Les avis des experts sur la question convergent tout de même sur un point : « <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/pourquoi-lintelligence-artificielle-nest-pas-intelligente-961135">ce n’est pas pour aujourd’hui</a> ! » Et pour demain ? En l’état actuel des connaissances, rien n’est moins sûr. Le défaut de capacité d’adaptation fait qu’il est possible pour une IA de nous être « supérieure », mais seulement dans des domaines spécialisés (comme dans l’exemple précité du jeu d’échecs ou du jeu de go).</p>
<p>Force est alors de tordre le cou à un autre mythe, celui qui prédit la possibilité d’un grand remplacement de l’humain par une super-IA. Cet événement surviendrait après ce qu’on appelle la Singularité, un moment unique d’une évolution autonome et accélérée où l’IA surpasserait l’humain en intelligence et prendrait en main son propre destin ainsi que le nôtre. Certains vont jusqu’à dire que cela pourrait conduire à la mise en esclavage ou, pire, à l’extinction de l’humanité ! Le problème de la Singularité est qu’elle se heurte à la même limite que l’intelligence générale. Or, cette « thèse » déborde le domaine de l’imaginaire pour nourrir de fausses croyances qui s’ancrent dans la réalité.</p>
<h2>Faut-il avoir peur de l’IA ?</h2>
<p>Ces mythes masquent le véritable risque d’une IA qui est déjà partout présente dans notre quotidien via les smartphones et autres objets « intelligents ». Ils nous assistent dans nos choix en fournissant des propositions fondées sur nos préférences (en ayant accès aux données que nous stockons, parfois sans le savoir).</p>
<p>Nous pensons disposer d’un certain pouvoir de décision mais au final, c’est la machine qui prend les décisions. L’humain se fait, et volontairement donc, progressivement dépouiller de sa faculté critique. Certains y perçoivent une forme de manipulation, que ce soit pour générer plus de profit au service du marché, ou pour prendre le contrôle sur nos vies. L’IA est déjà utilisée non seulement pour prédire des choix et des comportements mais elle est aussi utilisée pour les influencer. « Celui qui deviendra leader en ce domaine sera le maître du monde », nous dit <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/intelligence-artificielle/poutine-pense-dominer-le-monde-en-maitrisant-l-intelligence-artificielle_116062">Vladimir Poutine</a>.</p>
<p>Au final, la question que l’on devrait, démocratiquement, se poser et la suivante : pour quelles raisons voulons-nous des IA ?</p>
<p>Parce qu’on sait le faire ? Parce qu’on ne sait pas le faire ? Parce que d’autres le font ? L’IA n’est pas phénomène naturel qui s’imposerait à nous. Les IA sont des outils informatiques comme les autres et elles doivent donc uniquement être conçues en réponse à des besoins explicites et fournir tous les éléments nécessaires à leur compréhension et à leur utilisation. Informatique et IA sont des moyens, pas des finalités. Et ce ne sont pas forcément, partout et toujours, les meilleurs moyens.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Karen Sobriel, étudiante en Master 1 Médiation des sciences (université de Bordeaux-Université Bordeaux Montaigne), dans le cadre de son stage professionnel effectué au département de recherches en SHS Changes de l’université de Bordeaux</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas P. Rougier a reçu des financements de ANR, Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Coris et Natacha Vas-Deyres ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les robots ont envahi la littérature depuis plus de 200 ans, mais entre fantasmes et réalité, où en sommes-nous aujourd’hui ?Marie Coris, Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire GREThA, Université de BordeauxNatacha Vas-Deyres, Chercheuse en littérature française, francophone et comparée du XXe siècle, spécialiste de l'anticipation et de la science-fiction littéraire et cinématographique., Université Bordeaux MontaigneNicolas P. Rougier, Chargé de Recherche en neurosciences computationelles, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474922020-11-03T19:45:59Z2020-11-03T19:45:59ZPourquoi la 5G gonflera notre consommation d’énergie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365814/original/file-20201027-19-1rnitgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C4%2C1443%2C837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouveaux usages de la 5G vont nécessiter de traiter beaucoup de données -- en plus de les transmettre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/server-racks-room-data-center-3d-495697993">Sashkin / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les débats autour de l’attribution des fréquences de la cinquième génération de téléphonie mobile (5G) inondent les pages de nos journaux, mais les conséquences de son introduction sur la consommation d’énergie ne sont pratiquement pas discutées. Les nouveaux usages permis par la 5G, comme les communications de masse entre machines, par exemple la « maison intelligente » ou la « ville intelligente », vont de facto augmenter les flux de données transmis.</p>
<p>L’analyse de la consommation énergétique ne doit donc pas être restreinte à celle de la 5G elle-même qui ne concerne que la partie <em>transmission</em> des informations : elle doit prendre en compte le <em>traitement des données</em> qui sont transmises.</p>
<h2>La 5G : transmission et traitement des informations</h2>
<p>La 5G est un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_sans_fil">standard de communication</a> qui permet la transmission d’informations entre un émetteur et un récepteur, qui peuvent être mobiles, grâce à des ondes électromagnétiques radiofréquences. Un standard définit à la fois les aspects matériels (antennes, terminaux) et logiciels (modulation, mode d’accès au réseau) qui permettent ce transfert. À ce standard sont associés un certain nombre de critères de performances, comme le débit des informations qu’il est possible d’échanger, ou la vitesse à laquelle un terminal se connecte au réseau. Ces critères sont sensiblement améliorés lorsque l’on passe de la technologie 4G à la 5G avec, par exemple, des débits attendus d’information de plusieurs gigabits par seconde.</p>
<p>Mais la transmission des données est toujours associée, dans l’appareil émetteur et dans l’appareil récepteur, à leur traitement. Quand nous prenons une photo ou une vidéo avec un téléphone, les images sont codées et transmises par le téléphone, via différents modes de communication (radio, fibre optique…), vers un récepteur. Le récepteur, par exemple le serveur d’un réseau social, va lui-même traiter les images pour les insérer dans une page web, ou les mémoriser, ou encore les renvoyer vers d’autres utilisateurs. L’augmentation des débits possibles permis par de nouveaux canaux de communication va donc inévitablement s’accompagner d’une augmentation du nombre des données qui devront être traitées.</p>
<p>Alors que la question de la consommation d’énergie des terminaux fixes (ordinateurs, serveurs…) ou mobiles (téléphones, tablettes) qui effectuent ce traitement n’est que peu abordée, elle représente bien plus de 50 % de la <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/les-big-data-a-decouvert/">consommation d’énergie</a>.</p>
<h2>Le traitement électronique de l’information</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365505/original/file-20201026-17-umi84p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=972&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alan Turing vers 1938.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alan_Turing_az_1930-as_%C3%A9vekben.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quel que soit l’appareil utilisé, c’est un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microprocesseur">(micro)processeur</a> qui effectue la fonction de traitement. Tous ont la même architecture et tous fonctionnent selon le même principe, proposé par le génial mathématicien <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/alan-turing-genie-au-destin-brise">Alan Turing</a> en 1936 (c’est-à-dire bien avant l’invention des ordinateurs) et adapté aux dispositifs électroniques par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_von_Neumann">John Von Neumann</a> en 1945.</p>
<p>Les premiers processeurs sont apparus au début des années 70, et pendant près de 40 ans, la progression de leurs performances a été extraordinaire, avec un doublement tous les 18 mois environ. Cette progression exponentielle, quelquefois appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore">loi de Moore</a>, a permis l’« électronisation » de la société et l’avènement de l’internet. Cependant, pour des raisons physiques assez fondamentales, cette progression est aujourd’hui terminée et la fin de la « loi de Moore » est aujourd’hui bien <a href="https://www.science-et-vie.com/science-et-culture/1965-2020-la-loi-de-moore-est-morte-53613">admise</a>. Les performances des processeurs ont donc atteint leurs limites et nous ne pouvons pas nous attendre à une amélioration sensible dans les années futures de la rapidité de calcul ou de la consommation d’énergie. Cette limitation des performances s’applique à tous les processeurs, que ce soient ceux de nos ordinateurs, de nos téléphones portables ou des serveurs des géants de l’internet.</p>
<h2>L’inefficacité énergétique des processeurs</h2>
<p>Le problème est que l’efficacité énergétique actuelle de nos processeurs est très mauvaise, et ceci pour deux raisons fondamentales.</p>
