tag:theconversation.com,2011:/global/topics/yezidis-62286/articlesyézidis – The Conversation2021-06-24T17:23:12Ztag:theconversation.com,2011:article/1628022021-06-24T17:23:12Z2021-06-24T17:23:12Z« Secrets de Terrain » : Estelle et les cœurs brûlants<iframe src="https://embed.acast.com/60d195a7bd48f300133e720d/60d197c746932700145db855" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-593" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/593/60623770d32fd45e2499f2207291a9821793cfa3/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En 2014, le monde occidental découvrait le sort tragique des yézidis <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/08/12/la-communaute-kurdophone-yezidie-cible-des-djihadistes-de-l-etat-islamique_4470471_3218.html">cibles des bourreaux de Daech</a>. Cette communauté monothéiste, kurdophone, forte de plus d’un demi-million de personnes vit dispersée entre la Syrie, l’Irak, la Turquie, l’Arménie et la Géorgie.</p>
<p>Suite à la prise de Sinjar par Daech le 3 août 2014, les souffrances des yézidis ont été relatées dans les médias internationaux. Des voix comme celle de <a href="https://news.un.org/fr/story/2020/09/1078482">Nadia Murad</a>, témoin et activiste yézidie, prix Nobel de la paix 2018 ont largement contribué à faire connaître les horreurs qui se sont déroulées : massacre systématique des hommes et des personnes âgées, kidnapping des femmes et des enfants. En 2020, 2800 femmes et enfants yézidis seraient encore captifs en Irak ou dans les pays environnants.</p>
<p>Mais l’histoire des yézidis ne commence évidemment pas avec Daech : cette communauté ancienne et discrète a vécu aux marges ou au sein d’autres sociétés, développant des mécanismes propres de récit, de mémoire et de transmission.</p>
<p>L’anthropologue Estelle Amy de la Bretèque s’intéresse depuis de nombreuses années aux répertoires musicaux intimistes et intimes au Proche-Orient. Au début de l’année 2006 elle quitte son laboratoire de Nanterre et prend un billet pour l’Arménie. C’est là qu’elle fait une rencontre déterminante.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406512/original/file-20210615-22-1jm2dmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Village de Rya Taze, Arménie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Amy de la Bretèque</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Pour aller plus loin</strong> :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/les-yezidis-du-trauma-au-combat-politique-142424">« Les yézidis, du trauma au combat politique »</a>, The Conversation.</p></li>
<li><p><a href="https://journals.openedition.org/terrain/20066">« Des larmes pour ambassade. Les yézidis sur la scène internationale après les massacres de Sinjar »</a>, revue <em>Terrain</em>, n°73.</p></li>
<li><p><a href="https://journals.openedition.org/terrain/16327">« Cœurs brûlants. Paroles sur le mort et sacrifice de soi chez les yézidis d’Arménie »</a>, revue <em>Terrain</em>, n°68.</p></li>
<li><p><a href="https://www.francemusique.fr/emissions/carnet-de-voyage/les-longs-sanglots-du-caucase-17227"><em>Les longs sanglots du Caucase</em></a>, carnet de voyage par Édouard Fouré Caul-Futy, France musique.</p></li>
<li><p>Site d’<a href="http://www.ebreteque.net/">Estelle Amy de la Bretèque</a> et son ouvrage sur la <a href="http://ethnomusicologie.fr/parolesmelodisees/">parole mélodisée</a>.</p></li>
</ul>
<p><strong>Références sonores et crédits</strong></p>
<ul>
<li><p>Tous les enregistrements sont issus des travaux de terrain d’Estelle Amy de la Bretèque.</p></li>
<li><p>Jingle : Boginoo duu : voix chantée, vièle à deux cordes [enregistrement sonore]/Hamayon, Roberte (collectrice), Mongolie, environs de Ulan Bator, population Khalkha, 1973. Remerciements : Roberte Hamayon.</p></li>
<li><p>Consultation publique en ligne sur le site du <a href="https://archives.crem-cnrs.fr/archives/items/CNRSMH_I_1973_008_002_17">CREM</a>.</p></li>
</ul>
<p>Provenance : Archives sonores CNRS/Musée de l’Homme gérées par le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (LESC UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre) avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication.</p>
<ul>
<li>L’illustration « Secrets de Terrain » a été gracieusement accordée par le dessinateur <a href="https://www.adriafruitos.com/">Adrià Fruitos</a>.</li>
</ul>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408368/original/file-20210625-13-1qh3j0p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=248&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Secrets de Terrain est un podcast conçu et animé par Clea Chakraverty, réalisé et monté par Vanessa Tubiana-Brun (CNRS-Nanterre/MSH Mondes). Il est produit par The Conversation France et la revue d’anthropologie et de sciences sociales <a href="https://journals.openedition.org/terrain/"><em>Terrain</em></a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>membre du comité de rédaction de la revue Terrain.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Estelle Amy de la Bretèque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans cet épisode de « Secrets de Terrain », Estelle Amy de la Bretèque raconte comment, en Arménie, elle découvre les lamentations et le monde intime des femmes yézidies.Estelle Amy de la Bretèque, Anthropologue, Ethnomusicologue, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresClea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1565292021-03-04T19:11:53Z2021-03-04T19:11:53ZLes paris du pape François en Irak<p>Malgré la montée, depuis deux semaines, des <a href="https://www.courrierinternational.com/depeche/irak-dix-roquettes-sur-une-base-abritant-des-americains-deux-jours-avant-la-visite-du-pape.afp.com.20210303.doc.9468lb.xml">tensions entre l’Iran et les États-Unis</a> – un conflit dont l’Irak reste un terrain majeur – et malgré l’escalade des violences intérieures, notamment dans la province de Dhi Qar, où le pouvoir <a href="https://raseef22.net/article/1081783">réprime la contestation</a>, le voyage pastoral et diplomatique du pape François entre les 5 et 8 mars 2021 a été maintenu.</p>
<p>L’intensité des préparatifs, entamés de longue date par le Saint-Siège et les autorités locales, dont le très actif cardinal et Patriarche des Chaldéens Louis Raphaël Sako, finit par intriguer. Que vient faire le pape dans ce pays meurtri et sous influence ? Quelles sont ses intentions et peuvent-elles être couronnées de succès ?</p>
<h2>L’enjeu de la présence chrétienne en Irak</h2>
<p>La première raison de ce voyage est bien sûr de conforter les chrétiens d’Irak. Une occasion exceptionnelle leur est offerte de sensibiliser le monde à leur <a href="https://www.arabnews.fr/node/64706/monde-arabe">tragédie</a>, dans l’accumulation des tragédies irakiennes.</p>
<p>L’enjeu, pour les responsables chrétiens du pays, est de retrouver leurs ressources humaines et financières en prévision d’un retour de leur communauté éparse, à la faveur de la paix, <a href="https://www.la-croix.com/Religion/chretiens-Bagdad-revent-dexil-visite-pape-2021-02-05-1201139030">ce qui semble à courte vue irréaliste</a>. Regroupant désormais moins de 1 % des 38,4 millions d’Irakiens, les chrétiens de l’ancienne Mésopotamie sont en cours de transplantation migratoire.</p>
<p>Ayant connu de grandes tribulations aux XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, on estime qu’ils étaient encore 6 % avant 2003, dont près de 800 000 à Bagdad. Aujourd’hui, leur nombre dans la capitale a chuté à 75 000. L’intervention américaine a transformé leur singularité en dernier stigmate. À Bagdad, les lieux de culte ont été attaqués dès les premiers attentats de 2004 : la cathédrale syriaque <em>Sayidat al-Najat</em> – où le pape va se rendre – a subi une <a href="https://www.theguardian.com/world/2004/aug/02/iraq.michaelhoward">explosion à la voiture piégée</a> dans une attaque simultanée contre plusieurs églises, commanditée par le chef terroriste Zarqaoui. Cette même cathédrale a essuyé une autre <a href="https://www.liberation.fr/planete/2010/11/02/messe-de-bagdad-l-obscur-carnage_690718/">attaque d’Al-Qaeda</a>, pendant l’office de la Toussaint 2010, faisant une soixantaine de victimes dont le prêtre en chaire, le père Thar.</p>
<p>L’<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-19-aout-2020#:%7E:text=Ils%20%C3%A9taient%201%2C5%20million,av%C3%A8nement%20du%20groupe%20%C3%89tat%20Islamique.">hémorragie des chrétiens d’Irak</a> a précédé la fuite par millions des Irakiens à partir de 2004. Leur exode s’est <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2015/01/24/refugies-etat-islamique-irak_n_6537886.html">accéléré</a> avec l’installation de Daech dans les terres sunnites. À Mossoul – autre lieu de passage de François –, surnommée jadis la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-pleine-reconstruction-Mossoul-attend-chretiens-2021-03-02-1201143407">Jérusalem de Mésopotamie</a>, les chrétiens assyriens et syriaques étaient près de 50 000 avant la première guerre du Golfe. Leur nombre est passé à 5 000 en 2014.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gHT9zXyV6yI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/224254/irak-elect-violence">kidnapping</a> de l’archevêque syriaque Basil George Casmoussa en 2005, une série d’<a href="http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/145921%26fr%3Dy.html">attentats et d’enlèvements ciblés en 2007</a>, l’assassinat après torture de l’évêque assyro-chaldéen <a href="https://www.nytimes.com/2008/03/14/world/middleeast/14iraq.html">Paulo Faraj Rahho</a> en 2008, l’attentat contre un <a href="https://www.cath.ch/newsf/bombe-contre-un-bus-d-etudiants-dans-la-plaine-de-ninive/">bus d’étudiants</a> venus de Qaraqosh en 2010 : tous ces évènements ont précipité leur fuite, avant même l’arrivée de l’État islamique.</p>
<p>70 familles seulement vivraient encore à Mossoul. Les 150 000 chrétiens de la plaine de Ninive, dont 50 000 syriaques de Qaraqosh – autre ville que <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Voyage-pape-Irak-Qaraqosh-recherche-legerete-perdue-2021-03-02-1201143323">visitera François</a> – ont tout quitté pour échapper au <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1431911-20140825-irak-onu-accuse-etat-islamique-nettoyage-ethnique-religieux">nettoyage ethnoreligieux</a> qui a également frappé les <a href="https://www.infochretienne.com/en-irak-les-chretiens-et-les-yezidies-subissent-un-nettoyage-ethnique/">yézidis</a>, les <a href="https://lephenixkurde.tumblr.com/post/114786953522/les-shabaks-victimes-meconnues-de-Daech">Shabaks</a> et les <a href="https://www.trt.net.tr/francais/turquie/2017/07/06/ankara-indigne-apres-le-massacre-de-turkmenes-d-irak-par-Daech-765535">Turkmènes</a> chiites. Ils se sont réfugiés dans l’antique terre d’Erbil (Arbèle) devenue kurde – où le pape se rendra aussi – et dans les camps de réfugiés, au Liban, en Jordanie et en Turquie. Depuis, 55 000 d’entre eux ont réussi à quitter le Moyen-Orient. <a href="https://www.jadaliyya.com/Details/27531">25 000 sont revenus à Qaraqosh</a>. Les autres sont restés à Erbil. La petite <a href="https://www.cath.ch/newsf/les-communautes-religieuses-en-irak-les-armeniens-7-7/">Église arménienne</a>, issue de la diaspora marchande et des réfugiés du génocide ottoman, s’est vidée de ses fidèles depuis 2003. À Bassorah, sur les 4 500 familles assyriennes présentes avant 2003, <a href="http://fraternite-en-irak.org/a-bassorah-fraternite-en-irak-offre-un-refuge-aux-plus-pauvres/">il n’en reste plus que 200</a>.</p>
<p>Tout cela est éminemment tragique et douloureux. Mais pour le dire crûment, beaucoup d’Irakiens ont énormément souffert, et l’exode des chrétiens d’Irak ne les émeut pas outre mesure, d’autant que les chrétiens n’ont jamais été présents partout dans le pays.</p>
<h2>L’enjeu de l’unité œcuménique</h2>
<p>Qu’en est-il pour les chrétiens qui ne sont pas partis ? De grands efforts matériels ont été déployés pour réparer les édifices emblématiques, comme le couvent dominicain et le clocher de <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/irak-retour-a-mossoul-sur-le-chantier-de-notre-dame-de-l-heure-ravagee-par-Daech-7900004464">Notre-Dame de l’Heure à Mossoul</a> qui a servi de centre de torture sous Daech. Idem pour <a href="https://www.mesopotamiaheritage.org/monuments/leglise-chaldeenne-al-tahira-de-mossoul/">l’église chaldéenne Al-Tahira</a> que le pape visitera. De même, <a href="https://www.mesopotamiaheritage.org/monuments/leglise-syriaque-catholique-mar-touma-de-mossoul/">l’église syriaque orthodoxe de Mar-Touma</a> est en train d’être reconstruite, grâce au financement de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (<a href="https://www.aliph-foundation.org/fr">ALIPH</a>), qui a par ailleurs soutenu la réhabilitation du <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Mar-Behnam-renaissance-dun-lieu-saint-partage-2017-12-14-1200899373">mausolée-monastère de Mar Benham</a>, dynamité par Daech en 2015.</p>
<p>Mais l’autre véritable enjeu – outre la sécurisation des personnes, l’effort éducatif et médical et les opportunités de travail, à l’instar des besoins de tous les Irakiens – est de finaliser, en le rendant tangible avec cette visite, <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Le-Saint-Siege-Eglises-dIrak-role-novateur-pape-Francois-2021-02-26-1201142740">l’effort de communion entrepris depuis le concile catholique de Vatican II</a> entre les différentes Églises chrétiennes d’Orient que le Pape va rencontrer. Ces dernières, par leurs strates et leur diversité, récapitulent des siècles de morcellements ou d’empiètement entre territoires canoniques, justifiés par des divergences théologiques qui échappent aujourd’hui à l’entendement.</p>
<p>Ainsi les Assyriens descendent-ils de <a href="https://www.choisir.ch/societe/histoire/item/3735-l-histoire-de-de-l-eglise-assyrienne-de-l-orient">l’Église d’Orient</a>, dite aussi Église de Mésopotamie ou Église perse, entièrement autocéphale sous l’Empire sassanide. Elle a aujourd’hui deux branches : l’Église « historique », siégeant à Erbil, et l’Église chaldéenne, qui est son pendant catholique à Bagdad. À côté des Assyriens, une autre Église des origines un peu plus « tardive », l’Église syriaque, s’est formée avec les descendants des chrétiens syriens et arabes de l’Église d’Antioche, qui ont fui la répression de l’Empire byzantin au VI<sup>e</sup> siècle. L’Église syriaque a deux branches, comme l’assyrienne.</p>
<p>Un tel émiettement, auquel s’ajoute la présence de chrétiens convertis, soit anciennement, soit plus récemment au protestantisme évangélique – <a href="https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-irsem-2015-1-page-108.htm">par ailleurs mal vu pour son prosélytisme et ses origines américaines</a> – affaiblit la voix et les intérêts communs des chrétiens d’Irak, si on enlève leur avantage démultiplicateur comme réseau d’émigration. Le regroupement œcuménique des Églises en un lien opérationnel et protecteur, dont Rome serait le garant et qui rattacherait les diasporas entre elles en les « universalisant », pourrait fabriquer une cohérence à double détente. Il permettrait des actions concertées, de répartition et de coordination entre les acteurs de terrain ; surtout, il mettrait en évidence le cercle vertueux de la bonne entente qui servirait d’exemple à suivre pour le dialogue interreligieux.</p>
<h2>L’enjeu de l’unité irakienne ?</h2>
<p>C’est ici que se situe l’enjeu le plus audacieux mais peut-être aussi le plus problématique de la visite de François, si l’on tentait de le conjecturer.</p>
<p>Il s’agirait de fabriquer, à partir de l’établissement pérenne de relations interconfessionnelles entre l’ensemble des acteurs religieux d’Irak, un chemin exemplaire de réconciliation nationale et, très paradoxalement, de dépolarisation religieuse.</p>
<p>La démarche est celle de la diplomatie interreligieuse, comme antidote à la toxicité confessionnelle qui a contaminé toute la société irakienne depuis l’embargo qui a suivi la première guerre du Golfe, avec la <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2001-3-page-138.htm">« campagne pour la foi »</a> de Saddam Hussein. Durant ces années déterminantes où le tissu social a commencé à se déliter, alors que les bombardements de cette première guerre avaient détruit toutes les infrastructures et affaibli l’État, le ressentiment communautaire s’est développé, ressentiment que la brutale politique de <a href="https://journals.openedition.org/remmm/3451">dé-baassisation</a>, parallèle au processus de démocratisation, a renforcé après 2003, quand les États-Unis ont semblé favoriser les chiites. C’est ainsi que sont apparues les milices sunnites, les groupes islamistes terroristes et les contre-milices chiites…</p>
<p>Certes, la jeunesse irakienne d’aujourd’hui, très nombreuse mais <a href="https://www.france24.com/fr/20190219-irak-avenir-economie-chomage-masse-jeunesse-corruption-austerite-entreprenariat">sans travail et sans ressources</a>, est épuisée par le discours sectaire. Elle <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/28/sans-pays-pas-d-ecole-la-jeunesse-irakienne-rejoint-le-mouvement-de-contestation_6017200_3210.html">manifeste</a> ardemment, depuis deux ans, sunnites et chiites confondus, une aspiration vitale pour la liberté, la démocratie, la fin de la corruption et la fin de la mainmise iranienne sur le pays. Elle a même obtenu la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/contestation-en-irak-sunnites-et-chiites-unis-contre-le-pouvoir">démission d’un premier ministre</a>.</p>
<p>Certes, le cardinal chaldéen Louis Raphaël Sako a réussi à organiser une <a href="https://www.lavie.fr/actualite/geopolitique/le-pape-en-irak-rencontrer-le-grand-ayatollah-ali-al-sistani-cest-rencontrer-le-monde-chiite-71757.php">rencontre historique entre le pape et le Grand ayatollah Ali-Al-Sistani</a> dans la ville de Najaf, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/01/22/al-sistani-le-pape-chiite-de-nadjaf_350041_1819218.html">décrite</a> par Pierre-Jean Luizard comme le Vatican chiite. Al-Sistani <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Le-pape-rencontre-layatollah-Sistani-conscience-irakienne-2021-02-27-1201142859">est devenu « la conscience irakienne »</a>, défenseur d’un Irak indépendant des influences étrangères, c’est-à-dire de l’Iran, <a href="https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-2-page-93.htm">dont la présence par milices</a> et partis politiques (Coalition Sairoun et Coalition Al-Fatha) interposés est absolument prégnante.</p>
