tag:theconversation.com,2011:/id/topics/fantasy-44151/articlesfantasy – The Conversation2019-12-03T17:21:50Ztag:theconversation.com,2011:article/1268552019-12-03T17:21:50Z2019-12-03T17:21:50ZL’exposition Tolkien à la BnF, voyage dans un univers parallèle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304736/original/file-20191202-67017-vuf17q.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C1724%2C955&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Maquette de la jaquette pour Le Hobbit,, 1937 </span> <span class="attribution"><span class="source">Bodleian Library/ The Tolkien Estate Limited</span></span></figcaption></figure><p>Pour cette exposition, la première du genre en France, la BnF a fait les choses en (vraiment) grand, avec un espace de 1 000 mètres carrés, au sein duquel on évolue, comme dans un univers parallèle et initiatique.</p>
<p>D’emblée, on rencontre l’œuvre, manuscrite et iconographique, car, non content d’écrire, Tolkien peignait et dessinait. C’est seulement plus tard que la biographie est convoquée, inversant ainsi les codes en usage. De grandes et superbes photos en noir et blanc le montrent, en Afrique du Sud où il naît, à Birmingham, puis à Oxford, au 20 Northmoor Road. L’une d’elles le surprend endormi sur une chaise longue aux côtés du jeune Christopher, devenu par la suite son éditeur ; on ne sait d’ailleurs trop qui, de l’adulte ou de l’enfant, du père et du fils, veille sur l’autre, tant la complicité dans le songe l’emporte.</p>
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<span class="caption">Tolkien et son fils Christopher.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BnF</span></span>
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<p>L’exposition se veut « totale », au sens où elle est bien sûr visuelle, mais également sonore ; spatiale mais encore temporelle ; textuelle en même temps que plastique ; matérielle autant que mentale ; littéraire en plus d’être cosmogonique.</p>
<h2>Créateur de mondes</h2>
<p>De la carte, première dans l’ordre d’apparition, procède un monde secondaire, dont Tolkien s’est voulu le démiurge, le « subcréateur » resté modeste, bien qu’ambitionnant d’en dédier la transposition écrite à une Angleterre en manque de mythologie propre. Nous sommes dans l’entre-deux-guerres. C’est l’époque où les blancs, sur les cartes, sont entrés en récession. Plus de terre inconnue à l’horizon des atlas impériaux. Le moment semble bien choisi pour aller voir ailleurs.</p>
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<p>L’été 1936, Tolkien le passe à corriger des travaux d’étudiants. Il s’ennuie à périr. Mais voilà que, providentiellement, la copie d’un candidat présente une feuille restée vierge de toute rédaction. La tentation est trop forte : sur le blanc de la page, la plume du professeur oxonien fait jaillir une phrase, d’apparence banale, mais grosse de développements à venir :</p>
<blockquote>
<p>« In a hole in the ground there lived a hobbit. »</p>
</blockquote>
<p>À sa suite, de fil en aiguille, c’est tout l’univers d’Arda, de la Terre du Milieu, qui va en sortir, comme un génie de sa lampe. On jurerait l’anecdote inspirée de la chute d’Alice dans le terrier du lapin, en prélude à sa découverte du Pays des Merveilles. De fait, chez le très savant J.R.R. Tolkien, l’enfant n’est jamais bien loin. À ceci près que l’<em>heroic fantasy</em>, dont il est l’un des représentants les plus éminents, avec son collègue et ami C.S. Lewis, si elle procède d’un imaginaire débridé, ne va pas sans rigueur. Ni sans emprunts. Et c’est même tout le sens de cette exposition que d’éclairer un matériau déjà substantiel à la lumière d’une pléiade de documents de toute nature, contemporains ou pas : illustrations d’Arthur Rackham, d’Audrey Beardsley et d’Edmund Dulac, sans oublier Piranèse, tableaux de David Teniers le Jeune, enluminures de la saga de la Table ronde, armes, pierres précieuses, tapisseries, etc.</p>
<p>Du reste, jamais le beau mot de « curateur » d’exposition (préféré ici à celui de « commissaire ») n’aura aussi bien porté son nom. Décidément aux petits soins pour les visiteurs, ainsi qu’envers les pièces rares prêtées par le Tolkien Estate, Vincent Ferré et Frédéric Manfrin ont structuré leur affaire autour d’une modalité double. Géométrie plane, d’un côté, qui totalise les notations à même la surface horizontalement déployée d’une carte, d’un planisphère, mais aussi d’un dessin ou d’une aquarelle, et de l’autre, profondeur, creusement des distances, enfouissement dans la matière, nordique ou autre, épaisseur d’une œuvre qui n’aura cessé de gagner en volume et en complexité.</p>
<p>Tantôt, le regard se fixe, s’immobilisant sur tel ou tel détail, tantôt il est mis en branle, comme aimanté par l’itinéraire à poursuivre, les épreuves à affronter, les montagnes embrumées à gravir. Un itinéraire qui recoupe celui de la fiction, du récit. Et dont les étapes, forcément périlleuses, se trouvent reportées à même les courbes de niveau sur la carte d’état-major.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304737/original/file-20191202-66994-3lk9sh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte imprimée de la Terre du Milieu, annotée par J. R. R.Tolkien et Pauline Baynes, 1969.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bodleian Library/The Tolkien Estate Ltd & Williams College Oxford Programme</span></span>
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<p>Et c’est ainsi, comme le formulerait Christian Jacob, que le cartographe « mène son lecteur par le monde, en le guidant comme un enfant ». La carte se fait adjuvant, tout à la fois tremplin et guide à la création. Prudent, Tolkien lui confie son destin d’écrivain en devenir. En cartographiant en écrivant : l’un ne va pas sans l’autre. De telles précautions ne sauraient cependant masquer la violence du détour par lequel l’écrivain-cartographe se démarque du réel pour mieux en triompher. Ou pour lui substituer un monde alternatif, pleinement à sa (dé)mesure. « Le monde ressemble désormais à sa carte. »</p>
<p>Autre fait troublant, né de l’observation prolongée de ces documents, une « hésitation », une « incertitude », semblables à celles éprouvées, si l’on en croit Tzvetan Todorov, à la lecture des œuvres fantastiques. « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. » Ces cartes, tout indique qu’elles sont « vraies », qu’elles permettent de se repérer dans d’authentiques territoires, dans lesquels on croit reconnaître le continent euro-asiatique.</p>
<p>La précision des échelles, la netteté maniaque des tracés, tout plaide pour le réalisme. Et pourtant, on le sait, ces cartes sont toutes utopiques, c’est-à-dire de nulle part. On s’interroge alors : serait-ce qu’elles sont faites, non pour se trouver, mais pour se perdre ? Mais pourquoi, alors, les fans sont-ils si nombreux à en en avoir fait leur bréviaire, leur chemin de vie ? Énigmatiques, elles campent en lisière de mers et d’océans, en marge du vide, semblables aux illustrations voulues par Tolkien pour les couvertures des volumes de la trilogie du Seigneur des Anneaux, à la beauté d’ellipse ou d’épure. Une cartographie très peu buissonnière, poursuivra-t-on, eu égard au projet épistémologique qui la sous-tend.</p>
<h2>L’amour des arbres</h2>
<p>Pourtant, de l’œuvre graphique, le visiteur retiendra une forte composante végétale, germinative, certainement proto-écologique dans ses implications. Toute sa vie, Tolkien aura étreint des troncs, de préférence noueux, se sera couché, mentalement, à l’ombre majestueuse de sylves millénaires et n’aura eu de cesse de se rêver en arbre. Plongeant loin ses racines dans le sol, ce dernier est puissance chtonienne autant qu’aérienne. En bon génie des bois et des forêts, il verdit ses cartes, tout comme, pâte à papier oblige, il sécrète les « papiers » de l’écrivain-cartographe, sur lesquels il figure en bonne place, emblème d’une création entièrement autonome.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304740/original/file-20191202-66982-1ed78z2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Beleg découvre Flinding à Taur-na-Fúin (« Forêt de Fangorn ») [1928] Oxford, Bodleian Library, MS. Tolkien Drawings 89, fol. 14.</span>
<span class="attribution"><span class="source">The Tolkien Trust 1973</span></span>
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<p>Anthropomorphisé, le vieil « Homme-Saule » est figure de proue, ou tête de pont, c’est selon, d’une mythologie collective autant que personnelle. À l’image du sinueux Arbre d’Amalion (1940), tout en délicates arabesques, dont chaque branche porte une fleur richement stylisée, l’arbre crée à lui seul le rythme. D’où les saisissants effets de vibration que Tolkien tire de la représentation des troncs de toutes les couleurs qui peuplent La Forêt de Fangorn (1928). Et puis, presque trop classiquement, l’arbre préside aux racines des langues et des mots, aux diverses flexions, nominales et autres. Très tôt, en effet, le jeune « Ronald » a forgé des langues dont il se plaira, plus tard, une fois devenu professeur de littérature médiévale et de philologie, à inventer les embranchements, à tracer les subtiles ramifications : langue des Valar, des Elfes, des Nains, des Orques, des Ents, eux-mêmes gardiens des arbres… </p>
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<p>Ainsi, de proche en proche, c’est tout l’univers de la « Terre du Milieu » qui croît à l’image de son « Arbre intérieur ». Et ce, aux antipodes de « l’esprit de rouages » qui préside aux destinées d’Isengard, jadis vallée verte et riante, mais dont le mage Saruman a fait arracher tous les arbres, pour y installer forges et ateliers sataniques. À l’anneau (ring) qui corrompt et asservit, Tolkien opposait les cernes (rings, aussi) qui permettent de donner aux arbres leur âge canonique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304920/original/file-20191203-67017-1szmecb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Ultime pied de nez à la pompe du cinéma, grand absent de l’exposition, le parcours monumental prend fin avec l’infiniment petit d’une histoire sans paroles, dont la symbolique pourrait échapper aux non-initiés, tant l’illustration en est discrète. De taille modeste, l’œuvre donne à voir le combat entre le dragon Glaurung, père de tous les dragons, et le guerrier Turin, protagoniste des œuvres posthumes (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Silmarillion"><em>Le Silmarillion</em></a> [1977], les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Contes_et_l%C3%A9gendes_inachev%C3%A9s"><em>Contes et légendes inachevés</em></a> [1980] et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Enfants_de_H%C3%BArin"><em>Les Enfants de Húrin</em></a> [2007], ainsi que dans la plupart des ouvrages de la série de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_History_of_Middle-earth"><em>The History of Middle-earth</em></a> traitant du Premier Âge. Une bataille de plus, songe-t-on un instant, presque las, avant de se raviser. Si le second terrasse le premier – conformément à la morale non écrite du genre de l’épopée qui veut que le Bien triomphe des forces du Mal –, le vainqueur n’en perd pas moins aussi la vie. Preuve, si besoin était, que, pour foisonnant et tentaculaire qu’il soit, le « Légendaire » est sous-tendu par un seul et même objet, la mort, auquel tout ramène et dont rien ne sauve.</p>
<p>Ainsi va selon Tolkien la littérature qui, en permettant de « retrouver une vue claire sur le monde » vise à « affronter la peur de la mort. » Fermant la marche, donc, la mort et son injustice, quand bien même elle serait dans l’ordre des choses. Exposée en son royaume, en somme.</p>
<hr>
<p><em>Retrouvez l’exposition <a href="https://www.bnf.fr/fr/agenda/tolkien-voyage-en-terre-du-milieu">« Tolkien, voyage en Terre du Milieu »</a> à la BnF, jusqu’au 16 février 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126855/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Porée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour cette exposition, la première du genre en France, la BnF a fait les choses en (vraiment) grand.Marc Porée, Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1259562019-10-29T19:32:38Z2019-10-29T19:32:38ZTolkien vs Disney : éduquer ou divertir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298972/original/file-20191028-113953-xdolst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C28%2C998%2C752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Décor du film de Peter Jackson, qui a adapté l'œuvre de Tolkien dans les années 2000.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/new-zealand-hobbiton-matamata-movie-set-1310210080?src=YnsbuwuvYbMXztUt0ZZsAQ-1-38">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quels <a href="http://alasnotme.blogspot.com/2017/05/guest-post-trish-lambert-snow-white-and.html">points communs</a> entre <em>Bilbo le Hobbit</em> de J.R.R. Tolkien, et <em>Blanche-Neige et les Sept Nains</em> de Walt Disney ? Aucun, sinon que les deux œuvres à destination du jeune public ont vu le jour à quelques mois d’intervalle – le roman en septembre 1937, le dessin animé à Noël – et qu’elles mettent toutes deux en scène un groupe de nains. Tolkien a découvert ceux de Disney au début de 1939, dans un cinéma où l’avait malicieusement entraîné son collègue et ami <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/C._S._Lewis">C.S. Lewis</a>, le futur auteur des <em>Chroniques de Narnia</em>, qui avait précédemment vu le film avec son frère. Les deux austères professeurs de l’Université d’Oxford en sont sortis révoltés. La réaction du père de Bilbo face à Prof, Dormeur, Grincheux ou Simplet est le symptôme d’un <a href="https://www.atlasobscura.com/articles/tolkien-cs-lewis-disney-snow-white-narnia-hobbit-dwarves">clivage</a> culturel qui se mettait alors en place dans les fictions de jeunesse et reste encore bien vivace.</p>
<p>Dans ces années 1930 qui voient éclore la culture de masse sur les ruines de la culture populaire, Disney et Tolkien représentent deux manières antagonistes de revivifier le vieux fonds folklorique.</p>
<h2>Les humanités contre le spectacle</h2>
<p>Pour Tolkien, spécialiste de vieil anglais et de philologie scandinave, le merveilleux est une affaire sérieuse qui touche au sacré par le truchement du mythe. Avant même de concevoir <em>Le Hobbit</em> pour son fils Christopher, il vient à l’invention littéraire pour prolonger le plaisir intellectuel de ses études.</p>
<p>C’est ainsi qu’il crée diverses langues imaginaires ainsi que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Silmarillion"><em>Le Silmarillion</em></a>, un ensemble de légendes qui s’ouvre sur une cosmogonie musicale et retrace les premiers âges de son univers imaginaire, la Terre du Milieu. À l’intention des jeunes lecteurs, <em>Le Hobbit</em> transfère cette veine poétique sur le terrain de l’aventure, sans transiger sur sa dimension démiurgique.</p>
<p>Pour Walt Disney, les contes de fées sont avant tout un divertissement, et même un spectacle. On sait qu’il s’est déterminé à produire <em>Blanche-Neige</em> en souvenir du plaisir qu’il avait eu, enfant, à en voir l’adaptation cinématographique que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Winthrop_Ames">Winthrop Ames</a>, alias Jessie Braham White, avait tirée de sa pièce en 1916. C’est à cet ancien directeur du <em>Little Theatre</em> de Broadway que l’on doit les accents shakespeariens du dessin animé.</p>
<p>Disney s’est adonné très tôt au merveilleux. Dès 1922, il transpose dans l’Amérique d’alors « Le Petit Chaperon rouge », « Le Chat botté » ou encore « Cendrillon » ; autant de cartoon shorts qui enchaînent les gags sur le modèle du cinéma muet. À partir de 1929, avec les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Silly_Symphonies">« Silly Symphonies »</a>, il met au point l’esthétique qu’on lui connaît en poussant ses équipes à s’inspirer des grands illustrateurs européens – Gustave Doré, Honoré Daumier, Beatrix Potter, etc. – aussi bien que des peintres préraphaélites et de l’expressionnisme allemand. L’humour reste présent, mais la poésie et l’ambition artistique s’y ajoutent.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Music Land », Silly Symphonies (Walt Disney).</span></figcaption>
