tag:theconversation.com,2011:/id/topics/economie-23177/articleséconomie – The Conversation2024-03-28T16:40:34Ztag:theconversation.com,2011:article/2267872024-03-28T16:40:34Z2024-03-28T16:40:34ZMode et cinéma : comédie romantique ou mariage de convenance ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/584826/original/file-20240327-26-g1j41c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C88%2C1129%2C689&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les groupes de luxe créent des filiales de production cinématographique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/442000">Roman Boed Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La décision du géant mondial du luxe LVMH de <a href="https://www.harpersbazaar.fr/mode/lvmh-se-met-au-cinema-avec-sa-societe-22-montaigne-entertainment_2047">créer 22 Montaigne, une division dédiée au divertissement, en partenariat avec l’américain Superconnector Studios</a>, confirme le passage accéléré, dans de nombreuses industries, du produit au contenu, de l’objet à l’image : la production de biens matériels cède de plus en plus à la vocation d’offrir des expériences personnalisées qui créent un sentiment d’exclusivité. En outre, les liens du luxe avec l’univers du cinéma ne sont pas nouveaux, que l’on pense aux collaborations de grands couturiers à certains films, à la présence des groupes au Festival de Cannes, ou encore, à l’association d’acteurs et d’actrices avec des maisons de couture. Les marques de luxe aiment aussi avoir recours à des créateurs pour leur publicité, comme, par exemple, Wes Anderson qui a tourné plusieurs films pour Prada, entre court-métrage et promotion classique.</p>
<p>Avant de créer son studio de production, le groupe LVMH avait récemment collaboré avec la série Netflix « Emily in Paris » ou « The New Look » d’Apple +. Cette dernière série revient sur la créativité de Christian Dior, une des maisons phares du groupe LVMH. Rien d’étonnant donc si les personnages portaient des vêtements Dior.</p>
<p>Cette incursion à part entière dans l’industrie du cinéma apparaît comme un écho à la décision d’un des autres groupe français de luxe, Kering dirigé par François-Henri Pinault. Kering a pris le contrôle de CAA, l’une des agences d’artistes les plus en vue à Hollywood, et crée <a href="https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/strange-way-of-life-de-pedro-almodovar-est-produit-par-saint-laurent-et-oui-ca-se-voit-clx1_221677.html">Saint Laurent Productions, qui a déjà produit un film du célèbre réalisateur Pedro Almodóvar</a>.</p>
<p>En adoptant une stratégie de diversification, LVMH – Kering – recherche avant tout de nouveaux outils de marketing pour leurs marques et pour réaliser des économies de gamme. Pour cela, ils misent sur leur capital et leurs connaissances pour pénétrer dans des secteurs économiques voisins. Entre le luxe et le cinéma, le franchissement de la frontière semble plus aisé, car les deux secteurs font partie des industries créatives. D’où l’existence de facteurs communs à ces <a href="https://www.hup.harvard.edu/books/9780674008083">« business », comme l’imprévisibilité du succès, le rôle essentiel de la narration originale et le rythme effréné du changement</a> comme en témoigne la succession des collections.</p>
<p>L’histoire des arts est jalonnée de tels rapprochements, comme en témoignent les « Ballets russes » au début du vingtième siècle. La compagnie de danseurs d’avant-garde, dirigée par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0170840614563743">l’impresario Sergeï Diaghilev, a réuni les mondes de l’art, du luxe et de la mode dans d’éblouissantes productions de ballet qui ont séduit autant l’aristocratie que l’avant-garde artistique</a>. L’époque était <a href="https://www.academia.edu/6940189/Dance_Film_and_the_Ballets_Russes">riche en croisements entre la danse et le cinéma</a>.</p>
<p><strong>Poches profondes</strong></p>
<p>La principale différence entre ce qui se passe aujourd’hui et ces exemples passés réside dans la dimension financière. Diaghilev utilisait ses relations personnelles pour obtenir des financements. Le groupe de Bernard Arnault – la première fortune du monde – se lance aujourd’hui dans la production cinématographique avec d’importants moyens financiers, résultant des succès du groupe. Avec ce capital, le groupe de luxe pourra investir afin de transformer les contenus de l’industrie de la mode en films, séries, documentaires et biopics, qui séduisent les plates-formes de streaming comme Amazon Prime, Netflix, Apple+ ou Disney +.</p>
<p>Face à ces évolutions de l’économie de l’« entertainment », l’industrie du cinéma reste très éparpillée et fragilisée par les évolutions technologiques récentes. L’arrivée des conglomérats du luxe avec leurs poches profondes peut sembler une bonne nouvelle dans cette industrie fragilisée par les évolutions économiques récentes. Mais tout n’est pas qu’une affaire d’argent. En investissant le monde du cinéma, les groupes de luxe espèrent aussi accroître la désirabilité de leurs marques, en mettant en œuvre des formes plus subtiles d’influence voire de publicité. En pleine mutation, la publicité change de nature, devenant de plus en plus postmoderne, visuelle et conceptuelle. Voir son actrice ou son acteur préféré revêtir un vêtement iconique pourrait bien être plus efficace que la multiplication de pages de publicité en ligne ou sur papier glacé. De cette manière, les groupes de luxe cherchent aussi à établir un lien avec des publics peu exposés – à commencer par les plus jeunes – aux canaux publicitaires traditionnels. Ainsi, le secteur du luxe cherche à construire un réseau où les contenues liés à la mode circuleront au-delà des moyens traditionnels jusqu’ici. Le but est d’associer des artistes à des histoires qui seront ensuite exposées dans des musées, sur des podiums ou à l’écran. Le placement de produits dans les films et les séries télévisées n’aura donc été que la première étape de ce processus.</p>
<h2>Les nouveaux Médicis ?</h2>
<p>Cette irruption des groupes de luxe dans le monde du cinéma n’est pas sans poser de questions sur les œuvres cinématographiques. En effet, le secteur du luxe pourrait renforcer sa position d’arbitre des élégances, de producteur du bon goût cinématographique ou de médiateur. Leur puissance est telle qu’ils peuvent influencer voire façonner la culture contemporaine. On ne peut que spéculer sur la volonté de François Pinault ou de Bernard Arnault de se rapprocher de la prééminence de Diaghilev ou des Médicis des siècles précédents. Veulent-ils imiter ces illustres ancêtres ayant créé et subventionné un réseau reliant les arts entre eux ? Si la réponse n’est pas évidente, la succession des démarches, impliquant la constitution de collections d’art personnelles massives, la construction de musées dans des lieux prestigieux et la capacité croissante de produire des contenus audiovisuels pour un public de masse, les place dans la position d’un intermédiaire qui a peu de précédents historiques en termes de moyens mobilisés, de portée et de pouvoir. Les avantages privés de ces groupes sont évidents ; les avantages publics le sont un peu moins.</p>
<p>Le danger d’une influence excessive existe. Les géants du luxe possèdent outre des liquidités et une présence mondiale, des liaisons avec le monde politique. Cela pourrait leur donner le pouvoir de faire ou de défaire des réputations.</p>
<p>La question du maintien de l’indépendance artistique face à un pouvoir économique est désormais posée. Les conglomérats du luxe ont l’habitude de contrôler la narration autour de leurs produits. Comment réagiront ces nouveaux <em>tycoons</em> du cinéma quand, demain, un créateur viendra percuter dans une de ses productions l’histoire officielle de la maison ? Si le désir de projeter ces histoires sur grand écran est tout à fait compréhensible, l’industrie cinématographique beaucoup moins prévisible que le secteur du luxe, prospère aussi dans la controverse. Une relative indépendance dans le processus créatif prévaut du moins dans la conception européenne du cinéma, et notamment en France.</p>
<p>Le degré de liberté créative que les géants du luxe sont prêts à accorder devra être observé de près. Si les productions qu’ils financent sont trop alignées sur les histoires officielles, il n’est pas sûr que le public soit au rendez-vous. Qui voudra aller voir de longues publicités, fussent-elles déguisées en œuvre de fiction par d’habiles artistes ? La critique de cinéma Nandini Balial a souligné dans sa revue du « New Look » que le passé controversé de Coco Chanel dans la France sous occupation nazie était représenté de manière fallacieuse à l’écran : <a href="https://www.rogerebert.com/reviews/the-new-look-tv-review-2024">« Il n’y a pas grand-chose à propos de son parcours dans la série qui ne soit pas en contraste total avec la vérité »</a>.</p>
<p>« L’élégance exige l’intimité », explique justement le personnage de Christian Dior dans cette série qui lui est consacrée. Et si cette phrase d’apparence anodine sonnait comme un possible avertissement. En s’éloignant de l’intimité de la mode, les géants du luxe s’exposent à des critiques, qui pourraient les atteindre par ricochet. Les premières œuvres produites devront être regardées de très près.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stoyan V. Sgourev ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après Kering, LVMH investit dans la production cinématographique. Quelle stratégie poursuivent les groupes de luxe ? Quel impact pourrait avoir cette diversification sur l’avenir du cinéma ?Stoyan V. Sgourev, Professor of Management, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204292024-03-28T08:58:50Z2024-03-28T08:58:50ZPeut-on être trop heureux pour se préoccuper du climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567573/original/file-20240102-29-1brw8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bien-être social participe à la prise de conscience climatique... mais seulement jusqu'à un certain point.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-couple-amour-femme-9750932/">Koolshooters / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Notre bien-être est-il toujours bon pour la planète ? Le <a href="https://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/source/Trends/Trends-20_fr.pdf">bien-être social</a> est un concept qui englobe à la fois la santé mentale et physique, les relations interpersonnelles ainsi que le sentiment d'appartenance à la communauté. Il est essentiel pour que les individus se sentent capables et motivés à agir. À cet égard, il constitue donc un levier précieux pour agir contre le changement climatique.</p>
<p>Mais en excès, il peut aussi se transformer en frein : car si aucune limite n’est mise, la quête d’un bien-être absolu par quelques-uns peut entraver la quête de durabilité de tous. Où tracer la ligne ? À partir de quand cet excès de bien-être peut-il avoir des effets délétères ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-liens-sociaux-sont-essentiels-pour-le-bien-etre-voici-sept-manieres-deviter-lisolement-205466">Les liens sociaux sont essentiels pour le bien-être. Voici sept manières d’éviter l’isolement</a>
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<p>Pour le comprendre, il faut déjà en finir avec le mythe de l’humain purement rationnel : <em>Homo œconomicus</em> reste un <em>Homo sapiens</em> guidé par la chimie de son cerveau. Effet rebond, inégalités sociales et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bulle-de-filtre-23254">bulles de filtres</a> sur les réseaux sociaux renforcent nos comportements les plus dommageables au plan environnemental.</p>
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<a href="https://theconversation.com/face-au-changement-climatique-faire-de-la-peur-un-moteur-et-non-un-frein-200876">Face au changement climatique, faire de la peur un moteur et non un frein</a>
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<p>Surtout, il convient de réintégrer les inégalités socio-économiques dans notre approche du progrès social. Des politiques publiques visant à l’amélioration du bien-être pourraient faire partie de la solution, à condition de cibler les populations qui en ont le plus besoin. Comprendre : à condition de ne pas alimenter de nouveaux comportements incompatibles avec la crise climatique chez les autres.</p>
<h2>Le bien-être social, bon pour la planète… jusqu’à un certain point</h2>
<p>La capacité des citoyens à agir face aux crises climatique et environnementale va dépendre de leurs compétences, de leurs motivations et de leurs envies personnelles. Autant de facteurs <a href="https://www.mdpi.com/2673-8392/2/3/79">influencés par le bien-être social</a>. Et de fait, la littérature scientifique suggère que les pays qui ont un niveau de bien-être social élevé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148121000070">créent un environnement propice à l’engagement des citoyens</a> dans la lutte contre le changement climatique.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>En effet, les citoyens en bonne santé sont plus susceptibles de participer activement à des initiatives écologiques, tandis que ceux qui bénéficient d’un réseau social solide et d’un bon niveau d’éducation ont tendance à être mieux informés et à <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/livre/9780192893307-development-as-freedom-amartya-sen/">s’engager davantage dans des pratiques soutenables</a>. Le développement de la santé, de l’éducation ou de l’accès à Internet favorise aussi le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360544223011854">développement des énergies renouvelables</a>, par exemple.</p>
<h2>En finir avec <em>Homo œconomicus</em></h2>
<p>En 1992, l’économiste Manfred Max-Neef présentait une <a href="https://www.researchgate.net/figure/Matrix-of-Needs-and-Satisfiers-Max-Max-Neef-1992b-206-7_tbl2_237428304">matrice des neuf besoins humains fondamentaux</a>. On y retrouvait : l’affection, la compréhension, la créativité, l’identité, la liberté, les loisirs, la participation, la protection et la subsistance.</p>
<p>Pour répondre efficacement à ces besoins, Max-Neef identifiait quatre catégories existentielles, où se déclinent les neuf besoins précédents :</p>
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<li><p>l’être (soit des qualités comme le fait d’avoir une bonne santé physique ou mentale),</p></li>
<li><p>l’avoir (soit des choses telles que la nourriture, un logement…),</p></li>
<li><p>le faire (soit des actions, comme le fait de se reposer ou de travailler),</p></li>
<li><p>et enfin l’interaction (par exemple participer à la vie de la communauté)</p></li>
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<p>L’apport de Max-Neef a été de dépasser la vision qui prédominait jusqu’alors, consistant à considérer notre espèce comme <em>Homo œconomicus</em> – soit un individu rationnel jamais rassasié qui va privilégier l’accumulation de toujours plus de biens matériels, dont les besoins illimités ne seront jamais pleinement satisfaits.</p>
<p>Car au cœur de cette conception se trouve un dilemme crucial : une croissance illimitée du bien-être social de chacun est-elle souhaitable pour lutter contre le changement climatique ?</p>
<p>Les besoins fondamentaux tels que la subsistance, la protection, et la liberté sont globalement atteints dans de nombreux pays du monde, même si cela est encore loin d’être acquis partout : <a href="https://www.un.org/en/exhibits/page/sustainable-development-goals">selon les Nations unies</a>, 731 millions de personnes luttent encore pour satisfaire les besoins humains les plus élémentaires. En parallèle, dans des pays développés, de plus en plus d’individus ayant satisfait leurs besoins fondamentaux se tournent <a href="https://www.scirp.org/journal/paperinformation?paperid=108876">vers des expériences de consommation hédoniste</a>.</p>
<h2>Quand la recherche du plaisir atteint un point critique</h2>
<p>Le concept de Max-Neef se rapporte à des comportements observés dans le règne animal. Comme les humains, les autres mammifères adoptent des comportements qui leur procurent du plaisir, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3004012/">ce qui suggère des similitudes dans le circuit de la récompense du cerveau</a>.</p>
<p>Le lien entre le plaisir anticipé et les récompenses retardées, comme démontré par des expériences sur la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/animaux/systeme-nerveux-et-systeme-hormonal/le-circuit-de-la-recompense">réponse dopaminergique chez le singe</a>, met en évidence un mécanisme d’apprentissage et de motivation, qui existe chez l’homme comme chez le singe.</p>
<p>Le plaisir anticipé y est associé dans le cerveau à la libération de dopamine, <a href="https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique-2022-2-page-339.htm">ce qui nous motive biologiquement à obtenir la récompense</a> souhaitée. Les gains matériels peuvent ainsi contribuer à notre bien-être en nourrissant des émotions positives ainsi que notre satisfaction psychologique.</p>
<p>Chez l’homme, cette tendance à rechercher le plaisir a atteint un point critique à travers l’émergence de la <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/La-Societe-de-consommation">société de consommation</a>. Les sociétés qui ont internalisé les valeurs du consumérisme ont atteint un stade du développement où elles tirent tellement de plaisir de leurs modes de vie qu’elles ne se rendent pas toujours compte du mal qu’ils leur causent.</p>
<p>Elles sont prises dans un <a href="https://books.google.fr/books?id=FS6sDwAAQBAJ&printsec=copyright">cycle sans fin d’extraction, de transformation, de production, de transport, de consommation et d’élimination</a>, juste pour satisfaire un besoin de plaisir.</p>
<h2>Bulles de filtre et effet rebond</h2>
<p>À l’heure du numérique, cette recherche du plaisir se joue désormais sur le terrain des réseaux sociaux. Chaque notification, partage ou « like » peut déclencher une petite libération de dopamine, <a href="https://amplifyingcognition.com/the-neuroscience-behind-social-media-dependence-and-how-to-overcome-it/">activant notre circuit de la récompense et renforçant notre engagement</a> sur ces plates-formes. Les algorithmes qui régissent nos fils d’actualité ne font pas autre chose : ils nous fournissent un flux de contenu personnalisé qui correspond à nos comportements et intérêts antérieurs, <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Filter_Bubble.html?id=-FWO0puw3nYC">créant ainsi un effet de chambre d’écho</a>.</p>
<p>Par exemple, si votre activité sur les médias sociaux est centrée sur la « fast fashion », les voitures de luxe et les destinations de voyage exotiques, vous aurez moins de chances d’être exposés à des contenus sur les achats d’occasion, les véhicules électriques ou l’écotourisme local.</p>
<p>Cela illustre la manière dont les « bulles de filtre » peuvent renforcer les comportements préjudiciables à l’environnement. Elles nous permettent d’habiter un espace numérique réconfortant qui nous confronte rarement aux réalités inconfortables ou à l’urgence de la dégradation de l’environnement.</p>
<p>Il peut sembler contradictoire que l’amélioration du bien-être social entraîne une diminution de la sensibilisation du public. Mais il est facilement admis dans d’autres domaines, comme l’économie, qu’une amélioration technologique, en permettant une baisse des prix, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800914002055">stimule une hausse de la consommation dans un autre domaine</a> à travers un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666784321000267">effet rebond indirect</a>. Ainsi, les consommateurs peuvent dépenser les économies réalisées grâce à leur nouvelle chaudière plus économe en énergie pour partir plus loin en vacances à l’étranger – et émettre davantage de CO<sub>2</sub> du fait du voyage en avion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">L'effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété</a>
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<p>Comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1462901104000371">l’a souligné la chercheuse Brenda Boardmann</a> dans des travaux sur l’efficacité énergétique dans les foyers britanniques, les gains d’efficacité réalisés ont été effacés par la multiplication des appareils et leur gain de taille et de puissance. « À un moment donné, la société devra reconnaître que des niveaux de vie toujours plus élevés menacent notre capacité à limiter le changement climatique et, par conséquent, réduisent notre qualité de vie future », écrivait-elle.</p>
<h2>Prioriser les personnes les plus défavorisées</h2>
<p>Tout ceci possède de fortes implications politiques. Il peut être éclairant de transposer ici le concept de « iatrogénie », terme médical où il s’agit des effets secondaires involontaires provoqués par un traitement ou une intervention médicale. Car si le traitement (dans ce cas, la recherche perpétuelle du bien-être) non seulement ne guérit pas (ou ne sensibilise pas à l’environnement) mais conduit en fait à de nouveaux problèmes (tels que l’aggravation des crises climatique et environnementale), peut-être devrions-nous arrêter ce traitement ?</p>
<p>C’est la question que nous posons, <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/accueil?id_declaration=10000000900241&titre_livre=Happy_End">inspirés par les réflexions de Nicolas Hazard</a>, qui traçait un parallèle entre croissance économique et traitement médical – et leurs effets indésirables pour la santé du patient ou pour celle de la planète.</p>
<p>Autrement dit, les gouvernements n’ont pas besoin d’accroître éternellement le bien-être social pour atténuer le changement climatique. Au contraire, une approche plus ciblée pourrait être adoptée en donnant la priorité aux groupes sociaux dont les niveaux de bien-être sont plus faibles. Cette stratégie garantirait une allocation plus efficace des ressources pour maximiser l’impact environnemental, tout en améliorant le développement social global et le bien-être individuel de ces populations.</p>
<p>Prenons un exemple concret. Le choix de passer d’un <a href="https://theconversation.com/stationnement-des-suv-nos-voitures-sont-elles-devenues-obeses-222547">SUV gourmand en essence à une voiture compacte et économe</a> en carburant est une décision écologique cohérente pour la planète, mais elle n’est peut-être pas à la portée de tout le monde, surtout si vous avez un budget serré et que vous dépendez de votre véhicule pour vos déplacements quotidiens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567600/original/file-20240102-19-nrcu9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Changer de véhicule pour acquérir par exemple une voiture électrique n’est pas un geste écologique à la portée de tout le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rathaphon Nanthapreecha</span></span>
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<p>En réalité, il existe un lien direct entre le niveau de vie et la pression sur l’environnement. Plus une personne sera riche, plus elle aura tendance à polluer, <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">comme l’a montré un rapport publié en 2022</a>. Au niveau mondial, les 10 % de personnes les plus riches sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, alors que les 50 % les plus pauvres n’en sont responsables qu’à hauteur de 12 %.</p>
<p>Pour susciter un changement plus large, il est important de créer une vision convaincante de l’avenir qui incite les gens à prendre part au changement. Adopter un régime végétarien ou conduire un véhicule électrique sont des mesures importantes, mais insuffisantes si notre volume de consommation total reste inchangé. Et cela d’autant plus si ces options plus respectueuses de l’environnement ne sont accessibles qu’à quelques privilégiés.</p>
<p>Un changement de paradigme s’impose, qui nécessite des choix politiques forts et l’union des consommateurs autour des préoccupations écologiques. Nous devons construire un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-justice_environnementale_vers_de_nouvelles_injustices_sociales_damien_bazin-9782343176741-63583.html">cadre écologique inclusif qui reconnaisse les besoins de tous</a> sans marginaliser les comportements individuels ni ignorer nos différences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doctorante à l'Université Côte d'Azur, membre du Laboratoire GREDEG-CNRS et membre du laboratoire LEGI de l'Ecole Polytechnique de Tunisie, Université de Carthage. </span></em></p>Le concept de bien-être social permet de comprendre pourquoi, en dépit des progrès réalisés pour répondre aux besoins humains les plus fondamentaux, la crise climatique est toujours là.Abir Khribich, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2263422024-03-27T16:42:52Z2024-03-27T16:42:52Z« Penser l’alternative. Réponses à 15 questions qui fâchent », par cinq économistes atterrés<p><em>Cinq économistes, David Cayla, Philippe Légé, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat et Henri Sterdyniak, membres du collectif des <a href="https://www.atterres.org/qui-sommes-nous/">Économistes atterrés</a>, ont mis leurs compétences en commun pour répondre à quinze <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/accueil?id_declaration=10000000955755&titre_livre=Penser_l%27alternative">« questions qui fâchent »</a> dans un ouvrage récemment publié aux éditions Fayard. Cela constitue la trame d’un programme alternatif. Nous vous en proposons un <a href="https://theconversation.com/topics/bonnes-feuilles-77244">extrait</a>, qui présente les intentions de l’ouvrage.</em></p>
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<p>Le capitalisme néolibéral n’est pas en mesure d’assurer le tournant nécessaire de sobriété, d’égalité et de réorientation radicale des consommations et des productions. Il entretient une dynamique productiviste, mais la ponction que l’humanité exerce sur son environnement naturel devient de plus en plus insoutenable. L’impact le plus marquant est le réchauffement climatique induit par le cumul des émissions de gaz à effet de serre (GES), avec des conséquences déjà visibles : l’instabilité climatique accrue, la montée des eaux, la fonte du pergélisol, les sécheresses, les crises alimentaires, etc. La question de la perte de la biodiversité se pose aussi : elle risque notamment de nuire aux rendements agricoles. De même, l’épuisement des minerais rares pourrait venir freiner la transition écologique. Éviter la catastrophe écologique devrait donc être la grande affaire de l’humanité aujourd’hui et dans les décennies à venir.</p>
<p>Deux points de vue sont souvent opposés. Pour le capitalisme vert, les innovations techniques peuvent permettre de poursuivre une forte croissance, sans mettre en cause le mode de production. Les hausses de prix (de l’énergie ou des matières premières), résultant de l’équilibre offre/demande vont inciter aux innovations et à la réorientation des productions ; les marchés de permis de droits à polluer vont décourager les activités nocives à l’environnement et encourager les activités vertueuses ; l’agriculture industrielle parviendra à compenser les effets de pertes de diversité pour l’agriculture, etc. Cette stratégie repose sur une confiance sans limites dans les capacités d’adaptation des entreprises capitalistes dont le fonctionnement n’est pas remis en cause.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689372044025098240"}"></div></p>
<p>Pour les partisans de la décroissance, le niveau de vie des pays industrialisés n’est ni soutenable, ni généralisable. La croissance ne doit plus être l’objectif de l’économie. Il faut passer par une phase de décroissance de nos consommations matérielles (même si les services pourront augmenter) pour atteindre un plateau d’activité soutenable. Mais les partisans de la décroissance n’indiquent pas le niveau de consommation matérielle qui serait compatible avec une activité soutenable. Ils sont obligés d’appeler les ménages à l’austérité, ce qui est odieux pour les pauvres des pays riches et pour la quasi‑totalité des pays émergents.</p>
<p>Ce n’est pas dans un choix abrupt entre ces deux stratégies que se trouve la solution. La transition écologique a besoin d’innovations qui permettent d’éviter les dégâts écologiques. De même, faire décroître certaines productions et certaines consommations est indispensable. Les consommations ostentatoires, les innovations coûteuses et à l’utilité sociale douteuse doivent être découragées, sinon interdites.</p>
<h2>Une transition écologique et sociale</h2>
<p>La transition écologique et le progrès social ne sont pas compatibles avec le capitalisme, a fortiori sous sa forme néolibérale, celle de la finance libéralisée et du libre-échange. Ils ne le sont pas avec la liberté laissée aux entreprises de rechercher un profit maximal sans avoir à se soucier des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Par contre, le bilan économique et social accablant des pays dits communistes au XX<sup>e</sup> siècle a montré toutes les limites d’une centralisation excessive du pouvoir économique et politique. Les marchés et l’entreprenariat individuel sont indispensables pour que les produits correspondent aux désirs des ménages, pour que les entreprises innovent.</p>
<p>Les sociétés doivent à la fois, avec toutes les tensions que cela implique, se donner les moyens de piloter l’économie et laisser l’initiative privée se déployer. En pratique, cela signifie que, dans les limites de l’ordre public social, les PME puissent continuer à œuvrer librement, mais que les grandes entreprises, passée une certaine taille, soient gérées socialement. Pour certains secteurs comme l’énergie, l’eau, les autoroutes ou la production de certains médicaments, les nationalisations s’imposent. Développer un pôle bancaire et financier, réorienter le crédit est indispensable pour financer la transition écologique et économique. Les grandes entreprises doivent être gérées par les représentants de l’ensemble des parties constituantes (les apporteurs de capitaux, les dirigeants, les salariés) et prenantes (les clients, les fournisseurs, les collectivités locales, les représentants de la planification écologique…). C’est ainsi que l’on peut repenser le socialisme : non pas dans le sens où tout serait nationalisé, que toute initiative privée serait supprimée, mais dans le sens où l’évolution globale de l’économie serait socialement contrôlée. Ce ne serait plus l’accumulation du capital au bénéfice de quelques-uns qui primerait, mais le politique, expression du pouvoir des citoyens.</p>
<p>Dans ce cadre, le salariat lui-même est à repenser. Il demeure certes une forme d’exploitation, mais il est aussi synonyme de statut, de garantie de droits et de sécurité du revenu. Repenser le salariat, ce n’est plus demander son abolition, c’est étendre les garanties statutaires qu’il offre : en y réintégrant les travailleurs surexploités (les travailleurs « uberisés »…) ; en luttant contre la précarisation et la sous-traitance ; en étendant les possibilités de formation et d’évolution de carrière ; en réduisant les inégalités de revenus et de statuts, via notamment l’introduction d’un écart maximal de revenu au sein de l’entreprise ; en vivifiant le travail collectif, gage d’innovation et de bien-être au travail ; en permettant aux salariés et à leurs syndicats d’intervenir à tous les niveaux de gestion de l’entreprise. Simultanément, l’économie sociale et solidaire – qui est privée, mais non capitaliste – est à encourager. L’entreprise, à l’instar de l’économie elle-même, doit devenir républicaine.</p>
<p>La transition écologique peut être une chance pour la France, si elle sait en profiter pour se réindustrialiser, pour proposer des produits robustes, compatibles avec les contraintes écologiques, pour améliorer les rapports sociaux et les rapports dans les entreprises. C’est par la force de l’exemple, que la France trouvera les alliés indispensables en Europe et ailleurs dans le monde pour explorer d’autres voies que celles du néolibéralisme.</p>
<p>Sobre, la société doit aussi être solidaire et égalitaire. Le changement des modes de consommation suppose que soit mis fin à la consommation ostentatoire des plus riches, que l’on tourne le dos à l’obsolescence accélérée des produits, à la multiplication de nouveaux besoins et de nouveaux produits introduits à des fins uniquement mercantiles. C’est d’abord au niveau des entreprises que la réduction des inégalités est à opérer. Une société plus juste, cela passe par la hausse de la rémunération des emplois du soin (qui sont de fait à prédominance féminine) et de ceux des « premiers de corvée », et en sens inverse par la baisse de celle des emplois peu utiles socialement (les financiers, les publicitaires…). C’est ensuite par la fiscalité, en particulier par la taxation des revenus du capital et la hausse des droits des grandes successions ; c’est aussi en étendant la protection sociale (avec le 100 % sécu, a hausse du RSA et des prestations familiales…) et les services publics (pour la santé l’enseignement…).</p>
<h2>Pour une alternative démocratique</h2>
<p>L’organisation de la transition écologique ne peut être laissée aux seuls marchés. Elle ne peut pas non plus reposer sur les seules initiatives locales, même si celles‑ci sont précieuses. Ce sont les États, les gouvernements et les parlements, en tant que garants de l’intérêt général, qui, après de larges débats démocratiques et sociaux, ont la responsabilité de faire entrer les sociétés dans un processus de profonde transformation économique et sociale. La planification écologique et démocratique est un impératif, le rétablissement de la souveraineté nationale une nécessité.</p>
<p>Organiser une transition d’une telle ampleur suppose de rompre avec le capitalisme néolibéral et partant avec le principal levier par lequel il s’est imposé : la mondialisation marchande et financière. Pendant longtemps, beaucoup des opposants au néolibéralisme ont été réticents au protectionnisme et, plus généralement, à l’éloge des frontières, parfois assimilés au nationalisme et au racisme. Piège redoutable, comme s’il n’importait pas d’opposer à l’extrême droite une vision progressiste et républicaine de la nation. On ne peut d’un côté accentuer, par le libre‑échange et la finance libéralisée, la pression concurrentielle entre les États et les travailleurs et, de l’autre, prôner une coopération plus étroite pour lutter contre le changement climatique et le dumping social. Le référendum de 1992 et plus encore celui de 2005 ont été de véritables séismes politiques. Massivement, les classes populaires et moyennes ont exprimé leur refus d’être dessaisies de leur pouvoir citoyen.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Ni la transition écologique, ni le progrès social, ne sont compatibles avec le dessaisissement des citoyens, le transfert de pouvoir à des institutions supranationales ou à des « autorités administratives indépendantes » nationales, aussi soumises aux intérêts des puissants qu’elles sont éloignées des peuples. Le fédéralisme européen est une impasse. Pour redonner de la légitimité à l’Europe aux yeux des peuples, il faut la reconstruire sur de nouvelles bases. La boussole : la mettre au service des États sociaux nationaux – car les États sociaux ne peuvent être que nationaux (qui imagine des services publics ou des prestations sociales européennes ?) – et non au service de leur détricotage.</p>
<p>Le débat politique, la démocratie, vivent d’abord et avant tout dans le cadre de la collectivité des citoyens et du territoire sur lequel s’exerce leur souveraineté. Pour que l’économie n’échappe plus à la démocratie, il importe donc de réhabiliter les souverainetés nationales. C’est la condition pour que les citoyens retrouvent confiance dans le politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Cayla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ouvrage « Penser l’alternative. Réponses à quinze questions qui fâchent » a récemment été publié par cinq membres du collectif des économistes atterrés. Nous vous en proposons les bonnes feuilles.David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2266632024-03-26T15:03:24Z2024-03-26T15:03:24Z5,5 % de déficit public en 2023 : à qui la faute ?<p><a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/8061907#:%7E:text=n%C2%B0%2074-,En%202023%2C%20le%20d%C3%A9ficit%20public%20s%E2%80%99%C3%A9l%C3%A8ve%20%C3%A0%205%2C,6%2C6%20%25%20en%202021">5,5 %</a> du PIB, telle est la mesure du déficit public communiquée mardi 26 mars par l’Insee. C’est bien au-delà des estimations de <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/291613-loi-du-30-novembre-2023-de-finances-de-fin-de-gestion-2023#:%7E:text=La%20loi%20de%20finances%20de,brut%20(PIB) %20en %202023.">4,9 %</a> que partageait le gouvernement le 31 octobre 2023 dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2023 et très loin de la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-degradation-des-finances-publiques-affaiblit-la-position-de-la-france-en-europe-2084937">moyenne de la zone euro de 3,2 %</a>.</p>