<p>Al-Sistani est connu pour refuser <a href="https://journals.openedition.org/assr/21941">l’interprétation iranienne du velayat-e-faqhi</a> (littéralement la tutelle des jurisconsultes) et pour défendre une citoyenneté nationale commune transcendant les clivages religieux et ethniques du pays. Mais, même si Al-Sistani ne peut être comparé en rien à <a href="https://www.france24.com/fr/20200212-contestation-en-irak- %C3 %A0-quoi-joue-le-leader-chiite-moqtada-al-sadr">Moqtada Al-Sadr</a>, leader chiite des quartiers pauvres et ancien chef de l’Armée du Madhi, les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/31/en-irak-l-emprise-des-milices-chiites_6064924_3210.html">milices chiites qui se sont formées à son appel contre l’État islamique en 2014</a> poursuivent leur mainmise dans les territoires sunnites, à côté de l’armée irakienne, et en opposition aux autres milices chiites pro-iraniennes également bien présentes, malgré l’assassinat du général iranien Ghassem Soleimani à Bagdad en janvier 2020.</p>
<p>Ces milices entretiennent la peur et la rancœur par leurs méthodes. Elles restent dominantes au cœur du pouvoir irakien où les institutions chiites nationales n’ont jamais eu autant d’influence. Le pouvoir religieux chiite, anti-ou pro-iranien, n’est pas un truchement de la réconciliation en Irak.</p>
<p>Enfin, du côté sunnite, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/impair-les-sunnites-oublies-de-la-visite-du-pape-francois-en-irak">aucune rencontre n’est prévue</a>, alors même que François va rencontrer des représentants kurdes à Erbil et <a href="https://rcf.fr/la-matinale/ur-le-pape-rencontrera-les-minorites-religieuses-heritieres-d-abraham">prier avec des Yézidis, mandéens et Kakaïs à Ur</a>, ville de naissance d'Abraham selon la Bible. Comment comprendre un tel manque, dans cette manœuvre interreligieuse ? Est-ce parce qu’il n’y a aucun responsable sunnite qui soit suffisamment représentatif de la population ? Est-ce parce qu’il n’y a actuellement aucun contact entre dignitaires sunnites, chrétiens et chiites ? Est-ce parce que les personnes pressenties ont décliné la proposition ? Est-ce parce que personne ne veut se rapprocher des sunnites considérés comme infréquentables après le soutien d’une partie d’entre eux à l’État islamique ? En tout cas, cette absence <a href="https://raseef22.net/article/1081783">a été critiquée par le député sunnite de la province de Salâh ad-Dîn</a>, Muthanna al-Samarrai, critique reprise par les médias arabes. Elle risque de réduire à néant les chances de mise en place d’une « coalition » interreligieuse qui plaiderait pour un Irak uni et indépendant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156529/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Blandine Chelini-Pont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La visite du pape François en Irak vise à conforter les derniers chrétiens de ce pays et à contribuer au dialogue inter-religieux. Mais le pape ne rencontrera aucun représentant sunnite…Blandine Chelini-Pont, Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1424242020-09-10T18:39:26Z2020-09-10T18:39:26ZLes yézidis : du trauma au combat politique<p>En août 2014 l’État islamique (EI) a attaqué les yézidis de la région de Sinjar (Irak). Des milliers d’hommes ont été tués, des milliers de femmes et enfants ont été kidnappés et des centaines de milliers de yézidis ont été contraints à l’exil. Les <a href="https://oxfordre.com/religion/view/10.1093/acrefore/9780199340378.001.0001/acrefore-9780199340378-e-254">yézidis</a>, (communauté confessionnelle ou ethno-confessionnelle partagée entre l’Irak, la Syrie, la Turquie et le Caucase) inconnus de l’Occident, ont fait la une des journaux, portant leur attention, dans la très grande majorité des cas, sur les esclaves sexuelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356784/original/file-20200907-16-1e5icxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=696&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition de la population yézidie en Irak et en Syrie.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les yézidis, dans leur malheur, ont incarné pour l’Occident les victimes par excellence de l’EI. Dans un élan de compassion, des actions ont été mises en place par les gouvernements ou par des ONG et associations : programmes d’aide humanitaire, programmes de soutien psychologique pour les femmes ex-captives, procédures d’accueil. La nomination de Nadia Murad ex-captive de l’EI pour le <a href="https://www.lemonde.fr/prix-nobel/article/2018/10/05/nadia-murad-des-chaines-de-l-etat-islamique-au-prix-nobel-de-la-paix_5365315_1772031.html">prix Nobel de la Paix en 2018</a> s’inscrit dans cette suite d’actions.</p>
<h2>Du salon de beauté au prix Nobel pour la paix</h2>
<p>Nadia Murad est une jeune femme d’origine modeste. Son destin bascule le 3 août 2014, lorsque son village – Kocho, au sud des monts Sinjar – est envahi par l’EI. Les assaillants divisent les habitants en plusieurs groupes : les hommes et les personnes âgées sont exécutés et jetés dans des fosses communes ; les femmes et les enfants sont enlevés.</p>
<p>Ces femmes sont par la suite vendues sur des marchés aux esclaves, tandis que les enfants sont enrôlés dans les rangs de l’EI. <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2018/murad/55710-nadia-murad-nobel-lecture-3/">Nadia Murad a alors 21 ans</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Je rêvais de finir mes études secondaires, d’ouvrir un salon de beauté dans notre village et de vivre près de ma famille à Sinjar. Mais ce rêve a tourné au cauchemar. »</p>
</blockquote>
<p>En quelques heures, elle voit périr sa mère et six de ses frères avant d’être emmenée avec deux de ses sœurs à Mossoul. Elle racontera plus tard aux médias occidentaux comment elle fut contrainte à l’esclavage sexuel, comment elle tenta une première fois de s’enfuir, comment elle fut rattrapée et sévèrement punie. Pendant des semaines, elle passa de propriétaire en propriétaire jusqu’au jour où elle parvint à s’échapper. Elle courut alors dans les rues en frappant aux portes jusqu’à ce qu’une famille musulmane sunnite accepte de l’héberger. Celle-ci lui donna les papiers d’identité de leur fille pour qu’elle puisse passer la frontière et rejoindre un camp de réfugiés près de Dohuk au Kurdistan irakien.</p>
<p>Sous un prénom d’emprunt, Nadia Murad réalisa un <a href="https://www.lalibre.be/international/la-sixieme-nuit-j-ai-ete-violee-par-tous-les-gardes-salman-a-dit-elle-est-a-vous-maintenant-54e9fd2a35701001a1dfe527">premier témoignage</a> en février 2015, publié dans le journal <em>La Libre Belgique</em>. En septembre 2015, l’ONG américaine Yazda l’aida à rejoindre sa sœur en Allemagne. L’association avait été fondée un an plus tôt par des yézidis vivant aux États-Unis pour porter assistance aux yézidis de la région de Sinjar.</p>
<p>Elle sut mettre à profit pour Nadia Murad et d’autres femmes dans la même situation une politique de quotas que le gouvernement du Baden-Württemberg venait d’adopter. Le sort de Nadia, parvenue en Allemagne, attira l’attention de l’avocate <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2019/02/10/le-combat-damal-clooney-en-faveur-des-yezidis/">Amal Clooney</a>, spécialiste du droit international. Par son entremise, Nadia Murad est amenée à témoigner devant le Conseil de sécurité des Nations unies. À la suite de cette intervention, le Conseil s’engage à aider l’Irak à réunir les preuves des crimes commis contre les yézidis. La jeune femme est nommée en 2016 « Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour la dignité des survivants de la traite des êtres humains ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/T3k5cO6qA2w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Alexandria Bombach,On her shoulders, Los Angeles, RYOT Films, 95 min, 2018.</span></figcaption>
</figure>
<p>La même année, elle reçoit le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit avec Lamia Haji Bachar, autre rescapée de l’EI, et le prix des droits de l’homme Václav-Havel. En 2018, elle reçoit le prix Nobel de la paix, partagé avec Denis Mukwege. Nadia Murad est l’auteur <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/pour-que-je-sois-la-derniere-9782213705545">d’un récit</a> sur son calvaire paru en 2018. Un film documentaire lui a également été consacré, ainsi que de nombreux articles de journaux dans la presse internationale.</p>
<h2>Des victimes exemplaires</h2>
<p>Depuis 2014, les médias occidentaux ont porté à maintes reprises leur attention sur le sort des yézidis, et en particulier sur celui des esclaves sexuelles. Les femmes interviewées sont questionnées sur les violences personnelles qu’elles ont subies. Le portrait de ces femmes est celui de victimes exemplaires ayant enduré les pires supplices tout en conservant leur foi. Dans une époque que Didier Fassin et Richard Rechtman décrivent comme un <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/l-empire-du-traumatisme">« empire du traumatisme »</a>, les esclaves sexuelles ont ému l’Occident et semblent avoir gagné, par leur histoire personnelle traumatique, le statut de « victimes légitimes ».</p>
<p>Leur trauma n’est plus considéré comme une simple condition psychique qui les affecte et leur confère une communauté de destins. Il acquiert, continuent les auteurs, une « légitimité » morale en vertu de laquelle est établie la justesse de leurs plaintes.</p>
<p>Nadia Murad est ainsi devenue, contre toute attente, la porte-parole principale des yézidis, rompant avec les règles strictes qui dominent la communauté yézidie, régie par un système de groupes endogames, héréditaires et strictement hiérarchisés.</p>
<h2>Un court-circuit des autorités traditionnelles</h2>
<p>Traditionnellement, les porte-paroles des yézidis sont le <em>mîr</em>, chef spirituel des yézidis (dont le statut est héréditaire), et le conseil spirituel dirigé par le <em>baba cheikh</em> et constitué d’hommes issus de <a href="https://books.google.fr/books/about/Yezidism_its_Background_Observances_and.html?id=OTQqAQAAMAAJ&redir_esc=y">lignages religieux</a>.</p>
<p>Nadia Murad est une femme, jeune, d’un lignage de disciples (<em>mirîd</em>). Rien ne la prédestinait à devenir ambassadrice de son groupe. Au regard des règles en vigueur dans la communauté, Nadia Murad aurait même dû être excommuniée pour avoir eu des relations sexuelles avec des non-yézidis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux chefs religieux yezidis" src="https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356941/original/file-20200908-18-ise3nc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mîr Tahsin Saied Beg (à gauche) avec le baba cheikh Khurto Hajji Ismail, chefs religieux des Yezidis d’Iraq.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jesidische_Geistliche.jpeg">Shalwol/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette règle était appliquée jusqu’en 2014 de manière stricte. Cependant, au vu du nombre des viols – des femmes ont été kidnappées dans la quasi-totalité des familles de la région de Sinjar –, le <em>mîr</em> a déclaré que les femmes réduites en esclavage par l’EI pourraient effectuer un « baptême de réintégration » au temple de Lalesh.</p>
<h2>« Redevenir » yézidies</h2>
<p>Situé dans les montagnes du Kurdistan irakien, ce temple constitue le lieu de pèlerinage principal des yézidis. Le rituel, qui inclut des ablutions avec l’eau de la source sacrée (<em>kaniya spî</em>), fut inventé pour ce cas spécifique et a permis aux anciennes captives de « redevenir » yézidies.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Temple yezidi de Lalish" src="https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354572/original/file-20200825-14-rt5o29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Temple de Lalish ou Lalesh, dans les montagnes du Kurdistan irakien.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lalesh#/media/Fichier:Lalish.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les dispositifs médico-sociaux mis en place en Occident à leur égard et l’attention médiatique qu’elles ont reçue ont certainement également contribué à leur préserver une place au sein de la communauté.</p>
<p>Mes interlocuteurs yézidis apprécient Nadia Murad. Ils la suivent sur Facebook et postent des commentaires en pluies de cœurs à chacune de ses actions. Ils admirent son courage pour parler de choses si intimes en public et son combat pour la cause de leur communauté. C’est surtout le cas des plus jeunes d’entre eux : les personnes âgées sont parfois plus réservées. D’après Rehan, une yézidie de 18 ans originaire de Sinjar, réfugiée dans la Drôme :</p>
<blockquote>
<p>« les vieux pensent à l’honneur (namûs) et à la honte (șerm) et ils n’aiment pas qu’on parle trop de Nadia ».</p>
</blockquote>
<p>La publicité internationale autour de l’esclavagisme sexuel pratiqué par l’EI a souligné l’incapacité des hommes yézidis à défendre l’honneur de leurs femmes.</p>
<p>Lors de la commémoration du génocide de Sinjar organisée le 3 août 2019 à Sarcelles par l’ONG Voice of Ezidis, Diler, 25 ans, originaire de Sinjar et réfugié à Soissons, <a href="https://www.rfi.fr/en/france/20190805-yazidi-genocide-commemoration-france-islamic-state-iraq">confiait à une journaliste de RFI</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Quand ta sœur est kidnappée et utilisée comme esclave sexuelle et que tu réalises que tu ne peux rien faire, alors tu perds ta dignité et ton respect. »</p>
</blockquote>
<p>Ce genre de témoignage est en fait peu courant dans les médias, où les paroles d’hommes, d’enfants et de personnes âgées sont rares. Les voix qui s’éloignent du stéréotype narratif sur les yézidis – les femmes captives et la narration victimaire qui y est associée – s’expriment surtout dans les discussions intracommunautaires, mais restent sous-représentées dans les médias.</p>
<h2>« Le visage du génocide »</h2>
<p>Aujourd’hui, Nadia Murad est peu ou prou la seule personne yézidie connue internationalement. Sa visibilité et sa légitimité sont le fruit d’un travail complexe mené largement en dehors de sa communauté d’origine.</p>
<p>L’Américaine Elizabeth Schaeffer-Brown fut l’une des personnes impliquées dans ce processus. En tant que cofondatrice d’une société de conseil et de relations publiques aux États-Unis, <a href="https://www.latimes.com/opinion/story/2019-10-10/yazidi-nobel-peace-prize-nadia-murad">elle prit en charge</a> la campagne de promotion de Nadia Murad :</p>
<blockquote>
<p>« C’était mon travail de persuader l’élite sociale, économique et politique que soutenir Nadia et les yézidis leur permettrait de se présenter au monde comme vertueux. Notre petite équipe avait travaillé à faire augmenter la valeur (value) de Nadia […] en faisant d’elle le visage du génocide. Quand Nadia a gagné le prix Nobel, elle est devenue une marque (<em>a brand</em>), une célébrité. Les pays, les millionnaires et les ONG ont payé cher la fondation Nadia’s Initiative pour que Nadia vienne leur parler. »</p>
</blockquote>
<p>Ce travail parfaitement ciblé et informé permit à la narration victimaire de Nadia Murad de se transformer en un combat politique. Nadia Murad demande aujourd’hui une réparation collective : la reconnaissance du crime de génocide commis par l’EI à Sinjar et le jugement des coupables par une cour internationale.</p>
<h2>Impact concret</h2>
<p>En incarnant les victimes de l’EI et en leur donnant voix, Nadia Murad occupe une place stratégique au croisement des intérêts des yézidis et de ceux de la communauté internationale. Érigée en victime exemplaire, elle a désormais accès aux plus hautes instances diplomatiques et politiques (ONU, gouvernements, G10, etc.).</p>
<p>Ceci lui permet de demander, voire de « proposer », d’égal à égal. À la suite, par exemple, de l’entretien qu’elle eut avec le président français Emmanuel Macron en 2018, un <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/10/26/communique-entretien-du-president-de-la-republique-avec-mme-nadia-murad-prix-nobel-de-la-paix-201">communiqué de l’Élysée annonçait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« en réponse à la proposition de Nadia Murad, la France accueillerait 100 femmes yézidies victimes de l’EI, libérées mais actuellement bloquées et sans soins dans les camps de réfugiés du Kurdistan irakien ».</p>
</blockquote>
<p>Une telle communication montre à la fois la force et les limites de l’action d’une victime diplomate. Sa « proposition », telle qu’elle est entendue et représentée par la diplomatie française, ne semble porter que sur les femmes.</p>
<h2>Les limites de l’approche victimaire</h2>
<p>Dans les faits, la France a également accueilli leurs enfants, et parfois leur mari lorsque celui-ci était encore en vie (près de 500 personnes en tout). Mais dans le contexte émotionnel induit par la figure de Nadia Murad, les victimes à secourir n’étaient pas ces familles yézidies vivant dans la détresse. L’aide mise en place ne devait concerner spécifiquement que les femmes qui ouvraient l’accès au droit d’asile pour les autres survivants, comme si la cause des yézidis en tant que communauté était subordonnée à celle des femmes en tant que genre opprimé.</p>
<p>Le rôle politique d’une victime exemplaire est également limité par le principe même de sa légitimité : son statut lui permet de dénoncer et de demander réparation, mais pas de prendre part aux choix concrets qui affectent la politique régionale, ni même de promouvoir auprès de son auditoire international les particularités culturelles de sa communauté d’origine.</p>
<p>Ainsi, alors que différents groupes politiques pourraient soutenir un projet de reconstruction de la région de Sinjar (prokurde ou pro-Irak par exemple), Nadia Murad ne se prononce pour aucune d’entre elles. Elle ne parle jamais des spécificités de la communauté yézidie comme l’obligation d’endogamie ou l’organisation en castes hiérarchisées.</p>
<h2>Un diplomatie par l’émotion</h2>