<p>La première est que les bits, c’est-à-dire les 0 et les 1 qui codent les informations, sont représentés dans le processeur par des charges électriques. Or ces charges se déplacent sans cesse pour produire des courants électriques entre les différentes parties du circuit. Or ce mouvement ne peut se faire sans dissipation de chaleur : c’est la fameuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Joule">loi de Joule</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Un microprocesseur" src="https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365820/original/file-20201027-15-c3gpc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un microprocesseur Athlon de la compagnie AMD.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Athlon64x2-6400plus.jpg">David W. Smith/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La seconde résulte d’une caractéristique des machines de Turing, et donc de nos ordinateurs, qui est le traitement en « série » des informations. Comme le processeur ne traite qu’une opération à la fois, la vitesse du traitement doit être très rapide. Or, les dispositifs électroniques constituant le processeur ne peuvent à la fois travailler vite <em>et</em> consommer peu. Ce dilemme rapidité-puissance est similaire à la vidange d’un réservoir : pour le vider très vite, il faut un grand débit. C’est la même chose dans un circuit électronique : il faut un courant important et la chaleur générée par effet Joule augmente. Les processeurs consomment donc une puissance électrique variant de quelques dizaines à plus d’une centaine de watts. Cette puissance se transforme essentiellement en chaleur : un processeur est avant tout un <a href="http://www.electroniques.biz/index.php/economie/vie-des-entreprises/item/67334-la-start-up-qarnot-leve-6-m-pour-exploiter-la-chaleur-des-centres-de-calcul">radiateur électrique</a>.</p>
<p>Pour illustrer la mauvaise efficacité énergétique de nos processeurs, prenons deux exemples emblématiques.</p>
<p>En 2016, le programme AlphaGo a <a href="https://theconversation.com/go-une-belle-victoire-des-informaticiens-56245">battu le champion du monde du jeu de Go, Lee Sedol</a>. De façon assez remarquable, AlphaGo ne contient au départ aucune connaissance spécifique sur le Go, son algorithme repose sur des réseaux de neurones et ses coups résultent essentiellement d’un apprentissage. Cette victoire impressionnante d’AlphaGo repose sur une formidable puissance de calcul constituée de près de 1400 processeurs, nécessitant une puissance électrique de plusieurs centaines de kilowatts. À l’inverse, Lee Sedol n’a utilisé qu’environ 20 ou 30 watts pour réfléchir et jouer, soit 10 000 moins qu’<a href="https://www.ledevoir.com/societe/science/539304/est-ce-que-l-ia-fonctionnera-un-jour-avec-aussi-peu-d-energie-qu-un-cerveau-humain">AlphaGo</a>. D’un point de vue énergétique, la compétition était donc assez, injuste, un peu comme celle d’une course de vitesse entre un humain et une voiture de Formule 1.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/go-une-belle-victoire-des-informaticiens-56245">Go : une belle victoire… des informaticiens !</a>
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<p>Un autre exemple est celui du véhicule autonome, technologie qui, selon certains, serait « boostée » par la 5G. Rendre autonome un véhicule nécessite une puissance de calcul considérable, constituée de plusieurs dizaines de processeurs qui nécessitent pour leur fonctionnement, une puissance électrique de plusieurs kilowatts (de 3 à 5 kilowatts). Ainsi, un véhicule électrique autonome utilise une part significative de l’énergie de ses batteries pour traiter de l’information alors que ce traitement est « gratuit » lorsque le véhicule est conduit par un humain. Par exemple, pour faire avancer une voiture sur 100 km, il faut environ 12-15kWh. Si le véhicule parcourt cette distance en deux heures, la puissance nécessaire au calcul sera de 6 à 10 kWh. Plus la vitesse de la voiture est basse, plus la puissance de calcul prend de l’importance, proportionnellement. C’est assez paradoxal !</p>
<p>Favoriser une technologie énergivore comme celle des véhicules autonomes à grande échelle constitue donc un non-sens écologique et va à l’encontre des engagements de sobriété énergétique et d’émission de CO<sub>2</sub> prévus dans l’<a href="https://negawatt.org/IMG/pdf/151209-cop21-presse-sobriete.pdf">accord de Paris</a>.</p>
<h2>« Intelligence » et énergie</h2>
<p>Nous voyons donc bien que toutes les applications gourmandes en calculs et en particulier toutes celles se réclamant « intelligentes » (intelligence artificielle, ville intelligente, capteurs intelligents, etc.) sont en fait des gouffres énergétiques, car le caractère « intelligent » de ces applications ne résulte en fait que d’une grande puissance de calcul. Il y a aujourd’hui une profonde confusion entre « intelligence » et « puissance de calcul » comme l’ont montré Jeff Hawkins et Sandra Blakeslee dans <a href="https://www.mollat.com/livres/1403459/jeff-hawkins-intelligence-comment-une-comprehension-nouvelle-du-cerveau-conduira-a-la-creation-de-machines-veritablement-intelligentes">« Intelligence : comment une compréhension nouvelle du cerveau conduira à la création de machines véritablement intelligentes »</a>. La communauté scientifique commence d’ailleurs à s’intéresser à la question de la consommation énergétique de l’intelligence artificielle, en particulier dans le cas des nombreuses applications utilisant l’apprentissage profond ou <a href="https://arxiv.org/abs/1906.02243"><em>deep learning</em></a>.</p>
<p>Ainsi, la multiplication des usages et des données à traiter, permise avec une nouvelle technologie de communication comme la 5G, ne peut donc qu’augmenter la consommation électrique globale de la chaîne « transmission + traitement » en raison de l’inefficacité énergétique de la partie traitement.</p>
<p>Que faire ? Face à la mauvaise efficacité énergétique actuelle de nos systèmes de traitement, nous pouvons agir dans deux directions : à court terme, encourager l’<a href="https://theconversation.com/trois-formes-dinnovation-energetique-a-valoriser-face-a-la-crise-systemique-143758">innovation frugale</a> ou parcimonieuse, c’est-à-dire ajouter la contrainte d’une utilisation limitée de ressources matérielle et énergétique lors de tout processus d’innovation, ce qui de facto limite les applications qui génèrent le traitement de grandes quantités de données, et, à plus long terme proposer de nouveaux paradigmes du traitement de l’information, plus efficaces en énergie, par exemple ceux s’inspirant du <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/demain-un-ordinateur-inspire-de-notre-cerveau">fonctionnement du cerveau</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Cappy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce sont les nouveaux usages permis par la 5G, et le traitement des flux massifs de données, qui vont être énergivores.Alain Cappy, Professeur émérite en électronique, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1357242020-06-14T17:19:38Z2020-06-14T17:19:38ZLes corbeaux sont-ils si intelligents que ça ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341529/original/file-20200612-153845-1fd4k70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1022%2C723&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Maître corbeau sur son poteau perché.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jpmckenna/3177645376/sizes/l/"> Jpmckenna/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Il devient de plus en plus connu des scientifiques, mais aussi du grand public que les corvidés (dont les corbeaux et corneilles) sont des animaux aux capacités cognitives remarquables. </p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=PZXmV0BfCWs">De nombreuses vidéos sur Internet</a> ou des émissions télé nous ont déjà montré des corbeaux qui peuvent imiter des voix, ou qui savent résoudre des casses têtes complexes. Mais ces oiseaux sont-ils aussi intelligents que ce que l’on dit ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PZXmV0BfCWs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le corbeau est l’animal le plus intelligent ? – ZAPPING SAUVAGE.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le casse-tête des casse-noix</h2>
<p>Un exemple de leur intelligence est le cas très souvent cité des corbeaux qui se serviraient de voitures comme casse-noix. <a href="https://academic.oup.com/auk/article-abstract/95/4/760/5208772">Des chercheurs californiens</a> ont décrit dans les années 90 que des corneilles d’Amérique jetaient leurs noix sur la route, attendaient qu’une voiture les écrase et se régalaient ensuite sans effort des fruits éclatés.</p>
<p>Cependant, bien que repris de nombreuses fois par les médias et même par d’autres chercheurs, ce cas illustre parfaitement qu’étudier le comportement des animaux peut malheureusement nous amener, de façon souvent involontaire, à faire de l’anthropomorphisme (c’est-à-dire à assigner aux animaux des capacités ou des pensées similaires aux humains, alors que leur comportement est en réalité expliqué par des processus différents).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341665/original/file-20200614-153817-8rc66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Corneille d’Amérique lançant son appel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Corneille_d%27Am%C3%A9rique#/media/Fichier:Corvus_brachyrhynchos_30157.JPG">Walter Siegmund/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour vérifier que les corbeaux utilisaient vraiment les voitures comme des casse-noix, et comprenaient la relation de causalité entre l’arrivée de la voiture et l’ouverture du fruit, des <a href="https://sora.unm.edu/sites/default/files/journals/auk/v114n02/p0296-p0298.pdf">chercheurs de l’Université de Californie</a> ont mené des observations précises de ces comportements. Ils ont émis l’hypothèse que, si les corbeaux comprenaient que les voitures ouvraient les noix en passant, alors les animaux devraient placer leurs noix sur la route et ne pas l’enlever quand une voiture approchait. </p>