<p>Anticipant cette annonce le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson, avait exercé le 21 mars le droit que lui confère l’article 57 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000394028">loi organique relative aux lois de finances</a> du 1<sup>er</sup> août 2001, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle sur l’action du gouvernement, en se rendant au ministère des Finances pour une vérification sur pièces et sur place. À peine sorti de Bercy il avait dénoncé une rétention d’informations du gouvernement qui, selon lui, disposait déjà depuis décembre 2023, soit au cours de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion, d’une note évaluant le déficit 2023 à 5,2 %.</p>
<p><iframe id="kzhoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kzhoq/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il a surtout indiqué que l’Exécutif envisageait désormais un déficit de 5,7 % en 2024 (contre les 4,4 % indiqués dans la loi de Finances pour 2024) et même de 5,9 % en 2025. L’écart pour 2024 est massif, 36 milliards d’euros de déficit supplémentaire en 2024. C’est sans commune mesure avec les <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">10 milliards d’économies</a> décidés par décret en février. Pour 2025, les écarts avec les textes budgétaires grimpent jusque 65 milliards, pour une annonce début mars de 20 milliards d’économies pour l’ensemble de comptes publics en 2025. Toujours très éloignée du plafond de 3 % imposé par le Pacte de stabilité, la France est aujourd’hui le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-degradation-des-finances-publiques-affaiblit-la-position-de-la-france-en-europe-2084937">plus mauvais élève de la zone euro</a> après l’Italie dont le déficit est de 7 % en 2023.</p>
<h2>Une dérive systématique</h2>
<p>L’évolution des dépenses publiques 2023 s’est avérée à peu près conforme aux attentes gouvernementales en hausse de 3,7 % après 4 % en 2022. Ce sont les recettes qui ont ralenti plus fortement qu’attendu en ne progressant que de 2 % après 7,4 % en 2022 sous l’effet du ralentissement de l’activité. Le phénomène se trouve amplifié pour des raisons techniques : le niveau des recettes fiscales s’avère en effet plus fortement dépendant de celui de l’activité que sa moyenne historique.</p>
<p>Dans le détail on retiendra que le déficit public reste très largement, à plus de 90 %, le fait de l’État et des administrations centrales et dans une moindre mesure de la Sécurité sociale, quasiment en totalité du fait de l’assurance-maladie. Les collectivités territoiriales qui ne peuvent, de par la loi, emprunter que pour des investissements, restent à l’équilibre. L’assurance chômage enregistre même un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/les-comptes-de-lassurance-chomage-sameliorent-mais-moins-que-prevu-2077594#:%7E:text=L%E2%80%99exc%C3%A9dent%20s%E2%80%99est%20ainsi,remonterait%20sensiblement%20les%20ann%C3%A9es%20suivantes">excédent de 1,6 milliard</a> malgré les ponctions de l’État.</p>
<p><iframe id="Qo9y2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Qo9y2/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Depuis 1980 la <a href="https://theconversation.com/pourra-t-on-vraiment-eviter-de-futures-hausses-dimpots-pour-financer-les-mesures-durgence-149453">dérive des comptes publics fut systématique</a>, <a href="https://theconversation.com/deficit-public-pourquoi-les-objectifs-affiches-ne-sont-jamais-atteints-215168">quelle que soit la couleur politique des gouvernements</a>. Les crises les ont logiquement contraints à des relances keynésiennes nécessaires pour soutenir l’économie comme en 1993 (6,4 % de déficit) puis plus nettement encore en 2009 (7,2 %) le record étant atteint pendant le Covid en 2020 (9 %). La récurrence des déficits vient du fait que les périodes de forte croissance n’ont jamais été mises à profit pour désendetter l’État comme nous le rappelle l’<a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/03/18/lionel-jospin-distribue-les-50-milliards-de-francs-de-la-cagnotte-2000_3686761_1819218.html">épisode fameux dit de la « cagnotte » en 2000</a> : le Premier ministre Lionel Jospin annonçait alors comment il redistribuerait les 50 milliards de francs de surplus de rentrées fiscales.</p>
<p>En conséquence le déficit structurel, indépendant de la conjoncture économique, est resté au cours des dernières années assez stable, autour de 5 % du PIB malgré une sous-estimation récurrente (et <a href="https://theconversation.com/letrange-estimation-gouvernementale-du-deficit-structurel-francais-en-2020-155089">parfois loufoque</a> comme en 2020) du ministère de l’Économie.</p>
<h2>Pas d’alternative crédible</h2>
<p>Selon une <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2023862dc/2023862dc.pdf#page=9">jurisprudence constante</a>, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative la loi de finances pour 2024 (considérant 20), « s’il apparaissait en cours d’année que l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ». Au vu de l’ampleur des dérives constatées pour 2023 et annoncées pour 2024 et 2025, on voit mal comment le gouvernement pourrait faire l’économie d’une loi de finances rectificative, sans doute juste après les Européennes.</p>
<p>Or, pour la première fois depuis le début de cette législature, le groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée se déclare prêt à joindre ses voix aux autres groupes d’opposition face à ce qu’Éric Ciotti, président du parti, qualifie de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/eric-ciotti-la-gestion-calamiteuse-des-finances-publiques-du-gouvernement-doit-etre-censuree-2083768">« gestion calamiteuse des finances publiques »</a>, ajoutant :</p>
<blockquote>
<p>« La situation des finances publiques constitue la première menace qui pèse sur l’avenir de notre pays. »</p>
</blockquote>
<p>Une motion de censure adoptée impliquerait la chute du gouvernement Attal et très probablement de nouvelles élections législatives. Il n’est donc pas inutile de se pencher sur les doctrines budgétaires des trois principales forces d’opposition à l’Assemblée nationale.</p>
<p>À la différence de la majorité actuelle, adepte d’un statu quo sur les impôts mais d’une baisse relative des dépenses publiques, <a href="https://republicains.fr/contre-budget-des-republicains/#:%7E:text=Notre%20objectif%20est%20de%20les,des%20pr%C3%A9l%C3%A8vements%20obligatoires%20en%202022">Les Républicains</a> comme le <a href="https://rassemblementnational.fr/communiques/economies-justice-fiscale-et-defense-du-pouvoir-dachat-les-propositions-concretes-du-rn-aux-dialogues-de-bercy">Rassemblement national</a> (RN) proposent des baisses d’impôt financées par d’hypothétiques coupes dans certaines dépenses mais en sanctuarisant – vraisemblablement pour des raisons électorales – les retraites. Le RN propose même un retour à la retraite à 60 ans pour de nombreux actifs alors que le déficit attendu des régimes de retraite est estimé, après la réforme si décriée de mars 2023, à <a href="https://theconversation.com/la-reforme-des-retraites-un-court-repit-pour-les-finances-publiques-204384">11 milliards en 2027</a>.</p>
<p>La <a href="https://lafranceinsoumise.fr/2023/11/07/gouverner-par-les-besoins-nos-priorites-budgetaires-pour-l%CA%BCannee-2024/">France insoumise</a> assume, elle, une flambée des dépenses sociales avec un retour à la retraite à 60 ans, une hausse du point d’indice des fonctionnaires et du smic (17 milliards) ou encore l’indexation des retraites sur les salaires (16 milliards). Le tout financé par des hausses des impôts sur les ménages aisés et sur les sociétés, impôts au rendement très hypothétique.</p>
<h2>Hausses d’impôts déguisés et coupes dans les dépenses</h2>
<p>Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron soutient qu’une augmentation du taux d’emploi au niveau de celui de nos voisins allemands assurerait des recettes supplémentaires qui feraient disparaître la totalité du déficit public. Certes le taux d’emploi est bien en hausse mais une telle parité prendra du temps alors que les intérêts de la dette publique passeront mécaniquement de 38,6 milliards d’euros en 2023 à au moins 74 milliards en 2027.</p>
<p><iframe id="ODvPG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ODvPG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En conséquence les marges de manœuvre budgétaires du président qui étaient déjà <a href="https://theconversation.com/les-marges-de-manoeuvre-budgetaires-particulierement-limitees-du-second-quinquennat-macron-181871">particulièrement faibles au début de son second mandat</a> semblent désormais inexistantes. Les agences de notation Fitch et Moody’s doivent d’ailleurs revoir la note qu’elles attribuent à la dette française le 26 avril et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/03/le-maintien-par-standard-poor-s-de-la-note-de-la-france-un-satisfecit-a-la-portee-limitee-pour-le-gouvernement_6175991_823448.html">Standard & Poor’s</a> le 31 mai, soit juste avant les élections européennes.</p>
<p>Ainsi, on voit mal comment le pays pourrait échapper à des hausses d’impôts, au moins sous la forme relativement indolore d’<a href="https://www.europe1.fr/economie/Impot-sur-le-revenu-le-gel-du-bareme-c-est-fini-584938">années blanches</a> consistant à geler le barème de l’impôt sur le revenu (IR), sans prendre en compte l’inflation comme ce fut le cas en 2011 et 2012, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy et au début de celui de François Hollande. Une telle décision se traduirait par une hausse du rendement de l’IR de l’ordre de <a href="https://www.ericpichet.fr/news/2023/bareme-de-limpot-sur-le-revenu-et-inflation.html">6 milliards en 2025</a>. D’autres mesures de justice sociale semblent également inéluctables comme l’alignement à revenu égal de la CSG des inactifs sur celle des actifs. Les entreprises seront sans doute également touchées et il faut s’attendre à un nouveau report de la baisse de la CVAE.</p>
<p>C’est néanmoins en taillant dans les dépenses publiques que le redressement des comptes serait le plus efficace, essentiellement dans les dépenses sociales <a href="https://fipeco.fr/commentaire/Les%20d%C3%A9penses%20par%20politique%20publique%20en%202022">très nettement supérieures aux autres pays de l’Union européenne</a>. Ainsi sur les retraites (14,4 % du PIB contre 11,9 % dans l’UE) la désindexation sur l’inflation semble inexorable. Pour la santé (12,2 % du PIB contre 10,5 % dans l’UE) la logique de déremboursement progressive qui se traduira au 31 mars 2024 par un reste à charge de 1 euro par boite de médicaments va se poursuivre. Les subventions de France compétences à l’apprentissage en particulier dans le supérieur seront sans doute restreintes dès cette année malgré l’<a href="https://theconversation.com/apprentissage-une-depense-publique-importante-pour-un-rendement-economique-et-social-eleve-220700">excellent rendement social à moyen et long terme</a> de l’apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le déficit public mesuré en 2023 est bien plus important qu’escompté. Malgré les discours gouvernementaux, il semble difficile d’échapper à des hausses d’impôts, même déguisées.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2233822024-03-19T16:57:01Z2024-03-19T16:57:01ZIl y a 150 ans, Glasgow était « the place to be » pour la jeunesse<p>Il y a 150 ans, à Glasgow, loin des jeux vidéos, d’internet et des réseaux sociaux, la jeunesse populaire avait sa propre manière de se divertir. Des établissements de loisir aux attractions foraines, un large choix de divertissements se développait et allait forger, progressivement et non sans heurts, la notoriété actuelle de Glasgow en tant que capitale écossaise du loisir et de la culture.</p>
<p>Pour comprendre comment la jeunesse a participé à la construction de cette notoriété, il faut se replonger dans la société victorienne de Glasgow des années 1850 à 1900, alors en pleine mutation.</p>
<h2>Une société qui se transforme</h2>
<p>La période victorienne (1837-1901) marque un tournant décisif dans l’histoire sociale et culturelle de Glasgow. Étant le cœur industriel de l’Écosse, la ville attire une population de plus en plus nombreuse et hétérogène.</p>
<p>Dans les années 1850, les Irlandais d’Ulster arrivent en masse dans le port de Glasgow, poussés par la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/la-grande-famine-en-irlande-1845-1851-8496022">Grande Famine</a> et à la recherche de meilleures conditions de vie. De même, les habitants des Highlands sont victimes de la famine, mais ils subissent aussi la réforme agraire, qui les pousse à quitter leurs campagnes. Puis pour des raisons économiques, des immigrés des pays baltes, des pays de l’Est et enfin d’Italie <a href="https://www.johngraycentre.org/about/archives/brief-history-emigration-immigration-scotland-research-guide-2/">viennent petit à petit s’établir dans la ville</a>.</p>
<p>Entre 1851 et 1901, le nombre d’habitants passe alors de 329 097 à presque 800 000, dont quasiment la moitié d’entre eux sont âgés de moins de 25 ans. Grâce à cet afflux de main-d’œuvre étrangère, jeune, peu qualifiée et donc peu onéreuse, Glasgow devient ainsi la plus grande ville d’Écosse et, du point de vue économique, la Seconde Ville de l’Empire britannique.</p>
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<p>Néanmoins, la ville n’est pas prête à accueillir si rapidement une telle population et les nouveaux arrivants s’entassent à la hâte dans des logements exigus et insalubres. Au centre de la ville, les égouts à ciel ouvert se jettent dans les eaux polluées du fleuve Clyde et la pauvreté ajoute au tableau noir des fumées des usines, les conflits communautaires et religieux, les <a href="https://www.theglasgowstory.com/story/?id=TGSD0">épidémies, l’alcoolisme, la corruption, le crime, la délinquance et la prostitution</a>.</p>
<p>C’est au cœur de cette décrépitude urbaine et sociale que va se réinventer progressivement, au-delà des différences culturelles de chacun, un outil fédérateur porté par la jeunesse : le divertissement populaire.</p>
<h2>Le divertissement comme moyen d’émancipation</h2>
<p>Le besoin de se divertir n’est pas un phénomène <a href="https://www.researchgate.net/publication/308709630_Sports_et_Loisirs_Une_histoire_des_origines_a_nos_jours">propre à la seconde moitié du XIXᵉ siècle</a>. Mais dans la société victorienne de Glasgow, affectée par tant de bouleversements socio-économiques, le développement du divertissement est nécessaire. Il contribue à restaurer des repères sociaux pour la population issue de quartiers populaires, qui trouve dans le divertissement un exutoire à son quotidien difficile.</p>
<p>C’est d’autant plus vrai pour les adolescents, dont le temps de travail est peu à peu réduit par la promulgation des lois qui régulent le travail des femmes et des enfants en usine, les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Factory_Acts">Factory Acts</a>. Pour la plupart nés ou ayant grandit sur le sol glasgvégien, ces adolescents profitent de ce nouveau temps libre pour se regrouper, loin du fardeau du rejet social et de la discrimination que portent, pour un grand nombre d’entre eux, leurs parents pauvres ou/et immigrés.</p>
<p>Parmi les lieux les plus prisés de la jeunesse, il y a tout d’abord les music-halls et les théâtres à scène ouverte, appelés « free-and-easy ». Puis viennent les cabarets dansants, qui constituent des lieux privilégiés de rencontre et d’échange à travers la musique et la danse. Les « penny theatres », quant à eux, offrent aux jeunes gens la possibilité d’assister à des pièces de théâtre un peu plus sophistiquées que celles qui se jouent dans les rues.</p>
<p>Se développant considérablement à partir des années 1860 afin de répondre à la demande, ces établissements ont en commun la particularité de proposer des tarifs d’entrée à très bas prix toute l’année. À l’inverse, l’entrée des « pubs hybrides » est gratuite. Par compensation, les tarifs des boissons sont plus élevés au sein de ces pubs, dont le nom <a href="https://www.google.fr/books/edition/Scotland_and_the_Music_Hall_1850_1914/hn1kuc21R8cC?hl=fr&gbpv=1&dq=paul+maloney+pubs+hybrides&pg=PA37&printsec=frontcover">suggère que les arrière-salles sont transformées pour recevoir du public</a>.</p>
<p>Enfin, l’un des événements annuels qui attirent le plus la jeunesse des quartiers populaires est la foire de Glasgow, qui prend peu à peu des allures de fête foraine. De nombreux manèges et cirques y font leur apparition dans les années 1870 : les swing-boats (nacelles suspendues à des fils), les lions de Miss Lily Day, Willie Campbell « le Géant de Glasgow », Mr. Tche Mah « le Nain chinois ». Ces attractions incarnent autant de sujets de curiosité, de fantasme et de rêve que s’approprie la jeunesse des quartiers pauvres de Glasgow.</p>
<p>Pour les adolescents, en passe de devenir adultes, l’entrée dans la sphère sociale publique est un moyen de se dissocier de la cellule familiale et d’affirmer leur individualité au sein de la société. Ces sorties représentent alors une opportunité de découvrir les autres et de se découvrir eux-mêmes. Les jeunes hommes construisent leur masculinité par la séduction, la consommation d’alcool ou quelques fois par la violence, lors de conflits durant lesquels ils s’opposent physiquement <a href="https://www.google.fr/books/edition/The_Moral_Statistics_of_Glasgow_in_1863/X31GAAAAYAAJ">aux figures de l’autorité ou à leurs pairs</a>.</p>
<p>À l’inverse, les jeunes femmes construisent leur féminité en s’émancipant des contraintes morales que la société impose aux femmes. Par la danse, la consommation d’alcool ou encore la promiscuité avec le sexe opposé, elles bravent les interdits et s’affirment en tant que femmes indépendantes. Ainsi portée par le vent du changement, la jeune génération ouvrière revendique à travers une nouvelle culture urbaine et cosmopolite son émancipation à l’autorité d’un monde qu’elle considère comme révolu.</p>
<h2>Entre contrôle et pérennisation de la culture populaire</h2>
<p>À partir des années 1860, les classes aisées et les associations religieuses, notamment protestantes, commencent à s’inquiéter de voir se développer ces nouveaux lieux de divertissement, qu’ils considèrent comme les lieux de débauche de la jeunesse populaire. Parce que cette jeunesse doit garantir le devenir économique et social de la ville, ils entendent donc contrôler la façon dont elle se divertit.</p>
<p>Par exemple, les directeurs de la Magdalene Institution – où sont internées les jeunes femmes perçues comme déviantes –, se soulèvent contre le Parry’s Theatre, qu’ils considèrent comme l’établissement le plus dangereux du centre-ville. Celui-ci est alors fermé, puis racheté par John Henderson Park qui, à la tête de l’institution, convertit ce « temple vil du diable » en <a href="https://www.theses.fr/2023GRALL016">lieu de prière pour les classes populaires</a>.</p>
<p>En 1863, J.H. Park et les membres de la Glasgow Temperance Mission – association contre l’alcoolisme – tentent aussi de faire interdire la foire de Glasgow, qui sera délocalisée dans le quartier de Parkhead. Le motif est que les spectacles sont de caractère douteux et que la gestion des manèges est entre les mains de personnes issues de la communauté des gens du voyage, jugées « non fréquentables », tel qu’en témoigne un article publié dans le <a href="https://britishnewspaperarchive.co.uk/"><em>Glasgow Herald</em> en 1869</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les pères mènent une vie d’oisiveté et de dissipation, les mères possèdent peu de qualités maternelles, et leurs enfants sont élevés sans éducation et parfaitement ignorants de la différence entre le bien et le mal. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les années 1870, les classes aisées dénoncent quant à elles l’attitude des femmes étrangères qui se produisent sur les planches de la scène glasvégienne. Leurs costumes frivoles et leur maquillage sont jugés vulgaires et indécents. Ainsi, les spectacles de french cancan proposés par le music-hall Whitebait en 1875 soulèvent un tollé dans la presse locale et la municipalité interdit leur représentation.</p>
<p>Malgré ces efforts mis en œuvre pour contrôler la façon dont se divertit la jeunesse, la municipalité ne peut totalement bannir de Glasgow les lieux de divertissement populaires, car ils sont économiquement indispensables à l’épanouissement d’une société qui, par le développement des voies ferrées et du tourisme, s’ouvre peu à peu au monde. Aujourd’hui encore, cette culture urbaine et cosmopolite se lit sur les devantures des pubs et des théâtres. Elle se vit à l’occasion des concerts et des festivals bouillonnants que la municipalité propose tout au long de l’année.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanette Pradon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des établissements de loisir aux attractions foraines, la notoriété actuelle de Glasgow en tant que capitale écossaise du loisir et de la culture est un héritage du XIXᵉ siècle.Fanette Pradon, doctorante en civilisation britannique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2254862024-03-19T16:56:56Z2024-03-19T16:56:56ZLa Russie a-t-elle les moyens économiques de vaincre l’Ukraine en 2024 ?<p>Dans les années 1980, la stagnation de l’économie prive progressivement l’URSS des moyens de ses ambitions de puissance mondiale. L’échec, acté en 1989, de la guerre menée pendant dix ans pour dominer l’Afghanistan signe le début de la fin de l’URSS, qui se disloque en décembre 1991. La transition brutale vers l’économie de marché se traduit en 1998 par une faillite économique complète, une phase d’<a href="https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1992_num_21_2_1843">hyperinflation</a>, un appauvrissement brutal de la population, la quasi-cessation du versement des salaires des fonctionnaires…</p>
<p>Avec la complicité des anciens du KGB, les futurs oligarques en profitent pour s’approprier les ressources du pays, parfois par la violence. En 1999, la Fédération de Russie est menacée d’éclatement par la révolte tchétchène.</p>
<h2>Un rétablissement de courte durée au début du XXIᵉ siècle</h2>
<p>L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine cette même année correspond au début du rétablissement l’économie de la Fédération, qui bénéficie d’une envolée des prix des matières premières. L’indice des prix de l’énergie calculé par la Banque mondiale sur la base de 100 pour la moyenne de l’année 2016 est multiplié par 6 entre 2000 et 2007. Depuis 2008, ces prix fluctuent autour d’une moyenne élevée de 176.</p>
<p><iframe id="0pkww" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0pkww/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’économie russe connaît une embellie de 2000 à 2008 : le PIB par habitant de la Russie remonte de 50 % du niveau des pays développés en l’an 2000 à 62 % en 2008. La crise financière mondiale inverse le mouvement à partir de 2009, et le ratio retombe à 45 % en 2022.</p>
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<p>La crise de 2008 met un terme à la politique de modernisation de la Russie. Le tandem dirigeant, Poutine-Medvedev, rejette la libéralisation économique et politique de leur pays, responsable selon eux du chaos, et revient à la grande tradition russe autour du triptyque répression, militarisation et rente énergétique.</p>
<p>Au tournant des années 2010, Poutine perçoit les faiblesses du camp occidental : <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2010-2-page-443.htm">abandon par Obama</a> en 2009 du projet d’installation d’un bouclier antimissile à l’est de l’Europe puis, en 2013, son <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/04/07/le-jour-ou-barack-obama-avait-efface-sa-ligne-rouge-sur-la-syrie_5107363_3210.html">refus d’intervenir en Syrie</a> quant Bachar Al-Aassad franchit la « ligne rouge » qu’avait tracée le président américain (l’utilisation des armes chimiques). Commence alors pour la Russie une stratégie d’alliances, de soutien aux forces anti-occidentales dans le monde et d’interventions militaires directes dans un certain nombre de conflits : en Géorgie, en Syrie, en Libye, en Afrique subsaharienne, etc. Poutine place la lutte contre l’hégémonie occidentale au centre de sa stratégie.</p>
<p>Lorsqu’en 2013 Xi Jinping arrive au pouvoir, il est bien décidé, lui aussi, à remettre en question la domination de l’« Occident décadent ». Dès sa nomination, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2013/03/21/01003-20130321ARTFIG00492-xi-jinping-choisit-la-russie-pour-sa-premiere-visite-d-etat.php">il se rend en Russie</a> pour réaffirmer l’« amitié indéfectible » entre les deux pays face à l’Occident. Mais la Chine reste prudente car son développement industriel exceptionnel dépend de manière vitale de son accès aux marchés, aux technologies et aux investissements directs des pays développés.</p>
<p>Dès 2014, Poutine, au contraire, envahit la Crimée et une partie de l’Ukraine. La faiblesse des réactions européennes à cette agression d’un pays souverain le conforte dans l’idée que l’Europe est le maillon faible de l’Occident ; il prépare dès lors l’invasion de toute l’Ukraine, qu’il tente en 2022. Cette invasion sera un double échec cinglant : militaire, devant la formidable résistance ukrainienne ; diplomatique et stratégique, devant la mobilisation de l’Occident réunifié pour soutenir Kiev.</p>
<p>La guerre en Ukraine devient alors une guerre d’attrition qui entraîne la mobilisation totale des deux pays. Dans ce conflit, les capacités économiques des deux belligérants jouent un rôle majeur.</p>
<h2>La surprenante résilience de l’économie russe en 2022</h2>
<p>L’année 2022 a été extrêmement contrastée pour la Russie : d’une part, elle a perdu son pari de mener une guerre éclair et d’annexer l’Ukraine, mais d’autre part elle a <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-linvasion-de-lukraine-une-insolente-resilience-de-leconomie-russe-199528">bénéficié d’une année économique exceptionnelle</a> en dépit des sanctions occidentales.</p>
<p>Celles-ci avaient pour but de la priver des ressources extérieures que lui procuraient ses exportations de produits primaires. Or les recettes d’exportation russes ont atteint des niveaux exceptionnels grâce au <a href="https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/sanctions-contre-la-russie-le-grand-contournement-les-magouilles-secretes-de-societes-europeennes-LYQNTJB26BELFMTLB4JXVLVCCI/">contournement de ses flux d’exportation habituels</a>, et surtout grâce à la flambée des prix de l’énergie primaire (cf. graphique 1). Elles se traduisent par des excédents de sa balance des paiements courants tout aussi exceptionnels (cf. graphique 3) : alors qu’ils s’élevaient en moyenne à 63 milliards de dollars par an lors de la période 2000-2020, leur niveau de 2022 a été proche de 250 milliards.</p>
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<p>Par ailleurs, les sanctions voulues par les pays occidentaux <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13860">n’ont pas été appliquées par les pays du « Global South »</a>. Par ordre d’importance, la Chine, l’Inde et la Turquie ont été et sont encore aujourd’hui, pour plus de 75 %, les principaux destinataires des exportations énergétiques russes.</p>
<p>Cette réorientation du commerce a été extrêmement rapide. Les opérateurs du commerce international sont en majeure partie des compagnies de transport à capitaux occidentaux ou des compagnies « fantômes ». Souvent confrontés à des crises d’approvisionnement de toute sorte, ces opérateurs ont développé une extraordinaire capacité d’adaptation. De leur côté, les Européens, à deux exceptions près (l’Autriche et la Hongrie), ont eux aussi réussi en un an, parfois dans la douleur, à réorienter leurs sources d’approvisionnement. Pour la France, <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13936">l’impact du recul des échanges avec la Russie est aujourd’hui secondaire</a>.</p>
<h2>Une année 2023 et des perspectives économiques et financières 2024 nettement moins favorables</h2>
<p>L’année 2023 apparaît beaucoup moins favorable, même s’il y a une reprise apparemment remarquable de la croissance du PIB, <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-russie-renoue-avec-la-croissance-economique-malgre-les-sanctions-occidentales-990010.html">évaluée à 3,6 %</a>. Mais c’est un chiffre claironné par Poutine qui a été aussitôt <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/une-croissance-economique-russe-en-trompe-loeil-georgieva-fmi-2075768">mis en doute par la présidente du FMI</a>, qui a souligné que cette croissance était le fait du complexe militaro-industriel au détriment du secteur civil.</p>
<p>Depuis le milieu de l’année 2022, les excédents courants de la Russie chutent. D’un sommet proche de 80 milliards de dollars au deuxième trimestre 2022, on tombe à <a href="https://www.cbr.ru/eng/statistics/macro_itm/svs/bop-eval/">10 milliards au quatrième trimestre 2023</a>. Dans le même temps, le <a href="https://www.sipri.org/media/press-release/2023/russias-new-budget-law-signals-determination-see-war-ukraine-through-according-new-sipri-analysis">budget de la défense s’alourdit</a>. D’une moyenne de dépenses militaires de 47 milliards de dollars avant-guerre, on passe en 2021-2023 à un peu plus 60 milliards. Pour 2024, les prévisions budgétaires font apparaitre une explosion de ces dépenses, qui atteindraient près de 140 milliards de dollars, soit plus de 7,1 % du PIB (la moyenne européenne est de 1,5 % environ jusqu’en 2022) et plus de 35 % du budget de la Fédération (de 4 % pour la moyenne européenne). Le déficit budgétaire atteindrait 24 milliards de dollars.</p>
<p>Cette flambée des dépenses militaires soutient certes la croissance mais elle ne suffit pas à combler les besoins de l’armée, comme en témoignent le <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2023-09-13/guerre-en-ukraine/les-munitions-nord-coreennes-un-coup-de-pouce-a-moscou-pour-durer.php">recours aux importations de munitions nord-coréennes</a> et les <a href="https://english.alarabiya.net/News/world/2023/11/09/Russia-asks-countries-among-its-arms-customers-to-return-weapons-sold-to-them-Report">tentatives de rachat du matériel militaire</a> que la Russie avait exporté massivement avant la guerre. L’Égypte, le Brésil, le Pakistan et la Biélorussie ont été approchés à cette fin.</p>
<p>Dans un autre domaine, la pénurie de composants aéronautiques contraint la Russie à réduire son activité de transport aérien et à cannibaliser une partie de sa flotte. Selon <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/12/dans-le-secteur-aerien-la-russie-ne-pourra-brader-la-securite-sans-passer-pour-une-republique-bananiere_6216073_3232.html"><em>Le Monde</em> du 12 février 2024</a>, « plus de la moitié de la flotte actuelle sera mise hors service d’ici à 2025 ». Les <a href="https://www.lefigaro.fr/international/russie-crash-d-un-avion-de-transport-militaire-iliouchine-pres-de-moscou-20240312">incidents de vol</a> se multiplient en ce début de 2024. Or le transport aérien est vital pour la Fédération russe.</p>
<p>Cette hausse des dépenses publiques traduit aussi le coût humain élevé de cette guerre à travers <a href="https://tass.com/society/1729573">l’accroissement des pensions versées aux familles des soldats mis hors de combat</a>. Selon les estimations d’un rapport présenté au Congrès américain, <a href="https://edition.cnn.com/2023/12/12/politics/russia-troop-losses-us-intelligence-assessment/index.html">315 000 soldats de nationalité russe ont été mis hors de combat</a> depuis le début de la guerre, sur un effectif initial de 360 000 combattants mobilisés. Pour 2024, la hausse prévue est liée à l’accroissement de 15 % du nombre de combattants (soit 170 000 de plus, pour atteindre un effectif total de 2,2 millions, contre 1,5 million avant l’agression).</p>
<p>L’économie russe souffre par ailleurs d’une insuffisance de main-d’œuvre, ce qui s’explique par une multiplicité de facteurs : le déclin démographique, les centaines de milliers d’hommes qui ont fui l’enrôlement, les 315 000 victimes, et les 700 000 soldats mobilisés en supplément par rapport à l’avant-guerre. Cette pénurie se reflète dans la forte montée des salaires. <a href="https://www.jeune-independant.net/le-salaire-minimum-en-russie-a-augmente-de-185-depuis-le-1er-janvier-2024/">L’augmentation de 18,5 % du salaire minimum</a>, effective au 1<sup>er</sup> janvier 2024, concernerait plus de 4 millions de travailleurs. Autant de dynamiques qui devraient fortement peser sur l’inflation à venir.</p>
<h2>Les finances suffiront-elles à soutenir l’effort de guerre ?</h2>
<p>Si la dette extérieure de la Russie est faible, et se réduit encore, cela est dû au fait que les créanciers potentiels ne se précipitent pas. Les réserves extérieures de la Russie se monteraient à 630 milliards de dollars, dont 300 milliards sont détenus par les pays occidentaux et sont gelés du fait des sanctions.</p>
<p>La tentative de dédollariser les paiements extérieurs de la Russie se heurte à la faiblesse du rouble sur les marchés mondiaux. Sur un an, la devise russe est passée de 71,4 roubles pour un euro en janvier 2023 à 97,1 roubles pour un euro et, pour enrayer une chute incontrôlée, la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/russie-contrainte-par-l-inflation-la-banque-centrale-releve-son-taux-directeur-a-16-985819.html">banque de Russie a relevé ses taux à long terme à 16 %</a>, face à une inflation de plus de 7 % en 2023. Cette hausse pèse sur l’économie et alourdit d’autant le coût de la dette.</p>
<p>Ces dépenses supplémentaires devront être financées par un accroissement des impôts sur les entreprises et par la planche à billets, l’endettement extérieur étant exclu. En effet, si la dette extérieure de la Russie ne représente que moins de 5 % du PIB, l’agence de notation <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/fitch-downgrades-russia-to-c-08-03-2022">Fitch classe cette dette en catégorie C</a>, juste au-dessus de la catégorie D, correspondant au défaut de paiement.</p>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/exclusion-de-la-russie-du-reseau-bancaire-swift-quelles-consequences-pour-l-europe-20220302">L’exclusion su système Swift</a> conduit la Russie à tenter de dédollariser ses transactions commerciales et financières internationales, mais elle ne rencontre pas beaucoup de succès en la matière du côté des BRICS, qui en ont pourtant <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/les-brics-revent-de-dedollariser-l-economie-mondiale-20230822">pris l’engagement</a>. Par ailleurs, la tentation de la Russie de créer un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/15/la-russie-lance-un-rouble-numerique-esperant-contourner-les-sanctions-internationales_6185479_3210.html">« rouble numérique »</a> se heurte à des difficultés : d’une part, cette monnaie reposerait sur une monnaie faible, le rouble – ce qui n’est pas très attrayant ; d’autre part, l’État russe souhaite contrôler étroitement l’usage qui en serait fait, ce qui est en contradiction avec ce type de monnaie.</p>
<h2>L’année 2024 sera décisive</h2>
<p>L’accroissement considérable des dépenses militaires prévues pour 2024 et la baisse de ses ressources financières donnent le sentiment que la Russie joue son va-tout cette année.</p>
<p>Du côté de l’Ukraine, c’est l’aide occidentale et, en particulier, européenne qui sera déterminante, surtout en cas de défection de l’allié américain. L’aide occidentale a souvent donné l’impression d’être en retard sur les besoins de l’Ukraine. Le réarmement européen prend du temps, mais le potentiel industriel et les capacités financières ne manquent pas. L’Europe sera-t-elle capable de fournir à temps et en quantité suffisante les aides nécessaires à l’Ukraine ?</p>