<p>Nadia Murad incarne ainsi parfaitement la barbarie de l’État islamique et justifie le combat à l’encontre de cette idéologie. Mais elle ne porte, elle-même, aucune autre cause si ce n’est celle fort générale de la justice et des droits de l’Homme. Pour les yézidis eux-mêmes, elle n’est qu’une des nombreuses victimes exemplaires dont ils gardent la mémoire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356918/original/file-20200908-18-1mjk3kw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des bougies sont allumées sur la stèle en hommage aux victimes de Sinjar le 3 août 2020 à Sarcelles (commémoration organisée par les associations « Voice of Ezidis » et « Union des Yezidis de France »).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Amy de la Bretèque</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Davantage que les méfaits d’un système de pensée totalitaire et extrémiste, ces figures incarnent l’un des rares points de consensus au sein de la communauté et dans ses relations avec les sociétés environnantes. Le massacre de Sinjar n’est en effet pas le premier dont les yézidis furent victimes. Dans le calendrier yézidi, Sinjar est le 74ème massacre (<em>ferman</em>). Pour ne citer que les deux précédents <em>ferman</em>, le 73ème, en 2007, est l’explosion de deux voitures piégées dans la région de Sinjar (à Qahtaniya et Siba Cheikh Khidir) qui a fait plus de 500 victimes. Le 72ème <em>ferman</em> était le génocide arménien de 1915-16 au cours duquel de nombreux yézidis ont aussi été tués.</p>
<p>La mémoire des persécutions fait émerger une diplomatie par l’émotion qui constitue aujourd’hui le cadre dans lequel les yézidis peuvent faire entendre leur voix et espérer agir en tant que minorité dans l’arène internationale.</p>
<hr>
<p><em>Billet publié en collaboration avec le <a href="http://blogterrain.hypotheses.org/">blog de la revue Terrain</a>. Dans le numéro 73, <a href="https://journals.openedition.org/terrain/19542">« Homo diplomaticus »</a>, Terrain s’écarte de la diplomatie traditionnelle pour observer des pratiques émergentes, ou non occidentales, en prêtant une attention spéciale aux adaptations et aux inventions des vaincus</em>.</p>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Estelle Amy de la Bretèque remercie le Cpa-Ethnopôle « Migrations frontières, mémoires » de Valence pour son soutien logistique lors de ses recherches de terrain auprès des Yézidis de la Drôme.</span></em></p>Victimes par excellence de l’État Islamique, les yezidis sont aujourd’hui représentés par Nadia Murad, figure de la scène internationale qui rompt pourtant avec les traditions de sa communauté.Estelle Amy de la Bretèque, Anthropologue, Ethnomusicologue, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1061202018-12-06T20:52:03Z2018-12-06T20:52:03ZLe Canada doit engager des poursuites judiciaires contre les combattants de l’EI qui rentrent au pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249354/original/file-20181206-128205-17bsnj1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nadia Murad, co-récipiendaire du Prix Nobel de la Paix 2018, lors de la conférence de presse du National Press Club de Washington, D.C., le 8 octobre 2018. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photos)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.nationalgeographic.fr/actualites/nadia-murad-ancienne-esclave-sexuelle-de-daesh-se-livre-dans-un-entretien-exclusif">La championne des droits de la personne Nadia Murad</a> s’est récemment vu nommer colauréate du prix Nobel de la paix. </p>
<p>En août 2014, le village de Mme Murad, dans le nord de l’Irak, a été attaqué par l’État islamique en Irak et en Syrie (EIIS, ou EI), et elle a été vendue comme esclave sexuelle.</p>
<p>Elle a réussi à s’échapper, a demandé l’asile en Allemagne en 2015, et se bat depuis pour les droits de la minorité yézidi. Au moment de recevoir son prix Nobel, <a href="https://www.reuters.com/article/us-nobel-prize-peace-murad-statement/yazidi-activist-nadia-murad-on-receiving-the-nobel-peace-prize-idUSKCN1MF1XE">elle déclarait :</a> </p>
<blockquote>
<p>« Nous devons travailler ensemble avec détermination – non seulement pour que les campagnes de génocide échouent, mais pour que les responsables soient reconnus coupables de leurs actions. Les survivants méritent que justice soit faite. Et un chemin sûr pour rentrer chez eux. »</p>
</blockquote>
<p>L’imputabilité est devenue un enjeu clé. Si la coalition internationale dirigée par les États-Unis a délogé l’EI des villes qu’il avait occupées et contrôlées, <a href="https://www.nytimes.com/2017/10/17/world/middleeast/isis-syria-raqqa.html">à savoir Mossoul et Raqqa</a>, le groupe est affaibli, mais il n’est pas mort. </p>
<h2>L’EI demeure une force au Moyen-Orient</h2>
<p>Le Département américain de la défense et les Nations Unies estiment <a href="https://www.france24.com/en/20180823-counting-islamic-state-members-impossible-task">qu’il reste environ 30 000 combattants de l’EI</a> dans ces pays.</p>
<p>Pendant ce temps, un nombre important de combattants étrangers originaires de pays comme le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie ont fui l’Irak et la Syrie. De nombreux pays ont du mal <a href="https://www.nytimes.com/2017/02/13/world/australia/citizenship-isis-khaled-sharrouf.html">à trouver des solutions politiques</a> sur la manière de gérer le retour de leurs ressortissants qui ont rejoint le groupe. </p>
<p>Le gouvernement canadien a déclaré publiquement <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/hamilton-trudeau-town-hall-1.4481025">qu’il était favorable à une approche globale</a> de la réintégration des rapatriés dans la société. Or, très peu de combattants étrangers revenus au Canada ont été poursuivis.</p>
<p>Les choses sont sur le point de devenir beaucoup plus compliquées pour les fonctionnaires à Ottawa. Le journaliste Stewart Bell, de Global News, était récemment en reportage dans le nord de la Syrie. <a href="https://globalnews.ca/news/4526514/canadian-isis-caught-in-turkey/">Il a interviewé </a> Muhammad Ali, membre canadien de l’EI détenu par les forces kurdes dans une prison improvisée.</p>
<p>Ali admet avoir rejoint l'EI, servi de tireur d’élite et joué au foot avec des têtes coupées. Il a également utilisé les réseaux sociaux pour inciter d’autres personnes à commettre des attaques violentes contre des civils ainsi que pour recruter de nouveaux membres.</p>
<p>Un autre membre présumé de l’EI, <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/oct/06/suspected-british-isis-fighter-could-face-repatriation-to-canada">Jack Letts</a>, détenant la double nationalité canado-britannique, est également enfermé dans le nord de la Syrie. Les mêmes forces kurdes insistent pour que le gouvernement du Canada rapatrie tous les citoyens canadiens capturés au champ de bataille.</p>
<h2>Tolérance à l’égard de la terreur ou islamophobie?</h2>
<p>La question de savoir comment gérer le retour des combattants étrangers a donné lieu à des débats hautement politiques à Ottawa, faisant ressortir de <a href="https://www.ctvnews.ca/politics/plan-to-deal-with-returning-isis-fighters-sparks-fiery-exchange-between-scheer-pm-1.3698183">fortes différences partisanes</a> quant aux choix politiques et aux stratégies visant à assurer la sécurité des Canadiens. </p>
<p>Le gouvernement libéral a été accusé de faire preuve de mollesse à l’égard du terrorisme et de la sécurité nationale, tandis que l’opposition conservatrice a été accusée de « semer la peur » et de « nourrir l’islamophobie » pour avoir réclamé une approche plus sévère consistant à poursuivre les rapatriés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241122/original/file-20181017-41140-4wn6sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un membre des Assayech, forces de sécurité kurdes, montrant à un journaliste l’intérieur d’une maison de combattants de l’EI en février 2017, à Bashiqa, en Irak. La ville du district de Mossoul a été libérée en novembre 2016, après avoir passé deux ans sous le contrôle de l’EI.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Presse Canadienne/Ryan Remiorz</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais le point le plus important est que le Canada a l’obligation morale et légale de demander justice et de défendre les droits de la personne les plus fondamentaux des populations vulnérables.</p>
<p>L’EI et d’autres groupes djihadistes se sont livrés à des atrocités de masse systématiques contre les minorités en Irak et en Syrie, y compris les chrétiens et les chiites. L’EI a manifesté un mépris particulier pour <a href="https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/CoISyria/A_HRC_32_CRP.2_en.pdf">la minorité yézidi en Irak</a>. Le gouvernement canadien <a href="http://natoassociation.ca/canadian-government-acknowledges-isis-genocide-against-the-yazidis-now-what/">a reconnu les crimes du groupe contre les yézidis </a> comme un génocide. </p>
<p>En tant qu’État signataire du <a href="https://www.icc-cpi.int/nr/rdonlyres/ea9aeff7-5752-4f84-be94-0a655eb30e16/0/rome_statute_english.pdf">Statut de Rome</a> de la Cour pénale internationale et de <a href="https://www.ohchr.org/en/professionalinterest/pages/crimeofgenocide.aspx">la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,</a> le Canada a la responsabilité de faire respecter ces conventions juridiques internationales lorsqu’il élabore des réponses politiques relatives au retour des combattants étrangers.</p>
<h2>Les poursuites peuvent avoir un effet dissuasif</h2>
<p>Le Canada a la possibilité de poursuivre ses ressortissants devant les tribunaux nationaux au moyen de la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-45.9/">Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre</a>.</p>
<p>Les procès publics peuvent servir à mettre à nu le mythe de l'EI et à aider à lutter contre l’extrémisme violent et les atrocités futures.</p>
<p>Ils peuvent également avoir un effet dissuasif et avertir les Canadiens qui pourraient essayer de se joindre à l’EI au cours de sa mutation et de son déplacement dans d’autres pays du monde comme la Libye, l’Afghanistan, l’Égypte, les Philippines, le Pakistan ou le Mali, où les Casques bleus canadiens viennent d’être déployés.</p>
<p>Si le Canada défend véritablement le multiculturalisme, le pluralisme, la primauté du droit, la justice dans le monde, les droits de la personne et l’ordre international libéral, nous devons faire preuve de fermeté et adopter une position de principe pour poursuivre ceux qui se sont battus avec l’EI. Cela inclut nos propres citoyens. Nadia Murad serait sans doute d’accord.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106120/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kyle Matthews est membre de l'Institut canadien des affaires mondiales.</span></em></p>Si le Canada prend vraiment au sérieux les règles de justice internationale, les droits de la personne et l'ordre international, il doit poursuivre en justice ses citoyens qui ont combattu pour l'EI.Kyle Matthews, Executive Director, The Montréal Institute for Genocide and Human Rights Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/947732018-04-19T21:06:23Z2018-04-19T21:06:23ZQuel avenir pour les femmes kurdes d’Irak et de Syrie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215629/original/file-20180419-163978-1l8os9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C6%2C1341%2C988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes kurdes ont été à la fois actrices et enjeux du conflit contre Daech. À quel prix? (photos issues du compte flickr du mouvement de guérilla kurde).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kurdishstruggle/26009321417/">Kurdish YPG Fighters/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’opération militaire « Rameau d’olivier », relativement mal-nommée, débutée le 20 janvier contre l’enclave kurde d’Afrine dans le Nord-ouest syrien, <a href="https://www.slate.fr/story/159940/kurdistan-syrie-peur-ankara-turquie">a été menée d’une main de fer</a> par le gouvernement turc, qui vise ainsi à détruire les fondements d’un gouvernement autonome kurde dans la région.</p>
<p>Tandis que la France, au risque d’énerver Ankara, a récemment <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/guerre-en-syrie/20180330.OBS4401/la-france-va-t-elle-envoyer-des-soldats-pour-aider-les-kurdes-en-syrie.html">réitéré son soutien aux Kurdes de Syrie</a>, alliés précieux de la coalition dans la lutte contre Daech, le projet d’autonomie kurde lui pourrait vivre ses derniers instants. Et avec ce projet, celui de l’autonomie et montée en puissance des femmes kurdes, à la fois actrices et enjeux médiatiques de cette tragédie géopolitique.</p>
<h2>Un partage inique</h2>
<p>La région kurde de l’Irak est la seule qui jusqu’à présent a bénéficié d’une autonomie <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2015-1-page-21.htm">reconnue par l’État central</a> (constitution irakienne de 2005), créant un précédent.</p>
<p>Cette région est l’aboutissement d’un partage territorial, initié par la France et la Grande-Bretagne au Moyen-Orient à la fin de la Première Guerre mondiale. Ces pays ont divisé le territoire kurde entre quatre états : l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215625/original/file-20180419-164001-1o7cxih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de la répartition de la population kurde en 2003. D’après David McDowall, <em>A Modern History of the Kurds</em>, 2003, dans « Afrique et mondialisation », MOOC, Sciences Po.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cartotheque.sciences-po.fr/media/Population_kurde_au_Moyen-Orient/2805/">FNSP. Sciences Po -- Atelier de cartographie</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les populations kurdes y ont subi <a href="https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/en/document/dersim-massacre-1937-1938">depuis lors des persécutions</a>, des déportations, des massacres, le <a href="https://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_1997_num_15_1_1791">déni de leur existence</a> en tant que peuple et des actes de génocide).</p>
<p><a href="https://archive.org/details/TheKurdsAndKurdistanASelectiveAndAnnotatedBibliographyBibliographiesAndIndexesInWorldHistory">Sa population</a> se compose principalement de Kurdes sunnites mais comprend également des minorités ethniques telles que des Turcomans et des Arabes ainsi que des minorités religieuses de confessions yézidie et de diverses confessions chrétiennes.</p>
<h2>Une longue histoire de résistance</h2>
<p>La société kurde irakienne a été l’objet d’une occupation prolongée, a subi le joug d’une dictature sanguinaire et a traversé les affres de plusieurs guerres mettant en jeu à la fois l’Irak et le Kurdistan : une guerre contre l’Iran, deux guerres du Golfe, un génocide, une guerre civile parmi les Kurdes eux-mêmes.</p>
<p>De 2004 à 2014, le Kurdistan a joui d’une paix retrouvée qui lui permettait d’entamer une reconstruction grâce à son statut de région autonome, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Toutefois, en 2014, le Kurdistan a du s’engager dans une <a href="http://www.liberation.fr/debats/2015/12/08/la-question-kurde-a-l-heure-de-Daech_1419266">guerre contre Daech</a> qui s’apprêtait à envahir le Kurdistan, ayant au préalable prononcé les Kurdes apostats, c’est-à-dire destinés à être exécutés. Aujourd’hui, les tensions intestines et l’hostilité manifeste du gouvernement irakien menacent les progrès en cours dans la société kurde.</p>
<p>Face aux multiples tentatives visant à les mettre en échec ou les annihiler, la société et la culture kurde se distinguent par une <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/La-longue-histoire-de-la-question-kurde-2014-10-26-1227315">longue histoire de résistance</a>, dans laquelle es femmes kurdes sont à la fois actrices et enjeu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215626/original/file-20180419-163971-47io2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Les Filles du soleil</em>, film d’Eva Husson en lice à Cannes en 2018 raconte la vie de ces combattantes kurdes, avec l’actrice iranienne Golshifteh Farahani.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-253969/photos/detail/?cmediafile=21498438">Wild Bunch</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un projet de société féministe</h2>
<p>Les femmes ont été partie prenante de la lutte pour <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13642987.2016.1192535">défendre les droits des kurdes</a>.</p>
<p>Elles s’associent à un projet résolument national porté par la vaste majorité des Kurdes irakiens, comme en témoigne le <a href="https://theconversation.com/au-kurdistan-irakien-une-nouvelle-etape-sur-le-chemin-de-lindependance-84651">résultat du référendum du 25 septembre 2017</a>, se prononçant à 92,7 % en faveur de l’indépendance. Cependant, les femmes proposent aussi un récit national prenant en compte leurs revendications propres et se sont mobilisées pour contribuer à l’élaboration d’un projet de société qui intègre pleinement les droits de femmes.</p>
<p>En effet, bien qu’ils soient traversés par des tensions, <a href="https://warwick.ac.uk/fac/soc/pais/people/pratt/publications/mjcc_004_03_06_al-ali_and_pratt.pdf">nationalisme et féminisme</a> ne sont pas nécessairement incompatibles. Les femmes kurdes se sont investies dans une contestation du modèle patriarcal porteur de traditions et de normes qui leur assignent des rôles sociaux contraignants et selon lesquels elles sont le dépositaire de l’honneur familial et communautaire.</p>
<p>Un modèle que l’islam traditionnel ne fait que renforcer. La société kurde en pleine transformation post-2003 a présenté aux femmes des opportunités nouvelles dont elles se sont saisies pour accroître leur capacité d’action et leur participation politique, civique et sociétale.</p>
<p>Elles se sont appuyées sur le discours des partis politiques qui vantent modernisme et égalité entre les femmes et les hommes, mais elles doivent aussi combattre les influences traditionnelles auxquels les partis sont sensibles dans leurs visées électorales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215627/original/file-20180419-163962-1d6oidv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Drapeau kurde. Le projet national kurde propose d’impliquer les femmes à tous les niveaux de la société.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kurdishstruggle/15481588504/">Kurdish Army/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous les partis intègrent la participation des femmes dans un projet national : les partis politiques laïcs qui dominent la scène et les partis islamiques qui recueillent 17 % des votes. Ces derniers incorporent les femmes tout en proposant des normes conformes à leur interprétation de la chariah, dont certaines femmes se réclament, mais que la majorité d’entre elles perçoit comme une entrave à l’égalité de genre.</p>
