tag:theconversation.com,2011:/global/topics/investissement-20236/articlesinvestissement – The Conversation2024-03-13T15:57:27Ztag:theconversation.com,2011:article/2216662024-03-13T15:57:27Z2024-03-13T15:57:27ZRéindustrialisation (verte) : un retard européen à combler<p>Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.</p>
<p>Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que <a href="https://trendeo.net/blog/parution-du-8e-barometre-mondial-des-investissements-industriels/">6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde</a>, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.</p>
<p>Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).</p>
<p><iframe id="eN52o" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eN52o/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/lindustrie-europeenne-des-vehicules-electriques-doit-elle-craindre-le-protectionnisme-vert-americain/">secteur clé de l’automobile électrique</a> : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.</p>
<p>Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.</p>
<h2>Un soutien public massif aux États-Unis</h2>
<p>La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’<a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">Inflation Reduction Act</a> (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent <a href="https://budgetmodel.wharton.upenn.edu/estimates/2023/4/27/update-cost-climate-and-energy-inflation-reduction-act">beaucoup plus élevé que prévu</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1636395782847774722"}"></div></p>
<p>Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.</p>
<p>Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.</p>
<p>L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne <a href="https://www.menon.no/wp-content/uploads/2023-46-Battery-subsidy-regimes.pdf">plus de 3 fois supérieur aux aides européennes</a>.</p>
<p>Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.</p>
<h2>L’UE change de logiciel</h2>
<p>Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen.</p>
<p>Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1<sup>er</sup> octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/21/comment-la-montee-du-protectionnisme-vert-penalise-les-pays-pauvres_6178593_3234.html">forme de protectionnisme vert européen</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-ajustement-carbone-aux-frontieres-de-lue-nest-pas-sans-risque-pour-les-pays-les-plus-pauvres-197218">Un ajustement carbone aux frontières de l’UE n’est pas sans risque pour les pays les plus pauvres</a>
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<p>L’objectif de ce dispositif est d’éviter les « fuites de carbone », c’est-à-dire le déplacement des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.</p>
<p>Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.</p>
<p>D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/concilier-ambition-climatique-et-concurrence-mondiale-quel-role-pour-le-mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-212927">Concilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?</a>
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<p>Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.</p>
<p>Le <a href="https://www.economie.gouv.fr/france-2030">plan France 2030</a> s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.</p>
<h2>Risques de divergences</h2>
<p>L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : <a href="http://gesd.free.fr/krugman93.pdf">comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman</a>, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.</p>
<p>À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.</p>
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<img alt="Drapeaux des pays membres de l’UE" src="https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572989/original/file-20240202-29-o9dmdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’enjeu de réindustrialisation constitue un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/european_parliament/35139054432">European Parliament</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen <a href="https://next-generation-eu.europa.eu/index_fr">Next Generation EU</a> initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.</p>
<h2>La voie des clauses de contenu environnemental</h2>
<p>L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.</p>
<p>Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.</p>
<p>Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les montants des investissements européens dans des technologies comme les batteries électriques ou les semi-conducteurs restent limités par rapport à la Chine ou aux États-Unis.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253072024-03-12T16:06:25Z2024-03-12T16:06:25ZLa France, un paradis fiscal… pour le Qatar ?<p><a href="https://www.capital.fr/economie-politique/en-visite-en-france-lemir-du-qatar-sort-le-gros-cheque-pour-investir-dans-notre-economie-1492913">10 milliards d’euros</a>. Telle est la somme que l’émir du <a href="https://theconversation.com/topics/qatar-39492">Qatar</a>, lors de sa récente visite à Paris, a annoncé vouloir investir d’ici à 2030 dans l’économie française.</p>
<p>Le montant n’a pas manqué de faire réagir. La venue de l’émir intervenait alors que le dossier du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/06/qatargate-l-enquete-belge-risque-l-enlisement_6209394_3210.html">« Qatargate »</a> n’est pas clos : l’État du Golfe est accusé <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/le-qatargate-est-une-affaire-criminelle-et-n-a-aucun-rapport-avec-le-lobbying/">d’avoir tenté de corrompre des parlementaires européens</a>. Il est également suspecté de <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cll7nmeev6eo">financer des organisations classées terroristes</a>, dont le Hamas, qui est inscrit sur la <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:151:0045:0050:EN:PDF">liste de l’Union européenne</a>.</p>
<p>Sans compter les pratiques de <em>soft power</em> mises à jour par les différents <a href="https://www.tallandier.com/livre/le-qatar-en-100-questions/">ouvrages</a> des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Il serait ainsi naïf de croire que les <a href="https://theconversation.com/topics/investissement-20236">investissements</a> du Qatar sont dénués de toute intention politique. Une autre question se pose également : ces investissements vont-ils rapporter de l’argent à l’État français ? L’analyse non exhaustive de la <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/10_conventions/qatar/qatar_convention-avec-le-qatar_fd_2100.pdf">convention fiscale France-Qatar</a> montre que cela est loin d’être évident.</p>
<h2>Tout commence par l’immobilier</h2>
<p>La presse s’est déjà fait l’écho d’<a href="https://photo.capital.fr/ces-fleurons-francais-desormais-aux-mains-du-qatar-17024#les-hotels-carlton-martinez-et-majestic-de-cannes-303176">acquisitions immobilières impressionnantes</a>, en particulier à Cannes, réalisées par des sociétés ou des familles qatariennes. À partir du moment où le patrimoine immobilier situé en France a une valeur supérieure à 1,3 million d’euros, un non-résident est théoriquement assujetti à l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), mais cela sous réserve des conventions internationales.</p>
<p>En l’occurrence, l’<a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/10_conventions/qatar/qatar_convention-avec-le-qatar_fd_2100.pdf#page=11">article 17</a> de la convention France-Qatar stipule :</p>
<blockquote>
<p>« La fortune constituée par des biens immobiliers visés à l’article 5, que possède un résident d’un État et qui sont situés dans l’autre État, est imposable dans cet autre État si la valeur de ces biens immobiliers est supérieure à la valeur globale des éléments suivants de la fortune possédée par ce résident. »</p>
</blockquote>
<p>Ces « éléments » sont principalement des obligations et des actions de sociétés cotées résidentes. Il résulte ainsi du texte que des actions de sociétés cotées situées en France ne seront pas considérées comme un bien immobilier pour un Qatarien (et réciproquement) même en ce qui concerne les sociétés détenant essentiellement des actifs immobiliers. Cet investissement n’entrera donc pas dans le calcul de la valeur des biens immobiliers : autrement dit, pour éviter d’être assujettis à l’IFI, les Qatariens sont incités à investir dans des sociétés cotées ou dans des obligations d’État.</p>
<p>Les cas d’exonération sont encore plus larges dans les faits : l’administration fiscale a même <a href="https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/949-PGP.html/identifiant=BOI-INT-CVB-SAU-20200122">précisé</a> qu’il fallait tenir compte des actions cotées sur un marché boursier d’un État membre de l’Union européenne et non uniquement de celles cotées sur le marché français ainsi que des créances sur les États membres de l’UE, leurs collectivités territoriales ou institutions publiques. Les établissements de crédit résidents d’un État membre de l’UE n’ont, eux, pas besoin d’être cotés en bourse.</p>
<h2>Puis, il y a les dividendes</h2>
<p>On peut par ailleurs lire à l’article 8 de la Convention :</p>
<blockquote>
<p>« Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État à un résident de l’autre État ne sont imposables que dans cet autre État si la personne qui reçoit ces dividendes en est le bénéficiaire effectif. »</p>
</blockquote>
<p>Les dividendes versés par des sociétés françaises détenues par des Qatariens, personnes physiques ou morales, sont ainsi imposés au Qatar. Ce mécanisme classique, et usuel, en fiscalité internationale comprend néanmoins plusieurs nuances non négligeables dans ce cas.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_BzT5zSNusU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Tout d’abord, contrairement à ce qui est prévu dans de nombreuses conventions fiscales signées avec d’autres pays – par exemple entre la France et le Luxembourg –, la France ne s’est pas réservé la possibilité d’imposer les dividendes qui partent pour le Qatar.</p>
<p>Comme il n’y a pas d’imposition prenant pour assiette les dividendes au Qatar, il est tentant pour un investisseur français de vendre son action à un investisseur qatarien qui reçoit les dividendes et est exonéré de taxes. Il restitue ensuite l’action et les dividendes à l’investisseur français qui, ayant échappé à la taxe, n’a plus qu’à lui verser une commission pour le service rendu. <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/dividendes-les-conventions-fiscales-avec-les-pays-du-golfe-dans-le-viseur-des-deputes-1360190">Les parlementaires se sont saisis de la question</a> mais il est difficile de penser que des modifications seront introduites dans la Convention fiscale après l’annonce par le Qatar qu’il s’apprête à investir 10 milliards d’euros en France.</p>
<p>Enfin, la convention précise que les revenus immobiliers, les dividendes ou les gains de capital qui sont réalisés en France par des sociétés qatariennes et partent ensuite au Qatar ne subissent pas la retenue usuelle à la source de 30 %.</p>
<p>Bref, les sociétés qatariennes sont incitées à investir en France en parallèle à leurs acquisitions immobilières et elles bénéficient alors également, en matière de dividendes, d’un traitement dérogatoire.</p>
<h2>Puis, il y a les intérêts</h2>
<p>Imaginons désormais une société française qui s’endette auprès d’une société mère qatarienne. Ce mode de financement aboutit à réduire le bénéfice imposable de la société française qui doit acquitter les mensualités d’emprunt et à enrichir la société qatarienne qui récupère les intérêts. Là encore, contrairement à ce qui a pu être stipulé dans d’autres conventions ratifiées par la France – par exemple, la convention entre la France et Israël –, dans ses relations avec le Qatar, la France ne dispose d’aucune possibilité, selon l’article 9, d’imposer de tels flux financiers.</p>
<p>Imaginons que cet emprunt conclu auprès d’une société étrangère aboutisse à l’acquisition d’une immobilisation pour la société française. Celle-ci sera en droit d’amortir son coût sur plusieurs années et de réduire d’autant son bénéfice en application des règles comptables et fiscales en vigueur en France, qui est en outre le lieu de situation de l’immeuble. Dans cette hypothèse théorique, d’une part le flux financier emprunté n’est pas fiscalisé et la société qatarienne encaisse « net d’impôt » les remboursements, et d’autre part, en France, la société française réduit le montant de son imposition.</p>
<p>Reprécisons que ce mécanisme n’est pas spécifique aux entreprises détenues par des fonds ou des sociétés qatariennes, mais il se cumule avec tout un ensemble d’exonérations.</p>
<h2>Puis, les redevances et enfin, les plus-values</h2>
<p>Outre l’immobilier, les dividendes et les intérêts, il faut regarder du côté des redevances. Les redevances sont les sommes que doit acquitter une société pour pouvoir exploiter un brevet ou une image. Si ces droits sont détenus par une société étrangère, la société française qui souhaite les exploiter doit passer un contrat avec cette société et la rémunérer en contrepartie. Conformément à l’article 10 de la convention France-Qatar, et contrairement par exemple à la convention France-Espagne, ces sommes permettent de réduire le bénéfice imposable en France. Une société qatarienne qui verse une redevance à la France verra son assiette d’imposition réduite d’autant. Dans l’autre sens, la redevance perçue par une société du Golfe ne sera-t-elle pas imposée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657468591254405120"}"></div></p>
<p>Pour ce qui concerne enfin les plus-values, celles provenant de la vente de biens immobiliers (ou de droits dans une société dont l’actif est constitué pour plus de 80 % d’immeubles) situés en France sont en principe imposables en France selon l’article 11. C’est oublier que la convention a été complétée par des avenants. Celui du <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/10_conventions/qatar/qatar_avenant-a-la-convention-avec-le-qatar-du-14.01.2008_fd_4587.pdf">14 janvier 2008</a> prévoit notamment l’exonération des plus-values de cession réalisées par l’autre État, sa banque centrale ou une institution financière publique mais également les gains provenant de l’aliénation de parts d’une société dont l’actif est constitué pour plus de 80 % de biens immobiliers.</p>
<p>En résumé, l’investissement de 10 milliards d’euros pourrait bien bénéficier d’une rentabilité maximale. Mais ce n’est pas tout. Les entreprises qatariennes, comme toutes les entreprises exploitées en France, utilisent pleinement les crédits d’impôt, dont <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/evaluation-credit-dimpot-recherche-rapport-cnepi-2021">l’efficacité est loin d’être démontrée</a>, mais qui assurent avec certitude aux entreprises un apport en trésorerie. Si, comme annoncé, le Qatar investit dans l’intelligence artificielle, il profitera pleinement du crédit impôt-recherche.</p>
<p>Enfin, une partie des sommes annoncées a vocation à être gérée par la BPI en dépit des poursuites en cours en raison de soupçons de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/bpifrance-enquete-ouverte-pour-des-soupcons-de-prise-illegale-d-interets-978059.html">prise illégale d’intérêts</a>. Pour le dire autrement, l’État du Golfe suspecté d’être à l’origine du plus grand scandale de corruption en Europe va investir en France via une structure dont la déontologie est remise en question. Des élus, à l’instar de la sénatrice Anne-Catherine Loisier qui a déposé à ce sujet une <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ181208007.html">question écrite</a> le 6 décembre dernier, interpellent déjà l’exécutif sur le manque à gagner entraîné par les « avantages fiscaux » accordés au Qatar.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Qatar a certes promis 10 milliards d’euros d’investissement en France d’ici 2030, mais il bénéficie d’une convention fiscale bilatérale particulièrement avantageuse.Jacques Amar, Maître de conférences HDR en droit privé, CR2D, Université Dauphine-PSL, docteur en sociologie, Université Paris Dauphine – PSLArnaud Raynouard, Professeur des universités en droit, CR2D, Université Dauphine-PSL, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2225462024-02-04T15:35:59Z2024-02-04T15:35:59ZUE : les règles budgétaires sont-elles compatibles avec les objectifs du Pacte vert ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572829/original/file-20240201-29-kc073t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C9%2C2023%2C1318&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La transition verte devrait coûter environ plus de 1500 milliards d’euros par an jusqu’en 2050.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/european_parliament/48759068467">European Parliament</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après une suspension des règles budgétaires durant la période Covid, celles-ci sont à nouveau d’application depuis le début de l’année 2024, telles que définies dans le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne (UE). Le débat sur la réforme de ces règles budgétaires <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240112IPR16774/gouvernance-economique-ameliorer-la-credibilite-et-promouvoir-l-investissement">vient d’être lancé entre le parlement européen et les États membres</a> par un vote du 17 janvier.</p>
<p>En parallèle, la publication de deux études sur les besoins en financement de la transition a lieu ce mois de février : le rapport <a href="https://institut-rousseau.fr/road-2-net-zero/">« Road to Net Z€ro »</a> du think tank <a href="https://institut-rousseau.fr/">Institut Rousseau</a> et le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/climat-l-europe-evalue-le-cout-de-la-neutralite-carbone-en-2050-a-1-500-milliards-d-euros-par-an">travail de la Commission européenne</a> sur les investissements à réaliser pour atteindre la neutralité carbone en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction d’émissions à l’horizon 2040.</p>
<p>Ces deux travaux ont été réalisés par des équipes distinctes et employant des méthodologies bien différentes. Il est donc remarquable que l’Institut Rousseau et la Commission parviennent à une estimation du besoin d’investissement quasi identique : 1 520 milliards d’euros par an en moyenne jusqu’en 2050 pour le premier, entre 1 524 et 1530 milliards d’euros pour la seconde !</p>
<h2>Le soutien public est essentiel</h2>
<p>L’étude de l’Institut Rousseau, à laquelle nous avons participé aux côtés de plus de 150 experts à travers toute l’Europe, divise ce chiffre en deux parties : d’une part, des investissements verts déjà en cours ou une redirection d’investissements « gris » (par exemple, une redirection des investissements en véhicules à moteur thermique vers les transports en commun et les véhicules électriques) ; et, d’autre part, l’investissement supplémentaire que représente le surcoût de la transition par rapport au scénario « business-as-usual » obtenu en prolongeant les tendances d’investissement actuelles.</p>
<p>Au bilan, cette part supplémentaire ne représente qu’une faible fraction des 1 520 milliards, à savoir 360 milliards d’euros par an, c’est-à-dire 2,3 % du PIB de l’UE-27. Sur ces 360 milliards d’euros annuels supplémentaires requis par rapport au scénario « business-as-usual », 260 milliards devront être investis par la puissance publique. Ceux-ci sont issus d’une batterie de plus de 70 mesures de politiques publiques proposées secteur par secteur afin d’atteindre les cibles de décarbonation de l’Union à 2030 et 2050.</p>
<p><iframe id="s3eGk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s3eGk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De tels investissements publics permettent de faire levier sur les investissements privés et ainsi de débloquer les montants nécessaires. Ceux-ci comprennent également le montant des subventions nécessaires pour accompagner les différents acteurs privés dans une transition parfois coûteuse. Une telle approche semble aujourd’hui plus que jamais essentielle pour l’acceptabilité du Pacte vert européen, notamment au regard de la colère des agriculteurs face à la détérioration de leurs revenus.</p>
<h2>Incompatibilité avec la réglementation actuelle</h2>
<p>Or, la réglementation relative aux aides d’États restreint largement leur mise en œuvre à l’heure actuelle. En effet, les textes européens interdisent, sauf exception, tout soutien public aux entreprises en mesure de fausser la concurrence. Sa suspension dans le cadre du <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_1563">Temporary Crisis and Transition Framework</a> – un dispositif permettant aux États membres de soutenir leurs économies suite aux chocs du Covid-19 et de la guerre en Ukraine – devrait ainsi devenir permanente si l’UE veut se donner les moyens de ses ambitions.</p>
<p>En outre, les 250 milliards d’investissements publics annuels supplémentaires correspondent à 1,6 % du PIB européen. Il est évident qu’ils sont <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/05/il-faut-renoncer-definitivement-a-des-objectifs-chiffres-de-dette-et-de-deficit-rapportes-au-pib_6172175_3232.html">incompatibles</a> avec le plafond de 3 % de déficit public tel que fixé dans le pacte de stabilité et de croissance de l’UE.</p>
<p>Pourtant, la proposition de réforme <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240112IPR16774/gouvernance-economique-ameliorer-la-credibilite-et-promouvoir-l-investissement">actuellement sur la table et livrée à la négociation entre le Parlement européen et les États membres</a> n’assouplit que marginalement ces règles de déficit. Elle entre ainsi en opposition frontale avec un des objectifs phares de l’actuelle Commission, à savoir la réalisation du Pacte vert européen.</p>
<h2>Pas d’effet négatif à long terme</h2>
<p>D’aucuns ne manqueront pas d’affirmer que de tels investissements publics seraient inconsidérés, voire impossibles. À cela, nous opposons trois arguments : d’abord, ces montants restent raisonnables en comparaison au coût du changement climatique en <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC87011">cas de non-action</a> ; ensuite, les investissements publics annuels requis sont inférieurs au montant du plan de relance post-Covid (338 milliards d’euros par an) ; enfin, ils restent nettement inférieurs aux subventions octroyées aux énergies fossiles en Union européenne (359 milliards d’euros par an).</p>
<p><iframe id="wVx52" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wVx52/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autrement dit, les investissements de transition ne font que se substituer à des aides publiques existantes, qui disparaîtront au fur et à mesure de la décarbonation de l’économie. Si la période de transition engendre une hausse du déficit public, qui peut par exemple être compensée par des <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/plan-de-relance-coup-d-envoi-reussi-pour-l-emprunt-europeen/">emprunts communs</a>, les calculs réalisés indiquent donc que, au bilan, la transition n’aura pas forcément d’effet négatif sur les finances publiques à long terme.</p>
<p>Enfin, booster l’investissement de manière ciblée et dans des secteurs d’avenir se révélerait probablement bénéfique pour une économie européenne au bord de la récession et risquant de renouer avec le caractère moribond qui la définit depuis la crise de 2008.</p>
<p>Ainsi, l’étude « Road to Net Z€ro » montre qu’investir dans la transition écologique, en plus de permettre le respect de nos obligations légales de neutralité carbone, constitue un choix économiquement rationnel et désirable pour l’Europe. Un tel choix nécessite cependant de radicalement changer le cap des discussions en cours sur la réforme des règles budgétaires et fiscales européennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Jacques est membre du comité de pilotage de l'Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Riwan Driouich est chercheur associé à l'Institut Rousseau.</span></em></p>Trois récents rapports interrogent la politique d’endettement face aux milliards à investir pour atteindre les objectifs climatiques européens.Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Riwan Driouich, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Autonomous University of BarcelonaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
<p><iframe id="nOnDW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nOnDW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191762023-12-12T18:47:36Z2023-12-12T18:47:36ZLes entreprises « nées mondiales » : quels dispositifs d’aide publique faut-il privilégier ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563385/original/file-20231204-28-htf506.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le stand BPI France, au salon Vivatech</span> <span class="attribution"><span class="source">Pierre Métivier / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Fin août 2023, le gouvernement français lançait le plan <a href="https://www.cci.fr/actualites/lancement-du-plan-osez-lexport">« Osez l’export »</a> avec l’objectif de passer de 150 000 à 200 000 <a href="https://theconversation.com/topics/exportations-28791">entreprises exportatrices</a> d’ici 2030. L’initiative découle du constat suivant : les <a href="https://theconversation.com/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">PME françaises</a> ne seraient pas assez présentes sur les marchés étrangers, autrement dit, pas assez compétitives à l’international. L’enjeu est aussi celui de la <a href="https://theconversation.com/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a> de la France.</p>
<p>Aussi pourrait-on commencer par interroger sur l’efficacité des <a href="https://theconversation.com/topics/aides-detat-107629">aides publiques</a> déjà déployées en faveur des petites entreprises présentes à l’international. Tel a été l’objectif de notre <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7661148">étude récente</a>, publiée dans <em>Économie et Statistique</em>, la revue de l’Insee. Nous y examinons le lien entre différents dispositifs d’aide publique octroyés par la Banque publique d’investissement (Bpifrance) et les performances des entreprises « nées mondiales » dans le secteur manufacturier en France.</p>
<p>Ces entreprises, autrement appelées « born globals » dans la littérature anglo-saxonne, sont celles qui réalisent au moins 20 % de leur chiffre d’affaires grâce à l’export dès leurs trois premières années d’existence. Ce sont aussi celles qui intéressent le plus les pouvoirs publics dans la mesure où elles incarnent l’espoir d’un fort potentiel de compétitivité et de croissance. Ces entreprises ont par ailleurs été pointées par de grandes institutions telles que l’<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/400c491d-en/index.html?itemId=/content/component/400c491d-en">OCDE</a> ou l’<a href="https://www.eurofound.europa.eu/en/publications/2013/born-global-potential-job-creation-new-international-businesses">Eurofound</a>, qui plaident depuis le début des années 2010 en faveur de mécanismes visant à promouvoir l’internationalisation des PME et en particulier des jeunes entreprises innovantes.</p>
<p>Nous nous sommes concentrées, dans nos travaux, sur la période 1998-2015, celle pour laquelle la désindustrialisation a été particulièrement marquée dans l’Hexagone.</p>
<h2>Les <em>born globals</em>, des entreprises plus performantes</h2>
<p>Ces jeunes entreprises ne sont pas très nombreuses en France. Sur notre période d’observation, elles représentent environ 3 % des nouvelles entreprises. Par comparaison, les entreprises non exportatrices représentent environ 85 % des entreprises nouvellement créées que nous observons. Les 12 % restants sont soit des entreprises qui deviennent exportatrices précocement mais de manière moins intense (les <em>born exporters</em> dans notre terminologie), soit des entreprises qui deviennent exportatrices mais plus tardivement (les <em>late exporters</em> dans notre terminologie).</p>
