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Harcèlement scolaire : vers une meilleure prise de conscience ?

Les conséquences délétères du harcèlement sont largement établies, à court, moyen et long termes : perte d’estime de soi, dépression, tentatives de suicide et suicides, conduites à risque… Pexels, CC BY

Douloureusement remis sur le devant de la scène avec le décès d’Alisha, 14 ans, victime de persécutions de la part de camarades de lycée et retrouvée morte noyée à Argenteuil, en banlieue parisienne, en mars 2021, le harcèlement scolaire est une préoccupation majeure pour l’école. Au-delà des cas les plus graves, on estime qu’un élève sur dix a déjà été confronté à des brimades et violences exercées par des pairs dans le cadre scolaire.

La lutte contre ce phénomène implique de repérer et suivre les victimes, mais suppose aussi une prise en compte des agresseurs, comme le montre le récent suicide par défenestration d’un collégien de 11 ans accusé de harcèlement dans son collège.

En France, le sujet a longtemps été tabou, et englobé dans la question plus large des violences scolaires, comme l’expliquait en 2018 Bérengère Stassin sur The Conversation. Désormais, le phénomène est bien identifié et inquiète désormais toute notre société : 85 % des parents d’élèves sont inquiets à l’idée que leur enfant soit victime de harcèlement entre pairs à l’école et 93 % des 2000 répondants à un récent sondage de l’IFOP sur le sujet considèrent que le phénomène n’est pas appréhendé à sa juste mesure par les pouvoirs publics.

Comment la prise de conscience et les réponses publiques se sont-elles construites ? Retour sur quelques étapes essentielles.

Premières définitions

La théorisation du harcèlement entre enfants date d’une cinquantaine d’années. Dans les années 70, en Norvège, après plusieurs suicides d’enfants, Dan Olweus, un psychologue suédois, lance une grande enquête nationale et sera le premier à analyser et définir le schoolbullying (harcèlement scolaire) : « Abus de pouvoir agressif et systématique à long terme ». Quelques années plus tard, son équipe en précise la définition, qui prévaut toujours :

« Nous dirons qu’un enfant ou une jeune personne est victime de bullying lorsqu’un autre enfant ou jeune ou groupe de jeunes se moquent de lui ou l’insultent. Il s’agit aussi de bullying lorsqu’un enfant est menacé, battu, bousculé, enfermé dans une pièce, lorsqu’il reçoit des messages injurieux ou méchants. Ces situations peuvent durer et il est difficile pour l’enfant ou la jeune personne en question de se défendre. Un enfant dont on se moque méchamment et continuellement est victime de bullying. Par contre, il ne s’agit pas de bullying lorsque deux enfants de force égale se battent ou se disputent ».

Ainsi, trois éléments caractérisent le harcèlement par rapport à d’autres formes de violences moins spécifiques :

  • le déséquilibre des forces (victime en situation de faiblesse vis-à-vis de son harceleur) ;

  • la répétitivité (agressions revenant régulièrement dans le temps, même si leur nature change, des coups à la rumeur, l’ostracisation ou la dégradation de matériel) ;

  • l’intentionnalité (harceleurs cherchant à nuire ou à blesser leur victime).

En France, la prise de conscience date de 2010, avec notamment la tenue des États généraux de la sécurité à l’école, suivis de la première grande enquête française sur le sujet, permettant d’identifier des micro-violences, bientôt qualifiées de harcèlement entre pairs.

Depuis, le repérage et la lutte contre le harcèlement ont fait l’objet de plans et de campagnes de l’Éducation nationale, dans l’objectif de faire diminuer le phénomène.

Entrée dans le Code de l’Éducation

Les conséquences délétères du harcèlement sont largement établies, à court, moyen et long termes : perte d’estime de soi, dépression, tentatives de suicide et suicides, conduites à risque, comportements violents, absentéisme chronique, phobie et décrochage scolaire…

Depuis 2013, le harcèlement et sa prévention sont inscrits dans le code de l’éducation, sachant par ailleurs que le harcèlement constitue un délit, quel que soit le cadre dans lequel il s’exerce (article 222-33-2-2 du Code pénal).

Les actions mises en place à l’école s’inscrivent dans une prise en compte globale du climat scolaire et visent à améliorer le bien-être de tous les élèves dans une perspective systémique, le harcèlement pouvant être considéré comme un échec de la dynamique de groupe (justifiant la prise en charge des auteurs et des témoins tout autant que des victimes).

Depuis 2015, des lycéens volontaires sont formés pour devenir ambassadeurs contre le harcèlement et devenir des acteurs de prévention à part entière en intervenant auprès de leurs camarades. En 2018, ce dispositif de prévention par les pairs et de développement de la citoyenneté a été étendu aux collèges.

La spirale du cyberharcèlement

Ces actions semblent commencer à porter leurs fruits, puisque les proportions de victimes de harcèlement sont en diminution au collège, comme en témoignent les données de l’enquête internationale « health behaviour in school-aged children », HBSC, conduite sous le patronage de l’OMS. En 2018, en France, la majorité des collégiens (93,1 %) n’est pas concernée par des faits de harcèlement avéré à l’école (2 fois ou plus dans le bimestre précédent), ni comme victime ni comme auteur. L’amélioration amorcée entre 2010 et 2014 concernant les victimes se poursuit (13,9 % en 2010, 11,8 % en 2014, 5 % en 2018, cf. données de l’enquête EnCLASS).

Deux points de vigilance demeurent :

Le cyberharcèlement préoccupe clairement les adolescents. En témoignent les productions des élèves lors des campagnes annuelles du concours #NonAuHarcelement. S’il existe désormais un prix spécial cyberharcèlement, les réseaux sociaux semblent clairement identifiés comme constitutifs de la spirale du harcèlement y compris pour les plus jeunes. La lutte contre le cyberharcèlement constitue désormais un axe incontournable de la prévention, en témoigne la mise en place de numéros verts (0800 200 200) ou de plateformes dédiées, tant pour les parents que pour les enfants.

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