<p>Cependant, les chercheurs ont remarqué que les corbeaux ne jetaient pas plus leurs noix sur la route lorsqu’une voiture arrivait que lorsque la route était vide. De plus, sur les 200 cas étudiés, les chercheurs n’ont jamais vu de voiture écraser une noix. Cela a montré que la théorie comme quoi les corbeaux utilisaient de façon consciente les voitures comme des casse-noix était en réalité fausse : les corbeaux font tomber leurs noix sur des surfaces dures pour les casser (comme les routes) et il arrive qu’une voiture en écrase une. Ceci est une coïncidence heureuse pour le corbeau, qui ne fait toutefois pas le lien entre la voiture et son repas.</p>
<h2>Des capacités cognitives démontrées</h2>
<p>Cependant, des études plus récentes, menées de façon plus rigoureuse afin de limiter l’anthropomorphisme, redorent l’image d’intelligence du corbeau. Par exemple, on a longtemps pensé que seuls les primates savaient se servir d’outils, mais des études récentes montrent que plusieurs autres espèces en sont capables, tels que les <a href="https://www.pnas.org/content/102/25/8939.short">dauphins</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982209019149">poulpes</a>, les <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/ethologie/lintelligence-des-grands-corbeaux-comparable-a-celles-des-grands-singes-et-des-enfants-12661.php">corvidés (dont les corbeaux)</a> et même récemment… les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1616504719300333?via%3Dihub">cochons</a> !</p>
<p>Les corvidés restent des manieurs d’outils très sophistiqués grâce à leur capacité à <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-07027-001">choisir, voire manufacturer des outils, comme des brindilles, de la bonne longueur et du bon diamètre</a> pour la tâche qu’ils veulent accomplir. Ils sont par exemple capables de <a href="https://www.nature.com/articles/379249A0">façonner des crochets</a> en manipulant des matériaux pliables.</p>
<p>Les corbeaux ont aussi une mémoire des visages impressionnante. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003347209005806">Des chercheurs de l’Université de Washington, à Seattle, ont testé cette capacité en revêtant un masque</a> pour capturer puis relâcher des corneilles d’Amérique. Les oiseaux sauvages <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bOkj7lJpeoc">poussaient alors des cris agressifs à chaque fois qu’ils voyaient le masque</a>, et ce plus de 2 ans après la capture ! Même les corbeaux qui n’avaient pas été capturés apprenaient à reconnaître et éviter ce personnage menaçant, en <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspb.2011.0957">observant le comportement de leurs compagnons</a>. Cette étude est la première à montrer que des animaux sauvages (et non domestiqués) ont la capacité de reconnaître un humain par son visage et peuvent s’en souvenir pendant plusieurs années et transmettre cette information aux congénères. L’étendue de cette reconnaissance est tout à fait remarquable, à la fois d’un point de vue temporel et social.</p>
<h2>Maître Corbeau et la maîtrise de soi</h2>
<p>Dans une autre expérience, publiée récemment dans le journal Animal Cognition, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-019-01317-7">Rachael Miller et ses collègues de l’université de Cambridge</a> ont comparé la maîtrise de soi des corbeaux calédoniens à celle d’enfants de 3 à 5 ans. La maîtrise de soi, c’est ce qui nous permet par exemple de se raisonner lorsqu’on veut regarder un dernier épisode de notre série, afin de ne pas être fatigué le lendemain. C’est un aspect du contrôle exécutif, qui nous permet de prendre des bonnes décisions et de prévoir pour l’avenir. Les adultes sont généralement capables d’utiliser la maîtrise de soi sans trop de difficulté, mais les enfants ne commencent à développer cette capacité qu’entre 3 et 5 ans.</p>
<p>L’expérience testait un aspect spécifique de la maîtrise de soi : la gratification différée, qui intervient lorsque l’on doit choisir entre une récompense médiocre, mais immédiate et une récompense bien meilleure, mais pas immédiatement disponible. Un exemple typique de gratification différée est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QX_oy9614HQ">l’expérience du marshmallow</a>.</p>
<p>Dans l’expérience de Miller, les enfants et les corbeaux étaient face à un plateau tournant qui contenait deux récompenses (des autocollants pour les enfants, des friandises pour les corbeaux) : l’une des deux récompenses était plus intéressante pour le sujet, soit parce qu’elle était plus grosse, soit parce qu’elle était de meilleure qualité. En tournant, le plateau rendait d’abord la récompense la moins précieuse atteignable par les sujets, qui pouvaient alors s’en saisir. S’ils la saisissaient, le plateau arrêtait de tourner. Cependant, s’ils attendaient que la première récompense passe, alors la seconde, bien plus intéressante, leur devenait accessible. L’expérience comprenait deux conditions : soit les deux récompenses étaient visibles en permanence, soit elles n’étaient visibles que jusqu’à ce que le plateau ne se mette à tourner. Dans cette deuxième condition, plus difficile, la seconde récompense, la plus convoitée, n’était pas visible pendant que la première récompense passait devant les sujets, qui devaient alors faire usage de leurs capacités mémorielles en plus de leur maîtrise de soi. Dans la première condition, les corbeaux et les enfants étaient tous les deux capables d’attendre la meilleure récompense. Mais dans la condition plus difficile, les enfants ont surpassé les corbeaux, car ces derniers n’étaient pas capables d’attendre une récompense qu’ils ne voyaient plus.</p>
<p>Cette expérience est d’ailleurs l’une des seules qui a tenté de directement comparer les animaux et les enfants en termes de capacités cognitives en utilisant la même tâche pour les deux espèces. Ces résultats sont donc très intéressants et nous donnent une meilleure perspective sur l’intelligence des corbeaux. </p>
<p>Cependant, il faut garder à l’esprit le fait qu’on teste souvent les animaux sur les capacités que nous, en tant qu’humains, trouvons importantes, et dans lesquelles nous excellons. Notre vision biaisée des capacités des autres espèces nous pousse donc à penser que nous sommes les plus intelligents sur Terre. Mais si des corbeaux nous testaient sur des terrains où ils sont très intelligents, comme la mémoire visuelle, la navigation dans un espace en 3D ou la perception du champ magnétique terrestre, pourrions-nous rivaliser ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélissa Berthet a reçu des financements de la Fondation Fyssen, de l'Ecole Normale Supérieure, de l'European Research Council (PI: Philippe Schlenker).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sonya Kaiser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment mesurer l’intelligence d’un animal ? En les comparant avec nos capacités cognitives, on sera en haut de la hiérarchie. Mais qu’en est-il de leurs performances dans d’autres domaines ?Mélissa Berthet, Docteur en biologie spécialisée en comportement animal, École normale supérieure (ENS) – PSLSonya Kaiser, Dual Masters in Brain and Mind Sciences, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383672020-05-13T18:56:51Z2020-05-13T18:56:51ZLe « transmachinisme » : et si les machines évoluaient indépendamment de l’homme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334062/original/file-20200511-49579-1x8w1sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C307%2C3471%2C2184&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est peut-être plus facile de construire des machines qui nous ignorent que des machines qui nous ressemblent.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/YKW0JjP7rlU">Franck V. / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le « transmachinisme » imagine une évolution des machines et de l’industrie en général non pas pour dépasser ou transformer l’homme, mais pour permettre aux machines de mieux faire leur travail de machines. Une voie certainement plus réaliste que la <a href="https://www.24pm.com/117-definitions/518-singularite-technologique">singularité technologique</a> ou le <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/technologie-transhumanisme-16985/">transhumanisme</a>.</p>
<p>Les tenants de la singularité technologique imaginent une intelligence artificielle supérieure qui surclasserait infiniment celle de l’homme. Les transhumanistes, à l’inverse, espèrent l’avènement d’un homme augmenté physiquement et intellectuellement par la technologie.</p>
<p>Beaucoup d’attention a été portée à ces deux visions du futur. Plusieurs groupes d’élèves-ingénieurs du Pôle Léonard de Vinci examinent actuellement un autre scénario, celui où les machines évolueraient d’une manière assez indépendante des hommes, sans trop se mêler de leurs affaires. Nous l’appelons le transmachinisme.</p>
<h2>Des bulles productrices indépendantes</h2>