<p>Même si leur nombre est faible, les entreprises dites <em>born globals</em> méritent l’attention que leur accordent les pouvoirs publics. En effet, du fait de leur précoce insertion internationale, ces entreprises pourraient être plus à même d’endiguer la perte de compétitivité du secteur manufacturier français responsable de la désindustrialisation particulièrement marquée sur notre période d’étude. Un soutien plus fort des pouvoirs publics aux entreprises <em>born globals</em> manufacturières serait-il à même de relancer certains secteurs industriels, notamment les plus intensifs en technologie ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1730601498675937615"}"></div></p>
<p>Pour y répondre, nous combinons des données d’entreprises issues de l’Insee et des Douanes et des données sur les aides d’État octroyées aux entreprises françaises fournies par Bpifrance. Nous nous concentrons sur les entreprises opérant dans le secteur manufacturier français, un secteur pour lequel les enjeux de pertes de compétitivité sont particulièrement forts.</p>
<p>La comparaison des performances des <em>born globals</em> avec celles des entreprises non exportatrices, mais aussi avec les <em>born exporters</em> et <em>late exporters</em>, conforte l’a priori selon lequel ces entreprises sont en moyenne plus performantes que leurs homologues qui n’exportent pas ou qui exportent de manière moins intense ou moins précoce. Du point de vue de la performance économique, il ressort que les entreprises <em>born globals</em> ont en moyenne des chiffres d’affaires, des emplois salariés et des productivités du travail plus élevés. Sans surprise, l’écart de performance le plus fort est observé vis-à-vis des entreprises non exportatrices. Du point de vue de la performance commerciale, les <em>born globals</em> sont également plus performantes en moyenne que les autres exportatrices. Elles exportent vers plus de destinations, plus de variétés de produits et ces produits sont en moyenne de qualité supérieure.</p>
<h2>Moins susceptibles d’accéder aux financements les plus efficaces</h2>
<p>De nombreuses contraintes peuvent freiner l’internationalisation d’une entreprise et même empêcher une « née mondiale » d’entrer sur le marché. Ces entreprises sont en règle générale innovantes en plus d’être jeunes. Elles ont donc de forts besoins en matière de financement externe mais elles font face également à plus de contraintes de financement que les autres entreprises. Par nature moins capables d’offrir des garanties nationales que les entreprises qui s’établissent d’abord localement avant de s’étendre à l’étranger, elles pourraient aussi être les moins aptes à fournir les collatéraux nécessaires pour accéder aux financements externes.</p>
<p>Dans ce cadre-là, les aides publiques peuvent apparaître comme un réel soutien aux <em>born globals</em> sous réserve qu’elles soient effectivement adaptées à leurs besoins.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Dans notre étude, nous analysons la probabilité qu’ont ces jeunes pousses d’obtenir différents types de fonds publics : des subventions à l’innovation, des prêts publics ciblant des projets innovants ou internationaux, et enfin des prêts non ciblés soutenant l’investissement dans les capacités productives de l’entreprise. Il ressort que les entreprises <em>born globals</em> ont une probabilité plus forte de recevoir des aides à l’innovation et des aides à l’internationalisation. Elles sont en revanche moins susceptibles de recevoir des prêts d’investissement.</p>
<p>Il peut paraître paradoxal que des entreprises qui cherchent à s’étendre rapidement sur de nombreux marchés internationaux aient moins recours aux prêts d’investissements visant précisément à étendre les capacités productives. Une explication potentielle est que ces entreprises pourraient être les moins aptes à fournir les collatéraux nécessaires pour accéder aux financements externes, incluant les prêts publics.</p>
<p>Surtout que, parmi toutes les aides accordées, il ressort de notre étude que l’outil le plus efficace est le prêt d’investissement. Son rendement global s’avère élevé, tant en matière de chiffre d’affaires que d’emploi, quand celui des autres instruments est parfois proche d’être nul. Autrement dit, les entreprises « nées mondiales » obtiennent de meilleures performances après avoir reçu cette aide. Ce dernier résultat nous conforte dans l’idée que ces entreprises, en dépit de leur déficit de collatéral domestique, devraient bénéficier d’un meilleur accès aux prêts d’investissement et non pas seulement aux prêts ciblés sur leurs projets d’innovation ou d’internationalisation.</p>
<p>Nos résultats suggèrent ainsi qu’il serait possible d’améliorer l’efficacité de l’allocation des aides publiques en réorientant une partie des aides sous forme de prêts d’investissement vers les <em>born globals</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219176/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Pommet a reçu des financements de la part de Bpifrance pour des projets de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Catherine Laffineur a reçu des financements de la BPIfrance. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Flora Bellone a reçu des financements de Bpifrance pour l'accès aux données</span></em></p>Les entreprises qui s’internationalisent rapidement ont beau être les plus performantes, elles rencontrent plus de difficultés que les autres à accéder aux dispositifs de financement efficaces.Sophie Pommet, Maître de Conférences en Sciences économiques, Université Côte d’AzurCatherine Laffineur, Maître de conférences en sciences économiques à l'Université Nice Sophia Antipolis - Groupe de Recherche en Droit, Economie, Gestion (GREDEG), Université Côte d’AzurFlora Bellone, Professeure des Universités en Sciences économiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165882023-11-13T14:01:02Z2023-11-13T14:01:02ZNul ne peut prédire avec certitude l’évolution des marchés financiers. Voici pourquoi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557175/original/file-20231101-23-xjz2ys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur est commise si l'on suppose que les adeptes de la finance peuvent prévoir le comportement incertain des marchés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Certains adeptes de l’analyse des marchés boursiers prétendent pouvoir prédire, avec une précision déconcertante, les tendances des marchés financiers. </p>
<p>Ainsi, nonobstant la complexité du monde de la finance internationale, ceux-ci nous assurent que des bénéfices conséquents sont à notre portée si nous adhérons à leurs recommandations et comportements.</p>
<p>Mais est-ce réellement possible de prévoir avec exactitude le comportement du marché des capitaux ?</p>
<p>En tant que docteur en psychologie de la décision, spécialisé dans la recherche sur la complexité, j’ai eu l’occasion d’approfondir ma compréhension de la véritable capacité de l’humain à contrôler les environnements complexes du monde réel. Pour l’heure, ma conclusion est sobre, et tout sauf simple.</p>
<h2>La complexité, c’est complexe</h2>
<p>Pour de nombreux chercheurs en science de la décision, comprendre et gérer la <a href="https://sloanreview.mit.edu/article/revisiting-complexity-in-the-digital-age/">complexité représente le plus grand défi de l’ère numérique</a>. La complexité se réfère à la nature incertaine des environnements où, quotidiennement, nous prenons des décisions. </p>
<p>Alors que nos choix financiers peuvent paraître simples et évidents (épargner une portion de son revenu, établir un budget, rembourser une dette), l’environnement dans lequel ceux-ci se concrétisent est <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315091938-2/complex-problem-solving-european-perspective%E2%80%9410-years-joachim-funke-peter-frensch">imprévisible</a>. </p>
<p>Les stratégies que nous adoptons ne sont certes pas infaillibles, notre connaissance ne garantit pas notre succès, et les effets de chacune de nos décisions sont incertains et uniques. C’est ce qui explique que les environnements où nous prenons les décisions de tous les jours sont en réalité éminemment complexes. Ils impliquent de nombreux facteurs liés entre eux, qui évoluent constamment, avec ou sans intervention de notre part. Sans oublier que les objectifs que nous chérissons entrent fréquemment en <a href="https://www.mdpi.com/2079-3200/9/3/38">contradiction les uns avec les autres</a>. </p>
<p>Par exemple, comment peut-on garantir que nos placements soient à l’abri des fluctuations journalières des marchés, tout en maximisant leur rendement ?</p>
<h2>L’humain face à la complexité financière</h2>
<p>Face à la complexité du monde de la finance, la cognition humaine tend à favoriser un traitement simplificateur et réductionniste de l’information, correspondant à une forme de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/154193120104500415">« surfocalisation »</a> (<em>tunneling</em>). Face à la surcharge engendrée par cette complexité, nous avons tendance à nous concentrer sur un ou quelques aspects spécifiques d’une situation, plutôt que sur l’ensemble de l’information disponible, parce que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2451958822000562">trop d’information tue l’information</a>. En d’autres termes, nous recourrons à des raccourcis. Et vous savez quoi ? Souvent, ces modes de raisonnement simplistes aboutissent à des décisions biaisées. </p>
<p>Nous commettons une erreur de jugement lorsque nous attribuons les performances médiocres de notre portefeuille d’actions à un seul événement particulièrement marquant dans notre esprit. Nous croyons à tort que nos placements croîtront de manière linéaire, alors qu’ils sont vulnérables aux variations exponentielles causées par des crises et des phénomènes inattendus. Nous réagissons maladroitement aux investissements infructueux en nous focalisant sur les conséquences qui pourraient expliquer nos difficultés financières, au lieu d’approfondir notre compréhension des raisons pour lesquelles l’entreprise (ou le secteur dans lequel elle opère) en qui nous avions une confiance aveugle connaît des difficultés.</p>
<p>Enfin – et la nature humaine est ainsi faite – nous avons tendance à attribuer la responsabilité de nos échecs à des facteurs externes hors de notre contrôle. Par exemple, on pourrait être tenté de blâmer les mauvaises conditions météorologiques estivales pour expliquer les pertes encourues par certaines entreprises du secteur du tourisme. Mais ce faisant, on néglige l’importance de la qualité des produits et services qu’elles offrent, ou encore la convivialité de leur personnel. </p>
<h2>Et les adeptes des marchés dans tout ça…</h2>
<p><a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/e1743fb3-e5d8-4532-9d3f-042954bbff15">Mes plus récents travaux</a> appuient ce que la littérature sur la prise de décision complexe mentionne ; que nous soyons des adeptes ou des novices, comprendre et maîtriser la complexité est un défi colossal. </p>
<p>Plusieurs adeptes des marchés feront preuve d’une plus grande habileté dans l’élaboration d’une stratégie d’investissement, la gestion de portefeuille, ou encore l’accès à certains placements. </p>
<p>Cependant, une erreur est commise si l’on suppose qu’ils peuvent prévoir le comportement incertain des marchés. L’enjeu ne réside pas nécessairement dans la connaissance financière, mais dans les limitations naturelles de la cognition humaine lorsqu’elle est confrontée à la complexité. </p>
<p>Face à la finance internationale, il existe un « mur » au-delà duquel il est particulièrement difficile de progresser, et nous sommes tous sujets aux biais et aux erreurs.</p>
<h2>Alors, comment s’en sortir ?</h2>
<p>Malgré les nombreux défis de la complexité financière, il y a de la lumière au bout du tunnel, pourvu que nous sachions comment s’y prendre. Bien que de nombreuses études restent à mener, les chercheurs demeurent optimistes quant à certaines approches qui peuvent d’ores et déjà nous guider vers des décisions plus éclairées.</p>
<p><strong>1. Apprenez à penser en système</strong></p>
<p>La <a href="https://fnhpa.ca/_Library/KC_BP_5_Skills/SYSTEMS_THINKING.pdf">pensée systémique</a> est une manière de percevoir la réalité qui nous aide à mieux comprendre et travailler avec les environnements complexes du monde réel. </p>
<p>Que ce soit pour apprendre à mieux gérer votre budget ou investir judicieusement en bourse, prenez l’habitude de dessiner des représentations visuelles des défis financiers que vous souhaitez relever. </p>
<p>Les diagrammes de cause à effet, qui utilisent des symboles simples (un signe + pour indiquer un changement dans la même direction entre deux facteurs, et un signe – pour indiquer des changements opposés) permettent de figurer rapidement l’étendue et la portée d’un problème en représentant les relations entre les parties d’un même système. </p>
<p>Mais ne vous méprenez pas, certains facteurs sont difficilement prévisibles. </p>
<p>En somme, apprenez à réfléchir aux conséquences des conséquences de vos choix avant de prendre une décision.</p>
<p><strong>2. Soyez audacieux, tolérez l’incertitude</strong></p>
<p>Apprenez à tolérer les situations qui, à première vue, n’ont pas de solutions claires et vous laissent dans le doute. </p>
<p>Les marchés financiers sont imprévisibles et mal structurés (<a href="https://www.sympoetic.net/Managing_Complexity/complexity_files/1973%20Rittel%20and%20Webber%20Wicked%20Problems.pdf"><em>wicked problems</em></a>). </p>
<p>Dans ces environnements, l’ambiguïté est la norme. Accepter l’incertitude permet de traduire les problèmes en opportunités de décisions transformatrices, plutôt que de prendre des décisions trop hâtives, ou encore s’enfermer dans l’inaction. </p>
<p>Il n’existe pas une seule « bonne solution » à un problème financier complexe. Prenez un moment pour évaluer vos options.</p>
<p><strong>3. Mettez à l’épreuve vos croyances et vos préjugés</strong></p>
<p>N’essayez pas de rechercher et d’interpréter l’information financière en fonction d’une hypothèse de départ qui vous est chère. Confrontez vos idées préconçues à l’aide de sources que vous n’auriez d’ordinaire pas consultées en raison de leur position opposée à vos convictions. </p>
<p>Que dirait un ami ou un collègue que vous appréciez, mais qui est foncièrement en désaccord avec vous ?</p>
<p><strong>4. Ne vous fiez pas à ce qui vous vient facilement à l’esprit</strong></p>
<p>Le simple fait d’assister à une conférence inspirante sur l’économie durable ou d’écouter attentivement un reportage télévisé sur l’éthique financière ne garantit pas que les informations qui en découlent sont utiles à la décision que vous devez prendre.</p>
<p>Bien que ces informations puissent être plus facilement récupérables en mémoire, elles ne sont pas nécessairement pertinentes. Ne surestimez pas la probabilité qu’un événement se produise simplement parce que vous pouvez l’imaginer dans les moindres détails. </p>
<p>Renseignez-vous à plusieurs enseignes et croisez les sources d’information que vous consultez.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Personne ne devient compétent sans pratique. Vous devez personnellement explorer le monde de la finance. </p>
<p>À travers l’expérience, vous développerez vos compétences pour mieux appréhender la complexité. Pour faciliter cette pratique, vous pouvez avantageusement faire appel à un professionnel compétent qui vous accompagnera dans ce processus hautement sophistiqué. </p>
<p>Mais n’oubliez pas ceci : face à la complexité, vous êtes humain, tout comme le sont ceux qui prétendent lire l'avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216588/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Béchard a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), et de Mitacs Canada</span></em></p>La complexité du marché financier dépasse les capacités de traitement de l’information de la cognition humaine.Benoît Béchard, Docteur en psychologie de la décision Ph. D., Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2152912023-10-17T19:33:24Z2023-10-17T19:33:24ZPourquoi se laisse-t-on avoir par les prédateurs financiers ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552788/original/file-20231009-27-a3jx7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1196%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les escrocs, la faute d’une arnaque revient aux victimes&nbsp;: elles n’avaient qu’à ne pas se montrer aussi naïves…
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà fait avoir ? Par un vendeur sans scrupule, un prêteur, un ami, un conseiller financier ? <a href="https://theconversation.com/dans-la-vie-etes-vous-plutot-un-predateur-ou-une-proie-209450">On peut parier que oui</a>. Vous n’êtes pas un cas isolé. En ce moment, a lieu aux États-Unis le <a href="https://www.bfmtv.com/crypto/proces-ftx-sam-bankman-fried-des-mensonges-contre-sa-bonne-foi_AD-202310050320.html">procès de Sam Bankman-Fried</a>, au palais de justice de New York. L’homme né en 1992 est le fondateur de l’entreprise FTX, une plate-forme d’échange de cryptomonnaies et d’Alameda Research, dont les faillites en 2022 ont révélé un scandale international nourri à la fraude financière.</p>
<p>Cela a un air de déjà vu, car on pense tout de suite à Bernard Madoff, le magnat de la finance américain condamné en 2009 pour escroquerie et <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/04/14/l-escroc-americain-bernard-madoff-est-mort-en-prison_6076770_3382.html">décédé en 2021 en prison</a>, mais aussi à quantité de fraudeurs spécialisés dans les pyramides de Ponzi (dans son cas) ou de fausses données sur les avoirs réels (<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/679122/scandale-bre-x-industrie-miniere-reglement-43-101">Bre-X Minerals</a> à Montréal, <a href="https://www.lesechos.fr/2002/10/enron-ou-comment-le-modele-est-devenu-un-scandale-planetaire-1056784">Enron</a> aux États-Unis).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ftx-une-liquidation-entre-speculation-effrenee-gouvernance-defaillante-et-pratiques-delictuelles-195331">FTX : une liquidation entre spéculation effrénée, gouvernance défaillante et pratiques délictuelles</a>
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<p>La question est brûlante ? Pourquoi se fait-on piéger, bon an mal an, par ces prédateurs financiers, qui utilisent divers outils pour nous subjuguer et nous vider les poches ? Et ce, malgré les preuves que le marché est plein de vendeurs, d’acheteurs ou même de régulateurs inefficaces (la Securities and Exchange Commission, le gendarme américain de la bourse dans le cas de Madoff) ?</p>
<p>Lors d’une entrevue sur un poste de radio populaire à Montréal, où on m’avait invité à parler de mes recherches sur la prédation financière, un auditeur avait téléphoné. Il avait admis être tout juste sorti de deux ans de prison pour escroquerie, mais n’y voyait aucun mal. La faute en revenait aux victimes ; elles n’avaient qu’à ne pas être naïves.</p>
<h2>À qui la faute ?</h2>
<p>Dans un certain sens, cet homme sans scrupules n’avait pas tout à fait tort. La finance comportementale a largement démontré l’<a href="https://theconversation.com/la-finance-est-elle-irrationnelle-62322">« irrationalité »</a> des investisseurs. Autrement dit, le commun des mortels ne respecte pas les règles élémentaires de tout investissement : s’assurer de vérifier les faits, les rapports de rendement, la réputation des acteurs économiques en jeu ; diversifier son portefolio d’investissements ; favoriser les rendements stables avant de plonger tête première dans des aventures risquées, etc.</p>
<p>L’irrationalité, telle que définie dans le jargon financier, constitue ainsi une variable dont on doit tenir compte, tout comme on doit considérer la vulnérabilité des investisseurs, experts comme novices. Celle-ci s’articule, entre autres, autour de l’avarice ou de la convoitise, le manque d’éducation financière, les réseautages douteux, l’asymétrie d’informations, et j’en passe. Mais il y a une variable comportementale que la théorie, les articles scientifiques et les journaux oublient : la déconnexion.</p>
<p>J’ai introduit dans mes écrits scientifiques sur le phénomène de la prédation financière le concept de déconnexion. Voici comment elle fonctionne : plus on est endetté, plus on devient nerveux, plus on a tendance à paniquer et plus on se détache de la réalité de nos besoins, objectifs et préférences financiers.</p>
<h2>« Roue d’infortune »</h2>
<p>Cette dynamique peut aussi s’articuler ainsi : plus le marché s’échauffe (à travers une formation de bulle immobilière par exemple), plus on a peur de manquer le bateau (pour s’enrichir le plus vite possible) et plus on se coupe de sa réalité financière. À mesure que l’on se déconnecte, on prend irrémédiablement de mauvaises décisions, notamment parce que nous nous coupons des informations vitales mais parfois pénibles qui devraient nous « ramener sur terre ». Plus nos décisions financières sont inadéquates (par exemple, contracter un emprunt à un taux élevé), plus notre dette augmente. Un cercle vicieux se forme, que j’ai nommé la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joca.12326">« roue d’infortune »</a>.</p>
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<p>Mais comment décrire exactement ce qu’est la déconnexion ? J’ai emprunté ce concept de la psychiatrie, laquelle parle depuis plus d’un siècle de <a href="https://www.psychologue.net/articles/quest-ce-que-la-dissociation-et-comment-se-manifeste-t-elle">« dissociation »</a>. Cette dernière se produit lorsqu’un individu faisant face à un stress trop grand, se détache de la douloureuse réalité pour préserver son sens du moi. On pensera au phénomène du stress post-traumatique suite à une expérience guerrière ou à un viol, par exemple.</p>
<p>Dans le cadre qui nous concerne, une rupture similaire se produit. Pour expliquer le concept, j’ai recours au processus du décrochage des avions. Lorsque les avions atteignent leur vitesse de pointe (ou lorsque l’entreprise performe sur le marché économique), ils s’appuient sur l’air, ce que l’on nomme la portance (pour une entreprise, les données sur marché et ses tendances). Celle-ci est dépendante de l’incidence aérodynamique de l’appareil (« angle of attack », ou AoA).</p>
<p>On l’a vu dans le cas des <a href="https://theconversation.com/boeing-737-max-et-lac-megantic-les-deux-catastrophes-etaient-previsibles-131187">crashs des Boeing 737 Max</a> en 2018 et 2019, lorsque les outils de mesure ont mal calculé l’angle d’attaque des avions qui permettait une portance adéquate. L’avion s’appuie alors sur du vide, perd contrôle, plonge et s’écrase.</p>
<p>La même chose se produit dans l’esprit humain : sa portance est assurée en grande partie par son accès aux informations vitales et sa capacité à les traiter. Or, en temps de surexcitation due à un marché qui nous pousse à agir vite pour bénéficier des revenus rapides espérés, ou de crise (panique comme lors des <a href="https://theconversation.com/des-paniques-bancaires-sont-elles-toujours-a-craindre-195066">« paniques bancaires »</a>, qui sont la hantise de tout banquier), les individus tendent à décrocher. Ils perdent contact avec leurs besoins, objectifs et préférences (en anglais, les NGPs : « needs, goals, and preferences ») financiers initiaux. Le plus souvent, la catastrophe s’ensuit – banqueroute, faillite personnelle, surendettement aggravé, etc.</p>
<h2>Pour le prédateur, le leurre à la bonne heure</h2>
<p>Mes recherches dans le domaine de la prédation financière montrent que le prédateur financier promeut la complexité, car elle lui permet de subjuguer ses proies et de paraître en contrôle, et donc, de démontrer toute la compétence nécessaire pour naviguer dans les eaux troubles de la finance.</p>
<p>Le prédateur ne sera jamais complètement transparent : il évitera de vous donner les informations que vous demandez ou vous fera languir jusqu’à ce que vous abandonniez votre cause. Il dira avoir flairé la bonne affaire (en fait, c’est vous, la proie). Il aura des comptes dits fantômes et/ou à l’étranger. Ses résultats, après mûres analyses, seront « extraordinaires » (par exemple, des rendements élevés année après année). Il aura un rythme de vie qui ne correspond pas à son niveau social. Il nourrira un sentiment d’exclusivité ; vous êtes des élus.</p>
<p>Le prédateur financier joue immanquablement sur la confiance aveugle (ou quasi aveugle) qui caractérise les proies. La confiance qu’il est capable d’instaurer est un paravent, son outil privilégié de prédation : tôt ou tard, il la trompera. Il joue sur les quatre caractéristiques qui la façonnent : les affinités (il est comme vous, presque un membre de la famille), la bienveillance (il est gentil), la compétence (il démontre son expertise et affirme avoir des renseignements uniques) et l’intégrité (l’Autorité des marchés financiers ? Ce sont ses meilleurs amis).</p>
<p>Comment éviter la déconnexion ? Je propose treize questions toutes simples dans le <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/TestMadoff/questionnaire.htm">lien</a> ci-joint qui vous permettront de vous positionner facilement par rapport à un prédateur financier suspecté ou réel. J’inclus aussi treize questions qui vous permettent de déterminer si vous êtes relativement bien outillé pour parer à la déconnexion.</p>
<h2>Et vous, êtes-vous une proie de choix pour les prédateurs financiers ? <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/TestMadoff/questionnaire.htm">Faites le test !</a></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin d’un aigle chassant un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’effet de surprise, une caractéristique d’une situation de prédation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1195092">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/215291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines personnes peuvent se laisser piéger dans des engrenages qui les conduisent à abandonner progressivement leurs comportements rationnels.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139242023-09-25T16:57:30Z2023-09-25T16:57:30ZInnovation ou exploitation : comment investir de manière pertinente en capital-risque industriel ?<p>La crise liée au coronavirus a montré que le comportement des investisseurs en capital-risque industriel s’est avéré résilient. Le capital-risque industriel (CRI), Corporate Venture Capital en anglais, est une <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie entrepreneuriale</a>, qui consiste, pour les grands groupes, à créer des fonds d’investissement pour <a href="https://doi.org/10.7202/1076015ar">financer des start-up innovantes</a>. Au-delà de leur <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">apport financier</a>, les grands groupes jouent un rôle de coaching et apportent leur savoir-faire managérial et technique aux jeunes pousses.</p>
<p>Le financement mondial soutenu par des fonds de capital-risque industriel a atteint presque 100 milliards de dollars en 2022 selon la <a href="https://www.cbinsights.com/research/report/corporate-venture-capital-trends-2022/">base de données CB insights</a>, deuxième année la plus faste après le record de 2021 (173 milliards). Cela représente environ <a href="https://pitchbook.com/data">30 % du total des opérations de capital-risque</a> de l’an passé, proportion en augmentation.</p>
<p>Les industriels ont, en la matière, le choix entre deux stratégies, qu’elles peuvent mener simultanément : l’exploration et l’exploitation. Une opération « exploratoire » désigne des <a href="https://theconversation.com/topics/investissement-20236">investissements</a> dans des <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> dont les activités se situent dans des secteurs d’activité totalement différents. Cela engage les organisations dans la recherche, l’innovation, l’expérimentation et la créativité : l’intérêt est de pouvoir acquérir de nouvelles technologies. L’« exploitation », elle, implique des start-up dont les activités principales sont identiques ou connexes. On vise alors davantage un accroissement des compétences, de la productivité et des flux de trésorerie.</p>