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<p>Mais le résultat de cette curieuse alchimie graphique n’inspire à Tolkien qu’un « dégoût sincère ». Dès 1937, il s’insurge contre toute idée d’une illustration américaine du <em>Hobbit</em> dans le style Disney. En sortant de <em>Blanche-Neige</em>, C.S. Lewis n’hésite pas, de son côté, à traiter Walt Disney de « pauvre nigaud ». Reconnaissant tout de même un certain mérite aux scènes terrifiantes du film, il ajoute : « Qu’est-ce que cela aurait pu être si cet homme avait été éduqué – ou même s’il avait grandi dans une société convenable ? » Une lettre adressée par Tolkien en 1964 à un correspondant non identifié le montre sur la même longueur d’onde :</p>
<blockquote>
<p>« Je reconnais son talent, mais il m’a toujours semblé désespérément dévoyé [corrupted]. Bien que dans la plupart des « films » produits par ses studios il y ait des passages admirables ou charmants, l’effet de chacun d’entre eux est pour moi le dégoût. Certains m’ont donné la nausée… »</p>
</blockquote>
<p>La révulsion de 1937 face aux « Silly Symphonies » se voit expliquée par un traitement indigne de la féerie, autrement dit une trahison de son essence. La cause est entendue : aux yeux des deux plus célèbres membres du cercle littéraire des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Inklings">« Inklings »</a> d’Oxford, Walt Disney est avant tout un Yankee inculte et grossier.</p>
<p>Au lieu d’être interprétés comme le résultat de choix mûrement réfléchis, ses succès sont attribués à un manque de compétence voire d’intelligence, en tout cas de connaissances et de réflexion. Tolkien et C.S. Lewis se posent en défenseurs de l’art contre une entreprise essentiellement commerciale, ainsi que le suggère en anglais l’emploi de « corrupted ».</p>
<h2>Deux conceptions de l’enfance</h2>
<p>D’un côté, on aurait donc l’Art – celui auquel on met un grand A –, reconnaissable à sa fidélité à une tradition académique ; de l’autre une industrie culturelle sans vergogne, qui formaterait sa marchandise pour qu’elle soit immédiatement accessible au plus grand nombre. D’un côté le raffinement, de l’autre la vulgarité. Ce préjugé détermine encore, de nos jours, la mauvaise réputation dont Disney pâtit dans les milieux éducatifs.</p>
<p>Le jugement de Tolkien correspond à une conception toujours dominante de la littérature de jeunesse comme voie d’accès à la culture légitime. On se rappelle les documents d’application des programmes de littérature pour le <a href="https://eduscol.education.fr/cid99241/ressources-francais-c3-culture-litteraire-et-artistique.html">cycle 3</a>, évoquant un corpus qui « fait la courte échelle aux plus jeunes pour les introduire à l’univers infini des lectures à venir. »</p>
<p>Disney, en revanche, s’adresse à l’enfant pour lui-même. Il est à l’avant-garde du mouvement qui allait engendrer, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une culture jeune indépendante de celle des adultes, et affranchie de toute préoccupation pédagogique. Avant la naissance de Superman en juin 1938 et celle de Batman en mai 39, la sortie de <em>Blanche-Neige</em> marque le coup d’envoi d’un phénomène que la géopolitique allait enrayer : l’avènement des <a href="https://www.puf.com/content/Les_fictions_de_jeunesse">fictions récréatives</a>.</p>
<p>Pour Tolkien comme pour Lewis, l’enfant est un adulte en devenir ; pour Disney, c’est un individu à part entière. Quand Tolkien et Lewis s’adressent à leurs lecteurs sur le mode édificateur de l’allégorie – même si le second s’en défend –, Disney ne prétend rien offrir d’autre à ses spectateurs qu’un antidote à la brutalité du monde. Pour les uns, la féerie est une fin en soi ; pour l’autre c’est un moyen, au même titre que l’aventure, le western ou la science-fiction.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299030/original/file-20191028-114005-b3awkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Leaf, by niggle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.kobo.com/us/en/audiobook/leaf-by-niggle-1">Kobo</a></span>
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<p>Dans <a href="https://www.tolkiendil.com/tolkien/biblio/fdn"><em>Feuille, de Niggle</em></a>, une nouvelle sans doute écrite en 1942 mais datée par Tolkien de 1938-39 et publiée en 1945, le romancier raconte l’histoire d’un peintre amateur qui donne vie à un arbre avant de partir se retirer dans le paysage né de son tableau. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Alan_Shippey">Tom Shippey</a>, l’un des meilleurs spécialistes britanniques de Tolkien, a dégagé la portée autobiographique du récit. Tolkien y transcrit son travail tatillon – <em>niggle</em> en anglais – sur le texte. Disney est tout aussi méticuleux, mais il se soucie moins d’imiter ou de pasticher l’héritage féerique, disons de se greffer sur lui, que de le régénérer à l’intention des enfants de son temps. L’esthétique cartoonesque qui rebute tant les deux « Inklings » procède de cette modernisation d’un héritage qu’il estime être celui des enfants, non des élites savantes.</p>
<h2>Restauration ou réhabilitation</h2>
<p>Le procès que Tolkien et Lewis intentent à Walt Disney anticipe les débats sur la submersion de la culture populaire anglaise par la culture de masse américaine qui allaient conduire à la création, en 1964, du Center for Contemporary Cultural Studies de l’Université de Birmingham.</p>
<p>Tolkien et C.S. Lewis, aussi bien que Walt Disney, travaillent à sauver la matière féerique du naufrage. Mais les premiers, tous deux médiévistes, ne conçoivent d’y parvenir qu’en entretenant un lien solide avec l’histoire du genre. Walt Disney, quant à lui, n’hésite pas à bousculer les codes anciens. Au demeurant, ses références, ses modèles, ne remontent guère qu’au XIX<sup>e</sup> siècle. Le seul art qui vaille à ses yeux, c’est celui du conteur qui captive son auditoire. On sait d’ailleurs que, dans la phase de préparation de <em>Blanche-Neige</em>, il excellait à incarner chacun des nains. Il y a du saltimbanque en lui, autant qu’il reste de professeur chez Tolkien. Si l’on peut parler de l’esprit des contes de fées en termes de conservation du patrimoine, disons que Tolkien travaille à le restaurer tandis que Disney le réhabilite.</p>
<p>Ce qui entretient le prestige de Tolkien auprès des enseignants, c’est qu’il écrit presque autant pour ses pairs que pour la jeunesse. Disney reste cantonné aux cours de récréation. Il ne faut pourtant pas s’y tromper, c’est chez lui qu’on pourrait le mieux appréhender ce que signifie créer pour l’enfance et la jeunesse.</p>
<p>Aujourd’hui, Tolkien est un auteur « mainstream », après avoir été longtemps l’apanage des hippies et des rôlistes. Cette notoriété que lui ont acquise les films de Peter Jackson, il a bien failli la devoir à la Walt Disney Company par l’entremise de Miramax. Si le PDG de Disney, Michael Eisner, n’avait pas refusé l’allonge budgétaire nécessaire à sa filiale pour produire <em>Le Seigneur des Anneaux</em>, c’est sous son label que le film serait sorti. New Line a empoché la mise pour Time Warner, mais non sans assurer à son concurrent 5 % des revenus bruts de la trilogie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nalLU8i4zgs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film de Peter Jackson.</span></figcaption>
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<p>C.S. Lewis n’a pas eu autant de chance, puisque les deux premiers volets des <em>Chroniques de Narnia</em> ont été produits par Walt Disney Pictures et le troisième par 20th Century Fox, désormais propriété de Disney. La culture de masse est un sport arbitré par le public et, à la fin, c’est Mickey qui gagne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Chelebourg ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de l’exposition que la Bibliothèque nationale de France consacre à Tolkien, retour sur deux conceptions du merveilleux et de l’enfance contemporaines, et pourtant très différentes.Christian Chelebourg, Professeur de Littérature française et Littérature de jeunesse, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1180102019-07-01T21:31:48Z2019-07-01T21:31:48ZSéries : « Game of Thrones » ou le triomphe de la rareté<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282060/original/file-20190701-105191-l20rsi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1191%2C670&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jouer sur l'attente, une des grandes réussites de la série. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-7157/photos/detail/?cmediafile=21618523">Allociné</a></span></figcaption></figure><p><em>Game of Thrones</em>, la grande série qui aura tenu en haleine des millions de fans pendant huit ans, se sera donc refermée sur des colères et des sarcasmes et même une pétition demandant la réécriture de la saison finale. Pouvait-il en être autrement ? Probablement pas. Cette protestation relayée considérablement par les réseaux sociaux altère-t-elle la postérité de la série phare de HBO ? Non plus.</p>
<p>Si nous remettons en perspective la success-story de cette série, la vivacité des réactions des fans s’inscrit dans la longue et tumultueuse histoire des relations entre les fans et les auteurs. Nous verrons également qu’à l’heure de la bataille des contenus et de la profusion de l’offre, une proposition de récit s’articulant sur la rareté et le risque de la frustration est bien loin d’avoir fait son temps.</p>
<h2>Les fans, des gardiens du temple</h2>
<p>La construction d’une communauté de fans représente un enjeu majeur pour la vie d’une série. Leur engagement, leurs échanges, leurs conversations voire une véritable expertise permettent à celle-ci de se déployer dans le temps et de franchir le cap des saisons.</p>
<p>En 1967, <em>Star Trek</em> de Gene Roddenberry n’aurait pu survivre sans la communauté active de fans impliqués – Isaac Asimov et Harlan Ellison en tête – qui, en noyant la chaîne NBC de courriers au nom de la campagne « Save <em>Star Trek</em> », ont obtenu la poursuite de la série. Chris Carter, le showrunner de <em>The X-Files</em> incluait des fans dans certains épisodes et mentionnait au générique les idées retenues, construisant autour du site <a href="https://x-files.fandom.com/wiki/X-phile">X-philes</a> une véritable communauté symbiotique. Et plus loin encore, que dire de l’engouement incroyable, analysé par Umberto Eco, que suscitèrent <em>Les Mystères de Paris</em> d’Eugène Sue, attesté par les nombreuses lettres adressées à ce dernier pour sauver la fictive famille Morel de la misère. La communauté des fans protège et construit le temple des héros.</p>
<p>Dans la majorité des cas néanmoins, le final se passe sans faire d’histoire. Le désamour des fans signe l’arrêt d’une série, ou plus exactement sa non-reconduction, leur offrant parfois un dernier clin d’œil comme celui d’<em>Urgences</em> avec le retour des stars ou rien quand le temps a manqué pour clore le récit.</p>
<p>Cependant la structure de l’attachement des fans reste complexe et nombre de créateurs ont pu expérimenter les foudres de ceux qui s’érigent alors comme les seuls gardiens du temple.</p>
<h2>Les histoires d’amour finissent mal, en général…</h2>
<p>Rappelons quelques épisodes marquants de ces déceptions amoureuses. En 2010, le final de <em>Lost</em> a déchaîné les protestations et les récriminations et les fans, déjà, réclamaient une fin alternative. En 2007, le dernier épisode des <em>Soprano</em>, considéré pourtant comme « Peut-être le plus grand chef-d’œuvre de la culture contemporaine », projeté au Musée d’Art moderne de New York, a déconcerté les fans qui se sont sentis abandonnés. Plus loin encore, en 1968, <em>Le Prisonnier</em>, œuvre devenue culte, a <a href="https://lemondedesavengers.fr/hors-serie/annees-1960/le-prisonnier-1967-1968/le-prisonnier-1967-1968-guide-des-episodes">suscité une frustration aiguë et des menaces à l’encontre de son créateur qui dut même se cacher pendant quelque temps</a>.</p>
<p>C’est pourquoi la fin de <em>Game of Thrones</em> – qui a fait l’objet d’une vaste campagne de promotion – une série qui a connu depuis 2011 sur les réseaux sociaux une vitalité formidable, ne pouvait que difficilement faire l’unanimité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280270/original/file-20190619-171281-1auhfb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La déception des fans s’exprime sur Twitter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twitter</span></span>
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<h2>Le pari de l’attente</h2>
<p>Avec GOT, HBO a fait le pari risqué de la rareté de la production et de la diffusion. Un pari misant sur l’attente à une période où, au contraire, l’offre, portée par de nouveaux entrants, notamment Netflix, a augmenté en volume de façon spectaculaire. Une abondance qui a modifié les modes de consommation des spectateurs : de nombreuses séries à succès sont livrées par saison entière. On est entré dans l’ère du « binge watching » où le consommateur ne supporte pas d’attendre, il doit pouvoir visualiser vite, enchaîner les épisodes à son gré.</p>
<p>Or deux années séparent la saison 7 de la saison 8 de GOT. De plus, celles-ci comptent moins d’épisodes (10 épisodes de la saison 1 à 6, mais 7 épisodes pour la saison 7, et 6 épisodes pour la saison 8) alors que les budgets n’ont cessé d’augmenter (130 Millions de $ pour la saison 8) tout comme le nombre de spectateurs (16,1Millions aux US pour le 1<sup>er</sup> épisode de la saison 7, 17,4 Millions pour le 1<sup>er</sup> de la saison 8, 19,3 Millions pour le dernier).</p>
<p>La série se glorifie même du piratage comme faisant partie intégrante de sa consécration : <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/game-of-thrones-confirme-son-statut-champion-piratage-n86049.html">55 millions de téléchargements</a> en 24h pour le 1<sup>er</sup> épisode de la saison 8.</p>
<p>La construction des climax est le nerf de la guerre du storytelling sériel qui stimule les conversations des fans. Avec 100 millions de tweets générés pour l’ultime saison, leur attachement émotionnel est immense, ce qui explique l’importance de la déconvenue.</p>
<h2>La leçon de marketing de <em>Game of Thrones</em></h2>
<p>Il y avait bien longtemps, hors des grands événements sportifs comme celles du football, que la dimension mondiale d’une attente communautaire ne s’était pas manifestée. Noyés sous l’immédiateté des réponses à nos désirs, nous avions perdu le goût de l’impatience. Le risque de la déception, la terreur du zapping, ont transformé tout geste, tout regard en un acte de consommation que le marketing habille de son mieux. Toutefois, il a beaucoup à apprendre de <em>Game of Thrones</em>.</p>
<p>Car <em>Game of Thrones</em> nous parle aussi d’avenir.</p>
<p>La leçon de cette série porte sur la possibilité, toujours présente d’une expérience collective largement transfrontalière et transculturelle si l’on observe par exemple le niveau des téléchargements en Inde et en Chine. Elle rappelle que l’immédiateté ne constitue pas le seul mot d’ordre et que l’ultra-segmentation peut mener aussi à la dispersion.</p>