<p>La caractéristique la plus spectaculaire mise en avant aujourd’hui est l’autonomie, réelle ou souhaitée, des machines, en particulier celle des véhicules. Nous parlons ici des machines « mécaniques », comme celles qui font le café, ou qui envoient des hommes dans l’espace, et pas seulement des ordinateurs ou des téléphones. Poussons à l’extrême leur capacité d’autonomie, de même que les partisans de la singularité et du transhumanisme poussent à l’extrême les pouvoirs de l’intelligence désincarnée ou incarnée.</p>
<p>L’actualité nous y invite :</p>
<ul>
<li><p>Au Japon, vient de sortir une imprimante 3D de sushis : du poisson et du riz à l’entrée, des sushis sur mesure à la sortie. Hergé y avait déjà pensé en dessinant les abattoirs de Chicago dans <em>Tintin en Amérique</em> ;</p></li>
<li><p>La livraison par drones devient autorisée aux États-Unis, des avions de ligne décollent et atterrissent de manière entièrement automatique ;</p></li>
<li><p>Six camions Volvo évoluent de manière autonome dans la mine à ciel ouvert de Kristineberg en Norvège, pour charger et décharger les minerais ;</p></li>
<li><p>Toujours en Norvège, la société Kongsberg s’allie à Rolls Royce pour concevoir des navires autonomes. Mais nous reparlerons de la Norvège ;</p></li>
<li><p>Un engin voiturier autonome déplace les véhicules dans le parking de l’aéroport Saint-Exupéry de Lyon ;</p></li>
<li><p>Des betteraves connectées prototypées par l’Institut national de la recherche agronomique sont expérimentées dans les terres agricoles de Picardie.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XdOirru4uGM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une imprimante 3D de la société OpenMeals produit des sushis.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’idée vient naturellement que, mis bout à bout, tous ces sous-systèmes autonomes constitueraient des bulles productrices totalement indépendantes de l’homme. Entre la plantation d’une graine de teck dans une exploitation forestière en Asie et la livraison chez vous d’une table de jardin, tout se passerait sans aucune intervention humaine.</p>
<p>Si l’on s’imagine dans un monde transmachiniste, celui-ci concevra et produira ses propres sous-ensembles. Il les installera, les supervisera, les entretiendra, les dépannera, les recyclera. Il trouvera son énergie également de manière autonome. Il produira au passage ses propres ordinateurs, depuis les énormes engins d’extraction minière des métaux rares, jusqu’aux machines d’impression des circuits intégrés à la précision nanométrique.</p>
<p>Beaucoup d’éléments du puzzle sont déjà séparément en place : tous les grands acteurs du transport et de la restauration sont en concurrence effrénée pour nous livrer ce que l’on veut, quand on veut, où l’on veut.</p>
<p>En Chine, Starbucks, McDonald’s et des compagnies locales comme Luckin Coffee ouvrent chaque année des milliers de points de production d’où ils vous livrent n’importe où et en moins de 30 minutes pour moins de 5 dollars un bon café, et les nouveaux immeubles chinois sont équipés de réseaux d’ascenseurs dédiés à ce type de distribution. Les grands ports chargent et déchargent les conteneurs sur des quais vidés de toute présence humaine. La fabrication des puces électroniques est aujourd’hui quasi totalement automatisée.</p>
<h2>Vers une singularité du transmachinisme ?</h2>
<p>Deux évènements bouleversants se produiront si un jour ces systèmes évoluent de leur propre initiative (d’une manière qui ne nous serait largement incompréhensible) et s’ils ne nécessitent plus aucun investissement financier pour survivre et se développer (leur production serait gratuite).</p>
<p>Dans une étape intermédiaire, les machines réussiraient à comprendre le langage humain et à mettre deux idées l’une derrière l’autre. Elles sauraient relier toutes les connaissances que nous avons soigneusement accumulées, formalisées, et mises à disposition sur la toile : toutes les théories scientifiques, tous les codes de calcul, toutes les vidéos de pédagogie, tous les plans de toutes les machines conçues par l’homme.</p>
<p>Les connaissances sont déjà là, sur la toile, à la disposition de qui voudra bien les mettre bout à bout.</p>
<p>Ensuite, le système élaborerait ses propres connaissances, ses propres représentations, ses propres solutions, et sans doute il viendrait à oublier notre propre langage, sans plus se mêler de nos affaires.</p>
<p>Ces hypothèses poussées à l’extrême ne doivent pas nous étonner ou nous faire sourire plus que le transhumanisme ou la singularité technologique. Elles méritent tout autant nos interrogations sur leur possibilité ou leur impossibilité, sur leur désirabilité ou leur horreur. Elles ne font pas nécessairement appel à la notion de super intelligence en progrès exponentiel continu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1096373694149083137"}"></div></p>
<p>On peut très bien imaginer qu’un tel système deviendrait conservateur, parcimonieux, rechercherait et trouverait des points d’équilibre, et n’évoluerait que très lentement. Les transmachines incorporeraient bien sûr leur propre <a href="https://whatis.techtarget.com/fr/definition/jumeau-numerique">jumeau numérique</a> qui servira autant à assurer leur bon fonctionnement qu’à explorer leurs futures évolutions.</p>
<h2>Retour au paradis terrestre ?</h2>
<p>Le transmachinisme peut se rêver comme un retour au paradis terrestre, comme la reconstruction d’une nature généreuse où couleraient le lait et le miel, un nouvel âge d’or. L’homme, chassé du paradis pour avoir préféré l’arbre de connaissance à l’arbre de vie, ayant ensuite par nécessité, à la sueur de son front, développé un savoir et un savoir-faire qui l’a conduit là où nous sommes, l’homme donc refermerait la boucle, retournerait au jardin d’Eden, en abandonnant les connaissances techniques aux machines.</p>
<p>Par contraste, le transhumanisme évoque plutôt un second péché originel, une seconde création, une émancipation radicale de la condition humaine présente, une fuite en avant de l’intelligence. Le retour à l’Eden transmachiniste délivrerait l’homme de l’exercice d’une intelligence asservie à l’impératif d’un <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/le-transhumanisme-une-utopie-ou-un-danger-1011427">progrès sans fin</a>.</p>
<p>L’intelligence que ces transmachines devraient développer pour s’autogérer et survivre conduirait éventuellement à des modes de raisonnement et à des solutions bien différentes de notre génie mécanique et notre génie civil. C’est peut-être trop bête de vouloir singer l’homme. Quand on connaît de près l’effroyable désordre des programmes informatiques écrits par l’homme, on se prend à rêver d’architectures logicielles dont la pureté ne serait pas polluée par nos faiblesses cognitives.</p>
<p>Souhaitable ou pas, on peut penser que ce transmachinisme serait plus facile à accomplir que le transhumanisme : au fond, ce ne sont que des machines en dur qui transforment de l’énergie, de la matière ou des denrées alimentaires. On est loin de la complexité gélatineuse du vivant. Il est peut-être plus facile de construire des machines qui nous ignorent que des machines qui nous ressemblent. Et si nous nous obstinons à faire le travail des machines à leur place, comment voulez-vous qu’elles deviennent intelligentes ?</p>
<p>Finalement, le transmachinisme est un objectif plus humain et moins ambitieux que l’« homme-dieu » du transhumanisme, et la « machine-dieu » de la singularité technologique.</p>
<p>Afin de pousser plus loin la réflexion, voici quelques premières questions, d’une liste qui pourrait être longue :</p>
<ul>
<li><p>Saura-t-on fixer des limites aux transmachines si elles émergent, et pourra-t-on les faire respecter ?</p></li>
<li><p>Si l’homme, rassasié par une nature artificielle autonome et généreuse, s’affranchit du travail, que devient son intelligence, s’atrophie-t-elle, s’épanouit-elle, et vers quels horizons ?</p></li>
<li><p>L’homme peut-il rester intelligent sans travailler, sans lutter, sans adversité ? Un Homme sans nécessité ? Il est notable que les jeunes Norvégiens, dans un pays nourri à la manne pétrolière, <a href="https://www.tnp.no/norway/exclusive/2833-does-education-pay-off-in-norwayij">ne veulent plus faire d’études longues</a>, et que là-bas les médecins commencent à manquer ;</p></li>
<li><p>Qui des ingénieurs ou de ce nouvel Eden autonome colonisera Mars en premier ? Cette question s’adresse en partie à <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2019/01/11/20005-20190111ARTFIG00358-avec-starship-elon-musk-vise-mars.php">Elon Musk</a>, président-directeur général et directeur de la technologie de la société SpaceX, qui cherche à réunir des milliards pour conquérir la planète rouge ;</p></li>
<li><p>Sommes-nous en train de passer du projet de créer un homme nouveau à celui de créer une <a href="https://gouvernance.news/2020/03/05/ia-les-exploits-des-gafam-sont-loin-des-vrais-besoins-des-entreprises/">nature nouvelle</a>, de plus en plus occupée physiquement par des capteurs, des puces de silicium, des câbles, des fibres et des émetteurs-récepteurs radio ?</p></li>
</ul>
<p>Charles Aznavour, grand expert en humanité, a dit un jour : « mon travail est <a href="http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/charles-aznavour-je-ne-suis-pas-une-star-21-10-2009-682224.php">plus intelligent que moi</a> ». Si nous pouvons tous méditer cette citation, il nous reste à approfondir notre travail de recherche afin de dessiner le puzzle du transmachinisme, repérer les pièces existantes et identifier les chaînons manquants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Rohmer travaille pour le Pôle Léonard de Vinci. Il a reçu des financements de BPI France. Il est membre de l'Institut Fredrik Bull comme président.