<p>Nos <a href="https://doi.org/10.1016/j.jebo.2022.07.012">travaux</a> se sont donnés pour objectif de mieux comprendre les arbitrages effectués entre l’une ou l’autre. Être « ambidextres » en la matière, c’est-à-dire adopter les deux options, s’avère pour les professionnels un enjeu de résilience face aux crises et à la transition écologique. Plusieurs moyens de les articuler avec pertinence, c’est-à-dire avec un impact significativement positif sur les performances financières, ont pu être identifiés au cours de nos recherches.</p>
<h2>Innover puis exploiter</h2>
<p>Notre étude a été menée sur un échantillon de 274 investisseurs corporatifs. Elle compte au total 12 895 observations sur la période allant de 1993-2017. Les données exploitées dans cette recherche ont été recueillies à partir des bases <a href="https://www.refinitiv.com/en/products/thomson-one-wealth-solutions">Thomson VentureXpert</a> et <a href="https://www.marketplace.spglobal.com/en/datasets/compustat-financials-(8)">Standard and Poor’s Compustat</a>.</p>
<p>Une stratégie pertinente qui en ressort est dite « <strong>séquentielle</strong> » : il s’agit de faire d’un investissement exploratoire une première étape. Son issue fera alors l’objet d’un nouvel investissement pour exploitation. Motorola Solutions Venture Capital y a par exemple eu recours avec succès.</p>
<p>L’objectif principal de Motorola Solutions Venture Capital est d’allouer ses investissements principalement aux entreprises qui opèrent dans les domaines de la sûreté publique, de la sécurité, des communications critiques, de l’Internet des objets et de l’analyse de données/intelligence artificielle. À titre d’exemple, elle a réalisé des investissements dans Aerocast, Cacheon, Catch Media, DevLan One, E Ink Corporation, ou Ensemble Solutions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La raison en est l’importance considérable qu’accorde le groupe aux avancées technologiques pertinentes pour ses activités principales. Elle adopte ainsi une stratégie flexible qui alterne entre les stratégies d’exploration et d’exploitation, en fonction de l’évolution de ses besoins en matière d’acquisition de connaissances.</p>
<p>Nos résultats montrent que pareille ambidextrie séquentielle augmente la performance financière des industriels. Les capital-risqueurs s’adaptent alors aux différents types d’activité et évitent plusieurs risques. À se concentrer sur l’exploitation, une entreprise s’expose par au piège d’une spécialisation à succès, c’est-à-dire surfer sur un produit qui un jour deviendra obsolète, menaçant à long terme l’existence de l’entreprise. À ne miser que sur l’exploration, l’entreprise est accaparée par la recherche et le changement technologique, ce qui la rend sujette à davantage d’échecs.</p>
<h2>Alterner régulièrement</h2>
<p>Il n’y a cependant pas de consensus sur les degrés d’équilibre entre les activités d’exploration ou d’exploitation ou sur la manière de combiner les deux activités. Notre recherche montre néanmoins la fréquence de changement dans le temps (le nombre de fois qu’une entreprise passe d’une activité à l’autre) entre l’exploration et l’exploitation a un impact significativement positif sur la performance. Cela s’explique à nouveau par la diminution du risque qu’une technologie exploitée devienne obsolète, sans solution à court terme pour la remplacer.</p>
<p>Combiner exploration et exploitation, c’est ce que savent très bien faire des sociétés comme Baxalta, Caterpillar, ou <a href="http://SALESFORCE.COM">Salesforce.com</a> inc. La réalisation conjointe d’un CRI exploratoire et d’un CRI d’exploitation stimule alors l’innovation de l’organisation grâce à l’utilisation complémentaire de ces deux activités.</p>
<p>Comme Motorola, Salesforce s’intéresse prioritairement aux entreprises lui permettant de renforcer ses domaines de compétence. La stratégie d’investissement de Salesforce reflète sa volonté de soutenir financièrement des start-up lui permettant de renforcer ses domaines de compétence comme Speakeasy Tech, Vidyard ou Dispatch Technologies, qui toutes trois œuvrent dans le domaine des logiciels et outils Internet.</p>
<p>Toutefois, pour y parvenir et permettre une exploitation plus rapide à partir de l’exploration en cours, il faut du temps, des ressources et une formation supplémentaire des managers, pas toujours en mesure d’exercer les deux activités d’exploitation et d’exploration et de passer de l’une à l’autre. C’est là tout un challenge pour les grands groupes industriels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les grands groupes qui soutiennent des start-up en leur apportant des fonds et des conseils réussissent leur stratégie en combinant des investissements dans leur secteur d'activité et en dehors.Souad Brinette, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business School - OCRE, EDC Paris Business SchoolFatima Shuwaikh, Associate professor of finance, Pôle Léonard de VinciSabrina Khemiri, Maître de conférences en finance d’entreprise, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139392023-09-24T15:34:16Z2023-09-24T15:34:16ZLes fonds activistes sont-ils de bons conseillers en affaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549117/original/file-20230919-19-bv8swm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2560%2C1705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paul Singer, PDG et fondateur d’Elliott Management.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Global_Financial_Context_Paul_Singer.jpg">World Economic Forum / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-speculatifs-99852">fonds spéculatifs</a> (<em>hedge funds</em>) <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-activistes-52359">activistes</a> comme <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/29/un-actionnaire-activiste-sera-peut-etre-a-l-origine-de-l-adaptation-d-un-mastodonte-du-petrole-a-la-transition-energetique_6100328_3234.html">Third Point</a>, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-pernod-ricard-est-une-cible-de-choix-pour-le-fonds-activiste-elliott-110911">Elliott Management</a> ou <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/on-fait-un-cadeau-a-kretinsky-atos-sattire-les-foudres-du-fonds-activiste-ciam-1977527?xtor=CS4-6235">CIAM</a> font régulièrement la une de la presse pour leur rôle de « poils à gratter » sinon de « <a href="https://www.bloomberg.com/view/quicktake/vulture-investing#xj4y7vzkg">vautours</a> de la finance ». Leur <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">stratégie</a> est d’obtenir des résultats très rapidement en mettant la main sur des entreprises dont ils pensent pouvoir doper les performances en n’opérant que de menus changements.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://doi.org/10.1111/j.1540-6261.2008.01373.x">études</a> mentionnent leur contribution à la bonne <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">santé financière</a> des sociétés ciblées malgré leur orientation court-termiste. D’autres mettent en exergue des <a href="https://doi.org/10.1093/rfs/hhr016">effets négatifs sur les rendements obligataires</a>. Ces résultats reposent cependant souvent sur des faiblesses méthodologiques.</p>
<p>Le débat autour de ces fonds s’est intensifié en raison de la montée des campagnes activistes initiées par les fonds spéculatifs au cours des deux dernières décennies, ceux dirigés par exemple par Carl Icahn (Icahn Enterprises), Paul Singer (Elliott Management) ou Daniel Loeb (Third Point). Ils se coordonnent parfois, un modus operandi que Wall Street a surnommé « meutes de loups ».</p>
<p>Souvent domiciliés aux États-Unis, ces activistes <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/leurope-et-lasie-attirent-de-plus-en-plus-les-fonds-activistes-1970772">interviennent également en Europe et en Asie</a>. <a href="https://www.diligent.com/resources/research/shareholder-activism-in-h1-2023">Aucun secteur d’activité n’est épargné</a>, avec une prépondérance pour des campagnes ciblant des firmes des secteurs de la consommation discrétionnaire (celle qui désigne les biens et services jugés non essentiels), l’industrie et les matériaux de base. Leurs motifs d’intervention reposent sur des considérations stratégiques (26 % des campagnes menées sur le STOXX 600) ou de gouvernance, comme la composition du Conseil d’Administration (24 %).</p>
<p><iframe id="AF5Zm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AF5Zm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le débat sur les bénéfices présupposés des <em>hedge funds</em> est loin d’être tranché, pourtant ces investisseurs jouent un rôle significatif dans la conduite du changement, la stratégie et la gouvernance des firmes. On est donc en droit de se poser LA question à plusieurs milliards : ces professionnels de la finance sont-ils de bons conseillers en affaires pour les firmes sujettes à leurs campagnes très médiatisées ?</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.econmod.2023.106335">recherche</a> récemment publié dans la revue <em>Economic Modelling</em>, nous avons tenté d’apporter davantage de finesse en nous intéressant au cycle de vie des entreprises ciblées afin fournir une compréhension plus globale des conséquences de l’activisme, allant au-delà des mesures isolées de la performance. Il semble exercer une influence positive notable, à certaines conditions néanmoins.</p>
<h2>Efficaces auprès des entreprises plutôt jeunes</h2>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2017.12.003">cycle de vie</a> d’une firme délimite des phases distinctes dans la trajectoire d’une entreprise, qui est influencée par des facteurs internes tels que les décisions stratégiques et des facteurs externes tels que la concurrence dans le secteur d’activité.</p>
<p>Nous nous sommes pour cela fondés sur les <a href="https://doi.org/10.2308/accr-10130">flux de trésorerie</a> pour contourner les <a href="https://doi.org/10.1007/s11142-019-9480-8">pièges potentiels</a> associés à la manipulation des bénéfices par les fonds, un aspect crucial de leur méthodologie. Un échantillon d’entreprises américaines ciblées par des campagnes activistes menées par des fonds spéculatifs entre 1999 et 2019 a été méticuleusement constitué. Le cycle de vie de chacune a été mis en regard avec celui de ses pairs sur une période de quatre ans après le lancement de la campagne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701644785067421910"}"></div></p>
<p>Les résultats montrent que les interventions des activistes entraînent des changements significatifs dans le cycle de vie des entreprises cibles. Plus précisément, les entreprises en phase d’introduction ou de croissance ont tendance plus que la moyenne à se situer dans des phases plus favorables dans les quatre années qui suivent les interventions des activistes. Les entreprises matures ont également tendance à maintenir leur stade favorable. Les entreprises en phase finale ne montrent, elles, pas d’améliorations significatives, suggérant ainsi que la capacité des <em>hedge funds</em> à prodiguer des conseils stratégiques en matière de redressement pourrait être plus limitée.</p>
<h2>Périodes longues et hedge funds expérimentés</h2>
<p>Une batterie d’analyse complémentaire montre en outre que les avantages de l’activisme des fonds ne sont pas uniformément répartis entre les entreprises cibles, mais dépendent de caractéristiques propres à la campagne menée. Ainsi, les campagnes plus longues et celles orchestrées par des investisseurs plus expérimentés dans le secteur de la firme cible se distinguent.</p>
<p>Le temps semble ainsi jouer un rôle crucial dans la capacité des <em>hedge funds</em> à créer de la valeur pour les entreprises qu’ils ciblent. Les avantages de la prestation de conseils sont plus visibles lorsque la relation entre ces fonds, les gestionnaires et les administrateurs se développe sur une période plus longue, favorisant ainsi davantage d’interactions et la recherche d’un <a href="https://doi.org/10.1007/s10551-012-1237-2">consensus amélioré</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ailleurs, conformément à la <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=zCAUDAAAQBAJ">vision de l’entreprise fondée sur les ressources</a> (qui part du principe que c’est en mettant la main sur des ressources stratégiques que l’entreprise peut obtenir un avantage comparatif durable), les résultats indiquent que la valeur ajoutée de la prestation de conseils des <em>hedge funds</em> est plus manifeste lorsque ces fonds ont une expérience plus approfondie dans le secteur et peuvent la partager avec les entreprises qu’ils visent. Cela corrobore des résultats de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jcorpfin.2016.08.009">recherches précédentes</a>.</p>
<h2>Encore quelques zones grises</h2>
<p>Enfin, la recherche écarte l’idée que la nature conflictuelle de la campagne mène nécessairement à des résultats stratégiques supérieurs. Une campagne agressive n’est pas intrinsèquement préjudiciable ; elle ne se traduit pas toujours pour autant par des changements stratégiques optimaux.</p>
<p>Pris dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les <em>hedge funds</em> activistes ont la capacité d’offrir de précieux conseils à leurs entreprises cibles, apportant ainsi des preuves de leur contribution positive aux actionnaires des entreprises. Ils augmentent de manière significative la probabilité des jeunes sociétés d’atteindre le stade de la maturité dans les 4 ans qui suivent l’initiation de la campagne d’activisme. Ces bénéfices se manifestent néanmoins dans des cas précis, avec une cible plutôt jeune, un gérant de <em>hedge fund</em> expérimenté et une campagne longue.</p>
<p>Il reste néanmoins de nombreuses zones grises sur l’activisme actionnarial émanant des <em>hedge funds</em>, notamment leur contribution au <a href="https://doi.org/10.1016/j.jfineco.2018.06.012">capital intangible</a> des entreprises ou leur influence sur les <a href="https://www.institutionalinvestor.com/article/2bsx8ylxkok3og600c45c/portfolio/hedge-fund-activists-pivot-to-esg">pratiques ESG</a>. Deux études sur ces sujets sont d’ailleurs en cours pour appronfondir ce sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213939/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Desrousseaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les « hedge funds » ont un réel impact sur le cycle de vie des entreprises ciblées, surtout si les structures sont jeunes, si le fonds est expérimenté et si la campagne d'activisme dure.Luc Desrousseaux, Professeur en finance, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123952023-09-21T12:04:43Z2023-09-21T12:04:43ZDégradation de la notation souveraine du Cameroun : quelles causes et quelles conséquences ?<p>Cet été aura été propice à l’annonce de deux mauvaises nouvelles pour le Cameroun, de nature à refroidir l’élan que manifesteraient d’éventuels investisseurs pour acheter de la dette du pays. </p>
<p>Fin <a href="https://www.journalducameroun.com/notation-financiere-moodys-a-retrograde-le-cameroun/#:%7E:text=sur%20Facebook%20Tweetez!-,L'agence%20de%20notation%20am%C3%A9ricaine%20Moody's%20Investors%20Service%20a%20baiss%C3%A9,Caa1%2C%20le%2027%20juillet%202023.">juillet 2023, Moody’s a rétrogradé de B2 à Caa1</a>, la notation des dettes de long terme libellées en devises étrangères et en franc CFA, ainsi que celles des dettes seniors, c'est-à-dire les obligations et emprunts qui ont une priorité de remboursement plus élevée par rapport à d'autres catégories de dettes de l'Etat non garanties par un collatéral (généralement des dettes bancaires). </p>
<p>Début août 2023, <a href="https://www.financialafrik.com/2023/08/10/notation-standard-poors-degrade-a-son-tour-la-note-du-cameroun/">Standard and Poor’s a abaissé de B- à CCC+</a> la note des dettes de long terme libellées en devises étrangères, en y ajoutant les dettes de court terme. </p>
<h2>Ce que cela signifie</h2>
<p>Concrètement, cela signifie que du point de vue d’un investisseur qui souhaiterait acheter sur les marchés de capitaux internationaux de la dette émise par l’Etat camerounais, ce type d’investissement doit désormais être vu comme présentant un risque de défaut substantiel. Il figurait déjà dans la catégorie des investissements très spéculatifs comportant un degré élevé de risque et d'incertitude. </p>
<p>Ces révisions sont-elles arbitraires ? Doit-on considérer, comme le <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/enfin-une-agence-de-notation-financiere-africaine-16-05-2022-2475835_3826.php">suggérait</a> le président sénégalais Macky Sall en 2022, que les agences internationales de notation exagèrent le risque financier des pays africains ?</p>
<p>Ayant étudié <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15754-7_5">les marchés financiers</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2020.1808176">la dette extérieure</a> et <a href="https://shs.hal.science/halshs-02093938/">l'intégration financière des pays africains au reste du monde</a>, mon point de vue est que les agences de notation se fondent généralement sur la situation – et surtout sur les perspectives - budgétaire des pays, ainsi que sur les facteurs susceptibles de créer un risque pour leur situation macroéconomique, financière et sociale.</p>
<p>Dans le cas du Cameroun, l’opinion publique et la presse ont mis en avant l’une des causes de cette <a href="https://www.jeuneafrique.com/1469547/economie-entreprises/pourquoi-yaounde-fait-lautruche-face-a-la-degradation-de-sa-note/">dégradation, à savoir l’accumulation d’arriérés de paiement</a>. En effet, en plus d’un retard de paiement - de plus de 5 jours - du service d’une dette bancaire (remboursement des intérêts et d’une partie du principal dus à une filiale espagnole de la Deutsche Bank au cours de l’année 2022), le gouvernement n’a apuré qu’une partie de ses arriérés sur ses dettes non-commerciales.</p>
<p>Ces dettes non-commerciales sont celles qui n'ont pas été contractées auprès du système bancaire (ce qu'a <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">souligné</a>, au mois de juin, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) qui a effectué les quatrièmes revues d’un programme d’aide financière dont le Cameroun bénéficie actuellement au titre de la <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/01/30/pr2324-cameroon-imf-staff-cameroonian-authorities-reached-sla-third-review-ecf-eff">facilité élargie de crédit</a> et du <a href="https://minepat.gov.cm/fr/2023/05/08/revue-du-pef-2021-2024-la-mission-du-fmi-chez-le-minepat/">mécanisme élargi de crédit</a>. </p>
<h2>Conséquences de la révision des notes</h2>
<p>La décision des agences de notation doit être appréciée dans un contexte particulier. Pour commencer, l’aide dont bénéficie actuellement le Cameroun de la part du FMI est ciblée pour des pays dont l’économie présente de graves problèmes macroéconomiques structurels susceptibles de conduire à des crises de balance de paiement. Par exemple, les problèmes de gouvernance (perception de la corruption) freinent les entrées de capitaux sous la forme d’investissements directs étrangers et de portefeuille. </p>
<p>Les progrès dans l’achèvement des projets de réhabilitation des infrastructures dans les secteurs du transport et de l’énergie ne sont pas suffisamment rapides pour hausser le niveau de la productivité globale des facteurs. Par ailleurs, le pays peine à réduire son taux de pauvreté qui <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/derni%C3%A8re-heure/cameroun-cr%C3%A9er-des-opportunit%C3%A9s-de-croissance-inclusive-et-de-r%C3%A9duction-de-la">culmine autour de 40 %</a> et qui s’accompagne de grandes disparités régionales, mais aussi entre zones rurales et zones urbaines.</p>
<p>Au-delà des chiffres encourageants sur les perspectives de croissance, les équilibres budgétaires et les réformes menées par l’administration fiscale, la question importante porte sur la capacité de résilience de la situation macro-budgétaire - qui reste fragile – face à la multiplication des chocs. Ce sont des facteurs de risques : crise du Covid-19, guerre d’Ukraine, crise politique et insécurité dans <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">les régions anglophones</a>, tensions inflationnistes, remontée des taux d’intérêt mondiaux, crise migratoire, etc. </p>
<p>Or, l’orientation actuelle de tous ces facteurs joue en défaveur du Cameroun. Ce qui explique que la moindre décision de reporter le règlement d’une échéance sur une dette soit lue comme un signe avant-coureur d’un possible défaut (même si, <em>in fine</em>, ce dernier ne se produit pas). Les agences de notation s’intéressent au fait de savoir si ces facteurs sont susceptibles de peser négativement sur les indicateurs macroéconomiques, budgétaires et financiers du Cameroun.</p>
<h2>Un signal envoyé par les marchés</h2>
<p>La réponse est, sans doute, positive. Tout d’abord, les chances que les dépenses publiques évoluent en-deçà des limites prévues dans son programme d’ajustement <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">conclu avec le FMI</a> sont jugées faibles au regard de plusieurs facteurs : </p>
<ul>
<li><p>probables hausses des subventions aux ménages et aux entreprises dont le niveau de pauvreté s’est accru en raison de l’inflation;</p></li>
<li><p>hausse des dépenses liées aux migrations provoquées par la <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">crise sociopolitique avec les Etats anglophones</a> du Nord, et par la volatilité des prix du pétrole qui risque de renchérir les importations de pétrole raffiné;</p></li>
<li><p>hausse des taux d’intérêt mondiaux qui risque également de durcir les conditions de refinancement sur les marchés de capitaux mondiaux, en affectant donc directement le service de la dette. </p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, les réformes visant à améliorer des ressources budgétaires et le potentiel de croissance sont en cours et n’ont pas encore révélé leur pleine potentialité. <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">La dernière revue du FMI en juin 2023</a> souligne que les réformes structurelles progressent à un rythme lent. Ce dernier élément est susceptible de peser sur l’amélioration du climat des affaires. Il peut obérer les capacités du Cameroun à recevoir des investissements directs étrangers qui seraient nécessaires au financement de l’activité des secteurs non pétroliers. </p>
<p>Le Cameroun peut être classé parmi les pays dont <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">la balance des paiements et les soldes budgétaires</a> font apparaître des besoins de financement élevés. Au point que le pays est appuyé par un programme du FMI pour lui éviter une crise de liquidités. Dans ce contexte, une règle d’or est que les arriérés de paiement ne peuvent servir, même temporairement, à financer les dépenses. La décision de Moody’s et de Standard and Poor’s était donc attendue. </p>
<p>Les conséquences à court terme de la dégradation de la note souveraine sont imprévisibles. Mais on peut interpréter cette dégradation comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où ce dernier bénéficie d’un appui financier du FMI et doit engager des réformes structurelles pour accroître la productivité de son économie et dégager des ressources permettant de réduire la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La dégradation de la note souveraine du Cameroun peut être interprétée comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où il bénéficie d’un appui financier du FMI.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096162023-08-23T20:44:44Z2023-08-23T20:44:44ZLe retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?<p>Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/comment-les-trains-de-nuit-ont-ete-effaces-de-la-carte-de-france-avant-un-nouveau-depart_4051851.html">suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit</a>. La principale raison invoquée était l’absence de <a href="https://theconversation.com/topics/rentabilite-53035">rentabilité</a>. Sur fond de <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">préoccupations environnementales</a>, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre</a> et c'est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023. </p>
<p>Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20TET%20v18052021.pdf">dizaine d’ouvertures de lignes</a> est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lignes intérieures de nuit envisagées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">ecologie.gouv.fr/train-nuit</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-11-juin-2023-6230911">retour très médiatisé</a>, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des <a href="https://www.lindependant.fr/2023/05/31/pyrenees-orientales-le-train-de-nuit-paris-latour-de-carol-menace-un-collectif-alerte-11232346.php">dysfonctionnements réguliers</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">train</a> de <a href="https://theconversation.com/topics/nuit-35575">nuit</a> reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2023-3-page-5.htm">recherches</a>, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.</p>
<h2>Un saut de nuit</h2>
<p>Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20h51 et Crest dans la Drôme à 4h45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8h26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.</p>
<p>Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">transfert de compétences</a> aux régions ou à l’État.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1586312136929656833"}"></div></p>
<p>Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.</p>
<h2>Victime d’un manque d’investissement</h2>
<p>La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.</p>
<p>En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. Les voitures ne servent de plus qu'une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement. </p>
<p>Un rapport public de 2015 intitulé <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/34859-tet-agir-pour-lavenir">« Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir »</a> jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">manque de stratégies et de moyens</a> sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1546757463394979841"}"></div></p>
<p>Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits « Macron » ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.</p>
<h2>Une relance contrariée</h2>
<p>Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.</p>
<p>L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet">29 % des émissions de gaz à effet de serre</a>. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »</p>
</blockquote>
<p>Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2h30, même si les effets en sont limités.</p>
<p>Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du <em>Crime de l’Orient-Express</em> d’Agatha Christie, du roman plus récent <em>Paris-Briançon</em> publié en 2022 par Philippe Besson ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la <a href="https://www.sncf-connect.com/article/5-destinations-desservies-par-le-train-de-nuit">communication de la SNCF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au petit matin (8h35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506511417893179396"}"></div></p>
<p>Enfin, en réponse à un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-trains-intercites-Tome-2.pdf">rapport de la Cour des comptes</a> en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne <a href="https://www.nightjet.com/fr/reiseziele">Nightjet</a>, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d'ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s'ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l'Autriche. </p>