<p>Que l’on ait aimé ou détesté son final, nous reparlerons encore de <em>Game of Thrones</em> dans 10 ans, pour paraphraser, Tyron Lannister. Et c’est déjà une très belle victoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118010/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monika Siejka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vivacité des réactions des fans s’inscrit dans la longue et tumultueuse histoire des relations entre les fans et les auteurs.Monika Siejka, Enseignante Chercheuse en storytelling et marketing, Union des Grandes Écoles Indépendantes (UGEI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1172932019-06-10T03:32:34Z2019-06-10T03:32:34ZL’univers de la science-fiction en un clin d’œil<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277926/original/file-20190604-69051-1aqbo8e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C17%2C1257%2C699&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mondes de la science-fiction sont autant d'outils pour la prospective.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/science-fiction-univers-cosmos-1674554/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La science-fiction a une trajectoire des plus étonnantes dans l’histoire de l’art. C’est sûrement ce qui fait qu’il n’est pas simple, pour le néophyte, de se plonger dans cet univers, en essayant de partir à la découverte d’autre chose que les « blockbusters » !</p>
<p>Le genre est né sous la forme de fables philosophiques avec, par exemple, l’<em>Utopia</em> de Thomas More. Elle a été popularisée par un Jules Verne, au moment de la révolution industrielle. Dénigrée suite à sa traversée de l’Atlantique où on l’a vue dans les pages de mauvais papier des « pulp fictions », elle renaît de ses cendres à la fin de la Seconde Guerre mondiale, portée par des auteurs tels qu’Isaac Asimov.</p>
<p>Dans les années 20, la science-fiction acquiert ses premières lettres de noblesse avec des œuvres telles que la pièce de théâtre <em>R.U.R</em> de Karel Capek, inventeur (avec son frère Josef) du mot robot, dérivé de <em>robota</em>, la corvée en tchèque (en ancien slave, rob signifie esclave) ou avec le film <em>Métropolis</em> de Fritz Lang, malgré les polémiques sur les orientations politiques de sa scénariste et compagne de l’époque, Théa von Harbou, qui fut membre du NSDAP. On peut aussi rappeler le « coup médiatique » d’Orson Welles en 1938, quand il adapta à la radio le roman de H.G. Wells et provoqua des scènes de panique chez ses auditeurs qui, pour certains, crurent que la fiction était réalité !</p>
<p>Aujourd’hui, genre littéraire, cinématographique ou de bande dessinée à part entière, la science-fiction a su coloniser les jeux vidéo sous toutes leurs formes. La science-fiction, au travers de la créativité et la rigueur conceptuelle que s’imposent toute une armée d’auteurs qui ne sont plus majoritairement anglophones (la Chine, par exemple, compte des talents tels que Liu Cixin), est devenue un genre majeur qui ne cesse d’étonner aussi bien les passionnés que ses détracteurs.</p>
<h2>Science-fiction et prospective</h2>
<p>Pour mémoire, la science-fiction a longtemps été considérée comme un sous-genre, avec une forte connotation péjorative, sûrement due au fait qu’à son arrivée en France le nom « science-fiction » a été compris comme un genre dans lequel la science était fictionnelle alors que pour les Américains, inventeurs du terme, il signifie : fictions dans lesquelles interviennent les sciences.</p>
<p>La science-fiction a aussi longtemps été affaire de connaisseurs (avec une notion quasi initiatique), affaire d’experts, de fans, d’aficionados… Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. D’autant moins que, le corpus d’œuvres fournissant un fond d’étude des plus consistants et en perpétuelle évolution, la science-fiction est désormais lue et relue telle une source d’éclairages pour les temps à venir. Cette démarche peut prendre la forme d’un « rétro-futurisme » qui cherche à comprendre comment ces récits racontent les fantasmes qu’une époque projette sur son propre avenir tout en étant, au travers de chaque proposition qu’est une œuvre, une tentative de l’auteur d’anticiper une branche de l’avenir.</p>
<p>Ainsi, nombre de textes de science-fiction sont relus, aujourd’hui, en leur prêtant une valeur quasi prophétique (peut-être à tort…). On peut penser à <em>1984</em> de George Orwell, <em>Minority Report</em> de Philip K. Dick ou bien encore à la <em>Servante Écarlate</em> de Margaret Atwood, trois œuvres qui sont retombées sous les feux de l’actualité à l’occasion de l’élection du président Donal Trump, en 2016.</p>
<p>La science-fiction donne surtout de la consistance à une discipline dont on parle de plus en plus fréquemment : la prospective. Elle consiste à projeter dans des avenirs spéculatifs une problématique contemporaine en assujettissant la construction de ces écosystèmes hypothétiques à des postulats ancrés dans la réalité. Arrivé dans ces avenirs, on peut s’attarder à une observation des diverses conséquences issues de ces constructions arbitraires, dans une forme d’expérience de pensée (démarche qui a fait ses preuves dans l’histoire des sciences : Albert Einstein a utilisé cette démarche à de nombreuses reprises). Les postulats de départ peuvent être des faits scientifiques, économiques, sociaux, comportementaux… la prospective devient alors une aide à la décision, au sein des organisations.</p>
<p>Pour la petite histoire, Robert Heinlein, célèbre auteur de SF américain a été conseiller de Ronald Reagan, du temps de la « guerre des étoiles », le projet américain de défense anti-missile (Strategic Defense Initiative). Aujourd’hui, nombre d’entreprises intègrent cette approche de la complexité dans leurs démarches stratégiques. Mais elle peut être autre chose qu’une discipline experte : la prospective devient alors une posture intellectuelle qui oblige à sortir des ornières du présent : une démarche accessible à tout un chacun.</p>
<h2>Une tentative de mise en image</h2>
<p>Alors, afin de nourrir son imaginaire et sa réflexion, on peut se plonger dans les œuvres de science-fiction produites au cours des siècles (même si la majorité des œuvres de SF ont moins de 100 ans) et ressentir un léger étourdissement ! Car dans l’univers SF, il y a nombre de planètes. On peut ainsi distinguer l’anticipation de l’heroic fantasy, le space opera de la dystopie, le voyage dans le temps des uchronies, en y ajoutant les sous-genres nés des esprits fertiles des auteurs de science-fiction. Autant le dire : il n’est pas simple de s’y retrouver !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=862&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275131/original/file-20190517-69209-12fkuxz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1084&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Arborescence simplifiée des thèmes de la science-fiction.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e6/Organigramme_simplifi%C3%A9_des_th%C3%A8mes_de_la_Science-fiction.pdf?uselang=fr">Olivier Parent/Wikipédia</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cette image représente une <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e6/Organigramme_simplifi%C3%A9_des_th%C3%A8mes_de_la_Science-fiction.pdf?uselang=fr">arborescence simplifiée des thèmes de la science-fiction</a>. Il s’agit d’une démarche qui consiste à organiser le long d’une dizaine de branches d’arbre des œuvres issues de toutes les formes d’expression qui ont « adopté » la science-fiction : romans, films, séries télé, théâtre, bande dessinée, comics et manga et, pour finir, jeux vidéo (bien que cette forme d’expression demande encore un travail plus approfondi).</p>
<p>Cette démarche est sûrement vaine car une telle arborescence ne pourra jamais recenser toutes les œuvres produites – elle est aussi présomptueuse car elle cherche à organiser chronologiquement ces œuvres les unes par rapport aux autres.</p>
<p>Enfin, elle est aussi la projection de la culture de son auteur initial, qui n’est qu’humain. Trois postulats de travail qui, à n’en pas douter, feront des mécontents. Cependant, cette arborescence est aussi un travail collectif : depuis plus de deux ans qu’elle existe, elle a été mise à disposition des internautes et elle s’est nourrie de suggestions en provenance des réseaux sociaux. En deux ans, elle a vu tripler le nombre d’œuvres qu’elle cherche à répertorier, sans pour autant tendre vers la moindre exhaustivité.</p>
<p>Il ne reste alors qu’à se laisser aller à la sérendipité, à parcourir les branches de cet arbre pour y découvrir des œuvres étonnantes. C’est l’occasion de regarder le monde à la lumière de ces univers qui, repoussant les limites du réel, lèvent le voile sur les avenirs que chaque humain construit au travers de ses actes, de ses choix quotidiens.</p>
<p>Alors, bons voyages !</p>
<hr>
<p><em>L’Arborescence est accessible sous licence libre sans modification des mentions. <a href="https://drive.google.com/open?id=1T_NetdQDzHIYi_0xn4E01WsJ0_zVXsbY">À télécharger en PDF ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Parent travaille pour le Comptoir Prospectiviste, éditeur de l'Arborescence des thèmes de la SF. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles MOUTIERS est Éditeur en chef du journal "European Physical Journal - Nuclear sciences and technologies section", (EPJ-N)
Il est membre de :
Société Chimique de France (SCF)
Société Française de Métallurgie et des Matériaux (SF2M)
Société Française de Génie des Procédés (SFGP)
Il est</span></em></p>La science-fiction n’est-elle qu’un simple divertissement ? Et peut-on se représenter l’ensemble de ses univers ?Olivier Parent, Auditeur de l’IHEST, Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178002019-05-26T22:53:22Z2019-05-26T22:53:22Z« Game of Thrones » : les raisons d’un succès<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276439/original/file-20190525-187185-ja2woi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1599%2C891&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une série événement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-7157/photos/detail/?cmediafile=21621170">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Ce qui fait d’abord le succès de <em>Game of Thrones</em>, c’est sa dimension épique, avec un niveau de spectaculaire qui était plutôt associé au cinéma et qui, depuis la série, est aussi associé à la télévision.</p>
<p>De plus en plus, depuis le tournant numérique, le cinéma et les séries TV utilisent les mêmes outils : des caméras numériques lors des tournages, des entreprises spécialisées en effets spéciaux et en conception de génériques… et le fait qu’on regarde aussi nos séries sur des écrans de meilleure définition qu’il y a 15 ou 20 ans.</p>
<p>C’est aussi lié à une esthétique très soignée, qu’on qualifie souvent de « cinématographique », même si ce terme est sujet à débat parce qu’il peut instaurer une hiérarchie entre cinéma et télévision. Il n’en demeure pas moins que c’est une série qui donne à voir des scènes qu’on avait l’habitude d’en voir plutôt au cinéma : des plans larges, des scènes avec des centaines de figurants, des effets spéciaux particulièrement bien faits, des dragons qui crachent du feu sur des dizaines de navires sur l’océan. La meilleure définition de l’image permet aussi de jouer plus précisément sur la profondeur de champ ou sur les nuances de lumière. On peut prendre l’exemple de la lumière dorée et chaude des scènes qui ont lieu à King’s Landing, qui contrastent avec les couleurs froides des scènes qui ont lieu avec la Garde de Nuit et tout ce qui se passe dans le Nord.</p>
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<p>Au sein de la série, certaines scènes ressortent, notamment par ce choix porté à l’esthétique. La mise en scène y permet notamment une très forte immersion du spectateur dans la fiction, par exemple dans la Bataille des bâtards (saison 6 épisode 9). Il y a d’abord des plans larges en surplomb du champ de bataille pour qu’on comprenne la configuration, qui évoquent une technique récurrente dans les grands films de guerre, de <em>Ran</em> au <em>Seigneur des Anneaux</em>. Ensuite, il y a un plan séquence où la caméra reste très proche de Jon Snow qui se bat dans une atmosphère de parfait chaos qui rappelle la grande scène du débarquement dans le film de Spielberg <em>Il faut sauver le soldat Ryan</em>, où l’on avait la même restriction du point de vue à hauteur d’homme, qui insistait sur la proximité de l’horreur et l’illisibilité désordonnée du conflit. À ce moment dans <em>Game of Thrones</em>, grâce à ce plan-séquence, on est presque Jon Snow, tout au moins on est avec lui.</p>
<p>L’immersion ressemble alors à celle du gamer plongé dans un jeu vidéo. De la même manière, le personnage de Jon Snow se retrouve plus tard englouti sous une masse de cadavres, et l’écran devient noir pendant quelques minutes. On étouffe, dans cette obscurité, sous cette couche de morts, à entendre les bruits étouffés de la bataille qui continue et le halètement de Jon qui manque d’oxygène et tente de s’extraire. Au final, il arrive à sortir la tête de cette masse et le public reprend son souffle en même temps que lui : on arrive à respirer quand lui-même retrouve l’air libre.</p>
<p>D’autres scènes de bataille sont filmées de façon à arrêter notre regard. Les débats ont été vifs – notamment en ligne – autour de la bataille de l’épisode 3 de la saison 8, et ont essentiellement porté sur la lumière. La bataille se passe la nuit, et certains spectateurs ont trouvé que c’était beaucoup trop sombre et qu’on n’y voyait rien. Le réalisateur de la série lui-même à répondu à ces débats sur Twitter pour expliquer : « Ça a été filmé comme ça aurait dû l’être, simplement vous ne devriez pas regarder cela sur un téléphone portable ou un téléviseur mal réglé ! ». Certains sites ont aussi expliqué quels seraient les réglages de l’image idéaux pour pouvoir visionner l’épisode dans les meilleures conditions.</p>
<p>Donc, cette attention à l’image et au son, c’est ce qui fait sans aucun doute partie du plaisir sensoriel qu’on a à regarder une série comme <em>Game of Thrones</em>.</p>
<h2>Sa force ? La complexité narrative</h2>
<p>Au fil des saisons, des huit années de diffusion, on connaît de mieux en mieux un très grand nombre de personnages. Ils évoluent, changent physiquement, parfois ils meurent et ressuscitent. C’est cette complexité narrative, cette capacité qu’on acquiert au fil des saisons à maîtriser les innombrables liens de ces groupes complexes, qui participe du plaisir qu’on a à regarder la série, comme cela participe au plaisir de regarder le dernier <em>Avengers</em> car si on est fan, on maîtrise les rouages d’un monde fictionnel extrêmement complexe.</p>
<p>La complexité narrative permet par ailleurs d’aborder des thématiques très variées. Cette idée d’un monde en suspens, menacé de toutes parts, résonne avec nos peurs climatiques, politiques, avec les mouvements de population, les tensions internationales… Ce sont des thématiques universelles, rassemblées dans ce monde de fantasy qui associe des éléments de notre passé – médiéval, antique, etc. – des éléments de notre culture – avec d’innombrables références aux autres textes de fantasy comme le <em>Seigneur des anneaux</em> – et qui reflètent parfaitement les grands enjeux contemporains, politiques, sociaux, culturels de notre époque.</p>
<h2>Un mode de diffusion « à l’ancienne » qui mise sur l’événement</h2>
<p>Le succès de <em>Game of Thrones</em> réside aussi dans le type de relation que la série a réussi à instaurer avec ses fans, avec ses spectateurs. C’est une série qui suscite les échanges, la discussion, les débats, parfois assez animés et tout cela est allié à son mode de visionnage. C’est une série « à l’ancienne », que l’on aime suivre au moment où elle est diffusée à la télévision. Cela s’oppose aujourd’hui, avec l’ère Netflix, Amazon, Hulu, aux phénomènes de <em>binge watching</em> où certaines séries sont mises à disposition des spectateurs sous forme d’une saison entière de dix épisodes que l’on peut regarder quand on veut, en une seule fois même, si on le souhaite.</p>