</span></em></p>Dans ce scénario, toutes les étapes de la production à la distribution seraient assurées par des systèmes autogérés. Une voie plus plausible que le transhumanisme.Jean Rohmer, Docteur-Ingénieur ENSIMAG, Docteur-ès-Sciences – HDR en Informatique, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261732019-12-03T17:21:58Z2019-12-03T17:21:58ZBonnes feuilles : « Avicii, Lady Gaga, Sophie Calle… que sait-on des liens entre souffrance psychique et créativité ? »<p><em>Le 20 avril 2018, le DJ Tim « Avicii » Bergling, considéré comme un <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/06/14/un-album-posthume-pour-avicii-genie-de-l-electro_5476324_4500055.html">« génie de l’électro »</a>, se donnait la mort. À la veille du concert organisé le 5 décembre pour lui rendre hommage, Jean‑Victor Blanc revient sur les liens entre créativité et troubles psychiques dans un extrait de son ouvrage <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/pop-psy/9782259279642">« Pop & psy : comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques »</a>, aux éditions Plon.</em></p>
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<p>Les liens entre processus créatif et troubles psychiques sont connus depuis l’Antiquité. Comme l’atteste la <em>punchline</em> d’Aristote : « Il n’y a point de génie sans folie. » Deux mille ans et des poussières plus tard, de nombreuses études s’efforcent de prouver de manière scientifique l’intuition du philosophe grec. Sans y parvenir vraiment…
La première difficulté consiste à circonscrire la créativité. On peut en donner une première définition : à savoir l’habileté à transformer les idées neuves et pleines d’imagination en réalité. Mais s’il s’avère que si la créativité est nécessaire aux artistes, elle est tout aussi essentielle dans les disciplines telles que les sciences, la politique ou les affaires. En outre, tous les artistes n’ont pas le même mode de fonctionnement : comment comparer un écrivain à un musicien ? Le succès n’est pas non plus forcément proportionnel à la créativité, un rapide coup d’œil aux singles les plus vendus l’atteste.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graffiti de l’artiste israélien Jonathan Kis-Lev représentant le « club des 27 », talentueux jeunes artistes décédés à 27 ans.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_27#/media/Fichier:Graffiti_Tel_Aviv,_Khayim_Ben_Atar_St_-_zoom.jpg">Psychology Forever/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Pour toutes ces raisons, il s’avère complexe de répondre scientifiquement à cette question : les artistes risquent-ils vraiment plus de présenter des troubles psychiques, ou est-ce un effet de loupe médiatique qui le laisse accroire ? Une étude a cependant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1530096">investigué les liens entre créativité, profession et succès</a> en interrogeant un millier de personnalités américaines. Il en ressort qu’exercer un métier artistique (comme musicien, écrivain, architecte ou designer) entraînerait deux fois plus de risques pour une personne de présenter un trouble psychique, et ce plus tôt dans la vie, et pendant plus longtemps que si elle exerce une autre profession (athlète, homme d’affaires, militaire, scientifique, etc.).</p>
<p>Dans le panel des troubles décrits, les troubles dépressifs sont les plus fréquents, suivis de ceux liés à la consommation d’alcool et de drogues, puis les troubles anxieux. Pourtant, il faut rappeler que la majorité des artistes, même les plus à risque (poètes, comédiens), ne présente PAS de trouble mental. Il ne s’agit donc pas de dire que tous les artistes sont malades – ni les malades systématiquement dotés de créativité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-depression-est-une-maladie-pas-un-choix-125671">Bonnes feuilles : « La dépression est une maladie, pas un choix »</a>
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<p>Sur les échelles d’évaluation de gravité des troubles, les artistes affichent des scores à mi-chemin entre les personnes indemnes et les patients atteints. Leurs symptômes seraient donc moins sévères, mais surtout ils se distingueraient par leur capacité à tirer bénéfice de la maladie en se servant de leur décalage de perception avec la réalité pour créer. Lady Gaga, et de nombreux artistes avant elle, évoque dans son documentaire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AzO2OkoT1cI%22target=%22blank"><em>Five Foot Two</em></a> (2017) cette nécessité de sublimer sa douleur dans l’écriture de ses chansons, en veillant à ne pas se laisser submerger par elle.</p>
<p>Dans un autre registre, ce recul nécessaire face aux événements est fascinant dans l’œuvre de la plasticienne Sophie Calle. Elle utilise précisément des éléments de sa vie intime (deuils, ruptures…) comme support à la création. Lorsqu’elle évoque le processus qui l’a amenée à transformer une lettre de rupture en œuvre d’art, elle le fait avec une distance impressionnante vis-à-vis de sa souffrance. Ce recul face à la détresse, à la douleur, est souvent impossible pour une personne traversant, par exemple, un épisode dépressif.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Xp9KSB2K3ZA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><br><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23063328">L’hérédité aurait-elle son importance</a> ? C’est ce que les statistiques mettent en évidence. On trouve plus de personnes exerçant une profession artistique chez les apparentés au premier degré (parent/enfant/frère/sœur) de patients atteints de trouble bipolaire ou de schizophrénie. Enfin, la pratique d’une activité artistique peut aussi être un soin, on parle alors d’art-thérapie. À une différence notable près : le but poursuivi par les patients en art-thérapie est d’aller mieux, pas de réaliser un chef-d’œuvre. Résultat : les patients atteints de troubles psychiques ne sont pas inhibés par cette pratique et en retirent généralement une expérience positive, bénéfique pour l’estime de soi.</p>
<h2>Conditions de travail : « You want a piece of me »</h2>
<blockquote>
<p>« Est-ce que je suis consciente que ma vie est bizarre ?<br>
Non, pour moi, elle n’est pas bizarre, puisque c’est la<br>
seule vie que je connaisse ! Il faut bien que je m’y adapte.<br>
[…] Avant, j’étais une fille cool, mais j’ai l’impression<br>
que les paparazzis m’ont enlevé ça, genre, ma vie d’avant.<br>
J’étais une fille cool, mais je ne le suis plus du tout »<br>
(Britney Spears, « For the Record », 2008).</p>
</blockquote>
<p>Les professions artistiques attirent-elles davantage les personnes fragiles et vulnérables ? La question mérite d’être posée. On peut se demander aussi si les conditions de travail de certains artistes ne sont pas un facteur de stress, ce qui contribuerait à l’aggravation des troubles. La grande différence avec les autres milieux socioprofessionnels, c’est que le milieu artistique autorise, voire encourage l’évolution des troubles psychiques.</p>
<p>Les musiciens ont ainsi <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/la-drees/observatoire-national-du-suicide-ons/suicide-enjeuxethiques-prevention-singularites-suicide-adolescence">davantage recours aux substances psychoactives</a>, au motif que cela les aiderait à gérer leur stress et boosterait leur créativité. Le mythe « sex, drugs & rock’n’roll », toujours répandu, fait que la consommation de substances, qui aggrave la plupart des maladies mentales, est banalisée. Si une personnalité politique ou un sportif de haut niveau présente un syndrome dépressif, on peut espérer que l’entourage ne les encouragera pas à augmenter leur consommation d’alcool ou de cocaïne, sous prétexte que c’est « cool ». C’est pourtant ce qui semble arriver à beaucoup des stars de l’entertainment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"987783278743736320"}"></div></p>
<p>Le DJ suédois Avicii l’évoquait très bien dans le documentaire <em>Avicii : True Stories</em> (2017). D’un tempérament anxieux, la jeune star confie au journaliste qui l’interviewe qu’il a besoin d’une dose d’alcool pour avoir le courage de monter chaque soir sur scène. Quelques séquences plus tard, il est hospitalisé pour une pancréatite aiguë, une affection grave due à sa consommation excessive d’alcool. Ce qui n’empêche nullement son entourage, explique-t‑il, de l’inciter à prendre des opiacés (antidouleur pouvant entraîner une dépendance, voir chapitre 10, p. 139) afin de reprendre au plus vite sa tournée. Au vu de son décès par suicide dans une chambre d’hôtel un an plus tard, à l’âge de 28 ans, ces propos font rétrospectivement froid dans le dos.</p>
<p>Les représentations culturelles des artistes eux-mêmes sur leur profession peuvent aussi avoir un effet délétère. Si les écrivains et les romanciers sont plus fréquemment atteints de troubles dépressifs, n’est-ce pas lié à l’idée romantique que le désespoir et l’isolement ne sont pas des symptômes d’une maladie nécessitant une prise en charge, mais font partie de la panoplie, folklorique, du « poète maudit » ? Le joli film d’Alex Ross Perry (2014), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lyErKmF6xdo%22target=%22blank"><em>Listen up Philip</em></a>, décrit bien cette problématique. Jason Schwartzman y campe un auteur aussi égocentré et insupportable qu’attachant. Il a une haute exigence de son métier, et s’impose pour cela une grande solitude dont on comprend bien qu’elle ne lui est pas forcément naturelle, mais qu’elle correspond aux critères et habitus de son milieu.</p>
<p>Alors que la création artistique est une pratique exigeante, qui demande un investissement nécessitant une certaine santé, la détresse psychique semble encore anormalement tolérée, voire souhaitée. C’est d’autant plus problématique que la célébrité peut être extrêmement isolante. Le film <em>Somewhere</em> (2010) de Sofia Coppola illustre de manière éloquente comment la solitude et l’ennui peuvent rendre la vie d’acteur à succès invivable.</p>