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<p><em>Une version plus longue de cet article est disponible sur <a href="https://geopoweb.fr/?LA-RUSSIE-A-T-ELLE-LES-MOYENS-DE-VAINCRE-EN-2024-Michel-FOUQUIN">Geopoweb.fr</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Fouquin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’économie russe a tenu le choc des sanctions et de la guerre en 2022, mais 2023 aura été plus difficile. 2024 sera une année décisive pour les finances de Moscou, et donc pour sa guerre en Ukraine.Michel Fouquin, Professeur d'Economie à la Faculté de Sciences Sociales et Économiques (FASSE) , Conseiller au CEPII, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207342024-03-13T15:15:26Z2024-03-13T15:15:26ZCapturer, stocker et utiliser le carbone par la technologie : option sérieuse pour le climat ?<p>Face à un changement climatique plus sévère qu’attendu, <a href="https://theconversation.com/les-emissions-de-co-dorigine-fossile-ont-atteint-un-nouveau-record-en-2023-219133">atteindre les objectifs</a> de l’accord de Paris – c’est-à-dire <a href="https://theconversation.com/cop28-un-accord-inedit-mais-sans-lurgence-dagir-218087">limiter le réchauffement climatique</a> à moins de 2 °C, idéalement 1,5 °C à l’horizon 2100 – impliquera sans doute d’utiliser toutes les <a href="https://erf.org.eg/publications/technologies-and-innovation-in-the-gcc-energy-sector-differences-between-the-scope-and-the-direction-of-technological-change/">options technologiques possibles</a> à ce jour.</p>
<p>L’Agence internationale de l’énergie (AIE) est, sur le sujet, <a href="https://www.iea.org/reports/ccus">formelle</a> : plusieurs solutions existent d’ores et déjà, il convient désormais de les mettre en pratique à grande échelle.</p>
<p>Parmi ces options se distingue celle du <a href="https://theconversation.com/des-recherches-pour-convertir-le-co-emis-vers-latmosphere-en-carburant-152833">captage, du stockage et de la réutilisation du dioxyde de carbone</a> (CCUS en anglais). Elle pourrait participer à hauteur de 19 % aux réductions des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.</p>
<p>Sans cela, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> augmenterait de 70 % au même horizon, estime l’AIE. D’une solution théorique il y a quelques années, cette technologie est devenue l’une des options les plus prometteuses pour combattre le changement climatique. Le principal frein étant son coût élevé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De façon très simplifiée, il existe de nos jours <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">trois techniques de capture et de séparation du CO<sub>2</sub></a> :</p>
<ul>
<li><p>la capture post-combustion (après le processus de production),</p></li>
<li><p>la capture pré-combustion (avant le processus de production)</p></li>
<li><p>et la combustion d’oxygène-combustible.</p></li>
</ul>
<p>Ces trois technologies sont employées aujourd’hui par diverses industries et la tendance est à leur généralisation dans le monde.</p>
<p>En 2023, 392 installations commerciales de CCUS étaient recensées dans le monde, avec une <a href="https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2024/01/Global-Status-of-CCS-Report-1.pdf">capacité moyenne totale de captage de CO₂ de 361 Mtpa</a>. La plupart des usines qui ont mis en œuvre la technologie CCUS sont basées en <a href="https://research.chalmers.se/publication/534849/file/534849_Fulltext.pdf">Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est et Pacifique</a>, qui représentent respectivement 63 %, 22 % et 9 % de la capacité de captage mondiale.</p>
<p>Mais la technologie suscite de l’intérêt dans le monde entier et en particulier dans les pays émergents. Revenons donc sur l’état de développement des CCUS, leur potentiel mais également les principaux défis à venir.</p>
<h2>Des technologies coûteuses</h2>
<p>Les technologies CCUS sont au centre d’enjeux économiques majeurs. D’une part, l’analyse coût-bénéfice est défavorable en raison d’une tarification carbone encore trop faible. D’autre part, la rentabilité des investissements est incertaine, retenant ainsi les investissements à grande échelle. Enfin, des incertitudes sur les <a href="https://theconversation.com/donner-une-valeur-economique-a-la-nature-un-changement-de-paradigme-217752">externalités environnementales</a> limitent l’engagement des parties prenantes.</p>
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<p>Ces technologies ont en effet des coûts encore élevés. Moderniser des installations existantes et les doter de capacités CCUS est coûteux en raison de la nature sur mesure de l’intégration technologique requise pour chaque industrie et pour chaque entreprise.</p>
<p>Malgré cela, investir dans ces technologies est jugé crucial pour atteindre les objectifs climatiques à long terme. À mesure que nous nous approchons de 2030 (date à laquelle la plupart des engagements des contributions domestiques déterminées au niveau national doivent être respectés), la nécessité de ces options s’impose.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Courbe des coûts de séquestration du carbone (USD/tCO2) et potentiel de réduction des émissions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dziejarski et coll. (2023)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Faisabilité économique</h2>
<p>Sur le terrain du financement des CCUS, la dynamique de marché est encore faible. Certes, le financement privé pour les start-up utilisant le CO<sub>2</sub> a bondi, atteignant près d’un milliard de dollars dans la dernière décennie. Mais il reste insuffisant pour combler l’écart entre les plans actuels et les niveaux de déploiement requis pour une transition plus véloce vers le net zéro. Le pipeline mondial de CCUS, bien qu’en expansion rapide, est confronté à un déficit important de financement à grande échelle.</p>
<p>La faisabilité économique du CCUS doit tenir compte des coûts technologiques liés à la séparation du CO<sub>2</sub>, des coûts du transport (compresseurs et pipelines) et à l’injection. Des concentrations élevées de CO<sub>2</sub> peuvent en outre poser des problèmes de santé et de sécurité, notamment la corrosion et la dégradation des joints des réservoirs et les impuretés présentes dans le CO<sub>2</sub>. Une évaluation approfondie de ces facteurs est donc nécessaire <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30704089/">pour garantir la faisabilité économique des CCUS</a>.</p>
<p>Pour pallier ces problèmes, des solutions politiques à ces obstacles commencent à émerger, telles que la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-ecologique-62508">fiscalité écologique</a> – en particulier aux États-Unis –, la tarification du carbone, les mesures axées sur la demande et l’atténuation des risques.</p>
<h2>Des réformes réglementaires nécessaires</h2>
<p>Les considérations autour des CCUS sont très influencées par les politiques et les cadres fiscaux. Ces derniers ont un impact sur le niveau et les sources de financement d’investissement disponibles, l’adoption de la technologie et les délais de déploiement.</p>
<p>Le manque de politiques et de réglementations claires et cohérentes qui soutiennent les investissements dans le CCUS constitue un défi persistant. Tout comme l’absence de mécanismes efficaces de tarification du carbone ou d’incitations dans de nombreux pays. Il devient, dans ce contexte, difficile pour les industries de justifier les investissements initiaux importants requis pour établir une infrastructure CCUS à long terme aux échelles nécessaires.</p>
<p>Plusieurs pays ont mis en œuvre des politiques et des incitations pour promouvoir le CCUS, comme le crédit d’impôt américain 45Q, qui offre des incitations financières allant jusqu’à 85 dollars par tonne pour le CO<sub>2</sub> stocké en permanence, et 60 dollars par tonne pour le CO<sub>2</sub> utilisé pour des activités telles que la récupération assistée du pétrole (EOR) ou à d’autres fins commercialement viables, à condition qu’il existe des preuves établies que les émissions de CO<sub>2</sub> soient réduites par les projets bénéficiant d’incitations.</p>
<p>Il existe en effet des risques de fuites lors du transport et du stockage du CO<sub>2</sub>, susceptibles de polluer les sols et détériorer la qualité de l’eau locale et nuire à la population locale. Ce qui affecterait aussi l’acceptation par le public de la technologie CCUS.</p>
<p>Les pays devraient créer des fonds spéciaux pour le CCUS, introduire des incitations économiques et des politiques fiscales préférentielles et aider les entreprises à réduire les coûts de fonctionnement du CCUS. Sans soutien gouvernemental, les projets actuels peineront à être rentables dont pousseront peu les entreprises à s’y lancer.</p>
<h2>Un réel espoir en dépit de nombreux défis ?</h2>
<p>Le passage à l’échelle des CCUS se heurte ainsi à plusieurs défis : économiques, politiques et technologiques. En dépit de ces obstacles, plusieurs étapes importantes ont déjà été franchies.</p>
<p>L’ouverture des projets <a href="https://unfccc.int/fr/node/10285">Boundary Dam</a> et <a href="https://www.energy.gov/fecm/petra-nova-wa-parish-project">Petra Nova</a> en Amérique du Nord a prouvé la viabilité du captage du CO<sub>2</sub> à grande échelle sur des centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles et connectées au réseau. Les projets d’In Salah (Algérie), de Santos Basin (Brésil), d’Abu Dhabi National Oil Company (EAU), d’Uthmaniyah (Arabie saoudite) et de Jilin (Chine) illustrent que les CCUS sont possibles dans les économies émergentes.</p>
<p>Les estimations montrent que les émissions mondiales de dioxyde de carbone s’élevaient à <a href="https://theconversation.com/fossil-co-emissions-hit-record-high-yet-again-in-2023-216436">40 milliards de tonnes en 2023</a>, dont près de 36,8 milliards de tonnes provenant des combustibles fossiles. Or, depuis 2017, la capacité des installations de CCUS a augmenté d’environ 35 % par an. Cette situation s’est accélérée en 2023 avec une augmentation de 50 % par rapport à 2022. Cela représente la <a href="https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2024/01/Global-Status-of-CCS-Report-1.pdf">plus forte augmentation depuis le début de la dynamique ascendante en 2018</a>.</p>
<p>En parallèle, les initiatives pour se « préparer » au CCUS fleurissent, comme le <a href="https://fossil.energy.gov/archives/cslf/index.html">Carbon Sequestration Leadership Forum</a>, le <a href="https://www.iea.org/policies/11690-the-world-bank-carbon-capture-and-storage-capacity-building-trust-fund">Fonds de renforcement des capacités CCS de la Banque mondiale</a>, le <a href="https://www.globalccsinstitute.com/">Global carbon capture and storage Institute</a> et de nombreuses autres initiatives bilatérales et régionales. Il y a donc des raisons pour les partisans de ces technologies de rester optimistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adel Ben Youssef est membre de l'Economic Research Forum (Caire)</span></em></p>Jugées par certains incontournables dans la lutte climatique, ces technologies doivent cependant lever des obstacles économiques, technologiques et politiques pour se déployer.Adel Ben Youssef, Associate professor, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208782024-01-16T16:19:30Z2024-01-16T16:19:30ZLe Monopoly et le Catan : deux façons bien différentes d’enseigner l’économie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568687/original/file-20240110-23-k7lhdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Très populaire, le Catan est un jeu dans lequel les joueurs doivent étendre leur territoire à partir de ressources qu'ils peuvent s'échanger.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lansun/5024733655/in/photolist-8E25fT-KjhTu-dRPniF-5VczsF-8WGtP7-7e7FDA-eduzWG-6WVm3Y-U62Jna-aigsb-4UHfE7-6GUs7d-5PXwac-288pVAa-2m5JiwU-2oqLnvy-2jQFWnK-2kkewtr-4aSryc-2dQQrKz-SUo7ku-7HSQ7f-26mfQ-4nrhMG-6dTmyV-zrdUN-9pUEcG-8BsNq-qwmVq-7CNS1i-3cbEqj-FjFgXo-2iRCVs8-NmTED6-2ovekfA-QEG1hp-s1YyuE-BHVSd-2owP2nZ-9ccd2F-6pgGuw-cLr4Tu-cLkMYG-6pgGHy-ATzqVo-6pcyGF-6pcyF4-DUfJA-Gb4Dqs-4aSrB6">Andy Chow</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle a vu l’émergence de nouveaux <a href="https://theconversation.com/topics/loisirs-21601">produits de divertissement</a> d’une diversité et d’une quantité jamais vues. Les propositions numériques, certes, dominent nos loisirs avec les jeux vidéo, les chaînes de streaming et les podcasts. Mais au milieu de tant d’écrans, il est presque surprenant qu’un produit analogique, dont les racines remontent aux origines de notre civilisation, fasse un <a href="https://www.caminteresse.fr/histoire/levolution-fascinante-des-jeux-de-societe-a-travers-lhistoire-11189230/">retour en force</a> : le <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-25850">jeu</a> de société.</p>
<p>Ils sont populaires depuis des siècles. Les produits créés au XX<sup>e</sup> siècle tels que le Risk, le Trivial Pursuit ou le Monopoly sont probablement les plus connus. Au-delà de ces classiques, le Vieux Continent et plus particulièrement l’Allemagne en a développé de nouveaux, que l’on appelle « eurogames » ou jeux de style européen, dont le premier grand succès fut le Catan, lancé en 1995.</p>
<p>Depuis lors, le phénomène <em>eurogame</em> a transformé ces loisirs au point que l’on peut trouver des caractéristiques typiques de ce genre dans n’importe quel jeu de société moderne : des scénarios dans lesquels les joueurs doivent combiner différents mécanismes afin d’atteindre le succès ; des conditions de victoire conçues de manière à ce qu’aucun joueur ne soit exclu du jeu ou n’ait aucune chance de gagner ; un impact minimisé si ce n’est éliminé du hasard afin que le vainqueur soit le joueur qui a pris les meilleures décisions.</p>
<p>Au-delà du divertissement, les jeux font appel à une partie très importante de notre cerveau, si nous nous définissons, comme le propose le philosophe Johan Huizinga comme <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2015-1-page-61.htm"><em>Homo ludens</em></a>. Selon lui, ce qui définit l’existence humaine, c’est l’intérêt pour le jeu, toute la culture découlant de cet intérêt. L’idée peut être complétée par la <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1100290108">réflexion évolutionniste</a> suivante : l’apprentissage est ce qui définit l’espèce humaine, et la manière la plus efficace d’apprendre est de jouer. Tout jeu peut être considéré comme une machine d’apprentissage potentielle, puisque pour gagner un jeu, nous devons en comprendre les mécanismes, les objectifs que nous devons atteindre, et appliquer ces connaissances de manière critique pour prendre nos décisions et affiner nos stratégies.</p>
<p>Qu’apprend-on exactement en jouant lorsque le sujet du jeu est aussi important et potentiellement applicable à notre vie quotidienne que l’économie ? C’est un thème populaire dans les jeux de société classiques tels que le Monopoly, mais aussi dans les jeux modernes comme le Catan. Quels mécanismes chaque jeu simule-t-il, et pourquoi ?</p>
<h2>Spéculation et économie de marché</h2>
<p>La version du Monopoly que nous connaissons, publiée par Parker Brothers dans les années 1930, a été fortement inspirée, pour ne pas dire autre chose, par le jeu <em>The Landlord’s Game</em>, conçu par l’écrivaine féministe Elizabeth Magie au début du XX<sup>e</sup> siècle. L’intention de cette dernière était avant tout éducative : le jeu devait être un outil permettant de comprendre le grave problème causé par la concentration de la propriété entre quelques mains et la nécessaire intervention de l’État était nécessaire pour réguler le marché de la propriété. Quiconque a joué au Monopoly a pu constater que le jeu transforme ce concept en un produit de divertissement dans lequel les joueurs aspirent à s’enrichir en spéculant sur les biens, et où le hasard, plutôt que la compétence économique, détermine le gagnant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1682269176688447488"}"></div></p>
<p>Plus récent, nous avons le Catan, un jeu qui, comme tout bon Eurogame, combine plusieurs mécanismes qui interagissent les uns avec les autres. Tout d’abord, il met en avant l’importance de la géographie, car les positions de départ détermineront quelles ressources seront abondantes et quels joueurs y auront directement accès. Ensuite, personne ne pourra disposer de toutes les ressources par sa simple position : il se créera donc un marché libre dans lequel les joueurs devront acheter celles qui leur manquent. Leur abondance fluctuera en fonction de l’offre (contrôlée par la géographie et le hasard) et de la demande (définie par les besoins des joueurs).</p>
<p>Les capacités de négociation et de planification sont essentielles : au début, tout le monde aura besoin de bois et de briques pour construire des routes et des villes ; au fur et à mesure que le jeu progressera et que les joueurs tentent de transformer les villes en cités, le prix du minerai et du blé augmentera. Enfin, la diversité des stratégies possibles pour remporter la victoire amènera certains joueurs à se concentrer sur le développement du plus grand nombre de villes possible, tandis que d’autres achèteront des cartes de développement. Même celui qui est en retard sur le score pourra tenter d’allonger les routes et d’accéder aux ports pour faciliter le commerce.</p>
<h2>Un reflet de leur époque</h2>
<p>Le Monopoly et le Catan sont des jeux d’époques différentes, et il est clair que le second répond à un niveau de maturité beaucoup plus élevé de ce type de loisirs grâce à l’expérience accumulée par de nombreuses innovations mécaniques au cours des décennies qui les séparent.</p>
<p>Comme tout produit culturel, ces jeux reflètent la société dans laquelle ils sont nés, et chacun à sa manière nous enseigne quelles sont les stratégies qui mènent au succès, au moins au sein du jeu. Ils ne sont pas les seuls ; des milliers de nouveaux jeux de société sont publiés chaque année, et la diversité de leurs thèmes et de leurs approches s’est accrue de façon exponentielle depuis que Catan a vu le jour, il y a plus de 25 ans. Ainsi, peut-on recréer la révolution industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle dans <em>Brass : Birmingham</em>, créer une nouvelle économie verte sur une autre planète dans <em>Terraforming Mars</em>, ou encore mener une révolution ouvrière au XXI<sup>e</sup> siècle dans <em>Hegemony</em>.</p>
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<p>Dans quelle mesure le jeu pourrait-il nous aider à surmonter les défis actuels tels que la spéculation immobilière, les inégalités sociales ou l’urgence climatique ? Les jeux ont certes la <a href="https://www.ted.com/talks/jane_mcgonigal_gaming_can_make_a_better_world">capacité de transformer notre vision du monde</a>, mais ils n’enseignent pas tous des choses aussi utiles ou valables. Pour que les jeux soient des outils d’apprentissage utiles, nous aurons surtout besoin de la capacité critique d’extrapoler l’expérience du jeu en solutions viables dans le monde réel. Or, les règles et objectifs y sont beaucoup plus diffus que sur un plateau et nous devons parfois jouer même lorsque nous savons que les dés sont pipés contre nous. <em>Alea jacta est</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220878/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Rubio-Campillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Monopoly plonge dans un univers de spéculation, le Catan conduit les joueurs à élaborer un marché où s’échangent des ressources : deux façons d’appréhender des mécaniques de l’économie réelle.Xavier Rubio-Campillo, Investigador Ramón y Cajal en Humanidades Digitales y Didácticas Aplicadas, Universitat de BarcelonaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200682024-01-11T16:41:37Z2024-01-11T16:41:37ZJapon, Inde, Haïti et ailleurs : ce que les toilettes publiques disent des sociétés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568829/original/file-20240111-17-fnevuh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C7%2C2556%2C1216&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scène issue de _Perfect Days_ de Wim Wenders, dont le personnage principal est un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=kLYFBhcwYj4">Wim Wenders, « Perfect Days », Master Mind</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 décembre dernier, sortait en salle le film de Wim Wenders <a href="https://www.perfectdays-movie.jp/en/"><em>Perfect Days</em></a>, qui met en scène le quotidien d’un employé municipal de Tokyo, Hirayama, chargé de nettoyer les toilettes publiques. Ce film met en évidence, s’il en était encore besoin, les différences sociales et culturelles dans les façons d’appréhender ce petit coin, sa visibilité dans l’espace public, mais également les questions d’<a href="https://theconversation.com/que-risque-t-on-en-sasseyant-sur-des-toilettes-publiques-105465">hygiène</a> et d’assainissement.</p>
<p>Il rend partiellement compte d’une expérience développée par le <a href="https://tokyotoilet.jp/en/">Tokyo Toilet Project</a> lancé par l’ONG <a href="https://www.nippon-foundation.or.jp/en/what/projects/thetokyotoilet">The Nippon Foundation</a>, qui vise à réhabiliter 17 toilettes publiques de l’agglomération de Shibuya en œuvres d’art, toutes gratuites et utilisables par tous et toutes indépendamment du sexe, de l’âge ou du handicap.</p>
<p>L’une d’entre elles, réalisée par <a href="https://tokyotoilet.jp/en/yoyogifukamachi_mini_park/">Shigeru Ban</a>, est d’ailleurs équipée de cabines colorées et transparentes qui deviennent opaques quand on ferme la porte. Un dispositif qui permet, selon l’architecte, de répondre à deux préoccupations que peuvent avoir les utilisateurs concernant les toilettes : vérifier leur état de propreté et s’assurer que personne ne se trouve déjà à l’intérieur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1GcyTKfj_wQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Toilettes transparentes, Shibuya.</span></figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/26/les-toilettes-publiques-au-japon-des-sanctuaires-de-paix-et-d-hygiene_6207661_3210.html">En esthétisant les toilettes</a> et en en faisant un élément ostensible du décor urbain, c’est-à-dire un outil de requalification de certains îlots de l’arrondissement de la capitale, ce projet donne à voir la place singulière que ces dernières occupent dans la culture nippone.</p>
<p>Néanmoins, s’il a vu le jour, c’est parce ce qu’un certain nombre de stéréotypes (les toilettes publiques étaient considérées comme sombres, malodorantes et effrayantes) en limitaient l’utilisation. Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes hésitent à employer les commodités au Japon. Même au sein du pays leader des toilettes de haute technologie – où l’entreprise <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jmhr/1/1/1_118/_pdf/-char/ja">Toto</a> participe au rayonnement de cette expertise synonyme de soft power –, ces stratégies d’évitement expriment à des degrés divers des processus de différenciation et d’exclusion.</p>
<h2>Une préoccupation sociétale</h2>
<p>Cet exemple permet de soulever des questions essentielles qui dépassent la singularité japonaise. Quelles stratégies adopter en matière d’implantation des toilettes publiques ? Quels choix de localisation ? Quelles dialectiques du visible et de l’invisible – de ceux qui les utilisent, ceux qui les entretiennent et des flux qui y sont rassemblés puis dispersés – se jouent dans et à travers ces lieux ?</p>
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<p>Cette perspective incite à dire que toute action envers les toilettes ne peut se contenter de se baser sur une seule unité géographique (comme un îlot ou un village), mais doit prendre en compte tous les effets que les toilettes, de leur localisation à leur entretien, ont sur la société. D’autant plus lorsque des toilettes, sublimées par l’art, en viennent à renforcer la centralité de Tokyo.</p>
<p>Partout dans le monde, les toilettes publiques témoignent de la complexité des espaces publics partagés. En Europe, les toilettes publiques sont souvent synonymes de saleté et de désagréments, et évoquent des <a href="https://journals.openedition.org/brussels/7154">espaces utilisés à des fins pour lesquelles ils n’ont pas été conçus</a> : consommation de drogues, supports de graffitis et de tags, rencontres sexuelles ou <a href="https://actu.fr/bretagne/vannes_56260/a-63-ans-vit-dans-toilettes-publiques-depuis-deux-ans_31502471.html">abris</a> (pour les personnes qui en sont privées), par exemple.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Size matters », centre commercial Palladium, Prague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marcussen/2744676587/">Erik Marcussen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ce sont des espaces polyvalents qui matérialisent notamment des inégalités de genre. <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.18574/nyu/9780814759646.003.0006/html">Les femmes ont davantage besoin de se rendre aux toilettes que les hommes</a> (spécialement en période de grossesse et de menstruations) et elles y passent plus de temps, mais les toilettes fermées sont moins nombreuses que les urinoirs.</p>
<p>Par ailleurs, la présence de certaines catégories de populations (migrants, toxicomanes sans domicile fixe) peut susciter des <a href="https://www.heidi.news/explorations/la-revolution-des-toilettes/dans-les-toilettes-de-la-riponne-flambant-neuves-et-autonettoyantes">réactions des pouvoirs publics</a> donnant à voir des mécanismes de domination. Plus généralement, dans nos sociétés qualifiées de développées, savoir qui nettoie les toilettes au sein de la sphère domestique, sur le lieu de travail et dans l’espace public en dit souvent beaucoup <a href="https://lafabrique.fr/un-feminisme-decolonial/">sur les rapports de domination et la reproduction des rôles genrés</a>.</p>
<h2>Un tabou mondial ?</h2>
<p>La question des excréments est souvent <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-01-20-Le-tabou-des-excrements">taboue</a>. Pourtant, la préoccupation est telle que l’ONU célèbre depuis 2013 une <a href="https://www.un.org/fr/observances/toilet-day">« Journée mondiale des toilettes »</a>, rappelant qu’un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas de lieu approprié pour ses besoins, ce qui engendre de nombreux problèmes : violences, exclusion d’activités sociales (notamment pour les femmes et les enfants), conséquences sanitaires (y compris la diffusion d’épidémies telle que le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/biologie-et-sante/cholera-haiti-2010-2018-histoire-d-un-desastre/">choléra)</a>. Une organisation spécialisée à but non lucratif promeut cette journée et de nombreux projets à travers le monde : la <a href="https://worldtoilet.org/">World Toilet Organization</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Campagne de sensibilisation contre la défécation en plein air (Kanadukathan, Tamil Nadu, Inde). En Inde, l’OMS a estimé qu’environ 520 millions de personnes déféquaient régulièrement à l’air libre en 2015. Le problème est particulièrement préoccupant dans les zones rurales, où 69 % des ménages ont déclaré ne pas posséder de latrines en 2011. Néanmoins, la situation s’est considérablement améliorée : le pourcentage de ménages pratiquant la défécation à l’air libre a diminué, passant de 39 % en 2015-2016 à 19 % en 2019-2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Goreau-Ponceaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ainsi, les questions logistiques et techniques sont multiples : <a href="https://lepetitjournal.com/bombay/comprendre-inde/ramasser-les-excrements-est-hereditaire-base-sur-le-systeme-de-castes-293128">fosses septiques à évacuer</a>, façons dont on peut développer les toilettes sèches ou s’adapter au phénomène de défécation à l’air libre, systèmes de traitement et de recyclage des excreta, voire <a href="https://journals.openedition.org/rac/11042">réutilisation des excréments pour l’agriculture</a>…</p>
<h2>Le reflet de hiérarchies sociales</h2>
<p>Les attitudes envers les toilettes peuvent être le reflet de hiérarchies sociales (entre ceux qui les utilisent, ceux qui les nettoient, ceux qui évacuent les déchets). En Haïti, posséder des toilettes est devenu un signe de prestige, surtout après le séisme de 2010, quand de nombreuses ONG ont aidé à leur construction. Toutefois, leur entretien est dédié aux <a href="https://ayibopost.com/etre-bayakou-peut-rapporter-beaucoup-plus-que-vous-croyez/">bayakous</a>, des vidangeurs qui effectuent leur travail sans aucune mesure de sécurité ni d’hygiène, et qui sont particulièrement méprisés par la société – bien que ce métier indispensable leur permette de vivre, ainsi qu’à toute leur famille, a priori sans risquer le chômage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cité Soleil, agglomération de Port-au-Prince, Haïti. Ces toilettes installées par des ONG suite au séisme de 2010 ont été rapidement démontées pour être revendues ou reconverties en abris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, mai 2011</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans toute l’Inde rurale, l’évacuation manuelle des déchets reste la plus dégradante des pratiques. Alors même que l’interdiction de cette activité a été renforcée à travers une loi en 2013 (<a href="https://www.indiacode.nic.in/handle/123456789/2119?sam_handle=123456789/1362"><em>The prohibition of employment as manual scavengers and their rehabilitation Act</em></a>), cette profession, essentiellement réservée aux basses castes et Dalits (Scheduled Castes) et aux tribus répertoriées (Scheduled Tribes) perdure.</p>
<p>Depuis 1993, l’ <a href="https://www.indiacode.nic.in/bitstream/123456789/1581/1/199346.pdf">« Employment of Manual Scavengers and construction of Dry Latrines (prohibition) »</a> interdit la construction de toilettes sèches mais ces dernières existent toujours et sont même paradoxalement remises au goût du jour pour des raisons d’accessibilité dans les zones non connectées aux réseaux d’égouts, parfois par des ONG des Nords.</p>
<p>Les toilettes sèches permettent la séparation des flux, la valorisation de ressources perdues et des économies substantielles en eau. À ce titre, cet assainissement écologique et décentralisé incarne en Occident une certaine idée de la transition écologique. Pourtant, en Inde, le caractère problématique de leur gestion (évacuation des excreta) est loin d’être synonyme de transition pour les populations les plus marginalisées. Cet exemple soulève tout le paradoxe lié à la circulation des dispositifs d’assainissement.</p>
<p>En pratique, le nettoyage manuel des latrines (<a href="https://www.outlookindia.com/magazine/story/india-news-the-truth-about-manual-scavenging-in-india/305414">« manual scavenging »</a>) continue, avec l’aval des municipalités, dans les égouts bouchés des grandes villes. Les femmes, principalement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-67191131">continuent à utiliser leurs mains</a> pour nettoyer les matières fécales et les transporter loin des habitations. Le chemin de fer indien est l’autre grand employeur de femmes et hommes travaillant comme éboueurs manuels. En Inde, déféquer le long des rails est fréquent, notamment en ville.</p>
<p>Au sein des <a href="https://hal.science/hal-02477087">camps de réfugiés maliens</a>, au Niger, des toilettes collectives ont été installées par les <a href="https://reliefweb.int/report/niger/gestion-du-camp-de-r%C3%A9fugi%C3%A9s-d%E2%80%99abala-d%C3%A9partement-de-filingu%C3%A9-r%C3%A9gion-de-tillab%C3%A9ri-niger">ONG dès 2012</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Latrine installée dans le camp de réfugiés d’Abala, au Niger. En raison des difficultés d’accès à l’eau, les latrines étaient rarement nettoyées mais bouchées une fois pleines puis déplacées, ce qui entraînait des problèmes d’hygiène et de contamination de la nappe phréatique. Lors de cette visite d’agents du UNHCR, les réfugiés demandaient d’adapter les latrines à leur culture, notamment en installant des patères pour que les habits ne traînent pas par terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, août 2014</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles ont été rapidement privatisées par les Touaregs nobles (Imajaghan) grâce à un cadenas sur les portes pour en interdire l’accès aux groupes sociaux moins valorisés. Toutefois, ces toilettes sont entretenues par les Bella (ou Iklan), considérés dans cette <a href="https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/34649?mode=full">société très hiérarchisée</a> comme des esclaves ou des serviteurs ayant peu de droits et de rémunérations et qui, eux, vivent aux marges des camps et n’ont pas le droit de les utiliser. Ils vont faire leurs besoins dans le désert. Censées être accessibles à tous, ces toilettes qui visent à préserver l’hygiène du camp en toute équité sont donc récupérées pour reproduire les mécanismes d’exclusion et de domination.</p>
<h2>Des processus de hiérarchisation spatiale</h2>
<p>Les toilettes peuvent également donner à voir des processus de hiérarchisation spatiale entre quartiers centraux des métropoles et les périphéries, entre espaces urbains et espaces ruraux.</p>
<p>Par exemple, si les grandes métropoles, en étroite filiation avec la révolution hygiéniste, ont largement développé des réseaux techniques d’égouts, le paradigme des toilettes reliées à un réseau centralisé semble désormais inadapté à la morphologie des villes des Suds.</p>
<p>Trop étalées, trop morcelées, trop polycentriques, elles ont également pour particularité d’accueillir une importante population flottante qui occupe des zones d’habitats informels et qui n’a pas le « droit » à être raccordée aux réseaux d’égouts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-villes-africaines-vont-elles-exploser-130581">Les villes africaines vont-elles exploser ?</a>
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<p>Ces villes dépendent donc d’infrastructures décentralisées ou temporaires qui, finalement, se pérennisent via différents arrangements pour leur maintenance. Ou alors, à l’instar de la zone d’habitats spontanés (ou slum) de Kibera (Nairobi), ce sont d’autres pratiques qui se développent comme les <a href="https://www.aljazeera.com/features/2017/4/3/how-to-deal-with-kiberas-flying-toilets">« flying toilets »</a> qui consistent à se soulager dans des sacs en polyéthylène pour ensuite les jeter.</p>
<h2>Des lieux violents</h2>
<p>Les toilettes peuvent également être esquivées par crainte de violences ou d’insécurité, spécialement pour les <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/11/ESSITY_RAPPORT_Hygiene_des_toilettes_a_lecole.pdf">enfants</a> et les adolescents ou encore les femmes.</p>
<p>À travers le monde, l’absence de toilettes dans les écoles ou leur insalubrité excluent de nombreux enfants de l’éducation. C’est particulièrement vrai pour les filles qui, lors de leurs <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/les-menstruations-source-d-absenteisme-scolaire-dans-le-monde">menstruations</a>, ne peuvent se changer et restent chez elles, ce qui les exclut encore plus de la société. Le besoin d’uriner dans l’espace public pose également des enjeux autour du <a href="https://silogora.org/la-pratique-du-pipi-sauvage-dans-lespace-public-parisien-entre-representations-et-assignations-de-genre/?print-posts=pdf">corps des femmes</a>. Les femmes, ne peuvent pas aussi facilement que les hommes, uriner dans l’espace public. Lorsqu’elles le font, elles sont vulnérables, face au risque accru d’agressions sexuelles.</p>
<p>Entre l’espace privé ou public, quand elles sont partagées ou impensées comme dans le cadre des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7907573/">soins hospitaliers</a> – les effets sociaux et émotionnels de la défécation dans un contexte hospitalier sont tout aussi répugnants, tant pour les patients que pour les professionnels et autres prestataires de soins –, l’installation et la gestion des toilettes prennent une importance réelle et peuvent même également être des enjeux de richesse.</p>
<h2>Un enjeu hautement politique</h2>
<p>Au-delà des tabous, des non-dits ou encore des processus d’<a href="https://www.liberation.fr/livres/1998/07/02/alain-roger-tout-paysage-est-un-produit-de-l-art_242859/">artialisation</a>, les toilettes sont au cœur de nos pratiques quotidiennes mais aussi des politiques publiques. Elles constituent donc un objet d’étude qui, loin d’être anecdotique, se trouve au croisement des enjeux du corps et de l’intimité, des mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale, d’économies importantes et de questionnements éthiques.</p>