<p>Avec <em>Game of Thrones</em>, c’est différent : on la suit sur le moment. Notamment parce qu’il y a de tels retournements de situation, de telles scènes clés choquantes qu’on ne veut pas se faire <em>spoiler</em> l’intrigue. On a donc l’impression qu’il faut absolument la voir en même temps que les autres. Ce phénomène est entretenu par les réseaux sociaux, par les discussions en ligne, par les productions de vidéos autour de la série, qui entretiennent une conversation très vivace entre fans. On voit que c’est le cas dans la saison 8 mais c’était le cas bien plus tôt dès la saison 1 avec la mort d’un des personnages essentiels. La série offre nombre de ces moments qu’on appelle en anglais des « Oh My God moment », des moments où ce qu’il se passe est tellement incroyable qu’on a envie d’en parler avec les autres… ce qui nécessite d’en être au même stade !</p>
<p>C’est l’une des qualités de <em>Game of Thrones</em> : la série fait événement. Ce type de série pourra-t-il encore exister avec l’avènement du streaming, de la diffusion en continu, avec le fait que même les séries diffusées sur des chaînes traditionnelles ont tendance à être vues de plus en plus a posteriori sous la forme de consommation un peu addictive ? Je suis sûre que ce n’est pas la dernière. Plusieurs modèles vont coexister : le modèle de la diffusion en continu et le modèle télévisé classique où on partage un événement spécifique comme un match de foot. C’est la force de la télévision : elle sait nous rassembler devant un événement, qu’il soit réel ou fictionnel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Hudelet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Effets spéciaux spectaculaires, esthétique cinématographique, complexité narrative, mode de diffusion événementiel… « Game of Thrones » possède tous les ingrédients du succès.Ariane Hudelet, Maître de conférences en études anglophones, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1080902018-12-10T20:39:11Z2018-12-10T20:39:11ZPodcast : Le mythe du loup-garou expliqué ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249726/original/file-20181210-76977-1ied453.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/ve_uN9V8xqU">Ganapathy Kumar/unsplash.com</a></span></figcaption></figure><p><em>Lycanthropos</em>, <em>Hombre lobo</em>, <em>Varulv</em>, du fin fond des forets américaines, aux étendues désertiques du Kenya, en passant par les pleines gelées du Danemark, de nombreuses légendes existent autour d’être que nous nommons loup-garou.</p>
<p>La légende du loup-garou renvoie à l’idée que dans certaines conditions, une fois le soleil couché, des humains puissent se transformer en bêtes monstrueuses débordantes de violence, avant de reprendre une forme humaine normale, une fois la nuit terminée et le jour revenu. Derrière ces mythes, il est intéressant de se demander s’il existerait une part de réalité, une base fondée, un ancrage biologique à tout cela.</p>
<p>Existe-t-il réellement un mécanisme physiologique, un mécanisme cérébral qui pourrait être responsable d’une exacerbation de nos comportements violents en fin de journée, une fois la nuit venue ?</p>
<p>En un peu plus de 10 minutes, grâce à cet épisode, découvrez les <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-018-0126-0">résultats de travaux scientifiques récents</a> qui pourraient lier la fin de journée avec une augmentation des comportements agressifs.</p>
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<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/2454">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il existerait un lien entre l’horloge biologique et les comportements violents. Ainsi, le mythe de l’homme qui se transforme en bête féroce à la tombée de la nuit pourrait être expliqué. Gare à vous !Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences à Aix-Marseille Université, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1059212018-12-03T21:53:28Z2018-12-03T21:53:28ZComment les séries de science-fiction réinventent la narration<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248451/original/file-20181203-194953-1iqu08k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1198%2C797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image de la série _Star Trek : Discovery_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.avclub.com/the-less-you-think-about-it-the-more-fun-star-trek-di-1822711177">Avclub</a></span></figcaption></figure><p>Le succès des séries de science-fiction n’est plus à prouver. Un peu plus tôt cette année, Netflix annonçait leur consacrer une <a href="http://www.businessinsider.fr/us/netflix-is-focusing-on-sci-fi-to-meet-increasing-demand-data-2018-4">place plus importante</a> au vu de leur popularité, au côté des séries de <em>fantasy</em>.</p>
<p>Extraterrestres ou sorcières, science ou magie, la recette est la même : les genres de l’imaginaire donnent à voir des mondes fictionnels en décalage avec le nôtre. Longtemps accusés de favoriser l’« escapisme », la fuite hors de la réalité, ils ont pourtant fait la démonstration de leur double pouvoir, longtemps même avant l’émergence des séries télévisées. S’ils permettent en effet de s’évader, de se divertir en s’aventurant au-delà du réel, leurs détours tortueux sont souvent utiles pour nous présenter un écho déformé, remodulé, de notre propre monde, de ses angoisses et de ses espoirs. La science-fiction, capable de questionner le progrès technologique et les normes politiques et culturelles, se distingue par sa capacité à critiquer notre société.</p>
<p>Quand bien même l’étiquette escapiste est encore employée pour dévaloriser les genres de l’imaginaire, les publics ne s’y trompent pas, et s’immergent à loisir dans ces mondes souvent denses et complexes. L’ouvrage que j’ai récemment eu l’occasion de publier dans la collection Arts Visuels chez Armand Colin n’a donc pas pour but premier de légitimer, auprès du grand public, des œuvres tantôt populaires, tantôt méconnues. Il est plutôt destiné à mettre en avant le fait qu’au-delà d’œuvres fascinantes, la science-fiction tout particulièrement a produit des séries qui ont joué un rôle crucial dans l’évolution de l’écriture des fictions sérielles.</p>
<h2>Séries et complexité narrative</h2>
<p>La recherche sur les séries télévisées s’accorde à définir une augmentation de la complexité narrative des séries que l’on peut observer dès les années 1980, notamment aux États-Unis. Cette complexité est le fruit d’une lente évolution économique, artistique et technologique. L’arrivée des chaînes du câble pousse les grands <em>networks</em> (chaînes majeures accessibles gratuitement : ABC, NBC, CBS, Fox) à initier les premiers une hausse de qualité des programmes – le câble ne produira régulièrement des fictions sérielles qu’à partir des années 1990. </p>
<p>Les rediffusions et le magnétoscope permettent au public de « rattrapper » et de mieux comprendre des séries de plus en plus feuilletonnantes, dont l’intrigue dépasse le cadre du seul épisode. Internet consolide les communautés de fans et ravive les « discussions autour de la machine à café » : les séries diffusées de façon hebdomadaire suscitent, entre chaque épisode, des débats passionnés, à mesure que se déploient ce que certains critiques n’hésitent pas à considérer comme des <a href="https://www.nytimes.com/1995/10/22/magazine/the-prime-time-novel-the-triumph-of-the-prime-time-novel.html">« romans télévisuels »</a>.</p>
<p>Il subsiste toutefois, a fortiori dans la recherche française sur les séries, une zone d’ombre : si des classiques comme la série policière <em>Hill Street Blues</em> (NBC, 1981-1987), ou plus tard <em>The Wire</em> (HBO, 2002-2008), sont citées comme parangons de cette montée en complexité, de cette évolution de la qualité et de la profondeur de cette forme narrative, les séries des genres de l’imaginaire sont souvent laissées de côté. Qu’elles soient considérées comme illégitimes, trop populaires, pas assez sérieuses, ou que l’on partage avec la production française une certaine appréhension pour tout ce qui sort du format policier, force est de constater que les œuvres majeures de la SF et de la fantasy télévisuelles sont rarement mentionnées pour leur contribution à la réinvention perpétuelle de la forme narrative sérielle audiovisuelle, ne dépassant pas le statut d’œuvres, certes « cultes », mais isolées.</p>
<p>Que l’on considère, pourtant, la révolution qu’incarnait en son temps <em>Babylon 5</em> (PTEN, 1993-1998), dont son créateur, J. Michael Straczynski, avait prévu avant le début de la production la trame des cinq saisons à venir, tout en anticipant la dimension fondamentalement aléatoire de l’écriture sérielle, prévoyant ainsi des « portes de sortie » pour les protagonistes de cette vaste fresque galactique, au cas où des acteurs viendraient à quitter la série. En découlait un budget prévu à l’avance, jamais dépassé – une rareté – accompagné d’un usage pionnier des images de synthèse, quand sa concurrente <em>Star Trek</em> s’appuyait encore sur de coûteuses maquettes pour représenter ses vaisseaux spatiaux. Pari tenu pour Straczynski, qui déploie sur cinq années une intrigue complexe riche de milles interconnexions, qui n’a rien perdu de son actualité aujourd’hui. La série a inspiré la vague science-fictionnelle des années 2000, de la quête paranoïaque de l’équipage du <em>Battlestar Galactica</em> (Syfy, 2003-2009) à la mystérieuse <em>Lost</em> (ABC, 2004-2010), et son île nimbée de secrets qui structurent une intrigue labyrinthique durant six ans.</p>
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<h2>De nouvelles mythologies</h2>
<p>Au-delà d’œuvres « cultes » visant un public de niche, la communauté « geek », et aujourd’hui des publics de plus en plus divers, les séries de science-fiction peuvent remettre en question tout autant la société qui les produit que les conventions narratives d’une époque. Leurs mondes « saillants », présentant des éléments qui n’ont pas d’équivalent dans le monde réel, les poussent à mettre en avant leur cohérence interne. Les séries de science-fiction ont ainsi été pionnières dans la construction des « mythologies », un terme proposé par les scénaristes anglo-saxons et adopté par les fans et critiques, décrivant sur le long terme la capacité d’expansion d’une intrigue et du monde fictionnel qui la porte.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248453/original/file-20181203-194932-1lfob42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le livre de Florent Favard, paru aux éditions Armand Colin.</span>
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<p>Voyages dans le temps, univers parallèles et crises d’identité ont poussé dans ses retranchement la capacité des publics à se repérer dans le temps, à gérer des narrations en arbre des possibles, à appréhender la complexité du personnage de série. Une série comme <em>Orphan Black</em> (BBC America, 2013-2017) a par exemple bousculé les standards au travers de la performance kaléidoscopique de Tatiana Maslany, qui incarne à elle toute seule une douzaine de clones. <em>Lost</em> a largement influencé les séries qui lui ont succédé (y compris hors du genre SF) par son usage déroutant et innovant de la temporalité. <em>Fringe</em> (Fox, 2008-2013) a su acclimater son public à des réécritures extrêmes (personnage rayé de l’existence, sauts dans le temps) justifiées par des péripéties science-fiction dont l’impact résonne à l’échelle de la série.</p>
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<p>C’est tout cet héritage, et plus encore, qui mérite d’être exploré plus avant. Les séries de science-fiction, loin d’être des curiosités isolées dans l’histoire des séries, ont été et sont toujours aussi importantes que les œuvres plus naturalistes lorsqu’il s’agit de faire l’histoire de la narration sérielle à la télévision.</p>
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<p><em>Florent Favard est l’auteur de l’ouvrage « Les séries dans le récit de science-fiction, de Star Trek à X‑Files », paru aux éditions Armand Colin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Favard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La recherche sur les séries télévisées s’accorde à définir une augmentation de la complexité narrative des séries que l'on peut observer dès les années 1980, notamment aux États-Unis.Florent Favard, Enseignant chercheur en cinéma et audiovisuel, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/999182018-07-16T19:24:09Z2018-07-16T19:24:09ZLe quidditch, l’autre Coupe du monde de l’été 2018<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227748/original/file-20180716-44073-17jynyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1194%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'équipe américaine, vainqueur de la Coupe du monde 2018, en action.</span> <span class="attribution"><span class="source">Audrey Tuaillon Demésy</span></span></figcaption></figure><p>En plein mondial de football, s’est tenue à Florence, comme en écho, la Coupe du monde de quidditch. Du 27 juin au 2 juillet, l’Italie a accueilli cette compétition internationale d’un genre nouveau.</p>
<p>Le quidditch se présente comme un sport collectif mixte de contact, issu de la fiction <em>Harry Potter</em> et la référence au monde merveilleux fournit son esthétique à l’activité (les anneaux, le Vif d’or, les différents ballons, etc.). Ce cadre a permis la création d’une nouvelle pratique sportive, dont la Coupe du monde est devenue l’emblème.</p>
<h2>La Coupe du monde : une vitrine pour le quidditch</h2>
<p>Sur le terrain, deux équipes de sept joueurs s’affrontent dans un subtil mélange de handball, de dodge-ball mais aussi de rugby. L’objectif est de marquer des points en faisant passer le <em>souafle</em> (nom donné au ballon principal) dans les anneaux, tout en évitant les <em>cognards</em> (d’autres balles) adverses. La capture du Vif d’or (un joueur-arbitre neutre doté d’une balle de tennis) est appelée « catch ». Elle rapporte 30 points à l’équipe qui parvient à s’en saisir et met fin au match.</p>
<p>Le Coupe du monde a lieu tous les deux ans. Elle est organisée <a href="http://www.iqasport.com">par la Fédération internationale IQA</a> et elle donne l’occasion de communiquer sur ce sport émergent (créé aux USA il y a une douzaine d’années). En 2016, elle s’était déroulée à Francfort et avait vu la <a href="https://theconversation.com/le-quidditch-ce-sport-reel-venu-dharry-potter-64534">victoire des Australiens, devant l’équipe des USA</a>. La France avait alors terminé 5<sup>e</sup>. Cette seconde édition en Europe (qui correspond à la quatrième Coupe mondiale officielle) se veut une vitrine du quidditch à l’international.</p>
<p>Le dernier championnat s’est déroulé samedi 30 juin et dimanche 1<sup>er</sup> juillet. Il fut précédé d’un match d’exhibition (en centre-ville) le 27 juin, ainsi que d’une cérémonie d’ouverture et de temps d’ateliers la veille. L’objectif est de faire se rencontrer les meilleurs joueurs au niveau mondial, par le biais des équipes nationales.</p>
<p>De grandes disparités apparaissent pourtant puisque dans certains pays, tels que les USA, le quidditch est un sport universitaire et les joueurs présents à Florence étaient accompagnés de leurs deux coachs. À l’inverse, d’autres équipes, moins expérimentées, venaient avant tout pour échanger et vivre une compétition à un niveau international.</p>
<p>Il y a deux ans, 21 équipes avaient participé à la compétition en Allemagne. Cette année, 29 nations étaient représentées : Canada, Brésil, France, USA, Belgique, Corée du Sud, Vietnam, Hong-Kong, Malaisie, Mexique, Royaume-Uni, Suisse, Nouvelle-Zélande, Australie, Norvège, Slovénie, Slovaquie, Islande, Finlande, Turquie, Allemagne, Italie, Espagne, Catalogne, Pologne, Irlande, Autriche, Hollande et République tchèque.</p>