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<h2>Traitement kills the radio stars ?</h2>
<p>Si les artistes ont plus de risques de présenter une maladie psychique, il existe plusieurs écueils à leur prise en charge. D’abord, les soins psychiatriques sont vus de façon négative, dans le milieu artistique comme par le grand public. S’y ajoute la crainte que la prise en charge nuise à la création, ce qui, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28254960">pour certains traitements médicamenteux, peut être le cas</a>. Les soins ne se résument pourtant pas à des médicaments, et préférer le mal au traitement est un pari périlleux.</p>
<p>Le but d’une prise en charge est le rétablissement, la reprise d’un fonctionnement satisfaisant pour l’individu. Un traitement qui empêcherait un artiste de créer ne serait donc pas une réussite, quand bien même ce dernier ne serait plus sujet à des hallucinations ou des changements d’humeur.</p>
<p>Au-delà de ces craintes, parfois légitimes, certains <em>a priori</em> empêchent les artistes de consulter, avec parfois des conséquences dramatiques. Ainsi Mariah Carey exprimait-elle dans une interview l’angoisse que ses rendez-vous en clinique fuitent dans la presse.</p>
<p>Ce qui est une réalité, la presse people étant avide de ce type de scandale. Le supermodel Naomi Campbell en a ainsi fait les frais en 2001 : elle a été prise en photo à son insu à la sortie d’une réunion des Narcotiques anonymes et « outée » de cette façon, alors qu’elle cherchait de l’aide pour une addiction à la cocaïne dont elle parlera des années plus tard.</p>
<h2>Drogues : do they know it’s toxic ?</h2>
<p>Les vertus créatrices des substances psychoactives font l’objet de nombreuses croyances. À la fin du xixe siècle, l’absinthe, consommée par Van Gogh, Oscar Wilde et Rimbaud, puis incarnée par Kylie Minogue en fée verte dans <em>Moulin Rouge</em> (2001), a été parée de mille et une propriétés. Les poètes prônaient ses bienfaits désinhibants et hallucinogènes, propices à enflammer l’imagination. Puis ce fut le Flower Power des planantes années 1970, avec la popularisation des acides et du LSD, et le « sex, drugs & rock’n’roll » transgressif des punks, adeptes de l’héroïne, de la cocaïne et des amphétamines.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1027857127740723201"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, les rappeurs comme Lil Wayne ou Ludacris font l’apologie des sirops à base d’opiacés (voir chapitre 10, p. 139) (surnommés « lean » ou « purple drank »). Ici, l’usage des drogues est alors exhibé comme une marque d’intégrité, un label « street » plus que comme un signe de détresse psychique. Certes, des études suggèrent qu’une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17445281">consommation modérée et ponctuelle d’alcool peut améliorer la créativité</a>, mais cela est à bien distinguer de la souffrance engendrée par la maladie addictive. Les exemples malheureux sont légion d’artistes comme Amy Winehouse, Kurt Cobain ou Jim Morrison qui auront chanté et consommé beaucoup de produits, et en auront payé le prix par une mort prématurée.</p>
<p>[…]</p>
<p>Au vu des mécanismes d’identification dont ces icônes peuvent faire l’objet, avoir une meilleure lecture des troubles qu’ils manifestent pourrait être un précieux levier d’accès aux soins. Pour les stars de la pop, mais aussi pour ceux qui les adulent.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus :<br>
– <a href="https://www.mk2.com/evenements/culture-pop-psychiatrie">Cycle de conférences au MK2 Beaubourg à Paris</a>, « Vies d’artistes et troubles psychiques : “Whitney” ft “Amy” », le 21 mars 2020.<br>
– Blanc J.-V. (2019) <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/pop-psy/9782259279642">« Pop & psy : Comment la Pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques »</a>, éditions PLON.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126173/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Victor Blanc est l’auteur de l’ouvrage « Pop & Psy - comment la Pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques ».</span></em></p>Kurt Cobain, Amy Winehouse, Avicii… Nombre d’artistes talentueux ont mis précocement fin à leurs jours, ou sont morts de leurs addictions. Le génie est-il indissociable des troubles psychiques ?Jean-Victor Blanc, Psychiatre, praticien hospitalier, chargé de cours en faculté de médecine, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1244022019-10-10T21:40:09Z2019-10-10T21:40:09ZDe quelles façons l’intelligence artificielle se sert-elle des neurosciences ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295842/original/file-20191007-121056-1ndjrzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=853%2C332%2C5137%2C2928&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cerveau et synapse</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/IHfOpAzzjHM">robina weermeijer/unsplash</a></span></figcaption></figure><p>L’Intelligence artificielle (IA) s’est construite sur une opposition entre connaissances et données. Les neurosciences ont fourni des éléments confortant cette vision mais ont aussi révélé que des propriétés importantes de notre cognition reposent sur des interdépendances fortes entre ces deux concepts. Cependant l’IA reste bloquée sur ses conceptions initiales et ne pourra plus participer à cette dynamique vertueuse tant qu’elle n’aura pas intégré cette vision différenciée.</p>
<h2>IA symbolique et numérique</h2>
<p>La quête pour l’IA s’est toujours faite sur la base d’une polarité entre deux approches exclusives, symbolique ou numérique. Cette polarité fut déclarée dès ses origines. Certains de ses pères fondateurs comme J. von Neumann ou N. Wiener, ont proposé de modéliser le cerveau et le calcul des neurones pour tenter d’égaler une intelligence. D’autres, comme H. Newell ou J. McCarthy, ont souligné que, tout comme notre esprit, les ordinateurs manipulent des symboles et peuvent donc construire des représentations du monde et les manipulations caractéristiques de l’intelligence.</p>
<p>Cette dualité est illustrée par l’expression des frères Dreyfus, « Making a mind versus modelling the brain », dans un <a href="http://www.ccs.fau.edu/%7Ebressler/EDU/CompNeuro/Resources/Mind_Modelling_Brain.pdf">article</a> datant de 1991. Ils y expliquent que, par leur construction même, ces deux paradigmes de l’intelligence sont faits pour s’opposer : Le paradigme symbolique met l’accent sur la résolution de problèmes et utilise la logique en suivant une approche réductionniste et le paradigme numérique se focalise sur l’apprentissage et utilise les statistiques selon une approche holistique.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295849/original/file-20191007-121060-e4zl4i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Liaisons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Medium</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>On connaît la suite de l’histoire avec, tour à tour, chaque approche écrasant l’autre à l’occasion du succès éclatant d’une technique particulière, suivi de désillusions entraînant ce que les spécialistes ont appelé l’« hiver » de l’IA. Aujourd’hui, l’IA a fait des progrès indéniables, mais nous subissons toujours cette dualité, même si le vocabulaire a un peu évolué et que l’on parle maintenant d’IA basée sur les connaissances (pour le web sémantique) ou sur les données (et les <em>data sciences</em>). Nous sommes actuellement sans conteste dans une période numérique où tout le monde n’a que le <em>Deep Learning</em> à la bouche, même si des voix commencent à s’élever pour prédire une chute proche si l’on n’est pas capable d’interpréter ces techniques numériques dans le sens de la transparence et des explications, deux notions du monde des connaissances.</p>
<p>Sommes-nous encore partis pour un cycle, à toujours nous demander laquelle de ces deux approches finira par démontrer qu’elle était la bonne, ou saurons-nous trancher le nœud gordien ? C’est dans cette dernière perspective que je propose de revenir aux fondamentaux. Puisque les deux approches s’accordent au moins sur le fait qu’elles cherchent à reproduire nos fonctions cognitives supérieures, ne devrait-on pas commencer par se demander si notre cognition est symbolique ou numérique ?</p>
<h2>Mémoires implicite et explicite</h2>
<p>A cette question, les sciences cognitives répondent d’abord que notre mémoire à long terme est soit explicite soit implicite. D’une part nous pouvons nous souvenir de notre repas d’hier soir (mémoire épisodique) ou avoir la connaissance que le ciel est bleu (mémoire sémantique) ; d’autre part nous avons appris notre langue maternelle et nous pouvons apprendre à faire du vélo (mémoire procédurale). Nous savons que (et nous en sommes conscients, nous savons l’expliquer) ou nous savons faire (et nous pouvons en faire la démonstration, sans être capable de ramener cette connaissance au niveau conscient). On retrouve ici les principes décrits respectivement en IA par la manipulation explicite de connaissances ou implicite de données.</p>
<p>Les neurosciences ont identifié des circuits cérébraux correspondants, avec en particulier les boucles entre les ganglions de la base et le cortex plutôt impliquées dans la mémoire implicite, et l’hippocampe et ses relations avec l’ensemble du lobe temporal médial, essentiel pour la mémoire explicite. Les deux modes d’apprentissage sont à l’œuvre dans deux phénomènes : la consolidation et la formation des habitudes.</p>
<h2>Les mécanismes de la consolidation</h2>
