tag:theconversation.com,2011:/global/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140/articlesNouvelles routes de la soie – The Conversation2024-01-11T16:40:06Ztag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648950102583648256"}"></div></p>
<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065352023-06-08T18:01:06Z2023-06-08T18:01:06ZFinale de la Ligue des Champions : Abu Dhabi et Pékin, déjà sur le toit de l’Europe du football<p>La saison des clubs de <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> européens se terminera en beauté, le samedi 10 juin, avec la finale de la Ligue des Champions à Istanbul en Turquie. Elle opposera le club anglais de Manchester City, que beaucoup considèrent comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/ligue-des-champions/manchester-city-real-madrid-les-mancuniens-rejoignent-l-inter-milan-en-finale-de-ligue-des-champions-en-ecrasant-les-merengues_5829305.html">favori</a> après sa démonstration en demi-finale retour contre le Real Madrid (4-0), aux Italiens de l’Inter Milan. Club anglais contre club italien, certes, pour le rendez-vous de ballon rond le plus attendu de l’année européenne, mais au-delà, City évolue sous pavillon <a href="https://theconversation.com/topics/emirats-arabes-unis-39689">émirati</a>, tandis que Suning, géant <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">chinois</a> de la distribution de produits électroniques, est actionnaire majoritaire de l’Inter.</p>
<p>En 2008, City avait été racheté par l’Abu Dhabi United Group for Development and Investment, une organisation étroitement liée au gouvernement de l’émirat du Golfe. A été nommé à sa présidence Khaldoon Khalifa Al Moubarak qui est, entre autres, directeur général de la Mubadala Investment Company, le fonds souverain d’Abu Dhabi. </p>
<p>Suning Holdings Group, fondée en 1990 par Zhang Jindong, membre du Parti communiste chinois, avait pour sa part mis la main sur le club intériste en 2016. C’est le fils de Jindong, Kangyang (appelé aussi Steven), qui en est président. Le groupe reste proche du pouvoir, le gouvernement chinois ayant notamment récemment demandé aux prêteurs nationaux de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/07/crible-de-dettes-l-empire-suning-recoit-une-bouee-de-sauvetage-de-pekin_6087354_3234.html">renflouer Suning</a> pour qu’il puisse faire face à ses problèmes financiers liés à la crise sanitaire.</p>
<p>Les deux clubs sont devenus des panneaux publicitaires mondiaux pour les nations de leurs propriétaires respectifs ; City est sponsorisé par des sociétés d’Abu Dhabi telle que la compagnie aérienne publique Etihad qui a donné son nom au stade dans lequel le club évolue. Parmi les sponsors de l’Inter, on retrouve des entreprises chinoises telles que <a href="https://www.lenovo.com/fr/fr/smarter/sports/inter-milan-boosts-game-with-lenovo-tech/">Lenovo</a>, <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/nouveau-partenariat-avec-hisense-d%E2%80%99autres-%C3%A0-venir-et-des-actions-contre-digitalbits%C2%A0-r17356/">Hisense</a> et <a href="https://www.internazionale.fr/articles/inter-milan/officiel%C2%A0-l%E2%80%99aventure-continue-avec-volvo-r13536/">Volvo</a> (dont la société mère, Geely, est chinoise depuis 2010).</p>
<p>Posséder ainsi deux clubs de football européens prestigieux et prospères n’est ni une question de vanité ni un simple exercice de marketing. C’est d’abord de la <a href="https://theconversation.com/topics/geopolitique-21437">géopolitique</a>.</p>
<h2>Pékin et Abu Dhabi, des intérêts convergents</h2>
<p>L’investissement d’Abu Dhabi dans City a évolué à tel point qu’il s’agit désormais d’un réseau mondial de franchises, connu sous le nom de City Football Group (CFG). <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/premier-league/football-le-groupe-qui-detient-manchester-city-rachete-le-club-bresilien-de-bahia_AD-202305040992.html">Douze autres clubs</a> hormis Manchester en font partie, dont le New York FC, Palerme et Troyes. Bien que certains observateurs considèrent cette évolution comme une tentative de domination sportive, le réseau est sans doute plus un instrument de politique et de stratégie géopolitique qu’autre chose.</p>
<p>Fin 2015, China Media Capital (CMC) a acquis une <a href="https://www.lepoint.fr/sport/manchester-city-des-investisseurs-chinois-prennent-13-du-club-01-12-2015-1986206_26.php">participation dans le City Football Group</a>. Elle représente actuellement 8,2 % de l’ensemble des actions après la vente d’une partie des parts à l’automne 2022 au <a href="https://www.bignonlebray.com/silver-lake-actionnaire-du-manchester-city-football-club/?">groupe américain Siler Lake</a>. L’annonce en 2015 a coïncidé avec la <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-president-chinois-xi-jinping-en-visite-a-manchester-city/601355">visite du président chinois Xi Jinping à Manchester</a>, au cours de laquelle il a rencontré Al Moubarak et le premier ministre britannique de l’époque, David Cameron. Le président de la CMC, <a href="https://www.weforum.org/people/li-ruigang">Li Ruigang</a>, un autre membre du Parti communiste chinois et ancien fonctionnaire, était également présent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528598/original/file-20230526-15349-pgqw7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Khaldoon Al Mubarak, président de Manchester City, Xi Jinping, président chinois et David Cameron, premier ministre britannique, réunis à Manchester en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number10gov/22404180472">Georgina Coupe/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les intérêts convergents d’Abu Dhabi et de la Chine à Manchester City ne représentent qu’une partie des relations entre les deux pays. Depuis près d’une décennie, ces relations ont été qualifiées d’étroites et de fraternelles.</p>
<h2>Les routes de la soie du football</h2>
<p>C’est ainsi qu’en 2015 également, un fonds commun de coopération en matière d’investissement a été lancé. Entre-temps, l’État du Golfe a continué à <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202210/1277104.shtml">soutenir la <em>Belt and Road Initiative</em></a> (BRI) de Xi, un grand projet de « <a href="https://theconversation.com/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">nouvelles routes de la soie</a> » visant à promouvoir le développement des infrastructures et du commerce à l’échelle mondiale.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En 2018, le président Al Moubarak avait obtenu une fonction supplémentaire en tant qu’<a href="https://www.thenationalnews.com/uae/government/uae-names-khaldoon-al-mubarak-first-presidential-envoy-to-china-1.782350">envoyé spécial présidentiel d’Abu Dhabi en Chine</a>. Un an plus tard, le City Football Group annonçait l’ouverture d’une nouvelle franchise chinoise à Chengdu, une ville dont la réputation n’est pas très éloignée de celle de Manchester (en tant que centre de la musique, des arts et de la culture). Plus important encore, la veille de cette annonce, Etihad a confirmé que <a href="https://www.albawaba.net/business/pr/etihad-airways-deploy-latest-generation-787-dreamliners-all-its-flights-china-1251886">l’aéroport de Chengdu</a> deviendrait un centre de transit majeur pour la compagnie aérienne.</p>
<p>Les liens entre le City Football Group, Abu Dhabi, la Chine et la BRI ne se sont pas arrêtés là. Certains <a href="https://www.revueconflits.com/la-sicile-une-ile-strategique-a-ne-pas-laisser-a-la-chine/">analystes</a> ont même demandé que l’ensemble soit examiné de plus près, notamment en 2022 quand la franchise de football a acquis le club italien de Palerme, dans le cadre d’une transaction chiffrée à <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-10973833/Manchester-City-owners-agree-deeds-buy-Palermo-13m-takeover.html">13 millions d’euros</a>.</p>
<p>En parallèle, la Chine s’était en effet engagée dans des investissements portuaires dans le cadre de l’initiative BRI à travers la Méditerranée, le <a href="https://www.captainferry.com/fr/ports/palerme-2">port</a> sicilien de Palerme, carrefour entre l’Europe et l’Afrique présentant donc un intérêt particulier pour le Parti communiste chinois.</p>
<h2>Milan comme plaque tournante ?</h2>
<p>Le football semble avoir souvent été le moyen d’atteindre d’autres objectifs sous-jacents pour Abu Dhabi et la Chine. L’organisation qui détient les droits de retransmission des matchs de la Serie A italienne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en est une autre indication : elle n’est autre qu’<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/italie/italie-la-serie-a-trouve-un-diffuseur-au-moyen-orient-20220630">Abu Dhabi Media</a>, une entreprise publique. En outre, Mubadala, le fonds souverain émirati, a récemment <a href="https://www.cfnews.net/L-actualite/CFNEWS-Asie-Pacifique/Mubadala-injecte-1-Md-dans-les-vehicules-asiatiques-de-KKR-419453">misé gros sur la Chine</a>, investissant des centaines de millions de dollars dans le pays.</p>
<p>Comme Abu Dhabi, l’Italie est membre de la « Belt and Road Initiative », même si, ces derniers mois, le pays a mis en place des plans pour la quitter. Milan n’offre pas les avantages portuaires ou côtiers stratégiques de Palerme, mais les liens entre le club et le PCC ont permis à la Chine de se projeter dans des territoires clés, par exemple l’<a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/les-chinois-debarquent-par-l-adriatique">Adriatique</a> où elle a également investi dans le <a href="https://www.total-croatia-news.com/business/31721-china-planning-to-invest-billion-in-croatia">football croate</a>.</p>
<p>À Milan même, la création d’un nouveau stade fait l’objet de discussions depuis plus d’une décennie. L’Inter partage le stade Giuseppe Meazza, plus communément nommé « San Siro », avec son rival de la ville, l’AC Milan. La China Railway Construction Company (CRCC) souhaitait un temps prendre la tête de la <a href="https://www.latribune.fr/journal/edition-du-1906/special-euro-2012/704119/l-inter-de-milan-quitte-le-mythique-stade-de-san-siro-et-s-embarque-avec-la-chine.html">construction de la nouvelle enceinte</a>. Celle-ci a d’ailleurs fait l’objet d’une ordonnance du gouvernement des États-Unis interdisant à toute société ou tout particulier américain de détenir ses actions en raison de ses liens avec l’Armée populaire de libération de la Chine (APLC).</p>
<p>Inter ou City ? L’issue du match se trouvera dans les pieds des joueurs. Quel qu’en soit le résultat néanmoins, les grands gagnants de ce concours très médiatisé sont peut-être d’ores et déjà Abu Dhabi et Pékin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La finale oppose Manchester City, club sous pavillon émirati, à l’Inter Milan, propriété chinoise - deux nations proches et qui ont fait du football un levier de développement.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1969062023-01-11T17:38:35Z2023-01-11T17:38:35ZLa Chine en Bosnie-Herzégovine : une présence de plus en plus marquée dans un État fragilisé<p>La récente recrudescence des tensions dans plusieurs États des Balkans occidentaux, en particulier en <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2022-4-page-51.htm">Bosnie-Herzégovine</a>, au <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20221223-%C3%A0-la-une-fortes-tensions-dans-le-nord-du-kosovo">Kosovo</a> et au <a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/thousands-in-montenegro-clash-with-police-over-political-tension/2762549">Monténégro</a>, fait ressurgir le spectre d’une nouvelle guerre intercommunautaire dans la région.</p>
<p>Outre ces tensions, un nouvel acteur, en l’occurrence la Chine, <a href="https://ecfr.eu/paris/publication/cartographie-de-linfluence-croissante-de-la-chine-dans-les-balkans-occidentaux/">s’immisce dans l’arrière-cour de l’Union européenne</a>, et cette présence modifie sensiblement la configuration politique des Balkans occidentaux. Tentative de décryptage en trois questions, avec la Bosnie-Herzégovine comme cas d’étude.</p>
<h2>Quels intérêts la Chine poursuit-elle en Bosnie-Herzégovine ?</h2>
<p>De prime abord, la présence de la Chine dans ce pays de 3,5 millions d’habitants à la structure politique pour le moins atypique peut surprendre.</p>
<p>La Bosnie est <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/176">devenue indépendance en 1992</a>, à la suite de la dissolution de la Yougoslavie. À cette époque, les populations musulmanes, en grande majorité bosniaques, y subissent un nettoyage ethnique de grande ampleur et <a href="https://www.britannica.com/event/Bosnian-War/War-crimes-and-trials">plus de 100 000 personnes</a>, militaires et civils confondus, perdent la vie. En 1995, la communauté internationale parvient à finaliser les <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/bosnie-herz-4dayton.htm">Accords de Dayton</a>, mettant ainsi fin à trois ans de guerre intercommunautaire sur le territoire concerné.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Composée de trois groupes ethniques principaux (48 % de Bosniaques, 14 % de Croates et 37 % de Serbes), la Bosnie-Herzégovine se voit alors divisée, d’un point de vue politique, en deux entités fédérées de taille semblable : la Fédération croato-bosniaque et la Republika Srpska. Peu d’interactions subsistent entre les deux entités et les projets communs sont rares dans un pays au pouvoir central faible et, pour l’essentiel, délégué aux entités fédérées. Seul un <a href="https://blogs.letemps.ch/leon-de-perrot/2022/07/28/bosnie-herzegovine-le-haut-representant-a-t-il-fait-son-temps/">Haut Représentant de la communauté internationale</a>, rôle endossé actuellement par l’allemand Christian Schmidt, veille à l’application des accords conclus entre elles.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QBpVmO64cvs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Tout au long des négociations qui ont mené à la création de l’État de Bosnie-Herzégovine, la Chine est restée en retrait, <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724611571-page-31.htm">adoptant une position de « profil bas » sur la scène internationale</a> à la suite de la violente répression des manifestations de la place Tian’anmen. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2012, avec le lancement officiel du <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/16-1-amis-europeens-Chine-conclave-Dubrovnik-2019-04-10-1201014702">Format 16+1</a> – une initiative du ministère chinois des Affaires étrangères visant à promouvoir les relations commerciales et d’investissement entre la Chine et 16 États d’Europe centrale et orientale – que la Chine témoigne pour la première fois de son intérêt pour la Bosnie-Herzégovine.</p>
<p>Deux explications majeures à cet intérêt soudain et aujourd’hui grandissant peuvent être avancées : d’une part, la Bosnie-Herzégovine s’inscrit dans l’immense projet des <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-3-page-135.htm">Nouvelles Routes de la Soie</a> destinées à relier l’Asie aux continents africain et européen ; d’autre part, elle se situe aux portes du marché commun européen et est <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/enlargement/bosnia-herzegovina/#:%7E:text">candidate à l’Union européenne</a>, même si son adhésion n'est pas une perspective discernable à court ou à moyen terme.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-et-les-balkans-occidentaux-un-ancrage-a-la-peripherie-de-lue-137039">La Chine et les Balkans occidentaux : un ancrage à la périphérie de l’UE</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La Chine reçoit-elle le soutien des autorités locales ?</h2>
<p>Étant donné que la Bosnie-Herzégovine demeure <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20120406trib000692338/la-bosnie-minee-par-la-pauvrete-et-l-instabilite-politique.html">l’un des pays les plus pauvres d’Europe</a>, tous les investissements, y compris en provenance de la Chine, y sont les bienvenus.</p>
<p>À ce jour, la Republika Srpska semble en être la principale région récipiendaire, la Fédération croato-bosniaque se retrouvant <a href="https://sarajevotimes.com/how-china-politically-humiliates-and-economically-robs-bih/">reléguée au second plan par les autorités chinoises</a>. Plusieurs exemples l’illustrent. L’entreprise publique chinoise « Chine State Construction Engineering Corporation » a <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/18991">récemment obtenu</a> un marché organisé par « Autoputevi Republike Srpske », la société routière contrôlée par les autorités locales de l’entité. Il s’agit d’un contrat de plus de 335 millions d’euros qui devrait, d’ici à 2030, déboucher sur la mise en service d’un <a href="https://www.globalconstructionreview.com/chinas-cscec-to-build-335m-motorway-in-bosnia-and-herzegovina/">segment autoroutier de 33 km reliant le territoire de la RS à celui de la Serbie</a> et symboliquement appelé « l’autoroute du 9 janvier » (date de la création de la Republika Srpska en 1992).</p>
<p>Par ailleurs, la construction de la <a href="https://ejatlas.org/conflict/thermal-power-plant-stanari/?translate=fr">centrale thermique de Stanari</a>, financée par la Chine, revêt une importance stratégique pour la Republika Srpska. Capable de produire jusqu’à 300 mégawatts et estimée à 530 millions d’euros, cette installation est issue du programme « China Energy Engineering Corporation », dirigé par un consortium d’entreprises publiques chinoises en collaboration avec le ministère de l’Économie, de l’Énergie et de l’Exploitation minière de la Republika Srpska.</p>
<p>Au niveau culturel, la ville de Banja Luka, centre administratif de la Republika Srpska, accueille <a href="https://sarajevotimes.com/confucius-institute-opened-banja-luka/">l’Institut Confucius</a> le plus important de la Bosnie-Herzégovine. Des cours de mandarin y sont dispensés en visioconférence et les professeurs de l’université locale effectuent des missions régulières dans les universités de Pékin.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503851/original/file-20230110-24-xgqbc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Milorad Dodik était présent lors de l’ouverture de l’Institut Confucius de Banja Luka, le 21 janvier 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ba.china-embassy.gov.cn/eng/sgxx_5/sghd/201807/t20180716_2451423.htm">Site de l’ambassade de Chine en Bosnie-Herzégovine</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, la « Radio Televizija Republike Srpske » (radio-télévision locale) diffuse également un <a href="https://cepa.org/comprehensive-reports/chinese-influence-in-bosnia-and-herzegovina/">certain nombre d’émissions qui promeuvent la culture chinoise</a>.</p>
<h2>La présence chinoise influence-t-elle la vie politique de Bosnie-Herzégovine ?</h2>
<p>La <a href="https://www.blue-europe.eu/fr/fr-analysis/analyse-courtes/linfluence-non-commerciale-des-chinois-dans-les-balkans-2/">relation privilégiée</a> que la Chine entretient avec la Republika Srpska aux dépens de la Fédération croato-bosniaque renforce les tensions entre les communautés des deux entités fédérées.</p>
<p>Inéluctablement, ces tensions se répercutent sur la politique locale comme en témoignent les protestations des dirigeants bosniaques – dont la majorité est musulmane – face à l’abstention de la Chine lors du vote de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies reconsidérant les crimes commis à l’égard de la population musulmane de Srebrenica <a href="https://cepa.org/comprehensive-reports/chinese-influence-in-bosnia-and-herzegovina/">comme étant un génocide</a>.</p>
<p>En outre, en favorisant le développement de la Republika Srpska, la Chine soutient implicitement les velléités séparatistes de son gouvernement dirigé par le nationaliste <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/le-separatiste-milorad-dodik-confirme-comme-nouveau-president-de-la-moitie-serbe-de-la-bosnie/">Milorad Dodik</a>. En effet, en entretenant un déséquilibre économique, politique et culturel au sein de la Bosnie-Herzégovine, la Chine permet à Dodik et à son parti de laisser penser qu’une autonomie plus grande, voire une indépendance complète de la Republika Srpska, ne pourrait être que bénéfice pour sa population.</p>
<p>Dans ce contexte de tensions intenses, les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/bosnie-herzegovine-les-democrates-ont-ete-trahis-12-11-2022-2497517_24.php#11">élections présidentielles et législatives du mois d’octobre dernier</a> revêtaient une importance capitale pour le futur de la Bosnie-Herzégovine. Les résultats confirment d’ailleurs les divisions intercommunautaires du pays.</p>
<p>En effet, si les majorités bosniaque et croate ont toutes deux élu des membres du Parti Social-Démocrate (parti progressiste, socialiste et pro-européen), Milorad Dodik, le dirigeant pro-serbe et critique à l’égard de l’Union européenne, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/bosnie-la-victoire-de-milorad-dodik-confirmee-par-la-commission-electorale-20221027">sort renforcé</a> de cette séquence électorale.</p>
<p>En outre, la deuxième participation de suite des représentants chinois aux célébrations organisées le 9 janvier en l’honneur de la création de la Republika Srpska (9 janvier 1992) irrite fortement les représentants de la Fédération croato-bosniaque. Jugée discriminatoire à l’égard des autres groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine par la <a href="https://www.refworld.org/pdfid/3dea26eb4.pdf">Cour constitutionnelle</a>, cette fête vise à renforcer le sentiment patriotique de la population locale et illustre à elle seule les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17449057.2022.2072560">tensions intercommunautaires qui déchirent le pays</a>.</p>
<h2>Et la perspective européenne ?</h2>
<p>L’Union européenne peut-elle contribuer à rouvrir le dialogue entre les communautés ? Bien que les retraits relatifs des puissances traditionnelles (Union européenne et États-Unis) semblent laisser le champ libre aux nouvelles puissances (Chine, Russie et Turquie) dans les Balkans occidentaux, la toute récente décision des dirigeants européens d’octroyer à la Bosnie-Herzégovine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’UE relance un processus qui stagne depuis plusieurs années.</p>
<p>Conditionnée à une série de réformes, en particulier en ce qui concerne la centralisation du pouvoir et la coopération entre entités, l’adhésion doit améliorer le fonctionnement d’un État fragilisé. Néanmoins, les tensions existantes et l’influence croissante d’acteurs externes, en particulier de la Chine, promettent un chemin long et sinueux vers plus de stabilité en Bosnie-Herzégovine. Sans aucune garantie de réussite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196906/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Dopchie a reçu des financements d'une bourse de doctorant de l'Université de Liège dans le cadre de ses recherche. </span></em></p>En Bosnie, la Chine mise avant tout sur Milorad Dodik, le leader de l’entité serbe du pays, la Republika Srpska.Robert Dopchie, Sciences Politiques, Relations Internationales, Politique Européenne, Balkans Occidentaux, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1949772022-11-23T20:10:36Z2022-11-23T20:10:36ZG20, sommet de la rivalité sino-américaine ?<p>Réuni à Bali les <a href="https://linktr.ee/G20PresidencyofIndonesia">14-16 novembre derniers</a>, le sommet du G20 s’est déroulé sous le double signe de la guerre en Ukraine et du face-à-face sino-américain.</p>
<p>Tenu en l’absence de Vladimir Poutine, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/poutine-sera-absent-du-g20-car-son-agenda-ne-lui-permet-pas-de-s-y-rendre-20221111">officiellement pour une question d’agenda trop chargé</a>, mais en présence de Xi Jinping, peu après le <a href="https://theconversation.com/20-congres-du-pcc-un-xi-jinping-plus-puissant-que-jamais-a-la-tete-dune-chine-fragilisee-193583">XXᵉ Congrès du Parti communiste chinois</a> où il a encore renforcé son emprise sur son pays, et de Joe Biden, quelques jours après des midterms <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-de-mi-mandat-quattendre-de-la-presidence-biden-194464">moins négatives que prévu pour le Parti démocrate</a>, ce sommet très attendu aura été un concentré des dynamiques internationales en cours sur la planète.</p>
<h2>Le G20, un sommet des puissants</h2>
<p>Le G20, <a href="https://www.g20.org/about-the-g20/">cénacle où les États les plus puissants du système international</a> se retrouvent annuellement, est souvent décrit comme une rencontre « en vain », tant le <a href="https://esprit.presse.fr/article/guehenno-jean-marie/la-crise-du-multilateralisme-38076">multilatéralisme est aujourd’hui en difficulté</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour autant, ce moment est l’occasion pour les dirigeants d’organiser des réunions bilatérales importantes tout en participant pleinement au cadre multilatéral et d’affirmer leurs positions sur les grandes questions internationales (sécurité, changement climatique, migrations, économie et finance ou encore développement).</p>
<p>Ce forum international regroupe dix-neuf États <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-g20_fr">et l’Union européenne</a>. Les chefs d’État et de gouvernement, mais aussi les présidents des banques centrales et les ministres des Finances en composent l’agenda.</p>
<p>Il semble important de rappeler ce que représente le G20. Les pays membres pèsent <a href="https://www.oecd.org/g20/about/">80 à 85 % du PIB mondial</a>, 75 % du commerce international et 60 % de la population de la planète. La majeure partie des problématiques internationales y sont donc abordées, et des décisions majeures peuvent y être prises.</p>
<p>L’édition de 2022 aura toutefois été dominée, plus que jamais, par le tête-à-tête entre les deux plus grandes puissances actuelles, la guerre en Ukraine et le ralentissement économique mondial.</p>
<h2>Rencontre Xi-Biden : un G2 à l’intérieur du G20 ?</h2>
<p>En amont du sommet, Joe Biden et Xi Jinping <a href="https://www.lepoint.fr/monde/rencontre-xi-biden-au-g20-de-bali-l-europe-attendra-14-11-2022-2497734_24.php">se sont rencontrés pendant trois heures</a>.</p>
<p>Ce déplacement a été la deuxième visite hors de Chine de Xi Jinping depuis le début de l’épidémie de Covid-19, après <a href="https://theconversation.com/quand-la-chine-organise-un-nouvel-espace-de-vassalite-190932">sa participation au sommet de l’OCS en septembre (Ouzbékistan)</a> et la visite d’État au Kazakhstan qu’il a effectuée dans la foulée.</p>
<p>Au lendemain du 20<sup>e</sup> Congrès du PCC, qui a entériné dans la durée le pouvoir de Xi en Chine, malgré des difficultés tous azimuts (ralentissement économique fort, chômage, dettes, vieillissement, etc.), le sommet a été l’occasion pour Pékin d’affirmer l’étendue de son influence dans son environnement régional et d’y disputer le leadership américain – et cela, d’autant plus qu’il a eu lieu en Asie.</p>
<p>L’entrevue Biden-Xi aura probablement été le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/14/joe-biden-et-xi-jinping-prets-au-dialogue_6149791_3210.html">principal enjeu international de ce sommet</a>. Jamais encore Joe Biden n’avait rencontré Xi Jinping depuis son accession à la présidence des États-Unis début 2021. Les deux hommes ont affiché une <a href="https://www.letemps.ch/monde/g20-bali-xi-biden-oeuvrent-un-degel">forme de décontraction, malgré les tensions</a>, et assuré avoir abordé <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/11/14/readout-of-president-joe-bidens-meeting-with-president-xi-jinping-of-the-peoples-republic-of-china/">toutes les grandes questions</a> structurant les relations internationales et la relation bilatérale : péninsule coréenne et sécurité, Taïwan, Xinjiang, droits de l’homme, questions commerciales et technologiques ou encore la cybersécurité.</p>
<p>Voilà déjà des années que <a href="https://www.brookings.edu/articles/the-united-states-and-china-a-g-2-in-the-making/">certains observateurs</a> évoquent un monde régi par un « G2 », les États-Unis et la Chine sa partageant en quelque sorte le <a href="https://www.scmp.com/news/china/article/3198852/world-edge-new-cold-war-abandoned-g2-concept-china-us-ties-may-find-its-moment-sun">contrôle des affaires internationales</a>. La réalité, plus nuancée, montre que si ces deux acteurs se trouvent bien au cœur des équilibres du monde, on constate également une affirmation des émergents d’une part et l’impact majeur des réalités géoéconomiques d’autre part.</p>
<p>L’Indonésie, l’Inde, une partie du Moyen-Orient et d’autres pays encore profitent des sommets du G20 pour faire entendre leur voix, favorisant une <a href="https://theprint.in/world/india-will-give-voice-to-other-developing-countries-during-g20-presidency-pm-modi/1218539/">désoccidentalisation progressive des affaires internationales</a>. Ces « Tiers-Voix » évitent de choisir de façon définitive entre Pékin et Washington (avec difficulté), et s’efforcent de jouer leur propre partition.</p>
<p>Dans le même temps, les évolutions géoéconomiques structurent les choix tactiques et stratégiques de <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/india/india-indonesia-host-track-ii-dialogue-in-run-up-to-g20-summit-with-focus-on-voices-of-developing-countries/articleshow/95434525.cms">l’ensemble des États et des autres acteurs du système international</a>. Les tendances des marchés européen, <a href="https://www.reuters.com/world/japan-says-world-needs-unity-one-voice-saying-russia-must-pay-high-price-2022-07-08/">nord-est asiatique (Japon, Corée du Sud et Taïwan)</a> et nord-américain donnent vie à un ensemble multipolaire hétérogène.</p>
<p>Le sommet du G20 marque aussi une inflexion du triomphalisme chinois des réunions précédentes, inflexion due aux difficultés du grand projet des Nouvelles routes de la soie. La fameuse « Belt and Road Initiative » (BRI) est <a href="https://asiatimes.com/2022/11/indonesia-china-and-the-future-of-the-belt-and-road/">progressivement délaissée par le Parti</a> au bénéfice d’une nouvelle stratégie dite <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/202211/t20221116_10976578.html">« GDI – Global Development Initiative »</a></p>
<ul>
<li>aveu de faiblesse ou marque de l’échec du projet BRI dix ans après son lancement et la projection d’une « Chine première puissance mondiale en 2049 »…</li>
</ul>
<p>De l’autre côté, le concept d’Indopacifique <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/articles-scientifiques/espace-indopacifique-geopolitique">partagé par un nombre croissant d’États régionaux et extrarégionaux</a> tend à s’affirmer et à se consolider sur des sujets aussi bien diplomatiques que commerciaux. Des exercices interarmes multilatéraux (avec un tropisme naval fort) à la question de la vulnérabilité des milieux et de la biodiversité, les États asiatiques (Asie du Sud-Est, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Inde) et occidentaux (Australie, États-Unis, Canada, UE, etc.) donnent du lustre aux formats multilatéraux <a href="https://www.mod.go.jp/en/d_act/exc/india_pacific/india_pacific-fr.html">à plusieurs échelles et dans divers domaines</a>. Une large partie des pays de l’UE, ainsi que les États-Unis et le Japon, semblent déterminés à apporter leur soutien au développement de cette immense zone, objet des attentions chinoises, lesquelles accroissent <a href="https://thediplomat.com/2022/10/will-the-bri-survive-economic-decoupling/">l’endettement de pays déjà fragiles</a>.</p>
<h2>Un multilatéralisme non occidental ?</h2>
<p>La voix d’autres États est elle aussi importante dans la recomposition régionale. Et notamment la voix de la France, <a href="http://www.newspress.fr/Communique_FR_316359_592.aspx">qui participe actuellement au sommet de l’APEC</a>. Alors que Joe Biden n’y participe pas, il y a un intérêt fort pour Paris d’y marquer sa présence en <a href="https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/10/c3852600ccbecbccb2fa05ecf147fa307a79ac17.pdf">défendant sa vision dite « Indopacifique »</a>, basée sur le multilatéralisme, le développement, la coopération et la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Emmanuel Macron, qui se rendra en Chine en 2023, a rencontré Xi Jinping au G20 (une première depuis 2019). Il souhaite, en particulier, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/ukraine-macron-a-demande-a-xi-d-appeler-poutine-a-revenir-a-la-table-des-negociations-20221115">faire évoluer la position de Pékin sur le conflit en Ukraine</a>. Une partie des pays présents entendaient faire pression sur la Russie, notamment au sujet des questions de sécurité alimentaire. Ils auraient aimé rallier la Chine à la condamnation de la guerre. Mais même si Xi s’est déclaré opposé à l’usage de l’arme nucléaire, il n’emploie toujours pas le terme de « guerre » et <a href="https://www.atlanticcouncil.org/content-series/fastthinking/what-did-xi-and-biden-just-accomplish/">ne condamne pas ouvertement et explicitement l’action russe en Ukraine</a>. La Chine continue d’entretenir son lien diplomatico-stratégique avec Moscou, contre l’ordre international onusien.</p>
<p>La crise du multilatéralisme, le vide laissé par Poutine et son affaiblissement diplomatique encouragent le déploiement des volontés non occidentales dans la région – où <a href="https://www.courrierinternational.com/article/influences-l-union-africaine-veut-se-faire-une-place-dans-le-cenacle-du-g20">l’Union africaine, par exemple, souhaite gagner en visibilité</a>), où l’Inde, la Chine et les pays du Sud-Est asiatique alternent entre concurrence forte et interdépendance commerciale.</p>
<p>Alors que la présidence du <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/india-2023-g20-summit-more-than-200-events-pm-modi-2297152-2022-11-14">G20 revient à l’Inde pour l’année 2023</a> et <a href="https://en.mercopress.com/2021/11/03/brazil-will-host-g20-summit-in-2024">au Brésil pour l’année suivante</a>, la grande leçon de ce G20 est peut-être que, parallèlement au duel américano-chinois, l’émergence des « Tiers-voix » non occidentales se fait de plus en plus sentir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194977/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Si le récent G20 de Bali a été l’occasion de la première rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden, il a aussi vu l’affirmation de plusieurs autres acteurs.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935832022-11-08T19:01:24Z2022-11-08T19:01:24Z20ᵉ Congrès du PCC : un Xi Jinping plus puissant que jamais à la tête d’une Chine fragilisée<p>Le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/10/12/5-points-sur-le-20e-congres-du-parti-communiste-chinois/">20ᵉ Congrès du Parti communiste chinois (PCC)</a> s’est tenu du 16 au 22 octobre dernier. S’il a confirmé la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782080243270-rouge-vif-l-ideal-communiste-chinois-alice-ekman/">concentration entre les mains de Xi Jinping</a> du pouvoir sur la Chine et, tout spécialement, sur le PCC et ses 96,7 millions de membres, <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/le-20e-congres-du-pcc-et-la-logique-de-xi-jinping">ce moment politique charnière</a> a aussi laissé entrevoir les fragilités d’une Chine à la fois <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/01/09/5e-plenum-14e-plan-quinquennal-et-vision-2035-la-progressive-dislocation-de-la-matrice-chine-du-reste-du-monde/">repliée sur elle-même</a> et de plus en plus agressive à l’endroit de <a href="https://www.la-croix.com/Debats/En-Chine-patriotisme-teinte-dune-agressivite-revendiquee-tient-lieu-religion-nationale-2022-10-14-1201237815">ses voisins régionaux et des démocraties libérales occidentaux</a>. Cette agressivité est-elle un aveu de faiblesse grandissante ?</p>
<h2>Un grand cérémonial discrètement contesté</h2>
<p>Au cœur de la grande parade et du décorum parfaitement codifié, aucune décision clé n’a été prise lors de ce vingtième Congrès.</p>
<p>Étaient présents <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/16/le-parti-communiste-chinois-ouvre-son-congres-pour-sacrer-a-nouveau-xi-jinping_6145987_3210.html">2 296 délégués</a>, y compris l’intégralité des membres du Comité central et du Comité permanent du Bureau politique et les hauts dignitaires du Parti, dont le <a href="https://foreignpolicy.com/2022/10/13/china-xi-jinping-succession-ccp-party-congress-elders/">doyen Song Ping, 106 ans</a>, ainsi que <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/China-s-party-congress/Retired-elders-lose-spotlight-at-China-s-Communist-Party-congress">Hu Jintao et Wen Jiabao</a>, respectivement ancien président et secrétaire général et ancien premier ministre, ou encore <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Zhang-Gaoli-immortel-chinois-accuse-viol-Peng-Shuai-2021-11-25-1201186980">Zhang Gaoli (qui a été inquiété pour le viol de la tenniswoman Peng Shuai</a>).</p>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2022-3-page-145.htm">célébration du régime triomphant</a> a entériné le <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/le-20e-congres-du-pcc-et-la-logique-de-xi-jinping">troisième mandat de cinq ans du secrétaire général du Parti</a>, Xi Jinping, qui sera également confirmé en mars 2023 à la présidence de la RPC.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Tout au long de la semaine où s’est tenu le Congrès (voire plusieurs semaines en amont), la vie du pays a été <a href="https://www.leventdelachine.com/vdlc/numero-35-2022/un-XXe-congres-entre-rupture-et-continuite/">placée sous le signe de l’événement</a>. Des affiches ont été placardées partout et une vase campagne de propagande a été déployée dans l’espace public, dans les écoles, dans les entreprises, dans les universités.</p>
<p>Malgré la surveillance de masse et les efforts colossaux du Parti pour <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/097856-000-A/chine-du-confinement-a-la-surveillance/">contenir et neutraliser toute « subversion »</a>, plusieurs personnes ont réussi à installer une <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20221015-XXe-congr%C3%A8s-du-pcc-que-sait-on-de-tankman-2022-l-homme-aux-banderoles-critiquant-xi-jinping">banderole sur un pont piéton d’un échangeur dans le district de Haidian à Pékin</a>. On pouvait notamment y <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/chine-a-pekin-un-manifestant-affiche-deux-banderoles-contre-le-regime-de-xi-jinping-a-quelques-jours-du-congres-du-parti-communiste_5419639.html">lire</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne voulons pas de tests Covid, nous voulons manger ; nous ne voulons pas de confinement, mais être libres ; pas de mensonge, mais la dignité. Ne plus être des esclaves, mais être des citoyens. »</p>
</blockquote>
<p>À l’étranger, (<a href="https://www.upi.com/Top_News/World-News/2022/10/17/Hongkong-protester-beaten-Chinese-consulate-Manchester/5051665994070/">Manchester</a> ou Paris), plusieurs voix se sont fait entendre, donnant un écho supplémentaire à ces demandes de l’opinion publique chinoise, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/logement-education-travail-les-desillusions-de-la-classe-moyenne-6432018">trop souvent perçue comme monolithique et immuable</a>. Très rapidement, la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/cyber-espionnage-les-operations-chinoises-montent-en-puissance-contre-les-interets-francais-935969.html">toile Internet chinoise s’est refermée, les mots clés des revendications étant censurés</a>, plusieurs arrestations ont eu lieu.</p>
<h2>Les fidèles de Xi à l’honneur</h2>
<p>La personnification du pouvoir et la symbolique du « régime rouge » laissent planer une grande opacité sur la composition finale du Bureau politique. Si la règle de la « limite » d’âge des 67-68 ans <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/10/12/5-points-sur-le-20e-congres-du-parti-communiste-chinois/">engage plusieurs membres à sortir</a>, les <a href="https://asialyst.com/fr/2018/08/24/chine-xi-jinping-attaque-reseau-hu-jintao-jeunesses-communistes/">luttes intestines au sein du Parti</a> se sont accentuées des dernières années.</p>
<p>Alors qu’un <a href="https://www.jstor.org/stable/43298122">« équilibre » était de mise entre les différentes coteries du PCC</a>, il semblerait que <a href="https://asialyst.com/fr/2022/09/16/reformes-zero-Covid-xi-jinping-cherche-encore-equilibre-avant-XXe-congres-parti/">Xi Jinping impose plusieurs de ses fidèles</a> et ne laisse siéger qu’un ou deux membres issus des factions de Jiang Zemin et de La Ligue de la Jeunesse communiste. Rappelons que ces clans (La Ligue, « Bande de Shanghai », les Princes Rouges) qui, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Xi en 2012, se partageaient les postes au sein du Parti, <a href="https://asialyst.com/fr/2022/07/13/chine-xi-jinping-proche-victoire-boiteuse-20-congres-parti/">ont très largement perdu</a> de leur influence.</p>
