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Hausse du prix de l’électricité, cette situation va-t-elle durer ?

De nouvelles hausses sont à prévoir d’ici le début 2022. Shutterstock

En Europe, les prix de l’électricité sont en hausse partout et la France n’est pas épargnée.

Le 30 septembre 2021, le Premier ministre Jean Castex annonçait que ces prix allaient augmenter début 2022, avec une hausse estimée à 4 % des tarifs réglementés.

En Italie, Mario Draghi a récemment déclaré que, sans intervention du gouvernement, les prix de l’électricité allaient connaître une hausse de 40 % au dernier trimestre 2021.

Cette flambée intervient dans un contexte de hausse généralisée des tarifs de l’électricité en Europe. La situation est également complexe en Irlande, pays moins bien connecté au réseau électrique européen, dont l’opérateur public de transport d’électricité irlandais (EIRGRID) a déjà alerté sa population des risques de coupure d’électricité cet hiver.

Malgré le nucléaire, la France touchée

Selon RTE, la France a produit en 2020 67 % de son électricité à partir du nucléaire, une énergie dont les coûts de production devraient peu fluctuer dans le temps.

Comment expliquer alors que la France est elle aussi touchée par ces hausses de tarifs ?

Un premier élément de réponse vient d’une caractéristique physique de l’électricité : cette dernière ne se stocke pas facilement. Le prix de l’électricité dépend ainsi fortement des coûts de l’électricité en cours de production.

Un second élément de réponse vient du fait que le prix de marché de l’électricité en France est très dépendant des prix sur les marchés européens de l’électricité à court terme. Les marchés qui guident les prix à court terme en Europe sont le marché day-ahead (du jour pour le lendemain) et le marché intraday (intrajournalier).

Le prix day-ahead français a augmenté de 187 % depuis janvier 2021. Comment s’explique cette hausse marquée des prix de marché ?

Une partie de cette hausse s’explique par des facteurs de demande

Selon le FMI, la croissance mondiale en termes réels, c’est-à-dire la croissance ajustée de l’inflation, a été de -3,3 % en 2020 ; les projections de croissance sont actuellement de 6,0 % en 2021 et de 4,4 % en 2022, alors que la moyenne de croissance en termes réels était de 3,8 % par an entre 2000 et 2019.

Comme démontré récemment par Alex O. Acheampong de la Newcastle Business School, la consommation d’énergie permet la croissance économique et non l’inverse.

Les États doivent par conséquent augmenter de façon marquée et de manière simultanée leur consommation d’énergie pour alimenter leur croissance économique. Une étude de l’IEA montre que cela sera tout particulièrement le cas pour l’Asie.

Ce phénomène créé un choc de demande qui se traduit par des hausses marquées dans les prix du gaz, du charbon et du pétrole.

Par ailleurs, les conditions climatiques au début 2021 en Europe, avec un hiver particulièrement froid et des besoins en chauffage sur des durées longues, y ont aussi contribué.

Une partie de cette hausse s’explique par des facteurs d’offre

La mécanique des marchés européens d’électricité amène à ce que lorsqu’un moyen de production n’est pas en mesure d’alimenter la demande, celui-ci est remplacé par un second moyen de production.

Comme annoncé par le géant écossais de l’énergie éolienne, SSE, les vents faibles ont causé de fortes baisses de la production d’électricité par les éoliennes installées en mer du Nord. Ces baisses de production d’électricité par les éoliennes ont été principalement compensées par des centrales à combustion d’énergie fossile (gaz naturel, pétrole et charbon). Ce sont par conséquent les coûts de production de ces centrales qui ont tiré les prix de l’électricité en Europe ces derniers mois.

La composante clé des coûts de production de ces centrales reste le prix de la matière première utilisée pour produire l’électricité ; or les prix du gaz naturel ont fortement augmenté en Europe – on note une hausse de 393 % des prix du gaz TTF (le prix de référence sur le marché européen) ; ces prix ont été tirés par de plus faibles réserves en raison, on l’a vu, des températures basses du début d’année. Ces réserves n’ont pas pu être reconstituées durant l’été.

Les approvisionnements en gaz en provenance de Russie ont en effet été plus faibles depuis le début d’année. Comme souligné par Simone Tagliapietra et Georg Zachmann, chercheurs et contributeurs au blog Bruegel, le marché européen du gaz n’est plus indexé sur les prix du pétrole ce qui rend les prix européens du gaz plus dépendants des fluctuations internationales.

Or, la forte demande de gaz en Asie a tiré les prix internationaux vers le haut. Par ailleurs, une hausse du prix européen du CO2 (+127,5 % depuis début octobre 2020) a accéléré cette hausse des coûts de production d’électricité par les centrales thermiques européennes.

Est-ce que cette situation est temporaire ?

Une partie de l’explication de la hausse généralisée des prix de l’électricité en Europe est conjoncturelle : elle est en partie liée à la reprise économique et les difficultés d’approvisionnement en gaz russe.

Néanmoins, il est difficile d’ignorer les raisons structurelles de la variation des prix de l’électricité en Europe et en France. Ces raisons structurelles tiennent à la part croissante des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen résultant de la politique environnementale portée notamment par la Commission européenne.

En effet, la part croissante des énergies renouvelables induit une production d’électricité plus dépendante des conditions météorologiques, ce qui n’est pas le cas des énergies fossiles et de la production nucléaire.

La Commission européenne a, par ailleurs, lancé un nouveau cycle de politiques européennes pour le climat (le « Fit for 55 »). Ce paquet de propositions a notamment pour but d’utiliser le marché carbone européen (EU ETS) pour réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

Dans ce contexte, les mesures vont mener à la suppression de quotas gratuits pour un secteur (aviation), l’extension du marché carbone à d’autres secteurs (maritime et construction) ainsi qu’une plus forte baisse de la quantité totale de quotas d’émissions de CO₂ délivrés entre 2021 et 2030.

L’ensemble de ces actions devraient tirer vers le haut les prix des quotas d’émission de carbone européens et par conséquent augmenter davantage encore les coûts de production des centrales thermiques.

Ces raisons structurelles et conjoncturelles ont un impact à la hausse sur les coûts de production d’électricité, créant une pression à la hausse sur le prix de l’électricité pour les consommateurs en France et en Europe.

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