<p>Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.</p>
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<p>Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances <em>low cost</em>. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des <a href="https://www.sncf.com/fr/reseau-expertises/reseau-ferroviaire/sncf-reseau/modernisation-reseau">travaux de grande ampleur</a>, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/02/le-train-de-nuit-attend-encore-son-grand-soir_6180246_3234.html">rénovation du matériel existant ne suffit pas</a> pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Carrouet a reçu des financements d'organismes publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Mimeur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle de desserte atypique des trains de nuit, à mi-chemin entre train grande ligne et TER, implique un mode de gestion assez ambigu.Guillaume Carrouet, Maître de conférences en Géographie, Université de PerpignanChristophe Mimeur, Maître de conférences en Géographie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095652023-07-16T15:30:46Z2023-07-16T15:30:46ZAutoriser la mise sur le marché de la viande cultivée aux États-Unis, une révolution ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537302/original/file-20230713-19-nnjdgj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C52%2C2048%2C1309&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ces saucisses de viande cultivée vous mettent-elles en appétit ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://drive.google.com/drive/folders/1EzFaVZcowCMCjr8LDI7xuwZqUAavOW1g">New Age Meats </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 21 juin dernier, Upside Foods et Good Meat, deux entreprises basées dans la baie de San Francisco, obtenaient l’autorisation de mise sur le marché aux <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> de leur poulet cultivé. Cette annonce était attendue depuis que les deux entreprises avaient obtenu quelques mois auparavant le <a href="https://www.nytimes.com/2022/11/17/climate/fda-lab-grown-cultivated-meat.html">feu vert de la FDA</a> (agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux), cette dernière « n’ayant pas identifié de propriétés des cellules qui les rendraient différentes des autres cellules animales en ce qui concerne la <a href="https://www.fda.gov/media/163261/download">sûreté de leur utilisation à des fins alimentaires</a> ».</p>
<p>Jusqu’il y a quelques semaines encore, il n’était possible de goûter de la <a href="https://theconversation.com/topics/viande-artificielle-106853">viande cultivée</a> qu’à <a href="https://theconversation.com/topics/singapour-64174">Singapour</a>, où Good Meet avait obtenu une autorisation de mise sur marché en décembre 2020. La cité-État est en effet connue pour sa politique très volontariste vis-à-vis de la viande cultivée, s’inscrivant dans sa stratégie <a href="https://www.ourfoodfuture.gov.sg/30by30/">« 30 by 30 »</a>. Celle-ci vise à renforcer la capacité de son industrie agroalimentaire afin de produire de manière durable 30 % des besoins nutritionnels des Singapouriens d’ici à 2030.</p>
<p>La viande cultivée est une viande produite directement à partir de cellules animales. Le processus de fabrication commence par leur prélèvement et leur mise en banque, avant mise en culture dans des bioréacteurs à des densités et des volumes élevés. Les cellules sont alimentées par un milieu de culture riche en oxygène, composé de nutriments de base et de quelques facteurs de croissance. Un échafaudage comestible est parfois utilisé pour que les cellules se multiplient autour, de manière à ce qu’elles forment un morceau de tissu structuré. Des changements dans la composition du milieu permettent de différencier les cellules pour produire tantôt du muscle, de la graisse ou des tissus conjonctifs. Le tout est ensuite récolté, préparé et conditionné en produits finis.</p>
<p>Pour des raisons de réduction de coût, les premiers produits disponibles sur le marché sont « hybrides », c’est-à-dire composés de matière végétale et de cellules cultivées.</p>
<p>Au-delà du fait que quelques consommateurs tirés au sort ont d’ores et déjà pu déguster du poulet cultivé dans le <a href="https://twitter.com/GOODMeat/status/1676790791354589184">restaurant huppé du chef José Andrés</a> ou le <a href="https://twitter.com/UPSIDEfoods/status/1676253973265653762">bar Crenn de la cheffe triplement étoilée Dominique Crenn</a>, cette percée réglementaire marque une étape importante, mais à observer avec un regard nuancé.</p>
<h2>Bientôt de nouvelles autorisations ?</h2>
<p>Depuis le dévoilement du premier prototype de viande cultivée au grand public en 2013 par Mark Post, dont la fabrication avait nécessité à l’époque la coquette somme de <a href="https://www.nytimes.com/2013/08/06/science/a-lab-grown-burger-gets-a-taste-test.html">250 000€</a>, le secteur a bien grandi. On comptait <a href="https://gfi.org/resource/cultivated-meat-eggs-and-dairy-state-of-the-industry-report/">fin 2022 plus de 150 entreprises, soutenues par des investissements de 2,6 milliards de dollars</a>. Des dizaines d’autres entreprises se sont par ailleurs formées pour créer des solutions technologiques tout au long de la chaîne de valeur.</p>
<p>Les motivations derrière la production de viande cultivée constituent souvent un reflet inversé des critiques adressées à la production de viande conventionnelle : réduction de l’impact environnemental de notre alimentation, considérations éthiques liées au bien-être animal, bénéfices en termes de santé publique en raison d’une moins grande utilisation d’antibiotiques et d’une limitation des risques de zoonoses, autonomie alimentaire pour les états disposant de peu de terres… Bien sûr ces promesses doivent faire l’objet d’une évaluation critique et indépendante. La communauté scientifique essaie pour l’heure de composer avec les maigres éléments à sa disposition en l’attente de données issues d’usines de production à grande échelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676790791354589184"}"></div></p>
<p>Plusieurs gouvernements ont affiché leur soutien à la viande cultivée : c’est le cas par exemple du Japon, d’Israël, de Singapour ou encore des États-Unis. Aux Pays-Bas, c’est même <a href="https://gfieurope.org/blog/netherlands-to-make-biggest-ever-public-investment-in-cellular-agriculture/">60 millions d’euros d’argent public</a> qui ont été promis à la recherche pour l’agriculture cellulaire, dans laquelle la viande cultivée s’inscrit.</p>
<p>Avec ces soutiens, peut-on imaginer voir d’autres États octroyer des autorisations de mise sur le marché ? Le produit étant encore tout nouveau, les autorisations se font au cas par cas. En Europe, aucun dossier de demande de mise sur le marché n’a été déposé par les entreprises du secteur, qui visent davantage Singapour et les États-Unis où la procédure est plus simple et moins longue. Il se <a href="https://twitter.com/elliotswartz/status/1671547535888924672?s=20">murmure même dans le milieu</a> que de nouvelles autorisations de mise sur le marché pourraient y être obtenues d’ici la fin de l’année.</p>
<p>L’Europe ne devrait donc pas autoriser la vente de viande cultivée avant au moins 2026 dans un scénario optimiste. Cela n’empêche pas plusieurs entreprises du vieux continent d’être parmi les pionnières de ce secteur, certaines start-up prévoyant de construire leurs usines, elles aussi, aux États-Unis et à Singapour, où elles peuvent voir un chemin plus clair vers le marché.</p>
<h2>Loin du marché de masse</h2>
<p>S’il faudra patienter avant de voir la viande cultivée arriver dans les rayons des grandes surfaces françaises, c’est aussi car elle coûte encore très cher. Certaines entreprises ont, certes, annoncé des coûts de production aussi bas que <a href="https://newatlas.com/science/future-meats-lab-gown-chicken-breast-costs/">17 dollars le kilogramme</a>, mais cela pourrait bien n’être qu’un outil de communication à destination des investisseurs.</p>
<p>Un autre moyen de se faire une idée du coût potentiel de la viande cultivée est de regarder du côté des analyses technico-économiques réalisées par les chercheurs. La <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/bit.27848">première analyse du genre sur la viande cultivée</a>, réalisée par l’ingénieur américain David Humbird en 2020, estime dans son scénario le plus optimiste que son coût pourrait être réduit à 22 dollars par kilogramme. La <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/bit.28324">dernière en date</a>, menée à l’université de Californie, trouve un coût de production relativement similaire, entre 17 et 35 $/kg pour les hypothèses les plus optimistes. Toutes mettent en évidence l’importance de la composition des milieux de culture et la taille des bioréacteurs en tant que principaux facteurs du coût.</p>
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<p>Là où les sceptiques soulignent que même dans le cadre de scénarios optimistes la viande cultivée resterait plus chère que la viande conventionnelle, les partisans rappellent que le coût des énergies renouvelables a diminué bien plus rapidement que ce que les prévisions les plus enthousiastes prévoyaient. Ce qui est sûr, c’est qu’il est encore difficile d’y voir clair : le prix de la viande cultivée sera également contingent d’un certain nombre de choix politiques et commerciaux, comme l’octroi de subventions (à l’instar de la viande conventionnelle).</p>
<p>La plus grande difficulté réside peut-être dans le fait même de pouvoir produire de la viande cultivée à suffisamment grande échelle. Pour répondre aux exigences de production de 1,5 million de tonnes de viande cultivée (environ 0,4 % du marché projeté pour 2030), un <a href="https://www.mckinsey.com/industries/agriculture/our-insights/cultivated-meat-out-of-the-lab-into-the-frying-pan">rapport de McKinsey</a> estimait que la capacité nécessaire en bioréacteurs serait environ 22 fois supérieure à celle de l’industrie pharmaceutique mondiale actuelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1671961072767492098"}"></div></p>
<p>Les impacts environnementaux de la production de viande cultivée demeurent incertains. Ils dépendent globalement de la quantité et de l’origine de l’énergie qu’elle utilise, de la nature des composants utilisés pour le milieu de culture, ainsi que de l’optimisation des cellules. Alimentée avec des énergies renouvelables, son impact environnemental peut-être <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-022-02128-8">plus faible que celui du poulet et du porc</a>. Avec des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969722051506">hypothèses moins favorables</a>, elle ne fait pas nécessairement mieux que le bœuf.</p>
<p>Le principal avantage de la viande cultivée est sa faible utilisation de terres, jusqu’à 64 % de surface en moins que la viande de poulet et jusqu’à 90 % pour la viande de bœuf selon une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-022-02128-8">étude récente</a>. Cela permettrait potentiellement la mise en place de politiques de reforestation en faveur de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04629-w">la biodiversité et de la captation de carbone</a>.</p>
<h2>Des investissements qui deviennent moins risqués</h2>
<p>D’un point de vue financier, l’année passée a été plutôt morose pour la viande cultivée : les investissements ont chuté d’un tiers par rapport à 2021. Outre un contexte économique difficile lié à l’inflation, la crise énergétique et l’actualité internationale, le secteur avait également déçu : promesses non tenues, <a href="https://www.greenqueen.com.hk/cultivated-pork-start-up-new-age-meats-shuts-down-after-five-years-amidst-recent-market-turmoil/?mc_cid=f78f5dfae0&mc_eid=779f80117a">start-up faisant faillite</a> ou témoignant de grandes difficultés, absence de nouveaux jalons significatifs… La récente annonce américaine d’autorisation de mise sur le marché pourrait néanmoins renouveler l’appétence des investisseurs pour un secteur devenu subitement moins risqué.</p>
<p><iframe id="uf3TA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uf3TA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En effet, bien que la viande cultivée soit commercialisée depuis 2020 à Singapour, l’information restait relativement peu connue du grand public : elle ressemblait davantage à une curiosité exotique. L’influence économique et culturelle des États-Unis change la donne. Leur décision peut générer une crainte de passer à côté d’une opportunité importante pour les pays qui jusqu’à présent étaient assez peu proactifs sur le sujet. C’est d’ailleurs une des raisons qui, en France, motivaient récemment la rédaction d’un <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/viande-in-vitro-un-rapport-du-senat-appelle-a-accelerer-les-recherches-240403">rapport d’information du Sénat</a> sur le sujet. Ses conclusions plaident en faveur d’un renforcement des investissements publics pour des raisons stratégiques, malgré de fortes réticences politiques et sociales.</p>
<p>Enfin, cette mise sur le marché permet à la viande cultivée d’être mise à l’épreuve du public. Les quantités vendues à Singapour étaient extrêmement faibles ; cela sera légèrement moins le cas aux États-Unis. En résumé, la récente autorisation de mise sur le marché aux États-Unis est un jalon important, mais elle ne marque que le début de longues étapes avant que vous ne puissiez trouver de la viande cultivée dans votre supermarché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tom Bry-Chevalier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La viande cultivée reste produite à petite échelle, pour un bilan environnemental encore incertain mais potentiellement prometteur. Les États-Unis envoient toutefois un signal aux investisseurs.Tom Bry-Chevalier, Doctorant en économie de l'environnement - Viande cultivée et protéines alternatives, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086072023-07-03T16:58:18Z2023-07-03T16:58:18ZDans l’industrie automobile, la R&D, plus que jamais le nerf de la guerre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534300/original/file-20230627-25-mr5m9d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=413%2C278%2C1606%2C1149&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le constructeur Tesla continue d’investir de plus en plus dans la R&D malgré une rentabilité non atteinte certaines années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flickr.com/photos/44124348109@N01/6219463656">Steve Jurvetson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, les entreprises sont confrontées à des niveaux élevés de concurrence, ainsi qu’à des réglementations et des besoins des clients en constante évolution. Pour survivre dans de telles conditions, les investissements en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">recherche et développement</a> (R&D) deviennent un outil essentiel. Les chiffres montrent d’ailleurs que les <a href="https://data.oecd.org/rd/gross-domestic-spending-on-r-d.htm">dépenses intérieures brutes de R&D</a> ont constamment augmenté de 2000 à 2021, de 97 % aux États-Unis et d’environ 72 % en Europe.</p>
<p><iframe id="4zewA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4zewA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon le tableau de bord de l’Europe sur les investissements en R&D industrielle de 2022, basé sur les 2 500 entreprises mondiales les plus investies, la majorité se trouve aux États-Unis (environ 40,2 %). La Chine se classe deuxième avec 17,9 %, suivie de l’Europe avec 17,6 % et du Japon avec 10,4 %. Les principaux secteurs d’investissement en R&D sont les producteurs de technologie (22,6 %), les industries de la santé (21,5 %), les services technologie (19,8 %) et l’industrie automobile (13,9 %).</p>
<p>Malgré cette tendance croissante, les décisions d’investissement en R&D des entreprises diffèrent encore fortement les unes des autres, y compris parfois sur un même secteur. Cette tendance apparaît notamment marquée dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-automobile-33711">l’industrie automobile</a>, secteur dans lequel <a href="https://www.acea.auto/figure/rd-investment-in-the-automobile-sector-by-world-region/">l’Europe est le plus gros investisseur en R&D</a> et qui connaît une évolution majeure vers les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques (VE)</a> sous l’impulsion de réglementations « vertes ». À partir de 2035, toutes les voitures neuves vendues dans l’Union européenne (UE) devront en effet être <a href="https://www.npr.org/2023/03/30/1166921698/eu-zero-emission-cars">à zéro émission</a>.</p>
<h2>Une rentabilité variable</h2>
<p>La montée en puissance des véhicules électriques a également eu un impact considérable sur le nombre de voitures vendues par les constructeurs automobiles. Alors que le nombre d’unités vendues par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tesla-30804">Tesla</a> a augmenté de 435,8 % au cours des cinq dernières années (de 2018 à 2022), d’autres entreprises ont connu une baisse : Toyota, Honda, GM, VW et Ford ont enregistré respectivement, sur la même période, des baisses de -1,1 %, -21,6 %, -29,1 %, -23,7 % et -29,3 % (tous les calculs présentés dans cet article reposent sur les informations extraites des rapports annuels des entreprises).</p>
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<p>En parallèle, nous observons également d’énormes différences entre les dépenses R&D de ces entreprises. Par exemple, Tesla a dépensé en R&D beaucoup plus par voiture vendue par rapport aux autres constructeurs automobiles. En 2018, Tesla avait ainsi déboursé environ 5 203 euros par unité vendue, tandis que les autres avaient dépensé entre 795 et 1 197 euros. Aujourd’hui, quand d’autres entreprises cherchent à rattraper leur retard, Tesla continue d’afficher un taux de <a href="https://cleantechnica.com/2022/03/25/rd-proves-to-be-the-right-investment-for-tesla/">R&D par voiture vendue très élevée</a>.</p>
<h2>Les moteurs de la R&D</h2>
<p>Dans notre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00036846.2022.2094879">étude</a>, basée sur les informations financières déclarées par des entreprises de divers secteurs, nous examinons quels facteurs pourraient expliquer les différences dans les investissements en R&D entre les différentes entreprises.</p>
<p>Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, la performance financière ne semble pas constituer l’objectif principal, tant la rentabilité des actifs varie d’une année sur l’autre et apparaît décorrélée des sommes investis. Par conséquent, il est nécessaire de prendre en compte d’autres facteurs.</p>
<p><iframe id="OfXE4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OfXE4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="FZmU8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FZmU8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous constatons que la propension à prendre des risques de l’entreprise ainsi que sa stratégie a également un impact important sur les décisions en matière de R&D. Les profils « défenseurs » ont une stratégie axée sur la rentabilité et sont plus susceptibles d’avoir un portefeuille de produits étroit et une structure organisationnelle plutôt stable ; les « prospecteurs » ont au contraire une plus forte tendance à l’innovation et possèdent une structure organisationnelle plus flexible.</p>
<p>Notre étude montre qu’une performance financière relativement moins bonne, un profil de « prospecteur », ainsi qu’une tendance au risque plus élevée génère un impact positif sur les investissements en R&D.</p>
<p>Le cas de l’industrie automobile est une illustration des conclusions générales tirées de notre recherche. En effet, l’orientation de Tesla, qui présente une propension au risque élevée, vers des produits innovants perturbateurs fait pencher sa stratégie vers celle d’un « prospecteur » plutôt qu’un « défenseur ». Ainsi, son modèle d’investissement en R&D explique les importantes sommes dépensées et la persistance dans cette stratégie, même en cas de rentabilité négative sur certaines années.</p>
<h2>Lien vers la collaboration</h2>
<p>Enfin, nous relevons dans notre étude que des comportements d’investissement différents en R&D peuvent créer des tensions en cas de collaboration ou de fusion. Ceci est particulièrement pertinent pour le secteur automobile car nous observons un niveau croissant de <a href="https://www.molex.com/en-us/blog/global-cross-industry-collaboration-accelerates-electrification-success">collaborations</a> (par exemple, celles entre <a href="https://www.ft.com/content/9cf49932-b73b-45b6-a615-e298950c39e1">Ford and VW</a> ou <a href="https://news.gm.com/newsroom.detail.html/Pages/news/us/en/2022/apr/0405-gmhonda.html">GM and Honda</a>, axé sur le partage des ressources de R&D).</p>
<p>Or, la pratique a montré que ces collaborations <a href="https://theconversation.com/podcast-renault-nissan-fiat-les-liaisons-dangereuses-120124">n’ont pas toujours été sans tension</a>. Au-delà du cas du secteur automobile, notre étude fournit donc également des informations importantes pour toutes les entreprises, dans différents secteurs, qui recherchent des collaborations ou qui veulent prendre des décisions d’investissement en R&D.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie d’innovation de Tesla a notamment permis à ses ventes de décoller ces dernières années, contrairement aux autres constructeurs.Oveis Madadian, Assistant Professor of Accounting, IÉSEG School of ManagementMaud Van den Broeke, Associate Professor in Operations and Supply Chain Management, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086252023-07-03T09:57:58Z2023-07-03T09:57:58ZPourquoi les entreprises ne communiquent-elles pas plus d’informations financières à propos de leurs marques ?<p>Maximiser la valeur financière d’une entreprise compte parfois parmi les objectifs de ses dirigeants, notamment lorsqu’ils rendent des comptes à leurs <a href="https://theconversation.com/topics/investisseurs-63874">actionnaires</a>. Faute d’information, elle peut être mal estimée sur le marché, ce qui entrave souvent sa croissance dans le futur. C’est en partie pour cela que la production d’<a href="https://theconversation.com/topics/comptabilite-24153">information comptable</a> est obligatoire.</p>
<p>La valeur d’une entreprise repose sur la détention de ressources financières et matérielles, mais aussi, de plus en plus, sur des actifs immatériels tels que les <a href="https://theconversation.com/topics/brevets-25082">brevets</a>, la <a href="https://theconversation.com/topics/reputation-39873">réputation</a>, la détention de <a href="https://theconversation.com/topics/marques-39209">marques</a>, de compétences humaines et de savoir technologique. </p>
<p>Le <a href="https://doi-org.devinci.idm.oclc.org/">périmètre de ces derniers reste néanmoins ambigu</a> et la littérature utilise la notion de façon hétérogène. Dans une tentative de synthèse, un <a href="https://www.oecd.org/fr/sti/inno/36701585.pdf">rapport</a> de 2006 de l’OCDE constate que la plupart des définitions des retiennent trois caractéristiques fondamentales : la capacité à générer un profit économique, l’absence de matérialité et la possibilité pour une entreprise de se les approprier. Ainsi, selon que les thèmes traités soient à connotation comptable ou économique, les auteurs utilisent les termes « actifs » ou « capital ».</p>
<p>Parmi ces actifs immatériels, nous nous sommes en particulier focalisés sur la force que confère la détention d’une marque. Perçue comme source de valeur par les investisseurs, principaux intéressés par les états financiers d’une entreprise, elle n’est pas toujours répertoriée parmi les actifs. Face à sa non-reconnaissance comptable, les entreprises ont alors recours à la diffusion d’information complémentaire comme alternative pour informer les investisseurs sur sa potentielle valeur.</p>
<p>En nous appuyant sur les pratiques d’un échantillon de 37 entreprises françaises cotées en bourse, nous avons ainsi cherché à caractériser la nature de cette information divulguée. Le paradoxe suivant apparaît alors : bien que de nature à rassurer les investisseurs, les informations financières restent <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2014-3-page-99.htm?contenu=resume">très peu communiquées</a>.</p>
<h2>Des informations tues, et pourtant utiles</h2>
<p>Nous avons retenu dans notre échantillon les marques françaises estimées par deux organismes indépendants spécialisés dans la publication des valeurs financières des principales marques à partir des informations publiques communiquées par les entreprises. Il s’agit d’Interbrand et Brand Finance.</p>
<p>Trois types d’informations sont principalement communiquées à propos des marques : des informations comptables telles qu’un bilan annuel, des informations économiques à l’image de l’historique des marques et des informations stratégiques portant par exemple sur l’origine des revenus des marques. Elles s’avèrent bien plus présentes en tout cas que les informations de nature purement financière qui visent à faire des prévisions pour l’avenir (avec une planification de la croissance future par exemple).</p>
<p>Ce qui est mis à disposition des investisseurs ne suffit ainsi que rarement à reconstituer la valeur individuelle des marques, d’autant que les données sont souvent agrégées à l’échelle de l’ensemble des marques possédées. Les entreprises semblent considérer qu’elles n’ont pas à communiquer de façon explicite au sujet de la valorisation des marques et ne paraissent pas juger utile de communiquer aux investisseurs les modalités précises d’évaluation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Pour quelles raisons ? Cela ne permet pas de refléter fidèlement le patrimoine de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes, et plus particulièrement les investisseurs. Même conforme à la législation, la chose empêche une approche didactique et comparative par rapport à la concurrence, ce qui nous fait dire que cette information devrait être disponible et apparaître en annexe des comptes. Un « rapport sur les actifs immatériels » serait de nature à rassurer les investisseurs.</p>
<h2>L’exception : les groupes qui se développent à l’international</h2>
<p>La marque véhicule une valeur qui dépend de modalités d’évaluation en lien avec une identification de la stratégie de développement mise en œuvre par l’entreprise. Il ressort de notre <a href="https://www.larsg.fr/produit/n315-316-les-determinants-de-loffre-dinformation-volontaire-divulguee-sur-les-marques-cas-des-entreprises-francaises/">étude</a> que si les entreprises évoluent dans un environnement international et si elles sont auditées par un cabinet de catégorie 1 (tel que KPMG, Deloitte, EY, Fiducial ou PwC.), alors elles ont tendance à publier plus d’information sur leurs marques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De ce fait, un niveau plus élevé de divulgation d’information peut être expliqué par le fait que cela réduit les coûts d’agence sur les places étrangères. Ce sont ceux liés aux divergences d’informations auxquels les dirigeants et les actionnaires étrangers ont accès.</p>
<p>Notre étude met en avant, en revanche, que ni la taille, ni le secteur, ni le niveau de performance ne sont des facteurs explicatifs du niveau de divulgation d’information sur les marques à destination des investisseurs.</p>