<p>Qu’elles soient visibles ou non, de haute technologie ou rudimentaires, qu’on en parle au pluriel (« les toilettes »), de manière plus hygiéniste (« le sanitaire ») ou avec familiarité (le « petit coin »), la question des toilettes est à la fois universelle et encore peu envisagée par les sciences humaines, même s’il y a récemment eu une relative vivacité académique pour le sujet Nous pouvons citer par exemple un <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100723760">essai</a> sur les toilettes publiques, le <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/">programme de recherche et action</a> sur les systèmes alimentation/excrétion et la gestion des urines et matières fécales humaines, ou encore <a href="https://calenda.org/1094070">l’appel à textes</a> pour un numéro spécial de la revue <a href="https://journals.openedition.org/suds/"><em>Suds</em></a>. Un début pour voir le petit coin plein de non-dits comme un grand témoin des enjeux de notre époque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les différents pays du monde, l’implantation des toilettes publiques se fait selon des modalités qui reflètent les rapports sociaux et économiques existants.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Université de BordeauxAlice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181912023-11-28T17:10:32Z2023-11-28T17:10:32ZQuelle vie économique dans la bande de Gaza ?<p>Beaucoup de choses auront été dites sur la bande de Gaza ces dernières semaines. Ce territoire enclavé régulièrement mis sous les feux de l’actualité reste toutefois relativement méconnu. Il en va également ainsi de son économie, dont on peine à comprendre comment elle fonctionne, compte tenu du blocus et des guerres qui sévissent depuis bientôt deux décennies.</p>
<p>Les rapports, pourtant, ne manquent pas, avec leurs lots de <a href="https://www.ochaopt.org/content/gaza-strip-humanitarian-impact-15-years-blockade-june-2022">chiffres plus alarmants les uns que les autres</a>. Plus de 60 % des habitants de Gaza sont dépendants d’une aide alimentaire et près de la moitié de la population active est au chômage, tandis que 78 % de l’eau courante y est impropre à la consommation humaine.</p>
<p>En 2012, un <a href="https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-195081/">rapport de l’ONU</a> nous alertait déjà en annonçant que Gaza deviendrait un lieu « invivable » à l’horizon de 2020, un pronostic <a href="https://news.un.org/en/story/2017/07/561302-living-conditions-gaza-more-and-more-wretched-over-past-decade-un-finds">sans cesse confirmé depuis</a>. En 2023, la vie économique de 2,1 millions de Palestiniens dans ce territoire de 365 km<sup>2</sup> est pourtant bien réelle – une vie de privations mais aussi de résistance.</p>
<h2>Un tissu économique sinistré par le blocus et les guerres</h2>
<p><a href="https://archive.ph/20120728115614/">Cité commerciale millénaire</a> située à la porte de trois continents, Gaza s’est trouvée de plus en plus isolée et plusieurs fois coupée de ses routes économiques au cours du siècle passé. Territoire amputé de son arrière-pays palestinien au moment de la <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/15/il-y-a-soixante-dix-ans-l-invention-de-la-nakba_5298947_3218.html"><em>Nakba</em></a> en 1948, puis occupé par Israël après 1967, la bande de Gaza est désormais soumise à un embargo presque total depuis 2007.</p>
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<p>Cette année-là, le <a href="https://www.contretemps.eu/hamas-mouvement-national-palestinien-historique/">Hamas prenait le contrôle de la bande de Gaza</a> par la force, tandis qu’il était évincé du gouvernement en Cisjordanie par le président Mahmoud Abbas. Des sanctions israéliennes et internationales imposées à l’Autorité palestinienne au lendemain de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2006/01/30/le-hamas-sur-la-scene-politique_735978_3232.html">victoire du parti aux élections législatives de 2006</a> avaient provoqué une crise politique sans précédent et un durcissement des dissensions inter-palestiniennes. Déclarant la bande de Gaza « territoire hostile », Israël renforçait encore les restrictions sur les mouvements de personnes et de marchandises à sa frontière.</p>
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<p>Les trois premières années du blocus sont particulièrement sévères et infligent d’importants dégâts à l’appareil productif local. Seuls les « produits humanitaires de base » sont autorisés à entrer et les exportations sont complètement proscrites. L’activité de sous-traitance pour le compte d’entreprises israéliennes, un temps florissante, est également suspendue. Cette première phase voit la <a href="https://www.un.org/unispal/document/gaza-ten-years-later-un-country-team-in-the-occupied-palestinian-territory-report/">fermeture de 95 % des établissements industriels et la destruction de 120 000 emplois</a>.</p>
<p>Les agriculteurs aussi sont gravement touchés. L’interdiction d’importer des intrants agricoles (engrais, semences, plants, pesticides) ou même des pièces de rechange pour les machines entrave le fonctionnement de l’ensemble du secteur. Ce dernier est aussi lourdement affecté par l’imposition israélienne d’une « zone tampon » le long de la frontière, <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/tdbex74d2_fr.pdf">ce qui rend inaccessibles jusqu’à 35 % des terres arables de la bande</a>.</p>
<p>Cette situation est encore aggravée par les <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/bande-de-gaza-une-succession-de-15-annees-de-guerres-avec-israel-216996">violentes opérations militaires d’Israël contre la bande de Gaza</a> (2009, 2012, 2014, 2021) et les bombardements d’une grande partie des infrastructures publiques (centrale électrique, bâtiments officiels, routes) et de nombreuses installations industrielles.</p>
<p>Les accords de cessez-le-feu négociés après chaque nouvel affrontement conduisent néanmoins Israël à assouplir certaines restrictions. Le volume et la variété des marchandises autorisées à entrer augmentent une première fois en 2010, puis en 2014 ou après 2021, sans jamais retrouver toutefois un niveau comparable à celui d’avant 2007. L’importation d’équipements et de matériaux nécessaires au fonctionnement des industries et des services de base reste quant à elle sévèrement limitée. Les exportations, ainsi que les transferts commerciaux vers la Cisjordanie, reprennent timidement ; elles concernent des produits agricoles d’abord, puis des produits textiles et mobiliers.</p>
<h2>Une économie d’adaptation et de navigation à vue</h2>
<p>La mise en place de <a href="https://www.npr.org/sections/parallels/2014/07/26/335332220/the-long-history-of-the-gaza-tunnels">tunnels de contrebande sur la frontière égyptienne</a> ouvre durant un temps une nouvelle fenêtre sur l’extérieur. Leur taille et leur nombre augmentent rapidement pour permettre l’entrée de carburant, de matières premières et de biens d’équipement, en plus des produits de consommation.</p>
<p>Ces tunnels, pour la plupart développés et exploités par des entrepreneurs privés, sont bientôt soumis à une <a href="https://cds.birzeit.edu/the-phenomenon-of-tunnels-in-the-gaza-strip-shattered-economy-the-catholic-marriage-a-bitter-harvest/">surveillance et à une réglementation officielles côté palestinien</a>. Leur économie connaît un <a href="https://www.brandeis.edu/crown/publications/middle-east-briefs/pdfs/1-100/meb41.pdf">essor rapide</a>, employant directement ou indirectement (construction, transport, commerce…) jusqu’à 50 000 personnes en 2009. Elle est également devenue la première source de financement pour les autorités locales qui instaurent différentes taxes (douanes, licences). Cette brèche bien trop précaire n’offre pourtant pas de solution véritable au blocus, et <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/le-president-egyptien-sissi-creuse-le-fosse-avec-la-bande-de-gaza_3065295.html">l’Égypte y mettra finalement un terme à partir de 2013</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1726517641479893070"}"></div></p>
<p>D’autres actions sont menées pour répondre à la pénurie alimentaire, portées à la fois par des ONG locales, des agences internationales et des <a href="http://gupap.org/">acteurs gouvernementaux</a>). Des pratiques agricoles plus écologiques et plus durables sont développées et encouragées. Le rationnement des cultures, la production en étage et l’usage de semences et d’engrais organiques sont employés pour préserver l’intégrité des ressources et <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2018-3-page-23.htm?ref=doi">pour réduire la dépendance envers les intrants chimiques israéliens</a>.</p>
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<p>Le recours à <a href="https://www.goethe.de/prj/ruy/fr/dos/wil/21725106.html">l’hydroponie</a> permet également de transformer des toits en béton en véritables potagers tandis que la récupération des eaux de pluie et la mise en place de panneaux solaires viennent <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2017/12/palestine-hydroponic-agriculture-gaza-strip-soil-problems.html">partiellement pallier le manque d’eau et d’énergie</a>. Si elle ne génère que très peu de revenus, cette production de subsistance couvre bientôt une majeure partie des besoins du territoire en fruits, légumes, poissons et volailles.</p>
<p>Les salaires versés aux employés des agences internationales et de la fonction publique sont en réalité la principale ressource pour de nombreuses familles. <a href="https://www.unrwa.org/">L’UNRWA</a> assure la scolarité et les soins de santé basiques pour plus de 50 % de la population, employant ainsi 10 000 personnes. Le gouvernement de Ramallah continue également de payer ses fonctionnaires recrutés à Gaza avant 2007, pour ne pas laisser le terrain vacant au Hamas. Si certains d’entre eux (environ 10 000) sont en activité dans les secteurs de l’éducation et de la santé, la majorité (quelque 40 000) <a href="https://orientxxi.info/magazine/les-fonctionnaires-de-gaza-otages-des-rivalites-entre-le-hamas-et-l-autorite,1902">se tient toujours au repos forcé sur ordre de Ramallah</a>.</p>
<p>Le gouvernement de Gaza assume de son côté la charge de quelque 50 000 fonctionnaires dont les salaires sont néanmoins régulièrement diminués de moitié en raison des difficultés financières. Des difficultés qui sont allées croissant depuis 2013 et la perte des recettes liées à l’activité des tunnels.</p>
<h2>Quel avenir pour l’économie de Gaza ?</h2>
<p>Alors que le bilan des victimes de la guerre continue de s’alourdir chaque jour depuis le 7 octobre, la question de l’avenir économique de la bande de Gaza est vraisemblablement secondaire. Or, par-delà la réponse nécessaire aux besoins humanitaires immédiats de la population, se pose déjà la question du financement de la reconstruction et du développement, et celle de leur mise en œuvre. L’institut de recherche palestinien MAS recense un <a href="https://mas.ps/en/publications/category-167">niveau de destruction matérielle sans commune mesure avec celui des précédentes guerres</a>.</p>
<p>Il rappelle aussi que toute projection économique est prématurée en l’absence de perspectives claires quant à l’issue politique et à l’évolution du gouvernement sur ce territoire. Une chose paraît certaine en revanche : il est urgent que la guerre et le blocus prennent fin pour donner leur chance à une actualité moins tragique et à un avenir tout simplement plus humain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Taher Labadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sous blocus depuis 2007, la bande de Gaza a vécu ces 16 dernières dans un contexte économique extrêmement compliqué – et cela, avant même la guerre actuelle.Taher Labadi, Chercheur en économie politique, Institut français du Proche-OrientLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2185462023-11-27T17:15:00Z2023-11-27T17:15:00ZComment échapper à la malédiction de la rente fossile ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561826/original/file-20231127-26-tpyzgi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les économies qui en dépendent, les ressources fossiles représentent à la fois une manne financière et une malédiction.</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash / Robin Sommer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans son ouvrage <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Carbone-fossile-carbone-vivant">« Carbone fossile, carbone vivant : vers une nouvelle économie du climat »</a>, paru en octobre 2023 aux éditions Gallimard, l’économiste du climat Christian de Perthuis revisite l’abondance et la rareté. Il nous invite à dépasser le paradigme économique fondé sur l’exploitation d’une nature perçue comme un stock de ressources où l’on puise des matières premières. Les dérèglements environnementaux globaux sont des crises de l’abondance. L’empreinte des activités humaines sur des matières premières trop abondantes dérègle les systèmes de régulation naturelle comme le climat ou la biodiversité.</em></p>
<p><em>À l’occasion de la COP28 sur le climat, qui se tient du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, The Conversation France publie un extrait du chapitre IV consacré aux stratégies de sortie de la dépendance aux énergies fossiles. Le désinvestissement requis est particulièrement lourd pour les économies du G17, les plus dépendantes de la rente énergétique. Dans cet extrait, l’auteur explore les stratégies permettant d’échapper à la malédiction de la rente fossile.</em>_</p>
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<p>Connaissez-vous le G17 ? Probablement pas encore. Il s’agit de l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Australie, les Émirats arabes unis, l’Indonésie, l’Irak, l’Iran, le Kazakhstan, le Koweït, la Libye, le Nigeria, la Norvège, le Qatar, la Russie, le Turkménistan, et le Venezuela. C’est le groupe des dix-sept pays les plus dépendants de leurs exportations de carbone fossile en 2021. […]</p>
<p>Regroupant un milliard d’habitants en 2021, le G17 fournit plus des trois quarts de l’énergie fossile transitant par le marché mondial. […] Pour le G17, la transition bas carbone représente un coût exorbitant. Le poids des actifs à retirer du système productif ou à reconvertir est considérable. La rente fossile alimente l’économie via les recettes d’exportation, le budget de l’État, les revenus distribués aux ménages et les prix, souvent bradés, de l’énergie fossile consommée localement. Rester sous l’emprise de la rente fossile est pourtant suicidaire à long terme. […]</p>
<p>Le positionnement des rentiers du fossile face à la transition énergétique est comme un miroir déformant.</p>
<p>Le miroir reflète, de façon amplifiée, une question qui se pose à tous : comment coupler la vague d’investissement dans le bas carbone au désinvestissement massif des énergies fossiles imposé par les objectifs climatiques ? Au cœur de la transition énergétique, ce double mouvement a des impacts bien différents sur les régimes de croissance suivant la structure des économies considérées.</p>
<h2>La malédiction de la rente fossile</h2>
<p>Avec un peu plus de 2,2 Gt de CO<sub>2</sub>, la <a href="https://theconversation.com/le-scepticisme-de-la-russie-vis-a-vis-du-changement-climatique-explique-par-son-histoire-scientifique-142743">Russie</a> a exporté en 2021 l’équivalent de sept fois les émissions territoriales de la France. […] Cette rente fossile est au cœur du fonctionnement de son économie, qui s’écroulerait en cas de brusque disparition. Elle est recyclée pour une partie au bénéfice des oligarques privés, pour une autre par un appareil d’État qui l’a utilisée depuis des lustres pour éteindre par la violence bien des formes de contestation. En février 2022, l’utilisation de la violence a changé d’échelle avec le déclenchement de la guerre d’invasion en Ukraine.</p>
<p>L’économiste n’a pas d’outil pour analyser les dénouements possibles de ce type de situation où peut conduire la malédiction de la rente fossile. Il peut juste constater que le système énergétique russe n’a entamé aucun investissement sérieux dans les équipements et les infrastructures de la transition énergétique. Ses seuls actifs bas carbone se trouvent dans de grands barrages hydrauliques datant de l’ère soviétique et dans la filière nucléaire, également lancée à cette époque, dont <a href="https://theconversation.com/plus-de-trois-decennies-apres-tchernobyl-la-russie-joue-cranement-la-carte-nucleaire-159574">l’opérateur public Rosatom est devenu l’un des leaders mondiaux</a>.</p>
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<p>Toutes les rentes fossiles ne conduisent pas à la guerre, et toutes les économies ne sont pas affectées de façon aussi extrême par la malédiction. Au sein du G17, j’en ai détecté cinq autres qui semblent lourdement touchées.</p>
<p>Les trois cas les plus graves sont l’Iran, le Venezuela et la Libye. Le premier présente d’inquiétantes similitudes avec la Russie : usage croissant de la rente pour réprimer la contestation du régime ; atrophie de l’appareil productif en dehors des secteurs transformant les hydrocarbures ou produisant du matériel militaire ; absence d’investissement dans le bas carbone, à l’exception du nucléaire.</p>
<p>Libye et Venezuela donnent un avant-goût assez dramatique de l’évolution d’une économie rentière brutalement privée de son carburant principal. Examinons le cas du second. Entre 2015 et 2021, la production de pétrole du <a href="https://theconversation.com/cette-crise-de-leau-qui-met-le-venezuela-en-danger-61095">Venezuela</a> a été divisée par quatre et les recettes d’exportation par plus de dix. […]</p>
<p>À un degré qui n’est pas comparable, la malédiction touche également le Nigeria et l’<a href="https://theconversation.com/50-ans-apres-la-nationalisation-du-petrole-algerien-reste-au-coeur-du-conflit-memoriel-156047">Algérie</a>, où la rente est plus utilisée pour éteindre les crises sociales à court terme que pour créer les fondements d’une économie résiliente. Ces deux pays ont également fait face à des situations de violence interne que les moyens fournis par la rente permettent de réprimer avec plus d’efficacité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-geographie-de-la-malediction-des-ressources-naturelles-vue-du-ciel-bresilien-181903">La géographie de la malédiction des ressources naturelles vue du ciel brésilien</a>
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<p>Au Nigeria, la rente n’a pas été redistribuée au-delà de classes urbaines minoritaires dans la société. Près de la moitié de la population n’avait pas accès à l’électricité en 2020. En Algérie, elle l’a été de façon moins inégalitaire. Mais elle est utilisée pour payer la paix sociale à court terme et n’est guère mobilisée pour diversifier le tissu économique. Elle n’est que marginalement réinvestie dans la ressource solaire dont le pays est pourtant l’un des plus richement dotés au monde, alors que ses réserves de pétrole et de gaz déclinent.</p>
<p>Le tableau est assez négatif, mais il ne concerne qu’un tiers des membres du G17. Chez les 11 autres on discerne des dynamiques, plus ou moins fortes, de réinvestissement de la rente fossile au profit de sources énergétiques décarbonées.</p>
<h2>Les sratégies de sortie de la rente</h2>
<p>La guerre en Ukraine <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-50-ans-apres-un-choc-energetique-de-lampleur-des-chocs-petroliers-178627">a provoqué d’importants mouvements de prix sur les trois énergies fossiles</a>. Celui du gaz s’est envolé en Europe. Le cours mondial du pétrole s’est tendu sans rejoindre les sommets atteints au début de la décennie 2010. Le prix du <a href="https://theconversation.com/vers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951">charbon</a> a crevé tous ses plafonds historiques sous l’impact d’une reprise non anticipée de la demande de l’Union européenne.</p>
<p>L’inflation des prix de l’énergie a brutalement élargi le montant total de la rente fossile. En l’absence de tarification carbone, cela a gonflé les profits des compagnies extrayant cette rente et élargi les moyens financiers des pays rentiers. […]</p>
<p>Le conflit ukrainien a entraîné un regain d’investissement dans les filières gazières pour approvisionner l’Europe de l’Ouest. La Russie amplifie de son côté ceux permettant de rediriger le gaz, si abondant dans le cercle arctique, vers les consommateurs asiatiques, dont la demande semble insatiable. In fine, cela risque de faire beaucoup plus de gaz fossile injecté dans le système énergétique en 2030. Ce n’est compatible avec aucun scénario net-zéro à l’horizon 2050. […]</p>
<p>Le Qatar, la Norvège, Australie sont les trois plus gros exportateurs de gaz du G17 après la Russie. Ils continuent tous à investir dans l’élargissement des capacités de production et d’exportation de gaz naturel. La contribution déposée en 2021 par le Qatar auprès des Nations unies au titre de ses engagements climatiques est muette sur le rôle des énergies renouvelables mais prolixe sur les bienfaits du gaz. La Norvège, championne des électrons verts et du véhicule électrique, investit une partie de la rente gazière dans l’énergie bas carbone. Mais elle exporte déjà treize fois plus de CO<sub>2</sub>, avec son gaz qu’elle n’en émet sur son territoire et continue d’accorder de nouveaux permis en mer du Nord pour maintenir ses capacités. L’Australie, abondamment pourvue en soleil et en vent, a commencé d’investir dans l’exportation d’électricité et d’hydrogène vert à destination du marché asiatique. Elle n’a pas encore renoncé à élargir ses capacités de production et d’exportation de gaz naturel.</p>
<p>Examinons maintenant le cas du pétrole, à partir de la stratégie des pays du Golfe, les principaux exportateurs du G17 en dehors de la Russie et du Nigeria. La prise de contrôle de la rente pétrolière par ces pays date des années 1970. Elle a donné lieu à des stratégies de sortie de la rente à long terme basées sur la bonne vieille loi de la rente différentielle de Ricardo. Le coût du baril de brut extrait des bons gisements de la région est inférieur à 10 dollars quand il cote sept à dix fois plus sur le marché. Les stratégies de sortie de la rente consistent logiquement à prendre son temps car beaucoup de compétiteurs moins favorisés par la nature seront contraints de plier bagage plus tôt.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561832/original/file-20231127-23-f816p3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La raffinerie de Jubail, en Arabie saoudite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jon Rawlinson/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Prenons l’exemple des Émirats arabes unis (EAU). Dans un premier temps, leur stratégie de sortie de la rente a consisté à investir quelque 25 milliards de dollars dans la centrale nucléaire de Barakah, dont la dernière tranche a été raccordée au réseau en 2023. Durant la décennie 2010, le renouvelable, plus récemment l’hydrogène vert et les carburants de synthèse, a pris le relais via une entreprise publique dénommée Masdar.</p>
<p>D’après le site de l’entreprise, Masdar avait investi fin 2022 environ 30 milliards de dollars pour installer des capacités de 20 GW en solaire et éolien. Il ne fait guère de doute que le rythme de ces investissements va continuer de s’accélérer. Le pays n’a cependant pas amorcé la phase de désinvestissement de ses capacités d’extraction et d’exportation de pétrole permettant de s’affranchir de la rente. […]</p>
<h2>Négociation climatique et sortie des énergies fossiles</h2>
<p>Constitué pour les besoins de notre chapitre, le G17 n’a pas d’existence institutionnelle. En particulier, le G17 ne négocie pas en tant que groupe dans les COP. De façon informelle, les négociateurs de ces pays ont pourtant acquis un grand savoir-faire pour jouer la montre, ralentir la négociation pour des questions de procédure, enterrer toute proposition susceptible de déboucher sur des engagements contraignants pour les exportateurs de carbone fossile. La COP tenue en 2012 à Doha (Qatar) a par exemple été un modèle du genre : on y a parlé de tout, sauf d’énergie !</p>
<p>La nomination du Sultan Ahmed Al Jaber, ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, à la présidence de la COP28 programmée en décembre 2023 dans les émirats a provoqué quelques remous : <a href="https://theconversation.com/comment-le-magnat-du-petrole-qui-preside-la-cop28-compte-porter-les-ambitions-des-pays-du-sud-216655">Al Jaber est également le patron de la compagnie nationale pétrolière</a> (Adnoc).</p>
<p>N’y a-t-il pas un conflit d’intérêts majeur ? Mais l’homme est aussi cofondateur et président de l’entreprise Masdar, investie dans le renouvelable et l’hydrogène vert. Le contexte de la négociation climatique a beaucoup changé depuis la COP de Doha. L’accord de Paris (2015) est passé par là. Depuis la COP de Glasgow (2021), la question de la sortie des énergies fossiles, longtemps un non-dit de la négociation, s’est imposée dans les discussions. La COP28 offre ainsi une opportunité de faire de réelles avancées en la matière.</p>
<p>Engager le désinvestissement des énergies fossiles aura un coût élevé, difficile à anticiper, sur l’activité et la croissance des économies rentières. Ce coût intervient quasi instantanément alors que les bénéfices de l’investissement sont plus longs à apparaître.</p>
<p>Trois raisons de fond devraient néanmoins pousser les dirigeants de ces pays à l’assumer.</p>
<ul>
<li><p>Primo, la résilience. Les stratégies actuelles de prolongation de la rente prennent le risque de l’effondrement de l’économie en cas d’interruption de la rente dans le futur. Plus les dirigeants repoussent dans le temps le désinvestissement, plus celui-ci aura un impact violent sur leur activité et le régime de croissance. […]</p></li>
<li><p>Secundo, les rentiers du fossile ont souvent des possibilités majeures de déplacer les actifs carbonés vers ceux de la transition énergétique : disponibilités en flux solaires et éoliens, hydrogène vert, métaux de la transition énergétique. […]</p></li>
<li><p>Tertio, la perte de croissance peut être largement compensée, et même surcompensée, au plan socio-économique si le désinvestissement s’accompagne d’une redistribution des revenus que la rente a généralement concentrés sur des minorités en bloquant ses retombées potentielles sur les conditions de vie de la majorité. Sans compter les gains additionnels sur la qualité de vie résultant du recul des pollutions locales.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/218546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion la COP28, The Conversation France publie un extrait du livre de Christian de Perthuis, « Carbone fossile, carbone vivant » (Gallimard) consacré aux stratégies de sortie de la rente fossile.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136092023-11-23T16:24:55Z2023-11-23T16:24:55ZLes citoyens recyclent, mais l’industrie est défaillante et le modèle de consommation, jamais remis en question<p>Pourtant, il s’agit d’une des stratégies circulaires les plus basses dans la <a href="https://www.rncreq.org/images/UserFiles/files/3RV%20ICI%20juin%202009%20P1-6.pdf">hiérarchie 3RV</a> (réduction, réemploi, recyclage, valorisation). Elle n’implique en effet aucun changement structurel ou systémique majeur du modèle « linéaire », soit l’extraction, la production et la mise au rebut de biens, vers un modèle circulaire, où la création de produits intervient à partir de matières secondaires. </p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/durabilite/economie-circulaire.html">L’économie circulaire</a> s’articule autour de <a href="https://unpointcinq.ca/article-blogue/economie-circulaire-solution-durable/">deux idées clés</a> : </p>
<p>1) Repenser les modes de consommation et de production existants afin de minimiser la consommation de ressources vierges</p>
<p>2) Optimiser l’utilisation des ressources (énergie, matériaux, produits) existantes en prolongeant leur durée de vie ou en les réutilisant utilement afin de repenser les modes de consommation et de production existants. </p>
<p>L’étape du recyclage a pourtant été promue et médiatisée depuis plusieurs décennies dans de nombreuses municipalités canadiennes, avec l’appui d’une réglementation et de plans provinciaux. Malgré ces efforts, des <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">dysfonctionnements majeurs, persistent notamment dans la phase de tri des déchets plastiques</a>. En l’occurrence, <a href="https://www.cbc.ca/radio/thesundayedition/the-sunday-edition-for-april-21-2019-1.5099057/why-your-recycling-may-not-actually-get-recycled-1.5099103">87 % de ces déchets aboutissent dans des sites d’enfouissement ou dans l’environnement</a>.</p>
<p>Les médias font régulièrement état de cette <a href="https://www.theglobeandmail.com/canada/article-wish-cycling-canadas-recycling-industry-in-crisis-mode">« crise du recyclage »</a>. Parallèlement, on constate une crise de confiance des citoyens : en 2020, pas <a href="https://blog.legeropinion.com/fr/nouvelles/canadiens-confiance-a-leur-systeme-de-recyclage">moins de la moitié des Canadiens (48 %) avaient confiance dans le système de recyclage et ce chiffre était en baisse par rapport à 2018 (54 %)</a>.</p>
<p>Si les efforts ont été traditionnellement orientés vers la conscientisation et la responsabilité individuelle des consommateurs canadiens, cette approche culpabilise le maillon le moins responsable des problèmes liés au recyclage. </p>
<h2>Enquête des pratiques canadiennes en matière de recyclage</h2>
<p>Face à ces crises et afin de mieux comprendre comment améliorer le recyclage et promouvoir d’autres stratégies circulaires (par exemple, la réduction à la source), une vaste enquête pancanadienne auprès d’un millier de répondants a été conduite par notre équipe multi-universitaires, le <a href="https://recherche.uqac.ca/laboratoire-de-recherche-sur-les-nouvelles-formes-de-consommation-labonfc#:%7E:text=Le%20LaboNFC%20est%20un%20regroupement,depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20leur">Laboratoire de recherche sur les Nouvelles Formes de Consommation (LaboNFC)</a> de l’UQAC, en partenariat avec <a href="https://5redo.ca">5R Enabler Designs and Operations Inc</a> (5REDO) et son directeur, le Dr. Mahdi Takaffoli et l’analyste Ophela Zhang. Les résultats de l’étude seront publiés sous peu dans un article intitulé « Le recyclage des plastiques au Canada : Un système inadapté aux attentes de la population canadienne », dans la <em>Revue Organisations & Territoires</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-stagne-et-si-le-modele-cooperatif-servait-dinspiration-206641">L'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?</a>
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<p>L’échantillon a été constitué à partir d’un panel en ligne. Les participants y ont été sélectionnés aléatoirement selon des quotas préétablis afin de favoriser la représentativité de l’échantillon avec la population canadienne.</p>
<p>Cette enquête met en lumière plusieurs éléments essentiels pour progresser vers une mise en œuvre plus complète des principes de l’économie circulaire.</p>
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<img alt="Trois bacs de recyclage alignés sur le trottoir enneigé d’une rue résidentielle" src="https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557884/original/file-20231106-23-lfyf1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des bacs de recyclage dans une rue montréalaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<li><strong>Un engagement massif pour le recyclage</strong></li>
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<p>91 % des répondants au sondage sont bien engagés dans le recyclage des déchets. Ils recyclent et réutilisent la quasi-totalité de leurs déchets, que ce soit à la maison, au travail ou en vacances. </p>
<p>Cette proportion peut paraître élevée compte tenu du fait qu’environ les deux tiers des municipalités canadiennes recyclent. Toutefois, le recyclage comprend également les systèmes de consigne gérés par le privé, dont les chaînes de supermarché. De plus, les individus peuvent également recycler ailleurs qu’à leur domicile, comme au bureau ou à l’école. </p>
<p>Par ailleurs, les répondants au sondage indiquent nettoyer les plastiques avant de les mettre dans le bac de recyclage. De plus, ils gardent leurs déchets dans des piles séparées de verre, de plastique, de papier et de métal. On note également qu’ils jettent les piles usagées dans un conteneur de collecte approprié, plutôt que dans la poubelle. Concernant la perception, ils ajoutent que le recyclage à la maison ne prend ni beaucoup de temps ni beaucoup de travail.</p>
<ul>
<li><strong>Un système de recyclage inefficace</strong></li>
</ul>
<p>Pour 82 % des répondants, le système actuel n’est pas efficace. Selon eux, le plastique collecté n’est pas correctement recyclé pour être réutilisé comme matières premières dans la production de nouveaux produits. Ils sont conscientisés sur le fait que le tri en amont est une étape très importante du processus de recyclage. Même s’ils estiment qu’il est difficile de savoir exactement quels articles en plastique sont recyclables ou non dans le système actuel, ils font tout de même confiance à leur perception et à leurs connaissances pour trier à la maison.</p>
<ul>
<li><strong>Des achats de plus en plus écoresponsables</strong></li>
</ul>
<p>L’enquête révèle que les Canadiens sont prêts à utiliser des sacs réutilisables pour acheter des fruits et légumes, plutôt que d’utiliser les sacs en plastique dans les magasins. De plus, la majorité est disposée à participer à des programmes qui leur offrent les produits essentiels du quotidien dans des emballages réutilisables et recyclables.</p>
<p>Aussi, ils sont nombreux à acheter des produits et des services respectueux de l’environnement, soit des produits fabriqués à partir de plastiques recyclés (plutôt qu’à partir de nouveaux plastiques). De même, ils privilégient l’achat d’articles dans des emballages en papier.</p>
<ul>
<li><strong>L’enjeu du recyclage des emballages souples</strong></li>
</ul>
<p>Enfin, les répondants indiquent ne pas opter pour des contenants en bioplastique et ne participent pas aux programmes de collecte de certains types de plastique (par exemple, des emballages souples) qui ne sont pas couramment recueillis par le système de recyclage actuel.</p>
<p>Au vu de ces résultats, il apparaît que les consommateurs font preuve de bonne volonté et d’une diligence prudente. Toutefois, il faut se questionner sur la responsabilité des producteurs, distributeurs, transporteurs et recycleurs, dont les décisions ont structuré de facto le système — aujourd’hui perçu comme défaillant — et, par extension, les politiques publiques, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.</p>
<h2>Pistes d’amélioration souhaitées</h2>
<p>Les consommateurs estiment ainsi faire leur part et que l’amélioration du système de recyclage devrait donc s’effectuer à d’autres niveaux qu’au leur. Plusieurs changements ont été mentionnés en ce sens :</p>
<p>1) L’offre de produits, contenants et emballages réutilisables ou recyclables, car les consommateurs sont fortement enclins à les utiliser ;</p>
<p>2) 56 % des consommateurs souhaiteraient un système de consignation pour certains contenants en plastique ;</p>
<p>3) 52 % aimeraient des points de dépôt (par exemple dans les grands magasins) pour les emballages en plastique souple qui ne sont pas systématiquement collectés ;</p>
<p>4) 42 % souhaiteraient des contenants réutilisables lorsqu’ils se font livrer de la nourriture à domicile ;</p>
<p>5) 30 % souhaiteraient des magasins sans emballages.</p>
<p>Cette enquête révèle que les consommateurs canadiens sont relativement préoccupés par l’environnement, ce qui influe directement sur la modification de leurs comportements en matière de recyclage des déchets. </p>
<p>Cependant, la transformation de leurs pratiques de consommation n’est pas encore correctement associée à une politique ambitieuse et claire de tri, ni à d’autres options proposées, notamment en ce qui a trait aux contenants réutilisables. Ainsi, pour l’heure, le modèle de consommation n’est pas remis en question en raison d’un manque d’éléments facilitateurs vers l’économie circulaire. </p>
<p>Ce constat appelle ainsi des changements plus profonds avec toutes les parties prenantes afin que la transition vers l’économie circulaire aille au-delà du passage d’une poubelle noire à une poubelle bleue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213609/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Ertz a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Fonds de recherche du Québec - Société et culture (FRQSC), du Fonds de développement académique du réseau (FODAR), et de Chaires de recherche du Canada (CRC).