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<p>Les spectateurs ont pu bénéficier de places dans les gradins du stade de Florence, ce qui conférait une dimension formelle aux matchs, même si les supporters sont quelques fois venus occuper la pelouse du terrain. Dans son groupe, chaque équipe a rencontré trois autres nations. Les quarts de finale ont donné lieu à des matchs parfois serrés et les équipes ont parfois été départagées grâce au Vif d’or.</p>
<p>La finale a vu s’affronter les États-Unis et la Belgique. L’équipe américaine se positionne sur la première marche du podium grâce au <em>catch</em> du Vif d’or et reprend ainsi la place perdue il y a deux ans. Pour sa part, la France termine 6<sup>e</sup> du classement après avoir perdu son match contre la Belgique. Notons une belle remontée en 3<sup>e</sup> position de l’équipe turque, qui avait terminé 6<sup>e</sup> en 2016.</p>
<h2>Un sport différent ?</h2>
<p>Appréhender le quidditch d’un point de vue sociologique nécessite une bonne compréhension du sport en lui-même (les rôles, les règles, etc.), mais aussi une connaissance des joueurs et de la communauté qu’ils forment. Pour cette raison, une approche ethnographique permet d’occuper une place sur le terrain. Les analyses menées ici sont le résultats d’une approche qualitative de cette pratique émergente.</p>
<p>Plusieurs observations (directes ou participantes selon les cas) ont été menées (Coupes nationales, internationales, tournois amicaux, etc.), complétées par des entretiens. La Coupe du monde 2018 a été l’occasion de réaliser une observation directe, en immersion avec les supporters nationaux.</p>
<p>Le quidditch se présente comme un <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0193723514561549">sport alternatif</a> non conventionnel. Il se positionne, en effet, en dehors des pratiques physiques <em>mainstream</em>, notamment à travers certaines valeurs véhiculées, traduites dans les règles.</p>
<p>Ainsi en est-il de la règle du genre (<em>gender rule</em>) qui implique que les équipes soient nécessairement mixtes. Les <em>quiddkids</em> (nom que les joueurs se donnent entre eux) mettent en avant la dimension inclusive du quidditch, seul sport collectif mixte à reconnaître la non-binarité du genre et à construire une catégorie « a-genre ». Malgré tout, si le quidditch apparaît comme une réponse à une pratique dominante, il n’en reste pas moins en changement permanent.</p>
<h2>Un sport jeune et des règles en constante évolution</h2>
<p>La Coupe du monde est un moyen de saisir ces transformations qui transparaissent sous forme quantitative – de plus en plus d’équipes sont engagées dans cette compétition – et qualitative – la communication est de de plus en plus importante autour de l’événement, la diffusion des matchs se réalise en streaming sur Internet, etc..</p>
<p>Cette manifestation permet de comprendre le fonctionnement du quidditch à l’international : au niveau de l’organisation – chaque pays hôte gère ses propres bénévoles – et des règles, qui sont modifiées par la Fédération internationale pour les éditions suivantes en fonction de ce qui a pu poser problème. Le quidditch est ainsi un sport qui connaît un processus d’institutionnalisation relativement rapide et dont les règles sont retravaillées et éditées presque chaque année, afin de faciliter, entre autres, la mise en spectacle de l’activité.</p>
<p>Cette Coupe du monde révèle une autre particularité du quidditch : un attachement de certains participants au temps de l’enfance et à un certain « âge d’or ».</p>
<p>Les compétitions sont des moments festifs, rituels, qui ordonnent des façons d’être et de faire sur le terrain de sport. Au-delà de l’instant présent, les références au temps de l’enfance transparaissent dans les signes et les discours des quiddkids. Outre le fait que le quidditch soit un sport composé majoritairement de jeunes (en moyenne, 23 ans), les joueurs évoquent souvent avec humour un « syndrome de Peter Pan » et une volonté de rester de « grands enfants ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227751/original/file-20180716-44085-1qbp43q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un sport directement inspiré par la saga Harry Potter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Audrey Tuaillon Demésy</span></span>
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<p>Ce temps de l’enfance évoqué permet aux joueurs de revendiquer l’inscription de l’imaginaire dans le temps adulte. En outre, les quiddkids font partie de la génération qui a grandi avec les sorties successives des romans et des films <em>Harry Potter</em>, dont les valeurs sont transposées au quotidien.</p>
<p>À ce propos, une <a href="https://jhupbooks.press.jhu.edu/content/harry-potter-and-Millennials">étude menée par Anthony Gierzynski</a> montre que les fans d’Harry Potter aux États-Unis expriment des tendances politiques proches de celles véhiculées par les personnages de fiction : tolérance accrue à l’altérité, rejet de la violence physique, etc.</p>
<p>Faire du quidditch est ainsi un moyen de prolonger dans le temps présent des adultes un esprit fun qui caractérise cette pratique physique. En témoigne un jeu mis en place lors la Coupe du monde : les cartes « Firenze 2018 ».</p>
<p>Par ailleurs, ce temps de l’enfance est aussi à comprendre en référence à une certaine forme d’incertitude face au temps à venir. La mise en vie d’un univers fictionnel est un prolongement des littératures de genre (fantasy, SF) – que les quiddkids affectionnent – qui permettent l’immersion dans un autre monde. Le quidditch moldu est ainsi une façon de s’évader corporellement, par la re-création d’une pratique physique issue de l’imaginaire.</p>
<h2>La Belgique, vrai vainqueur ?</h2>
<p>La Coupe du monde 2018 se présente comme la face émergée de l’iceberg, en mettant en exergue la compétition internationale. Oscillant entre sport institué et activité physique revendiquant une opposition au sport <em>mainstream</em>, le quidditch repose sur une communauté de joueurs qui s’inscrivent entre recherche de <em>fun</em> et désir de performance sportive.</p>
<p>Pour autant, malgré la victoire des USA en finale, c’est l’équipe perdante que le public acclame. Même si l’équipe états-unienne se distingue par ses compétences techniques et physiques, les joueurs présents à Florence plébiscitent davantage la dimension affinitaire, l’équipe des États-Unis semblant peu assimilée au quidditch européen. Les véritables vainqueurs de cette Coupe du monde, pour la communauté du quidditch, ne seraient-ils pas, finalement, les Belges ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99918/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Tuaillon Demésy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faire du quidditch est un moyen de prolonger dans le présent des adultes un temps de l’enfance qui caractérise cette pratique physique.Audrey Tuaillon Demésy, Docteure en sociologie, maître de conférences en STAPS, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924452018-03-04T21:09:58Z2018-03-04T21:09:58ZPourquoi les Vikings nous fascinent-ils autant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208519/original/file-20180301-152552-3bs4c3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C28%2C1158%2C754&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ragnar Lothbrok, tel qu'il est représenté dans la série « Vikings ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://mythologian.net/ragnar-lothbrok-lodbrok-vikings-real-story-life-death-wives-children/">Mythologian net</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres : « Les Origines », qui se tiendra le 7 juin 2019 à l’ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l’événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>Depuis un peu plus d’une décennie, les Vikings sont partout. Dans une série télévisée à gros budget (<em>Vikings</em>, depuis 2013) et quelques autres un peu moins spectaculaires (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=WxPApTGWwas"><em>The Last Kingdom</em></a>, depuis 2015), des romans populaires (<a href="http://www.bernardcornwell.net/the-last-kingdom-series-formerly-the-warrior-chroniclessaxon-stories/">Bernard Cornwell, <em>The Saxon Chronicles</em></a>, depuis 2004), des jeux vidéo (<em>Viking : Battle for Asgard</em>, 2008), des mangas (<a href="https://mangarock.com/manga/mrs-serie-269001"><em>Vinland Saga</em></a>, depuis 2005), des ouvrages pseudo-historiques et <a href="http://www.lepoint.fr/histoire/les-vikings-en-gascogne-ce-n-est-pas-un-fait-historique-nouveau-25-02-2018-2197711_1615.php">parfois un brin complotistes</a> (Joël Supéry, <a href="http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-de-l-histoire/lintegrale-les-vikings-21022018-3580796"><em>La Saga des Vikings</em></a>, 2018), toute une scène musicale (le « Viking metal »)… La plupart des supports d’une certaine culture de masse contemporaine accordent une place de choix à ces fameux pirates scandinaves qui ont écumé les mers et les fleuves de l’Europe entre le VIII<sup>e</sup> et le XI<sup>e</sup> siècle. On lira d’ailleurs une excellente introduction sur les Vikings, vivante et à jour, dans le livre d’Anders Winroth, <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Au_temps_des_Vikings-9782707196514.html"><em>Au temps des Vikings</em></a>, dont j’ai eu le plaisir et l’honneur d’écrire la préface.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Rising to Asgärd », du « Viking metal ».</span></figcaption>
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<h2>Des hypervirils qui bataillent sans chichis</h2>
<p>Ces Vikings sont le plus souvent représentés comme des personnages hypervirils, barbus et chevelus en diable, exhibant des pectoraux avantageux ornés de tatouages que cachent à peine d’incroyables peaux de bêtes. Pour bien montrer qu’on ne la leur fait pas, scénaristes et costumiers prennent soin de ne plus les affubler de ces improbables casques à cornes qui ne les ont identifiés dans l’imagerie populaire <a href="https://fr.scribd.com/doc/51267328/Frank-Invention-of-Horned-Helmet">qu’à partir des années 1870</a>.</p>
<p>Mais en dehors de cela, tous les clichés et les poncifs sont permis, qu’ils se fondent ou non sur le discours des sources médiévales : cruauté, brutalité, ruse, cupidité, hostilité farouche à la religion chrétienne, cris de guerre effrayants, sacrifices humains…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208521/original/file-20180301-152559-18yca86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le roi Rollon (Rollo) dans la série <em>Vikings</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://mcetv.fr/mon-mag-culture/mon-mag-serie-tv/vikings-saison-5-rollo-bientot-de-retour-serie-1901/">MCETV</a></span>
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<p>Mais s’il est vrai qu’on les regarde pour se faire un peu peur et pour se persuader que l’on n’est pas, comme eux, des barbares et des sauvages, force est de reconnaître qu’on les admire aussi, ces Vikings : ils sont capables de franchir les mers sur leurs navires si rapides et si bien construits (que les connaisseurs se gardent bien d’appeler drakkars, terme parfaitement anachronique, inconnu avant le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle si l’on se fie au <em>Dictionnaire historique de la langue française</em>) ; ils découvrent l’Amérique cinq siècles avant Christophe Colomb ; ils sont malins, intelligents, bons commerçants (même s’ils vendent, entre autres, des êtres humains), grands conquérants ; leurs dieux exigent peut-être des sacrifices sanglants, mais ils ne sont pas aussi obtus, intolérants et pleutres que les rois, les évêques et les moines chrétiens abondamment caricaturés dans ces mêmes productions ; ils sont courageux, aguerris et endurcis par leurs rudes conditions de vie. Et surtout, ils se battent bien, sans chichis, à la loyale. Entre identification et rejet, la fascination est à double tranchant.</p>
<h2>Une mode révélatrice de notre époque</h2>
<p>Sociologues, politologues, psychanalystes et médialogues auraient sans doute bien des choses à dire sur ce que cette mode ambivalente autour la figure du Viking peut révéler de notre époque. Ils parleraient par exemple de l’angoisse ressentie par certains de nos contemporains face aux transformations de la masculinité et des rapports entre les sexes, et ils analyseraient l’érotisation trouble de ces guerriers (et, bien souvent, de ces guerrières) court vêtus.</p>
<p>Ils aborderaient la question des usages politiques qu’on fait aujourd’hui de ces hommes du Nord, en particulier <a href="https://www.scienceshumaines.com/au-dela-des-vents-du-nord_fr_33043.html">à l’extrême droite</a>, mais aussi dans certains milieux écologistes radicaux attirés par d’autres formes de <a href="http://revue-nordiques.com/fr/articles-en-pdf/97-le-neopaganisme-une-religion-de-la-secularisation.html">néo-paganisme</a>.</p>
<p>Ils signaleraient l’influence généralisée, du Japon au Brésil, de la culture anglophone, dont les sources se situent dans des îles du nord-ouest de l’Europe dont, précisément, l’histoire a été fortement marquée par leur présence. Ils pourraient enfin s’attarder sur l’omniprésence, à l’âge d’Internet, de la culture <em>geek</em>, du genre polymorphe de la <a href="https://www.fabula.org/actualites/a-besson-la-fantasy_19588.php"><em>fantasy</em></a>, et de tous les codes qui leur sont associés, en <a href="https://www.academia.edu/21431909/Le_Mythe_du_Viking_entre_r%C3%A9alit%C3%A9_et_fantasme">Scandinavie</a> comme dans le reste du monde. Tout cela serait vrai, et sans doute passionnant.</p>
<h2>Une fascination très ancienne</h2>
<p>L’historien que je suis se contentera cependant de noter que cette double image et ce double usage du Viking, à la fois repoussoir et modèle, ne sont pas vraiment nouveaux. On peut en effet l’observer tout au long de l’époque moderne et contemporaine.</p>
<p>En France, la figure du Viking a connu des hauts et des bas, avec des périodes <a href="http://opac.regesta-imperii.de/lang_en/anzeige.php?buchbeitrag=En+r%C3%AAves+et+en+images...+Les+Vikings+du+romantisme+au+r%C3%A9gionalisme&pk=2054014">d’enthousiasme</a> – comme aux environs de 1911, lors du <a href="http://1911-millenaire-normandie.over-blog.fr/">« millénaire de la Normandie »</a>, où se multiplient les images publicitaires de Vikings vendant du camembert ou des billets de train pour Deauville – et des moments de relatif désintérêt – comme au début du XIX<sup>e</sup> siècle, où l’on a beaucoup <a href="http://journals.openedition.org/rh19/4579">regardé du côté de Rome avant de se passionner pour les Celtes</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208524/original/file-20180301-152572-9k2m11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Festivités du Millénaire de la Normandie en 1911, à Rouen. Ici, le drakkar de Rollon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://normanring.forum-actif.net/t2383-1911-millenaire-de-la-normandie">normanring forum</a></span>
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<p>Dans l’Angleterre victorienne, les hommes du Nord ont été également admirés et rejetés. Païens, barbares et pillards, ils étaient les terribles envahisseurs d’une île-sanctuaire que les flots (une fois n’est pas coutume) n’avaient pas pu protéger. Mais on les voyait aussi comme ceux qui, par leur savoir-faire maritime et par leur violence même, avaient entraîné des réactions salutaires chez des rois anglo-saxons comme <a href="http://www.academia.edu/4313089/Asser_Histoire_du_roi_Alfred_.Pr%C3%A9sentation_et_traduction_dapr%C3%A8s_l%C3%A9dition_de_William_Henry_Stevenson_1904_">Alfred le Grand</a> (871-899), le <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781351959544/chapters/10.4324%2F9781315262932-35">héros absolu des manuels d’histoire victoriens</a> puisqu’on le présentait alors comme rien moins que le fondateur de la <em>Royal Navy</em>, de l’Université d’Oxford et de la littérature anglaise. À travers lui et comme en retour de leur brutalité, les Vikings auraient donc contribué à fonder la puissance maritime sur laquelle l’Empire britannique se construirait un jour. Enfin, les milieux libéraux (ou <em>whigs</em>) évoquaient avec complaisance leur sédentarisation pacifique dans l’île et leur contribution décisive à l’esprit égalitaire, démocratique et indépendant qu’ils prêtaient au peuple anglais.</p>