<h2>Activisme institutionnel</h2>
<p>Les femmes kurdes poursuivent leur action jusqu’au sein du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) dans un parlement qui leur réserve 30 % des sièges. La mise en place par le GRK <a href="https://www.humanite.fr/kurdistan-nous-inventons-de-nouvelles-formes-de-democratie-558404">d’institutions et de libertés démocratiques</a> ont facilité l’expansion de l’activisme féminin. Notamment, des médias indépendants ainsi que des ONG et des associations ont ouvert de nouvelles avenues de participation aux femmes, des sphères d’action qu’elles tendent à privilégier. Les femmes kurdes proposent un projet sociétal qui démarque la société kurde de son homologue arabe irakien et célèbrent l’autonomie du Kurdistan en promouvant les droits des femmes ainsi que des normes différentes pour les relations de genre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215632/original/file-20180419-163995-qw79kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jeunes Kurdes en mission à Afrin, février 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kurdishstruggle/40025918072/">Kurdish YPG Fighters</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, la <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2011/07/26/kurdistan-irakien-la-loi-interdisant-les-mutilations-genitales-feminines-constitue">loi de 2011</a> contre les mutilations génitales féminines a démontré cette volonté de combattre la violence contre les femmes et a été emblématique de cette autodéfinition kurde.</p>
<p>Cette loi a été le fruit de larges mobilisations dont les femmes ont été la cheville ouvrière et sanctionne un spectre très vaste de violences faites aux femmes, tels que les mariages forcés, les divorces forcés/répudiations, les entraves à l’emploi par le chef de famille, le droit du chef de famille d’infliger un châtiment corporel, l’excision, les crimes d’honneur, le viol et même le viol conjugal.</p>
<h2>Une radicalité progressiste</h2>
<p>Ces dispositions législatives se caractérisent par leur radicalité, les plus avancées dans le monde arabo-musulman sur le thème de la violence contre les femmes. La loi sur le statut personnel, quant à elle, a considérablement restreint les possibilités de polygamie – sans l’interdire toutefois – et a octroyé aux femmes des droits en ce qui concerne la garde des enfants et le témoignage en justice.</p>
<p>La région autonome se différencie clairement de l’Irak par ces dispositions législatives alors que la <a href="http://www.europe1.fr/emissions/le-journal-du-monde/irak-ce-projet-de-loi-qui-inquiete-les-femmes-3493700">loi irakienne</a> continue d’accorder des circonstances atténuantes aux coupables de crimes d’honneur (des peines très réduites), octroie au chef de famille le droit d’infliger des châtiments corporels et remet entre les mains des communautés religieuses la régulation du statut personnel.</p>
<p>La mobilisation des femmes kurdes, et par extension, la société kurde, marque une exception dans un Moyen-Orient patriarcal où la tradition de la supériorité de l’homme constitue le principe générateur et régulateur des relations de pouvoir et des modes d’action.</p>
<p>Or, aujourd’hui, les retombées de la guerre contre Daech en Irak et au Kurdistan, les interventions militaires turques, doublées d’une crise politique et économique, enrayent les progrès à venir sur les droits des femmes dans le projet national, et, de fait, la possibilité d’un projet démocratique progressiste unique en son genre dans la région.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194148/original/file-20171110-29364-1vw6o0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié en collaboration avec le numéro 38 de Fellows publié par RFIEA, intitulé <a href="http://fellows.rfiea.fr/dossier/minorites-religions-genre-dans-la-construction-de-l-etat">Minorités, religions, genre dans la construction de l’État</a>. Le réseau des quatre instituts d’études avancées a accueilli plus de 500 chercheurs du monde entier depuis 2007. Découvrez leurs productions sur le site <a href="http://fellows.rfiea.fr/">Fellows</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Danièle Joly est également membre du Panel et Plateforme Sortie de la Violence (FMSH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adel Bakawan est directeur Général du Kurdistan Centre for Sociology (KCS), Soran University.</span></em></p>La fin du projet d’autonomie kurde emportera-t-elle avec elle l’avenir des femmes kurdes, à la fois actrices et enjeux médiatiques de la géopolitique syro-irakienne ?Danièle Joly, Sociologue, professeure émérite, Université de Warwick, Fellows 2011-IEA de Paris, Institut d'études avancées de Paris (IEA) – RFIEAAdel Bakawan, Sociologue, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/938352018-04-17T20:27:51Z2018-04-17T20:27:51ZLes minorités musulmanes et issues de l’islam : histoire d’une non-reconnaissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215051/original/file-20180416-584-5rqoox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C4%2C2686%2C1456&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tableau de Jean-Baptiste Huysmans représentant le chef algérien l'émir Abd-el-Kader, protégeant les chrétiens à Damas en 1860, lors des massacres commis par les Druzes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/92/Jean-Baptiste_Huysmans_1.jpg">Gros et Delettrez, catalogue de vente publique Orientalisme et Art islamique,/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p><em>Pierre-Jean Luizard est intervenant au <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/recherche/liberte-de-religion-et-de-conviction-en-mediterranee-les-nouveaux-defis">séminaire «Liberté de religion et de conviction en Méditerranée : les nouveaux défis»</a> du Collège des Bernardins.</em></p>
<p>« L’islam est la religion de l’État »… Telle une litanie, on retrouve l’expression dans toutes les Constitutions arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, Jordanie, Yémen, Oman, Émirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït) et en Iran. Là où il n’y a pas de Constitution (Arabie saoudite), la religion musulmane est la seule autorisée. Ensuite vient s’ajouter la référence à la <em>sharî’a</em> et le degré plus ou moins grand où les lois doivent s’inspirer de celle-ci, ce qui aboutit à des formulations diverses. </p>
<p>Gouverner au nom d’Allah a pris bien des aspects différents. La Syrie risque cette affirmation: « La religion du président de la République est l’islam. » Le Liban vit, depuis sa création en 1920, les affres du confessionnalisme politique qui instaure des quotas pour chacune des 18 confessions reconnues en 1943. </p>
<p>Seule la Turquie ne fait pas référence à la religion dans ses textes constitutionnels. La laïcité est, en revanche, explicitement nommée comme fondatrice de l’État-nation turc. Mais il ne s’agit aucunement d’une laïcité de séparation, l’État contrôlant l’islam à travers la présidence des Affaires religieuses (<em>Diyanet</em>). La reconnaissance officielle des confessions non musulmanes en Turquie (chrétiennes et juives) s’inspire finalement du droit musulman et du système ottoman des millets qui leur octroie une relative autonomie interne. </p>
<p>En revanche, les sectes issues de l’islam ne jouissent d’aucune reconnaissance et n’ont donc pas d’existence légale, à l’image des alévis. Quant aux chiites duodécimains, sans être officiellement reconnus, ils bénéficient d’une tolérance qui se mesure à l’aune des relations avec l’Iran voisin. Istanbul a en effet la tradition d’accueillir les opposants iraniens au pouvoir en place à Téhéran.</p>
<p>C’est donc l’absence de séparation entre religion et État qui domine dans le monde arabe, en Iran et en Turquie, qu’on soit en contexte officiel musulman ou laïque.</p>
<h2>Une source supplémentaire de conflits</h2>
<p>Dans un tel contexte, le sort des minorités musulmanes ou issues de l’islam – 42 millions de croyants dans le monde (ibadites, alaouites, druzes, alévis, yézidis, bahaïs, ahmadis, etc) – ajoute une source de conflits à celui généré par des États à la légitimité souvent fragile, notamment en ce qui concerne les États arabes.</p>
<p>L’histoire des statuts des minorités chiites (zaydites, ismaéliennes) et sunnites (en pays chiites) est également questionnée. On va de la non-reconnaissance officielle (sunnites/chiites) à l’anathème (yézidis, bahaïs, ahmadis), en passant par différents degrés de rejet. Les gouvernements s’inspirent pour cela de la position des autorités religieuses du pays où elles sont majoritaires. La question du pluralisme interne à l’islam, centrale dans les conflits en cours, est ainsi posée. Quant aux athées, qui n’ont aucune visibilité sociale, ils se heurtent souvent à des lois qui les obligent à se cacher.</p>
<p>C’est un islam fortement influencé par le réformisme musulman qui s’est imposé. Il inspire tous les acteurs religieux et politiques et peut être considéré comme une idéologie dominante. Plusieurs cas de figure se présentent selon les pays et les minorités en question :</p>
<ul>
<li><p>La reconnaissance officielle, comme c’est le cas pour les yézidis en Irak depuis 2005, des sunnites, des chiites et des druzes au Liban.</p></li>
<li><p>La non-reconnaissance officielle : l’exemple des relations sunnites-chiites-ibadites.</p></li>
<li><p>La non-reconnaissance des minorités se réclamant, malgré des divergences internes, de l’islam (alaouites, alévis, druzes). A l’exception du Liban pour les druzes.</p></li>
<li><p>Les anathèmes sur les sectes accusées d’être « hérétiques » et sorties de l’islam (bahaïs, ahmadis, yézidis).</p></li>
</ul>
<p>Il convient de rappeler brièvement la situation des communautés les plus engagées dans des conflits.</p>
<h2>Les alaouites</h2>
<p>Les alaouites (1,8 million, entre 10 et 12% de la population syrienne) ont des croyances et des pratiques hétéroclites : mélange de conceptions chiites ismaéliennes, mésopotamiennes antiques et chrétiennes. Les alaouites n’ont aucun rituel musulman, mais ils se conforment au rite dominant pour se protéger. Ils vivent dans le Jabal Ansâriyye et le long du littoral méditerranéen en Syrie, mais aussi au Liban et dans le Hatay aujourd’hui turc (sandjak d’Alexandrette). Ils sont péjorativement appelés nusayris (de Nusayr, mort en 880). </p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215043/original/file-20180416-105522-v8ycsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bachar al-Assad, le président syrien, lors d'une visite au Brésil en 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bashar_al-Assad.jpg">Fabio Rodrigues Pozzebom / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mandat français les a reconnus pour la première fois à travers un État (ou Territoire) des Alaouites (1920-1936). Depuis le début du XXème siècle, un rapprochement avec les chiites duodécimains s’est amorcé à l’initiative d’ulémas chiites libanais. La victoire de la République islamique en Iran a encore accéléré ce rapprochement. </p>
<p>Les alaouites ont pris le contrôle du parti Baas et de l’armée syrienne dans les années 1960 à travers le clan des Assad, aujourd’hui en guerre contre la majorité arabe sunnite du pays (69% de la population syrienne).</p>
<h2>Les yézidis</h2>
<p>Les yézidis (800 000 âmes dans le monde, dont 600 000 en Irak et en Syrie – 150 000 personnes -, en Turquie, Arménie, Russie). Il s’agit d’une secte dualiste kurde qui ne se revendique pas musulmane, mélange de soufisme et de manichéisme iranien, avec une réhabilitation d’Iblis (Satan), devenu l’Ange Paon (Malek Tawus), parmi sept autres anges vénérés. Le tombeau du fondateur de la secte, cheikh Adi (VIIIème ou XIII ème siècles). à Lalesh, près de Mossoul, est leur lieu le plus sacré. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215040/original/file-20180416-543-17qgx8v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rencontre au XIXème siècle entre des leaders yézidis et le clergé chaldéen en Mésopotamie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/96/Yezidischld.JPG">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La société yézidie est organisée selon un système de castes : <em>Mîr</em> (Prince, chef spirituel et religieux), <em>Baba Cheikh</em> (Pape), <em>Cheikh</em>, <em>Pîr</em> (Vieux), <em>Murid</em> (simple croyant). Les yézidis ont une conception ethnique de leur groupe : on naît et on meurt yézidi et aucune conversion n’est possible. </p>
<p>Les yézidis ont été soumis à des persécutions répétées de la part des tribus bédouines arabes Shammar, en 1840 et 1892, mais aussi en 1935, pour les soumettre à la conscription dont les Ottomans les avaient dispensés en 1872 à cause de leurs tabous alimentaires concernant certains légumes jugés impurs. </p>
<p>Eux-mêmes souvent persécutés, les yézidis ont cependant participé en 1932 au massacre des Assyro-chaldéens par le général kurde Békir Sidqi. En 2014, l’État islamique a tenté d’éradiquer la communauté dont plusieurs milliers de membres ont été tués ou réduits en esclavage.</p>
<h2>Les druzes</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215047/original/file-20180416-105522-kf2bif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sultan Pacha al Atrash, leader druze de la révolution en Syrie dans les années 20.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/search?q=druzes+Liban&tbm=isch&source=lnt&tbs=sur:fmc&sa=X&ved=0ahUKEwjS9pvp-r7aAhVJY1AKHXGZAgwQpwUIHg&biw=1440&bih=687&dpr=1#imgrc=QMU65dQtpc0KwM:">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les druzes (1,2 million d’âmes répartis entre le Liban – 400 000 -, la Syrie – 600 000 -, Israël – 120 000 et la Jordanie) sont une secte ésotérique qui se rattache à l’ismaélisme fatimide. Al-Hâkim (VIème calife fatimide et Imam ismaélien mort au Caire en 1021) serait, selon eux, une manifestation de l’intellect universel. Au Liban, deux grandes familles rivales, les Jumblatt et les Yazbaki, ont longtemps dominé la communauté. </p>
<p>En compétition avec les maronites du Mont-Liban contre lesquels ils se sont engagés dans des massacres de grande ampleur, ils ont été reconnus en 1842 par la Porte à travers un double caïmacamat maronito-druze pour la montagne libanaise. Depuis 1920, les druzes sont reconnus au Liban comme l’une des confessions libanaises.</p>
<p>Certaines communautés (alaouites, druzes) se sont orientées vers les partis nationalistes arabes ou syriens pour échapper à leur condition de minorités. La démarche s’est soldée par un échec avec un retour à une dynamique identitaire.</p>
<h2>Les alévis</h2>
<p>Les estimations divergent sur leur nombre : officiellement, les alévis sont entre 10 et 15 % de la population turque; mais, d’après les sources alévies, ils représenteraient entre 20 à 25 % de la population nationale. On avance le chiffre de 15 à 20 millions d’alévis. Majoritairement turque, la communauté compte une minorité kurde. </p>
<p>Suite aux répressions exercées sous l’Empire ottoman et la République, les communautés alévies ont pris l’habitude de pratiquer leur culte en secret (<em>taqîya</em>). L’alévisme se rattache au chiisme à travers le sixième Imam (Ja’far al-Sâdiq) et Haci Bektas Veli (1209-1271), fondateur de l’ordre des Bektachi, dont la généalogie remonte au sixième Imam. Très imprégné de traditions soufies et chamanistes, ses croyances sont assimilables à une forme de panthéisme. </p>
<p>Longtemps attirés par les partis de la gauche laïque et soutien du kémalisme, ses membres ont depuis peu une démarche identitaire alévie qui va de la revendication d’une reconnaissance officielle à une séparation de la religion et de l’État. </p>
<h2>Les bahaïs</h2>
<p>Les bahaïs sont une ramification au XIXème siècle de la secte bâbie de Perse, elle-même issue du cheikhisme, émanant au XVIII ème siècle du chiisme duodécimain. En 2011, cette religion mettait en avant dans ses documents le chiffre de 7 millions de membres appartenant à plus de 2 100 groupes ethniques, répartis dans plus de 189 pays. Son centre spirituel et administratif est situé à Haïfa et Acre en Israël. Baha Allâh (1817-1892) se proclama en effet Porte ouverte sur l’Imam (<em>bâb)</em> à Haïfa. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215048/original/file-20180416-566-kqi1ar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des Bahais à Baku (en 1909)</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/ca/Bahais_in_Baku.png">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le bahaïsme a évolué vers un mélange accommodant de syncrétisme, d’humanisme, de pacifisme et d’amour universel. En Iran, les bahaïs sont considérés comme hérétiques et persécutés avec une extrême rigueur.</p>
<h2>La Ahmadiyya</h2>
<p>On compte environ 10 millions d’ahmadis dans le monde, dont environ 600 000 ahmadis en Afrique de l’Ouest. Il s'agit d'une secte hétérodoxe réformiste messianiste fondée par Mirza Ghulâm Ahmad (1835-1908). Mirza Ghulâm s’est proclamé mahdi et prophète. Les sunnites les considèrent comme sortis de l’islam. Depuis une scission en 1914, ce mouvement comprend deux courants distincts, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_musulmane_Ahmadiyya">Communauté musulmane Ahmadiyya</a> (qadiyani) et le <a href="https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Mouvement_Ahmadiyya_de_Lahore&action=edit&redlink=1">Mouvement Ahmadiyya de Lahore</a>. </p>
<p>Après la partition de l’Inde et la naissance du Pakistan en 1947, le rameau qadiani s’est installé au Pendjab. Il est considéré comme une déviation de l’islam. Les Lahorites sont bien plus l’objet de répression. En 1999, le mouvement revendiquait 4,7 millions de membres au Pakistan, ce qui était contesté par les autorités musulmanes. Environ 130 000 ahmadis se seraient réfugiés en Inde.</p>
<h2>Les zaydites</h2>
<p>Les zaydites sont des chiites reconnus comme une branche de l’islam par les chiites duodécimains (dont ils ne reconnaissent que les cinq premiers Imams) et par les sunnites. Ils ont dominé les hauts plateaux du Yémen du XXème siècle jusqu’en 1962. Le printemps arabe de 2011 a accéléré un processus identitaire zaydite qui a abouti à la guerre civile à grande échelle au Yémen et à la constitution d’une coalition militaire sunnite dirigée par l’Arabie saoudite pour combattre les rebelles houthistes (du nom d’un chef zaydite).</p>