<p>À la place, Xi Jinping a considérablement renforcé son pouvoir en s’appuyant sur la « bande du Zhejiang », province au sud de Shanghai qu’il a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/13/l-armee-du-zhijiang-la-bande-de-xi-jinping_5200643_3210.html">précédemment dirigée au cours de sa carrière</a>. Autant de fidèles placés dans les régions et municipalités clés et à des postes stratégiques du Parti et de l’État.</p>
<p>La veille de la clôture du Congrès et de <a href="https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/chine-contre-son-gre-lex-president-hu-jintao-escorte-hors-du-congres-du-parti-communiste-20221022_BMP5BOODRZB3DM2DOGT7KDCBWU/">l’humiliation suprême de Hu Jintao</a> (marquant de manière symbolique sous les yeux de la Chine et du monde l’éviction des factions internes opposées à Xi Jinping), la composition du Comité permanent du Bureau politique (CPBP) et du Comité central (205 membres) a été dévoilée. Ces nominations témoignent de la mainmise quasi absolue de Xi Jinping sur les plus hautes instances du PCC, donc du Parti-État.</p>
<p>Plusieurs précisions quant à cette accélération du pouvoir absolu de Xi : aucune femme au Bureau politique, une moyenne d’âge en contradiction avec les usages (dépassement de l’« âge plafond » de 67-68 ans), pas de successeurs identifiés ni identifiables et, surtout, un CPBP entièrement composé de fidèles ou de proches de Xi.</p>
<p>Wang Huning, l’idéologue, reste au CPBP et prend la tête de la propagande et du <a href="https://cset.georgetown.edu/article/how-chinas-united-front-system-works-overseas/">Front Uni</a>. Cette instance vise à rallier les personnes à la cause du Parti (influence, recrutement), mais aussi à neutraliser ce qui est perçu comme étant les opposants au régime. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/24/chine-li-qiang-un-fidele-de-xi-jinping-futur-premier-ministre_6147093_3210.html">Li Qiang</a>, chef du Parti à Shanghai, responsable des chaotiques confinements, devient premier ministre. Cai Qi, chef du Parti à Pékin, entre au Comité permanent. Zhao Leji, « ancien immortel » (membre du CPBP et haut dignitaire du régime) demeure au Comité permanent mais prend la direction de la lutte contre la corruption. Li Xi, chef du Parti au Guangdong, prend la tête de l’inspection disciplinaire. Et Ding Xuexiang fait son entrée au Comité permanent, en tant que bras droit du président, à la tête du Bureau central du PCC.</p>
<p>Tous les six sont des proches de Xi Jinping de longue date, depuis qu’ils ont été aux responsabilités avec lui au sein du Parti ou de l’État dans les provinces du Fujian, du Zhejiang et de Shanghai. En outre, certains d’entre eux se sont connus du fait de l’amitié et de la proximité de leurs parents, issus de l’entourage de Mao et survivants de la Longue Marche (1934-1935)…</p>
<h2>Quatre orientations prioritaires</h2>
<p>Une première depuis 2002 : les mots <a href="https://www.npr.org/2022/10/16/1129277377/china-xi-jinping-communist-party-congress-speech-takeaways">« opportunités stratégiques »</a> n’ont pas été mentionnés une seule fois. Signe d’une fragilisation de l’économie chinoise et de la <a href="https://thediplomat.com/2022/10/xis-work-report-to-the-20th-party-congress-5-takeaways/">perte d’attractivité de la Chine sur le plan international</a>, le régime joue à la fois la <a href="https://thediplomat.com/2022/10/what-to-watch-for-at-the-20th-party-congress-the-work-report/">prudence et la légitimité</a> et reporte à une date ultérieure la publication des chiffres économiques du troisième trimestre.</p>
<p>Première orientation évoquée en substance tout au long du Congrès : l’économie. La croissance chinoise sera pour la deuxième année consécutive <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/congres-du-parti-communiste-chinois-six-choses-a-savoir-sur-la-chine-de-xi-jinping-1869760">faible</a>. Résultat du ralentissement économique mondial, de la guerre en Ukraine, mais aussi et surtout de <a href="https://www.letemps.ch/economie/chine-perdu-superbe-2022">« la politique éro Covid »</a>, le PIB chinois, qui <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/doubler-le-pib-chinois-d-ici-2035%20--%20voila-pourquoi-l-objectif-de-xi-jinping-est-un-pur-fantasme-chine-parti-communiste-guerre-commerciale-2035-previsions-economie-gestion-crise-pandemie-Covid-19-coronavirus-emmanuel-veron-">selon les autorités devait doubler d’ici à 2035</a>, atteste d’une forme de stagnation dont les signaux commencent à être visibles et durables.</p>
<p>Chute de la production industrielle, vieillissement de la population, <a href="https://theconversation.com/restons-couches-ou-comment-mieux-comprendre-la-nature-du-regime-chinois-a-travers-un-mouvement-contestataire-175562">perte de confiance en l’avenir de la jeunesse</a>, crise environnementale, crise immobilière insoluble et structurelle, sont autant de fragilités à la fois conjoncturelles puisque accélérées par la pandémie et <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/immobilier-cette-crise-rampante-qui-menace-la-chine-1870011">structurelles</a>, liées à la taille du pays et à la rapidité de son développement ces trente dernières années. En quelque sorte, les excès du développement et de la modernisation <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">sur fond d’euphorie et de corruption généralisée</a>.</p>
<p>Deuxième orientation : le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/face-a-xi-jinping-les-geants-de-la-tech-chinoise-dans-lincertitude-1869983">domaine de la <em>Tech</em></a>. Le Parti cherche à ordonner l’ensemble de l’innovation <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/12/en-chine-les-geants-de-la-tech-au-service-de-la-surveillance_6145391_3210.html">dans le domaine des technologies</a>. Pour cela, il a plusieurs plans, certains <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/la-chine-locomotive-de-l-intelligence-artificielle">publics</a>, d’autres plus secrets <a href="https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/note-reactive-chine-2018-7">dans les domaines de l’IA, du quantique, des supercalculateurs, du cyber, de l’espace</a> etc. Chaque programme a une <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/en-chine-les-semi-conducteurs-restent-un-gros-point-de-faiblesse-1869905">articulation duale (civil-militaire)</a>, afin à la fois de concurrencer les capacités américaines et de <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/china-trends-10-comment-lintelligence-artificielle-transformera-la-chine">renforcer le contrôle de l’État sur la société chinoise</a></p>
<p>Troisième orientation : <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/chine-xi-jinping-reste-ferme-sur-la-lutte-anti-Covid-et-determine-a-conquerir-taiwan-1869943">l’obsession de Taïwan</a>. Dès l’ouverture du Congrès, le discours de Xi Jinping a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/xi-jinping-met-sous-pression-taiwan-16-10-2022-2493894_24.php">insisté sur Taïwan</a> distillant l’idée que Hongkong constituait un précédent en matière de « remise au pas » d’une région chinoise « trop longtemps séparée de la mère patrie ». Ces propos rappellent l’obsession de l’unité et de l’unicité de la Chine. En ce sens, Taïwan continuera de se trouver <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/110537-002-A/chine-et-usa-taiwan-au-c%C5%93ur-de-la-rivalite/">au cœur de la rivalité sino-américaine</a> et, plus largement, un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/101349-000-A/asie-pacifique-la-nouvelle-poudriere/">dossier essentiel de l’Indopacifique</a>. Une confrontation dans le Détroit n’est pas exclue. Dès l’ouverture du Congrès, Xi, très martial, rappelait : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/discours-au-congres-du-pcc-xi-jinping-avertit-taiwan-la-chine-ne-renoncera-jamais-a-l-usage-de-la-force">« La Chine ne renoncera jamais à l’usage de la force ».</a></p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-chinois-de-ta-wan-189085">Le casse-tête chinois de Taïwan</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Enfin, quatrièmement, Xi Jinping a mis en avant le <a href="https://www.defensenews.com/opinion/commentary/2022/08/08/chinas-military-modernization-spurs-growth-for-state-owned-enterprises/">domaine militaire</a>. Il avait déjà <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/moderniser-discipliner-reforme-armee-chinoise-sous-xi-jinping-2017">lancé une refonte de l’Armée en 2015-2016</a> à des fins de modernisation et <a href="https://www.asafrance.fr/item/economie-la-modernisation-militaire-de-la-chine-stimule-la-croissance-des-entreprises-publiques.html">pour accroître sa légitimité personnelle au sein du Parti</a> et aux yeux de la société ; malgré les faiblesses de l’économie, les <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php ?ctribune=1448">forces armées</a> chinoises continueront, par secteurs, d’être bien dotées.</p>
<p>La marine, le spatial, le balistique et le nucléaire, ainsi que le cyber <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2022-1-page-227.htm">seront les mieux servis</a> (en plus des programmes IA, quantique, drones, etc.). <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php ?carticle=235">L’évolution de la stratégie chinoise et des doctrines d’emploi</a> sera à suivre de près, notamment dans la perspective d’un affrontement sur mer, de Taïwan à la mer de Chine du Sud et, au-delà, dans le Pacifique.</p>
<p>Toutes ces orientations sont articulées à la relation conflictuelle avec les États-Unis, mais aussi à la fuite en avant accélérée du régime chinois sous la gouvernance de Xi Jinping.</p>
<h2>Vers la guerre ?</h2>
<p>Plusieurs dates majeures ont été mises en avant lors du Congrès : 2025, pic d’émission des gaz à effet de serre ; 2020-2030, une « Chine moderne » ; 2030-2049, une « Chine prospère » ; et pour 2049, une « armée de classe mondiale » et première puissance mondiale pour le centenaire de la République populaire de Chine. Ou encore 2060 et la neutralité carbone…</p>
<p>À côté de ce décorum temporel, il y a un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/10/BULARD/65155">autre agenda</a>, celui du vieillissement, de la dette, des taux de chômage qui a explosé, de la poursuite de la consommation effrénée de matière carbonée…</p>
<p>Enfin, les grands chantiers à l’instar des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/14/nouvelles-routes-de-la-soie-comment-le-chantier-du-si%C3%A8cle-de-la-chine-s-est-enlise_6145856_3210.html">« Nouvelles routes de la soie »</a> pour la géopolitique et la géoéconomie, ou du <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221015- %C3 %A0-la-veille-du-congr %C3 %A8s-du-pcc-xi-jinping-face-au-d %C3 %A9clin-du-r %C3 %AAve-chinois">« Rêve chinois »</a> pour le modèle social et de gouvernance, ont tous deux très largement perdu en crédibilité tant à l’international qu’en interne.</p>
<p>À la lecture des choix stratégiques du Parti, on constate que la rivalité avec les États-Unis est partout. Des technologies à Taïwan, en passant par la guerre en Ukraine, les prochaines années d’exercice du pouvoir de Xi Jinping ne seront pas tant celles des difficultés internes à la Chine et au Parti que celles de la cristallisation du conflit avec l’autre puissance tant redoutée et tant jalousée. Les interdépendances économiques et industrielles suffiront-elles à éviter toute confrontation directe ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Xi a encore accru son emprise sur le parti et donc sur le pays. Mais la Chine demeure fragilisée par les conséquences de sa stratégie zéro Covid et par sa confrontation avec Washington.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917502022-10-20T15:12:52Z2022-10-20T15:12:52ZL’élection brésilienne vue de Chine<p>Alors que <a href="https://www.lopinion.fr/international/le-bresil-tremble-pour-son-election-presidentielle">l’élection présidentielle brésilienne</a> va bientôt connaître son dénouement, il est utile, <a href="https://thediplomat.com/2022/09/brazils-china-heavy-election/">pour en comprendre la portée internationale</a>, d’analyser la relation toujours plus étroite que Brasilia entretient avec Pékin.</p>
<p>Depuis 2009, la Chine est, devant les États-Unis, le <a href="https://france-ameriques.org/video/la-montee-en-puissance-de-la-chine-en-amerique-latine-et-ses-implications-pour-lavenir-du-sous-continent/">premier partenaire commercial du Brésil</a>, tandis que ce dernier est le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-amerique-latine-nouvelle-terre-de-conquete-pour-la-chine-20220206">premier partenaire de la Chine en Amérique latine</a>.</p>
<p>Les rapports entre les deux géants, <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/20/le-non-alignement-nouveau-levier-de-negociation-des-brics/">tous deux membres du groupe des BRICS (avec l’Inde, la Russie et l’Afrique du Sud)</a>, illustrent parfaitement <a href="https://static.lefigaro.fr/eidos-infographies/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine/html/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine.html">l’asymétrie des liens</a> entre, d’une part, une Chine à la puissance économique sans cesse croissante depuis trois décennies et, d’autre part, les pays et les sociétés non occidentales, où la RPC investit largement.</p>
<h2>Des liens récents mais désormais très étroits</h2>
<p>Les relations diplomatiques entre les deux pays <a href="https://www.revueconflits.com/bresil-chine-relations-brics-michel-nazet/">sont officialisées en 1974</a>, en pleine guerre froide, au lendemain de l’admission de la Chine à l’ONU et durant la dictature militaire brésilienne.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si les relations sont très limitées depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, les années 1980 et 1990 vont changer la donne. <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">L’insertion accélérée de la Chine dans la mondialisation</a> induit une recomposition des liens politiques, commerciaux et diplomatiques. L’ascension progressive des <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/30/chine-amerique-latine-quand-pekin-exploite-larriere-cour-americaine/">intérêts chinois en Amérique latine</a> s’affirme avec le tournant des années 2000 et l’adhésion de Pékin à l’OMC (2001). Dès lors, la Chine intensifie son emprise sur le continent, longtemps considéré comme le pré carré des États-Unis.</p>
<p>Pékin développe <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/comment-la-chine-a-fait-main-basse-sur-l-amerique-latine_2164510.html">sa stratégie latino-américaine</a> dans un triple objectif : diversifier ses sources d’approvisionnement en ressources naturelles et agricoles ; incarner un leadership non occidental en matière de développement ; et étouffer Taïwan.</p>
<p>En 2008, la Chine publie son <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2020_nardon.pdf">Livre Blanc des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes</a>. Le Brésil, plus grand pays d’Amérique latine, et dont les dimensions démographique et géographique peuvent laisser penser qu’il a les moyens d’entretenir une <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-2-page-151.htm">« relation équilibrée »</a> avec la Chine, sera au cœur des ambitions de Pékin dans la région.</p>
<p>Le partenariat bilatéral signé en 1994 a été converti en partenariat stratégique en 2004 et enfin en <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-et-la-chine-l-avenir-d-une-relation-1">« partenariat stratégique mondial » en 2012</a>. Dès le milieu des années 2000, la Chine est présente dans tous les secteurs (agriculture, transports, extraction, spatial, finance, etc.) et dépasse en tant que partenaire commercial les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-1-page-299.htm">historiques grands partenaires du Brésil que sont les États-Unis et les pays européens)</a>.</p>
<p>La progression est d’une rapidité impressionnante et se concrétise sous les mandatures de gauche au Brésil (Lula puis Rousseff). En 2000, la Chine représente 2 % des exportations du Brésil. En 2020, ce ratio est passé à <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu">33 %, pour un volume total de 68 milliards de dollars</a>. Idem pour les importations brésiliennes en provenance de Chine : 2 % du total en 2000 et plus de 21 % en 2020, devant les États-Unis (17 %) et l’UE (19 %). Globalement, entre 2000 et 2020, le volume des échanges de marchandises <a href="https://www.areion24.news/2020/01/15/quand-la-chine-sinstalle-en-amerique-latine/">passe de 12 milliards à plus de 137 milliards de dollars</a>.</p>
<p>D’un côté, les <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/BR/commerce-exterieur-du-bresil">exportations brésiliennes</a> sont très largement dominées par des ressources naturelles et agricoles (à faible valeur ajoutée) : l’agrobusiness représente près de 40 % (soja à 35 %, viandes, etc.), les autres produits exportés se répartissent entre les minerais (25 %) et le pétrole (17 %). De l’autre, les importations brésiliennes en provenance de Chine sont très concentrées sur des <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">produits manufacturés à plus forte valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>L’« effet Chine » au Brésil</h2>
<p>Les observateurs et analystes des relations sino-brésiliennes ont rapidement mis en évidence un <a href="https://bdtd.ibict.br/vufind/Record/USIN_f06942acacaad33c7aa11f766e24a926">« effet Chine » (<em>efeito China</em>)</a> au Brésil.</p>
<p>Plus d’une quinzaine de consortiums d’État chinois (Sinopec, ChemChina, BYD, CNOOC, COFCO, CGN, etc.) ont investi <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-1">dans la plupart des régions brésiliennes</a>, les quelques exceptions étant les zones d’Amazonas, Acre, Rondônia ou Pernambouc. Ces investissements se sont accélérés sous la mandature de <a href="https://www.reuters.com/article/china-presidente-estabilidade-brasil-idBRKCN1181B7">Michel Temer (2016-2018)</a>, sans pour autant que le Brésil, contrairement à son <a href="https://thediplomat.com/2022/02/argentina-joins-chinas-belt-and-road/">voisin argentin</a>, ne signe de mémorandum dans le cadre du projet <em>Belt and Road Initiative</em>. Lors du mandat de Jair Bolsonaro, qui démarre en 2018, les relations vont se poursuivre, notamment dans le domaine de l’exportation des matières premières, et ce, malgré la pandémie qui suscite quelques tensions entre les deux pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1392022018904793092"}"></div></p>
<p>Les investissements concernent surtout l’énergie (pétrole, hydroélectricité, électricité), mais aussi les <a href="https://www.futuribles.com/fr/article/le-super-port-dacu-ou-lautoroute-chine-bresil/">infrastructures de transports ou des ports</a>. Deux groupes chinois jouent un <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">rôle particulièrement prégnant</a> dans ces investissements : State Grid, pour l’électricité et les réseaux (50 % des actifs au Brésil), articulée à China Telecom et China Mobile ; et Three Gorges pour les barrages (60 % des actifs au Brésil).</p>
<p>Les banques chinoises (China Development Bank, Bank of China, EximBank, ICBC) octroient des prêts colossaux (plus de 30 milliards de dollars comptabilisés en 2020) au secteur pétrolier brésilien (compagnie Petrobras) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-3">suite à la découverte de gisements offshore</a>. Très vite, les opérateurs chinois vont s’associer à Petrobras dans l’exploration et l’exploitation, ainsi que dans le soutien à la livraison d’infrastructures pétrolières.</p>
<p>Selon plusieurs études, confirmées par les industriels brésiliens, la rapidité des échanges et l’augmentation des importations chinoises du Brésil ont <a href="https://www.herodote.org/spip.php?article995">renforcé la désindustrialisation du pays</a>. À titre d’exemple, les exportations de produits manufacturés du Brésil ont diminué de moitié entre 2005 et 2021. On assiste à une <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-4-page-153.htm">« re-primarisation » de l’économie du géant</a> latino-américain, sur fond de <a href="https://www.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2015-3-page-95.htm">forte dépendance à l’exportation de quelques produits agricoles et miniers</a>.</p>
<p>Si en 2004 la création de la <a href="https://www.gov.br/mre/en/contact-us/press-area/press-releases/sixth-meeting-of-the-sino-brazilian-high-level-commission-for-consultation-and-cooperation-cosban-may-23-2022">Commission sino-brésilienne de Concertation et Coopération (COSBAN)</a> a contribué à l’intensification du partenariat économique, les relations se sont élargies, depuis l’émergence des BRICS à la fin des années 2000, à de nombreux autres domaines, notamment les médias, le militaire ou encore le spatial.</p>
<p>L’influence de Pékin s’est structurée et diversifiée. On compte un peu plus d’une dizaine d’Instituts Confucius (dont le premier à l’Université de Sao Paulo) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">dispersés sur l’ensemble du territoire brésilien</a>. La promotion de l’apprentissage du mandarin et l’intensification de réseaux divers (régions, chambre de commerce, partis politiques, etc.), <a href="https://www.researchgate.net/publication/274674618_Les_defis_de_l%E2%80%99influence_de_la_Chine_sur_le_developpement_du_Bresil">jusqu’au lobbying</a> pour la promotion des échanges entre les deux pays et d’une image attractive et bonifiée de la Chine, ont marqué les deux dernières décennies. Ainsi, la diaspora chinoise au Brésil s’est accrue, <a href="https://theconversation.com/la-tranquille-penetration-chinoise-en-amerique-latine-et-cara-bes-102277">surtout dans les grandes métropoles et dans les villes portuaires</a>, tandis que des Brésiliens se sont installés en Chine, dont bon nombre sont cependant partis avec la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Enfin, dans sa stratégie internationale, le <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br %C3 %A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">groupe Huawei</a> a su diversifier ses activités et intensifier sa présence au Brésil dans divers domaines : <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms-pourquoi-le-chinois-huawei-veut-grandir-dans-les-cables-sous-marins-626277.html">câbles sous-marins</a>, équipements et infrastructures, ventes d’appareils jusqu’à la fourniture de la 5G, ce qui a provoqué des <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/5g-les-etats-unis-avertissent-le-bresil-de-consequences-s-il-choisit-huawei-20200729">pressions américaines</a>… Rappelons que les Brésiliens sont, derrière les Chinois, les seconds utilisateurs de l’application <em>TikTok</em>, qui suscite de nombreuses questions en <a href="https://restofworld.org/2022/tiktok-competitor-kwai-brazil/">matière de protection des données</a>.</p>
<h2>L’avenir d’une relation déséquilibrée</h2>
<p>Le <a href="https://veja.abril.com.br/economia/china-entra-em-desaceleracao-e-pode-prejudicar-planos-para-brasil-em-2023/">ralentissement économique chinois</a>, le rôle et <a href="https://www.letemps.ch/economie/reunis-pekin-brics-refusent-un-monde-unipolaire">l’avenir des BRICS</a>, notamment dans un contexte marqué par la <a href="https://www.estadao.com.br/internacional/os-riscos-da-neutralidade-do-brasil-leia-a-coluna-de-oliver-stuenkel/">guerre en Ukraine</a> et les <a href="https://dialogochino.net/en/trade-investment/57801-opinion-china-brazil-amazon-global-integration/">vulnérabilités (environnementales, économiques et sociales)</a> du Brésil sont autant de défis pour le prochain mandat qui commencera à partir de janvier 2023.</p>
<p><a href="https://foreignpolicy.com/2022/09/22/brazil-election-china-economy-brics-bolsonaro-lula/">Les observateurs sont divisés</a> sur l’identité du <a href="https://valor.globo.com/mundo/noticia/2022/09/04/lula-e-bolsonaro-alimentam-expectativas-sobre-china-e-acordo-ue-mercosul.ghtml">candidat préféré par Pékin</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2020-03-19/Covid-19-la-polemique-enfle-entre-le-bresil-et-la-chine">déclarations incendiaires de Bolsonaro</a> à l’égard de la RPC (accusations de pillage des ressources et d’emplois, puis critiques en lien avec la pandémie) n’ont pas remis en question la re-primarisation de l’économie du Brésil, et divers acteurs économiques et politiques dans les régions, notamment au Nordeste, restent fortement <a href="https://brazilian.report/opinion/2022/09/22/chinese-communist-party-congress-brazil/">dépendants à l’égard de la Chine</a>.</p>
<p>Demeure la question du poids diplomatique et des <a href="https://neofeed.com.br/blog/home/artigo-as-perspectivas-para-as-relacoes-brasil-china-em-um-mundo-mais-turbulento/">ambitions du Brésil en matière de politique étrangère</a> (<a href="https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/le-bresil-bien-decide-a-faire-une-entree-rapide-a-locde-1397445">accession à l’OCDE</a> par exemple, ou politique africaine, lien avec l’Europe et les États-Unis, place et rang dans le sous-continent). Durant la campagne, les deux candidats n’ont que très peu évoqué les sujets internationaux, en particulier les liens avec la Chine. Mais chacun a conscience des interdépendances et des fragilités de la reprimarisation. D’un côté, Lula souhaiterait exercer une diplomatie proactive au sein des BRICS et travailler plus étroitement avec les pays émergents, de l’autre Bolsonaro sait qu’il peut compter sur l’électorat de l’agrobusiness brésilien, favorable à la Chine.</p>
<p>L’issue du second tour des élections le 30 octobre prochain ne devrait pas changer en profondeur la forte dépendance et l’asymétrie de la relation bilatérale. La prochaine présidence brésilienne, quelle qu’elle soit, devra nécessairement composer avec l’influence désormais majeure que la Chine exerce sur le Brésil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Quel que soit le vainqueur de la présidentielle brésilienne, il est probable que la Chine continuera de jouer un rôle majeur dans l’économie du pays, comme c’est le cas depuis maintenant vingt ans.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925392022-10-18T16:42:09Z2022-10-18T16:42:09ZAprès le XXᵉ congrès du PCC, quel leadership pour la Chine ?<p>Le XX<sup>e</sup> congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’est ouvert à Pékin le 16 octobre verra, sauf improbable surprise, le président Xi Jinping reconduit dans ses fonctions pour un troisième mandat de cinq ans. Si le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/xi-jinping-le-culte-numerique-de-la-personnalite_3248239.html">culte de la personnalité</a> de l’homme fort de Pékin et le durcissement du régime observé au cours des dix dernières années ont fait l’objet de <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2020-12-page-41.htm">nombreux travaux</a> dans le monde occidental, c’est surtout le bilan de sa politique des cinq dernières années que le président chinois doit présenter à cette occasion.</p>
<p>Si l’occasion lui est offerte de glorifier devant les 2 300 membres du parti invités dans le Palais du Peuple les résultats de son <em>leadership</em> et de rappeler l’objectif de faire de la Chine la <a href="https://www.areion24.news/2018/10/03/premiere-puissance-mondiale-en-2049-la-strategie-de-la-pieuvre-chinoise-a-loeuvre/">première puissance mondiale d’ici 2049</a>, son bilan sur les cinq dernières années n’en est pas moins confronté à l’épreuve des faits, et impactera fortement les orientations politiques et économiques jusqu’au prochain Congrès, en 2027.</p>
<p>Ainsi, quels seront les « <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2008/08/06/les-habits-neufs-du-president-mao-par-francis-deron_1080766_3232.html">habits neufs du président</a> Xi » à l’issue de ce rendez-vous majeur de l’État-parti, et quelle sera sa marge de manœuvre ?</p>
<h2>Une croissance économique plombée par la pandémie de Covid-19</h2>
<p>Jamais depuis les années 1980 la Chine ne fut à ce point préoccupée par la santé de son économie.</p>
<p><a href="https://www.federalreserve.gov/PUBS/ifdp/1999/633/ifdp633.pdf">L’impact de la crise asiatique de 1997 fut limité</a>, et même après la crise financière internationale de 2008, le premier ministre de l’époque, Wen Jiabao, avait su rebondir en proposant un <a href="https://academic.oup.com/book/34664/chapter/295352459">vaste plan de réforme du modèle de croissance</a>, axé sur le développement de la consommation intérieure et d’une classe moyenne.</p>
<p>La situation actuelle est plus préoccupante, avec un <a href="https://www.worldbank.org/en/country/china/publication/china-economic-update-june-2022">taux de croissance</a> historiquement bas – il oscille selon les trimestres entre 2 et 6 % – qui n’a fait que <a href="https://www.macrotrends.net/countries/CHN/china/gdp-growth-rate">ralentir depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013</a>. La volonté de s’appuyer une fois encore sur la consommation intérieure est privilégiée, mais ce levier sera insuffisant pour retrouver les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lexplosion-economique-de-la-chine-en-chiffres-1320132">chiffres vertigineux des années 2000</a>.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 et sa gestion en Chine, <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/zero-Covid-en-chine-la-vie-humaine-avant-leconomie">tant vantée par ses dirigeants</a> – qui mettent en avant un bilan humain très faible en comparaison à l’Europe ou aux États-Unis – et qui se traduit encore aujourd’hui par des <a href="https://theconversation.com/la-voix-davril-contestation-et-censure-dans-shangha-confinee-182734">mesures très restrictives</a>, n’a fait qu’accentuer une tendance déjà observable au cours des dernières années.</p>
<p>La mise à l’arrêt de provinces entières et les restrictions de déplacements ont fortement fait chuter la croissance, qui a certes rebondi depuis dix-huit mois après une <em>annus horribilis</em> en 2020 – comme dans le reste du monde – mais reste handicapée par l’entêtement des dirigeants dans une <a href="https://www.europe1.fr/international/en-chine-la-strategie-zero-Covid-lasse-la-population-4130661">stratégie zéro-Covid</a> que les autres principaux acteurs de l’économie internationale ont depuis longtemps abandonnée.</p>
<p>Acteur majeur de la mondialisation, la Chine souffre ainsi à la fois d’un essoufflement mondial de la croissance et de l’incapacité de son système politique à se remettre en question, au risque de délégitimer ses dirigeants. Quand la Chine affiche des taux de croissance exceptionnels et permet aux Chinois de s’enrichir, le pouvoir gagne en légitimité. Mais l’inverse est également vrai…</p>
<h2>Une politique étrangère chahutée</h2>
<p>Sous le règne de Xi Jinping, la Chine est sortie de sa discrétion en matière de politique étrangère, héritage de Deng Xiaoping, et se montre désormais décomplexée, tant dans son <a href="https://theconversation.com/organisations-internationales-le-spectre-dune-hegemonie-chinoise-se-concretise-136706">implication dans les institutions internationales</a>, sa <a href="https://theconversation.com/2001-2021-vingt-ans-de-renforcement-strategique-et-economique-pour-la-chine-167846">croissance militaire</a>, sa relation avec ses voisins ou encore sa stratégie de développement des infrastructures dans le monde, incarnée par la très coûteuse <a href="https://www.iris-france.org/103572-belt-and-road-initiative-bri-une-lecture-economique/"><em>Belt & Road Initiative</em> (BRI)</a> dont Xi Jinping s’est fait le champion.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>On relève cependant sur ce point un essoufflement, partiellement dû au Covid-19, mais aussi à un retour sur investissement très limité et qui fait désormais grincer les dents de nombreux Chinois, inquiets de voir des capitaux sortir du pays, là où les défis en matière de développement restent innombrables. Xi Jinping a su profiter des promesses de la BRI pour renforcer son <em>leadership</em>. Parviendra-t-il à éviter d’être désigné comme principal responsable des difficultés que son projet rencontre ?</p>
<p>La <a href="https://ecfr.eu/paris/publication/china_analysis_la_politique_de_voisinage_chinoise/">politique de voisinage de Pékin</a> est également confrontée à des défis susceptibles de remettre brutalement en cause les promesses de Xi Jinping. L’obstination de la Chine à l’égard de Taïwan se heurte à une résistance non seulement des principaux intéressés, mais aussi du Japon ou des États-Unis, et la promesse d’une réunification pacifique et inévitable, dont Xi Jinping s’est fait le garant, est chaque jour plus improbable.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-chinois-de-ta-wan-189085">Le casse-tête chinois de Taïwan</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En mer de Chine méridionale, Pékin continue de clamer que la situation est sous contrôle et que les différends sont désormais terminés, mais c’est ignorer le positionnement du <a href="https://cqegheiulaval.com/vietnam-chine-rivalites-et-revendications-territoriales-en-mer-de-chine-meridionale/">Vietnam</a>, des <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20211118-mer-de-chine-m%C3%A9ridionale-les-philippines-demandent-%C3%A0-la-chine-de-faire-marche-arri%C3%A8re-apr%C3%A8s-des-tirs">Philippines</a>, et désormais de l’<a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220802-l-indon%C3%A9sie-et-les-%C3%A9tats-unis-organisent-un-exercice-militaire-en-mer-de-chine-m%C3%A9ridionale">Indonésie</a>. En dix ans, la Chine n’a pas progressé sur ce terrain, et elle a perdu pied sur la question taiwanaise, là où prédécesseur de Xi Jinping, Hu Jintao, s’était montré <a href="https://www.questionchine.net/hu-jintao-choisit-la-detente-avec-taiwan-au-moins-pour-un-temps">plus pragmatique</a>, avec des résultats plus convaincants.</p>
<p>On pourrait ajouter à cette liste les effets de la guerre en Ukraine, Pékin se montrant <a href="https://www.slate.fr/story/226695/alignement-chine-guerre-russie-ukraine-poutine-xi-jinping-propagande-strategie-diplomatie">incapable de jouer les arbitres</a> entre Kiev et Moscou, contrairement à ce que Xi Jinping souhaitait, ou encore les <a href="https://www.20minutes.fr/monde/4005373-20221014-coree-nord-tire-nouveau-missile-balistique">gesticulations nord-coréennes</a> qui mettent Pékin dans l’embarras. Sous Xi Jinping, la Chine a mis en place une politique de grande puissance ; elle découvre aussi les revers d’une politique étrangère plus active.</p>
<h2>L’image de la Chine dans le monde en question</h2>
<p>Déjà perceptible lors du premier mandat de Xi, le durcissement de la diplomatie chinoise illustré par l’intransigeance de ses diplomates, qualifiés de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/30/chine-la-diplomatie-du-loup-combattant_6038290_3210.html">« loups combattants »</a>, a culminé au cours des cinq dernières années avec une critique soutenue des démocraties occidentales et un acharnement contre tous ceux qui osent pointer du doigt les zones d’ombre de ce pays. Dans le monde occidental, cette stratégie est un échec total, et a décrédibilisé le discours chinois auprès de ses partenaires.</p>
<p>Mais au-delà de la méthode, il y a aussi les faits. Le deuxième mandat de Xi Jinping fut ainsi marqué par deux dossiers de « politique intérieure » qui ont fortement terni l’image de la Chine. Les persécutions menées contre les Ouïghours du Xinjiang ont non seulement été révélées au grand jour, mais elles furent même au cœur d’un <a href="https://unric.org/fr/rapport-onu-ouighours-chine/">rapport de l’ONU</a> rendu public en août dernier. Avec ce qui s’apparente à un nettoyage ethnique, c’est tout le discours inclusif du traitement des minorités par Pékin, tout autant que son image, notamment <a href="https://www.rferl.org/a/why-are-central-asian-countries-silent-about-china-s-uyghurs-/30852452.html">auprès de ses partenaires en Asie centrale</a>, qui se trouve compromis.</p>
<p>La question de Hongkong est plus lourde de conséquences encore. Avec la <a href="https://theconversation.com/hongkong-vitrine-de-la-democratie-a-la-chinoise-au-corps-defendant-de-ses-habitants-174297">neutralisation des opposants politiques</a>, Pékin a montré son pire visage depuis le massacre de Tiananmen en 1989, et la gestion désastreuse de cette crise politique pourrait laisser des traces encore plus profondes qu’en 1989, d’autant qu’elle s’ajoute à la question taiwanaise, aux Ouïghours et plus généralement au sort de tous les opposants au pouvoir de Xi Jinping. Ce dernier n’a pas à s’en justifier lors du congrès du PCC, mais les échecs répétés de sa politique intransigeante affectent sa légitimité.</p>
<h2>Quel avenir pour la Chine de Xi Jinping ?</h2>
<p>Malgré un bilan peu élogieux, le président chinois restera en poste encore au moins cinq ans, consécutivement à un plébiscite dont les congrès du PCC ont le secret.</p>
<p>Aussi convient-il de s’interroger sur les orientations que pourrait prendre son <em>leadership</em> dans un contexte international qui a considérablement évolué depuis le congrès de 2017, puisque ces congrès en donnent souvent le la. Faut-il par exemple craindre une sorte de « poutinisation » du président chinois, plus isolé en interne comme à l’international, et tenté de faire une démonstration de puissance pour renforcer son image ? On pense évidemment à Taïwan, qui serait dès lors <a href="https://theconversation.com/les-inquietantes-lecons-de-la-guerre-dukraine-pour-lavenir-de-ta-wan-185835">l’Ukraine de la Chine</a>. C’est cependant oublier que les deux dossiers sont très différents, tant politiquement que d’un point de vue militaire, sans compter que l’échec de l’opération russe en Ukraine est un repoussoir plus qu’un exemple pour Pékin. La Chine n’a rien à gagner d’une guerre avec Taïwan, et Xi Jinping en est parfaitement conscient.</p>
<p>À l’inverse, peut-on s’attendre à un ajustement des politiques mises en place au cours des cinq dernières années, et même dix pour certaines ? Plusieurs signaux convergent en ce sens. La BRI est aujourd’hui l’objet d’un <a href="https://www.msn.com/en-xl/news/other/new-era-of-china-s-belt-and-road-initiative-will-see-less-risk-and-more-focus/ar-AA12SQbG">réexamen</a> visant à sélectionner les projets de partenariat, sans pour autant abandonner l’idée d’une stratégie globale, parce que les retombées économiques sont moins importantes que prévu, parce que les moyens de Pékin ne sont pas illimités, et parce que les résistances sont nombreuses. Pékin pourrait profiter du XX<sup>e</sup> Congrès pour annoncer un agenda de « retour à la normale » sur la question de la pandémie, et la durée de la quarantaine a déjà été très sensiblement réduite, et même annulée dans certains cas.</p>
<p>On peut compter sur l’éloquence de Xi Jinping pour annoncer fièrement que la Chine a vaincu l’épidémie de Covid-19 et qu’il est temps de tourner la page… En matière de stratégie d’influence, le troisième mandat de Xi pourrait s’inspirer de la <a href="https://www.herodote.net/L_homme_le_plus_puissant_du_monde_-synthese-556.php">présidence de Hu Jintao</a>, qui avait misé sur le <em>soft power</em> avec des résultats convaincants. Là aussi, on compte sur le talent du président chinois pour s’en faire le champion.</p>