<p>Ces mémoires complémentaires sont construites avec un apprentissage lent et procédural dans le cortex et la formation rapide d’associations arbitraires dans l’hippocampe. Prenons un exemple : allant toujours faire mes achats dans le même supermarché, je vais former, après de nombreuses visites, une représentation de son parking, mais à chaque visite, je dois aussi me souvenir de l’endroit précis où j’ai laissé ma voiture. Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurosciences_computationnelles">modèles computationnels</a> permettent de mieux comprendre ce qui est à l’œuvre ici. Les modèles d’apprentissage procédural implicite, généralement en couches, montrent que des régularités sont extraites statistiquement, à partir de nombreux exemples dont les représentations doivent se recouvrir pour pouvoir généraliser. Mais si l’on souhaite apprendre ensuite des données avec d’autres régularités, on va observer l’oubli catastrophique des premières relations apprises.</p>
<p>Inversement, dans un modèle d’apprentissage explicite de cas particuliers, on va privilégier le codage de ce qui est spécifique plutôt que de ce qui est régulier dans l’information (pour retrouver ma voiture, je ne dois pas généraliser sur plusieurs exemples mais me souvenir du cas précis). Cet apprentissage sera plus rapide, puisqu’on ne cherchera pas à se confronter à d’autres exemples mais à apprendre par cœur un cas particulier. Mais l’expérimentation avec ce type de modèles montre des risques d’interférence si on apprend trop d’exemples proches, ainsi qu’un coût élevé pour le stockage des informations (ce qui n’est pas le cas pour l’apprentissage implicite). Il est donc impératif de limiter le nombre d’exemples stockés dans l’hippocampe.</p>
<p>Des transferts de l’hippocampe vers le cortex (que l’on appelle consolidation, se produisant principalement lors des phases de sommeil) traitent les deux problèmes évoqués plus haut. D’une part, lorsque des cas particuliers proches sont stockés dans l’hippocampe, leurs points communs sont extraits et transférés dans le cortex. D’autre part, l’hippocampe, en renvoyant vers le cortex des cas particuliers, lui permet de s’entraîner de façon progressive, en alternant cas anciens et nouveaux et lui évite l’oubli catastrophique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295848/original/file-20191007-52202-8ezkon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La région colorée en violet foncé est le cortex cérébral.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cortex_c%C3%A9r%C3%A9bral#/media/Fichier:Brainmaps-macaque-hippocampus.jpg">brainmaps.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Les mécanismes de la formation des habitudes</h2>
<p>La prise de décision peut se faire selon deux modes, réflexif et réflectif. Là aussi, les apprentissages implicite et explicite sont à l’œuvre. Pour prendre une décision, une représentation explicite du monde permettra de façon prospective d’anticiper les conséquences que pourraient avoir nos actions et de choisir la plus intéressante. Avec sa capacité à former rapidement des associations arbitraires, l’hippocampe semble massivement impliqué dans la construction de ces cartes cognitives explicites.</p>
<p>Ensuite, après avoir longuement utilisé cette approche dirigée par les buts, on peut se rendre compte, par une analyse rétrospective portant sur de nombreux cas, que dans telle situation la même action est toujours sélectionnée, et se former une association situation-action dans le cortex par apprentissage lent, sans se représenter explicitement le but qui motive ce choix. On appelle cela la formation des habitudes.</p>
<h2>Mais que fait l’IA ?</h2>
<p>La dualité implicite/explicite a conforté l’IA dans ses aspects numériques/symboliques ou basés sur les données et sur les connaissances. L’IA n’a cependant pas intégré un ensemble de résultats qui montrent que, au-delà d’une simple dualité, les mémoires implicites et explicites interagissent subtilement pour former notre cognition.</p>
<p>Concernant la consolidation, l’hippocampe est en fait alimenté presque exclusivement par des représentations provenant du cortex, donc correspondant à l’état courant de la mémoire implicite, ce qui indique que ces deux mémoires sont interdépendantes et co-construites. Comment ces échanges se réalisent entre le cortex et l’hippocampe et comment ils évoluent mutuellement restent des mécanismes très peu décrits et très peu connus en neurosciences.</p>
<p>Concernant la formation des habitudes, cette automatisation de notre comportement n’est pas à sens unique et nous savons figer un comportement puis le réviser par une remise en cause explicite quand il n’est plus efficace puis le reprendre si besoin. Là aussi, ces mécanismes sont très peu compris en neurosciences.</p>
<p>La modélisation a été une source d’inspiration pour aider les neurosciences à formaliser et à décrire les mécanismes de traitement de l’information à l’œuvre dans notre cerveau. Pourtant, concernant ces modalités d’associations flexibles entre nos mémoires implicites et explicites, l’IA ne joue pas son rôle d’aiguillon pour aider les neurosciences à avancer sur ces questions, car elle reste bloquée sur cette dualité rigide et stérile entre données et connaissances, alors que les relations entre connaissances et données devraient être au cœur des préoccupations d’une IA soucieuse de résoudre ses points de blocage. Il est donc temps d’exposer au grand jour ce hiatus et de demander à l’IA de jouer son rôle d’inspiration.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’évènement « Le procès de l’IA », un <a href="http://tousensciences.fr/bdxmacropole-proces/">projet Arts & Science de l’Université de Bordeaux</a>, en partenariat avec Primesautier Théâtre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124402/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Alexandre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’intelligence artificielle cherche à reproduire les fonctions cognitives supérieures mais ne prend toujours pas en compte les interactions subtiles du traitement de l’information dans notre cerveau.Frédéric Alexandre, Pilote de l'équipe MNEMOSYNE à l'Institut des Maladies Neurodegeneratives, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1247592019-10-06T19:40:38Z2019-10-06T19:40:38ZBD « Sciences en bulles » : Des robots qui apprennent à lire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295711/original/file-20191006-118239-xgshmc.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C27%2C1332%2C928&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet extrait de la BD <a href="https://www.fetedelascience.fr/pid34623-cid144926/sciences-en-bulles-la-recherche-en-bd.html">« Sciences en bulles »</a> est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Mon but : aider les chercheurs, tous domaines confondus, à trouver les informations dont ils ont besoin dans l’océan des publications scientifiques. Sachant qu’il y en a beaucoup trop pour y parvenir sans l’aide d’un robot. Mais d’un robot… éduqué ! Car, aujourd’hui, malheureusement, aucun n’a encore le niveau pour comprendre un texte aussi bien qu’un humain.</p>
<p>J’évolue donc sur les terres de l’intelligence artificielle (IA), dont l’objet est de réaliser des programmes capables de simuler l’intelligence. Je m’intéresse plus particulièrement à l’intelligence linguistique, c’est-à-dire à la capacité de comprendre une langue. La branche de l’IA qui vise à créer des programmes dotés de cette capacité est appelée « traitement automatique des langues ». C’est mon domaine.</p>
<p>Mon travail consiste à écrire de nouveaux programmes informatiques toujours plus performants, capables d’apprendre à repérer, dans la masse des informations, celles qui seront utiles à leurs utilisateurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295710/original/file-20191006-118228-1ww2pwb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295707/original/file-20191006-118217-1qwl467.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fetedelascience.fr/pid35151-cid144926/-sciences-en-bulles-le-nouveau-livre-de-la-fete-de-la-science-2019.html">Peb&Fox/Syndicat national de l’édition</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Retrouvez les créations dessinées du duo Peb & Fox <a href="http://www.pebfox.com/blog/">sur leur blog</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Ferré ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la complicité dessinée du duo Peb & Fox, on fait le tri dans l’océan des informations grâce à l’intelligence artificielle.Arnaud Ferré, Docteur en intelligence artificielle appliquée aux sciences du vivant, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240402019-09-23T18:25:32Z2019-09-23T18:25:32ZPodcast : L’humain, seule espèce utilisant des outils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293639/original/file-20190923-54763-1k1yawv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C0%2C3000%2C1989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme nous, les chimpanzés savent créer et utiliser des outils.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/AgXfCh34i1E">Linnea Herner/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à une situation problématique, il est possible de se servir de l’environnement pour fabriquer les outils nécessaires permettant de parvenir à une solution. Notre espèce semble bien loin d’être la seule à pouvoir adopter ce type de comportement.</p>
<p>Par exemple, les chimpanzés du parc national de Comoé (situé dans le nord-est de la Côte d’Ivoire) doivent redoubler d’inventivité et de dextérité afin de se confectionner des outils bien spécifiques. Des bâtons transformés en longs pinceaux leur permettent de puiser de l’eau au creux des arbres pendant les périodes les plus arides de l’année.</p>
<p>En moins de 10 minutes, avec cet épisode, découvrez que l’étude du comportement animal peut faire réfléchir au fait que ce que l’on appelle animal semble parfois très proche de ce que l’on nomme humain.</p>