<p>Alaouites, druzes et alévis, issus pour certains des <em>ghûlât</em> (ceux qui divinisent Ali), ont en en commun de pratiquer le culte du secret (<em>sirr</em>) et la dissimulation (<em>ketmân</em>, <em>taqîya</em>) avec une transmission traditionnellement orale des principes de leur religion. Le recours à l’écrit, du fait notamment de la diaspora consécutive aux conflits, a engagé un processus identitaire nouveau.</p>
<p>Les processus à l'oeuvre vont dans le sens d'affirmations identitaires généralisées rendant difficiles, voire impossibles, toutes reconnaissances réciproques. De ce fait, l'avenir des minorités musulmanes ou issues de l'islam dans le monde musulman n'a jamais été plus hypothétique qu'aujourd'hui.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Le Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Jean Luizard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sort des minorités musulmanes ou issues de l’islam ajoute une source de conflits à celui généré par des États à la légitimité souvent fragile, notamment en ce qui concerne les États arabes.Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche, responsable du programme du GSRL, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/846512017-09-26T22:01:16Z2017-09-26T22:01:16ZAu Kurdistan irakien, une nouvelle étape sur le chemin de l’indépendance<p>Le peuple du Kurdistan irakien a enfin choisi, en votant pour son indépendance. « Sur 3 305 925 votants, le oui a obtenu 92,73 % et le non 7,27 % », a indiqué, mercredi 27 septembre, la commission électorale, précisant que la participation avait atteint 72,16 %. Le nom du Kurdistan existe depuis plus de huit cents ans, mais le « le pays des Kurdes » ne connaît qu’une indépendance partielle, et <em>de facto</em>, depuis 1991.</p>
<p>Écartelé entre quatre États – l’Irak, la Turquie, l’Iran et la Syrie –, le Kurdistan ne dispose d’une forme de statut juridique que dans sa partie irakienne (intégré au sein de la Fédération irakienne). À l’issue du référendum d’indépendance du 25 septembre 2017, ce statut est fortement invité à évoluer vers un État indépendant ou vers une confédération irako-kurdistanaise.</p>
<p>À ce stade, il convient de préciser d’emblée que le terme de Kurdistan désigne la région où les Kurdes sont majoritaires. Sur place, d’autres ethnies sont présentes : les Assyriens, les Chaldéens, les Arméniens, les Turkmènes et les Arabes. En parcourant cet article, le lecteur rencontrera le terme « kurdistanais ». Bien que rarement utilisé dans la langue française, il est le plus approprié pour désigner les habitants et institutions du Kurdistan irakien. Cette distinction met en exergue la portée de cet article qui ne se limite pas au cadre du droit des minorités kurdes, mais tente de définir le statut d’un territoire peuplé principalement par les Kurdes.</p>
<h2>Maîtres de chez eux</h2>
<p>L’idée de référendum d’indépendance n’est pas bien reçue dans une région du monde qui souffre d’instabilité permanente et des guerres confessionnelles, le Moyen-Orient.</p>
<p>L’apparition récente de l’État islamique en Irak et au Levant à la frontière de régions peuplées des Kurdes a changé la donne au Moyen-Orient. Grâce à leurs combattants, les Kurdes sont parvenus à protéger leur région. Malgré la guerre entre les <em>peshmarga</em> (les combattants kurdes) et l’État islamique, cette situation a favorisé l’aspiration nationale kurde à l’indépendance. Les Kurdistanais sont en effet les seuls maîtres de leur territoire en Irak.</p>
<p>L’histoire de l’Irak se répète avec peu ou prou les mêmes acteurs. Aujourd’hui comme il y a 100 ans, ce pays est divisé en trois parties : une partie à majorité kurde (le Kurdistan) en quête d’indépendance depuis 1991, une partie à majorité arabe sunnite et une troisième à majorité arabe chiite.</p>
<p>La région du Kurdistan mène un double combat. Le premier est militaire : contre l’État islamique qui contrôle les zones majoritairement arabes sunnites en Irak et en Syrie. Le deuxième combat, qui est d’ordre économique et politique, se déroule avec le gouvernement fédéral qui exerce uniquement son pouvoir à Bagdad et dans le sud du pays à majorité arabe chiite. Ce pouvoir, en revanche n’est toujours pas parvenu à trouver un juste équilibre national, ethnique et religieux pour gérer le pays par-delà les appartenances confessionnelles et sans recourir à l’intervention des États voisins.</p>
<h2>L’État kurde, un projet historique</h2>
<p>Les Kurdes ne sont pas une nation sans histoire. Le traité de paix signé le 10 août 1920 entre puissances alliées (et associées) et la Turquie, plus connu sous le nom de Traité de Sèvres (non ratifié par la Turquie) avait prévu la création de l’État du Kurdistan. Il était également stipulé, dans son article 64, que les Alliés n’émettraient aucune objection à l’adhésion volontaire des Kurdes habitant le Wilayet de Mossoul au futur État indépendant du Kurdistan.</p>
<p>En 1925, la Société des Nations a envoyé une commission internationale pour vérifier la situation sur le terrain. Cette Commission déclarait alors :</p>
<blockquote>
<p>« Les Kurdes forment la majorité de la population. Ils ne sont ni Turcs ni Arabes […] Seuls les Kurdes et les Arabes habitent en masse compacte de grands territoires. Seuls ces deux éléments de la population pourraient, par leur répartition, fournir la base de tracé d’une ligne de séparation des races. […] S’il fallait tirer une conclusion de l’argument ethnique isolément, elle conduirait à préconiser la création d’un État kurde indépendant […].<br>(Rapport de la Commission de l’enquête sur la question de la frontière entre la Turquie et l’Irak, Société des Nations, 1925).</p>
</blockquote>
<p>En effet, depuis l’intégration des Kurdes en Irak en 1925, les Kurdes n’ont pas hésité de confirmer leur volonté indépendantiste.</p>
<h2>Le référendum et l’État-nation en marche</h2>
<p>Bien qu’ils représentent le quatrième peuple quantitativement au Moyen-Orient – après les Arabes, les Perses et les Turcs – et constituent l’une des plus grandes nations apatrides du monde, les Kurdes n’ont toujours pas un État indépendant, ni de représentant à l’Organisation des Nations unies (ONU).</p>
<p>Une question revient de manière récurrente : les Kurdes sont-ils une nation ? En dehors de la portée juridique et politique de cette interrogation, il s’agit là d’un véritable défi académique pour un enseignant de droit international public au Kurdistan-Irak, surtout lorsqu’il l’aborde devant les étudiants kurdes. À cet égard, le référendum du 25 septembre semble bien attester de la construction d’un État-nation.</p>
<p>Dans l’ordre juridique irakien, il est proprement incompréhensible d’affirmer qu’il existe une nation irakienne, une nation syrienne, etc. Dans cette partie du monde, en effet, chaque individu s’identifie d’abord par sa langue, par son ethnie ou par sa confession, tandis que la citoyenneté vient en second lieu. Par exemple, le sentiment d’appartenir à une nation kurde est plus puissant que la citoyenneté irakienne. Dans le même ordre d’idée, l’article 3 de la Constitution irakienne de 2005 stipule que l’Irak est un pays composé de multiples nations (<em>Qaumyat</em>), religions et confessions.</p>
<p>Cette réalité amène à appréhender d’une manière différente le rapport de la nation et de l’État que celle véhiculée par le modèle des États européens.</p>
<h2>Les nations, un « État dans l’État »</h2>
<p>La devise connue comme <em>in varietate concordia</em> n’est pas d’actualité en Irak. La définition de l’État multinational retenue par le <a href="http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1995_num_60_4_4479_t1_1055_0000_2">professeur Stéphane Pierré-Caps</a> est celle d’un État composé « de deux ou plusieurs nations existant en tant que communautés différentes, chacune ayant conscience de sa spécificité et manifestant le désir de la conserver. » Elle ne trouve pas sa traduction en Irak. En effet, lorsque le seul moyen pour <em>conserver cette spécificité</em> est le rapport de force, l’existence même d’un État multinational perd sa signification. Ainsi, l’ancien Président irakien, Saddam Hussein, a commis des crimes internationaux massifs contre les Kurdes.</p>
<p>Plus l’État se montre incapable d’être véritablement multinational, en Irak mais aussi en Syrie, plus le sentiment national kurde en faveur de l’indépendance s’épanouit.</p>
<p>Certes, personne ne peut nier l’existence de l’État en Irak et en Syrie. Certes, il existe bien une nationalité irakienne ou syrienne. En revanche, il est bien difficile d’affirmer l’existence d’une nation irakienne. Les pays arabes sont quasiment unanimes sur le fait qu’ils font partie d’une nation arabe. La quasi-totalité de leur Constitution affirme cette appartenance, au détriment de la présence des minorités. Dans cette partie du monde, officialiser les nations revient à entériner l’existence d’un État dans l’État.</p>
<h2>Le sort des régions disputées</h2>
<p>Le référendum du 25 septembre 2017 s’est déroulé non seulement au Kurdistan irakien mais également dans les régions disputées entre le gouvernement de Bagdad et le gouvernement du Kurdistan. Ce sont les forces kurdes qui ont protégé ces zones pendant la guerre de Daech (2014-2017). Les forces irakiennes ont en effet abandonné ces territoires, les laissant dans un vide sécuritaire total.</p>
<p>Un mécanisme comportant plusieurs étapes est prévu dans l’article 140 de la Constitution irakienne de 2005 permettant théoriquement aux Kurdes de rattacher administrativement les régions conflictuelles mentionnées auparavant au Kurdistan. La dernière étape pour y parvenir stipule en effet l’organisation d’un référendum dans ces territoires. Dès lors, le vote du 25 septembre constitue, aux yeux des Kurdes, l’application stricte de la Constitution : ce référendum permet ainsi de rattacher de facto ces territoires à la région du Kurdistan.</p>
<h2>Le droit à l’autodétermination face au principe de l’intégrité territoriale</h2>
<p>L’éternel débat entre le droit à l’autodétermination et le principe de l’intégrité territoriale n’est toujours pas résolu. <a href="https://www.un.org/press/fr/2017/sgsm18682.doc.htm">Dans une récente déclaration, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres</a>, considère que « toute décision unilatérale d’organiser un référendum en ce moment dérogerait à la nécessité de vaincre EIIL ». En même temps, il rappelle le respect de « la souveraineté, intégrité territoriale et l’unité de l’Irak » et considère que « toutes les questions en suspens entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de la région du Kurdistan devraient être résolues dans le cadre d’un dialogue structuré et d’un compromis constructif ».</p>
<p>Le principe de l’intégrité territoriale apparaît, en définitive, comme un moyen de protéger les frontières. A cet égard, le professeur Pierre-Marie Dupuy note à propos du peuple kurde que :</p>
<blockquote>
<p>« réclamant avec constance depuis des temps reculés son indépendance à l’égard des quatre États sur le territoire desquels il est dispersé (Iran, Irak, Syrie et la Turquie), le principe de l’intégrité territoriale est invoqué indépendamment de celui de <em>l’uti possedetis juris</em> puisqu’il ne s’agit pas, à titre principal, d’une situation héritée de la colonisation. »<br>(Droit international public, Dalloz, 8<sup>e</sup> édition, 2006).</p>
</blockquote>
<p>Mais, comme le souligne la Cour internationale de justice, <a href="http://www.icj-cij.org/fr/affaire/141">dans son avis concernant l’indépendance du Kosovo en 2008</a>, « la portée du principe de l’intégrité territoriale est limitée à la sphère des relations interétatiques. » Se pose alors la question suivante : le droit international public se divise-t-il selon deux sphères – étatique et non-étatique ? Selon cette formule de la Cour, les nations sans État, comme les Kurdes, ne font pas partie de la « sphère des relations interétatiques ». En se dotant d’un État, une nation passerait donc d’une sphère à une autre. Chaque sphère a ainsi ses propres principes et ses lois. <a href="http://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2015-1-p-111.htm">André Moine</a> souligne, à juste titre, que « le respect de l’intégrité territoriale n’[est] pas opposable à une entité non étatique ».</p>
<h2>Deux poids, deux mesures</h2>
<p><a href="http://www.un.org/press/fr/2017/sc13002.doc.htm">Dans un communiqué de presse du 22 septembre 2017</a>, les membres du Conseil de sécurité s’étaient dit « inquiets de l’effet déstabilisateur que pourrait avoir le projet du gouvernement de la région du Kurdistan. » Dans cette partie du monde, la priorité de la communauté internationale semble être « les opérations menées contre l’EIIL (Daech) – au sein desquelles les forces kurdes ont joué un rôle essentiel », et le « retour librement consenti et en toute sécurité de plus de trois millions de réfugiés et de déplacés », qui vivent majoritairement au Kurdistan irakien.</p>
<p>Pourtant, la région contrôlée par les Kurdes en Irak reste le territoire le plus sûr pour les minorités linguistiques et religieuses ainsi que pour les réfugiés. Suite à l’avancée de l’État islamique en Irak et en Syrie, des centaines des milliers des chrétiens et des Yézidis, des Turkmènes et des Shabak s’étaient réfugiés au Kurdistan irakien.</p>
<p>Les mouvements séparatistes sont perçus par les Nations Unies comme des perturbateurs de l’ordre international. Ainsi, une majorité d’États s’opposent au référendum d’indépendance du Kurdistan irakien, un mécanisme pourtant totalement démocratique. Les raisons de cette opposition varient selon l’intérêt des États.</p>
<p>Le Kurdistan n’est pas un exemple isolé de tentative de gouverner un territoire et de revendication du droit à l’autodétermination. La situation du Kurdistan est parfois comparée – mais pas analogue – au Kosovo, à la Palestine, la Crimée, le Haut-Karabakh la Tchétchénie, le Tibet, le Cachemire, Taiwan, l’Écosse, Québec, etc.</p>
<p>Autre paradoxe : si le Secrétaire général des Nations Unies a critiqué le référendum du Kurdistan, les Nations Unies n’ont procédé à aucune déclaration par rapport à un autre référendum d’indépendance unilatéral, celui qui se déroulera le 1<sup>er</sup> octobre à Catalogne. Faut-il y voir un effet du principe bien connu du deux poids et deux mesures ? Ou, doit-on considérer seulement que la position géopolitique du Kurdistan et de la Catalogne sont radicalement différentes ?</p>
<h2>La crainte de l’effet domino</h2>
<p>La proclamation d’un État indépendant au Kurdistan irakien se heurterait à des oppositions non seulement en Irak, mais également de la part des pays voisins. Pour la Syrie, l’Iran et la Turquie, l’indépendance du Kurdistan ne constitue pas une solution, mais bien un problème qui touche à leur sécurité nationale. Chaque revendication des Kurdes est perçue par ces pays comme une expression du séparatisme. À l’inverse, dans l’esprit des Kurdes, chaque avancée sur le plan juridique est considérée comme une nouvelle étape franchie sur le chemin du futur État indépendant.</p>
<p>Le premier référendum d’indépendance peut-il faire vaciller un domino proche ? C’est la plus grande crainte des voisins du Kurdistan irakien. Cette question ne se pose pas seulement pour les pays où habitent les Kurdes. Une telle évolution pourrait créer un précédent pour d’autres régions et minorités au Moyen-Orient, en proie à une instabilité permanente.</p>
<p>Dans le discours des dirigeants kurde, le recours au référendum d’indépendance et son application en faveur des nations sans État pourraient apaiser une partie des tensions –- mais pas l’ensemble – au Moyen-Orient. Du point de vue des Kurdes, ce référendum n’est qu’une manifestation de justice.</p>
<p>La question qui se pose, enfin, est de savoir si la guerre contre l’État islamique est le « dernier combat » pour les Kurdes avant l’indépendance. Sachant que les combattants kurdes sont aujourd’hui en première ligne sur le champ de bataille contre le terrorisme international, seront-ils récompensés par la reconnaissance d’un État indépendant par la société internationale ?</p>
<p>Pour les Kurdes, la guerre contre le terrorisme international est bien perçue comme une guerre d’indépendance. C’est cet objectif qui les a poussés à combattre, et non pas la volonté de défendre l’intégrité territoriale de l’Irak. Par le biais du référendum d’indépendance, les Kurdes ont voulu délivrer au monde entier un message clair : « Nous voulons notre État ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryar S. Baban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans cette partie du monde, chaque individu s’identifie d’abord par sa langue, par son ethnie ou par sa confession, tandis que la citoyenneté vient en second lieu.Bryar S. Baban, Maître de conférences en droit public, Salahaddin University-ErbilLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/672792016-11-01T23:34:50Z2016-11-01T23:34:50ZLe martyre djihadiste féminin, un post-féminisme régressif<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/143515/original/image-20161027-11275-1stwz8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Raqqa, mai 2013.</span> <span class="attribution"><span class="source">Beshr Abdulhadi/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En Europe, et en particulier en France, on assiste depuis l’éclatement de la guerre civile en Syrie (en 2011) à l’apparition d’un type de djihadiste féminin dont l’accroissement tangible constitue une vraie nouveauté. Auparavant, les djihadistes femmes étaient l’exception ; à présent, on dénombre quelques centaines d’Européennes en Syrie, et d’autres qui ont voulu y aller et en ont été empêchées par les autorités.</p>
<p>Parmi les caractéristiques de ces jeunes femmes, nombre d’entre elles sont des adolescentes ou des post-adolescentes qui côtoient des jeunes femmes d’une vingtaine ou trentaine d’années. Elles évoluent souvent <a href="https://www.google.com/url?hl=fr&q=https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/les-revenantes&source=gmail&ust=1477572482166000&usg=AFQjCNFDQzHyoquh32LOFkpIBd2kbXI6Mg">dans un univers onirique qui ne procède pas du djihadisme</a> mais – au mieux – d’une forme de pré-djihadisme, projetant sur leur implication des fantasmes qui ont peu à voir avec la réalité de l’univers idéologique et mental de la radicalisation stricto sensu.</p>
<p>On relève, par ailleurs, qu’elles sont majoritairement issues des classes moyennes et des petites classes moyennes, et non des classes populaires. Si certaines d’entre elles habitent en banlieue, elles sont issues des petites classes moyennes pavillonnaires. Et elles figurent souvent parmi les bonnes élèves.</p>