<p>Enfin, la Chine souhaite – et doit – renouer (avec les pays occidentaux surtout, mais seulement) un lien diplomatique qui fut mis à mal ces cinq dernières années, et les loups combattants, qui ont agacé aussi bien les pays développés que les pays en développement, notamment en Asie du Sud-Est, doivent laisser place à de vrais négociateurs. Là aussi, on peut compter sur la capacité de Xi Jinping à insuffler une nouvelle orientation, dès lors qu’elle lui permettra de renforcer sa légitimité. Attention toutefois sur ce dernier point à ne pas tout confondre : la priorité de Pékin ne sera pas, durant le troisième mandat de Xi, de séduire les puissances occidentales, avec lesquelles les relations resteront difficiles (quel que soit le président chinois d’ailleurs), mais de renforcer son rôle de modèle et de partenaire aux yeux des sociétés en développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Courmont est membre de l'IRIS. Il a remporté des appels d'offre du Ministère des Armées</span></em></p>Le président Xi Jinping va sans doute être reconduit pour un troisième mandat de cinq ans. Et cela, même si le mandat qui s’achève n’a pas été aussi triomphal qu’espéré.Barthélémy Courmont, Directeur du master Histoire -- Relations internationales, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909322022-09-22T18:44:48Z2022-09-22T18:44:48ZQuand la Chine organise un nouvel espace de vassalité<p>Le sommet de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LOrganisation-cooperation-Shanghai-outil-lutte-russo-chinoise-contre-limperialisme-americain-2022-09-15-1201233394">l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)</a> tenu à Samarcande (Ouzbékistan) les 15 et 16 septembre aura marqué les esprits pour au moins trois grandes raisons : tout d’abord, parce que chaque sommet international rassemblant plus d’une <a href="http://eng.sectsco.org/cooperation/20170110/192193.html">vingtaine d’États</a> représentant plus de 40 % de la population mondiale est un événement notable ; ensuite, parce que l’OSC prend de plus en plus la forme d’un club de puissances nucléaires non occidentales (Chine, Russie, Inde, Pakistan… et Iran) ; enfin, parce que la réunion qui vient de s’achever, organisée en plein recul de l’armée russe en Ukraine, a mis en évidence la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/dos-au-mur-poutine-rentre-les-mains-vides-de-samarcande-1788666">perte d’influence de Moscou au profit de la Chine</a> dans cet immense espace eurasiatique.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’OCS ?</h2>
<p>Précisons d’abord ce que l’OCS n’est pas : contrairement à ce que l’on entend parfois, ce n’est ni une alliance, ni une « OTAN eurasiatique », ni une sorte de « G20 bis ». Cette organisation, encore trop méconnue en Occident, est le produit de la recomposition de l’ordre international consécutive à l’implosion de l’URSS et de la <a href="https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/lhistoire-du-monde-se-fait-en-asie-une-autre-vision-du-XXe-si%C3%A8cle/">volonté de Pékin d’affirmer son influence</a> dans son pourtour asiatique.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une première réunion a lieu en 1996 à Shanghai, entre la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan – d’où le nom initial de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">« Groupe de Shanghai »</a>. Petit à petit, Pékin va institutionnaliser cette plate-forme régionale, qui devient l’OCS en 2001, intégrant au passage l’Ouzbékistan. L’Organisation va organiser annuellement des sommets consacrés aux questions sécuritaires et économiques et, ces dernières années, s’ouvrir à de nouveaux membres. Les six pays fondateurs de 2001 sont rejoints par l’Inde et le Pakistan en 2017, puis par l’Iran en 2021.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Véron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis l’ère Deng Xiaoping (1978-1989), l’appareil du Parti-État met en œuvre une <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">« diplomatie multilatérale »</a> (<em>duobian waijiao</em>) qui a pour ambition première de remodeler les routes commerciales eurasiatiques au départ de la Chine en connectant l’Asie centrale, la Russie et l’Europe.</p>
<p>Plusieurs leviers institutionnels y pourvoient, et notamment l’OCS. Initiée par Pékin et Moscou afin de stabiliser et de limiter l’influence occidentale en Asie centrale, <a href="https://www.cairn.info/revue-le-courrier-des-pays-de-l-est-2006-3-page-26.htm">l’OCS est un outil diplomatique</a> pleinement investi par Pékin comme espace de dialogue et d’influence, de commerce et de coopération militaire. C’est ainsi qu’en 2017, la Chine a favorisé <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/10/l-inde-et-le-pakistan-rejoignent-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai_5141929_3216.html">l’entrée du Pakistan</a> dans l’OCS pour faire contrepoids à l’entrée de l’Inde, soutenue quant à elle par la Russie. Enfin, après plusieurs années de discussions, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-rejoignant-lalliance-russo-chinoise-lOCS-Teheran-tourne-vers-lEst-2021-09-21-1201176550">l’Iran est devenu membre en 2021</a>.</p>
<p>L’OCS, dont le siège est à Pékin, a donc évolué avec les années, mais demeure fermée à l’Occident et au Japon. Elle rassemble ainsi aujourd’hui l’ensemble des puissances nucléaires non occidentales (Israël et Corée du Nord à part).</p>
<p>La gouvernance de l’Organisation s’articule, on l’a dit, autour de réunions étatiques annuelles dans les pays membres (la <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-09/17/content_78424733.htm">prochaine</a> devrait avoir lieu en Inde), mais aussi de diverses réunions ministérielles fonctionnelles (sécurité, économie, finance, éducation, etc.). Pékin a toujours privilégié un organigramme de gouvernance chinois ou sinisant. Actuellement, le <a href="http://eng.sectsco.org/secretariat/">secrétaire général</a>, Zhang Ming, est chinois et, parmi ses adjoints, on retrouve un Kazakhstanais, Yerik Sarsebek Ashimov, et un Russe, Grigori Logvinov. Tous sont diplomates de carrière, à la fois sinophones et russophones.</p>
<h2>Xi Jinping en leader régional</h2>
<p>Le président chinois, Xi Jinping, <a href="https://thecradle.co/Article/Columns/15771">s’est rendu à Samarcande</a> pour le sommet de l’OCS 2022. Quelques jours plus tôt, il a effectué une courte <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/xi-jinping-est-arrive-au-kazakhstan-sa-premiere-visite-a-l-etranger-depuis-la-pandemie-20220914">visite d’État au Kazakhstan</a>, voisin d’importance majeure dans la politique régionale de Pékin (par ses exportations de ressources fossiles et de minerais).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chine-kazakhstan-vers-un-glacis-eurasien-152967">Chine-Kazakhstan : vers un glacis eurasien ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces deux visites, et spécialement celle de Samarcande, sont cruciales pour comprendre les priorités actuelles de Xi Jinping, qui n’était plus sorti de Chine depuis la fin de l’année 2019. Elles interviennent en effet dans un contexte international rendu particulièrement tendu par la guerre en Ukraine et la dégradation notable des relations entre la Chine et l’Occident ; de plus, elles se situent à la <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/202209/t20220916_10767110.html">veille du 20ᵉ Congrès du PCC</a> (16 octobre 2022).</p>
<p>À Samarcande, <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-09/17/content_78424727.htm">Xi Jinping a déclaré</a> que l’OCS devait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/17/xi-jinping-se-pose-en-chef-de-file-des-anti-occidentaux_6142044_3210.html">« renforcer la coopération et promouvoir la construction d’une communauté de destin plus étroite »</a>.</p>
<p>Pas de grandes surprises dans le déclaratif du président chinois, mais une occasion majeure de mettre en avant des éléments de langage, en amont de l’institutionnalisation de son maintien au pouvoir <em>ad vitam aeternam</em> qui doit intervenir lors du 20<sup>e</sup> Congrès. La <a href="https://www.courrierinternational.com/article/cooperation-a-samarcande-la-chine-met-en-avant-ses-liens-privilegies-avec-l-asie-centrale">presse chinoise a beaucoup insisté</a> sur la réussite de ce sommet et sur les diverses rencontres auxquelles Xi Jiping a participé, plutôt que la question bilatérale sino-russe.</p>
<p>Malgré des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/leconomie-chinoise-envoie-de-nouveaux-signaux-inquietants-1784711">résultats économiques de moins en moins mirifiques</a> (ralentissement structurel, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine et intensification des tensions avec les États-Unis), Pékin continue de susciter des volontés de partenariats, d’autant plus que l’influence de Moscou semble reculer nettement dans le grand espace post-soviétique.</p>
<p>Pour l’ensemble des pays de la zone (l’Inde exceptée), c’est la Chine qui est le premier partenaire économique, d’intérêt diplomatique et, de plus en plus, sécuritaire. Aussi furent évoqués les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/deux-projets-de-train-qui-pourraient-transformer-lasie-centrale-1787194">grands projets d’infrastructures et de connectivité</a> dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie » – un projet bien à la peine, notamment du fait de l’endettement, de la corruption et du manque de liquidité des opérateurs chinois, ces derniers étant <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/nouvelle-route-de-la-soie-la-guerre-en-ukraine-transforme-la-carte-des-routes-commerciales-chine-europe-928837.html">très touchés par la guerre en Ukraine</a>. Les segments ferroviaires et routiers (Ukraine, Russie, Biélorussie) de ces nouvelles routes sont tous à l’arrêt. Les projets de désenclavement de l’Afghanistan ont également été abordés, mais avant tout via un axe à <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/la-vallee-de-ferghana-carrefour-de-lasie-centrale/">travers les pays d’Asie centrale</a> évitant la Russie…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WwLT3qq6-jY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Plus généralement, le sommet a permis l’affichage du poids de la Chine dans la région. Des rencontres bilatérales successives (avec Poutine, mais aussi l’Iranien <a href="http://french.xinhuanet.com/20220916/e152617768e747fb8b127eb31299cc45/c.html">Raïssi</a>, <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1663308293-xi-jinping-va-rencontrer-erdogan-en-ouzbekistan">Erdogan</a> et le Pakistanais <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202209/t20220917_10767389.html">Sharif</a> notamment) ont été tenues avec les dirigeants des divers pays membres, Narendra Modi à part. L’OCS permet à Pékin d’asseoir son influence régionale sans entrave majeure, l’objectif étant de devenir LA puissance de référence et <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">organiser un « pourtour de vassalité »</a> dans la zone.</p>
<h2>L’OCS face à l’Occident</h2>
<p>Exemple éclatant des dynamiques non occidentales des relations internationales, l’OCS constitue un espace singulier dans lequel des <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/10/l-inde-et-le-pakistan-rejoignent-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai_5141929_3216.html">puissances rivales et partenaires se retrouvent</a> afin d’établir leur feuille de route diplomatique sans en référer aux Occidentaux.</p>
<p>Attirés par le poids de Pékin dans la région, les pays de la zone souhaitent <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/dos-au-mur-poutine-rentre-les-mains-vides-de-samarcande-1788666">courtiser la deuxième puissance mondiale</a> et, en même temps, se défaire de l’influence russe. Nombreux sont les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/17/xi-jinping-se-pose-en-chef-de-file-des-anti-occidentaux_6142044_3210.html">États souhaitant intégrer l’OCS</a> sous l’un des trois statuts (membre, partenaire de dialogue ou observateur) : Arabie saoudite, Turquie, Égypte, Émirats arabes Unis, Birmanie, Maldives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1570823277932646400"}"></div></p>
<p>La présence de l’Inde montre tout l’intérêt que l’OCS recèle pour ses membres. Narendra Modi compose au sein de l’OCS à la fois avec le <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202209/t20220917_10767389.html">rival stratégique durable chinois</a> et avec <a href="https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-2018-1-page-243.htm">l’ennemi pakistanais</a>, tout en gagnant en <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/linde-et-la-russie-bilateralisme-et-multipolarite">influence en Asie centrale et au Moyen-Orient</a> et en participant <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-584/r19-5842.html">« aux schémas Indopacifiques »</a> alors que ses relations avec la Russie n’ont pas été dégradées par la guerre en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, l’OCS, sensible au contexte international immédiat, a fait du président turc <a href="https://information.tv5monde.com/info/quel-est-le-role-de-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai-471661">Recep Tayyip Erdogan</a> (par ailleurs membre de l’OTAN…) et de son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, deux invités attendus et visibles.</p>
<h2>Guerres et instabilités internes</h2>
<p>La guerre et l’instabilité intérieure marquent toutes deux la plupart des États présents : outre la guerre ouverte en Ukraine, on a assisté, tout récemment, à la ré-intensification des conflits entre <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/15/cessez-le-feu-respecte-entre-l-armenie-et-l-azerbaidjan-apres-deux-jours-d-affrontements_6141732_3210.html">l’Arménie et l’Azerbaïdjan</a>, et entre le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/16/affrontements-intenses-a-la-frontiere-entre-le-kirghizstan-et-le-tadjikistan_6141909_3210.html">Tadjikistan et le Kirghizstan</a>, et à une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/indignation-mouvement-de-colere-aux-funerailles-de-l-iranienne-mahsa-amini-morte-apres-son-arrestation-par-la-police-des-m-urs">révolte importante en Iran</a>…</p>
<p>Tous ces soubresauts sont le signe, d’une part, de l’affaiblissement de Moscou, traditionnel acteur d’influence du Caucase et de l’Asie centrale, et d’autre part de la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03455887/">recomposition post-impériale des ambitions des pôles régionaux de puissance</a> (Turquie, Iran, Inde, Chine, etc.). Si l’OCS est un outil d’influence de Xi Jinping, les convulsions internes (<a href="https://www.letemps.ch/monde/linde-grande-perdante-larrivee-talibans">y compris la question de l’Afghanistan et des talibans</a>) demeurent. Et n’oublions pas que les <a href="https://astanatimes.com/2022/09/pope-highlights-kazakhstans-role-in-promoting-dialogue-and-peace-during-meeting-with-president-tokayev/">États d’Asie centrale</a>, au cœur de toutes les problématiques, sont demandeurs de plus d’échanges avec l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>La Russie est sur le recul en Asie, tandis que la Chine monte en puissance. Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai qui vient de se tenir en Ouzbékistan l’a encore confirmé.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1893502022-08-29T18:16:25Z2022-08-29T18:16:25ZLa guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> n’a pas seulement impacté les échanges de l’Europe avec la Russie. Elle a aussi largement redéfini les routes commerciales terrestres avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, modifiant les portes d’entrée des marchandises en Europe et incitant les entreprises à reconfigurer davantage leurs chaînes d’approvisionnement.</p>
<p>Avant le conflit qui éclaté fin février, 95 % du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe transitaient, par le corridor Nord du China-Europe Express, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">route de la Soie ferroviaire</a> reliant la Chine à l’Allemagne via le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne. À la suite des sanctions internationales contre la Russie et au risque de confiscation des marchandises transportées, les volumes de fret ferroviaire eurasiatique – constitués de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Supply-Chain/China-opens-wallet-to-keep-trans-Eurasian-express-moving#:%7E:text=As%20the%20conflict%20in%20Ukraine,the%20China%2DEurope%20Railway%20Express.">PC et appareils électroniques, machines et pièces automobiles</a> – ont baissé de 80 %.</p>
<h2>Repenser les approvisionnements</h2>
<p>Les entreprises doivent, en effet, réorganiser la logistique de leurs échanges Chine-Europe et repenser la carte de leurs approvisionnements. Choix radicaux ou adaptations prudentes, les options varient selon les entreprises.</p>
<p>L’enseigne française de distribution d’articles de sports Decathlon, présente en Chine avec plus de 300 magasins et un réseau de partenaires industriels, affrétait, depuis 2017, des trains complets porte-conteneurs (train block). Partant de Wuhan (Chine), ils arrivaient à Liège (Belgique) et alimentaient la plate-forme logistique multimodale de Dourges (Hauts-de-France). Ce trafic ferroviaire s’est interrompu après trois mois de guerre et l’entreprise est obligée de choisir entre la voie maritime et le transit par de nouvelles routes ferroviaires.</p>
<p>Le constructeur suédois Volvo Cars, qui appartient au groupe chinois Zhejiang Geely et dont les usines sont basées en Suède, en Belgique et en Chine, a choisi Gand en Belgique comme pièce maîtresse de sa logistique internationale. Les modèles fabriqués en Chine sont expédiés par trains complets jusqu’à Gand et les mêmes trains repartent en Chine avec les modèles produits en Europe. L’entreprise doit choisir aujourd’hui de nouvelles modalités de transport Chine-Europe et décider également de l’implantation de ses nouvelles usines de production de voitures électriques pour le marché européen.</p>
<p>Son homologue allemand BMW, pour qui la Chine constitue le plus grand marché, a cessé tout transport ferroviaire via la Russie depuis le début de la guerre. Les voitures produites en Allemagne sont transportées par train jusqu’au port de Bremerhaven (Allemagne) puis par bateau jusqu’en Chine. De même, Audi, dont les usines sont en Allemagne et en Hongrie, étudie les possibilités offertes par de nouvelles routes ferroviaires pour exporter sa production vers la Chine.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Face à ces interrogations, transporteurs et logisticiens ouvrent aujourd’hui de nouvelles liaisons ferroviaires, notamment via le corridor central transcaspien (middle corridor). AP Moller – Maersk, la plus grande compagnie maritime au monde, a ainsi lancé, avec un premier train en avril 2022, un nouveau service ferroviaire entre la Chine et la Roumanie qui relie l’empire du Milieu et l’Europe en 40 jours. Les trains venant de Chine traversent le Kazakhstan depuis le hub de Khorgos jusqu’au port d’Aktau sur la mer Caspienne. Les marchandises sont ensuite transportées en barge jusqu’au port de Bakou en Azerbaïdjan pour se diriger vers le port de Poti en Géorgie puis celui de Constanta en Roumanie, le plus grand port de la mer Noire.</p>
<p>Rail Bridge Cargo, logisticien ferroviaire néerlandais, relie lui Zhengzhou (Chine) et Duisburg-Neuss (Allemagne) via le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie en 23-25 jours via une route multimodale. Enfin, Nurminem Logistics, logisticien finlandais et pionnier du corridor transcaspien, a lancé, en mai 2022, en coopération avec Kazakhstan Railways, son premier train de fret utilisant le corridor transcaspien.</p>
<h2>Forces et faiblesses du corridor transcaspien</h2>
<p>Le corridor transcaspien (Trans-Caspian International Transport Route ou TITR) a gagné en intérêt en tant que route ferroviaire alternative. <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/la-route-de-la-soie-ferroviaire-se-rallonge-pour-contourner-la-russie-20220626">Mais cette route est plus difficile à développer que la route Nord</a> : elle passe par des pays de cultures et d’orientations géopolitiques très différentes comme les pays du Caucase, elle compte plus de ruptures de charge, et implique la traversée de deux mers : la mer Caspienne et la mer Noire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">International Association Trans-Caspian International Transport Route (TITR)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les ports, les délais de transit sont rallongés en raison des lacunes de l’infrastructure de manutention des marchandises et de la taille modeste des terminaux. Il en résulte un temps de trajet plus long (30 jours au lieu de 20).</p>
<p>Pour l’heure, le corridor transcaspien n’est pas dimensionné pour un pont terrestre massif se substituant à la voie traditionnelle transitant par la Russie : <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">il ne représente que 5 % de la capacité du corridor Nord</a>. C’est pourquoi, en mars 2022, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kazakhstan et la Turquie ont signé une déclaration pour <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">améliorer le potentiel de transport</a> dans la région. La Turquie, qui a ouvert une liaison Bakou-Tbilissi-Kars dès 2017, apporte certes une contribution significative au trafic ferroviaire régional mais, dans l’ensemble, les volumes transportés restent inférieurs aux besoins.</p>
<p>Le développement des nouveaux corridors nécessite, en effet, d’importants investissements d’infrastructure ferroviaire et portuaire. L’Union européenne, avec le programme Transport Corridor Europe-Caucase-Asie (TRACECA), s’intéresse depuis 1993 au développement du corridor transcaspien. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) prévoit également d’investir plus de <a href="https://infra.global/ebrd-100m-for-kazakhstan-railway-modernisation/">100 millions d’euros dans Kazakhstan Railways</a> (KTZ).</p>
<p>L’intérêt de l’UE pour les pays du Caucase et le corridor transcaspien est décuplé par la recherche de nouvelles sources de gaz et de produits dérivés du pétrole en provenance de l’Azerbaïdjan et d’Asie Centrale. Cette actualité, qui est un facteur favorable aux investissements sur la route transcaspienne, peut aussi être de nature à exacerber les rivalités et <a href="https://thediplomat.com/2022/03/what-will-russias-invasion-of-ukraine-mean-for-chinas-belt-and-road/">aiguiser les appétits des grands acteurs régionaux</a>, en particulier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> et la Turquie. Ceci constitue un risque tant pour les investisseurs que pour les entreprises utilisatrices des services logistiques dans la région.</p>
<p>Dans ce contexte, une grande partie des entreprises tend à reporter le transport de leurs marchandises du ferroviaire au maritime bien que ce dernier se heurte encore à une saturation des ports dans le monde.</p>
<h2>Le rôle clé de l’Europe orientale</h2>
<p>Dans l’UE, la Bulgarie et la Roumanie sont bien placées pour bénéficier du développement des échanges via le corridor transcaspien. La liaison entre les ports de Poti en Géorgie et de Constanta en Roumanie fait l’objet de nouvelles solutions intermodales. Le transporteur Cosco Shipping Lines Romania étudie la possibilité de lancer un service de train de conteneurs <a href="https://www.railfreight.com/railfreight/2022/05/24/cosco-considers-launching-greece-romania-train-to-alleviate-constanta/">entre Le Pirée (Grèce) et les terminaux roumains</a> pour désencombrer le port de Constanta.</p>
<p>La Commission européenne a récemment approuvé l’allocation de 110 millions d’euros pour la modernisation d’un corridor ferroviaire en Bulgarie entre Sofia et la frontière serbe dans le cadre du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).</p>
<p>La Grèce peut aussi bénéficier de la réallocation de trafic dans une logique alliant rail et mer. Le Pirée est déjà largement employé comme porte d’entrée des marchandises asiatiques en Europe. De nombreux groupes électroniques entreposent et distribuent vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique à partir du Pirée, les marchandises venant d’Asie pouvant atteindre, en 25 ou 26 jours, la Hongrie ou la République tchèque où ils disposent de sites d’assemblage. La connexion du port grec au réseau ferroviaire européen reste, en effet, décisive pour le transport de biens en Europe du Sud-Est et Cosco contrôle le port depuis 2016.</p>
<h2>Un pivotement vers la Turquie</h2>
<p>Pour augmenter les possibilités d’acheminement, les entreprises doivent surtout repenser la localisation de leurs sites de production car elle détermine largement le choix des routes de transport. S’il est encore difficile de remplacer la Chine dans plusieurs secteurs, le confinement de villes comme Shanghai ou Shenzhen et les tensions croissantes entre Pékin et Washington conduisent les entreprises à prendre en compte plus avant le scénario d’un relatif découplage entre la Chine et l’Occident.</p>
<p>La réorientation des routes Asie-Europe avantage déjà largement les entreprises européennes qui ont des sites de production en Turquie ou en Europe centrale et orientale. En 2021, le géant suédois Ikea a <a href="https://www.miroir-mag.fr/innovation/ikea-va-transferer-davantage-de-production-en-turquie-pour-raccourcir-sa-chaine-dapprovisionnement/">transféré en Turquie</a> une partie de sa production de meubles. En 2022, Volvo Cars a annoncé le <a href="https://pro.largus.fr/actualites/volvo-cars-va-ouvrir-en-slovaquie-sa-troisieme-usine-europeenne-10980396.html">choix de la Slovaquie</a> pour la création de sa troisième usine en Europe. Boohoo, enseigne anglaise d’ultra-fast fashion, a décidé, au printemps dernier, de <a href="https://www.thisismoney.co.uk/money/markets/article-10099233/Boohoo-opens-manufacturing-office-Turkey.html">produire plus de vêtements en Turquie</a> ainsi qu’au Maghreb.</p>
<p>L’intérêt de la Turquie en matière de connectivité Asie-Europe n’avait pas échappé à Cosco qui, dès 2015, avait pris le <a href="https://www.seatrade-maritime.com/asia/cosco-pacific-jv-buy-turkeys-kumport-terminal">contrôle du troisième port turc de containers</a> (Kumport) près d’Istanbul et assure des liaisons directes entre la mer Noire, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, la Grèce et Israël.</p>
<p>Finalement, la guerre en Ukraine, qui a porté un coup majeur au fret ferroviaire par la route Nord, favorise l’émergence d’axes de transport alternatifs. Elle invite aussi les entreprises à vite reconfigurer leurs chaînes d’approvisionnement. Elle déplace, enfin, la porte d’entrée des échanges commerciaux Chine-Europe de la frontière polono-biélorusse vers la Turquie.</p>
<hr>
<p><em>Corinne Vadcar, Senior Trade Analyst, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Michel Larçon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le début du conflit, les entreprises abandonnent progressivement les voies du Nord pour de nouvelles alternatives. La Turquie semble la principale gagnante de cette reconfiguration.Jean-Paul Michel Larçon, Emeritus Professor Strategy and International Business, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1799092022-03-31T17:54:13Z2022-03-31T17:54:13ZLa nouvelle stratégie énergétique de la Chine en Afrique : enjeux et défis<p>Le huitième <a href="http://www.focac.org/fra/">Forum sur la coopération sino-africaine</a> (FOCAC), qui s’est tenu en novembre 2021 à Dakar, s’est conclu par l’annonce de l’ouverture d’une « nouvelle ère » de la coopération Chine-Afrique dans divers domaines, dont celui de l’énergie. Objectif annoncé : orienter cette coopération vers un développement « de qualité » associant soutenabilité financière et environnementale.</p>
<p>Aujourd’hui, la présence chinoise dans le domaine énergétique en Afrique est avant tout concentrée dans les énergies fossiles et hydrauliques. Quels pourraient être les contours d’une mutation vers des projets moins risqués et moins polluants ? Et quels sont les <a href="https://ferdi.fr/publications/la-nouvelle-strategie-energetique-de-la-chine-en-afrique-enjeux-et-defis">enjeux</a> d’une telle évolution pour les banques et investisseurs chinois ?</p>
<h2>Un engagement dans l’énergie hydraulique et fossile</h2>
<p>La ventilation des financements des banques dans le secteur de l’énergie sur la dernière décennie montre la <a href="https://www.oecd.org/publications/boosting-the-power-sector-in-sub-saharan-africa-9789264262706-en.htm">prédominance de l’hydroélectricité</a> (principale énergie renouvelable), suivie par les énergies fossiles (pétrole puis charbon) et les projets de transmission et de distribution (T&D) (Graphique 1). La forte présence de la <a href="https://africanclimatefoundation.org/wp-content/uploads/2021/11/800539-ACF-NRDC-Report.pdf">Chine dans le secteur de l’hydroélectricité</a> s’explique notamment par le fait que les entreprises et bailleurs chinois aient profité du vide laissé par les autres bailleurs étrangers au tournant des années 2000.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455512/original/file-20220331-21-d72h0j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1 : Répartition des financements des banques de développement chinoises en Afrique (43 Mds USD) sur 2010-2020. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La présence chinoise dans le pétrole et le gaz s’est développée dans les années 1990, avec la stratégie <a href="https://www.diplomaticourier.com/posts/china-s-going-out-strategy">« Going Out »</a>. Les deux objectifs poursuivis par celle-ci étaient l’apprentissage dans la conduite de projets d’énergie en Afrique pour les entreprises chinoises et la sécurité énergétique, le continent africain représentant 20 % des importations de gaz et de pétrole de la Chine. Cependant, la présence de l’Empire du Milieu s’est manifestée surtout en amont, au stade de l’extraction, faute d’expertise sur certaines composantes des centrales thermiques.</p>
<p>Depuis les années 2000, les incitations à l’investissement du secteur privé chinois dans les énergies se succèdent. L’ambition portée par les Nouvelles routes de la soie(Belt and Road Initiative – BRI) est d’inciter le secteur privé à investir dans la production des énergies renouvelables – en particulier solaires et éoliennes, dans lesquelles la Chine est le leader mondial.</p>
<p>Cependant, sur la dernière décennie, on constate que les investissements dans le domaine de l’énergie en Afrique sont restés peu diversifiés (Graphique 2). Ceux alloués aux projets pétroliers et gaziers des entreprises d’État chinoises dominant largement en volume et en nombre de projets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453930/original/file-20220323-27-1gyefz5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2 : Répartition des investissements chinois dans l’énergie en Afrique (32Mds) sur 2010-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les financements des banques dirigés vers d’autres énergies renouvelables que l’hydraulique ne dépassent pas 3 % des volumes engagés. Les investissements des entreprises dans ces énergies renouvelables ne représentent aussi que 3 % de l’investissement total. Bien que la Chine soit numéro un sur la planète pour la production d’énergie solaire ou éolienne, il n’existe pas de consortium spécialisé dans le développement à l’étranger de projets de cette nature, et la RPC agit principalement en tant qu’équipementier (fourniture de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/15/chine-il-n-est-pas-sain-que-la-production-mondiale-de-panneaux-solaires-ne-depende-a-ce-point-d-un-seul-pays_6084165_3232.html">panneaux photovoltaïques</a>).</p>
<h2>Des engagements chinois en baisse</h2>
<p>Les engagements pour des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/11/28/la-chine-face-au-probleme-de-dettes-africaines-insoutenables_6103914_3212.html">prêts chinois en Afrique</a>, tous secteurs confondus, se réduisent. Les données disponibles de la Boston University ou celles de John Hopkins utilisées dans le graphique 3 <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/finances-quand-les-etats-africains-tentent-de-reduire-le-poids-de-leur-dette-vis-vis">attestent de cette diminution</a> depuis 2017.</p>
<p>Ce ralentissement s’explique par plusieurs facteurs : endettement croissant des pays africains, qui a limité leur capacité à emprunter pour financer de grands projets d’infrastructures ; ralentissement de la croissance domestique de la Chine, qui impose une évolution de sa projection à l’étranger ; <a href="https://ferdi.fr/publications/la-nouvelle-strategie-energetique-de-la-chine-en-afrique-enjeux-et-defis">changement de stratégie</a> énergétique et de mobilisation des instruments de financement de la Chine dans les différents secteurs énergétiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453931/original/file-20220323-13-1r08jv1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 3 : Evolution des financements chinois dans l’énergie en Afrique sur 2010-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir des bases de données CGEF de Boston University et CAL de l’institut John Hopkins</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La fin du financement de projets d’envergure peu rentables ou polluants</h2>
<p>Récemment, la stratégie de projection chinoise a évolué et l’on distingue deux mutations qui sont déjà enclenchées en Afrique. Tout d’abord, une inflexion vers une politique de gestion des risques plus restrictive. Ensuite, la conscience croissante de <a href="https://ideas4development.org/chine-transition-ecologique/">l’importance de promouvoir le développement vert</a> et de relever les défis de la protection de l’environnement et du changement climatique.</p>
<p>En Afrique, cela se matérialise par un ralentissement des financements publics et l’abandon des projets d’envergure polluants aux profils de risques trop marqués. Ces décisions ont naturellement des implications majeures sur les contours de la coopération énergétique avec le continent.</p>
<p>La Chine a annoncé en septembre 2021 souhaiter se <a href="https://information.tv5monde.com/info/la-chine-relance-sa-production-de-charbon-malgre-ses-engagements-sur-le-climat-420186">désengager du charbon</a>. Le minerai est devenu moins rentable, indésirable politiquement, et l’Afrique n’est qu’un fournisseur secondaire.</p>
<p>Il reste cependant à définir les modalités de ce retrait. Les succès mitigés dans le secteur pétrolier sur la décennie écoulée (chute des cours) ont fait subir quelques déconvenues aux entreprises pétrolières nationales sur le continent. Ainsi, l’approvisionnement de la Chine en pétrole africain décroît (de 30 % des importations totales en 2008 à 18 % en 2018) – une tendance qui devrait se poursuivre avec la raréfaction des projets sur les années à venir.</p>
<p>En revanche, les enjeux stratégiques autour du gaz augmentent, dans un contexte où vingt pays occidentaux se sont engagés <a href="https://www.carenews.com/carenews-info/news/cop26-entre-promesses-et-engagements-que-faut-il-retenir">dans le cadre de la COP26</a> à ne plus financer de projets dans le domaine des énergies fossiles. La déclaration du FOCAC de Dakar soutenant des investissements et financements verts pour des projets gaziers l’illustre parfaitement.</p>
<p>La Chine pourrait combler le vide créé. Car l’Afrique dispose des plus importants gisements de gaz découverts sur la décennie, une donnée à mettre en parallèle avec les chiffres de la consommation chinoise de gaz, en augmentation constante.</p>
<h2>Mutations dans le secteur des énergies renouvelables</h2>
<p>La dernière décennie a vu le financement de grands projets hydrauliques risqués, généralement d’une capacité de plus de 50 MW. Le verdissement de la BRI pourrait amener à réduire leur dimensionnement. En effet, ces grands projets mettent du temps à se mettre en place, et l’appréhension de plus en plus forte des conséquences environnementales et sociales leur fait perdre de leur attrait.</p>
<p>Cependant, l’hydraulique d’envergure continuera d’être au cœur de la présence chinoise en Afrique. En attestent les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) qui anticipe que 70 % des capacités hydrauliques additionnelles sur la période 2021-2030 en Afrique devraient être le fait d’opérateurs chinois. L’enjeu dans ce secteur est donc de garantir des études environnementales et sociales préliminaires solides, et des mécanismes de transparence crédibles pour réduire le profil de risque de ces projets.</p>
<p>Les rares projets d’énergies renouvelables chinois sont portés par le secteur privé. La taille réduite des projets coïncide parfois avec celle des entreprises, tandis que leurs coûts de transaction sont rédhibitoires pour les larges entreprises d’État chinoises, qui privilégient les projets d’envergure hydrauliques.</p>
<p>Cependant, un rapprochement de terrain entre entreprises privées et entreprises d’État peut parfois être observé, et la multiplication des initiatives de verdissement de la BRI, l’application plus drastique des normes environnementales et sociales devrait aider les entreprises publiques et privées chinoises à mieux se projeter dans les secteurs des énergies renouvelables non hydrauliques.</p>
<h2>Impliquer davantage les banques commerciales et les entreprises privées chinoises</h2>
<p>Deux banques de politique stratégique dominent le secteur du financement, et six entreprises d’État celui de l’investissement. Sur les 43,4 Mds USD de financements énergétiques chinois recensés sur la décennie 2010-2020 en Afrique, la China Eximbank et la China Development Bank pèsent respectivement 60 % et 37 %. Les banques commerciales seules ont une part marginale (3 %, avec 3,3 Mds USD).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"788337557549428736"}"></div></p>
<p>Les entreprises d’État sont les autres acteurs économiques chinois majeurs, à la fois bénéficiaires des financements des banques comme contractants, mais aussi présentes dans l’investissement sur des projets d’envergure (30Mds USD depuis 2010). Le gouvernement table aussi sur la participation des entreprises privées comme investisseurs ou contractants, principalement pour les projets éoliens et solaires, mais les projets restent confidentiels jusqu’à présent (2Mds USD depuis 2010).</p>
<p>La plupart de ces prêts souverains suivent le modèle dit projet clé en main. Le contractant s’occupe de l’ensemble de l’ingénierie, du design jusqu’à l’installation, en passant par le choix des matériaux. Il s’adresse ensuite aux banques chinoises pour le financement, mais cela n’implique pas une présence de l’entreprise sur la phase d’opération.</p>
<p>Or ce modèle est en perte de vitesse pour deux raisons. Tout d’abord, parce que cette situation est vecteur d’aléas moraux, puisque les entreprises ont intérêt à « survendre » l’intérêt des projets, exploitant le <a href="https://static1.squarespace.com/static/5652847de4b033f56d2bdc29/t/6099cc5d267fb10016b82045/1620692064252/WP+47+-+ZHANG%2C+Hong+-+Chinese+Intl+Contractors%27+Market+Power+Africa.pdf">manque de visibilité des banques</a>. Ensuite, parce que ce système de prêts accordant peu d’importance à la viabilité des projets comprend généralement une clause contraignant les développeurs à souscrire une assurance coûteuse. Ces dernières sont taillées à larges montants de financement pour les énergies fossiles, car les primes d’assurance n’évoluent pas graduellement, mais pas pour les énergies renouvelables.</p>
<p>Ce qui est en jeu, c’est l’entrée dans un <a href="https://www2.deloitte.com/cn/en/pages/about-deloitte/articles/deloitte-perspective-v5-chapter2.html">« nouvel âge de l’internationalisation »</a> des entreprises d’État et des entreprises privées chinoises. Du statut de constructeurs, elles devraient évoluer vers celui de développeurs-investisseurs avec des capacités d’évaluations du risque et des impacts environnementaux et sociaux accrues, pour ne plus dépendre de garanties très coûteuses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1398891919917215748"}"></div></p>
<p>La faible incitation du modèle existant à la création de capacités d’analyse, et les préférences pour les accords de gouvernement à gouvernement, ont limité leur capacité d’évaluation des risques, et donc de compétitivité sur ces projets. Pour monter en compétence, les acteurs chinois doivent s’ouvrir davantage à des co-financements extérieurs ou à des sources de financement multiples.</p>
<h2>Le verdissement de la BRI comme tremplin</h2>
<p>Avec la multiplication des <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/chine-les-nouvelles-routes-de-la-soie-sur-le-chemin-du-developpement-durable-0">initiatives de verdissement de la BRI</a>, les publications incitant au respect de normes environnementales et sociales plus strictes ont <a href="https://chinadialogue.net/en/business/rhetoric-meet-reality-how-to-green-the-belt-and-road-initiative/">essaimé</a>. Afin d’attirer des investisseurs et de développer les co-financements, ces mesures doivent maintenant être opérationnalisées.</p>
<p>Le verdissement de la BRI, mais surtout du mix énergétique et de la politique industrielle de la Chine, redéfinit la diplomatie des ressources menée par Pékin et devrait soutenir sa transition vers un modèle moins carboné. Ce tournant vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2019-3-page-127.htm">« Nouvelles routes de la soie » plus durables</a>, qui suppose des évolutions importantes, pourrait ouvrir la voie à un dialogue et à une coopération renforcée entre les acteurs financiers chinois et leurs homologues dans le secteur de l’énergie.</p>