<p>Nous considérons ainsi que les marques devront faire l’objet d’une reconnaissance financière qui devra être mentionnée dans les documents annexes aux comptes des entreprises ou dans un rapport spécifique dédié aux actifs immatériels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les informations financières sont les plus utiles aux investisseurs. Pourtant, paradoxalement, les entreprises en communiquent peu à propos des marques, actif immatériel, qu’elles détiennent.Yves-Alain Ach, Docteur en Sciences de Gestion - Ph.D in management sciences - Professeur de Finance, EMLV, Pôle Léonard de VinciSandra Rmadi Said, Senior lecturer, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065352023-06-08T18:01:06Z2023-06-08T18:01:06ZFinale de la Ligue des Champions : Abu Dhabi et Pékin, déjà sur le toit de l’Europe du football<p>La saison des clubs de <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> européens se terminera en beauté, le samedi 10 juin, avec la finale de la Ligue des Champions à Istanbul en Turquie. Elle opposera le club anglais de Manchester City, que beaucoup considèrent comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/ligue-des-champions/manchester-city-real-madrid-les-mancuniens-rejoignent-l-inter-milan-en-finale-de-ligue-des-champions-en-ecrasant-les-merengues_5829305.html">favori</a> après sa démonstration en demi-finale retour contre le Real Madrid (4-0), aux Italiens de l’Inter Milan. Club anglais contre club italien, certes, pour le rendez-vous de ballon rond le plus attendu de l’année européenne, mais au-delà, City évolue sous pavillon <a href="https://theconversation.com/topics/emirats-arabes-unis-39689">émirati</a>, tandis que Suning, géant <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">chinois</a> de la distribution de produits électroniques, est actionnaire majoritaire de l’Inter.</p>
<p>En 2008, City avait été racheté par l’Abu Dhabi United Group for Development and Investment, une organisation étroitement liée au gouvernement de l’émirat du Golfe. A été nommé à sa présidence Khaldoon Khalifa Al Moubarak qui est, entre autres, directeur général de la Mubadala Investment Company, le fonds souverain d’Abu Dhabi. </p>
<p>Suning Holdings Group, fondée en 1990 par Zhang Jindong, membre du Parti communiste chinois, avait pour sa part mis la main sur le club intériste en 2016. C’est le fils de Jindong, Kangyang (appelé aussi Steven), qui en est président. Le groupe reste proche du pouvoir, le gouvernement chinois ayant notamment récemment demandé aux prêteurs nationaux de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/07/crible-de-dettes-l-empire-suning-recoit-une-bouee-de-sauvetage-de-pekin_6087354_3234.html">renflouer Suning</a> pour qu’il puisse faire face à ses problèmes financiers liés à la crise sanitaire.</p>
<p>Les deux clubs sont devenus des panneaux publicitaires mondiaux pour les nations de leurs propriétaires respectifs ; City est sponsorisé par des sociétés d’Abu Dhabi telle que la compagnie aérienne publique Etihad qui a donné son nom au stade dans lequel le club évolue. Parmi les sponsors de l’Inter, on retrouve des entreprises chinoises telles que <a href="https://www.lenovo.com/fr/fr/smarter/sports/inter-milan-boosts-game-with-lenovo-tech/">Lenovo</a>, <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/nouveau-partenariat-avec-hisense-d%E2%80%99autres-%C3%A0-venir-et-des-actions-contre-digitalbits%C2%A0-r17356/">Hisense</a> et <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/officiel%C2%A0-l%E2%80%99aventure-continue-avec-volvo-r13536/">Volvo</a> (dont la société mère, Geely, est chinoise depuis 2010).</p>
<p>Posséder ainsi deux clubs de football européens prestigieux et prospères n’est ni une question de vanité ni un simple exercice de marketing. C’est d’abord de la <a href="https://theconversation.com/topics/geopolitique-21437">géopolitique</a>.</p>
<h2>Pékin et Abu Dhabi, des intérêts convergents</h2>
<p>L’investissement d’Abu Dhabi dans City a évolué à tel point qu’il s’agit désormais d’un réseau mondial de franchises, connu sous le nom de City Football Group (CFG). <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/premier-league/football-le-groupe-qui-detient-manchester-city-rachete-le-club-bresilien-de-bahia_AD-202305040992.html">Douze autres clubs</a> hormis Manchester en font partie, dont le New York FC, Palerme et Troyes. Bien que certains observateurs considèrent cette évolution comme une tentative de domination sportive, le réseau est sans doute plus un instrument de politique et de stratégie géopolitique qu’autre chose.</p>
<p>Fin 2015, China Media Capital (CMC) a acquis une <a href="https://www.lepoint.fr/sport/manchester-city-des-investisseurs-chinois-prennent-13-du-club-01-12-2015-1986206_26.php">participation dans le City Football Group</a>. Elle représente actuellement 8,2 % de l’ensemble des actions après la vente d’une partie des parts à l’automne 2022 au <a href="https://www.bignonlebray.com/silver-lake-actionnaire-du-manchester-city-football-club/?">groupe américain Siler Lake</a>. L’annonce en 2015 a coïncidé avec la <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-president-chinois-xi-jinping-en-visite-a-manchester-city/601355">visite du président chinois Xi Jinping à Manchester</a>, au cours de laquelle il a rencontré Al Moubarak et le premier ministre britannique de l’époque, David Cameron. Le président de la CMC, <a href="https://www.weforum.org/people/li-ruigang">Li Ruigang</a>, un autre membre du Parti communiste chinois et ancien fonctionnaire, était également présent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Khaldoon Al Mubarak, président de Manchester City, Xi Jinping, président chinois et David Cameron, premier ministre britannique, réunis à Manchester en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number10gov/22404180472">Georgina Coupe/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les intérêts convergents d’Abu Dhabi et de la Chine à Manchester City ne représentent qu’une partie des relations entre les deux pays. Depuis près d’une décennie, ces relations ont été qualifiées d’étroites et de fraternelles.</p>
<h2>Les routes de la soie du football</h2>
<p>C’est ainsi qu’en 2015 également, un fonds commun de coopération en matière d’investissement a été lancé. Entre-temps, l’État du Golfe a continué à <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202210/1277104.shtml">soutenir la <em>Belt and Road Initiative</em></a> (BRI) de Xi, un grand projet de « <a href="https://theconversation.com/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">nouvelles routes de la soie</a> » visant à promouvoir le développement des infrastructures et du commerce à l’échelle mondiale.</p>
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<p>En 2018, le président Al Moubarak avait obtenu une fonction supplémentaire en tant qu’<a href="https://www.thenationalnews.com/uae/government/uae-names-khaldoon-al-mubarak-first-presidential-envoy-to-china-1.782350">envoyé spécial présidentiel d’Abu Dhabi en Chine</a>. Un an plus tard, le City Football Group annonçait l’ouverture d’une nouvelle franchise chinoise à Chengdu, une ville dont la réputation n’est pas très éloignée de celle de Manchester (en tant que centre de la musique, des arts et de la culture). Plus important encore, la veille de cette annonce, Etihad a confirmé que <a href="https://www.albawaba.net/business/pr/etihad-airways-deploy-latest-generation-787-dreamliners-all-its-flights-china-1251886">l’aéroport de Chengdu</a> deviendrait un centre de transit majeur pour la compagnie aérienne.</p>
<p>Les liens entre le City Football Group, Abu Dhabi, la Chine et la BRI ne se sont pas arrêtés là. Certains <a href="https://www.revueconflits.com/la-sicile-une-ile-strategique-a-ne-pas-laisser-a-la-chine/">analystes</a> ont même demandé que l’ensemble soit examiné de plus près, notamment en 2022 quand la franchise de football a acquis le club italien de Palerme, dans le cadre d’une transaction chiffrée à <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-10973833/Manchester-City-owners-agree-deeds-buy-Palermo-13m-takeover.html">13 millions d’euros</a>.</p>
<p>En parallèle, la Chine s’était en effet engagée dans des investissements portuaires dans le cadre de l’initiative BRI à travers la Méditerranée, le <a href="https://www.captainferry.com/fr/ports/palerme-2">port</a> sicilien de Palerme, carrefour entre l’Europe et l’Afrique présentant donc un intérêt particulier pour le Parti communiste chinois.</p>
<h2>Milan comme plaque tournante ?</h2>
<p>Le football semble avoir souvent été le moyen d’atteindre d’autres objectifs sous-jacents pour Abu Dhabi et la Chine. L’organisation qui détient les droits de retransmission des matchs de la Serie A italienne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en est une autre indication : elle n’est autre qu’<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/italie/italie-la-serie-a-trouve-un-diffuseur-au-moyen-orient-20220630">Abu Dhabi Media</a>, une entreprise publique. En outre, Mubadala, le fonds souverain émirati, a récemment <a href="https://www.cfnews.net/L-actualite/CFNEWS-Asie-Pacifique/Mubadala-injecte-1-Md-dans-les-vehicules-asiatiques-de-KKR-419453">misé gros sur la Chine</a>, investissant des centaines de millions de dollars dans le pays.</p>
<p>Comme Abu Dhabi, l’Italie est membre de la « Belt and Road Initiative », même si, ces derniers mois, le pays a mis en place des plans pour la quitter. Milan n’offre pas les avantages portuaires ou côtiers stratégiques de Palerme, mais les liens entre le club et le PCC ont permis à la Chine de se projeter dans des territoires clés, par exemple l’<a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/les-chinois-debarquent-par-l-adriatique">Adriatique</a> où elle a également investi dans le <a href="https://www.total-croatia-news.com/business/31721-china-planning-to-invest-billion-in-croatia">football croate</a>.</p>
<p>À Milan même, la création d’un nouveau stade fait l’objet de discussions depuis plus d’une décennie. L’Inter partage le stade Giuseppe Meazza, plus communément nommé « San Siro », avec son rival de la ville, l’AC Milan. La China Railway Construction Company (CRCC) souhaitait un temps prendre la tête de la <a href="https://www.latribune.fr/journal/edition-du-1906/special-euro-2012/704119/l-inter-de-milan-quitte-le-mythique-stade-de-san-siro-et-s-embarque-avec-la-chine.html">construction de la nouvelle enceinte</a>. Celle-ci a d’ailleurs fait l’objet d’une ordonnance du gouvernement des États-Unis interdisant à toute société ou tout particulier américain de détenir ses actions en raison de ses liens avec l’Armée populaire de libération de la Chine (APLC).</p>
<p>Inter ou City ? L’issue du match se trouvera dans les pieds des joueurs. Quel qu’en soit le résultat néanmoins, les grands gagnants de ce concours très médiatisé sont peut-être d’ores et déjà Abu Dhabi et Pékin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La finale oppose Manchester City, club sous pavillon émirati, à l’Inter Milan, propriété chinoise - deux nations proches et qui ont fait du football un levier de développement.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039862023-05-09T10:33:26Z2023-05-09T10:33:26ZEntrepreneurs, comment réussir vos « pitchs » devant vos futurs investisseurs ?<p>Un peu comme dans l’émission <em>Qui veut être mon associé ?</em>, beaucoup de jeunes entrepreneurs à la quête de nouveaux financements se sont un jour retrouvés à « pitcher » leur projet devant des investisseurs. Moments clés de la vie d’entreprises naissantes, les pitchs entrepreneuriaux contribuent à la construction d’une <em>identité entrepreneuriale</em>. Les créateurs s’engagent dans une communication verbale et non verbale qui leur permet de se présenter aux investisseurs en tant que personnes légitimes pour développer leurs idées.</p>
<p>Gérer ce processus de présentation de soi fait partie du catalogue d’un large réseau de consultants, programmes de formations, conférenciers et organisations de support à l’entrepreneuriat. Tous ces acteurs affirment offrir les meilleures réponses au fameux «<em> how to pitch ? </em>». La littérature académique n’est cependant pas en reste. Elle témoigne d’un intérêt grandissant pour les indices comportementaux de personnalité et de cognition ainsi que pour la rhétorique. Les attitudes qui influenceraient favorablement les investisseurs potentiels sont ainsi mises en évidence.</p>
<p>Pour résumer cette littérature, il convient de puiser dans l’approche dramaturgique introduite en 1959 par le sociologue américain Erving Goffman dans un ouvrage intitulé <em>La présentation de soi dans la vie quotidienne</em>. Il y explique que nous empruntons régulièrement à ce qui relève de performances théâtrales afin de donner un sens aux situations de la vie quotidienne et créer une identité « situationnelle ». Le pitch entrepreneurial n’y échapperait pas : l’entrepreneur « acteur » utilise un dispositif rhétorique, son « texte », des manifestations gestuelles et émotionnelles, son « interprétation », devant les investisseurs, son « public ». C’est sur ces éléments scénographiques que nous revenons dans <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2023-0-page-I69.htm?contenu=resume">article</a> récemment publié dans la <em>Revue de l’Entrepreneuriat</em>.</p>
<h2>Être pitcheur, c’est être acteur</h2>
<p>Parmi l’ensemble de traits étudiés par les chercheurs, c’est l’importance de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0883902616300180">« passion »</a> pour son entreprise, la manifestation d’un lien affectif intense et d’une forte implication personnelle, qui a suscité le plus fort consensus. Elle génère un engagement neuronal plus fort auprès des investisseurs et accroît leur volonté de débloquer des fonds. Ceux-ci apprécient en outre les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0883902617300101">attitudes positives</a> qui signalent une personnalité optimiste et une forte confiance en soi.</p>
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<p>Quand elles virent au <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2021-6-page-139.htm">narcissisme</a>, l’issue s’avère cependant plus ambiguë. Si les investisseurs sur les plates-formes de crowdfunding ne sanctionnent pas les entrepreneurs qu’ils perçoivent comme arrogants et égocentrés, les investisseurs plus impliqués dans la stratégie de l’entreprise, tels que les <em>business angels</em> et les capital-risqueurs, anticipent les difficultés de collaboration future et se montrent plus réservés face à ces profils. Dans tous les cas, à l’encontre du stéréotype populaire de l’entrepreneur fanatique, obtus et déterminé, à la Steve Jobs ou Elon Musk, les études montrent que les investisseurs préfèrent des <a href="https://www.wsj.com/articles/humility-can-really-help-an-entrepreneur-win-over-investors-11635512755">entrepreneurs humbles</a> qui manifestent une ouverture aux autres, une écoute attentive des suggestions et une forte disposition à suivre les conseils de leurs partenaires présents et à venir.</p>
<h2>Faire appel aux émotions</h2>
<p>Le choix rhétorique de l’entrepreneur a également un impact considérable sur sa probabilité d’obtenir des ressources financières. Les entrepreneurs qui se présentent comme des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Thomas-Allison-3/publication/327539135_User_entrepreneurs%E2%80%99_multiple_identities_and_crowdfunding_performance_Effects_through_product_innovativeness_perceived_passion_and_need_similarity/links/60d4d46892851ca944843a82/User-entrepreneurs-multiple-identities-and-crowdfunding-performance-Effects-through-product-innovativeness-perceived-passion-and-need-similarity.pdf">usagers</a> concernés par le produit/service développé par leur start-up sont perçus comme plus convaincants. Ceux qui utilisent un <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amj.2018.1417">langage figuratif</a>, riche en anecdotes, analogies et métaphores, obtiendraient également plus souvent satisfaction.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/325163993_Extending_Signaling_Theory_to_Rhetorical_Signals_Evidence_from_Crowdfunding">études</a> montent également que, contrairement à l’idée rationaliste selon laquelle seuls l’argumentation logique (<em>logos</em>) et les propos conférant de la crédibilité au narrateur (<em>ethos</em>) sont à même de convaincre, l’appel aux émotions (<em>pathos</em>) a toute sa place dans un pitch. L’entrepreneur peut ainsi susciter la colère, l’indignation, la pitié, la joie ou l’espoir des investisseurs potentiels pour les convaincre de le suivre dans son projet. À faire cela, il faudrait cependant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-020-00334-y">éviter d’insister sur les étapes passées</a>, comme celle de l’émergence du projet, pour se focaliser sur l’état actuel de développement ainsi que sur le potentiel de croissance de la start-up.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Survaloriser son produit en le qualifiant de disruptif, c’est-à-dire capable de changer la « manière dont les humains, les écosystèmes ou les sociétés fonctionnent », semble également, et peut-être contre-intuitivement, apprécié. L’<a href="https://hbr.org/2010/04/is-it-ok-for-entrepreneurs-lie">exagération</a> s’avère en fait facilement pardonnée et reste perçue comme légitime dans le cadre d’un pitch tant que l’entrepreneur ne dérive pas vers une déformation pure et simple des faits.</p>
<p>À tout cela se mêlent également des stéréotypes. Selon une étude, le style de communication procure un avantage aux hommes entrepreneurs qui parlent généralement de manière plus <a href="https://hbr.org/2022/12/research-men-speak-more-abstractly-than-women">abstraite</a> que leurs collègues féminins dont le style est plus concret et pragmatique.</p>
<h2>Sur scène, sourire (mais pas trop)</h2>
<p>Peut-être cela est-il en partie lié avec la mise en scène du discours de l’entrepreneur. Les gestes et l’expression faciale des émotions sont à même d’influencer positivement la réaction des investisseurs. À projet et discours égaux, l’usage d’une gestuelle métaphorique et les sourires, surtout en début et en fin de pitch, accentuent l’image d’un entrepreneur passionné et investi et influent ainsi sur la décision des investisseurs.</p>
<p>La <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S0733-558X20220000080003/full/html">sonorité de la voix</a> a ainsi son importance. Les fréquences basses semblent plus appréciées par les investisseurs que les sons aigus. <a href="https://theconversation.com/whats-behind-the-obsession-over-whether-elizabeth-holmes-intentionally-lowered-her-voice-177961">Elizabeth Holmes</a>, fondatrice de l’entreprise américaine de santé Theranos, condamnée à 11 ans de prison en 2022 pour escroquerie après avoir été longtemps vue comme un « prodige » (c’était le qualificatif employé par l’ancien président Bill Clinton), avait ainsi prétendument travaillé avec un coach pour <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/en-vue/elizabeth-holmes-tests-negatifs-1376548">abaisser la tonalité</a> dans laquelle elle s’exprimait.</p>
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<p>La fréquence et la durée des sourires doivent, elles, être maîtrisées. Dans une <a href="https://www.usf.edu/news/2019/too-much-smiling-in-sales-pitch-could-kill-deal.aspx">étude</a> analysant 1460 pitchs déposés sur la plate-forme Kickstarter, des chercheurs montrent que des financements supérieurs sont obtenus avec 3 secondes de sourire sur un pitch moyen de 82 secondes qu’avec plus de 5 secondes en temps cumulé ou, à l’inverse, presque pas de sourire. L’effet négatif du sourire trop fréquent ou trop long est dû notamment à la perception des investisseurs d’un entrepreneur peu authentique ou qui manque de sérieux.</p>
<h2>Pour le public, un pitch idéal ?</h2>
<p>Toute pièce de théâtre n’existerait pas sans un public. Il prend une importance particulière dans le pitch notamment car tous comportent une partie interactive lors de laquelle les investisseurs posent des questions et discutent avec l’entrepreneur.</p>
<p>La réaction des investisseurs peut être soumise à deux phénomènes complémentaires : l’homophilie, soit la préférence pour ceux qui nous ressemblent et, les attentes stéréotypées, soit la préférence pour les profils qui sont en adéquation avec le préjugé de ce qu’est un bon entrepreneur. Une nouvelle fois, les images préconçues interviennent. Des <a href="https://hbr.org/2017/06/male-and-female-entrepreneurs-get-asked-different-questions-by-vcs-and-it-affects-how-much-funding-they-get">travaux</a> montrent que, sans s’en rendre compte, les investisseurs posent des questions relatives à la croissance et à l’avantage concurrentiel (le « comment gagner ? ») aux hommes et des questions relatives au risque et aux barrières à l’entrée (le « comment ne pas perdre ? ») aux femmes. Dans la même veine, plusieurs études confirment que les femmes et les personnes issues des minorités sont mieux évaluées lorsqu’ils pitchent une start-up sociale plutôt qu’une start-up commerciale.</p>
<p>Les propos présentés ici laissent entendre qu’il est possible d’atteindre le pitch idéal qui serait parfaitement préparé et performé. Une prémisse fondamentale de l’approche dramaturgique est bien l’idée que la présentation de soi peut être maîtrisée et adaptée pour la scène. Des illustrations pratiques de cette idée figurent ainsi dans tous les modules sur la méthodologie du pitch inclus dans les programmes de formation et accompagnement à l’entrepreneuriat.</p>
<p>Cette vision conduit alors à une <a href="https://theconversation.com/le-piege-du-pitch-124230">standardisation grandissante de la pratique de pitch</a>. Si on peut se réjouir de la possibilité d’avoir des entrepreneurs mieux formés et plus performants, point avec cette homogénéisation le risque d’alimenter encore davantage les stéréotypes entrepreneuriaux, freinant le développement d’une certaine diversité dans l’univers entrepreneurial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203986/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ivana Vitanova ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche fait le point sur les bons conseils identifiés par les chercheurs. Saviez-vous par exemple que trop sourire n'est pas une bonne idée?Ivana Vitanova, MCF en Finance, Université Lyon 2, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048572023-05-03T20:48:18Z2023-05-03T20:48:18ZBaisse de l’impôt sur les sociétés : comment les entreprises ont pu doublement en profiter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523844/original/file-20230502-26-tiee4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1278%2C843&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anticipant les baisses d’impôts annoncés par le législateur, des entreprises ont su décaler leur déclaration vers les années plus avantageuses.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/calculatrice-calcul-assurance-1044172/">Steve Buissinne / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les périodes d’incertitude comme celle que nous vivons actuellement – après la pandémie, la crise énergétique, l’inflation et la guerre en Ukraine – les gouvernements envisagent différentes politiques pour aider les entreprises à poursuivre leurs activités. L’une des mesures couramment envisagées par les gouvernements est la réduction de l’impôt sur le revenu des sociétés, dans le but d’aider les entreprises et, ainsi, de stimuler l’économie.</p>
<p>La loi de finances française pour 2018 a ainsi mis en place des avantages fiscaux pour les entreprises qui ont bénéficié de <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/global/Documents/Tax/dttl-tax-alert-france-28-september-2017.pdf">réductions progressives de l’impôt sur les sociétés</a> afin de stimuler leurs investissements. So taux a évolué de <a href="https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/1732-2018-is-28-500000-benefices.html">33 % en 2017 à 25 % en 2022</a>. Cette mesure pourrait expliquer une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5418035">progression des investissements</a> en France, participant d’une reprise de la croissance du PIB de 7 % en 2021 après les confinements. C’est en tout cas souvent de cette façon que se justifient des réformes fiscales : des taux d’imposition plus bas peuvent libérer des ressources qui pourraient être utilisées pour <a href="https://www.jstor.org/stable/1818123">accroître l’investissement</a> des entreprises. Le <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/baisse-dimpots-les-profits-des-entreprises-taxes-a-25-en-2022-1348495">document</a> présenté au conseil des ministres indiquait alors de fait :</p>
<blockquote>
<p>« Cette réforme […] améliore la compétitivité des entreprises en général et bénéficie en particulier aux entreprises de taille intermédiaire du secteur industriel ».</p>
</blockquote>
<p>Des <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w4171/w4171.pdf">études antérieures</a> ont cependant montré que les entreprises profitent parfois des réformes fiscales qui réduisent les taux d’imposition des sociétés par le biais d’une pratique connue sous le nom de « transfert intertemporel de revenus ». Cette stratégie vise à transférer le revenu imposable de la période où le taux d’imposition est le plus élevé vers la période où le taux d’imposition est le plus faible, afin de réaliser des économies.</p>
<h2>Une stratégie fiscale effectivement employée</h2>
<p>Voyons cela à l’aide d’un exemple. Imaginons qu’une entreprise française ait un revenu imposable de 400 000 euros en 2017 et le même en 2018. Le taux d’imposition étant de 33 % en 2017 et de 28 % en 2018 pour cette somme, la dette fiscale totale de l’entreprise pour ces deux années serait de 132 000 + 112 000) = 244 000 euros.</p>
<p>Si cette société, en utilisant des stratégies fiscales, transfère 100.000 euros de revenus de 2017 à 2018, son revenu imposable deviendra 300 000 en 2017 et 500 000 en 2018. Ainsi, l’impôt total à payer par la société pour ces deux années serait de (100 000 + 140 000) = 240 000 euros. On voit comment, en transférant une partie de ses revenus, l’entreprise a réalisé une économie d’impôt de 4 000 euros.</p>
<p>Certes, le montant ne semble pas gigantesque. Les chiffres ont ici été retenus car différentes tranches d’imposition s’appliquaient au-delà de 500 000 euros, rendant le calcul plus complexe. Gardons néanmoins en tête que c’est tout de même près de 2 % d’économie d’impôts réalisée, et que cette stratégie a pu être déployée sur plusieurs années de baisses successives entre 2017 et 2022 par des entreprises aux bénéfices qui se chiffrent en millions.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<p>Récemment, nous avons mené une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3581685">étude</a> visant à déterminer si les entreprises non cotées d’un pays voisin, l’Espagne, qui a connu une réforme fiscale réduisant les taux d’imposition des sociétés, étaient, dans les faits, impliquées dans de telles stratégies. Les résultats empiriques ont confirmé que les entreprises non cotées ont utilisé la réforme fiscale pour mettre en œuvre des transferts intertemporels de revenus afin d’obtenir davantage d’économies d’impôts.</p>
<p>Les sommes correspondent en moyenne à 0,685 % des actifs totaux. Nos résultats indiquent également que les entreprises qui y ont eu recours ont utilisé les économies d’impôt pour augmenter les investissements dans l’emploi. Enfin, nous constatons également que ces investissements supplémentaires ont permis aux entreprises de conserver la main-d’œuvre nécessaire pour soutenir la croissance attendue de l’activité.</p>
<h2>Comment capter le manque à gagner ?</h2>
<p>Même si nos conclusions empiriques suggèrent que, à première vue, l’objectif de la réforme fiscale semble atteint, cela passe aussi par des mécanismes indirects. Les économies d’impôts supplémentaires, ne l’oublions pas, se font au prix d’une baisse supplémentaire de la collecte de recettes par le Trésor.</p>
<p><iframe id="YerGG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YerGG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Récemment, une <a href="https://www.oecd.org/tax/tax-policy/corporate-tax-statistics-fourth-edition.pdf">étude</a> publiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a montré que la part des recettes de l’impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales totales était de 15 % en moyenne dans 115 pays contre à peine 6 % en France. Ces chiffres sont respectivement de 3 % et 2.5 % si l’on rapporte au PIB. Cela indique que, dans l’Hexagone, seule une petite partie des recettes provient de l’impôt sur les sociétés par rapport aux autres pays de l’OCDE.</p>