<p>Enfin, autre trait spécifique : elles sont en grand nombre des converties – du christianisme, du judaïsme (quelques cas), voire du bouddhisme, ou issues de familles agnostiques ou athées. Et issues <a href="http://www.rfi.fr/emission/20141207-cherchent-paradis-trouve-enfer-dounia-bouzar-syrie-jihad-etat-islamique">des couches moyennes</a>, comme leurs <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2014/03/11/les-francais-djihadistes-interview-de-david-thomson/">homologues masculins</a>.</p>
<h2>Le djihadiste, ce « mari idéal »</h2>
<p>Contrairement aux jeunes hommes des banlieues, la haine de la société n’est pas la motivation centrale dans leur départ vers le théâtre de guerre en Syrie. Plusieurs logiques interfèrent.</p>
<p>Tout d’abord, une vision distordue de l’humanitaire : les frères en religion (les Sunnites) auraient besoin d’aide face au pouvoir hérétique et maléfique d’Assad (alaouite, pour les Sunnites secte déviante) et il faudrait s’engager pour être aux côtés des hommes.</p>
<p>L’image de l’homme idéalisé est aussi au centre de la vision de cette jeunesse féminine (souvent post-adolescente) qui présente des traits de désenchantement vis-à-vis du féminisme des mères ou grands-mères. Il y a chez ces adolescentes ou jeunes femmes comme une forme d’idéalisation de la virilité masculine de celui qui s’exposerait à la mort et qui, dans cet affrontement, se montrerait viril, sérieux et sincère.</p>
<p>Ces trois adjectifs donnent un sens à l’expression de « mari idéal ». Celui-ci est, pour commencer, capable de restaurer l’image de la masculinité fortement nivelée en raison même de l’évolution de la société. En second lieu, il est « sérieux » puisqu’en combattant l’ennemi il révèle son engagement définitif, à la différence de ces jeunes hommes qui montrent des traits d’immaturité et de volatilité. Ces jeunes prêts au martyre incarnent l’image de l’homme idéal aux yeux de ces filles et semblent avoir détrôné l’image du Père.</p>
<p>Enfin, la sincérité est le troisième trait fondamental de ces jeunes djihadistes : puisqu’ils acceptent d’aller jusqu’à la mort au nom de leur idéal, ils seront « sincères » avec leur femme, leur degré de fiabilité se mesurant à leur capacité à prouver leur authenticité sur le champ de bataille.</p>
<h2>La « bonne inégalité »</h2>
<p>Ce type de jeune incarnant les vertus cardinales de véracité serait donc l’idéal de l’homme à épouser pour échapper au malaise de l’instabilité et de la fragilité croissante qui caractérisent les couples modernes. Souvent issues de mariages recomposés en France, ayant fait l’expérience de la précarité des liaisons conjugales de leurs parents et ayant vécu le nivellement de la condition masculine dans le divorce, ces jeunes djihadistes en viennent à rejeter autant l’image de l’homme que celle de la femme qui règne dans la société moderne.</p>
<p>Elles se mettent en quête d’une forme d’utopie anthropologique où le sentiment de confiance et de la sincérité absolue se conjugueraient à celui de la « bonne inégalité ».</p>
<p>Les sites djihadistes de l’État islamique (Daech), qui savent manipuler la sensibilité de ces jeunes filles, exploitent ce type de fascination en insistant sur l’image noble de la femme qui serait à l’abri de l’instabilité moderne et qui vivrait dans la confiance absolue de l’homme. Ce dernier paraît alors comme un appui majeur (un « héros ») et un soutien indéfectible. Il n’est pas efféminé, il sait comment lutter et relève le défi de l’adversité.</p>
<p>Surtout, une vision naïvement romantique de l’amour se conjuguerait avec l’attrait de la guerre, voire de la violence. Une partie de ces jeunes filles seraient en effet <a href="http://www.strategicdialogue.org/wp-content/uploads/2016/02/ISDJ2969_Becoming_Mulan_01.15_WEB.pdf">fascinées par la violence guerrière</a>.</p>
<h2>La fascination pour la violence</h2>
<p>Par ailleurs, les premières vagues de jeunes femmes qui sont parties en Syrie servent de « recruteuses » : elles envoient des e-mails, entretiennent des blogs, donnent une image idyllique de la situation de l’épouse des « mujahids » (combattants du djihad) en Syrie. Quelquefois, une fois sur place, les « muhajirat » (les immigrées) épousent des Européens qui ont rejoint les rangs des combattants djihadistes en Syrie. C’est le cas de Khadijah Dare, une Londonienne qui s’est mariée à un Suédois combattant aux côté de l’État islamique et qui a opté pour le <a href="http://english.alarabiya.net/en/variety/2014/09/12/UK-female-jihadists-run-ISIS-sex-slave-brothels.html">nom d’Abu Bakr</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wYnbegHoeYY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Dans certains cas, la violence guerrière ne fascine pas seulement les hommes, mais aussi les jeunes femmes, la vie dans cette situation « exceptionnelle » revêtant un sens et une intensité qui fait oublier – pour un temps – la situation inférieure de la femme que l’on dissimule alors sous la notion de « complémentarité ».</p>
<p>Du fait du rapprochement culturel entre hommes et femmes dans les sociétés occidentales, la violence n’est plus perçue, à la différence du passé, comme étant l’apanage exclusif de l’homme. La femme peut y participer, indirectement à tout le moins, en l’exerçant contre d’autres femmes perçues comme étant hérétiques : par exemple, contre les femmes « yézidies » ou des Assyriennes réduites en esclavage par l’État islamique et servant à satisfaire l’appétit sexuel des combattants. La direction de ces lupanars islamiques est confiée à ces jeunes femmes occidentales qui ont embrassé l’islam. Elles font partie de la <a href="http://www.liberation.fr/planete/2015/02/05/femme-jihadiste-sois-pieuse-et-tais-toi_1196399">brigade Al Khansaa</a>, une police qui impose la loi de la charia aux femmes.</p>
<p>Parfois, la famille entière a émigré en Syrie et, dès lors, la mère et la fille se côtoient au sein de cette brigade. Dans d’autres cas, des sœurs partent ensemble : il en va ainsi des jumelles <a href="http://www.bbc.com/news/uk-england-manchester-28230931">Salma et Zahra Halane</a>, âgées de 16 ans, qui ont rejoint ladite brigade.</p>
<p>En enrôlant certaines de ces jeunes filles dans des brigades pour l’imposition de leur version de la charia, les acteurs de l’État islamique leur donnent une forme de légitimité et, surtout, leur confèrent du pouvoir sur les non-Musulmanes ou les « mauvaises Musulmanes », souvent plus âgées qu’elles. L’exercice de la répression leur confère alors le sentiment d’être devenues adultes.</p>
<h2>La dignité d’une future mère du Califat</h2>
<p>Les mêmes autorités poussent ces jeunes filles à épouser des combattants, de préférence européens. Des filles adolescentes sont déclarées aptes au mariage – même à partir de l’âge de 9 ans – et à fonder une famille dont les enfants seront endoctrinés par l’État islamique. Tout à l’enthousiasme de fonder une famille « islamique », dont on exalte la noblesse et où elles assumeront le rôle idéalisé de mère au sein du califat, ce statut occulte à leurs yeux le statut inférieur de la femme au sein de l’État islamique.</p>
<p>En raison de l’instabilité du mariage moderne, dont sont souvent issues ces jeunes filles ou qui s’y sentent exposées, l’union « éternelle » avec un combattant de la foi les comble dans leur aspiration au lien romantiquement indestructible de l’amour religieusement légitime. À leurs yeux, celui-ci leur ferait échapper à l’impureté des copinages peccamineux (répréhensibles) entre garçons et filles dans le monde monotone d’un Occident dépourvu de violence massive.</p>
<p>En résumé, l’ambiance guerrière, le mythe de la pureté islamique sous Daech, l’idée de l’héroïsme de leur homme, leur dignité en tant que futures mères et, enfin, l’existence de ce monde totalement différent de leur contrée d’origine où la violence devient festive les aimantent. Au moins pour un temps.</p>
<h2>Vertige face au vide d’autorité</h2>
<p>La famille moderne de classe moyenne est de plus en plus recomposée. Double paternité (le père biologique, père « légal ») et double maternité (la mère biologique et, plus rarement, quand l’enfant habite chez les pères, la mère « légale » qui est l’épouse du père) ouvrent un espace de jeu à l’enfant qui peut se doter de marges de manœuvre plus importantes que par le passé en manipulant l’autorité de chaque membre du couple. La multiplication des sources de l’autorité l’affaiblit et, contrairement à la famille patriarcale traditionnelle, où l’enfant souffrait d’un excès d’autorité paternelle, sa démultiplication ouvre un espace de manipulation à l’enfant, tout en devenant une source d’angoisse et d’incertitude pour les parents.</p>
<p>Par ailleurs, le statut de l’enfant érigé en « pré-adulte » incite celui-ci à prendre conscience de certains droits de manière plus précoce que par le passé. Dans le même temps, avec les nécessités de la vie et l’allongement de la durée des études, les enfants restent plus longtemps chez leurs parents, prolongeant du même coup l’adolescence et la dépendance affective et économique.</p>
<p>Toutefois, cet espace de jeu est donc également le lieu d’une angoisse : la dispersion voire le vide de l’autorité, le vertige face à des marges de manœuvre dont le jeune pré-adulte dispose et qui rend possible – via Internet – la plongée dans un autre univers que celui des parents. Il peut vivre ainsi dans un virtuel qui lui semble terriblement réel, faute d’ancrage de l’autorité dans son univers symbolique. Le djihadisme joue avec succès sur ces deux palettes, via Internet, mais aussi en donnant le sentiment aux adolescents de pouvoir devenir « adultes » en embrassant la cause de l’islam radical.</p>
<p>En résumé, on est ainsi en présence, d’un côté, d’une crise de l’autorité parentale et, de l’autre, d’une diversification des univers imaginaires où le virtuel et le réel tendent à devenir indiscernables par réseaux sociaux interposés. Enfin, il convient de mettre en exergue l’existence d’une réalité quotidienne où les filles ont de plus en plus le sentiment d’être entourées de jeunes garçons immatures, qui ont perdu leur « virilité » en même temps qu’ils ont abdiqué leur supériorité masculine d’intelligence et de savoir-faire. Les filles peuvent donc désormais les affronter dans tous ces domaines à armes quasiment égales.</p>
<h2>Des djihadistes « mortellement sérieux »</h2>
<p>Ce détrônement des jeunes hommes est concomitant avec l’exaltation du jeune djihadiste dont les filles cherchent à devenir l’épouse. Qu’est-ce qui est irrésistiblement attirant chez lui ? La réponse, on l’a dit, est sans équivoque : l’affrontement de la mort. Celle-ci est la pierre de touche de quatre traits fondamentaux qui façonnent en quelque sorte le portrait de l’homme idéal pour ces jeunes filles : le sérieux, la sincérité, la virilité et la confiance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143512/original/image-20161027-11265-6jovvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Véhicule carbonisé dans une rue de Raqqa, en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/beshro/8709273933/in/photolist-egBiHp-egH46m-egBiCc-egH4vw-egH4Lm-egH4ao-cJWPgy-cJX7aS-cJYN4b-cJYLnj-cJYFof-cJZjZd-9QknKo-cNkeKq-a5pj6m-dv4bv4-dv9N6q-53r5Qr-9E6NWE-9E3Usv-egbiuB-egh4h5-egh5W9-egh5Hf-egbiBF-egh5Qq-g7tpDC-g7tsyf-g7sZxT-g7t2Hz-g7tkwm-dS3Dcg-cJYEBw-7LSpUz-nh7Vy8-7LWoV3-7LWo8m-7LWpk3-7LWovJ-7LWpHw-dqN2Wv-dqNcy1-dqNcCo-dqNcKY-dqNd63-dqN3ge-dqNcwm-dqN3ac-dqN3hD-dqNcEy">Beshr Abdulhadi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Contrairement aux garçons qu’elles côtoient tous les jours, les djihadistes sont « mortellement sérieux » : ils luttent à mort contre l’ennemi, ils incarnent la face « réelle » de la vie et non point cette attitude « efféminée » des jeunes hommes qui exposent leur « non-sérieux » face à la vie. Ils apparaissent aussi comme le « soutien » attendu par des jeunes filles qui voudraient s’appuyer sur un homme pour supporter le poids d’une vie de plus en plus pesante. Non seulement la femme conjuguée au futur doit gagner sa propre vie, mais elle doit aussi prendre en charge la vie domestique et, surtout, vivre avec un homme qui désincarne l’idéal, à force d’être nivelé symboliquement dans les relations intimes.</p>
<p>L’homme qui affronte la mort fait renouer sur le plan imaginaire avec le sublime masculin, il redonne un sens à la « virilité ». Ce sublime « réarchaïse » les relations et idéalise une masculinité qui ne parvient à se maintenir qu’au prix du face à face avec la mort, pas dans la vie. Il y a comme une angoisse de la vie qui se surmonte par l’idéalisation de cet homme nouveau. Celle-ci vient combler le vide mental où l’on se débat en raison d’absence d’autorité légitime.</p>
<h2>Romantisme naïf</h2>
<p>La jeune fille pense qu’elle peut s’appuyer sur cet homme nouveau, un surhomme dont la violence le rehausse au-dessus de la mêlée et crée du sens – un peu comme ces jeunes femmes qui écrivent des lettres d’amour à des criminels avérés en prison, leur proposant leur corps et leur âme, même à ceux d’entre eux qui ont commis des crimes sexuels atroces.</p>
<p>Ce fut le cas de <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/le-cas-guy-georges_490218.html">Guy Georges</a>, tueur en série et violeur de plusieurs femmes qui a reçu pendant longtemps de nombreuses lettres de jeunes femmes voulant être ses maîtresses. Ou encore celui de figures du grand banditisme, tel Antonio Ferrara, qui reçoivent des lettres d’amour de jeunes femmes éprises de leur « nature exceptionnelle » et de leur masculinité hors norme.</p>
<p>La sincérité apparaît donc comme le trait dominant de ces combattants de la foi et la jeune fille peut leur faire confiance pour mettre entre leurs mains son destin, sans craindre d’être déçue, tant ils sont éloignés de leur ancienne vie quotidienne, paisible et – de ce fait – terriblement terre à terre. Un romantisme naïf doublé de quête d’exotisme, en quelque sorte.</p>
<p>La quête de l’autorité à tout prix pousse à rechercher ardemment le pouvoir sous sa forme la plus répressive et à s’y soumettre, dans une « servitude volontaire ». Daech devient l’incarnation de ce type de légitimité. Et plus ce pouvoir apparaît répressif, plus il est attrayant. Il s’agit d’une quête éperdue de la « transcendance répressive » pour parer au manque de sens dans cette immanence généralisée où l’on vit et où la nouvelle configuration de la famille, du politique et du social font de l’égalitarisme la figure de proue du Sens.</p>
<h2>Pourquoi l’islam ?</h2>
<p>Pourquoi alors est-ce l’islam qui est privilégié dans cette quête de sens ? D’abord en raison du vide de l’extrémisme violent sur le marché des idéologies : Action directe, les Brigades rouges, le groupe Baader-Meinhoff appartiennent au passé et l’extrême droite inspire quelques-uns, mais ne présente pas d’idéologie de sacralisation. Il s’agit tout au plus une vision désacralisante de la démocratie, identifiant en l’immigré la figure de l’ennemi à abattre.</p>
<p>L’islam, dans sa version djihadiste, satisfait à deux besoins contradictoires au sein de la nouvelle jeunesse de classe moyenne européenne : il porte en lui une vision anti-impérialiste d’un côté, une vision hyperpatriarcale de l’autre. Ceux qui veulent en découdre avec l’ordre mondial dominé par les États-Unis y trouvent des ressources idéologiques, et ceux qui souffrent de malaise d’identité et ont besoin d’une transcendance absolue y découvrent une source inépuisable de sacralisation répressive.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143511/original/image-20161027-11278-144u5gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans une rue de Raqqa, en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/beshro/8205101517/in/photolist-dv4hPx-cJYGG5-cJYJ8f-g7u1nV-g7t9mq-eb8xCx-eb8xXr-ebep8q-eb8FBz-ebed8m-eb8Fqk-eb8Amx-9DhYAn-9DhXLM-9DkTu9-pJGom3-7GTDrG-7GTDrJ-7GTDrE-cJYK1u-ebenAY-eb8LRg-ebeaQj-eb8yw4-ebeaJW-eb8yR8-eb8Euz-ebejEb-ebeegd-ebeeVf-ebenaL-ebegih-eb8Jyr-eb8HsP-eb8EGP-ebe9sL-ebegqm-eb8xwM-ebeii1-eb8xnr-ebed5d-ebemuu-ebeg5W-eb8FGM-ebedrA-ebeckW-ebejkb-eb8ARc-eb8G8p-ebebS3">Beshr Abdulhadi</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les jeunes hommes qui souffrent d’un complexe de castration en raison du déploiement des femmes dans tous les recoins de la société peuvent y adhérer (on leur promet la restauration d’un « hiéro-patriarcat » que l’on attribue à la volonté divine). Et les jeunes femmes aux prises avec un postféminisme désenchanté vis-à-vis d’une existence où elles doivent gagner leur vie tout en assurant les affaires domestiques trouvent les ressorts d’une vie nouvelle où elles seraient « complémentaires » des hommes. Elles peuvent s’y attribuer le rôle noble de s’occuper de la famille sans se soucier des finances, assurées par l’homme.</p>
<p>Et surtout, elles se trouvent comme réenchantées par le nouveau rôle qui leur est assigné d’être la mère des futurs djihadistes, la noblesse de ces derniers rejaillissant sur elles et leur nouveau rôle social. Dans cet état mental, le départ d’une fille vers la Syrie peut servir de facteur incitateur vis-à-vis de ses copines, la <a href="https://www.theguardian.com/world/2014/nov/06/isis-recruitment-peer-pressure-friendships-more-decisive-social-media-luring-jihadis">compétition au sein du groupe et la volonté d’imiter</a>au sein de la dynamique du groupe jouant un rôle important.</p>
<h2>Qui part ?</h2>
<p>Les jeunes filles qui partent peuvent être d’origine musulmane tout comme elles peuvent être des converties. Les parents ne perçoivent pas, la plupart du temps, l’inflexion dans leur attitude et demeurent dans leur propre univers où la communication avec leur progéniture se déroule dans l’ignorance de ces nouvelles motivations. Paradoxalement, la relation effusive avec les jeunes filles se révèle un obstacle qui empêche la communication avec les parents. La notion d’autorité diluée dans les familles souvent recomposées et l’enfermement dans un univers d’Internet (plusieurs adresses Facebook dont certaines, en liaison avec les sites djihadistes, inconnues des parents), où leur maîtrise des réseaux est largement supérieure à celle des parents, rendent encore plus difficile l’exercice de l’autorité.</p>