<p><em>Matthys Lambert et Achille Macé sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179909/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Très présente dans le secteur énergétique en Afrique, la Chine peut-elle vraiment proposer au continent un modèle de développement durable ?Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1795452022-03-23T14:27:57Z2022-03-23T14:27:57ZLes tensions sino-américaines à l’ombre de la guerre en Ukraine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453708/original/file-20220322-15-1y54env.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C0%2C4598%2C3049&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président Joe Biden a un entretien virtuel avec le président chinois Xi Jinping depuis la salle Roosevelt de la Maison Blanche à Washington, le 15 novembre 2021. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Susan Walsh)</span></span></figcaption></figure><p>Dans un récent article publié dans <a href="https://theconversation.com/invasion-russe-en-ukraine-voici-pourquoi-la-chine-pourrait-devenir-mediatrice-178567"><em>La Conversation</em></a>, j’évoquais les raisons pour lesquelles la Chine pourrait éventuellement agir comme médiatrice dans le conflit en Ukraine. J’y ajoutais que cette intervention salutaire de Pékin n’était pas imminente et qu’elle se produirait au moment où Xi Jinping jugerait qu’il y va de l’intérêt national de son pays d’agir ainsi.</p>
<p>Depuis, les <a href="https://scheerpost.com/2022/03/15/why-beijing-should-help-mediate-to-end-the-russia-ukraine-crisis/">appels pressants</a> à un <a href="https://www.ft.com/content/1e3c79e6-7d07-466b-b159-0742a8393ea7">rôle plus actif de la Chine</a> se multiplient. Spécialiste des négociations internationales, cet article poursuit deux objectifs : réévaluer la possibilité d’une intervention médiatrice de l’Empire du Milieu après près d’un mois de guerre et estimer les effets d’une telle initiative sur une réduction des tensions sino-américaines.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/invasion-russe-en-ukraine-voici-pourquoi-la-chine-pourrait-devenir-mediatrice-178567">Invasion russe en Ukraine : voici pourquoi la Chine pourrait devenir médiatrice</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Deux grands pièges sur l’échiquier mondial</h2>
<p>Lors de la précédente administration américaine de Donald Trump, plusieurs analystes exprimaient des inquiétudes concernant le futur des relations économiques internationales. L’ère de coopération économique d’après-guerre risquait de s’effondrer pour laisser place à un antagonisme systémique entre les États-Unis et la Chine.</p>
<p>Cette appréhension était illustrée par <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2020-3-page-10.htm">deux grands pièges</a> qui pointaient à l’horizon des relations économiques mondiales. Jusqu’à l’invasion russe de l’Ukraine, l’attention de Joe Biden se portait surtout sur des enjeux internes. Les tensions vives entre les deux grandes puissances demeuraient inchangées.</p>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pi%C3%A8ge_de_Thucydide">piège de Thucydide</a>, inspiré du récit que fait le grand historien grec de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_P%C3%A9loponn%C3%A8se">guerre du Péloponnèse</a> (431-411 AD), représente une situation historique où une puissance dominante entre en guerre contre une puissance émergente sous la contrainte de la peur que suscite chez la première le surgissement de la seconde. L’avertissement de Thucydide trouve son écho dans les écrits d’universitaires, dont ceux de <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/destined-war-can-america-and-china-escape-thucydidess-trap">Graham Allison</a>, selon lesquels la guerre commerciale actuelle entre Washington et Pékin est motivée par un effort désespéré des Américains pour maintenir leur primauté économique mondiale, alors que leur position hégémonique décline.</p>
<p>En contrepartie, le <a href="https://nouvelles.ulaval.ca/2020/11/16/les-pieges-de-thucydide-et-de-kindleberger-55c1e9780b0b6f6005b9a6d4742fa42f">piège de Kindleberger</a> évoque, en matière de relations internationales, un état du monde où une nouvelle puissance dominante ne parvient pas (par manque de capacité ou de volonté) à procurer les biens publics internationaux qui étaient fournis par la puissance dominante précédente.</p>
<p>Tout en attribuant la longue paix d’après-guerre au rôle joué par l’hégémonie américaine, Kindleberger nous met en garde contre les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520275850/the-world-in-depression-1929-1939">risques d’un retour à la décennie désastreuse des années 1930</a>, lorsque les États-Unis, la puissance économique et militaire la plus avancée, ne sont pas parvenus à combler le gouffre laissé par le déclin hégémonique relatif de la Grande-Bretagne.</p>
<p>Joseph S. Nye a qualifié de <a href="https://www.belfercenter.org/publication/kindleberger-trap">piège de Kindleberger</a> ce vide de leadership dans le système international. Sans ce leadership économique, qu’il soit exercé par une puissance hégémonique bienveillante ou par une coalition d’États qui partagent les mêmes visées, tous les efforts de coordination économiques et politiques des dernières décennies risquent d’être anéantis.</p>
<h2>La Chine répond coup sur coup</h2>
<p>Sous l’administration américaine précédente la <a href="https://www.piie.com/research/trade-investment/us-china-trade-war">guerre commerciale</a> entre Washington et Pékin a connu un crescendo. Donald Trump ne ménageait aucun effort pour freiner la montée en puissance de la Chine (une <a href="https://www.piie.com/blogs/trade-and-investment-policy-watch/why-biden-will-try-enforce-trumps-phase-one-trade-deal-china">politique qui a été largement maintenue par l’Administration Biden à ce jour</a>) La Chine <a href="https://www.piie.com/research/piie-charts/us-china-trade-war-tariffs-date-chart">répond coup sur coup</a> à chaque semonce de la Maison-Blanche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des gens avec des caméras, devant un écran géant" src="https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un forum organisé à Pékin en avril 2019, et auquel a assisté le président chinois Xi Jinping, fait la promotion de la nouvelle route de la soie, une série d’infrastructures permettant de relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andy Wong)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les risques liés au piège de Thucydide demeurent bien présents. À cela, s’ajoute le spectre du piège de Kindleberger. Aux cris du <a href="https://moveme.berkeley.edu/project/maga/">« Make America Great Again »</a> de Trump ou du <a href="https://www.whitehouse.gov/build-back-better/">« Build Back Better »</a> de Biden, les États-Unis semblent abandonner volontairement leur leadership économique, alors que la Chine n’est pas disposée à prendre le relais. En d’autres termes, on verra se creuser un immense vide susceptible d’entraîner l’économie mondiale vers le désordre et la confusion si les Américains <a href="https://amchamfrance.org/publication/chine-etats-unis-le-grand-decouplage-notre-nouvelle-realite/">découplent leur économie</a> de celle de la Chine et de la plupart des pays du monde, s’ils empruntent une <a href="https://www.economist.com/international/2022/03/14/america-returns-to-containment-to-deal-with-russia-and-china">stratégie d’endiguement</a>, et s’ils retournent à une position isolationniste d’avant-guerre,</p>
<p>L’éventualité que la Chine comble cet écart à court ou moyen terme, malgré son accent sur le pouvoir doux exprimé par les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_route_de_la_soie">nouvelles routes de la soie</a>, est peu vraisemblable. Bien qu’il soit douteux qu’un seul événement, si important soit-il, suffise à déplacer les plaques tectoniques du leadership international, la guerre en Ukraine ne pourrait-elle pas contribuer à amoindrir ou repousser les effets des deux pièges évoqués précédemment ?</p>
<h2>Une voie d’évitement des deux pièges de la géopolitique mondiale ?</h2>
<p>Le périple européen du président <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2022-03-20/guerre-en-ukraine/joe-biden-se-rendra-en-pologne-vendredi_1.php">Joe Biden à Bruxelles</a> pour y rencontrer les dirigeants de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne ne marque pas le premier signe d’un <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211209-joe-biden-r%C3%A9unit-une-centaine-de-pays-pour-son-sommet-pour-la-d%C3%A9mocratie">réengagement américain</a> dans les affaires internationales. Il signale cependant la portée de la guerre en Ukraine sur le renforcement des liens transatlantiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le président Joe Biden fait un salut alors qu’il monte dans un avion" src="https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Joe Biden s’apprête à monter à bord de l’Air Force One, à la base aérienne d’Andrews, au Maryland, le 23 mars 2022, en direction de Bruxelles, afin d’y rencontrer les dirigeants de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne. Le périple européen du président américain signale la portée de la guerre en Ukraine sur le renforcement des liens transatlantiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evan Vucci)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La solidarité des membres de l’OTAN et la cohérence des actions des nations européennes et nord-américaines en soutien à l’Ukraine amenuisent les craintes d’un vide de leadership international que l’on anticipait sous la présidence Trump. Alors que le piège de Kindleberger semble être sur la voie de desserte pour le moment, c’est surtout la récente <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-03-17/biden-to-speak-with-xi-friday-about-russia-white-house-says">vidéoconférence entre Joe Biden et Xi Jinping</a> qui retient l’attention.</p>
<p>Alors que le <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/03/18/readout-of-president-joseph-r-biden-jr-call-with-president-xi-jinping-of-the-peoples-republic-of-china-2/">communiqué de presse américain</a> sur cette rencontre était plutôt laconique, <a href="https://www.mfa.gov.cn/eng/zxxx_662805/202203/t20220319_10653207.html">celui de la Chine</a> était beaucoup plus révélateur. Les deux interlocuteurs se sont engagés à gérer efficacement la concurrence et les désaccords qui les confrontent. Ils ont reconnu que l’évolution de leur relation façonnera le monde du XXI<sup>e</sup> siècle. Cette politique d’ouverture et un engagement à conserver des canaux de communication périodiques entre les deux chefs d’État attestent d’une volonté de repousser les craintes liées au piège de Thucydide.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Scène de destruction dans une rue, avec une voiture incendiée en avant-plan" src="https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une scène de dévastation à Kharkiv, le 22 mars 2022. Pendant que la diplomatie s’active, l’Ukraine continue d’être bombardée par l’armée russe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andrew Marienko)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Trois scénarios pour la Chine</h2>
<p>Le véritable test d’une réduction des tensions entre les deux grandes puissances passe cependant par l’implication de la Chine dans la guerre en Ukraine. Trois scénarios s’imposent.</p>
<p>Premièrement, la trame la moins vraisemblable consiste en un alignement sans équivoque de la Chine avec la Russie. Dans un tel cas, nous aurions tout à craindre du piège de Thucydide, sur une trajectoire que même Xi Jinping n’aurait pas pu entrevoir lorsque les troupes de Poutine ont franchi la frontière ukrainienne.</p>
<p>Un deuxième scénario évoque le maintien de l’ambiguïté stratégique de la Chine, dans un attentisme où le conflit se réglerait dans un sens encore inconnu. Malgré l’insistance des Chinois de leur non-belligérance, leur « pouvoir doux » et leur leadership international seraient sérieusement remis en cause.</p>
<p>Le troisième scénario me semble le plus plausible. Prenant acte des pressions croissantes en faveur de son intercession auprès de Vladimir Poutine, Xi Jinping s’engagera conjointement avec d’autres dirigeants internationaux afin de trouver une solution diplomatique au conflit.</p>
<p>Cet engagement pourrait prendre diverses formes, dont une relance de <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Lors-d-un-appel-avec-Macron-et-Scholz-Xi-Jinping-appelle-a-la-plus-grande-retenue-1792677">l’appel à une conciliation coordonnée</a> avec Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Elle constituerait, à mon avis, la meilleure option pour non seulement trouver une solution diplomatique au conflit en Ukraine, mais aussi pour réduire l’ombre des pièges de Thucydide et Kindleberger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179545/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Érick Duchesne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après un mois de guerre en Ukraine, la Chine n’a toujours pas annoncé ses couleurs. Une intervention diplomatique de Pékin dans le conflit pourrait atténuer les tensions avec les États-Unis.Érick Duchesne, Professeur, Département de science politique, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1780502022-03-02T19:42:30Z2022-03-02T19:42:30ZL’attentisme de Pékin face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie<p>Xi Jinping a opté pour une posture prudente en attendant l’issue de la guerre russe en Ukraine.</p>
<p>En lançant une invasion d’envergure de l’Ukraine dans la nuit du 23 au 24 février dernier, le Kremlin s’est immédiatement retrouvé face à trois fronts : le <a href="https://www.cfr.org/global-conflict-tracker/conflict/conflict-ukraine">théâtre de la guerre en Ukraine</a> ; les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=24AixvXhpSE">condamnations internationales</a> et la <a href="https://fr.euronews.com/2022/02/27/malgre-la-repression-les-manifestations-anti-guerre-se-multiplient-en-russie">contestation à l’intérieur</a>. Chacun de ces trois aspects intéresse au plus haut point le régime de Pékin.</p>
<p>Le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chine-Russie-raisons-dun-rapprochement-2022-02-04-1201198606">rapprochement stratégique</a> de la Chine et de la Russie est souvent présenté comme « solide » et déterminant dans le système international d’aujourd’hui. La réalité est plus nuancée. Les relations sino-russes sont, en effet, <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/malgre-les-apparences-il-existe-des-divergences-structurelles-entre-la-chine-et-la-russie">complexes et asymétriques</a>.</p>
<p>Dans ce duopole, Xi Jinping dispose d’une <a href="https://warsawinstitute.org/russia-chinas-junior-partner/">supériorité indéniable</a> qui se manifeste déjà sur de nombreux plans – et qui pourrait encore s’accroître si la guerre en Ukraine précipitait l’avènement <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/michel-duclos-le-regime-poutinien-est-condamne-1389969">d’une Russie post-Poutine</a>. La Chine, qui est le <a href="https://asialyst.com/fr/2022/02/26/guerre-ukraine-poutine-peut-il-compter-soutien-economique-chine/">premier partenaire économique de l’Ukraine</a> (produits agricoles, minerais et axe de circulation des « Nouvelles routes de la soie »), sait que la guerre en cours, quelle qu’en soit l’issue, changera en tout état de cause la donne géoéconomique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8nnKwiMEN9s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Chine et Russie ont désormais une quasi-alliance » Le Point, 25 février 2022.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Sur le front de la guerre en Ukraine : un soutien uniquement déclaratif</h2>
<p>Le 4 février dernier, jour de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, Vladimir Poutine était reçu par Xi Jinping à Pékin. Les deux hommes ont affiché leur entente et leur volonté de <a href="https://asia.nikkei.com/Opinion/Putin-and-Xi-prepare-to-synchronize-their-watches">faire front face à l’Occident</a>, et abordé divers aspects de leur coopération, notamment dans le domaine des <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/russia-china-discuss-greater-gas-financial-cooperation-during-putin-visit-2022-02-02/">livraisons de gaz russe à la RPC</a> ainsi qu’un <a href="https://tfipost.com/2020/07/this-is-our-land-china-now-claims-russias-vladivostok-as-part-of-its-territory/">bail (potentiel) de 99 ans accordé à la Chine sur des terres de Sibérie orientale</a> s’étendant d’Irkoutsk (lac Baïkal inclus) jusqu’à Vladivostok.</p>
<p>Depuis l’attaque russe sur l’Ukraine, qui a débuté moins de trois semaines plus tard (il n’est pas impossible que cette temporalité soit due à la volonté de Moscou de ne pas démarrer les hostilités <a href="https://edition.cnn.com/2022/01/26/politics/russia-china-olympics-ukraine/index.html">avant la fin des JO</a>, auxquels Pékin <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-jeux-olympiques-dhiver-sont-si-importants-pour-la-legitimite-du-parti-communiste-chinois-176311">conférait une importance colossale</a>), le pouvoir chinois et ses médias <a href="https://www.lejdd.fr/International/pourquoi-la-chine-soutient-la-russie-mais-sest-abstenue-a-lonu-4096307">reprennent le discours du Kremlin</a> : la Russie, à les entendre, n’a pas déclenché une guerre mais seulement « lancé une opération militaire spéciale », les vrais « fautifs » de la dégradation de la situation étant l’OTAN, les États-Unis et l’UE.</p>
<p>Hua Chunying, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/guerre-en-ukraine-la-chine-accuse-les-etats-unis-mais-ne-soutient-pas-completement-la-russie">assénait</a> ainsi le 26 février dernier :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qu’il faut comprendre, c’est le rôle que joue l’un des principaux acteurs, les États-Unis ; ils sont à l’origine de cette crise en Ukraine. »</p>
</blockquote>
<p>Au-delà des déclarations, Pékin ne fournira cependant <a href="https://www.20minutes.fr/monde/3241851-20220225-guerre-ukraine-role-chine-pourrait-jouer-conflit">aucun soutien militaire ou logistique</a> à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine. En revanche, le suivi des opérations militaires, des combats et des modalités tactiques jour après jour est et sera particulièrement intense du côté des responsables des affaires militaires et stratégiques chinoises. La guerre actuelle donne des clés importantes pour interpréter les capacités russes, ainsi que les modalités de réponse choisies par l’OTAN et les Ukrainiens.</p>
<h2>Sur le front international : une posture de « silence stratégique »</h2>
<p>L’Ukraine ne se trouve pas dans l’environnement stratégique voisin de la Chine. En ce sens, il n’y a là aucune priorité stratégique pour le régime de Pékin. Xi Jinping peut se permettre de prendre le temps d’observer, d’une part, l’évolution du front international (relations avec l’OTAN, l’UE, les acteurs privés ou non étatiques, tels les <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/ukraine-la-planete-tech-se-mobilise-contre-linvasion-russe-1389980">Anonymous</a>) dans lequel Poutine a plongé la Russie et son peuple et, d’autre part, les fronts de la guerre en Ukraine (tactique et stratégique, cyber, spatial, etc.).</p>
<p>Tous ces éléments <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-chine-soutient-poutine-mais-ne-lui-accorde-pas-de-cheque-en-blanc-20220207">viendront enrichir le spectre stratégique du PCC dans divers scénarios</a> dans l’environnement stratégique de la Chine : Taiwan, péninsule coréenne, relations avec le Japon, l’Inde, l’Asie centrale et les rapports de force sur mer.</p>
<p>C’est dans ce contexte international que Pékin use d’un certain <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Crise-ukrainienne-Taiwan-jamais-menace-dune-invasion-militaire-chinoise-2022-02-25-1201202120">« silence stratégique »</a> pour peser et mesurer les actions de sa politique étrangère à venir selon l’évolution de la situation internationale dans le contexte de guerre en Ukraine.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_lKxHAJowR0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Guerre en Ukraine : comment la Chine réagit-elle ? • RFI, 25 février 2022.</span></figcaption>
</figure>
<p>Pékin, de même que New Delhi et Abu Dhabi, s’est abstenu lors du vote de la résolution de l’ONU, <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/02/1115192">condamnant l’agression de l’Ukraine par la Russie</a>. Façon de ménager l’avenir et de se réserver une certaine marge de manœuvre, sachant que les répercussions de la guerre et des sanctions économiques (<a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/lue-sapprete-a-exclure-des-banques-russes-de-swift-1389928">y compris en ce qui concerne l’exclusion des banques russes du système SWIFT</a>) vont changer la situation le long des <a href="https://asialyst.com/fr/2022/02/26/guerre-ukraine-poutine-peut-il-compter-soutien-economique-chine/">« Nouvelles routes de la soie »</a>, en particulier pour le transport ferroviaire, et plus généralement pour le commerce avec l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ukraine-comment-linvasion-russe-pourrait-faire-derailler-une-economie-mondiale-fragile-177993">Ukraine : comment l’invasion russe pourrait faire dérailler une économie mondiale fragile</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Enfin, tandis que les médias chinois, aussi bien tournés vers l’intérieur que vers l’étranger, insistent, nous l’avons dit, sur la prétendue culpabilité des États-Unis dans l’affaire ukrainienne, il semblerait que Huawei offre un soutien indirect et discret à <a href="https://twitter.com/chine_actu/status/1497843156611739650">l’infrastructure cyber de la Russie</a>. Le tout converge dans une <a href="https://www.irsem.fr/rapport.html">logique d’infoguerre et d’influence</a> – un domaine où le régime a puissamment accru ses modalités d’action depuis le début de la pandémie de Covid-19.</p>
<h2>Sur le front intérieur : les inquiétudes du régime chinois</h2>
<p>Le pouvoir autour de Vladimir Poutine est aujourd’hui remis en question aussi bien par une partie du peuple russe que par une partie de l’élite politico-économique (militaires, intellectuels et services spéciaux).</p>
<p>La guerre en Ukraine a déclenché en Russie des <a href="https://www.liberation.fr/international/guerre-en-ukraine-les-demonstration-de-solidarite-durement-reprimees-en-russie-20220225_GELLY2RCVVEPZGQMIHNTXRB2LA/">manifestations d’opposition au Kremlin</a>, et ce dans de nombreuses villes et régions du pays. Ces protestations, qui témoignent de l’existence d’une société civile russe distincte du pouvoir poutinien, sidèrent le pouvoir chinois, renvoyant aux formes diverses et protéiformes d’opposition en Chine même. Le régime de Pékin continue de <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220225-chine-les-m%C3%A9dias-d-%C3%A9tat-silencieux-face-%C3%A0-l-invasion-russe-en-ukraine">verrouiller l’espace public et l’Internet chinois</a> afin de se prémunir d’une montée en puissance des revendications et oppositions affichées par une opinion chinoise moins uniforme qu’il n’y paraît.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lopinion-publique-russe-face-au-conflit-russo-ukrainien-175728">L’opinion publique russe face au conflit russo-ukrainien</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En outre, les décisions unilatérales de Vladimir Poutine suscitent une certaine remise en cause de ses décisions par plusieurs responsables russes, notamment du <a href="https://www.lejdd.fr/International/guerre-en-ukraine-les-oligarques-russes-prennent-leur-distance-avec-vladimir-poutine-4096598">milieu des affaires</a>. De plus, la guerre actuelle semble devoir se traduire, pour la Russie, par un coût humain, économique et matériel gigantesque qui affaiblira la légitimité du président.</p>
<p>Certes, le <a href="https://asialyst.com/fr/2022/02/26/pourquoi-ukraine-pas-taiwan/">contexte de Taïwan n’est pas identique</a>, géographiquement et géo-stratégiquement. Mais si la RPC décidait de prendre le contrôle de l’île par la force, elle se retrouverait sans doute à son tour face aux mêmes trois fronts que nous avons évoqués : la guerre, la condamnation internationale et le mécontentement d’une partie de sa propre population.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496870368887382020"}"></div></p>
<p>Raison de plus pour que Xi Jinping porte la plus grande attention au conflit russo-ukrainien alors que le <a href="https://www.asie21.com/tag/20e-congres-national-du-parti-communiste-chinois/">XXᵉ Congrès du PCC doit le maintenir au pouvoir dans la durée</a>, dans un <a href="https://www.questionchine.net/que-sera-l-annee-du-tigre-essai-de-perspective?artpage=3-3">contexte stratégique</a> marqué par la question de Taiwan, les tensions en mer de Chine et les postures martiales de Pékin partout dans son environnement régional.</p>
<h2>La chute de Poutine, une inquiétude pour Pékin ?</h2>
<p>Poutine a déclaré unilatéralement une guerre dont la violence a suscité une résistance organisée en Ukraine, des sanctions occidentales lourdes et la montée de la contestation au sein du peuple russe. Cette situation pourrait conduire prochainement le système poutinien <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/27/pourquoi-poutine-a-deja-perdu-la-guerre/">à sa perte</a>. La chute de Poutine ne manquerait pas d’inquiéter profondément Pékin. Cependant, le PCC, autour de Xi Jinping, joue une forme tactique de « corde longue », s’exposant ouvertement le moins possible dans un soutien à Vladimir Poutine, misant même sur l’éventualité d’une Russie post-poutinienne.</p>
<p>Le vide potentiel laissé par Poutine verrait le régime chinois <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-ukraine-lopportunisme-une-option-pour-la-chine-1389474">investir davantage</a> l’espace d’influence diplomatique, économique et stratégique de la région eurasiatique (énergie, ressources naturelles, proximité avec les régimes en place…) sans avoir à prendre en charge la « gestion courante » des affaires publiques des régions impliquées.</p>
<p>La guerre de Vladimir Poutine en Ukraine en ce début d’année 2022 signe notre changement de siècle, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/03/RICHARD/64416">historiquement et stratégiquement</a>. L’Europe semble en avoir pris conscience. Pékin aussi ; mais alors que les Européens ont réagi avec une célérité qui a surpris plus d’un observateur, le régime de Pékin reste observateur et garde le temps de l’évolution de la guerre pour lui, restant à l’affût d’opportunités de gagner en influence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Soutien international affirmé de Vladimir Poutine, Xi Jinping reste prudent quant à la position à adopter vis-à-vis de la guerre déclenchée par le Kremlin en Ukraine.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775192022-02-28T19:32:57Z2022-02-28T19:32:57ZLes nouvelles « routes de la Soie », une viabilité en question<p><a href="https://www.transporeon.com/en/reports/one-belt-one-road">Un million</a>. C’est la barre symbolique franchie en 2021 par le nombre de conteneurs transportés par voie ferroviaire entre la Chine et l’Union européenne. N’en déplaise aux tenants de la relocalisation, la crise sanitaire du Covid-19 a dopé les échanges eurasiatiques et confirmé l’essor des « nouvelles routes de la soie » à l’heure où la guerre éclate en Europe.</p>
<p>Ces conteneurs ont été transportés par 14 000 trains, soit en moyenne 38 convois par jour. Et ce, 10 ans seulement après que le lancement des premiers wagons sur les rails. On compte même depuis 2018 <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/routier/le-trajet-en-camion-vers-la-chine-toujours-plus-populaire-553654.php">quelques dizaines de camions</a> par semaine qui réalisent le trajet via la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan et la Chine.</p>
<p>Dans le monde, la Chine, c’est chaque année depuis 2007 en moyenne <a href="http://french.news.cn/2022-01/03/c_1310406817.htm#:%7E:text=BEIJING%2C%203%20janvier%20(Xinhua),mise%20en%20service%20en%20Chine">2 600 km d’infrastructures</a> ferroviaires nouvelles (contre 200 km en Europe) sur lesquelles les convois peuvent rouler à plus de 200km/h. Ce développement s’inscrit depuis 2013 et l’accession au pouvoir de Xi Jinping dans le plan « One Belt, One Road » (« Une ceinture, Une Route »), qui concerne autant l’Asie centrale que l’Afrique. Son coût restant en 2021 est estimé à 13 000 milliards d’euros par le G20.</p>
<p>Face à ces ambitions, l’Europe a récemment présenté son projet alternatif « <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/01/l-europe-presente-son-projet-a-300-milliards-d-euros-pour-contrer-les-routes-de-la-soie-chinoises_6104361_3234.html">Global Gateway</a> ». Mais pourra-t-on parler de succès pour ce que Pékin se plaît à nommer « projet du Siècle » ? Sans même se risquer à essayer d’anticiper les conséquences du conflit ukrainien, la <a href="https://cordis.europa.eu/project/id/234076">viabilité économique et écologique</a> de l’axe eurasiatique interroge déjà fortement.</p>
<h2>Nouveau développement, nouvelles routes</h2>
<p>Pour comprendre l’intérêt porté à cet axe, il faut d’abord regarder du côté du commerce mondial et son considérable essor depuis les années 90. Entre 1990 et 2020, les échanges maritimes ont été <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02196047">multipliés par 4</a>, tandis que la capacité des plus gros porte-conteneurs a été multipliée par 5. L’Asie du Sud-Est et notamment la façade maritime de la Chine se trouve au cœur de ce nouveau système.</p>
<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/rotterdam-10e-port-mondial-en-2019">L’évolution du top 10</a> des principaux ports dans le monde est, à cet égard, révélatrice. En 1990, la moitié des ports était asiatique mais aucun n’était chinois, l’autre moitié comprenait les ports européens et américains. En 2020, le grand port européen de Rotterdam s’est vu rétrograder à la 11<sup>e</sup> place laissant définitivement le monopole du top 10 à la nouvelle puissance asiatique. On estime désormais que la Chine et ses ports traitent environ un <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/coronavirus-la-chine-traite-un-quart-du-transport-maritime-mondial-de-conteneurs-1169020">quart des conteneurs dans le monde</a>, témoignant de sa puissance industrielle et commerciale.</p>
<p><iframe id="jyC80" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jyC80/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor économique chinois des années 2000 constitue la clef de voûte de cette dynamique. Alors que les PIB des États-Unis ou de la France ont doublé entre 2000 et 2020, le PIB chinois a lui été <a href="https://datacommons.org/place/country/CHN?hl=fr">multiplié par 12</a>. En parallèle, la part de la Chine dans les échanges extérieurs de l’Union européenne a triplé pour atteindre <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/cache/infographs/trade/trade_2020/">15 % en 2018</a>. Elle vient d’ailleurs de devenir en 2021 le <a href="https://www.challenges.fr/monde/la-chine-a-detrone-les-etats-unis-en-2020-comme-premier-partenaire-commercial-de-l-ue_751147">premier partenaire commercial de l’UE</a> reléguant en deuxième position les États-Unis.</p>
<p>Au-delà, c’est toute l’Asie du Sud-Est qui a connu un développement économique exceptionnel sur la période. Il y a là un vaste ensemble qui pèse pour 30 % du PIB mondial, réuni à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2022 dans la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/31/en-asie-naissance-de-la-plus-vaste-zone-de-libre-echange-du-monde_6107811_3234.html">nouvelle zone de libre-échange asiatique (la <em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em> ou RCEP)</a>.</p>
<p>Nouveau développement implique aussi recherche de nouvelles routes. Et ce sont les Européens, plus particulièrement les Allemands, qui ont affrété le <a href="https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/69863">premier train par-delà le continent</a> en 2008, sous la houlette de la Deutsche Bahn, pour l’acheminement de matériel informatique. Suite à la crise de 2009, le projet de pérenniser ce service régulier a été abandonné. Il a finalement été repris en 2011 et a ouvert la voie à de nouvelles routes terrestres soutenues par les acteurs du Benelux et du Nord de l’Europe comme l’ont mis en avant <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01474042/document">nos travaux</a>.</p>
<h2>Cruciales alternatives</h2>
<p>Ce sont ainsi, avant les gouvernements, le marché et les acteurs économiques qui ont poussé en faveur d’une alternative aux modes maritime et aérien. La politique mise en place par le président chinois Xi Jinping à partir de 2013 n’est venue qu’appuyer et amplifier une dynamique déjà en cours.</p>
<p>L’alternative terrestre permet d’économiser sur le temps d’acheminement nécessaire pour rejoindre les ports d’export. Elle s’inscrit dans le plan de rééquilibrage de l’économie chinoise engagée par le gouvernement dans les années 2000 au profit de villes intérieures comme Chongqing, Chengdu (spécialisée dans l’électronique) ou Lanzhou respectivement situées à 1 400, 1 600 et 1 700 km de Shanghai. Ces trois villes qui forment le <a href="https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/l-emergence-du-triangle-de-la-croissance_771640">« triangle de croissance »</a> ont tout intérêt à voir se développer l’axe terrestre qu’il soit ferroviaire ou routier dans un pays où les besoins en transport ont été <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/transport/itf-transport-outlook-2021_16826a30-en">multipliés par 6</a> entre 1995 et 2018.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483816542173208581"}"></div></p>
<p>On comprend alors que la recherche d’alternatives au transport maritime devienne cruciale pour le gouvernement chinois et les acteurs économiques. Ce dernier exerce jusqu’à présent un quasi-monopole sur les échanges eurasiatiques avec <a href="https://fr.sino-shipping.com/commerce-europe-chine/#:%7E:text=Nous%20avons%20consid%C3%A9r%C3%A9%20les%20m%C3%AAmes,elle%20importe%20de%20l%E2%80%99UE28">près de 98 % des marchandises transportée</a>. La solution portuaire se trouve par ailleurs de plus en plus inadaptée face au e-commerce, la logistique en flux tendus et la montée en gamme de la Chine (incarnée par la stratégie <a href="https://www.isemar.fr/wp-content/uploads/2018/05/note-de-synth%C3%A8se-isemar-200-chine-europe.pdf">« made in China 2025 »</a>).</p>
<p>Si l’aérien offre de la vitesse (quelques jours de trajet contre plus de 30 pour la voie maritime), il se trouve fortement pénalisé par son prix élevé en raison de la capacité limitée des avions. Un conteneur se négociait avant la pandémie autour de 3 000 euros par la mer contre plus de 60 000 euros pour l’aérien.</p>
<p>Dans ce contexte, l’offre ferroviaire se distingue à la fois par le prix et le temps : moins d’un mois de transport et un coût d’environ 7 000 euros par conteneur.</p>
<h2>Cinq fois plus d’émissions de CO₂</h2>
<p>Pour autant, le débat persiste sur la viabilité économique du train. Ce prix s’avère en effet moitié moins important que le coût réel en raison des subventions importantes à l’export distribuées par les autorités locales chinoises aux chargeurs. On estime qu’elles étaient de l’ordre de <a href="https://portsetcorridors.com/2021/sitl-routes-de-la-soie/#:%7E:text=De%20gare%20%C3%A0%20gare%2C%20un,actuellement%20%C2%BB%2C%20pr%C3%A9cise%20Xavier%20Wanderpepen">800 millions d’euros en 2021</a>. Leur réduction à venir pourrait tempérer la croissance de l’axe sans l’inverser, avec un <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/ferroviaire/le-trafic-ferroviaire-sur-la-nouvelle-route-de-la-soie-triplerait-dici-2030-668958.php">triplement des flux attendu d’ici à 2030</a>.</p>
<p>Plus étonnant, le transport routier semble également trouver sa place. Il est le plus rapide après l’aérien, la vitesse moyenne pour un camion étant de 60 km/h contre 30 km/h pour le train. Cela représente un gain d’une semaine sur l’ensemble du voyage. Il est aussi le plus agile pour passer les frontières là où le ferroviaire marque des ruptures de parfois plusieurs jours pour transborder les conteneurs, changer de locomotive, etc. Cependant, il ne bénéficie pas des avantages du train en matière de massification et se négocie donc à un prix plus élevé (<a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">environ 15 000 euros par conteneur</a>).</p>
<p>Enfin, l’argument environnemental ne plaide pas nécessairement en faveur du ferroviaire. Le mode maritime se distingue par sa capacité à massifier le transport de conteneurs : <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/21168-des-porte-conteneurs-geants-de-20-000-evp-pour-le-japonais-mol">22 000 sur les plus gros navires</a> contre environ <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">90 pour un train</a>. Chaque conteneur pouvant contenir 4 000 boites de chaussures, ce sont 88 millions de paires de chaussures qui peuvent être transportées par un navire contre moins de 400 000 pour un train. Cette différence conduit un train à émettre <a href="https://theloadstar.com/china-europe-landbridge-will-become-one-of-the-worlds-major-tradelanes/">5 fois plus de CO₂ par tonne transportée</a> qu’un porte-conteneur.</p>
<p>Pour comprendre, il faut savoir que les trains fonctionnent à l’essence sur de larges portions non électrifiées de l’axe eurasiatique. Et lorsqu’ils roulent à l’électricité, c’est le <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/data-products">mix énergétique</a> pour produire l’électricité qui leur est défavorable. 90 % de la production électrique vient des énergies fossiles au Kazakhstan, 60 % en Russie et 68 % en Chine. Et il s’agit là des trois pays principaux traversés.</p>
<p>Dans un souci écologique, il pourrait donc être préférable de limiter le développement de ces nouvelles voies et conserver l’option maritime qui reste finalement la plus frugale en énergie et émissions de CO<sub>2</sub> par tonne transportée. Économie, écologie, géopolitique… le jour où la suprématie du transport maritime se trouvera contestée par le ferroviaire ou la route reste ainsi encore lointain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La saturation des routes maritimes encourage la recherche des voies nouvelles entre l’Europe et l’Asie. Dépendance aux subventions, environnement… Tout ne plaide cependant pas en faveur du train.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1762142022-02-14T18:12:48Z2022-02-14T18:12:48ZJusqu’où ira le rapprochement Pékin-Ankara ?<p>La République populaire de Chine et la Turquie comptent parmi les puissances non occidentales les plus actives sur la scène internationale. Leur relation, qui s’inscrit dans une histoire longue de plusieurs siècles, <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/asie-visions/relations-turquie-chine-ambitions-limites-de-cooperation">gagne dernièrement en intensité</a>, aussi bien sur le plan politique et diplomatique qu’au niveau économique.</p>
<p>D’un côté, la Turquie constitue pour Pékin un partenaire de premier plan au Moyen-Orient. De l’autre, la Chine représente aux yeux d’Ankara un acteur économique et politique alternatif à l’Occident – un Occcident avec lequel la Turquie, bien que <a href="https://www.areion24.news/2021/10/21/quel-avenir-pour-la-turquie-dans-lotan/">membre de l’OTAN</a>, entretient des rapports pour le moins tendus.</p>
<p>Comme dans ses relations avec les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">autres États du Moyen-Orient</a>, Pékin a diversifié le spectre de ses domaines de coopération avec le pays présidé par Recep Tayyip Erdogan : leurs échanges concernent, outre les questions diplomatiques, des domaines aussi variés que la défense, les technologies, l’énergie ou les infrastructures. Ainsi, en bonne partie du fait de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/06/05/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-3-un-hegemon-partiel-pour-un-monde-trop-grand/">participation d’Ankara aux Nouvelles routes de la soie</a>, la Chine est devenue, ces dix dernières années, l’un des principaux partenaires commerciaux de la Turquie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-jordanie-acteur-cle-pour-la-chine-au-moyen-orient-173760">La Jordanie : acteur clé pour la Chine au Moyen-Orient</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pour autant, cette relation demeure sujette à des <a href="https://www.reuters.com/world/china/turkeys-erdogan-chinas-xi-discuss-uyghurs-phone-call-turkish-presidency-2021-07-13/">discordes liées notamment à la question ouïgoure</a>, qui provoque des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/31/en-turquie-le-traite-d-extradition-entre-pekin-et-ankara-inquiete-la-communaute-ouigoure_6064900_3210.html">controverses au sein même du gouvernement turc</a>.</p>