<p>Aux États-Unis enfin, les Vikings ont été populaires parmi les descendants des émigrants scandinaves, qui furent nombreux à gagner le Nouveau Monde dans les dernières décennies du XIX<sup>e</sup> siècle (voir par exemple, pour le cas de la Suède qui a fourni les <a href="https://trove.nla.gov.au/work/10842442?q&versionId=12663799">plus gros contingents d’émigrants</a>. Entre 1880 et 1950, on se mit à découvrir sur tout le territoire de l’Union un nombre significatif de stèles runiques, monnaies et autres objets de facture viking, et même une carte ancienne portant la mention du « Vinland » : tous ces objets prétendaient attester la réalité de la découverte du continent américain par les navigateurs de l’an 1000. Toutes ces découvertes, sans exception, <a href="http://www.sup.org/books/title/?id=6655">sont des faux</a>. Ainsi, seules les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Anse_aux_Meadows">fouilles</a> (cette fois-ci sérieuses et scientifiques) de l’<a href="http://whc.unesco.org/fr/list/4">Anse aux Meadows</a>, effectuées à partir de 1960 à Terre-Neuve, sont la preuve indubitable que les récits islandais de découvertes lointaines en direction de l’ouest contenaient une part de vérité.</p>
<h2>La création d’un mythe politique</h2>
<p>Mais remontons encore plus loin, vers le Moyen Âge lui-même. C’est précisément en Islande, entre le XII<sup>e</sup> et le XIV<sup>e</sup> siècle, que de grands poètes et écrivains comme <a href="http://www.orepeditions.com/765-article-snorri-sturluson---le-plus-grand-ecrivain-islandais-du-moyen-age.html">Snorri Sturluson</a> ont cherché à raconter l’histoire de ceux qu’ils regardaient comme leurs ancêtres.</p>
<p>L’Islande avait été peuplée à partir des années 870 par des colons venus en majorité de l’actuelle Norvège, mais aussi par des hommes et des femmes venus (de gré ou de force) d’Irlande et du nord de la Grande-Bretagne. Cette double origine géographique des Islandais n’intéressait guère ces auteurs médiévaux, qui ont préféré se représenter comme les descendants de héros scandinaves d’autrefois, grands guerriers et grands navigateurs.</p>
<p>Comme dans tout mythe d’origine, cette image était à la fois vraie et fausse, incomplète en tout cas. Dans les <a href="https://books.google.fr/books/about/La_mati%C3%A8re_du_Nord.html?id=_9nPAAAAIAAJ&redir_esc=y">sagas dites légendaires</a>, comme la <a href="http://www.editions-anacharsis.com/Saga-de-Ragnarr-aux-Braies-velues"><em>Saga de Ragnarr aux braies velues</em></a> et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dit_des_fils_de_Ragnarr"><em>Dit des fils de Ragnarr</em></a>, que des auteurs anonymes ont composés au cours du XIII<sup>e</sup> siècle, les héros vikings sont déjà ces personnages ambivalents, à la fois féroces et vaillants.</p>
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<p>Or cette saga est celle qui a le plus inspiré la récente série <em>Vikings</em>, qu’on pourrait en fin de compte regarder comme une saga légendaire comme une autre. Tout cela n’est, quand on y réfléchit, guère original : pour les Islandais chrétiens du Moyen Âge, leurs prédécesseurs vikings étaient certes barbares et païens, mais c’étaient leurs ancêtres et ils ne pouvaient être entièrement mauvais. Le roman national français n’en disait-il pas autant de « nos ancêtres les Gaulois » ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alban Gautier a reçu des financements de l'Université de Caen Normandie et de l'Institut universitaire de France. </span></em></p>Séries, romans, jeux vidéo, musique… Depuis un peu plus d’une décennie, les Vikings sont partout. Comment expliquer cet engouement ?Alban Gautier, Historien, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/899442018-01-25T21:21:03Z2018-01-25T21:21:03ZDes mythes nordiques aux jeux en ligne : étudier les dynamiques culturelles <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201824/original/file-20180113-101495-elm3su.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conan joue le jeu.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rémi Malingrëy</span></span></figcaption></figure><p>l_En décembre dernier, l’Université de Lorraine a distingué huit de ses docteurs par ses <a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/taxonomy/term/4807">prix de thèse 2017</a>. Parmi eux, Laurent Di Filippo a été récompensé au titre de l’<a href="https://www.adum.fr/as/ed/page.pl?site=edFBraudel&page=accueil">école doctorale Fernand Braudel</a> pour sa thèse réalisée au <a href="http://crem.univ-lorraine.fr">Centre de recherche sur les médiations</a>, en co-tutelle avec l’Université de Bâle, et qui s’intitule <a href="http://docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2016_0213_DI_FILIPPO.pdf">« Du mythe au jeu. Approche anthropo-communicationnelle du Nord. Des récits médiévaux scandinaves au MMORPG “Age of Conan : Hyborian Adventures” »</a>_.</p>
<hr>
<p>Incarner des Vikings pour construire des bateaux et piller des villages par-delà les mers, combattre des géants du givre, empêcher le <a href="http://www.legrog.org/jeux/asgard/asgard-fr">Ragnarök</a>, invoquer la puissance d’<a href="http://fr.finalfantasy.wikia.com/wiki/Odin">Odin</a>… Les références aux récits médiévaux scandinaves et à ce qu’on appelle couramment les mythes nordiques sont extrêmement nombreuses dans les jeux contemporains. Le jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs <em>Age of Conan : Hyborian Adventures</em> n’y fait pas exception.</p>
<p>Mais comment des éléments issus de manuscrits médiévaux produits par une élite intellectuelle islandaise aux XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles sont-ils devenus des composantes des productions des industries culturelles et créatives, intégrant une culture contemporaine populaire et mondialisée ? Cette question en implique une autre, plus large, qui consiste à comprendre les modes de transmission, de diffusion de la culture, ainsi que ses évolutions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201543/original/file-20180110-46721-gkz1q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le père du givre enchaîné. « Age of Conan : Hyborian Adventure » (Funcom, 2008).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Di Filippo</span></span>
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<h2>Retour aux sources</h2>
<p>Pour aborder cette problématique, il est important de revenir sur les sources des récits médiévaux scandinaves. Derrière l’image d’apparente homogénéité à laquelle renvoient les appellations de <a href="http://www.scilogs.fr/invivo-invitro/recits-nordiques-universalisme-mythes/">« mythes nordiques »</a> ou « mythologie nordique » se trouve une diversité de récits parfois contradictoires. Leur fonction n’est pas religieuse – les récits que l’on désigne par le terme mythes ne décrivent pas forcément les croyances d’un peuple.</p>
<p>L’une des sources plus connues de la mythologie nordique, l’<a href="http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/erlis/traductionsISLANDAIS/edda2"><em>Edda en Prose</em></a> de Snorri Sturluson, est en réalité un manuel de poésie rédigé plus de 200 ans après la christianisation de l’Islande. De plus, en vieux norrois – la langue des Scandinaves à l’époque médiévale – le terme <a href="http://www.scilogs.fr/invivo-invitro/recits-nordiques-universalisme-mythes/">mythe</a> n’existe pas et il n’y a pas de terme basé sur la racine grecque <em>mythos</em>. Cette notion est une invention plutôt récente, datant de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle et les sources norroises utilisent le plus souvent le terme <em>sögur</em>, pluriel de <em>saga</em>, pour évoquer leur contenu. Ce mot désigne des récits ou des histoires, indépendamment du fait qu’elles soient fictionnelles ou non.</p>
<p>En outre, la diffusion de ces textes ne s’est pas faite de manière linéaire. Au contraire, l’histoire de leur diffusion jusqu’à nos jours est faite de multiples ramifications, parfois même de retour en arrière. Dans <a href="http://www.theses.fr/2016LORR0213">mon travail de recherche</a>, j’ai appelé ce phénomène un processus de <em>continuité non linéaire</em>, pour montrer que s’il est important de considérer la dimension historique des phénomènes culturels, il ne faut cependant pas se limiter à suivre bêtement la « flèche du temps ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=749&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201546/original/file-20180110-46718-uovw30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le « Skírnismál », l’un des poèmes eddiques de l’Islandais Snorri Sturluson (1179-1241).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Edda_de_Snorri#/media/File:Sk%C3%ADrnism%C3%A1l-748-2v.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’histoire d’une franchise et la construction du canon</h2>
<p>L’étude de l’histoire de la réception des sources nous mène jusqu’au XX<sup>e</sup> siècle. Le jeu <em>Age of Conan : Hyborian Adventures</em> (Funcom, 2008) se fonde sur les écrits de l’auteur texan <a href="http://www.robert-e-howard.fr/Pages/Robert-E-Howard.php?Page_Contenu=1">Robert Ervin Howard</a> publiés dans les années 1930, qui mettent en scène les aventures de son héros Conan, le fameux barbare que beaucoup connaissent à travers l’incarnation d’Arnold Schwarzenegger <a href="http://www.omdb.org/movie/9387-conan-the-barbarian">au cinéma</a>. Ce jeu en ligne est donc un produit qui s’inscrit au sein d’une franchise médiatique dont les développements nécessitent de tenir compte des stratégies commerciales des entreprises qui les développent.</p>
<p>Dans ce cadre, la volonté de certains acteurs des <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/champs-arts/art/les-mondes-de-l-art">« mondes de l’art »</a> dans lesquels s’inscrivent les productions de la franchise Conan influence la réception des références aux mythes nordiques. Une des nouvelles de Conan où l’on retrouve le plus d’éléments issus des récits médiévaux scandinaves, intitulée <em>La fille du géant du gel</em>, a vu ainsi sa légitimité changer au cours du temps. Rédigé comme une histoire de Conan, ce récit avait tout d’abord été refusé par l’éditeur du magazine <em>Weird Tales</em> en 1932. Howard change alors le nom du héros et modifie légèrement la nouvelle pour la publier dans un autre magazine, <em>The Fantasy Fan</em>, sous le titre <a href="http://gutenberg.net.au/ebooks06/0600751.txt"><em>Gods of the North</em></a> en mars 1934. En 1953, ce texte sera réintégré dans la liste des nouvelles de Conan dans une anthologie publiée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lyon_Sprague_de_Camp">Lyon Sprague de Camp</a>, qui en profite pour en réécrire quelques morceaux. Suite à cela, elle devient même une histoire représentative des aventures du barbare. En effet, elle fut utilisée dans un manuel de jeux vidéo comme exemple typique de récit mettant en scène le héros Cimmérien, invitant les joueurs à acheter les nouvelles éditions des textes de l’auteur texan.</p>
<p>De nombreux éléments nordiques du jeu de rôle en ligne <em>Age of Conan</em> sont aujourd’hui tirés de cette nouvelle, notamment dans une zone de jeu appelée « la Passe d’Ymir » (voir vidéo ci-dessous). C’est pour cela que <em>La fille du géant du gel</em> est aujourd’hui considérée comme faisant pleinement partie du canon de l’univers de Conan, malgré le refus dont elle avait fait l’objet lorsque Robert E. Howard l’avait proposée pour la première fois au magazine <em>Weird Tales</em>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/flHaCyQWojE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Contenus ludiques et références mythiques</h2>
<p>Dans le jeu en lui-même justement, les références aux récits médiévaux scandinaves apparaissent de multiples manières. Pour ne citer qu’une poignée d’exemples, on en retrouve :</p>
<ul>
<li><p>dans les personnages tels que les barbares, chez qui on reconnaît des traits des <em>Berserkir</em> des Sagas,</p></li>
<li><p>dans les monstres que les joueurs affrontent, comme les Géants du gel,</p></li>
<li><p>dans les personnages que les joueurs rencontrent, comme Niord, un personnage inspiré par le dieu Njord des textes norrois,</p></li>
<li><p>dans les paysages enneigés du Nord de l’Âge Hyborien et l’architecture des <a href="http://laurent.di-filippo.fr/?page_id=387">maisons</a> inspirées par les <em>långhus</em> scandinaves,</p></li>
<li><p>dans la musique et notamment le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OgWlN_CWUco">thème principal du jeu</a> dont les paroles empruntent certains vers à un poème médiéval issu de l’<em>Edda poétique</em>,</p></li>
<li><p>dans les événements saisonniers, tels qu’un événement spécial Noël où les joueurs aident le peuple des Aesir à repousser leurs ennemis Vanir. Ces deux peuples font référence aux deux familles de dieux des sources nordiques,</p></li>
<li><p>et aussi, par les apports des joueurs eux-mêmes, par exemple dans les noms de leurs personnages ou de leurs guildes.</p></li>
</ul>
<p>Cette multitude de références montre qu’un jeu comme <em>Age of Conan</em> doit être exploré dans tous ses aspects pour qui veut se faire une idée des différentes manières dont des sources textuelles peuvent, au cours du temps, être reprises sous une variété de formes. La culture, en ce sens, est multidimensionnelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1162&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1162&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1162&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201547/original/file-20180110-46700-1gr90y0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niord, un personnage-non-joueur. « Age of Conan : Hyborian Adventures » (Funcom, 2008).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Di Filippo</span></span>
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</figure>
<h2>Penser la communauté des joueurs</h2>
<p>Une culture n’est pas un modèle ou un ensemble de normes que les individus ne feraient qu’appliquer. Pour comprendre les dynamiques culturelles et plus spécifiquement la construction d’une communauté de joueurs, il faut préciser que le jeu est régulièrement mis à jour. Tous les joueurs n’ont pas forcément la même expérience du jeu et n’ont donc pas fait l’expérience des différentes références aux récits scandinaves de la même manière. Loin de l’idée qu’une communauté de joueurs serait parfaitement uniforme, il faut donc considérer autant les processus qui contribuent à construire des similarités que ceux qui amènent à des différences. Il est alors plus pertinent d’essayer de comprendre comment des expressions locales, c’est-à-dire des manifestations qui ont lieu lors de situations sociales précises, font référence à un ensemble plus large qui serait désigné comme une « culture ». Autrement dit, il faut chercher ce qui « fait culture » plutôt que de décréter que celle-ci existe comme un allant de soi.</p>
<p>Contrairement aux idées reçues, la culture, si tant est qu’une telle chose existe, ne doit pas être comprise comme quelque chose de fixe dont il s’agit de défendre fermement les frontières, mais au contraire comme le résultat de dynamiques et d’actualisations constantes qui participent à ses transformations.
eft</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89944/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Di Filippo a reçu des financements de l'Institut Suédois/Svenska Institutet.