<p>Cette ignorance dénote, d’une part, le fossé qui s’est creusé entre les deux mondes – celui de l’adolescente et celui des adultes – et, de l’autre, la dilution de la notion d’autorité qui, jadis, servait à faire intérioriser aux jeunes des modèles de conduite normées, indépendamment de leur propre vue du monde. À présent, l’affaiblissement de l’autorité patriarcale et sa dispersion entre plusieurs personnes, conjugués à la non-intériorisation des modèles de conduite imposés, engendre une distanciation qui peut aller jusqu’à la rupture avec la famille au nom d’un idéal que le jeune sélectionne sur les réseaux sociaux ou dans les relations de complicité avec les copains et les copines. Et ce, à l’insu des parents dont le monde vécu est différent du sien et qui ne voient souvent rien venir.</p>
<p>Dans le <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/06/19/97001-20140619FILWWW00177-une-adolescente-de-14-ans-partie-faire-le-djihad-en-syrie.php">cas de l’adolescente musulmane de 14 ans vivant à Argenteuil</a> dans le Val d’Oise, elle s’est absentée le mercredi, envoyant vers 18 heures un texto à ses parents pour leur demander de regarder sous son matelas dans sa chambre la lettre qu’elle y avait mise. Elle y expliquait qu’elle partait en Syrie pour pouvoir pratiquer librement sa religion.</p>
<h2>Des femmes qui décident : le cas de Hayat Boumedienne</h2>
<p>Des femmes adultes, de classe moyenne mais aussi des banlieues, sont parties en Syrie. Dans certains cas, des familles entières, dont la mère, ont quitté le territoire national pour la Syrie. Dans d’autres, des femmes ont opté pour le djihadisme en marquant une autonomie importante par rapport à leur conjoint.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143506/original/image-20161027-32322-14eo6mh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Hayat Boumeddiene à son arrivée en Turquie, en janvier 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/booknews/16081252739">DR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Hayat Boumedienne, 26 ans, née au sein d’une famille algérienne de sept enfants, est paradigmatique dans ce sens. Sa mère meurt quand elle a six ans, elle est placée en foyer avec certains de ses frères et sœurs. Caissière, elle rencontre Amedy Coulibaly en 2009 et doit quitter son travail parce qu’elle entend porter le voile intégral.</p>
<p>Hayat Boumedienne part en Turquie le 2 janvier 2015, une semaine avant que Coulibaly ne s’engage dans ses attentats meurtriers, puis elle quitte la Turquie pour la Syrie à la veille des attaques en France. Ce qui laisse supposer qu’elle était au courant de la décision de Coulibay et de sa volonté de mourir en martyr dans l’affrontement avec les forces de l’ordre. Elle aurait choisi sa propre voie, étant enceinte et visant à rejoindre Daech pour y élever son enfant et de mener sa propre aventure de femme djihadiste.</p>
<p>D’origine modeste, ayant vécu dans un foyer, sa vision du monde est totalement différente de celle des jeunes femmes de classe moyenne et de leur romantisme échevelé. Elle partage plutôt celle de son « mari » qui avait la haine de la société et dont l’islamisation s’apparentait principalement à la sacralisation de ladite haine. Son volontarisme – elle choisit une autre voie que celle de son mari – manifeste une forme d’autonomie de la part de certaines femmes djihadistes qui partagent les idéaux de leur conjoint mais optent pour un autre chemin (départ en Syrie) plutôt que de demeurer auprès d’eux.</p>
<p>Son exemple, comme celui des nombreuses jeunes femmes qui se sont rendues en Syrie, montre que l’interprétation courante qui les désigne comme des « victimes » du fondamentalisme ou du patriarcat arabo-musulman est manifestement défaillante : elles prennent des initiatives, se comportent comme de véritables actrices de la « guerre sainte » et s’affirment sans ambiguïté dans cette attitude. Le djihadisme révèle, à tout le moins chez les jeunes femmes adultes, une capacité d’individuation indéniable. Même si leur affirmation de soi s’achèvera par leur refoulement dans une situation d’infériorité insurmontable une fois qu’elles auront accepté de vivre sous l’égide de l’État islamique de Syrie et d’Irak.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lx5qrH1ByQo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>À côté de ces jeunes filles et femmes qui optent pour le djihadisme, on trouve le contre-exemple des femmes peshmergas du côté kurde qui luttent les armes à la main contre Daech et parviennent à se faire reconnaître dans un <a href="http://www.slate.fr/story/92691/kurdistan-irakien-femmes-peshmergas">statut encore précaire de quasi-égalité</a>avec les hommes, ouvrant une brèche dans le privilège masculin de manier les <a href="http://foreignpolicy.com/2014/09/12/meet-the-badass-women-fighting-the-islamic-state/">armes meurtrières dans la lutte contre l’ennemi</a>.</p>
<h2>Hasna Aït Boulahcen, le simulacre djihadiste</h2>
<p>L’<a href="http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/21/hasna-ait-boulahcen-entre-vodka-et-niqab_4814800_4809495.html">exemple de Hasna Aït Boulahcen</a>, une jeune femme de 26 ans, issue d’une famille de petite classe moyenne d’origine immigrée marocaine, est aussi un autre cas de figure. Elle a été placée en foyer à l’âge de 8 ans et s’est trouvée dans un vide mental en raison de l’éclatement de sa famille. Elle n’arrive pas à se fixer dans une famille d’accueil, prenant souvent la fuite.</p>
<p>Alors que Boumedienne est une jeune femme qui sait ce qu’elle veut et s’engage dans l’aventure djihadiste pour s’affirmer de manière plus ou moins autonome par rapport à son compagnon Amédy Coulibaly, Hasna donne l’impression d’une fille perdue qui adhère par esprit d’aventure et pour s’affirmer dans des formes de radicalisation souvent simulée et qui se trouve impliquée dans le terrorisme par son cousin Abdelhamid Abaoud. Celui-ci lui demande de l’héberger après les attentats du 13 novembre.</p>
<p>Le djihadisme des jeunes femmes adulte semble donc osciller entre ces deux modèles d’affirmation de soi (Boumedienne) et d’oscillation identitaire dans l’indécision et le simulacre djihadiste (Boulahcen).</p>
<h2>Des groupes exclusivement féminins et autonomes</h2>
<p>En septembre 2016, trois jeunes femmes ont tenté de faire sauter une voiture piégée à Paris et faute d’y parvenir, l’une d’elles, âgée de 19 ans, a poignardé un policier. Dans le même mois, des jeunes filles prêtes à en découdre et à intervenir violemment en France ont été repérées et arrêtées par les forces de l’ordre.</p>
<p>Dès lors, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un nouveau genre de féminisme islamiste radical où le groupe serait composé exclusivement de femmes – même si un homme a assumé le rôle d’incitateur et de recruteur de loin, à partir des réseaux sociaux, Rachid Kassim. Par ailleurs, la violence est intégrée dans le schéma directeur du groupe, contrairement aux tendances dominantes du féminisme en Occident.</p>
<p>Ce nouveau genre d’affirmation de soi de femmes en rupture avec le modèle dominant du féminisme pose la question des tendances inédites au sein de l’Europe où des femmes, peu au fait de la situation réelle en Syrie, adhèrent à l’islamisme radical et contrairement aux cas moyen-orientaux (où les femmes djihadistes agissent pour venger leur mari, leur père, leur frère ou leur cousin), tentent d’agir de manière autonome, sans être dirigées directement par un homme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farhad Khosrokhavar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment des jeunes femmes ayant grandi en Europe en viennent-elles à rejeter autant l’image de l’homme que celle de la femme qui règne dans la société moderne ?Farhad Khosrokhavar, Directeur d'études, directeur du CADIS, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/666392016-11-01T23:34:43Z2016-11-01T23:34:43ZCondition des femmes : Daech connaît-il vraiment le Coran ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144027/original/image-20161101-24460-vjhahx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un groupe de femmes à Bagdad</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dvids/3662932341/in/photolist-6zFuaT">Dvidshub/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Violées, vendues comme esclaves, considérées comme trésors de guerre, mariées de force à des djihadistes… pas un jour sans que la presse ne relaie le terrible sort réservé aux femmes par l’État islamique. Ce dernier trouve une justification à ces exactions en les mettant en lien avec le Coran, jusqu’à construire une véritable théologie du viol. Ainsi apprend-on que, selon Daech, <a href="http://edition.cnn.com/2014/10/12/world/meast/isis-justification-slavery/">nier l’esclavage et le viol des femmes, c’est se moquer du Coran</a> ; un traitement qui vise particulièrement les <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/27/temoignage-poignant-de-nadia-murad-femme-yezidie-et-co-laureate-prix-Sakharov-2016/">minorités yézidies</a> et chrétiennes. Mais au-delà même de ces minorités, la condition de la femme musulmane dans l’État islamique est <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/videos/uuuum8.DGT/elle-raconte-sa-fuite-des-mains-de-l-etat-islamique.html">particulièrement préoccupante</a>.</p>
<p>La fondation britannique <em>Quilliam</em> qui lutte contre l’extrémisme, dresse l’état de la condition des femmes dans le califat à partir d’un document de propagande traduit en anglais sous le titre : <a href="http://www.quilliamfoundation.org/wp/wp-content/uploads/publications/free/women-of-the-islamic-state3.pdf">« Women of the Islamic State »</a>. On y apprend qu’il est « légitime » pour une fille de se marier à neuf ans, que « la femme a été créée pour peupler la terre », qu’elle doit « rester à la maison » avec son mari et ses enfants, qu’« il est toujours préférable pour une femme de rester cachée et voilée, de maintenir la société derrière ce voile ».</p>
<p>Si tout le monde comprend aujourd’hui que les horreurs infligées aux femmes par le groupe État islamique participent non seulement de sa haine pour la gent féminine mais également de sa stratégie d’institutionnalisation de la violence, on peut cependant être heurté par la justification théologique qui les sous-tend. Le travail de contextualisation qui incombe à l’historien permet de rétablir tant soit peu les choses par rapport à la place de la femme dans le Coran. On sait combien cette entreprise est délicate. Il s’agit simplement de montrer comment le mouvement islamiste, par la revendication d’une pratique musulmane originelle, est à mille lieues de la compréhension contextuelle du Coran.</p>
<h2>La femme dans le Coran</h2>
<p>À l’instar de bon nombre de religions, l’islam proclame la primauté de l’homme sur la femme. C’est dans la sourate 4 intitulée <em>An-Nisa</em> (la femme), au verset 34, que nous en avons l’élaboration la plus explicite :</p>
<blockquote>
<p>« Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens… »</p>
</blockquote>
<p>Cette affirmation susceptible de scandaliser la plupart de nos contemporains ne l’était d’aucune manière au VII<sup>e</sup> siècle lors de l’élaboration du texte coranique. Aucun système civique ou religieux de la péninsule arabique et au-delà, l’Europe y comprise, ne reconnaissait à cette époque-là l’égalité sociale et civique des hommes et des femmes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/143719/original/image-20161028-15779-1nxinbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un Coran du 11ᵉ siècle au British Museum.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:IslamicGalleryBritishMuseum3.jpg">LordHarris/Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En lisant le Coran avec l’œil d’une personne du Moyen Âge, on y relève des passages qui montrent que l’islam, au moment de sa fondation, a accordé aux femmes des droits singuliers afin de les protéger.</p>
<p>Il est de vigueur dans le droit islamique que la femme n’a droit qu’à la moitié de la part d’un homme du même rang successoral. L’affirmation qui sous-tend cet état de fait provient de la sourate 4 aux versets 11 et 12 :</p>
<blockquote>
<p>« Voici ce qu’Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles. S’il n’y a que des filles, même plus de deux, à elles alors deux tiers de ce que le défunt laisse. Et s’il n’y en a qu’une, à elle alors la moitié… »</p>
</blockquote>
<p>Ce qu’il est utile de souligner est que ce droit à la demi-part constitue pour l’époque un progrès considérable. Dans le milieu de naissance de l’islam à cette époque-là, les femmes étaient écartées des parts relatives à l’héritage. Cette sourate tend à montrer que le problème d’héritage s’est posé de manière cruciale aux contemporains du prophète au point qu’il a fallu prescrire à l’aide du coran une attitude à tenir pour éviter les conflits relatifs au droit successoral. Il semble également que c’est dans le cadre de l’intérêt accordé au sort de la femme, qui, jusqu’ici, était défavorisée en matière d’héritage qu’il faut inscrire ce passage.</p>
<p>On peut adjoindre à cela la question de la protection des veuves et des orphelines. Toujours la même sourate 4 affirme au verset 23 :</p>
<blockquote>
<p>« Vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, tantes paternelles et tantes maternelles, filles d’un frère et filles d’une sœur, mères qui vous ont allaités, sœurs de lait, mères de vos femmes, belles-filles sous votre tutelle et issues des femmes avec qui vous avez consommé le mariage… »</p>
</blockquote>
<p>Ce passage résonne comme la prohibition du mariage ou des actes sexuels entre personnes parentes non seulement en ligne directe et en ligne collatérale, mais également lorsqu’il y a un lien de parenté par alliance. On peut voir dans cette prescription des dispositions visant à encourager l’exogamie. Cependant, en s’adressant uniquement aux hommes, elle pointe surtout du doigt des abus relatifs à la tradition répandue dans les civilisations méditerranéennes obligeant un homme déjà marié à reprendre en mariage une femme divorcée, veuve ou orpheline dès lors qu’il entretient un lien de parenté avec elle.</p>
<p>Dans la même ligne, une autre tradition que le Coran semble fustiger est l’infanticide féminin. Pour des raisons économiques et sociales, la naissance d’un enfant mâle était bien plus désirée que celle d’une fille au Moyen Âge dans la péninsule arabique. Cette situation semble avoir conduit à des exactions dénoncées par la sourate 16, <em>An-Nahl</em> (les abeilles), aux versets 58 et 59 :</p>
<blockquote>
<p>« Et lorsqu’on annonce à l’un d’eux une fille, son visage s’assombrit et une rage profonde l’envahit. Il se cache des gens, à cause du malheur qu’on lui a annoncé. Doit-il la garder malgré la honte ou l’enfouira-t-il dans la terre ? Combien est mauvais leur jugement ! »</p>
</blockquote>
<h2>Le statut contextuel du texte sacré</h2>
<p>L’histoire de l’élaboration du contenu du Coran invite à considérer que le texte, malgré le caractère sacré qu’on peut lui concéder, continue d’être le texte d’un contexte.</p>
<p>On distingue deux moments dans les révélations du Coran : le premier ayant eu lieu à la Mecque et le second à Médine. Les sourates mecqouises, remontant aux douze premières années des révélations (610-622), développent un contenu théologique axé sur les notions d’unicité de Dieu, de résurrection, de jugement dernier. Avec l’installation à Médine, les versets prennent une orientation politique et législative qu’il ne faut pas considérer comme une rupture avec la période précédente mais plutôt comme une nouvelle étape.</p>
<p>Ne peut-on pas considérer que les textes législatifs – dont sont issues les sourates concernant la femme – s’adressent avant tout à des hommes et femmes du haut Moyen Âge dans un contexte socioreligieux précis ? Notons que ces textes vont prendre une dimension nomocratique (de <em>nomos</em>, loi, et de <em>kratos</em>, force) après la mort du prophète Muhammad où leur caractère de lois, fixées une fois pour toutes, et ayant une autorité suprême sera établi. La plupart des historiens et des islamologues s’accordent pour dire que c’est l’élaboration du droit musulman l’<em>ijtihâd</em> au XII<sup>e</sup> siècle qui rend difficile l’évolution du texte coranique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HKt8JJgg_N4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Il est paradoxal que Daech, comme les autres mouvements fondamentalistes islamistes, bien que réclamant le retour aux origines, aux premiers temps de la religion, ne remonte guère au temps du prophète Mahomet et au contexte de naissance de l’islam, mais s’arrêtent à mi-chemin. Ils développent ainsi une allergie au travail de contextualisation au nom de la sacralité du texte.</p>
<p>Et pourtant, en dehors des arguments qui proclament l’immuabilité du texte, il n’y a pas de fondements théologiques majeurs qui empêcheraient l’évolution des aspects sociaux de l’islam. Le concept d’inimitabilité du Coran qui a son fondement dans plusieurs sourates, dont principalement la sourate 52, <em>al-Ṭūr</em>, verset 34, concept auquel on accorde d’ailleurs plusieurs acceptions, est trop souvent confondu à l’immuabilité. Inimitabilité ne veut pas dire immuabilité.</p>
<p>Le cas de la condition féminine laisse à penser que le problème est peut-être ailleurs. L’enjeu d’une lecture littérale et souvent dévoyée du Coran est de taille pour les tenants du fondamentalisme. Le maintien de la femme dans une situation d’infériorité sert les intérêts de ces hommes en quête perpétuelle d’autorité et de domination. Malheureusement, Daech n’est pas le seul dans ce cas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erick Cakpo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Utiliser le Coran pour maintenir les femmes dans une situation d’infériorité et les maltraiter, c’est oublier la nécessité de prendre en compte le contexte dans lequel le texte sacré a été produit.Erick Cakpo, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/511002015-11-24T05:40:52Z2015-11-24T05:40:52Z« Dabiq », ou la propagande machiste des soudards de Daech<p>L’idéologie de Daech est archaïsante, prétendant faire un bond en arrière de plusieurs siècles pour revenir à la « pureté » des mœurs du temps du Prophète.</p>
<p>En revanche, ces djihadistes sont entrés de plain-pied dans le XXI<sup>e</sup> siècle concernant la communication. Ils utilisent tous les ressorts narratifs et toutes les technologies de la communication moderne : images tournées avec des drones, clips, messages sur les réseaux sociaux, plates-formes de dépôt en ligne, messagerie cryptée, ou encore magazine mensuel en quadrichromie pour leurs abonnés (Dabiq).</p>
<p>On ne cessera d’ailleurs de s’étonner que des gens qui affirment haïr les États-Unis puissent à ce point s’inspirer des codes hollywoodiens de la mise en scène.