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<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/2654">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du poulpe, aux chimpanzés, en passant par les corneilles de nombreuses espèces font preuve d'une inventivité redoutable.Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences à Aix-Marseille Université, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1232522019-09-13T13:44:46Z2019-09-13T13:44:46ZPeut-on réellement savoir à quoi pensent les animaux?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292276/original/file-20190912-190044-1eef468.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pensée animale n’est pas structurée comme le langage humain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Sarah, « <a href="https://www.nytimes.com/2019/08/09/opinion/chimpanzee-sarah.html">la chimpanzée la plus intelligente au monde</a> » <a href="https://chimphaven.org/chimp-blog/sarah-anne/">est décédée en juillet dernier</a>, à quelques jours de son soixantième anniversaire. Durant la plus grande partie de son existence, elle a servi de sujet de recherche, ce qui a permis aux scientifiques d’ouvrir une fenêtre sur le mode de pensée du parent le plus proche de l’humain.</p>
<p>La mort de Sarah nous donne l’occasion de réfléchir à une question fondamentale: peut-on réellement savoir ce que pensent les animaux? En m’appuyant sur mon expérience de philosophe, je postule que la réponse est non. Car il y a des limites de principe à notre compréhension de la pensée animale.</p>
<h2>La pensée animale</h2>
<p>Il ne fait guère de doute que les animaux réfléchissent. Leur comportement est trop sophistiqué pour n’être qu’instinctif. Mais il est extrêmement difficile de déterminer avec précision ce à quoi ils pensent. Notre langage humain n’est pas adapté à l’expression de leurs pensées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290746/original/file-20190903-175700-xg3tyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illustration (de T. W. Wood) d’un chimpanzé déçu et de mauvaise humeur, tiré de l'essai de Charles Darwin <em>The Expression of the Emotions in Man and Animals</em> (1872).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/hbjgkjnj">Wellcome Collection</a></span>
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<p>Sarah est l’exemple parfait de ce casse-tête. Lors d’une étude célèbre, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/behavioral-and-brain-sciences/article/does-the-chimpanzee-have-a-theory-of-mind/1E96B02CD9850016B7C93BC6D2FEF1D0">elle a choisi correctement l’objet nécessaire pour compléter une série d’actions</a>. Face à une personne se débattant pour atteindre quelques bananes, elle a bien choisi un bâton plutôt qu’une clé. Alors que face à une personne enfermée dans une cage, elle a préféré la clé au bâton.</p>
<p>Ce qui a amené les membres de l’étude à conclure que Sarah possédait « une théorie complète de l’esprit », comprenant les concept d’intention, de croyance, et de savoir. Théorie immédiatement contestée par d’autres chercheurs. Ils doutaient que nos concepts humains puissent saisir avec exactitude le point de vue de Sarah. Bien que des centaines d’études additionnelles aient été menées depuis des décennies, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/phc3.12394">le désaccord règne en maître quant à la caractérisation des concepts mentaux des chimpanzés</a>.</p>
<p>La difficulté ne découle pas d’une incapacité à s’exprimer. <a href="https://www.abebooks.com/MIND-APE-Premack-David-Ann-James/21359095186/bd">Une fois un langage rudimentaire maîtrisé, le casse-tête Sarah ne relevait plus de savoir ce qu’elle pensait mais bien de comprendre ce que ses mots voulaient dire</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">BBC Earth: Construire un dictionnaire de chimpanzé.</span></figcaption>
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<h2>Les mots et leur sens</h2>
<p>Il se trouve que le problème de l’association de leur sens aux mots est <a href="https://www.britannica.com/topic/philosophy-of-language">une obsession fondamentale des philosophes du 20ème siècle. </a> Parmi ceux-ci, W.V.O. Quine, probablement <a href="https://plato.stanford.edu/entries/quine/">le philosophe le plus influent de la seconde moitié de ce siècle</a>.</p>
<p>Professeur à Harvard, la renommée de Quine s’est construite sur l’idée de ce qu’il faudrait pour traduire une langue étrangère - un projet qu’il intitule la <a href="https://www.rep.routledge.com/articles/thematic/radical-translation-and-radical-interpretation/v-1">traduction radicale</a>. Il conclut qu’il y aurait toujours plusieurs traductions possibles toutes aussi valables les unes que les autres. En conséquence, nous ne pourrons jamais définir le sens exact à attribuer aux mots d’une langue. Mais il a également fait remarquer que la traduction radicale était limitée à la structure même d’une langue.</p>
<p>Quine a inventé une langue étrangère sans aucun rapport avec les langues humaines connues. Je me servirais de l’allemand pour illustrer ce propos. Supposons qu’un germanophone prononce la phrase: « Schnee ist weiss » (« La neige est blanche »). Ses amis sourient et acceptent le sens de cette phrase telle quelle. Malheureusement, il y a peu d’indices quant au sens de la phrase. Il y a plusieurs vérités et la phrase pourrait signifier n’importe laquelle de ces vérités.</p>
<p>Ce qui suggère une conclusion générale: si nous sommes capables de traduire des phrases d’une langue à l’autre, c’est essentiellement parce que nous pouvons traduire les mots d’une langue vers une autre langue.</p>
<p>Mais imaginons une langue dont la structure nous est totalement inconnue. Comment la traduire? Si, pour traduire des phrases, il faut en traduire les mots, mais que ces mots ne sont pas liés à notre langue, nous serions incapables de les reporter dans notre langue. Nous ne pourrions pas comprendre le sens de ces phrases.</p>
<h2>Des grammaires inconnues</h2>
<p>Les pensées animales sont comme les phrases d’une langue inconnue. Construites sans aucun rapport aux nôtres. Leurs parties constituantes diffèrent totalement de la façon dont nous, êtres humains, assemblons les mots. Par conséquent, il n’y a pas d’éléments du raisonnement animal correspondant à notre vocabulaire et il y n’y a donc pas de moyen précis de convertir leurs pensées en des phrases.</p>
<p>L’analogie suivante concrétise ce raisonnement:</p>
<p>Comment traduire correctement la Joconde? Si vous répondez que la question ne tient pas debout car la Joconde est un tableau et de ce fait ne peut être exprimée en phrases, eh bien… c’est exactement où je veux en venir. Les tableaux sont créés avec des couleurs sur une toile, et non avec des mots. Donc, si Quine a raison lorsqu’il dit que n’importe quelle traduction à moitié convenable exige une correspondance entre les mots, on ne devrait pas s’attendre à pouvoir traduire un tableau en phrases.</p>
<p>Mais la Joconde échappe-t-elle vraiment à toute traduction? On peut envisager une description approximative: « Ce tableau dépeint une femme, <a href="https://www.britannica.com/topic/Mona-Lisa-painting">Lisa del Giocondo</a>, au sourire narquois ». Le problème étant qu’il y a tant de manières de sourire de manière suffisante, et que la Joconde, elle, ne sourit que d’une seule façon. Pour appréhender son sourire, nous avons besoin de plus de détails.</p>
<p>On pourrait essayer de fractionner le tableau en milliers de pixels colorés, et tenter une description microscopique comme « rouge à l’emplacement 1; bleu à l’emplacement 2; … » Mais cette approche confond un mode d’emploi en vue d’une reproduction avec une traduction.</p>
<p>Par comparaison, je pourrais reproduire la une du <em>New York Times</em> ainsi: « Appuyer sur la touche T en premier, puis la touche H et ensuite la touche E…» Ces directives diraient quelque chose de complètement différent du contenu de la page. Elles identifieraient les touches sur lesquelles on doit appuyer, mais ne diraient rien sur l’inégalité des revenus, les plus récents gazouillis de Donald Trump, ou comment faire accepter votre rejeton dans les maternelles élitistes de Manhattan. De la même manière, la Joconde représente une femme qui sourit et non un amas de pixels de couleur. Donc cette description microscopique ne nous fournit pas une traduction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290740/original/file-20190903-175663-115ifo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Diviser la Joconde de Léonard de Vinci en pixels nous fournit une reproduction, et non une traduction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>La nature de la pensée</h2>
<p>Je suggère donc que de tenter de caractériser la pensée animale équivaut à vouloir décrire la Joconde. On est dans l’approximation, pas dans la précision.</p>
<p>L’analogie avec la Joconde ne doit pas être comprise littéralement. L’idée n'étant pas que les animaux « pensent en images », mais simplement qu’ils ne pensent pas sous forme de locutions humaines. Après tout, même les animaux qui, comme Sarah, parviennent laborieusement à apprendre des rudiments de langage, sont incapables de saisir une syntaxe récurrente qu’un enfant de trois ans utilise sans effort. Bien que nous ayons des preuves considérables du fait que les animaux pensent, nous sommes en porte-à-faux puisque nous sommes incapables de dire à quoi ils pensent. Leur structure mentale est trop éloignée de la nôtre.</p>
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<p class="fine-print"><em><span>Jacob Beck reçoit du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada.</span></em></p>Peut-on vraiment savoir ce que pensent les animaux ? Un philosophe soutient que nous ne le pouvons pas, du moins avec précision.Jacob Beck, Associate Professor, Department of Philosophy, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.