<h2>Une relation pluriséculaire</h2>
<p>Aux deux extrêmes de l’Eurasie, les civilisations turque et chinoise ont appris à se connaître au fil des siècles. Il suffit de visiter les salles du <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Palais-de-Topkapi-Istanbul.html">Palais de Topkapu Sarayi</a> d’Istanbul et leurs collections de porcelaine chinoise pour s’en rendre compte. Elles témoignent d’un transfert de savoir-faire : celui permettant la conception d’une porcelaine peinte en bleu sous une couverte incolore. Sa conjugaison avec le kaolin, une argile blanche, naît à <a href="https://fr.unesco.org/creative-cities/jingdezhen">Jingdezhen (province méridionale chinoise du Jiangxi)</a>, vers 1320-1330, à la faveur de l’apport d’un minerai de cobalt provenant des confins du monde turc et de la Perse.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PTd4Ipf4iZk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Deux mondes sont alors connectés, sous l’égide des dynasties gengiskhanides de Chine – les Yuan (1279-1368) – et de la Perse – les Ilkhanides (1256-1335) : ces deux empires sont à l’origine d’une commercialisation du « bleu blanc » et ce, <a href="https://books.google.fr/books/about/Aspects_of_the_Maritime_Silk_Road.html?id=YJibpHfnw94C&redir_esc=y">à une échelle sans précédent</a>.</p>
<p>C’est à cette époque que le <em>Jame al-Tawarikh</em> (que l’on pourrait traduire par <em>Histoire universelle</em>) de Rashid al-Din (1247–1318) est composé. C’est le premier récit en langue persane abordant des faits historiques de la Chine. En 1516, Sayyed Ali Akbar Khitai, s’en inspirant sans doute, écrira à son tour une somme, le <em>Khitai-nameh</em>. Des siècles durant, ce texte fera autorité sur ce pays et sera d’ailleurs davantage lu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00210862.2013.855047">dans sa version turque</a>.</p>
<p>Avec la révolution industrielle et l’essor des puissances européennes au tournant des XIX° et XX<sup>e</sup> siècles, les élites turques et chinoises se forgent soit dans des idéologies clairement anti-européennes soit, au contraire, dans la fascination que les cultures occidentales leur inspirent. Quand les empires chinois et ottoman s’effondrent, émerge l’idée de confraternité eurasienne à laquelle les peuples turcophones et musulmans de l’Asie centrale <a href="https://www.puf.com/content/Chine_et_terres_dIslam">resteront particulièrement sensibles</a>. Surtout lorsqu’il s’agit pour les dirigeants actuels de la Turquie et de la Chine de flatter l’orgueil de leurs peuples respectifs en cultivant une certaine nostalgie de leur histoire impériale.</p>
<p>La fin de la guerre froide accélère le rapprochement entre Ankara et Pékin. Ce phénomène est d’ailleurs propre à l’ensemble de la région) : que ce soit les monarchies du Golfe, la Syrie ou l’Irak, tous les pays du Proche et du Moyen-Orient accueillent progressivement des installations chinoises soutenues par les géants étatiques (Sinopec, Merchant Bank, ICBC, Agricultural Bank of China, etc.) dans les domaines les plus divers : gestion et participations dans des ports, industrie automobile, textile, transports…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1446111277873438731"}"></div></p>
<h2>Développement des relations économiques…</h2>
<p>Les années 1990 et 2000 sont marquées par la progression des relations commerciales, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/28/affaiblie-economiquement-ankara-courtise-la-chine_6078354_3210.html">toujours déséquilibrées au profit de Pékin</a>. La Turquie importe une large gamme de produits chinois, sans pouvoir en retour exporter à la hauteur des capacités chinoises – aussi parce que le marché chinois lui reste en partie fermé.</p>
<p>Plusieurs années de négociations seront nécessaires à une véritable diversification des échanges qui intervient au cours de la dernière décennie, particulièrement <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724618051-page-477.htm?contenu=article">pour des produits alimentaires (notamment laitiers) turcs sur le marché chinois</a>.</p>
<p>Pékin effectue, à travers différents opérateurs privés et publics, divers investissements et prêts dans les <a href="https://www.challenges.fr/monde/la-chine-s-ouvre-la-voie-du-moyen-orient_764082">infrastructures</a> en Turquie (<a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-02-10/istanbul-airport-in-talks-with-chinese-banks-on-6-billion-loans">ports, routes, ferroviaires ou infrastructures urbaines et aéroports</a>). L’un des cas les plus éloquents est probablement celui réalisé par <a href="https://portsetcorridors.com/tag/cosco/">l’opérateur COSCO</a>, qui a acheté les deux tiers des actions du port de Kumport, à proximité d’Istanbul, pour une valeur de près de 1 000 millions de dollars.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"644485853075636224"}"></div></p>
<p>Pékin déploie également un activisme notable dans le paysage bancaire turc. L’<a href="https://www.aa.com.tr/en/economy/turkish-state-lender-china-exim-bank-ink-loan-deal/2193739">Eximbank</a>, l’<a href="https://asialyst.com/fr/2020/11/28/chine-turquie-rapprochement/">ICBC</a> et la <a href="https://www.aa.com.tr/en/economy/turkcell-china-development-bank-ink-590m-loan-deal/1937231">China Development Bank</a> investissent dans de nombreux projets (infrastructures, énergie, immobilier etc.). La dynamique des relations est favorable au déploiement des géants du numérique chinois, notamment <a href="https://www.invest.gov.tr/en/whyturkey/successstories/pages/huawei.aspx">Huawei</a>, <a href="https://kr-asia.com/alibaba-invests-750m-in-turkeys-trendyol-to-compete-against-amazon">Alibaba</a> et <a href="https://www.zte.com.cn/global/404?path=/global/about/news/detail">ZTE</a>, qui ont accru leurs parts de marché en Turquie au cours de la décennie écoulée, effectuant notamment plusieurs acquisitions <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/28/affaiblie-economiquement-ankara-courtise-la-chine_6078354_3210.html">(48 % du leader turc des équipements de télécommunication Netas, et 75 % du site de commerce en ligne Trendyol)</a>.</p>
<p>En outre, dès le début de la pandémie de Covid-19, Pékin a envoyé puis vendu du matériel médical à la Turquie, des masques aux vaccins. Si la livraison de ces derniers se révèle d’ailleurs <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/13/la-turquie-confrontee-aux-limites-de-la-diplomatie-chinoise-des-vaccins_6076580_3210.html">plus problématique que prétendu par la RPC</a>, il n’en reste pas moins que cette dimension sanitaire de la coopération témoigne de la capacité de la Chine à s’imposer dans cette partie du monde.</p>
<h2>… malgré le point de discorde ouïgour</h2>
<p>Recep Tayyip Erdogan a, dans un passé récent, fait grand cas de la continuité ethno-linguistique ouïgoure, d’Istanbul à Urumqi. Dès lors, la <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/5801?file=1">question du Xinjiang et des répressions des Ouïgours</a> par le régime communiste chinois a suscité, ces dernières années, plusieurs dégradations (ponctuelles mais redondantes) des relations entre Pékin et Ankara. Rappelons que la Chine et la Turquie ont signé un traité d’extradition et que de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Turquie-Ouighours-peur-lextradition-2021-01-08-1201133819">nombreux Ouïgours installés en Turquie craignent d’être envoyés en Chine</a>.</p>
<p>La Turquie a apporté un soutien pour l’essentiel déclaratif <a href="https://www.institutmontaigne.org/blog/au-moyen-orient-la-chine-garantit-aux-dictateurs-la-longevite">aux Ouïgours de Chine</a> et accueilli sur son territoire un certain nombre de ressortissants de cette minorité nationale turcophone. Toutefois, la « question ouïgoure » constitue une <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1287049/en-turquie-les-refugies-ouigours-ont-peur-detre-extrades-vers-la-chine.html">variable d’ajustement de la politique d’Erdogan</a>.</p>
<p>Ainsi, suite aux émeutes et répressions au Xinjiang en 2009, Recep Tayyip Erdogan dénoncera une « sorte de génocide » perpétré par Pékin ; mais en 2013, lors d’une visite d’État en Chine, il a souligné la menace constituée par les mouvances djihadistes pour la Chine et <a href="https://asialyst.com/fr/2021/11/30/podcast-quelle-strategie-pour-chine-afghanistan/">s’est opposé à toute remise en cause de l’intégrité du territoire chinois</a>, effectuant d’ailleurs une escale au Xinjiang avant son retour en Turquie.</p>
<p>La dernière visite du président turc, en 2019, apportera la confirmation d’une <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/International-relations/Erdogan-courts-Chinese-investment-on-visit-to-Beijing">volonté affirmée du développement des liens commerciaux et technologiques</a>, sur fond de convergence politique entre Ankara et Pékin au Moyen-Orient et en Asie centrale, les deux puissances souhaitant intensifier les relations avec les pays non occidentaux et peser dans cette immense zone.</p>
<h2>Et maintenant, des relations tous azimuts ?</h2>
<p>Depuis 2013, la Turquie a souligné à maintes reprises le rôle qu’elle souhaiterait jouer pour renforcer la connectivité entre la Chine et l’Europe. Signe qui ne trompe pas : quelques mois seulement après <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/le-reportage-de-la-redaction-emission-du-vendredi-16-juillet-2021">l’échec du coup d’État</a> de 2016, alors fermement <a href="https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/china-supported-turkey-after-2016-coup-bid/1920523">condamné</a> par les autorités chinoises, Erdogan a nommé ambassadeur à Pékin <a href="https://twitter.com/eminonen">Abdülkadir Emin Onen</a>, un homme d’affaires – et non un diplomate de carrière –, afin de densifier cette coopération économique.</p>
<p>Le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/bus_fin_out-2018-6-en/index.html ?itemId=/content/component/bus_fin_out-2018-6-en">CCWAEC (<em>China-Central West Asia Economic Corridor</em>)</a>, qui passe par l’Asie centrale, l’Iran et la Turquie, est une ramification des Nouvelles routes de la soie qui conforte Ankara dans son ambition de se désenclaver, y compris par la promotion de ses propres projets comme le <a href="http://recca.af/ ?page_id=2080">corridor de transport <em>Lapis Lazuli</em></a>, qui vise à développer route et voie ferrée pour relier l’Afghanistan à la Turquie en passant par le Turkménistan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie.</p>
<p>La politique de Pékin vis-à-vis d’Ankara est également corrélée à plusieurs projets de ventes d’armes. La Chine souhaitait notamment, en 2015, vendre à la Turquie un système modernisé de dispositifs antiaériens (12 batteries de missiles HQ-9 (DF 2000), dérivés du S 300 russe) – un projet qui, pour l’instant, <a href="https://www.questionchine.net/la-cooperation-sino-turque-autour-hq-9-fd-2000-dommage-collateral-du-terrorisme">ne s’est pas concrétisé</a> (en partie du fait de la pression américaine). Plus tard, <a href="https://air-cosmos.com/article/la-turquie-prte-acheter-un-second-lot-de-missiles-s400-25369">Ankara a privilégié l’achat de S-400 russes</a>. Mais l’achat d’armes à la Chine dans l’avenir demeure <a href="https://foreignpolicy.com/2020/09/16/erdogan-is-turning-turkey-into-a-chinese-client-state/">tout à fait possible</a>.</p>
<p>La dégradation des relations avec l’Occident (Europe, États-Unis et cadre otanien), les réflexes post-impériaux d’Ankara, qu’on constate notamment dans <a href="https://theconversation.com/que-veut-la-turquie-en-mediterranee-orientale-147694">sa politique agressive en Méditerranée</a>, et la faiblesse de ses infrastructures et de son économie convergent pour pousser Erdogan vers un choix stratégique plus tourné vers l’Est. La Turquie n’est pas membre de l’Organisation de coopération de Shanghai, mais partenaire de discussion. À ce titre, elle participe à diverses réunions et aux sommets annuels, mais elle souhaiterait aller plus loin et <a href="https://thediplomat.com/tag/turkey-in-the-sco/">intégrer pleinement cette structure non occidentale</a>, comme l’a fait l’Iran en 2021.</p>
<p>Si le rapprochement se poursuit entre Ankara et Pékin, malgré les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/ouighours-la-turquie-convoque-l-ambassadeur-chinois-20210406">tensions récurrentes autour de la question ouïgoure</a>, ce sera avant tout un <a href="https://asialyst.com/fr/2020/11/28/chine-turquie-rapprochement/">succès chinois</a> qui confirmera, aux yeux de Pékin, que l’Occident se désengage toujours plus du Moyen-Orient et que la Chine y (re)trouve progressivement une place interprétée comme <a href="https://www.nbr.org/publication/exploring-chinas-push-for-a-new-world-order/">lui revenant de droit</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le partenariat sino-turc se déploie dans de nombreux domaines, en dépit du soutien proclamé, mais versatile, d’Ankara aux Ouïgours.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1746332022-01-12T20:37:32Z2022-01-12T20:37:32ZBonnes feuilles : « Guerres d’influence. Les États à la conquête des esprits »<p><em>Dans le jeu des relations internationales, l’influence a, pour une large part, remplacé la puissance. Elle permet aux États de modifier le rapport de forces mondial, de contrôler des pays tiers ou d’y prospérer sans entrave. Pour ces raisons, les gouvernements investissent massivement pour augmenter leur influence et, spécialement, leur soft power. Ces stratégies parfois dénoncées, car vues comme relevant de l’ingérence ou de la propagande, sont devenues la norme géopolitique.</em></p>
<p><em>Frédéric Charillon, professeur de science politique à l’université Clermont Auvergne et à Sciences Po Paris, revient dans <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/guerres-d-influence_9782738155108.php">Guerres d’influence : Les États à la conquête des esprits</a>, qui vient de paraître aux éditions Odile Jacob, sur ces nouvelles règles des relations internationales. L’extrait présenté ici dresse le constat de la timidité de l’Union européenne dans ce nouveau jeu stratégique. Si l’UE souhaite désormais augmenter sa sphère d’influence, elle paie son « angélisme », au point de ne pas être conviée à une discussion entre les États-Unis et la Russie sur la sécurité européenne. Cette lecture permet de mieux comprendre la difficulté pour l’UE de parler d’une seule voix alors que certains de ses membres cherchent eux aussi à participer à la compétition internationale pour l’influence…</em></p>
<hr>
<h2>« L’Europe dans la guerre d’influence »</h2>
<p>Sommes-nous entrés dans une ère de confrontations nouvelles et permanentes, bien qu’imperceptibles au profane ? La crainte d’une invasion militaire « à l’ancienne », du côté de l’Europe occidentale, s’est en partie estompée. Les abris anti-nucléaires des années de guerre froide obsèdent moins les esprits. Mais l’atmosphère d’une concorde générale, dans un « brave nouveau monde » dont on espérait l’avènement au début des années 1990, a fait long feu. La compétition a repris ses droits, avec des joueurs différents et d’autres règles du jeu, plus feutrées.</p>
<p>Imagine-t-on ce qu’aurait provoqué, il y a encore vingt ou trente ans, l’annonce d’une immixtion russe dans les élections présidentielles américaines ? Ou dans un référendum crucial pour l’appartenance du Royaume-Uni à l’Europe ? La première situation a fait l’objet d’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/18/enquete-russe-le-rapport-mueller-va-etre-publie-dans-une-version-expurgee_5451908_3210.html">enquête officielle en 2019</a> dirigée par le procureur spécial américain Robert Mueller, la seconde d’un <a href="https://www.france24.com/fr/20200721-royaume-uni-brexit-ingerence-russe-rapport-deputes-britanniques-enquete">rapport parlementaire britannique</a>. Sans provoquer aucun séisme politique. Dans ce dernier rapport sur les interférences russes au Royaume-Uni, le comité « Renseignement et sécurité » du parlement de Londres qualifie même ce type de pratique de « nouvelle normalité ».</p>
<p>[…] L’influence s’est imposée dans les affaires mondiales comme dans notre quotidien politique et social. Elle mobilise des ressources croissantes de la part de nombreux acteurs. Elle a ses stratèges, ses agents, ses techniques, ses vecteurs. Elle a ses théâtres et circuits privilégiés, où l’on s’affronte pour obtenir des positions de pouvoir et atteindre des objectifs précis. On peut la dénoncer comme une manipulation inacceptable, pointer du doigt ses commanditaires et accuser de trahison ceux qui en acceptent le jeu. On peut aussi prendre acte du fait que cette compétition internationale pour les esprits est devenue pratique courante, comme le lobbying est devenu la norme au Congrès américain. Et s’y préparer, plutôt que de dénoncer ceux qui ont pris de l’avance.</p>
<h2>L’Europe démunie, ou le prix de l’angélisme</h2>
<p>L’Union européenne a souvent été critiquée pour son inefficacité stratégique. Et dans la nouvelle compétition internationale pour l’influence, sa situation apparaît inconfortable. L’Europe […] est devenue un théâtre davantage qu’un acteur : des stratégies extérieures s’y déploient, sans qu’il y soit opposé de riposte suffisante. Sa culture politique n’aime pas l’influence, assimilée à de la propagande depuis la Seconde Guerre mondiale. […]</p>
<h2>États membres à vendre</h2>
<p>[…] L’Union européenne, par l’ensemble politique et le marché qu’elle constitue (447 millions d’habitants sans le Royaume-Uni, 514 avec lui, en 2020) reste un enjeu. Pénétrer cet espace par l’un de ses maillons faibles, c’est accéder à un vaste champ d’opportunités. Empêcher cet ensemble de prendre des décisions contraires aux intérêts d’une puissance donnée, grâce à une action sur un ou plusieurs de ses éléments qui bloqueront toute majorité ou unanimité, c’est encore une aubaine à saisir.</p>
<p>Les études sur l’influence de l’Europe à l’extérieur sont rares. Celles qui portent sur le mécanisme inverse, venant de Chine, de Russie, des États-Unis, de Turquie ou d’ailleurs, sont nombreuses : <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/23/malgre-l-inquietude-de-bruxelles-l-italie-rejoint-les-nouvelles-routes-de-la-soie-de-pekin_5440367_3234.html">participation de l’Italie</a> aux routes de la soie chinoises, hésitations de l’Allemagne à critiquer Ankara ou sa propension à défendre le gazoduc russe <a href="https://www.nytimes.com/2021/12/28/world/europe/nord-stream-pipeline-germany-russia.html">Nord Stream 2</a>, participation de plusieurs pays d’Europe centrale à un groupe de travail dit <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/pekin-pousse-ses-pions-en-europe-centrale-et-tente-de-rassurer-lue-1009268">« 17+1 »</a> avec Pékin…</p>
<p>Le fonctionnement bruxellois, qui permet de faire valoir ses intérêts par l’intermédiaire de lobbies, facilite ces manœuvres. L’<a href="http://www.eu-cfa.com/en/lists/OZYHXH.html">association d’amitié UE-Chine au Parlement européen</a> en est un exemple. Elle était dirigée en 2019 par le conservateur tchèque Jan Zahradil (ancien vice-président de la Commission du commerce au Parlement européen), en tandem avec le Chinois Gai Lin comme Secrétaire général. Ses activités consistent à « promouvoir l’amitié »… et à défendre les intérêts chinois.</p>
<p>Au printemps 2020, Pékin a tenté, par des pressions sur plusieurs États, de bloquer la publication d’un rapport de l’Union européenne sur le manque de transparence chinois concernant l’épidémie de coronavirus et ses origines. La publication en a été retardée et expurgée. À plusieurs reprises, des États membres bénéficiant d’investissements chinois se sont opposés à des textes critiquant la Chine. En 2017, la Grèce a <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/21/droits-de-l-homme-quand-athenes-ne-s-oppose-pas-a-pekin_5148692_3216.html">bloqué</a> une déclaration de l’Union aux Nations unies sur la situation des droits de l’homme. La Russie également, par ses liens avec certains membres anciennement socialistes, ou grâce à la dépendance énergétique de plusieurs pays d’Europe centrale, trouve des alliés pour entraver certaines politiques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5lc1WBNcSOo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Face à de telles menées, l’Europe apparaît faible alors même qu’il en est attendu beaucoup. Des organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch l’exhortent à se dresser contre la Chine sur les droits humains. On retrouve ici un phénomène qualifié dès 1993 par le politologue britannique Christopher Hill de « fossé entre les attentes et les capacités ». […]</p>
<h2>Quelques réussites : un soft power européen</h2>
<p>De l’autre côté de l’Atlantique, non sans acrimonie, on souligne [pourtant] les réussites européennes. « L’Europe a une politique étrangère d’influence : elle s’appelle la perspective d’adhésion. Elle a une politique de puissance : elle s’appelle le marché intérieur. Elle a une politique de défense : elle s’appelle l’OTAN. Elle a une stratégie : se consacrer à sa propre prospérité, et faire assurer sa sécurité par les États-Unis », [développe un diplomate bruxellois, souvent au contact de l’Allié américain]. En Turquie, ou au sud de la Méditerranée, on voit l’Europe comme une forteresse qui sait défendre ses intérêts. À Moscou, l’élargissement à l’est est resté comme la démonstration d’un expansionnisme habile. Des opérations civiles ou militaires, de police, de formation ou de conseil, d’observation, ont été conduites sous label européen. L’Europe a financé de nombreux projets, infrastructures (en Palestine) ou processus électoraux.</p>
<p>Pourquoi refuser alors de parler d’influence à propos d’un acteur – l’Union européenne – qui a réussi à absorber sans violence plus d’une dizaine de pays anciennement membres du Pacte de Varsovie, désormais convertis au capitalisme ? Un groupe auquel beaucoup de voisins ont voulu et veulent encore adhérer, au prix de réformes profondes et impopulaires ? Un ensemble qui, quelles que soient ses difficultés, symbolise toujours une prospérité enviable, de Tanger à Kiev, d’Alger à Tbilissi, de Minsk à Istanbul ? […]</p>
<p>On connaît les critiques. Un processus décisionnel trop complexe et des rendez-vous ratés, à commencer par les drames des Balkans ou du Moyen-Orient. Un objectif de politique étrangère qui demeure en réalité interne : l’Europe ne cherche pas à imposer la paix ni sa volonté dans le monde, mais à pacifier les relations entre ses États membres (qui en effet ne se font plus la guerre entre eux). Une incapacité à mettre ses réalisations en valeur, et à formuler une politique engagée. Les discours européens sont tièdes et sans surprise : on encourage la paix, on déplore la guerre, on salue un processus vertueux déjà engagé, sans désigner de responsables si le processus s’enraye. […] « Lorsque les États-Unis financent un abribus sur une route construite par l’Europe, des dizaines de panneaux rappellent que l’abri vient d’Amérique, aucun ne dit à qui l’on doit la route », ironisait un fonctionnaire dans les Balkans. Résumons cruellement : l’Europe manquerait d’influence parce qu’elle ne se fait pas respecter.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440036/original/file-20220110-15-1cu1rvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ce texte est issu de « Guerres d’influence », paru le 5 janvier 2022 aux éditions Odile Jacob.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Odile Jacob</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>[…] Une « Europe végétarienne dans un monde de carnivores » ? L’expression est de Sigmar Gabriel, ancien ministre allemand des Affaires étrangères. Elle signe la fin d’une époque qui avait commencé avec la chute du Mur de Berlin, et pendant laquelle l’Europe avait entretenu l’espoir d’un monde post-tragique, dans lequel il n’était plus besoin de se prémunir des agressions extérieures. […] La suite fut brutale : révoltes arabes, ambitions russes, avènement des grandes stratégies d’influence. L’objectif européen de changer le monde par la seule diffusion de ses normes de bonne gouvernance devenait naïf.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'Europe cherche à faire valoir son influence dans le monde, mais elle est bien souvent l'objet d'influences extérieures, qu'elles soient économiques, politiques, stratégiques ou culturelles.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1737602022-01-02T17:26:02Z2022-01-02T17:26:02ZLa Jordanie : acteur clé pour la Chine au Moyen-Orient<p>Peuplée de 10 millions d’habitants, la Jordanie, qui se trouve au cœur du Proche-Orient, fonde traditionnellement sa politique étrangère sur <a href="https://www.senat.fr/ga/ga90/ga90.html">trois piliers</a> : – alliance avec les États-Unis ; paix avec Israël ; coopération renforcée avec les États du Golfe.</p>
<p>La relation avec la Chine devrait donc <em>a priori</em> être reléguée à un rang plus secondaire pour le pays. Pourtant, les deux États partagent des points de vue et des intérêts communs sur la manière de lutter contre le terrorisme international ainsi qu’à propos du développement de projets ambitieux, notamment dans le nucléaire civil.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">La nouvelle route de la soie, une stratégie d’influence mondiale de la Chine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il y a près d’un an, à Amman, la capitale jordanienne, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, se disait déjà prêt à <a href="https://www.mfa.gov.cn/ce/cesn/fra/xwdt/t1795892.htm">renforcer la coopération bilatérale</a> dans le cadre du développement des Nouvelles routes de la soie. Ainsi, la relation sino-jordanienne, d’abord fondée sur le commerce, s’élargit aux spectres politique et diplomatique.</p>
<p>Un rapprochement qui s’explique par le fait que Pékin a bien compris que la Jordanie demeurait un <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_2000_num_67_1_4624_t1_0206_0000_4">État singulièrement stable</a> et déterminant dans la diplomatie régionale, malgré des vulnérabilités réelles (elle a été heurtée de <a href="https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20211129-covid-19-dans-le-nord-de-la-jordanie-une-nouvelle-%C3%A9pid%C3%A9mie-fulgurante">plein fouet par la pandémie</a> et fait face à un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00411839/document">afflux majeur</a> de réfugiés, principalement d’origine palestinienne (deux millions de personnes, présentes souvent <a href="https://www.cairn.info/revue-a-contrario-2016-2-page-17.htm">depuis plusieurs décennies</a>), et, plus récemment, syrienne (1,3 million de personnes depuis 2011).</p>
<h2>Des jalons pour l’histoire</h2>
<p>En pleine guerre froide, alors que Mao Zedong ne <a href="https://www.puf.com/content/Chine_et_terres_dIslam">ménageait pas son soutien</a> aux Palestiniens contre Israël, dont Pékin avait déjà critiqué l’intervention à Suez (1956), la diplomatie chinoise amorce une première inflexion.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chine-israel-une-relation-dans-lombre-de-la-rivalite-sino-americaine-169660">Chine-Israël : une relation dans l’ombre de la rivalité sino-américaine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Nous sommes en 1970. <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Septembre-noir.html">L’écrasement des <em>fedayins</em> palestiniens</a> par le pouvoir jordanien est condamné, mais Zhou Enlai, alors responsable de la politique étrangère chinoise, sait aussi que le soutien à la résistance palestinienne risque de mettre la République populaire de Chine en porte-à-faux par rapport aux <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1956_num_2_1_1229">principes qu’elle préconise officiellement</a> (respect de la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires d’autrui).</p>
<p>C’est dans ce contexte que Pékin décide de <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Thierry-Kellner-Que.html">nouer des relations diplomatiques avec Amman</a>, en 1977. Hussein II de Jordanie est reçu cinq ans plus tard à Pékin à la tête d’une délégation de la Ligue arabe. Deng Xiaoping, successeur de Mao Zedong, entend ainsi rappeler son attachement au respect de la souveraineté des États.</p>
<p>Pékin sait aussi la relation privilégiée que la Jordanie entretient avec Israël, allié des États-Unis. Bien qu’ayant été dépossédée de la protection des lieux saints du Hedjaz après la conquête en 1924 par les Saoud, la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Hussein-et-la-famille-Hachemite.html">famille hachémite</a> conserve par ailleurs une aura considérable dans le monde arabe.</p>
<p>La « séduction » chinoise dans le monde arabe opère et convaincra, en avril 1978, l’Égypte de signer un <a href="https://www.actes-sud.fr/node/14597">accord militaire avec Pékin</a>. Historiquement, la relation sino-jordanienne a ainsi permis un redéploiement des initiatives diplomatiques chinoises à travers le Proche-Orient.</p>
<p>Depuis, la présence de Pékin et de ses entreprises dans la région n’a cessé de croître. Que ce soit dans le domaine stratégique ou économique, les initiatives chinoises sont coordonnées par un envoyé spécial pour le Moyen-Orient (actuellement Zhai Jun, diplomate chevronné, arabisant et <a href="https://theconversation.com/chine-iran-une-convergence-durable-160842">ancien ambassadeur en France et en Libye</a>), lequel est la courroie de transmission entre l’ensemble des ambassadeurs chinois opérant sur la zone et Xi Jinping lui-même, preuve s’il en fallait que le chef de l’État chinois accorde une attention particulière à cette région comme à ses prolongements géographiques.</p>
<p>Il s’agit bien sûr d’assurer à la Chine le maintien de ses approvisionnements énergétiques, mais aussi d’éviter que le monde musulman chinois ne soit impacté à son tour par l’essor des mouvements djihadistes.</p>
<h2>Une coopération renforcée : économie et diplomatie</h2>
<p>En lien avec les opérations d’influence de Pékin et de ses <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/routes-de-la-soie">« Nouvelles routes de la soie »</a>, Xi Jinping et le roi de Jordanie, Abdallah II, ont signé en 2015 un <a href="https://www.mfa.gov.cn/ce/cema/fra/zgxw/t1295924.htm">partenariat stratégique</a>.</p>
<p>Pour la Chine, cet accord était le moyen de prendre davantage pied dans la région, à partir d’Amman, dans un contexte stratégique marqué notamment par la guerre en Syrie et les violences djihadistes de l’EI. Pour les Jordaniens, il répondait à une volonté de diversification des partenaires économiques, en lien avec leur plan <a href="https://www.open-diplomacy.eu/blog/chine-diplomatie-portefeuille-moyen-orient-xi-jinping-elhamahmy">Vision 2025</a>. À l’instar des plans ou des « visions » développées au Qatar ou en Arabie saoudite, la Jordanie envisage à travers ce plan, une transformation de son économie, de son mix énergétique et des projets d’infrastructures.</p>
<p>Ainsi, la Chine est progressivement devenue une puissance majeure (d’abord économiquement) dans la région, avec des objectifs stratégiques évidents. Qu’elle entende conforter cette politique sur le long terme ne fait aucun doute. Pour cela, elle dispose de nombreux atouts. À terme, les reconstructions de la Syrie et du Liban vont <a href="https://theconversation.com/la-tentation-chinoise-du-liban-149677">renforcer sa présence</a>. Le Liban demeure un point d’entrée essentiel pour l’ensemble de la région : les pays du Levant tels que la Jordanie, la Syrie ou l’Irak, mais aussi les pays du Golfe, dépendent aussi de leurs relations commerciales avec le Liban. Or, 73 % des importations du pays dépendant de la voie maritime, le lien du Liban à la mer est essentiel. Il repose sur le dynamisme d’une infrastructure clé, le port maritime. Précisément ce que la Chine convoite.</p>
<p>Sur un autre plan, le renforcement de la coopération de la Chine avec la Jordanie dans le domaine du <a href="https://theshiftproject.org/article/electricite-nucleaire-asie-moyen-orient/">nucléaire civil</a> semble avoir déjà porté ses fruits puisque l’Arabie saoudite voisine se dit à son tour intéressée par un projet similaire. De même, la problématique du dessalement de l’eau intéresse aussi la Jordanie, qui est l’un des pays les <a href="https://www.rts.ch/decouverte/monde-et-societe/monde/la-problematique-de-l-eau-en-jordanie/9587423-les-sources-deau-en-jordanie.html">plus lacunaires en eau au monde</a>. Plusieurs observateurs s’inquiètent de la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-Jordanie-un-pays-a-la-vulnerabilite-hydrique-exponentielle-1-2-Le.html">situation structurelle de sécheresse</a>.La Jordanie connaît une des <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1260821/en-jordanie-la-secheresse-menace-les-cultures-et-lacces-a-leau-potable.html">plus graves sécheresses de son histoire</a> et le pire est à venir. Les précipitations pourraient continuer de chuter et la température moyenne continuer <a href="https://fr.timesofisrael.com/le-dereglement-climatique-pour-rechauffer-les-liens-entre-israel-et-la-jordanie/">d’augmenter fortement</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5qAqjwfKCLE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jordanie : les défis monumentaux de la gestion de l’eau, France 24, 9 avril 2021.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, outre la coopération sino-jordanienne dans ces différents secteurs d’activités, le lien entre les deux pays s’affirme aussi au sein des cadres diplomatiques et institutionnels, avec, au mois de juillet de l’année dernière, le neuvième <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjb/zzjg/xybfs/xgxw/202007/t20200709_10194290.html">Forum sur la coopération sino-arabe</a>, coprésidé par les deux pays.</p>
<p>Très dépendante des flux de financement externes, lesquels sont exposés à la conjoncture internationale et aux tumultes d’un environnement régional en mutation, la Jordanie essaie de multiplier les initiatives diplomatiques pour être moins vulnérable en matière d’énergie, et ce, dans un contexte où les finances publiques du pays se dégradent.</p>
<p>Cet <a href="https://www.revueconflits.com/jordanie-relations-internationales-israel-etats-unis-pauvrete-abdallah-tigrane-yegavian/">« État tampon »</a> devrait bénéficier pour cela du soutien de bailleurs étrangers, notamment chinois. Les importations chinoises de Jordanie se sont élevées à un total de <a href="http://french.xinhuanet.com/2019-12/17/c_138636253.htm">356 millions de dollars</a> en 2019, avant la pandémie de Covid-19. De même, les autorités chinoises se félicitaient à la même période du projet de centrale électrique utilisant du pétrole de schiste d’Attarat (en construction) et annonçaient une <a href="http://french.xinhuanet.com/2019-12/17/c_138636253.htm">participation de 1,6 milliard de dollars dans sa construction</a>.</p>
<p>Ce projet, phare pour la diplomatie chinoise au Moyen-Orient, contribuerait à réduire les coûts d’énergie de la Jordanie, créer de l’emploi localement et stimulerait les échanges en matière d’ingénierie entre Amman et Pékin. Pour autant, il n’y pas à ce jour d’avancées significatives. La pandémie et le processus d’enfermement du régime chinois sur lui-même suggèrent une recomposition des relations, des projets initiés et, plus largement, de sa politique étrangère.</p>
<p>En atteste le volet sanitaire dans la lutte contre la pandémie : la Jordanie a déjà fait l’objet de <a href="http://french.xinhuanet.com/2021-04/26/c_139906631.htm">plusieurs livraisons de vaccins de la société Sinopharm</a>. Ces dons sont la partie émergée du volet commercial d’opérations plus larges entreprises par la Chine, qui tente grâce à eux de <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/04/02/chine-oms-coronavirus/">légitimer et relancer</a> le projet des « nouvelles routes de la soie ». Ainsi, en 2020, la Chine est devenue le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/12/22/le-commerce-exterieur-de-la-jordanie-au-premier-semestre-2020">premier fournisseur de la Jordanie</a> (15 % du marché) tandis que, dans le même temps, les importations en provenance de Chine se sont réduites en raison des perturbations liées à la pandémie et au contexte politique dégradé.</p>
<p>Enfin, la coopération sino-jordanienne en matière de sécurité et de ventes d’armes reste discrète mais substantielle. Que ce soit avec la <a href="http://www.eastpendulum.com/2-nouveaux-pays-rencontre-drone-ch-4">livraison de drones</a> ou avec les échanges entre services de sécurité, Pékin a aussi construit, via son réseau diplomatique, une position d’influence – d’abord pour assurer la sécurité de ses intérêts.</p>
<p>N’en demeure pas moins que la Jordanie continuera d’être un <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">terrain d’affrontement</a> entre les pôles de puissance régionaux et extrarégionaux (Israël, États-Unis, Chine, Russie, etc.). En cela, Amman conservera son aura singulière et ancienne, espace de diplomatie du Moyen-Orient pour comprendre le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Allié proche des États-Unis depuis des décennies et acteur majeur du Moyen-Orient, la Jordanie entretient pourtant d’importants liens avec la Chine.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715182021-11-18T21:50:25Z2021-11-18T21:50:25ZL’intérêt croissant de la Chine pour Madagascar<p>Si la relation entre la République populaire de Chine et Madagascar est ancienne, elle s’est rapidement développée au cours de ces dernières années, pour des raisons à la fois économiques et stratégiques.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-4-page-261.htm">En 1958</a>, un Consulat général de la République populaire de Chine a été ouvert à Tananarive, avant d’être élevé au rang d’ambassade en 1960. Un premier accord commercial verra le jour en 1963, suivi d’un épanouissement relatif des échanges bilatéraux. Les deux pays ont plus récemment (2017) établi un partenariat global de coopération, et signé, la même année un <a href="https://www.fmprc.gov.cn/zfhzlt2018/fra/zfgx_5/jmhz/t1496543.htm">Mémorandum d’entente</a> sur la promotion conjointe des Nouvelles Routes de la soie.</p>
<p>Depuis 2015, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de Madagascar. Les échanges commerciaux entre les deux pays dépassaient <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/MG/le-commerce-exterieur-de-madagascar-en-2017">6 milliards d’euros en 2018</a>. La présence d’une diaspora chinoise déjà ancienne et les potentialités de l’île ont accru l’intérêt de Pékin pour cette région de l’ouest de l’océan Indien. Il est vrai que, avant la pandémie de Covid-19, l’économie malgache se trouvait sur une trajectoire ascendante. Après une longue période d’instabilité politique et de grandes difficultés économiques, la dynamique s’était accélérée, pour atteindre en 2019 une croissance <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar/overview">estimée à près de 5 %</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"749876442037575684"}"></div></p>
<p>Ces tendances n’éclairent que partiellement la réalité économique, sociale et politique du pays, qui se caractérise par une dette importante, un regain de pauvreté et une dégradation manifeste de l’investissement. 75 % de la population vivaient toujours sous le seuil international de pauvreté de 1,90 dollar en 2019 – un taux nettement supérieur à la moyenne régionale de 41 %.</p>
<p>En 2020, les échanges avec la Chine représentaient <a href="http://mg.mofcom.gov.cn/article/chinanews/202102/20210203037418.shtml">18,1 % du commerce extérieur total de Madagascar</a>. Marquée par une forte asymétrie, la relation Chine-Madagascar illustre la façon dont la RPC s’impose comme une puissance diplomatique, commerciale et militaire <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">dans les pays émergents et en développement</a>, proposant un cadre international alternatif à l’ordre onusien et occidental.</p>
<h2>Une relation emblématique des rapports entre Pékin et les pays pauvres</h2>