Mais ce n’est pas si surprenant puisqu’une part non négligeable des individus qui rejoignent ce groupe ont grandi dans des pays (occidentaux ou pas) où la culture américaine, et plus largement occidentale, est omniprésente. Ils en sont les rejetons plus ou moins incultes, car souvent, se sentant mal intégrés dans ces sociétés, ils ont trouvé dans la radicalité islamiste un exutoire à leurs frustrations sociales, scolaires, culturelles, ou identitaires.</p>
<p>Du coup, Daech attire, entre le Tigre et l’Euphrate, des militants qui n’ont pas été nourris à la culture locale, y compris des femmes, dont la soldatesque a toujours besoin.</p>
<h2>Polygamie</h2>
<p>Et cela aboutit à d’intéressants chocs culturels que révèle la dernière livraison du magazine Dabiq (n°12, novembre 2015, disponible en ligne). Ainsi, pages 19 à 22, on trouve un article intitulé « To our sisters : two, three, or four ».</p>
<p>Sous ce titre mystérieux se cache un long plaidoyer pour la polygamie. Il faut donc lire deux, trois ou quatre … épouses. Ce texte est intéressant. Non pas pour ce qu’il nous apprendrait sur le sort réservé aux femmes par ces brutes machistes. Mais cela révèle l’existence de conflits avec les femmes natives ou venues là-bas, qui n’entendent pas renoncer à une vision de l’amour ou de la vie de couple construite dans des pays monogames, autour d’un idéal d’émancipation relative incluant à minima la monogamie et un époux attentionné.</p>
<p>Les efforts argumentatifs déployés par l’auteur de cet article de quatre pages en disent long sur ce qui semble être un vrai problème pour la « politique familiale » de l’État islamique.</p>
<p>Il est une règle de base : il faut toujours lire la propagande de ses ennemis. On y apprend bien des choses. Cela aide à comprendre, même l’incompréhensible ! Et cela révèle aussi les failles d’un système qui se présente comme un bloc monolithique et cohérent.</p>
<h2>Sans-grade</h2>
<p>Rappelons d’abord le contexte dans lequel le sort fait aux femmes s’explique. Daech est au sens propre du terme, un monstre, issu de l’hybridation improbable entre le meilleur des services secrets d’un régime irakien dirigé par un dictateur sanguinaire (Saddam Hussein), le pire des fanatiques religieux salafistes, aussi idéologues qu’intolérants, et qui ont réussi à attirer vers eux le pire des délinquants de tous pays, venant en Syrie pour assouvir leur soif d’aventure et leurs pulsions sadiques.</p>
<p>Les sans-grade, qui ont goûté aux prisons de leur pays d’origine pour des délits et crimes de droit commun, ont compris qu’en se revendiquant de cette interprétation dégénérée du Coran, ils pouvaient en toute impunité accomplir les pires forfaits, en étant cette fois célébrés.</p>
<p>Donc, par une inversion totale des valeurs, à la manière dont certains Français sont entrés dans la Milice collaborationniste, ceux qui étaient au ban de la société du fait de leurs perversions, deviennent des « héros », pillant, mutilant, tuant, violant, en toute impunité, car au nom du devoir sacré du Djihad.</p>
<h2>Viol légal</h2>
<p>La force de ce groupe terroriste est d’avoir réussi à se transformer en un proto-État. En conséquence, ils ne sont plus sans foi ni loi, ils ont la foi et font la loi ! Et par cette loi, ils s’octroient le droit de tuer, de mutiler, de réprimer. Ils instaurent une délinquance d’État.</p>
<p>L’État islamique est en fait l’État sadique ! Et les pulsions sexuelles sont aussi à assouvir par tous ces jeunes hommes gonflés de testostérone, ivres de violence, emplis d’instincts de domination sur autrui donc sur les femmes.</p>
<p>Déjà à l’occasion de leurs conquêtes territoriales de 2014 sur des minorités irako-syriennes, de très nombreux cas de viols à répétition, y compris sur des filles de 12 ans ont été relevés.</p>
<p>Mais certains de ces combattants avaient ajouté l’hypocrisie à l’ignominie. Les Tartuffe de Daech ont éprouvé le besoin d’inventer le viol légal. Ainsi, concernant la sexualité avec des femmes, le Coran prescrit : « il vous est permis de les rechercher, en vous servant de vos biens et en concluant mariage, non en débauchés » (Coran, sourate 4 : « An-nisa » (les femmes), verset 23). La sexualité est donc permise à condition d’être marié, et d’acheter sa femme. Pour violer leur prisonnière, il suffit donc de les épouser, et le tour est joué.</p>
<p>Seve, une jeune femme de 19 ans qui s’est évadée fin août 2014, a décrit à <a href="https://www.hrw.org/fr">Human Rights Watch</a> plusieurs mariages groupés avec des prisonnières chrétiennes ou yézidis, dont celui où elle a été « mariée » à un combattant : « C’était censé être une cérémonie de mariage. Ils nous lançaient des bonbons et prenaient des photos et des vidéos de nous. Ils nous ordonnaient d’avoir l’air heureuses pour les vidéos et les photos ».</p>
<h2>Sexualité et mariage</h2>
<p>Par ailleurs, une sexualité débridée avec plusieurs épouses fait visiblement partie de l’horizon d’attente d’une partie de ces mercenaires du Djihad. D’où la nécessité de convaincre les femmes, qu’elles soient syriennes ou à plus forte raison celles qui ont fait l’effort de venir en Syrie, en rupture avec leurs sociétés d’origine, d’accepter leur sort et de devenir des concubines dociles.</p>
<p>S’en suit dans le magazine Dabiq, des pages qui évoquent les plus belles heures de la kabbalistique et de la casuistique réunies. L’incipit donne le ton : « Au nom d’Allah, le Seigneur de toutes choses, qui a permis le mariage et interdit la fornication ». On va donc être obligé de parler mariage si on veut parler sexualité.</p>
<p>Il s’agit tout d’abord de rejeter, comme de coutume, la responsabilité de leurs problèmes sur l’Occident donc sur les kafir (les infidèles) : « Lorsque la Shari’a de notre Seigneur a été éliminée, que les lois et décisions des kafir ont imposé leur pouvoir sur les terres des musulmans, l’islam a été honteusement abandonné (…) Ils interdirent ce qu’Allah a permis et autorisèrent ce qu’Il interdit, et l’une des choses les plus manifestes qu’ils ont ruiné et calomnié, pour la défense des femmes et de leurs droits – comme ils le prétendent – était la polygamie ».</p>
<p>Puis vient, une citation bien choisie du Coran suivie de son argument d’autorité : « Et si vous craignez de n’être pas justes envers les orphelins… il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent » (Coran, sourate 4, verset 3), et l’auteur ajoute : « ce verset est clair comme le soleil et ne requiert aucune explication ou interprétation supplémentaires ».</p>
<h2>Polygamie ancestrale</h2>
<p>Plus loin, le prêcheur cherche à inscrire la polygamie dans l’histoire ancestrale. « L’Islam n’a pas été le premier à introduire la polygamie ». « Ce qui est étrange c’est que les Juifs et les Chrétiens raillent les Musulmans à l’égard de la polygamie, mais s’ils se penchaient sur leurs propres livres, ils auraient su que c’était quelque chose de présent dans leurs religions ». Et de citer la vie de Jacob, Samuel, Rehoboam… pour montrer qu’ils pouvaient, en ces temps là, avoir jusqu’à « 18 femmes et 60 concubines ».</p>
<p>Heureusement l’islam a su mettre un frein à ces penchants excessifs : « Puis la Shari’a de l’Islam est venue et a défini un nombre déterminé de femmes qu’aucun musulman n’est autorisé à dépasser, ce chiffre étant de quatre ». Mieux, même, « la législation de la polygamie contient de nombreuses sagesses ».</p>
<p>Citons-en au moins deux, où chacun comprendra qu’il s’agit bien d’une « sagesse » servant les intérêts de l’homme et dont la femme doit apprendre à se contenter : « Allah pourrait affliger une femme d’infertilité, mais au lieu de divorcer d’avec elle, l’Islam a permis à l’homme de se marier à une autre femme tout en gardant sa femme infertile, honorée et soutenue. Autre sagesse de la polygamie : la femme, de par sa nature, voit sa vie interrompue par des phases où elle est incapable de remplir les droits de son mari, comme cela est le cas avec la menstruation, l’accouchement et les saignements post-partum. Donc, au cours de ces phases, il peut retrouver avec ses autres épouses ce qui doit l’empêcher de tomber dans des pratiques interdites ou suspectes ».</p>
<h2>Femmes résistantes</h2>
<p>Commence alors un long lamento sur le fait que les femmes, même syriennes et « bonnes musulmanes » n’accueillent pas avec ravissement ces préceptes, ce qui traduit l’existence d’une forme de résistance pour ces femmes, qui après un mariage forcé, arrivent au moins à réclamer qu’elles soient l’objet d’une attention unique.</p>
<p>« Combien mon âme est mangée de mentionner ouvertement une réalité qui fait saigner le cœur d’un muwahhid, cette réalité étant l’opposition à la polygamie, que ce soit directement ou indirectement, qui a dépassé les femmes aveugles et se trouve maintenant dans le cœur de certaines femmes demandeuses de la connaissance et de femmes qui adhèrent à la majeure partie des prescriptions de la Shari’a », peut-on encore lire dans Dabiq « Et il me peine de dire que pour certaines d’entre elles, la question peut aller jusqu’à prononcer une déclaration de kafir ».</p>
<p>Et de citer, en apologue, des échanges que l’auteur aurait eus avec des femmes dont les réponses l’ont choqué. « Je préfère qu’il reste en prison plutôt qu’il épouse une deuxième femme » (elle a donc refusé la théorie du moindre mal que le prêcheur lui proposait). « Ô Allah, pardonnez-moi, mais je ne peux pas le supporter » lui aurait dit une autre. « Et combien de femmes sur les terres des musulmans affichent leur “mécontentement” envers la polygamie ! Je me suis assis avec certaines de ces femmes et les ai conseillées. Et je trouve que chez beaucoup d’entre elles, le ton de leurs discours témoigne que ce “mécontentement” est en fait une haine de la règle elle-même ».</p>
<p>Même, se désespère-t-il, chez les musulmanes « que je considère comme les meilleures des femmes, sauf que dès que vous mentionnez cette question, elles se retournent complètement et en viennent presque à promouvoir des slogans sécularistes sans même le réaliser ». Presque du féminisme, en somme !</p>
<h2>Hérésie</h2>
<p>Le but de cet article est donc d’alerter ces femmes récalcitrantes que leur posture de résistance à la polygamie est assimilable à une hérésie, en invoquant Allah : « Il est celui-là même qui a permis à l’homme de se marier avec les femmes qui lui plaisait. Et sur cette base, il est interdit pour une femme qui croit en Allah et au Jour dernier d’argumenter concernant la Shari’a d’Allah, acceptant ce qui lui plaît et rejetant ce qui va à l’encontre de ses désirs ».</p>
<p>La menace du châtiment est donc rappelée : « Cette religion est un tout qui ne peut pas être divisé. Allah dit : « Croyez-vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste ? Ceux d’entre vous qui agissent de la sorte ne méritent que l’ignominie dans cette vie, et au Jour de la Résurrection ils seront refoulés au plus dur châtiment, et Allah n’est pas inattentif à ce que vous faites » [Al-Baqarah (la vache), sourate 2, verset 85]. Alors méfiez-vous, ma sœur, d’être parmi ces personnes, et méfiez-vous de laisser votre jalousie aveugle vous conduire à ne pas aimer cette décision de la Shari’a, car il est à craindre que vous tombiez ainsi dans l’apostasie ».</p>
<p>Se réclamer d’un idéal amoureux exclusif et monogame est alors présenté sous les traits de Satan, auquel il faut savoir résister et répondre : « Satan – et cela peut être un Satan humain parmi des femmes – vous dira : “S’il t’aimait, il n’aurait pas épousé une autre femme en étant marié avec toi.” Alors répondez-lui : “Notre Prophète se maria à sept femmes après Aïcha alors qu’elle était la personne la plus aimée de lui, et son amour pour elle n’a jamais faibli” ».</p>
<h2><em>Soap opera</em> contre machisme</h2>
<p>Les paragraphes de la dernière colonne sont un rappel aux règles du machisme le plus élémentaire, où on voit comment la culture télévisuelle des feuilletons sentimentaux est considérée comme une source de perversion.</p>
<p>Par un retournement paradoxal, là où les travaux issus des <em>gender studies</em> font de ces bluettes un outil de domination culturelle de la femme dans les sociétés occidentales, les islamistes de Daech y voient une intolérable ressource culturelle permettant aux femmes d’échapper au sort funeste de femmes de djihadistes.</p>
<p>« Alors ne faites pas attention aux déclarations des femmes sans scrupules dont les sources de référence sont des pièces ignobles et des feuilletons télé (“soap opera” dans le texte). Au lieu de ça, faites en sorte que votre exemple soit les femmes de la maison du Prophète. Et chaque sœur devrait savoir que lorsque son mari veut se marier avec une autre femme, il n’est pas obligatoire pour lui de la consulter, ni de demander sa permission, ni d’essayer et de l’apaiser. S’il le fait, c’est un acte de générosité de sa part… », proclame le magazine.</p>
<p>Mais cette conception moyenâgeuse des relations hommes-femmes peine visiblement à convaincre. Les épouses, premiers ferments de résistance interne à la dictature de Daech ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51100/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Adepte des technologies modernes de communication, Daech utilise son magazine mensuel Dabiq pour justifier notamment sa conception moyenâgeuse des relations hommes-femmes.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.