<p>La France n’est pourtant pas l’un des pays où le taux d’imposition des sociétés est le plus faible. La raison de ces écarts est que le gouvernement français tire davantage de recettes fiscales d’autres types d’impôts (TVA et impôt sur le revenu en tête) que de l’impôt sur les sociétés.</p>
<p>Par conséquent, même si une réduction du taux de l’impôt sur les sociétés peut être utile en période d’incertitude car les entreprises peuvent disposer de plus de liquidités pour des investissements efficaces, les autorités fiscales devraient prévenir les comportements de planification fiscale en accordant, par exemple, des avantages aux entreprises ayant des opportunités d’investissement ou en mettant en place un ensemble de contrôles tels que des audits fiscaux plus aléatoires, pour tenter de tromper le comportement cité. De cette manière, les entreprises seront moins motivées à transférer les revenus dans le temps afin d’accéder à des flux de trésorerie supplémentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Non seulement elles ont pu bénéficier d’un taux plus avantageux, mais aussi, elles ont su mettre en place des stratégies de planification pour décaler des déclarations de revenus.Cinthia Valle Ruiz, Assistant Professor of Accounting and Tax, IÉSEG School of ManagementDomenico Campa, Associate Professor of Accounting, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042262023-05-01T17:14:40Z2023-05-01T17:14:40ZUne économie de guerre sera-t-elle nécessaire pour respecter l’Accord de Paris sur le climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quels impacts macroéconomiques peut-on anticiper dans la mise en œuvre des objectifs de l’accord de Paris&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">COP Paris / Flickr</span></span></figcaption></figure><p>Voilà maintenant 3 ans que la pandémie liée au coronavirus est venue bouleverser le monde. Depuis, nous avons connu en Occident des conditions macroéconomiques qui n’avaient plus été observées en plusieurs décennies. La reprise économique post-Covid et la désorganisation des chaînes de valeur ont engendré un déséquilibre entre offre et demande et une <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importante. À cela se sont ajoutées les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation. À ainsi été atteint un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-taux-d-inflation-en-europe/">taux d’inflation jamais vu en zone euro</a> depuis la création de la monnaie unique. En parallèle, de nombreux pays, à la tête desquels les États-Unis et le Royaume-Uni, ont connu une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/dec/04/why-are-so-many-people-leaving-the-workforce-amid-a-uk-cost-of-living-crisis">pénurie de travailleurs</a>, et on observe dans de nombreux pays européens une <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/totalenergies-maillon-faible/00104762">réémergence du conflit social</a> lié à la répartition des richesses entre travail et capital.</p>
<p>Et la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a> dans tout cela ? Et si au lieu de contribuer à apaiser ces tensions, celle-ci venait rajouter de l’huile sur le feu et renforçait les différentes dynamiques inflationnistes ? C’est ce qu’a étudié en détail notre collectif d’ingénieurs et d’économistes de l’UCLouvain, de l’Agence française de développement, du <em>Shift Project</em>, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Inria. Dans un <a href="https://authors.elsevier.com/sd/article/S0921-8009(23)00095-2">article</a> récemment publié dans la revue <em>Ecological Economics</em>, nous tentons de répondre à la question suivante : « quelles dynamiques macroéconomiques seraient engendrées par une transition énergétique mondiale rapide, compatible avec l’accord de Paris ? »</p>
<p>Alors que nombre d’économistes abordent cette question en parlant d’un « capital brun » qu’il faudrait remplacer par du « capital vert », notions relativement abstraites, nous avons pris soin de fonder notre modèle sur les caractéristiques techniques des énergies <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261919316551?via%3Dihub">solaire</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261917313673">éolienne</a> au niveau mondial pour déterminer de manière précise leur potentiel global.</p>
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<p>Ces deux types d’énergie seront vraisemblablement <a href="https://www.mdpi.com/1996-1073/13/21/5543">largement majoritaires</a> à l’avenir, quel que soit le mix énergétique décarboné envisagé. Le modèle que nous avons développé, baptisé Temple, représente de manière unifiée les interactions entre système énergétique, économie réelle et sphère financière. La nouveauté réside notamment dans l’utilisation de projections détaillées de l’évolution de différentes caractéristiques du système énergie-économie au cours de la transition. Sont ainsi incluses l’évolution des besoins en capital du secteur énergétique, fondée sur des calculs de Taux de Retour Énergétique (abrégé <a href="https://reporterre.net/La-dure-loi-de-l-Eroi-l-energie-va-devenir-plus-rare-et-plus-chere">EROI</a> en anglais), l’évolution de l’intensité énergétique des différents secteurs économiques et les changements démographiques globaux.</p>
<p>Temple permet donc de modéliser une économie mondiale qui, tout en continuant à croître, réaliserait une transition énergétique à marche forcée jusqu’à 2050. Il nous amène à six conclusions essentielles.</p>
<h2>Des besoins, de la croissance mais un effet d’éviction</h2>
<ul>
<li><p>La transition énergétique implique une multiplication par 10 des <strong>besoins en capitaux</strong> du secteur énergétique. Autrement dit, répondre à une demande énergétique mondiale donnée à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes, en prenant en compte les moyens de stockage d’énergie et le renforcement des réseaux associés, demande 10 fois plus de machines et d’équipement que leur équivalent en puits de pétrole, gaz, mines de charbon, centrales thermiques et réseaux actuels.</p></li>
<li><p>Du fait des investissements massifs dans le secteur énergétique, la transition induit un <strong>rebond de croissance économique</strong>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="ezlAX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ezlAX/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<ul>
<li>Contrairement à l’intuition keynésienne, les contraintes d’offre s’avèrent déterminantes dans la transition. Ce n’est pas la disponibilité physique en énergie renouvelable qui fait défaut, mais plutôt la capacité productive de l’économie. En d’autres termes, la demande en investissements dans le secteur énergétique est telle que l’appareil productif ne peut pas répondre à la fois à cette nouvelle demande et à la demande en biens de consommation des ménages. Un phénomène de <strong><em>crowding-out</em> de la production industrielle</strong> apparaît dès le début de la transition (en français, on parle d’effet d’éviction). Notons que Temple modélise aussi bien la sphère réelle que financière de l’économie : la contrainte soulignée ci-dessus concerne bien l’économie réelle, la transition ne semblant pas rencontrer d’obstacle majeur d’un point de vue financier.</li>
</ul>
<h2>Épargne, pénurie de travailleurs et inflation</h2>
<ul>
<li>Selon notre modèle, le <strong>taux d’investissement</strong> de l’économie mondiale (c’est-à-dire la fraction du PIB non dédiée à la consommation des ménages et du gouvernement) devrait augmenter de 26 % aujourd’hui à plus de 40 % au pic de la transition.</li>
</ul>
<p><iframe id="1K0Vo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1K0Vo/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une telle situation n’a plus été observée dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis. C’est dire que les simulations du modèle correspondent à une économie de guerre où la production de tanks, obus et bombardiers serait remplacée par celle de panneaux solaires, éoliennes et réseaux électriques. Tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les ménages seraient forcés d’épargner une partie significative de leur revenu, afin de contribuer au financement de ces investissements.</p>
<ul>
<li>Le dynamisme économique provoqué par la transition ne vient pas seulement saturer le capital productif, il cause aussi d’importantes <strong>tensions sur le marché du travail</strong>. Dans le scénario principal étudié avec Temple, le taux d’emploi augmente ainsi de 20 % entre aujourd’hui et 2050.</li>
</ul>
<p><iframe id="3Gh25" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Gh25/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme <a href="https://jwmason.org/slackwire/climate-policy-from-a-keynesian-perspective/">envisagé par J. W. Mason</a>, professeur d’économie au John Jay College de New York, cela induit une pénurie de travailleurs et augmente par-là considérablement leur pouvoir de négociation salariale. Un effet indirect d’une telle transition serait de faire ré-augmenter la part des salaires dans le PIB, de l’ordre de 10 points, alors que celle-ci <a href="https://academic.oup.com/cje/article-abstract/40/6/1517/2875714?redirectedFrom=fulltext">n’a cessé de diminuer depuis 40 ans</a> dans l’ensemble des économies occidentales.</p>
<ul>
<li>Enfin, la démultiplication des coûts en capitaux des entreprises énergétiques, le déséquilibre persistant entre demande en capital et biens de consommation d’une part, et production industrielle de l’autre, ainsi que l’augmentation des salaires, rendent la transition énergétique <strong>fortement inflationniste</strong>. Dans le scénario étudié avec Temple, on observe une inflation soutenue de 10 % en moyenne pour l’économie mondiale.</li>
</ul>
<p><iframe id="Mrld4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mrld4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un tel niveau d’inflation est similaire à ce qu’ont connu les pays de l’Union européenne dans les mois qui ont suivi l’invasion russe de l’Ukraine.</p>
<h2>Une nécessaire restructuration de l’économie en profondeur</h2>
<p>Bien sûr, un tel scénario de transition énergétique a peu de chances de se matérialiser en pratique, tant il implique de sacrifices. Les résultats présentés ci-dessus tranchent avec ce qui peut être observé aujourd’hui dans certains pays européens à la pointe de la transition énergétique tels que le Danemark, où celle-ci semble se dérouler comme un processus relativement fluide. Ces quelques pays ne sont cependant, dans l’absolu, encore qu’au début de la décarbonisation de leur système énergétique. De plus, les panneaux solaires et les éoliennes qui y sont installés sont principalement manufacturés dans d’autres pays, qui eux reposent sur un mix énergétique fossile : les contraintes de capacité productive sont donc invisibilisées.</p>
<p>Grâce à la combinaison des points de vue d’ingénieurs et d’économistes sur la transition, les simulations réalisées avec Temple permettent ainsi de mettre en lumière les fortes perturbations économiques qui seraient engendrées par une transition énergétique ambitieuse. Nous n’en concluons pas pour autant qu’un système énergétique 100 % renouvelable soit inatteignable. En effet, le scénario proposé ci-dessus peut être nuancé de diverses manières, notamment en questionnant la croissance de l’économie mondiale.</p>
<p>Notre but est plutôt de souligner la restructuration profonde de l’économie qu’implique une transition vers un système énergétique décarboné. Une telle transition est fortement inflationniste et fait réémerger au premier plan la question de la répartition de la richesse entre capital et travail. Elle requiert l’adoption de nouvelles formes de gouvernance écologique, à la fois pour gérer cette conflictualité sociale et pour assurer une bonne allocation du capital productif vers les secteurs clés de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Delannoy a reçu des financements de l'INRIA Grenoble. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Andrieu est financé par le think tank The Shift Project. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Jeanmart a reçu des financements de l'UCLouvain pour travailler sur cette thématique. Il a également reçu le prix Bauchau permettant de financer la suite des travaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Pierre Jacques est financé par Hervé Jeanmart grâce au prix Bauchau. Pierre Jacques est par ailleurs membre du think tank l'Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Godin et Sakir Devrim Yilmaz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Besoin en investissement, en travailleurs, conséquences sur la croissance et l’inflation : une équipe pluridisciplinaire a modélisé les conséquences sur l’économie réelle de la transition énergétique.Louis Delannoy, Doctorant en mathématiques appliquées, InriaAntoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Baptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Hervé Jeanmart, Professor, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Sakir Devrim Yilmaz, Modélisateur macroeconomique, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2034342023-04-13T17:50:57Z2023-04-13T17:50:57ZComment développer une finance verte dans les pays émergents ?<p>Lors de l’ouverture du forum Cartac en février 2023, <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2023/02/02/sp-improving-access-climate-finance-cartac">Tobias Adrian</a>, conseiller financier au <a href="https://theconversation.com/topics/fonds-monetaire-international-fmi-54333">Fonds monétaire international (FMI)</a> et directeur du département Monnaie et marchés financiers, déclarait :</p>
<blockquote>
<p>« Le changement climatique sera, selon moi, probablement l’un des principaux défis macroéconomiques, financiers et de politique de dette auxquels les pays membres du FMI devront faire face au cours des prochaines décennies. Pour relever ce défi, il faudra une augmentation massive et sans précédent des investissements mondiaux en faveur de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets. La bonne nouvelle, c’est qu’au rythme actuel de 630 milliards de dollars par an, cette montée en puissance a déjà commencé. »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/pays-en-developpement-130323">pays émergents</a> sont directement concernés par ces défis pour atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies. Dans des publications récentes du FMI, différentes caractéristiques et enjeux du marché des <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/qu-est-ce-qu-un-green-bond-760714.html">« green bonds »</a> des pays émergents sont mis en perspectives. Il s’agit d’obligations, d’emprunts donc, émis sur les marchés dans l’objectif de financer un projet contribuant à la transition écologique.</p>
<h2>Une photographie du paysage</h2>
<p>Beaucoup de pays émergents n’ayant pas les marges de manœuvre budgétaires nécessaires pour investir dans la transition énergétique, les investisseurs privés semblent avoir un rôle important à jouer. Depuis le premier « green bond » émis par la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/ce-pays-est-le-premier-au-monde-a-emettre-un-green-bond_AN-201612190134.html">Pologne</a> en 2016, le mécanisme s’est bien développé. Rohit Goel, Deepali Gautam, and Fabio Natalucci du FMI indiquent dans une <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/09/09/Sustainable-Finance-in-Emerging-Markets-Evolution-Challenges-and-Policy-Priorities-521689">publication</a> récente que l’année 2021 a représenté un tournant en la matière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519817/original/file-20230406-14-gcairu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Émissions de Green bonds depuis 2014, répartition par devise, secteur et catégories d’émetteur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/09/09/Sustainable-Finance-in-Emerging-Markets-Evolution-Challenges-and-Policy-Priorities-521689">Rohit Goel, Deepali Gautam et Fabio Natalucci (2022)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au total, les émissions par les pays émergents ont culminé à <a href="https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2022/10/07/how-to-scale-up-private-climate-finance-in-emerging-economies">103 milliards de dollars</a> en 2021, soit 2,5 fois la moyenne des cinq années précédentes. La Chine est un acteur fondamental de ce marché, second émetteur sur ce segment en pourcentage de son PIB (un peu moins de 2 %) derrière le Chili (près de 4 %).</p>
<p>Elles se font essentiellement en <a href="https://climatedata.imf.org/pages/fi-indicators#fr1">dollar, en euro ou en yuan</a>. En 2021, la Chine a beaucoup émis en dollar, même si, et ce depuis 2014, la part en monnaie locale reste la plus importante. L’Inde, l’Indonésie, le Brésil, le Chili, le Pérou et le Mexique sont aussi de gros émetteurs en dollar. La Malaisie, la Colombie et l’Afrique du Sud privilégient quant à elles la monnaie locale.</p>
<p>Dans certains pays, comme en Chine, les émissions par le secteur financier restent importantes. Sur une période récente néanmoins, la part des émissions par les autres secteurs a beaucoup augmenté. Les émissions souveraines ont en outre atteint une part de 60 % en 2019-2021 (contre 40 % en 2016-18).</p>
<h2>Des initiatives pour doper les investissements</h2>
<p>Les investisseurs, très sensibilisés à la transition énergétique, démontrent un appétit fort pour les « green bonds », ou plus largement pour les investissements à impact ESG (environnemental, social et de gouvernance). Ces actifs offrent aussi des rendements très importants, qui dépassent souvent les rendements des actifs de référence (depuis 2019, de 1,5 à 2,1 points de pourcentage supplémentaires).</p>
<p>On retrouve en toile de fond une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1566014110000142">classification</a> connue des déterminants des mouvements de capitaux. Il existe des facteurs dits <em>Push</em> ou extérieurs, parmi les lesquels le comportement des investisseurs, la recherche de diversification et de profit. On trouve également des facteurs <em>Pull</em> (nationaux) avec notamment les rendements proposés par les pays émergents, modulo les risques associés.</p>
<p>Au-delà, on identifie les questions relatives à notre sujet : les projets verts des pays émergents ou leur volonté d’en développer peuvent-ils attirer durablement les capitaux étrangers ? Est-ce un facteur <em>pull</em> crédible ? Les pays émergents ont-ils à long terme la capacité de mettre en place de tels projets ? Cela ne représente-t-il pas un risque ? Si à court terme les rendements des « green bonds » sont très élevés, ces enjeux de long terme restent primordiaux pour le maintien des investisseurs étrangers sur ce segment.</p>
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<p>Des <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2021-1-page-71.htm">initiatives</a> sont mises en place pour attirer les investissements. En 2018, la société Amundi, en lien avec la <em>International Finance corporation</em>, un partenaire de la Banque Mondiale, a par exemple créé un <a href="https://www.imf.org/-/media/Files/Publications/GFSR/2022/October/English/ch2.ashx">fonds d’obligations vertes</a> émises dans plusieurs pays émergents. <em>Amundi Planet Emerging Green One</em> (tel est son nom) visait un investissement de l’ordre de deux milliards de dollars à la faveur des pays émergents et une plus grande diversification pour les investisseurs. Avec la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, un cadre de référence pour évaluer le niveau de réalisation par les émetteurs des objectifs de l’Accord de Paris a également été mis en place.</p>
<p><a href="https://www.proparco.fr/fr/actualites/finance-climat-proparco-investit-50-millions-deuros-dans-le-1er-fonds-dobligations">Regio</a> – Real Economy Green Investment Opportunity – est le second fond après Amundi à proposer ce type d’investissements. Il est, lui, géré par HSBC Asset Management.</p>
<p>Cela suffira-t-il néanmoins sur le long terme pour financer les projets verts ?</p>
<h2>Approfondir les marchés de la dette</h2>
<p>Les pays émergents font de plus en plus face à un dilemme : soutenir la croissance et la stabilité financière à court terme ou privilégier la croissance à long terme en intégrant les problématiques environnementales.</p>
<p>Parmi les défis, les marchés de la dette en monnaie locale restent à développer comme nous l’indiquions dans un précédent <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-pays-emergents-et-en-developpement-emettent-ils-encore-de-la-dette-en-dollars-et-en-euros-153586">article</a> publié sur <a href="https://theconversation.com/fr">The Conversation</a>. Deux raisons rendent compte des difficultés. Il y a d’une part l’incomplétude des marchés financiers, le manque d’instruments pour se couvrir des risques (risque emprunteur, risque de change) et des coûts de transaction élevés (ce sont les coûts annexes au prix du titre). D’autre part, la faible qualité des institutions, l’instabilité macroéconomique, la forte volatilité du cours de change ou l’inflation élevée, par exemple, ne créent pas un contexte favorable aux investissements étrangers.</p>
<p>Le développement financier des marchés en général reste d’ailleurs parfois faible dans les pays émergents.</p>
<p><iframe id="t5KTo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/t5KTo/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les institutions multilatérales et les banques régionales de développement, comme l’Asian Development Bank, sont des catalyseurs de ces marchés en monnaies locales. En émettant elles-mêmes des titres en monnaie de pays émergents, elles participent à la diminution des risques et donc à l’attrait des investisseurs sur des actifs plus rémunérateurs. Ils deviennent plus nombreux, et par là même les marchés plus liquides. Elles réduisent aussi les coûts de transaction en apportant des conseils techniques aux émetteurs.</p>
<p>Un autre enjeu réside dans la divulgation de données de qualité. Comment savoir à quel point un produit financier ou les activités d’une entreprise s’avèrent vertes ? Un certain niveau de confiance en la fiabilité des informations est nécessaire. L’émetteur en sait plus que l’investisseur sur les conséquences climatiques des projets. Ce dernier se trouve ainsi dans une situation dite d’ <a href="https://theconversation.com/le-triple-defi-de-linvestissement-a-impact-dans-les-pays-emergents-193544">« asymétrie d’information »</a>. Il a en outre besoin d’évaluer correctement le prix des actifs et les risques. Cela peut jouer des tours aux pays émergents, alors que les agences de notation, comme JPMorgan ou Standard & Poor’s, intègrent de plus en plus les scores ESG dans la détermination des <em>ratings</em>.</p>
<p>Le FMI considère en la matière qu’il a un <a href="https://www.imf.org/-/media/Files/Publications/GFSR/2022/October/English/ch2.ashx">rôle à jouer</a> pour aider les pays à mettre en place un système d’information fiable sur la transition climatique et les actifs verts. La conditionnalité qui accompagne les facilités de crédit qu’il accorde aux pays en difficultés économiques pourra ainsi inclure des engagements en termes de politiques macroéconomiques pour le climat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203434/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Lahet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des initiatives, promues notamment par le FMI et la Banque mondiale, tentent de stimuler les appétits des investisseurs privés pour les « green bonds ».Delphine Lahet, Professeur en sciences économiques, BSE, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033742023-04-12T21:46:39Z2023-04-12T21:46:39ZLes analystes financiers, un atout pour la prévention des crises bancaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519616/original/file-20230405-16-mrpyv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C47%2C3900%2C2606&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude, les analystes fournissent des informations pertinentes sur le risque de défaillance jusqu’à un horizon de deux ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/644917">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les récentes difficultés des banques <a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Silicon Valley Bank</a> (SVB) et <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> montrent une nouvelle fois l’importance, pour les investisseurs comme pour les autorités de surveillance, de disposer d’une information fiable pour évaluer la situation financière des établissements bancaires et leur niveau de risque.</p>
<p>Si la production d’information financière est précieuse sur les marchés, notamment pour les gérants de portefeuille qui ne sauraient prendre leurs décisions sans s’informer préalablement de la santé financière des émetteurs de titres, elle revêt une importance toute particulière dans le cas des banques. En effet, ces dernières jouant un rôle primordial dans le financement des économies. Les externalités négatives d’une faillite bancaire peuvent être de grande ampleur et avoir des répercussions sur l’ensemble de l’économie, comme l’a par exemple montré la crise de 2008 dont le point de départ fut la chute de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banque</a> <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/lehman-brothers-le-jour-ou-la-crise-a-commence_2939337.html">Lehman Brothers</a>.</p>
<p>La crise peut donc prendre une dimension systémique dès lors que la taille de l’établissement concerné et l’intensité de ses connexions avec les autres institutions financières favorisent une diffusion du risque au sein du système bancaire. Alors que l’activité des analystes financiers avait jusqu’à présent surtout été envisagée par la littérature académique sous l’angle des entreprises industrielles, nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03752678v3/document">recherches récentes</a> montrent que ceux-ci peuvent aussi jouer un rôle en matière d’évaluation du risque bancaire.</p>
<p>La production d’une information financière s’avère d’autant plus nécessaire dans le cas des banques que ces dernières se caractérisent par une certaine opacité. En effet, les crédits (aux entreprises notamment) étant accordés par les banques sur la base d’une information qu’elles sont les seules à connaître (on parle d’information privée ou de monopole informationnel), la véritable valeur de leurs actifs s’avère particulièrement difficile à estimer pour tout agent économique extérieur à l’établissement.</p>
<h2>Indicateurs avancés</h2>
<p>Les producteurs d’information que sont les analystes financiers publient le fruit de leur « recherche en investissement » sous la forme de prévisions de bénéfices par action (BPA) des sociétés qu’ils évaluent et de recommandations à l’achat (« <em>buy</em> » ou « strong buy ») ou à la vente (« <em>sell</em> » ou « strong sell ») des titres émis par ces dernières.</p>
<p>Les analystes dits <em>buy-side</em> produisent de l’information pour le compte des institutions financières par lesquelles ils sont employés. Les prévisions et recommandations des analystes <em>sell-side</em>, qui peuvent être affiliés à des banques d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investissement</a> ou à des sociétés proposant des services de courtage (<em>brokers</em>), sont destinées à une clientèle extérieure. Il existe également une troisième catégorie d’analystes financiers, qui travaillent pour des structures indépendantes, dont l’activité consiste à proposer exclusivement des services de recherche en investissement, sans aucune prestation de courtage.</p>