Cette recherche a été soutenue financièrement par le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec (RRECQ) et par une Subvention d’Engagement Partenarial du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Raufflet a reçu des financements des fonds de recherche du Québec et des fonds de recherche du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>ADDAR WALID a reçu une bourse de recherche de l'UQAC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anaïs Del Bono ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les citoyens sont conscients de l’importance du recyclage. Mais cette responsabilisation individuelle camoufle les graves problèmes de fonctionnement de l’industrie du recyclage.Myriam Ertz, Professeure adjointe en marketing, responsable du LaboNFC, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Anaïs Del Bono, PhD candidate in management and strategy, specialisation in socio-ecological transitions, HEC MontréalEmmanuel Raufflet, Professor in Management and Circular Economy, HEC MontréalWalid Addar, Formal analysis-Lead, Investigation-Supporting, Validation-Supporting, Writing – original draft-Lead, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163692023-11-08T20:45:07Z2023-11-08T20:45:07ZPrix de l’énergie en hausse, rénovation qui stagne : comment expliquer ce paradoxe ?<p>Avec une hausse des prix de l’électricité de 26 % et du gaz de 50,6 % entre janvier 2018 et décembre 2022 en France, nous aurions pu nous attendre à une progression significative de la rénovation dans le résidentiel.</p>
<p>En France, ce dernier compte pourtant <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parc-de-logements-par-classe-de-performance-energetique-au-1er-janvier-2022-0">encore 36 % de chaudières au gaz et 26 % au fioul</a>. Seuls 5 % des résidences principales sont classées en étiquette A ou B en 2022, et le <a href="https://theconversation.com/le-diagnostic-de-performance-energetique-dpe-utile-mais-pas-miraculeux-pour-inciter-a-la-renovation-du-parc-locatif-prive-215906">nombre de logements mal isolés demeure considérable</a> (39 % des logements en étiquettes E, F et G).</p>
<p>Au cours de l’hiver 2021-2022, « 22 % des Français ont déclaré avoir <a href="https://theconversation.com/confinements-et-hausse-des-factures-denergie-le-risque-de-lautorestriction-151488">souffert</a> du froid pendant au moins 24h et 11,9 % des Français les plus modestes ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus <a href="https://onpe.org/chiffres_cles/les_chiffres_cles_de_la_precarite_energetique_edition_mars_2023">pour payer les factures énergétiques de leur logement en 2021</a> ».</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le secteur résidentiel reste ainsi un gisement important d’économie d’énergie, en particulier en matière de <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-en-france-des-obstacles-a-tous-les-etages-147978">rénovations</a> en efficacité énergétique. Et pourtant, les ménages semblent faire abstraction d’opportunités d’investissement apparemment rentables : c’est ce que l’on appelle <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0928765594900019;https://journals.openedition.org/rei/5985;https://www.cairn.info/revue-economique-2018-2-page-335.htm">« le paradoxe énergétique »</a>.</p>
<p>Comment l’expliquer, alors que le prix de l’énergie devrait au contraire, à première vue, donner un coup de pouce à la rénovation ?</p>
<h2>Prix de l’énergie, un incitateur ?</h2>
<p>En réalité, la demande d’énergie est peu sensible au prix à court terme : pour une hausse de 100 % des prix de l’énergie en moyenne, les ménages les plus pauvres réduisent leur consommation de chauffage <a href="https://theconversation.com/chauffage-les-plus-aises-sont-aussi-ceux-qui-realisent-le-moins-deconomies-denergie-190582">entre 6 % et 11 % en fonction de leur revenu</a>.</p>
<p>Il est en effet plus facile de réduire sa consommation tant qu’une marge de manœuvre est possible et qu’il existe des solutions substituables sur le marché : pour le chauffage, par exemple, l’électricité peut se substituer au gaz dans de nombreux cas. A contrario, il n’existe pas de substitut à l’électricité pour l’éclairage ou les appareils électroménagers.</p>
<p>La réaction en revanche s’observera avec plus de force à long terme : la chute de la demande est alors bien plus importante que l’augmentation du prix. C’est le concept d’élasticité-prix de la demande : à la suite d’un choc sur les prix, les ménages n’ont pas le temps, ni d’ajuster instantanément leur comportement ni de changer leurs équipements. En revanche, ces chocs de prix influenceront leur processus de décision et de consommation à long terme. Ainsi, quand bien même on n’observe pas d’effet à court terme de la hausse des prix de l’énergie, les effets pourraient se faire sentir dans un horizon plus lointain.</p>
<h2>Un paradoxe analysé par les économistes</h2>
<p>La question du prix de l’énergie, si elle est cruciale, n’est pas le seul argument à peser dans la décision, pour les ménages, de changer ou non leurs équipements.</p>
<p>Rappelons également que pour bénéficier de la plupart des aides de l’État, les ménages doivent faire appel à un professionnel du bâtiment agréé. Dans certaines régions, la tension sur l’offre est importante et il s’avère parfois difficile de trouver un professionnel compétent rapidement disponible…</p>
<p>Pour tenter d’expliquer néanmoins ce paradoxe de la diffusion très progressive d’équipements énergétiques apparemment rentables, de nombreux économistes ont analysé la nature et l’occurrence des barrières à l’investissement. Ces dernières sont nombreuses.</p>
<h2>De multiples freins à l’adoption</h2>
<p>Parmi elles, le statut d’occupation joue un rôle : rappelons qu’en France le pourcentage de locataires <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/cache/digpub/housing/bloc-1a.html">s’établit à 35,3 % en 2021</a>. Citons également les <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2007-4-page-49.htm?ref=doi">difficultés d’accès au crédit</a>, ou bien l’hétérogénéité de revenus, de préférence et de sensibilité environnementale qui existent entre les individus.</p>
<p>Les dépenses d’investissement dans des nouvelles technologies sont en outre affectées par la combinaison entre différentes sortes d’incertitudes (incertitude sur les gains énergétiques, sur les prix de l’énergie, sur les politiques publiques ou encore sur les prix des futurs produits et des coûts d’installation) et de leur irréversibilité (car les coûts sont irrécouvrables). Ce qui pousse les ménages à retarder autant que possible les investissements, en attendant d’obtenir de nouvelles informations.</p>
<p>D’autres freins à l’adoption interviennent, tels que les coûts associés à la recherche d’information sur les technologies ou encore ceux engendrés par la gêne occasionnée durant les travaux. Tous ces éléments, non pris en compte dans la plupart des analyses coûts-bénéfices, rendent des investissements profitables à première vue, moins rentables que ce qu’ils semblent être en réalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dorothée Charlier est membre de SOLAR ACADEMY, FAERE et FAEE.
</span></em></p>Malgré des prix qui bondissent, la rénovation énergétique reste lente en France. D’abord car les effets de la hausse ne sont pas immédiats, mais aussi car d’autres freins interviennent.Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2114082023-11-07T14:47:24Z2023-11-07T14:47:24ZLes répercussions d’une séparation peuvent être lourdes pour les leaders politiques, mais aussi les chefs d’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542234/original/file-20230808-17-d1kkk4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C98%2C5994%2C3752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des recherches récentes démontrent qu'un divorce ou une séparation peuvent avoir des conséquences sur la manière de gérer des dirigeants d'entreprises et politiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span></figcaption></figure><p>À la suite de l’annonce de sa séparation, le <a href="https://theconversation.com/les-adversaires-politiques-de-justin-trudeau-devraient-eviter-de-tirer-profit-de-sa-separation-211004">premier ministre Justin Trudeau</a>, se retrouve désormais dans un nouveau rôle, <a href="https://theconversation.com/prime-minister-justin-trudeau-assumes-a-new-role-single-dad-just-like-his-own-father-210938">celui de père monoparental</a>.</p>
<p>Cela soulève des questions sur les répercussions politiques des séparations et des divorces chez les personnalités publiques.</p>
<p>La nouvelle survient dans un contexte où le divorce est devenu chose courante dans les sociétés modernes. Environ la <a href="https://www.forbes.com/advisor/legal/divorce/divorce-statistics/">moitié des premiers mariages se terminent par un divorce, et le taux d’échec des mariages subséquents est encore plus élevé</a>.</p>
<p>Le stress aigu qu’entraîne le divorce peut mener à une baisse de la participation sociale, à une dégradation de la situation financière, au bouleversement des relations familiales et à des problèmes juridiques. Il <a href="https://doi.org/10.1002/smi.2940">augmente le risque de dépression, d’épuisement professionnel, d’anxiété, de maladie physique</a> et même de mortalité.</p>
<p>Ces effets négatifs ne se limitent pas à la vie personnelle ; ils peuvent également toucher la vie professionnelle.</p>
<p>L’impact du divorce sur le rendement professionnel peut être profond, comme il l’est sur la vie personnelle.</p>
<h2>Impact du divorce sur le rendement professionnel</h2>
<p>De nombreuses études ont montré que les conflits liés au divorce <a href="https://doi.org/10.1037/a0022170">peuvent mener à des problèmes au travail</a>, par exemple à une diminution des heures travaillées et de la productivité, à une <a href="https://doi.org/10.1111/jomf.12166">augmentation des absences et des congés de maladie</a> et même à l’invalidité de longue durée.</p>
<p>Les exigences de la vie personnelle épuisent parfois les ressources réservées aux tâches professionnelles, ce qui empêche de bien concilier les obligations professionnelles et familiales.</p>
<p>Dans le cas des PDG, les chercheurs commencent à s’intéresser aux répercussions du divorce sur leur entreprise et ses actionnaires. Il est encore difficile de dire à quel point le divorce d’un PDG nuit à son rendement professionnel. Notre étude est la première à explorer cette question.</p>
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<img alt="Deux alliances se trouvent à côté du mot divorce dans un dictionnaire" src="https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541812/original/file-20230808-28-ui9ptc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le divorce est devenu chose courante dans les sociétés modernes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Les PDG sont les décideurs en chef et les architectes de la stratégie d’entreprise. Par conséquent, les distractions et les capacités cognitives réduites en raison du divorce ont parfois de lourdes conséquences sur leur rendement professionnel et, donc, sur celui de l’entreprise.</p>
<p>Toutefois, les PDG peuvent souvent compter sur l’appui de la direction pour prendre des décisions et composer avec leurs conséquences potentielles, ce qui est d’autant plus vrai dans les grandes entreprises comptant du personnel de soutien.</p>
<h2>Divorce des PDG et rendement des entreprises</h2>
<p>Notre <a href="https://doi.org/10.5465/amd.2020.0031">rapport de recherche basé sur les données d’entreprises danoises et leurs PDG</a> montre que le divorce du dirigeant peut avoir un effet négatif sur le rendement de son entreprise. Toutefois, l’ampleur de cet effet dépend des circonstances.</p>
<p>Le divorce du PDG se répercute plus fortement dans les petites entreprises, dans les secteurs connaissant une croissance rapide et lorsqu’il y a des enfants à la maison. Le degré de contrôle et le pouvoir décisionnel du PDG dans l’entreprise sont d’autres facteurs qui influencent grandement l’ampleur des répercussions.</p>
<p>Comme le souligne notre étude, il est important de fournir du soutien personnel et organisationnel aux PDG qui traversent une période difficile. Un tel soutien peut atténuer les effets négatifs sur le rendement de l’entreprise.</p>
<p>Ces constatations mettent en évidence le rapport complexe entre la vie personnelle et professionnelle des PDG, et l’incidence de tels événements sur le succès d’une entreprise.</p>
<h2>Conséquences pour les dirigeants politiques</h2>
<p>Les conclusions de notre étude concernent aussi étroitement les dirigeantes et dirigeants politiques, comme Justin Trudeau, dont le poste revêt un haut degré de pouvoir et de responsabilité.</p>
<p>Dans le milieu politique, l’impact du divorce sur le rendement varie en fonction de plusieurs facteurs, dont les normes culturelles, les attitudes sociétales face au divorce et les attentes envers les personnalités publiques.</p>
<p>Dans un pays où la population a un point de vue plutôt libéral sur les questions familiales et le divorce, la pression sociétale pourrait être moindre pour les leaders politiques. Les gens sont plus ouverts d’esprit et tendent à accepter plus facilement les choix personnels. La stigmatisation envers les leaders politiques qui vivent un divorce est moindre.</p>
<p>On a pu le constater lors de l’annonce du divorce de Sanna Marin, première ministre sortante de la Finlande, qui a attiré beaucoup <a href="https://www.helsinkitimes.fi/world-int/world-news/finland-in-the-world-press/23551-sanna-marin-s-divorce-nato-drills-and-cha-cha-cha-finland-in-the-world-press.html">moins d’attention médiatique que la controverse entourant sa fête avec des amis et des célébrités</a>. Dans les pays plus libéraux, les médias abordent davantage les capacités professionnelles de la personne que les questions personnelles comme le divorce. </p>
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<img alt="Une femme vêtue d’un veston et d’une jupe élégante porte le regard hors caméra" src="https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542005/original/file-20230809-5449-uz7tor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En mai, Sanna Marin, première ministre sortante de la Finlande, a annoncé sur Instagram que son mari et elle allaient divorcer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sergei Grits)</span></span>
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<p>En revanche, aux États-Unis, les <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/N/bo22723661.html">médias couvrent souvent les facettes personnelles et professionnelles de la vie des personnalités politiques</a>, ce qui peut amplifier l’impact du divorce sur l’image publique.</p>
<h2>Vie personnelle et professionnelle</h2>
<p>Notre étude souligne l’importance d’un solide système de soutien. Le fait d’avoir des gens et des réseaux de soutien en place aide la personne à composer avec les défis du divorce et à maintenir son leadership.</p>
<p>En l’absence d’un système de soutien adéquat, la capacité à prendre des décisions cruciales et à assurer la gouvernance s’en trouve affaiblie. Il peut en résulter de mauvaises décisions et, finalement, des conséquences économiques négatives.</p>
<p>Comme notre étude le montre, il est crucial pour les chefs d’entreprise et les leaders politiques de reconnaître à quel point leur vie personnelle peut se répercuter sur leur vie professionnelle.</p>
<p>De plus, les études sur la façon dont les politiciennes et politiciens concilient vie personnelle et responsabilités professionnelles, et sur l’incidence de cette conciliation sur leur prise de décisions, peuvent grandement contribuer à améliorer le rendement des leaders et le service public.</p>
<p>Il est important de souligner qu’il s’agit de tendances générales et qu’il peut y avoir des exceptions dans chaque pays. En fin de compte, les conséquences du divorce d’un dirigeant politique dépendent du lien complexe entre les normes culturelles, les dynamiques médiatiques et la capacité de la personne à composer avec la perception du public dans ces périodes difficiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211408/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’impact d’un divorce sur les performances professionnelles peut être profond, affectant les individus à la fois sur le plan personnel et professionnel.Denis Schweizer, Professor of Finance, Concordia UniversityJuliane Proelss, Associate Professor Finance, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2159062023-11-01T17:19:29Z2023-11-01T17:19:29ZLe diagnostic de performance énergétique (DPE), utile mais pas miraculeux pour inciter à la rénovation du parc locatif privé<p>La rénovation énergétique du parc locatif est un enjeu important dans la réponse au changement climatique. Chacun aura entendu parler des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/interdiction-location-et-gel-des-loyers-des-passoires-energetiques">récentes mesures</a> visant l’éradication des <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-en-france-des-obstacles-a-tous-les-etages-147978">« passoires énergétiques »</a>, ces biens classés comme les plus énergivores (F et G) par le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/diagnostic-performance-energetique-dpe">diagnostic de performance énergétique</a> (DPE), cet outil de calcul qui permet de classer la performance énergétique d’un logement.</p>
<p>Il est représentatif d’une pratique contemporaine de la politique environnementale <a href="https://ses.webclass.fr/archive-synthese-terminale/les-differents-instruments-de-la-politique-climatique/">s’appuyant sur des instruments</a>, ici réglementaires. Ses résultats conditionnent aujourd’hui, pour un bailleur, la possibilité d’augmenter les loyers ou de <a href="https://theconversation.com/les-consequences-de-lairbnbisation-des-villes-157004">mettre un bien en location non saisonnière</a>.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Le parc locatif privé est concerné au premier chef, car il compte les plus forts taux de logements énergivores : <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parc-de-logements-par-classe-de-performance-energetique-au-1er-janvier-2022-0">30,5 % des passoires énergétiques sont dans ce parc</a>. L’État regarde donc les propriétaires-bailleurs privés comme les futurs acteurs de la rénovation énergétique sur ce segment.</p>
<p>Pourtant, ces derniers restent encore mal caractérisés dans leur diversité, alors que celle-ci va directement affecter leur réponse à la politique environnementale centrée sur le DPE. Certains profils y répondront favorablement à travers des travaux de rénovation énergétique, mais d’autres ne seront pas en mesure de se conformer aux exigences réglementaires ou privilégieront d’autres solutions pour valoriser leur bien (location courte durée, logement vacant, location en dehors de tout bail légal…).</p>
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<img alt="Deux hommes dans une maison de plain pied, en train de poser de l’isolant aux murs et au plafond." src="https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556811/original/file-20231031-21-itbway.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les travaux d’isolation jouent un rôle important dans la rénovation énergétique des bâtiments.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Cedrone</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour mieux comprendre les effets positifs – ou à l’inverse contre-productifs – de cette diversité, une <a href="https://assets.zyrosite.com/A85NqaQkEvUvRywO/20231002-bailleurs-priveis-et-dpe-Yg2LnZE7MaUZ1DW7.pdf">étude récente</a>, conduite par le Centre International de Recherche sur l’Environnement et le développement (CIRED) dans le cadre du <a href="https://premoclasse.fr/">projet de recherche PREMOCLASSE</a>, s’est intéressée à la manière dont ces bailleurs abordent la rénovation énergétique, en France.</p>
<h2>Les 10 profils de bailleurs privés</h2>
<p>Cette étude nous a permis de distinguer 10 profils de bailleurs privés, aux ressources, compétences et pratiques locatives propres, et qui réagiraient différemment au renforcement des exigences autour du DPE. Elle montre que la moitié de ces profils sont susceptibles d’y répondre par des travaux de rénovation énergétique, l’autre moitié étant incertaine des conséquences ou envisageant une sortie du marché de la location non saisonnière. Cet ensemble suggère que le renforcement des exigences aurait des effets de redistribution importants sur ce marché, voire d’éviction de certains bailleurs, biens ou locataires.</p>
<p>L’étude a reposé sur 45 entretiens avec des bailleurs privés en France, réalisés au printemps 2022, en amont de la mise en application du calendrier réglementaire. Ces bailleurs ont été principalement recrutés au travers des réseaux sociaux (blogs, groupe Facebook de bailleurs).</p>
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<img alt="Profils de propriétaires-bailleurs (Robert & Nadaï, 2023)." src="https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556880/original/file-20231031-29-r617lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Profils de propriétaires-bailleurs (Robert & Nadaï, 2023).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les profils attestent d’une diversité de stratégies et de manières d’être propriétaire bailleur.</p>
<ul>
<li><p>Quatre profils poursuivent un ou des objectifs prioritairement économiques tels que le retour sur investissement, la rentabilité de court terme, le cashflow (flux de trésorerie, liquidité…) ou le complément de revenu. Ce sont les propriétaires professionnels de l’immobilier, les salariés visant l’indépendance économique, les héritiers patrimoniaux actifs, et investisseurs populaires.</p></li>
<li><p>Quatre autres profils s’écartent de ces rationalités économiques. Même si l’apport financier motive le plus souvent la mise en location, celle-ci sert alors une autre finalité – par exemple limiter les pertes liées à un aléa de vie, constituer ou maintenir un patrimoine à transmettre, développer une activité secondaire – et ouvre à d’autres manières d’aborder les locataires, le bien, son entretien, les travaux et la rénovation. Ce sont les professionnels du bâtiment, les bailleurs circonstanciels à bas revenu, les bailleurs patrimoniaux, et les conservateurs.</p></li>
<li><p>Enfin, deux profils apparaissent, comme des types à dominante économique qui sont mis en difficulté par les exigences croissantes qui pèsent sur l’activité locative (déçus de l’immobilier, retraités de l’immobilier)</p></li>
</ul>
<h2>Inégalités de ressources et de compétences</h2>
<p>Ces différences reposent sur une répartition inégale des ressources entre les profils de bailleurs. Elles s’observent sur le plan financier, celui des réseaux et enfin des savoirs, notamment techniques.</p>
<p>Sur le plan financier, certains bailleurs disposent de capitaux propres ou de fortes capacités d’emprunt et d’épargne : elles leur permettent d’acheter comptant des biens ou d’autofinancer des travaux, là où d’autres sont fortement dépendants de l’emprunt.</p>
<p>Sur le plan des réseaux et des savoirs techniques, certains bailleurs ont accès à des réseaux amicaux ou professionnels. Ces connexions sont source de conseils et de savoir-faire. Elles leur permettent de mieux comprendre les réglementations, de réaliser des investissements plus judicieux (« bonnes affaires ») et de minimiser les coûts de rénovation (conseils d’artisans, auto-rénovation).</p>
<p>On note, en outre, un contraste entre les profils pour lesquels les savoirs et réseaux ont été acquis professionnellement ou issus d’un héritage familial, et les profils caractérisés par une forte dimension autodidacte.</p>
<h2>Des stratégies de rénovation différentes</h2>
<p>La manière dont les bailleurs abordent leur parc conditionne les possibilités de rénovation énergétique. Pour certains (professionnels de l’immobilier), l’achat (« bonnes affaires » à rénover) ou la revente constitue le principal levier d’évolution du parc. Les travaux de rénovation (souvent non énergétiques au moment de l’enquête) se font à l’achat. Ces bailleurs peuvent aborder les mutations-rénovations (soit les <a href="https://www.lemondedelenergie.com/florence-lievyn-mutation-immobiliere-moment-favorable-travaux-efficacite-energetique/2022/05/17/">travaux réalisés dans le cadre d’une mutation – achat ou vente – immobilière</a>) dans une temporalité dynamique et assez courte, grâce à leur réseau et parce qu’ils le font sans recourir aux aides.</p>
<p>Pour d’autres, la gestion patrimoniale (héritiers patrimoniaux actifs, bailleurs patrimoniaux) s’inscrit dans une continuité de travaux, visant des rénovations de qualité de manière à maintenir le patrimoine sur le marché locatif.</p>
<p>Entre ces deux pôles, on retrouve une gamme assez large de profils (indépendance économique, investisseurs populaires, professionnels du bâtiment, bailleurs circonstanciels à bas revenu, déçus de l’immobilier) qui se caractérise par un parc peu évolutif.</p>
<h2>Le DPE, entre effets réels et contrainte perçue</h2>
<p>Les profils de bailleurs affichent des degrés très variables de connaissance et de prise en compte du DPE. Un seul profil accorde un réel intérêt et de la pertinence à l’outil (bailleur patrimonial). La majorité des autres profils en est critique, tout en y restant attentive. Enfin, trois profils sont à la fois critiques du DPE et ne le prennent pas en compte dans leurs arbitrages (professionnels de l’immobilier, conservateurs, déçus de l’immobilier).</p>
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<img alt="Anticipation des bailleurs face à un renforcement des exigences de rénovation énergétique. À gauche, les bailleurs susceptibles de ne pas tenir compte du DPE, et à droite, ceux qui en tiennent compte." src="https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556875/original/file-20231031-27-jzmync.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anticipation des bailleurs face à un renforcement des exigences de rénovation énergétique. À gauche, les bailleurs susceptibles de ne pas tenir compte du DPE, et à droite, ceux qui en tiennent compte.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La principale critique adressée au DPE est son manque de pertinence, notamment dans ses recommandations de travaux. Il est vu comme une contrainte administrative. La crainte demeure vis-à-vis d’une instabilité réglementaire pouvant à tout moment menacer des modèles économiques en posant de nouvelles exigences.</p>
<p>Au final, le renforcement du DPE et des exigences réglementaires semble à même d’infléchir les pratiques de rénovation pour seulement la moitié des profils. Il pose une incertitude sur le devenir des biens pour trois profils (bailleurs circonstanciels à bas revenu, investisseurs populaires, professionnels du bâtiment), pour lesquels les régimes d’aide seront décisifs. Il signe enfin une sortie des bailleurs du marché locatif et une mutation des biens pour deux profils (conservateurs, déçus de l’immobilier). Ses effets seraient donc très différenciés selon les profils de bailleurs et, indirectement, pour les locataires.</p>
<h2>Redistribution, concentration ou « rénoviction »</h2>
<p>Les bailleurs ne sont pas les seuls à être affectés : les locataires aussi. Il sera globalement plus difficile d’absorber les coûts des rénovations énergétiques dans les zones détendues où les prix de l’immobilier peuvent être faibles en regard des coûts de rénovation. Ce risque de fracture territoriale se double d’un enjeu de fracture sociale.</p>
<p>Parmi les profils qui ciblent des locataires à bas revenus – propriétaires professionnels de l’immobilier, investisseurs populaires, bailleurs patrimoniaux, conservateurs – seuls deux profils semblent pouvoir pérenniser une offre à faible loyer : les propriétaires professionnels de l’immobilier, et les bailleurs patrimoniaux.</p>
<p>Enfin, certains bailleurs évoquent la possibilité de passer à d’autres modes locatifs (non déclaré, courte durée). Cette issue peut évincer des locataires précaires du marché locatif sans répondre à l’enjeu de rénovation énergétique, puisqu’il s’agit alors de laisser le bien en l’état.</p>
<p>À la « rénoviction », à savoir la mise en difficulté d’une frange de locataires en vue d’une rénovation qui ne leur est pas destinée, pourrait donc s’ajouter une concentration des biens dans les mains de certains bailleurs, ainsi que la sortie de biens du marché de la location officielle de longue durée.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE22-0013">PREMOCLASSE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215906/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce document a été réalisé dans le cadre du projet PREMOCLASSE. PREMOCLASSE est un projet de recherche socio-économique sur la rénovation du bâtiment co-financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche, contrat ANR-19-CE22-0013-01). Il est mené en partenariat par EDF R&D, le Centre de Sociologie de l’Innovation de l’Ecole des Mines de Paris et le CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Coralie ROBERT a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Le renforcement des exigences autour du DPE peut-il encourager les bailleurs privés à la rénovation énergétique ? Oui… et non, car cela dépend essentiellement de leur profil sociologique.Alain Nadai, directeur de recherche cnrs, École des Ponts ParisTech (ENPC)Coralie Robert, Docteure en SociologieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160272023-10-22T15:07:33Z2023-10-22T15:07:33ZMode, beauté, « effet rouge à lèvres » : ces comportements de consommation qui ont changé depuis le Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554768/original/file-20231019-29-y0la2x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5599%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En période de crise, les ventes de produits cosmétiques ont tendance à augmenter, un phénomène désigné comme un «&nbsp;effet rouge à lèvres&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/poudres-pulverisees-et-rouges-a-levres-de-couleurs-assorties-1377034/">Dan Cristian Pădureț / Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie mondiale liée au <a href="https://theconversation.com/topics/coronavirus-81702">coronavirus</a> a, comme pour bien d’autres secteurs, eu un impact considérable sur <a href="https://www.businessoffashion.com/reports/news-analysis/the-state-of-fashion-2022-industry-report-bof-mckinsey/">l’ensemble du monde de la mode</a>, modifiant le comportement des consommateurs, perturbant les chaînes d’approvisionnement et affectant les principales entreprises du secteur.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/crises-55191">période de difficultés économiques</a>, il a plusieurs fois par le passé suivi une dynamique assez atypique que les chercheurs ont nommée <a href="https://www.forbes.com/sites/pamdanziger/2022/06/01/with-inflation-rising-the-lipstick-effect-kicks-in-and-lipstick-sales-rise/">« effet rouge à lèvres »</a>. Une augmentation des ventes de <a href="https://theconversation.com/topics/cosmetiques-20977">cosmétiques</a> et de maquillage chez les femmes a en effet été observée lors de <a href="https://www.theguardian.com/business/2008/dec/22/recession-cosmetics-lipstick">crises</a> telles que la Grande Récession de 2007-2009 et même la Grande Dépression des années 1930.</p>
<p>Daniel MacDonald et Yasemin Dildar, chercheurs à l’Université de Californie, ont proposé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214804319304884?via%3Dihub">trois hypothèses</a> explicatives. La première est psychologique : les femmes achèteraient plus de maquillage simplement parce qu’elles veulent se faire plaisir au milieu des difficultés. Une autre est de nature anthropologique : les femmes achètent plus de maquillage pour mieux attirer des partenaires. La dernière fait appel à des considérations touchant au marché de l’emploi : acheter plus de maquillage serait une stratégie pour augmenter ses chances d’être (meilleures) employées.</p>