Laurent Di Filippo est membre de l'Association pour les études nordiques (APEN), du groupe Valland, et de l'association Modernités médiévales.</span></em></p>Comment des éléments issus de manuscrits médiévaux produits par une élite intellectuelle islandaise aux XIIᵉ et XIIIᵉ siècles ont-ils intégré une culture contemporaine populaire et mondialisée ?Laurent Di Filippo, Chargé de recherche en sciences de l'information et de la communication Ernestine, Strasbourg., Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/849882017-10-10T19:30:14Z2017-10-10T19:30:14ZLa magie entre les murs : à l’école des sorciers, ombrunes et autres daemons<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188397/original/file-20171002-12132-nhgt2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dernier opus de la saga (vendue à 450 millions de lecteurs), 'Harry Potter et l'enfant maudit' est issu d'une pièce de théâtre.</span> <span class="attribution"><span class="source">MANJUNATH KIRAN / AFP" </span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Notre monde si technocentré a-t-il furieusement, inlassablement, besoin de magie ? Force est de constater que la magie entendue ici au sens large de fantasy, de surnaturel, du règne de l’occulte, ne connaît pas la crise. Partout, en tous lieux, elle croît et embellit, se faisant même envahissante et omnivore, vampirisant cinéma, littérature de jeunesse et produits dérivés.</p>
<p><a href="https://books.google.fr/books?id=Vt1t7dm0wZ4C&pg=PA219&lpg=PA219&dq=%C2%AB+Pour+une+po%C3%A9tique+du+r%C3%A9alisme+magique+%C2%BB,&source=bl&ots=sy2oq8FQ44&sig=HnxBCm-TWz7FRkrfq8pQjfwJ34o&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjU_9WgqtHWAhWFuBoKHSBdC9oQ6AEIJjAA#v=onepage&q=%C2%AB%20Pour%20une%20po%C3%A9tique%20du%20r%C3%A9alisme%20magique%20%C2%BB%2C&f=false">Le réalisme magique</a>, qu’on croyait solidement installé en Amérique latine, avec les romans des Mexicains Carlos Fuentes, Juan Rulfo, le Colombien Gabriel Garcia Marquez, l’Argentin Julio Cortazar, ou en Inde, a même migré jusqu’aux rivages de New York, par exemple à la lecture de l’avant-dernier opus de Salman Rushdie, <a href="http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/deux-ans-huit-mois-et-vingt-huit-nuits"><em>Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits</em></a>.</p>
<p>Or, depuis plusieurs années, ce monde extraordinaire a élu domicile au sein de l’enceinte du <em>college</em> et/ou du pensionnat, devenus univers privilégiés de la littérature magico-héroïque.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1120&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1120&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188389/original/file-20171002-12138-1op61a5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1120&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La trilogie désormais culte « A la croisée des mondes » de Philip Pullman fête ses 20 ans tandis que l'auteur publie la suite « Book of Dust » en octobre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/531209/the-golden-compass-20th-anniversary-edition-by-philip-pullman/9781101934661/">Penguin House</a></span>
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<p>On songe à Poudlard, bien évidemment, mais aussi à Jordan College (l’Oxford romancé d’<em>A la croisée des mondes</em>, de Philip Pullman) ou bien encore au pensionnat de Cairnhorn, Pays de Galles, où se situe l’intrigue de <em>Miss Peregrine et les enfants particuliers</em>, récit de <a href="http://www.ransomriggs.com/">Ransom Riggs</a> adapté avec succès au cinéma par Tim Burton en 2016.</p>
<p>Citons encore Larward House, théâtre de <em>Witch Week</em> (1982), de Diana Wynne Jones, <em>Cackle’s Academy for Witches</em>, au centre de la série de romans écrits et illustrés <a href="https://www.penguin.co.uk/puffin/series/WOR/the-worst-witch/">par Jill Murphy</a>, sous le signe de <em>The Worst Witch</em> (1974).</p>
<p>Jamais le milieu éducatif, au titre du substrat professionnel, ne s’est autant prêté à l’exploitation d’un tel filon, à croire qu’il était devenu urgent d’enchanter ou de ré-enchanter toute une génération issue des bancs de l’école. Le phénomène a de quoi intriguer, aussi se propose-t-on d’y regarder de plus près.</p>
<h2>Frissoner dans la classe</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188392/original/file-20171002-4693-joaoa4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1125&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« The Fifth Form at St Dominic's », de Talbot Baines a été longtemps un classique du genre « pensionnat ».</span>
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<p>Pourtant, le <em>boarding-school novel</em> (roman de pensionnat) n’a rien de nouveau. Les beaux jours du genre remontent au temps des <em>Tom Brown’s School Days</em> (1857), de Thomas Hughes, prolongés par Talbot Baines Reed, avec <em>The Fifth Form at St Dominic’s</em> (1887), puis par Rudyard Kipling, sur le mode satirique, avec <em>Stalky & Co.</em> (1899). On peut y voir une étape obligée de l’évolution du genre du roman d’apprentissage, dont les <em>campus novels</em> de David Lodge, drôlatiques satires des mœurs universitaires (<a href="http://www.payot-rivages.net/livre-numerique_Trilogie-du-campus-David-Lodge_ean13_9782743628055.html"><em>Changement de décor, Un tout petit monde, Jeu de société</em></a>, 2002, Rivages), seraient un autre avatar.</p>
<p>Mais la différence vient de ce que, désormais, les établissements en question se mettent à accueillir la magie entre leurs murs.</p>
<p>La magie n’y est plus « hors-là », selon l’expression chère à Maupassant, mais s’y trouve logée à demeure, pour le pire et le meilleur. Signe des temps, et drôle de paradoxe, assurément. Alors que dans les cultissimes « Chroniques de Narnia », l’établissement scolaire était le purgatoire dont il convenait de s’échapper au plus vite, en poussant la porte d’une armoire à plusieurs fonds, la magie, désormais, a son gîte, son couvert, et peut-être même son rond de serviette, à l’école.</p>
<p>Pour un peu, on la dirait assignée à résidence, quand elle n’est pas ouvertement transformée en matière d’enseignement, à valider selon des modalités qui ont plus à voir avec la lourde diplomation mise en place par le processus de Bologne qu’avec la féérie des <em>Mille et une Nuits</em>.</p>
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<span class="caption">Dans le « Club des Cinq » d'Enid Blyton, l'aventure se poursuit en dehors de la classe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/search?q=club+des+5&rlz=1C5CHFA_enFR710FR710&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjYmrSkq9LWAhWF7hoKHea7CbQQ_AUICigB&biw=1440&bih=759#imgrc=hyEGK8m7UCsZmM:">Actualitté</a></span>
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<p>Autrefois, encore, dans les romans de la série du « Club des Cinq » ou du « Clan des Sept », les enfants se retrouvaient, une fois que l’école était finie ; c’est alors, et alors seulement, que débutait, avec les vacances, le règne « de ce qui n’existe pas encore », de ce « quelque chose qui est à la fois absolument inconnu et absolument inévitable » que Jacques Rivière <a href="https://www.uni-due.de/lyriktheorie/texte/1913_riviere1.html">nomme esprit d'aventure</a> (Jacques Rivière, <em>Le roman d’aventure</em>, 1913).</p>
<p>Dans la fiction d’aujourd’hui, l’aléa et son frisson s’enseignent en classe, à la rigueur à la récréation ou après les cours, et ce sont les congés loin de Poudlard qui sécrètent l’ennui.</p>
<h2>La magie qu’on mérite</h2>
<p>L’inversion du processus ne manque pas d’interroger, car elle vient notamment remettre en cause l’esprit post–Mai 68 anti-autoritaire, anti-institutionnel, hostile à l’idée qu’on puisse enfermer le savoir entre quatre murs.</p>
<p>Quelques grandes pointures, de l’université et de l’establishment littéraire anglo-saxon, ont des idées très (trop ?) arrêtées sur la question. Le critique littéraire <a href="http://www.heraldscotland.com/news/12773106.Harry_Potter_and_the_Money_Making_Machine/">Harold Bloom</a> et la romancière <a href="http://www.nytimes.com/2003/07/07/opinion/harry-potter-and-the-childish-adult.html?mcubz=3">A.S. Byatt</a>, qui ont fustigé J.K. Rowling entre autres, lui reprochent un appauvrissement généralisé, mondialisé pourrait-on même ajouter, de l’imaginaire des adolescents fans de Harry Potter, mais aussi des adultes, jeunes et moins jeunes, qui leur emboîtent le pas.</p>
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<span class="caption">« Les Chroniques de Narnia » et Harry Potter sont traduits dans de nombreuses langues.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/livre-collection-2612702/">KatrinaS/Pixabay</a></span>
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<p>La magie des sorcières et sorciers de Poudlard, tonnent-ils, est « à l’image de notre temps ». On a la magie qu’on mérite, lit-on entre les lignes.</p>
<p>Une magie au rabais, scolaire, livresque, tâcheronne, <a href="http://www.academia.edu/1250064/_Le_monde_animal_Heidegger_et_von_Uexk%C3%BCll_">pauvre en monde, en Umwelt</a> ; un ersatz de magie, pour une génération élevée à la télé-réalité, aux cartoons, aux sitcoms et séries télévisés, qui n’a connu que la jungle urbaine, et dont le sens du sauvage et du mystérieux se confond avec les effets spéciaux de Hollywood.</p>
<p>On laissera à Byatt et Bloom la responsabilité de leurs jugements, objectivement élitistes et passablement méprisants. On préférera les prendre au pied de la lettre. Harry Potter, Miss Peregrine, <em>The Book of Dust</em> de Philip Pullman – dont la sortie mondiale est <a href="https://www.theguardian.com/books/booksblog/2017/sep/19/philip-pullman-you-ask-the-questions">annoncée pour le 19 octobre 2017</a> –, ancrés dans la magie de notre temps ? Et comment pourrait-il en être autrement ?</p>
<h2>Réconforts</h2>
<p>En quoi, de fait, une génération traumatisée par la crise et le chômage de masse pourrait-elle se permettre de faire l’économie d’une survalorisation de l’école ?</p>
<p>L’investissement imaginaire et affectif dans la figure de l’enseignant-sorcier relève d’une illusion, assurément, dès lors qu’on ne s’interroge pas sur les conditions objectives de l’exercice de son métier, tout comme il est important de ne pas donner prise aux fantasmes et aux projections des parents, trop heureux de voir que leurs chères têtes blondes (et brunes) se passionnent pour des histoires « écolières » plutôt que « buissonnières ».</p>
<p>La pensée magique peut, aussi, avoir du bon. Ne crachons pas sur le réconfort – là où A.S. Byatt parle de « confort » – qu’il y a à se savoir pris en main, fictivement, par les professeurs qui défilent à Poudlard, sans oublier Dumbledore, leur directeur, ou protégés par Miss Alma Lefay Peregrine des affreux monstres qui s’en prennent aux yeux de ses élèves-pensionnaires.</p>
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<span class="caption">Albus Dumbledore, tour à tour malicieux, sage et réconfortant, incarne aussi l'émancipation intellectuelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pottermore.com/features/the-chapter-that-made-us-fall-in-love-with-albus-dumbledore">Pottermore</a></span>
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<p>On peut être certain que les jeunes lecteurs s’y entendent à démêler leurs desseins, dont tous ne relèvent pas de la magie blanche, et qu’il convient de leur faire absolument confiance. Il s’en trouveront, cela dit, pour estimer que la figure d’un Mr. Keating, le bien peu conventionnel professeur du <em>Cercle des poètes</em> disparus, procède d’un charisme plus réaliste, pour le coup, en ce qu’il met au service de ses jeunes élèves et de la difficile métamorphose (« émancipation intellectuelle », diraient les philosophes) qui les attend, son verbe et sa culture, soit une tout autre forme de magie, du reste bien peu opérante, au vu du dénouement…</p>
<p>Faut-il aller jusqu’à prétendre que la magie et l’école sont les deux faces d’une même pièce ? C’est un peu ce que tout ce bric-à-brac magico-pédagogique tendrait nous faire croire. On ne tombera pas dans ce panneau-là. Il faut le dire, avec force de surcroît : l’ardoise magique, la sorcellerie pour les Nuls, l’apprentissage sans peine (et sans reproche), en deux ou trois formules passe-partout, tout cela relève bel et bien de la poudre de perlimpinpin. Ne nous trompons pas sur ce qu’il faut attendre de l’école. D’une part, il faut bien plus qu’un coup de baguette magique pour faire sienne l’exigence de discipline et d’apprentissage des savoirs dont elle est porteuse ; d’autre part, elle se perdrait s’il lui prenait fantaisie de se tourner vers la vogue actuelle de la thérapie, du coaching et du développement personnel venue tout droit des États-Unis.</p>
<h2>Romantisme et superpouvoirs</h2>
<p>Reste un fond de vérité que ces romans et films portent diversement en bandoulière : les « enfants particuliers » qui en constituent le centre, avec leurs mille et un dons, talents, pouvoirs, daemons, anges gardiens, etc., racontent une histoire commune d’<em>empowerment</em>, à rebours des plaisirs immatures et régressifs qu’ils entretiennent par ailleurs.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tV_IhWE4LP0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film de Tim Burton, « Miss Peregrine et les enfants particuliers » où l'empowerment est celui des enfants.</span></figcaption>
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<p>Empowerment, le concept est anglophone et désigne un processus, presque une dialectique, menant, l’un comme l’autre, vers une montée en puissance des ressources et des facultés latentes chez l’enfant.</p>
<p>Bien sûr, il est inséparable d’une réflexion, ultra contemporaine, sur l’homme « augmenté », transhumain, mais il est bon de se souvenir que la croyance dans les « superpouvoirs » de l’enfant vient de loin.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188543/original/file-20171003-739-rz2zi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« The echoing green », poème issu du recueil, « Songs of Innocence and of Experience » (1789), planche de 1825, William Blake.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Echoing_Green#/media/File:Songs_of_Innocence_and_of_Experience,_copy_Y,_1825_(Metropolitan_Museum_of_Art)_object_6.jpg">Metropolitan Museum of Art/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
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<p>Elle vient du romantisme, au temps de <a href="https://www.parisnanterre.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1348818740514">William Blake</a> et de William Wordsworth, pour qui l’enfant était le <a href="https://www.poets.org/poetsorg/poem/my-heart-leaps">père de l'homme</a>.</p>
<p>Elle plonge ses racines dans le rêve d’un <a href="https://plato.stanford.edu/entries/novalis/">Novalis,</a> philosophe et partisan de romantiser le monde : « romantiser, écrivait-il, n’est rien d’autre qu’une potentialisation qualitative ».</p>
<p>Cette opération, encore totalement inconnue en 1798, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/salman-rushdie-alexis-massery/9782020215176">deviendra clef</a> à travers l’un des romans majeurs de Salman Rushdie.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188413/original/file-20171002-12163-1oviwe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">‘Les enfants de minuit’ paru en 1981 recevra le Booker Prize la même année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.salmanrushdie.com/midnights-children/">Salman Rushdie</a></span>
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<p>Ses « enfants de minuit », nés dans la nuit magique de l’indépendance indienne, le 15 août 1947, et dotés de pouvoirs plus abracadantesques les uns que les autres, avaient trouvé un lieu où se réunir et dialoguer, avant d’en être brutalement évincés.</p>
<p>Ce lieu n’était pas une école, pas un pensionnat, mais un parlement. Le parlement des voix, multiples autant que conflictuelles, à l’image de la démocratie indienne.</p>
<p>Histoire de rappeler que dans l’usage qui, hier autant qu’aujourd’hui, est fait du merveilleux, la dimension politique se doit d’être première si l’on tient à ce que la magie n’y soit pas de pure pacotille. Et c’est ainsi qu’à Poudlard comme à Jordan College, on apprend à battre en brèche les visées totalitaires qui prennent pour cible prioritaire les plus « particuliers » des enfants. Extension du domaine de la lutte à la magie, vous disait-on…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Porée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Notre monde a furieusement besoin de magie. Or celle-ci s’immisce aujourd’hui à travers la littérature extraordinaire dans notre quotidien, et avant tout à l’école.Marc Porée, Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/616172016-06-30T21:06:28Z2016-06-30T21:06:28ZDes lutins écolos : quand la fiction reflète les problématiques sociétales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128683/original/image-20160629-15285-1w9huzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paysage typique d’œuvre du genre fantasy.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rlfantasy/4703795262">RL Fantasy/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On observe depuis quelques années dans notre société une volonté de retrouver un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Cette dynamique a été enclenchée après la Seconde Guerre mondiale, alors que la population a pris conscience des conséquences néfastes d’une industrialisation à trop grande échelle. C’est en effet en 1951 que L’<a href="http://www.iucn.org/fr/secretariat/%C3%A0-propos">Union internationale pour la conservation de la nature</a> publie le premier rapport sur l’<a href="https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/1951-002.pdf">état de l’environnement dans le monde</a>.</p>