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<p>La démarche retenue dans notre étude consiste à introduire les recommandations d’analystes dans un modèle d’alerte avancée des défauts bancaires. Ce type de modèle permet d’une part d’estimer à l’avance leur contenu informatif vis-à-vis des risques de défaillances individuelles, et d’autre part d’évaluer si un décideur politique ayant la volonté et la capacité d’intervenir pour éviter que la banque concernée ne fasse faillite aurait intérêt à intégrer ces recommandations dans le panel d’indicateurs comptables et financiers habituellement utilisés.</p>
<p>Nos estimations indiquent que les recommandations des analystes peuvent être considérées comme des indicateurs avancés du risque de défaillance jusqu’à un horizon de deux ans. L’étude, qui porte sur 148 banques situées dans 25 pays européens entre 2000 et 2020, se concentre sur un ensemble d’épisodes au cours desquels les institutions bancaires ont connu des difficultés, soit parce qu’elles ont fait défaut, soit parce qu’elles ont bénéficié de mesures de soutien de la part du secteur public ou privé.</p>
<p>Le résultat est illustré par le graphique ci-dessous qui représente, dans le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/05/08/dexia-faillite-collective_1697922_3234.html">cas de Dexia</a>, l’évolution de la probabilité de défaillance prédite par le modèle et les épisodes de détresse financière de la banque franco-belge, observés a posteriori.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Probabilité de détresse mesurée par les analystes financiers de la banque Dexia.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au cours du premier épisode, Dexia a fait l’objet d’une recapitalisation (le 30 septembre 2008), a bénéficié d’un dispositif de garantie étatique impliquant la Belgique, le Luxembourg et la France (entre 2008 et 2009) puis a fait l’objet d’un plan de restructuration (adopté en février 2010). La seconde période de détresse a quant à elle été marquée par une nationalisation (en octobre 2011, la banque s’appelant désormais Belfius), de nouvelles garanties accordées à la structure de défaisance Dexia Holding, puis une mise en vente par la Commission européenne (fin 2012).</p>
<p>Le graphique montre clairement que le modèle d’alerte incluant les recommandations d’analystes permet de prédire, plusieurs mois à l’avance, chacun de ces deux épisodes.</p>
<p>Dans le cas plus récent de Credit Suisse, l’évolution des recommandations formulées par les analystes financiers s’est également avérée cohérente avec la détérioration de la situation financière de l’établissement. Alors qu’à la fin de l’année 2020, le consensus des recommandations, qui peut être calculé comme une moyenne des recommandations émises par les analystes couvrant le titre Credit Suisse (en comptant 1 pour « strong buy », 2 pour « <em>buy</em> », 3 pour « <em>hold</em> », 4 pour « <em>sell</em> » et 5 pour « strong sell »), était de 2,31. Il s’élevait à 3,08 en mars 2022 et à 3,23 à la mi-août 2022 (pour atteindre 3,5 le 27 mars 2023) selon la <a href="https://www.investirsorcier.com/systeme-destimation-des-courtiers-institutionnels-ibes-definition/">base de données I/B/E/S</a>.</p>
<p>On notera cependant que ces moyennes masquent une certaine hétérogénéité des recommandations d’un analyste à l’autre, ce qui reflète la difficulté à évaluer un établissement bancaire de grande taille tel que Credit Suisse.</p>
<h2>Complexité des activités</h2>
<p>Notre étude révèle d’ailleurs que le pouvoir de prédiction des recommandations des analystes est plus faible pour les plus grandes banques. Ce résultat s’explique par la complexité croissante de leurs activités, qui, ces dernières décennies, se sont diversifiées et se sont étendues, bien au-delà de l’octroi de prêts et de la réception des dépôts, aux opérations d’assurance ainsi qu’aux activités de marché et de banque d’investissement par exemple.</p>
<p>Finalement, le constat d’une faible <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transparence-27553">transparence</a> des établissements bancaires de grande taille suggère de concevoir l’information produite par les analystes financiers comme un atout supplémentaire, à mobiliser en complément, entre autres, d’un renforcement de la réglementation prudentielle appliquée aux banques de grande taille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bro de Comères a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce projet de recherche a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce projet de recherche a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine</span></em></p>Les prévisions des producteurs d’information constituent des indicateurs avancés des crises qui peuvent survenir. La complexité des activités bancaires complique toutefois leur tâche.Quentin Bro de Comères, Doctorant en Économie bancaire et financière, Université de Poitiers, Université de BordeauxAnne-Gaël Vaubourg, Professeur d'économie, Université de PoitiersSophie Brana, Professeure d'économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2001142023-02-19T17:01:35Z2023-02-19T17:01:35ZAux États-Unis, une fronde contre l’investissement responsable se dessine<p>La vie européenne des affaires et de la finance est rythmée quasi quotidiennement par la nécessité d’adopter des comportements et des objectifs plus ambitieux et plus respectueux en matière sociale ou environnementale, et en particulier en matière de transition vers une économie bas carbone.</p>
<p>Dans le domaine financier, ce mouvement se retrouve fréquemment sous la bannière de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-socialement-responsable-isr-61559">Investissement socialement responsable (ISR)</a> et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)</a> qui, de marginaux, sont devenus un phénomène majeur de l’industrie financière contemporaine.</p>
<p>Ainsi, la Global Sustainable Investment Alliance (GSIA) a estimé en 2020 que les montants relevant de cette catégorie, définie assez largement, représentaient 35 300 milliards de dollars américains et <a href="https://www.gsi-alliance.org">35,6 % des actifs sous gestion</a>.</p>
<p>Au cours de la période récente, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> ont dépassé l’Europe comme première région d’implantation de l’ISR. Cependant, en réaction à cette nouvelle donne internationale, un mouvement récent et essentiellement américain est né pour <a href="https://www.euromoney.com/article/2atqm25qca2tevbrfxh4w/esg/the-anti-esg-funds-exploiting-the-us-political-divide">s’opposer à cette évolution considérée comme préjudiciable aux intérêts des investisseurs</a>.</p>
<h2>Fonds « anti-woke »</h2>
<p>Pour les détracteurs de l’investissement responsable, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fonds-dinvestissement-61371">fonds d'investissement</a> doivent d’abord assurer une rentabilité maximale aux investisseurs (souvent futurs retraités dans un système de retraite par capitalisation). Selon eux, les critères ISR ou ESG servent des intérêts politiques contraires aux valeurs des épargnants concernés. On s’accorde pour parler d’investissement ou de fonds anti-ESG ou <a href="https://www.forbes.com/sites/shivaramrajgopal/2022/10/03/does-the-anti-woke-maga-etf-inadvertently-make-the-case-for-esg/?sh=a8d79b858c31">parfois « anti-woke »</a>.</p>
<p>On retrouve ici l’opposition traditionnelle entre les tenants d’une vision friedmanienne où la responsabilité sociale des entreprises est d’accroître leurs profits et ceux d’une vision partenariale à la Freeman où l’ensemble des parties prenantes (stakeholders) doit être pris en considération.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deux-conceptions-de-lentreprise-responsable-friedman-contre-freeman-195344">Deux conceptions de l’entreprise « responsable » : Friedman contre Freeman</a>
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<p>Cette réaction est plus ou moins liée au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parti-republicain-etats-unis-26326">parti républicain</a>. Certains États américains dirigés par des gouverneurs issus de ce parti (Arkansas, Missoussi, etc.), notamment dans le centre du pays, ont ainsi récemment fait passer des <a href="https://www.morganlewis.com/pubs/2023/01/esg-investing-legislation-predictions-for-the-2023-2024-legislative-session">législations visant à limiter l’application de ces critères</a> à l’investissement, en mettant notamment en avant leur caractère « discriminant » envers d’autres entreprises, lorsque d’autres, dirigés par les démocrates comme le Maine, ont mis en place des législations pro-ESG.</p>
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<p><iframe id="RYKWj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RYKWj/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Légende</strong> :<br>En violet, réglementation favorable aux critères ESG ;<br>En orange, réglementation défavorable aux critères ESG ;<br>En violet clair, présence de réglementations à la fois favorables et défavorables aux critères ESG ;<br>En jaune, aucune réglementation active en attente ou promulguée en matière d’investissement ESG.</em></p>
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<p>La Floride, dont le gouverneur actuel Ron DeSantis fait figure de candidat républicain potentiel à la Maison-Blanche en 2024, a par exemple retiré fin 2022 <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/esg-la-floride-retire-2-milliards-de-dollars-dinvestissements-a-blackrock-1885427">2 milliards de dollars des fonds de pension de l’État</a> de chez Blackrock, le numéro 1 mondial de la gestion d’actifs au sein duquel certains gestionnaires d’actifs tentent de défendre la cause de l’ESG. En réaction, Blackrock a d’ailleurs <a href="https://www.ft.com/content/c8bb6b6c-ad36-41b4-a942-6063e5dd4aee">augmenté de façon très importante ses dépenses de lobbying</a> aux États-Unis tant au niveau fédéral que des États concernés (Floride mais aussi Texas).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1598652817723514884"}"></div></p>
<p>Sous la pression, d’autres fonds comme Vanguard, un autre acteur américain de premier plan, <a href="https://esgclarity.com/anti-esg-movement-spawns-new-fund-in-battle-against-blackrock-vanguard-and-state-street/">s’est retiré</a> de la <a href="https://www.netzeroassetmanagers.org">Net Zero Asset Managers Initiative</a>, un groupe international de gestionnaires d’actifs qui s’est engagé à appuyer l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050.</p>
<p>Au-delà du clivage politique, cela peut-être la défense d’intérêts économique locaux, comme <a href="https://www.societe.com/actualites/cw6_ww_2_c_vw2a_focb_a_a_v%7E_w2_g_fw_fw2_r_fw_2-65378.html">l’industrie pétrolière texane</a> qui conforte également ce positionnement anti-ESG. En sens inverse, le responsable des fonds de pension publics de la ville de New York a estimé que Blackrock <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/l-esg-a-vecu-une-annee-2022-tourmentee-5f0bf77ba5fd2f196471ccb3af23dd75">n’en faisait pas suffisamment pour le climat</a>.</p>
<h2>Des fonds anti-ESG encore jeunes</h2>
<p>Surfant fort opportunément sur cette vague sont nés très récemment aux États-Unis, des fonds se revendiquant ouvertement anti-ESG. En mai 2022, le fonds Strive, basé dans l’Ohio, a par exemple lancé un produit financier dédié au secteur américain de l’énergie (avec l’acronyme de cotation « DRLL » qui fait écho au mot « drill », forage en français) qui cumulait au 31 janvier 2023 395 <a href="https://www.strivefunds.com/index.php">millions de dollars</a>, selon la base de données financières <a href="https://www.factset.com/">Facset</a>. Avec ce produit, le fonds s’engage à ne pas prendre en compte les dimensions ESG et à voter contre les décisions visant à les renforcer lors des assemblées générales des entreprises dans lesquelles il a des parts.</p>
<p>Sans complexe, Strive annonce sur son <a href="https://strive.com/why-strive/">site Internet</a> que sa mission est « de rétablir la voix des citoyens ordinaires dans l’économie américaine en conduisant les entreprises à se concentrer sur l’excellence et non la politique ».</p>
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<p>Dans le même sens, d’autres produits financiers ont récemment pour la plupart vu le jour : « BAD » qui investit dans des sociétés cotées aux États-Unis qui font des paris, de l’alcool, du cannabis et des drogues, mais qui ne réunit que 9 millions de dollars au 31 janvier 2023 ; « VICE » qui investit dans des entreprises américaines impliquées dans l’alcool et le tabac, les aliments et les boissons, et les activités liées aux jeux (9 millions de dollars au 31 janvier 2023) ; « God Bless America » (YALL) qui exclut les entreprises perçues comme mettant l’accent sur l’activisme politique de gauche et/ou libéral et les programmes sociaux (32 millions de dollars au 31 janvier 2023) ; ou encore « LYFE », qui se focalise sur des entreprises répondant à des critères sociaux pro-vie (anti-avortement, 18 millions de dollars au 31 janvier 2023).</p>
<p>Certes, les montants restent encore très modestes et ne menacent pas pour l’instant directement les géants de la gestion d’actifs. Cependant, ce mouvement, encore jeune, instaure un climat inquiétant. Strive <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20230105005435/en/Strive-Launches-ESG-Transparency-Campaign-for-Financial-Advisors">suggère</a> ainsi aux épargnants de demander à leurs gestionnaires de patrimoine si ces derniers ont investi pour eux dans des fonds qui ont voté en faveur de « l’équité raciale », d’une « réduction des émissions de CO<sub>2</sub> » ou qui sous pondèrent dans leurs portefeuilles les entreprises spécialisées dans le pétrole, le charbon ou les armes à feu. Si la réponse est « oui », le fonds encourage à demander de sélectionner des investissements qui correspondent davantage aux « valeurs » de l’épargnant…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de la FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises)</span></em></p>De nouveaux produits financiers spécifiquement dédiés aux investissements dans les énergies fossiles ou les armes à feu commencent à être proposés aux épargnants.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1990212023-02-08T19:50:46Z2023-02-08T19:50:46ZEffectuer des investissements responsables, ce n’est pas renoncer à leur rentabilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507573/original/file-20230201-12-1t67al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C347%2C6272%2C3370&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prendre en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ce n'est pas renoncer au profit.</span> </figcaption></figure><p>Elles sont désormais mille, <a href="https://youtu.be/Yk9enFU4rww?t=2152">mille</a> entreprises à s’être constituées en « société à mission ». Elles ont inscrit dans leurs statuts une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038589926/#:%7E:text=Les%20statuts%20doivent%20%C3%AAtre%20%C3%A9tablis,les%20modalit%C3%A9s%20de%20son%20fonctionnement.">raison d’être</a>, des objectifs qui s’ajoutent à celui de réaliser un profit. Pour en contrôler le suivi, elles se sont dotées d’un organisme, le comité de mission, obligatoire au-delà de 50 salariés. Ce comité a aussi été largement adopté par les sociétés à mission en dessous de ce seuil (<a href="https://www.entreprisesamission.org/le-comite-de-mission/">77 %</a>). Cette possibilité, ouverte par la loi Pacte promulguée en mai 2019, a été adoptée avec une croissance fulgurante qui témoigne d’une volonté des entreprises d’orienter leur activité vers la poursuite d’objectifs sociaux et/ou environnementaux.</p>
<p>Le mouvement passe aussi par les acteurs financiers qui soutiennent celles ayant un impact positif. À l’échelle de l’Europe, pour promouvoir le développement de la finance durable, <a href="https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/comprendre-les-produits-financiers/finance-durable/faire-un-placement-durable/finance-durable-bien-comprendre-la-taxonomie-et-le-reglement-sfdr-pour-exprimer-vos-preferences">deux règlements</a> ont été adoptés pour favoriser une forme de transparence. Une directive complémentaire entrera en vigueur en 2024.</p>
<p>L’enjeu est aussi de prévenir l’écoblanchiment ou <em>greenwashing</em>, situation dans laquelle un souci écologique est affiché mais de manière tout à fait cosmétique, sans implication autre que de vouloir travailler son image. C’est pour cette raison, notamment, que la mesure de l’impact non financier, avec la collecte de données fiables, s’avère un véritable <a href="https://theconversation.com/le-triple-defi-de-linvestissement-a-impact-dans-les-pays-emergents-193544">défi</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Yk9enFU4rww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Pour des évolutions notables la loi seule ne suffira ainsi pas : l’enjeu est aussi <a href="https://theconversation.com/the-academic-world-must-take-action-for-more-responsible-sustainable-finance-97116">éducatif</a>. C’est ce que souligne le think tank The Shift Project dans un <a href="https://theshiftproject.org/article/climatsup-finance-rapport-final/">rapport récent</a> intitulé « Former pour une finance au service de la transition ». Il s’agit d’intégrer des modules de finance durable et de comptabilité environnementale dans les cursus de formation mais aussi de développer, à destination des épargnants, une communication claire sur les placements durables et responsables.</p>
<p>Un processus de conversion du secteur est à opérer, et des arguments peuvent d’ores et déjà venir le soutenir. Dans nos travaux sur l’investissement responsable, présentés dans un ouvrage à paraître aux éditions ESKA, nous avons étudié comment un intermédiaire financier peut, en tant qu’investisseur, employer concrètement les fonds dont il dispose pour contribuer au <a href="https://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=236">bien commun</a> en soutenant des sociétés qui ont un impact positif, tout en préservant une performance financière. Les deux ne sont pas incompatibles.</p>
<h2>Faire davantage qu’éviter de nuire</h2>
<p>Le règlement européen <a href="https://www.medef.com/fr/actualites/reglement-taxonomie-1">« taxonomie »</a> classifie déjà les activités économiques à partir de six critères environnementaux. Le <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/entree-en-application-au-10-mars-2021-du-reglement-sfdr-pour-les-societes-de-gestion-de-portefeuille">règlement SFDR</a> (pour <em>Sustainable Finance Disclosure Regulation</em>), quant à lui, oblige les intermédiaires financiers à publier des informations sur des critères extrafinanciers de leurs investissements. </p>
<p>Votée en novembre dernier, la Directive <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/11/28/council-gives-final-green-light-to-corporate-sustainability-reporting-directive/">CSRD</a> (<em>Corporate Sustainability Reporting Directive</em>) encadrera bientôt les rapports extrafinanciers d’environ 50 000 entreprises européennes afin qu’elles fournissent les informations nécessaires pour évaluer les impacts pour la collectivité, négatifs comme positifs, de la valeur créée.</p>
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<p>Au-delà, un travail de longue haleine est indispensable pour faire évoluer les cadres de réflexion sur la notion de rentabilité. Dans la <a href="https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-finance--9782376870456-page-4.htm">théorie financière standard</a>, tout investisseur rationnel cherche à maximiser l’espérance de rendement d’un placement sous contrainte d’un niveau de risque donné. Intégrer d’autres paramètres, sociaux ou environnementaux, nécessite un changement de paradigme économique indispensable afin de prendre en compte les externalités et de raisonner en considérant la rentabilité globale.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507569/original/file-20230201-26-ze6fv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le label ISR a été mis en place en 2016. Il vise à « permettre aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie robuste d’investissement socialement responsable (ISR), aboutissant à des résultats mesurables et concrets ».</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les concepts émergents, on retrouve ainsi l’<a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/linvestissement-socialement-responsable">investissement socialement responsable</a> (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-socialement-responsable-isr-61559">ISR</a>), qui fait déjà, bien que <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/3f87346e-fa4c-404a-96ff-a39a8566303c/files/7c38d137-4aa7-4dc1-bfc0-734b2eb92ca6">critiqué</a>, l’objet d’un label. Il est attribué notamment aux fonds qui prennent en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">critères ESG</a>) dans leur politique d’investissement.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=finance+%C3%A0+impact">finance à impact</a> va cependant plus loin que l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=ISR">ISR</a>. Comme le dit le <a href="https://thegiin.org/impact-investing/need-to-know/#what-is-impact-investing">Global Impact Investing Network</a>, il s’agit d’investissements réalisés explicitement, « avec l’intention de générer un impact social et environnemental positif et mesurable ». L’ONG estime aujourd’hui leur <a href="https://thegiin.org/assets/2022-Market%20Sizing%20Report-Final.pdf">volume mondial</a> à 1 164 milliards de dollars, avec une augmentation de 70 % en deux ans.</p>
<p>Le mot « impact », du latin <em>impactio</em>, choc, heurt, implique une forte intensité de la transformation. Il s’agit de dépasser les filtrages négatifs visant à simplement « éviter de nuire » mais aussi de prouver les effets bénéfiques pour la société et l’économie réelle, comme l’explique l’<a href="https://financefortomorrow.com/app/uploads/2021/09/Finance-for-Tomorrow-Definition-de-la-finance-a-impact-Septembre-2021-5.pdf">Institut de la finance durable</a> (ex-<em>Finance for Tomorrow</em>). Ce dernier a formalisé trois principes piliers pour la finance à impact : <strong>l’intentionnalité</strong>, une volonté de l’investisseur de contribuer au développement durable ; <strong>l’additionnalité</strong>, qui correspond à une contribution particulière de l’investisseur permettant à l’entreprise ou au projet financé d’accroître l’impact net positif généré ; et enfin <strong>la mesure d’impact</strong>, l’évaluation des effets.</p>
<h2>Impactant et financé</h2>
<p>Nous avons, dans nos travaux, retrouvé ces trois piliers dans plusieurs entreprises financées par des fonds à impact.</p>
<p><a href="https://www.mabonneetoile.eco/">Ma Bonne Étoile</a>, société à mission certifiée B Corp, propose des solutions au tout jetable en développant des contenants alimentaires réutilisables, conditionne ses produits dans un établissement spécialisé dans l’emploi de personnes en situation de handicap et reverse 2 % de son chiffre d’affaires à des associations.</p>
<p><a href="https://www.kelbongoo.com/">Kelbongoo</a>, entreprise de l’économie sociale et solidaire, développe dans les quartiers mixtes et populaires des circuits courts alimentaires pour offrir des produits frais à prix plus bas pour le consommateur. La démarche recherche aussi une meilleure marge pour les producteurs locaux aux pratiques respectueuses de l’environnement et des animaux.</p>
<p><a href="https://www.ecov.fr/fr">Ecov</a>, basé à Nantes, déploie des lignes de covoiturage hors des centres-villes avec la complicité des usagers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1620400332366024705"}"></div></p>
<p>Dans les trois cas, il y a bien intentionnalité : l’investisseur a la volonté de contribuer à générer un bénéfice social et/ou environnemental en sélectionnant des entreprises avec une stratégie « Impact first ». L’additionnalité, apport concret de l’investisseur, passe par une politique d’engagement sur le long terme (avec un horizon d’investissement de 5 à 7 ans pour un fonds analysé dans nos travaux), une participation active à la gouvernance et/ou une mise en réseau de la start-up partenaire.</p>
<p>La mesure d’impact passe par des indicateurs tout au long de la chaîne de valeur, à partir d’une grille d’analyse claire et transparente (empreinte carbone, suivi des enjeux sociaux…), pour pouvoir exprimer le degré de réussite de la stratégie et communiquer les résultats. Dans chacun de ces cas, on peut ainsi parler de finance à impact.</p>
<h2>Une prime à la performance ESG</h2>
<p>Pour les investisseurs apparaît bien un double objectif de performance financière et extrafinancière. La recherche d’une relation entre les critères ESG et la rentabilité des entreprises a fait l’objet de plus de 2000 études empiriques. Malgré une certaine confusion liée à des pratiques divergentes entre les agences de notation extrafinancière, une <a href="https://www.researchgate.net/publication/287126190_ESG_and_financial_performance_Aggregated_evidence_from_more_than_2000_empirical_studies">méta-analyse</a> complémentaire à nos études de cas montre qu’environ 90 % des travaux trouvent une relation ESG-performance financière positive ou nulle.</p>
<p>L’enquête mondiale du cabinet de conseil <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/sustainability/our-insights/the-esg-premium-new-perspectives-on-value-and-performance">McKinsey</a> indique même que les dirigeants et les professionnels de l’investissement seraient prêts à payer une prime médiane d’environ 10 % pour acquérir une société ayant une forte performance ESG. La majorité (57 %) des répondants s’accorde à dire que ces programmes créent de la valeur pour les actionnaires. Ainsi est-il possible de générer une performance sociale ou environnementale, sans sacrifier un profit financier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1238852945237741570"}"></div></p>
<p>L’évolution du cadre réglementaire et les actions concrètes mises en œuvre témoignent de la réalité de la finance à impact mais ce n’est qu’un début et les défis restent nombreux. L’une des pistes de recherche actuelles est, par exemple, d’analyser la compréhension, par les <a href="https://www.maddyness.com/2023/01/11/financement-start-up-frenchtech/">investisseurs</a>, de la proposition de valeur environnementale des <em>green start-up</em>. L’idée est de favoriser le financement de l’innovation quand elle porte un objectif environnemental, dans un contexte où l’issue de la stratégie de développement du projet reste <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2022-4-page-129.htm">incertaine</a> pour l’investisseur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199021/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des études récentes montrent que la finance à impact ne contrevient pas à l’objectif plus traditionnel de faire du profit, bien au contraire.Caroline Marie-Jeanne, Maître de conférences en sciences de gestion - IAE Angers - Chercheur au GRANEM, Université d'AngersCatherine Deffains-Crapsky, Professeur des Universités en Finance - UFR DEG - Chercheur au GRANEM, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1989212023-02-08T19:49:11Z2023-02-08T19:49:11ZL’essor des énergies renouvelables engendre de nouveaux risques pour les investisseurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507370/original/file-20230131-10245-n9up99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C10%2C914%2C594&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’objectif de neutralité carbone d’ici 2030 implique plus de 2&nbsp;000&nbsp;milliards de dollars d’investissements annuels, selon l’Agence internationale de l’énergie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sunciti_sundaram/14355126874">Sunciti/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à l’impérieuse nécessité de lutter contre le changement climatique et de mettre un terme à l’exploitation des énergies fossiles, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energies-renouvelables-22981">énergies renouvelables</a> paraissent promises à un bel avenir. En croissance régulière depuis plusieurs années, elles ont représenté <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-energies-renouvelables-en-france-en-2020-suivi-de-la-directive-200928ce-relative-la-promotion">19,1 % de la consommation finale brute d’énergie en France</a> en 2020. Outre-Manche, <a href="https://www.nationalgrid.com/stories/energy-explained/how-much-uks-energy-renewable">43 % de l’énergie consommée au Royaume-Uni</a> provient désormais de sources renouvelables comme l’éolien, le solaire, ou encore l’hydroélectrique.</p>