<p>On les appelle, en malgache, les <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1964_num_10_1_1755">Sinoa Gasy (littéralement « Chinois malgaches »)</a> : ce sont ces métis issus, pour beaucoup, de familles cantonaises contraintes à se déplacer plus à l’ouest tandis que l’immigration chinoise <a href="https://chine.in/guide/hakka-peuple_1887.html">hakka</a> s’établissait (dès le XIX<sup>e</sup> siècle, voire avant) sur les îles de la Réunion et de Maurice. Ils représentent 0,1 % de la population totale qui, elle, atteint les 27 millions d’habitants.</p>
<p>Beaucoup d’hommes d’affaires ayant réussi leur implantation, parfois antérieure au XIX<sup>e</sup> siècle, jouent un rôle essentiel dans la diplomatie informelle et en tant que médiateurs entre les nouveaux entrepreneurs chinois et les autorités malgaches. La nomination du <a href="https://www.cgcc.org.hk/en/member_detail/HUI+Chi-ming">Dr. Hui Chi Ming</a>, milliardaire influent, en tant que consul honoraire de Madagascar à Hongkong sous l’ancienne présidence (2002-2009) de Marc Ravalomanana, et la participation active encore à ce jour de cet homme influent dans les affaires économiques de l’île montrent l’importance de ces relations de réseau.</p>
<p>En termes de réalisations, et parmi les plus visibles, <a href="https://www.madagascar-tribune.com/La-premiere-phase-des-travaux-terminee.html">l’aéroport d’Ivato, la route (RN 2) reliant Moramanga</a> (ancien épicentre de l’insurrection malgache en 1947 contre la puissance coloniale française) à <a href="https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Andranonampango&action=edit&redlink=1">Andranonampango</a>, la construction du Centre hospitalier universitaire d’Anosiala ou le développement de la mission médicale chinoise constituent les projets phares réalisés (en partie) depuis ces dernières décennies avec l’aide de la Chine.</p>
<p>Pékin a également <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20191005-accord-cooperation-agriculture-chine-madagascar">apporté son expertise au secteur agricole malgache</a> par l’amélioration de la culture du riz avec des semences hybrides ou la promotion de l’agribusiness. La relation culturelle n’a pas été oubliée puisqu’en novembre 2008 a été inauguré un Institut Confucius, le cinquième en Afrique après ceux du Kenya (2004), du Rwanda (2005), du Zimbabwe et de l’Égypte (2006).</p>
<p>Mais, en réalité, les entreprises chinoises sont actives et présentes <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-4-page-261.htm">dans tous les secteurs économiques de l’île</a> : agriculture (où les opérateurs chinois ont tissé un solide réseau de collecte pour l’exportation vers la Chine – épices, vanille, girofle, café, cacao, bois… et distribuent des matériels agricoles fabriqués en Chine) ; pêche (la China National Fisheries Corp, CNFC, a ainsi annoncé dans le secteur de la pêche à la crevette, il y a déjà plus de dix ans, la prise de contrôle de <em>Somapêche</em>, qui appartenait au Japonais <em>Maruha Group</em> depuis quarante ans) ; l’énergie ; le ciment ; le pétrole ; les mines et gisements de fer comme à Soalala (la plus importante réserve du pays) exploitée par le consortium chinois Wuhan Iron and Steel Corporation (WISCO) ; le textile enfin. Sans <a href="https://www.jeuneafrique.com/749835/economie/trafic-de-bois-de-rose-vers-la-fin-de-limpunite-a-madagascar/">compter l’exploitation, le plus souvent opaque, du bois de rose</a> et les domaines sucriers. Pékin a su renouveler et diversifier son aide (et donc sa présence) à Madagascar en utilisant différents instruments (assistance technique, prêts bonifiés…).</p>
<p>La brutalité des entreprises chinoises et de leurs représentants, dans la manière de gérer le personnel malgache, a créé une <a href="https://www.lepoint.fr/monde/a-madagascar-la-forte-presence-chinoise-passe-de-plus-en-plus-mal-18-12-2016-2091370_24.php">animosité grandissante au sein de la population</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"811526638626144257"}"></div></p>
<p>L’ensemble de ces activités témoignent de la spécificité des relations entre la Chine et les sociétés des pays en développement : les exportations se concentrent autour de quelques produits, essentiellement des matières premières ; la corruption est quasi structurelle ; et la fourniture d’équipements (des infrastructures aux équipements médicaux) <a href="https://www.mfa.gov.cn/ce/cemg/fra/zxxx/t1909727.htm">entre dans la relation diplomatie-négoce</a>.</p>
<h2>Vers un engagement durable de la Chine dans cette région du monde ?</h2>
<p>L’île se trouve à un « carrefour stratégique » et la présence de la Chine dans l’océan Indien nécessite de nombreux relais.</p>
<p>Pour Pékin, il est crucial d’être présent dans cette région par laquelle passent les <a href="https://www.fdbda.org/2020/06/le-collier-de-perles-chinois-expansion-et-obstacles/">routes maritimes reliant l’Asie orientale au Moyen-Orient et à l’Afrique</a>. Ces routes sont d’une grande importance aux yeux de la RPC : c’est par elles que transitent les matières premières (pétrole et ressources minières) qu’elle achète, et les biens manufacturés qu’elle vend à l’UE, laquelle représente l’un de ses principaux marchés d’exportation. L’océan Indien est, de fait, devenu l’un des centres de gravité des échanges maritimes et de la croissance mondiale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nx550Z-w4L4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Indo-Pacifique : nouveau centre du monde ? Le Dessous des cartes (Arte, 6 octobre 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour Madagascar, pays le plus asiatique de l’Afrique, il s’agit là d’une opportunité. Ici, plus qu’ailleurs, la maritimisation des enjeux économiques a profondément modifié les équilibres géopolitiques, créant et entretenant des risques et menaces transnationales allant du terrorisme à la piraterie, des flux criminels aux atteintes à l’environnement et à la biodiversité. Le déficit de sécurité maritime s’explique en partie par la <a href="https://hal.univ-reunion.fr/hal-03327615/document">faiblesse structurelle des forces navales malgaches</a> et, jusqu’à très récemment, par une quasi-absence de coopération régionale dans le domaine maritime.</p>
<p>Madagascar possède 5 000 kilomètres de côtes, 111 120 kilomètres carrés de mer territoriale et environ un million de kilomètres carrés de Zone économique exclusive. Malgré ces différents atouts et potentiels, la marine malgache et ses diverses forces militaires et de sécurité <a href="https://lexpress.mg/01/03/2021/antsiranana-un-nouveau-souffle-pour-la-marine-nationale/">ne sont pas suffisamment dimensionnées</a> face aux enjeux régionaux dans cette immense zone maritime, traversée par la pluralité de problématiques citées précédemment. Le don fait par la Chine de <a href="https://www.lactualite.mg/politique/183-securite-maritime-cinq-navires-surveiller-1-200-000-km2/">deux vedettes patrouilleurs, en 2017</a>, coïncide sans doute pour Madagascar avec une volonté d’amorcer une politique de défense davantage portée sur la maîtrise de son immense espace maritime.</p>
<p>Le contentieux qui l’oppose à la France concernant les <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/11/15/iles-eparses-la-france-ne-respecte-ni-la-geographie-ni-l-histoire-ni-le-droit-international_6019283_3212.html">îles Éparses</a>, situées plus au nord, montre toutefois son incapacité, pour l’heure, à s’imposer par la force dans ce domaine.</p>
<p>Plus généralement, après son indépendance en 1960, Madagascar a tourné le dos, dans une certaine mesure, aux routes maritimes la reliant au continent africain et aux autres îles de l’océan Indien. Aussi, pour rattraper son retard, Madagascar mise désormais davantage sur une politique d’intégration et de coopération maritime tous azimuts.</p>
<h2>L’enjeu maritime et gazier</h2>
<p>Les relations entre Pékin et Tananarive se complexifient aujourd’hui avec la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/articles-scientifiques/espace-indopacifique-geopolitique">recomposition des enjeux stratégiques dans l’ensemble du bassin Indien</a> : présence de l’Inde, mais aussi du Japon, de la Corée du Sud, de l’Europe ou encore des États-Unis…</p>
<p>En témoigne la mise en place sur son territoire, depuis 2019, du <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2016-7-page-99.htm">Centre régional de fusion d’informations maritimes</a> (CRFIM). Complété par le <a href="https://www.crimario.eu/2017/07/16/les-seychelles-ouvrent-deux-centres-de-partage-dinformation-maritime/">Centre de coordination opérationnelle basé aux Seychelles</a>, il offre désormais à Madagascar un rôle central et international dans les opérations de surveillance maritime. Il s’intègre par ailleurs pleinement dans la <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/11151/2050_aims_srategy.pdf">Stratégie maritime intégrée africaine 2050</a> qui vise à assurer une sécurité globale pour le libre acheminement du fret et la lutte contre la pollution des espaces maritimes.</p>
<p>Madagascar joue un rôle de pont entre le programme des Nouvelles Routes de la soie et le continent africain. Ce pays occupait déjà̀ une place certaine dans la Route de la soie antique, en raison de sa position géographique. Avec la récente découverte d’un <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/04/15/le-canal-du-mozambique-un-espace-geocritique/">gisement considérable de gaz exploitable dans le canal du Mozambique</a>, Madagascar, située à moins de 400 kilomètres du continent africain, pourrait à terme gagner en importance (flux et infrastructures) au niveau régional.</p>
<p>Cette découverte constitue une opportunité de développement, mais aussi un risque sans précédent. Le gisement est <a href="https://pubs.usgs.gov/fs/2012/3039/contents/FS12-3039.pdf">évalué</a> en <a href="https://pubs.usgs.gov/fs/2012/3039/contents/FS12-3039.pdf">2012 à plus de 440 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel et 13,77 milliards de barils de gaz naturel liquide</a>, soit l’équivalent des réserves de la mer du Nord ou du golfe Persique. Il est identifié à Madagascar et aux Seychelles tandis qu’au Mozambique et en Tanzanie il est déjà en phase de production.</p>
<p>Les énergies renouvelables suscitent un certain enthousiasme sur les marchés financiers. Dans les prochaines décennies, elles pourraient atteindre environ 30 % du mix énergétique (demeure la question des installations et de la nature des investisseurs…). Le gaz, présenté comme une « énergie propre », pourrait prendre une valeur d’<a href="https://www.lepoint.fr/afrique/la-nouvelle-geopolitique-de-l-ocean-indien-03-02-2021-2412550_3826.php">énergie de transition</a>. Signe des temps : la compagnie française Total y investit massivement.</p>
<p>Du point de vue de la régionalisation dans la mondialisation, cette institutionnalisation par la maritimisation <a href="https://politika.mg/16391/">se confirme</a>. L’émergence économique de l’Afrique du Sud est l’un des moteurs de l’émergence énergétique mozambicaine, par exemple. Les investissements de la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2018-v49-n3-ei04602/1059936ar/">route de la soie maritime chinoise</a> passent depuis quelques années par le Mozambique et la Tanzanie (non sans difficultés, notamment liées aux dettes). Madagascar, dans cette interaction régionale, se retrouve une fois de plus au centre des préoccupations géostratégiques de cette région du monde. Une réalité qui n’a pas échappé à l’œil de Pékin…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171518/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La position géographique de l’île, plus encore que son potentiel économique, explique le rapprochement bilatéral initié par Pékin.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696602021-10-25T17:49:46Z2021-10-25T17:49:46ZChine-Israël : une relation dans l’ombre de la rivalité sino-américaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/427269/original/file-20211019-13-1h7vo3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C0%2C3811%2C2155&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les rapports entre la Chine et Israël ne peuvent pas se comprendre sans tenir compte de ceux que chacun de ces deux pays entretient avec les États-Unis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/china-usa-america-israel-realistic-three-1338986876">motioncenter/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Relation ancienne que celle <a href="https://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985_1999_num_106_1_1089_t1_0126_0000_4">entre les communautés juives et la Chine</a> (notamment à Kaifeng, dans le centre du pays, où <a href="https://www.myjewishlearning.com/article/the-jews-of-kaifeng-chinas-only-native-jewish-community/">réside depuis 1 000 ans</a> une communauté juive). Une relation encore complexifiée par les enjeux, hier, de la guerre froide, aujourd’hui, de la rivalité sino-américaine, avec en toile de fond un problème récurrent et fréquemment soulevé par la diplomatie chinoise : la question palestinienne, ce dernier sujet étant aussi ancien que la politique chinoise du monde arabe.</p>
<p>Toutefois, l’été dernier, Pékin a explicitement proposé sa médiation dans le <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjb/zzjg/yzs/xgxw/t1876621.shtml">conflit qui oppose les Palestiniens à l’État hébreu</a>. Une façon, diront ses détracteurs, de détourner l’attention et les critiques occidentales des exactions commises par les autorités de la RPC à l’égard des musulmans ouïgours dans le Xinjiang…</p>
<p>Ce qui est sûr, c’est que le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">poids croissant de la Chine au Moyen-Orient</a> fait d’elle un acteur de plus en plus notable sur le plan politique, et que la part des échanges économiques israélo-chinois n’a cessé de croître au cours de ces dernières années, suscitant inquiétudes à Washington et, aussi, <a href="https://www.jpost.com/edition-fran%C3%A7aise/diplo-monde/alerte-%C3%A0-lespionnage-chinois-317662">parmi les services de sécurité et de renseignement israéliens</a>.</p>
<h2>Une histoire ancienne et singulière</h2>
<p>Nombre de survivants des camps de la mort se souviennent que la Chine a été pour de nombreux Juifs une <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2021/02/Asia-Focus-156-.pdf">terre de refuge durant la Seconde Guerre mondiale</a> (et même dès les années 1930, notamment à Shanghai). C’est dans le sillage de la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/doc/etpays/Chine/Chine-2-Scient.htm">présence britannique</a>, bientôt suivie d’un afflux de réfugiés d’Europe de l’Est, que Shanghai, principalement, reçut une <a href="https://www.fayard.fr/histoire/histoire-de-shanghai-9782213609553">vague importante d’immigrés juifs</a>. La plupart fuyaient la montée de l’antisémitisme. Ils furent une vingtaine de milliers originaires d’Autriche, de Pologne, de Russie ou de Lituanie à s’installer dans le district de Hongkou à Shanghai, jouxtant la présence japonaise.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wbDVIpNp_ek?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les autorités chinoises pratiquaient alors une politique de la main ouverte vis-à-vis de ces hommes et de ces femmes que l’Europe persécutait. Malgré <a href="https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/polish-jewish-refugees-in-the-shanghai-ghetto-19411945">l’occupation japonaise de Shanghai</a>, ces communautés surmontèrent les difficultés de la période. Elles durent d’abord leur survie à un extraordinaire réseau d’entraide et à la générosité de puissants hommes d’affaires établis dans la ville depuis plusieurs décennies. D’entre tous, <a href="https://www.nytimes.com/2014/10/05/travel/the-man-who-changed-the-face-of-shanghai-.html">Victor Sassoon</a> (1881-1961) joua le rôle le plus important. Bien qu’issu d’une famille sépharade de Mésopotamie (Irak actuel), ses relations à travers la ville s’avérèrent d’un précieux recours pour ces familles ashkénazes ayant fui la révolution bolchévique puis le nazisme.</p>
<p>De simples anonymes ou de grandes personnalités comme le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Alfred_Wittenberg">violoniste Alfred Wittenberg</a> (1880-1952) ou le <a href="https://www.jstor.org/stable/20184469">compositeur Wolfgang Fraenkel</a> (1897-1983) se réfugièrent à Shanghai. Ils furent à l’origine de la formation d’un très grand nombre de musiciens au conservatoire de Shanghai parmi lesquels <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Tan_Shuzhen">Tan Shuzhen</a> (1907-2002), Li Minqiang (1936) ou Sang Tong (1923). D’autres, comme la <a href="https://stringfixer.com/fr/Ruth_Weiss_(journalist)">journaliste Ruth Weiss</a> (1908-2006), par sympathie marxiste, s’engagea aux côtés <a href="https://data.bnf.fr/fr/12183187/agnes_smedley/">d’Agnes Smedley</a> (1892-1950) dans la défense des communistes chinois. Elle s’établit à Shanghai où elle rencontra <a href="https://www.fayard.fr/histoire/sun-yat-sen-9782213031903">Song Qingling (1893-1981), la veuve du révolutionnaire Sun Yat-sen</a> (1866-1925) – ainsi que l’écrivain Lu Xun (1881-1936). Plus radical fut le <a href="https://www.noemiegrynberg.com/jakob-rosenfeld-le-medecin-juif-viennois-devenu-heros-militaire-de-la-revolution-communiste-chinoise/">médecin Jacob Rosenfeld</a> (1903-1952), qui rejoignit l’Armée Populaire de Libération et sauva dans le nord-ouest du pays des centaines de vies humaines. On le surnomma le général Luo. Un hôpital situé dans la province du Shandong et inauguré par l’ancien président Hu Jintao, en 2006, porte désormais son nom.</p>
<p>Dès la proclamation de la République populaire de Chine (1949), l’ébauche d’une relation diplomatique entre Pékin et Tel-Aviv est esquissée. En dépit des démarches de <a href="https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ_French/journals_F/Volume-05_Issue-2/Shai_f.pdf">l’ambassadeur David Hacohen auprès de son homologue Yao Zhong-ming à Rangoon</a>, capitale de la Birmanie, la guerre froide entrave la concrétisation de cette reconnaissance entre les deux États. La guerre de Corée, conjuguée aux fortes réticences de l’administration Truman, bloque les négociations. Il faudra attendre près de quatre décennies pour qu’elles <a href="https://www.cairn.info/histoire-d-israel--9782262030872.htm">reprennent enfin</a>.</p>
<p>Entre-temps, la Chine de Mao Zedong entendra promouvoir une « troisième voie » contre les puissances coloniales française et britannique, mais aussi contre Israël, vigoureusement critiqué pour son intervention à Suez en 1956. L’intégration de la Chine au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU (1971) d’une part, la normalisation des relations sino-américaines (1979) de l’autre contribuent largement à un changement de cap diplomatique. En 1992, fin de la guerre froide aidant, Pékin <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724611571-page-359.htm">normalise ses relations diplomatiques avec Israël</a>. Les deux pays développeront dès lors ses relations commerciales, mais aussi des interactions dans le domaine des technologies. La Chine y perçoit une possibilité de diversifier ses partenariats technologiques, tandis qu’Israël verra l’occasion d’étendre une forme singulière de son influence en Asie.</p>
<h2>Partenariat commercial et technologique et inquiétudes de Washington</h2>
<p>La normalisation des relations entre Israël et la Chine a été portée par un personnage aussi discret qu’important, l’homme d’affaires <a href="https://www.lesechos.fr/2009/08/saul-eisenberg-lami-israelien-des-chinois-475008">Saul Eisenberg</a>. Ce dernier opéra à un rapprochement entre Pékin et Tel-Aviv dès la fin des années 1980 et participa à initier le développement des échanges commerciaux entre les deux pays.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lxeJX1UGb2E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Dès lors, ces échanges n’ont cessé de s’amplifier : ils dépassaient <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/759070a0-6187-4e71-bf79-0e23de125a17/files/687abfb7-c025-440a-95e0-9edd21cd80b6">11 milliards de dollars en 2019</a> contre 50 millions de dollars en 1992. La Chine est actuellement le troisième partenaire commercial d’Israël (avec près de 5 milliards de dollars de biens exportés en 2019). Rapidement, dans une logique de rattrapage technologique, les intérêts chinois pour Israël vont se concentrer sur l’écosystème de l’innovation. Les échanges vont aller assez loin, au point d’inquiéter les services spéciaux israéliens mais aussi le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-les-investissements-chinois-dans-le-collimateur-1204214">partenaire américain</a>.</p>
<p>L’enjeu est évidemment considérable pour l’avenir des relations sino-israéliennes. Plus de <a href="https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR3176.html">1 000 entreprises israéliennes</a> sont impliquées dans la coopération technologique avec la Chine. Les entreprises chinoises ont massivement investi en Israël dans de nombreux domaines allant des <a href="https://jamestown.org/program/recent-trends-in-sino-israeli-relations-bely-lasting-warm-ties/">transports et des infrastructures portuaires</a> à l’agroalimentaire ainsi que dans les télécoms, les puces ou encore le cloud.</p>
<p>L’aménagement des tunnels du Carmel, le développement des ports de Haïfa et d’Ashdod ou la construction du métro léger de Tel-Aviv comptent parmi les réussites chinoises les plus visibles dans l’État hébreu. Bien qu’Israël ne soit pas un partenaire officiel du projet des « Nouvelles Routes de la Soie », les autorités israéliennes ont adhéré à la Banque asiatique des Investissements pour les Infrastructures dès 2015 tandis que des start-up chinoises ont investi dans ce haut lieu de la haute technologie promu par Israël qu’est la <a href="https://israelvalley.com/2020/09/02/histoire-hightech-disrael-la-silicon-wadi-les-premiers-pas/">« Silicon Wadi »</a>.</p>
<p>D’après <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03068374.2016.1170491?journalCode=raaf20">certains experts</a>, depuis 2010, la Russie et Israël constituent les principaux exportateurs de systèmes d’armes pour des missiles balistiques destinés à la Chine. Un fait qui ne cesse d’inquiéter Le Pentagone. Déjà en l’an 2000, l’administration américaine s’était fermement opposée à l’exportation de <a href="https://www.haaretz.com/1.5231008">son système Phalcon</a>, obligeant Tel-Aviv à compenser cette interdiction par des largesses financières. Cinq ans plus tard, ce sont les drones <a href="https://www.haaretz.com/1.4925244"><em>Harpy killer</em></a> que Washington interdisait à Tel-Aviv d’acheminer vers Pékin.</p>
<p>Dans les faits, cette coopération sino-israélienne n’a cessé de prendre de l’ampleur et tout particulièrement dans le domaine civil (par l’intermédiaire des grandes sociétés chinoises – Huawei, Alibaba… mais aussi de sociétés articulées à des provinces chinoises).</p>
<p>Que ce soit dans le secteur des télécommunications ou celui de l’agriculture, ces relations répondent à des besoins très réels comme les <a href="https://www.hortidaily.com/article/9244864/china-and-israel-draw-a-new-chapter-in-smart-agriculture/">techniques d’irrigation</a> des sols pour limiter l’assèchement et la dégradation des terres arables, un problème bien connu dans les agricultures des deux pays.</p>
<p>Comment ces relations vont-elles évoluer dans le contexte post-Benyamin Nétanyahou ? Elles font débat au plus haut niveau de l’État hébreu. Ainsi, Yosef Meir Cohen, directeur du Mossad (2016-2021), <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/07/06/israels-growing-ties-china-are-testing-its-relationship-with-us/">déclarait récemment</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne vois pas ce que les Américains veulent des Chinois. Si quelqu’un le sait, qu’on me le dise… La Chine n’est pas opposée à nous et nous ne sommes pas son ennemi. »</p>
</blockquote>
<h2>La stratégie du lotus</h2>
<p>Concernant la Chine, Israël semble faire preuve d’un solide pragmatisme. Après tout, le gouvernement israélien sait que Pékin <a href="https://theconversation.com/chine-iran-une-convergence-durable-160842">entretient des relations étroites avec l’Iran</a>, ennemi juré de l’État hébreu. La signature d’accords entre Téhéran et Pékin confirme les choix stratégiques d’Israël au Moyen-Orient : recomposition des relations (affichées ou plus discrètes dans le cadre des <a href="https://fmes-france.org/wp-content/uploads/2020/11/Les-accords-Abraham.pdf">Accords d’Abraham</a>), rapprochement avec l’Azerbaïdjan (et la Turquie) et maintien de la relation spéciale avec Washington, tout en entretenant des rapports étroits avec la Russie et l’Inde. Israël sait aussi que <a href="https://theconversation.com/chine-arabie-saoudite-a-lassaut-de-lor-noir-167205">l’Arabie saoudite a opéré un rapprochement important avec la Chine</a> et que Riyad n’est pas insensible au sort des Palestiniens…</p>
<p>Côté chinois, la volonté d’établir des relations de proximité avec des partenaires proches des États-Unis, que ce soit Israël ou la Turquie, s’apparente fort à la « stratégie du lotus ». Cette parabole, pour les disciples de Sun Zi, désigne la capacité d’un chef de guerre avisé à positionner ses troupes d’élite au cœur même du dispositif adverse, là où l’ennemi est vulnérable par orgueil, et de les faire éclore, tels les pétales de la fleur de lotus, pour le submerger et sanctuariser ainsi les zones convoitées. <a href="https://www.reuters.com/article/us-israel-usa-5g-china-idUSKCN25A2CF">L’évincement de Huawei et de la 5G du marché israélien</a> il y a quelques mois serait-il déjà le signe toutefois d’un revirement ? Paradoxalement, et plus que jamais, la relation sino-israélienne semble dépendre chaque jour davantage des tensions entre les deux puissances rivales du siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169660/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine est aujourd’hui le troisième partenaire commercial d’Israël. Une proximité que Washington, allié stratégique de Tel-Aviv, ne voit pas nécessairement d’un bon œil…Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1672052021-10-04T18:48:16Z2021-10-04T18:48:16ZChine–Arabie saoudite : à l’assaut de l’or noir<p>La République populaire de Chine (RPC) est devenue en quelques années le plus grand client de l’Arabie saoudite depuis l’établissement, en 1990, de relations diplomatiques entre les deux pays.</p>
<p>Aux yeux des dirigeants de l’Arabie saoudite, l’importance prise par le rival iranien dans l’ensemble du Moyen-Orient et la réduction du soutien militaire de Washington nécessite de <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/14/chine-arabie-saoudite-meilleurs-amis/">se tourner davantage vers la Chine</a>.</p>
<p>Dernier pays arabe à établir des relations diplomatiques avec Pékin, la monarchie saoudienne fournit désormais une <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=2161">partie importante du pétrole brut acheté par la RPC</a>. La coopération sino-saoudienne sur les questions de sécurité et de terrorisme s'est intensifiée. Aussi, le royaume saoudien ne s'est pas prononcé sur la répression des Ouïgours. En liaison avec Riyad, les autorités chinoises ont <a href="https://www.lepoint.fr/monde/clandestinite-ou-detention-le-dilemme-des-ouighours-en-arabie-saoudite-26-01-2020-2359672_24.php">cessé de renouveler les passeports de ressortissants ouïgours chinois</a>.</p>
<p>Le Prince héritier, Mohammad ben Salman, a également manifesté son intérêt à participer aux <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-3-page-135.htm">Nouvelles Routes de la Soie</a>, aussi bien dans le domaine énergétique que financier. Cette politique de rapprochement, qui devrait se poursuivre dans les années à venir, constitue un <a href="https://www.hemisphereseditions.com/arabie-saoudite">revirement historique depuis 1945</a>. Les très nombreux investissements de la <a href="https://www.letemps.ch/economie/chine-larabie-saoudite-se-rapprochent-grace-petrole">compagnie nationale Saudi Aramco</a> (nationalisée en 2019) effectués dans les raffineries chinoises (traitement du pétrole lourd) sont de nature à créer une relation durable entre les deux pays.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-vise-la-suprematie-en-eurasie-et-croit-en-un-nouvel-age-dor-75156">La Chine vise la suprématie en Eurasie et croit en un nouvel âge d’or</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Aux origines de ce rapprochement</h2>
<p>La relation moderne entre les deux pays commence durant la Seconde Guerre mondiale. La Chine est aux avant-postes de ce conflit qui, pour elle, durera huit ans (contre cinq ans en moyenne pour l’Europe). Depuis son déclenchement, elle est le laboratoire des tensions qui opposent communistes et nationalistes d’une part et Soviétiques et Chinois de l’autre. Dans le même temps, le <a href="https://repository.library.georgetown.edu/bitstream/handle/10822/761496/Hammond_georgetown_0076D_13060.pdf">soutien de Tokyo</a> à certaines factions musulmanes entrouvre pour ces dernières la possibilité d’une alternative aux autorités chinoises.</p>
<p>C’est dans ce contexte pour le moins complexe et pour contrer les initiatives japonaises que la Chine, alors très affaiblie, s’appuie sur une diplomatie informelle mise en œuvre par ses intellectuels basés au Moyen-Orient tels que <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Muhammad_Ma_Jian">Muhammad Ma Jian (1906-1978)</a>.</p>
<p>Originaire du Yunnan, il compte parmi les premiers musulmans chinois à avoir été envoyé officiellement auprès de la plus haute autorité spirituelle, <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/faut-il-y-croire/faut-il-y-croire-06-mai-2017">l’université Al Azhar</a> au Caire, pour y parfaire sa connaissance de l’arabe et des Hadîth. Ma Jian entre notamment en contact avec les Frères musulmans.</p>
<p>Grand exégète du Coran en langue chinoise, Ma Jian formera plusieurs générations d’arabisants à son retour en Chine. En 1955, on le verra assister Zhou Enlai à la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53274">conférence de Bandung (1955)</a> comme interprète lors de ses discussions avec Nasser. En ce sens, Pékin cultive les prémices d’une politique arabe dans le contexte de guerre froide et de la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1978/03/DAUBIER/34669">théorie des Trois mondes de Mao</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/422968/original/file-20210923-13-kcd2gt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pilier de l’influence de la Chine dans le monde musulman au milieu du XXᵉ siècle, Muhammad Ma Jian était l’interprète de Zhou Enlai (ici au premier plan) durant la conférence de Bandung. Avril 1955.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Black Left Unity</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://journals.openedition.org/assr/18153">Da Pusheng (1874-1965)</a> compte aussi parmi ces intellectuels arabisants. Renommé pour sa contribution à un enseignement islamique moderne, il aura, au cours d’une tournée au Moyen-Orient à la fin des années 1930, et à l’instar de son compatriote Ma Jian, appelé les musulmans du monde à soutenir la Chine contre l’invasion japonaise. Il sera l’un des architectes du rapprochement avec l’Arabie saoudite mais aussi avec le <a href="https://theconversation.com/le-pakistan-coeur-des-rivalites-strategiques-et-bombe-a-retardement-163747">Pakistan</a> et l’Indonésie dès la proclamation de la République populaire de Chine en 1949.</p>
<p>Sa participation au « mouvement pour la paix mondiale » du gouvernement chinois, comme s’en fait l’écho l’Association islamique de Chine, et son exhortation des élites musulmanes chinoises à développer les pèlerinages à La Mecque vont de pair avec des visites de délégations musulmanes étrangères, cette fois-ci à destination de la Chine.</p>
<p>La guerre froide retardera de plusieurs décennies le processus des reconnaissances diplomatiques en faveur de Pékin. Toutefois, avec <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/414#:%7E:text=La%20strat%C3%A9gie%20%C3%A9choue%20et%2C%20le,membre%20du%20Conseil%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9.">l’intégration de la Chine populaire au sein du Conseil de sécurité de l’ONU</a> en 1971, aux dépens de la République de Chine (Taïwan), la situation internationale change.</p>
<p>La même année, le Liban et le Koweït établissent des relations avec Pékin tandis que la capitale chinoise reconnaît unilatéralement les pétromonarchies du Golfe. Au Moyen-Orient, <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">Pékin vise un rapprochement avec les deux grands producteurs d’hydrocarbures</a> que sont l’Iran et l’Arabie saoudite.</p>
<h2>Du tournant des années 1980 à nos jours</h2>
<p>La guerre que se livrent <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-iran-irak--9782262043551.htm">l’Irak de Saddam Hussein et l’Iran de l’Ayatollah Khomeiny de 1980 à 1988</a> permet à la Chine de se positionner au-delà de la faille belligène qui oppose les camps sunnite et chiite en livrant de l’armement aux deux camps. Cela restera jusqu’à aujourd’hui encore une des constantes les plus pragmatiques de sa politique étrangère.</p>
<p>Ainsi, au lendemain de la cessation des hostilités, la Chine propose à l’Iran la construction de son premier métro et réussit dans le même temps à vendre à l’un de ses principaux adversaires, l’Arabie saoudite, des <a href="http://www.opex360.com/2017/10/09/pour-sa-defense-aerienne-larabie-saoudite-se-tourne-vers-les-etats-unis-et-la-russie/">missiles Dong Feng 3 (DF-3</a>) « Vent d’Est » (proches des SS-5 soviétiques).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chine-iran-une-convergence-durable-160842">Chine-Iran : une convergence durable ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Alors que Riyad n’entretient pas encore de relations officielles avec Pékin, cette vente apparaît comme l’une des plus grandes victoires diplomatiques de la Chine dans la région. Avec une portée de 2 700 kilomètres, ces missiles, achetés au nombre de trente-six jusqu’en 1997, permettent à l’Arabie saoudite de tenir désormais ses rivaux (Israël y compris) en respect.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DAQr8pBUwTU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’Arabie saoudite présente ses missiles DF-3, achetés secrètement à la Chine en 1987, durant une parade militaire en 2014..</span></figcaption>
</figure>
<p>Conquérir de nouvelles parts de marché et damer le pion à Moscou constituent les objectifs prioritaires assignés par Deng Xiaoping à la diplomatie chinoise dans la région. Cette politique va se traduire par une reconnaissance des États membres du <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-Conseil-de-Cooperation-du-Golfe-depuis-2011-un-renforcement-de-la.html">Conseil de Coopération du Golfe</a> (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar) et vise à consolider la politique de la Chine en matière de sécurité énergétique.</p>
<p><a href="https://www.erudit.org/en/journals/ps/1900-v1-n1-ps1723/015927ar/">La diplomatie du pétrole (<em>shiyou waijiao</em>)</a> concentre la plupart des préoccupations de la Chine dans ces territoires musulmans, notamment en ce qui concerne ses relations établies officiellement avec Riyad en 1990. Neuf ans plus tard, la Chine et l’Arabie saoudite signent un partenariat stratégique, lequel sera renforcé à la suite de la visite du chef de l’État Xi Jinping en 2016, puis assorti de <a href="http://www.eastpendulum.com/larabie-saoudite-achete-300-drones-chinois-wing-loong-ii">livraisons d’armes, missiles conventionnels à moyenne portée ou, plus récemment, de drones</a>.</p>
<h2>Un élargissement tous azimuts des relations bilatérales</h2>
<p>En 2019, les exportations saoudiennes vers la Chine, premier pays client, <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/09/22/le-commerce-exterieur-de-l-arabie-saoudite-en-2019">se sont élevées à 48 milliards de dollars</a>. La même année, les importations saoudiennes en provenance de Chine, premier pays fournisseur, se sont élevées à près de 29 milliards de dollars, portant le volume global des échanges à <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/09/22/le-commerce-exterieur-de-l-arabie-saoudite-en-2019">près de 77 milliards de dollars</a>. Ces derniers ne s’élevaient qu’à 500 millions de dollars en 1990.</p>
<p>Si les hydrocarbures (pétrole en tête) constituent encore la pierre angulaire de la relation, cette dernière a fait l’objet d’une recomposition sensible ces dernières années du fait de la volonté de Pékin de diversifier ses points d’approvisionnement (Iran, péninsule arabique, Afrique et Amérique latine) et d’<a href="https://www.open-diplomacy.eu/blog/pekin-riyad-la-nouvelle-connexion-autoritaire">élargir la coopération à d’autres domaines</a> (culture, apprentissage du chinois, échanges universitaires, militaires et diplomatiques).</p>
<p>Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a rappelé <a href="http://french.xinhuanet.com/2021-03/25/c_139834858.htm">lors de sa visite à Riyad le 24 mars 2021</a>, l’importance de ce partenariat stratégique global et les deux pays sont parvenus à un consensus important sur plusieurs sujets.</p>
<p>L’un d’eux consiste à poursuivre le développement des relations économiques et surtout, pour l’Arabie saoudite, de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/arabie-saoudite-en-route-vers-l-apres-petrole-782364.html">préparer l’après-pétrole</a>. Dans cette optique, le <a href="https://www.lemondedelenergie.com/nucleaire-dragon-chine/2020/05/06/">savoir-faire de la Chine dans le domaine du nucléaire civil</a> a retenu tout particulièrement l’attention des autorités saoudiennes.</p>
<p>Dans le même temps, les deux États ont rappelé leur attachement à la non-prolifération nucléaire et leur attachement à trouver une issue pacifique au conflit qui embrase le Yémen. Partant, il s’agit naturellement pour la Chine d’établir un juste équilibre dans la relation complexe qu’elle entretient tant avec Riyad qu’avec son grand rival régional, Téhéran, mais aussi avec le <a href="http://french.xinhuanet.com/2021-02/21/c_139755451.htm">Qatar</a> ou les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/liens-entre-abou-dhabi-pekin-remettent-en-cause-vente-f-35-americains-245299">Émirats arabes unis</a>.</p>
<p>La diplomatie chinoise accorde une grande importance aux sommets sino-arabes, dans lesquels le rôle de l’Arabie saoudite reste déterminant. Le développement des accords de libre-échange dans la région du Golfe, que Pékin entend promouvoir, et l’attachement tant de l’Arabie saoudite que de la Chine à faire respecter leur souveraineté respective en termes de gouvernance ou, sur le plan idéologique, par rapport à la question des droits de l’homme, augure la promotion d’une relation bilatérale à la fois stable et renforcée pour les années à venir.</p>
<p>Cette coopération est d’autant plus souhaitée à Riyad que la pandémie de la Covid-19 a provoqué un net ralentissement de l’économie saoudienne et que le fameux projet « Vision 2030 » porté par le Prince héritier Mohammad ben Salman <a href="https://www.diploweb.com/L-Arabie-Saoudite-a-l-heure-de-la-pire-crise-economique-de-son-histoire.html">risque d’être fortement remis en cause</a>. L’énorme défi auquel le royaume saoudien est confronté risque d’avoir des répercussions sociales et politiques bien au-delà du pays. Autant de risques qui apparaissent comme des opportunités pour la Chine d’articuler le <a href="https://www.cairn.info/arabie-saoudite--9782807302228-page-63.htm">projet BRI au projet saoudien « Vision 2030 »</a> ; deux projets qui convergent dans le sens d’une certaine démesure.</p>
<p>Les relations énergétique et commerciale soutenues entre Riyad et Pékin ne devraient pas connaître d’inflexion notable à court et moyen terme. Aussi, la nouvelle donne <a href="https://www.dw.com/en/saudi-arabia-and-taliban-unlikely-to-revive-old-alliances/a-59004881">du retour des talibans à Kaboul</a> devrait installer dans la durée une relation plus étroite entre le Pakistan et l’Arabie, non sans concurrence avec le Qatar ou l’Iran, ce qui accentuera le continuum stratégique entre Pékin, Islamabad et les talibans, essentiellement pour des raisons de stabilité et de sécurité.</p>