<p>Qu’en a-t-il été en période de pandémie ? Selon un <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">rapport</a> du cabinet de conseil, McKinsey, on a pu relever, en France la semaine du 16 mars 2020, celle du premier confinement, une augmentation de <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">jusque 800 %</a> des ventes de savons de luxe par comparaison avec la même semaine en 2019. Il semble néanmoins difficile ici de distinguer ce qui relèverait des conséquences d’une promotion soudaine des gestes barrières d’un effet rouge à lèvres.</p>
<p>Au cours du mois d’avril toutefois, Zalando, leader électronique du secteur en Europe, a fait état d’un boom dans les catégories de produits de beauté pour le bien-être et les soins personnels ; les ventes de produits de soins pour la peau, les ongles et les cheveux ont augmenté de 300 % d’une année sur l’autre. Les ventes de produit de maquillage, effet du télétravail sans doute, s’orientaient, elles à la baisse. Les mêmes tendances ont été observées chez Amazon.</p>
<p>Nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">travaux</a> se sont ainsi donnés pour objectif de creuser cet effet rouge à lèvres d’un genre nouveau.</p>
<h2>Changements des comportements du consommateur</h2>
<p>Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698920309814?via%3Dihub">recherches</a> ont mis en évidence un changement du comportement des consommateurs pendant la crise Covid. Ont été par exemple soulignés, des achats impulsifs ou hédoniques, un rejet des achats en magasin, une modification des dépenses discrétionnaires ou un intérêt croissant pour la façon dont les marques traitent leurs employés. À notre connaissance néanmoins, une seule <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0887302X211014973">étude</a> a exploré l’évolution des habitudes de consommation dans le secteur de la beauté, et plus précisément des vêtements, au moment de la pandémie de Covid.</p>
<p>Ses auteurs ont étudié 68 511 tweets collectés entre janvier 2020 et septembre 2020, révélant divers éléments. Les internautes parlent de problèmes de sécurité (expédition depuis la Chine, virus sur les vêtements, vêtements de protection, désinfection des vêtements), de perturbations de la consommation (préoccupations concernant les services de revente et de location, inquiétudes concernant l’achat de vêtements spéciaux, inquiétudes concernant les achats en magasin, inquiétudes concernant l’expédition), demandes refoulées (arrêt ou report des achats, désir de soldes). Ils évoquent aussi une transition de la consommation (prise de poids et « rétrécissement des vêtements »), des changements d’habitude (style vestimentaire, désencombrement et don, sensibilisation à l’éthique) et de consommation (adaptation à un nouveau style vestimentaire, digitalisation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683902003653509120"}"></div></p>
<p>Notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">projet de recherche</a> visait ainsi à explorer un potentiel effet rouge à lèvres Covid, à partir de trois études explorant l’impact à long terme de la pandémie sur les pratiques d’achats vestimentaires et de beauté.</p>
<h2>Un effet autocentré</h2>
<p>Dix-sept participants (neuf femmes et huit hommes), tous étudiants ont été recrutés pour notre première étude. Nous avons choisi exclusivement des étudiants sans responsabilité professionnelle ni présence familiale afin d’observer des pratiques de la mode pendant le confinement isolées de toute pression parentale ou managériale.</p>
<p>Les résultats suggèrent un impact potentiel des deux confinements sur les pratiques de mode et de beauté chez les femmes mais pas chez les hommes : les participantes ont passé beaucoup de temps à explorer leur relation avec les vêtements et les produits de beauté afin de mieux aligner leurs pratiques sur elles-mêmes, tandis que les étudiants de sexe masculin n’ont pas modifié leurs pratiques en matière de mode.</p>
<p>Pour approfondir cette intuition, nous avons recruté 111 étudiantes, lesquelles ont été invitées à compléter des questionnaires décrivant leur pratique vestimentaire, d’estime de soi et de bien-être avant la pandémie Covid et depuis le début de pandémie. Ils montré qu’elles choisissaient des couleurs plus vives et une gamme de couleurs plus large ainsi que des textures et des vêtements favorisant la mobilité. Une troisième étude sur le maquillage a souligné que les participantes en utilisaient une quantité moindre et moins fréquemment depuis le début de la pandémie.</p>
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<p>Notre recherche a mis en évidence, pour la première fois, un type spécifique de l’effet « rouge à lèvres », à savoir « l’effet rouge à lèvres autocentré » spécifique à la crise sanitaire Covid. Nos résultats ont confirmé que les participantes utilisaient moins de produits de maquillage mais aussi ont montré qu’elles portaient des vêtements différents pour mieux refléter leur identité authentique, leur « moi », une des réponses des consommateurs face à cette crise sanitaire. C’est un facteur d’explication de l’augmentation des ventes de produits de beauté pendant et post-Covid focalisées sur les produits cosmétiques, naturels, et/ou à faire soi-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On observe généralement en période de crise une hausse qui peut sembler paradoxale des dépenses en produit de beauté. Le phénomène a toutefois pris un tour nouveau pendant le Covid.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2155672023-10-12T17:26:59Z2023-10-12T17:26:59ZFaut-il se réjouir du « Nobel » d’économie attribué à Claudia Goldin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553529/original/file-20231012-22-4qedpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C381%2C2123%2C1114&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Claudia Goldin a apporté des thèmes nouveaux à la science, mais avec des méthodes plutôt standard.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Claudia_Goldin#/media/Fichier:Claudia_Goldin_(cropped).jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le prix de la Banque Centrale de Suède, communément appelé <a href="https://theconversation.com/topics/prix-nobel-20616">« prix Nobel »</a> d’économie, vient tout récemment d’être attribué à Claudia Goldin pour avoir mis en lumière les <a href="https://www.kva.se/en/news/the-prize-in-economic-sciences-2023/">« principaux facteurs de différences entre les hommes et les femmes sur le marché du travail »</a>.</p>
<p>L’économie, en tant que discipline, est connue pour son sexisme, à la fois dans son organisation interne et dans sa manière de comprendre et d’influencer le monde. Le métier d’économiste reste à <a href="https://women-in-economics.com/index/">dominance masculine</a> et le champ scientifique <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100423030">invisibilise</a> les contributions des économistes femmes, pourtant <a href="https://www.jstor.org/stable/2117818">nombreuses</a> depuis les travaux fondateurs. Après Elinor Ostrom en 2009 et Esther Duflo en 2019, Claudia Goldin n’est que la troisième femme à remporter cette prestigieuse récompense, sur 93 lauréats depuis la création du prix en 1968.</p>
<p>Primer des travaux focalisés exclusivement sur les <a href="https://theconversation.com/topics/inegalites-hommes-femmes-136794">inégalités de genre</a> est par ailleurs inédit dans l’histoire de ce prix. De ce point de vue, le prix semble donc plutôt une bonne nouvelle. Les <a href="https://theconversation.com/topics/science-economique-33724">méthodes</a> sur lesquels ils reposent invitent néanmoins à nuancer l’idée.</p>
<h2>Courbe en U et travail cupide</h2>
<p>À 77 ans, Claudia Goldin est toujours professeure au prestigieux département d’économie de l’Université d’Harvard, où elle est d’ailleurs la première femme à avoir été titularisée, en 1989. Elle a pour particularité de combiner une approche néoclassique de l’économie et une perspective historique. Rendre justice à une œuvre prolifique qui s’étend sur près de cinq décennies est évidemment vain. Donnons simplement un aperçu de deux résultats saillants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1711800007601652192"}"></div></p>
<p>Le premier consiste à avoir modélisé la <a href="https://www.nber.org/papers/w4707https://www.nber.org/papers/w4707">« courbe en U »</a> de l’emploi féminin en fonction des degrés de « développement » des pays et à proposer une interprétation. Cette courbe montre que l’emploi féminin est élevé dans les économies de subsistance ; il décline lorsque les économies commencent à se monétariser et se marchandiser mais n’offrent que des emplois manuels, fortement stigmatisés pour les femmes ; puis il remonte lorsque les femmes ont accès à des emplois « à col blanc », plus respectables.</p>
<p>La transformation des normes familiales et l’accès à la pilule contraceptive amorcent une autre étape. Les jeunes femmes puis les futures mères peuvent désormais planifier leur avenir, et donc s’engager dans des études puis des métiers, perçus désormais comme de véritables carrières professionnelles et non comme un simple adjuvant au revenu familial. Exhumant de nombreuses archives, compilant diverses bases de données, Claudia Goldin retrace cette évolution pour les États-Unis mais aussi dans d’autres contextes, y compris postcoloniaux, suggérant l’universalité de cette courbe en U et de son interprétation.</p>
<p>Le second résultat, plus récent, porte sur la notion de « travail cupide » (<a href="https://www.nber.org/reporter/2020number3/journey-across-century-women"><em>greedy work</em></a> en anglais). Elle s’interroge ici non plus sur les taux d’emploi des femmes mais sur la persistance des inégalités de salaire au sein d’un même métier. À l’issue de travaux économétriques sophistiqués visant à isoler différents facteurs explicatifs, elle conclut que les inégalités relèvent moins de discrimination que de ce « travail cupide », qui consiste à exiger des travailleurs une grande flexibilité horaire, laquelle pénalise les femmes du fait de leurs responsabilités domestiques.</p>
<p>Les emplois les plus exigeants en termes de longues heures de travail et les moins flexibles sont rémunérés de manière disproportionnée, tandis que les revenus des autres emplois stagnent. C’est ainsi qu’elle explique la persistance de fortes inégalités de salaires femme-homme, notamment dans les métiers hautement diplômés.</p>
<h2>Thèmes nouveaux, méthode <em>mainstream</em> ?</h2>
<p>Loin de se cantonner à ses écrits et enseignements académiques, Claudia Goldin s’engage sur de multiples fronts, y compris pour l’égalité dans sa propre profession. D’abord en faisant office de modèle, puisqu’elle reconnaît <a href="https://freakonomics.com/podcast/the-true-story-of-the-gender-pay-gap/">gagner davantage que son mari</a> Lawrence Katz, lui-même économiste et avec qui elle a régulièrement collaboré (tout en soulignant avoir davantage d’ancienneté). Ensuite en promouvant des <a href="https://scholar.harvard.edu/goldin/UWE#:%7E:text=The%20Undergraduate%20Women%20in%20Economics,aimed%20at%20fulfilling%20this%20goal">programmes spéciaux</a> incitant les jeunes femmes à étudier l’économie.</p>
<p>Les travaux de Claudia Goldin ont eu l’immense mérite d’attirer l’attention de la discipline sur des thématiques longtemps impensées. Ils sont toutefois circonscrits à une méthode et une conception du travail et de l’économie qui limitent nécessairement leur portée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1712434997091578147"}"></div></p>
<p>Claudia Goldin reste fidèle à une approche néoclassique des phénomènes économiques, considérant l’emploi comme un choix et un calcul économique rationnel individuel, influencé par une série de contraintes, d’incitations ou de chocs externes, dont l’origine ne mérite pas d’être questionnée. Elle appuie ses démonstrations sur des analyses économétriques visant à isoler les effets de différents facteurs, dont les non observables et/ou incommensurables sont écartés. Raisonner « toute chose égale par ailleurs » occulte l’entremêlement inextricable de certains facteurs.</p>
<p>La courbe en U, à portée prétendument universelle, s’applique certainement à plusieurs régions du monde et certains groupes sociaux, beaucoup moins à d’autres. Citons le <a href="https://blog.courrierinternational.com/bombay-darling/2021/05/24/en-inde-les-femmes-travaillent-de-moins-en-moins/">cas de l’Inde</a>, où l’emploi des femmes ne cesse de décliner dans une économie pourtant florissante.</p>
<p>Outre le fait de rendre justice à des trajectoires hétérogènes, reconnaître et explorer cette diversité visent surtout à complexifier l’analyse des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/135457097338799">structures de hiérarchie sociale</a> et de la manière dont les inégalités de genre s’articulent avec d’autres rapports de pouvoir, afin de mieux penser leur dépassement. Même au sein des contextes occidentaux, il existe une diversité de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/095892879200200301">régimes de genre</a>, avec des modalités très inégales dans la manière dont État, marché, famille et milieu associatif se partagent les responsabilités. Entrent en jeu ici les droits sociaux, les questions fiscales, les réglementations relatives aux temps et horaires de travail ou encore les normes de masculinité, féminité et parentalité.</p>
<p>Plus encore, l’arbitrage emploi/soin aux enfants se révèle être un processus <a href="https://www.librairie-des-femmes.fr/livre/9782721004680-de-la-difference-des-sexes-en-economie-politique-nancy-folbre/">complexe et ambivalent</a> où s’entremêlent des aspirations, des obligations et des contraintes multiples, mais aussi des sentiments et des affects, extraordinairement variables selon les lieux, les contextes et les groupes sociaux.</p>
<h2>« Membres productifs de l’économie »</h2>
<p>Dans son ouvrage de vulgarisation sur l’idée de « greedy work », paru en 2021, en contexte post-pandémique, Claudia Goldin plaide par ailleurs pour des mesures de soutien aux parents et aux prestataires de soin afin de leur permettre, suggère-t-elle, d’être de <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691201788/career-and-family">« meilleurs membres productifs de l’économie »</a>. Comme l’ont cependant montré de nombreuses recherches, y compris en économie, cette course à la productivité est précisément <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/E/bo28638720.html">l’épicentre des inégalités comme de l’insoutenabilité</a> de nos systèmes économiques, puisque la productivité des uns se nourrit de la prétendue non-productivité des autres.</p>
<p>On n’insistera jamais assez sur l’immense responsabilité du savoir économique dominant dans la fabrique d’un monde profondément <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/030981689706200111">inégalitaire et insoutenable</a>, les deux allant de pair. En cantonnant l’économie (comme réalité) et la richesse à la production de biens et services échangeables sur un marché, le savoir économique dominant a entériné et justifié scientifiquement la <a href="https://www.bloomsbury.com/us/patriarchy-and-accumulation-on-a-world-scale-9781350348189/">dévalorisation d’activités, de personnes et de régions du monde</a>, supposées improductives et sans valeur.</p>
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<p>Il en va ainsi des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/quotidien_politique-9782348069666">activités de soin et de subsistance</a>, principalement assumées par des femmes. C’est bien cette dévalorisation qui explique la persistance du <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2006-1-page-27.htm">« salaire féminin d’appoint »</a> : les femmes seraient par essence dépendantes de leur époux et leurs besoins seraient donc moindres. En France, c’est bien cette dévalorisation qui explique une partie du <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/un_quart_en_moins-9782707179104">« quart en moins »</a>, référence au 25 % de décalage entre les revenus moyens des femmes et des hommes.</p>
<p>C’est bien cette dévalorisation qui explique la persistance de secteurs entiers féminisés, sous-payés, et souvent racisés. Majoritairement dédiés aux soins ou à l’éducation, ces secteurs d’activité sont pourtant déterminants pour la survie et le bien-être de nos sociétés. Cette hiérarchisation des activités et des revenus féminins et masculins est gravée dans les normes sociales et les croyances, des hommes comme des femmes, mais aussi dans la réglementation, le droit et son interprétation, notamment le <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_genre_du_capital-9782348044380">droit du travail</a> ou le <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_genre_du_capital-9782348044380">droit sur les successions</a>.</p>
<p>En somme, si l’on peut se réjouir de cette nomination, gardons la tête froide : sa capacité à infléchir les modes dominants de pensée et d’action vers plus d’égalité et de soutenabilité semble, hélas, limitée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215567/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Guérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La néo-nobélisée a été pionnière en économie pour l’étude des inégalités entre hommes et femmes. Néanmoins, et paradoxalement peut-être, à partir de méthodes qui en sont aussi pour partie à l’origine.Isabelle Guérin, Directrice de recherche à l'IRD-Cessma (Université de Paris), affiliée à l’Institut Français de Pondichéry, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087072023-10-12T17:22:43Z2023-10-12T17:22:43ZMoi, M. Martin, je vous raconte ma vie de super riche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552070/original/file-20231004-19-5ee4u9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C2038%2C1324&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bernard Arnault, plus grosse fortune française prononce un discours devant les élèves de Polytechnique en 2017. Pour beaucoup, il incarne l'idéal-type du très très riche.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bernard_Arnault_%285%29_-_2017.jpg">Jérémy Barande / Ecole polytechnique Université Paris-Saclay/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Si je me permets de prendre la plume dans The Conversation aujourd’hui, c’est que je trouve qu’on ne nous donne pas assez la parole. Nous ? Les riches. Bien sûr, on montre la richesse, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Mais si l’on réfléchit bien, on nous entend peu. Il faut dire que beaucoup de mes congénères préfèrent se cacher. Ce n’est pas mon cas. Laissez-moi vous raconter ce que c’est que d’être riche et, passez-moi l’expression, ce que l’on nous offre…</p>
<p>Commençons par le commencement. Vous savez ce que c’est qu’un riche, vous ? Bien entendu, vous en avez une idée, tout le monde en a une. Généralement, ce n’est pas soi-même. Tout le monde ? Pas tout à fait, si l’on réfléchit bien. L’État, par exemple, se garde bien trop de définir explicitement ce qu’est un riche. Il existe un seuil officiel de pauvreté mais pas de <a href="https://www.inegalites.fr/Comment-mesure-t-on-la-pauvrete-en-France">seuil de richesse</a>.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas que l’on manque de manières de la définir ! La plus évidente consiste à regarder du côté de ce que l’on possède. Un riche possède un patrimoine élevé, financier et/ou immobilier. Pour vous permettre de vous situer, en France, en 2017, 10 % seulement des ménages ont un patrimoine net supérieur à 549 600 euros, 5 % à 794 800 euros et 1 % à 1 745 800 euros. J’ai la chance – même si je n’aime pas trop ce terme – de compter parmi ces derniers.</p>
<p>On peut aussi regarder du côté des revenus. Un riche touche beaucoup d’argent régulièrement. Pour être parmi les 10 % les mieux payés, il faut gagner plus de 3 261 euros net, 4 090 euros pour être parmi les 5 % et 6 651 pour compter parmi les 1 % (dont je fais partie, mais vous l’aviez sans doute deviné à ce stade).</p>
<p>Il existe des définitions plus subtiles. Par exemple, on peut penser qu’être riche, c’est ne pas avoir besoin de travailler pour vivre, parce que l’on peut vivre de ses rentes. Il faudrait pour cela posséder un <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">patrimoine financier de 1,4 million d’euros</a>. C’est aussi mon cas au passage.</p>
<h2>Les définitions implicites de la richesse</h2>
<p>On pourrait convoquer d’autres définitions de la richesse, qui ne manquent pas. Mais je voudrais évoquer celles que j’aime qualifier de « définitions implicites » de la richesse. De quoi s’agit-il ? De celles de l’administration, fiscale en l’occurrence, qui établit, sans trop le crier sur les toits, des seuils de richesse.</p>
<p>Prenons l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), que je connais bien. L’État estime qu’à partir d’un certain niveau de patrimoine immobilier (en l’occurrence, 1,3 million d’euros, après abattements), on doit être assujetti à un impôt spécifique. C’est bien qu’on est jugé (trop ?) riche à partir de ce seuil ! Mais on peut également citer le plafonnement des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-si-difficile-de-reformer-les-niches-fiscales-191801">niches fiscales</a>, c’est bien qu’au-delà d’un certain niveau de revenu, on est trop riches pour en bénéficier davantage.</p>
<p>Certes, ce plafonnement n’est contraignant en théorie que pour les célibataires touchant plus de 4 470 euros par mois (ou pour les couples avec deux enfants ayant plus de 13 400 euros de revenus). Mais là encore, l’État reconnaît qu’au-delà d’une certaine limite, on est trop riches pour bénéficier de ristournes fiscales.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie--9782707146823-page-8.htm">Les définitions de la richesse</a> ne manquent donc pas mais sans définition officielle, les riches sont statistiquement et institutionnellement invisibilisés. On compte les pauvres – mais pas les riches. Je ne suis pas naïf et je sais bien que cette invisibilisation a des effets sociaux : en ne nous comptons pas, on complique nécessairement la mise en place de politiques publiques spécifiques à l’égard des riches. Grand bien m’en fasse.</p>
<h2>Sécurité fiscale vs Sécurité sociale</h2>
<p>Accumuler, c’est bien. Gagner de plus en plus, chaque année, c’est très satisfaisant, je ne vous le cache pas. Mais sécuriser sa richesse, c’est encore mieux. Car si j’espère évidemment accroître ma fortune, ce que je souhaite par-dessus tout, c’est la maintenir. Et l’État, c’est formidable, nous y aide. Je vais vous parler franchement : le « fisc », comme on dit, est un fidèle allié. J’ai d’ailleurs trouvé un nom pour ça : la « Sécurité fiscale ». C’est un peu comme la Sécurité sociale, mais pour les riches.</p>
<p>Laissez-moi vous donner quelques exemples pour montrer que les règles fiscales en vigueur dans notre pays, loin de nous faire fuir, nous permettent d’y passer des jours paisibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552061/original/file-20231004-29-ontcbj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Manifestation du 10 décembre contre le projet de « réforme » des retraites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/49199944323">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Commençons par l’<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N20074">impôt sur la fortune immobilière</a> (IFI), dont je vous ai déjà parlé. Ma modeste fortune s’élève à 4,3 millions d’euros, dont 2,3 millions en immobilier. Je vous passe les calculs, mais mon IFI s’élève à environ 450 euros mensuels, soit 3 % de mes revenus. Très honnêtement, ce n’est pas la mer à boire.</p>
<h2>Le fisc cet allié</h2>
<p>Mais laissez-moi vous raconter le plus drôle… Savez-vous qui détermine le montant de mon patrimoine immobilier ? Le fisc à l’aide des statistiques très précises qu’il possède sur les ventes ? Une intelligence artificielle qui s’appuierait sur le prix des annonces immobilières ? Des inspecteurs des impôts qui se déplaceraient sur place ? Que nenni : c’est moi ! Oui, c’est moi qui détermine le montant de la fortune sur laquelle je vais être taxé : il s’agit d’un <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-declarer-limpot-sur-la-fortune-immobiliere-ifi">impôt déclaratif</a>…</p>
<p>Pour tout vous dire, il n’est pas impossible que je l’estime à la baisse. Nos gouvernants ont moins de pudeur avec les bénéficiaires du RSA, comme le montrent les discussions actuelles sur l’éventuelle réforme de cette prestation pour aller vers plus de contrôle.</p>
<p>Il faut également compter sur le <a href="https://www.economie.gouv.fr/particuliers/prelevement-forfaitaire-unique-pfu">Prélèvement forfaitaire unique</a> (PFU), mis en place en 2018 pour éviter que les revenus du capital ne soient trop taxés (à un taux qui peut être inférieur, pour une raison qui m’échappe moi-même, à ceux appliqués aux revenus du travail). Je peux également évoquer la faiblesse relative des taux supérieurs de l’impôt sur le revenu. Le taux supérieur est en effet actuellement de 45 % (au-delà de 168 994 euros de revenus sur une année). Je ne vais pas me plaindre : il était systématiquement entre 60 % et 70 % pendant les Trente Glorieuses.</p>
<p>Vraiment, croyez-moi, la fiscalité française n’a vraiment rien de confiscatoire pour les riches. J’ai l’impression qu’on fait tout pour qu’elle nous soit douce. Vive la Sécurité fiscale !</p>
<h2>Sécuriser le consentement à l’impôt</h2>
<p>Mais l’État va plus loin dans sa louable ambition de sécuriser la richesse. Non seulement je peux difficilement dire que je suis étranglé par les impôts, mais je peux en partie présider leur destinée, grâce aux fameuses niches fiscales. C’est la manière qu’a l’État, sans doute, de sécuriser mon consentement à l’impôt.</p>
<p>Le cas le plus emblématique est sans doute celui des salariés à domicile, dont l’État prend en charge le coût, dans une certaine limite. Comme j’emploie une femme de ménage, mes impôts sont réduits d’un peu plus de 5 000 euros (soit à peu près le montant de mon IFI !). Une partie des impôts que je suis censé payer me profite directement. Et les dons aux partis politiques, vous connaissez ? Chaque don à un parti politique ouvre droit à une réduction d’impôt de 66 % de son montant, dans une certaine limite. Mais cette réduction d’impôt ne s’applique que si… on est imposable à l’impôt sur le revenu. Cela signifie que quand je fais un don à mon parti politique préféré (peut-être aurez-vous deviné lequel), on m’en rembourse les deux tiers – alors que mon concierge, pas assez payé pour être imposable comme <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/impots-fiscalite/impots/cinq-chiffres-etonnants-sur-les-impots-des-francais-21d85be6-1f6b-11ec-a4db-d0e3da9e796f">près de la moitié des ménages en France</a>, y est entièrement de sa poche quand il effectue un versement à son parti (qui n’est pas le même que le mien, comme vous pouvez l’imaginer).</p>
<p>Non content de m’épauler ainsi dans le maintien de ma richesse, l’État m’aide à la transmettre. Je ne sais pourquoi les Français détestent à ce point les droits de succession. Franchement, je suis bien placé pour savoir que même quand on est riches, ce n’est pas grand-chose. Non seulement les <a href="https://www.impots.gouv.fr/particulier/questions/comment-dois-je-calculer-les-droits-de-succession">taux d’imposition</a> en ligne directe sont faibles, mais il existe des abattements. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur les 4,3 millions de patrimoine que nous possédons avec mon épouse, nos deux enfants ne devraient s’acquitter, à notre mort, que de 15 % de la somme. Il leur restera de quoi voir venir.</p>
<h2>Les riches, des assistés ?</h2>
<p>Voila ce que c’est que d’être riche. Il me reste qu’à remercier tous les acteurs qui m’assistent dans la gestion de ma richesse : les gestionnaires de fortune, les notaires et les avocats fiscalistes, capables de trésor d’ingéniosité pour m’aider à payer le moins d’impôts possibles. Comme me l’a dit un jour dans un grand éclat de rire l’un d’entre eux :</p>
<blockquote>
<p>« Vous savez M. Martin, certains sont plus égaux que d’autres face au droit fiscal ! »</p>
</blockquote>
<p>Et bien entendu, l’État lui-même, qui me semble tout faire pour m’aider à maintenir mon rang. Si vous saviez comment l’administration fiscale me reçoit… Alexis Spire, dans son ouvrage <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/faibles-et-puissants-face-a-limpot/"><em>Faibles et puissants face à l’impôt</em></a>, publié en 2012, le raconte très bien. L’administration fiscale sait me faire sentir que je ne suis pas un contribuable comme les autres et, bien souvent, on trouve le moyen de s’arranger.</p>
<p>De vous à moi, en mon for intérieur, je me surprends à penser que les vrais assistés ne sont pas les récipiendaires du RSA comme le gouvernement aime à les pointer, mais bien nous, les (très) riches ! Et si, le coût de la richesse – car elle a un coût, vous l’avez compris maintenant – était supérieur au coût de la pauvreté pour le bien commun ?</p>
<p>Alors, de quoi M. Martin est-il le nom ?</p>
<p><em>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui. M. Martin est un riche imaginaire, à la fois une construction et une réalité. M. Martin n’est pas une personne, mais il n’est pas rien. Il est le nom d’une réalité statistique : l’idéal-type financier et fiscal d’un très riche (1 % des plus riches en France).</em></p>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié en partenariat avec la <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24995">revue Terrain</a> et son numéro 78 <a href="https://journals.openedition.org/terrain/24889">« Capitalisme sauvage »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Monsieur Martin n’existe pas. Mais il a une fonction : donner à voir, sous la forme d’un récit, le (très) riche d’aujourd’hui.Arthur Jatteau, Maître de conférences en économie et en sociologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139372023-09-22T15:19:26Z2023-09-22T15:19:26ZNous avons offert 7 500 dollars à des personnes sans domicile fixe. Voici ce qu’elles ont fait avec cet argent<p>L’itinérance est une question très complexe et grandement incomprise. Lorsqu’on entend ce terme, on a tendance <a href="https://www.jstor.org/stable/2787093">à l’associer</a> à la maladie mentale ou à la consommation problématique de substances. Les personnes sans domicile sont largement <a href="https://doi.org/10.1111/hsc.13884">stigmatisées</a>, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1749-6632.2009.04544.x">déshumanisées</a> et perçues comme peu compétentes et non dignes de confiance. Mais la réalité est bien plus nuancée.</p>
<p>Un <a href="https://www.vancitycommunityfoundation.ca/sites/default/files/uploads/HC2020_FinalReport.pdf">recensement effectué en 2020</a> par la BC Non-Profit Housing Association dans la région métropolitaine de Vancouver a révélé qu’il y avait 3 634 personnes sans domicile fixe, dont 1 029 qui n’ont pas recours à des centres d’hébergement et 2 605 qui y ont recours. Seule la moitié d’entre elles avaient des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’itinérance cachée, qui comprend les personnes qui dorment sur un canapé chez quelqu’un ou dans leur voiture.</p>
<p>Plus une personne reste longtemps sans domicile, <a href="https://doi.org/10.1080/17523281.2011.618143">plus elle risque</a> d’être confrontée à des traumatismes, à la toxicomanie et à des problèmes de santé mentale. Cette situation entraîne souvent une détérioration de l’état de santé à long terme.</p>