<p>Dans ce contexte, l’investissement dans les valeurs du secteur des énergies renouvelables apparaît comme particulièrement attrayant. Une nette accélération des investissements dans les énergies renouvelables reste en effet essentielle pour soutenir la croissance économique, tout en assurant la transition vers un monde plus vert.</p>
<p>Selon l’Agence internationale de l’énergie, <a href="https://www.la-croix.com/environnement/Climat-lAgence-internationale-lenergie-prevoit-pic-emissions-CO2-liees-lenergie-2025-2022-10-27-1201239635">plus de 2 000 milliards de dollars d’investissements annuels</a> dans l’électricité propre seront d’ailleurs nécessaires d’ici 2030 pour espérer atteindre la neutralité carbone.</p>
<p>La guerre en Ukraine a en outre mis en évidence les risques posés par la dépendance des États aux importations d’hydrocarbures. Dans ces conditions, les projets de développement des énergies renouvelables s’imposent comme un impératif aussi bien environnemental que politique.</p>
<p>Pour autant, nous soulignons dans une <a href="https://edhec.infrastructure.institute/wp-content/uploads/2022/11/EDHECinfra_Research_Does-the-rise-of-renewable-energy-create-new-risks-for-investors.pdf">étude EDHECinfra</a> que ce type d’investissement comporte un certain nombre de risques qui lui sont inhérents. Nos travaux ont porté sur le suivi de 20 ans de transition énergétique au Royaume-Uni, un exemple d’économie qui a réussi à s’éloigner du tout-charbon et à effectuer une transition rapide vers les énergies renouvelables, tout en s’appuyant sur des installations hydroélectriques et nucléaires limitées.</p>
<h2>La prime de risque augmente</h2>
<p>Comme dans la plupart des économies développées, la part croissante des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique a créé de nouveaux défis :</p>
<ul>
<li><p>une augmentation des coûts de développement ;</p></li>
<li><p>une plus grande volatilité de production ;</p></li>
<li><p>une volatilité accrue des prix du marché.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, alors que les énergies renouvelables enregistrent des bénéfices records (une récente <a href="https://edhec.infrastructure.institute/paper/the-pricing-of-green-infrastructure/">note de recherche de l’EDHECinfra</a> a montré que le rendement des actifs liés aux énergies renouvelables européennes a atteint 16 % en 2020, contre 10 % en 2015), les risques que rencontrent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investisseurs</a> augmentent également.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/investissements-verts-une-sur-performance-amenee-a-durer-192647">Investissements verts : une (sur)performance amenée à durer ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Et si l’intérêt de ces derniers reste fort, la prime de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> exigée par le marché dans les projets éoliens et solaires non cotés a recommencé à augmenter depuis le début de 2022, après avoir diminué pendant une décennie. Cette prime atteint maintenant 700 points de base pour les projets éoliens dans les économies les plus développées, d’après notre indicateur <a href="https://edhec.infrastructure.institute/get-started/">infraMetrics</a>, fournisseur de données, contre un peu plus de 500 à la fin 2020.</p>
<p>La transition rapide vers une production d’énergies renouvelables intermittentes a donc des conséquences non négligeables sur les investisseurs.</p>
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<p>Ces conséquences sont de plusieurs ordres : l’instabilité du système énergétique, tout d’abord, mais aussi l’augmentation de la valeur de la production de gaz qui reste l’une des principales sources d’énergie, une volatilité accrue des prix, et bien sûr un impact négatif sur les rendements attendus par les investisseurs.</p>
<p>Pour rééquilibrer les risques, la mise en place de mécanismes de stabilisation des prix pourrait avoir des conséquences positives, aussi bien pour les investisseurs que pour les consommateurs.</p>
<h2>La stratégie des capacités de stockage</h2>
<p>Pour ce qui est des investisseurs, il s’agit là d’une opportunité pour mieux penser et gérer les risques auxquels ils sont exposés. Une partie de ces risques peut être gérée par l’investissement vers les technologies qui semblent aujourd’hui les plus nécessaires, comme celles qui permettent d’augmenter des capacités de stockage. À ce jour, la majorité des nouveaux investissements sont en effet orientés vers la production d’énergie intermittente (comme l’éolien et le photovoltaïque). Or, les capacités de stockage peinent à se développer au même rythme, ce qui fragilise la chaîne d’approvisionnement.</p>
<p>Mais d’autres outils que la stratégie d’investissement sont également mobilisables. À cet égard, on peut citer la diversification. Par exemple : associer des investissements dans plusieurs types d’énergies renouvelables, comme les énergies éoliennes et solaires, ou dans plusieurs pays européens.</p>
<p>Les investisseurs peuvent aussi opter pour un recours à des stratégies de couverture comme le <em>hedging</em> (contrats d’assurance ou de garantie contre le risque). Les <em>Power Purchase Agreement (PPAs) et les</em> <em>Contracts for difference</em> (CfDs), des instruments financiers pensés pour limiter les risques de pertes, peuvent également être mobilisés.</p>
<h2>L’urgence de stabiliser les prix</h2>
<p>Si les investisseurs disposent de levier pour maîtriser les risques auxquels ils s’exposent, une intervention publique forte reste nécessaire pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Il s’agit d’abord de protéger les consommateurs de l’envolée des prix (<a href="https://www.ons.gov.uk/economy/inflationandpriceindices/articles/costoflivinginsights/energy">+65,5 % pour l’électricité</a> au Royaume-Uni sur la période de novembre 2021 à novembre 2022, <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15944">+15 % en France</a> à partir de janvier 2023 grâce au bouclier tarifaire).</p>
<p>Ainsi, la préservation des mécanismes de stabilisation des prix existants comme le <a href="https://theconversation.com/a-quoi-ressemblerait-leconomie-francaise-sans-bouclier-tarifaire-195834">bouclier tarifaire</a> en France, les « contrats de différence », ou encore la fin du couplage des prix entre le gaz et l’électricité apparaît comme essentielle.</p>
<p>Ce type de mesure permettrait en effet de pallier les déficiences d’un marché qui se base de plus en plus sur la production d’énergies renouvelables, mais où le gaz reste, paradoxalement, la mesure de toute chose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La volatilité des marchés ou encore la hausse des coûts de développement a engendré une hausse de la prime de risque ces dernières années.Frédéric Blanc-Brude, Directeur de l'EDHEC Infrastructure Institute, EDHEC Business SchoolLaurence Monnier, Research Associate and member of the EDHECinfra Advisory Board, EDHEC Business SchoolLeonard Lum, Data analyst, EDHECinfra, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854762023-01-12T14:45:33Z2023-01-12T14:45:33ZLes cryptomonnaies sont en crise, mais elles n'ont pas dit leur dernier mot<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478142/original/file-20220808-16-un4tsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C6183%2C4147&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un travailleur de Hope House, une organisation qui parraine l'utilisation des cryptomonnaies sur la plage d'El Zonte, fait un achat dans un petit magasin qui accepte les bitcoins, à Tamanique, au El Salvador, le 9 juin 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Salvador Melendez)</span></span></figcaption></figure><p>Les cryptomonnaies connaissent une crise sans précédent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryptomonnaie">depuis l'arrivée des premiers actifs cryptés et monnaies virtuelles</a>, dans les années 90, et leur démocratisation dans les années 2010. </p>
<p>Le Bitcoin a connu une dégringolade sans précédent à la fin de l’année 2020, et ne s'en est pas encore remis. En plus de cette baisse marquée, on discute abondamment de l’effondrement inquiétant de certaines cryptomonnaies dites stables <a href="https://www.investopedia.com/terms/s/stablecoin.asp">(« stablecoins »)</a>, censées être moins volatiles. </p>
<p>À cela s'ajoute la chute de géants du milieu des cryptoactifs, notamment en raison <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1945861/fondateur-cryptomonnaie-ftx-bankman-fraude">d'allégations de fraude, comme pour le scandale de FTX</a>. À l'apogée de son activité, cette plate-forme d'échange comptait un million d'utilisateurs et occupait la troisième place d'échanges de cryptomonnaie en termes de volume.</p>
<p>Des experts s'entendent pour dire que les contrecoups de son effondrement ont affecté durement les investisseurs, ralentissant au passage le rythme d'adoption des cryptoactifs <a href="https://www.cnbc.com/2022/12/19/three-ways-the-ftx-disaster-will-reshape-crypto.html">pour les prochaines années</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/investir-dans-les-cryptoactifs-voici-comment-limiter-le-risque-detre-expose-a-une-fraude-182835">Investir dans les cryptoactifs : voici comment limiter le risque d’être exposé à une fraude</a>
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<p>En tant qu’experte dans le domaine des cryptomonnaies, je tenterai de fournir des pistes de réponses à la question suivante : les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou ne s’agit-il que d’un effet de mode ?</p>
<h2>Spéculation et volatilité extrême</h2>
<p>Les cryptoactifs sont notamment des jetons qui peuvent servir à des fins de monnaie numérique (soit des cryptomonnaies, telles que le Bitcoin et l’Ethereum). Ils sont également utilisés à des fins d’investissement dans une entité (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« security token »</a>, un jeton donnant droit à la propriété d’une portion d’une entité), ou à des produits ou services (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« utility token »</a>, soit un jeton donnant droit à l’obtention d’un produit une fois sa production terminée, par exemple).</p>
<p>Les <a href="https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-stablecoin">jetons stables</a>, qui sont censés être associés à une moindre volatilité, ont ceci de particulier qu’ils sont adossés à une devise (comme le dollar US), un produit de base (« commodity », par exemple l’or) ou encore un instrument financier (par exemple une action ou une obligation). Cela a pour objectif de conserver la stabilité de la valeur de la monnaie numérique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme montre l’écran de son téléphone sur lequel on peut voir son solde de cryptomonnaies" src="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Erich García, un programmeur et YouTuber de 33 ans, pose avec son portefeuille de bitcoins, dans sa maison de La Havane, à Cuba, en mars 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ramon Espinosa)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1890611/bitcoin-bas-marche-cryptos">manchettes font état</a> presque quotidiennement de la dégringolade du Bitcoin. Bien que cette chute ne soit pas la première, elle marque particulièrement les esprits, car il s’agit d’une baisse de valeur sans précédent <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/marches/2022-05-13/cryptomonnaies/pourquoi-un-krach.php">depuis la fin de 2020</a>. Cet effondrement s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt et la fuite des investisseurs de ces investissements risqués. Bien qu’il ait repris de la valeur depuis, le Bitcoin reste néanmoins loin des sommets déjà atteints.</p>
<p>Cette couverture médiatique soulève beaucoup de questionnements sur la pérennité de ces cryptoactifs. En effet, ces derniers sont marqués par une volatilité extrême associée à sa <a href="https://theconversation.com/interet-croissant-pour-les-cryptomonnaies-le-debut-dune-plus-grande-cohesion-internationale-179155">non-réglementation sur les marchés</a>, en plus d’être associés à la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-speculation-sur-le-bitcoin-s-apparente-a-la-tulipomanie-selon-la-banque-de-france-906709.html">spéculation par plusieurs intervenants dans le monde de la finance</a>.</p>
<p>D’ailleurs, la BBC rapportait récemment que le blanchiment de cryptomonnaies avait <a href="https://www.bbc.com/news/technology-60072195">augmenté de 30 % en 2021</a>. La <a href="https://www.ftc.gov">Federal Trade Commission</a>, qui a pour objectif de protéger les consommateurs américains, a pour sa part rapporté que des schémas de fraude ont coûté <a href="https://www.ftc.gov/business-guidance/blog/2022/06/reported-crypto-scam-losses-2021-top-1-billion-says-ftc-data-spotlight">plus d’un milliard de dollars en cryptomonnaies en 2021 à des investisseurs</a>. Inutile de dire que bien peu d’investisseurs floués ont revu la couleur de leur argent.</p>
<h2>Un milliard d’utilisateurs d’ici 2022</h2>
<p>Or, nous voyons une augmentation lente, mais certaine, de l’adoption des cryptomonnaies par des entreprises. Dans le cadre d’une étude en cours portant sur l’impact de l’adoption des cryptomonnaies par des sociétés publiques sur leur responsabilité sociale, j’ai noté que nombre d’entre elles, telles que Starbucks et McDonald’s, ont commencé à accepter le Bitcoin comme forme de paiement. Cela est notamment le cas dans leurs succursales du Salvador, dans la foulée de l’adoption par ce pays du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1822158/salvador-premier-pays-adopter-bitcoin-monnaie-officielle-cryptomonnaie">Bitcoin comme monnaie officielle</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1487634924865740804"}"></div></p>
<p>D’autres, comme le géant japonais du commerce en ligne <a href="https://www.rakuten.ca/">Rakuten</a>, ont plutôt choisi d’accepter les cryptomonnaies sans que l’adoption du Bitcoin par un pays, notamment, ne les y pousse. Elles disent être portées par le désir d’offrir davantage d’options de paiement à leurs clients.</p>
<p>La base des utilisateurs des cryptomonnaies grandit d’année et année. Ainsi, Crypto.com, une plate-forme d’échange, a estimé qu’environ 295 millions de personnes étaient entrées sur le marché des cryptomonnaies en <a href="https://assets.ctfassets.net/hfgyig42jimx/5i8TeN1QYJDjn82pSuZB5S/85c7c9393f3ee67e456ec780f9bf11e3/Cryptodotcom_Crypto_Market_Sizing_Jan2022.pdf">date de décembre 2021</a>. Cette plate-forme prévoit même un nombre d’utilisateurs franchissant la barre des 1 milliard d’ici décembre 2022.</p>
<p>Les cryptomonnaies permettent aussi à des populations, dont les systèmes bancaires sont peu fiables ou peu sécurisés, d’avoir accès à une forme de système bancaire parallèle, indépendante du système bancaire traditionnel. L’opportunité d’avoir accès à une forme différente de système bancaire, pour une partie moins nantie de la population, est d’ailleurs l’une des raisons avancées par le président du Salvador pour <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/05/world/americas/el-salvador-bitcoin-national-currency.html">justifier l’accession du Bitcoin au titre de monnaies légales du pays</a>.</p>
<h2>Une fluctuation salutaire</h2>
<p>L’intérêt croissant envers la <a href="https://www.cnbc.com/2021/06/18/whats-defi-crypto-based-decentralized-finance-explained.html">finance décentralisée (DeFi)</a>, de même que le développement du métavers, sont aussi des facteurs qui influencent la pérennité des cryptomonnaies. La finance décentralisée a souvent recours à des jetons stables (« stablecoins ») aux fins de son fonctionnement. Le métavers, un <a href="https://theconversation.com/le-metavers-une-contree-numerique-aux-mille-facettes-172267">univers constitué de mondes virtuels en 3D</a>, permet lui aussi l’utilisation de cryptomonnaies pour l’acquisition de biens ou de services, créant ainsi un univers immersif.</p>
<p>Des spécialistes dans le secteur estiment que, malgré la débâcle que le marché des cryptoactifs a connu récemment, la finance décentralisée, notamment via des produits adossés à des cryptoactifs, <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">est là pour rester</a>. Cela s’explique par la présence d’un marché et d’acteurs prêts à y participer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne tient une pièce de monnaie Bitcoin devant un écran" src="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les cryptomonnaies peuvent être utilisées à des fins transactionnelles dans le métavers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’ailleurs, ils avancent que cette baisse marquée des marchés liés aux cryptomonnaies, bien qu’elle fasse disparaître certains acteurs, est la bienvenue. De <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">l'aveu même de Raoul Ullens</a>, cofondateur de la <a href="https://blockchainweek.be/">Brussels blockchain Week</a> (une conférence annuelle qui s’articule autour de la chaîne de blocs et des cryptomonnaies) :</p>
<blockquote>
<p>il est sain, pour l’adoption, la maturation de ces technologies du Web3, d’écrémer, de rééquilibrer le secteur. […] Un écosystème malsain n’attirera pas les masses.</p>
</blockquote>
<p>Selon ces acteurs, une telle baisse des marchés des cryptoactifs est non seulement nécessaire, mais également salutaire, notamment pour rééquilibrer la valorisation.</p>
<h2>Les cryptomonnaies sont là pour rester</h2>
<p>Le lancement de cryptomonnaies par des banques centrales, via les monnaies digitales de banque centrales (MDBC) (ou « central bank digital currency » (CBDC) en anglais), donne aussi du poids à la permanence des cryptoactifs. En effet, la Banque du Canada travaille actuellement à la <a href="https://www.bankofcanada.ca/research/digital-currencies-and-fintech/projects/central-bank-digital-currency/">création d’une MDBC</a>. Selon l'institution, une MDBC émise par cette autorité serait une <a href="https://www.banqueducanada.ca/recherches/monnaies-numeriques-et-technologies-financieres/projets/monnaie-numerique-de-banque-centrale/?_gl=1*66um6m*_ga*ODkyMTkwNTM2LjE2NTc1NDY2Njg.*_ga_D0WRRH3RZH*MTY1NzU0NjY2Ny4xLjAuMTY1NzU0NjY2OS4w&_ga=2.176461989.1290726791.1657546668-892190536.1657546668">« monnaie numérique officielle qui conserverait sa valeur nominale en dollars canadiens, tout comme les billets, car elle serait émise par la Banque du Canada »</a>.</p>
<p>D’autres nations dans le monde ont pour leur part déjà émis une telle monnaie, dont les <a href="https://www.ndtv.com/business/here-are-the-timelines-and-status-of-central-bank-digital-currencies-in-some-countries-2820164">Bahamas (Sand Dollar) et le Nigéria (eNaira)</a>. Les MDBC sont différentes des monnaies numériques issues du privé (comme le Bitcoin ou l’Ethereum), notamment parce que leur utilisation prévue est seulement à des fins de transaction, et non d’investissement ou spéculation. Elles offrent les mêmes possibilités d’utilisation que l’argent comptant. </p>
<p>Les MDBC visent également à promouvoir l’inclusion financière d’une partie de la population n’ayant que peu ou pas d’accès au système bancaire traditionnel et simplifier la mise en œuvre de la politique monétaire et budgétaire des pays émetteurs.</p>
<p>Les développements dans le monde des monnaies numériques, que ce soit dans le métavers ou encore la venue de MDBC, et l’engouement qu’elles ne cessent de susciter, font de ce type d’actifs des devises qui sont là pour rester.</p>
<p>Cette pérennité prendra une forme qui continuera à évoluer et se transformer au fil de l’avancée des technologies les supportant (notamment, les chaînes de blocs) et de la variation dans la demande provenant des utilisateurs et/ou investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185476/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte a reçu des financements de la Fondation des CPA du Québec.</span></em></p>Les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou est-ce qu’il ne s’agit que d’un effet de mode ?Annie Lecompte, Assistant prof - Audit, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963512022-12-26T17:48:27Z2022-12-26T17:48:27ZLa tête du dictateur, ça compte pour les investisseurs !<p>Qu’est-ce qui motive une entreprise à investir dans un pays étranger ? De nombreuses études économiques ont identifié un grand nombre de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.48.3.642&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticletitle%5D=1&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticleabstract%5D=1&ArticleSearch%5Bq%5D=FDI&JelClass%5Bvalue%5D=0&journal=2&from=j">déterminants</a> à ce que l’on appelle les investissements directs à l’étranger ou IDE. Ces mouvements internationaux de capitaux pour créer ou contrôler une entreprise à l’étranger sont souvent liés aux caractéristiques du pays récipiendaire : le niveau de la demande dans le secteur d’activité, le taux d’inflation, le cadre juridique, ou bien encore le régime qui organise l'État.</p>
<p>Un élément fondamental pour investir dans un pays est en effet le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10290-011-0103-0">risque politique</a> qui correspond à toute possible interférence des autorités comme des oppositions affectant les rendements de l’investissement. Investir dans un pays étranger n’est pas une décision rapidement réversible (en partir présente un coût), et l’investisseur doit dès lors prendre en compte dans sa décision la probabilité de faire les frais d’une décision politique remettant en cause ses projets.</p>
<p>Expropriation pure et simple, vente forcée, mise en place d’impôts confiscatoires, ce risque peut prendre de nombreuses formes. Il comprend également les changements soudains dans la politique macroéconomique comme la dévaluation, les restrictions sur les mouvements de capitaux, ou encore les politiques économiques erratiques qui affectent négativement les rendements de l’investissement. Tout cela explique pourquoi les démocraties attirent beaucoup plus d’IDE que les dictatures : elles disposent de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1017/S0022381608081048">mécanismes institutionnels</a> qui limitent les interférences politiques des dirigeants dans l’économie et qui garantissent une certaine stabilité des politiques.</p>
<p>Mais au sein des dictatures, que peuvent faire les investisseurs pour évaluer ce risque politique ? Ils utilisent en fait l’ensemble des rares informations publiques qui sont à leur disposition pour mener à bien cette évaluation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2022.101644">étude</a> récente, nous étudions si les caractéristiques faciales des dirigeants non-démocratiques en font partie.</p>
<h2>Dictateurs compétents ?</h2>
<p>L’hypothèse repose sur un double constat. D’une part, dans les dictatures, les caractéristiques personnelles des dirigeants prennent une importance particulière dans les décisions prises du fait de leur plus grand pouvoir discrétionnaire. Ces caractéristiques sont de surcroît une information publique disponible à tous et à moindre coût.</p>
<p>D’autre part, de nombreuses études ont prouvé que les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">stéréotypes</a> sur les visages jouaient un rôle dans les décisions économiques et politiques, que ces impressions sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103109003084">tenaces</a> bien qu’elles soient en général <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-psych-113011-143831">erronées</a>. Dans des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/106591290605900202">expériences</a> menées en laboratoire, on s’aperçoit que les individus transfèrent plus facilement de l’argent aux individus dont les visages « inspirent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0010028510000150">confiance</a> ». Il a également été montré qu’un visage associé à de « la compétence » a de plus grandes chances d’<a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/25/8/2455/1570804?redirectedFrom=fulltext">obtenir un prêt</a> sur les plates-formes en ligne. En politique, cette caractéristique présumée <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">augmente les chances d’être élu</a>.</p>
<p>Confiance et compétence, les entreprises investissent-elles plus dans les pays aux dictateurs associés à ces caractéristiques ? L’hypothèse est que les investisseurs s’attendraient à ce qu’un leader qui inspire confiance revienne moins facilement sur ses engagements passés (comme l’acceptation sur son sol d’entreprises étrangères) et qu'ils associeraient compétence avec meilleures politiques économiques.</p>
<h2>Pas dignes de confiance</h2>
<p>Notre étude porte sur 276 dictateurs en place à travers le monde de 1975 à 2010. Nous avons collecté et neutralisé leur photo et fait un sondage en ligne sur un échantillon international de répondants afin d’évaluer comment leurs visages étaient perçus en termes de compétence et de confiance. Il ressort que le dictateur dont le visage inspire le plus la compétence est Erich Honecker, l’ancien leader est-allemand, et celui qui inspire le plus la confiance est Ernesto Geisel, dictateur brésilien des années 1970.</p>
<p>Statistiquement, il apparaît que la compétence qu’inspire un dirigeant joue en moyenne un rôle positif sur les IDE que reçoit son pays durant son règne. Ce résultat semble en accord avec l’idée que les investisseurs sont sensibles aux signaux publiquement disponibles sur les leaders comme leur niveau d’éducation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jce.2019.11.006">étude</a> précédente, nous avions ainsi montré qu’un dictateur plus éduqué attire plus d’IDE dans son pays.</p>
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<p>En revanche, nous montrons que la confiance qu’inspire un dirigeant ne contribue pas à attirer les IDE. Ce second résultat est plus difficile à interpréter. Une explication possible est que la confiance inspirée par le visage est à double tranchant. Elle peut signaler la difficulté des dirigeants à mettre en place des politiques impopulaires auprès de leurs soutiens politiques. Le dirigeant peut en effet autant être perçu comme moins capable de revenir sur ses engagements auprès des investisseurs étrangers que sur ceux pris auprès des soutiens locaux. Ce dernier point peut ainsi être perçu négativement par les investisseurs étrangers qui sont en concurrence avec les entreprises du pays.</p>
<p>Que conclure donc de notre étude ? D’une part, que les investisseurs internationaux sont des êtres humains comme les autres : le visage des dirigeants influence leur choix de localisation des investissements, même si l’on sait que cette impression n’est pas corrélée avec les véritables traits des leaders. D’autre part, que si un pays souhaite attirer des IDE, quitte à avoir un dictateur, mieux vaut en avoir un dont le visage inspire la compétence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Statistiquement, il apparaît que davantage d'investissement est réalisé dans les pays non démocratiques dont le leader a un visage qui semble plus compétent.Laurent Weill, Professeur d'Economie et de Finance, Université de StrasbourgAbel François, Professeur de sciences économiques, Université de LilleSophie Panel, Docteur en science politique, Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.