<p>Cela élargirait la relation à un autre champ que le pétrole (alors que la dépendance a été réduite ces dix dernières années), qui reste pour l’instant un élément encore majoritaire des liens Pékin-Riyad. Pour autant, l’idée selon laquelle la Chine pourrait, au cours de la prochaine décennie, remplacer globalement les États-Unis au Moyen-Orient relève à ce stade d’une spéculation hasardeuse qui ne tient pas compte de la complexité factuelle contemporaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Devenus en quelques années des partenaires énergétiques majeurs, la Chine et l’Arabie saoudite pourraient élargir leur alliance à de nombreux autres domaines d’ici quelques années.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637472021-07-28T19:36:26Z2021-07-28T19:36:26ZLe Pakistan, cœur des rivalités stratégiques et bombe à retardement ?<p>Pays neuf, le Pakistan n’en est pas moins l’héritier d’une civilisation multiséculaire. On pense aux vestiges de <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/138/">Mohenjo-Daro</a>, au site gréco-bouddhique de <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/139/">Taxila</a>, à la magnificence des <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/171/">jardins de Shalimar</a> ou encore à celle des palais de <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/lahore/">Lahore</a>.</p>
<p>Au lendemain de sa séparation avec l’Inde, en 1947, le Pakistan devint l’un des postes les plus avancés de la guerre froide, « a front country » comme Le Pentagone le qualifiait alors. Ligne de fracture, lieu d’affrontement idéologique privilégié entre les <a href="https://editionsnevicata.be/le-grand-jeu">puissances du « Grand Jeu »</a>, le Pakistan n’a trouvé aucun bénéfice à la fin de l’affrontement entre Soviétiques et Américains. Au contraire, il s’est enfoncé chaque année un peu plus dans les dissensions internes et les rivalités ethniques, bien que sa situation géographique continue à le placer aux avant-postes des convoitises entre puissances rivales.</p>
<p>Le développement maritime de ses infrastructures portuaires à Karachi (ou <a href="https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/pakistan-gwadar-un-port-chinois-des-nouvelles-routes-de-la-soie-dans-un-baloutchistan">à Gwadar et Jiwani</a>) l’a conduit à renforcer ses relations avec la Chine. Pékin souhaite en faire l’un des débouchés prioritaires pour son projet des Nouvelles routes de la Soie, matérialisé par l’établissement d’un corridor stratégique qui relie la mer d’Arabie à l’Empire du Milieu à travers le <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/qaraqorum-karakorum/">Karakorum</a> et la chaîne de l’Himalaya (dans une perspective de désenclavement du grand ouest chinois, particulièrement le Xinjiang).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WGum7aD9aX8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Cette route stratégique est celle qu’empruntèrent jadis des générations de pèlerins bouddhistes ou d’explorateurs comme <a href="https://editionsnevicata.be/le-grand-jeu">Francis Younghusband ou Ian Fleming</a>. Tous séjournèrent dans cette région souvent associée à l’Eden, le Cachemire pakistanais, autrement appelé la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=I8CZgq37ta0">Hunza</a>. Son chef spirituel, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2018/02/16/01003-20180216ARTFIG00131-son-altesse-l-aga-khan.php">l’Aga Khan</a>, a su, malgré les risques que fait peser le terrorisme, conserver un cadre socio-politique relativement harmonieux. Une exception qui devrait être très vite mise à mal par des bouleversements importants marqués par la venue de nouveaux acteurs politiques dans la région.</p>
<h2>Un partenaire essentiel pour la Chine</h2>
<p>La République islamique du Pakistan est le premier pays musulman à avoir reconnu la République populaire de Chine, dès 1950. Pour l’essentiel, la relation sino-pakistanaise va se construire en fonction de la <a href="https://theconversation.com/chine-inde-mefiance-par-temps-de-pandemie-136149">rivalité stratégique sino-indienne</a>, le « pays des Purs » étant l’axe prioritaire de l’agenda militaro-stratégique indien jusqu’à ce que la Chine s’impose comme puissance régionale disruptive.</p>
<p>Politique de bon voisinage et excellentes relations longtemps maintenues par Islamabad tant vis-à-vis de Pékin que de Washington auront permis aux dirigeants pakistanais de se rendre utiles auprès d’interlocuteurs souvent opposés, durant toute une partie de la guerre froide. C’est dans ce contexte que la Chine, discrète mais efficace, des années 1980, dans le cadre de sa concurrence avec Moscou, offre une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02634930120095349?journalCode=ccas20&">assistance logistique aux moudjahidines afghans</a>, alors, également, très largement épaulés par la CIA et les services secrets pakistanais (ISI) dans leur lutte contre les Soviétiques. Cette collusion s’accompagne de recrutements extérieurs, des djihadistes du monde arabo-musulman, parmi lesquels Ben Laden, rejoignant le combat afghan.</p>
<p>Plus tard, Pékin n’hésitera pas à reconnaître le régime des talibans jusqu’à son effondrement, en 2001 (les autorités chinoises entretenaient un <a href="https://theconversation.com/la-question-ou-goure-au-coeur-des-enjeux-entre-pekin-et-kaboul-150051">lien discret avec le mollah Omar</a>). Par la suite, à la différence des Occidentaux, la RPC n’a jamais écarté les talibans des négociations, cherchant au contraire à les associer aux <a href="https://www.la-croix.com/Monde/talibans-annoncent-tenue-conference-inter-afghane-Pekin-2019-10-23-1301056087">discussions organisées à Pékin</a>. Quoi qu’il en soit, l’échec des Soviétiques en Afghanistan n’est pas étranger à cette participation chinoise à un conflit dans lequel la sécurité du Pakistan était directement impliquée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1411930911386574849"}"></div></p>
<p>Rétrospectivement, les relations sino-pakistanaises ont été marquées par une succession d’actes fondateurs qu’il est nécessaire d’avoir en mémoire. Ainsi, en 1963, le rapprochement entre les deux pays est marqué par la cession de la <a href="https://www.asie21.com/tag/vallee-de-shaksgam/">vallée cachemirie du Shaksgam</a>, que l’Inde continue de revendiquer à ce jour. Cette cession a valeur tributaire et la fourniture par Pékin d’une aide économique, militaire et technique à Islamabad n’a depuis jamais diminué. Y compris dans un domaine aussi sensible que le nucléaire.</p>
<p>La défaite pakistanaise de 1971 face à l’Inde ne sera pas étrangère au souhait d’Islamabad de se doter de la bombe et de <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2015-1-page-41.htm">sanctuariser définitivement son territoire</a>. Cette coopération est officiellement scellée en 1976 entre le premier ministre de l’époque Zulfiqar Ali Bhutto (1928-1979) et Mao Zedong, peu de temps avant la mort du Grand Timonier. <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2007/06/12/l-itineraire-d-a-q-khan-le-pere-de-la-proliferation-nucleaire_922581_3216.html">Le père de la bombe pakistanaise Abdul Qadeer Khan</a> se rend aux funérailles de ce dernier et rencontre alors de nombreux officiels chinois pour accélérer des transferts de technologie. Il en profite pour mettre sur pied un formidable réseau international de prolifération des outils et des matériaux nécessaires à la fabrication de la Bombe. Pékin fut alors le lieu des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1991/11/29/l-asie-foyer-de-proliferation-nucleaire-la-coree-du-nord-et-le-pakistan-veulent-la-bombe-alors-que-la-chine-et-l-inde-disseminent-leur-science-atomique_4032746_1819218.html">échanges discrets de la prolifération</a>. Il offre ses services à l’Iran, à la Corée du Nord, mais aussi à l’Irak, à la Libye et sans doute à d’autres.</p>
<p>Plus récemment encore, en 2006, Washington verra avec inquiétude la construction par la Chine d’un port en eau profonde à Gwadar, sur le littoral baloutche du Pakistan, pouvant accueillir des navires de guerre. Ce port étant proche du Golfe persique, certains analystes américains ont estimé qu’il s’agissait là d’un premier pas de la Chine, lui permettant de projeter ses forces dans le Golfe. La décision en avril 2015 de créer un corridor stratégique sino-pakistanais, à la suite de la visite de <a href="https://www.senat.fr/rap/r17-520/r17-520_mono.html">Xi Jinping à Islamabad, accompagnée d’un plan de coopération économique de plus de 40 milliards de dollars</a>, ne pourra que renforcer ces craintes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"970710675420012544"}"></div></p>
<p>Indépendamment des caractéristiques militaires qu’on lui prête, ce corridor répond au dilemme de Malacca et à la nécessité de contourner ce détroit en cas de blocus américain. Pour le moment, toutefois, ce port ne représente ni un succès (faute d’hinterland) ni une certitude quant au développement d’infrastructures duales qui s’étendraient de l’Asie-Pacifique à l’Afrique, de l’Europe à l’Amérique latine.</p>
<p>Les relations stratégico-militaires demeurent en tout cas très étroites. De la fabrication en commun de chasseur JF-17 à la vente d’armes en passant par des manœuvres militaires conjointes, Pékin et Islamabad affichent une forme avancée de partenariat stratégique, essentiellement tourné contre l’Inde.</p>
<h2>Le terrorisme et les implications des acteurs turc et indien</h2>
<p>Cette politique bilatérale n’est pas dénuée d’ambiguïtés. Pékin n’hésite pas à soutenir un certain nombre de terroristes comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Masood_Azhar">Massod Azhar</a> qui a longtemps sévi depuis le Pakistan contre des intérêts indiens en refusant de l’exposer à la justice internationale. En outre, <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/088462-000-A/face-au-terrorisme/">l’organisation Lashkar-e-taïba (« l’Armée des pieux ») est un mouvement islamiste proche d’al-Qaïda et des talibans</a> dont l’Américano-Pakistanais David Headley était un agent double sur fond de trafic d’héroïne, est connectée à divers attentats (Danemark, Inde, etc.).</p>
<p>La province pakistanaise du Baloutchistan est un laboratoire révélateur des tensions qui s’exercent entre puissances régionales (Arabie saoudite, Inde, Iran…) par <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2018/01/Asia-focus-57.pdf">factions islamistes interposées</a>. Le Baloutchistan constitue avec le Cachemire et l’Afghanistan les trois foyers à risque de radicalité islamiste que Pékin prend d’autant plus au sérieux que le dernier d’entre eux <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2019/06/Asia-Focus-115.pdf">se trouvent à ses portes</a>. Dans le cadre du développement du corridor sino-pakistanais, plusieurs assassinats, attentats et enlèvements ont eu lieu.</p>
<p>L’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs">Organisation de Coopération de Shanghai</a> et le <a href="https://www.mfa.gov.tr/sayin-bakanimizin-tacikistan-i-ziyareti-30-3-2021.fr.mfa">Processus d’Istanbul – Cœur de l’Asie</a> constituent autant de cadres de réflexion multilatéraux qui engagent l’Asie centrale, le Pakistan, la Chine mais aussi, plus récemment, la Turquie dans des initiatives visant à rétablir la paix tout particulièrement dans l’Afghanistan voisin et ses plus proches périphéries. Le dirigeant turc <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/erdogan-ach%C3%A8ve-sa-visite-au-pakistan-/1734525">Recep Tayyip Erdogan s’est rendu à Islamabad en février 2020</a>, alors que la pandémie de Covid-19 faisait des ravages. Il y a rappelé à qui voulait l’entendre que c’est bien sous les Turcs que les musulmans de l’Inde ont adopté la religion islamique, leur langue ourdoue étant très imprégnée de la langue turque.</p>
<p>C’est durant la guerre de libération nationale turque que les musulmans de l’Inde ont aussi gagné le cœur des Turcs. Le poète et <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Mohamed-Iqbal-penseur-d-un-autre.html">penseur musulman Mohammed Iqbal (1877-1938)</a>, lors d’un rassemblement à la mosquée Badshahi à Lahore, a prié pour la victoire des Turcs combattant dans les Dardanelles et récité des vers dont il était l’auteur, dans lesquels il disait avoir rêvé du prophète de l’islam, à qui il apportait une bouteille de sang unique – « le sang des martyrs des Dardanelles ». Il invitait ainsi les musulmans à combattre aux côtés des Turcs et à les soutenir financièrement. Les milliers de personnes présentes sur place, qui vivaient elles-mêmes dans le besoin, ont fait don de l’argent qu’elles avaient épargné, les femmes ont offert les bijoux qu’elles portaient. Rappelant cet événement avec reconnaissance devant le Parlement pakistanais, Erdogan affirmait qu’au Pakistan les Turcs ne se sentaient pas à l’étranger mais bien chez eux grâce aux liens fraternels entre les deux peuples. Il annoncera plus tard qu’il n’existe à ses yeux aucune différence <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-l_asie_et_le_moyen_orient_quelles_relations_au_XXIe_siecle-9782343224701-68197.html">entre les Dardanelles et le Cachemire</a>.</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? Que les luttes d’influence au Pakistan vont se renforcer et que le pays va, plus que jamais, continuer à se fractionner sous l’effet de l’action de leviers antagonistes. Parmi ces leviers, la puissance de l’Inde, dont l’intérêt stratégique sera non plus tant de circonscrire son rival sino-pakistanais dans des zones de conflits traditionnels (Cachemire, Himalaya, Baloutchistan) que de porter le fer en dehors des zones frontalières, c’est-à-dire vers des régions situées plus à l’ouest encore (États du Golfe) ou en Asie centrale.</p>
<p>Ce sont ces régions convoitées par New Dehli qui ont fait l’objet d’une reformulation des choix stratégiques opérés par l’Inde depuis l’élection de Narendra Modi. Ces choix visent pour l’essentiel des pays musulmans. Alliance de revers encore mais cette fois clairement orientée contre Islamabad. Dans la rivalité qui oppose la Chine et son allié pakistanais à la puissance indienne, ces pays vont, selon toute vraisemblance, être le théâtre de nouveaux affrontements sur fond de radicalité musulmane.</p>
<p>Attaque de <a href="https://theconversation.com/tadjikistan-et-kirghizistan-deux-foyers-dincertitude-aux-portes-de-la-chine-148362">l’ambassade de Chine à Bichkek</a> (Kirghizistan), en 2016, <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/11/23/pakistan-le-consulat-de-chine-a-karachi-vise-par-une-attaque_5387282_3216.html">attaque contre le consulat chinois de Karachi (Pakistan)</a>, en 2018, ou enlèvement récurrent de ressortissants chinois dans la région « Af-Pak » (Afghanistan-Pakistan), peu relatés par la presse occidentale : tous ces événements n’en sont peut-être que le prélude. Il n’est pas certain que les forts ressentiments antichinois qui ont touché successivement l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, à travers les revendications de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/16/l-alliance-des-thes-au-lait-ou-la-solidarite-des-jeunesses-asiatiques-contre-l-autoritarisme_6073256_3210.html">Milk Tea Alliance</a>, ne touchent pas ces régions du monde musulman. Toutefois, et d’une manière significative, Imran Khan, premier ministre du Pakistan, a <a href="https://www.dawn.com/news/1632539">nié toute forme de répression menée par son allié de Pékin</a> contre la communauté ouïgoure.</p>
<p>Il n’est pas improbable non plus que la diplomatie turque, se voyant opposée à un front de plus en plus hostile de l’Union européenne, porte ses regards plus à l’est en optant pour un rapprochement avec le Pakistan, l’une des clés de voûte essentielles du dispositif chinois sur lequel repose sa politique étrangère en Asie à travers l’ambitieux projet des Nouvelles routes de la soie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163747/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Premier pays musulman musulman à reconnaître la République populaire de Chine en 1950, le Pakistan demeure un acteur proche de Pékin, les deux pays partageant une forte hostilité à l'égard de l'Inde.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633822021-07-04T17:18:51Z2021-07-04T17:18:51ZLes nouvelles relations économiques entre l’UE et la Chine<p>L’Union européenne a récemment adopté son nouveau programme-cadre de recherche et d’innovation, intitulé <a href="https://www.horizon-europe.gouv.fr/">« Horizon Europe »</a>. Celui-ci prévoit de financer une action stratégique originale : « Upgrading independant knowledge on contemporary China in Europe ». L’objectif est de soutenir des travaux de chercheurs en sciences sociales qui permettront de décrypter la Chine pour permettre des échanges et collaborations sécurisés en matière commerciale entre acteurs du monde socio-économique ; c’est-à-dire des échanges qui ne seront pas victimes de stratégies, traditions ou politiques chinoises méconnues et gênantes en matière commerciale.</p>
<p>La Chine a changé et n’est plus le « pays en développement » parfois décrit dans le passé. En dehors de son importance dans les échanges commerciaux avec l’Europe, elle constitue un acteur avec lequel les relations se sont intensifiées dans les domaines de la recherche et développement ou dans celui des technologies. Pour l’UE, la Chine est à la fois un partenaire et un concurrent économiques, et un rival ou une alternative en <a href="https://ecfr.eu/paris/publication/definir_la_rivalite_systemique_leurope_et_la_chine_au_dela_de_la_pandemie/">matière de système et de gouvernance</a>.</p>
<h2>Les objectifs du partenariat</h2>
<p>L’objectif premier de l’UE est d’être unie face au géant chinois. En mars 2019, la Commission européenne a publié un <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/communication-eu-china-a-strategic-outlook.pdf">plan stratégique vis-à-vis de la Chine</a> comprenant des actions concrètes comme, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>Défendre les objectifs des Nations unies en matière de droits de l’homme, de paix et de sécurité ;</p></li>
<li><p>S’engager dans la baisse des émissions de CO<sub>2</sub> pour le climat (la Chine étant à la fois le premier émetteur, un constructeur de centrales de charbon dans d’autres pays, mais aussi le pays qui investit le plus dans les énergies renouvelables) ;</p></li>
<li><p>S’entendre avec la Chine pour assurer la paix et la sécurité dans des zones ou pays où Pékin a une influence comme l’Iran, la Corne de l’Afrique, la Corée du Nord ou encore le golfe d’Aden. Les conflits potentiels sont nombreux, y compris en mer de Chine ;</p></li>
<li><p>Trouver une réciprocité dans les échanges commerciaux en évitant le protectionnisme ou les soutiens excessifs aux industries locales (en passant par le biais de l’OMC), tout comme les difficultés liées à la propriété de l’État sur certaines entreprises ;</p></li>
<li><p>Tenir compte dans les marchés publics non pas du seul critère du prix, mais aussi de l’environnement de travail ;</p></li>
<li><p>Renforcer la sécurité liée aux nouvelles technologies (comme la 5G) pour éviter le piratage et l’espionnage.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1301854195709095936"}"></div></p>
<p>Le but de ce plan est d’adopter à l’égard de la RPC une approche moins « naïve », plus pragmatique et plus réaliste, sans pour autant céder à la surenchère, l’escalade ou la guerre commerciale. L’équilibre est donc difficile à trouver. Mais il est vrai que sur chacun des points ci-dessus, les exemples abondent d’échecs européens. Globalement, la Chine a capté de nombreux marchés en adoptant des règles de fonctionnement qui lui ont permis d’exercer une <a href="https://www.challenges.fr/economie/la-concurrence-deloyale-chinoise-dans-le-viseur-de-l-ue_763381">« concurrence déloyale »</a>. Pour maintenir ses échanges avec Pékin, l’Union européenne doit donc adopter une stratégie plus offensive.</p>
<h2>Les leçons du passé</h2>
<p>Historiquement, les premières relations diplomatiques se sont établies en 1975. Un premier plan de partenariat stratégique a été adopté en 2003. D’autres ont suivi, jusqu’au récent plan <a href="https://eeas.europa.eu/archives/docs/china/docs/eu-china_2020_strategic_agenda_en.pdf">« EU-China 2020 Strategic Agenda for Cooperation »</a>, adopté en 2013.</p>
<p>Celui-ci, aujourd’hui remplacé par de nouveaux objectifs, restait très politique et peu économique. Les domaines traités portaient sur la paix, sécurité, l’information, l’urbanisation, le climat, le progrès social, la culture, l’éducation… Certes, les grands secteurs comme le transport, l’aéronautique, l’énergie, l’agriculture et plus généralement la science et l’innovation étaient aussi abordés, mais souvent de façon succincte pour indiquer que les deux entités coopéreront et développeront des « initiatives conjointes » (laboratoires conjoints, échanges de données, etc.).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/82DXP00tGxA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Finalement, il semble au bout de quelques années que cela se soit fait au profit de la Chine. L’exemple du développement de l’aéronautique ou des biotechnologies en Chine montre que les pays occidentaux ont plus perdu que gagné, aussi bien en termes de parts de marché que de transfert technologique.</p>
<p>Au début des années 2000, la France a par exemple vendu des centaines d’Airbus A320 lors de contrats signés pendant des visites officielles, avec comme contrepartie la production et l’assemblage en Chine avec transfert de connaissances. Aujourd’hui, la China Commercial Aircraft Corporation est capable de <a href="https://www.deplacementspros.com/transport/lavion-de-ligne-chinois-c919-certifie-en-2021">produire un nouvel avion C919</a>, qui sera directement concurrent de l’Airbus A320. Le certificat de navigabilité pourrait arriver cette année et près d’un millier de commandes ont déjà été passées.</p>
<h2>Les relations et instruments d’aujourd’hui</h2>
<p>Par ailleurs, malgré ces plans stratégiques, les relations économiques restent tributaires des événements liés à l’actualité.</p>
<p>Même si le dernier plan évoque la situation du Xinjiang (région autonome ouïghoure), quelques paroles en conférence de presse peuvent détériorer les relations. Récemment, les <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/ue/l-union-europeenne-s-entend-sur-des-sanctions-contre-la-chine-pour-le-traitement-des-ouighours-7190079">sanctions européennes liées au sort des Ouïghours</a> ont provoqué la colère de la Chine, laquelle a réagi par des <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210322-ou%C3%AFghours-en-r%C3%A9ponse-%C3%A0-l-ue-la-chine-sanctionne-dix-europ%C3%A9ens">contre-sanctions</a> qui peuvent aller au-delà de la sphère diplomatique et se solder par la remise en cause d’accords commerciaux et notamment de l’<a href="https://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=2237">« Accord global sur les investissements »</a>. Or, ces avancées sont cruciales sur le plan économique. Par exemple, les entreprises allemandes (Volkswagen, Siemens, BMW) ou françaises (banques notamment) en attendent beaucoup.</p>
<p>Par ailleurs, la Chine reste très ferme sur sa volonté de mettre en œuvre sa fameuse « Belt and Road Initiative », et les pays d’Europe de l’Est se trouvent sur le chemin. D’ailleurs, les relations avec l’Union européenne sont souvent dénommées « 17+1 » (ou 16+1) en comptant les pays de l’Est comme un seul, ce qui permet à la Chine de négocier directement avec eux.</p>
<p>D’autres différends sur la 5G et Huawei ou sur l’origine du Covid viennent également perturber ces relations. Les Européens Nokia et Ericsson pourraient fournir à l’UE les infrastructures de la 5G, mais Huawei est mieux placé sur le plan qualité/prix. Aussi, au-delà de ces questions économiques, les choix politiques entrent en compte, notamment en ce qui concerne les <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1378">conditions de sécurité</a>, comme celles liées à la protection des données ou au risque d’espionnage. Avec le langage diplomatique, on indique que l’UE ne s’oppose à aucune entreprise mais doit éviter la dépendance vis-à-vis de fournisseurs à risques… La Chine, elle, y voit un protectionnisme déguisé.</p>
<p>Malgré tout, les échanges commerciaux sont importants : l’UE est la deuxième puissance commerciale et le plus grand exportateur de produits et services. À eux trois, la Chine, l’Europe et les États-Unis représentent 46 % du commerce international de marchandises en 2019. Les échanges de biens (exportations et importations) de l’UE avec le reste du monde représentent environ 15 % du commerce mondial. Pour les biens, les premiers partenaires de l’Europe en matière d’exportation sont les États-Unis (406 milliards) puis la Chine (210 milliards), et en matière d’importation la Chine (394 milliards) puis les États-Unis (267 milliards) d’après Eurostat :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408152/original/file-20210624-15-kvybl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=863&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Chine UE.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En matière commerciale, la Commission européenne négocie les accords de libre-échange avec le reste du monde, mais les États membres ont leur mot à dire, à travers le Conseil de l’UE (consulté) et le Parlement (qui dispose d’un droit de veto). L’objectif officiel de l’UE est fixé dans le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A12016E206">Traité de Fonctionnement de l’Union européenne</a> qui précise dans son article 206 :</p>
<blockquote>
<p>« L’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres. »</p>
</blockquote>
<p>De ce fait, la politique économique avec la Chine est tournée, comme pour d’autres zones géographiques (Canada, Japon…) vers des négociations visant le développement des échanges et non le protectionnisme. Néanmoins, l’UE s’est dotée d’outils de défense contre les pratiques déloyales avec un droit de la concurrence très poussé. Les exemples de sanctions contre des firmes américaines (géants du numérique) sont emblématiques de ce pouvoir.</p>
<p>En outre, l’UE a intégré à sa nouvelle <a href="https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2021/february/tradoc_159438.pdf">stratégie commerciale</a> adoptée en février 2021 appelée « Trade policy review : An open, sustainable and assertive trade policy » le respect des accords de Paris sur le climat et le respect des normes européennes (environnementales par exemple). Sans viser explicitement la Chine, ces règles sont un moyen d’orienter la politique économique. </p>
<p>Elles s’accompagnent d’instruments de défense commerciale cités précédemment. L’antidumping en est l’exemple type. Un produit est considéré comme bénéficiant de dumping lorsque son prix de vente en Europe est inférieur au prix dans le pays exportateur. Cette pratique qui vise à capter des marchés afin de se retrouver en position dominante est souvent reprochée à la Chine. La législation européenne vise donc aujourd’hui à accélérer la prise de décision avant qu’il ne soit trop tard car les marchés et prises de parts évoluent très vite.</p>
<p>Un exemple récent peut être cité avec les <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/defense-commerciale-les-instruments-europeens/">chaussures en cuir importées de Chine</a>. En 2006, pour contrer ce dumping, l’UE a pris des mesures radicales en appliquant des droits de douane de 19,4 % aux exportateurs chinois au motif qu’ils bénéficiaient de subventions étatiques contraires aux règles de l’OMC.</p>
<p>Pour conclure, l’UE entend montrer sa force dans ses relations économiques avec la Chine. Pour cela, en plus des discussions bilatérales, elle s’efforce de jouer un rôle moteur au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en donnant un rôle de négociateur à la Commission pour l’ensemble des États membres et s’exprimer d’une seule voix lors de la négociation de traités commerciaux, au lieu de se ranger derrière les États-Unis ou de partir en ordre dispersé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la montée en puissance de la Chine, l’Union européenne cherche à la fois à ménager ce partenaire majeur et à ne pas le laisser agir totalement à sa guise. Un équilibre difficile.Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1613892021-06-22T19:16:24Z2021-06-22T19:16:24ZLa Chine et le droit international de la mer : un dialogue impossible ?<p>Les <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/2780">revendications de Pékin</a> au sein des mers de Chine sont depuis un certain temps au cœur de l’actualité. Néanmoins, le traitement de cette actualité brûlante souffre parfois d’un manque de contextualisation. Pour comprendre le droit de la mer, il faut le replacer dans son environnement international et non le considérer uniquement comme un phénomène de puissance. Les mers de Chine seraient-elles un espace particulier pour le droit de la mer ? Quelle est, aujourd’hui, la perception chinoise de ce droit spécifique ?</p>
<h2>Le droit international et l’Asie</h2>
<p>Des relations entre États ont existé dans l’Asie prémoderne. Celles-ci n’étaient, cependant, pas fondées sur le concept moderne d’État-nation. La conception sino-centrique du monde considérait comme essentielle l’appartenance au monde sinisé, selon des cercles concentriques, par rapport à toute idée de Nation ou d’État. Avec le droit international, qui s’est transmis notamment par l’intermédiaire de l’expansion coloniale, un cadre légal, fondé sur les valeurs et intérêts européens, s’est répandu et est venu bouleverser le système de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212682112000261">tribut chinois</a> en vigueur en Asie orientale.</p>
<p>L’idée selon laquelle le droit international serait l’apanage des civilisations européennes et que le reste du monde serait incompétent pour y prendre part a <a href="https://brill.com/view/title/18877">largement été remise en cause</a>. Les interactions entre les nations européennes et asiatiques ont permis la création de plusieurs concepts de droit international de la mer moderne, notamment concernant la haute mer ou la navigation. Néanmoins, en raison de l’assujettissement de certaines nations d’Asie orientale et de l’imposition des <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/l%E2%80%99europe-et-le-monde/l%E2%80%99europe-et-la-r%C3%A9gulation-juridique-des-relations-internationales/les-trait%C3%A9s-in%C3%A9gaux-avec-la-chine">traités inégaux</a> par les puissances coloniales européennes, toute possibilité de contribution importante de leur part au droit international, qui aurait par exemple pu être basée sur le système de tribut, fut « éclipsée » pendant cette période.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5sjL2cXSC-4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les États européens ont essentiellement eu pour but d’imposer un système basé non pas sur l’égalité entre les États mais, au contraire, fondé sur la distinction entre nation civilisée et nation non civilisée ou ayant le statut de colonie. Le fait colonial a influencé la perception du droit international à partir du XIX<sup>e</sup> siècle jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Mais les nations afro-asiatiques ont repris, à leur profit, des normes du droit international ; notamment celles relatives à la non-discrimination et au droit à l’autodétermination. </p>
<p>Elles ont ainsi conservé les frontières délimitées par les puissances coloniales au moment de leur indépendance, en appliquant le principe d’<a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1994_num_40_1_3181"><em>uti possidetis juris</em></a>. L’évolution du droit de la mer s’inscrit dans ces dynamiques, notamment avec les évolutions introduites au moment des négociations de la <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXI-6&chapter=21&Temp=mtdsg3&clang=_fr">Convention des Nations unies sur le droit de la mer</a> (CNUDM) : largeur de la mer territoriale, exploitation du plateau continental et de la Zone économique exclusive, notion de patrimoine commun de l’humanité.</p>
<p>Aujourd’hui, ces effets du colonialisme et de l’impérialisme se combinent pour venir redéfinir le contexte géopolitique des mers de Chine. À la suite de ce qui fut perçu comme une humiliation de la Chine par les puissances occidentales (principalement du fait des défaites dans les guerres de l’Opium et des traités inégaux, mais également du fait de la perception d’un processus hégémonique dans le développement et l’imposition du droit international), ces espaces maritimes sont devenus une question domestique, vus comme étant une extension du territoire chinois et influençant l’application du droit de la mer par la Chine.</p>
<h2>Le droit de la mer et la Chine, une relation complexe</h2>
<p>Les questions de frontières sont au cœur d’approches et de conceptions juridiques fondamentalement différentes.</p>
<p>Les frontières maritimes chinoises étaient anciennement perçues en termes de critères fonctionnels, tel le niveau de piraterie plus ou moins élevé dans une partie donnée des mers de Chine. Pour la Chine, la conception des frontières maritimes est issue de processus liés à une conception particulière de l’espace maritime, de son au-delà, de l’étranger. La conception chinoise ancienne du monde était basée sur une relation centre-périphérie, formée de <a href="https://vacarme.org/article2045.html">cinq cercles concentriques</a>. La Chine occupait le cercle central, entourée de pays tributaires, le dernier cercle étant réservé aux barbares. Cette centralité chinoise était donc essentielle pour ses représentations, et les espaces maritimes et les îles les plus éloignées étaient condamnées à n’être que le cercle des barbares. Cette perception de la frontière maritime n’évoluera vers une approche linéaire que sous l’influence occidentale.</p>
<p>Aujourd’hui, il est possible de considérer que l’intégration du droit international en Asie orientale et dans les mers de Chine s’est faite en partie sous l’influence du colonialisme et de l’Occident. Malgré cette intégration, la manière dont la question de <a href="https://www.iris-france.org/154596-iles-senkaku-diaoyu-des-tensions-croissantes/">l’archipel des Senkaku/Diaoyu</a> a été traitée est une démonstration intéressante de la perception spécifique du droit de la mer par la Chine. Pour les Chinois, leur souveraineté sur ces îles est perçue comme légitime car fondée sur le tribut. Elle s’est concrétisée par l’effet combiné des circonstances historiques et géographiques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9AMSjV12yYU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Une difficulté supplémentaire pour l’intégration du droit international dans les mers de Chine provient du fait que les problématiques à prendre en compte et les interactions entre les acteurs sont multiples. Les États retiennent des fonctions à la fois matérielles et idéologiques des différends territoriaux, sources d’enjeux aussi bien économiques et nationalistes. Ainsi, concernant les relations maritimes de la Chine et du Japon, l’importance de ces dimensions nationaliste et matérielle varie selon les époques. Les besoins croissants de la Chine en énergie vont la forcer à exploiter la mer de Chine orientale, indépendamment du fait que le Japon accepte de développer conjointement les ressources qui s’y situent. Difficile, dès lors, d’établir un cadre juridique uniforme et pérenne adapté aux différentes interactions entre les multiples acteurs en mers de Chine.</p>
<p>La Chine démontre ainsi une préférence pour les négociations ou les accords bilatéraux en matière de résolution de ses différends avec un autre État. Elle développe une approche plutôt conservatrice du processus juridique et aucun différend de souveraineté ou maritime ne sera porté par elle devant la Cour internationale de Justice (CIJ). Dans la plupart des traités auxquels elle est partie, la Chine a émis une réserve concernant les dispositions sur le règlement des différends devant la CIJ. Dans le cadre de la CNUDM, où de telles réserves sont interdites, la Chine n’a pas précisé, au moment de sa ratification, quel mode de règlement des différends elle souhaitait employer ; elle est, par conséquent, considérée comme ayant accepté le recours à l’arbitrage.</p>
<h2>Un obstacle psychologique</h2>
<p>En Chine et dans certains pays d’Asie, il existe un obstacle psychologique à l’usage des mécanismes de règlement des différends impliquant des tiers. Cela peut s’expliquer par leur culture politique et par le fait qu’un tel mécanisme pourrait mettre en péril les relations de voisinage. Le refus de Pékin d’accepter la résolution d’un différend maritime à travers l’intermédiaire d’un tiers souligne également son manque d’expérience et d’expertise dans les litiges internationaux.</p>
<p>Si la Chine privilégie les négociations bilatérales dans le cadre de la résolution pacifique des différends et refuse de signer tout texte contraignant dans le cadre d’une négociation multilatérale, son approche diplomatique de la mise en œuvre du droit de la mer se développe à travers l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). Mais la difficulté pour l’Asean est de proposer un front commun de ses membres face à la Chine ; certains États lui sont directement opposés (Vietnam) alors que d’autres lui sont favorables (Birmanie, Cambodge).</p>
<p>C’est donc le <em>soft power</em> chinois qui se déploie afin d’influencer directement à la fois les relations internationales, l’application du droit de la mer et le règlement des différends dans les mers de Chine. L’exemple du Sri Lanka, qui a été <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/12/world/asia/sri-lanka-china-port.html">forcé de privatiser</a> le port d’Hambantota en 2017 pour rembourser une partie de ses dettes envers la Chine, est ici frappant. Il démontre à quel point la Chine dispose d’un levier économique important, dont elle n’hésitera pas à se servir. Ce levier devrait lui permettre d’influencer directement l’organisation des États et de peser sur l’application (ou la non-application) du droit de la mer face aux revendications maritimes chinoises. En conséquence de quoi, les dirigeants chinois seraient aujourd’hui plus susceptibles de s’engager dans des négociations pour établir un code de conduite dans les mers de Chine, dans le cadre de l’Asean, que de s’appuyer sur les procédures de règlement des différends de la CNUDM.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1109394498826571776"}"></div></p>
<p>Cette hypothèse ne fait que souligner les difficultés d’intégration et d’application du droit international et du droit de la mer dans le cadre des mers de Chine. Une des problématiques essentielles pour son application dans les mers de Chine, qu’il faudra garder à l’esprit ces prochaines années sera donc de savoir comment le droit de la mer, perçu comme d’inspiration et d’influence occidentales, peut y être accepté et mis en pratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lasmoles est auditeur de l'IHEDN. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Balsano ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine rechigne à se plier aux dispositions du droit international de la mer, pour des raisons qui tiennent en partie à son histoire.Olivier Lasmoles, Associate professor in Law - Skema, SKEMA Business SchoolPatrick Balsano, Juriste et géographe, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1619322021-06-21T18:38:02Z2021-06-21T18:38:02ZChine-Égypte : un partenariat stratégique global ?<p>Chine et Égypte : c’est d’abord l’histoire de <a href="https://journals.openedition.org/ilcea/7372">deux très anciennes civilisations</a> et, depuis la guerre froide, un rapprochement inédit, né du constat que la bipolarisation de la planète était étrangère à la trajectoire historique des pays du Tiers-Monde.</p>
<p>Ce rapprochement s’est poursuivi et renforcé au cours des dernières années. Le Caire participe activement au <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjb/zzjg/xybfs/xgxw/t1796307.shtml">Forum de Coopération entre la Chine et le monde arabe</a> ; une <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Afrique/n3/2019/0320/c96852-9557948.html">zone de coopération économique et commerciale</a> (FCCEA) a été installée à Suez, sur l’une des routes maritimes les plus importantes au monde ; et l’Égypte a été, avec l’Afrique du Sud, l’un des premiers pays du continent africain à rejoindre la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/les-dynamiques-d-integration-regionale/les-enceintes-de-cooperation-economique/article/la-banque-asiatique-d-investissement-pour-les-infrastructures">Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures</a> (BAII), l’une des institutions les plus importantes du dispositif de financement des projets développés par Pékin dans le cadre des Nouvelles routes de la soie.</p>