<p>Les approches actuelles ne fonctionnent pas, comme en témoigne <a href="https://www.homelesshub.ca/resource/addressing-homelessness-metro-vancouver">l’augmentation rapide</a> du nombre de personnes sans domicile. On a démontré qu’il <a href="https://www.homelesshub.ca/resource/addressing-homelessness-metro-vancouver">est plus coûteux</a> d’offrir des refuges de courte durée qu’un logement stable. Il est donc impératif de changer notre stratégie.</p>
<h2>Tenter quelque chose de nouveau</h2>
<p>En 2016, nous nous sommes associés à Claire Williams, cofondatrice de <a href="https://forsocialchange.org/who-we-are#:%7E:text=Claire%20Elizabeth%20Williams%20is%20the,impact%20on%20the%20global%20stage.">Foundations for Social Change</a>, pour élaborer une nouvelle solution.</p>
<p>Nous avons effectué un transfert ponctuel de 7 500 dollars à des personnes sans domicile de Vancouver. Cette somme forfaitaire, équivalant à l’aide sociale offerte pour un an en 2016 en Colombie-Britannique, leur a donné la possibilité de payer un loyer et de couvrir d’autres frais de subsistance. Le versement d’argent constitue un moyen de permettre aux gens d’éviter l’itinérance dans la dignité.</p>
<p>Il nous a fallu deux ans pour obtenir le soutien d’organismes partenaires et de donateurs. Nous avons d’abord conclu un accord avec le gouvernement de la Colombie-Britannique pour que les bénéficiaires puissent conserver les 7 500 dollars tout en restant éligibles à l’aide sociale. Nous avons ensuite travaillé avec la coopérative de crédit Vancity pour offrir des comptes chèques gratuits où ces fonds pouvaient être déposés.</p>
<p>En 2018, nous avons lancé le premier <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2222103120">essai contrôlé randomisé</a> au monde qui visait à examiner les incidences d’un don d’argent sur des personnes en situation d’itinérance. Notre objectif était de commencer avec des personnes devenues sans-abri depuis peu à un moment où elles avaient besoin d’argent pour éviter de rester coincées dans cette situation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme couché sur un banc" src="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548587/original/file-20230915-25-vg01wg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Soutenir des personnes en leur versant de l’argent peut les aider à ne pas se trouver coincées en situation d’itinérance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Nos participants</h2>
<p>Notre équipe s’est rendue dans 22 refuges du Lower Mainland en Colombie-Britannique pour sélectionner des personnes sans domicile depuis moins de deux ans, de nationalité canadienne ou résidentes permanentes, âgées de 19 à 65 ans et sans problèmes graves de toxicomanie ou d’alcoolisme, ni de santé mentale. </p>
<p>Notre échantillon représentait 31 % de la population des refuges de Vancouver. Au total, 229 personnes répondaient à nos critères. Elles ne savaient rien du programme de versement d’argent. Mais lorsque nous avons essayé de les recontacter pour mener l’enquête de référence, nous n’avons pas pu joindre la moitié d’entre elles parce qu’elles n’avaient pas d’adresse stable, de téléphone ou d’adresse électronique. </p>
<p>Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas pu retrouver 114 personnes et avons fini par recruter 115 participants pour notre étude. Dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé, nous avons choisi de manière aléatoire 50 participants qui allaient recevoir de l’argent et 65 qui n’en recevraient pas. Nous avons informé les 50 participants du groupe « avec argent » du fait qu’on allait effectuer un versement seulement après qu’ils ont répondu à l’enquête de référence. Nous n’en avons rien dit aux personnes de l’autre groupe.</p>
<p>Nous avons suivi les participants pendant un an afin d’évaluer les effets du transfert d’argent. Nous avons perdu tout contact avec environ 30 % d’entre eux pendant cette période, et certains ont déménagé loin de Vancouver.</p>
<p>Nous avons proposé un atelier et du mentorat à un sous-ensemble de participants en guise de soutien supplémentaire. L’atelier proposait une série d’exercices visant à les aider à réfléchir aux moyens de retrouver une stabilité dans leur vie. Le mentorat consistait en des rencontres téléphoniques avec un coach certifié, formé pour aider les gens à atteindre leurs objectifs de vie.</p>
<p>Comme personne n’avait jamais mené d’étude de ce genre auparavant, nous disposions de peu d’éléments pour orienter nos prédictions sur les effets du versement. Mais en nous inspirant des bonnes pratiques, nous avons formulé quelques hypothèses sur le bien-être à court terme et les fonctions cognitives en nous basant sur des études antérieures sur des transferts d’argent. Aucune de ces hypothèses ne s’est avérée exacte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une personne en train de compter de l’argent" src="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548156/original/file-20230913-33750-rfgloa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La plupart des participants ont dépensé l’argent reçu pour payer un loyer, de la nourriture et acheter des articles tels que des meubles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Nos résultats</h2>
<p>Ce qui nous a étonnés, c’est l’incidence positive des transferts d’argent. Les gens qui ont reçu une aide financière ont passé en moyenne 99 jours de moins dans la rue sur une période d’un an.</p>
<p>Cela s’est traduit par des économies nettes de 777 dollars par personne par an. En d’autres termes, l’État et les contribuables ont ainsi économisé de l’argent. Les bénéficiaires de l’offre ont augmenté leurs dépenses pour le loyer, la nourriture, le transport et l’achat d’articles tels que des meubles ou une voiture.</p>
<p>Fait important, ils n’ont pas augmenté leurs dépenses en alcool, en drogues et en cigarettes. Cela remet en cause l’idée reçue selon laquelle les personnes sans domicile gaspillent l’argent en alcool et en drogues.</p>
<p>De 2018 à 2020, le taux d’inoccupation des logements à Vancouver était d’environ un <a href="https://globalnews.ca/news/9439394/vancouver-rental-market-vacancy-cost/">pour cent</a> et le délai d’attente pour obtenir un logement pouvait aller <a href="https://www.homelesshub.ca/blog/long-wait-times-social-housing-what-can-be-done-meet-housing-needs-homeless-people-and-those">jusqu’à un an</a> pour une personne vivant dans un centre d’hébergement.</p>
<p>Néanmoins, près de la moitié des participants à notre étude ont trouvé un appartement un mois seulement après le versement d’argent. Cela montre à quel point ils étaient prêts à recouvrer une situation stable et n’avaient besoin que d’un coup de pouce financier pour y parvenir.</p>
<p>En revanche, nous n’avons pas constaté d’améliorations notables en matière de sécurité alimentaire, d’emploi, d’éducation et de bien-être. Cela peut s’expliquer par le fait que 7 500 dollars constituent une somme relativement faible dans une ville aussi chère que Vancouver.</p>
<p>Le revenu annuel moyen des participants était de 12 580 $. L’argent versé représentait donc une augmentation de 60 %. Malgré cela, ils se trouvaient toujours sous le seuil de pauvreté et étaient loin de pouvoir assumer le coût de la vie à Vancouver.</p>
<p>Nous avons également constaté que ni l’atelier ni le mentorat n’avaient eu d’effet positif sur les participants. L’une des raisons est l’engagement ; la plupart des participants n’ont pas pris part à l’atelier ou au mentorat après le premier mois. Une autre raison possible est un décalage entre le soutien offert et les besoins des participants. L’accompagnement proposé était ambitieux et visait à clarifier leurs objectifs de vie et à renforcer leur sentiment d’efficacité personnelle.</p>
<p>Mais ce dont nos participants avaient besoin, c’était d’un soutien pratique pour obtenir des pièces d’identité, rédiger des CV et postuler à un emploi, par exemple. Quelques ateliers ou du mentorat ne les aidaient pas sur ce plan.</p>
<p>Notre étude vient s’ajouter à un corpus mondial de plus en plus important d’études portant <a href="https://doi.org/10.1002/14651858.CD011135.pub3">sur les versements d’argent</a> qui démontrent la nécessité de rehausser le revenu des personnes marginalisées.</p>
<p>Cette étude est un point de départ prometteur, qui jette les bases de recherches et de politiques futures. Les gouvernements et les experts devraient étudier les transferts d’argent comme moyen de soutenir les personnes sans abri et marginalisées.</p>
<hr>
<p><em>Ryan Dwyer, chercheur senior à la Happier Lives Institute, a co-écrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213937/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jiaying Zhao a bénéficié d'un financement de la part d'Emploi et Développement Social Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Daly-Grafstein travaille pour les Fondations pour le changement social.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anita Palepu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chercheurs ont constaté que la plupart des sans-abri dépensaient l’argent qu’ils recevaient pour payer leur loyer, leur nourriture et d’autres frais de subsistance.Jiaying Zhao, Associate Professor, Psychology, University of British ColumbiaAnita Palepu, Professor of Medicine, University of British ColumbiaDaniel Daly-Grafstein, PhD student in statistics, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094822023-09-21T15:32:01Z2023-09-21T15:32:01ZLes entreprises ont intérêt à aller au-delà de la simple conformité à la loi sur la protection des données personnelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545634/original/file-20230830-17-rktnmq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C2%2C983%2C558&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une gestion saine des données personnelles requiert un effort important. Au-delà des contraintes imposées par la loi, une telle gestion offre aux entreprises une occasion de mieux structurer leurs données dans leur ensemble.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La nouvelle législation sur la protection des renseignements personnels (découlant de l’adoption de la <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-et-organismes/institutions-democratique-acces-information-laicite/acces-documents-protection-renseignements-personnels/pl64-modernisation-de-la-protection-des-renseignements-personnels">loi 25</a>) permet notamment aux entreprises de se prémunir contre des scandales de fuite de données, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1952657/vol-massif-desjardins-ecoute-electronique-vendeur">tels que ceux qu’a connus Desjardins en 2019</a>.</p>
<p>La loi 25, dont la dernière phase d’application s’achève le 22 septembre 2024, comprend de multiples obligations de gouvernance, de transparence et de divulgation de l’information. Ces règles protègent les données des individus et offrent aux entreprises une occasion inespérée de développer une gouvernance globale de leurs données, et par la même occasion, de renforcer la sécurité de celles-ci. </p>
<p>Les compagnies plus avisées pourraient saisir cette opportunité pour aller au-delà de la simple conformité à la loi, en effectuant un inventaire global de leurs données, et en tirer des bénéfices considérables.</p>
<p>Experts en gestion des technologies de l’information et du numérique, nous proposons d’apporter un éclairage sur l’importance, pour les entreprises, de développer une gouvernance globale et cohérente de leurs données.</p>
<h2>Les changements réglementaires</h2>
<p>Le Québec a promulgué une nouvelle loi en septembre 2021, la <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-et-organismes/institutions-democratique-acces-information-laicite/acces-documents-protection-renseignements-personnels/pl64-modernisation-de-la-protection-des-renseignements-personnels">loi 25</a>, pour protéger les informations personnelles détenues par les entreprises. </p>
<p>De son côté, le Canada étudie un projet de loi similaire (<a href="https://www.justice.gc.ca/fra/sjc-csj/pl/charte-charter/c27_1.html">C-27</a>). De telles mesures sont également en application en Europe. </p>
<p>Ces dispositions obligent les entreprises à construire un inventaire détaillé des données qu’elles conservent sur les personnes, qu’il s’agisse d’employés ou de clients. Désormais, ces données ne peuvent être utilisées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies, avec le consentement des personnes concernées. Tout bris de confidentialité doit être consigné et déclaré aux autorités compétentes dans des délais spécifiques.</p>
<p>Par exemple, si une entreprise conserve des curriculum vitae à la suite de l’affichage d’un emploi, elle devra identifier le responsable de ces données, leur contenu, leur provenance, leur usage, qui peut y avoir accès, ainsi qu’un calendrier de conservation. Pour faciliter cet inventaire, l’utilisation d’un outil simple comme celui proposé ci-après pourrait être appliquée à l’ensemble des données de l’entreprise.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537099/original/file-20230712-25-fxfky5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=162&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple d’inventaire de données qui pourrait être utilisé par une entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Benoît A. Aubert), Fourni par l’auteur</span></span>
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<h2>Les efforts requis</h2>
<p>Jusqu’à récemment, les données ne suscitaient pas autant d’intérêt que la sécurité des systèmes informatiques, par exemple les systèmes de marketing et de gestion des ventes, de ressources humaines ou de comptabilité. Les données étaient souvent partagées ou réutilisées. On pouvait par exemple revendre une liste de clients à une autre entreprise qui l’utilisait à des fins de marketing. Il y avait peu de protection pour les données individuelles détenues par les entreprises. </p>
<p>Avec la nouvelle législation, ces pratiques ne seront plus permises sans l’autorisation explicite des individus concernés par ces données. </p>
<p>En premier lieu, les organisations devront identifier l’ensemble des données personnelles qu’elles possèdent, comprendre comment et où elles sont gérées et stockées, et s’assurer que les bonnes personnes en soient responsables. Elles auront ainsi un portrait des données qui permettra d’indiquer à une personne qui le demande quelles données la concernant sont gardées. </p>
<p>Dans plusieurs entreprises, les données de vente sont gérées par le marketing, les données sur les personnes employées par les ressources humaines, et les comptes clients par les finances. Or, on ignore souvent qui détient quoi. Sans le savoir, des données sur une même personne peuvent se retrouver dans deux ou trois départements différents, et dans plusieurs bases ou entrepôts de données.</p>
<p>Les nouvelles lois exigent une approche plus structurée pour connaître et gérer ses données. Ceci implique d’identifier les processus et ressources nécessaires pour y parvenir, afin d’en tirer parti de façon responsable.</p>
<h2>Une opportunité se présente</h2>
<p>Une gestion saine des données personnelles requiert un effort important. Au-delà des contraintes imposées par la loi, une telle gestion offre aux entreprises une occasion de mieux structurer leurs données dans leur ensemble. Cette organisation leur permettra non seulement de les rentabiliser, mais également d’obtenir une meilleure performance.</p>
<p>Tant qu’à construire un inventaire sur les données personnelles, pourquoi ne pas y ajouter les données sur les produits et sur les processus ? Avec un inventaire complet des données, l’organisation pourra mieux analyser ses activités, améliorer ses services, être prête à exploiter l’intelligence artificielle, et être en mesure de traiter ses données comme un actif à valeur stratégique.</p>
<p>Un tel inventaire aura comme premier effet d’améliorer la qualité des données dans l’organisation. En effet, en construisant cet inventaire, on pourra définir une seule source fiable à utiliser, des paramètres d’évaluation de la qualité des données, et les personnes responsables de ces dernières. Une augmentation de la qualité des données aura un impact positif sur d’autres activités comme le suivi de performance ou l’ajout de nouveaux services. Il deviendra alors possible de mieux servir les clients de l’organisation. De manière réciproque, les personnes qui transmettront leurs données aux entreprises seront assurées qu’elles seront utilisées aux fins prévues, et mises à jour correctement.</p>
<h2>Faire d’une pierre deux coups</h2>
<p>Une fois les données identifiées et de bonne qualité, les entreprises pourront en tirer profit. Comment ? En donnant accès à des services reposant sur leurs données, par exemple. Elles pourront ainsi laisser leurs clients accéder aux données de manière à intégrer leurs produits plus facilement aux offres de service. </p>
<p>Par exemple, des compagnies de livraison ouvrent déjà une partie de leurs données aux services de ventes en ligne afin que le consommateur puisse facilement suivre la livraison de ses commandes. Les livraisons sont suivies à la trace pour en assurer la performance, et les clients apprécient la possibilité de suivre la progression de leur commande.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="livreur à mobilette" src="https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545632/original/file-20230830-15-3zewor.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des compagnies de livraison ouvrent une partie de leurs données aux services de ventes en ligne afin que le consommateur puisse facilement suivre la livraison de ses commandes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Regard vers le futur</h2>
<p>La gestion des données personnelles est désormais une obligation légale. Si elle est exécutée sans autre objectif que celui de respecter la loi, elle requerra un effort important sans procurer de bénéfice tangible, et représentera une occasion manquée. </p>
<p>Or, si cette gestion est étendue au-delà des seules données personnelles, un monde de possibilités s’ouvrira aux entreprises, qui pourront commencer à traiter les données comme une ressource stratégique, au même titre que les ressources financières ou humaines. Ces données pourront permettre la création de modèles d’affaires complètement différents. Tant les entreprises que les individus y gagneront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209482/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nothing to disclose.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoit A. Aubert et Ryad Titah ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les compagnies doivent aller au-delà de la simple conformité à la loi sur la protection des données personnelles, en effectuant un inventaire global de leurs données.Benoit A. Aubert, Professeur titulaire en Technologies de l'information, HEC MontréalGregory Vial, Associate professor of Information Technology, HEC MontréalRyad Titah, Professeur Agrégé, Directeur du Département de Technologies de l'Information, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136742023-09-20T16:13:45Z2023-09-20T16:13:45ZLoi immigration : pour une véritable évaluation de notre politique d’asile<p>Une <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-immigration-78382">nouvelle loi sur l’immigration</a> doit être discutée en novembre à l’Assemblée nationale. Il s’agirait du <a href="https://www.histoire-immigration.fr/politique-et-immigration/la-29e-loi-sur-l-immigration-depuis-1980">29ᵉ texte</a> voté depuis 1980 ; cela fait un tous les 17 mois. Le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/11/02/darmanin-et-dussopt-sur-le-projet-de-loi-immigration-nous-proposons-de-creer-un-titre-de-sejour-metiers-en-tension_6148145_3224.html">projet</a> déposé en décembre 2022 envisage, outre une exonération, sous certaines conditions, du délai de carence de six mois avant de pouvoir travailler pour les demandeurs d’asile, un durcissement des règles du droit d’asile et une accélération des expulsions.</p>
<p>Si le sujet occupe un espace central dans le débat politique français, les réalités de l’<a href="https://theconversation.com/topics/immigration-21314">immigration</a>, les concepts et les chiffres qu’elle recouvre restent cependant au mieux l’objet de confusions, au pire de falsification et de fantasmes.</p>
<p>On se retrouve souvent face à la figure du <a href="https://theconversation.com/topics/demandeurs-dasile-56740">demandeur d’asile</a> en guenille qui incarnerait toute ou partie de l’immigration avec l’idée que la France « ne peut pas accueillir toute la misère du monde », <a href="https://www.liberation.fr/france/2015/04/22/misere-du-monde-ce-qu-a-vraiment-dit-michel-rocard_1256930/">formule</a> lancée par le Premier ministre Michel Rocard en décembre 1989 et maintes fois reprises depuis.</p>
<p>Rechercher « migrants » dans un moteur de recherche, c’est s’exposer à des dizaines de photos de personnes en détresse tentant de traverser la méditerranée ou de longues colonnes de marcheurs le long de routes et barrières barbelées. Et ce plus encore alors que l’île italienne de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/15/l-ile-de-lampedusa-epicentre-de-la-crise-de-la-gestion-des-flux-migratoires-par-les-etats-europeens_6189471_3210.html">Lampedusa</a> revient à la Une des journaux, sujet à propos duquel le ministre de l’Intérieur français a affirmé une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/la-france-n-accueillera-pas-de-migrants-de-lampedusa-les-propos-de-gerald-darmanin-en-opposition-avec-emmanuel-macron-selon-un-depute_6072057.html">« position ferme »</a> : la France « n’accueillera pas de migrants qui viennent de Lampedusa » sinon « les réfugiés politiques », a-t-il assuré.</p>
<h2>Confusion entre politique d’asile et politique migratoire</h2>
<p>La thématique des migrations fait pourtant l’objet de toujours plus de statistiques, de travaux et de publications au niveau international. Comme le rappelle, par exemple, François Héran, titulaire de la chaire Migrations et sociétés au Collège de France, dans un <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/immigration-le-grand-deni-francois-heran/9782021531145">ouvrage récent</a>, la prophétie du <a href="https://www.lepoint.fr/debats/francois-heran-ni-chaos-ni-tsunami-migratoire-12-06-2023-2524068_2.php">Tsunami migratoire</a> ne s’est pas réalisée. En 2022, la France a pris en charge <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/asylum-applications-eu/#:%7E:text=Nombre%20de%20premi%C3%A8res%20demandes%20par,l%E2%80%99Autriche%20(11%20%25).">16 % des demandes d’asiles</a> adressées à l’Europe quand notre PIB représente <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?locations=EU">16,7 % du PIB européen</a>. Au total, les titres de séjours octroyés au titre de l’Asile et d’étrangers malades représentent environ 13 % de l’ensemble des titres en 2022.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631564098465849346"}"></div></p>
<p>L’une des pierres d’achoppement du débat réside sans doute dans le maniement des mots et dans une confusion entre politique d’asile et politique migratoire. Il existe pourtant une distinction claire entre les deux : la première relève du droit international et du respect de la <a href="https://www.unhcr.org/fr/en-bref/qui-nous-sommes/la-convention-de-1951-relative-au-statut-des-refugies">Convention de Genève de 1951</a> dont la France et les pays européens sont signataires, la seconde relève de la politique ordinaire d’un état souverain. La politique d’asile est élaborée <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.p20161062">au profit des personnes Bénéficiaires de la protection internationale</a> (réfugiés et protégés subsidiaires) tandis que la politique migratoire ordinaire est élaborée par les États, en fonction de leurs intérêts à un moment donné.</p>
<p>Pour le reste, les discussions quant à l’orientation à donner à la politique d’asile souffrent d’un réel manque d’études quantitatives robustes sur lesquelles se fonder.</p>
<h2>Peu d’études malgré un matériau disponible</h2>
<p>À l’aube d’une nouvelle loi migration, la France est, de fait, peu documentée quant aux effets de sa politique d’asile et des programmes destinés à l’intégration des réfugiés. Dans un <a href="https://academic.oup.com/oxrep/article/38/3/531/6701697">article de recherche récent</a>, l’économiste danois Jacob Nielsen Arendt détaille avec ses coauteurs les travaux publiés qui évaluent les politiques relatives aux réfugiés et leurs performances sur le marché du travail. N’y apparaît qu’une seule étude sur la France, celle d’<a href="https://docs.iza.org/dp11331.pdf">Alexia Lochmann, Hillel Rapoport et Biagio Speciale</a>. On compte en parallèle plus d’une quinzaine d’études sur le Danemark et près d’une dizaine sur la Suède généralement fondées sur des données administratives de grande dimension.</p>
<p>L’étude sur la France date de surcroît de 2019. Les chercheurs y évaluent l’impact de la composante linguistique du Contrat d’accueil et d’intégration, l’ancêtre du Contrat d’intégration républicain. Par rapport aux études scandinaves, les auteurs doivent s’en remettre à des données d’enquête qui offrent un éventail d’indicateurs restreints et autodéclarés quant à la participation au marché du travail tandis que le nombre de Bénéficiaires de la protection internationale au sein de leur échantillon est relativement faible.</p>
<p>La France dispose pourtant de l’ensemble des outils et connaissances pour évaluer rigoureusement sa politique d’asile. Les centres de recherche français comptent de nombreuses équipes spécialistes de l’immigration et de l’évaluation expérimentale et non expérimentale. À ce titre, rappelons que la prix Nobel d’Économie 2019, Esther Duflo, est une Française spécialiste de l’évaluation par les méthodes expérimentales qu’elle a largement contribué à populariser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/immigration-comment-favoriser-un-imperatif-equilibre-des-sexes-dans-les-flux-202085">Immigration : comment favoriser un impératif équilibre des sexes dans les flux</a>
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<p>Du côté des données, la France dispose de très importants dispositifs statistiques d’une qualité inégalable et le <a href="https://www.casd.eu/">Centre d’accès sécurisé aux données</a> (CASD) permet d’accéder à distance à une infrastructure sécurisée où les données confidentielles sont sanctuarisées. Toutes les conditions techniques sont réunies pour mener des travaux d’évaluation du meilleur niveau académique fondés sur un large panel de méthodes afin d’étudier finement notre politique d’asile et verser au débat des propos fondés sur des preuves scientifiques.</p>
<h2>Sans évaluation, des bénéfices bien moins visibles</h2>
<p>Quel que soit l’issue du débat sur la loi immigration, il convient donc de consacrer l’évaluation de notre politique d’asile en se dotant des moyens requis. Cela implique notamment d’anticiper le financement et le soutien à des évaluations scientifiques rigoureuses mais également de mener à bien l’élaboration de dispositifs statistiques appariés pour pallier le risque de voir les chiffres être manipulés et les scientifiques se détourner du contexte français pour mener leurs recherches.</p>
<p>Celles-ci s’avèrent nécessaires, notamment car les coûts liés à l’immigration sont plus directement visibles que ses retombées positives dont la mesure requière des évaluations plus fines.</p>
<p>Du point de vue des coûts, en plus d’instruire les demandes d’asile, la France est tenue de garantir les conditions matérielles d’accueil en vertu du <a href="https://euaa.europa.eu/sites/default/files/public/reception-FR.pdf">droit européen</a>. Tout ceci est chiffré au sein des programmes 303 et 104 du projet de loi de finances (PLF). Dans le PLF 2022, l’action n°2 du programme 303, « Garantie de l’exercice du droit d’asile », représentait près de 90 % du budget du programme et recouvrait les crédits d’allocation pour les demandeurs d’asile (la fameuse « ADA »), l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile au sein du dispositif national d’accueil (le DNA), et le versement de la subvention de l’État à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’Ofpra.</p>
<p>Du côté du programme 104 qui compte pour un peu plus de 20 % des crédits consacrés à l’immigration et à l’intégration, plusieurs actions sont en lien direct avec la politique d’asile. On y retrouve notamment une part du financement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701639152356213133"}"></div></p>
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<p>À très grosse maille, près de 74 % des crédits consacrés à l’immigration et à l’intégration seraient ainsi fléchés vers la politique d’accueil des demandeurs d’asile et l’accompagnement des réfugiés. Face à ces dépenses, l’unique <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/NEB-2022-Immigration.pdf">recommandation</a> formulée par la Cour des comptes en avril 2023 lors de son exercice d’analyse de l’exécution budgétaire est :</p>
<blockquote>
<p>« Améliorer le taux d’hébergement des demandeurs d’asile en poursuivant le développement des capacités d’accueil du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), simplifiant les types d’hébergement des DNA, homogénéisant leurs modalités de tarification et de financement. »</p>
</blockquote>
<p><em>A contrario</em>, identifier les dividendes économiques d’une politique telle que la politique de l’asile requiert des calculs autrement plus élaborés. Quelques enseignements sont néanmoins déjà disponibles.</p>
<h2>Flux et performances économiques</h2>
<p>Hippolyte d’Albis, directeur de recherche au CNRS et à l’École d’économie de Paris, détaché auprès de l’Inspection générale des finances comme Chef économiste, montre avec ses co-auteurs que sur la période 1985-2015, les flux de demandeurs d’asile <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aaq0883">ne détériorent pas les performances économiques</a> ou l’équilibre budgétaire des pays d’Europe de l’Ouest. L’explication réside dans le fait que l’augmentation des dépenses publiques qu’ils induisent est plus que compensée par une augmentation des recettes fiscales nettes des transferts. Mieux, au fur et à mesure que les demandeurs d’asile deviennent des résidents permanents, c’est-à-dire qu’ils obtiennent une forme de protection, leur impact macroéconomique devient positif.</p>
<p>Pour les États-Unis, Michael Clemens du <em>Center for Global Development</em> montre, quant à lui, que la politique visant à réduire les arrivées de réfugiés et de demandeurs d’asile entre 2017 et 2020 coûterait plusieurs milliards de dollars chaque année à l’économie américaine. Selon ses estimations, déduction faite des dépenses publiques, le manque à gagner pour les caisses publiques à tous les niveaux de gouvernement s’élèverait à <a href="https://academic.oup.com/oxrep/article/38/3/449/6701682">plus de 2 milliards de dollars par an</a>.</p>
<p>Néanmoins, pour pleinement profiter du potentiel du dividende économique que représente l’accueil de demandeurs d’asile et de réfugiés, il convient d’élaborer et de financer des politiques et programmes efficaces, que seules des évaluations rigoureuses permettent d’identifier. Dès septembre 2015, au plus fort de la crise des réfugiés, l’économiste Jens Weidmann alors président de la banque fédérale d’Allemagne <a href="https://www.sueddeutsche.de/wirtschaft/jens-weidmann-das-staerkt-mir-den-ruecken-1.2648708?reduced=true">déclarait</a> au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung que l’afflux de réfugiés représentait « des chances qui sont d’autant plus grandes si nous parvenons à bien intégrer dans la société et dans le marché du travail ces personnes ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Michallet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS et de la Direction Générale des Étrangers en France au cours des trois années passées.