<h2>Des écofictions aux écoféeries</h2>
<p>L’imaginaire populaire semble se faire le reflet des avancées politiques sur l’environnement en parallèle desquelles il se développe. Se sont multipliés ces dernières années des scénarios apocalyptiques ou post-apocalyptiques sur tous supports médiatiques – cinéma, télévision, romans, bandes dessinées, etc. Ces œuvres peuvent être qualifiées d’<a href="http://www.fabula.org/actualites/c-chelebourg-les-ecofictions-mythologies-de-la-fin-du-monde_50423.php">écofictions</a>, pour reprendre le terme de <a href="http://www.cerli.org/annuaire-christian-chelebourg.php">Christian Chelebourg</a>, c’est-à-dire des fictions développant une pensée écologique.</p>
<p>Elles dénoncent souvent l’aspect négatif de l’impact anthropique sur la planète en mettant en scène des hommes jouant un rôle dans la destruction de leur environnement, ce qui les conduit à leur propre perte. Parmi ces œuvres, on recense des récits de catastrophes naturelles, de pandémies ou autres invasions de zombies, mais également des fictions féeriques. Cela est plus surprenant, tant on a l’habitude de les considérer comme relevant du conte de fées que l’on réserve aux plus jeunes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128685/original/image-20160629-15248-1yftxsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hobitton, le village reconstitué pour l’adaptation du « Seigneur des anneaux », œuvre issue de l’imaginaire de J.R.R. Tolkien.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/96147639@N00/338139175/">Rob Chandler/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, les écoféeries sont de plus en plus nombreuses depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, période pendant laquelle la <em>fantasy</em> a fait son apparition en France par le biais de traductions de textes anglo-saxons. Ce phénomène semble lié au succès des œuvres de <a href="http://www.tolkiendil.com/tolkien/bio">Tolkien</a>, écologiste avant l’heure, et des vagues du <em>New Age</em> et du <a href="http://www.euroconte.org/fr-fr/anthropologiedelacommunicationorale/lalitt%C3%A9ratureorale/lhistoiredelalitt%C3%A9ratureorale/lesnouveauxconteurs.aspx">néo-contage</a> qui, dans les années 1960-1970, ont tenté de réenchanter le monde en renouvelant son imaginaire.</p>
<p>Il s’agit donc d’une période pendant laquelle les membres de notre société ont eu besoin de retrouver une spiritualité et un imaginaire leur permettant de s’échapper du monde contemporain. Ils peuvent désormais retrouver, le temps du récit, des modes de vie et de pensée traditionnels. C’est comme si la lecture et les activités apparentées – car elles entraînent une immersion fictionnelle – permettaient un retour aux sources de l’humanité vers une période où l’Homme vivait en harmonie avec la nature, telle que la louent Tolkien et, dans sa lignée, de nombreux auteurs contemporains.</p>
<h2>De l’origine des êtres féeriques</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128687/original/image-20160629-15282-1ihzo31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les fées portent la voix des fleurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.elfwood.com/u/sandholm/image/f532c710-2612-11e4-9924-dd4623224164/little-fairy-girl">Jannie Sandholm</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les êtres féeriques tirent leurs origines de nombreuses mythologies dans lesquelles ils apparaissent comme une personnification de la nature. Ce sont des naïades qui représentent l’humeur d’un fleuve ; des fées qui s’expriment au nom de quelques fleurs ; ou encore des <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/kobolds">kobolds</a> qui figurent le mécontentement des pierres taillées dans les mines.</p>
<p>Dans les œuvres contemporaines, ces personnages sont souvent les protagonistes de guerres les opposant aux hommes qui n’ont d’autre but que de les anéantir. Beaucoup d’ouvrages présentent ainsi la disparition du dernier membre d’une espèce (comme <a href="http://www.babelio.com/livres/Lambert-Le-dernier-des-Elfes/496163"><em>Le dernier des elfes</em></a> de Christophe Lambert ou <a href="http://www.babelio.com/livres/Huguet-Le-dernier-roi-des-elfes/195789"><em>Le dernier roi des elfes</em></a> de Sylvie Huguet), souvent liée à la destruction de son environnement, si bien qu’il est difficile de savoir si c’est l’extermination des êtres féeriques qui cause la destruction des espaces naturels, ou l’inverse. Mais quoi qu’il en soit, l’humanité en est généralement la cause.</p>
<h2>Nostalgie d’un monde prétechnologique</h2>
<p>Transparaît à travers ces récits le dialogisme de l’Homme contemporain qui, à la frontière entre deux siècles, entre deux millénaires, semble hésiter entre la nostalgie de son existence passée et une volonté d’évolution de plus en plus rapide et performante.</p>
<p>Cette dichotomie s’illustre par le biais d’une opposition entre la magie qui représente une période prétechnologique, et le présent, symbolisé par la modernité. Ainsi, dans <a href="http://www.babelio.com/livres/Bordage-Lenjomineur--1792/7088"><em>L’Enjomineur</em></a> de Pierre Bordage, les personnages féeriques représentent le monde d’avant la Révolution française que cette dernière tente d’effacer en éclairant le peuple de ses lumières. Dans <a href="http://www.babelio.com/livres/Heliot-Faerie-Hackers/25738"><em>Faerie Hackers</em></a> de Johan Heliot, les nouvelles technologies – ici les jeux vidéo – sont même utilisées pour anéantir la féerie. La destruction des peuples féeriques signalerait alors la volonté humaine d’effacer son passé aux dépens des conséquences néfastes d’un tel acte, quand la paix et l’acceptation de ces peuples représenteraient l’envie de faire renaître cet âge d’or au sein duquel l’Homme vivait en harmonie avec la nature.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128688/original/image-20160629-15251-ctowsy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le jeu vidéo « Trine » fait évoluer trois personnages dans un univers fantastique délaissé par la population d’un royaume autrefois prospère.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Trine_2#/media/File:Trine_2_-_Deadly_Dustland_Three_Heroes.jpg">Wikimédia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela est très clairement illustré dans <a href="http://www.noosfere.org/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146571054"><em>Requiem pour elfe noir</em></a> de John Gregan où les hommes ont abandonné leur ville en laissant derrière eux leurs rebuts, dans lesquels les personnages féeriques essayent de survivre. De même, dans <a href="http://www.babelio.com/livres/Noirez-Feerie-pour-les-tenebres--Integrale-1/373715"><em>Féerie pour les ténèbres</em></a> de Jérôme Noirez, le monde a été totalement transformé par les êtres humains : il a perdu sa magie et les déchets technologiques de l’humanité s’échappent des sous-sols terrestres, remplaçant ainsi la pousse de la végétation.</p>
<p>L’impact de l’Homme sur la planète y est finalement devenu aussi naturel que le changement des saisons. Dans <a href="http://www.babelio.com/livres/Bottero-Le-Chant-du-Troll/222797"><em>Le chant du troll</em></a> de Pierre Bottero et Gilles Francescano, enfin, est établi le parallèle entre un monde réel où la ville est grise, impersonnelle, déshumanisée et dénaturée, monde où les enfants tombent malades et meurent, avec un univers onirique magique, beau et verdoyant qui rend la mort plus enviable que la vie. Au fur et à mesure que la végétation et les personnages féeriques envahissent la ville, le bonheur de l’héroïne va ainsi en s’accroissant.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=827&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=827&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=827&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1039&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1039&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128691/original/image-20160629-15248-s71j0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1039&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture du premier album de la série « Fée et tendres automates ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.bedetheque.com/serie-837-BD-Fee-et-tendres-automates.html">BD Gest’</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ces œuvres comme beaucoup d’autres, il s’agit de rappeler aux lecteurs que le bonheur se trouve dans les choses simples du quotidien plutôt que dans l’impersonnalité vers laquelle tend la société de consommation. Dans certains textes, on observe également une opposition entre le comportement humain – qui devient irrationnel car il s’autodétruit – et la féerie, ultime espoir pour l’humanité de percevoir la magie du monde afin de le respecter, comme cela transparaît dans la bande dessinée <a href="http://www.ventsdouest.com/bd/fee-et-tendres-automates-integrale-9782749304090.htm"><em>Fée et tendres automates</em></a> de Téhy et Tillier.</p>
<p>Dans d’autres œuvres, enfin, sont mis en scène des univers dans lesquels les hommes ont totalement disparu – soit ils ne semblent pas y avoir existé comme dans <a href="http://www.babelio.com/livres/Coste-Fedeylins-tome-1--Les-rives-du-Monde/231249"><em>Fedeylins</em></a> de Nadia Coste, soit ils appartiennent à une autre époque comme dans <a href="http://www.mnemos.com/JOOMLA2/index.php?option=com_content&view=article&id=89:requiem-pour-elfe-noir&catid=38:catalogue&Itemid=59"><em>Requiem pour elfe noir</em></a> de John Gregan –, témoignage d’un changement de paradigme qui met en avant le besoin d’émerveillement de notre société : les personnages féeriques deviennent aujourd’hui des figures centrales de notre imaginaire, après avoir souvent été relégués au rang de personnages et de thématiques secondaires.</p>
<h2>Êtres féeriques et prise de conscience</h2>
<p>L’imaginaire serait donc le reflet des préoccupations de la société qui le développe. En effet, la réactualisation d’un imaginaire féerique, à l’heure où plus personne n’ose croire en l’existence d’entités surnaturelles telles que les fées et les lutins qui peuplaient jadis nos mythes et légendes, semble témoigner d’une prise de conscience sociétale.</p>
<p>Les hommes comprennent peu à peu quelles sont les répercussions de leurs actes et tentent de retrouver une vie en harmonie avec la nature. Les artistes deviennent les porte-parole de ces messages et morales, plus facilement transmis et acceptés grâce au caractère métaphorique de l’imaginaire, qui met en scène les problématiques humaines dans des contextes en apparence très éloignés de notre univers.</p>
<p>Il s’agit alors de redécouvrir le monde sous un œil nouveau pour l’apprécier à sa juste valeur. Le poète <a href="http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/michael-edwards">Michael Edwards</a> déclare ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« S’émerveiller de l’ordinaire, du connu, rend plus attirant le quotidien, qui, après tout, est notre séjour, là où chaque destinée se forme, et découvre, même dans les <em>trivialités</em> du temps qui passe et des lieux qui demeurent, le surprenant et le mystérieux. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/61617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noémie Budin a reçu des financements de l'école Doctorale Stanislas - laboratoire Littératures, Imaginaire et Sociétés, dans le cadre d'un contrat doctoral à l'Université de Lorraine.</span></em></p>Les phénomènes de mode littéraires et cinématographiques sont aussi le reflet des préoccupations sociales, à travers l’exemple de la portée écologique de l’imaginaire féerique.Noémie Budin, Doctorante en littérature française - spécialiste de l'imaginaire féerique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/600192016-05-27T04:45:14Z2016-05-27T04:45:14ZLe sexe en réalité virtuelle, bientôt à portée de casque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/124157/original/image-20160526-22086-1tay99o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C84%2C668%2C361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À sa sortie en 1992, le long-métrage <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RQwXGwVs3CQ"><em>Le Cobaye</em></a> avait retenu l’attention des spectateurs et est resté depuis ancré dans l’imaginaire collectif. Une bonne partie du film portait sur la réalité virtuelle. On pourrait croire que l’émergence de cette nouvelle technologie, représentée de manière alors un peu effrayante, eût été le centre d’attention. Et non : c’est la scène de sexe virtuel qui avait à l’époque fait les gros titres.</p>
<p>Bien que le sexe en réalité virtuelle tenait alors encore du fantasme, c’est aujourd’hui une réalité promise à un bel avenir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le sexe virtuel des années 1990.</span></figcaption>
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<p>On se rappellera Oscar Wilde :</p>
<blockquote>
<p>Dans le monde, tout se réfère au sexe, sauf le sexe. Le sexe, c’est le pouvoir.</p>
</blockquote>
<p>Cette situation est toujours d’actualité en 2016. Le sexe est présent dans de nombreux aspects de nos vies. Rien d’étonnant alors qu’il s’insinue aussi dans nos réalités virtuelles. Nous pourrons bientôt faire n’importe quoi sans quitter notre salon. Bref, pour paraphraser Oscar Wilde : nous avons le pouvoir !</p>
<p>Pas surprenant non plus que l’industrie du porno ait des vues sur la réalité virtuelle. Selon le magazine <a href="http://fortune.com/2016/03/23/pornhub-adds-free-virtual-reality-section-for-oculus-google-cardboard/"><em>Fortune</em></a>, Pornhub, l’un des sites pornographiques les plus fréquentés, reçoit 60 millions de visiteurs par jour. Le site propose déjà de nombreuses vidéos immersives nécessitant l’utilisation des casques Google Cardboard ou l’<a href="https://theconversation.com/au/topics/oculus-rift">Oculus Rift</a>, le plus célèbre des casques de réalité virtuelle.</p>
<p>Comme pour n’importe quel film pornographique, les vidéos sont préenregistrées, mais tournées avec des caméras à 180 ou 360 degrés. Avec son casque, l’utilisateur est plongé dans la scène.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des gens découvrant le sexe en réalité virtuelle pour la première fois.</span></figcaption>
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<h2>Cybersexe</h2>
<p>Un autre secteur touché par ce phénomène concerne la sphère des <a href="http://www.multiplayersexgames.com/adult-games/53-3dxchat-review.html">simulations et des sites de rencontre</a>. Il est ici possible de se glisser dans la peau de n’importe quel avatar, mâle, femelle, humain ou pas, et d’interagir avec d’autres avatars au gré d’une large palette d’activités explicites à la portée d’un simple clic.</p>
<p>Ce genre de site est avant tout conçu pour ceux qui cherchent à pratiquer le sexe sans attachement émotionnel et de manière anonyme… ou ceux qui apprécient de cultiver leurs fantasmes dans un <a href="http://bonecraft.net/">univers de fantasy</a>.</p>
<p>Pour ceux en recherche de sexe virtuel et interactif avec leur vrai(e) partenaire, l’industrie a également tout prévu. Il existe de nombreux <a href="http://www.therichest.com/rich-list/most-shocking/10-virtual-reality-sex-toys-you-wont-believe-actually-exist/?view=all"><em>sex toys</em> connectés</a>, pour hommes et femmes, qui se branchent à un simple port USB d’ordinateur. De toute évidence, l’industrie du porno devrait aussi miser sur ces objets connectés.</p>
<h2>La femme en polyester</h2>
<p>Il est possible de combiner virtuel et réel avec une poupée « robotique ». Elles sont bien loin des caricatures de poupées gonflables d’autrefois. Il est aujourd’hui possible de se procurer un modèle plus vrai que nature, synthétique, mais présentant toutes les caractéristiques les plus recherchées. Certains vont jusqu’à proposer des articulations en <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Animatronique"><em>animatronic</em></a>. Dans un futur proche, il sera même possible de télécommander ces robots.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les robots-sexe.</span></figcaption>
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<p>Certains penseront peut-être que le développement du sexe en réalité virtuelle donne moins d’importance aux relations interpersonnelles, mais il y a de nombreux avantages. Ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ne peuvent pas sortir de chez eux, ou ceux qui manquent de confiance en eux pourront sans doute y trouver <a href="https://www.harpercollins.com/9780061359804/love-and-sex-with-robots">satisfaction</a>.</p>
<p>Cela pourrait même se révéler d’une importance stratégique en contribuant, par exemple, à rétablir un semblant d’équilibre dans certains pays où <a href="http://www.zmescience.com/other/feature-post/china-gender-imbalance-243423/">des millions d’hommes</a> peinent à trouver une partenaire.</p>
<p>On pourra aussi considérer la réalité virtuelle comme une option supplémentaire, venant compléter les services rendus par les textos, le téléphone, le sexe par webcam…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr David Evans Bailey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réalité virtuelle, simulation, sites de rencontres… À l’ère des objets connectés, le sexe ne se fait plus nécessairement à deux.Dr David Evans Bailey, PhD Researcher in Virtual Reality, Auckland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.