<p>À partir de ce choix d’une coopération tous azimuts, un seuil a été franchi puisque les échanges commerciaux se sont accrus et que la part des importations en provenance de Chine a <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/EG/commerce-exterieur-de-l-egypte">dépassé celle des importations en provenance des États-Unis</a>. En décembre 2014, un peu plus d’un an avant la visite du président chinois Xi Jinping, les deux pays passaient à la vitesse supérieure en élevant leurs relations au niveau d’un <a href="https://theconversation.com/la-chine-et-legypte-un-partenariat-strategique-integral-en-pleine-expansion-109758">« partenariat stratégique global »</a>, le plus haut de la hiérarchie du réseau de « partenariats » établis par la diplomatie chinoise.</p>
<p>Au fil des années, les partenaires ont discuté de dossiers majeurs, concernant notamment les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/17/la-chine-afrique-est-elle-mal-partie/">affaires africaines</a> et le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">Moyen-Orient</a> (spécialement le problème palestinien, la sécurité du Golfe, et les crises syrienne, yéménite et libyenne).</p>
<h2>Une relation multiséculaire</h2>
<p>Toute histoire intellectuelle et ses conséquences géopolitiques ne peuvent se concevoir sans un certain état de la technique. L’élite marchande musulmane et, notamment, égyptienne bénéficie de l’ouverture, avec la mondialisation en marche dès le XIX<sup>e</sup> siècle, de nouveaux marchés. Le soja et le tabac, <a href="https://www.jstor.org/stable/23425889?seq=1">depuis la Mandchourie jusqu’aux rives du Nil</a>, facilitent l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie à la fois arabe, indienne et chinoise.</p>
<p>Une autre révolution se situant plus anciennement aux alentours de 1820 est celle des premiers imprimés en langue arabe publiés au Moyen-Orient. L’amélioration des communications en facilite la diffusion. Les traductions en turc ou en ourdou à partir de l’arabe circulent depuis l’empire ottoman, via les Indes et le monde malais pour parvenir jusqu’en Chine. Bombay devient un creuset incontournable en termes d’échanges liés à la <a href="https://www.cambridge.org/core/books/bombay-islam/FC8DB0BCE9CD5A2A0C1E839CF0BCABE5">fois au commerce et aux pèlerinages à La Mecque et en terre sainte</a>.</p>
<p>À l’orée du XX<sup>e</sup> siècle, des ouvrages japonais rendant compte de l’évolution du monde arabe sont diffusés en Chine. Cette littérature nourrit la réflexion des plus grands lettrés, dont le regard sur le monde change. Ainsi, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/kang-youwei-k-ang-yeou-wei/">Kang Youwei (1858-1927)</a>, connu pour avoir été l’un des architectes de la réforme des Cent jours (1898), déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Les Arabes sont des gens de talent. Leur civilisation a été la préceptrice de l’Europe. Je souhaite en faire la connaissance. »</p>
</blockquote>
<p>Ce qu’il fera en se rendant par deux fois en Égypte (en 1904 puis 1909). <a href="https://repository.library.georgetown.edu/bitstream/handle/10822/1029882/Wen_georgetown_0076D_13072.pdf">Il vantera le canal de Suez</a>, en lequel il voit un modèle pour son pays, qui devrait s’en inspirer pour mieux tirer profit des ressources hydriques des grands fleuves.</p>
<p>La Chine et l’Égypte – fraîchement affranchie de la tutelle coloniale britannique en 1922 – établissent des relations diplomatiques dès l’entre-deux-guerres. Pour contrer les initiatives et de la propagande japonaise, très active à l’égard des communautés musulmanes dans le monde, la Chine s’appuie alors sur un certain nombre de relais. <a href="https://journals.openedition.org/assr/18153">Ma Jian (1906-1978)</a> est l’un d’eux : il souligne notamment la « compatibilité entre islam et marxisme). Originaire du Yunnan, il compte parmi les premiers musulmans chinois envoyés officiellement auprès de la plus haute autorité spirituelle, l’université al-Azhar au Caire, pour y parfaire sa connaissance de l’arabe et des Hadîth.</p>
<p>Ma Jian entre en contact avec les <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Freres-musulmans.html">Frères musulmans (autour d’Hassan al-Banna) et Rachid Rida</a>. Il effectue d’intenses travaux de traduction dans les deux sens (des Analectes de Confucius à la pensée de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamed_Abduh">Mohammed Abduh</a>) puis voyage en 1939 avec vingt-sept de ses coreligionnaires à La Mecque, où il obtient une audience auprès d’Ibn Saoud (1875-1953) pour lui dire la détermination de son peuple à lutter contre les Japonais. Grand exégète du Coran en langue chinoise, Ma Jian formera plusieurs générations d’arabisants à son retour en Chine. En 1955, on le verra assister Zhou Enlai à la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Conference-de-Bandung.html">Conférence de Bandung (1955)</a> comme interprète lors de ses discussions avec Nasser. Les deux leaders ont en partage une vision d’un « socialisme » arrimé au nationalisme.</p>
<p>Chantre du panarabisme, le dirigeant égyptien <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/histoire-du-monde-se-fait-en-asie_9782738148773.php">se voit accorder</a>, lors des affrontements israélo-arabes de 1967, un crédit de 10 millions de dollars par Pékin. Au lendemain de la défaite de la coalition anti-israélienne, Mao Zedong, depuis Zhongnanhai, le palais présidentiel chinois, <a href="https://oldwebsite.palestine-studies.org/jps/fulltext/38166">exhorte les pays arabes à ne pas déposer les armes</a>, mais à s’inspirer au contraire de l’exemple vietnamien.</p>
<p>C’est dans ce contexte que les Palestiniens bénéficient à leur tour d’une aide substantielle de la RPC. Depuis, le rôle du Caire comme tête de pont des initiatives diplomatiques chinoises en terres arabes ne s’est jamais démenti. La multiplication des investissements chinois précède de plusieurs années le projet des Nouvelles Routes de la Soie promu par Pékin à partir de 2013. Au-delà même de l’Égypte, l’ensemble de la région (aussi bien les monarchies du Golfe que la Turquie, la Syrie ou l’Irak) accueille progressivement des <a href="https://www.ecfr.eu/paris/publi/la_chine_au_moyen_orient_un_role_en_evolution">installations chinoises soutenues par les géants étatiques</a> (Sinopec, Merchant Bank, ICBC, Agricultural Bank of China, etc.) dans les domaines les plus divers : gestion et participation dans des ports, industrie automobile, textile, transports, traitement de l’eau, de minerais, concessions pétrolières…</p>
<h2>Un renforcement tous azimuts de la coopération</h2>
<p>En 2010, le <a href="http://french.beijingreview.com.cn/magazine/2010-08/09/content_294840.htm">Forum économique et commercial sino-arabe</a> voit le jour dans la province du Ningxia, qui abrite une importante communauté Hui (des Han convertis à l’islam). L’Égypte joue un rôle majeur dans la promotion de ce forum, porteur de son point de vue de considérables opportunités commerciales.</p>
<p>La chute de Hosni Moubarak en 2011, l’arrivée au pouvoir en 2012 d’un Frère musulman, Mohammed Morsi, et son éviction en 2013 par le maréchal al-Sissi n’ont pas freiné les relations bilatérales et l’influence chinoise en Égypte, carrefour des trois continents. Dès son arrivée au pouvoir en 2012, afin de marquer ses distances avec les États-Unis, Mohammed Morsi <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/t963125.htm">effectue sa première visite officielle à l’étranger en Chine</a>. La RPC n’en soutiendra pas moins par la suite son tombeur, al-Sissi, témoignant de sa capacité à traiter avec des leaders très opposés et illustrant les fameux principes que Pékin aime à rappeler : la <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724618051.htm">non-ingérence dans les affaires intérieures des États et la « neutralité » par rapport aux régimes en place</a>.</p>
<p>Une approche qui porte ses fruits : à partir de 2017, Le Caire prête un concours inédit à la politique de Pékin à l’égard de sa minorité ouïgoure du Xinjiang, participant au contrôle puis au <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/08/18/la-chine-pourchasse-les-etudiants-ouigours-en-egypte_5173776_3210.html">rapatriement forcé d’étudiants ouïgours présents sur son territoire</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1402705278844481540"}"></div></p>
<p>La Chine voit également dans le marché égyptien une main-d’œuvre attractive pour ses entreprises, ainsi qu’une plate-forme pour atteindre d’autres marchés (Europe, Afrique) avec un atout stratégique majeur : le canal de Suez. C’est dans ce contexte que les deux pays optent pour un « partenariat stratégique global ».</p>
<h2>Un partenariat stratégique au cœur du Moyen-Orient ?</h2>
<p>Ce développement <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/26/la-chine-et-l-egypte-un-partenariat-strategique-integral-en-pleine-expansion_5414874_3212.html">ne se limite pas aux mots</a>. En élevant leurs relations à l’échelon le plus haut dans la hiérarchie des « partenariats » établie par la diplomatie chinoise, Pékin et Le Caire s’engagent à coopérer dans tous les domaines pouvant relever des relations bilatérales, et cela sur le long terme. L’esprit sous-jacent à ce type de partenariat est que, même en cas de tensions occasionnelles, la <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2019-2-page-105.htm?contenu=resume">coopération entre les deux pays doit être maintenue</a>. Une sorte de promesse de soutien et de loyauté croisée. </p>
<p>Depuis plusieurs années, le commerce bilatéral a continué de croître et de se diversifier, avec environ <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/26/la-chine-et-l-egypte-un-partenariat-strategique-integral-en-pleine-expansion_5414874_3212.html">11 milliards de dollars d’échanges en 2017</a>. En outre, l’Égypte a officiellement déposé sa candidature pour devenir membre observateur de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)</a>. Le Caire a également été invité par Pékin à participer aux sommets des BRICS de Xiamen en 2017 puis à Johannesbourg, en Afrique du Sud, en 2018.</p>
<p>Que la relation bilatérale porte sur le domaine culturel et académique (développement des <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2019-09/17/content_75215310.htm">Instituts Confucius</a> et programmes importants d’échanges avec des étudiants égyptiens) ou sur les technologies et les <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2020-07/06/content_76241257.htm">récentes livraisons de matériel médical</a>, Le Caire voit en la RPC un partenaire politique alternatif à l’Occident, Washington en tête.</p>
<p>Cette coopération sino-égyptienne s’est concrétisée par l’organisation de <a href="https://www.navyrecognition.com/index.php/news/defence-news/2019/august/7400-joint-military-exercice-with-chinese-and-egyptian-navies.html">manœuvres navales communes au large d’Alexandrie</a> et la signature d’importants contrats d’armements entre Pékin et Le Caire, dans les domaines des avions transporteurs de troupes ou de la <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy-defence/article/1858647/china-bids-sell-two-submarines-egypt-it-tries-expand">livraison à terme de sous-marins</a>. Depuis 2016, l’armée égyptienne a <a href="http://www.eastpendulum.com/drone-wing-loong-egypte-chasse-letat-islamique-sinai">déployé des drones armés Wing Loong I dans le Sinaï</a> pour lutter l’État islamique. Enfin, Pékin a diversifié ses exportations d’armes sur le continent africain et au Moyen-Orient en ciblant le client égyptien par la livraison de <a href="https://www.frstrategie.org/publications/defense-et-industries/conquete-oceans-marches-ambitions-marine-industrie-navale-chinoise-2018">plusieurs types de corvettes</a>.</p>
<p>Au sein du monde arabe, Le Caire demeurera longtemps l’interlocuteur privilégié des autorités chinoises. L’intérêt des deux parties réside dans l’affirmation d’un <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2020/05/10/grandes-man%C5%93uvres-de-coronavirus-pour-la-chine-au-moyen-orient/">monde multilatéral « post-occidental »</a> avec, d’un côté, un pôle de puissance majeur et inévitable, la Chine, de l’autre le leader (mythifié), du monde arabe, l’Égypte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Égypte est un partenaire de choix pour la Chine, à la fois en sa qualité de pays situé au carrefour de trois continents et du fait de son poids démographique et politique.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1608422021-05-31T19:10:25Z2021-05-31T19:10:25ZChine-Iran : une convergence durable ?<p>Si l’énergie et la coopération commerciale figurent parmi les priorités du jour, la relation sino-iranienne, amorcée sur le plan diplomatique dès 1971, s’est intensifiée durant la <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-iran-irak--9782262043551.htm?contenu=presentation">guerre Iran-Irak</a> de 1980 à 1988 (la <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724618051-page-477.htm">Chine fournissant alors des armes aux deux parties</a>).</p>
<p>Le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/trump-retablit-toutes-les-sanctions-contre-l-iran-et-apres-02-11-2018-2267949_24.php">rétablissement des sanctions américaines</a> après la dénonciation par Donald Trump en 2018 de l’Accord nucléaire de Vienne a plongé l’Iran dans une situation économique très difficile (chute de 9,5 % du PIB en 2019) et l’a incité à se <a href="https://www.tallandier.com/livre/liran-en-100-questions/">rapprocher de la Chine</a>. De manière spectaculaire, le commerce bilatéral est passé de 4 milliards de dollars en 2003 à 51,8 milliards en 2014, faisant de Pékin le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/PagesInternationales/Pages/eb845fca-2642-4dff-b07c-01f1d305a973/files/965c3e2f-4fc0-469f-845d-9b3873278db6">premier partenaire économique de Téhéran (25 % du total des échanges en 2019-2020)</a>.</p>
<p>Cette relation privilégiée s’est traduite par la signature, en mars 2021, <a href="https://www.nytimes.com/2021/03/27/world/middleeast/china-iran-deal.html">d’un accord commercial de 400 milliards de dollars</a> pour une période de 25 ans entre les deux pays (accord stratégique surnommé « Lion-Dragon deal »). Elle s’est également matérialisée dans le domaine militaire avec des <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/iransource/will-china-become-a-major-arms-supplier-to-iran/">ventes d’armes déjà réalisées ou en voie de l’être</a> ainsi que des <a href="https://www.france24.com/fr/20191227-la-chine-la-russie-et-l-iran-m%C3%A8nent-des-man%C5%93uvres-navales-conjointes">manœuvres navales communes</a> aux côtés de la Russie. Cette nouvelle proximité sino-iranienne rebat les cartes au Moyen-Orient, en passe de devenir un nouveau terrain de la confrontation opposant la Chine aux Occidentaux. Elle <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-les-investissements-chinois-dans-le-collimateur-1204214">pèse</a> également sur relation chinoise avec Israël, pays avec lequel Pékin avait <a href="https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ_French/journals_F/Volume-05_Issue-2/Shai_f.pdf">intensifié ses échanges ses dernières années</a>.</p>
<h2>Une longue histoire commune</h2>
<p>Avant que la Perse ne s’appelle l’Iran, ce sont des marchands khorezmiens et sogdiens, tous de culture persane, qui se chargent du commerce entre l’Asie centrale et la Chine. Au VII<sup>e</sup> siècle, c’est en Chine que le dernier souverain perse sassanide, Péroz, vient se réfugier pour échapper aux envahisseurs arabes et à leur nouvelle religion, l’islam. La <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520300927/the-persianate-world">langue persane</a> deviendra l’une des langues parlées à la cour de Chine plusieurs siècles durant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1087401120887132160"}"></div></p>
<p>À ce patrimoine immatériel que conservent encore à ce jour <a href="https://editionsdianedeselliers.com/wp-content/uploads/2019/01/DP_Cantique-des-oiseaux.pdf">nombre de peuples centrasiatiques</a> vivant à la lisière de la Chine, s’ajoutent ces témoignages historiques bien plus tangibles encore que sont les miniatures – des <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-miniature-persane-L-emergence-d-une-esthetique-singuliere.html">écoles de Tabriz ou d’Hérat</a> – et les porcelaines qui, toutes, attestent d’échanges pluriséculaires de techniques et de savoir-faire. L’irruption brutale de la modernité européenne à partir du XIX<sup>e</sup> siècle aussi bien dans l’espace impérial persan que chinois fait naître un ressentiment très largement partagé aujourd’hui à l’encontre des Occidentaux.</p>
<p>Sur le fond, et malgré leurs différences idéologiques, les régimes iranien et chinois partagent de nombreux points communs. Tous deux issus d’une « révolution », ils se considèrent comme des pays en développement, conscients de leur grandeur historique, et ne relevant pas de la sphère occidentale. Ils sont l’un comme l’autre <a href="https://asialyst.com/fr/2020/10/01/chine-comprendre-rapporchement-avec-iran-apres-accord-israel-emirats/">méfiants à l’égard de l’ordre international</a> dominé par les Occidentaux et partagent donc la volonté de le « multipolariser ». L’Iran, comme bon nombre de pays musulmans, se voit proposer une coopération avec la Chine dans les domaines éducatif et culturel. Ainsi, au cœur même du centre artistique de <a href="https://www.tehrantimes.com/news/408445/Center-offering-Iranian-cultural-products-opens-in-Beijing">Dashanzi dans la capitale chinoise</a>, un centre culturel iranien a ouvert ses portes, tandis qu’un premier <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Culture/6575283.html">Institut Confucius</a> a été inauguré à Téhéran avec la coopération de l’université du Yunnan, en 2009. Mais, plus fondamentalement, c’est avant tout la relation économique et stratégique qui prévaut.</p>
<h2>Le rapprochement économique et stratégique</h2>
<p>Pékin, qui avait déjà, en 1988, construit la première ligne de métro à Téhéran, a proposé en 2019 à son partenaire iranien 2 milliards de dollars pour le financement de l’électrification de la <a href="http://www.chinadaily.com.cn/a/201901/25/WS5c4aa81da3106c65c34e6912.html">ligne ferroviaire qui reliera Téhéran à Mashad</a>. Symbole de la participation iranienne aux « Nouvelles routes de la soie » promues par Pékin, un premier train de marchandises a relié la ville chinoise de <a href="http://french.xinhuanet.com/2016-02/16/c_135101080.htm">Yiwu (au Zhejiang) à Téhéran</a>, via l’Asie centrale, au début de l’année 2016.</p>
<p>Pékin a par ailleurs à cœur de diversifier ses approvisionnements énergétiques. Rappelons à cet égard que la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-pacte-de-cooperation-strategique-entre-l-Iran-et-la-Chine-projections-de.html">finalisation, en mars dernier, du Lion-Dragon deal</a>, qui était en négociation depuis 2016, articule toutes les dimensions économiques, de l’énergie à l’industrie en passant par le militaire et les infrastructures (dont la 5G).</p>
<p>Cet accord, inscrit dans le projet des « Nouvelles routes de la soie », doit garantir une fourniture continue à la Chine de pétrole et de gaz – les compagnies chinoises <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2018/11/26/20005-20181126ARTFIG00006-le-chinois-cnpc-prend-la-suite-de-total-en-iran.php">CNPC</a> et Sinopec sont solidement implantées en Iran. Ce pacte renforce d’autant plus la dépendance de Téhéran à l’égard de Pékin que la République islamique est isolée avec les sanctions américaines et <a href="https://observers.france24.com/fr/moyen-orient/20210429-iran-covid-19-morts-vague-lit-reanimation">affaiblie par la pandémie de Covid-19</a>.</p>
<h2>Asymétrie des relations, intérêts de Pékin et isolement iranien</h2>
<p>À ce stade, l’approche pragmatique mise en œuvre par Pékin outrepasse la tension chiite-sunnite. La Chine se rapproche ainsi à la fois de l’Arabie saoudite et de l’Iran, même si elle importe près de deux fois plus de pétrole d’Arabie.</p>
<p>Toutes provenances confondues, la Chine était devenue avant la pandémie de la Covid-19 la première importatrice de pétrole avec 10 millions de barils par jour. Mais dans le même temps, dans le cadre d’un mémorandum signé en 2004, elle s’est engagée à acheter à l’Iran près de 250 millions de tonnes de GNL (gaz liquéfié naturel) sur 30 ans <a href="https://www.lesechos.fr/2007/12/liran-et-la-chine-signent-un-contrat-petrolier-geant-557737">pour un montant évalué à 100 milliards de dollars</a>. Elle modernise également les infrastructures pétrolières iraniennes, notamment en mer Caspienne, et dans la région stratégique de Nekâ.</p>
<p>Sur l’épineux dossier du nucléaire, la Chine soutient les propositions du Conseil de Sécurité de l’ONU et appelle les principaux acteurs à rallier les accords de Vienne (<em>Joint Comprehensive Plan of Action</em>, JCPOA). Plus généralement, Pékin assure un soutien militaire discret au régime de Damas, en lien étroit avec Moscou et Téhéran, sans pour autant se substituer à la <a href="https://www.fdbda.org/2020/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">puissance militaire iranienne ou russe dans le dossier Syrie/Irak</a>.</p>
<p>La présence militaire chinoise au Moyen-Orient est amenée à croître du fait même du renforcement de ses projets liés aux Nouvelles routes de la soie. Leur sécurisation, ainsi que les risques récurrents de voir le détroit d’Ormuz victime d’un blocus en cas de crise majeure entre Téhéran et les principales capitales occidentales demeurent, pour la Chine, les principaux points de cristallisation des tensions régionales.</p>
<p>Aussi, et pour subvenir à ses besoins énergétiques, Pékin cherche à diversifier autant que possible ses fournisseurs pour ne pas se trouver en situation de vulnérabilité dans la région. La diplomatie chinoise veille scrupuleusement à ne s’aliéner aucun acteur de la région : le ministre des Affaires étrangères, <a href="http://french.china.org.cn/china/txt/2021-03/27/content_77352709.htm">Wang Yi</a>, a effectué le déplacement en Iran en mars dernier et le <a href="https://thediplomat.com/tag/xi-jinping-visit-to-iran/">président Xi Jinping</a> s’y était rendu en janvier 2016. Au reste, les tournées diplomatiques de dignitaires chinois de haut rang sont toujours suivies de très près dans la région.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1bXqquH2aJ0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ainsi, à Ankara comme à Téhéran, est-on très attentif aux propositions chinoises de voir un jour s’ouvrir l’un des principaux corridors terrestres de connectivité mondiale, le CCWAEC (<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/bus_fin_out-2018-6-en/index.html?itemId=/content/component/bus_fin_out-2018-6-en"><em>China-Central West Asia Economic Corridor</em></a>), passant par l’Asie centrale, l’Iran et la Turquie. Que ce soit dans le domaine stratégique ou économique, les initiatives chinoises sont d’ailleurs coordonnées par un envoyé spécial pour le Moyen-Orient (actuellement <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjbxw/t1857575.shtml">Zhai Jun, diplomate chevronné, arabisant, ancien ambassadeur en France</a>), lequel est la courroie de transmission entre l’ensemble des ambassadeurs chinois opérant sur la zone et Xi Jinping lui-même. Preuve s’il en fallait que le chef de l’État chinois accorde une priorité à cette région comme à ses prolongements géographiques.</p>
<p>Il s’agit d’assurer à la Chine, bien sûr, un maintien de ses approvisionnements énergétiques, mais d’éviter aussi que le monde musulman chinois ne soit impacté à son tour par l’essor des mouvements djihadistes. La pénétration économique chinoise s’est accompagnée d’une présence humaine, avec un accroissement important de la communauté chinoise sur place qui est passée de <a href="https://www.boulevard-exterieur.com/Vers-une-hegemonie-chinoise-au-Moyen-Orient.html">45 000 personnes en 2002 à plus de 70 000 ressortissants</a> aujourd’hui. En outre, en ces temps de fortes tensions entre Téhéran (ou Pékin) et les États-Unis, cette coopération s’inscrit dans une alliance de revers contre la puissance américaine.</p>
<h2>Convergence et rejet de l’« impérialisme américain »</h2>
<p>L’Iran est utile à la Chine pour augmenter son influence dans la région (contre l’Inde et les États-Unis) mais aussi pour se positionner <a href="http://french.china.org.cn/china/txt/2021-03/27/content_77352709.htm">comme médiateur entre l’Iran et les États-Unis à l’ONU</a> et souligner le rôle de « déstabilisateur » de Washington au Moyen-Orient.</p>
<p>En Iran, la <a href="https://www.iiss.org/blogs/analysis/2019/03/iran-look-east">doctrine « look to the East »</a> connaît, dans ce contexte, une dynamique nouvelle. Téhéran, isolée et exsangue, compte sur le développement international de l’Inde et de la Chine pour améliorer sa situation diplomatique et économique. Les divers projets du <a href="https://www.tehrantimes.com/news/460316/Iran-China-partnership-to-raise-Chabahar-port-s-global-status">port de Chabahar</a> relèvent de ce jeu diplomatique à plusieurs niveaux entre l’Iran, la Chine, l’Inde et, dans un deuxième cercle, le Pakistan et les pays du Golfe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1367500294377078784"}"></div></p>
<p>Si l’Iran était le troisième client pour le matériel de guerre de la Chine entre 2000 et 2014 et si les deux pays participent à <a href="http://www.opex360.com/2019/12/26/liran-la-chine-et-la-russie-vont-mener-un-exercice-naval-en-mer-doman/">plusieurs manœuvres et exercices militaires conjoints sur terre et sur mer</a>, Pékin a diversifié sa clientèle au Moyen-Orient (notamment pour la vente de drones). Malgré la signature du contrat de coopération avec Téhéran, Pékin reste réticente à la livraison d’armements, notamment <a href="https://www.air-cosmos.com/article/iran-le-contrat-des-j-10-chinois-dans-limpasse-politique-24702">d’avions de combat (J-10)</a>, et ce pour plusieurs raisons : ne pas s’aliéner les voisins arabo-sunnites (Arabie saoudite et Émirats Arabes unis par exemple), risque de difficultés de paiement de la part de l’Iran, risque de sanctions à l’ONU dans le cadre de la loi <a href="https://home.treasury.gov/policy-issues/financial-sanctions/sanctions-programs-and-country-information/countering-americas-adversaries-through-sanctions-act">CAATSA</a> (<em>Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act</em>).</p>
<p>Plus discrètement, le dossier des ressources halieutiques dans les eaux iraniennes a connu un profond bouleversement ces trois dernières années. À la suite des sanctions américaines, Téhéran a autorisé les pêcheries chinoises (du chalutage profond aux senneurs…) à <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php ?ctribune=1289">puiser du poisson au large de ses côtes</a>. Rapidement, les pêcheries locales et les écosystèmes marins ont été ravagés.</p>
<p>La grande asymétrie des relations n’est pas sans susciter de vives inquiétudes au sein de la population iranienne, ainsi que dans le clan des réformateurs du régime. Les Iraniens ont en mémoire le <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/pourquoi-le-mysterieux-traite-entre-l-iran-et-la-chine-inquiete-tant-20200728">traité de 1919, signé à l’époque des Qadjars</a>, par lequel leur pays avait été divisé en sphères d’influences entre les Britanniques et les Russes. Si les relations sino-iraniennes trouvent un essor dans la dégradation des relations avec les États-Unis, il n’en demeure pas moins que la forte dépendance de l’Iran à la Chine et l’inquiétude d’une population iranienne <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/liran-en-grande-fragilite-economique-et-sociale-1291629">paupérisée (40 millions d’Iraniens sont sous le seuil de pauvreté absolue)</a>) peuvent aboutir à la remise en cause d’une relation peut-être moins solide qu’il n’y paraît.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160842/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rapprochement entre Pékin et Téhéran, qui se déploie dans les domaines commercial, diplomatique et stratégique, repose sur une longue histoire mythifiée et sur un anti-occidentalisme affiché.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1592522021-04-29T19:37:41Z2021-04-29T19:37:41ZL’Ouzbékistan, un angle mort des diplomaties occidentales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397609/original/file-20210428-19-1r0rip1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C3193%2C2148&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Registan, à Samarkand.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ekrem Canli/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec plus de 30 millions d’habitants (le plus peuplé de la région) et une situation privilégiée au cœur même de l’Asie centrale, l’<a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/ouzbekistan/">Ouzbékistan</a> est un État neuf né de la dislocation de l’URSS (1991). Ce pays n’en est pas moins le <a href="https://www.cairn.info/l-asie-centrale-contemporaine--9782130580799-page-101.htm">creuset de très anciennes civilisations</a> et avantageusement situé au cœur de l’Asie centrale, malgré l’absence de façade maritime et la dépendance à l’égard de l’Iran pour ce qui concerne l’accès à la mer.</p>
<p>En septembre 2016, la mort du <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/09/02/le-president-de-l-ouzbekistan-islam-karimov-est-mort_4991841_3382.html">président Islam Karimov</a>, chef de l’État depuis l’indépendance du pays, a ouvert une période de transition politique. L’ancien premier ministre <a href="https://www.lejdd.fr/International/Asie/chavkat-mirzioiev-un-gorbatchev-qui-transforme-louzbekistan-3938964">Chavkat Mirziyoïev</a> lui a succédé le 4 décembre 2016.</p>
<p>Entre ouverture et continuité, le nouveau dirigeant s’est lancé dans une série de changements. Longtemps replié sur lui-même, l’Ouzbékistan a depuis deux ans mis en œuvre plus de <a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/vers-une-reforme-de-la-gouvernance-economique-et-financiere-en-ouzbekistan">réformes</a> qu’au cours de ses vingt-cinq premières années d’indépendance, signal d’une certaine ouverture.</p>
<h2>Opportunités économiques et défi sécuritaire</h2>
<p>L’Ouzbékistan mène une politique dite <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ouzbekistan/presentation-de-l-ouzbekistan/">« multivectorielle »</a>, qui consiste à diversifier ses partenariats. Le président Mirziyoïev a fait de la coopération régionale en Asie centrale une priorité. Membre fondateur de la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/communaute-des-etats-independants/">Communauté des États indépendants</a>, l’Ouzbékistan s’est en revanche retiré de l’Organisation du traité de sécurité collective créée à l’instigation de la Russie et ce, à deux reprises, en 1999 (retour en 2006) et en 2012, mais détient un siège d’observateur au sein de l’Union économique eurasiatique, autre structure dominée par Moscou. L’Ouzbékistan est par ailleurs membre de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">l’Organisation de coopération de Shanghai</a> (OCS), dont Tachkent accueille depuis 2002 le centre de coordination de la lutte anti-terroriste, marquant la place singulière cette capitale dans les affaires diplomatiques eurasiatiques.</p>
<p>L’économie ouzbèque repose largement sur l’exploitation des matières premières. Les <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/UZ/le-commerce-exterieur-de-l-ouzbekistan-en-2018">produits énergétiques</a> (principalement gaz), le coton (1,3 M d’hectares cultivés), les métaux (or, uranium cuivre) et les engrais représentent les trois quarts des exportations. Si le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/09/LARUELLE/62147">parti présidentiel</a> continue de dominer les institutions et la vie politique, la volonté de diversification des partenariats économiques et diplomatiques exprime une certaine ouverture. Des réformes sont en cours pour libéraliser l’économie, stimuler les initiatives privées et attirer les investissements étrangers, avec l’appui de bailleurs internationaux. De la question de l’eau à celles des réseaux et des infrastructures en passant par la diversification de l’économie (hors rente énergétique et minerais), les besoins de l’Ouzbékistan sont importants.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/w6545kIrYEU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Pour l’acheminement des ressources ouzbèques, le consortium <em>China Road</em> a reconstruit la route <a href="https://theconversation.com/tadjikistan-et-kirghizistan-deux-foyers-dincertitude-aux-portes-de-la-chine-148362">reliant Douchanbé à la frontière tadjiko-ouzbèque, longue de 410 kilomètres</a>, grâce à un prêt chinois d’environ 300 millions de dollars (274,2 millions d’euros). Cette société a également entrepris la restauration de la route Douchanbé-Kulob, du réseau routier de Douchanbé et de la route allant de la capitale du Tadjikistan jusqu’à la frontière de l’Ouzbékistan. <em>China Road</em> a par ailleurs construit des tunnels routiers, ainsi que des tunnels et ponts ferroviaires, qui donnent désormais accès aux régions de l’ouest de l’Asie centrale mais aussi à l’Afghanistan.</p>
<h2>Un acteur régional notable</h2>
<p>Le dossier afghan est l’une des grandes priorités de la politique étrangère ouzbèque. Les troupes soviétiques d’origine ouzbèque comptaient parmi les éléments des forces d’élite les plus engagées et acculturées à l’environnement afghan, et l’on retrouve au sein de l’Afghanistan des populations ouzbèques qui ont souvent rejoint les rangs des moudjahidines lors de l’invasion soviétique. Parmi eux, <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/qui-est-abdul-rachid-dostom-leader-des-ouzbeks-dafghanistan/">Abdul Rachid Dostom</a>, d’origine ouzbèque et turkmène, formé en URSS, est un chef de guerre influent dans le nord du pays (région de Mazar-ê-Charif).</p>
<p>Concernant l’avenir de son voisin afghan, l’Ouzbékistan est une force de proposition et a convaincu nombre de ses partenaires de favoriser le dialogue entre les différentes factions, y compris avec les talibans, et <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/l-ouzbekistan-veut-accompagner-l-afghanistan-chemin-paix-224791">ce depuis 2001</a>. Ainsi, à l’issue de la conférence de Doha de septembre 2020 qui réunissait les représentants des talibans et le gouvernement afghan, le chef de l’État ouzbek a proposé <a href="https://theconversation.com/la-question-ou-goure-au-coeur-des-enjeux-entre-pekin-et-kaboul-150051">l’établissement d’un comité permanent des Nations unies sur l’Afghanistan</a>. Le rapprochement avec Kaboul et la participation avec Téhéran à des projets de désenclavement par la route de l’Afghanistan (route Termez-Mazar-Bandar-Abbas) va dans le sens d’une interconnexion tous azimuts qu’encouragent parallèlement la diplomatie chinoise mais également indienne afin de consolider leur influence dans la région. L’intérêt pour Pékin est clair : assurer la stabilité régionale afin de sécuriser ses approvisionnements en gaz, exploité plus à l’ouest encore, c’est-à-dire au <a href="https://theconversation.com/le-caucase-chainon-majeur-du-projet-chinois-des-routes-de-la-soie-151783">Turkménistan, voire en Azerbaïdjan où les ressources off-shore de la Caspienne</a> abondent. C’est par <a href="https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2018/06/SENGAGERPARLAPLUME_2_web.pdf">l’Ouzbékistan que transitent les hydrocarbures turkmènes</a> vers la Chine.</p>
<p>Les efforts de la capitale ouzbèque semblent en cela renouer avec une tradition initiée par la diplomatie soviétique lorsque Tachkent était le lieu des rencontres internationales avec des pays tiers. Ainsi, nombre de délégations des partis Baas syrien et irakien ont pu s’y rendre dans le passé, ainsi que des délégations indiennes et pakistanaises, pour tenter respectivement de nouer des relations privilégiées avec le monde communiste ou pour trouver une solution négociée à leurs différends survenus au Cachemire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"851052025416753152"}"></div></p>
<p>Plus que tout, l’Ouzbékistan a à cœur la stabilité et la lutte contre le terrorisme. Apparu en 1997, le groupe ouïgour <a href="https://www.un.org/securitycouncil/sanctions/1267/aq_sanctions_list/summaries/entity/eastern-turkistan-islamic-movement">Parti islamique du Turkestan (East Turkestan Islamic Movement, ETIM)</a> est présent en Afghanistan, en Syrie et en Russie, de même que le <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-3-page-309.htm">Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO)</a>, avec lequel il possède des passerelles. En outre, un certain nombre de <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/07/chine-et-terres-dislam-enjeux-pour-de-nouvelles-grammaires-internationales/">combattants originaires du Xinjiang</a> sont allés combattre en Syrie dans les rangs djihadistes et inquiètent les autorités à la fois de Tachkent et de Pékin. En ce sens, l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) cherche à renforcer la collaboration entre les pays membres en matière de contre-terrorisme. Pékin développe ses liens militaro-sécuritaires avec les pays membres de l’Organisation, témoignant du renforcement de l’influence de la Chine en Asie centrale depuis plus de vingt ans, en particulier en Ouzbékistan. De l’implantation des Instituts Confucius à la <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/du-gaz-a-aliexpress-la-chine-et-louzbekistan-inseparables-partenaires/">coopération dans les technologies</a> (Huawei, Tencent, TikTok, etc.), Pékin joue pleinement de la dissymétrie des relations pour imposer son ascendant.</p>
<h2>Guerre perpétuelle ou consolidation de la paix ?</h2>
<p>Des exercices militaires et antiterroristes conjoints ont déjà eu lieu, comme l’opération <em>Hezuo-2019</em>, à l’issue de laquelle la Chine avait reconnu l’Ouzbékistan comme un <a href="https://jamestown.org/program/the-security-component-of-the-bri-in-central-asia-part-three-chinas-paramilitary-efforts-to-promote-security-in-kazakhstan-uzbekistan-and-turkmenistan/">« partenaire stratégique important »</a>. Cette coopération s’est également traduite par d’importantes ventes d’armes comme des drones <em>Wing Loong</em> et des missiles Hongqi-9 (équivalent au S-300 russe). Le retrait des Américains d’Afghanistan, <a href="https://www.defenseone.com/threats/2021/04/petraeus-trashes-biden-decision-quit-afghanistan/173359/">annoncé par Joe Biden</a> pour les mois à venir, peut non seulement concourir au renforcement de cette relation mais aussi accroître le risque de menaces terroristes sur les territoires riverains, et tout particulièrement dans la vallée du Ferghana (est de l’Ouzbékistan) comme le <a href="https://jamestown.org/program/central-asias-specter-of-insecurity-the-view-from-badakhshan-to-fergana/">craignent un certain nombre d’analystes</a>.</p>
<p>Les Occidentaux y ont-ils intérêt ? Si les tensions ont pu se manifester avec la Russie ou avec la Chine sur les marges de chacun de ces pays (Ukraine pour l’une, Taïwan pour l’autre), le risque est d’abandonner l’Asie centrale au duopole Moscou-Pékin. La France semble l’avoir compris plus que d’autres et y a vu un <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/entre-france-et-ouzbekistan-un-potentiel-de-cooperation-enorme/">potentiel de coopération</a>. François Mitterrand a été l’un des premiers chefs d’État occidentaux à s’y être rendu (1994) et Emmanuel Macron envisagerait de s’y rendre à son tour. Une très ambitieuse exposition (« Splendeurs d’Asie centrale. Sur les routes caravanières d’Ouzbékistan ») programmée au Louvre pour l’année 2022 viendrait symboliquement en appui de projets importants dont une implantation <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/renault-bientot-present-dans-les-rues-de-tachkent/">du groupe Renault</a>.</p>
<p>Favorable à la construction d’un <a href="http://isrs.uz/en/maqolalar/mazari-sarif-pesavar-koridor-v-novoe-budusee-centralnoj-i-uznoj-azii">corridor de Mazar-ê-Charif à Peshawar</a>, l’Ouzbékistan souhaite se proposer comme acteur diplomatique régional de l’Asie centrale et du sud. Entre le réengagement diplomatique et stratégique de l’Inde, les discussions avec le Pakistan, les liens avec l’ancienne tutelle soviétique – aujourd’hui la Russie –, la question chinoise et les dossiers de l’Iran et de l’Afghanistan, l’Ouzbékistan est au cœur d’un grand jeu où les démocraties occidentales auront à discerner les enjeux entre géopolitique et les demandes de participation accrue des populations dans un contexte post-pandémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pays clé d’Asie centrale, l’Ouzbékistan fait l’objet d’une attention soutenue de la Chine, de la Russie ou de l’Inde. Les Occidentaux semblent aujourd’hui éloignés de cet État-pivot.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.