Benjamin Michallet travaille à l’École d'Economie de Paris dont une partie des activités consiste à mener des évaluations de politiques publiques à des fins de recherche scientifique. </span></em></p>Même si les données existent et que les méthodes pour les exploiter ont fait leurs preuves, les évaluations quantitatives de la politique d’asile en France restent très rares. Cela pénalise le débat.Benjamin Michallet, Chercheur en économie des réfugiés à PSE-École d'Économie de Paris, associé à la Chaire économie des migrations internationales et l'Institut Convergences Migrations, enseignant à IEP Paris, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2077492023-09-05T13:21:26Z2023-09-05T13:21:26ZLes canicules engendrent des coûts. Voici pourquoi il est important de les quantifier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542402/original/file-20230811-19-98uwkx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C983%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les impacts sanitaires et économiques de la chaleur sont souvent invisibles et silencieux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Parmi les différents événements météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes, feux de forêt), ce sont les canicules qui causent les impacts les plus importants sur la santé humaine.</p>
<p>Pour preuve, l’événement météorologique le plus meurtrier de l’histoire du Canada est un dôme de chaleur, c’est-à-dire des températures anormalement chaudes qui durent plusieurs jours, qui a touché la Colombie-Britannique en 2021 et qui a causé <a href="https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/birth-adoption-death-marriage-and-divorce/deaths/coroners-service/statistical/heat_related_deaths_in_bc_knowledge_update.pdf">au moins 600 décès</a>. En plus d’une augmentation de la mortalité, les chaleurs extrêmes causent davantage de consultations à l’urgence, de transports en ambulance, d’hospitalisations, d’appels aux lignes d’informations de santé, d’accidents de travail, ainsi qu’une mobilisation accrue des équipes d’intervention. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541747/original/file-20230808-15-vi1j62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anomalies de températures pendant le dôme de chaleur en Colombie-Britannique en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>Les changements climatiques rendront les canicules de <a href="https://doi.org/10.1126/science.1098704">plus en plus longues et de plus en plus intenses</a>. Leurs impacts futurs seront d’ailleurs exacerbés par le <a href="https://doi.org/10.1016/j.amepre.2008.08.021">vieillissement de la population et par l’urbanisation croissante</a>. </p>
<p>Dans ce contexte, il est primordial de pouvoir évaluer le fardeau sanitaire et économique que représentent les canicules d’aujourd’hui, mais aussi celles de demain. Or, à ce jour, on n’en connaît encore que très peu sur les impacts économiques de la chaleur extrême.</p>
<h2>Pourquoi en savons-nous si peu ?</h2>
<p>Les catastrophes naturelles comme les inondations, les ouragans ou les feux de forêt causent des dommages matériels aux résidences, aux entreprises et aux cultures agricoles. Comme ces pertes sont souvent remboursées par les assureurs ou par les gouvernements en cas de catastrophe, les données financières associées à ces événements sont plus facilement accessibles et connues. </p>
<p>À l’inverse, les chaleurs extrêmes affectent plutôt la santé de la population. Ces coûts sont donc enfouis dans les dépenses du système de santé ou assumés par l’ensemble de la société, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à quantifier. D’ailleurs, on rapporte souvent que la <a href="https://doi.org/10.1289%2Fehp.1206025">chaleur extrême est un « tueur silencieux »</a>, tellement ses impacts sont méconnus et invisibles par rapport aux autres catastrophes naturelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="inondation dans la rue" src="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542372/original/file-20230811-29-ltbvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les autres catastrophes naturelles, comme les inondations, causent des dommages matériels plus facilement quantifiables.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Dans les dernières années, de plus en plus d’études ont tenté d’estimer les coûts associés à la chaleur extrême au Canada et ailleurs dans le monde. Par exemple, les prévisions des coûts annuels des décès prématurés liés à la chaleur ont été estimés à <a href="https://climatechoices.ca/wp-content/uploads/2021/06/ClimateChoices_Health-report_Final_June2021.pdf">3,0 à 3,9 milliards de dollars par année d’ici 2050 et de 5,2 à 8,5 milliards d’ici 2080 au Canada</a>. </p>
<p>Bien qu’importantes et pertinentes, les recherches existantes ne s’intéressent souvent qu’à un seul impact de la chaleur sur la santé, soit la mortalité. Or, ses impacts sont divers et nombreux. De plus, l’échelle spatiale de l’analyse est souvent très grande (pays ou province), ce qui limite la possibilité d’effectuer des analyses coûts-bénéfices à des échelles plus locales. Finalement, les approches méthodologiques utilisées dans les études existantes pourraient être améliorées. </p>
<p>Possédant des expertises multidisciplinaires (science des données, hydrométéorologie, santé publique, actuariat), nous cherchons à évaluer les coûts de santé de la chaleur au Québec et au Canada avec des approches novatrices. Par exemple, nous avons récemment utilisé l’intelligence artificielle (IA) pour traiter les grandes bases de données météorologiques et médico-administratives, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969723032837">dans l’optique de mieux modéliser les impacts sanitaires de la chaleur</a>. Ces travaux seront mis à profit et poursuivis pour quantifier le fardeau économique de la chaleur.</p>
<h2>Pourquoi est-ce si important ?</h2>
<p>Estimer les coûts de santé historiques et futurs de la chaleur extrême s’avère essentiel pour la mise en place de mesures efficientes et cohérentes dans la lutte climatique. </p>
<p>Du côté de l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), des projections fiables des coûts de santé de la chaleur extrême permettraient d’exposer ce que doivent s’attendre à payer les autorités de santé ou la société en général si les émissions de GES continuent d’augmenter. Ainsi, la réduction des émissions polluantes pourrait être convertie en coûts de santé évités, et donc, en économies potentielles pour les gouvernements et la société. Un argument supplémentaire en faveur de la diminution des GES.</p>
<p>Du côté de l’adaptation, soit les actions à entreprendre pour limiter les conséquences des changements climatiques, les estimations des coûts de santé de la chaleur peuvent servir d’entrées pour des analyses coûts-bénéfices de mesures d’adaptation à mettre en place comme le verdissement ou la lutte aux îlots de chaleur. Dans ces analyses, les bénéfices seraient quantifiés par les coûts de santé de la chaleur évités grâce à ces mesures. D’ailleurs, comme ces actions sont souvent mises en place à l’échelle des quartiers ou des municipalités, des estimations de coûts aussi locales que possible sont nécessaires. À la clé, l’adaptation permettra de réduire les coûts maintenant, mais aussi dans le futur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541995/original/file-20230809-15-6g0v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un parc aménagé en ville comme mesure de lutte contre la chaleur urbaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span>
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<p>L’estimation des coûts de santé des canicules est d’une grande importance, mais a souvent été négligée dans le passé en comparaison aux autres catastrophes naturelles. De nouvelles recherches multidisciplinaires, basées sur des approches méthodologiques avancées, permettront de fournir des données plus complètes et précises sur les impacts économiques de la chaleur extrême. </p>
<p>Ces chiffres représentent une manière efficace de convaincre les décideurs. Comme nos gouvernements comprennent généralement très bien le langage économique, il est impératif d’adapter notre discours afin d’influencer les politiques publiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207749/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremie Boudreault a reçu des financements de la part du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du consortium sur la climatologie régionale (Ouranos) ainsi que de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Celine Campagna et Fateh Chebana ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nouvelles recherches doivent être menées afin de quantifier adéquatement les coûts de la chaleur extrême afin de réduire ses effets délétères actuels et futurs.Jérémie Boudreault, Étudiant-chercheur au doctorat en science des données et santé environnementale, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Celine Campagna, Adjunct professor, Institut national de santé publique du Québec, Université LavalFateh Chebana, Professor in Data Science applied to the Environment and Environmental Health, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2107322023-08-16T18:38:01Z2023-08-16T18:38:01ZQuand art et sciences économiques s’associaient pour parler au plus grand nombre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540408/original/file-20230801-15-34adsa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C22%2C1058%2C653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le « Survey Graphic », une des premières publications à faire la part belle aux visuels dans l'Entre-deux-guerres (ici un encart publicitaire de novembre 1938)</span> <span class="attribution"><span class="source">Archives.org</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/topics/premiere-guerre-mondiale-25897">Première guerre mondiale</a> fut une atroce boucherie et une immense désillusion morale. Les promesses ouvertes par la révolution industrielle et la philosophie positiviste du siècle précédent s’étaient fracassées sur la réalité de la guerre avec un <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19890/population_societes_2014_510_guerre.fr.fr.pdf">bilan</a> sans appel : <a href="https://www.sudouest.fr/redaction/le-cercle-sud-ouest-des-idees/le-bilan-humain-de-la-guerre-14-18-20-millions-de-morts-2911746.php">vingt millions de morts</a> toutes nations confondues et autant de blessés graves.</p>
<p>L’armistice signé, l’opinion publique prenait conscience que les progrès de la science, célébrés par les utopies socialistes ou dans les romans d’anticipation de Jules Verne, avaient aussi été à l’origine des <a href="https://www.theoemery.com/book-hellfire-boys/">gaz mortels</a> et des divers outils de destructions massives qui avaient participé à ce massacre. À partir de 1917, de nombreux soulèvements ont lieu, à commencer par la Russie. Dans la vieille Europe comme aux États-Unis, une part significative de la population est séduite par les idées des mouvements populistes : le parti national-socialiste en Allemagne, le Ku Klux Klan aux États-Unis, les fascistes en Italie et divers autres groupes d’extrême droite en France, en Angleterre ou en Autriche. Dans la plupart des pays avancés s’ouvre alors une période de remise en cause profonde des idéaux modernes.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/topics/science-economique-33724">science économique</a> n’a pas été épargnée par ce climat de défiance. Confrontée à la planification des activités économiques qui a permis la victoire de l’Entente, la théorie du marché parfait des économistes mathématiciens apparaît désormais comme une utopie un peu vaine. Comme nous l’avons montré dans un <a href="https://hal.science/hal-00870490/document">article</a> publié dans une <a href="https://read.dukeupress.edu/hope/article-abstract/45/4/567/12541/Economics-for-the-Masses-The-Visual-Display-of">revue historique américaine</a>, de nombreuses critiques voient le jour dans les années 1920 contre la spécialisation grandissante de la discipline et son isolement par rapport à une population traumatisée par le conflit mondial et la Révolution russe.</p>
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<p>Des ingénieurs, des sociologues et des économistes, inquiets de cette déconnexion croissante entre la population et les théories sociales et économiques, pensent alors qu’il est nécessaire de créer des outils et des méthodes pour unifier les sciences sociales et développer un véritable dialogue avec le peuple. Une autre éducation économique était nécessaire. Ils imaginent notamment de nouveaux <a href="https://theconversation.com/topics/data-visualisation-37427">visuels</a> comme moyen de répondre à ce défi.</p>
<h2>Photographie et statistique sociale aux États-Unis</h2>
<p>Outre-Atlantique, ce sont les associations de travailleurs sociaux qui sont les plus ouvertes à cette nouvelle approche. Leur principal média, le <a href="https://archive.org/search?query=survey+associates"><em>Survey</em></a>, propose, en particulier dans son supplément graphique, une large sélection de représentations visuelles des faits économiques et sociaux : photographies, diagrammes mais aussi <a href="http://www.info-ren.org/projects/btul/exhibit/stell31.html">tableaux</a>, <a href="https://winoldreiss.org/works/artwork/graphic/SurveyGraphic.htm">portraits</a> et autres <a href="https://library.osu.edu/site/vanloon/illustrator/">formes</a> d’<a href="https://twitter.com/dorothyjberry/status/1353458000904773632?l">illustrations</a>. Sur le plan universitaire, c’est un manuel d’introduction généraliste, <a href="https://archive.org/details/americaneconomic0000rexf/page/n5/mode/2up"><em>American Economic life</em></a>, rédigé par Rexford Tugwell – un proche du futur Président Franklin Roosevelt – et son assistant Roy Stryker, qui popularise cette pratique pédagogique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie de mécanicien, par Lewis Hine.</span>
</figcaption>
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<p>Ces publications font la part belle aux photographies de <a href="https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2018-2-page-211.htm">Lewis Hine</a>. Après des études de sociologie, ce dernier devient professeur à New York au début du XX<sup>e</sup> siècle. C’est pour des raisons pédagogiques qu’il commence à photographier de manière systématique les migrants européens arrivant à Ellis Island, porte d’entrée des États-Unis située à l’embouchure du fleuve Hudson. Bientôt convaincu de la capacité de la photographie à sensibiliser et faire comprendre les problèmes sociaux et économiques, non seulement aux décideurs, mais aussi au plus grand nombre, Hine décide d’abandonner l’enseignement et de se consacrer à plein temps à son activité de <a href="https://www.jstor.org/stable/2712885">« photographe social »</a>. Impliqué dans des enquêtes d’envergure à Pittsburgh puis à New York, il se mit à produire régulièrement des « portraits du travail » dont l’objet était d’offrir une vision positive et émancipatrice des salariés anonymes de l’industrie, comme ce célèbre portrait de mécanicien.</p>
<p>La photographie n’est cependant pas le seul type de support visuel utilisé. On trouve également des dessins, des schémas, des représentations statistiques, parfois illustrées pour leur donner une forme plus agréable pour le lecteur. Les auteurs du manuel <em>American economic life</em> et du magazine <em>The Survey</em> s’inspirent notamment de l’<a href="https://archive.org/details/graphicmethodsfo00brinrich">ouvrage</a> publié en 1914 par l’ingénieur Willard C. Brinton consacré aux méthodes graphiques de présentation des faits sociaux. Ce dernier y explique en introduction qu’il a écrit un ouvrage destiné « à l’homme d’affaire, au travailleur social et au législateur ». Il a, pour cela, cherché à éviter tout symbole mathématique au profit d’une présentation purement graphique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison des régimes alimentaires des citoyens américains et allemands.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait du manuel American Economic Life</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On y trouve ainsi de nombreux outils visuels devenus très courants, mais tout à fait nouveaux pour l’époque comme ce « camembert » comparant la composition des régimes alimentaires des citoyens américains et allemands.</p>
<h2>La recherche d’une clarté maximale</h2>
<p>En Europe aussi, nombreux sont ceux qui ne sont pas satisfaits par l’économie « classique » et s’intéressent aux méthodes visuelles pour éduquer et émanciper les classes populaires. Le <a href="https://journals.openedition.org/nrt/3412?lang=en">photographe allemand August Sander</a> s’engage, par exemple, dans un projet assez similaire à celui de Lewis Hine. Il veut rendre compte de manière visuelle des différents groupes sociaux, qu’ils soient visibles comme celui des artistes modernistes qu’il côtoyait, ou modestes comme celui des paysans qu’il allait rencontrer à la campagne. Ses œuvres participent du mouvement artistique et intellectuel dit de « La nouvelle objectivité », qui fut récemment l’objet d’une <a href="https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/dEOe6u0">exposition au Centre Pompidou</a>.</p>
<p>Parallèlement aux photographies de Sander, l’historien, économiste, philosophe des sciences et directeur du Musée de l’économie et de la société de Vienne, Otto Neurath, met au point une méthode scientifique de visualisation simplifiée des statistiques économiques et sociales. Elle est appelée « Méthode viennoise », puis « Isotype ». Neurath était par ailleurs membre du célèbre Cercle de Vienne qui développait une pensée empiriste et logique, et coauteur de son influent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_du_Cercle_de_Vienne">manifeste</a>. Ses principes pédagogiques reposaient sur les expériences scientifiques des psychologues viennois de son époque.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple typique d’isotype créé par l’équipe d’Otto Neurath au Musée de Vienne.</span>
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</figure>
<p>Otto Neurath, avec sa future épouse Marie Reidemeister, a imaginé sa méthode au croisement de ses conceptions <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-otto_neurath_un_philosophe_entre_science_et_guerre_antonia_soulez-9782738456298-10964.html">philosophiques</a> et <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100397310">politiques</a> sur le langage et le rôle du savoir dans la société, et des recherches visuelles initiées par les artistes du groupe des <a href="https://books.openedition.org/pupo/2002?lang=fr">« Progressifs de Cologne »</a>, tels que <a href="https://libcom.org/article/gerd-arntz-illustrations">Gerd Arntz</a> et <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/94/Franz_Wilhelm_Seiwert_-_Fabriken_-_1926.jpeg">Franz Whilem Seiwert</a>. Comme le montre cette représentation du nombre de travailleurs dans l’industrie sidérurgique, l’isotype repose sur un principe de clarté maximale qui exige la simplification des objets représentés, mais aussi la conversion des unités statistiques en icônes. Le tableau statistique était alors reconstruit sous la forme d’une histoire visuelle, compréhensible même pour ceux qui n’avaient pas eu la chance de bénéficier d’une éducation classique avancée. La standardisation des pictogrammes et des codes couleur utilisés, conçue avec son principal collaborateur visuel, Gerd Arntz, renforçait cette lisibilité en permettant un apprentissage visuel des classes populaires.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du Survey Graphic, numéro de Mars 1932.</span>
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</figure>
<p>Activiste socialiste et promoteur de l’universalisme sur les plans politique et culturel, Neurath profite de toutes les occasions pour internationaliser sa méthode, ouvrant des succursales en Allemagne, en Angleterre et en Union soviétique au début des années 1930. Il noue aussi de nombreux contacts aux États-Unis, à New York et Chicago, et arrive à convaincre les éditeurs du <em>Survey</em> de publier son travail.</p>
<h2>De l’engouement à l’échec</h2>
<p>Des statistiques visuelles « à la Neurath » se répandent alors rapidement dans des journaux et magazines américains. L’administration Roosevelt joue un rôle essentiel en initiant un vaste programme de communication politique qui vise à montrer l’état du pays, en particulier des zones rurales ravagées par des années de crise économique et les épisodes climatiques, mais aussi à promouvoir les politiques du <em>New Deal</em>. La plus célèbre de ces initiatives est sans doute le recueil de <a href="https://www.loc.gov/rr/program/journey/fsa.html">photographies de la Farm Security Administration</a>, coordonné par Roy Stryker, qui encore aujourd’hui oriente largement notre vision de cette époque, notamment à travers les clichés de Dorothea Lange ou <a href="https://www.loc.gov/pictures/collection/coll/item/2003656560/">Walker Evans</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Migrant mother, par Dorothea Lange, une des photographies les plus connues du programme de la Farm Security Administration.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À côté de ces photographies qui s’apparentent au projet initié par Lewis Hine, l’administration Roosevelt multiplie les représentations visuelles dans ses documents officiels pour illustrer et justifier ses politiques. Ces figures ne se contentent plus de représenter des données, mais parfois aussi des processus économiques ou des concepts théoriques comme le multiplicateur keynésien, lequel sera largement diffusé dans les <a href="https://read.dukeupress.edu/hope/article/46/suppl_1/134/38740/Negotiating-the-Middle-of-the-Road-Position-Paul">manuels d’économie d’après-guerre</a>.</p>
<p>Bien qu’ils soient utilisés de manière massive dans les principaux magazines d’information créés dans années 1920 et 1930 (<em>Time magazine</em>, <em>Newsweek</em> et <em>Fortune</em>), ces objets visuels furent néanmoins très rapidement discrédités sur le plan scientifique. Plusieurs scandales éclatèrent à propos d’images « arrangées » par les photographes du groupe Stryker, remettant en cause leur neutralité comme source d’information à la fois pour le public, mais aussi pour les chercheurs en sciences sociales. Les statistiques visuelles sont également sévèrement critiquées pour leur manque de précision et leur caractère trop publicitaire. Aussi, malgré la publication de quelques ouvrages remarquables comme <a href="https://dorothealange.museumca.org/section/an-american-exodus-a-new-kind-of-book/"><em>Un exode américain</em></a>, co-écrit par l’économiste Paul Douglas et Dorothea Lange, ce mouvement de visualisation a rapidement quitté la sphère des sciences sociales pour intégrer celle de la communication, du journalisme et la publicité.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le multiplicateur keynésien, vu par l’administration Roosevelt.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet échec met en perspective l’écart très souvent dénoncé entre les experts de l’économie et la population sur des sujets essentiels tels que l’<a href="https://laviedesidees.fr/Derriere-les-chiffres-de-l-inflation">inflation</a> ou la <a href="https://laviedesidees.fr/La-dette-cet-artefact">dette publique</a>. À se complexifier, la science crée simultanément une difficulté, voire une incapacité, à se rendre compréhensible par le plus grand nombre. Le mouvement <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-1-page-103.htm">« autisme-économie »</a> prônait par exemple, au début des années 2000, une réforme de l’enseignement de l’économie qui ne décrivait, selon ses membres, que des « mondes imaginaires ». L’histoire nous apprend que le dilemme entre la volonté de scientificité et la nécessité de se faire comprendre par les citoyens est ancien et qu’il n’existe pas, à ce jour, de solution complètement satisfaisante pour y répondre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Charles a reçu des financements de l'Université de Paris 8, de l'Ined et de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yann Giraud a reçu des financements de CY Cergy Paris Université.</span></em></p>Les économistes, déconnectés du monde réel ? Dans les années 1920 et 1930, ils faisaient appel à la photographie et d’autres outils visuels pour parler de l’économie.Loïc Charles, Professeur d'histoire de l'économie, Institut National d'Études Démographiques (INED)Yann Giraud, Professeur en histoire des savoirs économiques, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2052522023-08-08T14:02:53Z2023-08-08T14:02:53ZUn revenu de base garanti pour un système alimentaire plus juste et plus durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524926/original/file-20230508-40482-cjmogq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C18%2C3971%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une agricultrice de la ferme urbaine Roots Community Food Centre, dans le nord-ouest de l'Ontario, récolte les courges Gete-Okosomin.</span> <span class="attribution"><span class="source">(C. Levkoe)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le système alimentaire canadien <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/62f0014m/62f0014m2022014-fra.htm">subit des bouleversements constants</a>. Perturbations de la chaîne d’approvisionnement, inflation des prix et évènements météorologiques extrêmes sont en cause. </p>
<p>Évidemment, la population ressent les effets de ces tensions : en 2021, près de 16 % des ménages provinciaux ont <a href="https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2022/08/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2021-PROOF.pdf">connu une certaine forme d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Des programmes fédéraux tels que la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Prestation canadienne d’urgence (PCU)</a> et le récent <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2023/04/le-ministre-fraser-presente-les-investissements-du-budget-de-2023-pour-fournir-un-nouveau-remboursement-propose-pour-lepicerie.html">remboursement des épiceries</a> témoignent des interventions gouvernementales directes sur le revenu pour garantir l’équité en période d’urgence, y compris l’accès à la nourriture.</p>
<p>Il a été évoqué que ce <a href="https://theconversation.com/does-ottawas-grocery-rebate-signal-a-shift-to-a-broader-guaranteed-basic-income-203132">nouveau remboursement des épiceries</a>, qui a été distribué par le biais du système de crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS/TVH), ouvrait la voie à l’atteinte d’un revenu de base garanti. </p>
<p>Or, un revenu de base garanti doit passer par des paiements réguliers, et non un remboursement ponctuel. </p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre <a href="https://www.northernpolicy.ca/upload/documents/publications/reports-new/tarasuk_big-and-food-insecurity-fr.pdf">l’insécurité alimentaire individuelle et familiale</a> chez les personnes les plus vulnérables. Et il permettrait de s’assurer que chacun puisse répondre à ses besoins de base avec dignité.</p>
<h2>Ce que disent les recherches</h2>
<p>Les groupes et réseaux en faveur d’un revenu de base au Canada s’entendent sur la mise en place d’une <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/qu-est-revenu-de-base/revenu-de-base-que-nous-voulons/">évaluation du revenu</a>, impliquant des transferts d’argent aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil.</p>
<p>En tant qu’experts en systèmes alimentaires durables, nous suggérons qu’un revenu de base garanti pourrait non seulement être un outil important pour aborder l’accès économique à l’alimentation, mais également pour soutenir la durabilité de l’ensemble du système alimentaire.</p>
<p>Nous nous appuyons sur nos recherches réalisées en collaboration avec <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/">Coalition Canada</a>, un réseau de groupes de défense du revenu de base. Nos recherches ont réuni des équipes interdisciplinaires de chercheurs et de professionnels pour <a href="https://basicincomecoalition.ca/en/actions/case-for-basic-income/">développer une série d’études de cas</a> examinant le revenu de base dans différents secteurs. Ces secteurs comprennent les arts, la finance, la santé, les municipalités et le système de justice pénale.</p>
<p>Notre travail s’est concentré sur les secteurs de <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2023/03/1.-Case-for-agriculture-March-3-2023.pdf">l’agriculture</a> et de la <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2022/08/Fisheries-basic-income-case-formatted-July-2022.pdf">pêche</a>, avec l’implication des membres de l’Union nationale des fermiers, de l’Union paysanne, d’Ecotrust Canada et de l’Alliance des pêcheurs autochtones.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos recherches suggèrent qu’un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles sont confrontées les <a href="https://www.nfu.ca/fr/policy/towards-a-national-agricultural-labour-strategy-that-works-for-farmers-and-farm-workers/">agriculteurs</a> et les <a href="https://doi.org/10.1007/s10393-005-6333-7">communautés de pêcheurs</a> du Canada. Cet outil pourrait également contribuer à une <a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">transition plus juste et durable du système alimentaire</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">L’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste</a>
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<h2>Réduire l’incertitude économique</h2>
<p>L’un des impacts potentiels d’un revenu de base garanti serait de réduire l’incertitude économique pour les travailleurs les plus vulnérables des secteurs de l’agriculture et des pêcheries. </p>
<p>Les personnes employées dans le secteur de la transformation alimentaire et de la pêche ainsi que les ouvriers agricoles sont particulièrement vulnérables au chômage saisonnier, aux bas salaires, aux avantages sociaux inéquitables, et aux conditions de travail dangereuses, y compris des <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2021.736680">taux élevés d’accidents du travail et de maladies professionnelles</a>.</p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait offrir aux individus une plus grande sécurité financière et un plus grand contrôle sur leurs choix d’emploi et ainsi contribuer à résoudre les inégalités raciales, de classe et de genre <a href="https://doi.org/10.15353/cfs-rcea.v9i2.521">qui prévalent dans le travail lié aux systèmes alimentaires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une moissonneuse-batteuse récolte une culture de blé dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles font face les travailleurs-euses des industries agricoles et de la pêche au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jeff McIntosh</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Soutenir les nouveaux pêcheurs et agriculteurs</h2>
<p>Un deuxième impact potentiel d’un revenu de base garanti pourrait être de soutenir la relève dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Dans l’ensemble du Canada, la main-d’œuvre des industries de la <a href="https://atlanticfisherman.com/the-greying-of-the-fleet/">pêche commerciale</a> et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220511/dq220511a-fra.htm">l’agriculture</a> vieillit.</p>
<p>Soutenir les nouveaux agriculteurs et pêcheurs, en particulier ceux qui utilisent des pratiques socialement et écologiquement durables, est essentiel pour construire un système alimentaire plus résilient.</p>
<p>La relève en agriculture et dans le milieu de la pêche commerciale <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/communaute-et-reseaux/nouveaux-agriculteurs-et-pecheurs">fait face à d’importantes barrières</a> liées aux coûts élevés d’entrée tels que l’accès à la terre et aux équipements ou l’achat d’un bateau et d’une licence de pêche combinés à des prix fluctuants et incertains pour leurs produits.</p>
<p>Bien qu’un revenu de base garanti ne puisse pas à lui seul résoudre ces défis, il pourrait offrir une <a href="https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2020/04/Income-Stability-Supplement-Proposal.pdf">plus grande stabilité économique aux nouveaux agriculteurs et pêcheurs</a>, particulièrement dans l’optique où ils doivent investir dans les infrastructures et la formation.</p>
<h2>Se préparer aux futurs facteurs de stress</h2>
<p>Un revenu de base garanti pourrait également constituer une étape vers la construction d’une résilience face aux facteurs de stress persistants, tels que la crise climatique et les évènements météorologiques extrêmes, en plus de permettre de se préparer aux urgences futures.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a démontré que ceux et celles ayant des revenus plus stables et des conditions de travail flexibles sont <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2021.614368">mieux équipés pour s’adapter aux chocs imprévus</a>. Par exemple, pendant la pandémie, les entreprises de transformation de produits de la mer de type <a href="https://open.library.ubc.ca/soa/cIRcle/collections/ubctheses/24/items/1.0390311">« du bateau à la fourchette »</a> ont mieux résisté aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer en raison de capacité d’adaptation et de leur proximité avec les consommateurs.</p>
<p>Actuellement, les agriculteurs et pêcheurs à petite échelle bénéficient de moins de soutien, car la plupart des <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">subventions vont aux grandes entreprises industrielles</a>. Cependant, ces petits producteurs jouent un rôle crucial dans <a href="https://theconversation.com/the-future-of-food-is-ready-for-harvest-103050">l’approvisionnement alimentaire des marchés régionaux et locaux</a>, ce qui peut servir de tampon important en période de crise, réduisant le stress lié aux chaînes d’approvisionnement de longue distance.</p>
<p>La mise en place d’un revenu de base garanti serait une mesure proactive pour <a href="https://doi.org/10.1080/19320248.2015.1004220">soutenir des moyens de subsistance équitables</a> pour les petits agriculteurs et pêcheurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes se tiennent sur le pont d’un petit bateau de pêche qui flotte dans le port d’un plan d’eau" src="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des pêcheurs autochtones quittent le port de Saulnierville, Nouvelle-Écosse en octobre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Andrew Vaughan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les prochaines étapes pour le système alimentaire</h2>
<p>Un revenu de base garanti aurait le potentiel d’apporter de nombreux impacts positifs. Mais il ne devrait pas remplacer les programmes gouvernementaux existants de soutien à l’agriculture et à la pêche tels que les subventions, la recherche publique et la formation et les programmes de développement des compétences.</p>
<p>Un revenu de base garanti ne devrait pas non plus remplacer les programmes contributifs tels que les <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/assurance-emploi-pecheur.html">prestations d’assurance-emploi pour les pêcheurs</a>. Un revenu de base garanti offrirait un soutien aux pêcheurs dont les revenus sont trop faibles pour être admissibles à l’assurance-emploi ou qui sont dans l’incapacité de partir en mer.</p>
<p>Des recherches et des efforts politiques supplémentaires seront essentiels pour mieux comprendre comment un revenu de base garanti pourrait chevaucher d’autres formes de soutien financier telles que les assurances, les prêts et le financement climatique.</p>
<p>Des recherches supplémentaires seront également essentielles pour comprendre comment un revenu de base garanti pourrait soutenir les travailleurs migrants recrutés dans le cadre du <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/travailleurs-etrangers-temporaires.html">Programme des travailleurs étrangers temporaires</a>. Les travailleurs migrants sont essentiels à la transformation des produits de la pêche, de la viande et de l’horticulture.</p>
<p>Il est également nécessaire de réfléchir de manière systématique et holistique au rôle du revenu de base dans l’ensemble du système alimentaire. La seule façon de le faire est d’obtenir davantage de contributions des communautés agricoles et de pêche et des communautés autochtones en collaboration avec des organisations de lutte contre la pauvreté, de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire.</p>
<p>Nous pensons qu’un revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, tout en encourageant le développement de réseaux intersectoriels, de recherches et de politiques communes.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la contribution des équipes d’auteurs de la série de documents de Coalition Canada sur le revenu de base.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Marie-Camille Théorêt, assistante de recherche de <a href="https://theconversation.com/profiles/bryan-dale-1145023/">Bryan Dale</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205252/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Lowitt a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Z. Levkoe a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du gouvernement de l'Ontario.</span></em></p>Le revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.Kristen Lowitt, Assistant Professor, Environmental Studies, Queen's University, OntarioCharles Z. Levkoe, Canada Research Chair in Equitable and Sustainable Food Systems, Lakehead UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2107542023-08-01T17:44:30Z2023-08-01T17:44:30ZL’inflation est en baisse, alors pourquoi le prix du panier d’épicerie continue-t-il d’augmenter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540302/original/file-20230731-113388-g6z48f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C43%2C1897%2C1011&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les efforts de la Banque du Canada pour freiner l'inflation ne semblent pas influencer le coût des aliments.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Graeme Roy</span></span></figcaption></figure><p>Bien que le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1997002/inflation-juin-canada-ipc">taux d’inflation soit descendu à son niveau le plus bas en deux ans</a> au Canada, les prix des aliments restent élevés. L’indice des prix à la consommation a ralenti à 2,8 % en juin par rapport à l’année dernière, mais le coût de la nourriture <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1810000403&request_locale=fr">a augmenté de 8,3 %</a> et de 9,1 % lorsqu’acheté en magasins.</p>
<p>L’écart entre l’inflation générale et le prix de la nourriture est déroutant — et frustrant, d’autant plus que les hausses de taux d’intérêt de la Banque du Canada ne semblent pas avoir d’incidence. En période de forte inflation, les <a href="https://www.banqueducanada.ca/2019/02/combien-ca-coute-linflation-au-canada/">banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour modérer les hausses de prix</a> ou, idéalement, les faire baisser.</p>
<p>Cependant, les prix des aliments ne réagissent pas aux politiques de taux d’intérêt comme ceux d’autres biens de consommation.</p>
<p>En effet, la demande de produits alimentaires est relativement stable — nous ne pouvons pas remettre à plus tard l’achat de nourriture de la même façon que nous pourrions le faire pour l’achat d’un nouvel ordinateur ou d’une nouvelle voiture.</p>
<p>Si les taux d’intérêt ne contribuent pas à faire baisser les prix des aliments, qu’est-ce qui le fera ?</p>
<h2>Rapport du Bureau de la concurrence</h2>
<p><a href="https://ised-isde.canada.ca/site/bureau-concurrence-canada/fr">Le Bureau de la concurrence</a>, l’institution responsable de superviser la concurrence au Canada, a <a href="https://ised-isde.canada.ca/site/bureau-concurrence-canada/fr/etude-marche-secteur-lepicerie-detail">récemment publié un rapport</a> qui appelle à une plus grande concurrence dans le secteur alimentaire au pays, ce qui pourrait contribuer à réduire les prix élevés.</p>
<p>Le rapport reconnaît également que certains commerçants ont des activités autres que l’épicerie, ce qui peut brouiller les pistes en ce qui concerne les marges. Ainsi, les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1999257/profits-loblaws-hausse-deuxieme-trimestre">dirigeants de Loblaw ont attribué la croissance de l’entreprise à l’augmentation des ventes de Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec)</a>. </p>
<p>De son côté, Eric La Flèche, PDG de Metro, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1961700/grands-epiciers-transparence-chrystia-freeland-inflation">a déclaré en mars au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire</a> que la marge sur les produits alimentaires de Metro avait en fait diminué, mais qu’elle avait été compensée par une marge plus élevée sur les produits pharmaceutiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une personne fait du vélo devant une épicerie Sobeys" src="https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539856/original/file-20230727-27-nzyjw3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Bureau de la concurrence a publié le 27 juin 2023 son étude très attendue sur les détaillants alimentaires au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Graeme Roy</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le PDG de Sobeys a déclaré que son entreprise n’avait pas connu la même croissance que Metro et Loblaws <a href="https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/44-1/AGRI/reunion-52/temoignages">parce que ses activités pharmaceutiques sont plus modestes</a>. Cependant, le rapport du Bureau de la concurrence n’en a pas tenu compte, se concentrant plutôt sur la croissance des bénéfices individuels, qui était similaire pour les trois grandes marques.</p>
<p>Bien qu’il ne s’agisse que d’un petit échantillon, si la croissance des marges jouait réellement un rôle important, nous nous attendrions à ce qu’elle se reflète plus directement dans la croissance des bénéfices.</p>
<h2>Compétition étrangère</h2>
<p>Le rapport du Bureau de la concurrence laisse également entendre qu’une concurrence étrangère accrue profiterait aux consommateurs canadiens, mais que les concurrents étrangers considèrent le marché canadien difficile à pénétrer. </p>
<p>Un porte-parole du Conseil canadien du commerce de détail a déclaré que les <a href="https://www.commercedetail.org/press-releases/declaration-du-conseil-canadien-du-commerce-de-detail-sur-le-rapport-du-bureau-de-la-concurrence-consacre-a-la-concurrence-dans-le-secteur-de-lepicerie/">concurrents étrangers ne pensaient pas être en mesure de rivaliser</a> les prix offerts par les détaillants canadiens. Dans ces conditions, il est difficile de voir comment la concurrence étrangère pourrait réellement contribuer à les faire baisser.</p>
<p>Le manque de concurrence dans le commerce au détail peut être préoccupant s’il permet aux entreprises de faire des profits plus élevés sur le dos des consommateurs. D’un autre côté, des économies d’échelle sont réalisées lorsque les entreprises mettent en place des réseaux de distribution efficaces et achètent en plus gros volume. </p>
<p>Toutefois, le rapport ne dit rien sur les compromis entre le manque de concurrence et les économies d’échelle. Si trop de gains d’efficacité sont perdus en raison d’une moindre concurrence, les prix pourraient en fait augmenter. </p>
<p>Il convient de souligner que lorsque Sobeys a acquis une participation majoritaire dans Longo’s (une chaîne d’épicerie régionale haut de gamme en Ontario), <a href="https://www.cbc.ca/news/business/sobeys-stake-longos-1.5951288">elle a mis en avant la distribution et l’approvisionnement</a> comme principaux avantages de l’opération. Longo’s fonctionnera comme elle l’a toujours fait, mais bénéficiera de meilleurs achats et d’une distribution réduisant les coûts.</p>
<p>Si tout cela est vrai, quelle est la cause réelle de l’inflation des prix des aliments ?</p>
<h2>Plus d’un facteur à blâmer pour la hausse du prix des aliments</h2>
<p>Le fait est qu’il existe une combinaison de facteurs qui affectent les différentes catégories de produits alimentaires et qu’on ne peut trouver un seul à l’origine de l’augmentation des prix du panier d’épicerie au Canada.</p>
<p><a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1810000403&pickMembers%5B0%5D=1.2&cubeTimeFrame.startMonth=06&cubeTimeFrame.startYear=2023&referencePeriods=20230601%2C20230601&request_locale=fr">Les graisses et les huiles alimentaires ont augmenté de près de 20 % au cours de la dernière année</a>, tandis que le jambon et le bacon ont diminué de 3,4 %. Cela suggère que les différences de prix ont des causes diverses.</p>
<p>L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu un impact significatif sur les prix du blé et des huiles alimentaires. Par conséquent, les produits à base de blé comme les <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-price-inflation-pasta-canada">pâtes</a>, le pain et la farine ont vu leurs prix monter en flèche.</p>
<p>L’impact de la guerre a été aggravé par le fait que les pays ont limité leurs exportations pour protéger leurs besoins domestiques. <a href="https://www.reuters.com/article/inde-ble-exports-idFRKBN2PV11E">L’Inde a réduit ses exportations de blé</a>, <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/largentine-premier-exportateur-mondial-de-farine-et-dhuile-de-soja-suspend-ses-ventes-a-letranger-208791">l’Argentine a fait de même et aussi limité ses exportations d’huile de soja</a> tandis que <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-04-22/penurie/l-indonesie-va-interdire-les-exportations-d-huile-de-palme.php">l’Indonésie a limité ses exportations d’huile de palme</a>. Cette situation accentue encore la pression sur les prix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un bateau de marchandises flottant dans l’océan" src="https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539995/original/file-20230728-16516-cby2s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le navire de transport de céréales en vrac TQ Samsun est ancré dans la mer Noire près d’Istanbul, en Turquie, le 17 juillet 2023. La Russie a récemment mis fin à un accord qui permettait l’acheminement de céréales de l’Ukraine vers des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Sercan Ozkurnazli/Dia Images via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien qu’il y ait eu un court répit lorsque la Turquie a négocié un accord avec la Russie pour permettre l’écoulement de céréales ukrainiennes, <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8799319/zone-economie-hausse-prix-ble">cette dernière a récemment déclaré qu’elle ne renouvellerait pas l’accord</a> et qu’elle était en <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-66363312">train d’attaquer et de détruire les infrastructures d’exportation ukrainiennes</a>. Les prix pourraient donc à nouveau augmenter.</p>
<h2>Une tempête parfaite</h2>
<p>Les conditions météorologiques extrêmes ont également joué un rôle important dans l’inflation des prix des produits alimentaires. <a href="https://www.ledevoir.com/societe/consommation/786892/les-inondations-en-californie-feront-gonfler-le-prix-des-laitues">Les inondations dans la vallée de Salinas, en Californie, ont perturbé la production de laitues et de tomates</a>, ce qui a entraîné une hausse des prix de ces produits. </p>
<p>L’Europe a fait face à des <a href="https://fr.euronews.com/green/2023/02/23/quelles-sont-les-raisons-de-la-penurie-de-tomates-au-royaume-uni">augmentations de prix et des pénuries de produits</a> cet hiver en raison des mauvaises conditions météorologiques en Afrique du Nord et dans le sud de l’Europe. Comme les <a href="https://theconversation.com/extreme-weather-events-are-exactly-the-time-to-talk-about-climate-change-heres-why-210412">événements météorologiques deviennent plus intenses et plus fréquents en raison des changements climatiques</a>, ces problèmes risquent de continuer de s’aggraver.</p>
<p>En plus des conditions météorologiques extrêmes, d’autres facteurs tels que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la <a href="https://tradingeconomics.com/canada/currency">volatilité des taux de change</a> contribuent également aux changements des prix des produits alimentaires. </p>
<p>Tous ces facteurs se produisent simultanément et créent une tempête parfaite en matière d’augmentation des prix du panier d’épicerie. En raison de la multiplicité des facteurs en jeu, il n’y a malheureusement pas de cause unique à la hausse des prix des aliments. Il s’agit d’une situation complexe qui nécessitera une réflexion approfondie et des approches multiples.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210754/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael von Massow reçoit des fonds de diverses organisations, notamment du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario, de Genome Canada et de Protein Industries Canada.</span></em></p>Bien que le taux d’inflation soit descendu à son niveau le plus bas en deux ans, les prix des aliments restent élevés, en raison d’une série de facteurs peu contrôlables.Michael von Massow, Professor, Food Economics, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.